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Amendements  sur le projet ou la proposition

ogo2003modif

N° 3068

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 septembre 2015.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine,


TOME I

PAR M. Patrick BLOCHE,

Député.

——

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 2954

.

SOMMAIRE

___

Pages

PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION 13

INTRODUCTION 15

I. UNE CONSOLIDATION DU SOUTIEN PUBLIC AUX ACTEURS CULTURELS, AU SERVICE DE LA LIBERTÉ DE CRÉATION ET DE L’ACCÈS À LA CULTURE 19

A. UN TEXTE FONDATEUR EN MATIÈRE DE SOUTIEN À LA CRÉATION ARTISTIQUE 19

1. La liberté de création artistique : un principe à affirmer 19

a. Une liberté sous tension 20

b. Une affirmation nécessaire 22

2. La nécessaire consolidation législative des objectifs et des modalités de mise en œuvre de la politique de soutien à la création artistique 23

a. Une clarification des objectifs de la politique de soutien à la création artistique 23

b. Une consécration législative de la politique de labellisation 25

c. Un volet complété par des mesures favorisant en particulier la coordination de l’action publique 27

B. LE PARTAGE ET LA TRANSPARENCE DES RÉMUNÉRATIONS DANS LES SECTEURS DE LA CRÉATION ARTISTIQUE 29

1. Le secteur de la musique 29

a. Le débat sur le partage de la valeur résultant de l’exploitation de la musique en ligne 30

b. Des dispositions destinées à assurer une plus grande transparence et un meilleur équilibre dans les relations entre les acteurs 32

c. Un dispositif qui pourrait être complété en fonction des résultats de la mission de médiation confiée à M. Marc Schwartz 36

2. Le secteur du cinéma 37

a. La transparence des comptes de production et d’exploitation d’une œuvre cinématographique 38

b. Le contrôle des recettes d’exploitation cinématographique et l’organisation des échanges d’informations relatives à la projection numérique en salles 38

3. Un volet enrichi par la Commission 39

C. L’ÉLARGISSEMENT DE L’ACCÈS À L’OFFRE CULTURELLE ET LA PROMOTION DE LA DIVERSITÉ CULTURELLE 41

1. Une réforme ambitieuse de l’exception « handicap » 41

2. Les dispositions introduites par la Commission 42

D. LE DÉVELOPPEMENT ET LA PÉRENNISATION DE L’EMPLOI ET DE L’ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE ARTISTIQUES 44

1. Compléter la liste des artistes du spectacle pour permettre une meilleure application du droit du travail 44

2. Clarifier les conditions d’emploi des artistes par les collectivités territoriales 45

3. Améliorer la connaissance des secteurs du spectacle vivant et des arts visuels 46

E. UN CADRE LÉGISLATIF CLARIFIÉ POUR L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DE LA CRÉATION ARTISTIQUE, PORTEUR D’ÉGALITÉ DES CHANCES POUR LES ÉTUDIANTS 46

1. La reconnaissance des « classes prépas » artistiques publiques et du statut étudiant de leurs élèves 48

2. Un cadre législatif modernisé et harmonisé pour tous les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique 49

II. UNE REFONTE DU DROIT DU PATRIMOINE AU SERVICE D’UNE POLITIQUE PLUS COHÉRENTE ET PLUS LISIBLE 53

A. AMÉLIORER LA PROTECTION, LA CONSERVATION ET LA DIFFUSION DU PATRIMOINE CULTUREL 53

1. La consécration législative des fonds régionaux d’art contemporain 53

a. Les fonds régionaux d’art contemporain, acteurs majeurs de la décentralisation culturelle depuis plus de trente ans 53

b. Une consécration législative opportune et nécessaire 54

2. Une meilleure protection des collections des musées de France 56

a. Les avancées de la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France en matière de protection des collections 56

b. L’amélioration des conditions de conservation et de restauration des œuvres 57

B. MIEUX PROTÉGER LE PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE 59

1. Consolider le cadre juridique de l’archéologie préventive 60

a. Deux lois successives d’inspirations différentes 60

b. Un dispositif juridique fragilisé 62

2. Clarifier et simplifier le droit du patrimoine archéologique 64

a. Une définition enrichie du patrimoine archéologique 64

b. Une simplification du régime de propriété des biens archéologiques mobiliers 64

c. Une modernisation du livre V du code du patrimoine consacré à l’archéologie 65

C. CONSOLIDER ET SIMPLIFIER LA PROTECTION DU PATRIMOINE MONUMENTAL 66

1. Un niveau de protection du patrimoine français accru 66

a. Les biens inscrits au patrimoine mondial de l’humanité : une gestion améliorée 67

b. Une lutte plus efficace contre les atteintes portées à l’intégrité des monuments historiques 69

c. L’urgence de mieux protéger les domaines nationaux 73

2. Une protection du patrimoine plus cohérente 74

a. La protection des abords des monuments historiques au cas par cas 74

b. Les cités historiques, outils au service d’une préservation modernisée du patrimoine urbain et paysager 77

c. La simplification des régimes de travaux en abords de monuments historiques et au sein des cités historiques 80

d. La refonte des sanctions réprimant les manquements au droit du patrimoine 82

D. LE NÉCESSAIRE ENRICHISSEMENT DU VOLET ARCHITECTURAL DU PROJET DE LOI 83

1. Mieux protéger le patrimoine architectural contemporain par l’attribution d’un label spécifique 83

2. Le bonus de constructibilité de 5 % : un coup de pouce à la création architecturale 84

3. Créer un environnement propice au recours à l’architecte et à la création architecturale 85

TRAVAUX DE LA COMMISSION 87

I. DISCUSSION GÉNÉRALE 87

II. EXAMEN DES ARTICLES 129

TITRE 1ER – DISPOSITIONS RELATIVES À LA LIBERTÉ DE CRÉATION ET À LA CRÉATION ARTISTIQUE 129

Chapitre 1er – Dispositions relatives à la liberté de création artistique 129

Avant l’article 1er 129

Article 1er : Consécration du principe de liberté de création artistique 130

Article 2 : Objectifs de la politique de soutien à la création artistique et liberté de programmation artistique 135

Article 2 bis (nouveau) : Inscription annuelle à l’ordre du jour des conférences territoriales de l’action public d’un débat sur la politique en faveur de la création artistique 170

Article 3 : Labellisation des structures du spectacle vivant et des arts plastiques 173

Article 3 bis (nouveau) : Rapport au Parlement sur la mise en place d’un dispositif de « 1% travaux publics » 176

Après l’article 3 177

Chapitre II – Le partage et la transparence des rémunérations dans les secteurs de la création artistique 179

Avant l’article 4 179

Article 4 A (nouveau) : Formalisme des contrats de transmission des droits d’auteur 180

Article 4 B (nouveau) : Rapport sur l’amélioration du partage et de la transparence des rémunérations dans le secteur du livre 181

Article 4 (Chapitre II du titre unique du livre II du code de la propriété intellectuelle) : Coordination 184

Article 5 (art. L. 212-10 à L. 212-14 du code de la propriété intellectuelle) : Protection contractuelle des artistes-interprètes 185

Après l’article 5 200

Article 6 (art. L. 213-2 [nouveau] du code de la propriété intellectuelle) : Relations entre les producteurs de phonogrammes et les éditeurs de musique en ligne 201

Après l’article 6 205

Article 7 (art. L. 214-6 [nouveau] du code de la propriété intellectuelle) : Création d’un médiateur de la musique 207

Après l’article 7 216

Article 7 bis (nouveau) (art. L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle) : Participation de trois représentants des ministres chargés de la culture, de l’industrie et de la consommation aux travaux de la commission de la copie privée 217

Article 7 ter (nouveau) (art. L. 311-6 du code de la propriété intellectuelle) : Financement des études d’usage pour l’établissement des barèmes de la rémunération pour copie privée 219

Article 7 quater (nouveau) (art. L 321-9 du code de la propriété intellectuelle) : Champ et transparence de l’utilisation des 25 % de la rémunération pour copie privée affectés au financement d’actions artistiques et culturelles 220

Article 8 (art. L. 212-24 à L. 213-37 [nouveaux] du code du cinéma et de l’image animée) : Transparence des comptes de production et d’exploitation des œuvres cinématographiques 224

Article 9 (art. L. 421-1 du code du cinéma et de l’image animée) : Sanctions des manquements aux obligations de transparence des comptes de production et d’exploitation des œuvres cinématographiques de longue durée 240

Article 9 bis (nouveau) (art. L. 132-25 et L. 132-25-1 [nouveau] du code de la propriété intellectuelle) : Champ des accords entre représentants des auteurs et des producteurs d’œuvres audiovisuelles pouvant donner lieu à une extension par arrêté 241

Article 10 (art. L. 212-32, L. 212-33 et L. 212-34 [nouveaux] et L. 213-21 du code du cinéma et de l’image animée) : Contrôle des recettes d’exploitation cinématographique et échanges d’informations relatives à la projection numérique des œuvres cinématographiques en salles 243

Après l’article 10 251

Article 10 bis (nouveau) (art. L. 234-1 du code du cinéma et de l’image animée) : Limitation à trois ans de la validité de l’arrêté d’extension des accords professionnels relatifs à la chronologie des médias 253

Article 10 ter (nouveau) (art. L. 421-1 du code du cinéma et de l’image animée) : Coordination 254

Chapitre III – Promouvoir la diversité culturelle et élargir l’accès à l’offre culturelle 254

Avant l’article 11 254

Article 11 A (nouveau) : Reconnaissance des pratiques amateurs 258

Article 11 (art. L. 122-5 et L. 122-5-1 et L. 122-5-2 [nouveaux] du code de la propriété intellectuelle) : Réforme de l’exception au droit d’auteur au bénéfice des personnes handicapées 262

Article 11 bis (nouveau) (art. 18 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) : Respect des quotas de chanson francophones par les radios 274

Article 11 ter (nouveau) (art. 28 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) : Diversité des titres francophones diffusés au titre des quotas radiophoniques 275

Après l’article 11 277

Article 12 (art. L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle) : Coordination 277

Article 13 (art. L. 342-3 du code de la propriété intellectuelle) : Coordination 278

Après l’article 13 278

Article 13 bis (nouveau) (art. L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle) : Renforcement de l’obligation d’exploitation des œuvres audiovisuelles 279

Chapitre IV – Développer et pérenniser l’emploi et l’activité professionnelle 281

Avant l’article 14 281

Article 14 (art. L. 7121-2 du code du travail) : Liste des artistes du spectacle 282

Après l’article 14 285

Article 15 : Contrat de travail des artistes employés par une collectivité territoriale 287

Article 16 : Observation du secteur du spectacle vivant 289

Après l’article 16 292

Avant l’article 17 293

Article 17 A (nouveau) (art. L. 214-13 et L. 216-2 du code de l’éducation) : Réforme des troisièmes cycles des conservatoires 295

Article 17 (art. L. 75-10-1 et L. 759-1 à L. 759-5 du code de l’éducation) : Structuration de l’enseignement supérieur de la création artistique, du cinéma et de l’audiovisuel 299

Après l’article 17 308

Article 17 bis (nouveau) (art. L. 752-2 du code de l’éducation) : Mission des écoles d’architecture 309

Après l’article 17 311

TITRE II – PATRIMOINE CULTUREL ET PROMOTION DE L’ARCHITECTURE 314

Chapitre I – Renforcer la protection et améliorer la diffusion du patrimoine culturel 314

Article 18 A (nouveau) (art. L. 1 du code du patrimoine) : Patrimoine immatériel 314

Article 18 B (nouveau) (art. L. 111-7 du code du patrimoine, art. L. 111-8, L. 111-9, L. 111-10 et L. 111-11 [nouveaux], art. L. 114-1, art. L. 124-1 [nouveau] du code du patrimoine) : Lutte contre la circulation illicite des biens culturels 315

Avant l’article 18 319

Article 18 (art. L. 115-1, art. L.116-1 et L. 116-2 [nouveaux] du code du patrimoine) : Fonds régionaux d’art contemporain 320

Article 18 bis (nouveau) (art. L. 211-1 du code du patrimoine) : Définition des archives 323

Article 18 ter (nouveau) (art. L. 212-4-1 [nouveau] du code du patrimoine) : Mutualisation de la conservation des archives numériques entre collectivités publiques 325

Article 18 quater (nouveau) (art. L. 212-25 du code du patrimoine) : Encadrement des possibilités de démembrement des fonds d’archives privés 326

Article 18 quinquies (nouveau) (art. L. 214-8 du code du patrimoine) : Sanctions en cas de démembrement des fonds d’archives privés 327

Après l’article 18 328

Article 19 (art. L. 431-1, L. 452-1, L. 452-2, art. L. 452-2-1 [nouveau] du code du patrimoine) : Protection des biens des collections des musées de France en cas de restauration 329

Chapitre II – Réformer le régime juridique des biens archéologiques et des instruments de la politique scientifique archéologique 331

Article 20 (art. L. 510-1, L. 522-1, L. 522-2, L. 522-7, L. 522-8, L. 523-7, L. 523-8, L. 523-8-1 [nouveau], L. 523-9 à L. 523-11, L. 523-13, L. 541-1 à L. 541-9 du code du patrimoine) : Politique scientifique archéologique et régime juridique des biens archéologiques 331

Après l’article 20 362

Chapitre III – Valoriser les territoires par la modernisation du droit du patrimoine et la promotion de qualité architecturale 363

Article 21 : Labellisation des centres culturels de rencontre 363

Article 21 bis : Rapport sur l’affectation à un fonds géré par la Fondation du patrimoine des bénéfices tirés d’un tirage exceptionnel du Loto 364

Article 22 (Intitulé du livre VI du code du patrimoine) : Modification de l’intitulé du livre VI du code du patrimoine 366

Article 23 (art. L. 611-1, art. L. 611-2 et L. 611-3 [nouveaux], art. L. 612-1 et L. 612-2 du code du patrimoine) : Diverses dispositions modifiant le titre Ier du livre VI du code du patrimoine 366

Article 24 (art. L. 621-5, L. 621-6, L. 621-12, L. 621-9, L. 621-27, L. 621-30 à L. 621-33, L. 621-34 à L. 621-39 [nouveaux], L. 622-1-1 et L. 622-1-2 [nouveaux], L. 622-3, L. 622-4, L. 622-4-1 [nouveau], L. 622-10, L. 624-1 à L. 624-7, L. 631-1 à L. 631-3 [nouveaux], L. 632-1 à L. 632-3 [nouveaux], L. 633-1 [nouveau] du code du patrimoine) : Diverses dispositions modifiant les titres II et III du livre VI du code du patrimoine 380

Après l’article 24 406

Article 25 (L. 641-1 et L. 641-2, L. 641-3 et L. 641-4 [nouveaux], art. L. 642-1 et L. 642-2 du code du patrimoine) : Modification du titre IV du livre VI du code du patrimoine 410

Après l’article 25 415

Article 26 (art. L. 650-1 et L. 650-2 [nouveaux] du code du patrimoine) : Labellisation des immeubles présentant un intérêt architectural 416

Article 26 bis (nouveau) (art. L. 1616-1 du code général des collectivités territoriales) : Dispositions relatives à l’insertion d’œuvres d’art dans les constructions 420

Article 26 ter (nouveau) (art. L. 232-2 du code de l’énergie) : Rôle des conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement en matière de rénovation énergétique 421

Après l’article 26 422

Article 26 quater (nouveau) (art. 3 et 4 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture et art. L. 441-4 [nouveau] du code de l’urbanisme) : Recours obligatoire à un architecte pour les demandes de permis d’aménager des lotissements 424

Article 26 quinquies (nouveau) (art. 4 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture et art. L. 431-3 du code de l’urbanisme) : Dérogation à l’obligation de recourir à un architecte pour les demandes de permis de construire présentées par les personnes physiques 425

Article 26 sexies (nouveau) (art. 5 bis [nouveau] de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture) : Dispositions relatives aux concours d’architecture 427

Article 26 septies (nouveau) (art. 7 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture) : Dispositions relatives aux conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement 429

Article 26 octies (nouveau) (art. 15 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture) : Lutte contre les signatures de complaisance en matière de projet architectural 430

Article 26 nonies (nouveau) (art. 22 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture) : Représentation équilibrée des territoires au sein des conseils régionaux de l’ordre des architectes 432

Article 26 decies (nouveau) : Report des élections des membres du Conseil national de l’ordre des architectes et des conseils régionaux de l’ordre des architectes 433

Après l’article 26 433

Article 26 undecies (nouveau) : Expérimentation en matière de normes applicables à la construction 434

Article 27 (art. L. 710-1 [nouveau], L. 720-1 et L. 730-1 du code du patrimoine) : Dispositions relatives à l’outre-mer 435

TITRE III – HABILITATIONS À LÉGIFÉRER PAR ORDONNANCE 437

Chapitre I – Dispositions portant habilitation à compléter et modifier le code du cinéma et de l’image animée 437

Article 28 : Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour modifier et compléter le code du cinéma et de l’image animée 437

Article 29 : Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour modifier le code de la propriété intellectuelle 443

Chapitre II – Dispositions portant habilitation à compléter et modifier le code du patrimoine 444

Article 30 : Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour modifier et compléter le code du patrimoine 444

Chapitre III – Disposition portant habilitation à modifier et compléter le code de la propriété intellectuelle et le code du patrimoine s’agissant du droit des collectivités ultra-marines 456

Article 31 : Habilitation du gouvernement à légiférer par ordonnances pour compléter et modifier le code de la propriété intellectuelle et le code du patrimoine pour l’Outre-mer 456

TITRE IV – DISPOSITIONS DIVERSES, TRANSITOIRES ET FINALES 459

Chapitre I – Dispositions diverses 459

Article 32 (art. 322-3-1 du code pénal) : Dégradations d’éléments du patrimoine archéologique ou d’édifices de culte 459

Article 32 bis (nouveau) (art. 59 nonies [nouveau] du code des douanes) : Communication d’informations entre les agents des douanes et les agents chargés de la mise en œuvre du code du patrimoine 459

Article 32 ter (nouveau) (art. 2-21 du code de procédure pénale) : Constitution de partie civile des associations de protection du patrimoine 460

Article 33 (art. L. 331-18, art. L. 341-1-1 [nouveau], art. L. 350-2, art. L. 581-4, L. 581-8 et L. 581-21 du code de l’environnement) : Coordination avec le code de l’environnement 461

Article 34 (art. L. 122-8 du code forestier) : Coordination avec le code forestier 463

Article 35 (art. L. 4421-4 du code général des collectivités territoriales) : Coordination avec le code général des collectivités territoriales 464

Article 36 (art. L. 110, L. 111-6-2, L. 111-7, L. 123-1-2, L. 123-1-3, L. 123-1-5, L. 123-5-1 et L. 123-5-2, L. 127-1 et L. 127-2, L. 128-1, L. 300-6-1, L. 313-1, L. 313-12, L. 313-15, L. 322-2, L. 421-6, L. 480-1 et L. 480-2, L. 480-13 du code de l’urbanisme) : Modifications du code de l’urbanisme 464

Article 37 (art. L. 3212-2 du code général de la propriété des personnes publiques) : Cession par l’État de mobiliers de scénographie 476

Article 37 bis (nouveau) (art. 9 et 10 de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État) : Cotutelle du ministère de la Culture et du ministère des Affaires étrangères sur l’Institut français 477

Chapitre II – Dispositions transitoires 478

Article 38 : Dispositions transitoires 478

Article 39 : Disposition transitoire relative aux fonds régionaux d’art contemporain 479

Article 40 : Entrée en vigueur différée de certaines dispositions relatives au patrimoine et dispositions transitoires 479

Article 41 : Dispositions transitoires relatives aux instances consultatives du patrimoine 481

Article 42 : Dispositions transitoires relatives aux plans de sauvegarde et de mise en valeur et aux projets d’aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine 481

Chapitre III – Dispositions relatives à l’Outre-Mer 482

Article 43 : Application des dispositions des articles 1er à 7, 11 à 13, 20, 32 et 34 du projet de loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises 482

Article 44 : Adaptation des dispositions des articles 18 et 39 du projet de loi à Mayotte, en Guyane, en Martinique, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon 483

Article 45 : Adaptation de certaines dispositions du projet de loi à Mayotte 484

Article 46 : Adaptation de certaines dispositions du projet de loi à Saint-Martin et Saint-Barthélemy 484

ANNEXES 487

ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 487

ANNEXE N° 2 : LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES ADRESSÉES AU RAPPORTEUR 493

PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION

Réunie les mercredi 16 et jeudi 17 septembre 2015, la commission des affaires culturelles et de l’éducation a adopté le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, qu’elle a complété et enrichi par le biais de plus de 150 amendements.

À l’initiative du rapporteur, la Commission a notamment apporté les modifications suivantes :

– elle a complété la définition des objectifs de la politique en faveur de la création artistique, en précisant notamment que celle-ci doit soutenir la création d’œuvres en langue française, contribuer à la promotion des initiatives portées par le secteur associatif ainsi que par les lieux intermédiaires et indépendants, favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine de la création artistique, et participer à la valorisation des métiers d’art ;

– elle a adapté le régime des archives aux évolutions de notre temps en y intégrant les documents numériques, en facilitant la mutualisation de la conservation des archives numériques entre services publics d’archives et en améliorant la protection des fonds privés classés comme « archives historiques » ;

– elle a décidé d’inclure le patrimoine immatériel dans la définition juridique du patrimoine afin de mieux reconnaître et protéger les savoir-faire, les traditions orales et les pratiques sociales porteuses d’une identité, locale ou nationale ;

– elle a amélioré le dispositif de cités historiques sur plusieurs points, en confortant le rôle de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture, en incluant les paysages dans le champ des éléments susceptibles d’être protégés et en adaptant le dispositif aux intercommunalités ;

– enfin, en matière d’architecture, elle a adopté plusieurs amendements tendant à modifier la loi de 1977 sur l’architecture afin de favoriser la création architecturale et d’encourager le recours à l’architecte. Elle a notamment fixé à 150 mètres carrés de surface de plancher le seuil à partir duquel le recours à un architecte est obligatoire et posé, dans la loi, le principe du concours d’architecture.

Sur proposition du Gouvernement, la Commission a également adopté plusieurs articles additionnels tendant à :

– donner un cadre juridique aux pratiques artistiques amateurs,

– modifier le régime du troisième cycle de formation dispensé par les conservatoires de musique, de danse et d’art dramatique, marquant ainsi un réengagement de l’État notamment sur le plan financier,

– renforcer la législation en matière de lutte contre la circulation illicite des biens culturels,

– rendre obligatoire le recours à un architecte pour l’établissement des projets de lotissements.

INTRODUCTION

Le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, déposé en juillet dernier, figure, à n’en pas douter, parmi les textes les plus attendus de cette législature.

En effet, son champ particulièrement vaste, allant de la musique aux monuments historiques, en passant par l’archéologie préventive, les fonds d’art contemporain et les écoles d’art, répond à nombre de préoccupations qui animent, depuis plusieurs années, l’ensemble du monde culturel. Loin d’être un projet de loi « portant diverses dispositions d’ordre culturel », sa structure même affirme, pour la première fois, la nécessaire filiation qui existe entre la création et le patrimoine, entre les œuvres de l’esprit d’aujourd’hui et l’héritage culturel de demain.

L’ambition portée par ce texte est d’abord sociétale, car il affirme le rôle fondamental de la culture dans la consolidation du lien social et la perpétuation de la mémoire collective. Garantir la liberté de la création artistique, permettre la diffusion du patrimoine culturel, mieux préserver le patrimoine archéologique et consolider la protection du patrimoine monumental sont autant d’enjeux qui figurent au cœur de ce projet de loi, auxquels il conviendrait sans doute d’ajouter la protection du patrimoine culturel immatériel.

Par ailleurs, il convient de rappeler l’importance économique que revêtent les questions de création et de patrimoine. En effet, comme l’a montré un rapport établi à la fin de l’année 2013 par les inspections générales des finances et des affaires culturelles, la culture, dans son ensemble, occupe une place non négligeable dans notre économie, ce secteur représentant ainsi 3,2 % de la richesse nationale en 2011 et 2,5 % de l’emploi total en France en 2010.

Ce projet de loi arrive à point nommé pour consolider et parachever les mesures déjà prises par le Gouvernement dans le domaine de la culture depuis 2012, et plus singulièrement au cours de l’année écoulée.

La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République a ainsi conforté la logique d’exercice conjoint d’une compétence partagée par les différents pouvoirs territoriaux dans le domaine de la culture. La culture relève, par essence, de la compétence de toute assemblée élue. Il était de fait essentiel, alors que les collectivités territoriales sont, pour beaucoup, dans une situation budgétaire contrainte, que les acteurs de la culture continuent à recevoir le soutien de plusieurs collectivités.

La loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi a également marqué un tournant pour les artistes et techniciens du spectacle vivant, du cinéma et de l’audiovisuel. En effet, en reconnaissant, dans la loi, le régime particulier d’indemnisation au titre de l’assurance chômage des intermittents du spectacle, justifié par la discontinuité spécifique de leur emploi, le législateur a offert à ces professionnels un cadre juridique stabilisé, répondant ainsi à une préoccupation ancienne.

Au plan budgétaire enfin, si le ministère de la Culture et de la Communication a contribué, au cours des deux premiers exercices de la législature, à la réduction du déficit public, son budget a connu une légère augmentation en 2015, qui devrait se prolonger en 2016. Cette stabilité budgétaire, sur laquelle le Gouvernement, par la voix du Premier ministre, s’est engagé en juillet 2014, constitue en réalité un effort conséquent au regard des économies exigées d’autres ministères et traduit le caractère prioritaire des politiques publiques conduites en matière de création et de patrimoine.

Dans la continuité de l’action entreprise par le Gouvernement, le présent projet de loi réaffirme le rôle de l’État dans le domaine de la culture. Garant de la cohérence des politiques publiques sur l’ensemble du territoire, il a pour tâche d’assurer, d’une part, l’égalité d’accès de tous les publics à la culture et, d’autre part, la diversité de l’offre culturelle. Mais il est également garant de la préservation du patrimoine culturel, support de la mémoire collective ; il lui revient donc de veiller à la qualité de son entretien et de sa conservation.

Ce projet de loi s’apparente ainsi, par ses premiers articles, à une véritable loi d’orientation : il fixe un cadre clair aux politiques culturelles mises en œuvre conjointement par l’État et les collectivités territoriales et ajoute à l’édifice des droits et libertés en consacrant explicitement, dans son article 1er, la liberté de la création et, dans son article 2, la liberté de la programmation artistique. Il prend également en compte les besoins des artistes comme des industries culturelles, notamment dans un contexte de numérisation des biens culturels. Il devra néanmoins être complété afin notamment de faire une place plus grande aux problématiques propres au secteur des arts visuels.

En matière de protection du patrimoine, ce projet de loi fait très nettement écho à la loi adoptée il y a un peu plus d’un siècle relative aux monuments historiques. Il apporte enfin une réponse efficace à la question, récurrente depuis les années 1990, de la protection des objets mobiliers rattachés à un monument historique et crée de nouveaux outils pour freiner les velléités de démembrement du patrimoine français, monumental et mobilier.

Par ailleurs, ce projet de loi s’inscrit dans la stratégie nationale pour l’architecture du ministère de la Culture qui a vu le jour après la publication, en juillet 2014, du rapport concluant la mission d’information de notre commission sur la création architecturale (1). Dans le cadre de cette mission d’information, le rapporteur avait formulé de nombreuses propositions, dont certaines trouvent une traduction dans le texte. Si l’architecture figure, à juste titre, au sein de la trinité qui donne son nom au présent projet de loi, la commission pourra toutefois utilement compléter ce dernier pour encourager et faire vivre la création architecturale dans notre pays.

Enfin, le nécessaire effort de simplification des procédures et de transparence de l’action publique, préoccupation au cœur de l’action gouvernementale, trouve sa traduction dans le projet de loi qui nous est soumis, tant en matière de création artistique que de protection du patrimoine. Dans cette perspective,  un certain nombre d’ordonnances sont prévues par le projet de loi ; il conviendra toutefois de veiller à ce que le champ de l’habilitation ainsi donnée au Gouvernement n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour procéder à ladite simplification.

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I. UNE CONSOLIDATION DU SOUTIEN PUBLIC AUX ACTEURS CULTURELS, AU SERVICE DE LA LIBERTÉ DE CRÉATION ET DE L’ACCÈS À LA CULTURE

A. UN TEXTE FONDATEUR EN MATIÈRE DE SOUTIEN À LA CRÉATION ARTISTIQUE 

1. La liberté de création artistique : un principe à affirmer

L’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 consacre « la libre communication des pensées et des opinions » comme « un des droits les plus précieux de l’homme » tout en reconnaissant la possibilité de lui imposer certaines limites : « tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». En droit français, la liberté de création artistique ne découle qu’implicitement du principe constitutionnel de liberté d’expression alors qu’elle a été formellement consacrée en tant que telle dans de nombreux pays européens tels l’Autriche, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, la Grèce, le Portugal ou encore les pays d’Europe centrale.

Le principe de la liberté d’expression a été décliné dans deux grands textes fondateurs : l’article 1er de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dispose que « l’imprimerie et la librairie sont libres » ; de même, l’article 1er de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dispose que « la communication au public par voie électronique est libre ». Par parallélisme, l’article 1er du présent projet de loi, texte fondateur de la politique de soutien à la création artistique, dispose que la « création artistique est libre ». Comme l’indique l’exposé des motifs du projet de loi, il s’agit de consacrer « la spécificité de la démarche artistique au sein de la liberté d’expression ». En complément, l’article 2 propose de consacrer la « liberté de programmation artistique ».

Pas plus que la liberté d’expression, la liberté de création artistique, qui en constitue une modalité particulière, n’est absolue. Elle est soumise aux mêmes limitations que cette dernière (respect du droit de propriété et de la vie privée, protection de l’ordre public, prévention d’un danger pour la jeunesse, sanction de l’apologie ou de la provocation à commettre des atteintes graves et irréparables à des vies humaines ou à des biens, des crimes de guerre ou contre l’humanité, des actes de terrorisme, incitation à la discrimination ou à la haine, sanction de la diffusion ou exposition d’images ou représentations d’un mineur à caractère pornographique, sanction de la diffusion de message à caractère violent ou pornographique ou portant gravement atteinte à la dignité humaine etc.). Sans remettre en cause ces limitations, il s’agit néanmoins d’inviter le juge à tenir compte du fait que la création artistique constitue une modalité d’expression particulière impliquant souvent une prise de risque de la part du créateur qui remet en cause l’ordre établi, bouscule les conventions, transforme la réalité ou défriche de nouveaux territoires auxquels le public n’est pas préparé.

Comme l’indique l’exposé des motifs du projet de loi, « cette reconnaissance législative est essentielle à l’heure où l’environnement de la création artistique connaît de profondes mutations, qui se traduisent par de nombreuses remises en cause affectant la liberté de créer, les choix artistiques des créateurs et plus généralement le rapport du citoyen à la culture ».

a. Une liberté sous tension

Si la création artistique sous toutes ses formes (arts plastiques, spectacle vivant, littérature, cinéma) a toujours rencontré des oppositions et si l’histoire de l’art a connu de nombreux exemples de censure de la part du pouvoir politique et des autorités religieuses, ces dernières années, des artistes et des institutions culturelles sont régulièrement au centre de controverses : une œuvre jugée provocatrice ou transgressive suscite la réaction d’un groupe (une association, une communauté) ou d’individus qui en appellent aux autorités politiques ou judiciaires.

Ainsi, les pièces « Sur le concept du visage du fils de Dieu » de Roméo Castellucci, présentée à l’automne 2011 au Théâtre de la Ville puis au 104, et « Golgota picnic » de Rodrigo Garcia, programmée au théâtre du Rond-Point en 2011, ont-elles été attaquées par l’association catholique intégriste Civitas qui tentait d’en faire interdire les représentations. En 2013, c’est une exposition de l’artiste palestinienne Ahlam Shibli au Jeu de Paume à Paris qui fit polémique, des organisations extrémistes accusant l’artiste et l’institution de faire l’apologie du terrorisme et demandant le retrait de l’exposition. Le Jeu de Paume fut contraint de renforcer ses mesures de sécurité après plusieurs alertes à la bombe et manifestations hostiles.

Depuis 2000, le monde de l’art en France a connu de nombreuses controverses de ce type et les incursions plus ou moins directes de certains élus locaux dans la programmation artistique apparaissent de plus en plus fréquentes. De fait, le concepteur de projets culturels est de plus en plus confronté à la question de la monstration de certaines œuvres et de leur réception par le public et les autorités.

Tous les champs de la culture sont concernés : la presse (affaire des caricatures de Mahomet en 2005), la littérature, le cinéma (interdiction des affiches à Versailles en 2013 de « L’inconnu du lac », Prix de la Mise en scène / Un certain regard au Festival de Cannes), la chanson (titre « Sale pute » du rappeur Orelsan en 2009 avec des propos sur les femmes faisant polémique), le théâtre (déprogrammation par deux municipalités du spectacle « Oh Boy ! », Molière du spectacle jeune public en 2010, en novembre 2014). L’un des cas les plus emblématiques est celui de l’exposition « Présumés innocents – l’art contemporain et l’enfance » présentée du 8 juin au 1er octobre 2000 au musée d’art contemporain de Bordeaux (CAPC).

L’affaire de l’exposition « Présumés innocents – l’art contemporain et l’enfance » présentée du 8 juin au 1er octobre 2000 au musée d’art contemporain de Bordeaux

L’exposition controversée présentait 200 œuvres, photographies, vidéos et autres installations de 80 artistes internationaux reconnus, dont Christian Boltanski, Annette Messager ou Garry Gros, qui proposaient leur point de vue sur l’enfance.

Certaines œuvres quelque peu transgressives ou représentant des enfants nus ont choqué l’association catholique de protection de l’enfance La Mouette, qui a porté plainte contre Henri-Claude Cousseau, directeur du CAPC, Marie-Laure Bernadac et Stéphanie Moisdon, commissaires de l’exposition, pour « diffusion de message violent, pornographique ou contraire à la dignité accessible à un mineur » et « diffusion de l’image d’un mineur présentant un caractère pornographique » (sur la base des articles 227-23 et 227-24 du code pénal). La procédure, particulièrement traumatisante pour les mis en cause, a duré plus de dix ans. Par ordonnance du 19 juin 2009, les juges d’instruction ont renvoyé ces trois personnes devant le Tribunal correctionnel mais en mars 2010, la Cour d’appel de Bordeaux a infirmé ce renvoi et prononcé un non-lieu. L’association la Mouette s’est alors pourvue en cassation. Finalement, la Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 2 mars 2011, a rejeté le pourvoi de l’association, estimant qu’une œuvre de recherche artistique ou de l’esprit peut « surprendre, interpeller ou choquer » et ne sera jugée pornographique que si elle offre « une représentation grossière de la sexualité blessant la délicatesse et tendant à exciter les sens ».

Des œuvres sont régulièrement vandalisées en réaction à un sentiment d’incompréhension ou en attaque directe contre l’œuvre ou l’artiste. Le 6 septembre dernier, l’œuvre d’Anish Kapoor, « Dirty Corner », installée dans les jardins du château de Versailles, a été recouverte d’inscriptions haineuses et antisémites. La polémique se poursuit d’ailleurs sur la volonté de l’artiste de conserver les inscriptions comme témoins de l’intolérance et de la haine ambiante… En 2004, une photographie de Nan Goldin montrant des petites filles nues dansant a provoqué la destruction et la réimpression du catalogue du Festival d’Automne à Paris en 2004. En avril 2011, la photographie d’Andres Serrano « Immersion Piss Christ » a été détruite par un commando se présentant comme catholique lors de sa présentation au sein de la Fondation Lambert en Avignon. En octobre 2014, l’œuvre « Tree » de Paul Mc Carthy représentant un sapin de Noël gonflable inspiré de la forme d’un sex-toy et exposée dans le cadre de la FIAC hors-les-murs, après avoir été la cible de plusieurs associations (le Printemps français, la Manif pour tous), a été vandalisée par des inconnus la nuit place Vendôme. L’artiste, qui avait également été frappé au visage pendant l’installation de l’œuvre, a renoncé à sa présentation. Cette même année, le maire Front national d’Hayange (Moselle), a demandé aux services municipaux de repeindre en bleu une sculpture d’Alain Mila présente dans l’espace public, au motif que cela serait « plus décoratif » et au mépris des règles en matière de droit d’auteur.

Ces manifestations d’associations tendant à interdire la représentation d’une œuvre et les condamnations qui ont pu frapper des artistes ou organisateurs d’expositions ont eu pour conséquences de multiplier les dispositifs de prévention ou de précaution à l’encontre du phénomène créatif. En particulier, se développent de nouvelles formes de censure et, singulièrement, ce que M. Michel Orier, directeur général de la création artistique, a décrit comme une « forme d’autocensure préventive ».

En 2007, alors qu’elle était commissaire de la Biennale de Lyon, Stéphanie Moisdon, qui avait été mise en cause dans l’affaire précitée de l’exposition « Présumés innocents », a renoncé à exposer des œuvres de David Hamilton pour ne pas risquer d’éventuelles poursuites, évoquant « un acte d’autocensure mais aussi un geste critique qui consiste à montrer l’évolution dans cette dernière décennie d’une société amnésique et liberticide ». En 2010, la mairie de Paris a décidé, quelques jours avant l’ouverture au public, d’interdire aux mineurs de moins de dix-huit ans l’exposition « Kiss The Past Hello » de Larry Clark au Musée d’art moderne de la Ville pour se prémunir d’éventuelles poursuites judiciaires. L’artiste a vivement critiqué l’interdiction aux adolescents de l’accès à son travail alors qu’il s’adresse directement à eux et que ses œuvres avaient déjà été régulièrement montrées sans susciter le moindre problème. De même, en septembre 2012, l’une des œuvres de l’artiste plasticien marocain Mounir Fatmi (la vidéo « Technologia » appartenant au musée d’art moderne de Doha) a été retirée par les responsables du festival d’art contemporain Le Printemps de Septembre à Toulouse, ses détracteurs lui reprochant notamment, en permettant au public de marcher sur des passages du Coran, d’être « blasphématoire ». Un mois plus tard, une autre de ses œuvres (la vidéo « Sleep Al Naim » dans laquelle on voit Salman Rushdie dormir, son torse nu se soulevant et s’abaissant au rythme de sa respiration) a été censurée par l’Institut du Monde arabe, qui avait estimé l’œuvre « trop sensible vis-à-vis du monde musulman ».

b. Une affirmation nécessaire

Dans ce contexte, la consécration législative de la liberté de création artistique et de la liberté de programmation artistique apparaît particulièrement nécessaire.

Comme indiqué précédemment, la liberté de création artistique a toujours été appréhendée en droit français exclusivement à travers la liberté d’opinion et d’expression, contrairement à d’autres traditions juridiques ou à certains textes internationaux, notamment la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dont l’article 13 dispose que « les arts et la recherche scientifiques sont libres ». Or, selon les informations transmises au rapporteur, la jurisprudence aurait de plus en plus tendance à assimiler les œuvres d’art à des idées ou opinions, sans tenir compte de leur nature artistique.

L’affirmation du principe de liberté de création artistique au niveau législatif permettra de mettre, pour la première fois, en exergue en droit français la spécificité de la démarche artistique au sein de la liberté d’expression. Elle incitera le juge, dans son appréciation des impératifs à concilier, à tenir compte de la légitime insolence ou provocation inhérentes à certaines démarches artistiques. Il y aura à n’en pas douter une application jurisprudentielle de l’article 1er en droit interne.

2. La nécessaire consolidation législative des objectifs et des modalités de mise en œuvre de la politique de soutien à la création artistique

a. Une clarification des objectifs de la politique de soutien à la création artistique

L’article 2 a pour objet de donner enfin une assise législative au cadre d’intervention de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements ainsi que de leurs établissements publics en faveur à la création artistique.

En effet, à la différence des autres secteurs culturels, tels le patrimoine ou l’audiovisuel, le cadre juridique de la politique publique en faveur du spectacle vivant et des arts plastiques s’est construit au fil du temps sur des bases juridiques éparses, composées de textes de niveaux différents et n’a fait l’objet d’aucun dispositif législatif d’ensemble. Dans le domaine du spectacle vivant, le principal fondement légal est ainsi constitué par l’article 1-2 de l’ordonnance du 13 octobre 1945 (issu de l’article 2 de la loi n° 99-198 du 18 mars 1999) qui pose le principe général selon lequel l’État et les collectivités territoriales, leurs groupements et établissements publics, peuvent subventionner les entreprises de spectacles vivants. Aucun texte n’énonce un principe général équivalent dans le domaine des arts plastiques. En outre, aucun texte ne précise les objectifs légitimant une intervention des collectivités publiques en ce domaine. Cette situation est évidemment source d’incertitude pour les acteurs culturels.

Par ailleurs, si la décentralisation artistique qui a marqué la seconde moitié du XXème siècle a fait émerger dans notre pays un maillage exceptionnellement dense de structures dédiées à la production et à la diffusion du spectacle vivant et des arts plastiques (en 2013, 2 105 structures ont été aidées par le ministère de la Culture et de la Communication sur crédits déconcentrés), la politique de soutien à la création artistique souffre aujourd’hui d’un certain nombre de dysfonctionnements, rappelés par l’étude d’impact annexée au projet de loi et qu’il importe de surmonter.

« Faute de règles claires, l’évolution des participations respectives des collectivités publiques génère parfois des déséquilibres, y compris territoriaux, qui fragilisent le partenariat public autour des projets ou des institutions. L’absence de coordination des actions publiques peut conduire à des approches partielles, à une perte d’efficacité globale de l’intervention publique, voire à de possibles conflits entre plusieurs politiques sans approche d’ensemble.

Les politiques de soutien aux activités de création et de production artistiques souffrent également de plusieurs maux. Sous les effets conjugués de l’élargissement du champ artistique soutenu par les pouvoirs publics, de la multiplication du nombre d’entreprises, de projets et de dispositifs, les moyens publics, malgré leur augmentation constante, ont un impact plus faible sur les conditions de la production et de la diffusion. Entre les centres de production, les équipes conventionnées et celles aidées ponctuellement, une économie à plusieurs vitesses s’est instaurée qui ne favorise ni la professionnalisation ni la structuration du secteur. La rareté des instances de concertation institutionnalisée et de réelle portée entre l’État et les collectivités sur ce sujet ne permet pas de corriger ces évolutions. » (pages 15, 16).

Dans ce contexte, l’article 2 doit également permettre de créer les conditions d’une amélioration de la cohérence et de l’efficacité de cette politique publique, recentrée autour des objectifs fondamentaux de démocratisation culturelle, de traitement équitable des territoires, de développement des moyens de diffusion de la création artistique, d’enseignement artistique ainsi que de professionnalisation des auteurs et des artistes. Enfin, il a vocation à mettre en évidence la complémentarité de l’action conduite par l’État et les collectivités territoriales en ces domaines.

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Cet article a été largement complété et précisé par la Commission. Cette dernière a tout d’abord consacré la notion de service public de la culture. Elle a en outre inscrit à l’article 2 de nombreux objectifs qui n’y figuraient pas en particulier :

- le soutien à la création contemporaine de langue française ;

- le respect de l’équité territoriale ;

- le développement des actions d’éducation artistique et culturelle ;

- le respect des droits sociaux et des droits de propriété intellectuelle des artistes et des auteurs dans l’attribution des subventions ;

- la promotion des initiatives portées par le secteur associatif, les lieux intermédiaires et indépendants, acteurs de la diversité culturelle et de l’égalité des territoires ;

- la contribution à la formation initiale et continue des professionnels de la création artistique, à la mise en place de dispositifs de reconversion professionnelle adaptés aux métiers artistiques ainsi qu’à des actions visant à la transmission des savoirs et savoir-faire au sein des et entre les générations ;

- la juste rémunération des auteurs et le partage équitable de la valeur, qui passent notamment par la promotion du droit d’auteur aux plans européen et international ;

- l’égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine de la création artistique ;

- et la valorisation et la préservation des savoir-faire des métiers d’art.

b. Une consécration législative de la politique de labellisation

L’article 3 vise à sécuriser le label, outil fondamental de la politique de soutien à la création artistique, qui ne dispose en l’état actuel du droit d’aucun fondement législatif. En effet, hormis le décret n° 72-904 du 2 octobre 1972 relatif aux contrats de décentralisation dramatique qui encadre les rapports entre l’État et les centres dramatiques nationaux, la politique de soutien aux structures de création et de diffusion dite « labels et réseaux » repose aujourd’hui sur une circulaire du 31 août 2010, modifiée le 22 février 2013, qui regroupe en un seul texte les circulaires relatives à chaque label du spectacle vivant. Par ailleurs, dans le secteur des arts plastiques, la politique de soutien aux structures et aux lieux de création et de diffusion de l’art contemporain repose sur la circulaire du 9 mars 2001 pour les centres d’art.

Les labels du spectacle vivant

Les institutions culturelles bénéficiaires d’un label, ou inscrites dans un réseau, mettent en œuvre l’action culturelle d’aménagement du territoire poursuivie par le ministère de la Culture depuis cinquante ans en partenariat avec les collectivités territoriales.

En 2014, les structures bénéficiant d’une labellisation sont réparties de la façon suivante : 38 centres dramatiques nationaux et régionaux (CDN-CDR), 70 scènes nationales (SN), 18 centres chorégraphiques nationaux (CCN), 14 opéras et 19 orchestres en régions, 8 centres nationaux de création musicale (CNCM), 92 scènes de musiques actuelles (SMAC) et autres lieux de musiques actuelles, 12 pôles nationaux des arts du cirque (PNAC) ; 9 centres nationaux des arts de la rue (CNAR), 9 centres de développement chorégraphique (CDC), soit au total en 2014, 289 établissements représentant un subventionnement de plus de 194 millions d’euros pour l’État. L’intervention du ministère de la Culture et de la Communication sur ces structures labellisées représentait en 2014 environ 30 % de la dépense totale consacrée au programme création.

Quel que soit le type de label, le cadre de l’intervention de l’État repose sur une même économie.

L’État apporte son soutien aux structures qui présentent un niveau d’exigence artistique et de développement culturel, répondent aux critères de la politique publique et présentent un caractère d’intérêt général par leurs activités et leurs projets.

Le cahier des missions et des charges spécifique au label conféré à une structure fixe les obligations que celle-ci doit remplir pour satisfaire aux critères de la politique publique d’aides mise en œuvre au niveau national par l’État. Ces obligations varient suivant chaque label mais sont identifiées autour d’un socle d’engagements communs qui se traduisent par des responsabilités en termes de :

– missions artistiques : les établissements contribuent à développer la création et/ou la diffusion artistique dans un objectif d’exigence et d’innovation artistiques ;

– missions territoriales et en direction des publics : ils assument une responsabilité vis-à-vis de la population du territoire dans lequel ils sont implantés en proposant une politique visant à développer, renouveler et diversifier tous les publics, et particulièrement les plus éloignés et les publics empêchés, par tous moyens de diffusion ;

– missions pédagogiques par le développement d’actions d’éducation artistique et culturelle et de sensibilisation en direction des enfants, des jeunes et des publics spécifiques ;

– missions professionnelles : ils doivent constituer des espaces de ressources pour les artistes et les professionnels du territoire et leur offrir la possibilité de développer leur pratique artistique notamment par la mise en œuvre de dispositifs d’accueil et d’espace de travail, d’assistance et de conseil, voire de soutien financier à la production. Ils participent également à la formation et à l’insertion professionnelle des jeunes notamment par l’accueil d’étudiants stagiaires et d’apprentis et la mise en place de contrats de professionnalisation.

Sur cette base, le cadre d’intervention de l’État se caractérise par l’instauration de procédures harmonisées et transparentes pour la sélection du projet artistique et la désignation des personnes chargées de la mise en œuvre de ce projet au sein de la structure, qui reposent sur une procédure d’appel à candidatures et une évaluation qui se traduit par un dispositif d’encadrement conventionnel.

Comme l’indique l’étude d’impact, « ces dispositifs ne sont pas d’une portée juridique suffisante compte tenu de la variété des modes d’intervention des collectivités publiques dans le fonctionnement des structures et ne permettent pas en conséquence à l’État et aux collectivités territoriales d’avoir une influence suffisante pour s’assurer du respect de ce qui a conduit à l’attribution du label ». En consacrant au plan législatif la politique de labellisation, il s’agit donc en particulier de renforcer le contrôle sur les établissements labellisés, ce qui passe notamment par le pouvoir de nomination des directeurs de ces structures.

En effet, les structures bénéficiaires d’un label sont pour la plupart des structures de droit privé majoritairement constituées sous forme associative – à l’exception des centres dramatiques nationaux et régionaux qui ont, à deux exceptions près, un statut de sociétés commerciales – et sur lesquelles l’État attributeur du label n’a, en l’absence de disposition législative dérogatoire au droit commun, aucun autre outil de contrôle ou d’influence que de jouer sur le montant des subventions versées, voire de signifier, ce qui est le cas extrême, la possibilité du retrait du label.

Une intervention du législateur est donc indispensable, dans la mesure notamment où l’État souhaite pouvoir intervenir dans la désignation du dirigeant de la structure candidate à une labellisation, sans que cela puisse être contesté. Le choix du dirigeant constitue en effet un élément essentiel pour le succès du projet culturel porté par la structure et il convenait en la matière de sortir de ce qui pourrait apparaître comme de l’opacité et du « fait du prince ». Ainsi, la procédure de sélection du projet artistique et culturel et de désignation des directeurs de structures labellisées devra-t-elle s’exercer dans le respect des principes de transparence, d’égalité d’accès des femmes et des hommes aux responsabilités et de renouvellement des générations, gage de diversité des esthétiques et des approches.

La loi renvoie au pouvoir réglementaire le soin de préciser le cahier des missions et des charges attaché à l’attribution des différents labels ainsi que les modalités de la procédure d’instruction des demandes de label et ses conditions de renouvellement et de retrait. Le décret précisera également les prérogatives que l’État peut exercer à travers l’attribution du label. Les modalités du soutien, du contrôle et de l’évaluation seront également précisées et encadrées par décret.

c. Un volet complété par des mesures favorisant en particulier la coordination de l’action publique

Comme indiqué précédemment, la rareté des instances de concertation institutionnalisée et de réelle portée entre l’État et les collectivités constitue une des grandes faiblesses de la politique de soutien à la création artistique.

La principale instance de concertation est le conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC) qui regroupe 21 représentants du ministère de la Culture et de la Communication ainsi que 11 représentants d’associations d’élus : l’association des régions de France (ARF), l’assemblée des départements de France (ADF), l’association des maires de France (AMF), l’association « territoires urbains », l’association des maires ville et banlieue de France (AMVBF), l’association des petites villes de France (APVF), « Villes de France » (ex-fédération des villes moyennes FVM), l’assemblée des communautés de France (AdCF), l’association des maires ruraux de France (AMRF) et la fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC).

Des commissions régionales des professions du spectacle (COREPS), instances régionales de dialogue social dans les secteurs du spectacle vivant et enregistré, ont été mises en place dans chaque région à la suite de la circulaire du ministère de la Culture et de la Communication du 4 mars 2004. Elles constituent une déclinaison au niveau régional du conseil national des professions du spectacle (CNPS) et ne jouissent pas de la capacité juridique. Les travaux des COREPS ont débouché sur des réalisations concrètes (états des lieux, études prospectives, publication de données statistiques, élaboration de contrats d’objectifs emploi-formation) dans différents domaines (responsabilités des organisateurs de spectacle occasionnel, travail illégal, études sur les politiques et les financements publics de la culture, place des artistes et des projets culturels dans les dynamiques territoriales). Par ailleurs, elles sont venues compléter les Conférences du spectacle vivant en région organisées à la suite des entretiens de Valois. Force est pourtant de constater qu’aujourd’hui, et alors qu’elles ont été pensées comme des instances primordiales de dialogue entre les professionnels, l’État et les élus de la région, elles ne se réunissent plus depuis plusieurs années dans la plupart des régions. Seules les COREPS de Languedoc-Roussillon et de Poitou-Charentes restent particulièrement actives.

Dans ce contexte, des dispositions visant à une clarification et à meilleure coordination des politiques culturelles entre l’État et les collectivités territoriales avaient été rédigées lors de la première version du projet de loi création. Ces dispositions avaient en particulier pour objectifs :

 de permettre que dans chaque région le représentant de l’État et le président de la conférence territoriale de l’action publique (CTAP) prennent l’initiative d’un dispositif de coordination de l’action publique en matière culturelle, qui soit un outil partagé de dialogue et de diagnostic sur la situation et les enjeux culturels de chaque territoire, permettant de déboucher sur une co-construction des politiques publiques culturelles, dans une démarche de solidarité ;

– et d’organiser la prise en charge obligatoire des équipements culturels par les structures intercommunales que sont les communautés d’agglomération pour permettre un meilleur partage des charges financières entre collectivités publiques concernant leur rénovation, leur gestion ou leur entretien.

Ces dispositions avaient été proposées par le rapporteur et adoptées par l’Assemblée nationale lors de la seconde lecture du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), sous la forme d’une commission culture dans chaque CTAP mais cette mesure n’a finalement pas été retenue en commission mixte paritaire.

Conformément au vœu exprimé par de très nombreuses personnalités et organismes auditionnés, le volet relatif au soutien à la création artistique a été complété par des dispositions relatives à la coordination de l’action publique. La Commission a en effet adopté un amendement du rapporteur tendant à ce que le président de la CTAP inscrive obligatoirement au moins une fois par an à l’ordre du jour de cette dernière un débat sur la politique en faveur de la création artistique.

Par ailleurs, la Commission a également adopté un amendement du rapporteur visant à ce que le Gouvernement remette au Parlement, dans les six mois suivant la promulgation de la loi, un rapport sur la création d’un nouveau dispositif de « 1 % travaux publics » pour la création artistique en espaces publics, à côté du dispositif dit du « 1 % artistique » ou « 1 % bâtiments publics » créé en 1951, avec pour objectif de mettre le citoyen en relation avec des œuvres d’art plastique contemporaines. Il s’agirait de mettre en place un dispositif permettant à l’État et aux collectivités territoriales de consacrer volontairement 1 % du coût des opérations de travaux publics au soutien d’actions artistiques permettant à l’usager d’être mis en relation avec des manifestations artistiques et culturelles dans l’espace public.

B. LE PARTAGE ET LA TRANSPARENCE DES RÉMUNÉRATIONS DANS LES SECTEURS DE LA CRÉATION ARTISTIQUE

Le présent projet de loi vise, par ailleurs, à assurer une plus grande transparence et un meilleur équilibre dans les relations entre les acteurs des filières musicales (1) et cinématographiques (2). Ce volet a été substantiellement enrichi par la Commission (3).

1. Le secteur de la musique

La question du partage de la valeur créée par l’exploitation de la musique en ligne a fait l’objet de nombreuses discussions entre les acteurs et de plusieurs rapports qui n’ont toutefois pas permis d’aboutir à la mise en œuvre de solutions satisfaisantes (a). Dans ce contexte, les dispositions proposées par le projet de loi ont pour objectif de mieux encadrer et réguler les relations contractuelles entre les différents acteurs, ce qui passe en particulier par la création d’un médiateur de la musique (b). Ces dispositions reprennent certaines des propositions du rapport de M. Christian Phéline, « Musique en ligne et partage de la valeur – État des lieux, voies de négociation et rôles de la Loi », remis à la ministre de la culture et de la communication le 18 décembre 2013 et qui s’appuie sur une large consultation des professionnels du secteur. Ce volet du projet de loi pourrait néanmoins être complété en fonction des résultats de la mission de concertation confiée par le Gouvernement à M. Marc Schwartz en vue d’un accord sur la répartition de revenus au sein de la chaîne de valeur et dont les conclusions sont attendues fin septembre 2015 (c).

a. Le débat sur le partage de la valeur résultant de l’exploitation de la musique en ligne

La question du partage de la valeur liée à l’exploitation en ligne des œuvres se pose avec une acuité particulière dans le secteur de la musique, d’une part, entre les artistes-interprètes et leurs producteurs et, d’autre part, entre titulaires de droits et éditeurs de services en ligne (plateformes de streaming et de téléchargement).

● Entre producteurs et artistes-interprètes

Les artistes-interprètes contestent les modalités du partage de la valeur créée par l’exploitation de la musique en ligne. Ils soulignent l’opacité des modalités de calcul (notamment de l’assiette et des abattements) et la faiblesse des rémunérations unitaires attachées aux actes de téléchargement ou d’écoute en streaming, ces revenus étant notamment rapportés tant à ceux obtenus pour les exploitations physiques qu’à ceux qui résulteraient d’un partage paritaire comparable à celui des licences légales. Cette question a donné lieu à plusieurs rapports et missions de médiation, qui n’ont encore pas permis l’établissement d’un diagnostic objectif et consensuel ni la mise en œuvre de solutions satisfaisantes.

Une première réflexion sur le sujet a été conduite dans le cadre du rapport Création et Internet rendu en janvier 2011 par MM. Patrick Zelnik, Jacques Toubon et Guillaume Cerutti.

Une mission de médiation sur « la gestion des droits de la musique en ligne » a ensuite été confiée à M. Emmanuel Hoog par le ministre de la Culture et de la communication le 15 février 2010 et a abouti le 17 janvier 2011 à la signature d’un accord sur « 13 engagements pour la musique en ligne » par l’ensemble des parties prenantes du secteur de la musique en ligne et les pouvoirs publics. La mise en œuvre de cet accord, qui comportait treize engagements non contraignants et valant pour deux ans concernant en particulier les relations entre producteurs et artistes, a fait l’objet d’un bilan plus que mitigé dans le rapport de M. Christian Phéline et n’a pas permis de mettre un terme au débat sur le partage de la valeur.

Le rapport de la mission sur « l’acte II de l’exception culturelle » remis le 13 mai 2013 par M. Pierre Lescure à la ministre de la Culture et de la communication, relevait à nouveau, s’agissant de la musique enregistrée, que « le niveau des royautés perçues par les artistes-interprètes au titre de l’exploitation numérique (téléchargement et streaming) est régulièrement contesté : les abattements pratiqués, calqués sur le physique ou propres au numérique, conduisent à des taux de redevance réels inférieurs aux taux affichés. En conséquence, la baisse des revenus unitaires liée à la dématérialisation se double d’une diminution de la part relative revenant à l’artiste ». Les données chiffrées des sociétés de perception et de répartition des droits des artistes citées par le rapport ont cependant été vivement contestées par les producteurs phonographiques. Le rapport relevait également que « les musiciens et artistes d’accompagnement ne bénéficient généralement d’aucun intéressement sur l’exploitation de leurs enregistrements, car ils cèdent leurs droits voisins contre une rémunération forfaitaire. Seules les rares exploitations relevant de la gestion collective volontaire (par exemple les webradios) donnent lieu au versement d’une rémunération proportionnelle pour ces artistes ».

À la suite de ces travaux, la mission confiée à M. Christian Phéline avait notamment pour objectif de procéder enfin à une « objectivation » du partage de la valeur issue de l’exploitation de la musique en ligne. Force est néanmoins de constater que les chiffres présentés par le rapport continuent de susciter l’opposition des producteurs. Les études produites respectivement par l’ADAMI, l’UPFI et le SNEP montrent en effet des taux très variables de rémunération pour les artistes-interprètes principaux pour les exploitations numériques, en particulier le streaming.

En l’absence de consensus entre les acteurs et afin de favoriser le dialogue entre les différentes parties, le Gouvernement a confié une nouvelle mission de concertation à M. Marc Schwartz dont les conclusions seront rendues fin septembre 2015. Cette mission a pour objectif principal d’aboutir à un accord entre les parties prenantes sur la question de la répartition des revenus au sein de la chaîne de valeur. En cas d’échec de cette concertation, il est fort probable que l’intervention du législateur sera sollicitée.

● Entre producteurs et éditeurs de services en ligne

À l’ère numérique, les rapports entre ceux qui créent ou produisent les œuvres et ceux qui assurent leur diffusion ou leur distribution en ligne restent globalement difficiles. Ces tensions s’expliquent à la fois par la diminution générale des prix unitaires qui a accompagné la dématérialisation des biens culturels et par l’émergence de nouvelles formes d’exploitation inconnues dans l’univers analogique. Ces modèles d’affaires, qui ne sont pas encore stabilisés, bouleversent les conditions traditionnelles de partage de la valeur et suscitent des incompréhensions. Le secteur de la musique enregistrée est celui où les rapports sont les plus tendus, malgré les progrès consécutifs à la signature entre les acteurs, en janvier 2011, d’une charte dite « des 13 engagements pour la musique en ligne ».

D’une part, les représentants des plateformes françaises estiment que les conditions imposées par les détenteurs de catalogues ne leur permettent pas d’atteindre la rentabilité et encore moins de financer les investissements indispensables à l’innovation, au marketing et au développement international. Le rapport de M. Christian Phéline observe que les conditions d’accès aux catalogues des producteurs phonographiques, en particulier des trois majors (Universal Music Group, Sony Music Entertainment et Warner Music Group), sont aujourd’hui tellement contraignantes (avances et minima garantis incompatibles avec la réalité des exploitations, contrats particulièrement brefs, prises de capital, etc.) qu’elles font obstacle à l’apparition de nouveaux acteurs, garants d’une certaine diversité culturelle. De fait, alors que le chiffre d’affaires de la musique en ligne croît fortement, aucun nouvel acteur français n’émerge et de nombreux acteurs existants disparaissent ou sont menacés. Les risques de concentration de l’offre autour d’un oligopole majoritairement américain sont par ailleurs réels.

D’autre part, dans le cadre de leurs négociations commerciales avec de grandes plateformes internationales, de petits producteurs de musique peuvent se voir imposer des conditions d’accès à leur catalogue particulièrement déséquilibrées, si on les compare à celles dont peuvent bénéficier les producteurs au plus grand pouvoir de négociation.

Le rapport sur l’acte II de l’exception culturelle estimait qu’« une régulation des rapports contractuels contribuerait à garantir une juste valorisation des contenus tout en permettant aux services numériques de se développer, d’innover, de conquérir de nouveaux publics en France et à l’étranger, et, in fine, de créer de la valeur. Elle serait de nature à favoriser l’égalité de traitement, tant du côté des détenteurs de catalogues que du côté des plateformes, et l’émergence de nouveaux acteurs, indispensable à la diversité de l’offre ».

b. Des dispositions destinées à assurer une plus grande transparence et un meilleur équilibre dans les relations entre les acteurs

● Un renforcement de la protection contractuelle des artistes-interprètes

Alors que leurs contrats sont très peu encadrés par le code de la propriété intellectuelle, à la différence de ceux des auteurs, l’article 5 du projet de loi tend à introduire dans ce code quatre nouveaux articles afin de renforcer la position contractuelle des artistes-interprètes.

Le nouvel article L. 212-10 du code de la propriété intellectuelle étend aux artistes-interprètes le principe applicable aux auteurs selon lequel l’existence d’un contrat de travail ou de prestation de service est sans incidence sur la jouissance des droits. Le simple fait que le code de la propriété intellectuelle ne pose pas le principe selon lequel l’existence d’un contrat de travail n’emporte pas dérogation à la jouissance des droits de propriété intellectuelle a pu laisser penser que le salaire perçu par l’artiste interprète à l’occasion de l’enregistrement de son interprétation était de nature à couvrir la cession de tout ou partie de ses droits d’exploitation. L’article L. 212-10 inscrit donc dans la loi le principe posé par la jurisprudence (Cass, 1ère civ, 6 mars 2001) selon lequel la perception par un artiste-interprète d’un salaire en contrepartie de l’enregistrement n’épuise pas ses droits d’exploitation.

Le nouvel article L. 212-11 étend aux artistes-interprètes la protection garantie par notre droit aux auteurs dans leurs relations contractuelles avec les exploitants. Ainsi, lorsqu’un artiste-interprète cède ses droits patrimoniaux à un producteur, le contrat devra mentionner l’ensemble des droits d’exploitation cédés et les délimiter précisément selon quatre critères : étendue, destination, lieu et durée. Le contrat devra en outre prévoir expressément toute forme d’exploitation non prévisible à la signature du contrat ainsi qu’une rémunération corrélative.

Alors que certains producteurs phonographiques, notamment dans le cadre des contrats dits « à 360° », introduisent des dispositions contractuelles qui tendent à capter les droits et rémunérations des artistes provenant d’activités connexes telles que les produits dérivés, le droit à l’image, les revenus éditoriaux, ou encore les revenus liés à la tournée de l’artiste, le nouvel article L. 212-11 impose également un formalisme contractuel lorsqu’un artiste cède ce type de droits à un producteur de phonogrammes. Ce formalisme permettra aux artistes d’avoir une connaissance précise des droits qu’ils cèdent à leur producteur phonographique et, par conséquent, d’être en meilleure position pour négocier ces cessions de droits.

Le nouvel article L. 212-12 prévoit qu’en cas d’abus dans l’inexploitation par le producteur des droits qui lui ont été cédés, l’artiste-interprète pourra saisir le juge compétent afin qu’il ordonne toute mesure appropriée. Cette disposition a pour vocation de suppléer, dans des cas extrêmes et avérés, l’absence d’obligation d’exploitation par les producteurs des enregistrements effectués par les artistes interprètes. Cette disposition ne crée pas d’obligation d’exploitation au profit des producteurs mais permettra aux artistes dont l’enregistrement n’est pas exploité, à condition qu’ils prouvent une inaction abusive de la part du producteur, de demander au juge de trancher le litige.

Le nouvel article L. 212-13 établit quant à lui une distinction entre les sommes que perçoit un artiste de la musique au titre de son salaire et les rémunérations dues en tant que droits voisins. Contrairement à la situation des auteurs, le code de la propriété intellectuelle est à ce jour muet sur la rémunération des artistes-interprètes. Cette disposition garantit que l’artiste aura droit à une rémunération distincte pour chaque mode d’exploitation de sa prestation correspondant aux droits cédés dans le contrat, et précise que la mise à disposition des phonogrammes sous une forme physique et leur mise à disposition par voie électronique constituent deux modes d’exploitation distincts.

Enfin, le nouvel article L. 212-14 met en place une obligation de reddition de comptes semestrielle à la charge du producteur de phonogrammes, qui devra présenter de façon explicite et transparente à chaque artiste-interprète le calcul de sa rémunération pour chaque mode d’exploitation de sa prestation. Ce principe fait écho à des dispositions proches qui existent sur le droit d’auteur, notamment l’article L. 132-5 en matière de contrat d’édition. Le producteur de phonogrammes sera également tenu de fournir à l’artiste-interprète qui en fait la demande les justifications permettant de vérifier l’exactitude de ses relevés.

Lors des auditions du rapporteur, plusieurs acteurs du secteur musical se sont interrogés sur l’articulation de ces dispositions avec la convention collective nationale de l’édition phonographique (CCNEP) signée le 30 juin 2008 par 12 syndicats d’artistes, d’une part, et les producteurs de phonogrammes, de l’autre, et qui a été étendue à toutes les entreprises du secteur le 1er avril 2009. En effet, l’article 5 propose de différencier, d’une part, la rémunération versée en contrepartie de l’autorisation de fixation de la prestation de l’artiste-interprète, versée sous forme de salaire, et, d’autre part, la rémunération versée en contrepartie de l’exploitation de la prestation de l’artiste, chaque mode d’exploitation faisant l’objet d’une rémunération distincte. En l’état actuel, les dispositions de l’annexe III de la CCNEP sont en effet moins exigeantes que cette disposition. La CCNEP différencie deux types d’artistes, les artistes principaux et les artistes secondaires. Pour les premiers, la convention collective fixe une rémunération minimale « versée en contrepartie du travail lié directement à l’enregistrement » et laisse aux parties la liberté de négocier les conditions d’exploitation. Pour les artistes musiciens, le salaire payé rémunère à la fois la prestation, l’autorisation de fixation et l’exploitation du phonogramme selon les modes usuels d’exploitation des phonogrammes du commerce (vente, téléchargement, streaming (2)). Pour les autres modes d’exploitation, la convention collective prévoit des compléments de rémunération.

● Une amélioration de l’équilibre des contrats entre producteurs de phonogrammes et plateformes de musique en ligne

Les articles L. 441-6 et suivants du code de commerce régissent la transparence entre professionnels. L’article L. 441-6 pose plus particulièrement une obligation de communication des conditions générales de vente applicables entre professionnels. Si cette disposition participe au maintien d’une certaine transparence, la persistance de situations de déséquilibre au détriment de certains acteurs montre que le droit commun demeure insuffisant à réguler le secteur de la musique en ligne.

Il est donc proposé de poser le principe selon lequel le contrat conclu par le producteur d’un phonogramme avec une plateforme de musique en ligne fixe les conditions de l’exploitation des phonogrammes de manière objective et équitable. Par ailleurs, ces conditions ne pourront comporter de clauses discriminatoires non justifiées par des contreparties réelles.

En imposant la fixation objective et équitable des conditions d’exploitation des phonogrammes, la disposition vise à améliorer la transparence mutuelle entre producteurs de phonogrammes et plateformes de musique en ligne. Cette mesure permettra d’assurer un accès équitable aux catalogues de musique pour les petites plateformes. Les petits producteurs pourront quant à eux s’appuyer sur cet article pour obtenir des conditions commerciales plus équilibrées avec les plateformes.

Le caractère objectif et équitable sera apprécié au regard de différents critères : caractère équilibré ou non des conditions d’accès aux catalogues, conditions financières fondées sur des données réelles du marché, bonne foi dans la définition des objectifs de résultats, etc. Le médiateur de la musique, que l’article 7 tend à instituer, pourra donner son avis sur le respect de ces critères et chercher à rapprocher les positions en cas de litige.

● L’institution d’un médiateur de la musique

Le rapport précité de M. Christian Phéline soulignait le besoin d’une procédure ad hoc de traitement précontentieux des conflits dans le secteur de la musique : « Le régime des contrats des artistes-interprètes se fonde sur une imbrication complexe du droit du travail et de la propriété littéraire et artistique. La rédaction des contrats est en outre elle-même d’une complexité qui confine souvent à l’équivoque ou à l’opacité. Cela suffit à expliquer que ceux des contentieux qui sont soumis à la justice ne soient traités qu’avec difficulté tant par les juridictions prud’homales que devant les tribunaux de grande instance. De manière générale, les tensions entre parties, aussi bien dans les rapports des producteurs et les plateformes que dans ceux avec les artistes, sont accentuées par l’ensemble des incertitudes demeurant sur l’économie des offres musicales en cours d’essor dans l’univers numérique et par l’absence à ce jour de normes directrices partagés. Dans sa spécificité, ce type de situations pourrait ainsi justifier le recours à des formes spécialisées de traitement des conflits, telles qu’il a pu s’en mettre en place dans d’autres domaines ».

Par ailleurs, comme l’indique l’étude d’impact, en raison de rapports de force déséquilibrés, le recours au juge est envisagé avec une très grande prudence par les professionnels. Le rapport « Phéline » privilégiait la solution d’un « médiateur public ». Cette voie s’inspire du rôle imparti, dans le secteur culturel, au médiateur du cinéma, organe indépendant créé en 1982 et chargé d’une mission de conciliation entre distributeurs et exploitants relatifs à la diffusion des films en salle. Ce modèle a déjà inspiré la création d’un médiateur du livre par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation. Le médiateur du livre est chargé de la conciliation des litiges portant sur l’application de la législation relative au prix unique du livre.

Conformément à ces recommandations, l’article 7 institue un médiateur de la musique, qui aura pour mission de favoriser la conclusion de tout accord, en particulier des codes des usages, entre les producteurs de phonogrammes, les artistes et les plateformes de musique en ligne. La négociation de codes des usages pourrait d’ailleurs aller plus loin que ne le fait le présent projet de loi dans l’encadrement des pratiques contractuelles entre les acteurs du secteur (conditions d’utilisation du répertoire par les plateformes, durée des contrats, transparence et lisibilité des redditions de comptes semestrielles etc.).

Le médiateur pourra par ailleurs être saisi de tout conflit portant sur l’interprétation ou l’exécution de tout accord professionnel conclu entre les producteurs de phonogrammes, les artistes et les plateformes de musique en ligne, y compris sur les codes des usages qu’il aura préalablement favorisés, ainsi que sur l’interprétation ou l’exécution de tout contrat conclu entre producteurs et artistes ou bien entre producteurs et plateformes de musique en ligne.

Le médiateur pourra être saisi par tout artiste-interprète, par tout producteur de phonogrammes et par tout éditeur de service de communication au public mettant à disposition des œuvres musicales ou par tout mandataire, par toute organisation professionnelle ou syndicale intéressée, ainsi que par le ministre chargé de la culture.

Le médiateur pourra inviter les parties à lui communiquer toute information utile et procéder à des auditions. Si les parties parviennent à un accord, il établira un procès-verbal de conciliation précisant les mesures pour le mettre en œuvre. Il pourra également faire le choix de rendre public ce procès-verbal, dès lors que les informations qu’il contient ne portent pas atteinte au secret des affaires. À défaut d’accord, il pourra faire une recommandation aux parties et la rendre publique.

Cette démarche de conciliation n’interférera pas avec les compétences reconnues par ailleurs à l’Autorité de la concurrence : en effet, le médiateur devra saisir cette autorité lorsqu’il décèlera l’existence de faits pouvant constituer des pratiques anticoncurrentielles au sens du code de commerce.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur visant à étendre le champ de compétence du médiateur de la musique aux relations entre les producteurs de phonogrammes et les producteurs de spectacles, afin de mieux tenir compte de la place de la production de spectacle dans l’écosystème de la musique et notamment dans les revenus des artistes.

c. Un dispositif qui pourrait être complété en fonction des résultats de la mission de médiation confiée à M. Marc Schwartz

Comme indiqué précédemment, parallèlement au dépôt du présent projet de loi, la ministre de la Culture et de la communication a confié à M. Marc Schwartz une mission de médiation dont l’objectif est d’aboutir d’ici fin septembre 2015 à un accord interprofessionnel relatif à la définition de la structure des rémunérations et au partage des revenus issus des exploitations numériques de la musique. Le rapport précité de M. Christian Phéline préconisait de fixer des principes relatifs à la définition de l’assiette des rémunérations des artistes-interprètes pour les exploitations numériques, au recours aux abattements et aux obligations de compte rendu. Ces problématiques sont au cœur de la mission confiée à M. Marc Schwartz.

Il serait par ailleurs souhaitable que cette mission permette enfin d’apporter des données objectives sur l’évolution du partage de la valeur entre producteurs et artistes-interprètes car, comme l’ont confirmé les différentes auditions conduites par le rapporteur, l’une des grandes difficultés à laquelle se heurte le débat sur ce sujet, malgré une succession de missions destinées à l’éclairer, est l’absence de données fiables et indépendantes. À cet égard, la création d’un observatoire, préconisée par plusieurs des interlocuteurs entendus au cours des auditions, peut s’avérer opportune à moins que cette mission ne soit confiée plus simplement au médiateur de la musique.

Dans l’hypothèse où les conditions d’un accord seraient réunies, le législateur pourrait être amené à inscrire dans la loi certains des éléments issus de cet accord. En particulier, si la mission conduisait à l’adoption d’un code des usages ou d’un protocole d’accord, certaines de ses clauses pourraient faire l’objet d’une transcription législative.

Dans l’hypothèse où les conditions d’un accord entre les parties ne seraient pas réunies, comme l’indique l’étude d’impact, « la mission formulera des propositions équilibrées et conformes à l’intérêt général du secteur en vue de leur soumission au législateur. Parmi ces propositions, pourrait figurer l’introduction dans le projet de loi d’un mécanisme de gestion collective obligatoire des rémunérations des artistes-interprètes pour les exploitations numériques ». Il convient à cet égard de rappeler que les rapports « Zelnik », « Lescure » et « Phéline » ont tous formulé des propositions portant sur la mise en œuvre d’une gestion collective obligatoire des droits de la musique en ligne.

2. Le secteur du cinéma

Comme l’a souligné Mme Frédérique Bredin, présidente du centre nationale du cinéma et de l’image animée (CNC) lors de son audition le 28 juillet 2015, depuis le début des années 2010, le secteur du cinéma a fait l’objet de « nombreuses polémiques portant en particulier sur le manque de transparence, polémiques qui étaient d’autant plus inquiétantes qu’elles étaient justifiées ». Le rapport de M. René Bonnell de décembre 2013 sur le financement de la production et de la distribution cinématographique à l’heure du numérique a établi un constat approfondi sur l’économie du secteur (production, distribution, exploitation, vidéo, télévision) et la situation des relations économiques entre les différents acteurs de la filière. Ses propositions, qui relèvent de champs différents (adaptation des pratiques professionnelles, modifications législatives ou réglementaires notamment en matière d’aides publiques), ont fait l’objet depuis mars 2014 d’une large concertation auprès des organisations professionnelles et ont abouti à un certain nombre de mesures visant à améliorer la transparence de la filière, à mieux maîtriser les coûts et à améliorer le soutien à la production et à la distribution. L’amélioration de la transparence économique de la filière est au cœur des articles 8, 9 et 10 du présent projet de loi.

a. La transparence des comptes de production et d’exploitation d’une œuvre cinématographique

Les articles 8 et 9 concernent en premier lieu la transparence des comptes de production. Ils imposent au producteur délégué d’une œuvre aidée par le CNC d’établir et de transmettre à ses coproducteurs, ses cofinanceurs intéressés aux recettes, ainsi qu’aux auteurs concernés les comptes de production de cette œuvre dont le contenu est prévu par la loi et dont les conditions générales de mise en œuvre doivent être définies par accord professionnel étendu ou à défaut par décret en Conseil d’État.

Ces comptes de production pourront faire l’objet d’un audit à l’initiative du CNC, qui en transmettra le rapport au producteur délégué, à ses coproducteurs, ses cofinanceurs intéressés aux recettes, ainsi qu’aux auteurs concernés.

En second lieu, ces mesures concernent la transparence des comptes d’exploitation. Elles imposent aux cessionnaires ou détenteurs d’un mandat d’exploitation d’une œuvre aidée par le CNC d’établir et de transmettre au producteur délégué les comptes d’exploitation de cette œuvre dont le contenu doit être défini par accord professionnel étendu ou à défaut par décret en Conseil d’État. Ces comptes pourront également faire l’objet d’un audit à l’initiative du CNC. Afin d’assurer la transparence vis-à-vis des partenaires du producteur et des ayants droit, ces comptes et le rapport d’audit éventuel leur sont transmis, pour ce qui les concerne, par le producteur délégué.

b. Le contrôle des recettes d’exploitation cinématographique et l’organisation des échanges d’informations relatives à la projection numérique en salles

L’article 10 a pour objet, d’une part, de consolider les dispositifs de contrôle des recettes d’exploitation cinématographique et, d’autre part, de préciser l’organisation et les destinataires des échanges d’informations relatives à la projection numérique des œuvres cinématographiques en salles.

L’encadrement juridique du contrôle des recettes d’exploitation des œuvres cinématographiques est aussi ancien que le CNC, mais a été modernisé en 2009, d’une part lors de l’édiction de la partie législative du code du cinéma et de l’image animée (article L. 212-32), d’autre part au moyen de son décret d’application n° 2009-1254 du 16 octobre 2009. Cet encadrement réglementaire précise les contraintes reposant sur les exploitants quant à la manière dont fonctionne et dont est tenue leur billetterie, ainsi que leurs obligations de transmission régulière d’informations. Mais il prévoit également des obligations s’imposant à d’autres professionnels, qui fabriquent, fournissent et installent des billets ou des systèmes informatisés de billetterie. Il est proposé de consolider au plan législatif les obligations imposées à ces personnes et professionnels autres que l’exploitant de l’établissement de spectacles cinématographiques.

Par ailleurs, la loi n° 2010-1149 du 30 septembre 2010 relative à l’équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques a permis très efficacement la numérisation rapide et totale des salles françaises. Dans le cadre du dispositif financier institué par cette loi pour faciliter la numérisation des salles, l’article L. 213-21 du code du cinéma et de l’image animée a imposé aux exploitants d’établissements de transmettre tant aux distributeurs qu’au CNC les données extraites des journaux de fonctionnement des équipements de projection numérique relatives à l’exploitation des œuvres cinématographiques de longue durée et à l’utilisation de ces équipements. Cette transmission est nécessaire en particulier pour assurer une meilleure transparence de la programmation des films en salles ainsi que, dans un nouveau cadre technologique, une plus grande efficacité en matière d’information sur les recettes d’exploitation. Or, cette obligation n’a pu être mise en œuvre à ce jour, en raison de nombreux problèmes techniques. L’évaluation conduite par le CNC a conclu à la nécessité d’imposer aux exploitants et à des professionnels en relation avec eux des obligations de transmission de données accessoires, indispensables pour l’interprétation des données extraites des journaux de fonctionnement des équipements.

Ces deux mesures doivent donc contribuer à assurer une meilleure transparence de la remontée des recettes d’exploitation aux ayants droit.

3. Un volet enrichi par la Commission

La Commission a substantiellement enrichi ce volet du projet de loi.

Elle a adopté un amendement du rapporteur (article 4 A nouveau) visant à protéger les auteurs, notamment dans le secteur des arts visuels, contre le développement de pratiques contractuelles informelles.

L’article 4 B (nouveau), également issu d’un amendement du rapporteur, prévoit, dans un délai de six mois suivant la promulgation de la loi, que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les conséquences qu’il entend tirer de la concertation entre les organisations représentatives des éditeurs et des titulaires de droits d’auteurs sur différents sujets destinés à améliorer les conditions du partage et la transparence des rémunérations dans le secteur du livre.

La Commission a également introduit un important volet destiné à consolider le système de la copie privée.

L’article 7 bis (nouveau) prévoit la participation, avec voix consultative, de trois représentants des ministres chargés de la culture, de l’industrie et de la consommation aux travaux de la commission pour la copie privée. Sans remettre en cause le principe du paritarisme de cette commission où siègent 12 représentants des ayants droit et 12 représentants des redevables de la rémunération pour copie privée, la désignation de tiers neutres doit contribuer à renfoncer la légitimité du prélèvement, à apaiser le fonctionnement de la commission de la copie privée et à limiter les risques de recours contentieux.

L’article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle subordonnent l’adoption par la commission de la copie privée de barèmes de rémunération à la réalisation d’études d’usage préalables. Pour renforcer l’indépendance et la transparence des études menées, l’article 7 ter nouveau prévoit qu’une part  limitée à 1 % du montant global de la rémunération pour copie privée puisse être affectée à leur financement.

La rémunération pour copie privée représente aujourd’hui une part capitale du financement de la création française et contribue à la promotion d’une plus grande diversité culturelle. En effet, 25 % des sommes collectées au titre de cette rémunération sont affectées à des actions d’aides à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation d’artistes.

L’article 7 quater nouveau étend le champ des actions éligibles à ces 25 % au soutien à l’éducation artistique et culturelle, dispensée par des artistes.

Enfin, l’article L. 321-9 du CPI précise que le montant et l’utilisation des sommes affectées à des actions d’aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à la formation des artistes font l’objet, chaque année, d’un rapport des sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD) au ministre chargé de la culture et aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. L’article 7 quater prévoit la publication de ces informations dans une base de données commune à l’ensemble des SPRD. Cette mesure, qui figure parmi les préconisations de la mission parlementaire sur les 30 ans de la copie privée, permettra de renforcer la légitimité de la rémunération pour copie privée du point de vue des redevables et des consommateurs.

Afin de compléter le volet consacré à la transparence et au partage des revenus dans le secteur du cinéma, l’article 9 bis (nouveau), issu d’un amendement du rapporteur, prévoit que le ministre chargé de la culture puisse étendre non seulement les accords relatifs à la rémunération des auteurs comme le prévoit le CPI mais aussi les accords portant sur d’autres aspects des relations entre auteurs et producteurs (pratiques contractuelles, usages professionnels).

Par ailleurs, les auditions conduites par le rapporteur ont également mis en évidence l’opportunité d’étendre les obligations de transparence imposées par l’article 8 du présent projet de loi au secteur du cinéma à l’audiovisuel. Selon les informations transmises au rapporteur, une concertation est en cours sur ce sujet. Il serait intéressant que cette concertation puisse permettre l’introduction dans le présent projet de loi de dispositions destinées à accroître la transparence dans le secteur de l’audiovisuel.

Enfin, le code du cinéma et de l’image animée prévoit que la chronologie des médias, en matière d’exploitation des œuvres cinématographiques sur les services de télévision et sur les services de médias audiovisuels à la demande (SMAD), peut être fixée par voie d’accord professionnelle étendu.
Ces accords sont actuellement conclus pour une durée initiale de trois ans, renouvelable par tacite reconduction pour la même durée. Afin de renforcer la portée de cette clause de rendez-vous tous les trois ans et, en conséquence, de favoriser une adaptation de la chronologie de médias, l’article 10 bis (nouveau), issu d’un amendement du Gouvernement, limite la validité de l’arrêté d’extension de ces accords à trois ans, en se réservant la possibilité d’une extension pour une durée moindre.

C. L’ÉLARGISSEMENT DE L’ACCÈS À L’OFFRE CULTURELLE ET LA PROMOTION DE LA DIVERSITÉ CULTURELLE

Ce volet, qui se limitait initialement à une réforme ambitieuse de l’exception « handicap » (1), a été largement enrichi par la Commission (2).

1. Une réforme ambitieuse de l’exception « handicap »

Le numérique constitue également une formidable opportunité pour améliorer l’accès aux biens culturels, que le présent projet de loi vise à favoriser s’agissant des livres.

La loi du 1er août 2006 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information a introduit dans le code de la propriété intellectuelle une exception au droit d’auteur au bénéfice des personnes handicapées. Cette exception dispense les organisations adaptatrices de demander l’autorisation des titulaires de droits préalablement à la reproduction et à la représentation des œuvres au bénéfice de leur public, à condition que ces organisations soient agréées après avis d’une commission ad hoc et que leur public soit composé de personnes présentant un taux de handicap les empêchant de lire supérieur à 80 %. Cette dispense vise à faciliter le travail d’adaptation et à permettre un accroissement de l’offre.

Un rapport intitulé « Exception handicap au droit d’auteur et développement de l’offre de publications accessibles à l’ère numérique » de l’Inspection générale des affaires culturelles d’avril 2013 a dressé un bilan critique de la mise en œuvre de cette exception au regard de l’objectif d’accroissement de l’offre accessible. Aujourd’hui, seule une fraction marginale des textes publiés a pu être adaptée pour être rendue accessible aux personnes actuellement bénéficiaires de l’exception.

Une mission du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (3) a également exploré la question de la circulation transfrontalière des documents adaptés dans le contexte des discussions du traité « visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées » adopté le 27 juin 2013 à Marrakech dans le cadre de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).

L’article 11 du projet de loi modifie les critères d’éligibilité applicables afin d’élargir le bénéfice de l’exception à l’ensemble des personnes empêchées, du fait de leur handicap, de lire ou de comprendre une œuvre compte tenu de la forme sous laquelle elle est mise à la disposition du public. Cette nouvelle définition des publics bénéficiaires de l’exception a le mérite d’en cantonner le champ aux situations où elle est nécessaire, tout en garantissant qu’elle n’en omettra aucune. Elle laisse par ailleurs toute leur place aux initiatives portées par les éditeurs et visant à, graduellement, mettre en circulation des textes accessibles à une part croissante de la population, dans des conditions ordinaires de diffusion.

L’article 11 vise par ailleurs à élargir l’offre disponible pour les personnes handicapées éligibles, en mettant à leur disposition la totalité des catalogues des publications adaptées. Il pose, à cet effet, l’obligation pour les associations et organismes agréés de déposer auprès de la Bibliothèque nationale de France les fichiers des documents adaptés afin de constituer un point unique de disponibilité de ces documents, garantissant ainsi la mutualisation des efforts et le partage des bénéfices. Il autorise également les organismes agréés à échanger entre eux les fichiers des ouvrages adaptés.

L’article 11 vise ensuite à créer les conditions d’un développement substantiel de l’offre de publications adaptées, en imposant la fourniture aux associations et organismes agréés des fichiers numériques d’œuvres dans un format qui permette de produire, aisément et à moindre coût, des publications accessibles. La liste de ces formats sera arrêtée par le ministre chargé de la culture après consultation des parties concernées.

L’article 11 vise enfin à permettre la diffusion à l’étranger d’œuvres adaptées en France dans les meilleurs délais, sans attendre la ratification du traité de l’OMPI signé le 27 juin 2013 à Marrakech qui définit les conditions et les modalités de circulation entre les États parties des fichiers d’œuvres adaptées.

2. Les dispositions introduites par la Commission

● Le volet consacré à la promotion de la diversité culturelle a été complété par un dispositif destiné à adapter le cadre juridique des pratiques artistiques amateurs. En effet, comme cela a été rappelé au cours des auditions, alors qu’elle concerne aujourd’hui plus de dix millions de personnes en France et doit être encouragée, la pratique amateur demeure freinée par un cadre juridique inadapté.

Ainsi, il convient d’éviter que le recours à des artistes amateurs soit considéré comme devant entraîner la conclusion d’un contrat de travail en raison de la présomption de salariat des artistes posée à l’article L. 7121-3 du code du travail. De plus, la présomption de lucrativité mentionnée à l’article L. 8221-4 du code du travail fait peser la menace de l’infraction de travail dissimulé sur les groupements amateurs qui se produisent avec une certaine fréquence en utilisant du matériel professionnel et en recourant à de la publicité. Le seul texte réglementaire visant à encadrer la pratique artistique amateur ( ) n’a par ailleurs jamais été appliqué car il prévoit une procédure d’agrément du ministère de l’éducation nationale, impliquant une commission qui n’a jamais été constituée.

Il paraît donc nécessaire de trouver le bon point d’équilibre afin de sécuriser juridiquement le cadre d’intervention de la pratique artistique amateur, sans pour autant remettre en cause le cadre d’intervention des artistes professionnels.

L’article 11 A nouveau, issu d’un amendement présenté par le Gouvernement, a ainsi pour triple objet :

– de donner une définition de l’artiste amateur ;

– de préciser les conditions dans lesquelles un artiste amateur (ou un groupement d’artistes amateurs) peut se produire dans un but non lucratif en aménageant les règles du code du travail relatives à la présomption de lucrativité (article L. 8221-4) ;

– et d’encadrer les situations dans lesquelles un entrepreneur de spectacle professionnel agissant dans un cadre lucratif peut faire appel à des artistes amateurs sans être tenu de les rémunérer, nonobstant la présomption de salariat posée aux articles L. 7121-3 et 4 du code du travail.

● Afin de promouvoir la diversité culturelle et d’élargir l’accès à l’offre culturelle, la Commission a également adopté deux articles additionnels relatifs au régime des quotas de chansons francophones à la radio :

– L’article 11 bis nouveau, issu d’un amendement présenté par le rapporteur, prévoit que le CSA rende précisément compte à la représentation nationale du respect de ces quotas, dans le cadre du rapport qu’il présente annuellement en application de l’article 18 de la loi du 30 septembre 1986 ;

– L’article 11 ter nouveau prévoit quant à lui que dans l’hypothèse où plus de la moitié du total des diffusions d’œuvres musicales d’expression française se concentreraient sur les dix œuvres musicales d’expression française les plus programmées par un service de radio, les diffusions intervenant au-delà de ce seuil ne seraient pas prises en compte pour le respect des quotas fixés par la convention signée avec l’éditeur de radio. 

● Enfin, afin d’améliorer l’offre légale disponible, en particulier en ligne, l’article 13 bis nouveau, issu d’un amendement présenté par le rapporteur, vise à ouvrir une réflexion sur les conditions d’une amélioration de l’exploitation des œuvres audiovisuelles. Il modifie l’article L. 132-27 du CPI afin de renforcer l’obligation d’exploitation des œuvres audiovisuelles par les producteurs et d’élargir ainsi l’offre de films français disponibles, en particulier sur les plateformes numériques.

D. LE DÉVELOPPEMENT ET LA PÉRENNISATION DE L’EMPLOI ET DE L’ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE ARTISTIQUES

L’emploi dans le secteur artistique, et plus particulièrement dans le secteur du spectacle, présente des caractéristiques qui le distinguent de l’emploi sur le reste du marché du travail. Notre collègue Jean-Patrick Gille, dans son rapport d’information d’avril 2013 consacré aux métiers artistiques (4), souligne à juste titre que « la résorption de la précarité des conditions d’emploi et d’exercice dans les métiers artistiques constitue, pour les partenaires sociaux comme pour la puissance publique, un enjeu essentiel ».

Les spécificités des emplois artistiques justifient en effet pleinement une attention particulière du législateur et l’existence de dispositions adaptées. À cet égard, l’article 34 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, en confortant le régime d’assurance chômage de l’intermittence, constitue une avancée majeure de cette législature. Dans un même esprit, plusieurs dispositions du présent projet de loi ont également vocation à conforter l’emploi artistique.

1. Compléter la liste des artistes du spectacle pour permettre une meilleure application du droit du travail

La présomption de salariat dont bénéficient aujourd’hui les artistes du spectacle constitue une conquête sociale qui résulte de la mobilisation, à la fin du XIXsiècle, des artistes de cabaret pour ne plus être payés « au chapeau ». Consacrée par la loi n° 69-1186 du 26 décembre 1969 relative à la situation juridique des artistes du spectacle et des mannequins, cette présomption de contrat de travail, aujourd’hui codifiée à l’article L. 7121-3 du code du travail, a mis fin au désordre créé par une jurisprudence qui peinait à concilier la liberté de création artistique d’une part et le lien de subordination, qui est au cœur de la définition du contrat de travail, d’autre part.

Alors que la qualité d’artiste du spectacle ouvre un certain nombre de droits, l’article L. 7121-2 du code du travail ne donne pas de définition précise de ces artistes mais en dresse une liste non exhaustive, en précisant que les artistes concernés sont « notamment » ceux qui exercent les métiers cités. Cette énumération, même si elle demeure indicative, ignore toutefois l’artiste de cirque et le marionnettiste.

Or, l’appréciation de la qualité artistique des professions ne figurant pas explicitement à l’article L. 7121-2 précité peut donner lieu à des interprétations restrictives ou subjectives, sources d’insécurité juridique pour les artistes concernés.

Aussi l’article 14 du présent projet de loi, afin de sécuriser la situation juridique des artistes de cirque, des marionnettistes et plus largement des artistes interprètes reconnus comme tels par les conventions collectives du spectacle vivant, ajoute ces professions à la liste des artistes du spectacle mentionnés à l’article L. 7121-2 du code du travail. Cet ajout assurera une meilleure application du droit pour les publics concernés, notamment en ce qui concerne la présomption salariale et les droits sociaux qui y sont attachés.

En renvoyant aux conventions collectives en ce qui concerne les artistes interprètes, l’article 14 apporte en outre davantage de souplesse dans la définition de l’artiste du spectacle : les professionnels concernés seront considérés par la loi comme des artistes du spectacle dès lors que leur qualité d’artiste interprète leur sera reconnue dans une convention collective du spectacle vivant.

2. Clarifier les conditions d’emploi des artistes par les collectivités territoriales

Les artistes du spectacle employés par des collectivités territoriales ou leurs groupements sont soumis à de récentes évolutions de la jurisprudence qui menacent l’emploi permanent de droit public. En effet, dans deux décisions du 6 juin 2011 (5), le Tribunal des conflits a écarté la jurisprudence antérieure, selon laquelle les artistes du spectacle employés par des personnes publiques avaient la qualité d’agents publics, et non celle de salariés relevant du droit du travail.

Conformément à cette jurisprudence « Berkani » établie depuis près de vingt ans (6), les artistes des orchestres symphoniques, des maisons d’opéras et des ballets gérés par des collectivités territoriales bénéficient d’un contrat de droit public. Ce mode de gestion a permis aux collectivités, en particulier les communes, de jouer un rôle historique en matière de soutien aux institutions musicales. Celles-ci, qui prennent le plus souvent la forme de régie ou de syndicat d’économie mixte, en proposant notamment des offres destinées aux jeunes et aux personnes aux revenus modestes, contribuent à démocratiser la fréquentation des salles de concert et d’opéras et font partie intégrante du service public culturel et éducatif.

L’application, conformément aux décisions du Tribunal des conflits de 2011, des dispositions du code du travail et des conventions collectives aux artistes employés entraînerait un coût supplémentaire pour les collectivités territoriales. Dans un contexte de restrictions budgétaires, ce surcoût pourrait se traduire par la disparition de certains répertoires artistiques nécessitant d’importants effectifs artistiques.

C’est pourquoi, afin d’éviter les conséquences négatives en termes d’emploi que pourrait avoir l’application de la jurisprudence de 2011, l’article 15 du présent projet de loi précise que les artistes du spectacle employés par des collectivités territoriales pour des missions répondant à un besoin permanent sont des agents contractuels de la fonction publique territoriale. Seuls relèveront d’un régime de droit privé les artistes employés pour répondre à des besoins ponctuels.

3. Améliorer la connaissance des secteurs du spectacle vivant et des arts visuels

À l’heure où l’État et ses partenaires sont de plus en plus confrontés à la nécessité de disposer d’une information précise, en particulier économique et sociale, en vue de l’évaluation des politiques publiques, l’observation du spectacle vivant se heurte à un certain nombre de difficultés, liées à la multiplicité des intervenants, à l’étendue du champ couvert et à l’atomisation des données collectées.

Cette problématique avait déjà été identifiée dans le cadre du contrat d’études prospectives (CEP) du spectacle vivant de 1997, qui recommandait la mise en place d’une organisation concertée de l’observation de l’emploi et de données économiques corrélées aux activités. Le rapport Latarjet de 2004 (7) formulait la même recommandation, qui s’est matérialisée par la mise en place, dans un premier temps, d’une plateforme d’observation (PFO) associant tous les acteurs concernés. Les travaux de la PFO ont conclu à la nécessité de disposer d’un référent national d’information, partagé par tous les partenaires et reposant sur une remontée obligatoire des informations contenues notamment dans les bordereaux de recettes de billetteries.

L’article 16 du présent projet de loi tire les conséquences de ces recommandations en organisant la collecte des données de billetterie dans le secteur du spectacle vivant et en ouvrant la voie à la mise en place, par la voie réglementaire, d’un « observatoire de la création artistique et de la diversité culturelle ». Le décret d’application devra en particulier préciser l’étendue des missions et les organismes qui seront regroupés au sein de cet observatoire.

E. UN CADRE LÉGISLATIF CLARIFIÉ POUR L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DE LA CRÉATION ARTISTIQUE, PORTEUR D’ÉGALITÉ DES CHANCES POUR LES ÉTUDIANTS

La vitalité de la création artistique repose sur la qualité de l’irrigation par l’art, de l’éducation de nos jeunes concitoyens. La France dispose à cet égard d’atouts remarquables, dont la principale singularité réside dans l’intensité du maillage des établissements d’enseignement des arts, dans tous les domaines de la création et sur tous les territoires. Les collectivités locales jouent ici comme dans l’ensemble des politiques culturelles un rôle incontournable.

La présente majorité s’est attachée à conforter et à étendre la place des arts dans la scolarité, dans les pratiques amateurs et dans l’enseignement supérieur qui leur est dédié. La loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République a ainsi notamment promu l’éducation artistique et culturelle comme composante de la formation générale de tous les élèves et institué à cette fin un parcours allant de l’école au lycée, le parcours d’éducation artistique et culturelle, qui s’appuie sur les acteurs du territoire, les équipes éducatives, les opérateurs culturels, sans oublier les collectivités territoriales et les associations, pour garantir une complémentarité entre les temps scolaire, périscolaire et extrascolaire.

En parallèle, le Gouvernement a accéléré le mouvement de modernisation du système d’enseignement supérieur de la création artistique, dans le contexte nouveau formé par l’irruption d’une concurrence internationale entre les systèmes d’études supérieures et par l’accroissement spectaculaire des mobilités étudiantes, en particulier dans les métiers artistiques. À cette fin, ses cursus ont été progressivement alignés sur le schéma européen « Licence-Master-Doctorat » (LMD) et l’excellence de ses formations a été mieux adossée à l’indispensable développement de la recherche.

L’article 17 du projet de loi propose de franchir une nouvelle étape en parachevant l’inscription des études d’art dans les étapes « LMD » et en harmonisant leur fonctionnement dans les domaines des arts plastiques, du spectacle vivant, du cinéma et de l’audiovisuel.

Il vise dans le même temps à donner à tous ces établissements deux armes décisives pour relever les défis posés par la massification de l’enseignement supérieur et par la compétition internationale : l’autonomie et l’encouragement à la recherche, deux piliers de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche (ESR).

Il offre enfin de nouveaux moyens pour éviter que la forte sélectivité de ces établissements, dont la difficulté des concours d’accès exige dans l’immense majorité des cas le suivi d’au moins une année de préparation, n’aboutisse à en exclure les jeunes adultes qui ne peuvent financer cette étape préalable souvent très onéreuse. À cet effet, les « classes prépas » artistiques publiques, très opportunément mises en place par les collectivités pour faire face à la profusion d’écoles privées aux frais de scolarité très élevés, font l’objet d’une reconnaissance législative tandis que leurs élèves pourront bénéficier du statut d’étudiant et, par voie de conséquence, des bourses d’études délivrées sous condition de ressources.

1. La reconnaissance des « classes prépas » artistiques publiques et du statut étudiant de leurs élèves

Ces dispositions sont sans doute les plus attendues. En renforçant l’équité sociale dans l’entrée dans l’enseignement supérieur artistique et ainsi l’assise de l’art dans l’ensemble des milieux socio-économiques, il répond à une réelle urgence.

La profusion des « classes prépas » artistiques privées (plus d’une quarantaine dont la moitié en Île-de-France), aux frais de scolarité dissuasifs pour les étudiants issus des ménages les moins favorisés (6 000 euros par an en moyenne), remet en effet gravement en cause le principe d’égalité d’accès aux écoles de la création. Fort heureusement, les collectivités locales ont su organiser depuis de nombreuses années des classes préparatoires publiques, dont le nombre atteint aujourd’hui dix-huit, qui préparent très efficacement leurs élèves aux concours d’entrée aux écoles publiques supérieures d’art. Toutefois, dans le silence du code de l’éducation, ces classes préparatoires publiques ne sont pas intégrées juridiquement dans l’enseignement supérieur et leurs étudiants ne bénéficient d’aucun statut, ce qui notamment leur ferme l’accès aux bourses de l’enseignement supérieur.

Pour remédier à cette situation insatisfaisante, l’article 17 du projet de loi propose d’instituer un agrément aux formations dispensées par les établissements qui relèvent de l’initiative des collectivités territoriales et qui assurent une préparation à l’entrée dans les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans les domaines des arts plastiques et du spectacle vivant. Accordé par le ministre chargé de la culture à la suite d’une évaluation pédagogique, cet agrément est destiné à garantir la cohérence, la qualité et la visibilité de ces formations. Il importe de relever que seraient inclus dans ce périmètre les cycles d’orientation professionnelle progressivement mis en place au sein des conservatoires à rayonnement régional, dans la mesure où leur vocation est souvent aussi de préparer à la poursuite d’études dans les conservatoires nationaux supérieurs.

En parallèle, les élèves de ces classes préparatoires se verront reconnaître le statut d’étudiant, ce qui leur permettra d’adhérer au régime d’assurance sociale des étudiants et de solliciter les bourses de droit commun de l’enseignement supérieur. Toutefois, le projet de loi limite ce statut aux élèves des seules classes préparatoires publiques dans le domaine des arts plastiques, les élèves des cycles professionnels des conservatoires précités bénéficiant d’ores-et-déjà d’aides individuelles sous condition de ressources financées par le ministère de la Culture, dont les modalités de délivrance et les montants sont proches de ceux des bourses accordées aux étudiants de l’enseignement supérieur.

2. Un cadre législatif modernisé et harmonisé pour tous les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique

L’article 17 propose ensuite de structurer et de rassembler dans un même titre du code de l’éducation les dispositions législatives aujourd’hui éparses consacrées à l’enseignement supérieur de la création artistique dans le domaine des arts plastiques, du spectacle vivant, du cinéma et de l’audiovisuel.

On rappellera que cet enseignement, placé sous la tutelle pédagogique du ministère de la Culture, regroupe, s’agissant des arts plastiques, dix établissements nationaux d’enseignement supérieur relevant de l’État et trente-et-une écoles territoriales des beaux-arts, créées et gérées par les collectivités locales. Les études supérieures publiques du spectacle vivant rassemblent pour leur part trois établissements nationaux (les « conservatoires supérieurs ») et trois établissements à vocation nationale (deux écoles au sein de l’Opéra de Paris et du Théâtre national de Strasbourg auxquelles s’ajoute le centre national des arts du cirque), relayés là-encore par vingt établissements locaux de formation des interprètes. Le projet de loi n’oublie pas le cinéma et l’audiovisuel, dont les deux grandes écoles que sont l’École nationale supérieure des métiers de l’image et du son (Fémis) et l’INA-sup, placées sous la tutelle du ministère de la Culture, seront dotées d’une base législative et d’une procédure d’accréditation semblables à celles des établissements d’arts plastiques et de spectacle vivant.

Tout en clarifiant leurs missions, centrées sur la démarche très particulière qu’est l’apprentissage de la création artistique mais désormais explicitement élargies aux indispensables activités de recherche, le projet de loi étend à ces établissements la procédure d’accréditation définie par la loi du 22 juillet 2013 ESR précitée. Ainsi, le système tatillon des habilitations, dans lequel chaque maquette de formation devait être préalablement validée par l’État, sera remplacé par une accréditation préalable, accordée pour cinq années après une évaluation globale, autorisant l’établissement à ouvrir des formations dans des domaines définis et à délivrer les diplômes décrits sans vérifier chaque maquette individuellement.

Ce renforcement de l’autonomie des écoles permettra de surcroît au ministère de la Culture, chargé des accréditations – en collaboration toutefois avec le ministère chargé de l’enseignement supérieur pour les établissements nationaux –, d’engager un dialogue régulier avec son réseau d’établissements et de disposer ainsi d’un puissant moteur pour homogénéiser les cursus des différents secteurs. Les accréditations pourront s’étendre à la délivrance de diplôme de troisièmes cycles, y compris, comme le rapporteur propose de le préciser clairement, sous la forme de doctorat en coopération avec des écoles doctorales, dont le dynamisme est indispensable dans un monde où les doctorats de pratique (PhD) sont devenus une clef de l’attractivité et de l’excellence.

En dernier lieu, l’article 17 comble plusieurs lacunes dans les moyens pédagogiques conférés aux établissements d’enseignement supérieur de la création artistique. Il étend ainsi à tous la possibilité aujourd’hui réservée aux seules écoles d’arts plastiques de recruter des artistes et des professionnels en activité qui apportent, en complément des enseignants titulaires dont l’expertise est unanimement saluée, une contribution importante à la démarche si particulière et nécessairement diversifiée qu’est l’apprentissage de la création. Il répare également une omission législative en fournissant une base légale à l’exercice par les enseignants des écoles territoriales d’art, d’activités de recherche, par exemple sous la forme de protocoles de décharges horaires.

Le projet de loi ne peut cependant pas aller jusqu’à régler définitivement la question du rapprochement entre le statut de ces enseignants et celui de leurs homologues des établissements nationaux. Le rapporteur rappelle en effet qu’au cours de l’examen de la loi du 22 juillet 2013 ESR précitée, le législateur avait regretté l’émergence d’une dissymétrie importante, en dépit de responsabilités pédagogiques très proches, entre le statut des professeurs des écoles territoriales et celui des professeurs des écoles nationales d’art, le premier datant de 1991 lorsque le dernier a été refondu par le décret n° 2002-1520 du 23 décembre 2002, qui a notamment relevé le seuil de recrutement à bac plus cinq ou à huit ans d’expériences professionnelles avérées, revalorisé les grilles indiciaires et instauré un congé pour recherche de six à douze mois. Cette convergence est toutefois rendue difficile par l’appartenance des deux statuts à deux fonctions publiques différentes, les enseignants des écoles nationales relevant de la fonction publique de l’État tandis que ceux des écoles territoriales appartiennent à la fonction publique territoriale.

En application toutefois de l’article 85 de la loi sur la refondation de l’école, le Gouvernement a transmis en mars dernier un rapport au Parlement identifiants deux voies « privilégiées » pour dégager une solution satisfaisante, l’une s’adossant sur l’expérimentation d’un cadre professionnel « trans-fonction publique » actuellement soumis à la réflexion des partenaires sociaux et l’autre, plus opérationnelle à court terme, s’appuyant sur la création d’un cadre d’emplois spécifique des professeurs territoriaux d’enseignement supérieur d’arts plastiques, aux caractéristiques proches de celui des professeurs des écoles nationales supérieures d’art. Sur le fondement de ces propositions, les discussions se poursuivent avec les associations professionnelles, les organisations syndicales et les employeurs territoriaux.

Le rapporteur exprime ici son profond attachement à ce que cette question soit rapidement résolue, en cohérence avec la reconnaissance de rôle précieux que jouent les écoles d’art dans la qualité et la cohérence de notre enseignement supérieur.

*

La Commission a enrichi ce volet du projet de loi en adoptant deux articles additionnels.

L’article 17 A (nouveau), adopté sur proposition du Gouvernement, modifie le régime du troisième cycle de formation dispensé par les conservatoires de musique, de danse et d’art dramatique, qui marque un réengagement de l’État, notamment sur le plan financier.

L’article 17 B (nouveau) précise quant à lui les missions des écoles d’architecture.

II. UNE REFONTE DU DROIT DU PATRIMOINE AU SERVICE D’UNE POLITIQUE PLUS COHÉRENTE ET PLUS LISIBLE

A. AMÉLIORER LA PROTECTION, LA CONSERVATION ET LA DIFFUSION DU PATRIMOINE CULTUREL

1. La consécration législative des fonds régionaux d’art contemporain

a. Les fonds régionaux d’art contemporain, acteurs majeurs de la décentralisation culturelle depuis plus de trente ans

Constitués à partir de 1982 à l’initiative de Jack Lang, alors ministre de la Culture, pour diversifier le soutien à la création dans le domaine des arts visuels en y associant les régions alors naissantes, les fonds régionaux d’art contemporain (FRAC) se sont progressivement intégrés au paysage artistique et culturel français. Conformément aux missions qui leur étaient assignées, ils ont su constituer au sein de chaque région un patrimoine d’art contemporain représentatif de la création dans toute sa diversité. En même temps, la diffusion des œuvres et leur présentation dans des lieux ouverts ou inattendus, traditionnellement non dédiés à la culture, ont fait des FRAC des vecteurs de la démocratisation et de l’accès à la culture pour le plus grand nombre.

Les FRAC ont été institués par une circulaire du ministre de la Culture du 3 septembre 1982 et ce n’est que vingt ans plus tard qu’une autre circulaire – la circulaire n° 2002/006 du 28 février 2002 – a défini leurs missions et leurs principes de fonctionnement. La grande majorité de ces institutions, qui se sont constituées sous la forme d’associations régies par la loi du 1er juillet 1901, sont des personnes morales de droit privé à but non lucratif. Elles remplissent une mission d’intérêt général et bénéficient de ce fait de fonds publics pour l’acquisition de leurs œuvres.

Le territoire compte aujourd’hui 23 FRAC – un dans chaque région métropolitaine et un à La Réunion. Leur patrimoine, qui représentait près de 25 000 œuvres d’art contemporain provenant de plus de 4 000 artistes fin 2013, permet à chaque région de disposer d’une offre artistique contemporaine considérable. En effet, l’ensemble constitué par toutes les œuvres des FRAC constitue la troisième collection acquise avec l’appui des pouvoirs publics, après celle du Centre national des arts plastiques, comportant 47 700 œuvres postérieures à 1960, et celle du musée national d’art moderne (centre Georges Pompidou), comptant quant à lui 29 300 œuvres créés après 1960.

Initialement conçus pour être des collections sans lieu propre d’exposition, les FRAC connaissent depuis une dizaine d’années une nouvelle phase de développement correspondant à la volonté des fonds les plus dotés de s’implanter dans des locaux mieux adaptés, disposant d’espaces de réserves et d’exposition qui les font ressembler de plus en plus à des musées ou à des centres d’art contemporain, ouverts au public et sièges d’événements artistiques. Souvent conçus par des architectes de renommée internationale, ces FRAC de « deuxième génération » sont le plus souvent implantés dans les capitales régionales.

b. Une consécration législative opportune et nécessaire

En donnant une existence législative aux FRAC, l’article 18 du présent projet de loi tend à les ancrer durablement, plus de trente ans après leur création, dans le paysage culturel français, tout en marquant la spécificité de leurs collections. Il vise à garantir l’affectation des œuvres à la présentation au public, mission d’intérêt général qui justifie l’aide publique à l’acquisition, et à sécuriser les conditions de cession des collections.

La consécration législative des FRAC

L’article 18 ajoute un nouveau chapitre au sein du titre Ier du livre Ier du code du patrimoine consacré aux « fonds régionaux d’art contemporain ». La création, par la loi, d’une appellation unique, délivrée par le ministre de la Culture et subordonnée au respect de critères précisément énumérés, doit permettre de consolider le réseau des FRAC.

Les critères retenus pour la labellisation (en particulier la nature, les conditions de diffusion et les règles de cession des œuvres) permettent de préciser les missions des FRAC. La définition, au niveau législatif, d’un cahier des charges, vise à garantir une certaine homogénéité du réseau, ainsi qu’une harmonisation des modalités d’acquisition et de présentation des collections au public.

Pour autant, les dispositions prévues par l’article 18 préservent la souplesse et la liberté d’organisation des FRAC, puisque leur statut n’est pas modifié. En effet, la transformation de tous les fonds en établissement public de coopération culturelle (EPCC), un temps envisagée, a été écartée en raison du coût budgétaire, du formalisme et des charges de gestion induits par cette modification de statut. Les fonds régionaux pourront donc toujours choisir la structure juridique qui leur paraît la mieux adaptée. La forme associative, privilégiée par la majorité d’entre eux, qui leur confère le statut de personnes morales de droit privé à but non lucratif, n’est donc pas remise en cause par le présent projet de loi.

Des garanties nouvelles en termes de protection et de conservation des collections acquises

Les FRAC, en permettant à un large public d’accéder à des œuvres d’art contemporain, remplissent une mission d’intérêt général. Dans ce contexte, le rapport « Collection 21 » de juin 2014, présentant 21 propositions pour les collections publiques d’art contemporain en France (8), souligne avec justesse que « les œuvres acquises dans les FRAC, quel que soit leur statut, ont une destination de service public comme toute collection publique d’œuvres. Il importe donc qu’elles en aient les caractéristiques et jouissent d’un régime de protection comparable ». Certes, jusqu’à présent, aucune des près de 25 000 œuvres acquises par les FRAC avec le concours de l’État ou des collectivités territoriales n’a été vendue. Des garanties législatives permettraient néanmoins d’écarter définitivement un tel risque. Comme le notait Jacques Rigaud dans son rapport de février 2008 intitulé « Réflexion sur la possibilité pour les opérateurs publics d’aliéner des œuvres de leurs collections » (9), « les quelques avantages financiers que les musées pourraient tirer de la vente d’œuvres me paraissent dérisoires par rapport à l’effet déplorable qui en résulterait, en France et dans le monde, pour l’image des musées et pour le crédit même de l’État, garant de la sauvegarde et du rayonnement du patrimoine de la Nation ». Ce constat, dressé au sujet des musées, peut tout à fait être transposé aux FRAC.

Aussi, les dispositions introduites à l’article 18 du présent projet de loi, directement inspirées de celles en vigueur pour les collections privées des musées de France, tendent à sécuriser les collections détenues par les FRAC, en garantissant que celles-ci soient bien destinées à la présentation au public. Pour cela, l’attribution, par le ministre de la Culture, de l’appellation de FRAC sera conditionnée par la présence, pour les personnes morales de droit privé, de clauses statutaires limitant les possibilités de cession de leurs collections acquises avec le concours public.

Les enjeux liés à la réforme territoriale

En application de la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, dite loi « NOTRe », les 22 régions métropolitaines seront, à compter du 1er janvier 2016, remplacées par 13 grandes régions. Si certaines d’entre elles conservent un périmètre inchangé, d’autres sont issues de la fusion de deux voire de trois régions préexistantes. Le décret d’application de l’article 18 du présent projet de loi devra donc préciser les conséquences de cette réforme territoriale en termes d’attribution du label « FRAC ». Le maintien ou non de l’appellation constitue un enjeu particulièrement important pour les FRAC dits de « deuxième génération » dans la mesure où ceux-ci sont le plus souvent implantés dans les capitales des régions actuelles, dans des bâtiments bien identifiés.

2. Une meilleure protection des collections des musées de France

a. Les avancées de la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France en matière de protection des collections

La loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France a refondé le droit des musées, dont le cadre normatif se limitait jusqu’alors à l’ordonnance du 13 juillet 1945 portant organisation provisoire des musées des beaux-arts. Celle-ci, plusieurs fois modifiée, ne permettait plus de répondre à l’évolution des missions des musées.

La loi de 2002, longtemps attendue, a permis de placer le public au cœur de la vocation du musée et d’établir de nouvelles relations entre l’État, les collectivités territoriales et les personnes privées propriétaires de musées, tout en consolidant le régime de protection des collections. En rassemblant au sein d’une unique appellation « musée de France » l’ensemble des institutions présentant un projet scientifique et culturel digne de l’intérêt public, elle a pris acte de la diversification et de la professionnalisation des musées français.

Cette loi comporte également un certain nombre de dispositions destinées à protéger les collections des musées, en particulier ses articles 15 et 16, aujourd’hui codifiés au sein du chapitre 2 du titre V du livre IV du code du patrimoine.

Le contrôle de la restauration des œuvres appartenant aux collections d’un musée de France

L’article 15 de la loi du 4 janvier 2002 précitée, codifié à l’article L. 452-1 du code du patrimoine, soumet toute restauration d’un bien appartenant aux collections des musées de France à l’avis préalable d’une instance scientifique. Il permet ainsi de préserver la qualité et l’intégrité des collections des musées de France, et donc d’éviter toute dégradation irréversible des œuvres. Cette compétence est exercée à un niveau décentralisé par les commissions scientifiques régionales.

La mise en demeure du propriétaire d’œuvres menacées de péril

Les dispositions de l’article 16 de la loi « musées de France » de 2002, codifiées aux articles L. 452-2 à L. 452-4 du code du patrimoine, sont à l’origine d’une avancée importante en matière de protection des œuvres menacées de péril. Elles mettent en effet en place un dispositif légal de sauvegarde des objets appartenant aux collections des musées de France, permettant à l’État de se substituer à un propriétaire défaillant.

Cet article s’inspire des dispositions des articles 9-1 et 26 de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques, qui permettent à l’État de mettre en demeure un propriétaire défaillant pour qu’il prenne les mesures permettant la conservation d’un monument ou d’un objet classé menacé de péril. Ce dispositif de sauvegarde se déroule en plusieurs temps :

– Lorsque la conservation ou la sécurité d’un bien faisant partie des collections d’un musée de France est menacée de péril, les services de l’État, dans le cadre de leur pouvoir général de conseil et de contrôle, doivent tout d’abord alerter le propriétaire des collections afin qu’il prenne les mesures nécessaires.

– Si ce propriétaire ne veut ou ne peut pas prendre ces mesures immédiatement, l’État a la possibilité de le mettre en demeure de prendre les dispositions nécessaires pour remédier à la situation. La mise en demeure est prononcée, après consultation - sauf en cas d’urgence - du Haut Conseil des musées de France, par une décision motivée.

– Si le propriétaire s’abstient de donner suite à la mise en demeure, l’État peut alors, après avoir consulté une nouvelle fois le Haut Conseil des musées de France, ordonner par décision motivée les mesures conservatoires utiles et, notamment, le transfert provisoire du bien en cause dans un lieu où il sera à l’abri.

Les frais occasionnés par la mise en œuvre des mesures conservatoires visées par la mise en demeure mais aussi par le transfert du bien et sa conservation dans un autre lieu sont pris en charge par l’État et le propriétaire, sans que la contribution de l’État ne puisse dépasser 50 % du coût total. Il convient à cet égard de noter qu’en l’état du droit, la prise en charge financière de l’État est moins importante que celle prévue en 1913 dans le cadre de la loi sur les monuments historiques, qui prévoyait une prise en charge par l’État d’au moins 50 % des frais occasionnées par les mesures d’urgence sur les bâtiments classés et un financement total des mesures conservatoires prises pour la sécurité des objets classés menacés de péril.

b. L’amélioration des conditions de conservation et de restauration des œuvres

Afin de combler certaines lacunes de la loi du 4 janvier 2002 précitée, l’article 19 du présent projet de loi tend à modifier le chapitre 2 du titre V du livre IV du code du patrimoine, fixant les conditions de conservation et de restauration des collections des musées de France.

En l’état du droit, l’avis rendu par les commissions scientifiques avant toute restauration de bien appartenant aux collections des musées de France est seulement consultatif. Or, certains cas récents ont montré que l’avis défavorable ou les prescriptions de la commission n’étaient pas toujours suivis par les propriétaires des collections. Dès lors, le dispositif incitatif prévu par la loi du 4 janvier 2002 mérite d’être modifié afin de pouvoir empêcher la dégradation des biens concernés.

À cet effet, l’article 19 du présent projet de loi tend à permettre au ministre de la Culture d’interrompre les travaux de restauration qui auraient été engagés malgré l’avis défavorable de la commission scientifique ou qui ne respecteraient pas ses prescriptions. Le ministre disposerait également du pouvoir d’ordonner toute mesure utile afin d’assurer la préservation du bien. Les dispositions du projet de loi tendent ainsi à donner à l’État la possibilité de faire respecter l’avis de la commission scientifique en matière de restauration.

Par ailleurs, dans un souci d’harmonisation avec les dispositions relatives aux monuments historiques, l’article 19 du présent projet de loi précise les conditions dans lesquelles l’État peut mettre en demeure le propriétaire d’un bien appartenant à une collection d’un musée de France en cas de péril des collections. Il prévoit en particulier que l’État peut faire procéder d’office aux travaux nécessaires et précise les modalités de prise en charge financière des travaux, la participation de l’État étant fixée à la moitié du montant au minimum.

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Le projet de loi initial ne proposait pas de modernisation du régime des archives, alors qu’un livre entier du code du patrimoine, le livre II, leur est consacré.

Le régime actuel des archives est issu de la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives. Largement inspirée par les conclusions d’un rapport remis en 1996 par M. Guy Braibant, président de section honoraire du Conseil d’État (10), cette loi a eu pour objet de faciliter la consultation des archives, tout en assurant leur collecte, leur conservation et leur protection dans de meilleures conditions. Refonte d’une législation modifiée en 1979 (11), la loi de 2008, sans remettre en cause les acquis de cette première loi, a adapté le régime des archives aux nouveaux besoins exprimés par les citoyens, souvent désireux d’accéder avec plus de facilité aux sources de leur histoire ou aux documents leur permettant d’exercer leurs droits.

Plus de sept ans après l’adoption de la loi de 2008, le présent projet de loi a été enrichi par la Commission grâce à l’adoption de plusieurs amendements, présentés par le rapporteur, tendant à adapter le régime des archives aux évolutions de notre temps et à améliorer la protection de ces documents.

Ainsi, afin de mieux prendre en compte l’évolution de notre société vers le numérique, la définition légale des archives a été complétée pour préciser explicitement que les documents numériques constituent des archives, au même titre que les documents papier. Les dispositifs de mutualisation entre collectivités territoriales, notamment autour de la gestion, la conservation et l’accès aux données électroniques, ont également été améliorés.

Par ailleurs, plusieurs dispositions tendant à renforcer la protection du patrimoine archivistique français, en interdisant le démembrement de fonds privés classés, ou encore en réaffirmant la qualité d’archives publiques, des documents produits par les entreprises assurant une mission de service public, ont également été adoptées par la Commission à l’initiative du rapporteur.

B. MIEUX PROTÉGER LE PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE

L’actualité témoigne régulièrement de la richesse de notre histoire, enfouie dans le sol et mise au jour au cours d’opérations de fouilles archéologiques. Récemment, les fouilles effectuées par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) jusqu’en mars 2015 dans les caves du supermarché Monoprix de Réaumur-Sébastopol, dans le deuxième arrondissement de Paris, ont permis de découvrir de nombreux ossements humains provenant du cimetière de l’hôpital de La Trinité, fondé au XIIe siècle et détruit à la fin du XVIIIe siècle. La fouille des sépultures permettra ainsi de mieux comprendre les pratiques funéraires mises en place en milieu hospitalier aux époques médiévale et moderne.

Autre exemple particulièrement enthousiasmant, la découverte en 2014 d’un sanctuaire gallo-romain inédit par son ampleur à Pont-Sainte-Maxence, dans l’Oise, sur le chantier de construction d’un centre commercial. Les membres de la commission ont pu visiter le chantier de fouilles et échanger avec les archéologues de l’Inrap sur l’intérêt majeur de ces découvertes pour l’histoire de la Gaule romaine, aux premiers siècles de notre ère.

Aujourd’hui pleinement reconnue comme une science humaine et sociale, l’archéologie n’a pourtant acquis son autonomie, en se débarrassant de son statut d’« auxiliaire de l’histoire », que relativement récemment. La loi  2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l’archéologie préventive, modifiée par la loi n° 2003-707 du 1er août 2003, en posant les fondements juridiques et théoriques de la discipline, y a grandement contribué.

L’archéologie préventive joue en effet un rôle majeur dans la connaissance de notre histoire commune. Elle constitue une discipline scientifique au service de notre mémoire collective et de la préservation de ce patrimoine, auquel les Français sont très attachés. La découverte et l’étude des vestiges participent en effet de notre identité nationale. À cet égard, le succès de la sixième édition des journées nationales de l’archéologie, organisées en juin dernier afin de sensibiliser le public à la richesse du patrimoine archéologique et à l’actualité de la recherche de l’archéologie, témoigne de l’intérêt des citoyens pour cette discipline.

Le présent projet de loi tend à réformer en profondeur le dispositif d’archéologie préventive, auquel est consacré le livre V du code du patrimoine. En effet, la législation actuelle ne permet plus de répondre de manière satisfaisante aux nombreux enjeux qui caractérisent la discipline. Il s’attache également à clarifier la définition et le régime de propriété du patrimoine archéologique.

1. Consolider le cadre juridique de l’archéologie préventive

Au début des années 2000, la seule législation d’ensemble concernant les fouilles archéologiques remontait au régime de Vichy. La loi n° 41-011 du 27 septembre 1941 relative à la réglementation des fouilles archéologiques, validée par une ordonnance du 13 septembre 1945, ignorait les problèmes propres à l’archéologie préventive. Celle-ci s’est donc développée de façon essentiellement empirique, sans accompagnement législatif. L’État s’est largement déchargé de sa gestion sur une association créée en 1973, l’Association pour les fouilles archéologiques nationales (Afan), placée sous son contrôle et dont les activités étaient financées, dans des conditions assez floues, par les aménageurs. Par ailleurs, certaines collectivités territoriales se sont dotées de leurs propres services d’archéologie. L’utilité de l’archéologie préventive a été progressivement reconnue, de même que la nécessité de lui donner un véritable fondement législatif.

a. Deux lois successives d’inspirations différentes

● La loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l’archéologie préventive a doté la discipline d’un cadre juridique solide qui lui faisait jusqu’alors défaut. Cette loi a en même temps permis à la France de se conformer à la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique, dite Convention de Malte, signée en 1992 et ratifiée en 1995.

La loi du 17 janvier 2001 définit l’archéologie préventive, en précisant qu’il s’agit d’une activité de recherche scientifique. Son article 1er, aujourd’hui codifié à l’article L. 521-1 du code du patrimoine, dispose ainsi que « l’archéologie préventive, qui relève de missions de service public, est partie intégrante de l’archéologie. Elle est régie par les principes applicables à toute recherche scientifique. Elle a pour objet d’assurer, à terre et sous les eaux, dans les délais appropriés, la détection, la conservation ou la sauvegarde par l’étude scientifique des éléments du patrimoine archéologique affectés ou susceptibles d’être affectés par les travaux publics ou privés concourant à l’aménagement. Elle a également pour objet l’interprétation et la diffusion des résultats obtenus ».

Cette loi consacre ensuite le rôle de prescription, de contrôle et d’évaluation scientifique de l’État. Elle crée l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), établissement public à caractère administratif qui succède à l’Afan. L’institut, placé sous la tutelle conjointe du ministre chargé de la culture et du ministre chargé de la recherche, a pour mission de réaliser des opérations de diagnostic et de fouille archéologique préventive, d’assurer l’exploitation scientifique des opérations et la diffusion de leurs résultats. Il bénéficie alors d’une situation de monopole pour réaliser ses missions et concourt également à l’enseignement, à la diffusion culturelle et à la valorisation de l’archéologie.

La loi de 2001 a également créé la redevance d’archéologie préventive (RAP) afin de financer les diagnostics et les fouilles d’archéologie préventive. Cette taxe est acquittée par les aménageurs, c’est-à-dire les personnes qui réalisent des travaux et des aménagements susceptibles de porter atteinte au patrimoine archéologique enfoui dans le sol.

La mise en œuvre de la loi de 2001 s’est rapidement heurtée à un certain nombre de difficultés. La concertation entre les aménageurs, les services de l’État et l’Inrap s’est révélée insuffisante, alors que les collectivités territoriales étaient absentes du dispositif. La faiblesse des moyens humains et financiers alloués à l’Inrap, ainsi que l’augmentation du nombre d’opérations à réaliser ont entraîné un engorgement de l’opérateur public et un allongement important des délais d’intervention auprès des aménageurs. Enfin, les recettes de la RAP se sont avérées insuffisantes pour financer les opérations, alors même que la redevance pouvait constituer une charge disproportionnée pour certains aménageurs.

● La loi n° 2003-707 du 1er août 2003 est venue réformer le dispositif existant en ouvrant l’archéologie préventive à de nouveaux acteurs. Procédant d’une logique politique différente de celle ayant prévalu en 2001, elle a mis fin au monopole de l’Inrap en reconnaissant le rôle des collectivités territoriales ainsi que de toute autre personne publique ou privée habilitées à effectuer des fouilles.

Alors que les collectivités territoriales ne pouvaient intervenir que dans le cadre d’un conventionnement avec l’Inrap, elles peuvent désormais obtenir de l’État un agrément leur permettant de réaliser des opérations de diagnostic et de fouille préventive. Les communes peuvent en outre se voir attribuer la propriété d’une partie des mobiliers issus des opérations préventives afin d’en assurer la conservation et la mise à disposition, auprès de la communauté scientifique notamment. La loi de 2003 reconnaît également à toute autre personne publique ou privée la possibilité de solliciter un agrément pour la réalisation de fouilles préventives.

La compétence de l’Inrap, exclusive en 2001, se trouve donc partagée à partir de 2003 avec les services archéologiques des collectivités territoriales pour la réalisation de diagnostics, alors que le secteur des fouilles est ouvert à la concurrence. L’Inrap reste en revanche le seul opérateur à qui la loi reconnaît officiellement un rôle en matière d’exploitation scientifique et de diffusion des résultats.

La loi de 2003 a enfin confié la maîtrise d’ouvrage des fouilles préventives à l’aménageur, chargé de procéder au choix de l’opérateur. Ce n’est qu’après la signature du contrat entre l’aménageur et l’opérateur que les services de l’État contrôlent la qualité scientifique du projet d’intervention et décident ou non d’accorder l’autorisation de fouilles.

b. Un dispositif juridique fragilisé

Plus de dix ans après l’adoption de la deuxième loi sur l’archéologie préventive, il est courant d’entendre déplorer la « crise » que traverse le secteur et les difficultés rencontrées par les différents acteurs de l’archéologie préventive. Plusieurs rapports consacrés à l’archéologie préventive, et notamment le livre blanc publié en mars 2013 (12) et le récent rapport de notre collègue Martine Faure « Pour une politique équilibrée de l’archéologie préventive » (13) ont mis ainsi en avant les limites du dispositif actuel, que le projet de loi tend pour partie à lever.

Un contrôle scientifique et technique de l’État insuffisant

L’ouverture des opérations d’archéologie à toute personne publique ou privée, dès lors que celle-ci bénéficie d’un agrément, doit en toute logique s’accompagner d’un renforcement du rôle de l’État comme juge et garant des capacités scientifiques et opérationnelles de ces acteurs nouveaux. Or, le dispositif actuel ne permet pas à l’État de remplir pleinement son rôle de garant de la qualité scientifique et technique des opérations.

Les auteurs du livre blanc de 2003 ainsi que notre collègue Martine Faure, dans son rapport précité, s’accordent tout d’abord sur le fait que les conditions de délivrance de l’agrément doivent être plus strictes. En effet, depuis 2003, sous réserve d’obtenir préalablement un agrément, les services des collectivités territoriales, mais aussi toute personne de droit public ou privé, peuvent réaliser des opérations de fouilles archéologiques. Dans la mesure où la délivrance et le renouvellement de l’agrément constituent la principale forme de contrôle de l’État sur ces opérateurs, ses conditions d’obtention doivent être suffisamment exigeantes pour permettre de garantir le caractère scientifique des opérations à mener.

En outre, la procédure actuelle de sélection de l’opérateur chargé de la réalisation des fouilles confère un rôle central à l’aménageur, notamment pour le choix de l’opérateur. Or, l’aménageur ne dispose pas nécessairement de la maîtrise des critères scientifiques qui doivent guider son choix. Ce n’est qu’une fois le choix effectué par l’aménageur que les services de l’État contrôlent la qualité scientifique et technique du projet, ce qui ne leur laisse pas suffisamment de marge de manœuvre. Cette procédure fait également courir le risque, pour l’aménageur, que le projet scientifique de l’opérateur choisi ne soit finalement pas validé par les services de l’État, ce qui retarderait le démarrage des opérations.

Le transfert de la maîtrise d’ouvrage aux aménageurs présente par ailleurs l’inconvénient d’introduire dans un secteur par essence non marchand, la logique du moins disant économique. Or l’archéologie, discipline scientifique, ne saurait s’inscrire dans une démarche purement commerciale.

Enfin, les lacunes en termes de contrôle scientifique et technique et de régulation du secteur voient leurs conséquences exacerbées par la crise économique. En effet, celle-ci est à l’origine d’une diminution de l’activité de fouille, les aménageurs hésitant davantage à concrétiser leurs projets d’aménagement dans un contexte économique incertain. La baisse du nombre d’interventions, alors que les opérateurs sont de plus en plus nombreux, tend naturellement à accroître la concurrence au sein du secteur. Or, notre collègue Martine Faure note dans son rapport que « l’ouverture de l’activité de fouille à la concurrence a introduit la possibilité de dérives commerciales qu’une régulation insuffisante du dispositif a été incapable de combattre ». Elle ajoute que, dans ce contexte, les « pratiques de dumping économique et social, bien éloignées du respect des exigences scientifiques de la discipline archéologique, ont, semble-t-il et malheureusement, eu tendance à se répandre, entraînant une grande partie de la profession vers le bas ». Afin d’éviter ce risque, l’État doit être à même d’exercer son rôle de garant de la qualité scientifique et technique des opérations d’archéologie préventive.

Un financement complexe au rendement décevant

Le financement de l’archéologie préventive, dont les modalités sont définies aux articles L. 524-1 et suivants du code du patrimoine, repose sur la redevance d’archéologie préventive (RAP), instaurée par la loi du 17 janvier 2001 et réformée en 2003, en 2004, en 2009, en 2011, en 2012…

Malgré ces nombreuses réformes, le dispositif de financement actuel se caractérise par une grande complexité, un rendement insuffisant et des retards dans le recouvrement de la redevance. Comme le note à juste titre notre collègue Martine Faure dans son récent rapport consacré à l’archéologie préventive « cette accumulation de difficultés laisse planer un doute sérieux quant à la viabilité du dispositif de financement de l’archéologie préventive. Elle appelle à la mise en œuvre rapide de mesures adaptées ». Afin de garantir un système de financement fiable et efficace, Martine Faure évoque plusieurs pistes de réformes, tout en privilégiant une « rebudgétisation » de la RAP.

Les conclusions de la mission confiée en parallèle au contrôleur budgétaire et comptable du ministère de la Culture afin de formuler des propositions d’amélioration des mécanismes de financement actuels de l’archéologie préventive sont désormais très attendues et devraient favoriser l’adoption d’une réforme indispensable.

2. Clarifier et simplifier le droit du patrimoine archéologique

Au-delà de la consolidation du cadre juridique de l’archéologie préventive, le projet de loi s’attache à clarifier et simplifier le régime juridique du patrimoine archéologique afin de renforcer sa protection.

a. Une définition enrichie du patrimoine archéologique

L’article 20 prévoit tout d’abord d’ajuster la définition du patrimoine archéologique figurant à l’article L. 510-1 du code du patrimoine à celle énoncée par la convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique du 16 janvier 1992, dite convention de Malte. Cette modification doit permettre de ne pas limiter la notion à des objets ou des vestiges et de consacrer l’importance du contexte archéologique.

En outre, la nouvelle définition consacre les biens archéologiques comme biens communs de la Nation, réaffirmant ainsi le rôle essentiel de l’archéologie dans la construction de la mémoire nationale.

b. Une simplification du régime de propriété des biens archéologiques mobiliers

Les dispositions relatives à la propriété des biens archéologiques mobiliers, qui figurent à la fois dans le code civil et dans le code du patrimoine, se caractérisent par une grande diversité, source de complexité et de confusion de la part des acteurs.

En effet, le régime de propriété applicable diffère en fonction de la nature du bien mobilier et des circonstances de sa découverte. Les règles de propriété du bien mobilier varient ainsi selon que celui-ci est issu de fouilles autorisées par l’État, de fouilles exécutées par l’État, d’une découverte fortuite ou encore d’opérations préventives. À ces quatre régimes différents s’ajoutent des règles spécifiques aux biens culturels maritimes situés dans le domaine public maritime, ainsi que celles relatives aux biens immobiliers.

Ces distinctions conduisent à un partage de propriété qui soulève deux principales difficultés. Sur le plan scientifique, il peut conduire à disperser des éléments qui présentent une cohérence scientifique et dont l’étude nécessite d’avoir accès à l’ensemble. La diversité des régimes se traduit par ailleurs par une charge de travail conséquente pour les services régionaux de l’archéologie (SRA). La recherche des propriétaires de terrain, la procédure de partage ou le recours éventuel à un expert constituent autant de missions à caractère administratif que les agents peinent à remplir.

L’exemple des aménagements d’infrastructures linéaires de transport (autoroutes, voies ferrées...) rend bien compte des difficultés qui peuvent résulter de l’application des règles actuelles de propriété. En effet, l’aménageur (concessionnaire, réseau ferré de France…), n’est généralement pas encore propriétaire du terrain au moment des fouilles. Aussi, à l’issue des opérations, la procédure d’attribution de propriété prévue par le code du patrimoine conduit le SRA à rechercher des dizaines voire des centaines de propriétaires pour un kilomètre d’aménagement linéaire. Il paraît donc urgent de simplifier le régime de propriété des biens mobiliers archéologiques.

L’article 20 du présent projet de loi unifie le régime de propriété du patrimoine archéologique en prévoyant un régime de propriété publique des biens immobiliers et mobiliers archéologiques, dans le but de reconnaître leur statut de biens communs de la Nation et de mieux les protéger.

Il vise tout d’abord à préciser les dispositions relatives au régime de propriété des biens archéologiques immobiliers pour lever une ambiguïté d’interprétation sur les dispositions issues de la loi de 2001.

Il tend ensuite à refonder le dispositif relatif à la propriété du mobilier archéologique, aujourd’hui particulièrement complexe et incohérent sur le plan scientifique. Comme l’a prévu la loi du 17 janvier 2001 précitée pour les vestiges archéologiques immobiliers, le projet de loi tend à poser le principe d’une présomption de propriété de l’État pour l’ensemble des vestiges mobiliers qui seront mis au jour, après l’entrée en vigueur du texte, sur des terrains acquis après cette même date, sous réserve de la reconnaissance de leur intérêt scientifique. L’État pourra opérer des transferts de propriété à titre gratuit vers d’autres personnes publiques. L’article prévoit également un dispositif spécifique pour les objets découverts après l’entrée en vigueur de la loi sur des terrains acquis avant cette date. Il tend enfin à préciser le régime de propriété applicable aux ensembles archéologiques mobiliers.

c. Une modernisation du livre V du code du patrimoine consacré à l’archéologie

L’article 30 du projet de loi habilite le Gouvernement à modifier la partie législative du code du patrimoine par voie d’ordonnances, afin notamment de moderniser les règles de sélection, d’étude, de conservation et de gestion du patrimoine archéologique, et notamment des restes humains, d’adapter les procédures d’archéologie préventive pour les aménagements projetés en milieu subaquatique, et de mettre le dispositif de protection des biens culturels maritimes en conformité avec la convention de l’UNESCO du 2 novembre 2001 sur la protection du patrimoine culturel subaquatique.

Toutes ces mesures permettront une actualisation du cadre juridique de l’archéologie, et notamment un meilleur contrôle scientifique des opérations et une meilleure protection des biens et vestiges.

C. CONSOLIDER ET SIMPLIFIER LA PROTECTION DU PATRIMOINE MONUMENTAL

Le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine comporte un important volet consacré à la protection du patrimoine monumental. Certes, il s’agit, en France, d’une politique publique particulièrement ancienne puisque notre pays a intégré, depuis la fin du XIXe siècle et, surtout, l’adoption de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques, cette préoccupation dans sa législation, protégeant tout à la fois les édifices et les objets mobiliers. D’autres dispositifs ont ensuite vu le jour, assurant, en particulier sous l’impulsion déterminante d’André Malraux, alors ministre des Affaires culturelles, la préservation des centres urbains anciens, des espaces naturels et du patrimoine architectural récent.

Ces législations, si elles ont, pour certaines, démontré leur intérêt, pâtissent aujourd’hui des effets pervers nés de leur superposition. Classement au titre des monuments historiques, régime des abords, secteur sauvegardé, zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine – pour ne citer que les dispositifs relevant de la compétence du ministère de la Culture – sont autant d’outils à la disposition de l’État et des collectivités pour protéger le patrimoine national. Chacun d’entre eux a sa propre logique, sa propre procédure, ses propres contraintes et il devient difficile, notamment dans les petites communes ne disposant pas des moyens financiers et des compétences techniques nécessaires, d’y recourir à bon escient.

Bien loin de se réduire à l’embellissement des centres-villes, la politique patrimoniale est devenue un véritable axe de la politique d’aménagement des territoires et de développement économique. Mais l’arsenal législatif présente aujourd’hui des failles – notamment en matière d’objets mobiliers – et une complexité qui le rendent parfois peu efficace. Aussi, afin de renforcer cette politique en l’adaptant aux nouveaux enjeux de la protection patrimoniale, le chapitre III du titre II du projet de loi opère plusieurs modifications d’ampleur au sein du code du patrimoine qui visent, d’une part, à consolider l’action de l’État et, d’autre part, à simplifier autant que possible la mise en œuvre des dispositifs de protection pour les rendre plus efficients.

1. Un niveau de protection du patrimoine français accru

Le projet de loi comporte de nombreuses mesures destinées à assurer une protection réelle à certaines catégories de biens jusqu’ici négligées par le droit et à limiter les agissements susceptibles de porter atteinte à l’intégrité du patrimoine français.

a. Les biens inscrits au patrimoine mondial de l’humanité : une gestion améliorée

Alors que les coteaux, maisons et caves de Champagne et les climats du vignoble de Bourgogne viennent d’être inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), il importe que le droit interne assure la protection la plus efficace possible à ces biens qui représentent un élément indéniable d’attractivité de certains de nos territoires.

La Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, adoptée par la Conférence générale de l’UNESCO le 16 novembre 1972, a consacré la notion de « patrimoine mondial », défini comme l’ensemble des éléments du patrimoine culturel et naturel présentant « un intérêt exceptionnel qui nécessite leur préservation » et dont la dégradation ou la disparition constituerait « un appauvrissement néfaste du patrimoine de tous les peuples du monde ». Ratifiée par la France en 1975, cette convention permet l’inscription des biens présentant une valeur universelle exceptionnelle sur la liste du patrimoine mondial.

Aujourd’hui, cette liste comporte 1 031 éléments, dont 802 biens culturels, 197 biens naturels et 32 biens mixtes, répartis dans 163 États parties à la Convention. Des biens d’une grande diversité sont ainsi inscrits au patrimoine mondial, comme l’opéra de Sydney, la cité fortifiée de Bakou, les fjords de l’Ouest de la Norvège, les bâtiments du Bauhaus, le paysage minier des Cornouailles, la grand place de Bruxelles, le Grand Canyon, la Baie d’Ha-Long ou encore le parc national du Kilimandjaro.

Les États parties à la Convention ont l’obligation, en application de l’article 4 de la Convention, « d’assurer l’identification, la protection, la conservation, la mise en valeur et la transmission aux générations futures du patrimoine culturel et naturel ». La protection des biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial nécessite ainsi, pour les États parties, l’adoption de mesures juridiques adéquates à tous les échelons territoriaux. Ils peuvent également être amenés, en application des orientations de la Convention (14), à déterminer une zone tampon, au sein de laquelle des mesures juridiques de protection s’appliquent également (15).

Par ailleurs, pour chaque bien inscrit sur la liste du patrimoine mondial, les États parties doivent adopter un plan de gestion, dont l’objet est de « spécifier la manière dont la valeur universelle exceptionnelle du bien devrait être préservée, de préférence par des moyens participatifs » (16) dans le but « d’assurer la protection efficace du bien proposé pour inscription pour les générations actuelles et futures » (17). Dans le cas des biens en série, qui forment un ensemble cohérent mais territorialement discontinu, comme les fortifications de Vauban en France, le système de gestion doit assurer la gestion coordonnée de ces biens.

La France compte à l’heure actuelle 41 biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial, dont 37 biens culturels, comme le Canal du midi, le pont du Gard, la ville du Havre, le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais et le palais de Versailles, 3 biens naturels, parmi lesquels les lagons de Nouvelle-Calédonie, et un bien mixte, la zone pyrénéenne du Mont Perdu. Comme l’indique l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, le périmètre des biens inscrits concernait, avant l’inscription récente de deux nouveaux biens, 683 communes.

Si la notion de « patrimoine mondial » ne figure dans aucun texte de nature législative, elle a fait l’objet, en 2007, d’une circulaire ministérielle rappelant les obligations de protection pesant sur la France et demandant aux préfets d’alerter le ministère de la Culture et de la Communication en cas de projets d’aménagement susceptibles de porter atteinte à l’intégrité des biens inscrits au patrimoine mondial (18). Une charte (19) a également été signée, en 2010, entre l’État et l’Association des biens français du patrimoine mondial, qui devait inciter à la signature de conventions de gestion entre l’État, les collectivités concernées et les entités responsables du bien.

De fait, la protection des biens inscrits au patrimoine mondial passe principalement par les dispositifs de droit commun relatifs aux monuments historiques, aux zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) ou à la gestion des sites. Or, il peut arriver que de telles mesures fassent l’objet de modifications préjudiciables à la préservation de la valeur universelle du bien inscrit, faisant ainsi planer le risque d’un retrait de la liste. Ce fut notamment le cas de la ville de Provins, protégée par deux ZPPAUP, dont la modification a rendu trois zones constructibles et a conduit à ce que le Comité du patrimoine mondial adresse à la France, en 2010, une mise en demeure de revenir sur la modification en question. L’abaissement du niveau de protection d’un bien inscrit peut même revêtir des conséquences plus drastiques, comme le montre l’exemple de la ville de Dresde, désinscrite en 2009 du fait de la construction d’un pont autoroutier.

Par ailleurs, si certains biens ont fait l’objet d’un plan de gestion, comme le territoire de la Grande-Île à Strasbourg, tel n’est pas le cas de tous les biens français inscrits au patrimoine mondial. En effet, l’élaboration d’un plan de gestion, bien que fortement encouragée par les pouvoirs publics, n’est obligatoire que pour les biens qui ont été inscrits au patrimoine mondial après 2007 (20). Ainsi, 24 biens culturels ne disposent pas, à ce jour, d’un plan de gestion finalisé. En outre, pour la gestion de biens en série, comme le chemin de Saint-Jacques de Compostelle, qui comporte 71 biens isolés, ou de biens étendus, comme la juridiction de Saint-Émilion, qui s’étend sur plus de 7 000 hectares, l’établissement d’un plan de gestion coordonné entre les différentes collectivités concernées est indispensable à la préservation patrimoniale.

Au regard des conséquences lourdes que la désinscription d’un bien inscrit pourrait avoir, notamment en termes d’attractivité du territoire, il importe aujourd’hui d’assurer, par la loi, la mise en œuvre des obligations de protection du patrimoine mondial qui incombent à la France. Dans cette perspective, l’article 23 du projet de loi vise à introduire, dans le code du patrimoine, les notions de « patrimoine mondial » et de « valeur universelle exceptionnelle » qui figurent aujourd’hui dans la convention de l’UNESCO.

Les personnes publiques concernées – l’État, ses établissements publics, les collectivités territoriales et leurs groupements – doivent, dans l’exercice de leurs compétences, assurer la protection de la valeur universelle exceptionnelle du bien inscrit sur la liste du patrimoine mondial par le biais des dispositifs issus du code du patrimoine, du code de l’environnement ou du code de l’urbanisme.

Par ailleurs, les biens situés sur le territoire français reconnus en tant que biens du patrimoine mondial doivent obligatoirement faire l’objet d’un plan de gestion comprenant des mesures de protection, de conservation et de mise en valeur. Une zone tampon, englobant l’environnement immédiat du bien, des perspectives visuelles importantes ou d’autres aires participant à la protection du bien, peut également être délimitée par l’autorité administrative.

Enfin, lorsque l’autorité locale compétente en matière d’urbanisme engage l’élaboration ou la révision de son schéma de cohérence territoriale ou de son plan local d’urbanisme, le contenu du plan de gestion est porté à sa connaissance par le préfet du département, afin d’assurer la protection, la conservation et la mise en valeur du bien inscrit au patrimoine mondial. Une telle articulation entre le plan de gestion et le plan local d’urbanisme paraît indispensable à la protection des biens français inscrits au patrimoine mondial.

b. Une lutte plus efficace contre les atteintes portées à l’intégrité des monuments historiques

Le présent projet de loi comprend plusieurs mesures ayant pour objet de limiter autant que possible le démembrement des monuments historiques. En effet, par le passé, de nombreux exemples ont montré que le cadre juridique actuel ne permettait pas de protéger efficacement les objets mobiliers attachés à des monuments historiques, voire l’intégrité des monuments historiques eux-mêmes.

Rénover le cadre juridique de la protection des objets rattachés à des monuments historiques

L’article 24 du projet de loi a vocation à mieux encadrer l’aliénation des objets mobiliers rattachés à un immeuble classé, en tout ou partie, au titre des monuments historiques, disposition attendue de longue date par les défenseurs du patrimoine. En effet, le cadre juridique actuel autorise les propriétaires d’immeubles classés au titre des monuments historiques à déposer et céder, en toute légalité, les éléments décoratifs et autres biens rattachés que ces édifices peuvent comporter.

Depuis l’adoption de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques, les objets mobiliers peuvent être protégés, de façon individuelle, au titre des monuments historiques. Ainsi, certains biens font l’objet d’une protection autonome de celle offerte aux immeubles. Dès lors qu’ils sont classés, ces biens corporels font l’objet d’une surveillance particulière de l’État, qui procède, tous les cinq ans, à leur récolement (21). Ils ne peuvent en outre faire l’objet de modification ou de restauration sans l’accord de l’autorité administrative (22) et ne peuvent quitter le territoire français (23). Si les objets classés appartenant à l’État sont inaliénables, ils peuvent cependant être cédés par un propriétaire privé, dont la seule obligation est de notifier l’aliénation du bien à l’autorité administrative (24).

La capacité offerte aux propriétaires d’objets classés de les aliéner peut ainsi conduire à ce qu’un immeuble classé au titre des monuments historiques soit dépouillé de ses meubles et de ses ornements ou décor. Si ces objets ne sont pas classés au titre des monuments historiques, ils peuvent de surcroît être exportés hors de France. Ce sont précisément ces failles juridiques qui ont conduit, dans les années 1990, au démembrement du château de La Roche-Guyon, du château de Thoiry et de plusieurs châteaux acquis par une société japonaise. Au début des années 2000, une proposition de loi, présentée par le député Pierre Lequiller (25) et soutenue par le Gouvernement, avait tenté de faire évoluer la loi de 1913 sur ce sujet, mais n’avait pu aboutir faute d’un accord avec le Sénat (26).

Les plus hautes juridictions administratives et judiciaires sont ainsi régulièrement amenées à se prononcer sur la nature, au regard du droit civil, de ces biens. En effet, un élément considéré comme un immeuble par nature, comme le sont par exemple des boiseries « intimement et spécialement incorporées » à un hôtel particulier dès l’origine (27) ou les bas-reliefs d’un château formant avec celui-ci un tout indivisible (28), sera protégé au même titre que l’immeuble classé auquel il est rattaché ; en revanche, s’il est considéré comme un simple immeuble par destination, par exemple parce qu’il n’appartient pas au décor d’origine, alors il ne bénéficiera pas des effets du classement au titre des monuments historiques.

La nature des biens corporels en droit civil

Le droit civil distingue trois types de biens corporels : les meubles par nature, les immeubles par nature et les immeubles par destination. Les meubles par nature sont définis à l’article 528 du code civil comme « les biens qui peuvent se transporter d’un lieu à un autre ». L’article 517 du code civil indique que des biens peuvent être des immeubles par nature – comme les fonds de terre et les bâtiments, leurs matériaux, et tous les éléments qui lui sont incorporés, comme les fenêtres, les balcons, les plafonds – ou par destination. Cette dernière qualification permet alors de conférer la nature juridique d’un immeuble à des meubles placés par le propriétaire d’un fonds pour le service et l’exploitation de ce fonds ou que le propriétaire a attachés au fonds « à perpétuelle demeure ». Ainsi, les effets mobiliers « scellés en plâtre ou à chaux ou à ciment », ou non susceptibles « d’être détachés sans être fracturés ou détériorés, ou sans briser ou détériorer la partie du fonds à laquelle ils sont attachés » sont des immeubles par destination.

Afin de lutter plus efficacement contre les risques de démantèlement des monuments historiques, les 2° et 3° du I de l’article 24 du projet de loi prévoient de soumettre à une autorisation administrative préalable le détachement des effets mobiliers attachés à perpétuelle demeure à des immeubles protégés au titre des monuments historiques.

Ainsi, l’administration sera informée de tout projet de détachement et pourra, en outre, refuser ceux qui mettraient en péril la cohérence et l’intérêt présenté par l’immeuble inscrit ou classé au titre des monuments historiques. Que ces éléments fassent l’objet, ou non, d’une protection propre au titre des monuments historiques, ils seront protégés d’un détachement dommageable dès lors qu’ils sont rattachés à un immeuble lui-même protégé. De nombreux contentieux sur la nature même du bien au regard du droit civil – immeuble par nature ou par destination – pourront ainsi être évités, ces immeubles par destination faisant désormais l’objet d’une protection propre.

De surcroît, outre les sanctions pénales prévues à l’article 25 du projet de loi, le 5° de l’article 24 permet de remédier efficacement à la violation de ces dispositions nouvelles : si un effet mobilier attaché à perpétuelle demeure à un monument historique en a été illégalement détaché, alors l’autorité administrative pourra mettre son propriétaire en demeure de le remettre en place à ses frais. Par ailleurs, l’acquisition de ces biens détachés en toute illégalité sera considérée comme nulle au regard du droit.

Il convient de noter que ces dispositions permettent également de répondre au morcellement des monuments historiques eux-mêmes. En effet, ces dispositions sont également applicables aux immeubles ou parties d’immeubles protégés au titre des monuments historiques qui auraient fait l’objet d’un morcellement. C’est donc une protection particulièrement complète et efficace que le 5° du I de l’article 24 apporte aux monuments historiques et aux effets mobiliers qui leur sont attachés.

Préserver l’intégrité des ensembles historiques mobiliers

Il est apparu que la protection individuelle offerte aux objets mobiliers par le code du patrimoine n’assure pas une protection adéquate aux ensembles mobiliers présentant un intérêt patrimonial, comme une collection de portraits des directeurs d’une institution, des machines de production d’un établissement industriel historique ou encore les collections scientifiques d’un établissement d’enseignement. Ces biens présentent, en tant qu’ensemble, un intérêt du point de vue de l’histoire, de l’histoire de l’art, des civilisations ou des sciences et techniques qu’il convient de protéger.

Ainsi, même si ces biens peuvent être protégés à titre individuel, rien ne s’oppose à ce que leur propriétaire, s’il s’agit d’une personne privée, les aliènent. Les conséquences de cette possibilité offerte par la loi sont fâcheuses : dispersé, l’ensemble mobilier peut perdre sa cohérence et l’immeuble auquel ils étaient rattachés, son intérêt. Comme l’indique l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, sur les quelque 10 000 objets classés appartenant à des personnes privées, 600 ont « quitté, parfois depuis des décennies, les immeubles pour lesquels ils avaient été conçus ou dans lesquels ils étaient conservés de très longue date » (29).

Ce même article apporte une protection nouvelle aux ensembles historiques mobiliers en créant une forme nouvelle de classement au titre des monuments historiques. Ainsi, les objets mobiliers qui présentent, en tant qu’ensemble ou collection, un intérêt public du point de vue de l’histoire, de l’art, de l’architecture, de l’archéologie, de l’ethnologie, de la science ou de la technique peuvent être classés, en tant qu’ensemble historique mobilier, au titre des monuments historiques. Dès lors qu’il est classé, l’ensemble historique mobilier ne peut être divisé ou aliéné sans autorisation administrative.

Au-delà de cette obligation nouvelle, le 7° du I de l’article 24 du projet de loi crée une servitude spécifique applicable à ces biens. Ainsi, l’ensemble protégé peut faire l’objet d’une servitude de maintien dans les lieux, lorsque le lien historique ou artistique qui l’unit à l’immeuble classé présente un caractère exceptionnel. Le déplacement de l’ensemble mobilier classé est alors soumis à une autorisation administrative. Toutefois, cette servitude ne pourra être mise en œuvre qu’avec l’accord du propriétaire de l’ensemble mobilier protégé. Cette mesure, particulièrement intéressante du point de vue patrimonial, est également applicable aux objets mobiliers classés.

c. L’urgence de mieux protéger les domaines nationaux

Un certain nombre d’ensembles architecturaux, artistiques, paysagers ou naturels remarquables, qui sont partie intégrante du patrimoine national, font aujourd’hui l’objet d’une protection juridique trop faible eu égard à leur grande valeur et à la nécessité d’assurer leur préservation pour les générations à venir. Notamment, des domaines comme Compiègne, Saint-Cloud ou Fontainebleau ne sont que partiellement protégés au titre des monuments historiques.

Or, la politique de modernisation de la gestion immobilière des biens appartenant à l’État, les contraintes pesant sur les finances publiques et l’évolution des prix du foncier sont susceptibles de conduire à la cession de tout ou partie de certains domaines nationaux qui représentent pourtant un intérêt historique, politique ou culturel indéniable.

C’est pourquoi le 6° du I de l’article 24 du projet de loi instaure un régime de protection propre aux ensembles immobiliers « présentant un lien exceptionnel avec l’histoire politique de la Nation » et dont l’État est, même partiellement, propriétaire. La liste exacte de ces domaines, comme leur périmètre, seront fixés par un décret en Conseil d’État sur proposition du ministre chargé de la culture, après avis de la nouvelle commission nationale des cités et monuments historiques et du ministre chargé des domaines.

Ce dispositif spécifique prévoit que les parties des domaines nationaux appartenant à l’État seront inaliénables et imprescriptibles. Ainsi, l’État ne pourra les céder à un tiers et la prescription acquisitive prévue par le code civil, qui permet d’acquérir un bien après l’avoir détenu pendant un certain laps de temps, ne s’appliquera pas à ces biens. En outre, les domaines nationaux seront automatiquement classés au titre des monuments historiques pour les parties qui appartiennent à l’État ou à l’un de ses établissements publics. Les parties qui appartiennent à une autre personne publique ou à une personne privée seront, quant à elles, obligatoirement inscrites au titre des monuments historiques, ce qui ne fait toutefois pas obstacle à leur classement ultérieur.

Si cette mesure présente un intérêt indéniable, il conviendra toutefois de veiller à ce que la délimitation exacte des domaines nationaux soit opérée dans le but exclusif de protéger au mieux leur intégrité et leur histoire, sans que des considérations de nature économique puissent interférer, d’une façon ou d’une autre, dans le processus de décision et conduire à dénier cette protection à des portions de domaines afin de pouvoir les aliéner.

2. Une protection du patrimoine plus cohérente

Deux réformes majeures sont opérées par le projet de loi, qui assure au droit de la protection du patrimoine une plus grande lisibilité : la réforme du régime des abords de monuments historiques et la création des cités historiques, qui se substituent aux secteurs sauvegardés, aux zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) et aux aires de mises en valeur de l’architecture et du patrimoine (AVAP).

a. La protection des abords des monuments historiques au cas par cas

La protection des abords des monuments historiques repose aujourd’hui essentiellement sur la notion de covisibilité, qui soulève de nombreux problèmes d’application. C’est pourquoi le 4° de l’article 24 du projet de loi crée un nouveau mode de délimitation du périmètre protégé au titre des abords des monuments historiques.

La notion de covisibilité au cœur de l’actuelle protection des abords des monuments historiques

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 25 février 1943 (30), les abords des monuments historiques font l’objet d’une police administrative spéciale visant à ce que la protection de ces immeubles prenne également en compte leur environnement direct. L’article L. 621-30 du code du patrimoine définit ainsi une zone au sein de laquelle les travaux réalisés sur certains immeubles sont soumis à l’autorisation de l’administration (cf. infra). La loi retient aujourd’hui deux critères cumulatifs pour fixer le champ d’application de la protection au titre des abords :

– d’une part, géométrique : seuls les immeubles situés dans un rayon de 500 mètres autour de l’immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques sont concernés ;

– d’autre part, optique : seuls les immeubles visibles depuis l’immeuble classé ou inscrit ou visibles en même temps que lui font l’objet de la police des abords (cf. schéma ci-dessous).

LE NOTION DE COVISIBILITÉ

Source : Direction régionale des affaires culturelles de Lorraine

Aujourd’hui, les quelque 43 000 édifices protégés au titre des monuments historiques génèrent ainsi des périmètres de protection d’une superficie de 21 200 km2, comme l’indique l’étude d’impact annexée au présent projet de loi.

Toutefois, depuis l’adoption de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), et pour limiter les effets de seuil liés à la règle des 500 mètres, ce périmètre peut être adapté à l’occasion d’une procédure d’inscription ou de classement d’un immeuble au titre des monuments historiques. La décision de créer un périmètre de protection adapté est prise par l’autorité administrative sur proposition de l’architecte des Bâtiments de France (ABF) et après réalisation d’une enquête publique. Par ailleurs, lorsque les abords des immeubles sont déjà protégés, le périmètre de droit commun ou le périmètre adapté peut être modifié en application de l’alinéa 6 de l’article L. 621-30. L’architecte des Bâtiments de France peut ainsi proposer à l’autorité administrative, de déterminer un périmètre de protection modifié, de façon à désigner, avec l’accord de la commune concernée, « des ensembles d’immeubles, bâtis ou non, qui participent de l’environnement d’un monument historique, pour en préserver le caractère ou contribuer à en améliorer la qualité ».

Ces procédures permettent théoriquement, en limitant l’automaticité des dispositions de droit commun, de mieux cibler l’action des architectes des Bâtiments de France sur les zones présentant d’importants enjeux patrimoniaux. Elles assurent en outre l’association plus étroite des acteurs locaux de l’urbanisme à la protection des monuments historiques situés sur leurs territoires, permettant ainsi de mieux tenir compte de la nouvelle répartition des compétences entre l’État et les collectivités territoriales dans ce domaine.

Toutefois, si les périmètres de protection modifiés ont connu un certain succès – il en existe ainsi environ 900 à ce jour –, tel n’est pas le cas des périmètres de protection adaptés, décidés ab initio. En effet, la procédure apparaît relativement complexe – initiative de l’architecte des Bâtiments de France, enquête publique, accord de la commune en cas de dépassement du périmètre automatique, décret en Conseil d’État en cas de désaccord –, ce qui explique, pour certains, que « même dans les cas où un périmètre simple paraît devoir s’imposer, l’administration opte le plus souvent pour le maintien du périmètre de droit commun » (31). De fait, il n’existe aujourd’hui qu’une cinquantaine de périmètres de protection adaptés. Au total, seuls 3 % des monuments historiques font aujourd’hui l’objet d’un périmètre raisonné, les 97 % restants générant une protection automatique dans un rayon de 500 mètres.

Par ailleurs, la notion de covisibilité, dont découle un certain nombre de difficultés d’application, demeure applicable aux périmètres de protection adaptés et modifiés. Comme le souligne l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, « son caractère appréciatif peut rendre le travail des ABF d’autant plus difficile et incompris qu’il peut être source d’insécurité juridique » (32). De fait, les recours contre les avis rendus par les architectes des Bâtiments de France s’appuient le plus souvent sur une remise en cause de son appréciation du critère de covisibilité. Au-delà, le caractère solitaire du contrôle exercé par l’architecte des Bâtiments de France, comme l’imprécision apparente des critères à l’aune desquels l’avis est rendu, conduisent certains à juger difficilement compréhensible, voire arbitraire, le régime des abords.

L’introduction d’un nouveau mode de détermination des abords des monuments historiques

Le 4° du I de l’article 24 vise à réformer de façon conséquente la protection des abords des monuments historiques. Ainsi, seuls des immeubles ou ensembles d’immeubles « qui forment avec un monument historique un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à sa conservation ou à sa mise en valeur » seraient protégés au titre des abords. Le périmètre de protection serait ainsi déterminé de façon propre à chaque monument historique par l’autorité administrative, sans qu’il soit fait appel à la notion de « covisibilité ».

Désormais, une procédure unique serait applicable à la délimitation d’un périmètre raisonné. Le périmètre serait fixé et créé par l’autorité administrative sur proposition de l’architecte des Bâtiments de France, après enquête publique et avec l’accord de la collectivité compétente en matière d’urbanisme. Cette procédure permettrait d’asseoir cette servitude forte sur une enquête publique.

En cas de désaccord, la décision serait prise, soit par l’autorité administrative après avis de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture, soit par décret en Conseil d’État après avis de la commission nationale des cités et monuments historiques si le périmètre envisagé dépasse un rayon de 500 mètres autour du monument historique. La même procédure serait applicable à la modification de ce périmètre.

L’article 24 prévoit cependant que, lorsque le périmètre des abords n’a pas été déterminé par l’autorité administrative, le régime actuel continue de s’appliquer. Cette précision permet d’assurer la protection des monuments historiques pendant le laps de temps nécessaire à l’élaboration du périmètre délimité et devrait donc constituer, dans la plupart des cas, une disposition transitoire.

b. Les cités historiques, outils au service d’une préservation modernisée du patrimoine urbain et paysager

Pour mettre un terme à la multiplication des dispositifs de protection qui ont vu le jour depuis 1962, le II de l’article 24 leur substitue un nouveau régime, celui des cités historiques. En créant un dispositif unique de préservation des quelque 810 ensembles urbains présentant un intérêt patrimonial avéré (33), le projet de loi rendra assurément plus lisible la politique de protection du patrimoine urbain et paysager.

La multiplication des régimes de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager

Le dispositif des secteurs sauvegardés a été créé par la loi n° 62-903 du 4 août 1962 complétant la législation sur la protection du patrimoine historique et esthétique de la France et tendant à faciliter la restauration immobilière, dite loi « Malraux », dans le but de préserver l’architecture ancienne des velléités de rénovation radicale des centres urbains historiques alors jugés insalubres. Il en existe aujourd’hui 105.

Relevant juridiquement de la compétence de l’État, le dispositif de secteur sauvegardé est créé et délimité par un arrêté préfectoral pris après avis de la commission nationale des secteurs sauvegardés. Il repose sur un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) soumis à une commission locale du secteur sauvegardé, à la collectivité territoriale compétente puis à une enquête publique. En cas de désaccord de la collectivité concernée, le PSMV est approuvé par décret en Conseil d’État. Le PSMV ainsi défini comporte un certain nombre de règles – architecture, implantation, gabarit, voirie, stationnement, etc. – qui guident la délivrance des autorisations d’urbanisme. Tous les travaux modifiant l’état des immeubles doivent faire l’objet d’un accord de l’architecte des Bâtiments de France.

Toutefois, à la faveur de la décentralisation, de nouveaux dispositifs de protection ont vu le jour. À compter de l’entrée en vigueur de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État, des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) ont pu être créées, autour des monuments historiques ou de quartiers, sites ou espaces à protéger pour des motifs d’ordre esthétique, historique ou culturel. À l’inverse des secteurs sauvegardés, les collectivités compétentes en matière d’urbanisme étaient compétentes pour créer et délimiter de telles zones après enquête publique, avis de la commission régionale du patrimoine et des sites et avec l’accord de l’autorité administrative.

Des prescriptions particulières en matière d’architecture et de paysages pouvaient alors être instituées à l’intérieur de ces zones. Les projets de travaux portant sur les immeubles situés dans ces zones étaient ainsi soumis à une autorisation spéciale, délivrée par l’autorité administrative compétente en matière d’urbanisme après avis conforme de l’architecte des Bâtiments de France. La loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement avait toutefois rendu cet avis simple, ce qui avait conduit à la création d’un groupe de travail chargé d’élaborer un nouveau régime de protection pour ces zones.

C’est dans ce contexte que la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement a substitué aux ZPPAUP un nouveau dispositif, celui des aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (AVAP), dans le but de prendre en compte les enjeux liés au développement durable. Ainsi, l’objectif fixé par la loi aux AVAP est de « promouvoir la mise en valeur du patrimoine bâti et des espaces dans le respect du développement durable » (34). En outre, une instance consultative comprenant des représentants des collectivités concernées, de l’État ainsi que des personnalités qualifiées est prévue pour assurer le suivi de la conception et de la mise en œuvre des règles relatives à la qualité et à l’intégration architecturales applicables à l’AVAP.

Par ailleurs, si les travaux envisagés sur des immeubles protégés doivent toujours faire l’objet d’une autorisation spéciale, la procédure prévue à l’article L. 642-6 du code du patrimoine permet aussi de rééquilibrer les pouvoirs du maire et de l’architecte des Bâtiments de France, en confiant au préfet de région le soin d’arbitrer leurs éventuels différends.

Les ZPPAUP devaient être transformées en AVAP avant le 14 juillet 2015, mais la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové a dû repousser cette date limite au 14 juillet 2016, en raison du rythme constaté de transformation des ZPPAUP en AVAP. Aujourd’hui encore, plus de deux-tiers des ZPPAUP n’ont pas été transformées en AVAP et sont donc menacées, à brève échéance, de disparition.

La substitution des cités historiques aux secteurs sauvegardés, aux ZPPAUP et aux AVAP

Comme l’indique l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, ces dispositifs connaissent un bilan mitigé. Le nombre de secteurs sauvegardés est bien inférieur aux objectifs initialement fixés pour la loi « Malraux ». Les plans de sauvegarde et de mise en valeur des secteurs sauvegardés, notamment, ne font pas l’objet d’une révision suffisamment fréquente pour leur assurer une protection tout à fait adaptée. Au-delà du problème posé par la transformation des 685 ZPPAUP restantes en AVAP, le dispositif introduit en 2010 présente quant à lui plusieurs difficultés, tenant notamment à la conformité du plan local d’urbanisme (PLU) aux règles architecturales prescrites dans ce cadre.

Au-delà des défauts inhérents à chaque dispositif, c’est leur accumulation qui rend aujourd’hui nécessaire la mise en œuvre d’une certaine simplification du droit. C’est pourquoi le II de l’article 24 substitue à ces trois régimes un dispositif unique : les cités historiques. Ainsi, le présent article prévoit que les villes, villages, quartiers ou espaces ruraux dont la conservation ou la mise en valeur présente un intérêt public du point de vue de l’histoire, de l’architecture, de l’archéologie, de l’art ou du paysage, sont classés au titre des cités historiques.

La décision de classement est prise par le ministre chargé de la culture après avis de la commission nationale des cités et monuments historiques et enquête publique, sur proposition ou avec l’accord de la collectivité territoriale. À défaut, un décret en Conseil d’État est nécessaire pour assurer le classement d’office au titre des cités historiques.

Un plan de sauvegarde et de mise en valeur peut être établi sur tout ou partie du périmètre de la cité historique, qui entraîne l’obligation de recevoir une autorisation administrative préalable à tous les travaux susceptibles de modifier l’état des parties extérieures voire intérieures des immeubles et parties d’immeubles protégés au titre des cités historiques. C’est là un progrès notable par rapport aux secteurs sauvegardés, dont le régime d’autorisation de travaux ne visait plus, en ce qui concerne les intérieurs des immeubles protégés par le plan de sauvegarde, que la structure du bâtiment et la répartition des volumes (35). Le terme « état », plus large, permet de viser, outre la structure, les travaux relatifs à l’aspect des parties intérieures.

À défaut de disposer d’un plan de sauvegarde et de mise en valeur sur l’ensemble de la cité historique, les autorités locales devront obligatoirement prévoir, dans leur plan local d’urbanisme, des dispositions spécifiques tendant à protéger les immeubles situés dans le périmètre de la cité historique. Ce plan local d’urbanisme dit « patrimonial » devrait assurer l’intégration directe des préoccupations patrimoniales aux règles d’urbanisme localement applicables.

Une vive inquiétude a été également exprimée par certains élus locaux quant au possible abandon aux seules collectivités de la politique de protection du patrimoine urbain. En effet, l’élaboration du plan de sauvegarde et de mise en valeur comme du PLU « patrimonial » relèverait désormais des collectivités compétentes en matière d’urbanisme. Toutefois, le rapporteur a reçu l’assurance du maintien du soutien technique et financier des services de l’État dans ce domaine. Du reste, l’article 36 du projet de loi indique, pour lever toute ambiguïté, que le plan de sauvegarde sera réalisé par les autorités locales avec l’assistance technique et financière de l’État.

Il apparaît toutefois nécessaire de renforcer la place de l’État dans ce dispositif, afin de garantir la cohérence de sa mise en œuvre sur l’ensemble du territoire. Si l’État demeure présent tant en ce qui concerne la détermination des cités historiques, l’élaboration et la révision des plans de sauvegarde et de mise en valeur, que pour le contrôle des travaux qui peuvent être réalisés en leur sein, la Commission a jugé souhaitable de soumettre également ces projets à l’avis de la Commission régionale du patrimoine et de l’architecture.

Enfin, des mesures transitoires doivent assurer aux collectivités qui se sont d’ores et déjà engagées dans la mise en œuvre de ces dispositifs de protection de ne pas perdre le bénéfice, notamment financier, de leur investissement patrimonial. De fait, aucun délai n’est prévu par la loi pour mettre en œuvre les nouvelles dispositions relatives aux cités historiques : les secteurs sauvegardés, les ZPPAUP et les AVAP seront automatiquement transformés en cités historiques, mais leurs règlements antérieurs pourront continuer de s’appliquer indéfiniment, laissant ainsi le temps aux collectivités concernées, devenues maîtres d’ouvrage des plans de sauvegarde et de mise en valeur et des plans locaux d’urbanisme « patrimoniaux », d’effectuer les modifications nécessaires. C’est pourquoi la Commission a introduit dans la loi une échéance de dix ans pour la production des nouveaux documents d’urbanisme.

c. La simplification des régimes de travaux en abords de monuments historiques et au sein des cités historiques

L’article 24 tend à simplifier la mise en œuvre des travaux sur les immeubles protégés au titre des abords comme des cités historiques.

Dans le cadre de ces deux régimes de protection, certains travaux visant les immeubles protégés doivent faire l’objet d’une autorisation administrative. Pour les immeubles protégés au titre des abords, c’est le cas des travaux susceptibles de modifier l’aspect extérieur d’un immeuble bâti ou non bâti. Pour les immeubles protégés au titre des cités historiques, ce sont les travaux susceptibles de modifier l’état des parties extérieures, voire des parties intérieures si elles sont explicitement protégées par un plan de sauvegarde et de mise en valeur, qui doivent faire l’objet d’une autorisation préalable.

Pour les deux régimes de protection, la loi précise le motif de refus d’autorisation ou d’application de prescriptions architecturales particulières : l’autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter préjudice à la conservation ou à la mise en valeur d’un monument historique ou de ses abords, ou de la cité historique dans son ensemble.

De surcroît, il est prévu une procédure identique dans les deux cas, décrite au nouvel article L. 632-2 du code du patrimoine, lorsque des formalités doivent être réalisées au titre du code de l’urbanisme. Dans un tel cas de figure, l’avis de l’architecte des Bâtiments de France est, comme aujourd’hui, requis. Son silence vaut acceptation, comme c’est actuellement le cas. En application de l’article R. 423-67-1 du code de l’urbanisme, modifié par le récent décret relatif à la réduction des délais d’instruction des autorisations d’urbanisme (36), le délai au-delà duquel le silence de l’architecte des Bâtiments de France vaut acceptation est de deux mois, contre quatre auparavant.

La nature du contrôle exercé par l’architecte des Bâtiments de France est également précisé par la loi : il doit s’assurer du respect de l’intérêt public attaché au patrimoine, à l’architecture, au paysage naturel ou urbain, à la qualité des constructions et à leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant ; il s’assure en outre du respect des règles du plan de sauvegarde et de mise en valeur ou du plan local d’urbanisme.

Par ailleurs, en cas de désaccord avec l’avis de l’architecte des Bâtiments de France, l’autorité locale compétente pour délivrer l’autorisation au titre du code de l’urbanisme peut porter le différend devant l’autorité administrative, qui statue après avoir pris l’avis de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture. En cas de silence, celle-ci est réputée avoir approuvé le projet de décision de l’autorité locale. Le demandeur peut également contester le refus d’autorisation de travaux en s’adressant à l’autorité administrative ; toutefois, le silence de cette dernière vaut alors confirmation du refus.

Par rapport au droit existant, qui prévoyait des régimes de travaux distincts pour les immeubles adossés à un monument historique, les immeubles situés en covisibilité avec un monument historique, les immeubles situés dans des secteurs sauvegardés, des ZPPAUP ou des AVAP, le projet de loi opère une simplification salutaire, qui n’entamera toutefois en rien l’efficacité de la protection offerte au titre du code du patrimoine.

En outre, les dispositions du présent projet de loi permettent d’appliquer aux immeubles éventuellement concernés par plusieurs dispositifs de protection la plus élevée d’entre elles : ainsi, la protection au titre des monuments historiques s’applique de façon prioritaire ; puis viennent ensuite, dans cet ordre, les protections au titre des cités historiques, des abords puis des sites inscrits. Une telle mesure permet également d’éviter que l’architecte des Bâtiments de France n’ait à se prononcer à plusieurs titres sur le même territoire.

d. La refonte des sanctions réprimant les manquements au droit du patrimoine

L’article 25 du projet de loi procède à une simplification nécessaire des dispositions administratives et pénales qui répriment, au sein du code du patrimoine, certaines infractions à ses dispositions. En effet, les dispositions des actuels articles L. 624-1 à L. 624-7 du code du patrimoine manquent singulièrement de clarté, quand elles ne sont pas tout simplement inapplicables du fait de coordinations disparues entre le code du patrimoine et celui de l’urbanisme, et au sein même du code du patrimoine.

Pour plus de clarté, l’article 25 distingue d’une part, les sanctions réprimant les infractions aux régimes des travaux sur les immeubles protégés, qui font l’objet d’un article unique quelle que soit la nature de la protection en question – monument historique, abords, cités historique –, et, d’autre part, celles réprimant les infractions aux régimes de protection des objets mobiliers.

Par ailleurs, pour plus d’efficacité, les peines sont sensiblement accrues s’agissant de ces dernières infractions, qui seront désormais punies de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. En outre, certaines infractions seront dorénavant réprimées sur un plan purement administratif, afin de mettre le ministère de la Culture en mesure de les sanctionner directement. C’est notamment le cas de l’aliénation ou de l’acquisition des objets classés qui ne serait plus punie de trois mois d’emprisonnement et de 6 000 euros d’amende (37), mais d’une seule amende administrative du même montant.

Enfin, afin d’assurer une répression plus efficace des comportements portant atteinte à l’intégrité du patrimoine culturel, la Commission a adopté un amendement visant à permettre aux associations de protection du patrimoine de se constituer partie civile pour certaines infractions portant atteinte au patrimoine.

D. LE NÉCESSAIRE ENRICHISSEMENT DU VOLET ARCHITECTURAL DU PROJET DE LOI

Le volet architectural du projet de loi comporte deux dispositions qui, pour intéressantes qu’elles soient, appellent à être complétées par des dispositions visant à favoriser le recours à l’architecte et à assurer une création architecturale de qualité.

1. Mieux protéger le patrimoine architectural contemporain par l’attribution d’un label spécifique

Depuis 1999, le ministère de la Culture délivre à certains immeubles récents présentant un intérêt architectural le label « XXème siècle ». Le but de ce label, qui est accompagné d’actions de sensibilisation et d’information, est de signaler ces éléments du patrimoine récent au public. En 2015, près de 2 775 bâtiments bénéficient de cette reconnaissance.

Toutefois, l’existence de ce label n’emporte aucune conséquence juridique réelle pour les propriétaires de l’immeuble labellisé : il n’est porteur d’aucune protection autre que la mobilisation éventuelle du grand public face à un projet de démolition. Or, le patrimoine récent, peu connu, hétérogène et parfois mal aimé, est peu protégé par les dispositifs actuels. Ainsi, il n’est pas rare que certains de ses éléments soient détruits dans l’anonymat le plus total, sans même que le ministère de la Culture soit informé du projet et puisse prendre les mesures adéquates.

Aussi, pour permettre l’instauration d’un dialogue en amont, l’article 26 du projet de loi prévoit qu’un label délivré par l’autorité administrative après avis de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture reconnaîtra les réalisations de moins de cent ans dont la conception présente un intérêt architectural ou technique. Les propriétaires des immeubles ou ensembles architecturaux ainsi labellisés auront l’obligation d’informer l’autorité administrative des travaux qu’ils envisagent de réaliser.

Il ne s’agit pas d’introduire de nouvelles contraintes pour les propriétaires de biens présentant un intérêt patrimonial : les immeubles classés ou inscrits ne peuvent recevoir ce label, et les immeubles déjà protégés au titre du code du patrimoine ou de l’urbanisme sont exemptés de l’information préalable de l’administration, puisque leurs travaux répondent à d’autres procédures.

Toutefois, cette obligation nouvelle permettra assurément de protéger le millier d’éléments du patrimoine récent de façon opérante, en le valorisant par l’octroi d’un label et en permettant l’établissement d’un dialogue que l’on peut espérer fécond avec les administrés.

2. Le bonus de constructibilité de 5 % : un coup de pouce à la création architecturale

S’inspirant de la recommandation n° 30 du rapport concluant la mission d’information sur la création architecturale (38) présidée par le rapporteur, les 6°, 7° et 8° de l’article 36 du projet de loi prévoient que des dérogations aux règles d’urbanisme pourront être accordées aux projets présentant un intérêt public du point de vue de la création, de l’innovation et de la qualité architecturales.

Il était en effet apparu, dans le cadre de la mission d’information précitée, que la qualité architecturale des constructions était insuffisamment favorisée. Le rapporteur avait ainsi proposé d’accorder une dérogation aux règles d’urbanisme, dans une certaine mesure, aux projets faisant preuve d’une certaine ambition en matière de qualité architecturale du cadre bâti. Aussi avait-il suggéré de « systématiser les dispositifs dérogatoires aux règles d’urbanisme relatives au gabarit, à la densité et à l’aspect extérieur du bâtiment lorsque celui-ci fait preuve d’une qualité architecturale avérée » (39).

Ainsi, l’article 36 offre des possibilités de dérogation aux projets bénéficiant déjà de dérogations au titre des zones denses (40), de performances énergétiques élevées (41) ou de la diversification de l’habitat (42). Si leur intérêt public est reconnu, ces projets pourront déroger aux règles d’urbanisme relatives au gabarit ou à la constructibilité dans une limite de 5 %. D’aucuns pourraient considérer qu’il s’agit là d’un volume négligeable. Toutefois, la rentabilité supplémentaire offerte par ce bonus de constructibilité devrait être à même de compenser l’investissement initial dans la qualité architecturale.

Si ces dispositions sont bienvenues, il apparaît toutefois que leur portée pourrait, sur plusieurs points, être renforcée. Le caractère cumulatif des critères de création, de qualité et d’innovation semble notamment trop restrictif ; s’il ne faut en aucun cas renoncer à la qualité architecturale, la dérogation pourrait être accordée dès lors que la création ou l’innovation est reconnue. Ensuite, il serait probablement utile de permettre, par le biais d’une disposition autonome, une dérogation aux règles relatives à l’aspect extérieur des constructions, car la création architecturale se nourrit bien souvent des possibilités offertes par les façades. Enfin, dans la mesure où il s’agit seulement d’une possibilité de dérogation, et non pas d’un droit à dérogation, il pourrait être intéressant de porter ce bonus à 10 % du volume ou des mesures autorisés par le droit commun, éventuellement après une évaluation à moyen terme de ce dispositif.

3. Créer un environnement propice au recours à l’architecte et à la création architecturale

La mission d’information sur la création architecturale avait formulé plusieurs propositions tendant à favoriser le recours à l’architecte.

La première d’entre elles, très attendue des architectes, consiste à abaisser la surface au-delà de laquelle le recours à un architecte est obligatoire pour l’établissement du permis de construire à 150 mètres carrés de surface de plancher. L’amendement adopté en ce sens par la Commission doit permettre de revenir à la situation antérieure à 2012, les réformes successives du calcul des surfaces de plancher ayant eu un effet délétère sur le recours à l’architecte (43). Si cette mesure pourrait recevoir une simple traduction réglementaire, il apparaît toutefois nécessaire d’inscrire, dans la loi, cette exigence minimale ; une telle disposition n’empêchera nullement le pouvoir exécutif d’abaisser à l’avenir ce seuil s’il le souhaite.

Par ailleurs, la mission d’information avait suggéré l’élaboration de mesures visant à encourager, en dessous de ce seuil, le recours à l’architecte. Le Conseil national de l’ordre des architectes, au cours de son audition, a ainsi proposé que les délais d’instruction des permis de construire présentés par des particuliers ou des exploitants agricoles ayant eu recours à un architecte sans en avoir l’obligation légale puissent être réduits par rapport aux demandes du même type qui n’auraient pas été établies avec le concours d’un architecte. Le rapporteur ne peut que souscrire à cette proposition, qui rejoint celle qu’il avait formulée en 2014 sous la forme d’un permis simplifié. Il ne peut également que soutenir toute expérimentation que le Gouvernement pourrait porter dans ce domaine.

En outre, la Commission, à l’initiative du rapporteur, a estimé nécessaire de préciser le rôle que doivent jouer les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE), notamment en matière d’aménagement de parcelle, de réhabilitation d’une construction ou de conseil architectural dans le contexte d’une rénovation énergétique.

La mission d’information avait également formulé, dans son rapport, plusieurs propositions visant à encourager la création architecturale. Notamment, la place du concours d’architecture méritait d’être réaffirmée. C’est pourquoi la Commission a adopté, à l’initiative du rapporteur, un amendement visant à ce que son principe même soit posé dans la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture. En affirmant, au sein de cette loi fondatrice, que le concours d’architecture est le garant d’une création architecturale de qualité, le législateur affirme le principe de son organisation et encourage les maîtres d’ouvrage à y recourir.

La mission d’information avait également estimé nécessaire de réformer le dispositif de « 1 % artistique » pour mieux intégrer l’œuvre au projet architectural. Le rapporteur estime souhaitable que l’œuvre et l’artiste soient sélectionnés aussi rapidement que possible une fois le choix du maître d’œuvre arrêté et que la diversité des arts représentés soit mieux assurée. C’est pourquoi la Commission a adopté un amendement allant dans ce sens.

Enfin, la mission d’information avait appelé de ses vœux un changement de paradigme normatif en matière de construction. La Commission a donc adopté, à l’initiative du rapporteur, un amendement tendant à permettre à l’État et aux collectivités d’expérimenter, pendant sept ans, un dispositif novateur, fixant des objectifs à atteindre en lieu et place des normes actuellement en vigueur.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation examine, sur le rapport de M. Patrick Bloche, le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (n °2954) lors de ses séances des 16 et 17 septembre 2015.

I. DISCUSSION GÉNÉRALE

M. le président Patrick Bloche. Je suis bien évidemment particulièrement heureux que cette session débute par l’examen du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, texte que nous attendions toutes et tous avec grande impatience depuis de nombreux mois et que nous accueillons avec enthousiasme.

Je salue et remercie en votre nom, chers collègues, Mme la ministre, qui a choisi d’assister aux débats sur son projet de loi alors même qu’aucune obligation de cette sorte ne s’impose aux ministres. Ce choix est d’autant plus utile que, comme vous le savez, ce sera le texte de la commission qui sera débattu en séance publique. Les explications de Mme la ministre seront donc très précieuses pour éclairer nos échanges et nos votes sur ce texte particulièrement important pour le monde de la culture, de la création et du patrimoine.

Ayant été désigné par la commission comme rapporteur de ce projet, je vais maintenant demander à M. Michel Ménard, vice-président de la commission, de bien vouloir me remplacer pour présider la suite de nos travaux.

M. Michel Ménard, président. C’est avec plaisir que je vais vous suppléer dans vos fonctions de président au cours de cette longue journée. À votre suite, je remercie Mme la ministre de sa présence parmi nous.

Vous avez la parole, monsieur le rapporteur.

M. Patrick Bloche, rapporteur. Madame la ministre, mes chers collègues, j’ai le plaisir de vous présenter ce matin mon rapport sur le projet relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, projet de loi qui figure à n’en pas douter parmi les textes les plus attendus de cette législature. Il affirme par sa structure même la nécessaire filiation qui existe entre la création et le patrimoine, entre les œuvres de l’esprit d’aujourd’hui et l’héritage culturel de demain.

Le titre Ier a vocation à constituer le texte fondateur, attendu depuis de nombreuses années par les acteurs du secteur, de la politique de soutien à la création artistique. Sur le modèle de l’article 1er de la loi de 1881 sur la liberté de la presse qui dispose que « l’imprimerie et la librairie sont libres » et de l’article 1er de la loi de 1986 relative à la liberté de communication qui dispose que « la communication au public par voie électronique est libre », l’article 1er du présent projet de loi dispose que « la création artistique est libre ».

Compte tenu des nombreuses remises en cause dont cette liberté fait régulièrement l’objet, cette disposition qui invite le juge à tenir compte de la spécificité de la démarche artistique au sein de la liberté d’expression aura une portée jurisprudentielle très concrète – rapidement, nous l’espérons.

En complément, afin de préserver la programmation accueillie dans de nombreux établissements et lieux culturels de possibles pressions et interventions et d’assurer ainsi l’indépendance artistique, l’article 2 consacre la liberté de programmation artistique.

Les articles 2 et 3 ont également pour objet de donner enfin – avancée historique – une assise législative au cadre d’intervention des acteurs publics en faveur de la création artistique. Ce cadre s’est en effet construit au fil du temps sur des bases juridiques éparses et n’a pour l’instant fait l’objet d’aucun dispositif législatif d’ensemble, ce qui est souvent source d’inquiétudes pour les acteurs culturels.

Ce volet doit également créer les conditions d’une amélioration de la cohérence et de l’efficacité de cette politique publique recentrée autour des objectifs fondamentaux de démocratisation culturelle, de traitement équitable des territoires, de développement des moyens de diffusion ainsi que de professionnalisation des auteurs et des artistes. Enfin, il a vocation à mettre en évidence la complémentarité de l’action conduite par l’État et les collectivités territoriales.

Il devra être complété et précisé, en vue notamment de reconnaître le rôle du milieu associatif et des lieux intermédiaires et indépendants ou d’inscrire des objectifs qui n’y figurent pas, tels que l’égalité entre les femmes et les hommes ou le soutien à la création contemporaine en langue française.

Il devra également être complété par des dispositions relatives à la coordination de l’action publique. Comme plusieurs d’entre vous, je proposerai par amendement des dispositions en ce sens.

Le titre Ier vise par ailleurs à assurer une plus grande transparence et un meilleur équilibre dans les relations entre les acteurs de la création artistique. La question du partage de la valeur créée par l’exploitation de la musique en ligne a fait l’objet de nombreuses discussions et de plusieurs rapports, lesquels n’ont pas, pour l’instant, permis d’aboutir à la mise en œuvre de solutions satisfaisantes. Dans ce contexte, les dispositions proposées ont pour objectif de mieux encadrer et réguler les relations contractuelles entre différents acteurs – producteurs, artistes-interprètes, plateformes de musique en ligne –, ce qui passe notamment par la création d’un médiateur de la musique.

Ce volet du projet de loi pourra néanmoins être complété en fonction des résultats de la mission de concertation que vous avez confiée, madame la ministre, à M. Marc Schwartz, en vue d’un accord sur la répartition des revenus au sein de la chaîne de valeur et dont les conclusions sont attendues d’ici à la fin du mois, au moment précisément où débutera l’examen du projet de loi en séance publique.

Ces dernières années, le secteur du cinéma a lui aussi fait l’objet de controverses portant en particulier sur le manque de transparence de la filière. L’amélioration de la transparence économique de la filière, en particulier des comptes de production et d’exploitation des œuvres, est donc au cœur des articles 8, 9 et 10 du présent texte. Les auditions ont été l’occasion d’évoquer une possible extension à l’audiovisuel des obligations de transparence introduites par ce projet de loi. Nous serons amenés à en reparler.

Le titre Ier comporte également un volet destiné à promouvoir la diversité culturelle et à élargir l’accès à l’offre culturelle. Il comprend une réforme très ambitieuse de l’exception « handicap ». Au-delà des dispositions très attendues sur la reconnaissance des pratiques en amateur, ce volet me semble pouvoir être opportunément enrichi, en particulier par des propositions visant à améliorer l’offre d’œuvres audiovisuelles disponibles sur les réseaux numériques.

Autre sujet dont traite ce projet de loi : l’emploi dans le secteur artistique, qui comporte des spécificités justifiant également une attention particulière du législateur. À cet égard, je tiens à rappeler, en présence de notre collègue Jean-Patrick Gille, que la loi relative au dialogue social et à l’emploi du 17 août 2015, en confortant le régime d’assurance chômage de l’intermittence, constitue d’ores et déjà une avancée majeure de cette législature.

Dans le même esprit, plusieurs dispositions du présent projet de loi ont également vocation à conforter l’emploi artistique. La liste des artistes du spectacle est ainsi complétée pour permettre une meilleure application du droit du travail, en particulier de la présomption de salariat dont ces artistes bénéficient. Il clarifie ensuite leurs conditions d’emploi par les collectivités territoriales.

Enfin, à l’heure où l’État et ses partenaires sont de plus en plus confrontés à la nécessité de disposer d’informations précises, en particulier économique et sociale, en vue de l’évaluation des politiques publiques, le projet de loi ouvre la voie à la mise en place, avant tout par voie réglementaire, d’un observatoire de la création artistique et de la diversité culturelle.

Ce titre consacré à la création s’achève sur des dispositions relatives aux enseignements artistiques. Le projet de loi propose une profonde clarification du statut et des missions des écoles d’art auxquelles il étend l’autonomie, notamment via l’accréditation que nous avions définie dans la loi de 2013 sur l’enseignement supérieur et la recherche.

Il donne un indispensable statut d’étudiant aux élèves des classes préparatoires publiques aux écoles d’art, dont le suivi est souvent indispensable pour réussir à intégrer l’enseignement supérieur artistique, très sélectif, comme vous le savez. Des amendements nous permettront de prendre en compte tout le système public d’enseignement de la création, en garantissant l’avenir des cycles supérieurs des conservatoires et en consolidant le statut des écoles d’architecture.

Le projet de loi comprend un deuxième volet tout aussi attendu et tout aussi essentiel à la mise en place d’une politique culturelle globale sur le territoire, je veux parler du patrimoine culturel et architectural.

Acteurs majeurs de la décentralisation culturelle, les vingt-trois fonds régionaux d’art contemporain – FRAC – contribuent depuis plus de trente ans, à l’initiative notamment de M. Jack Lang, à la démocratisation de la culture et au développement de la création dans les territoires. Ces institutions méritent aujourd’hui la consécration de leur existence dans la loi, comme cela est proposé par le présent projet de loi.

Malgré d’importantes avancées en matière de protection du patrimoine, je constate, pour la déplorer, l’absence de dispositions concernant le régime des archives alors qu’un livre entier du code du patrimoine, le livre II, leur est consacré. J’ai donc proposé des amendements destinés à enrichir le projet de loi par des dispositions permettant d’adapter le régime des archives à la révolution numérique et d’améliorer ainsi la protection de ces documents essentiels.

Nous allons également nous pencher, à l’occasion de ce projet de loi, sur le patrimoine archéologique. En effet, la législation actuelle ne permet plus de répondre de manière satisfaisante aux nombreux enjeux qui caractérisent la discipline. C’est la raison pour laquelle, madame la ministre, vous aviez confié une mission à Mme Martine Faure, ici présente. Le texte que nous allons examiner comporte des dispositions permettant de renforcer le contrôle scientifique et technique de l’État sur les opérations d’archéologie préventive afin de mieux protéger le patrimoine archéologique. Par ailleurs, le régime de propriété des biens archéologiques mobiliers, aujourd’hui excessivement complexe, est utilement simplifié et unifié.

Surtout, ce volet du projet de loi, par son importance, fait écho aux grandes lois que la France a connues dans le domaine du patrimoine monumental depuis la loi fondatrice de 1913.

Au-delà de la réforme des abords qui apporte une simplification bienvenue, ce sont les cités historiques qui constituent le cœur du volet consacré au patrimoine de ce projet de loi. En remplaçant les secteurs sauvegardés – qui n’ont pas atteint, loin s’en faut, le nombre espéré en 1962 sous l’impulsion d’André Malraux – ainsi que les zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager – ZPPAUP –, vouées à disparaître, et les aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine – AVAP –, les cités historiques devraient contribuer à rendre plus lisible le paysage juridique patrimonial tout en conservant – j’insiste sur ce point – le double niveau de protection qui assure la pertinence des dispositifs actuels.

Sur le fond, le transfert aux collectivités locales de la maîtrise d’ouvrage du plan local d’urbanisme (PLU) dit patrimonial comme du plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) a suscité des interrogations tout à fait légitimes, notamment de la part de nombre d’élus locaux. Qu’en est-il de l’assistance technique et financière de l’État ? Quel contenu donner au PLU dit patrimonial ? Quel contrôle de l’État sur ces dispositions ?

J’ai la conviction qu’il faut renforcer dans le texte le rôle, historique en ce domaine, de l’État. C’est d’ailleurs ce que fait un amendement du Gouvernement qui clarifie ses intentions en matière de soutien financier et technique aux collectivités dans l’élaboration de leur PLU patrimonial.

Il faut aussi préciser ce que sera le plan local d’urbanisme dit patrimonial afin d’apporter toutes les garanties de protection aux acteurs institutionnels et associatifs particulièrement actifs dans notre pays.

Je ne ferai qu’évoquer dans mon propos liminaire les dispositions de l’article 24 relatives à la protection des objets mobiliers, qui répondent opportunément à des questions qui se posent depuis plusieurs décennies, ainsi que celles de l’article 26, qui permettront d’instaurer un dialogue fécond entre les institutions et les propriétaires d’immeubles labellisés au titre du patrimoine architectural récent.

Je m’attarderai davantage sur ce qui permettra d’illustrer dans la loi la stratégie nationale pour l’architecture que vous avez souhaité lancer, madame la ministre, avec la détermination que l’on vous connaît.

À ce titre, le projet de loi offre une dérogation intéressante aux règles relatives au gabarit et à la surface constructible. Toutefois, comme elle ne concerne qu’un champ limité, celui des projets ayant déjà obtenu une dérogation au titre des zones denses, de performances énergétiques élevées ou de la diversification de l’habitat, il peut être utile de lui donner plus d’envergure. C’est la raison pour laquelle je vous proposerai une série d’amendements visant à ne retenir que deux critères, au lieu de trois – la qualité architecturale associée à la création ou à l’innovation – et à porter à 10 % le bonus de constructibilité, actuellement fixé à 5 % dans le projet de loi.

Je proposerai également une série d’amendements qui mettent en œuvre la partie législative des propositions de la mission d’information sur la création architecturale dont le rapport a été rendu en juillet 2014, mission dont notre commission a été, comme vous le savez, à l’initiative. Il me paraît notamment important d’abaisser le seuil au-delà duquel il est obligatoire de recourir à un architecte. Fixer dans la loi un seuil de cent cinquante mètres carrés de surface de plancher est une mesure à la fois d’incitation mais aussi de nécessaire simplification. Cela permettra en outre de remédier aux récentes turpitudes réglementaires que ce seuil a connues.

Afin d’encourager les particuliers à recourir à un architecte en dessous de ce seuil, il faut aussi conférer un avantage réel au fait de confier son projet à un architecte. À cet égard, un permis aux délais d’instruction réduits serait à la fois efficace et justifié.

Je souhaite également que le concours d’architecture soit consacré dans la loi et que le principe d’un dialogue entre les candidats et le maître d’ouvrage à un moment donné de la procédure soit posé pour mettre fin à certains effets négatifs et même pervers de l’anonymat qui peuvent porter atteinte à la qualité de certains projets.

En outre, j’ai souhaité déposer un amendement traduisant, par le biais d’une expérimentation, la nécessité de passer, en matière de normes, d’une logique de moyens à une logique de résultat, avec un seul objectif : libérer l’extraordinaire potentiel de la création architecturale dans notre pays. Je proposerai également par un amendement une disposition sur les zones franches architecturales qui permettrait au plan local d’urbanisme de déterminer des zones au sein desquelles les règles sont volontairement allégées et où les permis de construire sont délivrés sur la base de la qualité architecturale du projet et non du seul respect des règles d’urbanisme.

Après cette présentation, j’ajouterai que nous avons été amenés, dès la fin du mois de juillet, à procéder à de nombreuses auditions des acteurs directement concernés par les dispositions de ce projet de loi.

Il nous faut maintenant effectuer un travail utile en exerçant de manière dynamique et intelligente notre droit d’amendement pour que nous puissions dire après le vote du projet de loi : « J’y étais ! J’ai participé à un moment historique ! ». Oui, chers collègues, car nous aurons inscrit pour la première fois dans la loi les objectifs de la politique publique de la culture dans notre pays, politique à laquelle nous sommes si attachés les uns et les autres et nous aurons permis d’assurer de manière plus cohérente et plus efficace la protection de notre patrimoine architectural.

Que nous vivions de la manière la plus sereine qui soit, comme c’est notre habitude à la commission des affaires culturelles, ce moment historique dans notre vie de parlementaire !

M. Michel Ménard, président. Merci, monsieur le rapporteur, pour cette excellente présentation : claire, précise et enthousiaste.

Je donne maintenant la parole à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le rapporteur, cher Patrick Bloche, je vous remercie pour cette présentation enthousiaste et teintée de l’humour qui vous est habituel. Vous avez su en faire ressortir cette conviction que nous partageons, à savoir que ce projet de loi constituera un marqueur important du quinquennat grâce aux avancées considérables qu’il permet dans la définition d’une politique culturelle et la fixation de ses ambitions.

Vous avez, avec beaucoup de clarté et de concision, mis en valeur la substance du projet de loi. Je m’attarderai pour ma part sur les intentions qui ont présidé à son élaboration et présenterai les amendements que le Gouvernement soumet à votre commission – dans le plein respect des délais, je le précise.

Je remercie les équipes des services de l’Assemblée nationale qui vous entourent et salue l’investissement très fort des membres de la Commission, qu’ils appartiennent à la majorité comme à l’opposition.

Je sais que circule dans les couloirs du Palais Bourbon une rumeur ancienne qui veut que certains ministres s’attristeraient toujours d’avoir à présenter un texte fortement amendé par les parlementaires. Je ne suis pas de ces ministres-là, si tant est qu’ils existent. Au contraire, je me réjouis que ce projet de loi portant sur la liberté de création, l’architecture et le patrimoine ait suscité près de 450 amendements : c’est la preuve de son importance, de sa justesse et de sa nécessité.

Non seulement je me réjouis de ce débat en perspective mais je m’y consacrerai avec fierté. Soyons très clairs : j’aurai en commission comme en séance la volonté d’améliorer avec vous ce projet de loi. Tout ce qui viendra l’enrichir devrait pouvoir être retenu, tant que la sécurité juridique à laquelle nous devons veiller est garantie.

J’ai évoqué d’entrée de jeu l’importance de ce texte. Indépendamment de la discussion technique qui va suivre, je crois qu’il est fondamental de préciser l’intention du Gouvernement qui, en déposant ce projet de loi, répond certes à une impérieuse nécessité mais dessine aussi l’avenir de la culture dans notre pays.

Cette impérieuse nécessité présente, nous l’avons tous à l’esprit : des œuvres saccagées, vandalisées, barbouillées de messages antisémites ou repeintes ; des spectacles annulés, des films pourchassés par la vindicte de quelques-uns, ou des artistes décrits comme des fainéants que l’on voudrait employer à garder des enfants. C’est ce climat qu’ont aujourd’hui à subir les artistes et tous ceux qui travaillent avec eux : les tenants d’un retour à l’ordre moral donnent de la voix, et de façon suffisamment forte pour que des artistes soient censurés ou s’autocensurent. Dans un tel contexte, il est urgent d’inscrire dans le marbre de la loi la liberté de création, pour protéger ceux qui créent et leur donner les moyens de se défendre et de travailler.

Toutefois, cette inscription dans la loi dépasse l’urgence du moment. C’est d’ailleurs l’aboutissement d’une longue réflexion, qui a commencé au tout début de ce quinquennat.

Certains, je le sais, se sont alors interrogés sur son utilité : à quoi bon écrire que la création artistique est libre, dans un pays où elle l’est déjà ? D’autres ont rappelé qu’elle était largement recouverte par la liberté d’expression, et que distinguer la création artistique des autres formes d’expression n’avait pas grand sens et pouvait même s’avérer contre-productif.

À ces deux objections, je veux répondre ce matin par un mot : l’avenir.

Nous ne savons pas de quoi l’avenir sera fait. L’histoire nous a appris que toute liberté était une conquête, et qu’une liberté n’était réelle que si elle était garantie. Qui peut nous assurer que la liberté dont jouissent aujourd’hui les créateurs sera toujours garantie demain ? Personne, sinon la loi. Par le passé, l’État n’a pas toujours été du côté des artistes. Souvenons-nous de Flaubert, de Baudelaire, de bien d’autres encore. Il n’y a que la loi pour garantir qu’il le sera désormais à chaque fois. C’est un engagement fort que prend le Gouvernement.

L’avenir encore, car nous ne savons pas à quoi ressembleront les œuvres de demain. Dans un monde qui change, change si vite, change en profondeur et « redessine la carte », pour reprendre les mots d’Alessandro Barrico, il faut pouvoir garantir leur émergence. Les artistes ont souvent un temps d’avance. Ce temps d’avance prend souvent la forme d’un choc, d’une transgression. Les artistes remettent en question nos conceptions de l’ordre et du désordre – Anish Kapoor en est l’un des nombreux exemples. Or, bien souvent la société a des difficultés à accueillir la nouveauté.

Ma conviction est que c’est notamment à travers l’art que la société se transforme et que c’est à travers l’art que nous lisons le plus souvent les transformations du monde, les signaux faibles des mouvements profonds, loin de l’urgence et du tumulte médiatique. Ma conviction est aussi que c’est par les chemins singuliers que nous proposent les artistes que nous pouvons renouer avec le fil d’une histoire collective et envisager l’avenir avec sérénité.

Ce premier article du projet de loi n’est donc pas qu’un acte de protection : c’est aussi un acte de confiance. De confiance envers les artistes.

À en juger par les amendements que vous avez déposés, il me semble que ce premier article fait consensus et que nous pouvons nous rassembler autour de ce grand principe. Nous aurons bien entendu des débats sur son effectivité, sur sa normativité, j’en suis certaine. Nous en aurons aussi sur ses limites, je n’en doute pas. Nous en aurons enfin sur les libertés qui en découlent : la liberté de programmation, la liberté de diffusion. Je m’y prépare.

Ces débats seront de beaux débats. Ils sont nécessaires aussi, dans un moment où notre société est précisément traversée de courants profonds qui ont tendance à éloigner les citoyens les uns des autres. Affirmer le principe de la liberté de la création dans la loi sera de nature à fédérer et rassembler, loin des tentations de repli communautaristes, j’en ai la conviction.

L’avenir toujours, nous le préparons pour les artistes. Car il ne suffit pas d’inscrire leur liberté dans la loi pour la rendre effective : il faut aussi s’attacher à la rendre possible, à lui donner un cadre et des moyens, dans ce temps de grande mutation numérique.

L’avenir, c’est d’abord celui des artistes en devenir. Puisque ma volonté est de m’occuper en priorité de ce qui va émerger, il m’a semblé plus que jamais nécessaire d’offrir un cadre de formation qui permette aux artistes de se faire une place dans la compétition internationale et leur donne la liberté d’être inventifs.

Je pense en particulier à l’agrément des formations dispensées dans les classes préparatoires publiques aux écoles d’art et à l’extension du régime de sécurité sociale des étudiants aux élèves qui suivent ces cursus. Nous réparons une injustice manifeste : il n’y avait aucune raison que ces étudiants soient traités différemment des autres. La créativité ne s’oppose pas à la justice sociale. Nous aurons là encore, je le sais au vu des amendements déposés, des discussions qui s’annoncent passionnantes sur la jeune création.

L’avenir passe aussi par la clarté. Vous avez beaucoup évoqué, cher Patrick Bloche, la question de la clarification des politiques culturelles. J’irai plus loin : je parlerai de transparence.

Transparence de nos ambitions, transparence de nos dispositifs – à commencer par les labels du spectacle vivant et des arts plastiques, enfin pourvus d’un cadre réglementaire.

Transparence, par conséquent, des relations entre l’État et les collectivités territoriales pour ce qui concerne la culture, compétence partagée par excellence.

Transparence aussi du statut des FRAC et renforcement de leurs missions ; protection de leurs collections, désormais reconnues par la loi.

Transparence encore des relations entre les artistes-interprètes et les producteurs, transparence entre les producteurs de musique et les plateformes, transparence entre tous les acteurs de la filière cinéma.

Transparence enfin, par la médiation, pour résoudre les conflits. Je constate par parenthèse que la création d’un médiateur de la musique ne fait pas consensus parmi les groupes. J’y vois la preuve d’une réelle avancée, comme l’a été la création du médiateur du livre.

La transparence offre de la visibilité pour l’avenir : chacun doit savoir où il est pour mieux savoir où il va. La transparence offre un environnement de travail sécurisé au monde de la création. Tout sera donc prêt et garanti pour accueillir sereinement les créations émergentes et faire en sorte que cette émergence soit conforme aux lois et aux principes de la République.

Je parle ici beaucoup d’avenir, de création, et vous vous interrogez peut-être sur la pertinence de lui avoir associé le patrimoine dans un même projet de loi. Le patrimoine, n’est-ce pas ce que nous voulons conserver du passé, comme un socle partagé, à sauvegarder, quand la création est projection ?

On peut toujours regarder le patrimoine avec l’œil du passé mais on peut aussi le regarder avec l’œil de l’avenir, comme vous l’avez fait dans votre propos liminaire, monsieur le rapporteur. Il faut alors poser une question : quel héritage voulons-nous léguer à nos enfants ?

Le patrimoine d’hier vit toujours sous la menace de disparaître demain. Nous le voyons aujourd’hui, à Palmyre en particulier – c’est l’exemple le plus dramatique que nous ayons sous les yeux, une perte irrémédiable pour l’humanité. Nous aurons l’occasion d’ailleurs de débattre des dispositions que je vous propose d’ajouter au projet de loi pour préserver les biens culturels menacés en cas de conflit et pour lutter contre le trafic d’objets et d’œuvres d’art.

La France n’est évidemment pas la Syrie, et elle n’est pas en guerre, fort heureusement. Pour autant, nous ne sommes jamais à l’abri de voir la protection du patrimoine s’affaiblir, sinon disparaître.

Voyez le patrimoine dispersé et démembré, ces monuments privés de leurs biens mobiliers ou vendus à la découpe. Nous gardons tous en mémoire l’exemple récent de la Villa Cavrois, qui a été rendue au public très récemment mais dont le mobilier avait disparu et qu’il a fallu racheter, restaurer et reconstituer pièce par pièce. Le protéger en amont aurait été plus efficace. C’est le sens de la disposition introduite dans le projet de loi pour protéger davantage les monuments, et qui institue une catégorie d’ensembles immobiliers, les domaines nationaux, dont la valeur historique est majeure.

Voyez encore le patrimoine menacé par la disparition ou l’atténuation de la politique des espaces protégés. Des quatre cents secteurs sauvegardés imaginés par Malraux, il n’en reste plus que cent cinq aujourd’hui. Ces derniers étaient même menacés d’extinction, du fait de l’obligation faite aux communes, dans une loi adoptée par la majorité précédente, de faire évoluer leur document de ZPPAUP avant juillet prochain sous peine de devoir renoncer à leur projet.

Lorsque les règles deviennent trop complexes, que les servitudes se superposent et que les procédures s’accumulent, lorsque le régime juridique de la protection devient incompréhensible pour nos concitoyens parce qu’il porte des noms ou des sigles abscons – les AVAP, les ZPPAUP – on s’en désintéresse, on s’en détourne, et on finit par y renoncer.

Que serait-il resté demain de la protection du patrimoine si nous n’avions fait le choix, aujourd’hui, de clarifier et de simplifier nos procédures ? Je suis sûre qu’elle se serait essoufflée. C’est tout le sens de la création des « cités historiques » qui est inscrite au projet de loi : elle donne une énergie nouvelle à cette politique des espaces protégés, sans diminuer pour autant le degré de protection ou l’accompagnement de l’État auprès des collectivités.

Inscrire la protection du patrimoine au cœur des plans locaux d’urbanisme n’équivaut pas à moins d’exigence de la part de l’État, mais à autant d’exigence, avec une procédure simplifiée pour tout le monde. Comme tout changement, cette refonte de la protection du patrimoine suscite des inquiétudes, notamment chez les maires, je ne l’ignore pas. Nous en débattrons, j’apporterai d’ailleurs des réponses ou des précisions et j’entendrai certaines de vos propositions d’amélioration.

Mais je n’hésiterai pas à dire qu’avec la création des cités historiques, cette loi est la plus grande loi relative au patrimoine depuis celle de 1962 instituant les secteurs sauvegardés. Et c’est une loi de gauche, proposée par un gouvernement de gauche, preuve s’il en est qu’on peut conserver le patrimoine sans être nécessairement conservateur !

Je sais que l’opposition, en évoquant le patrimoine, aime à utiliser le terme de « trésor ». Des trésors, il y en a encore à découvrir, et ce sont souvent des vestiges archéologiques. À qui appartiendront ceux qui seront découverts demain ? Aujourd’hui, rien n’est très clair ; là encore, les régimes se superposent. Demain, ils appartiendront à la nation. Les traces du passé deviendront réellement un bien commun. Demain aussi, la nation sera davantage encore garante de la qualité scientifique des fouilles archéologiques préventives, qui sont ouvertes à la concurrence depuis plus d’une dizaine d’années. La loi renforcera une politique qui fait notre fierté, quasiment unique au monde en la matière. C’est à l’avenir encore que l’on songe en repensant le rôle et la place de l’archéologie dans notre pays, comme nous le faisons aujourd’hui.

C’est à l’avenir du patrimoine enfin que l’on songe lorsqu’on parle d’architecture, et c’est là que le continuum entre patrimoine et création est le plus évident. Le patrimoine de demain se crée aujourd’hui. C’est d’ailleurs tout le sens du thème que j’ai souhaité donner à l’édition des Journées européennes du patrimoine, qui auront lieu le week-end prochain : « le patrimoine du XXIsiècle, une histoire d’avenir ». Où commence le patrimoine ? Quel âge faut-il avoir pour être patrimonial ? Cette question, vous le savez, n’est pas nouvelle. Nous y répondons en inscrivant dans la loi un label qui distinguera les constructions récentes, de moins de cent ans. Et nous nous y préparons pour l’avenir, en soutenant l’innovation en matière d’urbanisme : un projet qui se distinguerait par sa qualité architecturale pourrait déroger à certaines règles d’urbanisme, le rapporteur l’a décrit très précisément. Je sais que d’autres mesures seront proposées par voie d’amendement et je suis certaine, là encore, que nous aurons la possibilité d’enrichir le texte.

L’avenir, c’est enfin celui de nos concitoyens. C’est parce que nous sommes convaincus que les arts et la culture nous rendent plus libres qu’il faut continuer de les rendre encore plus accessibles à tous. C’est à cet objectif qu’il faut relier l’exception au droit d’auteur pour l’adaptation des œuvres aux personnes en situation de handicap, que nous proposons d’améliorer à l’article 12.

Mais je pense plus fondamentalement encore à la jeunesse, qui est la première des priorités de ce quinquennat, et à l’avenir que nous lui préparons. En la matière, les propositions pour enrichir le texte qui vous seront faites au cours de la discussion seront nombreuses. Dans cet avenir, il importe que l’art et la culture aient toute leur place : par l’éducation artistique et culturelle ; par l’accès à la formation musicale – en particulier dans des conservatoires qui veillent à la diversité des esthétiques et des pratiques ; par la pratique amateur, enfin, qui est pour beaucoup de nos concitoyens – et même beaucoup d’entre nous – l’une des façons de vivre l’art.

Monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, vous l’aurez compris : ce projet de loi est cohérent avec l’ensemble des projets et des dispositions de l’exécutif pour la culture depuis le début de ce quinquennat. Il s’agit d’un acte fondateur pour la culture pour le siècle qui vient, parce qu’il assure que les artistes aient bien une place dans la société de demain et que la culture soit toujours davantage accessible à tous.

La culture est l’une de nos plus grandes richesses et doit le demeurer. Je suis convaincue que beaucoup d’entre vous partagent cette ambition et que vous contribuerez à enrichir ce projet de loi.

M. Michel Pouzol. Je suis très heureux de commencer ce matin l’examen du très attendu projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dont j’ai l’honneur d’être le responsable pour le groupe Socialiste, républicain et citoyen, épaulé par mes collègues Sophie Dessus pour la partie patrimoine, Martine Faure pour la partie archéologie – qui s’appuiera largement sur son excellent rapport sur le sujet – et Hervé Féron pour la partie création. Tous trois se sont largement investis sur ce projet de loi à mes côtés et à ceux de notre rapporteur et président de la commission, Patrick Bloche.

Ce texte très attendu est fortement soutenu par notre groupe, puisqu’il est l’aboutissement d’un travail global, mené conjointement par le Gouvernement et les membres de la commission des affaires culturelles et de l’éducation depuis le début de ce quinquennat. Ce texte, ainsi que les amendements que nous proposerons au cours des débats, s’appuie sur le travail collectif que nous avons mené depuis trois ans et qui a été jalonné de plusieurs rapports, dont certaines propositions, sur lesquelles nous avons déjà travaillé en commission, se retrouvent dans le projet de loi.

Permettez-moi ainsi, outre le rapport de Martine Faure sur l’archéologie que j’ai déjà cité, de distinguer ici le rapport de nos collègues Jean-Patrick Gille sur la protection des métiers du spectacle et de la culture, et Marcel Rogemont sur la rémunération de la copie privée, et bien entendu ceux de Patrick Bloche sur la création architecturale et le dixième anniversaire de la convention de l’Unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

Une des forces du texte qui va nous occuper aujourd’hui est, vous l’aurez compris, qu’il aborde plusieurs thématiques qui ont été au cœur des travaux de cette commission. Il porte tant sur l’intermittence que sur des dispositions autour de la propriété littéraire et artistique, il reprend certaines thématiques abordées dans le cadre de nos discussions budgétaires et contient des articles traduisant les propositions des rapports sur la rémunération pour copie privée et la convention de l’Unesco que j’ai déjà évoquée, pour n’aborder que quelques-uns des larges sujets qu’il soulève.

Nous nous félicitons par ailleurs de pouvoir débattre de cette grande loi sur la culture dans un contexte plus favorable, puisque le budget alloué à la création nous permettra, dès l’année prochaine, d’accompagner la mise en œuvre des principes cardinaux édictés par celle-ci, si nos informations sont bonnes.

Dans le souci de ne pas dépasser le temps de parole qui m’est alloué, je laisserai mes excellents collègues aborder deux des grands sujets de cette loi, le patrimoine et l’architecture, pour concentrer mon intervention sur la création et la culture.

L’année 2015 sera donc celle de la culture, la culture comme vecteur d’émancipation, la culture au cœur du combat pour faire vivre les valeurs républicaines, pour donner aux jeunes, dès leur plus jeune âge, des clés de lecture pour comprendre un environnement et s’émanciper sans être soumis à des influences extérieures de plus en plus souvent liberticides.

C’est bien l’ambition de ce projet de loi qui, dès son premier article, donne un fondement juridique à la liberté de création artistique. La liberté de création devient une liberté publique au même titre que la liberté d’expression ou la liberté de la presse. À une époque où cette liberté de création est sans cesse remise en cause, où ressurgissent des formes de censure que nous pensions – un peu hâtivement – disparues, qu’il s’agisse de censure politique, morale, religieuse ou budgétaire, nous avons pour obligation de protéger les artistes contemporains et les auteurs et, plus encore, l’acte créatif d’où qu’il vienne.

Malheureusement, les exemples d’attaques contre la culture ne manquent pas et deviennent de plus en plus fréquents. S’il revient à l’État de garantir l’ordre public, la production artistique contemporaine doit pouvoir s’exprimer librement dans l’espace public, et vouloir lui interdire le bouleversement des sens ou des conventions, souvent au cœur de sa volonté émancipatrice, est tout simplement nier l’acte créatif.

Bien entendu, il nous reste encore des précisions à apporter au texte avant son examen en séance publique, le 28 septembre, mais nous allons y travailler. Je pense à tout ce qui concerne les pratiques amateurs, mais aussi à la diversité des publics, l’égal accès de toutes et tous, quelles que soient ses origines, sa culture, sa couleur de peau, sa religion et peut-être plus encore son origine sociale, à l’acte créatif mais aussi à la diffusion et à l’apprentissage des arts et de la culture, sans omettre l’éducation artistique mais aussi, c’est un point important, l’accès à la gestion des équipements culturels de nos territoires.

Permettez-moi, madame la ministre, de simplement regretter à ce stade que notre amendement concernant un élément essentiel de cette loi – la création d’un conseil national des arts visuels – ait été repoussé en vertu de l’article 40 de la Constitution. Mais qui sait, le Gouvernement aura peut-être l’occasion de le remettre en selle ?

Permettez-moi enfin, au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen, de vous féliciter, madame la ministre, pour votre travail sur ce projet de loi, pour votre détermination et votre obstination à voir ce texte aboutir. C’est avec un plaisir non dissimulé que nous nous apprêtons à en discuter dans cette commission et à le défendre, à vos côtés, pour continuer ensemble à faire rayonner la création culturelle à une époque qui en a de plus en plus besoin. Soyez assurée, madame la ministre, que le groupe Socialiste, républicain et citoyen sera à vos côtés une force de proposition et de conviction tout au long de ces débats.

M. François de Mazières. Si nous avons pu unanimement nous émouvoir des atteintes portées au patrimoine et à la création – je m’indignais il y a dix jours des dégradations nauséabondes commises contre les œuvres d’Anish Kapoor – il faut bien reconnaître que le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui ne masquera pas le vide de la politique culturelle du quinquennat de François Hollande. Souvenons-nous de la tirade de Dom Juan dans la scène II de l’acte V : « l’hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus ».

Madame la ministre, même si je suis scandalisé par la bêtise de ces tags au contenu révoltant sur le désormais célèbre Dirty Corner, alias « vagin de la Reine », restons pour autant lucides : ce n’est pas Anish Kapoor, artiste mondialement connu, dont l’inauguration de l’exposition a donné lieu à une invitation des plus fastueuses pour sept cents couverts, et à qui l’on a autorisé par une dérogation totalement inédite à faire un important terrassement dans le parc, qui est aujourd’hui le plus menacé dans sa création.

La principale menace, dont nous devons nous préoccuper en notre qualité de législateur, est la fragilisation actuelle des mécanismes qui ont fait la renommée de notre culture. Regardons les choses en face : le dispositif d’enseignement culturel imaginé par Marcel Landowski est fragilisé par la suppression des financements de l’État. La décentralisation, qui avait permis l’explosion des pratiques culturelles, notamment à travers la multiplication des festivals, est en panne du fait des nouvelles contraintes financières qui pèsent sur les collectivités territoriales. Le mécénat, mis en place par la loi de 2003, est en régression du fait de la crise. Le soutien à la création française des auteurs et compositeurs est fragilisé par les nouvelles règles du marché de l’art imposé par la « culture-business » et les GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon. Le modèle que constituait la protection du patrimoine en France est directement remis en cause par la baisse des crédits d’État et l’engorgement des services.

Avec Christian Kert, qui s’est particulièrement penché sur la question de la création, et nos collègues du groupe Les Républicains, je vous invite à vous interroger sur les vraies raisons d’une telle fragilité, aujourd’hui, de la création, du patrimoine et de l’architecture.

Commençons par dresser deux constats. Le premier : depuis 2012, la culture n’est pas une priorité pour le Gouvernement. Si le budget 2015 a été stabilisé, il n’en demeure pas moins qu’il entérine une chute libre des crédits. Sur ces trois derniers exercices, les moyens dévolus à la mission culture sont en baisse de 132 millions d’euros – soit 4,8 % – et l’effort budgétaire est très largement supporté par le programme « Patrimoine », dont les crédits sont en recul de 117 millions d’euros, soit 12,6 %.

Second constat : à défaut de moyens, ce projet de loi devrait être un projet de combat, un projet imaginatif. Or nous avons du mal à saisir l’unité et la vision d’ensemble de ce texte. En l’absence de ce souffle, nos auditions – et je voudrais en cette occasion féliciter notre rapporteur pour son impressionnant travail, auquel je me suis associé tant que faire se peut – se sont transformées en une succession de revendications professionnelles, certes intéressantes, mais donnant au final le sentiment d’une politique culturelle sans créativité, le sentiment d’une période régressive. Plus inquiétant encore : sur ces quarante-six articles, nombre sont inspirés d’une logique défensive de l’administration de votre ministère, comme si, conscient qu’il n’arrivait plus à faire face à toutes les charges qui lui incombent, il cherchait à construire des digues de protection.

Notre souci, au moment d’aborder cette discussion, sera de dégager de ce projet de loi les grands enjeux du moment pour la politique culturelle en France.

Le premier de ces enjeux est celui du devenir de notre culture. C’est au fond le sujet qui est abordé à travers l’affirmation de la liberté de la création. Mais permettez-moi de penser qu’il est traité ici de manière quelque peu régressive. Depuis 2012, votre majorité nous a appâtés avec une grande réflexion sur l’acte II de l’exception culturelle, faisant notamment suite au rapport Lescure. Le bouleversement introduit par internet, dont les principaux acteurs aspirent à la domination sans partage sur la culture, ravalée au rang de contenu et de données, remet en cause toutes les régulations culturelles qui font la spécificité du modèle français. Sur ces grandes questions, le texte n’apporte pas une vision d’ensemble. Votre ministère doit au contraire composer avec un texte sur le numérique qui fait peser une lourde menace sur le droit d’auteur. Nous vous ferons des propositions.

Le deuxième enjeu, c’est celui du présent, celui de la démocratisation. Je ne crois pas trahir l’ambition de votre gouvernement en ce domaine que tous les gouvernements, de droite ou de gauche, partagent depuis Malraux, et qui prend une valeur toute particulière aujourd’hui alors qu’un nombre croissant de Français reste en marge de la culture. Malraux, lors de l’inauguration de la maison de la culture de Bourges, exprimait déjà ses craintes devant une humanité investie par d’immenses puissances de fiction. Il ne connaissait pourtant pas internet, mais seulement la télévision. Et Malraux, avec l’incroyable puissance visionnaire qui était la sienne, prophétisait : « ces puissances de fiction sont aussi des puissances d’argent. Et ces puissances d’argent utiliseront ce qui est le plus puissant sur les rêves des hommes, le sexe et le sang ». « Nous sommes dans une civilisation qui est en train de devenir vulnérable » écrivait l’auteur de L’espoir. Et de conclure son exorde en invitant la France à reprendre sa mission : apporter à tous un contact avec la culture. Nous vous invitons donc à prendre des dispositions claires en faveur de l’enseignement artistique aujourd’hui menacé.

Troisième enjeu : celui de la valorisation de notre passé. Cette loi inquiète, tous les acteurs du patrimoine que nous avons rencontrés nous l’ont dit. Au fond, la loi de 1913, le socle, est une loi exceptionnelle. Aujourd’hui, le projet de loi qui nous est proposé fragilise ce socle et inquiète tous les acteurs du patrimoine.

Au final, madame la ministre, je pense qu’il s’agit d’une occasion ratée. Mais au sein du groupe Les Républicains, nous sommes là pour être constructifs et nous allons essayer de vous aider à faire de ce texte un texte important.

Mme Isabelle Attard. Au nom du groupe Écologiste, je suis ravie qu’au bout de trois ans, nous débattions enfin d’un grand projet de loi sur la culture dans cette commission. Ce long délai a naturellement créé beaucoup d’attentes chez nous, vous vous en doutez.

Pendant longtemps, la précédente ministre a invoqué le rapport Lescure
– en cours – pour justifier l’absence d’une telle loi. Ce rapport est paru il y a deux ans et demi aujourd’hui. Le rapport Lescure n’était pas exempt de défauts, mais il soulevait de vraies questions. Il attirait l’attention sur les limites atteintes par le mécanisme de la copie privée face aux évolutions numériques ; il appelait à assouplir la chronologie des médias pour accélérer la mise à disposition des œuvres ; il envisageait la possibilité de mettre en place des régimes de gestion collective obligatoire pour les exploitations numériques des œuvres.

Ce rapport prenait aussi en compte la question des nouveaux usages et il comportait une série de mesures de rééquilibrage : la promotion de l’interopérabilité et le contrôle de la gestion des droits numériques (Digital Rights Management – DRM) ; le développement d’offres de ressources numériques en bibliothèques ; l’extension des exceptions au droit d’auteur, notamment en faveur des usages pédagogiques et de recherche ou des usages transformatifs, tels que mashup ou remix. Il proposait aussi une consécration positive du domaine public et l’utilisation des licences libres, notamment pour les œuvres subventionnées par de l’argent public. Nous souhaitons sincèrement que ces points soient ajoutés à cette loi. Certains de nos amendements vont dans ce sens, et nous en déposerons d’autres pour la séance.

En tant que chef de file du groupe Écologiste, je tiens cependant à vous faire part de nos regrets concernant le calendrier de ce projet de loi. Il est en effet difficile de préparer sereinement des amendements alors que les auditions du rapporteur ont eu lieu durant l’été, en dehors des sessions extraordinaires de juillet et septembre. Les articles sont nombreux, et traitent de manière technique de sujets très variés. Enfin, nous avons découvert hier de nombreux amendements du rapporteur et du Gouvernement. Nous espérons que la deuxième lecture nous permettra un travail beaucoup plus approfondi.

Votre projet, madame la ministre, consacre la liberté de création. C’est important. La créativité de nos compatriotes a une valeur inestimable. Certains l’ont très bien compris, et essaient de se l’accaparer, notamment par des contrats qui contournent les lois ou profitent de leurs angles morts liés à l’évolution technologique. Il est de notre devoir moral, éthique et philosophique de faire en sorte que les créateurs de demain aient accès à toute la création d’hier, sans contrainte. Nous sommes un pays connu grâce à ses artistes, quelle que soit la discipline. C’est pourquoi je vous proposerai une définition positive du domaine public. Si nous protégeons aujourd’hui le domaine public, nous offrirons demain au plus grand nombre un accès à toutes les œuvres qui fondent notre culture commune.

J’attends également de cette séance de commission une clarification de la situation de l’INRAP dans le secteur de l’archéologie préventive. Dans un contexte où d’autres opérateurs publics et privés se partagent un marché de plus en plus réduit, il est crucial d’éviter que le moins-disant financier sorte le plus souvent gagnant des appels d’offres, et que l’étape de post-fouilles soit trop régulièrement bâclée.

Un autre point majeur de ce projet de loi est l’intégration de l’appellation « Cité historique » aux plans locaux d’urbanisme. Certains maires, y compris socialistes, se sont sentis abandonnés face à la simplification annoncée des protections actuelles du patrimoine urbain avec l’appellation unique « Cité historique » et la gestion de cette appellation par le plan local d’urbanisme. Didier Herbillon, maire de Sedan, explique : « Je ne suis pas un ayatollah du patrimoine. Mais si les collectivités choisissent seules les régimes de protection de leur patrimoine, elles iront au moins contraignant. C’est le vrai souci de cette loi. La décision doit rester celle de l’État. »

Ne perdons pas de vue que les élus locaux sont en première ligne face aux pressions des habitants. Le système actuel garantit une vraie indépendance des responsables de la protection du patrimoine. Pascal Planchet, professeur de droit à l’université de Lyon, précise : « Dans la nouvelle loi, il n’y a pas assez de garde-fous pour éviter que les communes affaiblissent le degré de protection de leur patrimoine. »

Madame la ministre, nous vous remercions de votre présence. Nous avons souvent vu des débats reportés à la séance dans l’attente d’une consultation du ministre concerné. Nous entamons une journée marathon, avec trois séances de commission prévues, pour débattre de quatre cent vingt-neuf amendements. Le temps que vous nous consacrez aujourd’hui sera une source précieuse d’efficacité.

M. Michel Piron. Si la culture est ce qui reste quand on a tout oublié, selon le mot célèbre, je voudrais simplement vous rappeler, madame la ministre, que le patrimoine n’est heureusement ni de droite, ni de gauche.

Le texte qui nous est présenté sera-t-il un texte culturel mémorable ? On peut se poser la question, même s’il est vrai que les mesures présentées répondent à un certain nombre d’attentes. Son titre annonce des visées larges, voire superfétatoires à mes yeux s’agissant de l’article 1er – je dis bien superfétatoires, car la liberté n’est pas fille, mais mère de la loi. Et il me semble que c’est une erreur de la déduire d’une loi qui la présuppose.

Certes, madame la ministre, nous sommes tous conscients des contraintes budgétaires qui pèsent sur votre ministère. Cependant, ces contraintes et le manque de moyens ne doivent pas empêcher d’être à la hauteur des défis auxquels fait face le monde de la culture.

Pour autant, nous pouvons nous retrouver sur certains sujets essentiels qui ne prêtent pas à polémique et qui, par là-même, rendent possible un débat de fond sur l’action de l’État. Ainsi, le projet de loi dont notre commission est aujourd’hui saisie poursuit un double objectif, puisqu’il doit permettre – ou plutôt faciliter – la liberté de création et assurer la protection du patrimoine.

Ce projet de loi affirme de grands principes auxquels chacun ne peut que souscrire : la liberté de la création artistique affirmée dès l’article 1er et les objectifs de l’action publique énoncés à l’article 2. L’égal accès des citoyens à la création artistique, le soutien aux artistes, la promotion de la circulation des œuvres, la lutte contre la précarité de l’activité artistique sont autant de mesures chères au groupe Union des démocrates et indépendants. Les récents événements doivent, en outre, être l’occasion pour la représentation nationale de réaffirmer les principes fondamentaux du service public de la culture.

Je tiens également à saluer plusieurs dispositions prévues dans le projet de loi, notamment en matière de valorisation et de protection du patrimoine. La simplification des régimes juridiques applicables est opportune, tout comme les dispositions de l’article 11 sur l’élargissement de l’accès à l’offre culturelle pour les personnes atteintes d’une ou plusieurs déficiences. Le renforcement des actions de labellisation devrait également permettre de mieux encadrer les procédures de sélection des projets artistiques à travers des critères harmonisés et transparents.

Pour autant, plusieurs interrogations restent en suspens.

Les différentes lois territoriales n’ont pas permis de clarifier les compétences entre les différents échelons, et entre les collectivités et l’État, et ce projet de loi ne résout pas cet enchevêtrement. À ce titre, je déposerai un amendement visant à inscrire dans la loi l’existence d’une commission dédiée aux compétences partagées que sont la culture, le tourisme et le sport au sein des conférences territoriales de l’action publiques (CTAP). L’existence d’une telle commission permettra peut-être de rationaliser l’exercice des compétences partagées.

L’organisation des compétences entre l’État et les collectivités en matière de décentralisation des enseignements artistiques doit également être actée. Plus de dix ans après les lois de décentralisation, la cohérence territoriale de l’offre de formation n’est toujours pas assurée. Les régions doivent pourtant assumer ce rôle de chef de file et les missions des conservatoires doivent être valorisées. Je regrette d’ailleurs que, dans ce texte, l’articulation entre les pratiques amateurs et professionnelles ne soit pas mieux organisée. Au cours des débats, nous soutiendrons les propositions de mon collègue François de Mazières sur ce sujet, défendues parallèlement au Sénat par la présidente Catherine Morin-Desailly.

La discussion de ce projet de loi sera également l’occasion d’examiner sous forme d’amendement une disposition que j’avais présentée il y a quelque temps sous forme de proposition de loi : la possibilité pour les associations qui ont pour vocation la protection du patrimoine culturel de se constituer partie civile. À bien des égards, la prise en compte de ces associations permettrait de lutter plus efficacement contre les vols et trafics de biens culturels en élargissant les possibilités de recourir à la justice.

Enfin, j’ajouterai qu’il convient d’être particulièrement sobre et vigilant en cette période d’inflation législative. L’harmonisation des procédures ou l’allégement des structures ne doit pas se faire au détriment de la simplification. Il ne faudrait pas, particulièrement dans le domaine de l’architecture et de la protection du patrimoine, alourdir des procédures déjà complexes et allonger la prise de décision, fût-ce au prix de l’harmonisation.

Mme Gilda Hobert. Voici enfin venu le temps d’examiner le projet de loi tant attendu relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.

Je voudrais d’abord vous remercier, madame la ministre, de votre présence, de votre investissement, de votre ambition, et remercier aussi le rapporteur, qui a relevé le défi en présentant brillamment ce conséquent projet de loi.

Le temps imparti ne permettra pas d’évoquer tous les points positifs qui jalonnent ce projet de loi, qui s’est concrétisé dans un terme assez long et a subi des variantes depuis sa naissance. S’il se présente avant tout comme le garant de la volonté manifeste de notre gouvernement de promouvoir, protéger, soutenir et armer des domaines aussi divers que la création, l’architecture et le patrimoine ; il comporte un nombre impressionnant de dispositifs divers, rassemblés au sein d’un même texte, qui appellent notre vigilance. Nous devrons en effet, au cours de notre étude, veiller à ne pas nous perdre dans des méandres qui conduiraient à délaisser certains aspects, les renvoyant à des décrets ultérieurs.

Mais il faut le dire, ce projet de loi apporte de réelles avancées pour le monde culturel. En termes de reconnaissance de la liberté de création d’abord, et ce dès son article 1er. Ce texte consacre de manière législative, comme l’a souligné Mme la ministre, le principe de la liberté de création artistique, fondement de la liberté d’expression et de notre démocratie. Il n’apparaissait en effet toujours pas dans le droit français, ce sera bientôt chose faite et nous ne pouvons que nous en féliciter.

J’aimerais aussi saluer la réaffirmation des objectifs de soutien aux acteurs de la création artistique figurant à l’article 2, et notamment dans un cadre d’éducation artistique et populaire. Il serait d’ailleurs juste à ce propos d’aller plus loin et de prendre en compte ces temps de transmission artistique dans le calcul horaire de l’intermittence. Le rôle d’artiste, qu’il s’agisse de spectacle vivant ou d’art pictural, comprend souvent les deux facettes : création-réalisation et pédagogie. Le public est son objectif unique dans ce qu’il représente d’engagement mutuel : artiste-public. Quoi qu’il en soit, les treize points énoncés, qui marquent la volonté de protéger la création et la production artistiques, semblent, comme on a pu l’entendre, une liste de bonnes intentions. Pourtant, à ces volontés exprimées, l’encadrement législatif s’avérait nécessaire. La loi viendra heureusement conforter ce qui, il faut bien le dire et le saluer, se pratique de fait sur nos territoires.

Une autre avancée notable présente dans ce projet de loi est la prise en considération des arts du cirque et de la marionnette à l’article 14. Il était urgent de corriger ce qui s’apparentait à une réelle injustice pour ces acteurs qui, par les moyens d’expression qui leur sont propres, participent à la diversité et à la richesse de notre patrimoine culturel.

Un bon point encore : les conditions d’emploi des artistes du spectacle vivant ont été clarifiées à l’article 15, selon que leur engagement correspond à une mission permanente ou ponctuelle.

Concernant le domaine musical, l’article 17 instaure une nouveauté, celle d’un médiateur de la musique, nommé par le ministre de la culture, comme cela existe déjà dans le milieu cinématographique. Si notre groupe n’a aucune opposition au premier abord sur ce dispositif, il est nécessaire à mon avis d’en clarifier le rôle et de mieux encadrer les conditions de son exercice, qui restent encore un peu floues. Je défendrai des amendements allant dans ce sens.

Mais ce projet de loi ne saurait être abouti sans que soient pris en compte les derniers bouleversements que connaît le milieu culturel au travers du numérique et des nouvelles technologies. S’il est clair que ce texte n’a pas vocation à s’attaquer encore au vaste et inévitable chantier qu’est l’adaptation culturelle à l’ère du numérique, comme le préconisait pourtant le rapport Lescure, quelques avancées en termes d’accès dématérialisé demeurent positives. Néanmoins, la dématérialisation, par ce qu’elle apporte en termes de démocratisation culturelle, ne doit pas pour autant contrevenir aux droits des créateurs en matière d’exploitation physique. Un amendement est prévu sur ce point.

Enfin, autres versants très conséquents de ce projet de loi : l’architecture et le patrimoine. Je ne m’étendrai pas sur ces sujets qui font l’objet d’amendements. En quelques mots, dans le domaine du patrimoine, une meilleure visibilité et des règles de fonctionnement simplifiées sont souvent souhaitées par les professionnels. Ils ont été entendus.

D’autre part, le dispositif « Cités historiques » – qui comprendrait un plan de sauvegarde et de mise en valeur sur tout ou partie du périmètre sauvegardé, le reste étant couvert par un PLU comportant des dispositions sur le patrimoine – sera-t-il approprié à certains quartiers ? Même si des évolutions sont prévues, notamment une compétence décentralisée transférée aux EPCI, ce dispositif inquiète certains élus.

Je regrette que la reconnaissance du patrimoine immatériel n’ait pas été retenue dans la version finale de ce texte alors qu’elle apparaissait dans l’avant-projet de loi. J’y reviendrai lors de la présentation d’un amendement. Évidemment, nous reparlerons également de l’archéologie préventive.

Voilà l’essentiel de ce que je voulais vous dire, madame la ministre, sur ce projet de loi. Le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste soutiendra ce texte pour l’élan positif qu’il amène aux champs de la création, de l’architecture, et du patrimoine, tout en restant vigilant.

Mme Marie-George Buffet. Monsieur le président, madame la ministre, je partage l’avis que vient d’exprimer M. le rapporteur : l’examen de ce projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine est un moment important de notre travail parlementaire. Il y avait beaucoup d’attente pour une grande loi d’orientation et de programmation sur la culture. Cette attente est justifiée, car il y a urgence. On parle parfois de l’urgence à légiférer sur les questions économiques, sociales, ou de sécurité. Mais je crois que vu l’état de nos sociétés, il était urgent de légiférer sur la création artistique, car comme il est très bien écrit dans l’exposé des motifs, la culture rend possible l’émancipation individuelle et la citoyenneté dont nous avons tant besoin en ce moment.

Cette idée est soutenue par l’article 1er, qui prévoit : « La création artistique est libre. » Cet article n’est pas une disposition supplémentaire qui n’aurait pas force de loi. Il est extrêmement important, dans le contexte que nous connaissons, de réaffirmer la liberté de création face à toutes les pressions, au plan international mais aussi ici, dans notre pays. Nul n’ignore les actes commis à l’encontre de certaines troupes de théâtre, certaines expressions ou œuvres d’art ces derniers temps.

Monsieur le rapporteur, vous avez déclaré votre enthousiasme, je n’irai peut-être pas jusque-là. Bien sûr, je me félicite que l’on précise, dans l’article 2, l’objectif des politiques publiques. Il y a des avancées, comme l’Observatoire de la création et de la diversité culturelle, le médiateur de la musique, l’accès à la culture des personnes handicapées, les cités historiques pour le patrimoine, l’entrée des artistes de cirque et des marionnettistes dans la liste des artistes de spectacle, et d’autres dispositions encore.

Mais des pans entiers ne sont pas traités, ou demandent, comme vous l’avez-vous-même souligné, à être améliorés. Je pense bien sûr aux pratiques amateurs, à la question des archives, à l’éducation artistique tout au long de la scolarité et pas simplement dans l’enseignement supérieur. Je pense également à l’architecture, au sujet de laquelle vous avez présenté des amendements, puisque cette partie est particulièrement faible.

Nous restons vraiment au milieu du gué dans la remise en cause de la loi libérale de 2003 concernant l’archéologie préventive. Et l’excellent rapport de notre collègue Martine Faure a montré l’urgence d’agir en ce domaine.

Surtout, l’affirmation très forte : « La création artistique est libre » ne trouve pas les assises nécessaires dans la loi. Il faut enrichir ce projet sur la pérennité et le développement du service public des arts et de la culture, indispensable pour assurer cette liberté de création. Nous savons bien qu’elle ne peut pas s’épanouir dans un monde où ne règnent que la concurrence et les choix libéraux.

Les députés du Front de gauche seront donc amenés à présenter des amendements permettant d’inscrire dans la loi la résolution, adoptée il y a deux ans, sur l’exception culturelle qui rappelait que les biens et les services culturels ne sauraient être assimilés à des marchandises comme les autres.

Nous défendrons d’autres amendements garantissant le développement des politiques publiques sur l’ensemble du territoire. Je partage le souci de préciser les moyens d’assurer l’équité territoriale afin d’éviter que des zones entières soient privées de politiques culturelles.

Nos amendements porteront aussi sur les pratiques amateurs, sur les statuts des artistes, salariés ou non – à cet égard, je regrette que plusieurs amendements aient été déclarés irrecevables – et sur l’archéologie préventive, d’autant que les attaques des entrepreneurs privés dans ce domaine sont particulièrement inquiétantes.

Ces amendements s’inscrivent dans une démarche constructive. Je souhaite en effet que le travail parlementaire permette de faire de ce projet de loi une loi marquante de la législature.

M. Hervé Féron. Ce projet de loi prend aujourd’hui une résonance toute particulière. Madame la ministre, j’ai récemment eu l’occasion de vous interroger sur le Yémen, ancien pays de la reine de Saba, dont trois sites architecturaux figurent sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité. Le Yémen, qui est actuellement la cible des bombardements de l’Arabie Saoudite, voit son patrimoine artistique et culturel mis en pièces. Il est absolument nécessaire que la communauté internationale intervienne aussi pour protéger ce patrimoine car, avec l’effacement de sa mémoire, c’est tout un peuple qu’on assassine.

Je fais allusion au Yémen car, avec ce projet de loi, les liens entre patrimoine et création sont évidents. En effet, la création artistique d’aujourd’hui constitue le patrimoine culturel de demain qu’il nous appartient de protéger. Je me réjouis donc que ce texte grave dans le marbre de la loi le principe de la liberté de création. L’art, par nature, interroge, il fait réfléchir, il peut choquer, provoquer le débat, mais rien ne justifie, en aucune manière, l’agression d’une œuvre ou de son auteur. C’est un sujet qui malheureusement ne nous est pas étranger, comme en témoignent les actes de vandalisme récents contre les œuvres d’Anish Kapoor à Versailles ou encore de Paul McCarthy Place Vendôme. « La création artistique est libre », c’est ce que ce projet de loi entend garantir.

Dans le domaine de la création, nous avons prêté une attention toute particulière aux débats relatifs au partage de la valeur. Aujourd’hui, les artistes-interprètes s’estiment lésés dans la répartition des revenus tirés de la musique en ligne. Depuis des années, on observe une tendance à la paupérisation de cette catégorie d’artistes que rien ne semble enrayer. À cet égard, les propositions des sociétés de perception telles que la SPEDIDAM et l’ADAMI, qui défendent les droits des artistes-interprètes, méritent d’être entendues. Je forme le vœu que les députés puissent faire des propositions équilibrées, si jamais la mission de médiation confiée à Marc Schwartz venait à échouer.

Je salue l’excellent travail de notre rapporteur. Madame la ministre, depuis votre arrivée, vous êtes sur tous les fronts : sanctuarisation du régime de l’intermittence, soutien au pluralisme des médias, développement de l’éducation artistique et culturelle, inscription de la culture au cœur des territoires, et maintenant le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine ; ce texte adresse un signal d’ambition au monde de la création et écrit le droit du patrimoine pour les vingt prochaines années. Vous pouvez compter sur le travail de proposition et le soutien du groupe Socialiste, républicain et citoyen.

Mme Annie Genevard. Il est toujours périlleux de retarder la production d’un événement, plusieurs fois annoncé et plusieurs fois reporté, car on crée une attente et on aiguise la vigilance. Comme au théâtre, les péripéties ont été nombreuses et l’attente prolongée à son maximum puisque cette loi arrive, in extremis, dans la dernière ligne droite du quinquennat.

Le texte est, pour reprendre les termes du très averti président de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture, « étrange », mélangeant création et patrimoine, qui à l’origine devaient faire l’objet de deux lois distinctes.

Étrange, car il mêle des dispositions très techniques et des déclarations de principe comme celle qui consacre la liberté de création. On a sur ce point le sentiment que vous surfez sur l’actualité dont vous avez sans doute pensé qu’elle servait opportunément votre propos, des attentats de janvier jusqu’aux dégradations scandaleuses de la sculpture de Kapoor – ces dernières relèvent davantage de l’antisémitisme le plus honteux et s’attaquent moins à la liberté de création qu’à la liberté de diffusion.

Étrange car il passe sous silence un certain nombre de sujets sur lesquels nous reviendrons sans doute en séance ou à la faveur de l’étude des amendements : rien sur les territoires, la diffusion, les pratiques amateurs, ou encore l’enseignement artistique…

Par ailleurs, ce texte modifie profondément les règles d’urbanisme en fondant deux dispositifs de protection – secteurs sauvegardés, zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager et aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine – en un seul – les cités historiques –, suscitant chez les élus locaux la crainte de voir affaibli le niveau de protection architecturale. En outre, vous redistribuez substantiellement les responsabilités entre l’État et les collectivités locales ainsi qu’entre les collectivités elles-mêmes. L’inquiétude s’exprime également face au rétrécissement du périmètre légal de protection. Il faut bien comprendre que mon propos ne traduit pas une défiance à l’égard des élus locaux qui seraient inaptes à protéger eux-mêmes leur patrimoine mais la crainte qu’ils ne soient exposés directement à des pressions dont ils étaient jusqu’alors protégés par les outils existants.

On sait ce que l’on perd : les secteurs sauvegardés avaient fait leurs preuves et su s’adapter aux évolutions urbaines. Les ZPPAUP et les AVAP avaient fini par rencontrer un vif succès ; leur abandon risque d’en briser l’élan.

Ces changements qui s’ajoutent à tant d’autres inquiètent les élus locaux déjà bien fragilisés par l’inflation normative, la baisse des dotations – qui n’est pas sans effet sur l’évolution des politiques et des pratiques culturelles en France –, et les réformes territoriales.

Il est curieux qu’une loi culturelle, la seule du quinquennat, mette l’accent aussi fortement sur une évolution normative dont la vertu de simplification administrative ne saute pas aux yeux, c’est le moins que l’on puisse dire.

Beaucoup vous l’ont dit, cette loi déçoit, à cause de son manque d’ambition et de son caractère fourre-tout. L’accueil est bien mitigé pour une loi qui est loin d’être le grand marqueur culturel de gauche du quinquennat que vous ambitionnez.

Mme Sophie Dessus. Ce n’est pas un hasard si des terroristes, comme ceux de Daech, détruisent des cités antiques comme Palmyre ou le musée de Mossoul et s’acharnent sur le patrimoine afin d’effacer toute trace de civilisation, et cela, avec le même acharnement méthodique dont ils font preuve pour assassiner femmes et enfants.

Ils le font parce qu’ils savent qu’en détruisant les racines de la culture, ils anéantissent l’âme des hommes et ruinent leurs espérances. Ils le font parce qu’ils savent que la culture ouvre vers d’autres horizons mentaux. Ils le font parce qu’ils savent que sans mémoire, il n’y a plus d’histoire, et que, sans histoire, il n’y a plus d’avenir. Détruire le patrimoine leur permet d’annihiler la création.

La force de ce projet de loi est justement de regrouper dans un même texte patrimoine et création afin de les rendre indissociables aux yeux de tous les citoyens.

S’agissant de la protection du patrimoine, il est nécessaire que le texte à la fois protège ce patrimoine et en fasse la promotion tout en simplifiant les règles d’urbanisme. Il en va ainsi du nouveau classement « cités historiques », dont la notion pourrait être renforcée pour inclure les dimensions paysagères et environnementales. Il faut également sans doute maintenir une implication forte de l’État pour garantir l’avenir du patrimoine. Je tiens également à souligner l’intégration d’un volet patrimonial dans les plans locaux d’urbanisme, la création d’un label spécifique pour le patrimoine architectural du XXème siècle, patrimoine particulièrement fragile face aux normes environnementales, ainsi que la reconnaissance législative du patrimoine mondial de l’UNESCO.

Une dérogation aux règles d’urbanisme est prévue pour favoriser la création architecturale. Cela sera-t-il suffisant si demain nous arrive au détour d’un chemin un nouveau Ferdinand Cheval, plus connu sous le nom de Facteur Cheval ? Ma naïveté est aussi grande que le fut son art : l’époque n’est sans doute plus à la construction de monuments uniques au monde, nés de l’obstination d’un homme. Nous sommes dans un monde plus standardisé dans lequel l’économie prend bien souvent le pas sur la création.

Enfin, ce texte ne peut pas passer sous silence le patrimoine culturel immatériel, à commencer par notre langue, matrice de notre culture et véhicule de notre mémoire, mais aussi les métiers d’art, leur savoir-faire et leur transmission.

L’objectif du texte est de favoriser une création qui doit devenir le patrimoine de demain pour que l’image de la France demeure celle de l’excellence et celle d’un pays dans lequel nos valeurs et les droits de l’homme ne font qu’un grâce à la liberté de création.

M. Christian Kert. Nous n’avons pas encore le sentiment d’assister à l’écriture d’un texte historique ; peut-être le travail parlementaire permettra-t-il de changer la donne…

Comme nos collègues du groupe socialiste, le groupe Les Républicains a désigné des députés spécialisés sur les différents sujets abordés par ce projet de loi.

En dépit de bonnes intentions, madame la ministre, alors que vous nous annoncez depuis trois ans un grand texte sur la culture, nous devons nous contenter d’un texte déclaratif, qui manque de souffle – peut-être nos travaux lui en donneront-ils…

J’approuve votre message d’alerte sur les dangers que représente l’attitude de certaines collectivités locales qui cherchent à mettre au pas des artistes en les obligeant à accomplir des missions qu’ils ne sont pas habilités à conduire. Nous devons être vigilants si de tels agissements devaient se reproduire.

Je souhaite vous adresser trois remarques. D’abord, l’audiovisuel, tant la création que la production, est absent de votre texte. Cela correspond-il à un choix de votre part ? Doit-on attendre un autre texte ?

Ensuite, vous faites de la création d’un médiateur de la musique l’une des mesures phare de votre projet de loi. Or, il ne vous a pas échappé que cette mesure suscite de nombreuses oppositions. Les acteurs du secteur de la musique la contestent au motif qu’elle est inadaptée à la dimension internationale des accords avec les plateformes de musique en ligne dont nous connaissons l’importance de l’audience. Soutiendrez-vous ou accepterez-vous des amendements sur ce sujet ?

Enfin, ne craignez-vous pas que la baisse des dotations des collectivités territoriales ne transforme en risques pour elles votre volonté de renforcer leurs responsabilités en matière de protection du patrimoine ? Je crains que les collectivités territoriales ne puissent pas suivre.

Mme Martine Faure. J’avais eu l’imprudence d’accepter la mission relative à l’archéologie préventive que vous m’aviez confiée mais aujourd’hui, je suis à la fois rassurée et confortée, car le projet de loi reprend, dans son article 20, un certain nombre de préconisations de mon rapport qui poursuivent un objectif clair et partagé : mobiliser l’ensemble des acteurs du dispositif de l’archéologie préventive et ce, dans le cadre d’une politique publique concertée, clarifiée et équilibrée.

Je me réjouis que nous puissions une nouvelle fois évoquer ce sujet si important. L’archéologie préventive, qui fascine autant qu’elle peut effrayer, c’est le repérage, la fouille, l’étude, la valorisation du patrimoine archéologique, le concours à l’enseignement, l’exploitation et la diffusion de l’information auprès de la communauté scientifique mais aussi du grand public pour la connaissance de l’histoire de l’humanité. Elle fournit les clefs pour la compréhension du présent et de l’évolution de notre cadre de vie et participe activement aux politiques d’urbanisme.

Le projet de loi clarifie le rôle de chacun des acteurs, redéfinit les responsabilités dans la chaîne opératoire archéologique et consolide les prérogatives de l’État. Il permet à l’État d’exercer pleinement le contrôle scientifique et technique des opérations de fouilles afin d’assurer la qualité scientifique des interventions.

Nous vous présenterons cinq amendements relatifs notamment au renforcement de l’agrément, à la régulation économique et à la maîtrise d’ouvrage scientifique, au contrôle des projets scientifiques d’intervention, à la révision des délais de caducité-défaillance et à l’affirmation du monopole de l’Institut national de recherches archéologiques préventive sur les recherches sous-marines. Ces amendements visent à améliorer et à garantir le savoir-faire scientifique ainsi que le respect des normes économiques et sociales.

C’est pour remédier au fléau de la concurrence dite déloyale dénoncée par l’ensemble des acteurs qu’une commission de régulation devra examiner la situation concurrentielle du marché des fouilles et veiller à l’exercice d’une concurrence loyale.

Madame la ministre, je tiens à saluer votre volonté de redonner une place pleine et entière aux collectivités territoriales et aux agents de leurs services archéologiques pour la valorisation de toutes leurs productions. Je voudrais également souligner votre engagement pour la rebudgétisation de la redevance d’archéologie préventive ; cette mesure et celles qui suivront devraient assainir les finances qui constituent également un frein à la bonne santé de l’archéologie préventive.

La loi s’adressant à tous les acteurs et à tous les publics, il est évident qu’elle ne peut satisfaire pleinement toutes les exigences individuelles et elles sont nombreuses. Mais l’article 20 du projet de loi et les travaux qui suivront permettront d’apporter des réponses aux inquiétudes exprimées par l’ensemble des acteurs de l’archéologie préventive. Merci, madame la ministre, pour votre disponibilité et votre engagement.

M. Franck Riester. Le terme « attendu » n’est pas usurpé pour ce projet de loi.

En matière de culture et de communication depuis trois ans, à l’exception d’un pseudo et minuscule projet de loi sur l’indépendance de l’audiovisuel et de baisses de dotations drastiques, nous n’avons rien vu de l’action de ce Gouvernement. Cette baisse des dotations est sans doute très révélatrice de ce qu’est la nouvelle politique de la culture de gauche.

Mes collègues l’ont très bien rappelé précédemment, ce projet de loi n’est absolument pas à la hauteur des enjeux. Certes, il comporte quelques bonnes dispositions, nous y reviendrons dans la discussion des articles. Mais il s’agit d’un texte fourre-tout, rédigé dans la précipitation parce qu’il fallait une loi sur la culture. Preuve de cette précipitation, la qualité de la préparation de nos débats d’aujourd’hui : malgré le talent de notre rapporteur, comment expliquer qu’un projet de loi que vous qualifiez d’historique a été présenté au Parlement après la fin de la session extraordinaire ? Quant aux auditions, elles se sont déroulées entre la fin juillet et la fin août. De qui se moque-t-on ? Comment dans ces conditions faire un travail de fond en entendant l’ensemble des acteurs et en prenant le temps de réaliser des études d’impact – alors que vous proposez des dispositions, les plus mauvaises d’entre elles, qui risquent d’affecter l’équilibre économique de ces secteurs ?

Nous présenterons des amendements pour tenter de corriger les plus grosses bévues et les plus grands oublis de ce texte. Mais le texte n’est pas à la hauteur de ce qu’un parlement comme le nôtre est en droit d’attendre. J’ose espérer que nous ne verrons pas surgir d’autres amendements gouvernementaux avant la fin de la discussion parlementaire. Nous avons reçu hier des amendements du Gouvernement sur lesquels nous n’avons évidemment pas pu consulter les acteurs du secteur : c’est irresponsable !

Mme Marie-Odile Bouillé. Merci pour cette présentation précise et détaillée de cette loi que nous attendions tous. Voilà une belle rentrée parlementaire puisqu’elle ouvre sur la loi concernant la création, l’architecture et le patrimoine.

Nous affirmons par ce texte le principe de la liberté de création. « La création artistique est libre » : ce sont les premiers mots du premier article.

Je voudrais souligner ici que la liberté de diffusion, seule, n’est pas inscrite dans cette loi mais j’y vois malgré tout un soutien à celle-ci. L’exposé des motifs précise qu’il s’agit de consacrer « la spécificité de la démarche artistique au sein de la liberté d’expression ». En complément, l’article 2 propose d’affirmer « la liberté de programmation artistique ».

Permettez-moi d’évoquer ici un article d’Agnès Tricoire, déléguée de l’observatoire de la liberté de création, qui pose la question : n’avons-nous pas depuis quelques mois une atteinte de plus en plus forte à cette liberté ? Assassiner des caricaturistes, casser une œuvre, interrompre une pièce, venir prier sur la scène, dégonfler le « Tree » de McCarthy et enfin dégrader deux fois l’œuvre d’Anish Kapoor... Toutes ces atteintes à la liberté de diffusion et de fait à la création sont intolérables.

En inscrivant dans la loi la liberté de création, nous affirmons notre attachement aux valeurs républicaines de liberté, de tolérance et de vivre ensemble.

Vous connaissez mon attachement à l’éducation artistique et culturelle. Je reste convaincue que c’est par l’éducation dès le plus jeune âge et tout au long de la vie scolaire que nous pourrons faire vivre cette « société démocratique et républicaine dans laquelle chacun doit pouvoir librement accéder aux œuvres, les juger et en débattre ».

M. Paul Molac. À nos collègues de l’opposition, je veux dire que le cheminement du projet de loi s’est certes accéléré mais nous ne l’avons pas découvert. Pour preuve, j’ai été saisi par les acteurs de terrain sur trois points précis.

En matière de secteurs protégés, les communes appelées à devenir des petites cités de caractère s’inquiètent des possibles changements administratifs et réglementaires et du surcroît de travail qui risque de les accompagner pour lesquels elles manquent d’ingénierie. Le rapporteur a annoncé qu’il proposerait une solution pour résoudre le problème. Nous verrons donc ce qu’il en est à l’issue de la première lecture.

Quant aux pratiques amateurs, elles participent à l’expression culturelle mais elles créent aussi du lien social. Nous déposerons des amendements sur ces pratiques qui ont contribué à la vitalité du secteur de la culture pendant des années. J’invite le Gouvernement à être particulièrement ouvert sur ce sujet. Je pense à tous ces groupes, bagadoù, fanfares, théâtres. Nous parlons de culture très populaire. C’est notre culture à nous, gens de la campagne, mais aussi cette culture qui existait dans les villes et les quartiers autrefois et qui fabrique du tissu social.

M. Stéphane Travert. Je tiens à saluer la qualité du travail du rapporteur et l’importance de ce projet de loi. Celui-ci affiche deux priorités : affirmer et garantir la liberté de création et moderniser la protection du patrimoine. Nul n’est besoin de rappeler que ce texte est très attendu.

La libre création des œuvres et la libre programmation des spectacles sont reconnues par l’article 1er du texte de loi. Cette disposition tire sa force du principe constitutionnel de la liberté d’expression. L’énoncé de cette liberté de création était jusqu’à présent dispersé dans divers textes de portée juridique différente, particulièrement pour le spectacle vivant et les arts plastiques. Il était donc essentiel, alors que l’environnement de la création connaît des mutations sans précédent, de réaffirmer l’engagement de l’État en faveur de la liberté de création artistique.

En outre, en consacrant le principe de liberté de création et d’actions concertées de toutes les collectivités publiques en faveur de celle-ci, nous nous prémunissons contre les agissements des obscurantistes, prêts, par exemple, à repeindre des œuvres d’art de la couleur de leur choix. Nous mettons ainsi la culture à l’abri de choix de pure opportunité politique en fixant pour la première fois dans la loi un cadre précis.

Sur ce point, je trouve pertinent que l’article 2 poursuive clairement l’objectif d’améliorer la cohérence des politiques culturelles poursuivies par l’État et les différents échelons territoriaux. Il est indiqué que « l’État, les collectivités et leurs groupements définissent et mettent en œuvre une politique en faveur de la création artistique ».

J’avais plaidé, en tant que rapporteur pour avis de notre commission, avec certains d’entre vous, en faveur de la création d’une conférence territoriale de l’action publique autour des enjeux culturels lors des lois MAPTAM et NOTRe. Notre rapporteur propose aujourd’hui, après l’avoir brillamment défendu dans la loi NOTRe, de réintroduire cette possibilité à l’alinéa 13 de l’article 2 et je tiens particulièrement à soutenir cette démarche.

M. Michel Herbillon. Madame la ministre, quelle étrange façon de présenter votre projet de loi que de prétendre qu’il est un marqueur important du quinquennat !

Au risque de vous décevoir, madame la ministre, le marqueur du quinquennat en matière culturelle n’est certainement pas hélas ce projet de loi si longtemps annoncé et toujours reporté mais la saignée historique des crédits de la culture, inédite depuis 1958. Le Premier ministre lui-même a reconnu cette erreur. J’ai constaté que la repentance est à la mode, y compris au plus haut sommet de l’État. Mais la repentance n’efface pas la faute irréparable qui a été commise vis-à-vis des acteurs de la culture dès le début du quinquennat.

Quelle étrange manière de présenter ce projet que de revendiquer une loi de gauche ! Mais, madame la ministre, la protection du patrimoine, la culture, l’architecture, la défense des artistes – y compris contre les exactions qui sont commises et que vous avez eu raison de condamner – ne sont pas l’apanage de la gauche, elles appartiennent à l’ensemble de la communauté nationale et à l’ensemble des députés qui siègent dans cette commission. Vous êtes dans l’incantation. Il suffit pour s’en convaincre d’observer l’écart entre vos pétitions de principe et la réalité des crédits.

Nous éprouvons une grande déception, partagée sur d’autres bancs, à l’égard de cette loi fourre-tout. Face aux enjeux considérables, vous auriez pu nous rassembler. Ce n’est malheureusement pas le cas.

En outre, je regrette vivement la méthode que vous avez utilisée. Le président Patrick Bloche n’est pas en cause. Mais présenter un projet de loi qui doit être un marqueur du quinquennat après la fin de la session extraordinaire, obliger à organiser des auditions, non pas la nuit l’été – comme l’on disait de la présence de la culture dans l’audiovisuel autrefois –, mais bien au cœur de l’été, ces conditions de travail ne sont pas à la hauteur de ce que pourrait être le texte.

Enfin, deux sujets suscitent de grandes inquiétudes : le médiateur de la musique qui ne paraît pas correspondre à l’évolution du marché de plus en plus international, ainsi que l’articulation entre le rôle de l’État et celui des collectivités locales en matière de protection du patrimoine. Je le répète, le véritable marqueur de ce quinquennat est la baisse drastique des dotations aux collectivités locales.

Nous savons que la culture est devenue et restera une variable d’ajustement du fait de la baisse des dotations.

Mme Colette Langlade. Le contenu de ce projet de loi est une réponse concrète aux multiples travaux de la commission et des parlementaires depuis de nombreux mois sur le thème de l’archéologie. Ainsi, je me réjouis que plusieurs dispositions proposées dans différents rapports d’information parlementaires fassent l’objet, grâce à ce texte, d’une transcription dans la loi.

J’avais eu l’occasion de l’évoquer en mai dernier lors de la discussion sur le rapport de Martine Faure, le conseil départemental de Dordogne mène depuis 2002 de nombreuses opérations d’archéologie sur le territoire du Périgord. Ces opérations ont notamment permis de découvrir un ancien chenal de la Dordogne fréquenté durant la période néolithique, en 2011, ou des occupations datant de l’époque paléolithique dans la région de Bergerac.

Ainsi, ce texte suscite beaucoup d’espoir auprès du personnel du service départemental de l’archéologie, dans la mesure où il permet d’offrir une reconnaissance législative aux actions réalisées par les collectivités territoriales en matière d’exploitation scientifique et archéologique à l’heure où celles-ci sont confrontées, dans l’exercice de cette mission, à la concurrence toujours plus vive d’entreprises privées qui ne sont pas soumises aux mêmes obligations. Je salue donc le fait qu’un amendement présenté par le Gouvernement fasse de cette reconnaissance du travail de recherche entrepris par les collectivités territoriales une réalité.

À cet égard, je souhaiterais connaître le sentiment du rapporteur, sur les moyens de renforcer cette mission des collectivités et de simplifier les procédures administratives dont ces recherches sont l’objet.

M. Frédéric Reiss. Les interventions enthousiastes des membres de la majorité montrent que l’étendard de la culture flotte de nouveau à gauche.

M. Marcel Rogemont. Il est dommage qu’il ne flotte qu’à gauche !

M. Frédéric Reiss. Ce texte est soumis à notre examen après trois années de disette, de baisse des crédits de la culture, après le mea culpa du Premier ministre Manuel Valls qui, comme vient de le rappeler Michel Herbillon, a relevé une erreur du début du quinquennat de François Hollande.

Si ce texte renforce le rôle des collectivités en matière de protection du patrimoine, cela va inévitablement de pair avec un transfert des charges aux collectivités locales et territoriales, dans un contexte de baisse drastique des dotations de l’État.

En matière d’archéologie, j’ai bien noté que l’État souhaite un meilleur contrôle scientifique des opérations et une meilleure protection des biens et des vestiges. La tentation est grande d’imposer de nouvelles normes et de complexifier encore. Et qui paie ? L’État s’engage-t-il à renflouer le Fonds national pour l’archéologie préventive ? Certes, Martine Faure se déclare aujourd’hui rassurée, mais je rappelle qu’elle avait émis de sérieux doutes sur la viabilité du dispositif de financement de l’archéologie préventive. Quant aux collectivités territoriales, qui se sont souvent dotées d’outils performants – je pense au PAIR, le Pôle d’archéologie interdépartemental rhénan –, elles sont inquiètes pour leur politique d’aménagement du territoire, d’investissement et de sauvegarde du patrimoine.

Enfin, je m’étonne, monsieur le rapporteur, que ce projet de loi, à l’heure où un progrès technologique galopant bouleverse création et modes d’accès à la culture, n’aborde pas la question du numérique ni celle de la contribution de ses acteurs au financement de la création.

Mme Valérie Corre. Je tiens moi aussi à saluer le dépôt de ce projet de loi, tant attendu effectivement. Saluons, plus encore peut-être, le travail du rapporteur, dont les amendements permettront d’enrichir le texte sur de nombreux points et de répondre ainsi tant à nos attentes qu’à celles de nombreux professionnels du secteur.

Ce projet de loi consacre la liberté de création et réaffirme la place centrale de la culture et de ses acteurs dans le pacte républicain, et je m’en réjouis. Certaines propositions dont nous allons débattre sont issues de préconisations de rapports parlementaires. Cela a déjà été abondamment signalé mais je le relève à mon tour car il est réconfortant de voir que ces rapports ne sont pas faits pour remplir nos armoires et qu’ils trouvent une traduction concrète sous la forme de dispositions législatives.

Dans les matières qui sont l’objet de ce texte comme dans d’autres, il est nécessaire d’adapter notre législation aux nouvelles pratiques. J’évoquerai plus précisément le sujet des archives, que le projet de loi aborde peu, alors que les archives sont d’une importance cruciale dans la transmission et l’accès à la culture – je me réjouis donc des amendements que vous avez déposés à ce sujet, monsieur le rapporteur. Des archivistes de ma circonscription m’ont interpellée à ce sujet. Il est nécessaire que la loi prenne en compte les archives numériques, désormais très courantes. De même, il est essentiel de lutter contre le démantèlement à des fins purement mercantiles des fonds privés classés – ce point fait également l’objet d’un amendement spécifique.

Monsieur le rapporteur, la présence croissante d’entreprises privées dans le travail de collecte de sauvegarde d’archives, dans le cadre de délégations de service public, suscite des craintes, au même titre que dans le secteur de l’archéologie. Ces craintes portent notamment sur le devenir de ces archives et sur les obligations de ces entreprises en matière de mise à disposition des fonds au grand public. Je souhaiterais donc connaître votre position et savoir ce que vous préconisez de faire dans le cadre de ce projet de loi.

M. Guénhaël Huet. De nombreux orateurs, issus de tous les groupes, l’ont indiqué : ce texte est attendu depuis longtemps. Je crains que la déception ne soit à la mesure de l’attente.

Madame la ministre, il ne suffit pas d’affirmer des principes juridiques généraux et généreux pour faire une politique culturelle. Or votre texte comporte beaucoup de principes généraux et généreux mais relativement peu de dispositions précises – et quand elles sont précises, elles sont compliquées.

En fait, votre projet de loi repose sur des paradoxes, dont le moindre est que vous affirmez une ambition culturelle alors même que les crédits consacrés à la culture diminuent depuis trois ans : 166 millions de crédits de paiement en moins depuis 2012, soit une baisse de 6 % ! Autre paradoxe, vous consacrez le rôle des collectivités territoriales en matière de protection du patrimoine – protection nécessaire, bien entendu – tout en réduisant sensiblement leurs dotations. D’autres l’ont dit, mais je tenais à le rappeler. S’ajoute à cela le maintien d’une pesante tutelle de l’État sur les collectivités territoriales. J’aurai l’occasion de défendre des amendements visant à une plus étroite association des collectivités territoriales dans la définition de la « zone tampon » et en ce qui concerne le plan de gestion.

Par ailleurs, comme Sophie Dessus, je regrette que pas un mot du projet de loi ne porte sur la langue française. La langue est pourtant le véhicule de la culture !

Au final, même s’il comporte quelques mesures intéressantes de simplification juridique et administrative, ce projet de loi est un projet en trompe-l’œil. J’espère, madame la ministre, monsieur le rapporteur, que vous saurez suffisamment nous écouter et que vous nous donnerez l’occasion de l’améliorer sur un certain nombre de points, car, en l’état, il ne répond pas aux attentes d’une grande partie des députés.

M. Jean-Pierre Allossery. Saluons le travail du rapporteur Patrick Bloche, saluons aussi ce projet de loi, fondamental – je dirai même : fondateur. Ce n’est pas tous les jours qu’un texte de loi reconnaît une nouvelle liberté. En l’occurrence, il s’agit de la liberté de création et de la liberté de programmation artistique, que nous devons toutes deux protéger car, en 2015, l’art et la culture vont mal. Nous avons tous appris, cet été, la destruction des temples syriens, mais nul n’est besoin d’aller si loin pour voir la culture mise à mal. Toutes proportions gardées et sans mauvais procès, nous avons en France des élus qui censurent la culture. Monsieur le rapporteur, quand les députés de la nation cèdent aux pressions, cèdent à la peur, quand la culture paie le prix de l’ingérence politique, la culture va mal. En protégeant la liberté de création et la liberté de programmation, nous luttons contre l’inacceptable : la censure politique.

Avec ce projet de loi, nous allons même plus loin. Nous rendons plus cohérente et plus efficace la politique publique en faveur de la création artistique. Encore faut-il que les financements suivent ! Dans le département du Nord, la nouvelle majorité départementale abandonne le financement des grandes structures culturelles, des différentes scènes, des associations. Vous avez proposé, monsieur le rapporteur, des dispositions destinées à renforcer la concertation entre l’État et les collectivités territoriales en ce qui concerne les politiques culturelles concertées, partagées et coordonnées sur le territoire, pour que la culture soit vécue par tous, pour qu’elle soit accessible à tous. Je tiens à le rappeler : sans l’assurance de financements croisés, c’est le pire qui est à craindre, en particulier dans certains territoires où l’offre culturelle est en danger.

M. Marcel Rogemont. « La création artistique est libre. » Quel bel article, qui vient signaler que nous sommes ici, comme ailleurs – dans nos responsabilités locales –, les premiers artisans de la création des conditions de cette liberté, notamment par les crédits que nous votons pour en permettre l’épanouissement ! Il est heureux que le Gouvernement ait décidé de préserver les crédits du ministère de la culture quand ceux d’autres baissent. Les cris d’orfraie de la droite ne doivent pas nous cacher qu’elle propose de réduire la dépense publique de 150 milliards d’euros… sans nous indiquer où ces sommes seront prises. Une chose est sûre : les artistes, après le vote d’une telle proclamation à l’article 1er de ce projet de loi, seront attentifs à nos décisions, et ils auront raison.

Je voudrais exprimer une crainte à propos de la notion de « cité historique ». Certes, la simplification est nécessaire, mais il convient d’être attentif et d’intégrer certains éléments du paysage. Chacun le sait : les espaces, contrairement à ce qui est écrit, ne sont pas « naturels », ils sont culturels.

L’État exprime une ambition culturelle plus forte, mais ce texte lui en donne-t-il les moyens législatifs ? L’État devrait en tout cas le confirmer en réaffirmant que l’intérêt supérieur de notre pays passe devant les intérêts de tel ou tel élu, des intérêts privés qui, trop souvent, pèsent sur les décisions locales.

M. Pascal Demarthe. Permettez-moi, à mon tour, de saluer la grande qualité du travail effectué par M. le rapporteur. Saluons aussi le travail de Mme la ministre et de ses services, qui a abouti à la rédaction du texte que notre commission examine aujourd’hui.

Ce projet de loi est audacieux en ce que sont réunies en un seul texte des dispositions sur la création artistique, l’architecture et le patrimoine. Nous vivons très certainement un temps fort de la législature.

La mesure la plus emblématique de ce projet de loi est bien évidemment l’affirmation, à l’article 1er, du principe de la liberté de création, corollaire de la liberté d’expression. Ce sera donc l’objet de mon propos. La consécration de la liberté de création artistique, déjà effective au plan européen et international, est d’autant plus nécessaire qu’elle intervient dans un contexte où certaines forces obscurantistes, en France comme ailleurs dans le monde, portent délibérément et sauvagement atteinte à cette liberté de création et d’expression, de même qu’au patrimoine culturel, architectural et archéologique qui en est le fruit. Après les attentats de Paris, dont furent victimes, au mois de janvier dernier, de talentueux caricaturistes, la destruction au mois d’août du célèbre temple de la cité antique de Palmyre en Syrie par Daech en offre encore un triste exemple.

Affirmer ce principe de liberté, c’est affirmer que la liberté d’expression fait partie intégrante de nos valeurs. Au-delà de la triste actualité que je viens d’évoquer, affirmer le principe de la liberté de création artistique, c’est opposer une barrière juridique à toute tentation d’ingérence, même indirecte, du politique dans l’artistique, seul outil de nature à garantir aux artistes la possibilité de travailler librement, sans s’autocensurer. C’est encore reconnaître qu’il n’est pas de forme d’expression artistique supérieure aux autres. En effet, chaque œuvre d’art participe d’un même processus qui consiste à nous donner à voir la réalité autrement. Le philosophe Henri Bergson le résume ainsi dans son célèbre ouvrage Le Rire : « Qu’il soit peinture, sculpture, poésie ou musique, l’art n’a d’autre objet que d’écarter les symboles pratiquement utiles, les généralités conventionnellement et socialement acceptées, enfin tout ce qui nous masque la réalité, pour nous mettre face à face avec la réalité même. » Vous l’aurez compris, je me réjouis que cette disposition, qui n’est pas que symbolique, figure à l’article 1er du projet de loi, de même que je me réjouis de toutes les mesures que vous proposez, madame la ministre, à l’appui de ce principe.

M. Christophe Premat. Ce projet de loi constitue un temps fort des travaux de notre commission. Loin de nous arriver par hasard, il s’appuie sur une série de rapports présentés ici comme celui de la mission sur l’archéologie préventive, la mission d’information sur la création architecturale, ou encore le rapport sur la gestion des réserves et des dépôts des musées, le rapport sur les dix ans de la convention de l’Unesco sur la diversité culturelle, ainsi que le rapport sur la transposition de directives européennes sur les droits voisins.

C’est sur ce point que portera mon propos. Il n’y a pas de création sans créateurs ni artistes-interprètes. Les règles des droits dits voisins au droit d’auteur, notamment des droits des artistes-interprètes, sont codifiées par la loi du 3 juillet 1985, qui accorde notamment des garanties de rémunération aux artistes : pour diffuser leurs œuvres musicales, radios, télévisions et autres utilisateurs doivent payer aux artistes comme aux producteurs de disques une rémunération dite « équitable ». Le projet de loi que nous examinons ambitionne de « conforter la place des artistes ». Nous ne pouvons que nous en réjouir, et cela suscite bien des espoirs chez les créateurs. Atteindre un tel objectif ne sera cependant possible qu’en prenant en compte l’évolution des techniques pour adapter aux réalités d’aujourd’hui les droits accordés aux artistes-interprètes.

Remarquons tout d’abord que, depuis la loi de 1985, plusieurs instruments européens et internationaux ont établi un niveau de protection harmonisée des artistes-interprètes. Nous devons en tenir compte aujourd’hui pour mettre à jour le dispositif de la loi de 1985 et accorder des droits qui n’y sont pas encore expressément visés, notamment les droits de distribution, de location, de prêt. Nous devons surtout tenir compte de tous les nouveaux services interactifs sur internet et des droits de mise à disposition du public à la demande. Cette mise à jour du code de la propriété intellectuelle permettrait de moderniser un texte, resté inchangé depuis plus de trente ans. Si des droits ont été reconnus aux artistes-interprètes, c’est pour qu’ils puissent en bénéficier et obtenir à ce titre des rémunérations complémentaires. La proposition d’une rémunération garantie gérée collectivement et perçue des exploitations de ces services est à la fois modeste, simple et susceptible de mettre un terme à l’injustice dans ce secteur en garantissant pour les artistes-interprètes le bénéfice d’une rémunération équitable. J’aimerais, madame la ministre, avoir votre avis sur la manière dont il convient, dans le cadre de ce projet de loi, de garantir cette rémunération équitable nécessaire à l’ensemble de la chaîne de la création.

M. Jacques Krabal. Je vous remercie, mes chers collègues, de m’accueillir au sein de votre commission.

Il est certain que la culture ne saurait être l’apanage d’un camp plutôt que d’un autre. Encore faut-il sans cesse en faire la démonstration, et ne pas prétendre, au moment d’aborder l’examen de ce texte, que c’est trop tôt ou trop tard. Dans le contexte troublé que nous connaissons, plus nous parlerons de la culture, mieux ce sera. Bien évidemment, des améliorations peuvent être apportées à ce projet de loi, mais, je veux le dire avec force, compte tenu du climat qui règne actuellement dans le monde, compte tenu de ce qui se passe dans notre pays, parlons le plus possible de la culture, parlons le plus possible de la diversité culturelle, évoquée dans l’exposé des motifs. C’est, à mon avis, un enjeu politique majeur, et aucune division ne devrait apparaître entre nous, qui incarnons les valeurs de la République, à l’heure où nous examinons ce texte. Jean de La Fontaine, qui a été reconnu comme le philosophe le plus contemporain, aurait, lui aussi, affirmé l’importance de la diversité culturelle, d’autant plus nécessaire que censure et discrimination culturelle menacent. Je suis donc très heureux de participer à ce débat.

Mon propos s’inscrira dans le prolongement de celui de ma collègue Gilda Hobert.

Monsieur le rapporteur, vous avez parlé à plusieurs reprises des collectivités territoriales et des élus locaux. Il n’est en effet pas seulement question du ministère de la culture : c’est un attelage, un amalgame, de l’action de l’État et de celle des collectivités locales, qui a donné ses fruits, notamment en matière d’archéologie préventive. Et si plus de concertation est nécessaire, si une clarification est de nature à assurer la qualité scientifique, je ne voudrais pas que les difficultés de l’Institut national de recherches archéologiques préventives puissent remettre en cause la qualité du travail des collectivités territoriales et des archéologues. Rendre plus complexe la procédure des agréments me perturbe, car je sais quel travail est fait sur le terrain, avec beaucoup d’implication. En outre, la volonté de revenir sur le périmètre de leur action m’interpelle à l’heure où la mutualisation s’impose comme une nécessité et, surtout, à l’heure de la loi NOTRe, qui modifie l’organisation de nos territoires. Ne gênons pas l’action de services d’archéologie qui fonctionnent très bien. Faisons confiance aux élus locaux mais, surtout, aux services d’archéologie, parce que, comme le disait Jean de La Fontaine, « à l’œuvre on connaît l’artisan ». Et je sais qu’on peut faire confiance aux archéologues sur le territoire.

M. le président. Avant de passer la parole au rapporteur Patrick Bloche, je rappellerai simplement que ce projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine a été présenté en Conseil des ministres le 8 juillet dernier, il y a donc deux mois. Des auditions se sont tenues jusqu’au 31 juillet. Elles ont repris au début de ce mois de septembre. Il n’y a pas eu d’auditions au mois d’août, mais il est habituel que des auditions aient lieu en dehors des périodes de session ordinaire ou extraordinaire de l’Assemblée nationale.

M. le rapporteur. Merci à tous : vingt-cinq interventions, aussi constructives les unes que les autres ! Elles montrent l’importance non seulement du projet de loi mais aussi du débat parlementaire qui commence aujourd’hui. Elles montrent également, chers collègues, à quel point vous êtes attachés à ce que nous puissions faire œuvre utile. Par vos interventions, vous avez montré non seulement votre mobilisation mais également votre détermination à faire mentir ceux qui considéraient d’ores et déjà que ce projet de loi était une occasion manquée, vous avez montré à quel point nos débats en commission, notre travail d’amendement et, a fortiori, nos travaux dans l’hémicycle à la fin de ce mois sont essentiels. D’ailleurs, pourquoi attendre la deuxième lecture, comme l’ont suggéré certains, alors que la première est à portée de main ?

Ma seconde observation sera paradoxale. Finalement, je me réjouis que nous n’examinions ce texte qu’aujourd’hui. Pourquoi donc ? Tout simplement parce que les conditions et le cadre dans lequel nous allons examiner ce projet de loi aujourd’hui, presque à l’automne de cette année 2015, sont de nature différente. Ces conditions sont bien plus favorables aux politiques culturelles qu’elles ne l’ont été ces dernières années.

Tout d’abord, d’un point de vue budgétaire, le Premier ministre a pris l’engagement de stabiliser les crédits consacrés à la création, à la démocratisation culturelle, à la transmission du savoir, à l’enseignement des pratiques culturelles et même de permettre qu’ils progressent dans le cadre du projet de loi de finances pour l’année 2016 et au cours des prochaines années. Le cadre budgétaire est donc plus favorable.

Deuxième élément, les grands débats de la loi MAPTAM et de la loi NOTRe sur la décentralisation ont permis d’écarter les inquiétudes qui s’étaient manifestées quant au risque que la culture ne soit plus une compétence partagée. Toutes les politiques culturelles de notre pays se sont effectivement construites sur le lien dynamique qui unit l’État et les collectivités territoriales, si bien que 70 % du financement de la culture est aujourd’hui assuré par les collectivités territoriales. Ces inquiétudes sont écartées et quelques progrès sont même accomplis, puisque les conférences territoriales de l’action publique (CTAP) sont – cela a été rappelé – des acteurs du débat, de la concertation dans le domaine des politiques culturelles, des facteurs d’efficience.

Troisième élément, puisque la question sociale croise souvent la question culturelle, avec la loi sur l’emploi et le dialogue social promulguée au mois d’août dernier, nous avons enfin inscrit dans la loi, pour les sécuriser, les annexes VIII et X de la convention de l’assurance chômage, créant, vous le savez, un régime spécifique d’assurance chômage qui tienne compte des spécificités des emplois artistiques, notamment leur discontinuité et la multiplicité des employeurs.

Je suis donc finalement assez content que nous n’examinions que maintenant ce projet de loi que nous avons beaucoup attendu. Le cadre dans lequel s’inscrit l’examen de ce texte est effectivement beaucoup plus favorable.

Je souhaite formuler deux réflexions, l’une sur la création, l’autre sur le patrimoine.

Sur la création, je ne veux retenir que ce que plusieurs d’entre vous ont souligné avec force et conviction, parfois même émotion : notre attachement viscéral à la liberté de création et notre souci, en tant que législateur, de garantir enfin, pour la première fois, cette liberté de création en la consacrant dans la loi, au même titre que la liberté d’expression et la liberté de communication. Merci, chers collègues, pour cet attachement et cette mobilisation, merci pour votre détermination, à l’heure où – mon rapport y fait référence – se répètent des actes de vandalisme, attentatoires à la liberté de création, tout particulièrement, à l’égard d’œuvres d’artistes plasticiens installées dans l’espace public.

En fait d’actes de vandalisme, nous ne nous habituerons à rien. Si nous traversons une période de régression, nous devons refuser qu’une forme d’habitude s’installe : ce serait une régression encore plus terrible. Gardons notre capacité collective et individuelle d’indignation contre toute atteinte à cette liberté de création. Bien sûr, la liberté de création ne va pas sans la liberté de programmation, sans la liberté de diffusion, mais diffusion et programmation sont des moyens d’assurer cette liberté de création. La consécration de cette dernière à l’article 1er est donc tout à fait déterminante.

En ce qui concerne le patrimoine, je répondrai plus à fond sur un certain nombre de questions que vous avez été amenés à évoquer, lors de l’examen des amendements, car elles y trouvent, je l’espère, une solution. Je ferai simplement l’observation suivante : le patrimoine sera d’autant mieux protégé que seront clarifiés les rôles respectifs de l’État et des collectivités territoriales. C’est ainsi qu’est assurée la protection du patrimoine dans notre pays depuis la grande loi de 1913. L’un ne va pas sans l’autre.

Bien sûr, il faut respecter l’autonomie des collectivités territoriales, garantie par la Constitution, notamment dans l’élaboration des plans d’urbanisme, mais, parallèlement, rappelons-nous qu’en ce domaine de la culture comme en d’autres l’État est garant de l’égalité sur tous les territoires. Nos concitoyennes et nos concitoyens ne doivent pas être victimes d’un traitement inégalitaire, ni en ce qui concerne la liberté de création ni en ce qui concerne la protection du patrimoine, selon qu’ils vivent ici ou là, selon que les élus qu’ils se sont choisis sont plus ou moins motivés à assurer la diffusion de la création artistique et la protection du patrimoine. Disant cela, je n’oublie pas à quel point il est difficile, dans certaines cités qui s’appelleront bientôt cités historiques, d’avoir des documents d’urbanisme protecteurs quand la commune concernée appartient à une intercommunalité. Et, si des inquiétudes se sont exprimées, soyons clairs : nous n’allons pas détricoter, avec ce projet de loi, ce qui a été tricoté dans d’autres lois. Il nous incombe d’agir avec intelligence pour assurer une protection du patrimoine sur tout le territoire tout en prenant en compte ce que sont aujourd’hui les intercommunalités.

Je ne saurais, chers collègues, être plus long. Nous reviendrons plus complètement sur nombre d’aspects que vous avez évoqués. Je vous remercie encore pour vos interventions, par lesquelles vous avez exprimé notre attachement collectif au grand service public de la culture et des arts.

Je me risquerai peut-être à une dernière observation. Vous le savez, deux projets de loi distincts étaient promis, l’un sur la création, l’autre sur la protection du patrimoine, et nous n’avons finalement qu’un texte. Je m’en réjouis parce que cela nous permet de lier les enjeux de la création et ceux du patrimoine. Ces derniers ne sauraient être réduits à l’entretien des vieilles pierres. Il existe une aspiration très forte, notamment des collectivités territoriales, qui se manifeste à travers des réaffectations ou des animations : l’aspiration à faire que le patrimoine, notre patrimoine soit aussi le lieu d’accueil de la création artistique contemporaine, notamment quand elle s’exprime en langue française – cette précision fera plaisir à l’un de vous, chers collègues.

Bref, un seul projet de loi, c’est, de mon point de vue, le meilleur moyen d’assurer, tout simplement, l’alliance des circassiens et des cisterciens.

Mme la ministre. Je n’aborderai pas non plus l’ensemble des questions qui ont été soulevées, car nombre d’entre elles trouveront des réponses au fil de l’examen des amendements, que nous aborderons dans quelques instants. Ainsi, la plupart des orateurs qui ont mentionné des pistes d’évolution ou des amendements qu’ils souhaitaient voir adoptés, trouveront, à mon avis, satisfaction dans la discussion qui va s’ouvrir.

Je trouve moi aussi un certain nombre de choses paradoxales et étonnantes. J’entends les critiques, constructives, selon lesquelles ce projet de loi pécherait par manque d’ambition, mais je m’étonne qu’elles s’accompagnent d’un refus quasi systématique de toutes les propositions d’avancées que comporte ce projet de loi. La liberté de création ? On n’en a pas besoin ! Les cités historiques ? Cela ne sert à rien ! Le médiateur de la musique ? C’est dangereux. Et les conservatoires n’ont qu’à rester tels qu’ils sont aujourd’hui. Curieuse posture ! Ce n’est en tout cas pas de cette manière que j’aborde la discussion.

Autre paradoxe, la dénonciation de ce manque d’ambition ne s’accompagne pas souvent de préconisations, de propositions qui permettent de comprendre ce qui serait l’ambition d’une politique culturelle du XXIsiècle selon Les Républicains. J’aimerais le savoir, mais, pour l’instant, ce que j’entends, c’est ce que fait, par exemple, M. Darmanin au Conseil départemental du Nord. Ce que j’entends surtout, c’est la volonté des Républicains de baisser les dépenses publiques de 150 milliards d’euros.

Ce gouvernement, pour sa part, est extrêmement responsable dans sa gestion des finances publiques, puisqu’il va permettre à l’État de faire, au cours des trois prochaines années, 50 milliards d’euros d’économies, tout en trouvant le moyen de faire de la culture sa priorité et d’augmenter le budget du ministère de la culture en 2016. Les dotations des collectivités locales, effectivement, participeront au redressement des finances publiques, mais elles représentent, pour les trois prochaines années, moins de 3 % des recettes des collectivités territoriales. Ne me dites donc pas que les choix faits ne sont pas politiques. Je rencontre sur le terrain énormément d’élus avec lesquels je signe des pactes culturels, et je vais réfléchir à un outil qui permette de le faire avec des départements et des régions. Que me disent ces élus ? « C’est vrai, c’est difficile, il faut que je réduise mes dépenses, mais, moi, je ne sacrifie pas la culture ! » Si des élus proches de l’opposition font, eux, le choix de sacrifier la culture, c’est un choix politique qui leur appartient, ce n’est pas le choix de ce gouvernement. Pour notre part, malgré les efforts que nous faisons pour réduire les déficits publics qui nous ont été laissés en 2012, qui représentaient pratiquement 6 % du produit intérieur brut français, nous faisons le choix de la culture. Ce projet de loi est également la traduction de cet engagement pour la culture.

J’entends, également, que rien n’est fait, que c’est la catastrophe, que tout part à vau-l’eau. M. le rapporteur vient de rappeler le contexte dans lequel nous engageons l’examen de ce projet de loi. Effectivement, les conditions de négociation du régime d’indemnisation chômage des professionnels du spectacle sont sécurisées, une centaine de pactes culturels ont été signés, précisément avec les collectivités qui souhaitent s’engager pour la culture, et nous avons engagé des assises pour la jeune création qui permettent de repenser, aujourd’hui, le soutien à la jeune création dans notre pays, notamment en prenant en compte toutes les esthétiques émergentes, qui, jusqu’à présent, n’étaient pas considérées. Nous avons également engagé une réflexion sur l’architecture, parent pauvre de la culture pendant de très nombreuses années. L’architecture a donné lieu à de nombreux rapports, dont d’excellents, rédigés par le président Bloche, mais toutes ces recommandations n’avaient finalement jamais été prises en compte par le Gouvernement. Eh bien, nous, nous le faisons, nous commençons à le faire ! Tout n’est pas législatif, évidemment, et j’ai entendu les appels à régler un certain nombre de questions. Cela peut être fait par voie réglementaire ou autrement, mais, pour notre part, nous nous saisissons de l’ensemble de ces sujets.

J’entends dire que les crédits alloués à la démocratisation culturelle seraient insuffisants. Or je vous ai déjà fait part de notre ambition d’augmenter ce budget. Je souhaiterais que vous me citiez les actions majeures que vous avez menées, entre 2007 et 2012, pour évaluer l’impact de nos politiques culturelles sur la démocratisation, c’est-à-dire sur l’accès du plus grand nombre aux institutions et aux pratiques culturelles, pour préparer la politique culturelle ainsi que nos industries culturelles à la mondialisation et à la mutation numérique et pour faire contribuer les GAFA au financement de l’exception culturelle.

M. Franck Riester.  Et depuis 2012 ?

Mme la ministre. J’y travaille depuis cette date et n’ai pas le sentiment que vous vous soyez beaucoup mobilisés pour aboutir à des solutions pratiques en ce domaine. Je suis ouverte à toutes les bonnes volontés. Mais alors que ces enjeux ne sont pas nouveaux, vous semblez considérer que c’est à partir de 2012 qu’il aurait fallu que le Gouvernement ait toutes les solutions à des questions extrêmement complexes.

M. Michel Herbillon. Avec vous, on est passé de l’ombre à la lumière…

Mme la ministre. Sur les autres points, le travail constructif qui sera mené par la Commission permettra de répondre à nombre d’autres questions qui ont été posées et ainsi, d’enrichir ce texte. Peut-être cela déplaira-t-il à ceux qui en dénoncent le caractère fourre-tout. Néanmoins, ce sont les mêmes qui déplorent que certains sujets ne soient pas traités. Tous ces points de vue ne sont pas forcément conciliables mais j’aurai à cœur de satisfaire tous ceux qui ont une approche constructive de cette discussion.

II. EXAMEN DES ARTICLES

TITRE 1ER
DISPOSITIONS RELATIVES À LA LIBERTÉ DE CRÉATION ET À LA CRÉATION ARTISTIQUE

Chapitre 1er
Dispositions relatives à la liberté de création artistique

Avant l’article 1er

La Commission est saisie de l’amendement AC3 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. 

M. François de Mazières. Reconnaissant votre bonne connaissance des GAFA, madame la ministre, nous aurions bien voulu que vous fassiez allusion dans ce texte au travail que vous avez accompli en ce domaine. Or le projet de loi n’en comporte aucune.

Mme la ministre. Cela ne relève pas du domaine législatif.

M. François de Mazières. Peut-être mais c’est le cas de nombreux éléments de ce texte. Cette loi aurait été l’occasion d’affirmer votre rôle en la matière. Cela me paraît d’autant plus important que nous allons prochainement examiner un texte d’un de vos collègues qui n’abonde pas du tout dans votre sens.

D’autre part, ce texte devrait permettre d’affirmer l’importance de la démocratisation culturelle. Ayant présidé un établissement public culturel au cours de la période que vous avez mentionnée, je puis vous assurer que l’instauration de la gratuité pour les jeunes fut un acte fort. J’aimerais donc que votre texte prévoie des mesures en ce sens simples mais efficaces pour l’avenir.

Dans le domaine architectural, la Cité de l’architecture et du patrimoine fut créée dans la même période. Nous avons alors connu un souffle extraordinaire, notamment avec le lancement du Grand Paris. Aujourd’hui, les architectes nous disent qu’alors que notre président Patrick Bloche avait formulé de belles propositions à l’époque, peu d’entre elles ont été retenues.

L’article additionnel que nous proposons vise donc à énoncer notre ambition et affirmer le rôle de la culture.

M. le rapporteur. Nous partageons pleinement les constats formulés dans cette proposition de rédaction. Cependant, cet amendement ayant une portée strictement déclarative, nous en demandons le retrait.

Mme la ministre. Je suis également sensible à l’intention sous-jacente à cet amendement qui traduit la contribution irremplaçable de la culture et de la création artistique à la vie d’une démocratie. Mais je partage aussi le souhait exprimé par le rapporteur de retenir à l’article 1er une formulation concise, sur le modèle des grandes lois. Je suis donc défavorable à toute proposition qui pourrait affaiblir cette concision ou en réduire le sens ou la portée.

Mme Annie Genevard. Je suis surprise que vous demandiez le retrait de cet amendement, madame la ministre, alors que vous avez souvent mis en avant l’importance des déclarations principielles. Du reste, l’article 1er énonce un principe dont vous dites vous-même qu’il pourra aider les créateurs attaqués tout en soulignant que sa valeur juridique n’est pas absolument certaine.

Compte tenu de l’ambition que vous affirmez, je suis choquée par la déclaration liminaire que vous venez de faire. Je suis également surprise qu’alors même que cet amendement exprime une ambition à laquelle vous souscrivez sur le principe, vous y soyez défavorable. Nous avons le sentiment que c’est parce qu’il émane d’une opposition à laquelle vous ne souhaitez pas reconnaître la moindre expertise en la matière. Je trouve votre propos exagérément partisan : il augure mal de la qualité des débats qui s’engagent aujourd’hui en commission et qui se prolongeront dans l’hémicycle. Je me permets donc respectueusement de vous inviter à plus de tolérance dans la conduite de nos travaux.

La Commission rejette l’amendement.

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Article 1er
Consécration du principe de liberté de création artistique

Le droit existant, la situation actuelle, et la portée de la consécration du principe de liberté de création proposée par le présent article sont explicités en détail tant dans l’étude d’impact annexée au projet de loi que dans le A du I de l’exposé général du présent rapport.

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La Commission est saisie de l’amendement AC223 de M. Denys Robiliard. 

M. Denys Robiliard. Cet amendement vise à préciser à l’article 1er non seulement que la création artistique est libre mais que sa diffusion l’est également, ce qui ne va pas de soi.

Il est vrai que l’exposé des motifs du projet de loi fonde l’article 1er sur le principe constitutionnellement protégé de liberté d’expression et qu’il renforce cette analyse par une référence implicite à l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, visé dans un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 24 mai 1988. De plus, dans son propos liminaire, Mme la ministre a indiqué que certaines libertés, notamment celles de programmation et de diffusion, découlaient de la liberté de création. Patrick Bloche a également repris l’idée selon laquelle ces libertés seraient imbriquées les unes dans les autres.

Seulement, comparaison n’est pas toujours raison. La liberté d’opinion n’est pas toujours la liberté d’expression même si selon la Convention européenne, la seconde comprend la première de sorte que l’on pourrait faire la même analogie avec la liberté de création. Vous semblez considérer que la liberté de création postulerait la liberté de diffusion : ce qui se dit peut s’écrire et en droit, on a intérêt à énoncer les principes plutôt que de laisser le juge les déduire au terme d’une analyse jurisprudentielle qui peut prendre beaucoup de temps et susciter bien des controverses.

Il est donc proposé que dans un même mouvement, votre très bel article 1er affirme la liberté de création mais aussi celle de sa diffusion. C’est bien plus souvent dans le régime de la confrontation de l’œuvre avec le public que dans la création même que les artistes rencontrent des difficultés.

M. le rapporteur. L’article 1er vise à garantir sur le plan juridique une liberté qui ne s’exprimait jusqu’à présent qu’à travers la liberté d’expression garantie par la grande loi républicaine de 1881 sur la liberté de la presse et la liberté de communication consacrée par la loi de 1986. Je n’ai moi-même déposé aucun amendement à cet article, souhaitant que nous en restions à la rédaction originelle de ce projet de loi pour que la liberté de création ait toute sa force. Si l’on y adjoint la diffusion, on pourra aussi y ajouter la programmation et l’on ôtera à cet article sa portée tant symbolique que juridique. La création est un acte créateur en tant que tel ; la diffusion et la programmation ne sont que des moyens. De plus, l’article 2 garantit la liberté de programmation, gage de la liberté de diffusion. Il y est également fait référence explicitement aux moyens de diffusion. Je souhaiterais donc convaincre Denys Robiliard de retirer son amendement car je sais ce qui motive sa démarche, ayant de surcroît lu la très belle tribune d’Agnès Tricoire.

Mme la ministre. Je partage l’avis du rapporteur. Je comprends l’intention des signataires de cet amendement, raison pour laquelle nous avons, Patrick Bloche et moi, évoqué dans notre introduction les questions de diffusion et de programmation. Mais je suis aussi sensible à la pureté de la rédaction de l’article 1er qui consacre la liberté de création dans notre cadre juridique. Cette disposition aura non seulement une portée symbolique et politique forte – comme j’ai voulu le souligner lorsque j’ai exprimé mon attachement aux principes – mais également une portée juridique qui sera défendue par le juge administratif et probablement un jour par le juge constitutionnel. Je suis persuadée que cette liberté a vocation, comme les autres, à rejoindre le corpus des principes à valeur constitutionnelle sur lesquels s’appuient les juges dans les affaires touchant aux libertés.

J’adhère à la préoccupation de garantir la liberté de création artistique dans toutes ses composantes. Mais comme le rapporteur, je crains, si l’on mentionne la liberté de diffusion à l’article 1er, que cela ne donne lieu à d’autres demandes de même nature. La liberté de diffusion sera suffisamment défendue à l’article 2 qui définit les politiques culturelles et traite lui aussi de la liberté de création. C’est pourquoi je demande aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer, pour nous laisser le temps de l’expertiser.

M. Michel Piron. On ne peut que souscrire à l’assertion proposée à l’article 1er : elle relève de ces évidences qui sont très évidentes. J’ai cependant du mal à en percevoir la portée juridique. En présentant son amendement complémentaire, Denys Robiliard a d’ailleurs fait référence aux droits de l’homme et aux fondements constitutionnels. Le fait de rappeler ces principes pourrait laisser entendre que la liberté de création est aujourd’hui menacée et qu’en cas d’atteinte à celle-ci, on ne pourrait pas être défendu par un juge.

J’aurais préféré un présupposé qui, en s’appuyant sur les textes constitutionnels et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ne mette en aucun cas en doute l’idée même que la liberté de création ne peut être remise en question. Je crains qu’avec une telle déclaration, qui me rappelle un peu la Charte de l’environnement et le « droit à l’air pur », on n’affaiblisse l’idée même de liberté de création alors que vous recherchez le but exactement inverse, c’est-à-dire sa consécration. Je ne vois pas quel supplément de portée juridique peut apporter un tel article. En revanche, je vois bien ce qu’il peut présupposer de moins, en dépit d’une excellente intention. Cela étant dit, je n’en ferai pas un sujet de débat conflictuel.

Mme Annie Genevard. La question de la diffusion me paraît essentielle. On peut comprendre les raisons pour lesquelles vous ne souhaitez pas qu’elle figure à l’article 1er. Néanmoins, la loi devra s’en préoccuper car cette question rejoint notamment celles de l’équité territoriale et de l’éducation artistique et culturelle.

D’autre part, vous avez refusé notre premier amendement au motif que l’article 1er avait une portée juridique. Or, cela est démenti par l’étude d’impact qui précise que la reconnaissance de la liberté de création aura davantage une portée symbolique que pratique. Le paragraphe auquel je fais référence se conclut sur l’idée que ce droit pourra peut-être peser dans l’appréciation portée par le juge. En d’autres termes, si cet article a une portée normative dans la mesure où il concerne un droit, il n’a pas forcément de portée juridique. Il s’agit là d’affirmer un symbole ou un principe mais non d’apporter une garantie absolue sur le plan juridique.

M. Franck Riester.  Je suis étonné que Mme la ministre n’ait pas évoqué le risque, si l’on adoptait un tel amendement, que la diffusion des œuvres ne soit pas assortie d’une protection des droits des créateurs.

M. François de Mazières. Je rejoins les propos de mon collègue. Cela est d’autant plus paradoxal, madame la ministre, que vous vous êtes engagée en faveur de la protection des œuvres face aux GAFA. En consacrant la liberté de diffusion, vous risquez de fournir un motif juridique à tous ceux qui contestent les droits d’auteur. D’où l’amendement AC82 qui suit.

S’agissant de l’article 1er proprement dit, il énonce une belle déclaration à laquelle nous allons souscrire, bien que nous nous trouvions tout de même face à ce que le Conseil d’État appelle du « droit mou ».

M. Marcel Rogemont. Il faut « préserver et chérir pour l’avenir » la profération selon laquelle la création artistique est libre. Car cette dernière fait l’objet de pressions à la fois idéologiques et économiques. Cette simple affirmation se suffit à elle-même sans qu’il soit besoin de la compléter par la mention de tous les éléments qui concourent à la création artistique – dont la diffusion fait partie mais pas seulement.

M. Michel Ménard, président. Monsieur Robiliard, maintenez-vous votre amendement ?

M. Denys Robiliard. Pour moi, la liberté d’expression est un principe qui sous-tend à la fois la liberté de création et la liberté de pouvoir diffuser sa création. Je ne suis pas d’accord avec les restrictions qui ont été exprimées : du point de vue du droit d’auteur, l’auteur est libre de la façon dont il diffuse son œuvre.

Cela étant, Mme la ministre souhaitant prendre le temps de l’expertise, et compte tenu de la discussion qui a eu lieu, je retire mon amendement afin que la réflexion puisse être poursuivie et, éventuellement, que nous puissions reprendre la discussion dans l’hémicycle.

L’amendement est retiré.

Puis la Commission aborde l’amendement AC82 de M. François de Mazières. 

M. François de Mazières. Ce projet de loi est l’occasion pour vous, madame la ministre, d’affirmer votre engagement et de défendre la propriété intellectuelle face aux menaces actuelles – évidentes compte tenu des nouveaux moyens de diffusion et de la tyrannie de groupes mondiaux qui n’ont de surcroît aucune charge fiscale en France.

M. le rapporteur. J’émettrai le même avis que pour l’amendement précédent. Il me semble inutile de préciser que la liberté de création doit s’exercer dans le respect du droit. D’ailleurs, pourquoi pointer spécifiquement le droit d’auteur alors qu’il existe aussi le droit de propriété en général, le droit au respect de la vie privée et l’interdiction de l’incitation à la discrimination, à la haine et de l’apologie du terrorisme ? Il est toujours possible de compléter cet article 1er de telle façon qu’il perde toute efficacité juridique.

Nonobstant l’étude d’impact dont je ne partage absolument pas l’analyse, je suis prêt à parier avec nombre d’entre vous qu’une fois cette disposition votée, nous ferons face à un important contentieux ainsi qu’à une jurisprudence qui prouveront que nous avons fait œuvre utile. S’il faut consacrer la liberté de création en tant que telle, c’est principalement parce que la jurisprudence actuelle a tendance à assimiler les œuvres d’art à des idées ou à des opinions en gommant totalement la dimension artistique de ces œuvres.

C’est pourquoi je vous demanderai de retirer cet amendement. Nous avons la même préoccupation quant au respect du code de la propriété intellectuelle mais j’ai souhaité y répondre par le biais de l’amendement AC489 que je vous présenterai à l’article 2. Il vise non seulement au respect des droits d’auteur mais aussi à celui des droits sociaux des artistes.

Mme la ministre. Je souhaiterais revenir sur la portée normative de cet article 1er. Effectivement, le droit français protège aujourd’hui la liberté de création à travers le principe constitutionnel de liberté d’expression. Il s’agit d’un droit fondamental dont la portée très générale rendait réellement nécessaire l’affirmation de la liberté de création. L’étude d’impact précise que « la mesure proposée a une indéniable portée normative puisqu’elle porte sur un droit même si cette reconnaissance aura davantage de portée symbolique que pratique ». Cette étude n’énonce donc pas que la disposition n’aura pas de portée normative ni pratique mais qu’à notre époque, cette portée symbolique est extrêmement importante. L’une n’empêche pas l’autre : les deux vont de pair.

S’agissant de l’amendement déposé par M. de Mazières, je comprends son souhait de réaffirmer la nécessité de respecter la propriété intellectuelle. Depuis ma nomination il y a un an, j’ai beaucoup œuvré pour que l’ensemble de nos partenaires européens valident avec nous des positions nous permettant de conserver une protection de la propriété intellectuelle et du droit d’auteur conformes à nos objectifs en matière de diversité culturelle. J’en ai fait un vrai combat, ce qui exige parfois beaucoup d’énergie. Le respect de la propriété intellectuelle est aujourd’hui garanti par le droit interne et les conventions internationales. Le Gouvernement en étant le garant, je ne vois pas trop l’intérêt de le mentionner à l’article 1er. Et en termes rédactionnels, c’est un peu comme si l’on précisait dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen que les hommes naissent libres et égaux en droit dans le respect du code civil ou du code pénal, ce qui serait un peu étrange. Je souhaite que l’on conserve une rédaction pure et vous assure que le code de la propriété intellectuelle est défendu par ailleurs par le Gouvernement.

Pour toutes ces raisons, je vous demanderai de retirer cet amendement sans quoi j’y serai défavorable.

M. Michel Herbillon. J’entends bien les arguments développés par Mme la ministre. Et encore une fois, nous donnons notre accord à la rédaction proposée à l’article 1er même si sa portée générale fait qu’il nous faudra attendre de voir comment cette mesure sera interprétée par la jurisprudence. Cela étant, avec cet amendement, nous voulons réaffirmer le droit de l’auteur, du créateur, de l’artiste, qui n’est pas exactement de même nature que les droits évoqués par le rapporteur. Notre amendement a pour objet de compléter la consécration de la liberté de création artistique afin de protéger et de valoriser les auteurs dès le début du texte de loi.

M. Michel Ménard, président. Monsieur de Mazières, maintenez-vous votre amendement ?

M. François de Mazières. Oui. Comme l’a bien expliqué Michel Piron tout à l’heure et comme le montre l’analyse présentée dans l’étude d’impact, cet article a finalement une portée symbolique. Par conséquent, pourquoi ne pas affirmer l’obligation de respecter le code de la propriété intellectuelle dès le titre premier ? J’ai bien entendu la proposition du rapporteur mais il me semble que l’adoption de cet amendement serait l’occasion pour Mme la ministre de réaffirmer son combat en faveur du droit d’auteur.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er sans modification.

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Article 2
Objectifs de la politique de soutien à la création artistique
et liberté de programmation artistique

Le présent article tend à fixer les objectifs des politiques publiques de l’État et des collectivités territoriales en faveur de la création artistique. Il s’agit de dispositions de programmation au sens de l’article 34 de la Constitution.

Il affirme également la responsabilité de l’ensemble des collectivités publiques dans l’exercice de leurs compétences en ce qui concerne le respect de la liberté de programmation artistique.

1. Le droit existant

Le droit existant, marqué par l’absence de cadre législatif d’ensemble, ainsi que les dysfonctionnements de la politique de soutien à la création artistique et les atteintes de plus en plus fréquentes à la liberté de programmation, sont rappelés précisément tant dans l’étude d’impact annexée au projet de loi que dans le A du I de l’exposé général du présent rapport.

2. Le dispositif proposé par le projet de loi initial

L’article donne enfin une assise législative au cadre d’intervention de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements ainsi que de leurs établissements publics en faveur à la création artistique.

Ce faisant, il met en évidence la complémentarité de l’action conduite par l’État et les collectivités territoriales en ces domaines et doit également permettre de créer les conditions d’une amélioration de la cohérence et de l’efficacité de cette politique publique, recentrée autour des plusieurs objectifs fondamentaux.

Le présent article affirme ainsi l’engagement des collectivités publiques en faveur :

– du soutien au développement de la création artistique sur l’ensemble du territoire ainsi qu’à l’émergence et au développement des talents (1° du présent article) ;

– de la liberté de choix des pratiques culturelles () ;

– du développement des moyens de diffusion de la création artistique () ;

– de l’égal accès des citoyens à la création artistique et aux œuvres, y compris dans l’espace public () ;

– du soutien aux artistes, aux structures publiques et privées qui œuvrent dans le domaine de la création, de la production et de la diffusion des œuvres, de l’enseignement supérieur, de la sensibilisation des publics et de l’éducation artistique et culturelle () ;

– du dynamisme de la création artistique au plan local, national et international, ainsi que du rayonnement de la France à l’étranger () ;

– de la promotion de la circulation des œuvres et des artistes, de la diversité des expressions culturelles et des échanges et des interactions entre les cultures () ;

– de la formation des professionnels de la création artistique et de la transmission des savoirs et des savoir-faire entre les générations () ;

– du développement et de la pérennisation de l’emploi artistique, de la structuration des secteurs professionnels ainsi que de la lutte contre la précarité () ;

– du maintien et du développement d’un dialogue régulier avec les organisations professionnelles et l’ensemble des acteurs de la création artistique (10°).

Le dernier alinéa de l’article affirme le principe de la liberté de programmation artistique et précise qu’il appartient à l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements de veiller à son respect.

Cet article devra être complété et précisé en vue notamment de consacrer le service public de la culture, de reconnaître le rôle du milieu associatif et des lieux intermédiaires ou d’inscrire des objectifs qui n’y figurent pas, ou pas suffisamment clairement, tels que l’égalité entre les hommes et les femmes ou le soutien à la création contemporaine en langue française.

En ce qui concerne l’égalité entre les femmes et les hommes, il convient de rappeler que si les pratiques culturelles des femmes et des hommes sont très semblables aujourd’hui, le secteur de la culture se caractérise encore par une forte inégalité dans les domaines de la création, de la production et de la diffusion, ainsi que dans l’accès aux postes à responsabilités. Au cours de la saison 2013-2014, un quart des spectacles ont été mis en scène par une femme, et elles n’ont dirigé que 3 % des concerts. En 2011, parmi les acquisitions des FRAC, à peine 24 % des œuvres avaient été réalisées par des femmes. 8 % de femmes sont à la tête de théâtres consacrés à la création dramatique et 26 % des structures subventionnées de la création artistique sont dirigées par une femme.

Depuis quelques années, une attention particulière est portée à l’amélioration de la parité femmes-hommes à la tête des principales institutions labellisées implantées sur le territoire. En particulier, l’État et les collectivités territoriales mettent actuellement en œuvre un processus concerté et transparent pour la désignation des responsables des lieux labellisés et des réseaux nationaux de création et de diffusion artistique qui doit concourir à une représentation paritaire des femmes et des hommes (voir le commentaire de l’article 3).

3. Les modifications apportées par la Commission

Cet article a été largement complété et précisé par la Commission.

À l’alinéa 1, cette dernière a tout d’abord consacré la notion de service public de la culture.

Elle a en outre précisé certains des objectifs mentionnés dans le projet de loi initial et inscrit de nombreux objectifs qui n’y figuraient pas :

le soutien à la création contemporaine de langue française et l’encouragement à l’émergence, au développement et au renouvellement des talents « et de leurs expressions » ( de l’article) ;

le respect de l’équité territoriale (de l’article). En ce qui concerne l’objectif d’égal accès des citoyens à la création artistique et d’accès du public le plus large aux œuvres de la création, la Commission a précisé qu’il devait viser « l’émancipation individuelle et collective » et se faire « dans le respect des droits des auteurs et des artistes » ;

le développement des actions d’éducation artistique et culturelle (bis) ;

le respect des droits sociaux et des droits de propriété intellectuelle des artistes et des auteurs dans l’attribution des subventions () ;

la promotion des initiatives portées par le secteur associatif, les lieux intermédiaires et indépendants, acteurs de la diversité culturelle et de l’égalité des territoires (bis) ;

la promotion de la mobilité des auteurs, au-delà de celle des artistes () ;

la contribution à la formation initiale et continue des professionnels de la création artistique, à la mise en place de dispositifs de reconversion professionnelle adaptés aux métiers artistiques ainsi qu’à des actions visant à la transmission des savoirs et savoir-faire au sein des et entre les générations () ;

la juste rémunération des auteurs et le partage équitable de la valeur, qui passent notamment par la promotion du droit d’auteur aux plans européen et international (bis);

- au-delà du dialogue prévu par le projet de loi initial, la « concertation » entre l’État, l’ensemble des collectivités publiques concernées, les organisations professionnelles, l’ensemble des acteurs de la création mais aussi « le secteur associatif » (10°) ;

l’égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine de la création artistique (11°) ;

- et la valorisation et la préservation des savoir-faire des métiers d’art (12°).

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La Commission examine l’amendement AC462 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise, après nombre d’auditions, à prendre en compte une revendication que j’ai trouvée légitime : la consécration dans la loi du service public de la culture. Cette notion est déjà reconnue dans la charte des missions de service public pour le spectacle vivant en 1988 ainsi que dans celle pour les institutions d’art contemporain en 2000.

Cet amendement aura le second avantage de satisfaire les amendements AC52 et AC53 de Mme Marie-George Buffet et AC196 d’Isabelle Attard qui tendaient également à consacrer cette notion dans la loi.

Mme la ministre. Dans l’exposé des motifs du projet de loi, nous indiquions que la culture dans toutes ses dimensions et composantes était un service public. Je souscris donc pleinement à la proposition du rapporteur.

Mme Annie Genevard. En désignant le service public de la culture, on laisse de côté les acteurs privés. Or, ils contribuent eux aussi à enrichir le patrimoine et les pratiques culturelles dans notre pays. La Fondation Vuitton, par exemple, est bien le fruit d’un partenariat entre une collectivité locale et un partenaire privé. Je pense aussi aux associations.

M. Michel Pouzol. Le groupe SRC se félicite de cet amendement et y adhère pleinement. Je ne pense pas, madame Genevard, que réaffirmer la notion de service public de la culture revienne à s’opposer aux acteurs privés de la culture : cela permettra au contraire d’éviter que des collectivités se défaussent sur le privé en niant le rôle important du service public de la culture. Les acteurs de la culture sont très sensibles à cette notion qui leur assure une reconnaissance institutionnelle.

M. Franck Riester. Je suis assez dubitatif face à cet amendement qui semble restreindre la politique culturelle des grands acteurs nationaux, territoriaux ou locaux en matière culturelle à des services publics. Nous sommes tous d’accord pour mettre en avant d’une manière ou d’une autre les acteurs des services publics en matière culturelle. Mais cet amendement pourrait avoir des conséquences négatives et donner le sentiment d’exclure les acteurs privés ou parapublics de ces politiques culturelles.

M. le rapporteur. L’alinéa 1 de l’article 2 ne vise que le rôle, dans le domaine des politiques culturelles, de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics. C’est aux alinéas suivants qu’il est explicitement fait référence aux nombreux acteurs privés de la culture. J’ai d’ailleurs déposé un amendement tendant à élargir la liste des acteurs privés aux associations culturelles que Mme Genevard a évoquées à juste raison. Notre référence au service public de la culture traduit une volonté politique mais nous n’oublions pas les acteurs privés, bien au contraire.

Mme Annie Genevard. À la notion de service public, on a vu se substituer progressivement, dans le temps et dans de nombreux domaines, la notion de service au public. Il me semblerait donc plus intéressant aujourd’hui de réfléchir à cette dernière notion que d’être toujours dans le seul périmètre du service public.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements AC52 de Mme Marie-George Buffet et AC32 de Mme Annie Genevard.

Mme Marie-George Buffet. Je poursuis dans le sens de la préoccupation exprimée par notre rapporteur. On ne peut pas, dans une loi relative à la création artistique, ne pas mettre au premier plan le rôle du service public car nul n’ignore la place qu’il tient dans le développement de la création et de la pratique culturelle. Cela n’est nullement en opposition avec l’initiative associative privée. Mais nous savons bien que, pour garantir cette création et cette pratique sur l’ensemble du territoire, nous avons besoin de la pérennité et du développement du service public.

J’entends bien que l’amendement du rapporteur donne satisfaction quant à la mention du service public. Mais mon amendement, en précisant que cette politique publique repose sur la pérennité et le développement du service public des arts, de la culture et de ses missions, y compris l’audiovisuel public, permet d’éviter que cette mention soit absente du projet de loi. Mon amendement va un peu plus loin que celui du rapporteur. Je le maintiens donc.

Mme Annie Genevard. La notion de diffusion n’a pas été introduite à l’article 1er pour des motifs tout à fait acceptables. Afin de rappeler son importance dans l’éveil des populations ainsi que dans l’irrigation territoriale, il importe néanmoins qu’elle apparaisse dès le début du texte. Je propose donc de la faire figurer au premier alinéa de l’article 2.

M. le rapporteur. S’agissant de la continuité du service public, j’ai la faiblesse de considérer que l’amendement que nous avons adopté répond en très grande partie à celui de Marie-George Buffet. Si je suis amené à demander son retrait, c’est précisément parce qu’il fait référence à l’audiovisuel public ; en l’occurrence notre texte concerne le spectacle vivant et les arts plastiques. À aucun moment nous ne sommes amenés à traiter de l’audiovisuel public en tant que tel ; en 2013 nous avons déjà réformé la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, nous le referons peut-être avant la fin de la présente législature, mais ce n’est pas là le bon rendez-vous parlementaire.

En ce qui concerne l’amendement AC32, je vous renvoie au cinquième alinéa, c’est-à-dire au troisièmement de cet article 2, qui préconise de développer l’ensemble des moyens de diffusion de la création artistique. Cet amendement est donc satisfait par la rédaction du projet de loi. C’est la raison pour laquelle j’en demande le retrait.

Mme la ministre. Une partie de l’amendement de Mme Buffet est satisfait par la rédaction du rapporteur qui propose de mentionner la notion de service public sans préjuger quels seront les acteurs amenés à y concourir, qu’ils soient publics ou privés. Je partage donc l’avis du rapporteur au sujet du service public de l’audiovisuel.

S’agissant de la diffusion, je considère que la rédaction du projet de loi évoque suffisamment la place accordée par la politique publique à la nécessité de développer les moyens de diffusion. Nous y reviendrons avec la question des labels et à l’occasion de l’examen d’autres articles tendant à garantir les moyens de diffusion. On pourrait aussi considérer que l’alinéa relatif à l’égal accès des citoyens constitue aussi une forme de garantie de l’égalité de ceux-ci devant l’accès à la diffusion. Je partage votre préoccupation de prendre en compte la création et sa diffusion, mais je pense que celle-ci est déjà satisfaite.

Mme Marie-George Buffet. Je suis surprise par l’absence de mention de l’audiovisuel public qui figure en bonne place dans l’avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur le projet de loi. L’audiovisuel contribue à la liberté de création et l’exclure de la discussion lorsque l’on évoque la diffusion et la liberté de création serait pour le moins étonnant alors qu’il en constitue un des leviers. Je ne retire donc pas mon amendement.

Mme Annie Genevard. Je ne retire pas non plus mon amendement. Dans l’alinéa premier de l’article 2, il est question de mettre en œuvre une politique en faveur de la création artistique, c’est-à-dire d’organiser les choses selon une intention et une volonté, avec des objectifs de résultat, bref de bâtir une politique consacrée à la création et à sa diffusion. Il s’agit, en quelque sorte de l’affirmation socle de cet article 2. Dans le cinquième alinéa, il est question de développer les moyens, cela n’est pas la même chose, car les moyens ne sont pas la politique, ils concernent la mise en œuvre de celle-ci. Cela n’étant pas équivalent, je préfère, que, dans l’intention initiale porteuse de l’essentiel du message, nous puissions concomitamment, dès le premier alinéa, évoquer la création artistique et sa diffusion, éventuellement en ajoutant la mention des moyens.

La Commission rejette successivement ces amendements.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AC463 du rapporteur et AC161 de M. Christian Kert.

M. le rapporteur. J’ai souhaité prendre l’initiative d’un amendement visant à compléter l’objectif général de soutien à la création artistique par un objectif de soutien à la création d’œuvres d’expression originale en langue française. Je me suis aperçu que, par là même, il satisfaisait l’amendement AC161 ainsi qu’un autre, plus lointain, AC85.

M. Christian Kert. Mon amendement, certes, va dans le même sens que celui du rapporteur, mais, sans que son ego en souffre, il me semble qu’il va au-delà. Il tend à ce que la politique en faveur de la création artistique soit également garante de la diversité des expressions, et cela, monsieur le rapporteur, me semble tout à fait compatible dans nos intentions.

Mme la ministre. Je suis favorable à l’amendement du rapporteur car une des missions fondamentales du ministère de la culture et de la communication est de veiller à ce que la création de langue française rayonne et parvienne à toucher le public le plus large possible.

Quant à l’amendement de M. Kert, je considère qu’il est satisfait par celui du rapporteur mais également par d’autres dispositions relatives au soutien à l’émergence et au développement des talents qui figurent dans d’autres alinéas de cet article.

M. Michel Herbillon. Le français, c’est ce que nous avons en partage et, en vous écoutant Monsieur le rapporteur, on pourrait espérer que, de temps en temps, vous soyez à l’écoute des amendements de l’opposition, surtout lorsqu’ils vont dans un sens qui nous est commun. Vous venez de dire que notre amendement était satisfait par celui du rapporteur. Mais ne serait-il pas de bon augure, au début de l’examen du texte, de considérer plutôt que l’amendement du rapporteur est satisfait par celui que présentent M. Kert et l’ensemble de ses collègues ? Il ne s’agit pas d’une simple clause de style, l’amendement du rapporteur est excellent mais celui de M. Kert va plus loin, en encourageant la diversité des expressions, il est plus complet.

Mme Isabelle Attard. J’irai dans le même sens que M. Herbillon. L’amendement de M. Kert permet d’établir la jonction entre celui du rapporteur et mon amendement AC197 qui rappelle les recommandations du rapport du CESE relatives à la garantie de la liberté d’expression. Ainsi, si l’amendement de Christian Kert était adopté, je pourrais retirer le mien.

M. Christophe Premat. L’amendement du rapporteur répond à un certain nombre de normes établies par l’Organisation internationale de la francophonie ; le soutien au spectacle vivant et à la création francophone constituent un des piliers de la politique de cet organisme. Par ailleurs, la question du rayonnement à l’étranger figure bien dans l’article 2, même si celui-ci ne dépend pas du ministère de la culture, car, dans le cadre de la diplomatie culturelle, le ministère des affaires étrangères dispose d’un patrimoine immobilier permettant la mise en valeur de la création francophone. Je pense notamment aux Journées du patrimoine organisées dans un certain nombre d’ambassades à l’étranger. La formulation de cet amendement permet la prise en compte de toutes les formes d’expression diverses et possibles.

M. le rapporteur. Vous me connaissez un peu : lorsque je peux satisfaire tout le monde, je le fais. Je propose donc de réaliser une habile synthèse des deux amendements. De mon amendement AC463 je souhaiterais simplement que nous retenions les termes « œuvre d’expression originale française », plus précis que la rédaction « création en langue française ».

Cela nous amènerait à la rédaction suivante : « en particulier la création d’œuvres d’expression originale française, et encourager l’émergence, le développement, le renouvellement des talents et de leurs expressions. »

L’amendement AC643 est retiré.

La Commission adopte l’amendement AC161 modifié.

En conséquence, les amendements AC83 de M. François de Mazières et AC197 de Mme Isabelle Attard tombent.

La Commission est ensuite saisie de l’amendement AC53 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Il s’agit de la poursuite du débat que nous avons eu précédemment, monsieur le rapporteur, au sujet de la garantie de la diversité et de la diffusion de la création culturelle en mobilisant les services publics des arts, de la culture et de l’audiovisuel pour soutenir les expressions et les esthétiques. La réponse consistant à avancer que le projet de loi est consacré au spectacle vivant et aux arts plastiques n’est pas recevable puisque toute une série d’articles concernent le cinéma ; dès lors je ne vois pas pourquoi l’audiovisuel ne serait pas pris en compte.

M. le rapporteur. Je suis toujours embarrassé lorsque je sens que je contrarie Marie-George Buffet car nous avons une histoire commune dans la défense d’un certain nombre de préoccupations partagées touchant les artistes et les acteurs culturels en général. Néanmoins, je suis contraint de lui faire la même réponse qu’à son amendement AC52 – et je remercie tous ceux ici présents qui sont attachés au service public de l’audiovisuel : ce projet de loi n’a pas pour objet la réforme de la loi de 1986 qui fait référence à la notion de service public de l’audiovisuel et prévoit un certain nombre d’objectifs rejoignant ceux de l’amendement AC53. Nous parlons effectivement de cinéma mais par pour autant d’audiovisuel, ceux-ci étant de natures différentes et relevant de modes de financement et de régulation qui ont peu de choses à voir, même si l’un finance l’autre.

Mme la ministre. Même avis que le rapporteur. D’autant qu’on peut considérer que le troisième alinéa, qui prévoit d’ores et déjà de soutenir l’existence et le développement de la création artistique « sous toutes ses formes » et affirme la nécessité de développer l’ensemble des moyens de diffusion de celle-ci satisfait cet amendement. Même si je partage les préoccupations de Marie-George Buffet, j’en demande donc le retrait, sinon j’y serai défavorable.

Mme Marie-George Buffet. J’entends bien que nous partageons les mêmes préoccupations, ce qui est parfois étonnant… Mais ne pas donner sa place à l’audiovisuel dans ce projet de loi revient à dire à ses acteurs : vous ne participez pas à la liberté de création et à son développement. Ce n’est pas parce qu’il existe déjà des lois concernant l’audiovisuel que l’on ne peut pas l’inclure comme l’un des instruments de la liberté de création. Je ne comprends pas ce blocage, je ne refais pas la loi relative à l’audiovisuel. Je maintiens donc cet amendement dont nous aurons sûrement l’occasion de rediscuter en séance publique.

M. le rapporteur. Je ne voudrais pas qu’il y ait méprise : l’audiovisuel public contribue bien sûr à la création ainsi qu’à l’exercice de la liberté d’expression. C’est un moyen de démocratisation de la diffusion déterminant, même à l’heure d’internet. J’essaie simplement d’expliquer que nous ne visons pas la même loi. La contribution du service public audiovisuel à la création est affirmée dans la loi de 1986, que nous avons tant réformée en trente ans. Nous réparons ici un immense oubli : nous inscrivons pour la première fois dans la loi ce qu’est la définition d’une politique de service public de la culture et ce que sont ses objectifs pour le spectacle vivant et les arts plastiques. Cela n’avait jamais été fait jusqu’à présent.

Je partage tellement vos préoccupations qu’à aucun moment je ne voudrais que l’on puisse dire que la liberté de création n’a aucun rapport avec l’audiovisuel, bien au contraire. Toutefois, c’est une question que nous avons souvent traitée, que nous retraiterons inévitablement, mais pas à ce moment de l’examen du texte, je voudrais vous en convaincre. C’est pour cela que j’ai demandé le retrait de votre amendement – « défavorable » est un mot qui me déchire la bouche puisque je partage vos objectifs ; je cherche à vous persuader que la réforme de la loi de 1986 n’est pas notre objet.

La Commission rejette l’amendement.

Elle étudie ensuite l’amendement AC85 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Je reviens un instant sur mon amendement précédent car il a été rapidement dit tout à l’heure qu’il tombait. Pardonnez-moi mais, la rédaction que nous avons alors adoptée maintient la notion de talent et pas du tout celle de pratique culturelle. Or la notion de talent est purement subjective. Reviendra-t-il à l’État de déterminer ce qu’est un talent ? Je vous propose la vraie démocratisation culturelle. Il faut affirmer les pratiques culturelles. Qui peut se permettre aujourd’hui de définir des talents ?

M. Michel Ménard, président. Monsieur de Mazières, votre amendement est tombé car il ne s’adaptait pas à l’alinéa modifié par l’amendement précédent. C’est la forme qui est en cause et non le fond. Vous pourrez reprendre ce sujet en séance publique.

M. François de Mazières. Je pense qu’il est bon de revenir sur le sujet et j’aurais espéré, qu’enthousiaste, le rapporteur dise que j’avais raison.

M. Michel Ménard, président. Présentez votre amendement AC85 monsieur de Mazières.

M. François de Mazières. Cet amendement est objectivement plus précis ; pour les membres des troupes de théâtre, l’expression « artistes d’expression française ainsi que la diffusion de spectacles en langue française » veut vraiment dire quelque chose.

M. le rapporteur. Je considère que l’amendement collectif que nous avons rédigé grâce à l’apport décisif du groupe Les Républicains satisfait cet amendement, c’est pourquoi je demande son retrait.

Mme la ministre. Même avis.

L’amendement est retiré.

La Commission se saisit ensuite de l’amendement AC196 de Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Comme les autres amendements que je déposerai au cours de la discussion de cet article 2, celui-ci s’inspire des conclusions du CESE sur le sujet. Marie-George Buffet l’a déjà dit, et je le répète : la partie concernant la création et l’audiovisuel a sa place dans ce texte. Ce n’est pas parce que nous avons déjà débattu de l’audiovisuel dans un texte antérieur que nous ne pouvons pas réaffirmer qu’il a toute sa place dans la création et dans la diffusion. J’ai entendu les arguments de notre rapporteur et ne vois pas en quoi ils entrent en contradiction avec les nôtres.

En conséquence, je redemande que, après le cinquième alinéa, nous puissions réaffirmer que nous souhaitons développer des actions visant à conforter le service public de la culture et de l’audiovisuel présent sur tous les territoires ; c’est une question d’équité territoriale.

M. le rapporteur. J’ai largement répondu et argumenté pour le retrait de cet amendement en répondant à celui déposé par Marie-George Buffet. Je me permets d’apporter un complément – peut-être avez-vous été insuffisamment attentive à mon propos liminaire ainsi qu’à mon rapport. À l’occasion d’auditions, reprenant les observations du CESE, un certain nombre de nos interlocuteurs ont déploré l’absence de dispositions réformant la loi de 1986 et ayant trait à l’audiovisuel public. J’apporte cette précision afin de rapporter honnêtement ce qui a été dit, notamment, en liaison avec les propos de Marie-George Buffet, au sujet de notre volonté d’aller plus loin en ce qui concerne les règles de transparence dans le domaine cinématographique. Il nous a été demandé : pourquoi ne pas faire pour l’audiovisuel ce que vous faites pour le cinéma ?

Aussi, je voudrais, tout en demandant le retrait de l’amendement, que nous décidions collectivement de nous inscrire dans cette perspective. Ce texte va connaître deux lectures dans chacune des deux assemblées, nous verrons alors si, à travers certaines dispositions, nous pourrons sortir du champ du projet de loi afin d’aborder des questions concernant l’audiovisuel public.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine tout d’abord l’amendement AC54 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. L’alinéa 6 garantit l’égal accès des citoyens à la création artistique. Toutefois, il nous paraît nécessaire d’ajouter à cette notion celle d’équité territoriale. Dans trop d’endroits, le libre accès à la création et à la culture n’est pas assuré.

M. Patrick Bloche, rapporteur. Cette proposition me convient tout à fait. Je me permets toutefois de suggérer une rectification d’ordre purement rédactionnel afin que le début de l’alinéa 6 soit ainsi rédigé : « Garantir, dans le respect de l’équité territoriale, l’égal accès… »

Mme Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la communication. J’ai fait de l’accès de tous les publics à la culture, quels que soient leur origine, condition sociale ou lieu de résidence, une priorité majeure de mon action – je pense en particulier aux territoires délaissés, aux zones rurales, aux quartiers prioritaires de la politique de la ville, toutes ces zones au cœur des dispositifs mis en place par le ministère de la culture. Donc avis favorable à cet amendement rectifié.

Mme Annie Genevard. Je souscris tout à fait à cet amendement ainsi rectifié. Cela étant, des mots à la réalité, il y a un océan : sur 3 milliards d’euros consacrés par le ministère aux régions, 2 sont dévolus à la seule Île-de-France… Même s’il faut tenir compte du fait que des équipements sont centralisés dans cette région, la disproportion reste importante. Et le même phénomène se retrouve au niveau départemental : ainsi, dans la Loire, sur 6,4 millions d’euros, 5,7 vont à Saint-Étienne Métropole, contre seulement 700 000 euros pour le reste du département. La question de l’équité territoriale reste donc cruellement pendante tant au niveau national que régional. L’affirmer dans la loi est bien, mais il y a encore énormément à faire.

Mme Marie-George Buffet. Je suis d’accord avec la rectification apportée par le rapporteur.

M. Marcel Rogemont. Je me rangerai à l’avis général, mais que veut dire précisément l’équité territoriale ? Les exemples donnés par Annie Genevard montrent qu’on est toujours le gros d’un petit et le petit d’un gros… L’État, dans sa responsabilité de garantir l’égal accès à la culture, assume cette mission en fixant des repères principaux, mais il n’a peut-être pas vocation à s’immiscer dans toutes les initiatives en la matière. Il faut donc faire attention. S’il y a de grands équipements culturels dans certaines villes, la culture est-elle pour autant proche et accessible à tous ? Ce n’est pas une question de kilomètres, et donner à cette notion une trop grande importance dans la loi pourrait affaiblir l’ardente obligation que nous avons vis-à-vis de tous nos concitoyens.

M. Michel Piron. Le concept d’égalité est toujours très ambigu : il a souvent été confondu avec celui d’identité, c’est-à-dire le fait d’apporter des réponses uniformes à des situations pourtant différentes. Résultat : cette égalité est totalement abstraite et ne se traduit jamais concrètement. On le sait : les réponses sont loin d’être identiques et l’accès est loin d’être le même partout. Et si ce n’est pas qu’une question de distance, celle-ci a tout de même son importance. Je ne suis pas ébloui par ce compromis « d’équité territoriale », mais il me paraît plus réaliste et substantiel que le concept d’égalité tel qu’il se décline aujourd’hui. Donc avis favorable.

M. Franck Riester. Je ne suis, pour ma part, pas loin d’être ébloui par la synthèse du rapporteur ! N’allons pas nous mentir : on a effectivement une fracture territoriale dans l’accès à la culture : mettre l’accent sur la nécessité d’améliorer celui-ci dans le respect de l’équité territoriale va dans le bon sens. Je soutiens cet amendement ainsi rectifié.

Mme Annie Genevard. La population et le territoire ne constituent pas les mêmes clés d’entrée des politiques publiques. On a trop souvent oublié la dimension territoriale de celles-ci. Le rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) de 2010 parlait de « faille culturelle », qui renvoie au territoire. Je pense aussi au titre d’un bel article publié dans un grand quotidien, intitulé « La France a un corps » : ce corps, c’est son territoire. Il faut donc réintroduire cette notion dans les politiques publiques.

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Elle examine ensuite l’amendement AC198 de Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Nous proposons, conformément à l’avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur le projet de loi, de faire en sorte que l’action en faveur de la création s’inscrive dans une « perspective d’émancipation pour tous ».

M. le rapporteur. Avis favorable, sous réserve d’une rectification consistant à substituer à l’expression « pour tous », qui me parle peu, celle d’« individuelle et collective », qui me paraît avoir plus de sens.

Mme la ministre. Avis favorable à l’amendement ainsi rectifié.

Mme Isabelle Attard. Cette rectification me paraît une très bonne idée.

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AC57 de Mme Marie-George Buffet et AC84 rectifié de M. François de Mazières.

Mme Marie-George Buffet. Si nous avons eu raison de laisser l’article 1er dans toute sa pureté, sans ajouter de garanties spécifiques, nous pourrions préciser ici à l’alinéa 6 qu’il convient de favoriser l’accès du public aux œuvres « dans le respect des droits de propriété intellectuelle des auteurs et des artistes interprète ».

M. François de Mazières. Nous aurions pour notre part préférée l’inscrire dès le début du texte. Cela étant, je partage le souci de Mme Buffet. Je propose la formule « dans le respect du droit des auteurs et des artistes ».

M. le rapporteur. J’ai déposé à cet égard un amendement AC489 qui tend à compléter l’alinéa 7 par la phrase « À cet effet, s’assurer, dans l’octroi de subventions, du respect des droits sociaux et des droits de propriété intellectuelle des artistes et des auteurs ». Les auteurs de ces deux amendements se satisferont-ils de cette rédaction ?

Mme la ministre. Je serai favorable à l’amendement AC489, mais son champ n’est pas tout à fait le même que celui des amendements qui nous sont soumis. Mme Buffet se préoccupait surtout de la valorisation des œuvres dans l’espace public.

M. le rapporteur. On pourra nous reprocher de faire une loi bavarde, mais je ne voudrais pas restreindre les intentions des uns et des autres. Mon amendement répond au même objectif, mais au moment de l’octroi des subventions. Je vous propose donc d’adopter l’amendement AC84, sous réserve d’écrire « dans le respect des droits des auteurs et des artistes », et non « du droit », comme l’avait écrit M. de Mazières, ce qui permet d’englober à la fois les droits de propriété intellectuelle et les droits sociaux.

Mme Marie-George Buffet. J’en suis d’accord.

M. François de Mazières. Moi aussi.

L’amendement AC57 est retiré.

La Commission adopte l’amendement AC84 ainsi rectifié.

La Commission examine ensuite l’amendement AC339 du Gouvernement.

Mme la ministre. Il s’agit d’un amendement important, tendant à compléter les objectifs en faveur de la création artistique par l’éducation artistique et culturelle, fortement soutenue depuis le début du quinquennat et qui constitue un vecteur important de la politique de démocratisation culturelle ainsi qu’une priorité absolue de l’action de mon ministère. Je rappelle qu’en 2015, nous avons mobilisé 41 millions d’euros à cet effet, auxquels s’ajoutent 6 millions supplémentaires pour démultiplier le nombre des actions. Dans les zones rurales, les quartiers prioritaires de la politique de la ville, pour les jeunes placés sous main de justice, les médias de proximité et la langue française, ce montant sera en progression dans le budget pour 2016.

Cet amendement permet d’affirmer que l’éducation artistique et culturelle doit être développée pour tous et tout au long de la vie, avec le concours indispensable des artistes. Je vous proposerai d’ailleurs un autre amendement tendant à étendre les actions pouvant être financées sur les 25 % de la copie privée. Cette éducation commence dès l’enfance et doit accompagner l’individu à chaque âge, quels que soient l’endroit où il habite et la situation économique dans laquelle il se trouve, en tenant compte du contexte spécifique de chacun. Elle doit aussi proposer des actions particulières pour ceux que le handicap, la maladie ou les difficultés sociales tiennent éloignés de la culture. Elle vise également à l’ouverture, à la compréhension et au respect de l’autre, ainsi que des mouvements et des formes artistiques.

M. le rapporteur. Avis favorable, en cohérence avec les dispositions que nous avons votées dans le cadre de la loi de refondation de l’école de la République.

Mme Annie Genevard. Il est vrai, madame la ministre, que vous avez, comme votre prédécesseur, fait de l’éducation artistique et culturelle un axe fort et revendiqué comme tel : le budget consacré au soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle est passé de 30 millions d’euros en 2012 à 81 millions en 2015. Reste que les chiffres de fréquentation des dispositifs concernés stagnent : la part de jeunes ayant recours à des programmes d’éducation dans ce domaine reste aux alentours de 30 %, contre 27 % en 2012. Affirmer cette ambition et y consacrer des moyens sont une bonne chose, mais encore faut-il en améliorer l’efficacité.

Par ailleurs, l’exposé des motifs fait référence aux artistes dans cette éducation. Or j’ai cru comprendre, en écoutant votre propos liminaire, que vous fustigiez les maires qui auraient recours à ceux-ci dans le cadre par exemple des ateliers périscolaires, ce qui me paraît pourtant une belle mission pour eux. Pouvez-vous apporter des précisions sur ce point ?

M. Michel Herbillon. Madame la ministre, nous ne pouvons que soutenir vos propositions. Mais l’éducation artistique et culturelle n’a pas commencé avec ce quinquennat : les gouvernements précédents, de toutes sensibilités, l’ont également soutenue ! Cette action permet au plus grand nombre d’avoir accès, parfois pour la première fois, à la création et à la culture, ainsi que de lutter contre les inégalités sociales. Nous sommes d’accord pour dire qu’elle doit être développée pour tous et tout au long de la vie, qu’elle suppose une implication des artistes – mais vous nous préciserez probablement votre point de vue pour éviter toute ambiguïté sur ce point.

Enfin, on peine à savoir qui est le chef de file dans ce domaine : on a parfois le sentiment d’une partie de ping-pong entre le ministère de la culture et celui de l’Éducation nationale. Il est nécessaire qu’il soit identifié, car il est important qu’il y ait un suivi régulier de cette action, d’autant qu’on s’en tient souvent à une incantation. Qu’avez-vous l’intention de mettre en place pour assurer ce suivi et nous en informer ?

Mme Sandrine Doucet. Cet amendement montre bien la co-construction existant entre ces deux ministères. L’article 10 de la loi de refondation de l’école parle en effet de l’importance de cette éducation et pose le principe d’un parcours d’éducation artistique et culturelle précisée par le Conseil supérieur des programmes, qui lui-même s’appuie sur un référentiel précisé par un arrêté du 1er juillet 2015. Le même arrêté prévoit par ailleurs la mise en place de pratiques pédagogiques co-construites, innovantes et actives envisageant aussi l’art comme vecteur de connaissance. Je ne peux donc que souscrire à cet amendement.

M. François de Mazières. Cet amendement est en effet bienvenu. Précisons toutefois que l’effort budgétaire que vous rappeliez a été en grande partie permis par le fait que vous avez réalloué les 30 millions d’euros consacrés aux conservatoires, lesquels ont aussi un rôle majeur de démocratisation culturelle. Une clarification s’impose dans le financement de ces institutions qui tiennent depuis longtemps une place de premier plan dans le maillage de notre territoire.

Par ailleurs, cet amendement, comme d’habitude, ne sera qu’un vœu tant que nous ne verrons pas les ressources afférentes. Si nous les avions proposées, on n’aurait pas manqué de nous opposer l’article 40 de la Constitution, comme on l’a fait sur plusieurs de mes amendements.

M. Michel Pouzol. C’est un amendement du Gouvernement !

M. François de Mazières. Certes, mais je tenais à souligner ce point : qu’y a-t-il concrètement derrière ? Il serait bon d’en reparler à l’occasion de l’article 17, consacré aux établissements d’enseignement supérieur de la création artistique.

M. Michel Ménard, président. Effectivement, l’article 40 ne s’applique pas aux amendements du Gouvernement.

Mme la ministre. Je suis tout à fait disposée à discuter de ce sujet à l’occasion d’une audition spécifique.

Madame Genevard, le parcours d’éducation artistique et culturelle à l’école, sur lequel nous avons travaillé pendant plusieurs mois avec la ministre de l’Éducation nationale et qui vient d’entrer en vigueur, est une des réponses au taux de fréquentation des jeunes. Il permet de toucher tous les enfants scolarisés et ce point est pour la première fois formalisé entre les deux ministères, dont les relations n’ont en effet pas toujours été très faciles. C’est là une véritable innovation.

Dès que je suis arrivée à mon ministère, j’ai souhaité avoir des instruments de pilotage dans ce domaine : offrir à un enfant une visite guidée d’un musée une fois par an n’est pas la même chose que de le prendre en charge de façon récurrente tout au long de l’année. Ces instruments permettent de suivre précisément les différentes actions d’éducation artistique et culturelle et de savoir si l’équité territoriale est satisfaite, pour être sûr de toucher les territoires les plus défavorisés, notamment du point de vue socio-économique. Nous pourrons à l’occasion en rediscuter de manière plus approfondie.

S’agissant de l’implication des artistes, j’ai fait allusion ce matin à une situation un peu particulière, qui heureusement ne se produit pas dans beaucoup de communes : il s’agissait d’un élu qui, non content de traiter les artistes de fainéants, refusait toute concertation préalable et exerçait sur eux un chantage à l’occupation d’ateliers à loyer réduit afin de les obliger à garder les enfants afin qu’il puisse lui-même remplir ses engagements en matière de réforme des rythmes scolaires. J’ai rencontré beaucoup d’artistes, et peu d’entre eux sont réticents à l’idée de remplir des missions de transmission ou de pédagogie auprès de publics jeunes et moins jeunes. Ce partage fait partie de la mission de l’artiste dans la cité, beaucoup d’entre eux en ont conscience, mais je déplore que l’on exerce un chantage sur eux en les considérant comme des fainéants. C’est à cette façon de procéder à mon sens indigne de notre démocratie que je faisais référence ; je suis évidemment très favorable à ce que les artistes puissent, dans le cadre qu’ils souhaitent ou qu’ils discutent avec la collectivité, s’impliquer dans ces actions d’éducation artistique et culturelle.

Nous avons défini avec Najat Vallaud-Belkacem le parcours d’éducation artistique et culturelle, qui concerne évidemment le temps scolaire. Les efforts budgétaires supplémentaires que j’ai consentis dès cette année concernent le temps périscolaire, en dehors de l’école, ce qui me permet d’être chef de file sur ces actions. Ces nouveaux crédits ne sont pas une réallocation de fonds pris ailleurs : j’ai obtenu une bonne fin de gestion pour le ministère, de nombreux crédits ont été dégelés, et j’ai ainsi pu en affecter à ces actions d’éducation artistique et culturelle.

Nous évoquerons tout à l’heure les conservatoires. J’ai déjà eu l’occasion de dire à plusieurs reprises que je souhaitais voir l’État reprendre sa place dans la labellisation, les agréments, les schémas pédagogiques nationaux, ainsi que le financement de ces établissements.

Enfin, vous aurez très prochainement les réponses à vos questions concernant les moyens, dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances, qui montrera leur augmentation.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC199 de Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Toujours suivant les recommandations du CESE, je propose d’inscrire dans l’article 2 le concept de démocratie culturelle, autrement dit la reconnaissance du partage et la co-construction entre les citoyens et les artistes.

M. le rapporteur. J’invite Mme Attard à retirer son amendement au bénéfice de mon amendement AC460 qui tend à réécrire l’alinéa 12 – le 10° des objectifs de politique culturelle – comme suit : « Entretenir et favoriser le dialogue et la concertation entre l’État, l’ensemble des collectivités publiques concernées, les organisations professionnelles, le secteur associatif et l’ensemble des acteurs de la création. »

Mme la ministre. J’adhère à la nécessité d’un partage entre citoyens et artistes, et la co-construction me semble être en phase avec ce que sont les pratiques des artistes aujourd’hui. C’est le sens de la rédaction que proposera plus loin le rapporteur, à laquelle je souscris. Je vous suggère donc de retirer votre amendement.

Mme Isabelle Attard. Malheureusement, il manque dans la rédaction du rapporteur un mot important : celui de citoyen. Le but de mon amendement AC199 est bien d’indiquer qu’il doit exister un partage avec les citoyens lambda, qui ne sont ni élus, ni dirigeants d’association, ni artistes. Je suggère donc de rajouter le mot pour que cette co-construction soit effective. Nous sommes dans une société où les « apprenants » ont désormais, aux côtés des « sachants », leur mot à dire.

M. Christian Kert. Pure curiosité sémantique : qu’est-ce que la co-construction culturelle ? La co-construction de quoi ?

M. Michel Piron. L’alinéa 12, qui évoque l’ensemble des acteurs de la création, me semble suffisamment explicite. Ou alors, est-ce à croire que les acteurs de la création ne seraient-ils plus des citoyens ?

Mme Isabelle Attard. Les artistes sont des citoyens – encore heureux ! Mais, de la même manière que nous passons du consommateur au « consom’acteur », les citoyens qui ne sont ni artistes, ni élus, ni membres d’associations, ont aujourd’hui envie d’être inclus dans la démarche de construction de politiques culturelles, et pas seulement de consommer de la culture. Les temps sont dépassés où il y avait d’un côté ceux qui savent et de l’autre ceux qui écoutent. Nous souhaitons des citoyens éclairés qui participent au débat et l’orientent.

M. Michel Piron. Je suis certain qu’Isabelle Attard sera comblée par la rédaction proposée, qui ne parle pas des artistes mais des « acteurs de la création », c’est-à-dire de la totalité des gens qui peuvent s’intéresser à la création.

M. le rapporteur. Le projet de loi vise à inscrire dans notre droit des objectifs concernant au premier chef les acteurs de la création. Mon amendement AC460 est essentiellement de précision mais apportera une dimension supplémentaire : le terme « dialogue » apparaissant insuffisant au regard de l’enjeu démocratique, j’y introduis la concertation. Je me vois mal y ajouter les citoyens à l’arrivée, qui interviennent régulièrement dans les débats de politique culturelle.

L’amendement est retiré.

La Commission examine en discussion commune les amendements AC334 du Gouvernement et AC461 du rapporteur.

Mme la ministre. Le Gouvernement ne souhaite pas laisser penser que les actions de soutien ne seront réservées qu’aux structures bénéficiant d’un label ; c’est pourquoi je propose de clarifier la rédaction de l’alinéa 7 en supprimant toute ambiguïté à cet égard. Le soutien aux compagnies ou aux structures artistiques indépendantes concerne actuellement quelque 1 300 artistes ou équipes artistiques sur le plan national. C’est un axe majeur de la politique de l’État, et c’est la raison pour laquelle j’ai souhaité sanctuariser les crédits qui y sont consacrés dans le budget 2015, et que je défendrai dans le PLF pour 2016 des mesures budgétaires nouvelles en faveur de ces compagnies et ensembles.

M. le rapporteur. Avis très favorable. Le Gouvernement répond ainsi parfaitement au souci que j’exprime dans l’amendement AC461, issu des auditions que nous avons conduites.

L’amendement AC461 est retiré.

La Commission adopte l’amendement AC334.

Elle examine ensuite l’amendement AC489 du rapporteur.

M. le rapporteur. Nous avons déjà parlé de cet amendement en début de séance. Je propose de compléter l’alinéa 7 par la phrase suivante : « À cet effet, s’assurer, dans l’octroi de subventions, du respect des droits sociaux et des droits de propriété intellectuelle des artistes et des auteurs. »

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC466 du rapporteur.

M. le rapporteur. Lors des auditions, certains de nos interlocuteurs ont demandé de prendre également en considération des lieux intermédiaires et indépendants. Cette dernière notion renvoie au passionnant rapport commandé à Fabrice Lextrait par la ministre de la Culture de l’époque, Mme Catherine Tasca. Nous pourrions reconnaître ces lieux intermédiaires dans le projet de loi en tant qu’acteurs de la diversité culturelle et de l’égalité des territoires.

Mme la ministre. Avis très favorable. Cet amendement recoupe de nombreuses conclusions des assises de la jeune création qui se sont tenues avant l’été et ont permis d’entendre, directement au sein des territoires, les acteurs qui entreprennent et expérimentent tous les jours en matière culturelle. J’avais retenu un grand nombre de pistes, qui croisent celles résumées dans l’amendement : la nécessité de revaloriser le soutien aux équipes indépendantes, qui sont le vivier de la création et de son renouvellement, l’utilité de soutenir, au-delà des lieux labellisés ou des grands établissements culturels, ces lieux intermédiaires développés par des artistes ou des collectifs pour leur propre travail mais aussi celui d’autres équipes, afin d’offrir des lieux de travail aux productions, ce qui manque parfois cruellement – je suis en train d’examiner la manière dont nous pourrions développer ces résidences d’artistes ou foyers de créateurs nouvelles génération, particulièrement utiles pour les jeunes artistes. Il s’agit enfin, et plus largement, de la nécessité de créer des passerelles structurantes entre le secteur culturel indépendant et les établissements de création, de production et de diffusion. Le but est de créer de l’emploi artistique durable, de favoriser le renouvellement des esthétiques et de faciliter la structuration des entreprises. Je consacrerai beaucoup de nouvelles mesures à ces actions qui concourent à la création artistique en 2016.

La Commission adopte l’amendement.

Elle passe ensuite à l’amendement AC200 de Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Nous souhaitons un rééquilibrage du partage de la valeur entre créateurs et diffuseurs ; il semble donc opportun de le mentionner parmi les objectifs de la politique culturelle énoncés à l’article 2.

M. le rapporteur. Cet amendement vise deux objectifs : d’une part, la protection
– déjà introduite à deux reprises dans la loi – des droits des artistes et auteurs et, d’autre part, le rééquilibrage de la valeur entre créateurs et grands diffuseurs, qui de même est inscrit très clairement dans le projet de loi, par le biais des dispositions concernant la musique. Il est donc satisfait, ou le sera dans la suite du texte.

M. le ministre. Même avis. Compte tenu des articles que nous examinerons sur le partage de la valeur dans le domaine de la musique, il ne me semble pas nécessaire en effet de procéder aux ajouts proposés.

Mme Isabelle Attard. Je retire l’amendement. Nous verrons, dans la discussion, si ce rééquilibrage est effectif. Je précise cependant que la création ne se résume pas à la musique. Si cet amendement est satisfait dans le domaine musical, ce sera certes un bon point, mais nous devons défendre tous les créateurs, au sens très large du terme.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement AC254 de Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Cet amendement vise à la reconnaissance des pratiques amateurs, qui contribuent elles aussi au développement de la culture dans notre pays.

M. le rapporteur. Nous aurons un grand débat, très attendu, sur les pratiques amateurs, avant l’article 11, le Gouvernement ayant opportunément déposé un amendement AC308. Je vous propose donc d’attendre ce débat et de retirer votre proposition.

Mme la ministre. Le Gouvernement présentera en effet un amendement important sur la reconnaissance et la valorisation des pratiques amateurs, qui, j’en suis pleinement d’accord avec Mme Genevard, contribuent grandement au développement de la culture. Je demande à Mme Genevard de bien vouloir retirer son amendement, sinon j’y serai défavorable à ce stade.

Mme Annie Genevard. Que la question fondamentale des pratiques amateurs ne figure pas dans le texte initial était une étrangeté. Que le Gouvernement la réintègre par un amendement est une bonne chose, mais, si ce n’est pas nous qui vous en avons donné l’idée, vous auriez pu y penser avant. Les députés de l’opposition ont en tout cas le désagréable sentiment que leurs amendements ne sont jamais repris, mais inspirent le Gouvernement et le rapporteur…

Mme Marie-George Buffet. Plusieurs amendements viendront en discussion sur les pratiques amateurs, mais je trouve dommage de ne pas ajouter cet objectif à l’article 2, parmi les autres objectifs des politiques publiques dans le domaine de la création et d’accès à la culture.

M. Michel Pouzol. Les pratiques amateurs ont fait l’objet du dépôt d’un amendement du groupe SRC dès le début de nos travaux. C’est une préoccupation commune à l’ensemble des groupes de cette Commission, et je me réjouis que le Gouvernement présente un amendement qui nous permettra une discussion de fond sur cet élément fondamental.

M. François de Mazières. Je reprends volontiers l’argument de Mme Buffet. Mme Genevard dit avec force que les pratiques amateurs sont fondamentales ; il faut l’affirmer dès l’article 2, qui pose les principes et renvoie à des articles ultérieurs pour les modalités.

M. Franck Riester. Si le groupe socialiste est mobilisé sur cette question, nous pourrions, tous groupes confondus, suivre la proposition de Mme Genevard et faire figurer les pratiques amateurs parmi les autres objectifs.

M. Michel Herbillon. Il est en effet souhaitable que le consensus se manifeste au moment de l’affirmation des principes, même s’il est possible que, sur d’autres parties du texte, nous ne soyons pas d’accord.

Mme Gilda Hobert. Je pense également que nous devrions affirmer la nécessité de soutenir les pratiques amateurs dès l’énonciation des objectifs.

M. le rapporteur. Si mes amendements ont été déposés au dernier moment, c’est parce que je souhaitais aller le plus loin possible dans un dialogue constructif avec le Gouvernement ; mais, que Mme Genevard se rassure, ils étaient rédigés depuis longtemps et je n’ai pas attendu ceux de l’opposition… De même, alors que nous avons encore examiné peu d’amendements, plusieurs de ceux qu’a présentés l’opposition ont été adoptés, notamment à cet article.

En annexe de mon rapport figure la liste des auditions ou contributions écrites que nous avons reçues. Nonobstant le fait que nous sommes tous pour les pratiques amateurs, je me permets de souligner qu’il n’y a pas de sujet plus polémique. Quand le Gouvernement présentera son amendement, nous risquons d’être rejoints par un nombre conséquent de nos collègues bretons – et s’ils ne viennent pas en commission, ils seront inévitablement présents en séance !

Le Gouvernement qui, sur ce sujet, conduit depuis des mois une étroite concertation, a pris l’heureuse initiative de déposer un amendement afin que la loi reconnaisse pour la première fois les pratiques amateurs. La question demeure néanmoins fortement polémique, et pour cause : l’article L. 7121-3 du code du travail, qui établit la présomption de salariat, est essentiel pour les organisations professionnelles. Or, les acteurs culturels et les syndicats qui les représentent craignent que la reconnaissance des pratiques amateurs dans la loi n’offre un prétexte pour contourner la présomption de salariat et, de ce fait, pour faire travailler gratuitement des artistes dont la participation à tel ou tel événement devrait normalement être rémunérée.

C’est dans cet esprit et par souci d’ouverture que je vous propose de ne pas mettre la charrue avant les bœufs et d’attendre l’adoption de l’amendement du Gouvernement avant l’article 11 pour revenir à la présente proposition en séance. Mieux vaut d’abord adopter le dispositif – car, en l’état, je ne suis pas certain qu’il satisfasse la CGT Spectacle et les bagadoù, puisque tel est l’enjeu – afin de résoudre la question de la manière la plus équilibrée qui soit. Nous pourrons ensuite, lors du débat en séance, préciser par amendement que le développement des pratiques amateurs est un objectif de politique culturelle, ce à quoi je souscris pleinement – et vous savez que je tiens mes engagements. En clair, je nous suggère d’aborder ce sujet difficile avec prudence.

Mme Annie Genevard. Autrement dit, nous pourrons donc une nouvelle fois envisager l’inscription des pratiques amateurs à l’article 2 ?

M. le rapporteur. Oui, mais en séance : j’invite tous ceux qui ont déposé cet amendement à le présenter à nouveau dans l’hémicycle, où il recueillera un avis favorable.

Mme Annie Genevard. Je précise que les pratiques amateurs ne concurrencent aucunement l’emploi culturel, bien au contraire : elles l’encouragent parfois, comme j’en fais l’expérience sur mon territoire. Puisque nous y reviendrons avant l’article 11, je retire cet amendement pour le présenter de nouveau en séance.

Mme la ministre. Et nous y serons favorables !

L’amendement AC254 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement AC86 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Puisque l’article 2 définit les missions de l’État, il me semble important d’y rappeler que le combat visant à défendre les droits des créateurs au niveau européen face à la pression économique des acteurs de l’industrie numérique est fondamental ; chacun en convient et Mme la ministre l’a d’ailleurs elle-même indiqué. La liste des objectifs visés à cet article est large ; il serait troublant que n’y figure pas ce combat pourtant essentiel – et que vous menez, madame la ministre – de même que la référence à l’échelle européenne.

M. le rapporteur. Cet amendement ne vise naturellement pas à indiquer qu’il faut commencer à défendre les droits des créateurs au niveau européen, car il s’agit là d’une mobilisation constante du ministère de la culture, de Mme la ministre et de ses prédécesseurs, quelle que soit la majorité à laquelle ils appartenaient. Sur ce thème, nous sommes tous rassemblés, au-delà même de l’Assemblée nationale puisqu’il était au cœur des échanges que nous avons eus en juin dernier avec nos collègues de la commission des affaires culturelles du Bundestag. Il va donc de soi que je partage l’objectif poursuivi.

Je m’interroge néanmoins sur l’opportunité d’inscrire cette disposition à l’article 2, parmi les objectifs de la politique culturelle. Ces objectifs – y compris le respect de l’équité territoriale, adoptée grâce à un amendement de Mme Buffet – concernent en effet le seul territoire national. Ils ont trait à la responsabilité de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics ; les acteurs privés de la culture et les associations y prennent naturellement toute leur part. Nous nous efforçons de bien écrire la loi ; or, votre amendement ne vise pas un objectif de politique culturelle à développer sur le territoire national. Sans doute faudrait-il donc le reformuler et le déplacer.

Mme la ministre. Je partage l’analyse de M. le rapporteur. Défendre la diversité culturelle, assurer aux auteurs et aux artistes de notre pays les moyens d’exercer leurs talents sont des objectifs de la politique culturelle. Vous connaissez mon engagement en faveur des droits des créateurs au niveau européen, qu’il s’agisse de défendre les droits d’auteur face aux réformes entreprises pour les amoindrir ou, sur le plan intérieur, de rechercher une plus juste rémunération des artistes et interprètes dans une économie de rupture technologique qui se caractérise par de nouveaux modes d’accès à la culture.

La proposition que vous présentez n’est pas tant un objectif qu’un moyen de défendre la création. Cet amendement pourra être abordé ailleurs dans le texte mais, en l’état, il n’est pas à la place adéquate.

M. François de Mazières. Si vous acceptez de voter des amendements de l’opposition, je précise que nous votons également de nombreux amendements de la majorité.

L’article 2 détaille la liste des objectifs de la politique mise en œuvre en faveur de la création artistique. Je vous propose d’y ajouter l’objectif suivant : « Défendre les droits des créateurs au niveau européen ». J’insiste : le fait que, selon vous, la défense des droits des créateurs ne soit pas un objectif de politique culturelle me pose un réel problème ! Tenons-nous en au texte en débat, comme nous le conseillait M. le rapporteur : l’article 2 recense les objectifs de la politique culturelle, et la défense des droits des créateurs me paraît en être un, fondamental de surcroît, que tous les ministres ont défendu et que vous défendez à votre tour, madame la ministre et monsieur le président.

M. Michel Herbillon. Dès lors que cet amendement recueille un accord sur le fond, où se trouve le problème ? L’un des objectifs de la politique culturelle n’est-il pas précisément de défendre les artistes et les créateurs ? Il n’est pas moins important que d’autres, pourtant énoncés à l’article 2 ; c’est pourquoi nous avons déposé l’amendement à cet endroit du texte.

M. Marcel Rogemont. Cet amendement ne serait-il pas plus aisément acceptable si l’on en supprimait la deuxième partie, c’est-à-dire « face à la pression économique des acteurs de l’industrie numérique » ?

M. François de Mazières. Je suis d’accord.

M. Marcel Rogemont. Ce membre de phrase ferait en effet planer l’ombre d’un affreux capitalisme – ce qui me semble improbable de la part de M. de Mazières… La défense des droits des créateurs au niveau européen me semble ainsi recevable.

M. Michel Herbillon. Nous approuvons cette proposition.

M. le rapporteur. L’axe Rogement-Herbillon produit souvent d’excellents effets dans cette commission… (Rires.) Je me permets néanmoins de vous alerter sur le fait qu’au-delà du niveau européen, le niveau national est essentiel face à la pression de ce que l’on appelle les GAFA – Google, Apple, Facebook et Amazon. C’est tout de même l’objectif principal du présent amendement !

M. François de Mazières. Cet amendement nous semblait avoir tout son sens même si, par esprit de compromis, nous sommes prêts à en restreindre la rédaction. Je répète néanmoins qu’il s’agit d’un axe essentiel de la politique du Gouvernement et de tous les ministres précédents ; il est donc utile de le mentionner.

Mme Sandrine Doucet. Cet amendement nous renvoie aux travaux que nous avons conduits l’an passé sur la protection des droits d’auteurs liés aux œuvres orphelines, dans le cadre d’un projet d’adaptation au droit européen. La France fut l’un des derniers pays de l’Union à transposer ces directives ; autrement dit, l’ensemble des droits d’auteurs sont d’ores et déjà protégés au niveau européen. Le présent amendement est donc redondant, puisque la disposition existe en droit européen.

M. le rapporteur. Si je partage l’objectif de cet amendement, je demeure insatisfait par sa rédaction. Nous écrivons la loi ; certes, nous ne sommes qu’en commission, et non en deuxième lecture dans l’hémicycle, mais je reste réservé. De deux choses l’une, dès lors : soit l’amendement est retiré – c’est ce que je suggère – pour être reformulé, soit l’un d’entre nous – une personne assise à côté de moi, par exemple – propose une rédaction alternative.

Mme la ministre. Je vous propose justement d’ajouter après l’alinéa 11 un alinéa 9°bis ainsi rédigé : « Favoriser une juste rémunération des auteurs et un partage équitable de la valeur, notamment par la promotion du droit d’auteur au plan européen et international ». En effet, les instruments de défense des droits d’auteur existent déjà ; cette rédaction semble donc plus adaptée à un objectif de politique publique.

M. Michel Ménard, président. Estimez-vous cette proposition constructive, monsieur de Mazières ?

M. François de Mazières. Tout à fait. Nous avons eu si peu de temps pour rédiger nos amendements que je suis très ouvert à de meilleures rédactions. Je remercie Mme la ministre de sa proposition.

M. Michel Pouzol. Celle-ci a été achevée en moins de temps encore, qui plus est !

M. François de Mazières. Selon nous, il fallait avant tout affirmer le caractère essentiel de cet objectif. J’accepte donc volontiers la proposition de Mme la ministre.

M. le rapporteur. Je suis également favorable à la proposition d’amendement que vient de formuler Mme la ministre et qui semble recueillir le consensus de la commission.

L’amendement AC86 est retiré.

La Commission examine l’amendement AC87 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. L’alinéa 9 fixe l’objectif suivant : « Promouvoir la circulation des œuvres et la mobilité des artistes ». Or, aujourd’hui, il est tout aussi important que les auteurs participent aux échanges entre les cultures – et cela fait d’ailleurs déjà partie de notre tradition culturelle. Il serait donc judicieux d’adjoindre les auteurs aux artistes à l’alinéa 9.

M. le rapporteur. La mobilité des artistes et celle des auteurs n’ont pas le même sens et le présent alinéa porte principalement sur la mobilité des artistes. Il va néanmoins de soi que je ne saurais être hostile à la mobilité des auteurs : avis favorable.

Mme la ministre. Même avis : je ne peux qu’approuver cette proposition qui fait écho à l’alinéa 7, dans lequel nous avons pris soin de préciser que les politiques de soutien des pouvoirs publics concernent naturellement les artistes et les auteurs.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC201 de Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. L’alinéa 9 vise à promouvoir la circulation des œuvres et la mobilité des artistes, et à favoriser les échanges et les interactions culturels. Nous proposons d’en compléter la rédaction en l’appuyant sur l’article 16 de la Convention de l’UNESCO pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, adoptée en 2005, en vertu duquel notre pays est tenu de faciliter les échanges culturels avec les pays en voie de développement en « accordant un traitement préférentiel à leurs artistes et autres professionnels et praticiens de la culture ». Cet amendement précise donc la rédaction du texte afin de rééquilibrer les échanges culturels mondiaux en faveur de ces pays.

Il a plusieurs fois été fait référence lors de la discussion générale aux destructions perpétrées dans les pays en guerre : à cet égard, nous aurons aussi des partenariats à tisser avec les pays qui subissent ces destructions culturelles majeures. Sans nous limiter à favoriser les échanges culturels en général, nous pouvons leur apporter cette aide en affirmant explicitement dans la loi que nous favoriserons les échanges culturels avec eux, conformément à la Convention de 2005.

M. le rapporteur. En toute franchise, cette proposition ne m’a pas convaincu. La Convention de 2005, dont la commission a récemment célébré le dixième anniversaire en publiant un rapport d’information, s’impose naturellement à nous puisque la France en est signataire. Je suis donc défavorable à cet amendement ; en revanche, le suivant m’a davantage convaincu.

Mme la ministre. Même avis : il me semble nécessaire de préserver la portée universelle de l’alinéa 9, qui satisfait d’ailleurs l’objectif poursuivi par Mme Attard.

Mme Isabelle Attard. Je retire donc l’amendement, même s’il me semblait utile, par les temps qui courent, d’orienter nos coopérations en direction des pays qui ont le plus grand besoin de notre aide.

L’amendement AC201 est retiré.

La Commission examine l’amendement AC202 de Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Cet amendement vise à encourager la formation continue des professionnels de la culture. Nous avons eu l’occasion ici même de préciser cette volonté lors de l’examen de textes antérieurs relatifs à l’éducation primaire et à l’enseignement supérieur. De même, il ne semble pas superflu, dans l’intérêt des professionnels de la culture, de réaffirmer la volonté de favoriser une formation continue adaptée aux métiers artistiques.

M. le rapporteur. J’émets un avis favorable à cet amendement, moyennant plusieurs rectifications de nature essentiellement rédactionnelle visant à préserver l’esprit de la rédaction initiale du projet de loi et à satisfaire un amendement du groupe SRC qui ne pouvait être examiné en discussion commune et vise à encourager également la transmission au sein des générations. Je propose donc tout d’abord de remplacer les mots « des professionnels de l’art » par « des professionnels de la création artistique » – ce qui permet d’englober l’ensemble des professionnels, la notion d’art étant moins normative –, de mettre l’expression « reconversions professionnelles » au singulier, et enfin d’écrire « ainsi qu’à des actions » et non « ainsi que des actions ». Enfin, pour tenir compte de l’amendement AC312 du groupe SRC, qu’a déposé Mme Tolmont, je propose d’ajouter les mots « au sein des et » avant les mots « entre les générations ».

L’alinéa 10, qui satisferait ainsi tout le monde, serait ainsi rédigé : « Contribuer à la formation initiale et continue des professionnels de la création artistique, à la mise en place de dispositifs de reconversion professionnelle adaptés aux métiers artistiques, ainsi qu’à des actions visant à la transmission des savoirs et des savoir-faire au sein des et entre les générations ».

Mme la ministre. Je suis favorable à cette réécriture. La question très importante de la formation professionnelle continue sera d’ailleurs l’un des sujets abordés lors de la conférence pour l’emploi que Mme El Khomri et moi-même lancerons le 15 octobre prochain.

M. Michel Pouzol. La question est en effet cruciale, et le groupe SRC se félicite de cette nouvelle rédaction très précise.

Mme Isabelle Attard. Elle me satisfait également.

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

En conséquence, l’amendement AC312 n’a plus d’objet.

La Commission est saisie de l’amendement AC203 de Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. L’alinéa 11 fait référence à la précarité de l’activité artistique ; or, c’est bien plutôt la précarité des artistes, c’est-à-dire des êtres humains, qui est visée. Ce sont en effet les conditions d’exercice des métiers artistiques qui engendrent la précarité. Je propose donc de retenir la formule suivante : « la précarité des artistes et des auteurs ». Cela me semble plus cohérent avec le combat que nous menons contre ladite précarité.

M. le rapporteur. Je suis humainement et socialement favorable à cet amendement même si, par cohérence avec la rédaction utilisée jusqu’à présent, je suggère de retenir la formule « des auteurs et des artistes ». C’est mon côté pinailleur…

Mme la ministre. Je suis favorable à cet amendement ainsi rectifié.

M. François de Mazières. Nous aussi !

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Puis elle adopte l’amendement AC511 du Gouvernement, déjà présenté par Mme la ministre, qui tend à introduire un nouvel alinéa 9° bis après l’alinéa 11.

Elle passe à l’amendement AC460 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement, que j’ai déjà évoqué, vise à reformuler l’alinéa 12, c’est-à-dire le dixième objectif des politiques culturelles. Je me suis livré à un exercice rédactionnel afin de le rendre plus compréhensible et cohérent en proposant notamment deux modifications de fond. La première consiste à ne pas se contenter d’un dialogue mais à aller plus loin pour, sans atteindre le stade de la co-construction, prévoir la concertation. La seconde vise à réintégrer le secteur associatif, qui doit naturellement prendre sa place au cœur du dialogue et de la concertation avec l’État.

Mme la ministre. Avis favorable, moyennant une légère clarification rédactionnelle consistant à supprimer les mots « en association », quelque peu superflus.

M. le rapporteur. J’accepte de supprimer les mots « en association avec », de sorte que l’alinéa 12 commencera ainsi : « Entretenir et favoriser le dialogue et la concertation entre l’État, l’ensemble des collectivités publiques concernées… ». Les collectivités publiques concernées se retrouveront ainsi au même niveau que l’État et les autres acteurs.

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

La Commission examine l’amendement AC4 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

M. François de Mazières. Afin de mieux associer les collectivités locales à l’élaboration et à la conduite des politiques publiques de la culture, l’amendement AC4 tend à réintroduire, dès l’article 2, l’obligation de créer une commission de la culture au sein des conférences territoriales de l’action publique (CTAP). Cette proposition avait été faite par notre commission lors de la discussion du projet de loi relatif à la nouvelle organisation territoriale de la République, dite projet de loi NOTRe. Le rôle des nouvelles grandes régions dans la définition des politiques culturelles doit être affirmé, et donc la nécessité de ce dialogue.

M. le rapporteur. Cette préoccupation nous est commune. Lors du débat sur les projets de loi de décentralisation et en particulier de la loi NOTRe, notre collègue Stéphane Travert, rapporteur pour avis, avait effectivement défendu en notre nom l’amendement que nous avions adopté et qui visait, pour faire bref, à ce que les CTAP traitent de culture. En première lecture, cet amendement a été rejeté par notre assemblée, mais adopté par le Sénat. En deuxième lecture, je l’ai défendu moi-même devant notre assemblée et j’ai été heureux d’avoir réussi à rassembler une majorité dans l’hémicycle pour l’adopter en dépit de l’avis contraire du président de la commission des lois et du Gouvernement. Le Sénat ayant réitéré son vote positif en deuxième lecture, je pensais la cause acquise. C’était faire peu de cas de la commission mixte paritaire qui a évacué cette disposition… Elle ne figure donc pas dans le texte définitif de la loi NOTRe.

Il était donc nécessaire de nous remettre à l’ouvrage, ce que tous les groupes politiques ont opportunément fait. De ces travaux sont issues deux idées complémentaires. En effet, notre proposition initiale – l’obligation faite aux CTAP de créer une commission de la culture – me paraît insuffisante. On peut en effet penser que siégeront dans ces commissions les seuls élus chargés de la culture des collectivités concernées ; réussiront-ils ensuite à influencer des décisions qui se prennent dans un cadre plus large sans connaître les difficultés que nous avons nous-mêmes rencontrées ?

De cette réflexion est née une deuxième proposition tendant à ce que les présidents des CTAP inscrivent obligatoirement à l’ordre du jour de l’instance, au moins une fois par an, un débat sur la politique culturelle. Il m’apparaît souhaitable, compte tenu des amendements déposés à ce sujet, moi-même ayant centré mes efforts sur l’ordre du jour des CTAP, que nous puissions adopter ces deux dispositions. L’amendement AC4 de même que l’amendement AC142 que nous présentera M. Piron un peu plus tard portent sur l’article 2, et d’autres amendements à ce sujet portent articles additionnels après cet article. C’est notamment le cas de l’amendement AC89 de M. de Mazières, qui traduit la même préoccupation dans une rédaction différente. Je suggère donc que l’on retire l’amendement AC4 afin de reprendre la discussion sur l’ensemble des amendements à ce sujet au terme de l’examen de l’article 2.

Mme la ministre. La méthode suggérée me paraît bonne. Sur le fond, la culture étant une compétence partagée, je souhaite que les CTAP débattent de la politique culturelle. Toutefois, la loi NOTRe a prévu que ces instances s’organisent librement, ce qui milite en faveur de l’inscription obligatoire d’un débat annuel sur la politique culturelle à l’ordre du jour des CPAT plutôt que de l’obligation de création d’une commission de la culture en leur sein, difficilement compatible avec l’énoncé de la loi NOTRe. Je réserve mon avis sur les amendements pour la suite de la discussion.

M. François de Mazières. Notre rapporteur m’a convaincu qu’il est légitime de rouvrir un peu plus tard la discussion commune d’amendements qui reprennent en gros les mêmes dispositions.

M. Michel Piron. J’approuve le rapporteur. J’avais voté la disposition qu’il avait brillamment défendue dans l’hémicycle lors de l’examen du projet de loi NOTRe, mais je me rappelle l’argument alors avancé par la commission des lois et que Mme la ministre vient de reprendre. Pour le désamorcer, je proposerai par l’amendement AC142 d’inscrire dans la loi la création d’une commission dédiée aux trois compétences partagées que sont la culture, le tourisme et le sport. Nous trouverons de la sorte plus d’alliés dans notre combat en faveur de la prise en compte de la politique culturelle au niveau régional. L’idée est de trouver une réponse plus générale, plus compatible avec la loi NOTRe et plus facilement défendable qu’un strict plaidoyer pro domo.

M. le président. Nous avons pris note de cette présentation. L’amendement sera examiné en son temps.

M. Michel Herbillon. La proposition de notre rapporteur me convient. Si je l’ai bien comprise, il s’agit d’une part de créer une commission de la culture au sein de chaque CTAP, d’autre part de veiller à ce qu’un débat sur la politique culturelle soit inscrit au moins une fois par an à l’ordre du jour de la CTAP. Je préfère cette approche à celle qu’a esquissée Mme la ministre, car la seule inscription d’un débat annuel ne suffit pas à élaborer une politique publique de la culture.

M. le rapporteur. Je répondrai à M. Piron au moment où l’amendement qu’il vient de défendre sera appelé. Je suggère à nouveau le retrait de l’amendement AC4, pour les raisons dites, et la reprise sous peu de la discussion sur les deux dispositions complémentaires évoquées, qui seront présentées séparément. De la sorte, Mme la ministre pourra émettre deux avis distincts.

L’amendement AC4 est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement AC467 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement vise à inscrire dans la loi, dès son article 2, l’objectif de promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes dans le domaine de la création artistique en général. C’est une préoccupation constante pour notre commission, qui a fait sienne une proposition de résolution visant à améliorer le processus de recrutement à la tête des grandes institutions culturelles, déposée à l’initiative du groupe Socialiste, républicain et citoyen. Beaucoup de nos interlocuteurs se sont mobilisés à cet effet, singulièrement Mme Sophie Deschamps, présidente de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, à laquelle je rends hommage.

Mme la ministre. Avis très favorable. Le ministère a installé un observatoire de l’égalité dans la culture et la communication, qui rassemble les statistiques sur les nominations à la tête des institutions labellisées, les rémunérations, les programmations et l’accès aux moyens de production dans tous les champs de la création et du spectacle vivant. Les études montrent que si la situation s’est améliorée pour les femmes, elle n’est toujours pas entièrement satisfaisante. Depuis 2012, les nominations à la tête des institutions labellisées doivent se faire sur la base d’une liste restreinte et paritaire de candidats, auditionnés par un jury dont la composition doit tendre à la parité. Les résultats atteints par ce moyen sont assez sensibles puisque 78 nominations intervenues entre 2012 et 2015, soit près de 36 %, ont concerné des femmes. La progression est très nette par rapport à la situation antérieure et je me félicite de cette inversion de tendance, mais j’admets volontiers que cet effort doit être poursuivi pour que nous en venions à une situation plus acceptable. Je pense notamment à l’accès aux moyens de production, puisque des différences demeurent dans le montant des subventions selon qu’elles sont allouées à des hommes ou à des femmes.

J’ai pris l’engagement que les données relatives à la parité dans l’accès aux programmations et aux moyens de production figureraient dans les contrats d’objectifs des structures nationales et des établissements subventionnés, et je souhaite que des objectifs chiffrés y soient insérés. La proposition de votre rapporteur donnera une assise solide à toutes les actions entreprises pour remédier aux déséquilibres persistants.

Mme Isabelle Attard. Cet amendement s’impose d’autant plus que dans certaines directions culturelles les inégalités sont plus criantes encore que dans d’autres – ainsi les femmes sont-elles de moins en moins nombreuses à la direction des centres chorégraphiques nationaux. Il conviendrait toutefois d’en préciser la rédaction, bien trop floue, en spécifiant, comme il est fait dans l’exposé sommaire, qu’il importe de favoriser la parité tant dans la création, la production et la diffusion que dans l’accès aux postes à responsabilités.

M. Michel Herbillon. Nous sommes favorables à l’amendement et je tiens à rendre à mon tour hommage à l’engagement de Mme Sophie Deschamps.

M. Franck Riester. Je salue cet excellent amendement, dont je pense inutile de préciser les termes. Nous consacrons beaucoup de temps à des modifications rédactionnelles intéressantes, mais le texte contient des dispositions aux conséquences politiques très lourdes dont il nous faut aussi traiter au fond ; il serait bon d’entrer sans tarder dans le vif du sujet…

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AC218 de M. Christian Kert et AC88 de M. François de Mazières.

M. Christian Kert. L’amendement AC218 a pour but de souligner et de valoriser le rôle des associations culturelles.

M. François de Mazières. L’amendement AC88 a le même objet.

M. le rapporteur. Ces amendements sont satisfaits par les amendements AC460 et AC466 précédemment adoptés. Je suggère donc leur retrait.

Mme la ministre. Même avis.

M. Christian Kert. Les amendements adoptés n’ont pas la même force, mais l’intention y étant, je retire l’amendement AC218.

M. François de Mazières. De fait, la disposition adoptée par l’amendement AC466 est un peu plus restrictive que celle que je propose, mais l’important est d’affirmer le rôle des associations culturelles. L’intention étant effectivement là, je retire l’amendement AC88.

Les amendements AC218 et AC 88 sont retirés.

La Commission est saisie de l’amendement AC319 de Mme Sophie Dessus.

Mme Sophie Dessus. Certaines créations artistiques seraient irréalisables sans les artisans d’art – lithographes, chaumiers, dentellières, brodeuses, pour n’en citer que quelques-uns. Si ces beaux métiers, qui peuvent attirer des jeunes, ne sont pas préservés, des pans entiers de la création artistique en France risquent de disparaître. Leur valorisation doit figurer au nombre des objectifs des politiques publiques en faveur de la création artistique. C’est l’objet de l’amendement.

M. le rapporteur. Député du Faubourg Saint-Antoine, cœur séculaire des métiers d’art à Paris, je ne peux que donner un avis favorable à cet amendement.

Mme la ministre. Avis très favorable.

M. François de Mazières. Tout comme le mien.

Mme Gilda Hobert. Je suis moi aussi extrêmement favorable à un amendement qui ravira les tupiniers, artisans céramistes qui exposent à Lyon chaque année. J’aurai plaisir à leur passer le message.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC33 de Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Je propose par cet amendement qu’un dialogue s’établisse entre les collectivités territoriales et les structures dont ils subventionnent la programmation. Il n’appartient pas à un élu de bâtir seul la programmation artistique ; en revanche, ni l’État ni les collectivités ne peuvent être réduits au rôle de financeur. D’ailleurs, l’article 3 subordonne l’attribution d’un label – et des moyens supplémentaires qui l’accompagnent – à l’adéquation d’un projet artistique et à un cahier des charges défini par l’État ; il y a donc intervention du financeur. Cela doit se faire évidemment dans le respect du rôle de chacun car les élus ne peuvent être trop intrusifs, mais l’on ne saurait concevoir une barrière étanche.

M. le rapporteur. La liberté ne se divise pas, et nous avons sur ce point un désaccord fondamental. L’article 1er du texte pose le principe de la liberté de création, et l’article 2 son corollaire : la liberté de programmation. Il s’agit ce faisant de garantir l’indépendance des artistes et ce qui est peut-être le plus menacé aujourd’hui, l’excellence artistique, c’est-à-dire la capacité d’innovation et d’expérimentation, la prise de risque, la recherche de publics qui ne sont pas acquis spontanément. La liberté du programmateur ne se partage pas, et j’ai pointé dans mon rapport l’influence que certains élus se sont arrogé en influençant la programmation d’une structure au motif qu’ils la subventionnent. Pour ma part, je préside depuis plusieurs années le conseil d’administration de la Maison des Métallos, où je représente la Mairie de Paris. Alors même que cette structure est presque uniquement financée par des subventions de la Ville, je ne me suis jamais autorisé à formuler une observation sur la programmation décidée par son excellent directeur.

C’est, je le comprends, votre attachement au dialogue qui a suscité cette proposition, mais serait-elle adoptée qu’elle serait interprétée comme l’instauration d’un rapport de forces dans lequel celui qui verse la subvention sera évidemment en position dominante, ce qui lui permettra d’obtenir ce qu’il veut. Vous êtes une élue locale, ma chère collègue, et je n’imagine pas que vous cherchiez à influencer la programmation des établissements culturels de votre territoire : c’est finalement pour vous protéger que j’exprime un avis défavorable en suggérant le retrait de cet amendement.

Mme la ministre. Votre amendement est contraire à l’esprit d’un texte qui énonce le principe de la liberté de création et son corollaire, la liberté de diffusion et de programmation artistique. Je ne peux donc souscrire davantage que le rapporteur à une proposition qui établirait un lien direct entre la subvention et un dialogue dont on ne sait quelle forme il prendrait. Quand l’État désigne le directeur d’une scène nationale, il le choisit sur la base d’une programmation artistique. C’est à ce moment que se noue le dialogue : il tend à garantir que la personnalité en passe d’être nommée a la même conception que la collectivité concernée des missions de service public assignées à l’établissement considéré. Avis, vous l’aurez compris, défavorable à une rédaction diamétralement opposée à l’objectif que nous poursuivons.

Mme Marie-George Buffet. Je comprends l’esprit qui a animé Mme Genevard, mais l’amendement qu’elle a présenté pourrait justifier des atteintes de toutes sortes à la liberté de création. J’ai vu récemment un élu qui, en plein conseil municipal, se permettait de dénigrer des équipes d’artistes en résidence, de juger leur programmation et, au motif qu’elle ne lui convenait pas, de décider qu’elle ne pouvait plaire non plus à la population de la collectivité considérée et de sabrer les subventions, si bien que la troupe a dû plier bagage. Son argument était : « J’ai le droit de me mêler de cela, puisque ce sont les impôts locaux qui les financent ». Nous devons prendre garde à ne pas permettre des entraves à la liberté de création.

M. Marcel Rogemont. Notre collègue a pris soin de préciser que les élus ne peuvent bâtir seuls une programmation, et je suppose que la préoccupation exprimée vaut pour les petites communes où les bénévoles jouent un grand rôle. Mais l’on ne saurait concevoir que le maire d’Avignon se mêle de la programmation du Festival au motif que sa ville le subventionne. Il faut absolument veiller à ce qu’aucun rapport de sujétion ne s’installe entre ceux qui subventionnent et les programmateurs ; le risque de censure est patent.

Mme Annie Genevard. Mon intention n’était évidemment pas d’imposer je ne sais quelle programmation occulte, et l’avalanche de commentaires qu’a déclenchée ma proposition m’embarrasse profondément… Je comprends les arguments qui ont été avancés, mais je rappelle qu’à l’article 3 l’attribution d’un label est conditionnée par un cahier des charges fixant les grandes règles de la programmation. Un dialogue est donc prévu entre l’État, qui apportera les financements, et les programmateurs. Ma proposition suivait cette ligne, mais si elle a été interprétée comme il a été dit, c’est que ma rédaction traduit mal mon intention. Je retire donc l’amendement.

L’amendement AC33 est retiré.

La Commission examine en discussion commune l’amendement AC60 de Mme Marie-George Buffet et l’amendement AC142 de M. Michel Piron.

Mme Marie-George Buffet. Avec cet amendement, on en revient à la discussion précédemment entamée sur la nécessité d’affirmer, dans le cadre des CTAP, le rôle des collectivités territoriales dans la mise en œuvre de la politique publique en faveur de la création artistique. Je propose à cette fin que les CTAP soient dotées de commissions culturelles permanentes associant l’État, les élus des collectivités concernées, les organisations culturelles et professionnelles ainsi que les représentants de la société civile.

M. le rapporteur. Je donnerai une réponse globale à cette proposition, à celle que contient l’amendement AC142 déjà défendu par M. Piron et aux propositions contenues dans les deux amendements à ce sujet déposés par M. de Mazières et qui portent articles additionnels après l’article 2.

M. Piron nous rappelle que notre commission traite aussi du sport et que nous ne saurions par ailleurs être indifférents au tourisme ; il en tire argument pour refuser la création d’une commission de la culture au sein des CTAP, comme l’avaient fait le rapporteur de la commission des lois et le Gouvernement au motif que l’on n’allait pas créer une commission spécifique pour chaque compétence partagée. Mais puisque nous examinons un projet de loi relatif à la culture, je vous propose, pour nous épargner une possible censure du Conseil constitutionnel, comme c’est arrivé récemment, de ne traiter que de la culture et d’envisager en une autre occasion la création éventuelle d’une commission du sport ou du tourisme au sein des CTAP.

Je préfère donc partir de l’amendement AC89 de M. de Mazières portant additionnel après l’article 2 et vous en soumettre une nouvelle rédaction. Elle se lit ainsi : « Le deuxième alinéa du III de l’article L. 111191 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle comprend une commission de la culture ». C’est la solution que je vous proposerai après que nous en aurons fini avec l’examen de l’article 2. En conséquence, je suggère à M. Piron et à Mme Buffet de retirer leurs amendements.

M. Michel Piron. J’ai dû mal m’exprimer car j’ai été mal compris. Je redis que mon amendement, qui tend à la création d’une commission unique dédiée aux trois compétences partagées, vise précisément à contourner l’objection de la commission des lois. Mais votre influence sur cette commission, monsieur le rapporteur, étant sans commune mesure avec la mienne, je me rangerai à votre avis. Votre argument d’autorité, au sens de la Somme théologique de Saint Thomas d’Aquin, est très supérieur au mien… Je retire l’amendement AC142.

M. le rapporteur. Combien j’aimerais avoir sur la commission des lois l’influence que vous me prêtez, et sur les sujets touchant à la culture et sur d’autres – le renseignement, par exemple ! (Sourires). Je vous remercie de la compréhension dont vous faites preuve. Accessoirement, étant donné ce qui s’est construit entre l’État et les collectivités territoriales depuis plus de trente ans dans la foulée de la décentralisation théâtrale, une commission de la culture a un sens. Les relations ne sont pas de la même nature quand il s’agit de prendre en charge le tourisme ou le sport.

Mme Marie-George Buffet. Nous en reparlerons le jour où nous examinerons une loi-cadre sur le sport… Je retire également mon amendement, mais je reprendrai ce débat en séance publique car sa portée est plus large que celui du rapporteur, qui ne dit mot des organisations culturelles.

M. Marcel Rogemont. L’inscription obligatoire d’un débat annuel sur la culture à l’ordre du jour des CTAP me semble être une disposition plus intéressante que la création d’une commission spécifique. Les discussions portées à l’ordre du jour des CTAP contraignent à un important travail préalable, qui sera fait. En outre, cette solution laisse aux collectivités une plus grande liberté d’administration. Multiplier les commissions au sein des CTAP et ainsi parcelliser leurs tâches ne me semble pas de bonne pratique.

M. François de Mazières. Je soutiens la proposition de notre rapporteur et j’appuierai son amendement AC464 qui porte article additionnel après l’article 2. Nous visons l’efficacité, et nous savons l’utilité que des commissions régionales de « spécialistes » préparent les dossiers relatifs à la culture avant que les décisions définitives soient prises. Le schéma présenté par le rapporteur me paraît le plus efficace.

M. le rapporteur. Pour que les choses soient claires, je précise que mon menu propose « fromage et dessert » ! Je pense que l’inscription obligatoire d’un débat annuel sur la politique culturelle à l’ordre du jour des CTAP est de loin la disposition la plus efficace. Néanmoins, en ma qualité de rapporteur et ne pouvant être en contradiction avec une disposition que j’ai défendue en votre nom avec Stéphane Travert lors de la discussion de la loi NOTRe, je prends aussi en compte le souci qui s’est exprimé de créer une commission de la culture au sein de ces instances. J’ajoute que notre collègue Michel Pouzol avait déposé, au nom du groupe Socialiste, républicain et citoyen, un amendement qui n’a malheureusement pas survécu aux coups de ciseaux de l’article 40 mais dont j’espère qu’il réapparaîtra sous une autre forme lors de la séance publique.

Les amendements AC60 et AC142 sont retirés.

La Commission adopte l’article 2 modifié.

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Article 2 bis (nouveau)
Inscription annuelle à l’ordre du jour des conférences territoriales de l’action public d’un débat sur la politique en faveur de la création artistique

La rareté des instances de concertation institutionnalisée et de réelle portée entre l’État et les collectivités constitue une des grandes faiblesses de la politique de soutien à la création artistique.

Dans ce contexte, des dispositions visant à une clarification et à meilleure coordination des politiques culturelles entre l’État et les collectivités territoriales paraissent indispensables.

Durant l’examen du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), le rapporteur pour avis de notre commission, M. Stéphane Travert, ainsi que le rapporteur du présent texte ont soutenu et fait adopter par l’Assemblée nationale, lors de la seconde lecture du projet de loi, la création d’une commission chargée de la culture dans chaque conférence territoriale de l’action publique (CTAP) mais cette mesure n’a finalement pas été retenue en commission mixte paritaire.

Cette absence de structure de coordination est particulièrement regrettable puisque la culture demeure une compétence partagée entre les différentes collectivités territoriales.

C’est pourquoi le présent article, issue d’un amendement du rapporteur, vise à ce que le président de la CTAP inscrive obligatoirement au moins une fois par an à l’ordre du jour de cette dernière un débat sur la politique en faveur de la création artistique.

Alors que le financement public des politiques culturelles repose à 70 % sur les collectivités territoriales, il apparaît important que les différents acteurs d’un même territoire se réunissent, au moins une fois par an en session plénière, pour débattre de leurs politiques culturelles.

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La Commission est saisie de l’amendement AC89 de M. François de Mazières.

Le président. L’amendement AC89 ayant été présenté, puis rectifié par le rapporteur, j’aimerais connaître l’avis de Mme la ministre.

Mme la ministre. Je suis un peu embarrassée de me prononcer sans avoir eu connaissance par écrit de l’amendement de M. de Mazières tel que rectifié par votre rapporteur. Il s’agit donc de créer une commission de la culture dans chaque CTAP. Tout en partageant l’objectif recherché, qui est de faire de la politique culturelle une responsabilité véritablement partagée au niveau régional, je rappelle que la loi NOTRe, promulguée cet été, laisse aux membres de la CTAP le soin de s’organiser librement, sans imposer la création de commissions spécialisées pour la mise en œuvre de telle ou telle politique publique dans les territoires. Cet élément nouveau change la donne et me conduit désormais à privilégier l’inscription, au moins une fois par an, à l’ordre du jour des CTAP, d’un débat relatif à la politique en faveur de la création artistique, proposition qui fait l’objet de l’amendement AC464 de votre rapporteur. Je suis donc favorable à cet amendement, et défavorable à l’amendement AC89 créant une commission ad hoc.

M. Michel Herbillon. Nous sommes quant à nous favorable au menu « fromage et dessert » proposé par notre rapporteur… Non seulement la gastronomie française fait partie de la culture, mais deux précautions valent mieux qu’une ! J’ai entendu l’argument de Mme la ministre ; cela étant, nous ne sommes plus dans la loi NOTRe mais dans un texte portant sur la création artistique et il est important d’affirmer ainsi le rôle des nouvelles régions en ce domaine. Nous sommes donc favorables à la proposition du rapporteur.

M. Michel Piron. Je suis favorable à la proposition du rapporteur, dont je ne doute pas, non plus, de l’influence sur le Gouvernement.

Le président. La proposition du rapporteur consiste, je le rappelle, à compléter le deuxième alinéa du III de l’article L. 111191 du code général des collectivités territoriales par la phrase : « Elle comprend une commission de la culture ».

M. le rapporteur. Je précise n’avoir pas souhaité à titre personnel l’obligation de création d’une commission de la culture au sein des CTAP, pour la raison convaincante dite par la ministre. C’est pourquoi je n’ai déposé qu’un amendement, relatif à l’ordre du jour des CTAP. Mais, pour la qualité de nos travaux et pour n’embrouiller personne, il fallait deux propositions distinctes, afin de tenir compte du souhait exprimé par certains de nos collègues que soit créée une commission de la culture dans ces instances. Aussi vous ai-je proposé une version rectifiée de l’amendement de M. de Mazières – mais c’est seulement un travail rédactionnel, non une proposition faite à titre personnel. Elle ne saurait engager les membres de la commission dans leur vote.

M. François de Mazières. Voilà des explications bien complexes, monsieur le rapporteur, alors que je vous avais entendu préciser, de manière parfaitement logique, mon amendement AC89 ! Comme vous l’avez rappelé avec justesse, la CMP réunie pour examiner les dispositions restant en discussion de la loi NOTRe a pris une décision assez étonnante, contraire à celle que nous avions adoptée après avoir longuement débattu. Il peut se produire qu’une loi en améliore une autre, même récente, et nous sommes tous convaincus de l’utilité d’une commission de la culture préparant les décisions en amont. Je comprends votre argument, madame la ministre, mais vous aviez dit que, ès qualités, vous préfériez l’existence d’une commission régionale de la culture. Il est bon de revenir à la décision prise par notre commission en son temps, et pour éviter que nous ne nous contredisions, je soutiens la proposition initiale de notre rapporteur.

M. le rapporteur. J’ai effectivement proposé un menu avec fromage et dessert, mais l’argument de Mme la ministre m’a convaincu que le repas était trop lourd… J’invite chaque député à voter librement, selon qu’ils ont été convaincus par la ministre ou par ceux qui veulent la création d’une commission de la culture au sein des CTAP.

M. Marcel Rogemont. Je le redis, les sujets mis à l’ordre du jour des réunions plénières ont nécessairement été préparés collectivement. Au contraire, créer une commission de la culture, c’est isoler les « cultureux » ; est-ce vraiment ce que l’on veut ? Les élus locaux ne sont pas plus bêtes que les autres : avant de prendre une décision, on bosse sur le sujet !

M. Michel Herbillon. Il reste à mettre aux voix les deux propositions.

Mme Sophie Dessus. Ne risque-t-on pas la censure du Conseil constitutionnel si le texte contredit la loi NOTRe ?

M. Michel Herbillon. Non. Ce qu’une loi fait, une autre peut le défaire.

M. François de Mazières. La création des nouvelles grandes régions rend indispensables des rencontres régulières entre les élus chargés de la culture. Voilà pourquoi la création de commissions de la culture est utile.

M. Michel Piron. Deux votes s’imposent pour éviter toute confusion entre les deux dispositions.

Michel Pouzol. Nous avons constaté que la proposition que nous avions adoptée lors de l’examen de la loi NOTRe n’a pas résisté à la CMP. Je suis donc d’avis, par souci d’efficacité, d’adopter l’amendement AC464 du rapporteur qui introduit l’inscription obligatoire d’un débat annuel sur la politique culturelle à l’ordre du jour des CTAP.

L’amendement AC89, tel qu’il a été rectifié, est rejeté.

La Commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements AC464 du rapporteur et AC90 de M. François de Mazières.

M. le rapporteur. Après le fromage, le dessert… Comme je vous l’ai dit, l’amendement AC464 me semble de loin le plus efficace. Il tend à insérer au troisième alinéa du III de l’article L. 111191 du code général des collectivités territoriales la phrase suivante : « Au moins une fois par an, il inscrit à l’ordre du jour un débat sur la politique en faveur de la création artistique. » J’invite M. de Mazières, dont l’amendement AC90 est presque identique, à le retirer au bénéfice du mien, dont la rédaction est plus précise.

M. François de Mazières. Je retire l’amendement AC90, mais je suis déçu par ce qui vient de se passer. Le dispositif « fromage et dessert » initialement proposé était le meilleur. Il est dommage que l’avis de Mme la ministre ait eu pour effet de modifier cet ensemble cohérent. Tout cela m’a un peu coupé l’appétit…

L’amendement AC90 est retiré.

L’amendement AC464 est adopté à l’unanimité.

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Article 3
Labellisation des structures du spectacle vivant et des arts plastiques

Le présent article a pour objectif de consolider au plan législatif le cadre juridique de la politique de labellisation des institutions de référence nationale dans le domaine du spectacle vivant et des arts plastiques.

Le droit existant et les raisons pour lesquelles une consécration législative de la politique de labellisation s’impose sont rappelés au A du I de l’exposé général du présent rapport.

Comme le précise le premier alinéa, qui n’est qu’une consécration du droit existant, les labels sont attribués par le ministre chargé de la culture afin de favoriser les structures artistiques dont le projet artistique et culturel présente un intérêt particulier pour la création artistique dans les domaines du spectacle vivant ou des arts plastiques. La procédure actuelle de sélection du projet artistique s’agissant des labels et réseaux est encadrée par une circulaire du 31 août 2010. L’intérêt du projet s’apprécie au regard d’un cahier des missions et des charges qui fixe des objectifs de développement et de renouvellement de la qualité artistique, de diversité, de pluralisme et de démocratisation culturels, de traitement équitable des territoires, d’éducation artistique et culturelle ainsi que de professionnalisation des artistes et des auteurs des secteurs du spectacle vivant et des arts plastiques.

Le premier alinéa précise également que peuvent demander l’attribution d’un label les structures constituées en personnes morales de droit public ou de droit privé ou en services en régie d’une collectivité territoriale. Là encore, l’article n’apporte pas de modification par rapport au droit existant. En effet, on trouve parmi les différents types de structures labellisées aujourd’hui des associations, des établissements publics de coopération culturelle (EPCC), des sociétés anonymes à responsabilité limitée (SARL), des régies directes, des sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC).

L’alinéa 2 a pour objet de sécuriser juridiquement la procédure mise en place par la circulaire précitée de 2010, complétée par la circulaire du 22 février 2013, pour la nomination des dirigeants des structures labellisées. Cette nomination fait l’objet d’un agrément du ministre de la culture et doit concourir à une représentation paritaire des femmes et des hommes. Il fixe le principe d’une participation de l’État et des collectivités territoriales à la procédure de sélection du dirigeant chargé de mettre en œuvre le projet d’intérêt général justifiant l’attribution d’un label à la structure. Il s’agit ainsi de permettre à l’État et aux collectivités territoriales d’intervenir dans la désignation des dirigeants de structures qui sont essentiellement de droit privé, sans que cela puisse être contesté et par dérogation aux dispositions du code du commerce ou du code du travail (principe de la liberté d’embauche).

Le mode de nomination des dirigeants des structures labellisées, modifié par la circulaire du 22 février 2013, prévoit un appel à candidatures ouvert, sur la base d’une note d’orientations. Après réception des candidatures, il est établi en partenariat avec les collectivités territoriales une liste restreinte et paritaire de quatre candidats maximum, appelés à établir un projet artistique et culturel, sur la base du cahier des missions et des charges et de la note d’orientations. Un jury dont la composition doit tendre à la parité préside après audition des candidats au choix final des candidats. Cette procédure présente des garanties de transparence et doit permettre de favoriser la parité et le renouvellement à la tête des institutions labellisées.

L’article se limite à fixer les principes essentiels de la labellisation ; son alinéa 3 renvoie à un décret en Conseil d’État, commun à tous les labels, le soin de préciser les modalités de la procédure d’instruction des demandes de label, des conditions de renouvellement et de retrait. La liste des labels, qui est évolutive, restera fixée par voie réglementaire. Le décret précisera également les mesures transitoires pour les structures bénéficiant déjà d’un label sur la base de la circulaire du 31 août 2010.

Dans un objectif de sécurisation juridique, le décret précisera également les prérogatives que l’État peut exercer en contrepartie de l’attribution du label de façon à conforter au niveau réglementaire les axes essentiels de l’intervention de l’État actuellement fixés par circulaire.

Le décret précisera ainsi :

– la procédure de sélection du projet artistique et culturel, de renouvellement et d’agrément des directeurs de structures labellisées, qui devra s’exercer dans le respect des principes de transparence, d’égalité des femmes et des hommes aux responsabilités et de renouvellement des générations, principes qui doivent présider au choix de la gouvernance de ces établissements ;

– les conditions, modes de gestion et modalités du soutien apporté par l’État et le cas échéant par les collectivités territoriales ; ces dispositions feront l’objet d’une convention pluriannuelle d’objectifs permettant une évaluation et un contrôle de la mise en œuvre de leur action.

Comme l’indique l’étude d’impact annexée au projet de loi, ce « nouveau cadre normatif entraînera pour l’avenir des effets vertueux obligeant à un meilleur respect des prescriptions attachées au label et de la procédure d’agrément des dirigeants. La précision des modalités d’évaluation avec la prise en compte d’éléments de bilan social contribuera également à un meilleur respect du dispositif » (page 23).

Une fois que les objectifs communs à l’ensemble des labels seront posés par la loi et le décret, une structure labellisée qui ne respecterait pas ces objectifs se verra retirer son label. La possibilité existe aujourd’hui mais elle n’est prévue que par une circulaire, qui n’a pas la même force en droit. Par ailleurs, le cadre plus contraignant devrait inciter à un engagement plus prudent et à des demandes de labellisation supplémentaires fondées sur une étude précise de la capacité des structures à répondre au cahier des charges.

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M. François de Mazières. Permettez-moi, monsieur le président, de formuler une courte remarque. L’amendement que j’avais déposé à l’article 3 ayant été rejeté au titre de l’article 40 de la Constitution, je tiens à préciser qu’il importera de veiller à faire figurer dans les cahiers des charges de labellisation les contreparties apportées par l’État. Si les collectivités locales sont obligées de mendier l’attribution d’un label sans rien obtenir en retour, elles seront conduites à ne plus rien demander. Et la politique culturelle sera toujours plus régressive.

La Commission adopte l’article 3 sans modification.

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Article 3 bis (nouveau)
Rapport au Parlement sur la mise en place d’un dispositif de « 1% travaux publics »

Le présent article prévoit que le Gouvernement devra remettre au Parlement, dans les six mois suivant la promulgation de la loi, un rapport sur l’opportunité de créer un nouveau dispositif, à côté du dispositif dit du « 1 % artistique » ou « 1 % bâtiments publics » créés en 1951, destiné à faciliter la mise en relation des citoyens avec des œuvres d’art plastique contemporaines. Ce dispositif devrait permettre à l’État et aux collectivités territoriales de consacrer volontairement 1 % du coût des opérations de travaux publics au soutien d’actions artistiques dans l’espace public.

La mise en place d’un tel dispositif nécessite en effet une concertation avec l’ensemble des acteurs concernés (État, collectivités territoriales, aménageurs, promoteurs et constructeurs...).

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La Commission est saisie de l’amendement AC469 de M. le président Patrick Bloche, rapporteur.

M. Patrick Bloche, président de la Commission, rapporteur. Le présent amendement a pour but de faire figurer dans la loi une préoccupation qui m’est chère, forgée à travers les échanges que j’ai noués avec la Fédération nationale des arts de la rue, notamment à l’occasion des rassemblements qu’elle organise place de la République pour mobiliser élus et citoyens autour des enjeux de l’art public. L’espace public est devenu ces dernières années un lieu déterminant pour l’accès à la culture : pour simplifier à l’extrême, il permet d’apporter les arts à nos concitoyens au plus près de chez eux.

J’ai été convaincu qu’il fallait agir en ce domaine et c’est pour cela que j’entends défendre ici un dispositif de 1 % en faveur de cette forme de création artistique. Entendons-nous bien, ce dispositif diffère de celui du « 1 % artistique » que nous connaissons. Il s’agirait d’un 1 % prélevé sur le coût des opérations de travaux publics qui permettrait à l’État, aux collectivités territoriales et à leurs groupements de soutenir des projets artistiques et culturels dans l’espace public, dans le domaine du spectacle vivant comme des arts plastiques. Si nous avons retenu les opérations de travaux publics, c’est tout simplement parce qu’elles ont lieu dans l’espace public.

Pour éviter tout risque de rejet pour inconstitutionnalité et faire cheminer cette idée jusqu’à la séance publique, j’ai choisi la voie de la demande de rapport : il s’agirait pour le Gouvernement de remettre au Parlement, dans un délai de six mois suivant la promulgation de la présente loi, un rapport sur l’opportunité de mettre en place un tel dispositif.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Ce dispositif est extrêmement intéressant et je souscris à la proposition du rapporteur d’une expertise préalable et d’une concertation avec les acteurs concernés. Avis favorable.

M. Marcel Rogemont. Il est heureux que cet amendement propose d’abord de prévoir un rapport sur ce dispositif, car celui-ci implique une certaine confusion entre dépenses d’investissement et dépenses de fonctionnement pour les collectivités territoriales. Nous aurions peut-être davantage intérêt à analyser le dispositif actuel de « 1 % artistique » qui ne me semble pas toujours bénéficier à des projets proprement artistiques. Mais je suis en train de juger alors que la création est libre !

M. Hervé Féron. Sans doute M. Rogemont tirerait-il profit de la lecture de mon rapport sur le 1 % artistique publié l’année dernière !

M. François de Mazières. Nous n’avons rien contre l’idée d’un rapport, mais nous sommes en pleine crise, et les travaux publics sont particulièrement affectés. Il faudrait à tout le moins que ce soit une faculté et non une obligation pour les collectivités locales.

La Commission adopte l’amendement.

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Après l’article 3

La Commission examine ensuite l’amendement AC204 de Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a souligné dans son avis que la notion de service public de la culture n’était évoquée que dans l’exposé des motifs du projet de loi et non pas dans les dispositions législatives elles-mêmes. Le présent amendement a pour objectif de définir cette notion dans un nouveau chapitre, comportant un seul article. Il établirait un lien avec la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) et insisterait sur la nécessité d’une meilleure coopération entre les différents échelons.

M. le rapporteur. Cet amendement est satisfait par deux amendements déjà adoptés : l’amendement AC462 sur le service public de la culture et l’amendement AC464 sur le renforcement de la coordination entre l’État et les collectivités territoriales. Je vous invite donc à le retirer.

Mme la ministre. Même avis.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement AC63 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Cet amendement vise à réaffirmer le rôle essentiel que jouent les services déconcentrés du ministère que sont les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) : elles accompagnent les politiques de développement des pratiques culturelles des collectivités locales et des associations. Un ministère sans personnel mobilisé au niveau des régions, voire des départements, ne peut avoir l’efficacité nécessaire à la fois pour jouer son rôle en matière d’expertise, de conseil, d’information, et développer ses programmes et ses objectifs. On voit bien ce qui s’est passé pour le ministère des sports : le fait qu’il ait été privé de personnel attitré a joué très négativement sur l’efficacité de l’action politique en ce domaine. Je ne souhaite pas que le ministère de la culture suive pareille évolution.

M. le rapporteur. Madame Buffet, je partage totalement vos préoccupations et l’objectif qui sous-tend votre amendement. Notre commission a le souci d’assurer aux DRAC non seulement un soutien effectif, mais également la reconnaissance qui leur est due. Plus l’on décentralise, plus l’on transfère des compétences, plus l’État culturel doit être présent partout sur le territoire.

Reste que cet amendement est d’ordre réglementaire. C’est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir le retirer.

Mme la ministre. Je voudrais remercier Mme Buffet pour l’hommage qu’elle vient de rendre au rôle essentiel que jouent les DRAC. Leur organisation, leur fonctionnement, de même que leur rôle et leurs missions relèvent toutefois, comme vient de le souligner M. le rapporteur, essentiellement du pouvoir réglementaire en application des articles 34 et 37 de la Constitution. Je souhaite donc également le retrait de l’amendement.

Mme Marie-George Buffet. Je le retire et vais réfléchir à une autre manière de traduire cette préoccupation.

Bien sûr, monsieur le rapporteur, il faut décentraliser, mais il faut aussi assurer l’égalité des droits des citoyens sur tout le territoire. En matière de culture, on voit bien que certains élus de certains territoires mènent des politiques contraires aux missions publiques définies nationalement pour le développement de la culture. Il faut vraiment donner à l’État, à travers le ministère de la culture et ses personnels, les moyens d’agir pour que toute citoyenne, tout citoyen désirant avoir accès aux pratiques culturelles et à la libre création ait la possibilité de le faire où qu’elle soit, où qu’il soit. L’État a une responsabilité face à une décentralisation qui comporte des risques aussi bien que des atouts.

Mme Annie Genevard. Je souscris entièrement à la préoccupation exprimée par notre collègue. Pour avoir été conseillère régionale, je peux vous assurer que les préoccupations liées à l’aménagement culturel du territoire sont rarement prioritaires à l’échelon régional. Je crois profondément à la singularité, à la spécificité de l’action de l’État en matière d’équité territoriale. À cet égard, il est très important de réaffirmer le rôle des services déconcentrés de l’État, car, par sa neutralité, il est le meilleur garant des principes qui devraient régir le déploiement culturel à travers le territoire.

L’amendement est retiré.

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Chapitre II
Le partage et la transparence des rémunérations dans les secteurs de la création artistique

Avant l’article 4

La Commission est saisie d’un amendement AC470 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement est directement issu des auditions auxquelles nous avons procédé. Nous avons été plusieurs à avoir été convaincus qu’il fallait donner un signe aux créateurs dans le domaine des arts visuels. Afin de protéger les artistes et les auteurs, cet amendement a pour objet de fixer des limites à la gratuité de la cession du droit d’auteur.

Mme la ministre. Je comprends la volonté du rapporteur de fixer des limites à la gratuité de la cession par un formalisme qui protégerait l’auteur contre tous les cessionnaires qui lui imposent la gratuité au prétexte, par exemple, d’actions de promotion. Je ne suis toutefois pas convaincue que l’on puisse imposer à l’auteur de justifier de son intention libérale ni exclure que la promotion de l’œuvre suffise à justifier pareille intention. Une telle appréciation subjective va un peu au-delà de ce que l’on peut réglementer dans le formalisme du contrat. La cession à titre gratuit est un phénomène très présent, qui peut aussi répondre à certains modèles économiques, voire à certaines aspirations des auteurs, lesquels doivent pouvoir rester libres de disposer de leurs droits.

La question posée par l’amendement est fondée. Il ne faut toutefois pas lui apporter une réponse disproportionnée. À ce stade, monsieur le rapporteur, je vous propose donc de retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

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Article 4 A (nouveau)
Formalisme des contrats de transmission des droits d’auteur

Le premier alinéa de l’article L. 131-2 du code de la propriété intellectuelle précise que « les contrats de représentation, d’édition et de production audiovisuelle définis au présent titre doivent être constatés par écrit ».

Le présent article vise à compléter ces dispositions afin de protéger les auteurs contre des pratiques contractuelles informelles qui se sont développées en matière de cessions de droits ne relevant pas stricto sensu des contrats de représentation, d’édition et de production audiovisuelle visés à l’article L. 131-2. Il est proposé de préciser clairement que l’obligation d’un acte écrit s’impose pour tout type de cession de droits d’auteur.

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La Commission examine ensuite l’amendement AC465 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement a le même objet que le précédent : protéger les auteurs, notamment dans le domaine des arts visuels, contre le développement de pratiques contractuelles informelles. Nous proposons d’ajouter à l’article L. 131-2 du code de la propriété intellectuelle un alinéa ainsi rédigé : « Les contrats par lesquels sont transmis des droits d’auteur doivent être constatés par écrit. ».

Mme la ministre. Je suis tout à fait favorable à cet amendement, qui rejoint mon ambition d’assurer une meilleure garantie des droits et une meilleure transparence des relations contractuelles.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AC278 de M. Marcel Rogemont et AC472 du rapporteur.

M. Marcel Rogemont. L’amendement AC278 a pour objet de garantir que toute cession d’œuvres audiovisuelles ne puisse intervenir qu’à la condition que le droit des auteurs ait été respecté. Il ne faudrait pas que l’acheteur ait de mauvaises surprises une fois la cession réalisée.

M. le rapporteur. L’amendement AC472 a le même objet que celui de Marcel Rogemont : il s’agit, en cas de cession par un producteur d’un contrat de production audiovisuelle, d’obliger le cédant à informer les auteurs et à s’acquitter de l’ensemble de ses obligations à l’égard de ces derniers avant la cession. En cas de cession, on constate souvent que les auteurs ne sont pas informés et qu’ils rencontrent de grandes difficultés pour exiger du cédant le respect d’obligations dont il n’est plus, une fois le contrat cédé, le débiteur.

Mme la ministre. Ces deux amendements répondent à un impératif de transparence que nous recherchons tous. Néanmoins, le dispositif proposé me semble poser plusieurs questions d’ordre pratique et juridique qui justifient un examen plus approfondi que je vous propose de conduire au cours de nos débats. Avant d’aller dans une direction législative aussi radicale que l’inopposabilité des contrats de cession, il nous faut dresser un état des lieux précis des difficultés qui se posent et de la réponse que l’on peut leur apporter, qu’elle passe par l’amélioration des pratiques contractuelles, l’usage renforcé des outils de transparence comme le registre du cinéma et de l’audiovisuel, ou bien – solution que je ne veux pas exclure – par la loi.

Dans cette perspective d’un travail commun avec la filière, je vous demanderai de bien vouloir retirer vos amendements.

Mme Isabelle Attard. On pourrait commencer à trouver suspect, madame la ministre, ce refus systématique de s’attaquer au problème. Quand pourrons-nous nous pencher sur un problème si important ? J’espère que nous y consacrerons un débat en séance et qu’il aboutira. Nous ne voulons pas patienter encore pendant des mois, à moins d’être certains qu’un projet de loi spécifique vienne en discussion d’ici à dix-huit mois.

M. Michel Piron. Tout en comprenant la préoccupation exprimée par Mme la ministre, je m’étonne que le long temps de préparation du projet de loi n’ait pas déjà permis cet approfondissement qu’elle appelle de ses vœux. Quel délai le Gouvernement envisage-t-il pour y voir clair ?

Mme la ministre. Nous pouvons raisonnablement espérer avoir des réponses sur la faisabilité et le caractère proportionné d’ici à l’examen du projet de loi au Sénat.

M. le rapporteur. La situation actuelle justifie que nous intervenions en tant que législateur et que nous manifestions notre attachement au droit d’auteur. Nous prenons date, madame la ministre, et attendons de voir ce qui sera décidé au Sénat. Rendez-vous donc pour la seconde lecture.

Les amendements AC278 et AC472 sont retirés.

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Article 4 B (nouveau)
Rapport sur l’amélioration du partage et de la transparence
des rémunérations dans le secteur du livre

Pour compléter les dispositions proposées par le présent projet de loi sur le secteur de la musique, le présent article a pour objet d’ouvrir une réflexion sur les conditions de partage et de transparence des rémunérations dans le secteur du livre. Il s’agit de prolonger les avancées issues des quatre années de négociations interprofessionnelles entre les auteurs et les éditeurs qui ont abouti à l’accord du 21 mars 2013 puis à l’ordonnance du 12 novembre 2014 sur le contrat d’édition numérique.

Dans un délai de six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement devra remettre au Parlement un rapport sur les conséquences qu’il entend tirer de la concertation entre les organisations représentatives des éditeurs et des titulaires de droits d’auteurs sur :

– la fréquence et la forme de la reddition des comptes prévue à l’article L. 132-17-3 du code de la propriété intellectuelle ;

– la mise en place d’une obligation d’établissement et de transmission du compte d’exploitation des livres à un organisme tiers de confiance désigné par décret ;

– la mise en place d’une obligation d’envoi par l’éditeur à l’auteur d’un certificat de tirage initial, de réimpression et de réédition, et, le cas échéant, d’un certificat de pilonnage, que ce dernier soit total ou partiel ;

– les conditions d’un encadrement des provisions sur retour et d’une interdiction de la pratique consistant pour un éditeur à compenser les droits d’un auteur entre plusieurs de ses livres ;

– l’opportunité d’un élargissement des compétences du médiateur du livre aux litiges opposant auteurs et éditeurs.

Sur le premier point, à ce jour, l’éditeur n’est tenu d’adresser qu’au moins une fois par an à l’auteur une reddition des comptes explicite et transparente. Il s’agit donc d’engager une réflexion sur la fréquence et la forme de la reddition de ces comptes.

Sur le second point, à l’instar de ce qui est proposé pour la filière cinématographique par l’article 8 du présent projet de loi, il convient d’évaluer l’opportunité de mise en place d’un dispositif d’établissement et de transmission par l’éditeur des comptes d’exploitation des livres à un établissement tiers de confiance désigné par décret, dispositif qui pourrait permettre un meilleur contrôle des chiffres adressés aux auteurs. De la même façon, la possibilité de faire procéder à des audits des comptes d’exploitation permettrait d’en assurer la transparence auprès des différents acteurs de la chaîne.

Sur le troisième point, il apparaît que l’auteur doit avoir connaissance, avec certitude, du tirage initial de l’ouvrage, ainsi que d’éventuelles réimpressions et rééditions. De même, lorsque c’est le cas, l’auteur doit avoir la preuve, par un document émanant d’un tiers, que son éditeur a bien procédé au pilonnage annoncé dans la reddition de comptes. À ce jour, il ne dispose quasiment jamais de ces informations.

Pour le quatrième point, outre qu’elle reporte d’une année une partie conséquente de la rémunération due aux auteurs, la pratique des provisions pour retours est source de confusion sur les chiffres annoncés dans une reddition de comptes. Cette confusion existe d’autant plus lorsque le contrat ne prévoit aucun pourcentage (taux de retours par rapport au tirage) et aucune limite dans le temps. Il conviendrait donc de définir les conditions d’un encadrement de l’usage de ces provisions.

Par ailleurs, la pratique des compensations intertitres consiste pour un éditeur à déduire d’un à-valoir non couvert sur un titre des droits à percevoir sur un autre titre faisant ressortir un solde positif sur le compte de l’auteur, et donc à ne pas verser la rémunération due pour ce second titre à l’auteur. La concertation doit permettre de définir les conditions dans lesquelles cette pratique peut être encadrée.  

Enfin, il convient d’examiner l’opportunité d’une extension du périmètre d’intervention du médiateur du livre aux litiges opposant auteurs et éditeurs. À l’instar du futur médiateur de la musique, il pourrait ainsi être saisi de tout conflit portant sur l’interprétation ou l’exécution de tout accord professionnel, ainsi que sur l’interprétation ou l’exécution de tout contrat d’édition.

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La Commission est saisie de l’amendement AC498 du rapporteur.

M. le rapporteur. Lors des auditions, nous avons rencontré des représentants des auteurs, notamment dans le monde de l’édition. Ils ont exprimé le regret que le projet de loi ne comporte pas de dispositions relatives au livre, hormis dans l’article concernant l’accès des personnes handicapées à la culture. Cet amendement vise à prendre date en demandant un rapport au Gouvernement sur les conséquences qu’il entend tirer des négociations entre les auteurs et éditeurs. En responsabilité, nous n’allons pas légiférer en ce domaine, mais nous voudrions appeler l’attention, par la demande d’un rapport, sur une liste de sujets à propos desquels nous avons été sollicités à plusieurs reprises.

Mme la ministre. Je suis favorable à cet amendement. Récemment, auteurs et éditeurs ont achevé une très longue et fructueuse négociation, qui s’est traduite par la réforme du contrat d’édition scellée par l’ordonnance du 12 novembre 2014. Je tiens à saluer les résultats remarquables auxquels ce travail a abouti.

C’est dans ce même esprit partenarial que le Syndicat national de l’édition (SNE) et le Conseil permanent des écrivains ont entamé un dialogue autour de plusieurs des points mentionnés dans votre amendement, monsieur le rapporteur. Je sais qu’ils sont déterminés à obtenir un accord interprofessionnel. Je les encourage dans la poursuite de leurs travaux, qui s’effectuent en toute transparence avec mes services. Nous pourrons revenir sur ce sujet au cours de la navette parlementaire.

M. François de Mazières. Ce sont quelques auteurs qui ont inspiré cet amendement, dont l’exposé sommaire me paraît extrêmement orienté. Il va jusqu’à évoquer la fin de la pratique des compensations intertitres, ce qui revient à remettre en cause des accords obtenus au terme de la très longue négociation interprofessionnelle avec le SNE. Il me paraît opportun d’en proposer une rédaction différente.

M. Michel Ménard, président. Ce n’est pas le texte de l’exposé sommaire que vote la Commission, mais celui de l’amendement.

M. François de Mazières. Il est tout de même important de souligner que nous n’avons eu l’occasion d’entendre que des auteurs, lesquels, vous le savez, ne sont pas organisés de façon très claire. Aucun éditeur n’a été auditionné.

M. le rapporteur. Sachez, monsieur de Mazières, que je rencontre très régulièrement des représentants du SNE, avec lesquels j’entretiens d’excellents rapports. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas souhaité vous proposer de modifications législatives allant dans le sens souhaité par les auteurs, notamment ceux qui appartiennent à la Société des gens de lettres, qui a pour elle le mérite de l’ancienneté. Cet amendement ne vise nullement à prendre parti. Nous nous contentons de demander la remise d’un rapport et de dresser une liste de questions à trancher, telle l’extension au secteur du livre de la disposition du projet de loi prévoyant une reddition des comptes tous les six mois dans l’édition musicale.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 4
(Chapitre II du titre unique du livre II du code de la propriété intellectuelle)

Coordination

Le présent article procède à des renumérotations d’articles au sein du chapitre II du titre unique du livre II du code de la propriété intellectuelle (CPI), relatif aux droits voisins, et introduit, dans ce même chapitre, deux sections nouvelles regroupant d’une part les dispositions communes et d’autre part les articles relatifs aux contrats conclus entre un artiste-interprète et un producteur de vidéogrammes.

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La Commission adopte l’article 4 sans modification.

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Article 5
(art. L. 212-10 à L. 212-14 du code de la propriété intellectuelle)

Protection contractuelle des artistes-interprètes

Le présent article a pour objectif d’ajouter au chapitre II du titre unique du livre II du code de la propriété intellectuelle (CPI) une section 3 intitulée « contrats conclus entre un artiste-interprète et un producteur de phonogrammes », comprenant cinq nouveaux articles destinés à garantir un meilleur équilibre dans les relations contractuelles entre les artistes-interprètes et les producteurs en leur appliquant des dispositions comparables à celles qui régissent les contrats d’auteur.

1. Indifférence de l’existence d’un contrat de travail (article L. 212-10 du CPI) pour la perception des droits voisins

Le troisième alinéa de l’article L. 111-1 du CPI dispose que la qualité de salarié de l’auteur n’a pas d’impact sur la dévolution de ses droits en tant qu’auteur : « L’existence ou la conclusion d’un contrat de louage d’ouvrage ou de service par l’auteur d’une œuvre de l’esprit n’emporte pas dérogation à la jouissance du droit reconnu par le premier alinéa, sous réserve des exceptions prévues par le présent code ».

Alors même que les artistes-interprètes sont souvent en situation de salariat, il n’existe pas de disposition similaire les concernant, ce qui a pu laisser penser que le salaire perçu par l’artiste-interprète à l’occasion de l’enregistrement de son interprétation était de nature à couvrir la cession de tous ses droits d’exploitation ou d’une partie importante de ces droits. Il est donc proposé, par transposition de la règle posée en droit d’auteur, et comme l’a reconnu la jurisprudence (Cass. 1ère civ, 6 mars 2001), d’écrire expressément au sein d’un nouvel article L. 212-10 du CPI (alinéa 4 du présent article) que l’existence d’un contrat de travail ou de prestation de service n’emporte aucune dérogation à la jouissance des droits voisins de l’artiste-interprète. La perception par un artiste-interprète d’un salaire en contrepartie de l’enregistrement de son interprétation n’épuise donc pas ses droits d’exploitation.

2. Formalisme de la cession des droits (article L. 212-11 du CPI)

En matière de contrats, le respect d’un certain formalisme permet de protéger la partie la plus faible. S’agissant des auteurs, le premier alinéa de l’article L. 131-3 du CPI dispose que la transmission de leurs droits « est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée ».

Afin de renforcer la situation des artistes-interprètes, le premier alinéa du nouvel article L. 212-11 du CPI (alinéa 5 du présent article) prévoit l’application de ce même formalisme aux artistes-interprètes.

Les droits visés au premier alinéa de l’article L. 212-11 correspondent aux droits reconnus à l’artiste-interprète par le premier alinéa de l’article L. 212-3 du CPI (droit d’autoriser la fixation de sa prestation, sa reproduction, ou sa communication au public). Le troisième alinéa du nouvel article L. 212-13 précise l’étendue des droits reconnus aux artistes-interprètes en indiquant que « sont notamment regardés comme des modes d’exploitation distincts la mise à disposition du phonogramme sous une forme physique et par voie électronique ».

Le domaine d’exploitation des droits cédés devra être précisément délimité dans le contrat quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée, notions qui ont été précisément définies par la jurisprudence. Par « étendue », on entend le nombre d’exemplaires que prévoit la cession ou la détermination des modes d’exploitation prévus par le contrat. La « destination » renvoie à la finalité de la cession. Le « lieu » et la « durée » correspondent au champ géographique et à la durée de la cession.

Le deuxième alinéa de l’article L. 212-11, dans sa rédaction proposée par l’alinéa 6 du présent article, est calqué sur l’article L. 131-6 du CPI applicable aux contrats passés avec les auteurs. Il précise que « toute clause qui tend à conférer le droit d’exploiter la prestation de l’artiste-interprète sous une forme non prévisible ou non prévue à la date de signature est expresse et stipule une participation corrélative aux profits d’exploitation ». Pour que les producteurs puissent disposer des droits pour des formes d’exploitation non encore connues ni prévisibles, il conviendra que le contrat le prévoie expressément et qu’il prévoie également une rémunération en proportion de l’exploitation nouvelle qui sera faite.

En l’absence d’une telle disposition, au moment de l’émergence du numérique, les producteurs de phonogrammes ont dû renégocier les contrats pour les artistes principaux. En revanche, en ce qui concerne les artistes musiciens, l’annexe III de la Convention collective nationale de l’édition phonographique (CCNEP) signée le 30 juin 2008 prévoyait une rémunération forfaitaire incluant, outre l’enregistrement, l’autorisation d’exploiter par vente physique, téléchargement et streaming. Par conséquent, les musiciens et artistes d’accompagnement ne bénéficient généralement d’aucun intéressement sur l’exploitation numérique de leurs enregistrements (cf. supra 4.).

Le troisième alinéa de l’article L. 212-11, dans sa rédaction proposée par l’alinéa 7 du présent article, subordonne la cession au producteur de phonogrammes des droits de l’artiste-interprète autres que ceux mentionnés au CPI à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention expresse distincte dans le contrat. Comme l’a souligné le rapport de M. Christian Phéline et comme il est rappelé dans l’exposé général du présent rapport, face à la contraction des recettes directement issues des exploitations phonographiques, certains producteurs phonographiques, notamment dans le cadre des contrats dits « à 360° », introduisent des dispositions contractuelles qui tendent à capter les droits et rémunérations des artistes provenant d’activités connexes tels que les produits dérivés, le droit à l’image, les revenus éditoriaux, ou encore les revenus liés à la tournée de l’artiste. Le troisième alinéa de l’article L. 212-11 impose également un formalisme contractuel lorsqu’un artiste cède ce type de droits à un producteur de phonogrammes. Ce formalisme permettra aux artistes d’avoir une connaissance précise des droits qu’ils cèdent à leur producteur phonographique et, par conséquent, d’être en meilleure position pour négocier ces cessions de droits.

3. Abus notoire dans le non-usage des droits d’exploitation (article L. 212-12 du CPI)

Le nouvel article L. 212-12 du CPI, dans sa rédaction proposée par l’alinéa 8 du présent article, prévoit qu’en cas d’abus dans le non-usage par un producteur des droits d’exploitation qui lui ont été cédés, la juridiction civile compétente pourra ordonner toute mesure appropriée. Cette disposition a pour vocation de suppléer, dans des cas extrêmes et avérés, l’absence d’obligation d’exploitation par les producteurs des enregistrements effectués par les artistes-interprètes. En effet, à la différence de ce qui est prévu en matière de contrats d’édition et en raison de réalités de métier différentes, le CPI ne prévoit pas que le producteur est tenu d’exploiter l’enregistrement réalisé par l’artiste interprète sauf dans les conditions prévues à l’article L. 212-3-1, qui a transposé en droit français le mécanisme d’obligation d’exploitation sous peine de perte des droits (principe dit de « use it or lose it ») prévu par la directive 2011/77/UE relative à la durée des droits.

Cet article ne crée pas d’obligation d’exploitation au profit des producteurs mais permettra aux artistes dont l’enregistrement n’est pas exploité, à condition qu’ils prouvent une inaction abusive de la part du producteur, de demander au juge de trancher le litige.

4. Rémunérations des artistes-interprètes (article L. 212-13 du CPI)

Contrairement à la situation des auteurs, le code n’indique nulle part expressément que la rémunération des artistes-interprètes doit être proportionnelle ou forfaitaire. Le nouvel article L. 212-13 du CPI établit une distinction entre les sommes que perçoit un artiste de la musique au titre de son salaire et les rémunérations dues en tant que droits voisins.

Le premier alinéa de l’article L. 212-13, dans sa rédaction proposée par l’alinéa 9 du présent article, dispose que le contrat conclu entre l’artiste-interprète et le producteur de phonogramme fixe une rémunération minimale garantie en contrepartie de l’autorisation de fixation de la prestation de l’artiste-interprète, rémunérée sous forme de salaire.

Le deuxième alinéa de l’article L. 212-13, dans sa rédaction proposée par l’alinéa 10 du présent article, pose le principe selon lequel chaque mode d’exploitation du phonogramme (vente de disque, streaming, webcasting etc.) fait l’objet d’une rémunération distincte. Il constitue au profit des artistes le pendant de celui qui existe pour les auteurs à l’article L. 132-25 du même code, dont le premier alinéa dispose que « la rémunération des auteurs est due pour chaque mode d’exploitation ».

Le nouvel article L. 212-13 du code de la propriété intellectuelle permet donc de distinguer ce qui relève du salaire et donc du droit du travail, et les fruits perçus de l’exploitation de la prestation de l’artiste, lesquels relèvent des droits voisins. Le contrat passé entre l’artiste et le producteur de phonogrammes garantit une rémunération minimale, au titre du salaire, puis chaque mode d’exploitation de la prestation de l’artiste doit faire l’objet d’une rémunération distincte, au titre de la propriété artistique.

Le troisième alinéa de l’article L. 212-13, dans sa rédaction proposée par l’alinéa 11, précise que sont notamment regardés comme des modes d’exploitation distincts la mise à disposition du phonogramme sous une forme physique et par voie électronique.

Le système actuel de rémunération des artistes-interprètes principaux prévoit le versement d’une rémunération ayant le caractère de salaire (le cachet) dont le montant est fixé par la Convention collective de l’édition phonographique (CCNEP), ainsi qu’une rémunération proportionnelle au produit de l’exploitation de l’enregistrement fixée dans le contrat de l’artiste-interprète principal (royalties ou redevance) ;

Pour les artistes-interprètes d’accompagnement, comme indiqué précédemment, le titre III de l’annexe III de la CCNEP définit une rémunération de base qui inclut, outre l’enregistrement, l’autorisation d’exploiter par vente physique, téléchargement et streaming. Le streaming est donc inclus dans le « mode A » couvert par le salaire de base prévu dans le titre III applicable aux artistes musiciens. Seules les rares exploitations relevant de la gestion collective volontaire (par exemple les webradios) donnent lieu au versement d’une rémunération proportionnelle. La rémunération forfaitaire actuelle versée au titre de l’ensemble des exploitations prévues par le mode A de la nomenclature des modes d’exploitation ne permet donc pas aux artistes-interprètes d’accompagnement d’être associés à la croissance économique du marché du streaming et du téléchargement.

C’est pourquoi il est proposé de préciser que la mise à disposition sous forme physique et par voie électronique sont des modes d’exploitation distincts.

5. Reddition des comptes (article L. 212-14 du CPI)

Le premier alinéa du nouvel article L. 212-14 du CPI, dans sa rédaction proposée par l’alinéa 12 du présent article, met en place une obligation de reddition de comptes semestrielle à la charge du producteur de phonogrammes, qui doit présenter de façon explicite et transparente à l’artiste-interprète le calcul de sa rémunération pour chaque mode d’exploitation de sa prestation.

Ce principe fait à nouveau écho à des dispositions proches qui existent dans le livre premier du CPI relatif aux droits d’auteur, notamment l’article L. 132-5 en matière de contrat d’édition.

En application du deuxième alinéa de l’article L. 212-14, dans sa rédaction proposée par l’alinéa 13 du présent article, le producteur de phonogrammes sera également tenu de fournir à l’artiste-interprète qui en fait la demande les justifications permettant de vérifier l’exactitude de ses relevés.

Cette disposition traduit également l’engagement n° 9 de l’accord signé entre les acteurs de la musique en ligne en 2011 à l’issue de la mission conduite par M. Emmanuel Hoog. Cet engagement, relatif à la transparence au bénéfice des artistes interprètes, indiquait que « les producteurs de phonogrammes et les éditeurs de services en ligne s’engagent à trouver les formes de mise à disposition aux artistes interprètes des informations dont ils disposent sur l’exploitation de leurs prestations. Ils transmettront des déclarations semestrielles de redevances par modes d’exploitation ». Si cet engagement a été assez largement respecté, certains producteurs continuent de ne pas y satisfaire. Il était donc important de fixer cette règle dans la loi, d’autant plus que les « 13 engagements » avaient une durée de vie de deux ans.

En outre, les relevés fournis par les producteurs phonographiques à l’appui du versement des redevances restent souvent peu compréhensibles par les artistes. Le producteur sera désormais tenu de rendre compte de l’exploitation de la prestation de l’artiste pour chaque mode d’exploitation. Les relevés seront ainsi plus intelligibles pour les artistes, facilitant la compréhension des rémunérations qu’ils perçoivent au titre des différentes exploitations de leurs prestations. La mission confiée à M. Marc Schwartz travaille par ailleurs à l’amélioration et à la simplification des informations transmises.

Les artistes-interprètes principaux sont ceux dont le contrat prévoit le paiement d’une rémunération proportionnelle en fonction de l’exploitation. Dans ce cas précis, une reddition des comptes se justifie, à la différence des artistes-interprètes « secondaires » ou « d’accompagnement ». En effet, ces derniers sont rémunérés par le cachet payé à l’occasion de l’enregistrement de leur interprétation. Ce cachet peut être complété, pour certains modes d’exploitation, par une rémunération proportionnelle dans les conditions prévues par la CCNEP. Une reddition des comptes pour ces artistes se justifie dès lors moins. C’est pourquoi, comme le précise l’étude d’impact annexée au projet de loi, « l’obligation de reddition de comptes ne s’appliquera qu’aux artistes-interprètes dont le contrat prévoit le paiement d’une rémunération proportionnelle, en fonction de l’exploitation, et pour laquelle une telle reddition de comptes se justifie » (page 33).

Afin de mettre le texte de l’alinéa 12 en conformité avec l’étude d’impact, la Commission a adopté un amendement précisant que le producteur rend compte semestriellement à l’artiste-interprète du calcul de sa rémunération lorsque le contrat « prévoit le paiement direct par le producteur d’une rémunération qui est fonction des recettes de l’exploitation ».

6. Entrée en vigueur (article 38 du présent projet de loi)

En application du I de l’article 38 du projet de loi, le nouvel article L. 212-14 du code de la propriété intellectuelle relatif à l’obligation de reddition des comptes sera applicable aux contrats en cours. Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État a estimé que cette atteinte à la liberté contractuelle, qui n’était pas rétroactive et n’emportait pas d’obligation de modifier les contrats, était justifiée par un motif d’intérêt général suffisant. L’application aux contrats en cours de l’obligation de reddition des comptes ne devrait pas poser de difficultés pratiques. En effet, les moyens technologiques dont disposent les producteurs doivent leur permettre de réaliser des redditions de comptes détaillées de manière aisée. De plus, une grande majorité rend d’ores et déjà compte semestriellement aux artistes interprètes dont le contrat prévoit une rémunération proportionnelle aux recettes d’exploitation.

En application du II de l’article 38 précité, les autres dispositions de l’article 5 entreront en vigueur le premier jour du quatrième mois suivant celui de sa publication au Journal officiel de la République française. Le choix est fait de laisser trois mois pour adapter les contrats en cours de négociation.

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La Commission est saisie de l’amendement AC94 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Cet amendement de suppression peut paraître radical. En réalité, c’est un amendement de précaution qui prend en compte le vœu de plusieurs des personnes auditionnées de voir reconnue la nécessité de distinguer artiste-interprète et artiste principal pour ne pas mettre en péril l’industrie du disque.

M. le rapporteur. Les articles 5, 6 et 7 portent sur le partage de la valeur et la transparence dans le secteur musical, notamment pour ce qui est des relations entre producteurs, artistes-interprètes et plateformes de musique en ligne.

Sur ces questions, Mme la ministre a confié à M. Marc Schwartz une mission visant à réunir toutes les parties intéressées afin de trouver un accord sur le partage de la valeur, dans la lignée de l’excellent rapport de M. Christian Phéline. Ces négociations doivent normalement aboutir à la fin du mois de septembre. Je ne souhaite pas que les amendements votés par notre commission servent de prétexte à telle ou telle partie pour durcir ses positions ou se retirer de la négociation. Il me paraît bon d’en rester à l’équilibre des dispositions proposées dans le projet de loi initial. De ce fait, en tant que rapporteur, je n’ai pris l’initiative d’aucun amendement de fond, me contentant d’amendements rédactionnels, et je serai amené à demander des retraits, à quelques exceptions près, afin de ne pas perturber la mission confiée à M. Marc Schwartz. Si cette négociation échoue, le législateur prendra ses responsabilités, comme je l’ai indiqué dans mon rapport. J’évoque ainsi très explicitement la solution de la gestion collective obligatoire, suggérée dans le rapport de la mission Zelnik-Cerruti-Toubon il y a quelques années, reprise dans le rapport Lescure et plus récemment dans celui de M. Christian Phéline.

Chacun aura compris que le délai que je m’impose et que je vais vous imposer en multipliant les demandes de retrait n’implique pas que nous nous privions d’initiative législative lorsque le projet de loi sera examiné en séance publique dans un peu moins de deux semaines.

Avis défavorable à l’amendement AC94, car c’est précisément l’objet de l’article 5 que de renforcer la position contractuelle et les droits des artistes-interprètes, en particulier des artistes-interprètes dits d’accompagnement.

Mme la ministre. Je suis bien évidemment défavorable à cet amendement de suppression de l’article 5, lequel vise à améliorer, pour les contrats conclus entre un artiste-interprète et un producteur de phonogramme, la protection des artistes-interprètes par un meilleur encadrement et une plus grande transparence des contrats.

Les reproches qui sont formulés ne me paraissent pas justifiés. En traitant du cas de tous les artistes-interprètes, cet article s’insère dans la logique du code de la propriété intellectuelle. De manière pragmatique, il prévoit des types différents de rémunération, soit forfaitaire, soit proportionnelle.

Je rejoins le rapporteur. Il faut tout faire pour qu’aboutisse la médiation que M. Marc Schwartz est en train de mener en vue d’un accord entre les producteurs et les artistes – artistes-interprètes dits « principaux » et artistes d’accompagnement – autour d’un meilleur partage des revenus tirés d’internet. Si ce n’était pas le cas, je serais aux côtés du législateur, déterminée à tirer les conclusions d’un échec éventuel en inscrivant dans la loi des mesures propres à assurer un meilleur partage de la valeur.

M. Michel Herbillon. La distinction entre artistes principaux et artistes-interprètes, qui a motivé cet amendement, est pertinente. Nous aurons l’occasion d’y revenir à propos d’autres dispositifs concernant la musique dans le texte.

J’aimerais cependant savoir si la mission Schwartz aura abouti lorsque nous commencerons à examiner le projet de loi en séance publique la dernière semaine de septembre ou s’il faudra encore attendre et laisser en suspens nos amendements. Cette question ne me paraît pas totalement inutile, eu égard au sort qu’ont connu certains rapports. Je ne citerai pas de nom pour éviter toute indélicatesse, mais il y a eu des rapports qui sont restés sur les étagères du ministère de la culture sans qu’il leur soit apporté une quelconque suite. Je ne voudrais pas que la mission Schwartz connaisse la même issue.

M. Franck Riester. J’entends bien, monsieur le rapporteur, votre propos. Il me paraît symptomatique de la méthode suivie par le Gouvernement depuis 2012 dans la gestion des relations entre les différents acteurs de la filière musicale. C’est ainsi que votre prédécesseur, madame la ministre, a, par pur sectarisme, pris la décision de casser le projet préconisé par un rapport commandé sous la précédente législature et visant à créer, sur le modèle du Centre national du cinéma (CNC), un Centre national de la musique (CNM) : un lieu où les divers acteurs de la filière auraient pu se rencontrer sans se crêper le chignon, échanger, proposer des solutions pour moderniser les dispositifs d’aides publiques, essayer non seulement de trouver le moyen de partager la valeur entre eux, mais aussi de faire grossir ensemble leurs parts du gâteau.

Au lieu de chercher à ce que les différents acteurs trouvent un consensus sur le bon fonctionnement de la filière et leur rémunération, vous préférez mettre la pression et pointer du doigt tel ou tel acteur. On le voit à travers cet article 5 ou la création du médiateur de la musique. C’est une mauvaise politique.

Monsieur le rapporteur, lorsque vous évoquez comme une menace nucléaire la gestion collective imposée aux méchants producteurs qui exploiteraient les artistes-interprètes, ce n’est pas de nature à faciliter les échanges au sein de la médiation Schwartz. J’espère que, d’ici au 28 septembre, la vision qu’a le Gouvernement de ce projet de loi évoluera, dans l’intérêt de cette filière, qui, il faut le rappeler, est sinistrée.

Mme Isabelle Attard. Nous sommes tous animés de la volonté de faire avancer le débat dans le sens de l’intérêt général. Je trouve dommage que nous n’ayons pas été prévenus qu’il fallait attendre les conclusions de la mission Schwartz pour proposer des solutions à la question des artistes-interprètes. Cela m’aurait évité de solliciter dans la précipitation des juristes pour m’aider à rédiger des amendements.

Nous attendons ce texte depuis trois ans : on aurait pu tirer profit de cette longue période pour mettre au point un rapport sur la situation des artistes-interprètes. Je ne veux pas être insolente, je suis simplement en colère d’avoir travaillé pour rien, alors que, s’agissant de l’archéologie préventive, nous avons pu disposer à temps du rapport confié à Martine Faure afin qu’il serve de base à notre travail en commission, même si cela a impliqué pour son auteure d’agir dans l’urgence.

J’aimerais que vous répondiez clairement à cette question : aurons-nous connaissance des conclusions du rapport avant la date limite de dépôt des amendements en séance, le 24 septembre ? Qu’on me le dise, car, si ce n’est pas le cas, je me mettrai en hibernation pour ne me réveiller qu’au moment du débat au Sénat !

Mme Marie-George Buffet. J’ai travaillé à la rédaction d’amendements, après avoir consulté des spécialistes et fait des recherches, en étant persuadée que le texte du Gouvernement prenait déjà appui sur le fruit de cette concertation et que notre travail législatif consisterait à donner force de loi aux solutions qui en ont résulté. Ce que je viens d’entendre me laisse abasourdie. J’aimerais au moins savoir ce que nous pourrons faire les 24, 25 ou 28 septembre. Aurons-nous un texte sur lequel travailler ou nous dira-t-on qu’il faut attendre la deuxième lecture au mois de mai ? Il s’agit pourtant d’un projet de loi ministériel, non d’une proposition de loi issue de députés !

Mme la ministre. La question de la date à laquelle la mission de Marc Schwartz aboutira me paraît légitime. Je précise qu’il ne s’agit pas d’un rapport, mais d’une mission dont le but est de permettre que les parties prenantes parviennent à un accord. En cas de succès, une disposition législative sur la question de la gestion collective ou du partage de la valeur deviendra inutile. Mais ces sujets ne sont pas traités à l’article 5, qui porte sur la question de la transparence. Le texte du Gouvernement n’est donc pas suspendu sur ce point, et ce sont bien ses articles qui sont mis aux voix.

Un sujet au moins n’était pas consensuel : le financement du CNM dont nous n’avions pas le premier centime des 80 millions d’euros prévus. Ce n’est donc pas pour des raisons idéologiques que le projet n’a pas vu le jour.

Par ailleurs, diverses mesures allant dans le sens d’un soutien et d’une aide ont été décidées en plein accord avec l’ensemble de la filière, telles que le rehaussement du crédit d’impôt phonographique et l’augmentation du plafond de la taxe perçue par le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV). La création d’un CNM n’est plus tellement demandée, aujourd’hui, par les acteurs de la filière.

Je sais que le sujet a beaucoup attendu et je m’engage à ce que les résultats de la mission Schwartz soient connus avant la première lecture à l’Assemblée nationale, afin que la représentation nationale puisse amender le texte sans tarder.

M. le rapporteur. Nous avons auditionné les auteurs et les artistes-interprètes, les gros et les petits producteurs – majors et labels indépendants –. Les positions défendues par chacun étaient légitimes, mais très divergentes. Ils nous ont fait parvenir des propositions d’amendement : soit nous les adoptons tous – mais ils sont souvent contradictoires –, soit nous n’en adoptons aucun.

Le projet de loi prévoit ainsi des dispositions sur les contrats conclus entre un artiste-interprète et un producteur de phonogramme et comporte des avancées inédites pour les artistes-interprètes. Ceux-ci souhaitent aller plus loin, ce qui est légitime, mais les producteurs souhaitent aller moins loin, ce qui l’est tout autant.

Si j’ai évoqué la gestion collective, ce n’était pas dans un esprit de dissuasion nucléaire, mais parce que trois rapports successifs l’ont proposée et que l’on peut penser que ce doit donc être une solution à envisager un jour ou l’autre. Mais nous verrons ce qu’il en est d’ici au 24 septembre.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AC481 du rapporteur.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AC159 de M. Christian Kert et AC272 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

M. Christian Kert. Les professionnels du secteur nous indiquent que la clause prévue dans l’alinéa 6 est quasi inapplicable, car elle instaure une nouvelle rémunération proportionnelle pour l’ensemble des artistes-interprètes, y compris les musiciens, au titre de l’exploitation « sous une forme non prévisible ».

Aujourd’hui, seul l’interprète principal – celui qui fait venir le public – est en principe intéressé au succès commercial de l’enregistrement. Cette disposition, si elle était adoptée, obligerait le producteur à verser un pourcentage sur les recettes à l’ensemble des musiciens intervenant dans la réalisation d’un phonogramme, ce qui interdirait la viabilité économique de toute exploitation non prévisible.

Si elle naît sûrement d’une bonne intention, cette disposition constitue donc un frein à l’innovation. C’est pourquoi l’amendement limite son champ aux artistes-interprètes dont les contrats prévoient le paiement direct par le producteur d’une rémunération récurrente. Ainsi, les choses seront clairement prévues, par contrat.

Il faut rétablir la justice mais telle qu’elle est prévue, cette clause est absolument inapplicable.

M. François de Mazières. Nous sommes là dans le flou le plus total. On nous renvoie à un rapport qui devrait intervenir à une date ultérieure. Tout cela ne donne pas une impression de grand sérieux ni de préparation.

L’amendement AC272 propose une précision qui avait été évoquée lors des auditions : remplacer le mot « profits » par le mot « recettes », pour mieux adapter la disposition prévue à la réalité de la rémunération des exploitants.

M. le rapporteur. Je demande le retrait de ces amendements. À défaut, avis défavorable.

Mme la ministre. Avis défavorable. Je précise que la référence aux profits d’exploitation doit être interprétée comme renvoyant aux recettes d’exploitation, c’est-à-dire au prix effectivement payé par le public pour accéder à l’œuvre qui constitue l’assiette de la rémunération proportionnelle due aux artistes. C’est la terminologie employée par le code de la propriété intellectuelle.

M. Michel Piron. Je suis tout de même très étonné de cette réponse, qui consiste à considérer que les recettes sont définies par les profits. C’est tout de même assez nouveau sur le plan sémantique.

Mme la ministre. C’est la terminologie du code de la propriété intellectuelle.

M. Michel Piron. Si le code de la propriété intellectuelle s’exonère de la sémantique commune, et confond chiffre d’affaires et résultat…

La Commission rejette successivement les amendements.

Puis elle examine l’amendement AC55 de M. Christian Kert.

M. Christian Kert. L’alinéa 7 nous paraît inutile : il va de soi que les producteurs ne peuvent se voir céder de droits qu’expressément, par une stipulation écrite. Cependant, la cession peut intervenir dans des contrats spécifiques, et non dans des contrats de production phonographique. Imposer cette cession dans le contrat phonographique n’a donc aucun sens.

M. le rapporteur. Je suis assez surpris de voir Christian Kert et Christophe Premat – qui a déposé un amendement identique à celui dont nous débattons – se retrouver sur cette question.

L’alinéa 7 est indispensable : il vise à limiter la tendance à l’accaparement par les producteurs de droits et rémunérations provenant d’activités connexes, telles que les produits dérivés, le droit à l’image ou les revenus liés à la tournée. C’est une des propositions importantes du rapport de Christian Phéline. Il s’agit de mettre les artistes-interprètes en position de mieux connaître les droits qu’ils cèdent, et donc de mieux négocier la cession de ces droits.

Avis défavorable.

Mme la ministre. Avis défavorable également. Cette disposition, comme l’a bien dit le rapporteur, est indispensable pour protéger les droits des artistes-interprètes. Elle concerne des contrats dits « contrats à 360° » et introduit un formalisme protecteur au profit des artistes-interprètes, notamment dans le cas où l’artiste cède des droits autres que ses droits voisins – ceux que vient de rappeler le rapporteur. Il semble donc fondé de demander au producteur de le mentionner expressément dans le contrat.

J’appelle en outre votre attention sur le fait que la mesure ne précise pas de quel type de contrat il s’agit, précisément pour laisser la liberté aux parties de définir le cadre contractuel qui leur paraît le plus adapté.

Je rappelle que la mission Schwartz ne consiste pas en la rédaction d’un rapport : c’est une mission de concertation qui a pour objet d’aboutir à un accord entre les parties, ce qui est totalement différent. À ceux qui considèrent que le projet de loi ne prévoit rien sur la musique, je tiens à préciser que les mesures de transparence instituées par le texte aux articles 5 et 6 sont déjà des avancées substantielles.

La Commission rejette l’amendement AC55.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AC64 de Mme Marie-George Buffet, AC315 de M. Christian Kert et AC66 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. L’objectif de l’amendement AC64 est de garantir les droits contractuels qui seraient enfin consentis aux artistes-interprètes par un accord collectif, seul moyen d’assurer un équilibre dans la relation artiste-producteur.

M. Christian Kert. Dans ce cas précis, je ne propose plus de supprimer l’alinéa 7, mais comme dirait Audiard, « j’améliore et j’ajoute ». Nous souhaitons éviter des rémunérations distinctes entre la prestation, sa fixation et ses modes d’exploitation. Cette distinction va à l’encontre des usages en cours et l’on peut redouter l’accroissement d’un formalisme pénalisant tout particulièrement les petites structures de production phonographique, qui sont nombreuses.

Notre réécriture du premier alinéa nous paraît en outre plus lisible.

Mme Marie-George Buffet. Par l’amendement AC66, il s’agit d’intervenir sur la rémunération minimale des artistes-interprètes pour la mise à disposition du public à la demande, par voie numérique, avec la participation des industriels à cette rémunération.

M. le rapporteur. S’agissant de l’amendement AC64, la précision apportée n’apparaît pas nécessaire. Il existe bien une convention collective de l’édition phonographique qui s’applique à toutes les entreprises du secteur. On nous a suffisamment répété, lors des auditions, qu’elle avait été signée en 2008 après des années de négociation et qu’il ne fallait pas la fragiliser.

S’il est vrai que l’amendement de M. Kert ajoute à l’alinéa, je ne pense pas qu’il l’améliore, car l’objectif est justement de distinguer la rémunération garantie en contrepartie de l’autorisation de fixation et celle qui doit être due pour chaque mode d’exploitation. Chaque mode d’exploitation doit en effet donner lieu à une rémunération distincte, contrairement à ce que prévoit la convention collective pour les artistes-interprètes d’accompagnement, pour lesquels le cachet rémunère à la fois la vente physique, le téléchargement et le streaming.

Enfin, j’espère que l’amendement AC66 trouvera réponse dans la réussite des négociations menées par M. Schwartz.

Mme la ministre. Je suis du même avis que le rapporteur sur ces trois amendements.

En ce qui concerne l’amendement AC64, je précise que la convention collective nationale de l’édition phonographique a été négociée et signée en 2008 par les organisations représentatives des employeurs et des salariés, et qu’elle a fait l’objet d’une extension en 2009. Ces dispositions s’appliquent donc à toutes les entreprises du secteur et il ne paraît pas nécessaire de mentionner la convention collective dans la loi.

Les amendements AC64 et AC66 sont retirés.

La Commission rejette l’amendement AC315.

Puis elle en vient aux amendements identiques AC225 de Mme Gilda Hobert, AC252 de Mme Virginie Duby-Muller, AC273 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet et AC314 de M. Christian Kert.

Mme Gilda Hobert. L’amendement propose de supprimer l’alinéa 11. Certains artistes musiciens considèrent que les dispositions de la convention collective, qui ne sépare pas les exploitations physique et numérique, sont plus avantageuses, et ils s’inquiètent d’un risque de recul. La distinction entre l’exploitation des phonogrammes sous forme physique et leur exploitation sous forme numérique pourrait altérer leur rémunération selon que leur œuvre est exploitée d’une façon ou d’une autre.

Mme Virginie Duby-Muller. Je voulais revenir sur la discussion que nous avons eue en préambule à l’article 5. Madame la ministre, j’imagine que, au mois de mai, le projet de loi était déjà en préparation. Or c’est à ce moment que vous avez confié une mission de médiation à M. Marc Schwartz. Cela dénote un manque de cohérence, voire un amateurisme, qui a conduit à la situation ubuesque où nous nous trouvons. Le 24 septembre, c’est la semaine prochaine ! Il y a là un problème de méthode : vous manquez de vision stratégique.

M. François de Mazières. Nous pouvons tous partager l’inquiétude des artistes quant à leur rémunération.

M. Christian Kert. Même argumentation.

M. le rapporteur. Je demande le retrait de ces quatre amendements, auxquels je suis défavorable. Chaque mode d’exploitation doit donner lieu à une rémunération distincte.

Mme la ministre. Même avis. C’est précisément pour améliorer les droits des artistes que l’article 5 prévoit de distinguer les rémunérations attachées aux différents modes d’exploitation, et c’est pour accroître leurs droits qu’il est proposé que les artistes se voient reconnaître des rémunérations distinctes.

La mission Schwartz doit effectivement aboutir avant la fin du mois de septembre. Les négociations entre organisations professionnelles et représentants des artistes ou des auteurs prennent beaucoup de temps – parfois plusieurs années. Ainsi, la négociation qui a débouché sur le contrat d’édition numérique a duré trois ans. J’ai engagé cette concertation dès que j’ai pris mes fonctions il y a un an, et c’est pour accélérer ce processus que j’ai missionné M. Marc Schwartz. La discussion du projet de loi pourra également inciter les protagonistes à aboutir.

L’amendement AC225 est retiré.

La Commission rejette les amendements AC252, AC273 et AC314.

Puis elle en vient à l’amendement AC253 de Mme Virginie Duby-Muller.

Mme Virginie Duby-Muller. Les producteurs de musique adressent déjà des redditions de comptes semestriels aux artistes-interprètes, dès lors que ceux-ci bénéficient de rémunérations proportionnelles dans le contrat avec leur producteur. Il convient donc de préciser que cette obligation ne concernera pas les artistes musiciens, qui n’en bénéficient généralement pas. C’est donc un amendement de simplification.

M. le rapporteur. De simplification et, surtout, de cohérence avec l’étude d’impact. Avis favorable.

Mme la ministre. Même avis.

La Commission adopte l’amendement AC253.

En conséquence, l’amendement AC165 tombe.

La Commission examine l’amendement AC92 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. La reddition des comptes n’est nécessaire que lorsque s’exprime un véritable besoin de clarification.

M. le rapporteur. Cet amendement est satisfait par l’adoption de l’amendement AC253 présenté par Mme Duby-Muller.

L’amendement AC92 est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements AC93 de M. François de Mazières, AC227 de Mme Gilda Hobert et AC255 de Mme Virginie Duby-Muller.

M. François de Mazières. Il paraît important que les justificatifs, qui peuvent contenir des informations concernant d’autres artistes, soit transmis non pas directement à l’artiste-interprète qui en fait la demande, mais à une personne assermentée de son choix, pour éviter toute divulgation d’informations qui ne le concerneraient pas. Plusieurs responsables des maisons de disques que nous avons entendus ont préconisé cette précaution supplémentaire.

Mme Gilda Hobert. L’objectif est en effet de préserver la confidentialité des comptes au moment de la consultation. En effet, les documents qui permettent de les établir comportent des informations sur d’autres artistes. Cet ajout à la fin de l’alinéa 13 nous semble donc justifié.

Mme Virginie Duby-Muller. Le présent amendement propose de combler un vide en matière de confidentialité.

M. le rapporteur. Qu’il me soit permis de rassurer les auteurs de ces amendements : si les justificatifs comportent des informations concernant d’autres artistes, il sera tout à fait loisible au producteur d’anonymiser ces données. Je demande donc le retrait de ces amendements qui complexifient inutilement le système. À défaut, avis défavorable.

Mme la ministre. Même avis. Les producteurs pourront anonymiser, ils pourront aussi ne pas faire figurer les informations qui relèvent du secret des affaires. Ces précautions sont déjà prévues par le texte de loi.

Mme Gilda Hobert. Si l’anonymat est préservé, je ne vois pas d’inconvénient à retirer l’amendement.

L’amendement AC227 est retiré.

Puis la Commission rejette successivement les amendements AC93 et AC255.

Elle examine ensuite l’amendement AC69 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. La transparence complète dans le domaine des comptes est indispensable à une juste rémunération des artistes-interprètes.

M. le rapporteur. Cet amendement est satisfait par le projet de loi, qui précise que le producteur devra fournir « toutes justifications propres à établir l’exactitude de ses comptes », ce qui comprend les documents reçus de ses diffuseurs et/ou distributeurs.

Mme la ministre. Même avis.

L’amendement AC69 est retiré.

La Commission examine l’amendement AC221 de M. Christian Kert.

M. Christian Kert. L’alinéa 13, tel qu’il est rédigé, ne nous paraît pas tenir compte de la réalité du marché et des différents flux de revenus. Le producteur perçoit des recettes d’exploitation de différents acteurs, et les informations arrivent de différentes sources, dont certaines servent d’intermédiaires. Aussi, les justificatifs demandés peuvent comporter des informations relatives à d’autres artistes-interprètes, ou portant sur des relations commerciales non liées aux paiements des prestations de l’artiste demandeur. Nous souhaitons donc prévoir une clause de sauvegarde permettant d’assurer le respect du secret des affaires.

M. le rapporteur. Comme je l’ai dit en réponse à un amendement précédent, il sera loisible au producteur d’anonymiser les informations concernant d’autres artistes. Il n’est donc pas nécessaire d’invoquer le secret des affaires.

Mme la ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement AC221.

Puis elle adopte l’article 5 modifié.

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Après l’article 5

La Commission examine l’amendement AC73 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. L’amendement est défendu.

M. le rapporteur. Vous avez eu raison de le défendre, chère collègue, car j’ai apprécié cet amendement qui souligne opportunément la nécessité d’ouvrir une réflexion sur le contrat d’auteur dans le secteur de la musique, comme cela a été fait pour le contrat d’édition. Je souhaite donc que la ministre puisse s’exprimer et éventuellement faire d’opportunes annonces, ce qui lui permettra peut-être de vous convaincre de retirer l’amendement.

Mme la ministre. L’amendement propose de modifier les dispositions relatives à la rémunération des auteurs dans les contrats d’édition de livres, mais aussi de musique. Il complète le principe de participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l’exploitation, en précisant qu’il s’agit de la rémunération proportionnelle « aux produits, directs ou indirects, d’exploitation et de mise à disposition de l’œuvre ». Cette précision n’est pas utile, car la disposition en vigueur est rédigée de manière large et de nature à satisfaire d’ores et déjà cette demande.

Par ailleurs, la proposition impose la fixation d’une rémunération minimale garantie en contrepartie de l’exclusivité ainsi consentie. Elle essaie ainsi d’appliquer aux auteurs un dispositif proposé par l’article 5 de la loi pour les artistes-interprètes. Or le parallèle n’est pas possible, car les auteurs ne sont pas régis par le droit du travail dans leurs relations avec les éditeurs.

Néanmoins, je comprends et partage l’objectif que vous poursuivez et j’envisage de confier à l’inspection générale des affaires culturelles une mission pour examiner dans quelle mesure les contrats conclus entre éditeurs et auteurs ou compositeurs doivent être adaptés à l’évolution des métiers et des pratiques, et déterminer si une évolution législative est nécessaire.

Pour ces raisons, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, je me verrais obligée d’indiquer que j’y suis défavorable.

Mme Marie-George Buffet. Une mission confiée à l’inspection générale, c’est déjà une avancée considérable ! Je retire donc cet amendement.

L’amendement AC73 est retiré.

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Article 6
(art. L. 213-2 [nouveau] du code de la propriété intellectuelle)

Relations entre les producteurs de phonogrammes
et les éditeurs de musique en ligne

Le présent article introduit un nouvel article L. 213-2 au chapitre III du titre unique du livre II du CPI afin de prévoir que les contrats entre les producteurs de phonogrammes et les éditeurs de musique en ligne doivent fixer les conditions d’exploitation des phonogrammes de manière objective, équitable et non discriminatoire.

1. La situation actuelle

Comme il a été rappelé dans l’exposé général du présent rapport, à l’ère numérique, les rapports entre ceux qui créent ou produisent les œuvres et ceux qui assurent leur diffusion ou leur distribution en ligne restent globalement difficiles. Ces tensions s’expliquent à la fois par la diminution générale des prix unitaires qui a accompagné la dématérialisation des biens culturels et par l’émergence de nouvelles formes d’exploitation inconnues dans l’univers analogique. Le secteur de la musique enregistrée est celui où les rapports sont les plus tendus, malgré les progrès consécutifs à la signature entre les acteurs, en janvier 2011, d’une charte dite « des 13 engagements pour la musique en ligne ».

Les articles L. 441-6 et suivants du code de commerce régissent la transparence des relations entre professionnels. L’article L. 441-6 pose plus particulièrement une obligation de communication des conditions générales de vente applicables entre professionnels. Si cette disposition participe au maintien d’une certaine transparence, la persistance de situations de déséquilibre au détriment de certains acteurs montre que le droit commun demeure insuffisant à réguler le secteur de la musique en ligne.

La charte des « 13 engagements pour la musique en ligne » issue de la médiation menée par M. Emmanuel Hoog mettait à la charge des producteurs de phonogrammes la publication des conditions générales de vente. Or, force est de constater que l’engagement relatif à la publication des conditions générales de vente n’a pas toujours été respecté par les producteurs de phonogrammes. Si des efforts ont pu être constatés sur des modèles de commercialisation éprouvés, les éditeurs de services de musique en ligne soulignent que les producteurs de phonogrammes restent silencieux sur la plupart des modèles de commercialisation actuels, notamment le streaming, et mettent en avant le caractère expérimental de certaines négociations alors même que ces modèles sont déjà usités par des services concurrents.

2. Le dispositif proposé

Le nouvel article L. 213-2 du CPI se propose de réguler les relations contractuelles entre les producteurs de phonogrammes et les éditeurs de services de communication au public par voie électronique.

Cette notion d’« éditeur de services de communication au public par voie électronique », dont la Commission a précisé qu’il s’agit des éditeurs qui « mettent à disposition des œuvres musicales », permet de viser les plateformes de musique en ligne. En 2013, l’association « Tous pour la musique » dénombrait trente-quatre sites ou services musicaux (services de téléchargement et services de diffusion en flux ou streaming) dont les caractéristiques sont rappelées précisément dans le rapport précité de M. Christian Phéline.

Selon l’étude d’impact annexée au projet de loi, le dispositif proposé est inspiré du domaine de l’audiovisuel et plus particulièrement de l’article 17-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui permet aux éditeurs ou aux distributeurs de services audiovisuels de saisir le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) lorsqu’apparaît un différend sur le caractère objectif, équitable et non discriminatoire des conditions de la mise à disposition du public de l’offre de programmes ou des relations contractuelles entre un éditeur et un distributeur de services.

Comme le précise l’étude d’impact, l’hypothèse de l’introduction d’une obligation de publication des conditions générales d’exploitation des producteurs de phonogrammes dans la loi a été écartée par le gouvernement car elle lui est apparue comme « difficilement conciliable avec la liberté commerciale et la libre concurrence entre les acteurs. »

Il est donc proposé de poser, dans un nouvel article L. 213-2 du CPI, le principe selon lequel « le contrat conclu par le producteur d’un phonogramme avec un éditeur de services de communication au public par voie électronique mettant à disposition des œuvres musicales fixe les conditions de l’exploitation des phonogrammes de manière objective et équitable ». Cette solution a semblé au gouvernement la plus adaptée et la plus efficace pour répondre aux impératifs de transparence, résoudre les distorsions de marché de la musique en ligne et développer l’offre culturelle en ligne tout en respectant la liberté commerciale des acteurs.

Par ailleurs, les contrats ne pourront comporter de « clauses discriminatoires non justifiées par des contreparties réelles ». Selon les informations transmises au rapporteur, cette précision vise à permettre aux producteurs de continuer à avoir recours à la pratique des exclusivités.

En imposant la fixation objective, équitable et non discriminatoire des conditions d’exploitation des phonogrammes, le présent article vise à améliorer la transparence mutuelle entre producteurs de phonogrammes et éditeurs de services de musique en ligne. Il vise également à garantir des conditions d’accès équilibrées aux phonogrammes en limitant le recours à des conditions d’exploitation différenciées ou créant des avantages concurrentiels discriminants au détriment des petites plateformes sans que les critères ayant abouti à cette différenciation soient suffisamment explicites. Les petits producteurs pourront quant à eux s’appuyer sur cet article pour obtenir des conditions commerciales plus équilibrées avec les plateformes.

Ces dispositions doivent notamment amener les acteurs à faire reposer les conditions financières sur des modalités de calcul transparentes et fondées sur des données réelles de marché ou encore à définir de bonne foi des objectifs de résultat raisonnables tenant compte des évolutions significatives du modèle économique du service en ligne.

Enfin, l’introduction de telles dispositions vise plus largement à développer l’offre culturelle en ligne en rendant possible l’entrée de nouveaux acteurs sur le marché à des conditions raisonnables, tout en permettant aux acteurs existants de se développer.

La mise en œuvre de cette disposition n’entraînera pas de coût supplémentaire pour les acteurs. Elle les contraint en revanche dans la conduite des négociations des licences, celle-ci pouvant avoir un réel impact sur l’équilibre final du contrat au bénéfice de chacune des parties.

La bonne application de cet article sera facilitée par le médiateur de la musique, qui pourra donner son avis sur le caractère objectif et équitable des conditions d’accès aux catalogues.

*

La Commission examine les amendements identiques AC256 de Mme Virginie Duby-Muller et AC274 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

Mme Virginie Duby-Muller. L’amendement AC256 tend à supprimer l’article 6. Le streaming est un marché très prometteur : en 2014, ses revenus ont augmenté de 34 % et, depuis le début de 2015, les Français ont écouté 9 milliards de titres par ce moyen. Mais il n’est toujours pas profitable et permet tout juste, à ce jour, d’entrevoir la fin de la baisse du marché dans cette filière.

Les accords conclus entre plateformes de streaming, artistes et producteurs sont le fruit de longues négociations. Cette nouvelle dynamique de l’industrie musicale est fragile et doit être traitée avec précaution sans risquer de compromettre son développement. L’encadrement excessif, au-delà des règles qu’imposent de manière classique le droit commercial, le droit des obligations et le droit de la concurrence, ne se justifie pas. Établir des obligations spécifiques entre producteurs et plateformes conduira nécessairement à retarder la conclusion de contrats. Cet article est donc inutile et ne manquerait pas de devenir un frein à l’innovation.

M. François de Mazières. Nous avons rappelé plusieurs fois le flou dans lequel nous nous trouvons en cette période de négociations intermédiaires, et les doutes sur le rôle de la loi dans ce contexte. Notre amendement est un appel à la réflexion, et je suis prêt à le retirer.

L’amendement AC274 est retiré.

M. le rapporteur. Je suis évidemment défavorable à la suppression de l’article 6. Cet article est indispensable pour réguler les relations contractuelles entre producteurs et plateformes. En l’occurrence, le rapport de M. Christian Phéline a clairement mis en évidence le fait qu’il existait de nombreuses anomalies dans ces relations contractuelles.

Il s’agit de garantir des conditions d’accès équilibrées aux phonogrammes et d’éviter la mise en place de critères discriminants au détriment des petites plateformes. C’est pourquoi il convient de préciser que les contrats entre producteurs et plateformes doivent fixer des conditions d’exploitation de manière objective et équitable. D’ailleurs, l’application de ces dispositions sera facilitée par la mise en place d’un médiateur de la musique.

Mme la ministre. Avis défavorable. Cet article fixe des conditions d’exploitation des phonogrammes objectives et équitables, ce qui permettra de faciliter l’accès aux catalogues pour les petites plateformes, et l’accès aux grandes plateformes pour les petits labels indépendants. C’est vraiment un article de nature à favoriser ces acteurs. J’y tiens beaucoup, je ne suis donc pas favorable à ces amendements de suppression.

La Commission rejette l’amendement AC256.

Elle examine ensuite l’amendement AC249 de Mme Gilda Hobert.

Mme Gilda Hobert. L’ajout proposé dans cet amendement permettra de clarifier l’alinéa 2, et donc d’étendre le rôle du médiateur de la musique, en rassemblant l’ensemble des contractants.

M. le rapporteur. Aujourd’hui, il n’y a pas de relations contractuelles entre sociétés de perception et de répartition des droits d’artistes-interprètes (SPRD) et plateformes. L’amendement n’a donc pas d’objet. Ce sera peut-être le cas demain en fonction des conclusions de la mission Schwartz.

Dans l’attente des conclusions de cette mission – qui, rappelons-le, n’est pas un rapport ! – je vous invite à retirer votre amendement.

L’amendement AC249 est retiré.

La Commission adopte successivement les amendements de précision AC482 et AC483 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 6 modifié.

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Après l’article 6

La Commission examine l’amendement AC258 de Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Cet amendement est important dans le contexte actuel du développement du numérique, puisque nous voyons se développer les webradios parallèlement aux radios hertziennes.

Aujourd’hui, seules les radios hertziennes sont tenues de payer la rémunération équitable aux artistes-interprètes. Pourquoi y aurait-il une différence de traitement pour la diffusion des mêmes morceaux musicaux selon qu’ils sont diffusés par une webradio ou une radio hertzienne ? Peut-être les webradios sont-elles aujourd’hui moins nombreuses et moins connues, mais ce sont celles qui sont amenées à se développer le plus fortement.

Nous proposons donc d’établir la rémunération équitable pour la diffusion de la musique sur ce type de radio également, et de mettre notre droit en conformité avec les textes internationaux qui garantissent aux interprètes une rémunération équitable pour toute « communication au public » – notion qu’il ne faut pas confondre avec la communication « dans les lieux publics » ; les textes internationaux prévoient bien la communication au public, et cette nuance doit être prise en compte dans ce projet de loi.

Évidemment, cela ne concerne pas les spectacles ni la musique à la demande, puisque, dans la rédaction de cet amendement, nous excluons la mise à disposition du public de manière que chacun puisse y avoir accès depuis l’endroit et à l’instant qu’il choisit. C’est la définition de la musique à la demande et des pure players tels que Deezer. Il n’est donc ici question que des webradios.

M. le rapporteur. Cet amendement tend à étendre la rémunération équitable au webcasting. Nous avons beaucoup interrogé à ce sujet ceux que nous avons auditionnés pour préparer l’examen du texte en commission et en séance. Je renvoie ici aussi aux conclusions de la mission Schwartz pour savoir si nous étendrons la rémunération équitable au webcasting. En tout cas, il est trop tôt pour en débattre ou en discuter.

Mme la ministre. Même avis. Je voudrais préciser que je réfléchis actuellement à l’opportunité d’étendre cette rémunération équitable aux webradios.

Des précisions importantes doivent être apportées. Les radios diffusées en numérique sont d’ores et déjà soumises à la rémunération équitable. Il est donc question ici des radios interactives telles que les playlists que l’on peut trouver sur Deezer, Spotify ou des sites de streaming. Mais il existe une importante difficulté juridique pour définir la notion d’interactivité : qu’est-ce qu’une webradio, à quel moment l’auditeur est-il placé dans une position d’interactivité suffisante pour que l’on puisse considérer que ce n’est plus une radio ? Sur le principe, l’idée est séduisante, mais elle n’est pas facile à traduire en droit, c’est pourquoi il semble opportun de prendre un peu de temps pour trouver la bonne rédaction et d’attendre les conclusions de la mission Schwartz. Je suis donc défavorable à cet amendement en l’état.

M. Michel Piron. Je me demandais, au vu des attentes placées sur les résultats de la mission Schwartz, si la commande passée n’inclut pas l’imposition des mains sur les écrouelles ? (Sourires.)

M. Michel Herbillon. On ne cesse de renvoyer à la mission Schwartz depuis trois quarts d’heure : n’est-il pas ubuesque de discuter d’un projet de loi annoncé depuis des années – mais aussi invisible que l’Arlésienne –, qui devait être le projet phare de votre prédécesseur, mais a été reporté à plusieurs reprises, et de découvrir que, sur toute une série de dispositions importantes, sur des sujets essentiels concernant la musique, les relations entre les producteurs et les musiciens, la décision doit être reportée à plus tard ? Il est incroyable de légiférer dans ces conditions ! N’aurait-il pas mieux valu attendre les conclusions de la mission Schwartz avant de déposer le projet de loi ? Disposerons-nous des éléments d’information qui nous permettront de légiférer correctement dans l’hémicycle ?

M. le rapporteur. Je ne voudrais pas que cette idée de conditions de travail ubuesques s’impose, ou que l’on croie que nous sommes bloqués dans l’attente des résultats de la mission Schwartz. Le projet de loi contient trois articles portant sur la musique : l’article 5 concerne les relations contractuelles entre producteurs et artistes-interprètes ; l’article 6 les relations contractuelles avec les plateformes en ligne ; l’article 7 le médiateur de la musique. La musique est donc amplement traitée. Les professionnels du livre, notamment les auteurs, se sont d’ailleurs plaints qu’on en fasse beaucoup plus pour la musique et pour le cinéma.

Le texte comporte des dispositions nouvelles qui sont essentielles, en particulier la reconnaissance des droits des artistes-interprètes pour l’exploitation en ligne. Ces dispositions visent également à équilibrer les rapports entre producteurs et plateformes, notamment entre les majors et les petites plateformes. Plusieurs dispositions correspondent à la déclinaison législative des propositions de M. Christian Phéline sur le partage de la valeur et la transparence dans le secteur musical.

Nous agissons ; nous pouvons éventuellement aller plus loin, certains amendements expriment cette intention. Mais, si nous voulons tenir les deux bouts, dans un secteur où la négociation occupe une place importante – je rappelle l’existence d’une convention collective signée en 2008 qui a demandé de nombreuses années de concertation –, nous devons refréner notre désir d’amendement pour laisser une chance à la mission Schwartz d’aboutir. Si elle devait échouer, nous prendrons nos responsabilités.

Je ne peux pas laisser dire que nous ne faisons rien ; nous faisons déjà beaucoup ; nous verrons si nous devons faire plus.

Mme Isabelle Attard. Je maintiens mon amendement.

Les artistes-interprètes sont majoritairement privés de rémunération équitable pour la diffusion de leurs œuvres via les webradios. À mon sens, il n’est plus temps d’attendre pour réparer le préjudice subi par une partie de la population.

Les webradios n’ont rien à voir avec les pure players ou la musique à la demande. La musique est diffusée sur les webradios dans les mêmes conditions que sur les radios hertziennes. Les mêmes morceaux de musique donnent lieu, d’un côté, à une rémunération équitable, et, de l’autre, à rien. Nous sommes pleinement dans le sujet de la rémunération des artistes-interprètes. Pourquoi attendre encore pour corriger cette anomalie ?

La Commission rejette l’amendement.

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Article 7
(art. L. 214-6 [nouveau] du code de la propriété intellectuelle)

Création d’un médiateur de la musique

Au-delà des dispositions contenues dans les articles 5 et 6 destinées à améliorer les relations contractuelles entre les artistes-interprètes et les producteurs phonographiques d’une part et entre les éditeurs de service de musique en ligne et les producteurs phonographiques d’autre part, le présent article introduit un nouvel article L. 214-6 au chapitre IV du titre unique du livre II du CPI afin d’instituer un médiateur de la musique ayant pour mission de réguler de manière souple les relations entre ces acteurs et de surmonter les difficultés liées aux spécificités du secteur.

1. La situation actuelle

Le rapport précité de M. Christian Phéline soulignait le besoin d’une procédure ad hoc de traitement précontentieux des conflits dans le secteur de la musique : « Le régime des contrats des artistes-interprètes se fonde sur une imbrication complexe du droit du travail et de la propriété littéraire et artistique. La rédaction des contrats est en outre elle-même d’une complexité qui confine souvent à l’équivoque ou à l’opacité. Cela suffit à expliquer que ceux des contentieux qui sont soumis à la justice ne soient traités qu’avec difficulté tant par les juridictions prud’homales que devant les tribunaux de grande instance. De manière générale, les tensions entre parties, aussi bien dans les rapports des producteurs et les plateformes que dans ceux avec les artistes, sont accentuées par l’ensemble des incertitudes demeurant sur l’économie des offres musicales en cours d’essor dans l’univers numérique et par l’absence à ce jour de normes directrices partagés. Dans sa spécificité, ce type de situations pourrait ainsi justifier le recours à des formes spécialisées de traitement des conflits, telles qu’il a pu s’en mettre en place dans d’autres domaines ». Par ailleurs, comme l’indique l’étude d’impact annexée au projet de loi, en raison de rapports de force déséquilibrés, le recours au juge est envisagé avec une très grande prudence par les professionnels.

Le rapport « Phéline » privilégiait la solution d’un « médiateur public ». Cette voie s’inspire du rôle imparti, dans le secteur culturel, au médiateur du cinéma, organe indépendant créé en 1982 et chargé d’une mission de conciliation entre distributeurs et exploitants relatifs à la diffusion des films en salle. Ce modèle a déjà inspiré la création d’un médiateur du livre par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation. Le médiateur du livre est chargé de la conciliation des litiges portant sur l’application de la législation relative au prix unique du livre.

2. Le dispositif proposé par le projet de loi initial

Le premier alinéa du I de l’article L. 214-6 (alinéa 2 du présent article) précise que le médiateur exerce sa mission de conciliation « sans préjudice du droit des parties de saisir le juge ». En effet, ce dispositif est fondé sur la volonté des parties de choisir la médiation plutôt que l’action judiciaire : la saisine du médiateur n’est donc pas un préalable à la saisine du juge et l’institution du médiateur ne dessaisit pas le juge.

En application des 1°, 2° et 3° du I de l’article L. 214-6 (alinéas 3 et 5 du présent article), le médiateur de la musique sera chargé d’une mission de conciliation pour tout litige relatif à l’interprétation ou l’exécution de tout accord entre les artistes-interprètes, les producteurs de phonogrammes et les plateformes, ou de tout engagement contractuel entre un artiste-interprète et un producteur de phonogrammes ou entre un producteur de phonogrammes et une plateforme. Selon les précisions fournies au rapporteur par le ministère de la Culture et de la Communication, l’expression « tout accord » vise les accords professionnels conclus entre les producteurs de phonogrammes, les artistes-interprètes et les plateformes de musique en ligne, y compris les codes des usages que le médiateur aura préalablement favorisés.

En application du cinquième alinéa du I de l’article L. 214-6 (alinéa 6 du présent article), le médiateur pourra être saisi par tout artiste-interprète, par tout producteur de phonogrammes et par tout éditeur de service de communication au public mettant à disposition des œuvres musicales, par leurs mandataires ou par toute organisation professionnelle ou syndicale intéressée, ainsi que par le ministre chargé de la culture. L’expression « leurs mandataires ou toute organisation professionnelle ou syndicale intéressée » vise, d’une part, les personnes que les artistes-interprètes, producteurs de phonogrammes ou plateformes de musique en ligne auront pu mandater pour saisir le médiateur de la musique et, d’autre part, les organisations professionnelles ou syndicales représentatives de ces acteurs.

Le sixième alinéa du I de l’article L. 214-6 (alinéa 7 du présent article) précise que le médiateur, peut, pour l’exercice de sa mission, se faire communiquer par les parties les informations qui lui paraissent nécessaires, sans que puisse lui être opposé le secret des affaires ; il peut également entendre toute personne dont l’audition lui paraît utile.

La mission de conciliation du médiateur n’interférera pas avec les compétences reconnues par ailleurs à l’Autorité de la concurrence : en effet, le médiateur devra saisir cette autorité lorsqu’il décèlera l’existence de faits pouvant constituer des pratiques anticoncurrentielles au sens du code de commerce, comme le précise le septième alinéa du I de l’article L. 214-6 (alinéa 8 du présent article). Il convient de souligner à cet égard que la mission menée par M. Christian Phéline a relevé l’existence de pratiques de ce genre exercées notamment par les plateformes de musique en ligne. Ces plateformes privilégieraient en effet les catalogues de certaines majors au détriment des producteurs indépendants et accorderaient également des tarifs préférentiels pour la distribution des catalogues.

Le huitième alinéa du I de l’article L. 214-6 (alinéa 9 du présent article) précise les pouvoirs du médiateur. S’il constate un accord entre les parties, il devra rédiger un procès-verbal de conciliation précisant les mesures à prendre pour le mettre en œuvre. À défaut d’accord entre les parties, il pourra émettre une recommandation proposant des mesures tendant à mettre fin au litige. Les recommandations que pourra émettre le médiateur de la musique n’auront pas de caractère obligatoire, à la différence des décisions rendues par les tribunaux. Le médiateur de la musique ne disposant pas de pouvoir d’injonction, ses recommandations ne pourront constituer qu’une incitation à suivre un comportement particulier. Il pourra cependant rendre public le procès-verbal de conciliation ou la recommandation, sous réserve des informations couvertes par le secret des affaires.

En application du premier alinéa II de l’article L. 214-6 (alinéa 10 du présent article), le médiateur de la musique pourra également faire au ministre chargé de la culture toute proposition que lui paraît appeler l’accomplissement de ses missions, notamment toute modification de nature législative ou réglementaire et toute mesure de nature à favoriser l’adoption de codes des usages entre les organismes professionnels et les sociétés de perception et de répartition des droits représentant les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes, ou entre les producteurs de phonogrammes et les plateformes de musique en ligne.

Le médiateur de la musique aura donc notamment pour mission de favoriser l’adoption de codes des usages. Pour ce faire, il pourra conduire les négociations, faire des propositions et émettre des recommandations ou avis dans la continuité de la charte des 13 engagements pour la musique en ligne adoptée en janvier 2011 par l’ensemble des parties prenantes du secteur et les pouvoirs publics. Le code des usages pourra encadrer les pratiques contractuelles, notamment celles relatives aux conditions d’utilisation du répertoire des plateformes, à la durée des contrats proposés par les producteurs de phonogrammes ainsi qu’à l’information et à la transparence des redditions de comptes.

Par ailleurs, en application du deuxième alinéa du II de l’article L. 214-6 (alinéa 11 du présent article), le médiateur de la musique adressera chaque année au ministre chargé de la culture un rapport d’activité rendu public.

Comme le précise le III de l’article L. 214-6 (alinéa 12 du présent article), l’entrée en vigueur de cet article est subordonnée à la publication d’un décret d’application. Ce décret viendra préciser les modalités d’application de cette disposition et notamment les modalités de désignation du médiateur. L’étude d’impact précise néanmoins qu’il sera désigné par le ministre chargé de la culture.

Comme l’ont confirmé les différentes auditions conduites par le rapporteur, l’une des grandes difficultés à laquelle se heurte le débat sur l’évolution du partage de la valeur entre producteurs et artistes-interprètes, malgré une succession de missions destinées à l’éclairer, est l’absence de données fiables et indépendantes. À cet égard, la création d’un observatoire, préconisée par plusieurs des interlocuteurs entendus au cours des auditions, peut s’avérer opportune à moins que cette mission ne soit confiée plus simplement au médiateur de la musique.

3. Les modifications apportées par la Commission

La Commission a étendu le champ de compétence du médiateur à la régulation des relations entre producteurs de phonogrammes et producteurs de spectacles. Les mutations technologiques impactent en effet l’ensemble des acteurs de la musique, y compris les producteurs de spectacle vivant et donc leurs relations avec les producteurs de phonogrammes. Le médiateur doit donc être en mesure de se saisir de cet enjeu et de suggérer des actions pour améliorer les relations entre producteurs de disque et de spectacle.

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La Commission est saisie des amendements identiques AC5 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, AC96 de M. François de Mazières et AC162 de M. Christian Kert.

M. Michel Herbillon. L’amendement AC5 a pour objet la suppression du médiateur de la musique dont nous jugeons la création doublement inutile. D’une part, des dispositifs de médiation existent déjà pour la résolution des conflits au sein de la filière musicale ; en outre, d’éventuelles améliorations pourraient être mieux portées par le Centre national de la chanson, de la variété et du jazz (CNV). D’autre part, le médiateur de la musique ne dispose d’aucun pouvoir pour résoudre les nombreux conflits extérieurs avec d’autres filières, notamment avec les GAFAM – Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft –, les plateformes internet ou les professions libérales ou artisanales redevables des droits SACEM.

Outre son inutilité, ce dispositif confère des pouvoirs excessifs au regard de ceux dont dispose le médiateur du cinéma par exemple. Le législateur a confié des pouvoirs à ce dernier au travers de la loi sur la numérisation des salles de cinéma, qui, je le rappelle, a été votée sans opposition – preuve qu’un consensus est possible sur les textes culturels dès lors qu’ils ont été bien préparés en amont, ce qui n’est pas le cas de celui que nous examinons.

Le projet de loi prévoit la création d’une nouvelle autorité administrative indépendante compétente en cas de litiges dans des relations contractuelles dont le champ d’investigation est beaucoup trop large, en comparaison de celui du médiateur du cinéma ou du livre.

En outre, le médiateur ne peut pas se voir opposer le secret des affaires dans ses investigations. Même s’il ne peut pas rendre publiques les informations qu’il a recueillies, les conclusions de sa médiation le seront.

M. François de Mazières. L’amendement AC96 propose la suppression d’une disposition clé du projet de loi. Au travers des trois articles que nous venons d’étudier, on constate que la négociation collective est essentielle dans ces professions et que des accords sont conclus. En intervenant, le législateur risque de perturber les négociations.

Le champ d’investigation du médiateur de la musique est trop large. Nous ne sommes pas opposés au principe de la création du médiateur, mais à la rédaction qui nous est proposée. Je souscris pleinement aux propos de M. Herbillon sur ce point.

M. Christian Kert. L’essentiel a été dit. Dans le cas du cinéma ou du livre, l’institution d’un médiateur était attendue. Tel n’est pas le cas dans le secteur de la musique qui, au contraire, rejette cette innovation.

M. le rapporteur. J’émets un avis défavorable à ces amendements. L’article 7 décline l’une des propositions du rapport de M. Christian Phéline qui a analysé en détail les raisons pour lesquelles le secteur de la musique en ligne a besoin d’une procédure ad hoc de traitement précontentieux des conflits afin de surmonter les difficultés liées à ses spécificités. Par ailleurs, en raison de rapports de force déséquilibrés, encore plus fortement dans le secteur de la musique, le recours au juge est envisagé avec la plus grande prudence par les professionnels.

Il a été fait référence au médiateur du livre et du cinéma. Mais les modèles économiques et les besoins de régulation de ces secteurs sont très différents. Il est donc normal que les trois médiateurs n’aient pas les mêmes compétences ni les mêmes moyens d’action.

Mme la ministre. Je suis très fière de cet article. Il était nécessaire d’introduire cette nouvelle fonction – il me semble que les artistes saluent cette mesure –, compte tenu, le rapporteur l’a dit, de l’asymétrie des rapports contractuels entre les artistes-interprètes et les autres acteurs de la filière. En raison de l’imbrication du droit de la propriété littéraire et artistique et du droit du travail dans le régime des contrats qui lient les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes, les parties peinent très souvent à surmonter les situations conflictuelles. Enfin, le recours contentieux est envisagé avec une très grande prudence par les professionnels.

Le recours à la médiation doit permettre de trouver un accord rapidement, sans coût pour les parties et au plus près de leurs intérêts. Cette procédure de médiation spécialisée est souple et peu coûteuse. Elle sera très utile pour favoriser la conciliation.

Je suis donc défavorable à ces amendements.

La Commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AC260 de Mme Virginie Duby-Muller et AC59 de M. Christian Kert.

Mme Virginie Duby-Muller. Cet amendement de repli vise à régler le conflit de compétence entre le médiateur de la musique et la commission paritaire d’interprétation, de conciliation et de validation des accords de l’édition phonographique. Le rôle du médiateur semble devoir ne pas se limiter aux relations individuelles. Il risque, au mépris du respect des accords collectifs, d’empiéter sur le rôle de la commission paritaire qu’elle remplit déjà efficacement.

M. Christian Kert. Ayant anticipé votre résistance à l’amendement de suppression, nous présentons un amendement de repli pour prévenir tout empiétement du médiateur sur les compétences de la commission paritaire de l’édition phonographique.

M. le rapporteur. Le médiateur pourra être saisi des contentieux relatifs à l’application de la convention collective. Mais, je tiens à vous rassurer, il n’a pas vocation à se substituer aux instances paritaires. Il peut intervenir en complément de celles-ci. La commission paritaire n’est nullement dessaisie. Quant aux missions du médiateur, elles dépassent le champ de la convention collective.

Mme la ministre. Le mécanisme de médiation n’a en aucun cas pour objectif de se substituer aux partenaires sociaux, de remettre en cause le rôle des organisations ou le contenu des accords collectifs. Celui-ci n’empiète nullement sur les attributions de la commission paritaire. Je précise en outre que la saisine du médiateur est une faculté offerte aux acteurs de la filière musicale, et non une obligation.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AC257 de Mme Virginie Duby-Muller et AC484 du rapporteur.

Mme Virginie Duby-Muller. Cet amendement de repli vise à clarifier le champ d’intervention du médiateur de la musique.

Les conditions d’exercice des missions confiées au médiateur de la musique devraient être calquées sur celles, plus précises, des médiateurs du livre et du cinéma. Il s’agit ici de supprimer la mission de conciliation pour tout litige relatif à l’interprétation ou à l’exécution de tout accord entre les artistes-interprètes dont l’interprétation est fixée dans un phonogramme, les producteurs de phonogrammes et les éditeurs de services de communication au public par voie électronique.

M. le rapporteur. L’amendement AC484 apporte une précision modeste.

J’émets un avis défavorable à l’amendement AC257, puisque l’objectif est précisément de permettre au médiateur d’être saisi des litiges relatifs à l’interprétation des accords professionnels et des codes des usages éventuellement conclus entre les acteurs.

Mme la ministre. Il me semble inopportun de restreindre les missions du médiateur. À la différence du médiateur du cinéma, le médiateur de la musique ne dispose pas de pouvoir d’injonction. Je suis défavorable à l’amendement de Mme Duby-Muller et favorable à l’amendement du rapporteur.

La Commission rejette l’amendement AC257.

Puis elle adopte l’amendement AC484.

Elle examine ensuite les amendements identiques AC505 du rapporteur et AC506 du Gouvernement.

M. le rapporteur. Plusieurs membres de la Commission – Dominique Nachury, Gilda Hobert, Marcel Rogemont – avaient déposé un amendement ayant le même objet que celui-ci, mais il avait été déclaré irrecevable au titre de l’article 40, car il créait une charge. Cet amendement vise à étendre la compétence du médiateur aux relations entre les producteurs de phonogrammes et les producteurs de spectacle. Je rappelle que le médiateur n’intervient pas dans le champ du droit d’auteur, mais des droits voisins. C’est parce que la ministre a opportunément déposé un amendement identique, acceptant ainsi de créer la charge, que je me suis autorisé à le déposer à mon tour. Je suis un copieur assumé, pour la bonne cause. (Sourires.)

Mme la ministre. Je suis favorable au copieur. (Sourires.)

La Commission adopte les amendements.

Puis elle est saisie de l’amendement AC259 de Mme Virginie Duby-Muller.

Mme Virginie Duby-Muller. Cet amendement de repli vise à réduire le champ de la saisine du médiateur de la musique. Il propose ainsi de supprimer la saisine par les mandataires ou par toute organisation professionnelle ou syndicale intéressée, ainsi que par le ministre chargé de la culture. Les conditions d’exercice de la mission confiée au médiateur de la musique devraient être calquées sur celles des médiateurs du livre et du cinéma.

M. le rapporteur. Il n’est pas opportun de calquer les missions du médiateur de la musique sur celles des médiateurs du cinéma et du livre, car leurs rôles sont de nature différente. Je ne suis pas favorable à une restriction de la saisine du médiateur.

Mme la ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC58 de M. Christian Kert.

M. Christian Kert. L’article 7 pose la question de la confidentialité des données recueillies par le médiateur. L’amendement vise à garantir le respect de cette dernière.

M. le rapporteur. La rédaction de l’article répond au souci de protection du secret des affaires que vous manifestez.

Mme la ministre. Même avis. L’alinéa 9 précise que le médiateur « peut rendre public le procès-verbal de conciliation ou la recommandation, sous réserve des informations couvertes par le secret des affaires ». En outre, en tant qu’agent public, il est tenu au secret professionnel. Pour ces raisons, je suis défavorable à l’amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC163 de M. Christian Kert.

M. Christian Kert. Cet amendement porte sur le même sujet que le précédent.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de précision AC485 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AC310 de Mme Sylvie Tolmont.

M. Michel Pouzol. Cet amendement prévoit qu’une copie du rapport annuel du médiateur de la musique est adressée aux présidents des commissions parlementaires chargées de la culture, dont nous savons tous qu’ils manquent parfois de lecture et peuvent s’ennuyer en fin de soirée.

M. le rapporteur. Je ne manque pas de lecture ni de rapports. Mais je sais déjà que je ne recevrai pas de rapport de la part de Marc Schwartz puisqu’il est chargé d’une mission !

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AC250 de Mme Gilda Hobert.

Mme Gilda Hobert. J’ai bien entendu les arguments du rapporteur et de la ministre, mais il me semble malgré tout légitime d’aligner le mode de désignation du médiateur de la musique sur celui du médiateur du cinéma.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement pour des raisons que la ministre va préciser : elle a choisi de s’inspirer du médiateur du livre plutôt que de celui du cinéma.

Mme la ministre. Le médiateur du cinéma est désigné après avis de l’Autorité de la concurrence et dispose d’un pouvoir d’injonction. Les prérogatives des deux autorités sont donc très différentes. Votre amendement ne tient pas compte des spécificités du secteur de la musique. C’est la raison pour laquelle je vous demande de le retirer.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 7 modifié.

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Après l’article 7

La Commission est saisie de l’amendement AC164 de M. Christian Kert.

M. Christian Kert. Nous quittons la musique pour l’image. Certains d’entre nous ont pu se rendre au festival Visa pour l’image à Perpignan et discuter avec des photographes. Après le dessin, la peinture, les illustrations, la bande dessinée, la photographie est entrée dans les mœurs. Les images sont omniprésentes, dans la presse, les livres, sur internet, mais aussi dans la publicité ou la mode. Paradoxalement, leur surexposition dans les médias numériques engendre une perte de valeur pour leur créateur, qu’il soit photographe, dessinateur, illustrateur, graphiste ou peintre. En effet, de nombreuses utilisations échappent à toute rétribution.

L’objet de cet amendement est de faire évoluer le droit pour prendre en compte la multiplication de ces usages sur internet et permettre une juste rémunération des auteurs. Le pillage d’images a pour conséquence une précarisation des photographes et des autres créateurs d’images qui pourrait rapidement conduire à la disparition d’ateliers de photographie.

Cet amendement vise à créer un nouveau système de gestion de droits obligatoire qui permettrait d’assurer une juste rémunération de tous les ayants droit concernés, tout en garantissant une sécurité juridique aux éditeurs des services de moteur de recherche et de référencement dont l’utilité sur internet n’est pas remise en cause. Le dispositif que nous proposons, s’il n’est pas parfait, apporte de l’apaisement et des solutions.

M. le rapporteur. Je remercie M. Kert d’avoir porté au débat cette préoccupation importante, mais le dispositif qu’il propose n’est pas compatible avec le droit communautaire. Dans un arrêt du 13 février 2014, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) considère que les ayants droit ne peuvent s’opposer à la création d’un lien hypertexte dès lors qu’il pointe vers une ressource librement accessible sur internet. Il n’est donc pas besoin de solliciter l’autorisation préalable des titulaires de droit et les moteurs de recherche ne peuvent donc pas être contraints de négocier avec ces derniers pour des ressources librement accessibles.

Votre intention est bonne, mais elle se heurte malheureusement au droit communautaire. C’est pourquoi je vous invite à retirer l’amendement.

Mme la ministre. Je souscris à votre volonté d’un partage de valeur équilibré pour les auteurs et les artistes dans l’environnement numérique dont nous savons à quel point il est difficile à obtenir. J’ai donc examiné votre amendement avec beaucoup d’intérêt. Malheureusement, en l’état du droit européen, le dispositif que vous proposez ne peut pas être adopté. Depuis l’arrêt Svensson cité par le rapporteur, dont les attendus sont contraires aux observations de la France, le cadre européen, très restrictif, interdit notamment de contraindre les moteurs de recherche à négocier avec les titulaires de droits sur des ressources librement accessibles. La même question se pose pour les extraits d’articles de presse.

C’est au niveau européen que la question doit être traitée. C’est ce que je fais depuis plusieurs mois avec détermination. J’ai réussi à mettre le sujet du partage de la valeur et du rôle des intermédiaires techniques à l’ordre du jour du débat européen. J’ai signé des déclarations communes avec mes homologues allemands, italiens, polonais et espagnols sur cette question. La France intervient également auprès de la CJUE.

J’émets donc un avis défavorable à cet amendement, avec regret, mais avec la conviction que ce combat important doit être mené à l’échelon approprié. Soyez assuré que je vais continuer à y travailler.

M. Christian Kert. J’accepte de retirer l’amendement, mais je suis ennuyé que nous apportions pour seule réponse à l’inquiétude de la profession l’incompatibilité avec le droit européen. Je vous remercie pour ces éléments, madame la ministre. De leur côté, les parlementaires doivent réfléchir à une solution alternative.

L’amendement est retiré.

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Article 7 bis (nouveau)
(art. L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle)

Participation de trois représentants des ministres chargés de la culture,
de l’industrie et de la consommation
aux travaux de la commission de la copie privée

La composition de la commission qui détermine les types de support, les taux de rémunération et les modalités de versement de la rémunération pour copie privée est paritaire : elle compte autant d’ayants droit (12 sièges) que de représentants des redevables, directs ou indirects : représentants des fabricants ou importateurs des matériels concernés (6 sièges) et représentants des consommateurs (6 sièges). Un représentant de l’État préside la Commission.

Ce paritarisme est cohérent avec la mission de cette commission, qui est d’évaluer de manière contradictoire le préjudice lié à l’exercice de la copie privée.

Sans remettre en cause le principe du paritarisme, le présent article élargit la composition de la commission de la copie privée afin d’y introduire des experts issus des ministères principalement concernés. La désignation de tiers neutres doit contribuer à renforcer la légitimité du prélèvement, à apaiser le fonctionnement de la commission de la copie privée et à limiter les risques de recours contentieux.

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La Commission examine l’amendement AC351 du Gouvernement.

Mme la ministre. Partageant la volonté, qu’a exprimée votre commission, de consolider le dispositif de rémunération pour copie privée, j’ai consacré beaucoup d’énergie, depuis mon arrivée rue de Valois, à créer les bases d’une reprise du dialogue au sein d’une commission dont les membres éprouvaient – et éprouvent toujours – des difficultés à se parler. Mes efforts n’ont pas été totalement vains, puisque j’ai pu procéder aux nominations nécessaires pour que les travaux reprennent après trois ans d’interruption. Un nouveau président, Jean Musitelli, va prendre ses fonctions.

Pour consolider cette dynamique, et suivant la recommandation de la médiatrice Mme Christine Maugüé, je vous propose de créer au sein de la commission pour la rémunération de la copie privée un pôle public constitué de trois personnalités nommées par les ministres intéressés – culture, industrie et consommation. Ce pôle public pourra assister le président et favoriser le dialogue entre les parties. L’arrivée de trois nouvelles personnalités, caractérisées par leur expertise et la diversité de leurs profils, ne peut qu’aider à la reprise du dialogue.

C’est, avec la recherche d’un plus grand consensus et une meilleure évaluation des usages et des méthodes, l’un des grands axes de la consolidation de la copie privée que votre mission d’information a appelée de ses vœux en juillet.

M. le rapporteur. J’émets un avis évidemment favorable compte tenu de l’origine de cet amendement.

M. Marcel Rogemont. Je souhaite rappeler quelques éléments sur la commission pour la rémunération de la copie privée.

On a pu entendre que les ayants droit y détenaient un pouvoir exorbitant. Je rappelle que ce sont eux qui subissent un préjudice. En Allemagne, les ayants droit fixent eux-mêmes les barèmes et les proposent à l’office des brevets. Il n’est pas anormal que les ayants droit siègent à parité avec les associations et les industriels.

En modifiant ce paradigme du fonctionnement de la commission, en choisissant une majorité différente de celle qu’exprime sa composition, on met en cause l’essence de la commission. Poussant mon raisonnement jusqu’au bout, je vous pose une question, madame la ministre : envisagez-vous de modifier le règlement de la commission qui permet une deuxième délibération à la majorité des deux tiers ? Aucun président n’a utilisé cette faculté, car, y recourir, c’est mettre en minorité les ayants droit. Le mode de fonctionnement ne sera plus du tout le même si l’on change le paradigme.

Je ne suis ni favorable ni défavorable à la participation d’experts avec voix consultative aux travaux de la commission. Pourquoi pas ? Il faut essayer. Même les ayants droit ne s’opposent pas à votre proposition. Mais il faut veiller à conserver le paradigme de la parité entre ayants droit – douze – et représentants des redevables à parts égales entre industriels – six – et consommateurs – six. Dans le cas contraire, ce seront les ayants droit qui seront mis en difficulté, et non plus les redevables.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 7 ter (nouveau)
(art. L. 311-6 du code de la propriété intellectuelle)

Financement des études d’usage pour l’établissement des barèmes
de la rémunération pour copie privée

L’article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle subordonnent l’adoption par la commission de la copie privée des barèmes de la rémunération pour copie privée à la réalisation d’études d’usage préalables.

Le Conseil d’État a précisé la portée de cette obligation dans une décision du 17 juin 2011 en indiquant que la commission de la copie privée « doit apprécier, sur la base des capacités techniques des matériels et de leurs évolutions, le type d’usage qui en est fait par les différents utilisateurs, en recourant à des enquêtes et sondages qu’il lui appartient d’actualiser régulièrement ; que si cette méthode repose nécessairement sur des approximations et des généralisations, celles-ci doivent toujours être fondées sur une étude objective des techniques et des comportements ».

L’importance de ces études est d’autant plus grande que la commission de la copie privée doit prendre en compte, depuis plusieurs années, une diversité croissante des supports utilisables pour la copie privée et des pratiques d’enregistrement dont ils font l’objet.

Afin de renforcer l’indépendance et la transparence des études d’usage, il est proposé qu’une part  limitée à 1 % du montant global de la rémunération pour copie privée puisse être affectée à leur financement.

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Puis elle en vient à l’amendement AC281 de M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Les études d’usage commandées par la commission pour la rémunération de la copie privée ont fait l’objet par le passé de nombreuses contestations et de blocages. Afin d’améliorer la transparence et l’indépendance de l’institution, je propose qu’une part limitée à 1 % du montant global de la rémunération pour copie privée puisse être affectée au financement de ces études. Le code de la propriété industrielle soumet l’adoption des barèmes par la commission à des études d’usage préalables. Le Conseil d’État a rappelé l’utilité de ces études objectives. Or elles sont très coûteuses. Ce nouveau financement devrait permettre de les rendre plus fréquentes.

M. le rapporteur. Au vu de la liste des signataires de cet excellent amendement et dans la perspective de la réélection prochaine du bureau de la commission, je ne peux qu’émettre un avis enthousiaste et favorable. (Sourires.)

Mme la ministre. Je suis favorable à l’amendement. Il est légitime que le rendement de la copie privée, supérieur à 200 millions d’euros, permette de financer les études d’usage qui sont obligatoires depuis 2011. Ces études, qui sont un élément clé de la légitimité du dispositif, sont en effet coûteuses (leur coût représente parfois plusieurs dizaines de milliers d’euros). Je suis d’autant plus favorable à cet amendement que ces études étaient jusqu’à présent financées sur les crédits du ministère de la culture.

En réponse à la question que vous m’avez posée à propos de l’amendement précédent, monsieur Rogemont, je tiens à lever vos inquiétudes. Le paradigme actuel de la commission – douze + six + six – est confirmé dans son équilibre actuel. En outre, il n’est pas prévu à ce stade de modifier le mode de scrutin.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 7 quater (nouveau)
(art. L 321-9 du code de la propriété intellectuelle)

Champ et transparence de l’utilisation des 25 % de la rémunération
pour copie privée affectés au financement d’actions artistiques et culturelles

La rémunération pour copie privée représente aujourd’hui une part capitale du financement de la création française et contribue à la promotion d’une plus grande diversité culturelle. En effet, 25 % des sommes collectées à ce titre sont affectées à des actions d’aides à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation d’artistes (article L. 321-9 du code de la propriété industrielle).

Le 1° du présent article propose d’étendre le champ des actions éligibles à ces 25 % au soutien à l’éducation artistique et culturelle, dispensée par des artistes.

L’article L. 321-9 du CPI précise par ailleurs que le montant et l’utilisation des sommes affectées à des actions d’aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à la formation des artistes font l’objet, chaque année, d’un rapport des sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD) au ministre chargé de la culture et aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Le du présent article vise à rendre publiques ces informations dans une base de données commune à l’ensemble des SPRD. Cette mesure, qui figure parmi les préconisations de la mission d’information parlementaire sur les 30 ans de la copie privée, permettra de renforcer la légitimité de la rémunération pour copie privée du point de vue des redevables et des consommateurs.

Cette légitimité de la rémunération pour copie privée s’apprécie en particulier au regard de son impact sur la création et son renouvellement, sur la vitalité du tissu artistique français et sur l’accompagnement des générations nouvelles d’artistes. Il est donc proposé que la nouvelle base de données commune recense spécifiquement les sommes utilisées par les SPRD afin de renforcer la formation et l’insertion des jeunes artistes, améliorer leurs conditions de vie et de travail et soutenir les nouveaux créateurs dans la diversité des pratiques et des esthétiques.

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La Commission examine, en discussion commune, les amendements AC99 de M. François de Mazières, AC283 de M. Marcel Rogemont et AC350 du Gouvernement.

M. François de Mazières. 25 % des sommes provenant de la rémunération pour copie privée sont utilisées en faveur de trois actions : l’aide à la création, la diffusion du spectacle vivant et la formation des artistes. L’amendement propose d’ajouter un quatrième critère que vous accueillerez certainement avec joie : l’éducation artistique et culturelle.

M. Marcel Rogemont. L’idée qui sous-tend l’amendement AC283 est la même. Mais l’affectation d’une part du rendement de la copie privée à des actions d’éducation artistique et culturelle doit s’accompagner de la participation des artistes et des auteurs – n’oublions pas que la copie privée est liée au préjudice subi par des artistes – à ces actions.

Mme la ministre. L’amendement du Gouvernement devrait satisfaire les auteurs des deux amendements précédents. Il croise deux sujets qui me tiennent particulièrement à cœur : la promotion de l’éducation artistique et culturelle, d’une part, et la consolidation de la rémunération pour copie privée, d’autre part.

Vous avez bien voulu faire de l’éducation artistique et culturelle l’un des objets de la politique de soutien à la création artistique en adoptant un amendement proposé par le Gouvernement à l’article 2.

Je vous propose maintenant d’allouer des moyens supplémentaires – et non alternatifs aux crédits du ministère de la culture – à l’éducation artistique et culturelle en inscrivant cette mission parmi les usages possibles du quart des perceptions de la copie privée que les sociétés de gestion collective doivent consacrer à l’action artistique et culturelle. Il s’agit de reconnaître un quatrième emploi possible de ce quart, qui représente 40 millions d’euros. C’est une ressource nouvelle pour les actions d’éducation artistique et culturelle dont l’emploi sera très décentralisé, selon les pratiques de chacune des sociétés et leur secteur d’activité.

Ce dispositif veille à rester dans l’épure de la rémunération pour copie privée résultant de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui impose que les sommes en cause reviennent au moins indirectement aux ayants droit. Je vous propose donc que les actions concernées fassent intervenir directement des artistes ou des auteurs. C’est au contact direct des créateurs que les publics visés découvriront ainsi l’art et la culture.

M. le rapporteur. Je suis extrêmement favorable à ces trois amendements dont l’objet est identique. Ils participent de la bonne utilisation de la rémunération pour copie privée. Je précise que cette rémunération, née, il y a trente ans, d’une exception au droit d’auteur, n’est pas la réparation d’un préjudice, mais une rémunération. Je remercie tous ceux qui ont pris l’initiative d’instaurer ce quatrième emploi. J’ai une préférence pour la rédaction de l’amendement du Gouvernement, sous réserve de procéder aux coordinations nécessaires.

M. François de Mazières. Nous sommes contents d’avoir pu contribuer à cette réflexion, et nous voterons l’amendement déposé par le Gouvernement.

Les amendements AC99 et AC283 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement AC350.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AC205 et AC217 de Mme Isabelle Attard, et AC280 de M. Marcel Rogemont.

Mme Isabelle Attard. Les nombreux dysfonctionnements de la Commission pour la copie privée se manifestent dans l’élaboration de ses fameux barèmes. Pour essayer de remettre un peu d’ordre et de liant face à cette paralysie de la copie privée, nous souhaitons demander une plus grande transparence en ce qui concerne des données qui devraient être accessibles en open data, comme l’a préconisé la mission d’information sur la copie privée, dont le rapporteur était Marcel Rogemont et la présidente Virginie Duby-Muller. Nous avons déjà évoqué la possibilité de publier ces informations dans un format qui soit accessible à tous, de façon à éviter une telle paralysie. C’est précisément l’objet de l’amendement AC205.

J’en viens à l’amendement AC217. Chaque année, les SPRD rendent un rapport aux commissions culturelles respectives de l’Assemblée nationale et du Sénat. Il nous semble indispensable, pour que les citoyens puissent déterminer par eux-mêmes si ces sociétés répartissent de manière juste et équitable les sommes non négligeables qu’il leur revient de distribuer, que ces rapports soient rendus publics de manière simple et gratuite. C’est pourquoi nous demandons leur publication en ligne et, obligatoirement, dans un format qui ne restreigne pas indûment l’exploitation des informations publiées.

M. Marcel Rogemont. Chaque année, le montant et l’utilisation des sommes affectées à des actions d’aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et, à l’avenir, en partie, à l’éducation artistique et culturelle font l’objet d’un rapport des sociétés de perception et de répartition des droits au ministre chargé de la culture et aux commissions permanentes compétentes chargées de la culture du Sénat et de l’Assemblée.

L’amendement AC280 reprend la proposition n° 11 du rapport d’information publié en conclusion des travaux de la mission sur le bilan et les perspectives de trente ans de copie privée : « mettre en place une base de données regroupant l’ensemble des sommes versées par les SPRD au titre de l’action artistique et culturelle, consultable en ligne, gratuitement et dans un format ouvert ». Il est important que tous les citoyens aient accès à ces données dès lors qu’ils sont les premiers contributeurs.

M. le rapporteur. En tant que président de notre commission, je suis destinataire de ce rapport ; je suis donc mal placé pour justifier de vouloir, d’une certaine manière, le garder pour moi. Je suis donc favorable aux propositions formulées par les auteurs de ces amendements, mais je souhaiterais que soit retenue la rédaction proposée par Marcel Rogemont. Bien évidemment, j’ai le plus grand respect pour ceux qui ont travaillé à la rédaction des autres amendements, d’autant que, en ce qui concerne l’extension de la rémunération équitable dans le domaine du webcasting, j’avais en quelque sorte pris date, madame Attard.

Mme la ministre. Je suis favorable à l’amendement AC280 de M. Rogemont, car il est de nature à permettre une meilleure connaissance et une meilleure efficacité des actions artistiques et culturelles conduites par les sociétés de gestion collective avec le quart des sommes collectées au titre de la rémunération pour copie privée. La méthode proposée m’intéresse aussi particulièrement : imposer aux sociétés la mise en place d’une base de données unique et librement accessible en ligne. Enfin, je partage, évidemment, monsieur le député, votre souci de soutenir la jeune création.

Je prie Mme Attard de bien vouloir retirer ses propres amendements au profit de celui de M. Rogemont. La mention spécifique des actions dédiées à la jeune création me semble compléter de manière intéressante la proposition qu’elle-même a formulée.

Les amendements AC205 et AC217 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement AC280.

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Article 8
(art. L. 212-24 à L. 213-37 [nouveaux] du code du cinéma et de l’image animée)

Transparence des comptes de production
et d’exploitation des œuvres cinématographiques

Le présent article a pour objet de créer, après le chapitre III du titre Ier du livre II du code du cinéma et de l’image animée (CCIA), un chapitre III bis destiné à améliorer la transparence des comptes de production et d’exploitation des œuvres cinématographiques de longue durée, dans le prolongement des préconisations du rapport de M. René Bonnell de décembre 2013 sur le financement de la production et de la distribution cinématographique à l’heure du numérique.

1. La situation actuelle

Comme le souligne l’étude d’impact annexée au projet de loi, l’exigence de transparence résulte, de manière générale, de la spécificité de l’industrie cinématographique et de son modèle économique tenant à la solidarité qui sous-tend les relations économiques entre les multiples intervenants, des auteurs aux différentes personnes auxquelles a été confiée l’exploitation de l’œuvre, en raison du principe de la rémunération au pourcentage des ayants droit.

Plus particulièrement, le secteur de la production cinématographique, caractérisé par des montages complexes de financement impliquant de multiples acteurs, doit constamment renforcer ses exigences de transparence économique tant sur le coût des œuvres que sur la réalité des remontées de recettes ou encore l’état d’amortissement des investissements des différents intervenants : chaînes de télévision, SOFICA, distributeurs, établissements financiers, etc.

Le rapport de M. René Bonnell de décembre 2013 a souligné la nécessité de renforcer la transparence des relations entre acteurs, notamment quant aux rendus de comptes, et de clarifier la pratique des mandats groupés en soulignant que la transparence et le partage de la recette représentaient un axe stratégique de l’amélioration du financement.

En effet, une transparence accrue est absolument essentielle au dynamisme de la filière :

– au regard du cas fréquent de financements s’appuyant sur un mécanisme de garanties croisées, où des mandats cédés sur plusieurs marchés (télévision, salle, vidéo, export) peuvent se compenser les uns les autres lorsqu’ils sont « groupés » par un même distributeur ;

– pour diversifier les sources de financement (coproducteurs, investisseurs extérieurs au secteur) – diversification rendue nécessaire par la contraction des sources traditionnelles de financement ;

– pour éviter la tendance des différents intervenants à s’assurer une rémunération en amont de la sortie des œuvres en salles afin de réduire leur risque, parfois au détriment de la rentabilité possible du film et de sa cohérence économique et commerciale. Cette tendance est par ailleurs source d’inflation des devis et de certaines rémunérations sur le film.

La transparence dans le secteur s’améliore mais doit encore progresser. La signature le 16 décembre 2010 entre les organisations professionnelles de producteurs et les organismes d’auteurs d’un protocole d’accord relatif à la transparence dans la filière cinématographique a permis de répondre à un objectif de plus grande lisibilité et de meilleure transparence du partage des recettes générées par les différents modes de valorisation des œuvres cinématographiques de longue durée. Ce protocole d’accord a pour objet de définir un coût uniforme de l’œuvre cinématographique, ainsi que les sommes et les recettes prises en compte pour l’amortissement de ce coût opposable aux auteurs. Ce protocole a été étendu par arrêté du 7 février 2011 sur le fondement de l’article L. 132-25 du CPI.

Dans le cadre de l’attribution des aides à la production, le CNC peut diligenter des audits comptables des films aidés, sélectionnés de façon aléatoire, en tenant compte des stipulations de ce protocole d’accord.

Cependant, de manière plus générale, la transparence n’est pas toujours respectée et en l’état de la réglementation, elle ne s’applique aujourd’hui qu’aux rapports entre producteurs et auteurs dans le cadre du protocole d’accord étendu précité. Le projet de loi propose d’étendre cette transparence à l’ensemble de la filière, en particulier aux rapports entre producteurs et financeurs et entre producteurs et mandataires ou cessionnaires.

2. Le dispositif proposé par le projet de loi initial

a. Transparence des comptes de production (alinéas 4 à 17 du présent article)

● Obligations des producteurs délégués

Le premier alinéa du nouvel article L. 213-24 (alinéa 8 du présent article) impose au producteur délégué d’une œuvre cinématographique de longue durée, admise au bénéfice des aides financières à la production du CNC, d’établir et de transmettre le compte de production de l’œuvre à ses coproducteurs et cofinanceurs intéressés aux recettes, ainsi qu’aux auteurs dans les huit mois suivant la date de délivrance du visa d’exploitation.

La définition de l’œuvre cinématographique de longue durée est prévue à l’article D. 210-1 du CCIA : « L’œuvre cinématographique de longue durée est celle dont la durée de projection en salles de spectacles cinématographiques est supérieure à une heure. » Selon les précisions fournies au rapporteur, eu égard à l’économie particulière du court-métrage dans laquelle les impacts financiers sont très limités, la mesure n’est pas apparue nécessaire.

Quant aux conditions d’admission des œuvres au bénéfice des aides financières à la production, elles sont prévues par les articles 211-5 à 211-13 du règlement général des aides financières du CNC (RGA). Il s’agit essentiellement de conditions artistiques et techniques de réalisation. L’œuvre doit tout d’abord être réalisée avec le concours de studios et de laboratoires établis en France ou en Europe. Elle doit ensuite être une œuvre européenne au sens de l’article 6 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990. Enfin, elle doit obtenir un certain nombre de points sur un barème établi pour chaque genre d’œuvre (fiction, animation et documentaire), liés à l’entreprise de production, à la langue de tournage, aux auteurs, artistes et collaborateurs de création, aux conditions de tournage et de post-production.

Selon les précisions fournies par le CNC, en moyenne 200 à 210 films par an seront concernés par ces obligations.

Comme indiqué précédemment, en dehors des situations couvertes par le protocole d’accord étendu du 16 décembre 2010 qui vise uniquement les relations entre auteurs et producteurs, il n’y a aujourd’hui aucune obligation en matière de transparence des comptes de production. La pratique actuelle correspond donc à un usage contractuel, d’où la nécessité, à travers cette disposition, de rendre obligatoire et systématique l’établissement et la transmission des comptes de production.

La transmission du compte de production devra avoir lieu « dans les huit mois suivant la date de délivrance du visa d’exploitation ». Les conditions de délivrance du visa d’exploitation cinématographique sont prévues aux articles R. 211-1 à R. 211-49 du CCIA. Le visa est demandé pour une œuvre achevée par le producteur ou un mandataire habilité. Il est délivré par le ministre chargé de la culture après mise en œuvre d’une procédure consultative auprès de la commission de classification des films.

Selon les précisions transmises par le CNC, le délai proposé pour la transmission du compte correspond au délai maximal posé par l’article 211-63 du RGA pour demander l’agrément de production, qui constitue la décision d’attribution à titre définitif d’une aide à la production. Les éléments nécessaires pour déposer le dossier d’aide définitif une fois l’œuvre achevée permettent en effet au producteur délégué d’arrêter les comptes de production. Par parallélisme, le producteur délégué dispose donc du même délai pour fournir au CNC les comptes définitifs de l’œuvre et pour transmettre les rendus de comptes à ses partenaires financiers.

S’agissant des destinataires du compte de production de l’œuvre mentionnés par le premier alinéa de l’article L. 213-24, les « coproducteurs » sont les copropriétaires indivis des droits corporels et incorporels de l’œuvre. En contrepartie de leur apport à la coproduction, ils bénéficient d’une part de propriété sur ces droits et d’un droit à recettes. Le contrat de coproduction désigne le producteur qui assume les fonctions de producteur délégué au nom et pour le compte de la coproduction.

Les « entreprises avec lesquelles est conclu un contrat de financement leur conférant un intéressement aux recettes d’exploitation » participent au financement de l’œuvre et acquièrent en contrepartie un droit sur les recettes. Contrairement aux coproducteurs, elles ne sont pas copropriétaires de l’œuvre. Il s’agit par exemple des SOFICAS lorsqu’elles interviennent dans le cadre de contrat d’association à la production.

Les « auteurs avec lesquels le producteur délégué est lié par un contrat de production audiovisuelle au sens de l’article L. 132-24 du CPI » sont les auteurs de l’œuvre qui ont cédé leurs droits d’exploitation (représentation et reproduction) au producteur délégué. Les auteurs d’une œuvre audiovisuelle sont énumérés à l’article L. 113-7 du CPI : « Ont la qualité d’auteur d’une œuvre audiovisuelle la ou les personnes physiques qui réalisent la création intellectuelle de cette œuvre. Sont présumés, sauf preuve contraire, coauteurs d’une œuvre audiovisuelle réalisée en collaboration :

1° L’auteur du scénario ;

2° L’auteur de l’adaptation ;

3° L’auteur du texte parlé ;

4° L’auteur des compositions musicales avec ou sans paroles spécialement réalisées pour l’œuvre ;

5° Le réalisateur.

Lorsque l’œuvre audiovisuelle est tirée d’une œuvre ou d’un scénario préexistants encore protégés, les auteurs de l’œuvre originaire sont assimilés aux auteurs de l’œuvre nouvelle. »

Conformément aux articles L. 131-4 et L. 132-25 du CPI, les auteurs bénéficient d’une rémunération proportionnelle aux recettes d’exploitation ou au prix payé par le public.

Le deuxième alinéa de l’article L. 213-24 du CCIA (neuvième alinéa du présent article) précise la notion de compte de production qui « comprend l’ensemble des dépenses engagées pour la préparation, la réalisation et la post-production de l’œuvre et en arrête le coût définitif ».

Les dépenses de préparation du film recouvrent l’ensemble des dépenses engagées avant le tournage, soit les dépenses des différentes phases du travail d’écriture (option et achat de droits d’adaptation cinématographique d’œuvre littéraire ou de scénario original, écriture et réécriture, recherches et documentation), les frais éventuels de traduction, le versement de droits musicaux, les conseils juridiques, les frais de repérage de tournage, etc.

Les dépenses de réalisation correspondent aux dépenses engagées pendant le tournage (salaires des artistes et techniciens, location de studios de tournage, construction de décors, costumes, effets spéciaux de tournage, dépenses de matériels techniques, etc.).

Les dépenses de post-production recouvrent l’ensemble des dépenses réalisées après le tournage : laboratoire, travaux sur les images (étalonnage, effets spéciaux,…) et le son (montage, mixage), effets spéciaux numériques, etc.

Le premier alinéa du nouvel article L. 213-25 du CCIA (alinéa 10 du présent article) précise que la forme du compte de production ainsi que la définition des différentes catégories de dépenses qui le composent devront être déterminées par accord professionnel conclu entre les organisations professionnelles représentatives des producteurs d’œuvres cinématographiques de longue durée, les organismes professionnels d’auteurs et les sociétés de perception et de répartition des droits mentionnés au titre II du livre III du CPI (en pratique la Société des auteurs et compositeurs dramatiques – SACD, la Société civile de perception et de répartition des auteurs-réalisateurs et producteurs indépendants – ARP et la Société civile des auteurs multimédia – SCAM).

Le recours prioritaire à un accord professionnel est particulièrement pertinent sur les questions de comptes de production et donc de définition des dépenses de production, qui se situent au cœur des pratiques et usages du secteur dont les professionnels ont nécessairement la connaissance la plus fine. Leur expérience directe de la production leur permettra de déterminer de manière précise et adéquate le contenu de ces comptes, au plus proche des réalités économiques. L’accord professionnel est ainsi la garantie d’une réglementation la plus adaptée à la pratique et donc mieux acceptée et appliquée par les professionnels concernés. L’accord constitue enfin un instrument juridique souple pouvant plus facilement être modifié pour tenir compte des évolutions artistiques et techniques du processus de production.

Selon les précisions fournies par le CNC, le protocole d’accord étendu du 16 décembre 2010 relatif à la transparence dans la filière cinématographique constitue déjà une bonne base pour la conclusion d’un nouvel accord plus général en la matière. Le CNC s’efforce de rapprocher les SPRD, les organismes d’auteurs et les organisations de producteurs en ce sens.

L’accord pourra être rendu obligatoire « à l’ensemble des intéressés du secteur d’activité concerné par arrêté de l’autorité compétente de l’État ». De manière classique, l’extension de l’accord est subordonnée à sa représentativité. Il devra ainsi, comme le prévoit le texte, avoir été signé par des organisations professionnelles « représentatives » du secteur de la production cinématographique, c’est-à-dire représentant les différents types d’entreprises de production (grandes entreprises et production indépendante). La formulation « ensemble des intéressés du secteur d’activité concerné » est classique et consacrée dans ce type de disposition sur l’extension d’accords professionnels (article L. 132-25 du CPI sur les accords relatifs à la rémunération des auteurs ; articles L. 232-1 et L. 233-1 du CCIA en matière de chronologie des médias). En l’espèce, cela implique que l’accord sera rendu obligatoire à l’ensemble des entreprises de production. Quant à « l’autorité compétente de l’État », il s’agit du ministre chargé de la culture.

Le deuxième alinéa de l’article L. 213-25 du CCIA (alinéa 11 du présent article) précise qu’à défaut d’accord professionnel dans le délai d’un an à compter de la publication de la loi, la forme du compte de production ainsi que la définition des dépenses de préparation, de réalisation et de post-production seront fixées par décret en Conseil d’État. Un délai d’un an laisse le temps nécessaire aux négociations professionnelles sur un sujet important et complexe puis au processus d’extension de l’accord.

Pour garantir la bonne information des acteurs, le nouvel article L. 213-26 (douzième alinéa du présent article) précise que le contrat de production, le contrat de financement ainsi que le contrat de production audiovisuelle doivent comporter une clause rappelant les obligations résultant de l’article L. 213-24.

● Audit des comptes de production

L’article L. 213-27 du CCIA (alinéas 15 à 17 du présent article) précise que le CNC pourra, dans les trois ans suivant la date de délivrance du visa d’exploitation cinématographique, procéder ou faire procéder par un expert indépendant à un audit du compte de production ayant pour objet de contrôler la régularité et la sincérité du compte. À cet effet, le producteur délégué devra transmettre au CNC ou à l’expert indépendant tous les documents ou pièces utiles à la réalisation de l’audit.

Le CNC transmettra le rapport d’audit au producteur délégué et aux destinataires du compte d’exploitation établi initialement par le producteur délégué.

Selon les précisions transmises par le CNC, un délai de trois ans pour procéder ou faire procéder à l’audit correspond à un cycle d’exploitation d’une œuvre cinématographique (salle, vidéo à la demande payante à l’acte, services de cinéma, services de télévision en clair et payants autres que ceux de cinéma, vidéo à la demande par abonnement). Le cycle commercial de l’œuvre se clôt par son exploitation par un service de vidéo à la demande par abonnement à l’expiration d’un délai de 36 mois à compter de la sortie nationale en salle du film.

Dans le cadre du protocole d’accord étendu relatif à la transparence dans la filière cinématographique signé le 16 décembre 2010, le CNC diligente déjà chaque année des audits comptables de dix films ayant bénéficié d’une aide à la production. Les audits sont confiés à des experts indépendants (experts comptables ou commissaires aux comptes). Les cabinets d’audits sont choisis dans le cadre d’un marché public multi-attributaire avec trois cabinets choisis pour écarter tout risque de conflits d’intérêt. Selon les précisions fournies par le CNC, pour les audits relatifs à l’article L. 213-27 (comme pour ceux visés à l’article L. 213-35), la même procédure pourra être suivie.

b. Transparence des comptes d’exploitation (alinéas 18 à 52 du présent article)

● Obligations des cessionnaires de droits d’exploitation ou des détenteurs de mandats de commercialisation

Le premier alinéa du nouvel article L. 213-28 du CCIA prévoit que « tout cessionnaire de droits d’exploitation ou détenteur de mandats de commercialisation d’une œuvre cinématographique de longue durée admise au bénéfice des aides financières à la production du Centre national du cinéma et de l’image animée doit, dans les six mois suivant la sortie en salles puis au moins une fois par an pendant la durée d’exécution du contrat conclu avec le producteur délégué, établir et transmettre à ce dernier le compte d’exploitation de cette œuvre ».

Le « compte d’exploitation » est un document comptable qui exprime le résultat réalisé à travers l’activité du cessionnaire de droits d’exploitation ou du détenteur de mandats de commercialisation d’une œuvre cinématographique de longue durée. Ce document présente donc l’ensemble des produits et des charges.

Les notions de « cessionnaire de droits d’exploitation » et de « détenteurs de mandats de commercialisation » permettent de viser les deux modalités juridiques distinctes existant dans le cadre des relations contractuelles entre les producteurs et leurs partenaires chargés de l’exploitation de l’œuvre.

Dans le cas du cessionnaire, un contrat de cession ou de concession de droits d’exploitation est conclu avec le producteur. Le cessionnaire acquiert ainsi pour une durée et des territoires donnés certains droits d’exploitation de l’œuvre. Il exploite l’œuvre pour son propre compte et encaisse les recettes d’exploitation correspondantes. Le producteur peut céder ses droits moyennant une somme forfaitaire et/ou un intéressement aux recettes.

Dans le cas du détenteur de mandat ou mandataire, un contrat de mandat est conclu avec le producteur. Le détenteur de mandat assure la commercialisation de l’œuvre pour le ou les modes d’exploitation concernés au nom et pour le compte du producteur. Il se rémunère par une commission sur les recettes d’exploitation et fait remonter la part de ces recettes revenant au producteur après amortissement de ses coûts.

Selon les précisions transmises par le CNC, s’agissant de l’établissement de comptes d’exploitation, il est nécessaire d’attendre un délai minimum pour que l’œuvre ait pu faire l’objet d’une exploitation significative. Or, le délai de six mois correspond à un cycle moyen d’exploitation d’une œuvre cinématographique en salle de spectacle cinématographique et un début d’exploitation en vidéo à la demande à l’acte (pouvant débuter quatre mois après la sortie salle).

La fréquence annuelle paraît ensuite être une fréquence raisonnable d’établissement et de transmission des comptes d’exploitation de l’œuvre par le cessionnaire des droits ou le détenteur de mandats au CNC. Cette fréquence est d’ailleurs retenue dans le cadre du CPI pour la fourniture par le producteur à l’auteur d’un état des recettes provenant de l’exploitation de l’œuvre (article L. 132-28).

Les alinéas suivants du nouvel article L. 213-28 du CCIA (alinéas 23 à 31 du présent article) définissent plus précisément la notion de compte d’exploitation qui devra notamment indiquer :

1° Le « montant des encaissements bruts réalisés » : selon les précisions fournies par le CNC, par « encaissements bruts », on entend l’ensemble des sommes hors taxes effectivement encaissées par le cessionnaire de droits d’exploitation ou détenteur de mandats de commercialisation d’une œuvre cinématographique de longue durée du fait des contrats conclus en vue de l’exploitation du film dans le territoire et par les modes visés au sein du mandat.

2° Le « prix payé par le public lorsque celui-ci est connu par le cessionnaire de droits d’exploitation ou le détenteur de mandats de commercialisation ». Le prix payé par le public est le prix acquitté pour recevoir communication d’une œuvre individualisée. Il existe donc un prix payé par le public dans le cas de l’exploitation en salles, de la vidéo à la demande à l’acte ou encore de la vente ou location en vidéo physique. Toutefois, dans ce dernier cas par exemple, en raison de la multitude et de la variété des points de vente existants, il n’est pas possible au mandataire ou au cessionnaire de connaître l’intégralité des prix pratiqués. L’information ne porte alors que sur les encaissements réalisés.

 Le « montant des coûts d’exploitation » : celui-ci correspond à l’ensemble des frais associés à l’exploitation de l’œuvre par le cessionnaire de droits d’exploitation ou le détenteur de mandats de commercialisation. À titre d’exemple, pour le distributeur en salles d’un film, il s’agit des coûts techniques, des achats d’espaces publicitaires, de la conception et du tirage du matériel publicitaire, du coût de promotion et de mission.

4° Le « montant de la commission éventuellement retenue » : il s’agit d’une commission retenue par le détenteur de mandats de commercialisation. Ainsi par exemple, le distributeur en salles ou le distributeur vidéographique encaissent une commission de distribution qui est leur source de revenu et qui se calcule en appliquant un pourcentage sur les encaissements bruts.

5° L’« état d’amortissement des coûts d’exploitation et des minimas garantis éventuellement consentis » : il est obtenu en déduisant des encaissements bruts hors taxes les coûts d’exploitation, la commission et les minima garantis.

6° Le « montant des recettes nettes revenant au producteur » : il s’agit de la recette revenant au producteur après rémunération du cessionnaire de droits d’exploitation ou du détenteur de mandats de commercialisation, et après déduction des coûts d’exploitation.

Le neuvième alinéa du nouvel article L. 213-28 (alinéa 30 du présent article) précise que le compte devra « faire mention des aides financières perçues par le cessionnaire de droits d’exploitation ou par le détenteur de mandats de commercialisation, à raison de l’exploitation de l’œuvre ». Il s’agit des aides pouvant être attribuées aux différents mandataires ou cessionnaires (aides automatiques et sélectives à la distribution en salles ou en faveur des éditeurs vidéographiques et des éditeurs de vidéo à la demande).

Le compte devra également indiquer « la part des frais généraux supportés par le cessionnaire des droits d’exploitation ou le détenteur de mandats de commercialisation se rapportant à l’œuvre ». Les frais généraux sont les frais de structure et c’est pourquoi le compte de production doit uniquement indiquer la quote-part des frais généraux qui peuvent se rapporter à l’exploitation de l’œuvre faisant l’objet d’un contrat de cession de droits d’exploitation ou d’un mandat de commercialisation.

Le dernier alinéa du nouvel article L. 213-28 (alinéa 31 du présent article) précise que le montant des encaissements bruts réalisés, le prix payé par le public, le montant des coûts d’exploitation et le montant de la commission éventuellement retenue sont fournis pour chaque mode d’exploitation de l’œuvre en France ainsi que pour chaque territoire d’exploitation de l’œuvre à l’étranger. La plupart des éléments composant le compte d’exploitation doivent ainsi être indiqués pour chaque mode d’exploitation : le cessionnaire des droits ou détenteur de mandats peut en effet détenir des droits ou des mandats pour un ou plusieurs modes d’exploitation selon le contrat qui a été conclu avec le producteur délégué : la salle, la vidéo, l’étranger…

Un distributeur qui détient les droits en salles, vidéographiques et étranger, devra donc remettre un compte d’exploitation couvrant chacun de ces trois modes d’exploitation. De même, les droits et mandats peuvent couvrir un certain nombre de territoire. Chaque territoire devra avoir été pris en compte dans l’établissement du compte d’exploitation qui sera présenté pour chaque territoire. Cependant, selon les précisions fournies par le CNC, l’état d’amortissement des coûts et le montant des recettes revenant au producteur ne doivent pas être obligatoirement fournis par mode d’exploitation afin de tenir compte du cas des mandats groupés.

Comme pour les comptes de production et pour les mêmes raisons que celles évoquées plus haut, le nouvel article L. 213-9 du CCIA (alinéas 32 et 33 du présent article), précise que « la forme du compte d’exploitation, ainsi que la définition des encaissements bruts, des coûts d’exploitation et des frais généraux d’exploitation sont déterminées par accord professionnel conclu entre les organisations représentatives des producteurs d’œuvres cinématographiques de longue durée, les organisations professionnelles représentatives des cessionnaires de droits d’exploitation ou des détenteurs de mandats de commercialisation de ces œuvres, les organismes professionnels d’auteurs et les sociétés de perception et de répartition des droits mentionnées au titre II du livre III du code de la propriété intellectuelle. L’accord peut être rendu obligatoire à l’ensemble des intéressés du secteur d’activité concerné par arrêté de l’autorité compétente de l’État ». Sont donc concernées les organisations professionnelles de producteurs, de distributeurs, du secteur de la vidéo et de la vidéo à la demande, les organisations professionnelles représentant les vendeurs à l’étranger, les organismes professionnels d’auteurs et les trois sociétés de perception et de répartition des droits précitées (SACD, ARP et SCAM).

À défaut d’accord professionnel rendu obligatoire dans le délai d’un an à compter de la publication de la loi, la forme du compte d’exploitation, ainsi que la définition des encaissements bruts, des coûts d’exploitation et des frais généraux d’exploitation, seront fixées par décret en Conseil d’État.

Pour garantir la bonne information des acteurs, le nouvel article L. 213-30 (alinéa 34 du présent article) précise que le contrat de cession de droits d’exploitation ou le contrat de mandat de commercialisation doivent comporter une clause rappelant les obligations résultant des articles L. 213-28 et L. 213-29.

Le nouvel article L. 213-31 du CCIA (alinéa 35 du présent article) précise que « les dispositions de la présente sous-section ne sont pas applicables aux concessions de droits de représentation en salles de spectacles cinématographiques et aux cessions de droits de diffusion à un éditeur de services de télévision ». Il exclut donc expressément du champ de l’obligation de transparence des comptes d’exploitation deux types de contrats pour lesquelles elle n’est en effet pas nécessaire.

Il s’agit tout d’abord des contrats de concession des droits de représentation cinématographique conclus entre distributeurs et exploitants de salles, dans la mesure où la transparence est déjà garantie par le biais du dispositif législatif et réglementaire de contrôle des recettes d’exploitation cinématographique par le CNC. En effet, le dispositif de contrôle des recettes d’exploitation cinématographique prévoit une transmission au CNC par les exploitants d’une déclaration de recettes hebdomadaire pour chaque film représenté comportant des informations précises (3° de l’article L. 212-32 et article D. 212-88 du CCIA). Le bordereau de déclaration de recettes est également adressé aux distributeurs intéressés (articles D. 212-89) qui sont donc parfaitement informés des recettes d’exploitation de l’œuvre.

Cela concerne ensuite les contrats de cession de droits de diffusion aux chaînes de télévision puisque ces droits sont acquis pour un montant forfaitaire et ne donnent pas lieu à une commercialisation par les chaînes. Il n’est donc pas utile de prévoir à ce titre l’établissement de compte d’exploitation par l’éditeur, d’où l’exclusion des cessions de droits de diffusion par l’article L. 213-31.

● Obligations des producteurs délégués

En application du nouvel article L. 213-32 du CCIA (alinéa 38 du présent article), le producteur délégué devra transmettre le compte d’exploitation qui lui est remis aux autres coproducteurs, aux entreprises avec lesquelles il est lié par un contrat de financement leur conférant un intéressement aux recettes d’exploitation, ainsi qu’aux auteurs avec lesquels il est lié par un contrat de production audiovisuelle. Cette transmission tiendra lieu, pour ces derniers, de la fourniture de l’état des recettes prévue à l’article L. 132-28 du code de la propriété intellectuelle.

Le nouvel article L. 213-33 du CCIA (alinéas 39 et 40 du présent article) prévoit le cas dans lequel le producteur délégué prend directement en charge la commercialisation de l’œuvre pour tel ou tel mode d’exploitation sans passer par un mandataire ou un cessionnaire. Pour assurer également la transparence dans ce cas, il est logique que, dans ce cas, ce soit le producteur qui établisse le compte d’exploitation puis le transmette à ses partenaires financiers et aux auteurs comme il le fait lorsque celui-ci est établi par un mandataire ou un cessionnaire. Si cette situation est très rare pour l’exploitation en salles, elle peut se présenter pour les autres modes notamment la vidéo à la demande.

Le nouvel article L. 213-34 du CCIA (alinéa 41 du présent article) précise que « lorsqu’un contrat de cession de droits de diffusion d’une œuvre cinématographique à un éditeur de services de télévision prévoit une rémunération complémentaire en fonction des résultats d’exploitation de cette œuvre en salles de spectacles cinématographiques, le producteur délégué joint à la transmission du compte d’exploitation prévue aux articles L. 213-32 et L. 213-33 les informations relatives au versement de cette rémunération ».

La diffusion télévisuelle d’une œuvre ne générant pas de recettes d’exploitation, il n’est pas utile de prévoir à ce titre l’établissement de compte d’exploitation par l’éditeur, d’où l’exclusion des cessions de droits de diffusion dans l’article L. 213-31. Les contrats peuvent toutefois prévoir un dispositif dit de « prime au succès » (ce dispositif résulte des accords professionnels conclus entre les organisations de producteurs et les chaînes cinéma Canal plus et OCS). Il consiste pour la chaîne à verser au producteur une rémunération complémentaire, en sus du montant initial des droits de diffusion, dès lors que l’œuvre a dépassé un certain nombre d’entrées en salles. Dans la mesure où il s’agit d’une recette liée aux résultats d’exploitation de l’œuvre, il est logique, par cohérence, comme pour les autres recettes revenant au producteur devant figurer dans le compte d’exploitation, que celui-ci transmette à ses partenaires financiers et auteurs, une information sur le versement de cette prime.

● Audit des comptes d’exploitation

Comme pour les comptes de production, le nouvel article L. 213-35 du CCIA (alinéas 44 à 47 du présent article) prévoit que le CNC peut procéder ou faire procéder par un expert indépendant à un audit du compte d’exploitation. Cet audit a pour objet de contrôler la régularité et la sincérité du compte.

À cet effet, le cessionnaire de droits d’exploitation, le détenteur de mandats de commercialisation ou, le cas échéant, le producteur délégué, transmet au CNC ou à l’expert indépendant tous les documents ou pièces utiles à la réalisation de l’audit.

Le CNC transmet le rapport d’audit au cessionnaire de droits d’exploitation ou au détenteur de mandats de commercialisation, ainsi qu’au producteur délégué. Dans le cas prévu à l’article L. 213-33, le rapport d’audit est transmis au seul producteur délégué.

Enfin, dans un délai fixé par voie réglementaire le producteur délégué transmet ce rapport aux coproducteurs. Il porte également à la connaissance de « toute personne physique ou morale avec laquelle il a conclu un contrat conférant à cette personne un intéressement lié à l’exploitation de l’œuvre », les informations relatives à cet intéressement. Le recours à un délai fixé par voie réglementaire a été prévu pour plus de souplesse.

Pour la transmission par le producteur du compte d’exploitation (article L. 213-32), s’agissant d’une obligation récurrente (le compte étant transmis par les mandataires ou cessionnaires une fois par an), celle-ci a été ciblée sur les acteurs principaux, à savoir les coproducteurs, les partenaires financiers intéressés aux recettes et les auteurs. En revanche, le champ de la transmission du rapport d’audit (article L. 213-35) est un peu plus large. Outre les coproducteurs identifiés comme tels, la transmission concerne en effet « toute personne physique ou morale avec laquelle il a conclu un contrat conférant à cette personne un intéressement lié à l’exploitation de l’œuvre ». Cette notion recouvre non seulement, comme dans le cas précédent, les auteurs et les partenaires financiers intéressés aux recettes mais aussi toute autre personne dont le contrat prévoit un intéressement aux recettes, comme par exemple un artiste-interprète ou un technicien, qui peut légitimement à ce titre être intéressé par le contrôle de la bonne mise en œuvre des obligations de transparence. Cette transmission plus large quant aux destinataires de l’information sera en revanche plus ponctuelle (seulement en cas d’audit).

Le nouvel article L. 213-36 du CCIA (alinéas 48 à 51 du présent article) vise les accords professionnels pouvant être étendus au titre de l’article L. 132-25 du CPI relatifs à la rémunération des auteurs. Ceux-ci peuvent en effet, comme c’est le cas du protocole d’accord de 2010 relatif à la transparence dans la filière cinématographique, comporter des stipulations relatives au coût de production, à son amortissement et aux recettes d’exploitation. Même si ces accords peuvent être pris en compte dans le cadre des audits pouvant être menés au titre du contrôle des aides du CNC (articles 211-18, 211-19 et 211-20 du RGA), il est cohérent, pour disposer d’un mécanisme de transparence global et complet au niveau de la loi, de prévoir également le cas particulier de ces accords.

Enfin, le nouvel article L. 213-37 du CCIA (alinéa 52 du présent article) précise qu’un décret fixera les conditions d’application du chapitre III bis du CCIA relatif à la transparence des comptes de production et d’exploitation. Le décret d’application fixera notamment les modalités de transmission des comptes et des rapports d’audit.

Comme le précise l’étude d’impact annexée au projet de loi, le CNC vise à auditer environ 40 films par an, soit un quart de la production de films d’initiative française. Les audits ont vocation à couvrir tant les coûts de production que les résultats d’exploitation des films. Or, l’exploitation des films peut être assurée par une ou plusieurs sociétés de distribution, selon les modes d’exploitation et les cas de figure (totalité des mandats cédés à une même société, ou mandats répartis entre plusieurs sociétés mandataires). En moyenne, trois sociétés seraient à auditer par film, sur un prix de prestation, au regard des marchés passés par le CNC par le passé, d’une moyenne 5 000 euros. Le coût total prévu de ces audits serait donc de l’ordre de 600 000 euros par an.

3. Les modifications apportées par la Commission

Après l’alinéa 29, la Commission a inséré un nouvel alinéa précisant que « Le montant des coûts d’exploitation ainsi que l’état d’amortissement de ces coûts mentionnés aux 3° et 5° ne sont indiqués que lorsqu’ils sont pris en compte pour le calcul du montant des recettes nettes revenant au producteur ».

Il s’agit, par cette précision, de tenir compte de la spécificité de certains modèles de partage de revenus entre le mandataire ou cessionnaire et le producteur. Dans un modèle classique de partage de revenus, il y a en effet un certain nombre de coûts opposables par le mandataire (frais de sorties salles pour le distributeur, frais d’édition vidéo physiques pour le distributeur vidéographique, etc.). Toutefois, à titre d’exemple, dans le secteur de la vidéo à la demande (VàD), le modèle de partage de revenus ne fonctionne pas de cette manière. Il n’y a pas à proprement parler de coûts d’exploitation opposables qui servent à déterminer le revenu qui sera partagé entre l’éditeur VàD et le producteur délégué. En effet, l’activité de la VàD est organisée sur un mode de partage de revenu basé sur le prix public, sans déduction des coûts d’exploitation ou de frais de commercialisation. Ainsi, contrairement aux autres modes d’exploitation des œuvres cinématographiques, l’éditeur de VàD n’oppose pas à son co-contractant de frais variables, quels qu’ils soient.

Il est donc proposé que le montant des coûts d’exploitation ainsi que l’état d’amortissement de ces coûts ne soient indiqués que lorsqu’ils sont pris en compte pour le calcul des recettes nettes revenant au producteur.

À l’alinéa 31, la Commission a par ailleurs précisé les éléments fournis dans le compte d’exploitation s’agissant de l’état d’amortissement des coûts et des recettes revenant au producteur pour tenir compte du cas des mandats dits groupés ou « crosscollatéralisés ».

En effet dans ce cas, le mandataire mutualise les risques en se donnant la possibilité de « compenser » entre eux les coûts et les résultats afférents aux différents modes d’exploitation couverts par le mandat. Tel est le cas également des mandats pour l’exploitation à l’étranger qui couvrent généralement plusieurs modes d’exploitation sur les territoires concernés. Les informations relatives à l’amortissement et aux recettes revenant au producteur visés ne sont pas systématiquement individualisables.

Pour lever toute ambigüité sur l’inclusion de ces éléments dans le champ du compte d’exploitation, il est donc précisé que l’état d’amortissement des coûts et les recettes revenant au producteur sont fournis par mode d’exploitation lorsqu’ils sont individualisables, ce qui implique, dans le cas contraire, qu’ils peuvent être fournis de manière globale.

À l’alinéa 35, la Commission a ensuite précisé l’article L. 213-31 nouveau du code du cinéma et de l’image animée prévoyant que les cessions de droits de diffusion à un éditeur de services de télévision sont exclues de l’obligation relative à l’établissement et à la transmission de comptes d’exploitation.

 L’objet de cette disposition est uniquement d’exclure l’établissement de comptes d’exploitation par les éditeurs de services de télévision eux-mêmes, dans la mesure où la diffusion télévisuelle d’une œuvre ne génère pas de recettes d’exploitation dont ils auraient à rendre compte au producteur délégué qui leur a cédé des droits de diffusion et qui feraient l’objet d’un partage avec ce dernier.

Mais bien évidemment, il ne s’agit pas d’exclure l’exploitation télévisuelle du champ de la mesure de transparence. C’est pourquoi une précision a été apportée à cet article afin que les mandataires ou cessionnaires de droits d’exploitation télévisuels qui concluent des cessions de droits de diffusion pour des exploitations « secondaires » soient bien concernés par l’obligation de rendus de comptes. Sont donc uniquement exclues les cessions de droits entre un éditeur et le producteur délégué qui constituent des préventes de droits de diffusion télévisuelle contribuant au financement de la production de l’œuvre.

Par ailleurs, il convient de noter que les auditions conduites par le rapporteur ont mis en évidence l’opportunité d’étendre les obligations de transparence ainsi imposées au secteur du cinéma à l’audiovisuel. Selon les informations transmises au rapporteur, une concertation est en cours sur ce sujet. Il serait intéressant que cette concertation puisse permettre l’introduction dans le présent projet de loi de dispositions destinées à accroître la transparence dans le secteur de l’audiovisuel.

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La Commission est saisie de l’amendement AC495 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement précise les conditions de transmission des comptes d’exploitation.

Mme la ministre. Le Gouvernement y est favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AC493 du rapporteur et AC276 de M. Marcel Rogemont.

M. Patrick Bloche. Dans le souci d’offrir une plus grande transparence, je propose d’élargir le champ des éléments du compte d’exploitation devant faire l’objet d’une transmission au producteur délégué. Cet amendement a donc pour objet de préciser que l’état d’amortissement des coûts d’exploitation et le montant des recettes nettes revenant au producteur doivent aussi être fournis pour chaque mode d’exploitation et chaque territoire lorsqu’ils sont individualisables. Dans le cas des mandats dits « groupés », ils pourront donc être fournis de manière globale, puisqu’ils ne sont pas toujours individualisables.

Cet amendement répond à la préoccupation soulevée par les amendements AC276 et AC354 de Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. L’amendement AC276 a pour objet de revenir sur ce qui me semble être une anomalie dans la liste des éléments des comptes d’exploitation qui doivent être communiqués par le cessionnaire de droits d’exploitation ou le détenteur de mandats de commercialisation.

Mme la ministre. Je suis favorable à l’amendement AC493.

Quant à l’amendement AC276, satisfait par celui du rapporteur, je prie M. Rogemont de bien vouloir le retirer.

L’amendement AC276 est retiré.

La Commission adopte l’amendement AC493.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AC354 de M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. L’objectif de l’amendement AC354 vise également à une plus grande transparence. Il procède de la même préoccupation que l’amendement AC276.

M. le rapporteur. Cet amendement est satisfait par l’amendement AC493 précédemment adopté.

L’amendement est retiré.

Puis la Commission adopte l’amendement rédactionnel AC496 du rapporteur.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AC275 de M. Marcel Rogemont et AC494 du rapporteur.

M. Marcel Rogemont. L’amendement AC275 a pour objet d’assurer une transparence complète des comptes d’exploitation des films à l’égard de ceux qui ont cédé leurs droits.

M. le rapporteur. L’alinéa 35 de l’article 8 prévoit que l’obligation de transmission de comptes d’exploitation des œuvres cinématographiques ne s’applique pas aux cessions de droits de diffusion à un éditeur de services de télévision dans la mesure où la diffusion télévisuelle d’une œuvre ne procure pas de recettes d’exploitation, mais il convient que l’obligation de rendre des comptes s’applique aux mandataires ou aux cessionnaires de droits d’exploitation télévisuelle, qui concluent des contrats de cessions de droits de diffusion pour des exploitations que l’on appelle communément « secondaires ». C’est précisément ce que prévoit l’amendement AC494, dont je pense aussi qu’il satisfait l’amendement AC275 de Marcel Rogemont.

Mme la ministre. Même avis que le rapporteur.

M. Marcel Rogemont. Je ne suis pas vraiment sûr que l’amendement AC275 soit satisfait par l’amendement AC494, mais je le retire.

L’amendement AC275 est retiré.

La Commission adopte l’amendement AC494.

Puis elle en vient à l’amendement AC12 de M. Lionel Tardy.

Mme Virginie Duby-Muller. Étant donné l’ampleur du chapitre consacré à l’audit des comptes d’exploitation, il est préférable que le décret d’application soit pris en Conseil d’État.

M. le rapporteur. Ce projet de loi, comme tout autre, a été soumis au Conseil d’État. S’il avait fallu que le décret d’application soit pris en Conseil d’État, celui-ci n’aurait pas manqué de le signaler. Or tel n’a pas été le cas. Tenons-nous en donc au décret simple.

Mme la ministre. Le dispositif d’établissement et de transposition des comptes de production est déjà précisément organisé par la loi. Pour la définition de la forme et du contenu de ces comptes, il est renvoyé en premier lieu à un accord professionnel étendu et, à défaut, à un décret en Conseil d’État. Celui-ci est, en effet, parfaitement justifié, puisqu’il s’agit bien du cœur des mesures d’application du dispositif.

En revanche, le reste des conditions d’application du texte se limitera à des modalités procédurales relatives à la transmission des comptes et des rapports d’audit. Le recours au décret en Conseil d’État n’est donc pas utile. Le Conseil d’État, saisi pour avis de ce texte, ne l’a d’ailleurs pas recommandé.

Je suis moi aussi défavorable à cet amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 8 modifié.

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Article 9
(art. L. 421-1 du code du cinéma et de l’image animée)

Sanctions des manquements aux obligations de transparence des comptes de production et d’exploitation des œuvres cinématographiques de longue durée

Parallèlement à la création des différentes obligations précitées et pour en assurer le respect, le présent article prévoit des sanctions administratives en complétant par un 6° ter et un 6° quater la liste des manquements, fixée par l’article L. 421-1 du CCIA, susceptibles de donner lieu à sanction par la commission du contrôle de la réglementation prévue par le CCIA.

La procédure de sanction administrative applicable en l’espèce est celle décrite au livre IV du code du cinéma et de l’image animée (CCIA).

Des inspecteurs, agents du CNC commissionnés et assermentés à cet effet, sont chargés de vérifier le respect des obligations édictées par le CCIA. Ils disposent des moyens de contrôle habituels (droit de communication, droit de visite, échanges d’informations entre administrations compétentes) et dressent, le cas échéant, des procès-verbaux constatant les manquements et les infractions (jusqu’à preuve contraire dans ce cas). La notification d’un procès-verbal à la personne concernée ouvre un premier débat écrit contradictoire.

Sur la base de ces procès-verbaux qui lui sont communiqués, le président du CNC peut saisir la commission du contrôle de la réglementation (CCR), autorité administrative indépendante composée de deux collèges compétents selon la nature du manquement. La saisine de la CCR ouvre une nouvelle procédure contradictoire écrite. La CCR est seule compétente pour prendre une décision administrative de sanction, à l’issue d’une troisième et dernière étape contradictoire, orale cette fois (audition).

Le 6° de l’article 28 du présent projet de loi habilite le gouvernement à légiférer par ordonnance pour modifier cette procédure de sanction. L’étude d’impact (point 3.1.1.6) développe les diverses mesures qui devraient être prises par ordonnance, notamment l’institution d’un rapporteur indépendant qui sera seul habilité à saisir la CCR.

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La Commission adopte l’article 9 sans modification.

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Article 9 bis (nouveau)
(art. L. 132-25 et L. 132-25-1 [nouveau] du code de la propriété intellectuelle)

Champ des accords entre représentants des auteurs et des producteurs d’œuvres audiovisuelles pouvant donner lieu à une extension par arrêté

Le présent article a pour objet d’adapter le champ des accords conclus entre les représentants des auteurs, les organisations professionnelles représentatives des producteurs et, le cas échéant d’autres secteurs d’activité de la production audiovisuelle, pouvant donner lieu à une extension par arrêté du ministre chargé de la culture.

Il abroge ainsi le dernier alinéa de l’article L. 132-25 du code de la propriété intellectuelle (CPI), qui porte sur les accords relatifs à la rémunération des auteurs, et crée un nouvel article à sa suite.

L’objectif de cette mesure est de pouvoir étendre non seulement les accords relatifs à la rémunération des auteurs, comme le permet aujourd’hui le CPI, mais aussi les accords portant sur d’autres aspects des relations entre auteurs et producteurs et qui sont de nature à favoriser la mise en place de bonnes pratiques contractuelles ou la prise en compte d’usages professionnels dans le secteur de la production d’œuvres audiovisuelles. Tel est par exemple le cas de la Charte des usages professionnels des œuvres audiovisuelles relevant du répertoire de la Société civile des auteurs multimédias (SCAM).

Au regard des accords existants, on peut, par exemple, relever au titre des pratiques contractuelles l’insertion dans les contrats auteurs-producteurs d’une clause de médiation par l’Association de médiation et d’arbitrage des professionnels de l’audiovisuel (AMAPA), ou la nécessité d’un accord formel entre producteur et auteur-réalisateur pour l’utilisation d’un matériel appartenant à ce dernier. Quant aux usages professionnels, il peut s’agir de l’information du producteur quant aux autres engagements pris par l’auteur pouvant influer sur sa présence pendant la durée de la production, de la fabrication d’une empreinte numérique de l’œuvre à l’initiative du producteur afin d’identifier les exploitations illicites de l’œuvre ou encore des efforts de l’auteur pour participer à la promotion de l’œuvre.

Au regard de l’objet des accords concernés, la mesure prévoit expressément la nécessité pour les organisations professionnelles représentatives des producteurs d’être signataires de tels accords afin qu’aucune extension ne soit rendue possible en leur absence.

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La Commission examine l’amendement AC492 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il est proposé que la ministre chargée de la culture et de la communication puisse étendre non seulement les accords relatifs à la rémunération des auteurs, comme le permet aujourd’hui le code de la propriété intellectuelle, mais aussi les accords portant sur d’autres aspects des relations entre auteurs et producteurs, pratiques contractuelles et usages professionnels notamment. Mentionnons, par exemple, la charte des usages professionnels des œuvres audiovisuelles relevant du répertoire de la Société civile des auteurs multimédia (SCAM).

Mme la ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 10
(art. L. 212-32, L. 212-33 et L. 212-34 [nouveaux] et L. 213-21 du code du cinéma
et de l’image animée)

Contrôle des recettes d’exploitation cinématographique et échanges d’informations relatives à la projection numérique
des œuvres cinématographiques en salles

Le présent article a pour objet, d’une part, de consolider les dispositifs de contrôle des recettes d’exploitation cinématographique et, d’autre part, de préciser l’organisation et les destinataires des échanges d’informations relatives à la projection numérique des œuvres cinématographiques en salles.

1. Contrôle des recettes d’exploitation cinématographique (I du présent article)

a. La situation actuelle

Le contrôle des recettes d’exploitation des œuvres cinématographiques en salles de spectacles cinématographiques est un aspect fondamental de l’activité du CNC. De nombreuses dispositions du CCIA y trouvent leur justification. En effet, d’une part le droit du cinéma s’est construit, depuis l’origine, sur le principe d’un partage de la recette d’exploitation entre tous les acteurs de la filière cinématographique (article L. 213-9 CCIA), d’autre part la législation propre en matière de propriété littéraire et artistique impose une rémunération proportionnelle des auteurs d’œuvres audiovisuelles lorsqu’elles sont communiquées au public (article L. 132-25 CPI). L’exploitant d’un établissement de spectacles cinématographiques est donc responsable de la solidarité financière des acteurs de la filière, puisqu’il est celui qui collecte la recette d’exploitation en salle.

L’encadrement juridique du contrôle des recettes d’exploitation des œuvres cinématographiques est aussi ancien que le CNC, mais a été modernisé en 2009, d’une part lors de l’édiction de la partie législative du code du cinéma et de l’image animée (article L. 212-32), d’autre part au moyen de son décret d’application n° 2009-1254 du 16 octobre 2009, aujourd’hui codifié aux articles D. 212-67 à D. 212-89 de ce code.

Cet encadrement réglementaire précise les contraintes pesant sur les exploitants quant à la manière dont fonctionne et dont est tenue leur billetterie, ainsi que leurs obligations de transmission régulière d’informations. Mais il prévoit également des obligations s’imposant à d’autres professionnels, qui fabriquent, fournissent et installent des billets ou des systèmes informatisés de billetterie.

Il convient de consolider au plan législatif les obligations imposées à ces personnes et professionnels autres que l’exploitant de l’établissement de spectacles cinématographiques.

b. Le dispositif proposé par le projet de loi initial

Les obligations qu’il est proposé de consacrer au plan législatif sont exclusivement celles actuellement prévues par décret qui relèvent cependant du domaine de la loi en vertu de l’article 34 de la Constitution (au titre de la garantie des libertés publiques), car imposant une contrainte à un professionnel (déclaration ou autorisation préalable) ou au spectateur.

L’article L. 212-32 du CCIA est relatif au contrôle des recettes d’exploitation des œuvres et documents cinématographiques ou audiovisuels dans les établissements de spectacles cinématographiques.

Le a) du 1° du I substitue la notion de « droit » à celle de « billet » dans le 1° de l’article L. 212-32 qui dispose que « les exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques délivrent un billet d’entrée à chaque spectateur ou enregistrent et conservent dans un système informatisé les données relatives à l’entrée, avant tout accès du spectateur à une salle de spectacles cinématographiques ».

Le 3° de l’article L. 212-32 dispose que « les exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques adressent, à la fin de chaque semaine cinématographique, au Centre national du cinéma et de l’image animée une déclaration des recettes réalisées pour chaque programme cinématographique représenté dans les salles de leurs établissements. Cette déclaration est transmise par voie électronique. »

Le b) du 1° du I est la reprise du second alinéa de l’article D. 212-89 du CCIA, d’ores et déjà en vigueur. Il se justifie parce qu’il porte sur une modification substantielle d’une obligation qui, elle, ne peut être que législative. L’obligation de transmission, par l’exploitant, des bordereaux de recettes à la SACEM (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique) et la faculté pour le CNC de se charger, en lieu et place de l’exploitant, de la transmission de la déclaration à la SACEM, relèvent en effet du domaine de la loi.

Les dispositions suivantes consacrent au plan législatif et à droit constant des dispositions réglementaires.

Le 4° de l’article L. 212-32, qui dispose que « Les fabricants, importateurs ou marchands de billets d’entrée déclarent au Centre national du cinéma et de l’image animée la livraison de ces billets aux établissements de spectacles cinématographiques », constitue la reprise de l’article D. 212-78 du CCIA.

Le 5° de l’article L. 212-32, qui dispose que « les constructeurs et fournisseurs de systèmes informatisés de billetterie font homologuer ces systèmes par le Centre national du cinéma et de l’image animée, sur la base de leur conformité à un cahier des charges, et déclarent au Centre national du cinéma et de l’image animée la livraison de ces systèmes aux établissements de spectacles cinématographiques », constitue la reprise de l’article D. 212-79 et du premier alinéa de l’article D. 212-80 du CCIA.

Le 6° de l’article L. 212-32 dispose que « les installateurs de systèmes informatisés de billetterie déclarent au Centre national du cinéma et de l’image animée l’installation de ces systèmes dans les établissements de spectacles cinématographiques. Ils déclarent également, ainsi que les exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques, l’état des compteurs de numérotation lors de toute mise en service, tout changement de lieu d’implantation et toute modification technique nécessitant l’intervention du constructeur ou du fournisseur ». Il constitue la reprise de l’article D. 212-80 du CCIA.

Le 2° du I du présent article tend à introduire, après l’article L. 212-32, deux articles numérotés L. 212-33 et L. 212-34.

Le premier alinéa de l’article L. 212-33 (alinéa 9 du présent article) dispose que « Le droit d’entrée à une séance de spectacles cinématographiques organisée par un exploitant d’établissement de spectacles cinématographiques est individuel. Sa tarification est organisée en catégories selon des modalités fixées par voie réglementaire ». Il reprend les dispositions des articles D. 212-70 et D. 212-71 du CCIA.

Le deuxième alinéa de l’article L. 212-33 (alinéa 10 du présent article) dispose que « Sauf dérogation, il ne peut être délivré de droits d’entrée non liés à un système informatisé de billetterie en dehors des établissements de spectacles cinématographiques ». Il s’agit de la reprise de l’article D. 212-73 du CCIA.

Le troisième alinéa de l’article L. 212-33 (alinéa 11 du présent article) dispose que « Le droit d’entrée est conservé par le spectateur jusqu’à la fin de la séance de spectacles cinématographiques ». Il reprend les dispositions de l’article D. 212-70 du CCIA.

Enfin, l’article L. 212-34 (alinéa 12 du présent article) du CCIA dispose que les modalités d’application de la présente section, notamment en ce qu’elles précisent la forme et les conditions de délivrance des droits d’entrée, les obligations incombant aux spectateurs, aux exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques ainsi qu’aux fabricants, importateurs et marchands de billets ou aux constructeurs, fournisseurs et installateurs de systèmes informatisés de billetterie, les conditions de l’homologation des systèmes informatisés de billetterie et celles de leur utilisation, sont fixées par voie réglementaire.

c. Les modifications apportées par la Commission

Le régime du contrôle des recettes d’exploitation cinématographiques impose à tout exploitant de transmettre les bordereaux de recettes hebdomadaires au CNC, aux distributeurs intéressés et à la SACEM.

La Commission a modifié les dispositions proposées afin de ne pas viser une société de perception et de répartition des droits musicaux en particulier (la SACEM), mais, plus généralement, toute société de perception et de répartition des droits musicaux, dès lors qu’il en existe une. En effet, la référence à la SACEM au plan législatif désignerait la SACEM comme gestionnaire des droits de tous les auteurs de musique et aurait pour conséquence de faire de la gestion des droits musicaux dans les salles de cinéma une gestion collective obligatoire.

Par ailleurs, la Commission a permis au CNC de se charger, en lieu et place des exploitants, de la transmission de la déclaration aux distributeurs intéressés.

Enfin, sur proposition du Gouvernement, la Commission a introduit un nouvel article L. 213-33-1 dans le CCIA afin d’interdire la diminution artificielle du prix du droit d’entrée en salle de spectacles cinématographiques, due à la seule existence d’une vente liée, afin d’éviter tout contournement dans la perception de la taxe sur le prix des entrées aux séances organisées par les exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques et dans la remontée des recettes pour les ayants-droit.

2. Échanges d’informations relatives à la projection numérique des œuvres cinématographiques en salles

a. La situation actuelle

La loi n° 2010-1149 du 30 septembre 2010 relative à l’équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques a permis la numérisation rapide et totale des salles françaises.

Dans le cadre du dispositif financier institué par cette loi pour faciliter la numérisation des salles, l’article L. 213-21 CCIA a imposé aux exploitants d’établissements de transmettre tant aux distributeurs qu’au CNC les données extraites des journaux de fonctionnement des équipements de projection numérique relatives à l’exploitation des œuvres cinématographiques de longue durée et à l’utilisation de ces équipements. Cette transmission est nécessaire en particulier pour assurer une meilleure transparence de la programmation des films en salles ainsi que, dans un nouveau cadre technologique, une plus grande efficacité en matière d’information portant sur la remontée et la sincérité des recettes d’exploitation.

Or, cette obligation n’a pu être mise en œuvre à ce jour, en raison de nombreux problèmes techniques. Le CNC a lancé une mission d’évaluation, puis une seconde mission de maîtrise d’œuvre, afin de concevoir et organiser les modalités pratiques d’une transmission et d’une interprétation automatisées de données. Ces missions ont mis en lumière la nécessité d’imposer des obligations de transmission de données accessoires, mais indispensables pour l’interprétation des données extraites des journaux de fonctionnements, à la charge d’autres professionnels que les exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques, ou l’obligation pour les exploitants de transmettre d’autres types de données.

En vue de la prochaine édiction de la décision réglementaire prévue par l’article L. 213-21 CCIA, il faut préalablement inscrire dans la loi l’obligation pour certains professionnels de transmettre les informations nécessaires pour décrypter les données extraites des journaux de fonctionnement des équipements de projection numérique.

b. Le dispositif proposé

Le premier alinéa de l’article L. 213-21 du CCIA dispose que « Les exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques transmettent aux distributeurs les données extraites des journaux de fonctionnement des équipements de projection numérique relatives à l’exploitation des œuvres cinématographiques de longue durée que ces distributeurs ont mises à leur disposition ». Le 1°du II propose de préciser que le CNC peut se charger, en lieu et place des exploitants, de la transmission aux distributeurs intéressés. Il s’agit de simplifier l’accès des distributeurs à l’information qui leur est destinée : à l’instar de la collecte des déclarations de recettes des exploitants, il y a un intérêt organisationnel à ce que le CNC mette en œuvre pour la totalité de leurs destinataires un outil d’accès aux informations prévues dans la loi : cela évite à chacun de développer une solution de consultation propre.

Le 2° du II complète l’article L. 213-21 par deux alinéas qui fixent les obligations incombant aux divers professionnels impliqués dans la circulation des informations provenant des journaux de fonctionnement des équipements de projection numérique, sans le respect desquelles l’article L. 213-21 serait inapplicable.

Il est proposé de préciser que « les exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques ou les installateurs de leurs équipements de projection numérique transmettent au Centre national du cinéma et de l’image animée les certificats de ces équipements » et que « les distributeurs et les régisseurs de messages publicitaires qui mettent à disposition des exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques, sous forme de fichiers numériques, des œuvres ou des documents cinématographiques ou audiovisuels, ou les laboratoires qui réalisent pour ces distributeurs et ces régisseurs les fichiers numériques, transmettent au Centre national du cinéma et de l’image animée les identifiants universels uniques de ces fichiers numériques ainsi que les numéros internationaux normalisés des œuvres et documents concernés, ou tout numéro permettant de les identifier ».

Il appartiendra aux exploitants d’informer le CNC de l’utilisation qu’ils font de leurs équipements, en précisant les certificats des matériels déployés et leur correspondance avec les numéros de salles qu’ils équipent.

Quant aux distributeurs et aux régisseurs de messages publicitaires, ils détiennent, avec les laboratoires qui élaborent pour leur compte les clés et fichiers numériques de leurs films, la correspondance entre les contenus projetés et leur codification dans les fichiers transmis au CNC. Ils seront désormais également tenus, pour la bonne application de la loi, de lui transmettre cette correspondance.

Ces procédures concernent la totalité des exploitants (2 000) et des distributeurs (300 actifs actuellement), puisque tous fonctionnent désormais avec des équipements numériques.

Le 3° du II tend à modifier le troisième alinéa de l’article L. 213-21 afin de préciser que les modalités et la périodicité de la transmission des données, certificats, identifiants et numéros mentionnés au présent article, ainsi que les modalités et la durée de la conservation de ces informations, sont fixées par décision du président du CNC. Cette décision évoquera notamment la fréquence de transmission des informations, ainsi que les modalités pratiques de transmission et de consultation (format).

L’étude d’impact annexée au projet de loi indique que le CNC devra mettre en place les moyens de traitement des données transmises. Le coût de mise en place de l’outil de traitement des données transmises est évalué à ce jour à un million d’euros.

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La Commission examine l’amendement AC474 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement a pour objet de faire en sorte que ne soit pas visée une société de perception et de répartition des droits musicaux en particulier, la Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) en l’occurrence. Il s’agit de faire en sorte que soit visée, plus généralement, toute société de perception et de répartition des droits musicaux, dès lors qu’il en existe une. En effet, l’inscription dans la loi d’une référence à la SACEM désignerait celle-ci comme gestionnaire des droits de tous les auteurs de musique et aurait pour conséquence de faire de la gestion des droits musicaux dans les salles de cinéma une gestion collective. Je précise que cet amendement ne pose aucun problème à la SACEM.

Mme la ministre. Je suis favorable à cet amendement, qui complète et généralise de manière parfaitement justifiée une formulation qui était trop spécifique.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AC475 du rapporteur et AC14 de M. Lionel Tardy.

M. le rapporteur. L’amendement AC475 vise le même objectif que le précédent. Il s’agit de faire en sorte que soit visée non pas une société de perception et de répartition des droits musicaux en particulier, la SACEM, mais, plus généralement, toute société de perception et de répartition des droits musicaux, dès lors qu’il en existe une. Par ailleurs, cet amendement permet au CNC de se charger, en lieu et place des exploitants, de la transmission de la déclaration aux distributeurs intéressés. Il satisfait de ce fait l’amendement AC14.

Mme Virginie Duby-Muller. L’amendement AC14 vise à ce que les démarches ne soient pas alourdies, notamment pour les petits établissements, mais je le retire au profit de celui du rapporteur.

L’amendement AC14 est retiré.

Mme la ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement AC475.

La Commission adopte l’amendement AC475.

Puis elle examine l’amendement AC13 de M. Lionel Tardy.

Mme Virginie Duby-Muller. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec l’alinéa 2, où sont mentionnés des droits d’entrée, non des billets d’entrée.

M. le rapporteur. La notion de « droits d’entrée » est plus large que celle de « billets », qui vise les droits d’entrée imprimés, matérialisés. Or, à l’alinéa 5, ce sont bien de tels billets qui sont visés. J’ai donc le regret d’exprimer un avis défavorable à cet amendement.

Mme la ministre. Même avis que le rapporteur. Effectivement, lorsque le droit d’entrée est matérialisé, on parle de billet. Lorsque ce n’est pas le cas, on parle alors de droit d’entrée dématérialisé. L’alinéa 2 de l’article 10 du projet de loi modifie une disposition qui porte sur tous les droits d’entrée, y compris dématérialisés, tandis que les alinéas 5 et 12, qui créent de nouvelles dispositions, ne portent que sur les droits d’entrée matérialisés, c’est-à-dire les billets imprimés.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AC15 de M. Lionel Tardy.

Mme Virginie Duby-Muller. Il n’appartient pas à l’État de fixer les catégories tarifaires, en tout cas pas plus pour les salles de cinéma que pour d’autres établissements.

M. le rapporteur. Les obligations relatives au droit d’entrée et aux catégories tarifaires sont déjà fixées par l’État aux articles D. 212-70 et D. 212-71 du code du cinéma et de l’image animée. Il s’agit donc, par souci de sécurité juridique, de consacrer ces dispositions au plan législatif. L’article ne remet pas en cause la liberté dont jouit l’exploitant pour fixer ses tarifs. En revanche, pour des raisons tant fiscales que de régulation de la filière, notamment pour la détermination de l’assiette fiscale de la taxe spéciale additionnelle (TSA) ainsi que de l’assiette de partage des revenus, il faut que ces tarifs soient rattachés à quatre catégories : tarif gratuit, tarif scolaire, tarif illimité ou autre tarif.

Mme la ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AC16 de M. Lionel Tardy.

Mme Virginie Duby-Muller. Il nous semble qu’il n’est pas du ressort de la loi de préciser que le spectateur doit garder son ticket jusqu’à la fin de la séance.

M. le rapporteur. L’alinéa que cet amendement tend à supprimer a pour objet de consolider une obligation réglementaire déjà existante et nécessaire au contrôle d’éventuelles fraudes à la TSA ou à la remontée de recettes par les inspecteurs du CNC. J’en suis désolé, mais il faut que les spectateurs conservent leur billet jusqu’à la fin de la séance. Rassurez-vous cependant : ils ne seront pas sanctionnés s’ils l’ont perdu, mais l’absence de billet fera peser une suspicion de fraude sur l’exploitant, ce que nous voulons éviter.

Je vous prie donc, chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement.

Mme la ministre. Même avis.

L’amendement est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement AC346 du Gouvernement.

Mme la ministre. Cet amendement a pour objet de limiter les pratiques de diminution artificielle de l’assiette de la TSA et de la rémunération des ayants droit. L’économie traditionnelle de la filière cinématographique repose depuis les origines du cinéma sur le partage du produit des entrées en salle. Depuis 1946, les pouvoirs publics ont mis en place un dispositif de contrôle de la sincérité de la recette cinématographique. Le produit des entrées en salle sert d’assiette pour la rémunération des ayants droit ainsi que pour la taxe qui sert à alimenter, pour partie, le régime des aides au cinéma. La loi impose que ces assiettes correspondent au prix effectivement payé par le spectateur.

Or, vous l’avez constaté, un certain nombre de pratiques récentes visent à contourner cette règle intangible par le biais d’offres commerciales qui aboutissent à une détermination tronquée du prix payé par le spectateur. Ces pratiques portent préjudice au système vertueux mis en place en 1946. C’est le cas de la pratique commerciale des ventes liées, qui consiste, par exemple, à proposer au spectateur, moyennant un léger supplément de prix du billet, un jus de fruit ou de la confiserie. Cette prestation est ensuite survalorisée en comptabilité pour le calcul de la TSA et de la rémunération des ayants droit. Ainsi, le prix déclaré aux ayants droit et au CNC est artificiellement diminué et ne correspond plus au prix payé par le spectateur pour l’entrée dans la salle. Autre exemple, des pratiques consistent à diminuer le prix du billet déclaré aux ayants droit et au CNC de frais de réservation et de vente en ligne pourtant facturés au spectateur.

Le présent amendement vise donc non à interdire directement les pratiques commerciales qui aboutissent à de tels résultats, mais à en neutraliser l’effet sur la rémunération des ayants droit et sur le produit de la TSA.

M. Marcel Rogemont. C’est un très bon amendement !

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Puis la Commission examine l’amendement AC17 de M. Lionel Tardy.

Mme Virginie Duby-Muller. Nous considérons qu’il ne revient pas à l’État de déterminer la forme et les conditions du droit d’entrée ni les obligations incombant à chaque spectateur. Cela relève du règlement intérieur de l’établissement.

M. le rapporteur. Il s’agit encore une fois d’inscrire dans la loi une obligation qui existe déjà, et ce pour consolider le système de contrôle de la TSA et des recettes d’exploitation cinématographiques, essentiel, comme vous le savez, au système de soutien géré par le CNC. S’il n’y avait pas de TSA, le fonds de soutien disposerait de bien moins d’argent, et beaucoup moins de films seraient produits chaque année.

Mme la ministre. Même avis.

L’amendement AC17 est retiré.

Puis la Commission adopte l’article 10 modifié.

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Après l’article 10

La Commission examine l’amendement AC286 de M. Michel Pouzol.

M. Michel Pouzol. Cet amendement vise à simplifier la procédure d’examen des projections d’œuvres cinématographiques en plein-air, qu’elles soient gratuites ou payantes, puisqu’elles sont soumises à autorisation. Aujourd’hui, une commission se réunit au niveau des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) pour donner des autorisations, puis ces autorisations remontent au CNC, avant d’être validées ou non. Cette procédure est particulièrement lourde.

Les signataires de cet amendement proposent que le CNC ne soit plus saisi que des seuls refus d’autorisation. Le nombre de ces refus étant, chaque année, extrêmement limité, cela permettra d’alléger considérablement la procédure.

M. le rapporteur. La proposition de passage d’un régime d’autorisation à un régime de déclaration préalable des séances en plein-air constitue une véritable inquiétude dont nous ont fait part les exploitants de salle. Mon rapport a relayé cette inquiétude, et j’ai invité le Gouvernement à en tenir compte. Voilà qui me conduit donc à me tourner vers Mme la ministre, dont je suis sûr qu’elle a une initiative au fond de sa poche.

Mme la ministre. L’amendement AC286 vise à simplifier la procédure d’examen des projections d’œuvres cinématographiques en plein-air. Il s’agirait de créer un dispositif aux termes duquel l’autorisation serait réputée accordée sauf si le CNC la refusait explicitement. Je partage bien sûr votre souci de simplification, mais le dispositif que vous proposez ne m’apparaît pas opportun, et ce pour plusieurs raisons.

Premièrement, l’autorisation dont il s’agit est déjà soumise au régime de droit commun des autorisations administratives implicites, que résume la formule « silence vaut acceptation ». Le silence gardé par le CNC pendant deux mois sur une demande qui lui est adressée emporte ainsi délivrance automatique d’une autorisation. Les séances en plein air, qui ont généralement lieu au cours de la période estivale, étant programmées très longtemps à l’avance, le dispositif prévu peut s’appliquer sans aucune difficulté en fonction des circonstances de l’espèce.

Deuxièmement, le 5° de l’article 28 du projet de loi habilite d’ores et déjà le Gouvernement à simplifier les conditions d’organisation de spectacles cinématographiques à caractère non commercial, dont font partie les séances en plein-air. L’examen de l’article 28 sera donc l’occasion d’avoir une discussion sur l’opportunité et la nécessité de légiférer en ce domaine.

Nous le savons tous, un équilibre doit être trouvé entre les intérêts des salles et la diffusion non commerciale des œuvres. Ce sujet extrêmement sensible me préoccupe vivement, et je souhaite que nous puissions trouver la meilleure solution possible. Je vous prie donc, monsieur Pouzol, de retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.

M. Michel Pouzol. Je le retire, et nous évoquerons ensemble la possibilité d’un autre mécanisme lorsque nous examinerons l’article 28.

L’amendement est retiré.

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Article 10 bis (nouveau)
(art. L. 234-1 du code du cinéma et de l’image animée)

Limitation à trois ans de la validité de l’arrêté d’extension
des accords professionnels relatifs à la chronologie des médias

Le code du cinéma et de l’image animée (CCIA) prévoit que la chronologie des médias, en matière d’exploitation des œuvres cinématographiques sur les services de télévision et sur les services de médias audiovisuels à la demande (SMAD), peut être fixée par voie d’accord professionnel étendu.

Ces accords sont, actuellement, conclus pour une durée initiale de trois ans, renouvelable par tacite reconduction pour la même durée.

Afin de renforcer la portée de cette clause de rendez-vous tous les trois ans, il est proposé de limiter la validité de l’arrêté d’extension de ces accords à la même durée, en se réservant toutefois la possibilité d’étendre pour une durée moindre.

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La Commission examine, en discussion commune, les amendements AC473 du rapporteur, AC219 de M. Christian Kert, AC277 de M. Marcel Rogemont et AC345 du Gouvernement.

M. le rapporteur. Ces quatre amendements visent à limiter à trois ans la durée des accords professionnels relatifs à la chronologie des médias. Je retire mon amendement au profit de l’amendement AC345 du Gouvernement, qui, opportunément, limite à trois ans la durée de validité non de l’accord, mais de l’arrêté d’extension, et j’invite M. Rogemont et M. Kert, auteurs respectifs des amendements AC277 et AC219, à m’imiter.

Il s’agira donc de favoriser l’évolution de la chronologie des médias en renforçant la portée de la clause de rendez-vous, tous les trois ans, prévue par les accords.

Les amendements AC473, AC219 et AC277 sont retirés.

Mme la ministre. Le code du cinéma et de l’image animée prévoit que la chronologie des médias, en matière d’exploitation des œuvres cinématographiques sur les services de télévision et sur les services de médias audiovisuels à la demande (SMAD), peut être fixée par voie d’accord professionnel étendu. Je suis effectivement favorable au renforcement de la clause de rendez-vous de l’accord professionnel relatif à la chronologie des médias. Toutefois, je crois qu’il faut veiller à ne pas prendre le risque d’une absence, même temporaire, d’accord collectif, qui entraînerait un retour automatique à la fixation de la chronologie des médias par le contrat individuel. Ce serait, à mon avis, extrêmement préjudiciable aux différents intérêts en présence et, probablement, source de déstabilisation de la filière cinématographique. Voilà pourquoi il me semble préférable de prévoir une durée de validité limitée de l’arrêté d’extension de l’accord et non de l’accord lui-même. C’est l’objet de cet amendement AC345, qui me paraît viser le même objectif que les amendements AC473, AC219 et AC277, tout en offrant une plus grande sécurité juridique.

La Commission adopte l’amendement AC345.

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Article 10 ter (nouveau)
(art. L. 421-1 du code du cinéma et de l’image animée)

Coordination

Le présent article est une disposition de coordination qui a pour objet d’intégrer les modifications apportées par l’article 10 du projet de loi dans le champ des sanctions administratives prévues par le code du cinéma et de l’image animée déjà en vigueur.

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La Commission adopte l’amendement de coordination AC487 du rapporteur.

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Chapitre III
Promouvoir la diversité culturelle et élargir l’accès à l’offre culturelle

Avant l’article 11

La Commission examine les amendements AC209 et AC210 de Mme Isabelle Attard, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

Mme Isabelle Attard. L’amendement AC209 vise à donner une définition positive du domaine public. À cet égard, ce projet de loi est sans doute le véhicule législatif le plus approprié de cette législature.

Aujourd’hui, il n’existe aucune définition légale de cette notion. Qu’est-ce donc que le domaine public ? C’est tout simplement la culture libre, l’inspiration, c’est une quantité énorme de livres, de peintures, d’œuvres musicales, de films, d’inventions, à la portée de tous, qui contribuent à la culture de tous, à l’inspiration d’œuvres nouvelles.

La définition de ce domaine public permettra précisément d’assurer cette liberté de création que nous avons inscrite à l’article 1er du projet de loi. En effet, il est nécessaire d’utiliser les œuvres du passé pour créer les œuvres du futur. Cet amendement, je le précise, ne touche absolument pas au droit d’auteur. En revanche, il protège les œuvres qui ne sont plus couvertes par le droit d’auteur et qui sont soumises à des droits dont ce n’est pas la vocation : le droit des marques
– je songe notamment aux logos –, le droit des bases de données, etc. Par exemple, Les Misérables appartiennent à tous les Français, vous pouvez en faire ce que vous voulez. En votant cet amendement, vous empêcherez que quelqu’un ne dépose une marque « Jean Valjean » et ne s’en serve pour empêcher la distribution et l’adaptation de cette œuvre mondialement connue. Il s’agit donc, en définissant le domaine public, de le rendre accessible sans crainte à tous les créateurs d’aujourd’hui et de demain. Cela permettra également d’interdire les pratiques dites de copyfraud, c’est-à-dire les revendications abusives de droits sur les œuvres du domaine public, et d’empêcher que certaines institutions culturelles ou certaines personnes privées ne s’octroient des droits qu’elles n’ont pas, qu’elles ne fassent payer l’accès à des œuvres du domaine public pourtant en libre accès depuis 100 ou 150 ans, quand ce n’est pas depuis 1 000 ans.

L’amendement AC210, quant à lui, est issu d’une préconisation du rapport Lescure. Il permet à un créateur, à un auteur, de renoncer à son droit d’auteur et de mettre de son vivant les œuvres qu’il a créées dans le domaine public. Il ne s’agit nullement d’imposer une obligation à tous les auteurs, mais de permettre à ceux qui le souhaitent de donner, de leur vivant, leurs œuvres à tous ceux qui ont envie de s’en servir pour en écrire une suite, en faire une parodie ou un film, en tirer une pièce de théâtre. Certains écrivains contemporains, tel Pouhiou, souhaitent offrir leurs œuvres à la société. Or ils ne le peuvent pas, car notre législation, contrairement au droit anglo-saxon, ne prévoit pas cette possibilité.

M. le rapporteur. L’amendement AC209 propose une définition positive du domaine public. C’est effectivement une démarche très intéressante. Cependant, le projet de loi relatif aux droits et libertés numériques offrira un cadre plus approprié à ce débat. Je vous donne donc rendez-vous au mois de décembre, chère collègue. Vous pourrez alors défendre avec la même conviction l’amendement AC209.

Quant à l’amendement AC210, le code de la propriété intellectuelle permet déjà aux auteurs de mettre gratuitement leurs œuvres à la disposition du public. En outre, l’écriture de la loi engageant notre responsabilité, je voudrais être certain que l’abandon que vous suggérez sera librement consenti par les auteurs, car ceux-ci se trouvent parfois dans un rapport de force très déséquilibré. Je m’interroge donc grandement sur ce second amendement.

Je vous prie donc, chère collègue, de bien vouloir retirer l’amendement AC209, et j’émets un avis défavorable sur l’amendement AC210.

Mme la ministre. Je partage l’avis du rapporteur sur l’amendement AC210.

Quant à l’amendement AC209, il pose de nombreux problèmes d’articulation avec le régime de protection des œuvres dérivées et des bases de données. Il interfère également de manière trop imprécise et dangereuse avec des notions-clés du droit d’auteur, notamment celle d’originalité. Je suis donc également défavorable à cet amendement.

Mme Isabelle Attard. Certes, il y a des correspondances avec le futur projet de loi sur le numérique, mais, en l’occurrence, je parle d’œuvres, quelles qu’elles soient, réutilisables à l’écrit ou en musique. Le champ visé excède largement le numérique. L’examen du présent projet de loi nous offre précisément une occasion unique de parler du domaine public avant la fin de la législature. Écrivons-en au moins une définition positive. À l’heure actuelle, il n’est défini qu’en négatif. La question n’est pas accessoire : des procès sont intentés par de nombreux auteurs, des actions en justice sont entreprises, des millions d’euros sont en jeu. Je refuse que nous reportions à l’examen du projet de loi relatif au numérique la question de la définition du domaine public, ce serait une approche extrêmement réductrice.

Bien sûr, si vous souhaitez proposer une nouvelle rédaction de la disposition que je propose, vous êtes les bienvenus, mais je ne veux absolument pas que son champ soit réduit au numérique. C’est vraiment toute la création qui est concernée. Il est plus que temps de s’en occuper.

Vous parlez de bases de données, madame la ministre, mais ce n’est pas du tout l’objet de cet amendement, et l’exemple de législations étrangères, notamment du droit anglo-saxon, devrait vous rassurer.

La Commission rejette successivement les amendements AC209 et AC210.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AC214 de Mme Isabelle Attard et AC235 de Mme Gilda Hobert.

Mme Isabelle Attard. Aujourd’hui, vous ne pouvez pas mettre vos photos de vacances sur les réseaux sociaux, par exemple Facebook, si certains monuments y apparaissent, par exemple le viaduc de Millau et la pyramide du Louvre, constructions dont les architectes sont toujours vivants ou qui sont toujours soumises au droit d’auteur. À l’étranger, songeons à la petite sirène de Copenhague. L’ossuaire de Douaumont est également concerné. En l’absence de législation adéquate, nous demandons une clarification qui permette de prendre des photos d’un panorama. Cette exception au droit d’auteur est d’ailleurs appelée, dans d’autres pays, « liberté de panorama ». Le public ne comprend absolument pas les restrictions actuellement applicables en France.

Je rappelle qu’en 2011 la Cour de cassation a introduit la notion d’inclusion fortuite ou accessoire. Elle devait se prononcer sur le documentaire Être et avoir, car l’auteur d’un manuel scolaire a porté plainte contre celui du documentaire : son livre y apparaissait dix minutes.

Comment déterminer si le sujet d’une photographie, par exemple, est une personne ou un monument ? Une personne qui mettrait des photographies de vacances sur Facebook pourrait ainsi être condamnée à payer des droits.

Mme Gilda Hobert. L’amendement AC235 a le même objet. Il s’agit de permettre de photographier, de dessiner, de reproduire, comme c’est permis dans d’autres pays, une œuvre architecturale apparaissant sur l’espace public.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à ces amendements.

Mme la ministre. J’y suis également défavorable. Les dispositions proposées tendraient à permettre une utilisation commerciale de reproductions d’œuvres visibles dans l’espace public. Ce serait de nature à constituer un préjudice pour les auteurs, les architectes, les auteurs d’arts graphiques et plastiques.

Une discussion s’engage au niveau européen, qui porte sur les bouleversements du partage de la valeur propres à l’environnement numérique, des bouleversements au profit de ceux qui maîtrisent la distribution de contenus au détriment de l’amont de la chaîne, représenté par ceux qui prennent le risque de la création, mais ces amendements me semblent de nature à aggraver le déséquilibre actuel, dont les auteurs sont les victimes.

La Commission rejette successivement les amendements.

Puis elle examine les amendements AC215, AC211 et AC212 de Mme Isabelle Attard, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

Mme Isabelle Attard. L’amendement AC215 a pour objet d’adapter dans le domaine de l’audiovisuel l’exception de courte citation, actuellement réservée au domaine de l’écrit. La restriction actuelle du champ de cette exception représente une contrainte importante, puisqu’elle interdit les citations musicales, graphiques et audiovisuelles.

Quant aux amendements AC211 et AC212, je pense que, lors de l’examen du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit européen en matière de propriété intellectuelle, nous avons raté le coche, en ne profitant pas de l’occasion qui nous était offerte d’harmoniser le droit d’auteur.

Je rappelle les spécificités du régime français qui prévoit des prorogations pour les droits des auteurs morts pour la France et pour temps de guerre. Cela complique énormément le calcul des droits d’auteur. On peut comprendre que ces prorogations aient été introduites dans notre droit pour rendre hommage à des auteurs tombés au champ d’honneur, mais, aujourd’hui, ce mécanisme contribue à restreindre la diffusion de leurs œuvres et nuit à leur rayonnement. Ainsi, depuis le début de l’année, les œuvres de Saint-Exupéry peuvent être librement adaptées au cinéma, en bande dessinée, dans tous les pays du monde… sauf dans celui de Saint-Exupéry ! Au mois de février, la Belgique a pu organiser toute une journée autour de Saint-Exupéry et du Petit Prince, ce que nous, Français, ne pouvons pas faire.

Gilda Hobert avait défendu l’idée d’une harmonisation et d’une simplification de ces droits, pour que l’exception française n’existe plus. Cela aurait simplifié la vie des artistes.

M. le rapporteur. L’amendement AC215, qui concerne l’extension du champ de l’exception de citation à l’audiovisuel et à la musique, peut présenter un réel intérêt et n’apparaît pas excessivement défavorable aux ayants droit.

S’agissant des amendements AC211 et AC212, nous avons déjà eu cette discussion dans un autre cadre. Il est ici question de modifier plusieurs articles du code de la propriété intellectuelle. Je n’y suis pas favorable, car les raisons de principe qui inspirent ces amendements ne paraissent pas déterminantes.

Mme la ministre. L’amendement AC215 soulève effectivement la question intéressante de la portée à donner à l’exception de citation à la lumière des nouveaux usages rendus possibles par le numérique. Mais il n’apporte pas la bonne réponse à la question, car il se borne à étendre le champ de l’exception sans bien en maîtriser la portée. Faire disparaître l’exigence que la citation soit courte ou prétendre revenir sur les jurisprudences dans les domaines de l’audiovisuel et de la musique est une entreprise périlleuse : cela reviendrait à fragiliser des lignes de partage très subtilement dessinées et cruciales pour l’économie de tous les secteurs culturels, comme pour les prérogatives des créateurs. Au surplus, au moment où les exceptions au droit d’auteur sont un sujet extrêmement sensible dans le débat européen – en la matière, la France tient des positions de principe assez fermes –, je ne suis pas convaincue qu’il faille déstabiliser les acteurs ni brouiller notre message à l’échelle européenne. Je suis donc défavorable à cet amendement.

Je suis également défavorable aux amendements AC211 et AC212, pour des raisons que j’ai déjà évoquées en d’autres circonstances.

La Commission rejette successivement les amendements AC215, AC211 et AC212.

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Article 11 A (nouveau)
Reconnaissance des pratiques amateurs

Les pratiques amateurs dans le domaine de la création artistique, loin de concurrencer les pratiques professionnelles, sont complémentaires et solidaires et participent très fortement au dynamisme de la vie culturelle des territoires. Elles sont le lieu de l’expression de la liberté de création artistique qu’institue le présent projet de loi, permettent la transmission du patrimoine culturel et favorisent l’émergence des talents. Elles sont également source de développement personnel et de lien social.

Cependant, le statut des artistes amateurs est aujourd’hui imprécis, ce qui rend périlleuse toute collaboration avec des structures professionnelles. En effet, le code du travail prévoit que tout artiste se produisant devant du public est présumé salarié, et doit donc disposer d’un salaire et d’un bulletin de paye. Bien que le décret n°53-1253 du 9 décembre 1953, s’attachant notamment à définir la notion de « groupement d’amateurs », permette dans certains cas aux amateurs de déroger à la présomption de salariat, il apparait nécessaire de donner aux activités amateurs un cadre légal précis et correspondant aux réalités actuelles du monde du spectacle.

Le I de cet article additionnel définit l’artiste amateur et ouvre la possibilité d’un remboursement des frais engagés, sans risque de requalification de l’engagement amateur en salariat ou en travail dissimulé (la jurisprudence est aujourd’hui très stricte à ce sujet).

Le II donne ensuite un cadre juridique sécurisé aux artistes amateurs se produisant dans un cadre non lucratif. Le texte leur permet en effet d’avoir recours à du matériel professionnel, de la publicité et une billetterie payante, sans remettre en cause le caractère non lucratif de la représentation. Il s’agit ainsi d’aménager les règles posées par le code du travail relatives à la présomption de lucrativité. Selon ces règles en effet, la réunion de tous ces éléments (billetterie, publicité, utilisation de matériel professionnel) entraîne un risque de requalification d’une activité exercée par des artistes amateurs en activité « professionnelle ». En cas de requalification, la structure à l’initiative de la manifestation serait tenue d’embaucher les artistes se produisant sur scène, de les rémunérer et de les déclarer aux organismes de sécurité sociale.

Le III définit un cadre légal d’intervention d’artistes non rémunérés sur une scène dans le cadre d’un spectacle organisé par un entrepreneur de spectacle professionnel. Il s’agit de limiter la possibilité d’intervention d’artistes non rémunérés sur une scène dans le cadre d’un spectacle organisé par un entrepreneur de spectacle professionnel aux conditions suivantes :

– exigence d’un nombre annuel de représentations limité, à définir par décret ;

– exigence que ces manifestations s’inscrivent dans un accompagnement de la pratique amateur, ou d’actions pédagogiques ou culturelles ;

– limitation des recettes de billetterie au financement des frais liés au coût des représentations, et à celui des missions d’accompagnement et de valorisation de la pratique artistique amateur. L’expression « frais liés au coût de ces représentations » couvre bien l’emploi des professionnels qui y interviendraient, au côté des amateurs.

Concernant la recette de billetterie, la formulation proposée par l’article a pour objectif de contraindre l’entreprise organisant la représentation avec des amateurs à l’affecter à la seule couverture des coûts liés à l’organisation de la représentation, sans dégager de marge bénéficiaire sur ce type de spectacle. Le III vise ainsi à éviter que les entrepreneurs de spectacle puissent faire intervenir abusivement des artistes amateurs à moindre coût dans le seul objectif de faire des bénéfices sur les ventes de places par la fixation de prix de billets aussi élevés que pour les spectacles dans lesquels se produisent uniquement des artistes professionnels .

Il s’agit par ces dispositions, qui reposent sur un équilibre fragile, de permettre la valorisation de la pratique amateur par des structures entrepreneur de spectacle, sans menacer pour autant le périmètre d’intervention des artistes professionnels, au risque de créer une situation de concurrence déloyale.

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La Commission examine, en discussion commune, l’amendement AC308 de M. Jean-Pierre Le Roch et l’amendement AC332 du Gouvernement, qui fait l’objet des sous-amendements AC507 à AC509 de M. Paul Molac.

M. Michel Pouzol. L’amendement AC308 répond à l’attente de nombreuses personnes que nous avons rencontrées lors des auditions préparatoires à l’examen du projet de loi. Son adoption aura un impact important sur le monde de la culture, puisqu’il s’agit ici de définir la notion d’artiste amateur, de l’encadrer et, pour la première fois, de l’inscrire dans la loi. Il est proposé d’insérer dans le code du travail un article qui n’existait pas jusqu’à présent, mais le Gouvernement a présenté lui aussi un amendement allant dans le même sens et qui nous satisfait. C’est pourquoi je retire l’amendement AC308.

Mme la ministre. Les pratiques amateur concernent plus de 10 millions de nos concitoyens. Elles sont soutenues par un tissu associatif très important en nombre et qui maille l’ensemble du territoire – réseau essentiel en termes de cohésion du territoire et de citoyenneté pour notre pays. La pratique amateur, c’est aussi pour chacun une voie d’émancipation individuelle que je souhaite encourager très fortement. Je suis convaincue de la nécessité de définir la pratique en amateur pour sécuriser l’ensemble des acteurs, que ce soient les amateurs eux-mêmes ou les professionnels, les établissements culturels qui mènent des projets d’accompagnement de la pratique amateur, des projets pédagogiques, artistiques et culturels au profit d’un élargissement des publics. Depuis de trop nombreuses années, les acteurs ont tenté sans succès de parvenir à un accord, ce qui illustre aussi la difficulté de mener à bien la concertation et explique la longueur des discussions. C’est la raison pour laquelle le ministère de la culture a lancé, il y a deux ans, une concertation approfondie pour parvenir au point d’équilibre nécessaire entre reconnaissance de ces pratiques et respect et préservation de la pratique professionnelle.

Cet amendement présenté par le Gouvernement vise donc, dans le respect des professionnels et de la présomption de salariat, à permettre les interactions dans un cadre clarifié d’accompagnement des projets et surtout à reconnaître et à valoriser la pratique en amateur dans notre pays. La première partie de l’amendement donne une définition de l’artiste amateur. Sa deuxième partie précise les conditions dans lesquelles un artiste amateur ou un groupement d’artistes amateurs peut se produire dans un but non lucratif en aménageant les règles du code du travail relatives à la présomption de lucrativité. Puis, dans sa dernière partie, il encadre les situations dans lesquelles un entrepreneur de spectacles professionnels agissant dans un cadre lucratif peut néanmoins faire appel à des artistes amateurs sans être tenu de les rémunérer. Cet amendement diffère sur quelques points de celui présenté par M. Pouzol, mais ces points pourront être traités par voie de sous-amendements.

M. le rapporteur. Je suis très heureux que nous soyons amenés à traiter des pratiques amateur. Si le Gouvernement a mené une longue concertation, il est toujours difficile d’atteindre le bon point d’équilibre. Je ne suis pas certain que tout le monde soit satisfait. Cela dit, ayant été confronté à ce dossier lorsque j’ai été rapporteur du projet de loi réformant la licence d’entrepreneur des spectacles en 1998, je me suis aperçu de la difficulté de cette question. De ce fait, le groupe socialiste, républicain et citoyen avait souhaité prendre l’initiative, mais il me semble qu’il sera favorable à l’amendement du Gouvernement. J’émets donc un avis favorable à l’amendement AC332.

M. Paul Molac. Je partage vos remarques sur l’intérêt des pratiques amateur et la difficile genèse de la loi : en 2008, la question était déjà en discussion, mais avait finalement été retirée du débat, ce qui n’arrangeait pas les artistes amateurs. Cet amendement permet à des organisateurs de spectacles de faire appel à des artistes amateurs, alors que, au départ, seuls ces derniers pouvaient organiser leurs spectacles.

Il conviendra néanmoins de régler en séance publique la question de la distinction entre la part de la rémunération qui revient aux amateurs et celle qui revient aux professionnels. Car, très souvent, les groupes comprennent à la fois des professionnels et des amateurs, et les prestations sont souvent le fait à la fois de groupes d’amateurs et de groupes de professionnels. Il faudra donc préciser dans la loi qu’il y a bien une différence entre les deux.

M. François de Mazières. Nous sommes très attachés à la pratique amateur. Le sujet est délicat et l’article additionnel ici proposé me paraît assez bien rédigé. Comme toujours, nous prenons connaissance de cet amendement beaucoup trop tard pour pouvoir l’étudier et formuler nous-mêmes des propositions constructives. C’est pourquoi, à ce stade, nous sommes favorables à la proposition.

Mme la ministre. Le Gouvernement est favorable aux sous-amendements AC507 et AC509.

L’amendement AC308 et le sous-amendement AC508 sont retirés.

La Commission adopte les sous-amendements AC507 et AC509, puis l’amendement AC332 sous-amendé.

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Article 11
(art. L. 122-5 et L. 122-5-1 et L. 122-5-2 [nouveaux] du code de la propriété intellectuelle)

Réforme de l’exception au droit d’auteur au bénéfice des personnes handicapées

La directive 2001/29 du 22 mai 2001 a autorisé les États membres à créer un certain nombre de limitations et exceptions aux droits exclusifs des auteurs d’autoriser ou d’interdire la reproduction et la communication au public de leurs œuvres, notamment « lorsqu’il s’agit d’utilisations au bénéfice de personnes affectées d’un handicap qui sont directement liées au handicap en question et sont de nature non commerciale, dans la mesure requise par ledit handicap ». La loi du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information (dite loi DADVSI) a transposé « l’exception handicap » au droit d’auteur au 7° de l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle. Le présent article a pour objet de réformer le régime de cette exception.

1. La situation actuelle

Le régime de l’exception « handicap » est prévu par le 7° de l’article L. 122-5 du CPI. Pour toutes les œuvres de l’esprit mentionnées à l’article L.112-2 du CPI, l’exception « handicap » permet aux organismes inscrits sur une liste établie par le ministre chargé de la culture et le ministre chargé du handicap de produire et de représenter des versions adaptées des œuvres protégées, sans autorisation préalable ni rémunération des titulaires des droits, afin de les mettre à disposition des personnes handicapées.

Dans le domaine de l’édition (livres, partitions musicales, presse), l’exception « handicap » permet en outre à certains de ces organismes, bénéficiant d’un agrément, de produire des versions adaptées des œuvres imprimées à partir des fichiers numériques ayant servi à leur édition, déposés à cet effet par les éditeurs auprès du Centre national du livre ou d’un organisme désigné par décret.

Le dispositif de « l’exception handicap » n’a été mis en œuvre que récemment, les dispositions réglementaires d’application ayant été prises, s’agissant du dispositif général, par le décret n° 2008-1391 du 19 décembre 2008, et, s’agissant du dispositif particulier relatif au dépôt des fichiers numériques, par le décret n° 2009-131 du 6 février 2009 qui désigne la Bibliothèque nationale de France (BnF) comme organisme dépositaire de ces fichiers. En pratique, le dispositif n’est pleinement opérationnel que depuis juin 2010, date de l’ouverture de la plate-forme « PLATON » de la BnF, sur laquelle les fichiers numériques des œuvres, déposés par les éditeurs, peuvent être téléchargés par les organismes agréés afin d’être adaptés dans différents formats accessibles (lecture en braille ou en très gros caractères, écoute en synthèse vocale).

La ministre de la culture et de la communication a souhaité disposer d’un bilan de la mise en œuvre de ce dispositif et d’une analyse des besoins non couverts dans le cadre juridique actuel, ainsi que de propositions permettant d’améliorer le dispositif. Ce bilan a été dressé par l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) dans un rapport de mai 2013 « Exception handicap au droit d’auteur et développement de l’offre de publications accessibles à l’ère numérique ».

Le rapport de l’IGAC fait le constat de la faiblesse du nombre d’œuvres accessibles : la production annuelle de publications adaptées ne représente en effet que 3,5 % de l’offre « grand public », et l’offre globale, moins d’un cinquième des références disponibles en France selon les estimations les plus optimistes, la réalité se situant vraisemblablement plutôt autour d’un dixième. Ainsi, si rien n’est fait, le taux d’œuvres accessibles par rapport aux œuvres référencées diminuera-t-il inéluctablement.

La faible part des fichiers XML transmis par les éditeurs aux organismes agréés serait, selon le rapport de l’IGAC, la seule cause du faible volume d’ouvrages adaptés. En effet, le législateur a fait obligation à la BnF de mettre les fichiers numériques des œuvres à disposition des organismes agréés « dans un standard ouvert au sens de l’article 4 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ». Le format PDF étant un « standard ouvert » au sens de ladite loi, la BnF remplit parfaitement ses obligations en mettant à disposition les fichiers numériques des éditeurs dans ce format qui n’est pourtant pas « adaptatif ».

En outre, les bénéficiaires de l’exception n’ont accès qu’à une faible part de la totalité de l’offre, du fait du cloisonnement des différents catalogues disponibles.

Enfin, la définition du champ des bénéficiaires ne permet pas de répondre aux besoins avérés, en particulier dans le domaine de l’éducation. En effet, l’exception prévue par la loi est conditionnée par la reconnaissance d’un certain niveau d’incapacité précisé dans le décret n° 2008-1391 du 19 décembre 2008. Trois catégories de personnes sont concernées :

– les personnes dont le taux d’incapacité, apprécié en application du guide-barème pour l’évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées figurant à l’annexe 2-4 du code de l’action sociale et des familles, est égal ou supérieur à 80 % ;

– les personnes titulaires d’une pension d’invalidité au titre du 3° de l’article L. 341-4 du code de la sécurité sociale ;

– et les personnes reconnues par certificat médical délivré par un médecin ophtalmologiste comme empêchées de lire après correction.

Cette définition exclut donc du bénéfice de l’exception certaines déficiences cognitives qui compromettent grandement la réussite scolaire, voire la scolarisation.

Le rapport de l’IGAC précité propose par conséquent de :

– créer les conditions d’un développement substantiel de l’offre de publications adaptées en généralisant la fourniture aux organismes agréés des fichiers des éditeurs en format XML ;

– faire entrer les bibliothèques de l’édition adaptée dans l’ère de l’inclusion numérique ;

– modifier les critères d’éligibilité pour élargir le bénéfice de l’exception handicap dans la stricte mesure nécessaire.

Par ailleurs, un traité de l’OMPI visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées a été conclu lors de la Conférence diplomatique qui s’est tenue à Marrakech du 17 au 28 juin 2013 et a été signé par la France le 30 avril 2014. Le traité établit un ensemble de règles internationales qui garantissent l’existence, au niveau national, de limitations ou d’exceptions au droit d’auteur en faveur des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés, et qui permettent l’échange transfrontalier des exemplaires en format accessible d’œuvres publiées qui ont été réalisés en application d’une limitation ou d’une exception au droit d’auteur sur le territoire d’un État partie au traité.

La définition des bénéficiaires au sens du traité (article 3 du traité) est plus large que celle retenue actuellement par le CPI. Le traité définit les personnes bénéficiaires comme les personnes qui sont aveugles, qui souffrent d’une déficience visuelle, d’une déficience de perception ou de difficultés de lecture, ou qui sont incapables, en raison d’un handicap physique, de tenir ou de manipuler un livre ou encore de fixer ou de bouger les yeux afin de pouvoir lire. Ainsi, les dyslexiques, dyspraxiques et dysphasiques font-ils partie des bénéficiaires au sens du traité tandis qu’ils ne sont pas concernés par l’exception nationale française existante.

Par ailleurs, le traité permet aux « entités autorisées », définies comme étant des établissements publics ou d’autres organisations qui offrent, à titre non lucratif, des services en matière d’enseignement, de formation pédagogique, de lecture adaptée ou d’accès à l’information aux aveugles, déficients visuels ou personnes ayant d’autres difficultés de lecture, d’exporter les exemplaires en format adapté réalisés en vertu d’une limitation ou d’une exception au droit d’auteur. Aux termes de l’article 2 du traité, ces entités autorisées doivent avoir une pratique visant à établir qu’elles ne distribuent ces formats adaptés qu’à des bénéficiaires et qu’elles découragent la reproduction, la distribution et la mise à disposition d’exemplaires non autorisés. De plus, elles doivent tenir un registre de reproduction, de distribution et de mise à disposition des exemplaires d’œuvres qu’elles gèrent.

Le traité précise également que, dans la mesure où une partie contractante autorise une personne bénéficiaire ou une entité autorisée à réaliser un exemplaire d’une œuvre en format accessible, elle doit aussi autoriser l’importation de tels exemplaires en format adapté.

Le CPI ne prévoit rien en matière d’échanges transfrontières. Le gouvernement propose donc, avant la ratification du traité de Marrakech, d’autoriser les exportations ainsi que les importations transfrontières d’œuvres en format adapté.

2. Le dispositif proposé par le projet de loi initial

Le 1° du I du présent article modifie la rédaction du 7° de l’article L. 122-5 du CPI afin de modifier le champ des bénéficiaires de l’exception. Il est proposé de viser les « personnes atteintes d’une ou de plusieurs déficiences des fonctions motrices, physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, et empêchées du fait de ces déficiences d’accéder à l’œuvre dans la forme sous laquelle l’auteur la rend disponible au public ».

Cette rédaction permet notamment d’inclure dans le champ de l’exception des dyslexiques et des dyspraxiques qui ne répondent pas aux critères actuels et pour qui le besoin d’adaptation est néanmoins réel. Les bénéficiaires ne seront pas identifiés par un handicap mais par un besoin. Selon les précisions transmises par le ministère de la Culture et de la Communication, l’absence d’un cadre de référence strict fait peser sur les structures inscrites sur la liste la responsabilité de vérifier que ce besoin est avéré. Afin de les accompagner dans cette mise en œuvre, un guide est en cours de rédaction par le service du livre et de la lecture. Ce guide rappelle aux organismes inscrits sur la liste que l’exception au droit d’auteur ne s’applique pas si une version répondant au besoin est disponible dans le commerce et que le respect de la législation impose donc de vérifier l’offre disponible avant tout travail d’adaptation, d’autant que l’offre numérique des éditeurs est susceptible d’évoluer pour offrir toujours plus de fonctionnalités d’accessibilité suffisantes pour satisfaire certains besoins. Le guide indique les sources auxquelles se référer pour vérifier la disponibilité ou non d’un titre et, le cas échéant, évaluer son niveau d’accessibilité.

Le dernier alinéa de l’article L. 122-5 précise actuellement que ses modalités d’application et notamment « l’autorité administrative mentionnée au 7°, ainsi que les conditions de désignation des organismes dépositaires et d’accès aux fichiers numériques mentionnés au troisième alinéa du 7° », sont précisées par décret en Conseil d’État. Le 2° du I du présent article est une disposition de coordination : le renvoi à un décret n’est plus nécessaire, les articles L. 122-5-1 et L. 122-5-2 introduits par le II du présent article précisant les modalités d’application du 7° de l’article L. 122-5.

Le II du présent article introduit un article L. 122-5-1 nouveau qui vise à élargir l’offre disponible pour les personnes handicapées éligibles, en mettant à leur disposition la totalité des catalogues des publications adaptées dès lors que les adaptations sont dans un format numérique.

Le 1° du nouvel article L. 122-5-1 du CPI (alinéa 7 du présent article) précise que « la reproduction et la représentation sont assurées par des personnes morales ou des établissements figurant sur une liste arrêtée conjointement par le ministre chargé de la culture et le ministre chargé des handicapés. La liste de ces personnes morales et établissements est établie au vu de leur activité professionnelle effective de conception, de réalisation ou de communication de documents adaptés au bénéfice des personnes physiques mentionnées au 7° de l’article L. 122-5 et par référence à leur objet social, à l’importance des effectifs de leurs membres ou de leurs usagers, aux moyens matériels et humains dont ils disposent et aux services qu’ils rendent ». Il s’agit de la reprise des dispositions de l’actuel 7° de l’article L. 122-5 relatives aux structures autorisées à assurer la reproduction et la représentation des œuvres concernées.

Il est précisé que la liste des structures autorisées à assurer la reproduction et la représentation des œuvres est établie conjointement par le ministre chargé de la culture et le ministre chargé des handicapés.

Les critères d’établissement de la liste ont été précisés par voie réglementaire à l’article R. 122-17 du CPI. Les structures qui demandent à être inscrites sur la liste remplissent un dossier qui permet notamment de situer l’activité d’adaptation par rapport au reste de leur mission, d’évaluer le degré de professionnalisation des personnes qui ont la charge de ce travail d’adaptation, la qualité des outils utilisés pour cette tâche ainsi que la connaissance que la structure a de son public. Il permet enfin de s’assurer que le travail d’adaptation effectué n’entre pas en concurrence avec des œuvres disponibles pouvant satisfaire le besoin de la personne bénéficiaire.

Les dossiers des structures souhaitant être inscrites sur cette liste sont examinés par les membres de la commission en charge de la mise en œuvre de cette exception et composée à parité de représentants des ayants droit et de représentant des personnes handicapées. La commission émet un avis qui donne lieu à la préparation d’un arrêté signé par le ministre des affaires sociales et celui de la culture. La commission se réunit trois fois par an.

90 structures sont aujourd’hui inscrites sur la liste et 40 d’entre elles bénéficient également de l’agrément qui permet de travailler à partir des fichiers numériques des éditeurs. Plus de 60 % de ces structures sont des associations, les autres sont des bibliothèques municipales ou universitaires et des établissements publics.

Le 2° du nouvel article L. 122-5-1 (alinéa 8 du présent article) précise que « la reproduction et la représentation peuvent également porter sur toute œuvre dont le fichier numérique est déposé par l’éditeur, dans un format facilitant la production de documents adaptés, auprès de la Bibliothèque nationale de France qui le met à disposition des personnes morales et des établissements figurant sur la liste mentionnée au 1° et agréés à cet effet ».

La référence à « un standard ouvert au sens de l’article 4 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique » est ainsi remplacée par la notion de « format facilitant la production documents adaptés ». Contrairement à ce qui est préconisé dans le rapport de l’IGAC, il a été choisi de confier aux éditeurs et non à la BnF la responsabilité du format dans lequel le fichier est transmis.

Comme le précise l’étude d’impact annexée au projet de loi, cela permet en premier lieu d’éviter de faire peser inutilement sur un établissement public une charge financière liée à de lourds processus de conversion qui peuvent être évités. Les éditeurs sont les acteurs les mieux placés à l’ère du livre numérique pour mettre en place de tels processus, dont ils peuvent eux-mêmes tirer par ailleurs un bénéfice. En effet, pour une grande majorité de textes, le format XML est un format de production pivot qui permet de fabriquer simultanément des formats de diffusion à destination de l’édition papier et de l’édition numérique. Les formats XML sont aujourd’hui largement utilisés dans la chaîne de production de l’industrie éditoriale. Les très rares éditeurs qui produisent encore suivant des méthodes anciennes pourront ainsi gagner en efficacité. La mesure participera en conséquence au développement de l’offre de livres numériques nativement accessibles.

Le Centre national du livre (CNL), pressenti comme acteur du dispositif en 2006, n’a jamais pris part à la mise en œuvre de l’exception : c’est en effet la BnF qui a été retenue comme intermédiaire de confiance entre les éditeurs et les organismes agréés pour recevoir leurs fichiers. La référence au CNL a donc logiquement été retirée du texte proposé.

Le a) du 2° du nouvel article L. 122-5-1 (alinéa 10 du présent article) précise que l’agrément est accordé « conjointement par le ministre chargé de la culture et le ministre chargé des handicapés à ceux, parmi les personnes morales et établissements mentionnés au 1°, qui présentent des garanties et des capacités de sécurisation et de confidentialité des fichiers susceptibles d’être mis à leur disposition puis transmis par eux aux personnes bénéficiaires de la reproduction ou de la représentation ».

Ces dispositions ne modifient pas le droit existant mais la rédaction proposée consacre au plan législatif la liste (dite de niveau 2) des organismes agréés pour recevoir les fichiers des éditeurs. En effet, actuellement, seul le décret prévoit, outre la liste (dite de niveau 1), qui autorise les organismes inscrits à procéder à une adaptation et une représentation des œuvres sans demander l’autorisation des ayants droit ni verser de rémunération, l’existence d’une liste (dite de niveau 2) qui ajoute à cette autorisation un agrément permettant de travailler directement à partir des fichiers numériques des éditeurs. Les critères d’inscription sur cette liste sont renforcés par une attention portée aux dispositifs informatiques et aux procédures mises en place pour assurer la sécurisation des fichiers et leur non-dissémination. Ils ont été précisés par voie réglementaire à l’article R. 122-17-11 du CPI.

Le b) du 2° du nouvel article L. 122-5-1 (alinéas 11 à 13 du présent article) prévoit un dépôt obligatoire à la BnF :

« – en ce qui concerne les livres scolaires, pour ceux dont le dépôt légal ou la publication sous forme de livre numérique au sens de la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 sont postérieurs au 1er janvier 2016, au plus tard le jour de leur mise à disposition du public ;

– pour les autres œuvres, sur demande d’une des personnes morales et établissements mentionnés au 1° formulée dans les dix ans suivant le dépôt légal des œuvres imprimées quand celui-ci est postérieur au 4 août 2006 ou dès lors que des œuvres sont publiées sous forme de livre numérique au sens de la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 ».

Dans le cadre actuel de l’exception, les fichiers des livres sont déposés par les éditeurs, à la demande des structures adaptatrices, dans un délai de deux mois après la demande. Or les enseignants choisissent tardivement les manuels pour l’année à venir et la demande de fichier ne peut souvent pas se faire avant la rentrée scolaire. Le délai de deux mois et le temps de réaliser l’adaptation rendent souvent caduque la demande elle-même. Le rapport de l’IGAC soulignait cette difficulté et préconisait un dépôt systématique des livres scolaires de manière à réduire les délais.

Les critères retenus permettent de répondre aux besoins légitimes et urgents des élèves en situation de handicap mais également de s’assurer que la demande de fichiers puisse être satisfaite. Ainsi, les livres scolaires seront-ils déposés à la BnF automatiquement et dès leur parution, ce qui permettra de réduire le temps nécessaire à leur obtention, conformément aux exigences du calendrier scolaire.

Est également introduite la possibilité pour les personnes morales et établissements mentionnés au 7° de l’article L.122-5 de demander les fichiers des œuvres publiées sous forme de livres numériques au sens de la loi du 26 mai 2011. Pour ces livres, une barrière temporelle glissante de 10 ans a été fixée, permettant de s’assurer que, dans leur ensemble, les éditeurs sont en possession d’un fichier numérique ayant servi à l’édition des œuvres.

Le c) du 2° de l’article L. 122-5-1 (alinéa 14 du présent article) précise que le ministre chargé de la culture arrêtera « la liste des formats mentionnés au premier alinéa du présent 2°, après avis de la Bibliothèque nationale de France, des personnes morales et des établissements mentionnés au 2°, des organisations représentatives des titulaires de droit d’auteur et des personnes handicapées concernées ». 

Le projet de loi reprend, en l’adaptant, la préconisation du rapport de l’IGAC tendant à ce qu’une liste des formats « facilitant la production de documents adaptés » soit arrêtée par le pouvoir réglementaire. Cette question étant d’une très grande technicité, il est préconisé que cet arrêté soit pris après avis de la BnF, des personnes morales et des établissements mentionnés au 7° de l’article L. 122-5, des organisations représentatives des titulaires de droit et des personnes handicapées concernées. Selon les précisions transmises par le ministère de la Culture et de la Communication, les organisations consultées seront principalement celles qui siègent actuellement au sein de la commission en charge de délivrer les agréments : Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et amblyopes, Union nationale des associations de parents de personnes handicapées mentales et de leurs amis, Association des paralysés de France, Chambre syndicale des éditeurs de musique de France, Société des gens de lettres, Syndicat des éditeurs de la presse magazine, Syndicat national de l’édition, Syndicat national des auteurs et des compositeurs. La fédération française des DYS, qui pourrait par ailleurs devenir membre de la commission, sera également associée.

Selon les types de documents concernés, plusieurs formats pourraient être retenus : XML, INDESIGN, IDSNL, etc.

Le d) du 2° de l’article L. 122-5-1 (alinéa 15 du présent article) impose à la BnF de conserver sans limitation de durée les fichiers déposés par les éditeurs et de garantir la confidentialité de ces fichiers et la sécurisation de leur accès.

Le e) du 2° de l’article L. 122-5-1 (alinéa 16 du présent article) impose aux personnes morales et aux établissements mentionnés au 1° de détruire les fichiers mis à leur disposition une fois effectué le travail de conception, de réalisation et de communication de documents adaptés. Selon les précisions transmises par le ministère de la Culture et de la Communication, il n’y a pas de contrôle a posteriori du respect de cette obligation mais les structures s’y engagent dans leur dossier de candidature.

Les f) et g) du 2° de l’article L. 122-5-1 (alinéas 17 et 18 du présent article) précisent le rôle de la BnF en matière de mutualisation et de mise à disposition des fichiers. Elle devra assurer un travail de conservation numérique des fichiers adaptés (afin d’éliminer tout risque de perte ultérieure, dommageable à une large diffusion) et veiller ensuite à diffuser ces fichiers auprès des personnes morales et établissements inscrits sur la liste.

Le f) organise la mutualisation des fichiers adaptés entre tous les organismes inscrits sur la liste par l’intermédiaire de la BnF.

Le g) précise que c’est la BnF qui sert d’intermédiaire de confiance entre les éditeurs et les organismes agréés. Il précise ensuite que la mutualisation des fichiers adaptés est possible entre organismes agréés.

En principe, la BnF devrait conserver sur le long terme la totalité des fichiers adaptés qu’elle aura reçus des organismes inscrits sur la liste. Toutefois ces fichiers adaptés présenteront une très grande variété de caractéristiques techniques et pourraient entraîner le cas échéant des coûts élevés de conservation. C’est pourquoi il est proposé de préciser que la BnF peut procéder à une sélection des fichiers qu’elle conserve. Cette disposition a pour objet de permettre à la BnF de ne pas conserver les fichiers dont l’usage et la réutilisation s’avéreraient très faibles et dont les coûts de conservation présenteraient un caractère disproportionné.

Comme le précise le dernier alinéa de l’article L. 122-5-1 (alinéa 19 du présent article), ses modalités d’application, notamment les modalités d’établissement de la liste mentionnée au 1° et de l’agrément prévu au 2°, les caractéristiques des livres scolaires mentionnés au b du 2°, les critères de la sélection prévue au f du 2°, ainsi que les conditions d’accès aux fichiers numériques mentionnés au premier alinéa et au f du 2° seront précisées par décret en Conseil d’État.

Le nouvel article L. 122-5-2 du CPI (alinéas 20 à 24 du présent article) vise enfin à permettre la diffusion à l’étranger d’œuvres adaptées en France dans les meilleurs délais, sans attendre la ratification du Traité de l’OMPI du 27 juin 2013 précité qui définit les conditions et les modalités de circulation entre les États parties des fichiers d’œuvres adaptées.

Le premier alinéa de l’article L. 122-5-2 autorise ainsi les organismes établis en France (personnes morales et établissements agréés en application du 2° de l’article L. 122-5-1) à diffuser des œuvres adaptées en direction d’organismes sans but lucratif établis dans d’autres États et à recevoir des œuvres adaptées par ces derniers sous réserve que les État concernés aient consacré dans leur législation une exception en faveur des personnes handicapées.

En application du deuxième alinéa de l’article L. 122-5-2, les organismes précités s’entendent comme « toute personne morale ou tout établissement autorisé ou reconnu par un État pour exercer une activité professionnelle effective de conception, de réalisation et de communication de documents adaptés au bénéfice des personnes physiques atteintes d’une déficience qui les empêche de lire ».

Afin de s’assurer que cette diffusion se fera dans des conditions de sécurité juridique et de transparence satisfaisantes, le troisième alinéa de l’article L. 122-5-2 impose la conclusion de conventions entre les organismes émetteurs et les organismes bénéficiaires précisant les conditions de mise à disposition des documents adaptés ainsi que les mesures prises par l’organisme sans but lucratif destinataire de ces documents, afin de garantir que ceux-ci ne sont consultés que par les personnes physiques atteintes d’une déficience qui les empêche de lire.

Le quatrième alinéa de l’article L. 122-5-2 oblige les personnes morales et les établissements autorisés à échanger des documents adaptés à rendre compte dans un rapport annuel au ministre chargé de la culture et au ministre chargé des personnes handicapées de la mise en œuvre des conventions. Ils devront porter à l’annexe de ce rapport un registre mentionnant la liste des œuvres et le nombre, la nature ainsi que le pays de destination des documents adaptés mis à la disposition d’organismes sans but lucratif établis dans un autre État.

En application du dernier alinéa de l’article L. 122-5-2, ses modalités d’application, notamment les conditions de la mise à disposition des documents adaptés, seront précisées par décret en Conseil d’État.

Selon les précisions transmises par le ministère de la Culture et de la Communication, le cadre juridique proposé pour ces échanges n’est pas strictement identique à celui du traité de Marrakech. La ratification du traité imposera donc d’aller plus loin et de prévoir dans la législation nationale une exportation des fichiers directement accessibles à des personnes physiques empêchées de lire ressortissantes d’un autre État partie, comme le prévoit le traité, et non plus seulement aux entités autorisées de cet autre État partie.

Par ailleurs, l’Union de Marrakech, une fois le Traité entré en vigueur, prévoira des garanties entre les États qui ne nécessiteront plus celles prévues par la convention liant les entités autorisées. La ratification imposera donc deux modifications au mécanisme prévu par le projet de loi : l’extension du bénéfice du transfert des fichiers par les entités autorisées françaises à destination des personnes physiques ressortissantes d’autres États parties au traité, et sans doute la révision de l’obligation de passer une convention entre les entités autorisées.

3. Les modifications apportées par la Commission

La Commission a clarifié les contours de l’obligation de destruction des fichiers par les organismes transcripteurs une fois effectués leur travail d’adaptation des œuvres. Il s’agit en réalité de protéger les seuls fichiers déposés par les éditeurs auprès de la BnF. Cette obligation ne peut donc peser que sur les seuls organismes agréés par le gouvernement en vue d’avoir accès à ces fichiers, ce que la rédaction initiale du projet de loi ne précisait pas.

La Commission a également précisé que le rapport annuel de la BnF concernant son activité de sélection et de conservation des documents sera rendu public.

La Commission a enfin mis en cohérence diverses dispositions de l’article L. 122-5-1 du code de la propriété intellectuelle. La rédaction initiale du g) du 2° laissait penser à tort que les fichiers déposés par les éditeurs auprès de la BnF pouvaient être mis à disposition de l’ensemble des organismes adaptateurs figurant sur la liste arrêtée par le gouvernement y compris ceux qui ne sont pas agréés. Ainsi que le prévoit le premier alinéa du 2° de L. 122-5-1, la mise à disposition des fichiers des éditeurs par la BnF est limitée aux seuls organismes qui sont agréés à cet effet et répondent à des critères techniques spécifiques. La modification proposée vise à conforter cette disposition dans un souci de sécurisation des fichiers source des éditeurs.

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La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AC476 et AC477 du rapporteur.

Puis elle aborde l’amendement AC18 de M. Lionel Tardy.

Mme Virginie Duby-Muller. La liste des formats adaptés doit être arrêtée conjointement par les ministres de la culture et des personnes handicapées.

M. le rapporteur. Il s’agit ici de préciser le format des fichiers fournis par les éditeurs en tenant compte des pratiques industrielles de l’édition numérique, ce qui, de mon point de vue, relève de la seule compétence du ministère de la culture et de la communication. J’émets donc un avis défavorable à cet amendement.

Mme la ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AC480 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à clarifier les contours de l’obligation de destruction des fichiers par les organismes transcripteurs une fois effectué leur travail d’adaptation des œuvres. Il s’agit en réalité de protéger les seuls fichiers déposés par les éditeurs auprès de la Bibliothèque nationale de France (BNF). Cette obligation ne peut donc peser que sur les seuls organismes agréés par le Gouvernement en vue d’avoir accès à ces fichiers, ce que la rédaction actuelle ne précise pas.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AC309 de Mme Sylvie Tolmont.

M. Michel Pouzol. Cet amendement vise à ce que le rapport annuel de la BNF concernant son activité de sélection et de conservation des documents soit rendu public.

M. le rapporteur. J’émets un avis favorable à toujours plus de transparence.

Mme la ministre. Rien ne s’oppose à ce que la loi dispose que le rapport de la BNF sur la sélection et la conservation des fichiers et des documents adaptés qui lui sont retransmis par les organismes agréés sera rendu public. Mais, dans les faits, le décret garantira que le rapport sera porté à la connaissance des parties intéressées et débattues par elles. N’étant pas sûre que cette disposition soit utile, je m’en remets à la sagesse de la Commission.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC479 et AC478 du rapporteur.

Elle en vient ensuite à l’amendement AC19 de M. Lionel Tardy.

Mme Virginie Duby-Muller. Certains handicaps nécessitent un accompagnement. Il faut donc prévoir la consultation des documents adaptés par les accompagnants de personnes handicapées.

M. le rapporteur. Votre proposition contrevient à la directive 2001/29/CE, relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, qui réserve le bénéfice de l’exception aux seules personnes affectées d’un handicap.

Mme la ministre. Même avis. J’ajoute que la notion d’accompagnant est sujette à interprétation et source d’insécurité juridique dans le cadre de la mise en œuvre d’une exception au droit d’auteur qui est d’interprétation stricte.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 11 modifié.

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Article 11 bis (nouveau)
(art. 18 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication)

Respect des quotas de chanson francophones par les radios

Depuis leur introduction par la loi du 1er février 1994, les dispositions relatives aux quotas de chanson française ont régulièrement donné lieu à des débats entre la filière musicale et les radios. Ces débats tiennent essentiellement à l’adaptation des quotas à certains formats radiophoniques, à la concentration des titres diffusés et à la promotion des nouveaux talents.

Plus récemment cependant, des doutes ont été émis sur la réalité du respect de ces dispositions par les opérateurs radiophoniques et sur le contrôle de leur respect par le Conseil supérieur de l’audiovisuel. Il appartient pourtant à l’instance de régulation de veiller à la bonne application de la loi et d’en sanctionner les manquements. Elle est à cette fin dotée d’un pouvoir de sanctions administratives.

Afin que les éléments de ce débat puissent être tout à fait objectifs, le présent article vise à obliger le CSA à en rendre précisément compte à la représentation nationale, dans le cadre du rapport qu’il présente annuellement en application de l’article 18 de la loi du 30 septembre 1986, et à propos duquel le Président du CSA est auditionné par les commissions permanentes chargées des affaires culturelles de chaque assemblée. Le CSA pourra ainsi faire le bilan précis du respect de ces quotas. S’ils ne sont pas respectés, le Parlement devrait être informé des raisons de ce non-respect et des conséquences que l’instance de régulation en a tirées.

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La Commission est saisie de l’amendement AC499 du rapporteur.

M. le rapporteur. Lors de nos auditions et à la suite de plusieurs échanges, des doutes ont été émis quant au respect des quotas de chanson française à la radio. Comme il appartient au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) de veiller à ce respect, je propose que le rapport que celui-ci doit rendre chaque année au Parlement et présenter devant notre Commission sur l’application de la loi du 30 septembre 1986 fasse le point sur l’application de ces quotas et sur leur contrôle par ce même Conseil.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 11 ter (nouveau)
(art. 28 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication)

Diversité des titres francophones diffusés au titre des quotas radiophoniques

Le rapport remis le 10 mars 2014 par M. Jean-Marc Bordes à la ministre de la culture et de la communication sur l’exposition de la musique dans les médias francophones observait une forte dégradation de la diversité musicale présente sur les radios depuis plusieurs années. Sur certaines radios, 10 titres francophones peuvent ainsi représenter jusqu’à 75 % des diffusions francophones mensuelles. 

Pour contrer cette tendance, le présent article prévoit que dans l’hypothèse où plus de la moitié du total des diffusions d’œuvres musicales d’expression française se concentreraient sur les dix œuvres musicales d’expression française les plus programmées par un service de radio, les diffusions intervenant au-delà de ce seuil ne seraient pas prises en compte pour le respect des quotas fixés par la convention signée avec l’éditeur de radio. 

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Elle aborde l’amendement AC282 de M. Hervé Féron.

M. Michel Pouzol. Depuis plusieurs années, nous avons imposé aux radios un quota de chansons françaises. Or, si cette disposition rencontre un assez grand succès auprès des publics, elle est parfois dévoyée par les radios. Souvent, dix titres peuvent suffire à assurer 75 % des diffusions francophones mensuelles obligatoires. En conséquence, la diversité n’est pas respectée telle que l’avait conçue le législateur.

C’est pourquoi cet amendement prévoit que, dans l’hypothèse où plus de la moitié du total des diffusions d’œuvres musicales d’expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France se concentre sur dix œuvres musicales seulement, toutes les diffusions supplémentaires de ces dix œuvres n’entreront plus dans le calcul des quotas. Il s’agit ainsi de redonner tout son sens au dispositif initial, très utile pour l’ensemble de la musique française.

M. le rapporteur. Nous avons abordé ce sujet majeur lors de nos auditions, et je me souviens du débat que nous avions déjà eu sur ce point lors du vote de la loi de 2000. Cela étant, si nous avons auditionné des interlocuteurs désireux de changer ces quotas, nous n’avons pas eu d’échange avec les responsables des radios. Je m’en remets donc à la sagesse de la Commission.

Mme la ministre. L’application des quotas de chansons francophones par les services de radio soulève régulièrement des débats entre le monde de la musique et les radios. Personne ne méconnaît l’importance de la diffusion de ces quotas à la fois pour le secteur de la création musicale et pour la diversité de l’offre proposée aux auditeurs. Dans le même temps, la critique la plus forte, récemment portée à notre connaissance, tient au non-respect
– réel ou supposé – du dispositif législatif actuel. C’est pourquoi l’amendement que vous venez de voter à l’initiative du rapporteur sera très utile. Il appartient au CSA de prendre les dispositions appropriées aux différentes catégories de radios musicales dans les conventions qu’il conclut avec chaque éditeur. Il lui appartient aussi de veiller à leur respect et, le cas échéant, d’en sanctionner les manquements grâce à son pouvoir de sanction administrative.

En cas de non-respect des quotas, il me semble indispensable que le Parlement puisse être informé par le CSA, dans le cadre de son rapport annuel, des raisons de ce non-respect et des conséquences que le CSA en a tirées. Avant de songer à rendre plus strict le dispositif actuel, il me paraît indispensable de commencer par veiller à sa bonne application. Pour autant, je comprends l’impatience de la filière musicale et l’intention qui anime votre proposition. Bien que votre amendement n’évite pas les écueils que je viens d’évoquer, s’agissant en particulier du respect effectif de ces quotas, je m’en remets à la sagesse de la Commission, étant entendu que, au cours du débat parlementaire, je compléterai ou ajusterai le dispositif afin d’améliorer encore son efficacité.

M. Franck Riester. Le rapporteur et le Gouvernement émettant un avis de sagesse, il s’agit visiblement d’un amendement polémique. Je souscris à la nécessité d’améliorer la diffusion des œuvres d’expression française. Mais, si l’on ne prend pas en considération la question de la musique dans son ensemble, c’est-à-dire certes dans son volet diffusion, mais aussi dans son volet création, on risque de se retrouver rapidement dans une impasse. Les quotas, évidemment nécessaires, seront difficilement atteignables par les radios, compte tenu de l’effondrement actuel des nouvelles créations françaises. Qui plus est, de plus en plus de créations françaises ne sont pas en langue française. Par conséquent, avant de renforcer les quotas en vigueur, il est urgent d’améliorer notre connaissance de la réalité du marché de la musique, c’est-à-dire des nouvelles créations musicales et de la réalité de leur expression en langue française, et de se laisser du temps avant de prendre une décision sans avoir écouté les radios qui sont les premières concernées.

M. Michel Pouzol. Ce dispositif complexe mériterait peut-être d’être affiné. Il constitue néanmoins une base de travail intéressante pour le CSA et l’ensemble des acteurs de la filière.

La Commission adopte l’amendement.

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Après l’article 11

Elle examine ensuite l’amendement AC98 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Cet amendement vise à promouvoir la diversité culturelle et la chanson française. Issu de propositions qui nous ont été adressées par les professionnels, il prévoit que les listes de recommandations présentes sur chaque page internet incluent un pourcentage d’œuvres d’expression originale française.

M. le rapporteur. L’idée est intéressante, mais compliquée à mettre en application, tant juridiquement au plan national, en raison d’un problème de territorialité du droit applicable, que pratiquement, en termes de régulation des algorithmes de recommandation. Le niveau adéquat pour traiter la question de la régulation des plateformes numériques est européen. D’ailleurs, ces propositions sont soutenues avec conviction par le Gouvernement français dans le cadre du projet européen de directive sur le marché unique numérique.

Mme la ministre. Je partage l’analyse du rapporteur quant aux difficultés liées à la territorialité du droit applicable – problème qui se pose aujourd’hui en cette matière comme en beaucoup d’autres. J’ajoute que la question de l’exposition de la diversité se pose dans les mêmes termes sur les grandes plateformes de vidéo à la demande. Si je partage votre objectif et comprends l’intention qui vous anime, je suis défavorable à cet amendement, car il me paraît impossible à appliquer sans risquer de manquer la cible. Il nous faut continuer à porter la question de la régulation des plateformes dans le cadre du projet européen de marché unique numérique.

L’amendement est retiré.

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Article 12
(art. L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle)

Coordination

Le présent article effectue au sein de l’article L. 211-13 du CPI les coordinations rendues nécessaires par l’introduction, à l’article 11, de deux nouveaux articles (L. 122-5-1 et L. 122-5-2) au sein du même code, relatifs au régime de l’exception « handicap ».

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La Commission adopte l’article 12 sans modification.

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Article 13
(art. L. 342-3 du code de la propriété intellectuelle)

Coordination

Le présent article effectue au sein de l’article L. 342-3 du CPI les coordinations rendues nécessaires par l’introduction, à l’article 11, de deux nouveaux articles (L. 122-5-1 et L. 122-5-2) au sein du même code, relatifs au régime de l’exception « handicap ».

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La Commission adopte l’article 13 sans modification.

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Après l’article 13

La Commission en vient à l’amendement AC213 de Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Cet amendement vise à préciser que les livres édités sous forme numérique sont soumis à une obligation de dépôt légal. Cette obligation est en vigueur pour les exemplaires papier, mais la BNF a instauré un système de dépôt des fichiers correspondants aux livres numériques qui n’est que facultatif. Si nous ne faisons pas évoluer le code du patrimoine, le dépôt légal perdra le caractère systématique qu’il présente depuis 1538, sous le règne de François Ier. Si je défends cet amendement, ce n’est pas que je sois fanatique des réglementations datant du XVIe siècle, mais il n’est pas anodin que le dépôt légal obligatoire figure dans le code du patrimoine. Ce n’est pas parce que l’on change de technologie pour passer à l’ère du livre numérique, qui sera largement dominant dans quelques années, que nous devons abandonner cette obligation. Il serait opportun de profiter de ce projet de loi pour rectifier un oubli.

M. le rapporteur. Il sera utile d’évoquer les nombreuses questions posées par Isabelle Attard, et qu’elle a d’ailleurs déjà soulevées dans le cadre d’un précédent débat, lors de l’examen du projet de loi sur le numérique. En attendant, je l’invite à retirer son amendement.

Mme la ministre. J’émettrai le même avis, d’autant que le dépôt légal de certaines catégories de documents numériques existe déjà sous différentes formes et que le principe de ce dernier dépôt est de permettre aux organismes dépositaires de sélectionner et de collecter eux-mêmes les contenus numériques relevant du patrimoine national. Dans le cas des livres numériques, ce mode de collecte est actuellement en train d’être testé à la BNF dans le cadre d’expérimentations évoquées dans l’amendement. Le Gouvernement privilégie pour l’instant la voie de l’expérimentation avec la BNF via le dépôt légal du web. C’est pourquoi je vous demanderai moi aussi de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’y serais défavorable.

Mme Isabelle Attard. Le dépôt légal des livres numérique est une question de constitution de patrimoine et non une question numérique.

La Commission rejette l’amendement AC213.

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Article 13 bis (nouveau)
(art. L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle)

Renforcement de l’obligation d’exploitation des œuvres audiovisuelles

Afin d’améliorer l’offre légale disponible, en particulier en ligne, le présent article additionnel, issu d’un amendement présenté par le rapporteur, vise à ouvrir une réflexion sur les conditions d’une amélioration de l’exploitation des œuvres audiovisuelles.

Il modifie à cet effet l’article L. 132-27 du CPI relatif à l’obligation d’exploitation des œuvres audiovisuelles par les producteurs, qui prévoit actuellement que ces derniers sont tenus d’assurer à l’œuvre audiovisuelle « une exploitation conforme aux usages de la profession ».

Il est proposé de renforcer cette obligation afin d’élargir l’offre de films français disponibles, en particulier sur les plateformes numériques. En effet, le moteur de recherche mis en place par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) a mis en évidence que seuls 12 000 films français sont actuellement disponibles sur une base de 28 000 films.

Les conditions de mise en œuvre de cette obligation d’exploitation renforcée seraient définies par voie d’accord professionnel conclu entre les organismes professionnels d’auteurs ou les sociétés de perception et de répartition des droits et les organisations représentatives des producteurs d’œuvres audiovisuelles. Cet accord pourrait être rendu obligatoire à l’ensemble des intéressé du secteur d’activité concerné par arrêté du ministre chargé de la culture. À défaut d’accord professionnel rendu obligatoire dans le délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, les conditions de l’exploitation permanente et suivie des œuvres audiovisuelles seraient fixées par décret en Conseil d’État.

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La Commission examine, en discussion commune, l’amendement AC471 du rapporteur et les amendements identiques AC56 de M. Christian Kert et AC279 de M. Marcel Rogemont.

M. le rapporteur. Cet amendement a pour objet d’élargir l’obligation d’exploitation des œuvres audiovisuelles. Il rejoint les préoccupations exprimées dans l’exposé sommaire des amendements AC56 de Christian Kert et AC79 de Marcel Rogemont. Je vous propose une rédaction plus souple que la leur, visant à lancer une réflexion relative à l’élargissement de l’obligation d’exploitation des œuvres audiovisuelles dans l’objectif cohérent de renforcer l’offre légale. D’après le CNC, seuls 12 000 films français – sur 28 000 films – sont actuellement disponibles, soit moins de la moitié. Il est proposé que les conditions de mise en œuvre de cette obligation d’exploitation renforcée soient définies par voie d’accord professionnel.

Mme la ministre. Je partage l’objectif poursuivi par cet amendement comme celui des amendements déposés par MM. Kert et Rogemont : une meilleure disponibilité des œuvres, notamment sur les plateformes numériques. Il s’agit de favoriser l’exposition des œuvres et de développer l’offre légale. Toutefois, tel qu’il est rédigé, l’amendement entraînerait des difficultés pratiques, notamment parce que le producteur n’est en général pas lui-même diffuseur ou distributeur et ne maîtrise donc pas totalement les conditions d’exposition des œuvres dont il détient les droits. Je vous propose d’engager rapidement un travail de réflexion et de concertation avec l’ensemble des parties intéressées afin de vous présenter, lors du débat en séance publique, une solution conciliant les attentes légitimes des auteurs, les contraintes liées à l’économie de l’exploitation des œuvres audiovisuelles et l’intérêt du public. Néanmoins, au regard de l’objectif que nous partageons et des modifications que vous avez proposées, monsieur le rapporteur, je m’en remets à la sagesse de la Commission.

M. Christian Kert. Compte tenu de la sensibilité du sujet, je me range à la proposition plus souple du rapporteur, qui vise à avancer par paliers, et je retire mon amendement.

M. Marcel Rogemont. Moi de même.

Les amendements AC56 et AC279 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement AC471.

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Chapitre IV
Développer et pérenniser l’emploi et l’activité professionnelle

Avant l’article 14

La Commission est saisie des amendements AC300, AC303, AC301 et AC302 de M. Jean-Patrick Gille, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

M. Jean-Patrick Gille. Ces quatre amendements reprennent des propositions formulées dans un rapport d’information intitulé Les métiers artistiques : être ou ne pas être des salariés comme les autres ?, publié en 2013 à l’issue des travaux d’une mission présidée par Christian Kert et dont j’ai été le rapporteur. Ils visent à encadrer le contrat à durée déterminée d’usage (CDDU), aujourd’hui peu réglementé dans le code du travail, afin de limiter le recours à l’intermittence, notamment dans l’audiovisuel. Ils s’inspirent des accords conventionnels en vigueur dans le spectacle vivant et que l’on pourrait généraliser.

Nous proposons que, lorsqu’un salarié en CDDU travaille plus de 600 heures avec le même employeur, ce dernier ait obligation de lui proposer un contrat à durée indéterminée (CDI). Au-delà de 900 heures, nous proposons qu’il ait obligation de recourir au CDI à défaut de quoi le CDDU pourrait être ainsi requalifié. Je précise que la convention applicable dans le secteur du spectacle vivant est de 1 200 heures. Nous proposons également qu’un salarié en CDDU ayant accompli un temps complet, soit 151 heures en un mois, ne puisse en même temps bénéficier d’une indemnisation au titre de l’assurance chômage. Enfin, nous suggérons que la durée minimale du CDDU soit de quatre heures afin de limiter la fragmentation de la relation contractuelle.

Ces propositions sont au cœur de l’actualité, puisqu’elles rejoignent le rapport Combrexelle et la question de savoir ce qui relève du code du travail ou de la négociation collective. Mais il faut que le législateur soit capable d’affirmer que, si la négociation collective n’avance pas, il peut lui aussi formuler des propositions.

M. le rapporteur. Lorsque je suis devenu président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de notre assemblée, ma première initiative a été d’appeler Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales, afin d’évoquer une question sociale croisant une question culturelle. Je lui ai alors proposé de créer une mission d’information commune à nos deux commissions sur l’emploi dans les métiers artistiques. Nous avons trouvé en Christian Kert un excellent président et un non moins excellent rapporteur en la personne de Jean-Patrick Gille. Ils ont très utilement travaillé pendant neuf mois et formulé des préconisations qui, si elles avaient eu un écho plus important, nous auraient peut-être évité quelques problèmes ultérieurs, s’agissant notamment de l’intermittence du spectacle. Je retrouve donc avec intérêt ces propositions que vous avez soutenues collectivement au sein de cette mission d’information. En tant que rapporteur, je ne peux que donner un avis favorable à ces quatre amendements.

Mme la ministre. Le Gouvernement a pris l’initiative d’une concertation générale et globale relative à la situation des professionnels dans le secteur du spectacle, de manière à faire émerger un consensus et des solutions. La question de l’intermittence a été pointée dans le cadre de ces travaux, et j’ai d’ores et déjà indiqué que, à l’issue de cette concertation, l’État prendrait ses responsabilités. C’est l’un des points qui sera discuté lors de la prochaine conférence pour l’emploi dans le spectacle qui aura lieu le 15 octobre prochain.

Par ailleurs, l’article 34 de la loi sur le dialogue social et l’emploi a consacré la spécificité du régime de l’intermittence et donné aux partenaires sociaux du secteur la responsabilité de proposer eux-mêmes les règles de ce régime. Enfin, cet article a prévu qu’une négociation aura lieu sur les conditions de recours au CDDU. Elle doit s’achever au plus tard le 31 mars 2016. Je souhaiterais que l’on puisse laisser le dialogue social se dérouler. Il est tout à fait positif pour ces négociations que la possibilité d’une intervention législative existe. Mais je souhaiterais que vous retiriez ces amendements pour le moment. À défaut, j’y serais défavorable.

M. Jean-Patrick Gille. Je remercie Mme la ministre de nous avoir rafraîchi la mémoire quant aux événements récents et à l’organisation d’une négociation. Je propose donc de retirer ces amendements tout en gardant la possibilité, si jamais la négociation n’aboutissait pas, de les déposer lors de l’examen d’un autre texte législatif.

Les amendements AC300, AC303, AC301 et AC302 sont retirés.

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Article 14
(art. L. 7121-2 du code du travail)

Liste des artistes du spectacle

Le présent article complète la liste des artistes du spectacle figurant à l’article L. 7121-2 du code du travail afin d’y ajouter les artistes de cirque, les marionnettistes, ainsi que tous les artistes interprètes reconnus comme tels dans les conventions collectives du spectacle vivant.

1. La présomption de salariat en faveur des artistes du spectacle

L’article L. 7121-2 du code du travail dresse la liste, non exhaustive, des artistes du spectacle. Ceux-ci bénéficient de la présomption de salariat et des droits qui y sont attachés, ainsi que de taux réduits de cotisations sociales.

L’article L. 7121-3 du même code dispose ainsi, pour les artistes du spectacle, qu’un contrat de travail est présumé « lorsqu’une personne s’assure, moyennant rémunération, du concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production », sauf à ce que l’artiste exerce son activité dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce, c’est-à-dire de façon indépendante. Cette présomption de salariat en faveur des artistes du spectacle leur permet de bénéficier des droits liés à l’existence d’un contrat de travail.

L’article L. 7121-4 du même code donne toute sa force à cette présomption salariale, afin de garantir que les artistes, dont l’exercice du métier comporte un certain nombre de spécificités qui les distinguent des autres salariés, puissent effectivement en bénéficier. Il précise en particulier que cette présomption subsiste même s’il est prouvé que l’artiste conserve la liberté d’expression de son art, qu’il est propriétaire de tout ou partie du matériel utilisé ou qu’il emploie lui-même une ou plusieurs personnes pour le seconder, dès lors qu’il participe personnellement au spectacle.

Les artistes du spectacle bénéficient en outre de taux réduits pour le calcul de leurs cotisations sociales. En vertu de l’arrêté du 24 janvier 1975 fixant le taux des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales dues au titre de l’emploi des artistes du spectacle, ces taux sont fixés à raison de 70 % des taux applicables aux autres salariés.

Alors que la qualité d’artiste du spectacle ouvre ainsi un certain nombre de droits, l’article L. 7121-2 du code du travail ne donne pas de définition précise de ces artistes mais en dresse une liste illustrative. Il précise que les artistes concernés sont « notamment » ceux qui exercent les métiers cités. L’énumération, indicative et non exhaustive, ignore en particulier l’artiste de cirque et le marionnettiste. Ces derniers sont en revanche explicitement considérés par la loi comme des artistes interprètes, l’article L. 212-1 du code de la propriété intellectuelle disposant que « l’artiste-interprète ou exécutant est la personne qui représente, chante, récite, déclame, joue ou exécute de toute autre manière une œuvre littéraire ou artistique, un numéro de variétés, de cirque ou de marionnettes ». La qualité d’artiste interprète peut toutefois être interprétée comme ne recoupant pas entièrement celle d’artiste du spectacle.

2. La nécessité de réduire les risques juridiques liés à l’appréciation de la qualité artistique de certaines professions

Bien que les marionnettistes, les artistes de cirques et les artistes interprètes détiennent théoriquement, selon la rédaction actuelle de l’article L. 7121-2 du code du travail, les mêmes droits que tout autre artiste du spectacle figurant explicitement dans la liste, ils peuvent en être exclus en pratique en raison d’interprétations restrictives de la notion d’artiste du spectacle. L’évolution et la diversité des métiers artistiques peuvent ainsi entraîner des risques contentieux liés à l’attribution ou non de la qualité d’ « artiste du spectacle.

Afin de sécuriser la situation juridique des artistes de cirque, des marionnettistes et des artistes interprètes reconnus comme tels par les conventions collectives du spectacle vivant, le présent article ajoute donc ces professions à la liste des artistes du spectacle figurant à l’article L. 7121-2 du code du travail. Cet ajout assure une meilleure application du droit pour les publics concernés, notamment en ce qui concerne la présomption salariale et les droits sociaux qui y sont attachés.

En renvoyant aux conventions collectives en ce qui concerne les artistes interprètes, le présent article donne également toute sa place à la négociation collective et au dialogue social. Cette dernière disposition apporte en outre davantage de souplesse dans la définition de l’artiste du spectacle.

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La Commission examine, en discussion commune, les amendements AC7 et AC8 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

M. François de Mazières. Ces amendements visent à clarifier la liste des artistes du spectacle dressée par le code du travail. En effet, nous assistons aujourd’hui à une évolution : les artistes du spectacle – et en particulier les metteurs en scène, les vidéastes et les chorégraphes – travaillent de façon de plus en plus polyvalente et interdisciplinaire. L’amendement AC7 est étroitement lié à l’amendement AC8 qui établit une liste d’artistes pouvant répondre à ces conditions.

M. le rapporteur. L’amendement AC7 est satisfait par l’alinéa 4 de l’article 14 du projet de loi qui mentionne explicitement les personnes dont l’activité est reconnue comme un métier d’artiste-interprète par les conventions collectives du spectacle vivant étendues dans la liste des artistes du spectacle figurant à l’article L. 7121-2 du code du travail. Je vous invite donc à le retirer.

Mme la ministre. Même avis.

Les amendements sont retirés.

La Commission aborde les amendements identiques AC206 de Mme Isabelle Attard et AC318 de M. Jean-Patrick Gille.

Mme Isabelle Attard. Cet amendement vise à compléter la liste des artistes du spectacle, en visant les artistes vidéastes et photographes qui ont été oubliés et que le Conseil économique, social et environnemental nous recommande à juste titre de mentionner.

M. Jean-Patrick Gille. Cela permettrait à ces artistes de bénéficier de cachets et d’être rémunérés sous forme de droits d’auteur.

M. le rapporteur. Je ne suis pas certain que les photographes soient des artistes du spectacle. Si c’est le cas, l’adverbe « notamment » figurant à l’article L. 7121-2 du code du travail permet déjà de les inclure dans cette liste non exhaustive. Je m’en remets donc à la sagesse de la Commission.

Mme la ministre. L’article du code du travail qu’il est proposé de compléter dresse une liste des artistes du spectacle qui bénéficient, au titre de l’article suivant du code du travail, d’une présomption de salariat. Ces artistes du spectacle sont des artistes-interprètes. Les photographes et les vidéastes sont quant à eux, selon le code de la propriété intellectuelle, des auteurs. Par conséquent, intégrer ces professions à la liste dressée à l’article L. 7121-2 du code du travail serait un non-sens : cela reviendrait à leur ôter leur qualité d’auteurs d’une œuvre pour considérer que le travail consiste en l’interprétation de l’œuvre d’un autre. Enfin, l’exposé des motifs de l’amendement AC318 me semble erroné puisque l’inclusion de ces professions dans la liste de l’article L. 7121-2 ne leur permettra pas d’être rémunérés en droits d’auteur, mais au contraire de bénéficier d’une présomption de salariat. Les photographes et les vidéastes étant reconnus par le code de la propriété intellectuelle comme des auteurs, ils peuvent d’ores et déjà bénéficier d’une rémunération en droits d’auteur. Je suis donc défavorable à ces amendements.

Mme Isabelle Attard. Mon exposé sommaire étant différent de celui de mon collègue, je maintiens mon amendement.

M. Jean-Patrick Gille. Il me semble que l’on peut à la fois être salarié et toucher des droits d’auteur. Cela étant, je vais approfondir la question d’ici à l’examen du texte en séance publique et accepte de retirer mon amendement.

L’amendement AC318 est retiré.

Puis la Commission rejette l’amendement AC206.

Enfin, elle adopte l’article 14 sans modification.

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Après l’article 14

La Commission examine l’amendement AC9 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

M. François de Mazières. Cet amendement a pour objet de sécuriser la possibilité pour les entreprises du spectacle vivant de déroger à la règle du repos hebdomadaire pour les artistes et les techniciens pour la durée d’un festival et dans la double limite d’une représentation par jour dont la durée n’excède pas trois heures et de vingt-cinq jours consécutifs de représentation. Il s’agit de prendre en compte la spécificité du mode de représentation dans les festivals qui sont de plus en plus nombreux.

M. le rapporteur. Votre amendement, qui vise à suspendre le repos hebdomadaire pendant la durée d’un festival, déroge à la convention collective nationale des entreprises du secteur privé du spectacle vivant du 3 février 2012, qui prévoit que chaque salarié bénéficie d’au moins un jour de repos hebdomadaire. Il me semble délicat pour le législateur d’aller à l’encontre de cette convention collective. Par ailleurs, une suspension du repos hebdomadaire pendant toute la durée d’un festival serait très probablement contraire à la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail. J’émets donc un avis défavorable.

Mme la ministre. Même avis. Les artistes mettent en jeu leur corps et mobilisent une grande concentration. En outre, les représentations devant un public s’accompagnent d’un stress important. Les artistes exercent parfois aussi leur art dans des conditions périlleuses, en particulier les artistes de cirque et les danseurs. La santé des artistes et la qualité de leur art au service des publics dépendent pour beaucoup de la faculté à disposer de ce repos hebdomadaire. Je suis donc défavorable à cet amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission étudie l’amendement AC10 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

M. François de Mazières. Cet amendement a pour objet d’abaisser le seuil des représentations hors du lieu du siège social des sociétés productrices de spectacles afin de permettre de faire jouer le statut de « résidence » qui correspond mieux à la réalité du mode de vie des artistes et techniciens, notamment la nouvelle organisation « résidentielle » du logement, pendant certains festivals, par exemple le festival d’Avignon.

M. le rapporteur. En vertu de la convention collective précitée, un spectacle produit et diffusé dans le cadre d’une tournée est réputé être exploité en « hors tournée » s’il est exploité dans un même lieu et pour une période de plus de vingt-cinq jours. Votre amendement propose d’abaisser ce seuil à vingt et un jours. Or, la qualification du mode de diffusion du spectacle – tournée ou hors tournée – a des conséquences pour les salariés : s’ils sont en tournée, la réglementation prévue par l’annexe IV de la convention relative aux producteurs ou diffuseurs de spectacles en tournée et aux clauses générales de la convention collective visant les déplacements leur est applicable. Dès lors, votre amendement réduirait le nombre de salariés bénéficiant de cette réglementation. La durée actuelle de vingt-cinq jours maximum sur un même lieu pour une exploitation « hors tournée » du spectacle me paraît équilibrée. Il me semble difficile de considérer que des artistes restant moins de vingt-cinq jours sur un même lieu ne sont pas en tournée.

Mme la ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement.

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Article 15
Contrat de travail des artistes employés par une collectivité territoriale

Le présent article clarifie les conditions d’emploi des artistes du spectacle vivant engagés par les collectivités territoriales ou leurs groupements agissant en qualité d’entrepreneur de spectacles vivants.

1. Les difficultés soulevées par les évolutions récentes de la jurisprudence

Dans deux décisions du 6 juin 2011 (44), le Tribunal des conflits a retenu que « le contrat par lequel une collectivité publique gérant un service public administratif et agissant en qualité d’entrepreneur de spectacle vivant, engage un artiste du spectacle en vue de sa participation à un tel spectacle, est présumé être un contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail ».

Ces deux décisions ont écarté la jurisprudence antérieure, selon laquelle les artistes du spectacle employés par des personnes publiques avaient la qualité d’agents publics, et non celle de salariés relevant du droit du travail. Le Tribunal des conflits, dans sa décision « Berkani » du 25 juin 1996 (45), avait en effet fixé la règle selon laquelle « les personnels non statutaires travaillant pour le compte d’un service public à caractère administratif sont des agents contractuels de droit public quel que soit leur emploi ».

Les opéras et les orchestres sont en particulier qualifiés par le juge administratif de services publics administratifs (46). Ainsi, en application de la jurisprudence « Berkani » précitée, les artistes employés par une collectivité territoriale ou un établissement public local gérant directement un opéra ou un orchestre étaient qualifiés d’agents publics. Le Tribunal des conflits avait notamment jugé que les artistes employés par l’Opéra du Nord avaient la qualité d’agents publics (47), tout comme ceux engagés par le Théâtre du Capitole de Toulouse (48).

En écartant cette jurisprudence établie depuis près de vingt ans, les décisions du Tribunal des conflits de 2011 mettent en difficulté les employeurs d’artistes soumis au régime contractuel de droit public, c’est-à-dire principalement les collectivités territoriales gérant les orchestres symphoniques et les maisons d’opéras sous forme de régies directes ou de syndicats d’économie mixte. Le changement de statut des artistes qu’elles emploient constituerait une source d’instabilité qui pourrait entraîner un surcoût important pour les collectivités, de l’ordre de 15 à 30 % selon les estimations de la Chambre professionnelle des directions d’opéras (CPDO).

Le statut public de ces emplois permet par ailleurs de préserver l’autonomie de gestion des collectivités territoriales, alors que des contrats de droit privé leur font perdre toute maîtrise des conditions d’emploi, dans la mesure où elles ne participent pas à leur négociation.

2. La recherche d’une position équilibrée permettant de préserver l’emploi

Afin de sécuriser l’emploi des artistes du spectacle vivant par les collectivités territoriales ou leurs groupements, le présent article précise les situations dans lesquelles les artistes sont employés sous un régime de droit privé et celles dans lesquelles ils relèvent du droit public. Il distingue pour cela selon que ces artistes sont employés pour une mission répondant à un besoin permanent ou pour une mission ponctuelle.

Le I dispose que les artistes engagés par les collectivités territoriales ou leurs groupements pour une mission répondant à un besoin permanent sont soumis aux dispositions applicables aux agents contractuels de la fonction publique territoriale. Ils bénéficient donc d’un contrat de droit public.

Ce régime s’applique aux emplois permanents tels que définis par le Conseil d’État, qui précise dans une décision du 14 octobre 2006 que « l’existence, ou l’absence, du caractère permanent d’un emploi doit s’apprécier au regard de la nature du besoin auquel répond cet emploi et ne saurait résulter de la seule durée pendant laquelle il est occupé ». L’emploi permanent correspond ainsi à un emploi qui répond à un besoin permanent. Il ne peut s’apprécier au regard de la seule durée d’occupation de l’emploi.

Le I permet donc de préserver le recours au contrat de droit public pour les artistes du spectacle vivant employés par une collectivité pour répondre à un besoin permanent.

Le II précise en revanche que ces artistes sont soumis aux dispositions du code du travail lorsqu’ils occupent des « emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois » (article 1242-2, 3° du code du travail). Les artistes employés par les collectivités pour répondre à des besoins ponctuels relèveront ainsi d’un régime de droit privé, et pourront en particulier bénéficier d’un contrat à durée déterminée d’usage (CDDU). Les recrutements supplémentaires requis pour renforcer les formations orchestrales et lyriques en fonction de la programmation entrent par exemple dans cette catégorie.

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La Commission adopte l’article 15 sans modification.

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Article 16
Observation du secteur du spectacle vivant

Le présent article permet d’améliorer la connaissance du secteur du spectacle vivant.

1. Les lacunes actuelles de l’observation du secteur du spectacle vivant

La connaissance du secteur du spectacle vivant est limitée en raison de difficultés à rassembler des données dispersées, redondantes ou incomplètes, en particulier celles relatives aux recettes de billetterie et à la fréquentation des lieux de spectacle.

Ces difficultés tiennent en partie à la multiplicité des intervenants. En effet, les services du ministère de la Culture et de la Communication, en particulier le département des études et prospectives (DEPS), les caisses et organismes sociaux intervenant dans le champ du spectacle, les services des collectivités territoriales, notamment les régions, et les différents observatoires créés au niveau national ou régional détiennent tous des données sur le spectacle vivant. À cela s’ajoutent les démarches initiées par les partenaires sociaux, en particulier l’Observatoire prospectif des métiers et des qualifications du spectacle vivant (OPMQ-SV), les données détenues par les sociétés de perception et de distribution des droits et celles des centres nationaux de ressources.

Le caractère atomisé de l’observation du secteur du spectacle vivant se traduit inévitablement par des redondances ou des pertes d’information et un défaut de lecture transversale, notamment dans la connaissance économique du secteur.

2. Vers une meilleure connaissance du secteur du spectacle vivant

Le présent article met en place une collecte des informations de billetterie des entreprises du spectacle vivant pour en faire l’un des outils principaux de l’observation de ce secteur.

Le I du présent article prévoit que les entrepreneurs de spectacles mettent à disposition du ministre chargé de la culture des informations précises sur l’activité des spectacles.

Ils devront ainsi lui transmettre des informations relatives :

– au nombre de billets émis, au prix de la place et à la recette correspondante, pour chaque catégorie de places. Ces informations, qui doivent être établies à la fin de chaque journée ou de chaque représentation, sont déjà exigibles par les agents des impôts, en vertu de l’article 50 sexies H du code général des impôts, pour les exploitants de spectacles ;

– au domaine, à la localisation et au type de lieu de chaque représentation.

Le I étend ainsi le champ des personnes concernées, les données à transmettre, ainsi que les destinataires de ces informations. En effet, le dispositif proposé concerne tous les entrepreneurs de spectacles, c’est-à-dire toute personne qui exerce une activité d’exploitation de lieux de spectacles, mais aussi de production ou de diffusion de spectacles, alors que l’article 50 sexies H précité ne concernait que les exploitants de spectacles. En outre, les informations recueillies et transmises sont plus précises et ne se limitent plus à des données quantitatives. Enfin, l’ensemble de ces données seront transmises au ministre chargé de la culture, et non plus seulement conservées en vue d’un éventuel contrôle de l’administration fiscale.

Le II du présent article prévoit que les modalités d’application du présent article seront fixées par décret.

L’exposé des motifs du projet de loi précise que l’observation des données collectées « pourra être confiée, par voie réglementaire, à un observatoire de la création artistique et de la diversité culturelle ». Cet observatoire, qui doit être placé auprès du ministre de la culture, devrait rassembler les acteurs existants, actuellement éclatés. Ses missions seront particulièrement importantes, puisqu’aux termes de l’étude d’impact annexée au projet de loi, il « aura un rôle d’animation, de recueil et de centralisation des données, de coordination, de partage et de mise en cohérence des méthodes (coordination des nomenclatures, rapprochement des bases, etc.), des outils (ex. : outil permanent de remontée des billetteries) et des résultats en concertation avec l’ensemble des acteurs tant professionnels qu’amateurs ».

La commission a adopté, à l’initiative du Gouvernement, un amendement destiné à permettre au futur dispositif d’observation de la billetterie d’apporter une information transparente sur le prix final payé par le public. En effet, dans un contexte de développement de la vente électronique des billets de spectacle, le prix de la place s’incrémente de frais de réservation et d’intermédiation, qui aboutissent à une augmentation du prix des places pour le public, tandis que ces frais ne sont pas inclus dans le calcul de l’assiette de rémunération des auteurs.

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La Commission examine l’amendement AC338 du Gouvernement.

Mme la ministre. L’article 16 du projet de loi jette les bases d’un système d’observation de la création artistique fondé sur les remontées d’information liées à la billetterie des entrepreneurs de spectacle vivant. Ce qui est aujourd’hui possible dans le secteur du cinéma le deviendra demain dans ce secteur essentiel de la culture et majeur pour l’attractivité économique de notre pays. J’ai souhaité remédier à la carence actuelle, que tous les acteurs déplorent, et développer de nouveaux outils permettant d’appréhender ce secteur de manière plus fine, à la fois pour mieux évaluer l’impact des politiques publiques et mieux connaître l’économie de la création et les professions qui en constituent le socle. Il s’agit d’une avancée inédite en termes de connaissance de l’écosystème de la création. La proposition de complément que recèle l’amendement AC338 vise à apporter une information transparente sur le prix final payé par le public dans un contexte de développement de la vente électronique de billets de spectacles, soit directement par les lieux de spectacle, soit par des intermédiaires en ligne.

M. le rapporteur. Cet amendement précise le contenu des informations que les entrepreneurs de spectacle vivant devront tenir à la disposition du ministre de la culture. Il permet en particulier d’améliorer la connaissance des prix des billets. J’y suis donc favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle aborde l’amendement AC34 de Mme Annie Genevard.

M. François de Mazières. Grâce au vote de cet amendement, nous aurions une meilleure capacité d’observation du spectacle vivant. Nous n’avons aujourd’hui guère d’informations en la matière.

M. le rapporteur. Avis défavorable : cet amendement me paraît inutile.

Mme la ministre. Même avis : l’article permet de remédier à la carence que j’évoquais tout à l’heure quant à la connaissance du secteur. Développer le dispositif au risque d’en obscurcir la compréhension et par conséquent d’en compliquer la mise en œuvre me semblerait peu utile. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 16 ainsi modifié.

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Après l’article 16

La Commission est saisie de l’amendement AC320 de Mme Sophie Dessus.

Mme Sophie Dessus. Lors de l’examen de l’article 2, nous avons parlé du rapport entre la création artistique et les artisans d’art. Ici, il s’agit de compléter le code de l’artisanat en reconnaissant les métiers d’art. Puisque le projet de loi que nous étudions a pour objectif la préservation et le renforcement de la création artistique, cet amendement énonce plusieurs mesures pour développer et pérenniser les activités professionnelles liées à la création artistique. Les métiers d’art occupent une place singulière, héritage de savoir-faire précieusement élaborés au fil des siècles, et constituent une partie intégrante du patrimoine culturel immatériel de la France. À ce titre, les professionnels des métiers d’art et le titre de maître d’art méritent d’être pleinement reconnus dans le présent projet de loi et d’être intégrés dans le code de l’artisanat.

M. le rapporteur. Votre amendement a été satisfait par l’adoption enthousiaste, à l’article 2, d’un amendement que vous avez déposé et qui consacre l’importance de ces métiers d’art. Je vous invite donc à retirer celui-ci.

Mme la ministre. Même avis.

Mme Sophie Dessus. Je retire mon amendement. Cela étant, n’aurait-on pas intérêt à compléter l’article 2 par certains des éléments de celui-ci ?

M. le rapporteur. Cela me paraît inutile dans la mesure où l’article 2 énonce les objectifs de la politique culturelle.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement AC409 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à consolider et à pérenniser le financement de l’action sociale du régime des artistes-auteurs. En effet, l’assiette actuelle, fraction de la contribution des diffuseurs, est aujourd’hui insuffisante. Ce problème de financement est d’autant plus préoccupant que moins de 15 % des artistes-auteurs pouvant prétendre à bénéficier de l’aide sociale en font effectivement la demande. Cet amendement vise donc à élargir l’assiette sur laquelle repose le financement de l’action sociale.

Mme la ministre. Je suis très sensible à la volonté du rapporteur qui propose un moyen de consolider le dispositif de la commission d’action sociale des artistes auteurs. Il est cependant important d’en mesurer les contours précis et de traiter le sujet dans sa globalité. Cette proposition chiffrée doit être étayée par des simulations et faire l’objet de discussions avec les acteurs. Nous avons entrepris une concertation avec eux concernant la modernisation du régime de protection sociale des artistes auteurs et les améliorations à y apporter. En outre, cette proposition est plutôt de nature réglementaire. Néanmoins, je m’engage à agir rapidement pour résoudre les difficultés liées au financement de la commission d’action sociale. Compte tenu de cet engagement, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.

M. le rapporteur. Engagement de la ministre vaut retrait par le rapporteur.

L’amendement est retiré.

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Avant l’article 17

La Commission examine l’amendement AC101 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Je propose de changer l’intitulé du chapitre V pour qu’il évoque l’enseignement artistique. Compte tenu de nos échanges d’hier, il faut élargir la portée du chapitre à tout ce domaine au lieu de le limiter à l’enseignement supérieur.

M. Patrick Bloche, rapporteur. L’objet de ce chapitre est l’enseignement supérieur artistique et aucune disposition du projet ni aucun amendement – à une exception près – ne s’en écarte. On évoquera certes les conservatoires, mais dans leur dimension de préparation à l’enseignement supérieur. Il n’y a donc aucune raison de donner un avis favorable à cet amendement.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Même avis.

M. François de Mazières. Donc, tous les amendements que nous proposerons plus loin deviendront sans objet ! Alors que la ministre s’est dite attachée à l’importance de l’enseignement artistique, cette grande loi sur la culture de le mentionnerait pas du tout ? Cela me paraît gênant !

M. Michel Herbillon. Je ne comprends pas la position du rapporteur et de la ministre. Mme la ministre et nous tous avons souligné hier l’importance de l’enseignement artistique et voté à l’unanimité plusieurs amendements sur ce sujet. En accord avec cet objectif prioritaire, nous proposons de substituer le mot « artistique » au mot « supérieur », mais cette initiative reçoit un avis défavorable, ce qui préjuge du sort de tous les autres amendements qui vont au-delà de l’enseignement supérieur. Cela me semble contradictoire ; j’espère donc que la ministre et le rapporteur se raviseront.

M. le rapporteur. L’amendement à venir de Mme Marie-George Buffet, éventuellement rectifié par le Gouvernement, pourrait correspondre à la demande générale. Compte tenu des dispositions du projet de loi, on ne saurait réduire le chapitre consacré à l’enseignement supérieur au seul enseignement artistique. Je vous propose de retirer votre amendement en vue de la discussion du suivant.

Mme la ministre. Je partage la position du rapporteur.

M. François de Mazières. C’est précisément l’inverse, monsieur le rapporteur : nous proposons non de réduire, mais d’élargir la portée du chapitre ! Au-delà de la sémantique, c’est un problème de fond : veut-on exclure l’enseignement artistique de cette loi ? Je maintiens évidemment notre amendement.

M. le rapporteur. Avec la proposition du Gouvernement relative à l’amendement de Mme Buffet, nous prendrons en compte vos préoccupations. Mais il faut que le titre du chapitre corresponde précisément aux dispositions du projet de loi.

La Commission rejette l’amendement.

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Chapitre V
Enseignement supérieur de la création artistique et enseignement artistique spécialisé (nouveau)

La Commission étudie l’amendement AC116 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Il s’agit de répondre au souhait général de ne pas en rester au seul enseignement supérieur, mais d’élargir la portée du chapitre à d’autres niveaux d’enseignement, notamment aux conservatoires. Mme la ministre a évoqué ces derniers dans ses propos hier et m’a adressé un courrier indiquant qu’une nouvelle politique en direction des conservatoires était en train de voir le jour. Ces questions font clairement l’objet de la préoccupation du ministère et je suis ouverte à toute correction permettant de répondre à ce souci.

M. le rapporteur. Laissant à César ce qui appartient à César, je donne par anticipation un avis favorable à la proposition que nous fera Mme la ministre.

Mme la ministre. Je propose en effet de rectifier cet amendement en retenant pour le chapitre V l’intitulé suivant : « Enseignement supérieur de la création artistique et enseignement artistique spécialisé », qui permet de couvrir l’ensemble des cas évoqués.

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

L’intitulé du chapitre est ainsi modifié.

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Article 17 A (nouveau)
(art. L. 214-13 et L. 216-2 du code de l’éducation)

Réforme des troisièmes cycles des conservatoires

La commission a adopté un article additionnel modifiant, à l’article L. 216-2 du code de l’éducation, le troisième cycle dispensé par les établissements d’enseignement public de la musique, de la danse et de l’art dramatique (« conservatoires »).

La loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relatives aux libertés et responsabilités locales a modifié l’organisation des formations dans les conservatoires à rayonnement département et régional en ouvrant la possibilité d’y organiser un troisième cycle d’orientation professionnelle initiale sanctionné par un diplôme national. Le décret du 15 juin 2005 a ensuite précisé que ce cycle a pour objet d’« approfondir la motivation et les aptitudes des élèves » en leur permettant d’acquérir « le savoir-faire nécessaire à une pratique confirmée ». La loi a confié aux régions, responsables de la formation professionnelle initiale, l’organisation et le financement de ce cycle et prévu le transfert à leur profit des crédits dévolus par l’État, selon une moyenne calculée à partir des lois de règlement pour 2002, 2003 et 2004, aux précédents troisièmes cycles des conservatoires. Cependant, les régions ont estimé que la nouvelle formation constituait moins une décentralisation d’un enseignement existant que la création d’une mission nouvelle, dont elles considéraient le coût imprévisible et par conséquent la compensation inadéquate. En conséquence, seules d’eux d’entre elles, le Nord-Pas-de-Calais et le Poitou-Charentes, ont mis en place ces cycles dans certains de leurs conservatoires. Face à cette situation, l’État a bloqué le transfert de crédit prévu dans la loi précitée et maintenu sa subvention directe aux conservatoires.

Afin de sortir de cette impasse, le Gouvernement a décidé de s’engager à maintenir sa subvention et, ainsi, de lever toute ambiguïté sur le financement des conservatoires dans un contexte de difficultés budgétaires pour les collectivités territoriales.

Dans cette logique, le présent article additionnel clarifie les missions du troisième cycle, en disposant qu’ils ont vocation à former de futurs musiciens, danseurs ou comédiens et donc à préparer leur accession à l’enseignement supérieur dans les spectacles vivants. Le cycle d’orientation professionnelle initiale serait ainsi remplacé par un « enseignement préparant à l’entrée dans les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans le domaine du spectacle vivant ». L’État, outre le maintien de son engagement financier, garantirait la qualité et la cohérence pédagogique de cette formation en adoptant des « schémas d’orientation pédagogique dans le domaine de l’enseignement public spécialisé de la musique de la danse et de l’art dramatique » et en agréant, conformément à la nouvelle procédure introduite à l’article 17 du présent projet de loi, les conservatoires qui développeraient ce nouveau cycle et solliciteraient cet agrément.

Les régions conserveraient la responsabilité d’organiser mais, en cohérence avec le réengagement de l’État et comme l’a précisé un amendement adopté par la commission, elles n’auraient plus la charge de participer seules au financement de ces nouveaux enseignements.

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Elle examine ensuite l’amendement AC337 du Gouvernement.

Mme la ministre. La nouvelle politique en direction des conservatoires se veut lisible et tournée vers tous les jeunes. Il faut rendre l’ensemble des pratiques artistiques plus accessibles, plus en phase avec les usages actuels et les attentes, et renouveler les pédagogies. De nombreux conservatoires font déjà beaucoup d’efforts en ce sens, mais je souhaite que l’État continue à assumer son rôle aux côtés des collectivités territoriales pour faire fonctionner ces équipements dont le rôle est crucial dans la promotion de notre objectif commun de démocratisation culturelle et de développement de la pratique artistique.

Cette nouvelle ambition que je porte pour les conservatoires n’a pas besoin de passer par une refonte de l’organisation mise en place dans la loi de 2004, cette dernière, au cœur de nombreux débats, ne faisant en réalité que préciser ce qui est inscrit dans les textes depuis 1983, à savoir que les établissements d’enseignement public de la musique, de la danse et du théâtre relèvent de l’initiative et de la responsabilité des communes, des départements et des régions, sauf pour ce qui concerne l’enseignement supérieur. Je souhaite continuer à m’appuyer sur ces grands principes et tirer les conséquences d’une nouvelle intervention de l’État.

Le renouvellement de la politique nationale pour les conservatoires suivra quatre axes politiques. D’abord, il s’agit de confirmer l’organisation issue de la loi de 2004 qui fixe les responsabilités respectives des communes, des départements, des régions et de l’État, celui-ci conservant ses attributions : le contrôle et le suivi pédagogique des conservatoires, leur conventionnement et l’enseignement supérieur artistique.

Ensuite, il faut réaffirmer et approfondir le rôle de l’État en matière d’expertise et d’orientation pédagogique par l’inscription dans la loi des schémas nationaux d’orientation pédagogique qui existent déjà, mais qui viennent trouver ici une consécration législative. Ces schémas traduiront les attentes de l’État en matière d’innovation pédagogique, de développement des pratiques collectives et de méthodes d’apprentissage, permettant d’attirer des jeunes toujours plus nombreux et de diversifier l’offre artistique.

Troisième axe : nous renommerons l’actuel cycle d’enseignement professionnel initial (CEPI) – créé par la loi de 2004, mais très peu mis en œuvre par les collectivités – « enseignement préparant à l’entrée dans les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans le domaine du spectacle vivant ». Ce terme – qui désigne les classes préparatoires, un concept connu de tous – est introduit par le projet de loi à l’article 17, alinéa 22, pour l’enseignement des arts plastiques. Cette dénomination commune permettra de rendre l’organisation des enseignements artistiques plus lisible pour nos concitoyens.

Enfin, je compte réengager l’État financièrement dès 2016 dans le fonctionnement des conservatoires, le projet de loi de finances (PLF) pour 2016 leur réservant des moyens dédiés nouveaux. Les critères de réintervention de l’État trouveront leur traduction dans le schéma national d’orientation pédagogique, dont mes équipes et les opérateurs concernés débattent depuis plusieurs semaines.

M. le rapporteur. Avis favorable. Je remercie le Gouvernement d’avoir pris l’initiative de cet amendement qui aborde les conservatoires et leurs liens avec l’enseignement supérieur artistique, nous permettant par là même de traiter une question pendante depuis plus d’une dizaine d’années. Le CEPI – troisième cycle créé par la loi de 2004 – a été présenté comme un transfert de compétences, mais est apparu à beaucoup comme une nouvelle mission que les régions devaient financer sans compensation adéquate. Au bout de dix ans, seules deux d’entre elles – Nord-Pas-de-Calais et Poitou-Charentes – ont mis en place des CEPI dans certains de leurs conservatoires. Je salue donc la décision du Gouvernement de maintenir sa subvention. Ce dispositif global et cohérent me semble garantir le développement du dernier cycle des conservatoires, dont il clarifie les missions.

M. Marcel Rogemont. L’initiative est importante. En effet, il est curieux que l’enseignement supérieur dans les conservatoires soit financé essentiellement par les communes ou leurs intercommunalités. L’implication des régions dans la formation professionnelle devrait être beaucoup plus affirmée ! Envisagez-vous, madame la ministre, de rappeler la responsabilité des régions en cette matière, par exemple dans le cadre des contrats État-région ? Les régions devraient se donner les moyens d’assumer cette tâche, et cette question pourrait être évoquée dans les commissions régionales. En effet, l’enseignement artistique fait bien partie de l’enseignement professionnel : je rappelle – même si ce type d’établissements n’entre pas dans le cadre de cette disposition – que, deux ans après avoir terminé leurs études, 80 % des élèves de l’École régionale des beaux-arts de Rennes ont un emploi.

M. François de Mazières. Nous saluons les apports de cet amendement, mais en regrettons les limites. Madame la ministre, lors de la présentation de la loi de finances pour 2015, je vous avais dit que je m’étonnais de voir disparaître la ligne permettant le financement par l’État des conservatoires. Mon intervention vous avait troublée ; après un temps de réflexion, vous avez reconnu qu’il s’agissait d’une erreur, et je suis heureux de voir ces enseignements et la participation de l’État consacrés dans ce texte. Le colloque que nous avons organisé dans ces murs avec la présidente de la commission des affaires culturelles du Sénat a dû également jouer son rôle ; c’est à l’occasion de cet événement qu’a été annoncé ce changement de position dont je vous sais gré.

En revanche, ayant une longue expérience d’élus à la culture et – dans mon cas – d’élu maire, Marcel Rogemont et moi-même savons que les conservatoires à rayonnement régional sont aujourd’hui financés à 90 % par les villes. Cette anomalie représente un problème fondamental. Vous promettez une intervention de l’État ; pourtant, en période de crise financière, chacun cherche à se désengager, même si les collectivités locales font de gros efforts pour continuer à soutenir la culture. Le système des financements mérite d’être clarifié. Conseiller du Premier ministre au moment de l’élaboration de la loi de 2004, c’est moi qui avais proposé cette solution. Étant à l’époque maire-adjoint à la culture dans une ville où était situé un conservatoire à rayonnement régional, j’avais constaté cette anomalie incroyable : la formation professionnelle d’élèves – même venus de l’étranger – était quasiment totalement financée par la ville, avec l’aide marginale de l’État. Puisque la formation professionnelle dans les autres matières est assurée par la région, elle devrait également l’être en matière d’enseignement artistique.

Pourquoi la loi de 2004 n’a-t-elle pas été appliquée ? Devant ce transfert de charges, les régions ont souhaité voir l’État leur transférer les moyens financiers équivalents – un des principes de la décentralisation. L’État ne l’a pas fait ; c’est pourquoi les régions n’ont pas endossé cette compétence pourtant fixée par la loi. Les amendements qui suivent proposent de clarifier les choses, notamment en matière de responsabilités financières pour l’enseignement professionnel, en revenant à la loi de 2004.

Mme la ministre. Nous reviendrons dans un instant sur le rôle des régions à l’occasion de la discussion sur l’amendement du rapporteur. Ce rôle est déjà inscrit dans la loi, notamment dans l’article du code de l’éducation qui prévoit que les régions sont compétentes pour le financement de la formation professionnelle initiale – ce qui inclut le CEPI dispensé par les établissements d’enseignement artistique. Quant à l’enseignement public préparatoire à l’enseignement supérieur artistique, il devra être pris en compte dans le schéma de développement de la formation professionnelle initiale des jeunes, élaboré par la région. Nous rediscuterons des aspects financiers à l’occasion de l’examen des amendements correspondants.

Nommée ministre au début du mois de septembre 2014, je n’ai été influencée ni dans un sens ni dans l’autre, monsieur de Mazières, par vos interpellations dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015. Vous vous êtes beaucoup impliqué dans la question des conservatoires et j’ai toujours entendu vos remarques avec beaucoup d’intérêt, mais j’avais décidé très tôt que l’État devait réinvestir ce domaine, avant toute réaction des élus aux décisions antérieures.

M. le rapporteur. Je me réjouis de ne pas avoir voté la loi de 2004 et je salue l’initiative du Gouvernement !

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AC102 et AC103 de M. François de Mazières tombent.

La Commission aborde l’amendement AC381 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à tirer les conséquences du réinvestissement de l’État dans le troisième cycle des conservatoires et du maintien de ses subventions – c’est tout l’enjeu du budget pour 2016 – en indiquant que les régions ne seront plus les seules à financer cette formation, ce qui d’ailleurs, pour les raisons que j’ai indiquées, n’a jamais été le cas.

Mme la ministre. Je suis favorable à cet amendement qui renforce la proposition de ne pas modifier l’organisation ni la répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l’État, tout en permettant d’acter le réengagement de celui-ci dans le financement du fonctionnement des établissements d’enseignement supérieur spécialisé. C’est dans ce partenariat entre l’État et les collectivités territoriales que ces formations pourront connaître un développement à la hauteur des enjeux, et c’est avec une implication résolue des régions dans le champ des enseignements artistiques comme dans d’autres champs de la formation professionnelle que la formation et l’éducation artistiques pourront s’épanouir dans tous les territoires au profit de tous les jeunes.

M. François de Mazières. C’est mieux que rien ; pourtant, bien des régions risquant de basculer dans l’opposition, vous souhaitez manifestement confier cette responsabilité à des collectivités qui n’appartiendraient pas à votre majorité. Il eût été plus responsable d’opter pour une répartition claire des missions de financement en reprenant les termes de la loi de 2004, qui avait été bien pensée mais qui n’a pas été appliquée par les régions faute d’un accord avec l’État sur le transfert des charges.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 17
(art. L. 75-10-1 et L. 759-1 à L. 759-5 du code de l’éducation)

Structuration de l’enseignement supérieur de la création artistique, du cinéma et de l’audiovisuel

Le présent article a pour objet de moderniser les dispositions législatives relatives à l’enseignement supérieur de la création artistique afin de parachever son intégration dans le schéma européen « Licence, Master, Doctorat », d’ancrer ses établissements dans la recherche, de garantir ses singularités, d’en approfondir l’autonomie et de diversifier ses recrutements en donnant de meilleures chances aux étudiants issus des milieux les moins favorisés.

À cette fin, en premier lieu, il propose de restructurer et de rassembler dans un même titre V du livre VII du code de l’éducation les dispositions législatives relatives au secteur du spectacle vivant et à celui des arts plastiques, aujourd’hui éclatées entre un chapitre X dédié aux établissements d’enseignement supérieur d’arts plastiques, constitué d’un seul article (L. 75-10-1), qui donne un socle juridique aux missions des établissements publics locaux d’enseignement supérieur d’arts plastiques et les place sous la tutelle pédagogique de l’État, et un chapitre IX consacré aux établissements d’enseignement supérieur de la musique, de la danse, du théâtre et des arts du cirque. En parallèle, l’article introduit à la suite de ces dispositions un nouveau chapitre X relatif quant à lui aux établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans les domaines du cinéma et de la communication audiovisuelle.

Relèveraient ainsi du nouveau chapitre IX les quarante-cinq établissements publics d’enseignement supérieur d’arts plastiques. Parmi ceux-ci figurent dix écoles dites « nationales », qui disposent du statut d’établissement public national à caractère administratif (49), et Le Fresnoy, Studio national des arts contemporains, sous statut associatif. Ces onze écoles, très sélectives, sont placées sous la tutelle du ministère de la Culture.

À leurs côtés, figurent les trente-et-une écoles territoriales des beaux-arts, créées et gérées par les collectivités territoriales en application de l’article L. 216-3 du code de l’éducation. Celles-ci disposent du statut d’établissement public de coopération culturelle et sont placées sous la tutelle de la collectivité locale concernée. Toutefois, conformément à l’article L. 75-10-1 du code de l’éducation, elles relèvent du contrôle pédagogique de l’État, assumé là encore par le ministre chargé de la culture.

S’agissant du spectacle vivant, le dispositif proposé s’appliquerait aux deux Conservatoires nationaux supérieurs de musique et de danse de Paris et de Lyon et au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris, établissements publics nationaux, à l’École de danse de l’Opéra de Paris et à l’École supérieure d’art dramatique au sein du théâtre national de Strasbourg, organes de deux établissements publics nationaux, ainsi qu’au Centre national des arts du cirque, association reconnue opérateur de l’État. S’y ajouteraient, comme pour les arts plastiques, vingt établissements publics locaux de coopération culturelle formant des interprètes (six en musique, sept en théâtre, trois en danse, deux en cirque et un en marionnettes) ainsi que sept centres de formation de la danse et de la musique.

Enfin, le domaine du cinéma et de l’audiovisuel rassemblerait l’École nationale supérieure des métiers de l’image et du son (Fémis) et l’INA-sup, école de l’Institut national de l’audiovisuel (INA), tous deux établissements publics industriels et commerciaux placés sous la tutelle du ministre chargé de la culture.

1. La clarification des missions et l’accès à l’autonomie des établissements d’enseignement supérieur de la création grâce à l’extension de la procédure d’accréditation, dans le respect des particularités de leurs enseignements

L’article propose d’introduire dans le chapitre IX un nouvel article
L. 759-1 définissant les missions imparties
aux établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques.

La vocation de ces écoles, affirmée au I du nouvel article L. 759-1, est d’assurer la formation, tant initiale que continue, aux métiers du spectacle et à ceux de la création plastique et industrielle, ce qui exprime bien la profonde originalité de ces écoles qui est, dans la pleine logique du projet de loi, de former « à la création ». Cette mission originale induit la reconnaissance des spécificités de la pédagogie déployée dans ces établissements, qui s’ancre dans des méthodologies de projets et accorde une place décisive à la personnalité et la sensibilité de l’étudiant, dans l’apprentissage comme dans l’évaluation.

En parallèle, pour la première fois, le II mentionne, au titre des activités que peuvent exercer les établissements « dans l’exercice de leur mission », les autres dimensions essentielles des enseignements supérieurs artistiques que constituent les activités de recherche et de veille artistique, scientifique, technologique et pédagogique, de transmission, de contribution à la vie artistique, sociale et environnementale des territoires et de participation à la coopération internationale.

Un nouvel article L. 759-2 étend aux établissements d’enseignement supérieur de la création artistique les procédures d’autorisation et de reconnaissance des formations instaurées par loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche dans l’article L. 123-1, qui renforcent très substantiellement l’autonomie des écoles en remplaçant les habilitations, par lesquelles chaque maquette de formation doit être préalablement validée par l’État, par des accréditations, accordées pour cinq années, autorisant leurs bénéficiaires à ouvrir des formations et à délivrer des diplômes dans les domaines et dont la liste sont annexés aux arrêtés d’accréditation.

Puissant moteur pour homogénéiser les cursus des différents secteurs, l’accréditation est organisée selon les modalités de droit commun prévues à l’article L. 613-1 pour l’ensemble des établissements de l’enseignement supérieur habilités à délivrer des diplômes conférant un grade ou titre universitaire, sous réserve de plusieurs adaptations.

Tout d’abord, le 2° de l’article L. 759-1, dans sa rédaction proposée par le présent article, précise que le contenu et les modalités de l’accréditation, ainsi que son renouvellement, seront fixés par arrêté du ministre chargé de la culture, à l’exception toutefois de l’accréditation des établissements publics nationaux qui sera déterminée par arrêté conjoint des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la culture.

Cette implication dans la procédure d’accréditation, soumise à la signature préalable et valable pendant la durée du contrat pluriannuel signé entre l’État et les établissements, assurera au ministère chargé de la culture un cadre de négociation et de suivi cohérent et homogène, auquel seront par ailleurs parties les collectivités territoriales qui assument la tutelle des établissements public de coopération culturelle concernés. Les arrêtés d’accréditation et de son renouvellement demeureront précédés du recueil de l’avis préalable du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER). Toutefois, compte-tenu des fortes spécificités des écoles de la création artistique et du rôle particulier joué par les collectivités territoriales dans la création et la gestion d’une majorité d’entre-elles, l’accréditation ne sera pas soumise au respect de la carte nationale des formations.

Ensuite, dans une même logique d’adaptation aux particularités de ces enseignements, le 3° de l’article L. 759-1 permet de déroger aux règles générales définies par le ministre chargé de l’enseignement supérieur, en application de l’article L. 613-1, pour l’organisation des études, les conditions d’obtention des diplômes et la composition des jurys d’examen ; en l’espèce, le 5° précise que l’organisation des études et des diplômes ainsi que les modalités d’évaluation des formations seraient fixées par voie réglementaire.

L’accréditation emporte habilitation à délivrer des diplômes d’école et des diplômes nationaux – ces derniers se différenciant des premiers par leur capacité à « conférer les mêmes droits à tous ses titulaires, quel que soit l’établissement qui les a délivrés » – définis dans une liste fixée au préalable par le ministre chargé de la culture. Toutefois, l’établissement et la révision de la liste des diplômes nationaux conférant des grades ou des titres universitaires (licence, master, doctorat, etc.) demeure de la seule compétence du ministre chargé de l’enseignement supérieur (1° de l’article L. 759-1). On remarquera qu’aucune limitation n’est apportée quant au degré du cursus des diplômes concernés, ce qui signifie que les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique pourront être habilités à délivrer des titres de premier, de second, comme de troisième cycle. Parmi ces diplômes, la mention des diplômes particuliers que chaque établissement pourra délivrer sera annexée à l’arrêté d’accréditation (4°).

En cohérence, le projet de loi propose d’étendre la procédure d’accréditation aux établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans le domaine du cinéma et de l’audiovisuel placés sous la tutelle du ministre chargé de la culture, en précisant toutefois, dans un nouvel article L. 75-10-1, que, d’une part, les modalités d’accréditation seront fixées conjointement avec le ministre chargé de l’enseignement supérieur et, d’autre part, qu’elles emporteront habilitation à délivrer tout type de diplôme à l’exclusion des diplômes nationaux conférant des grades ou des titres universitaires.

Ces modalités d’accréditation, homogènes et générales, fourniront au ministère de la Culture un puissant élan pour parachever l’alignement progressif des études d’arts sur les étapes « LMD », sans cependant interdire le maintien de diplômes d’école particuliers.

On rappellera en effet que, dans le domaine des arts plastiques, les écoles territoriales et la majorité des écoles nationales délivrent dès à présent deux types de diplômes nationaux, le diplôme national d’arts et techniques (DNAT) et le diplôme national supérieur d’expression plastique (DNSEP), conférant respectivement le grade de licence et de master. Les Beaux-Arts de Paris débouchent pour leur part sur l’obtention du diplôme national d’arts plastiques, conférant lui aussi le grade de master. L’Ensad, l’ENSCI, l’École nationale supérieure de la photographie et Le Fresnoy délivrent quant à eux des diplômes d’école spécifiques, qui confèrent eux aussi le grade de master et sont certifiés au niveau I dans le répertoire national des certifications professionnelles.

En parallèle, à la suite d’un mouvement d’unification entamé au cours des dernières années et qui n’est toutefois pas encore pleinement achevé dans les secteurs du cirque, des marionnettes, des arts de la rue et des métiers techniques du spectacle, la très vaste majorité des écoles du spectacle vivant est désormais habilitée à délivrer des diplômes nationaux supérieurs professionnels (DNSP), inscrit au niveau II du répertoire national des certifications professionnelles. Ces diplômes professionnels peuvent participer à conférer le grade de licence lorsqu’ils sont associés au suivi d’une licence dans une université.

Il est ensuite proposé, dans un nouvel article L. 759-3 du code de l’éducation, de reconnaître la possibilité, déjà sollicitée par de nombreux établissements, de conclure des conventions de coopérations avec d’autres établissements de formation, allant jusqu’à la création de troisièmes cycles élaborés entre un établissement d’enseignement supérieur de la création artistique et une école doctorale d’une université, d’une communauté d’universités et d’établissements. Afin de garantir une pleine reconnaissance de l’apport spécifique de la pratique artistique à la recherche, le deuxième alinéa du nouvel article soumet l’habilitation à délivrer ce type de diplôme, induite par la publication d’un arrêté d’accréditation du ministre chargé de l’enseignement supérieur, à l’avis conforme préalable du ministre en charge de la culture.

Ces dispositions prennent appui et cohérence sur l’expérience de partenariats, conduisant à la délivrance de doctorats, conclue entre les cinq écoles supérieures parisiennes de la création (ENSBA, ENSAD, CNSMD de Paris, CNSAD et la Fémis) et l’école doctorale de l’École normale supérieure, dans le cadre du projet dénommé SACRe, et entre l’École supérieure d’art d’Aix-en-Provence, l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles et l’école doctorale de l’université d’Aix-Marseille.

2. La diversification et l’accès à la recherche des personnels enseignants

Il est ensuite proposé, dans un nouvel article L. 759-4, de reprendre et de compléter les lacunes des dispositions législatives relatives à la composition des équipes éducatives, en posant le principe que le personnel enseignant de l’ensemble des établissements de l’enseignement supérieur de la création artistique dans le domaine du spectacle vivant et des arts plastiques est d’abord composé d’enseignants titulaires.

En parallèle, tous les établissements de l’enseignement supérieur de la création se voient reconnaître la possibilité, que l’article L. 75-10-2 du code de l’éducation dans sa rédaction actuelle réserve aujourd’hui aux seules écoles d’arts plastiques, de recruter, comme enseignants associés ou chargés d’enseignement, des artistes et des professionnels en activité qui apportent, en complément des enseignants titulaires dont l’expertise est unanimement saluée, une contribution importante à la démarche si particulière et nécessairement diversifiée qu’est l’apprentissage de la création.

Enfin, la dernière phrase de l’article L. 759-4 remédie à une insuffisance du statut des enseignants des écoles territoriales d’art en reconnaissant qu’ils peuvent se voir confier des missions de recherche selon des modalités fixées par décret. Selon les indications fournies par le ministère de la Culture et de la Communication, ces modalités s’inspireraient des protocoles de décharges horaires à des fins de travaux de recherche dont ne peuvent aujourd’hui jouir que les enseignants appartenant au corps des professeurs des écoles nationales d’art.

3. La reconnaissance des « classes prépas » publiques, élément important de justice sociale et de diversification des recrutements des écoles supérieures d’art

En dernier lieu, un nouvel article L. 759-5 permet de reconnaître et d’encourager le développement des formations mises en place par les collectivités territoriales pour préparer l’accès aux établissements de l’enseignement supérieur de la création dans le domaine des arts plastiques et du spectacle vivant. Ces formations, éléments décisifs de justice sociale et de diversification des profils sociaux dans les écoles supérieures d’art, représentent en effet un indispensable contrepoids à la puissance des classes préparatoires privées, aux coûts souvent prohibitifs pour les étudiants issus des ménages les moins favorisés. Selon les estimations fournies par le ministère de la Culture et de la Communication, la proportion d’étudiants reçus aux concours des écoles nationales d’art issus de ces écoles privées se situait ainsi en 2011 entre le quart (ENSAD), le tiers (Cergy ou la Villa Arson) et même les deux tiers pour l’ENSBA.

Il est ainsi proposé que l’État puisse agréer l’ensemble des formations dispensées par les établissements qui relèvent de l’initiative des collectivités territoriales qui assurent une préparation à l’entrée dans les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique du spectacle vivant et des arts plastiques. Cette formulation inclut ainsi non seulement les « classes prépas » publiques, dont le nombre atteint dès à présent dix-huit, mais aussi les cycles d’orientation professionnelle mis en place au sein des établissements d’enseignement public spécialisé de la musique, de la danse et de l’art dramatique avec l’agrément de l’État, dont la vocation est aussi souvent de préparer leurs élèves à l’accès aux conservatoires nationaux supérieurs. Ces formations bénéficieraient ainsi d’une visibilité, d’une reconnaissance, d’une émulation et d’une assistance pédagogique pilotée avec cohérence par le ministère de la Culture.

En conséquence, et dans la légitime préoccupation de mettre fin à une situation juridique d’autant plus absurde que les élèves des écoles préparatoires privées bénéficient du statut d’étudiant grâce à la reconnaissance de ces formations par l’État en application de l’article L. 361-2 du code de l’éducation, le nouvel article L. 759-5 étend le bénéfice du régime de sécurité sociale des étudiants aux élèves de ces classes préparatoires, dont le nombre s’élève aujourd’hui à environ trois cents. Le statut d’étudiant leur permettra en outre d’accéder aux bourses de l’enseignement supérieur, dans les mêmes conditions et sous les mêmes critères de ressources que ceux applicables à l’ensemble des étudiants.

Cette reconnaissance n’est toutefois pas étendue aux près de 3 000 élèves des cycles spécialisées des conservatoires à rayonnement régional, qui bénéficient pour leur part d’aides individuelles financées par le ministère chargé de la culture, et dont les montants et les conditions de ressource sont proches de ceux des bourses de droit commun dans l’enseignement supérieur.

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La Commission est saisie de l’amendement AC104 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Je pense, madame la ministre, que vous souscrirez à cet amendement. La mode, parent pauvre de la création, est aujourd’hui un peu oubliée, alors que la mode française est réputée dans le monde entier et représente un élément essentiel de notre culture. J’aimerais donc que ce mot figure dans cette loi.

M. le rapporteur. Je suis tout aussi attaché que vous à la mode, mais le projet de loi essaie d’éviter de dresser une liste à la Prévert de l’ensemble des métiers auxquels forment les écoles d’art, au profit d’une formulation générale, appuyée sur le concept décisif de création, qui englobe évidemment le champ de la mode évoqué par l’amendement. À trop chercher l’exhaustivité, on prend le risque d’oublier telle ou telle vocation des écoles d’art. Afin de ne pas faire naître de mécontentements, je vous propose d’en rester à la rédaction actuelle.

Mme la ministre. En effet, s’il fallait énumérer l’ensemble des disciplines, il faudrait également mentionner la photographie, le graphisme ou les arts numériques... La mode représente un sujet important, mais elle est déjà incluse dans le terme « création artistique ».

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC299 de Mme Lucette Lousteau.

Mme Sophie Dessus. L’accès à l’art représentant une nécessité pour tous les étudiants en art, nous proposons de favoriser l’accès de ce public – généralement demandeur et sensible – aux musées et aux lieux culturels.

M. le rapporteur. Favorable. C’est une excellente initiative qui découle naturellement de la vocation de l’enseignement supérieur de la création.

Mme la ministre. Bien que je partage l’objectif recherché par cet amendement, je considère que celui-ci est d’ores et déjà satisfait par la politique impulsée par mon ministère. Les étudiants bénéficient déjà de la gratuité ou d’un accès facilité à l’ensemble des institutions culturelles. L’amendement peut donc être retiré. Cela dit, réaffirmer ce principe dans la loi lui donnerait davantage de solennité.

M. le rapporteur. Il reste possible de redéposer l’amendement en séance…

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement AC105 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Hier, nous avons beaucoup insisté collectivement sur le rôle des associations ; ce mot mérite donc de figurer dans l’énumération des partenaires des écoles d’art prévus à l’alinéa 11 de l’article. En effet, nos établissements d’enseignement culturel travaillent aussi avec les associations.

M. le rapporteur. Cet amendement utile rappelle que de nombreuses associations ont vocation à interagir avec les écoles d’art, afin d’en assurer le rayonnement et l’excellence. Avis favorable et merci à François de Mazières et à ses collègues pour cette initiative.

Mme la ministre. Avis favorable également.

La Commission adopte l’amendement.

Elle passe à l’amendement AC293 de Mme Sandrine Doucet.

Mme Sophie Dessus. Cet amendement concerne l’éducation artistique et culturelle, considérée comme une composante de la formation générale de tous les élèves, de l’école au lycée. Nous souhaitons que la loi mette l’accent sur l’importance du partenariat dans les parcours d’éducation artistiques et culturels. C’est l’occasion de mettre en place des pratiques pédagogiques construites en commun qui envisagent l’art comme vecteur de connaissances, la réussite de l’apprentissage reposant sur la collaboration entre les différents acteurs qui font vivre un territoire.

M. le rapporteur. Favorable. Cet amendement met en évidence le rôle important que doivent jouer les écoles d’art dans la mise en œuvre, tout au long de la scolarité, des parcours d’éducation artistiques et culturels introduit en 2013 dans la loi pour la refondation de l’école de la République.

Mme la ministre. Favorable également. L’amendement permet de signifier aux établissements d’enseignement supérieur le rôle qu’ils jouent dans le parcours d’éducation artistique et culturel et leur donner la possibilité de développer des partenariats avec les structures et les réseaux qui participent à l’éducation artistique et culturelle.

M. Marcel Rogemont. Je ne suis pas contre cette mesure, mais faut-il pour autant faire explicitement et précisément référence au « parcours d’éducation artistique et culturelle » dans sa dénomination résultant de la loi pour la refondation de l’école ? Si ces dispositions venaient à être modifiées, il faudra alors également corriger le texte que nous nous apprêtons à adopter.

M. Yves Durand. Cette mention permettra au contraire de sécuriser le dispositif.

M. Michel Ménard, président. Cette loi a été si bien travaillée qu’elle ne sera pas remise en cause avant des décennies !

La Commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AC380 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à lever une ambiguïté du texte en précisant clairement que les écoles d’art pourront délivrer, conjointement avec une école doctorale, des diplômes de doctorat. À cet effet, elles seront accréditées par le ministre de l’enseignement supérieur, sur avis conforme du ministre de la culture.

L’article L. 759-2 du code de l’éducation, dans la rédaction proposée par le projet de loi, ne fixe pas de limite aux diplômes que les écoles d’art pourront délivrer sur accréditation. Elles pourront donc aussi délivrer des diplômes de troisième cycle, voire de doctorat. Un autre article, L. 759-3, traite des diplômes délivrés conjointement avec des écoles doctorales de l’université ; il apparaît légitime que ce type de diplôme confère le même grade que ceux que délivrent couramment les écoles doctorales. Cette disposition constitue un élément de reconnaissance des écoles d’art et répond à une attente de leurs étudiants et de leurs équipes. Comme il est précisé dans l’étude d’impact, les écoles délivreront ainsi soit des troisièmes cycles d’école – lorsqu’elles sont habilitées par le ministre de la culture –, soit des doctorats, en particulier lorsqu’elles s’associent à des universités et sont habilitées conjointement par le ministre de la culture et le ministre de l’enseignement supérieur. Ces mesures représenteront un progrès décisif pour que notre pays se dote des fameux « doctorats de pratique », les « PhD », qui constituent un atout des meilleurs systèmes d’enseignement supérieur.

Mme la ministre. Avis favorable. La France est en retard en matière de reconnaissance des doctorats de création, ce qui fragilise l’attractivité et la compétitivité de nos écoles, comme nous le constatons dans les classements internationaux. Le PhD étant devenu la norme internationale, il nous faut progresser. Le texte et l’amendement permettent cette avancée et je souscris pleinement à cette proposition du rapporteur.

M. François de Mazières. Ne faudrait-il pas plutôt mentionner « des diplômes de troisième cycle et des doctorats » ?

M. le rapporteur. Relisez le projet de loi et les articles du code de l’éducation auxquels il fait référence, qui prévoient bien, mais dans d’autres alinéas, les diplômes de troisième cycle des écoles d’art auxquels vous faites référence, et vous verrez que ma proposition se fonde sur de bonnes raisons et fera le bonheur des écoles d’art et de leurs étudiants.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de précision AC382 du rapporteur.

Elle adopte l’article 17 modifié.

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Après l’article 17

La Commission examine l’amendement AC296 de Mme Lucette Lousteau.

Mme Sophie Dessus. Il s’agit de permettre à l’État d’agréer les écoles de préparation aux concours d’accès aux écoles d’architecture, sur des programmes pédagogiques en lien avec les enseignements qui y sont dispensés. Cela clarifierait le rôle de ces écoles préparatoires.

M. le rapporteur. Cet amendement se heurte malheureusement à un obstacle : il n’existe pas aujourd’hui de telles formations, et il n’est pas opportun de les encourager. La vaste majorité des écoles d’architecture recrutent après le baccalauréat ou, lorsqu’elles sont ouvertes au niveau « bac + 1 », sélectionnent des étudiants ayant débuté une licence ou effectué une première année de classe préparatoire scientifique, dont l’excellence est reconnue et qui permet en outre une convergence avec les autres métiers scientifiques, que nous appelons de nos vœux pour les architectes. Je demande le retrait de cet amendement.

Mme la ministre. Même avis.

M. Marcel Rogemont. Je partage la remarque du rapporteur. Les écoles d’architecture sont accessibles après le baccalauréat ; n’accréditons pas l’idée qu’il faille une année de préparation pour y entrer.

L’amendement est retiré.

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Article 17 bis (nouveau)
(art. L. 752-2 du code de l’éducation)

Mission des écoles d’architecture

La Commission a adopté un amendement tendant à introduire un nouvel article L. 752-2 du code de l’éducation définissant, sur le modèle des dispositions du projet de loi relatives aux établissements de l’enseignement supérieur de la création artistique, les missions dévolues aux écoles d’architecture qui font l’objet du chapitre II du titre VII du livre sixième du code de l’éducation. La vocation de ces écoles serait ainsi d’assurer la formation initiale et continue, tout au long de la vie, des architectes. Dans l’exercice de cette mission, les établissements pourront conduire des activités de recherche, former à la transmission en matière d’éducation architecturale et culturelle, participer à la veille scientifique, artistique et pédagogique, contribuer à la vie des territoires et concourir au développement de la coopération internationale. L’article prévoit en outre que les écoles doivent mettre en place des enseignements obligatoires d’au moins d’une langue étrangère.

Ces innovations reprennent les préconisations formulées par le rapport de la concertation sur l’enseignement et la recherche en architecture remis par M. Vincent Feltesse le 8 avril 2013 à Mme la ministre de la Culture et de la communication et celles du rapport (n° 2070) de la mission d’information de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation présentée par M. Patrick Bloche le 2 juillet 2014 sur la création architecturale.

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La Commission étudie l’amendement AC379 de Mme Lucette Lousteau.

Mme Sophie Dessus. Il s’agit de créer une énumération non exhaustive des missions des écoles d’architecture pour favoriser l’avenir du métier et sa reconnaissance.

M. le rapporteur. Le présent amendement vise à préciser les missions des écoles d’architecture, en cohérence avec les dispositions du projet de loi relatives aux écoles d’art.

S’inscrivant dans le prolongement des recommandations du rapport de M. Vincent Feltesse de 2013 et de celui que j’ai moi-même rédigé sur la création architecturale en 2014, il précise que les missions de ces établissements doivent s’étendre à la formation continue et affirme leur vocation à conduire des activités de recherche, à participer à la veille artistique et scientifique, à concourir à la coopération internationale et à contribuer fortement à la vie architecturale des territoires. Il prévoit que les écoles mettent en place des enseignements obligatoires d’au moins une langue étrangère dont l’absence de maîtrise – notre mission d’information l’avait bien montré – handicape les architectes.

Ces propositions, consensuelles et attendues, concrétiseraient les nombreux travaux que la Commission a conduits sur ce sujet. Avis favorable, donc.

Mme la ministre. Je fais miennes les ambitions du rapporteur et du groupe qui a déposé cet amendement. Comme vous, je suis attachée au renforcement et au développement des missions de ces établissements dans le domaine de la recherche, de la transmission de la culture architecturale, du développement de l’innovation ou encore de la contribution à la vie architecturale, économique, sociale et environnementale du territoire. Je partage également votre souhait de voir fleurir des partenariats avec les institutions culturelles, les collectivités territoriales et les entreprises, et suis particulièrement attentive à ce que les écoles nationales supérieures d’architecture développent tout leur potentiel dans le paysage de l’enseignement supérieur culturel et recherchent des synergies avec les communautés d’universités et d’établissements (COMUE).

La dimension internationale représente également un engagement fort des écoles, permettant de valoriser le savoir-faire français en matière d’architecture et de patrimoine, dont l’excellence est universellement reconnue. Je souhaite donc que nous travaillions ensemble au développement d’un dispositif rénové en matière de formation continue des architectes. Inscrire ces missions dans le code de l’éducation nationale sera un acte très marquant, mais nous devrions mener un travail conjoint, d’ici la séance publique, afin de ne pas oublier des missions qui mériteraient de figurer dans le code. C’est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement.

M. Michel Herbillon. Nous souhaitions donner notre accord à cet amendement. Je voudrais souligner l’excellent travail effectué par notre commission dans le cadre de la mission d’information sur la création architecturale, présidée par M. Patrick Bloche, à laquelle j’ai activement participé. Je suis heureux de constater que plusieurs propositions que nous y avions formulées se retrouvent dans ce texte. Ainsi, lorsque le Parlement réalise un travail constructif de fond, en amont du processus législatif, l’on aboutit à un projet de loi de meilleure facture que lorsqu’on agit dans la précipitation, ou, pire, lorsqu’on attend le fameux rapport Schwartz – longuement évoqué hier – pour mettre au point des dispositions relatives à un secteur aussi important que la musique.

Mme Sophie Dessus. Sans retirer l’amendement, nous pourrions travailler dans les jours qui viennent avec les collaborateurs de Mme la ministre pour être en mesure, le cas échéant, de compléter la liste au moment du débat en séance.

M. le rapporteur. Ayant donné un avis favorable, je ne peux que le confirmer.

M. Michel Herbillon. Nous voterons cet amendement.

Mme la ministre. Compte tenu des échanges que nous venons d’avoir, je m’en remets à la sagesse de la commission.

La Commission adopte l’amendement.

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Après l’article 17

La Commission étudie ensuite l’amendement AC298 de Mme Lucette Lousteau.

Mme Sophie Dessus. Nous proposons de placer les écoles d’architecture sous la co-tutelle du ministère de la culture et de celui de l’enseignement supérieur, afin de donner une légitimité supplémentaire aux étudiants diplômés de ces écoles et d’insister sur le lien de ce métier avec les professionnels émanant du secteur scientifique, par exemple les ingénieurs.

M. le rapporteur. Cet amendement reprend l’une des propositions du rapport Feltesse sur les écoles d’architecture. J’ai toutefois une bonne nouvelle : il est satisfait. La loi de 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche a non seulement placé tous les établissements d’enseignement supérieur, dont ces écoles, sous la co-tutelle pédagogique du ministère de l’enseignement supérieur, mais a même précisé que l’accréditation des écoles d’architecture était assurée conjointement par les deux ministres. Le ministre de la culture ne conserve que le monopole de la tutelle administrative, mais celle-ci n’entre évidemment pas dans l’objet de cette démarche qui vise à assurer la cohérence pédagogique et la qualité des échanges entre tous les établissements de l’enseignement supérieur. Je suggère donc de retirer l’amendement.

Mme la ministre. Même avis.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement AC297 de Mme Lucette Lousteau.

Mme Sophie Dessus. Nous proposons de créer, au sein du titre 1er, un chapitre VI intitulé : « Les écoles d’architecture de l’enseignement supérieur ». En effet, la loi prévoit nombre de dispositions en matière pédagogique pour l’enseignement supérieur dans les domaines du spectacle vivant, des arts plastiques, du cinéma et de la communication, mais non pour les écoles d’architecture. Le but est de créer une énumération non exhaustive de leurs missions pour favoriser l’avenir du métier et sa reconnaissance.

M. le rapporteur. Pour des raisons de forme, je propose de retirer cet amendement : le chapitre V du titre 1er étant intitulé « L’enseignement supérieur » sans autre précision, les amendements relatifs aux écoles d’architecture que nous avons adoptés s’y insèrent très naturellement.

Mme la ministre. Même avis.

L’amendement est retiré.

Puis la Commission examine l’amendement AC106 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. La stratégie du réseau culturel français à l’étranger, pourtant essentielle, apparaît très peu dans le texte. Nous proposons donc que le Gouvernement remette au Parlement un rapport en la matière et plus particulièrement sur les modalités du rapprochement entre le réseau culturel public – Institut français et Campus France – et celui de l’Alliance française.

Je rappelle que la loi du 27 juillet 2010 prévoyait une expérimentation sur trois ans du rattachement du réseau de coopération et d’action culturelle du ministère des affaires étrangères à l’Institut français. Cette expérimentation s’est achevée le 31 décembre 2013 et le ministre des affaires étrangères a considéré que les résultats n’étaient pas à la hauteur des attentes.

Toutefois, comme le considérait alors la Cour des comptes : « La fin de l’expérimentation ne devrait pas conduire à un retour au statu quo ante mais permettre de relever plusieurs défis […]. » Tout le monde en est conscient, notamment ceux qui s’intéressent au rayonnement de la culture française à l’étranger. La séparation entre l’Institut français et le réseau de l’Alliance française constitue vraiment un handicap lourd et, de plus, un facteur de coûts. Il est donc important que l’État se penche sur la question.

M. le rapporteur. Je partage totalement la préoccupation de François de Mazières sur l’indispensable cohérence entre le réseau culturel du ministère des affaires étrangères et celui du ministère de la culture.

Mme la ministre. Nous partageons tous l’idée selon laquelle le réseau culturel extérieur est un atout essentiel pour la culture française. Par l’amendement AC344 après l’article 37, le Gouvernement vous proposera de confier aux ministres de la culture et des affaires étrangères la co-présidence du conseil d’orientation stratégique créé par la loi du 27 juillet 2010, ainsi que la co-tutelle de l’Institut français. Aussi, plutôt que de vous remettre un rapport, avons-nous décidé d’agir dès à présent afin de mieux intégrer politique culturelle et politique extérieure. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, au profit, donc, de l’amendement du Gouvernement qui sera examiné tout à l’heure.

M. François de Mazières. Nous sommes heureux d’apprendre l’avancée importante que vous envisagez. Néanmoins, elle ne dispense pas d’une étude de ce qui se passe sur le terrain. Mon amendement est donc complémentaire du vôtre.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AC119 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. La signature par la France de la Déclaration universelle sur la diversité culturelle adoptée le 2 novembre 2001 par l’Organisation des nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) implique l’exclusion de la culture de toute négociation commerciale européenne et internationale. Cela concerne les secteurs qui conjuguent la création, la production culturelle et la commercialisation de biens et de services culturels protégés par le droit d’auteur et le droit voisin.

Ma seconde préoccupation concerne la notion de service d’intérêt général. On sait bien comment, en application de certaines directives européennes, des entreprises ayant une vocation de diffusion culturelle ou de l’information sont mises en concurrence – nous le verrons tout à l’heure à propos de l’archéologie préventive –, d’où la nécessité de reconnaître comme participant à un service d’intérêt général toutes les entreprises du secteur.

M. le rapporteur. Je suis très sensible au contenu de cet amendement, d’autant qu’il se réfère aux prises de position de l’UNESCO sur la diversité des expressions culturelles. Reste qu’il est déclaratif ; or nous sommes censés écrire la loi. Je vous suggère donc de le retirer.

Mme la ministre. Même avis.

M. Marcel Rogemont. Je trouverais dommage que Mme Buffet retire un amendement porteur d’avenir pour la culture.

Mme Marie-George Buffet. Je comprends la position du rapporteur, mais nous pourrons mesurer, à l’article 20, toutes les conséquences qu’emporte la notion de service d’intérêt général, notion qui va subir bien d’autres attaques encore au nom du principe de libre concurrence. Il serait donc bon que la commission envoie un signe fort en adoptant l’amendement. Si elle ne le faisait pas, je le représenterais en séance.

M. le rapporteur. Je suis très ennuyé, car ma tâche de rapporteur consiste à veiller à ce que la loi soit aussi bien rédigée que possible et à ce que sa portée ne soit pas amoindrie par des dispositions purement déclaratives, quand bien même celles-ci recueillent mon approbation.

M. François de Mazières. La loi, certes, ne doit pas être « bavarde », mais il me semble que le contenu de l’article 2, par exemple, n’est pas uniquement normatif. C’est pourquoi je souscris à l’amendement de Mme Buffet, qui constitue un symbole fort.

M. Yves Durand. Je propose à Mme Buffet de retirer son amendement et d’examiner dans quelles conditions il pourrait être réintroduit à l’article 2. Surtout, nous attendons de Mme la ministre, en séance, une déclaration solennelle montrant la force de notre engagement commun.

La Commission rejette l’amendement.

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TITRE II
PATRIMOINE CULTUREL ET PROMOTION DE L’ARCHITECTURE

Chapitre I
Renforcer la protection et améliorer la diffusion du patrimoine culturel

Article 18 A (nouveau)
(art. L. 1 du code du patrimoine)

Patrimoine immatériel

À l’initiative du rapporteur, la Commission a adopté un amendement complétant la définition du patrimoine figurant à l’article 1er du code, afin d’y inclure le patrimoine immatériel tel qu’il est entendu par la Convention de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel du 17 octobre 2003. Cet amendement permet de reconnaître et de protéger les savoir-faire, les traditions orales et les pratiques sociales porteuses d’une identité, locale ou nationale.

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La Commission examine, en discussion commune, les amendements AC384 du rapporteur, AC261 de M. Michel Ménard, AC226 de Mme Gilda Hobert et AC307 de M. Jean-Pierre Le Roch.

M. le rapporteur. Il est indispensable – et c’est l’objet de l’amendement AC384 – de reconnaître et de protéger le patrimoine immatériel, c’est-à-dire les savoir-faire, les traditions orales et les pratiques sociales porteuses d’identités locales ou nationales. Il s’agit également de donner une assise légale à une politique qui, aujourd’hui, est relativement éparse en la matière.

Mme la ministre. La France a approuvé, en 2006, la Convention de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Cette notion, cependant, ne figure pas dans la définition du patrimoine retenue par le code du patrimoine. Or la France peut être fière de son patrimoine immatériel, comme le montrent la diversité et le nombre de biens immatériels inscrits sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité – l’année dernière encore, le gwoka, preuve de la vitalité de la culture musicale guadeloupéenne, y a été ajouté.

Le Gouvernement souscrit donc tout à fait au principe consistant à insérer le patrimoine culturel immatériel dans l’article L. 1 du code du patrimoine. Cet amendement complète très utilement le texte.

M. Michel Ménard, président. L’amendement AC261 paraît satisfait par celui du rapporteur.

Mme Gilda Hobert. Je suis heureuse et fière, en tant que Lyonnaise, à la perspective que les Canuts ou Guignol pourront être officiellement considérés comme faisant partie du patrimoine de l’humanité, et je retire mon amendement au profit de celui du rapporteur.

Mme Sophie Dessus. Tous pour le patrimoine immatériel, donc tous derrière le rapporteur !

Les amendements AC261, AC226 et AC307 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement AC384.

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Article 18 B (nouveau)
(art. L. 111-7 du code du patrimoine, art. L. 111-8, L. 111-9, L. 111-10 et L. 111-11 [nouveaux], art. L. 114-1, art. L. 124-1 [nouveau] du code du patrimoine)

Lutte contre la circulation illicite des biens culturels

La Commission a adopté un amendement, à l’initiative du Gouvernement, tendant à renforcer la législation en matière de circulation illicite des biens culturels et de lutte contre ce fléau.

Il créé tout d’abord une faculté de contrôle douanier à l’importation spécifique pour les biens culturels, alors qu’en l’état du droit, les contrôles exercés en France sur les mouvements internationaux des biens culturels sont orientés vers l’exportation, principalement par souci de protection du patrimoine national, et ne prennent pas spécifiquement en compte l’importation. L’introduction de ce contrôle à l’importation doit permettre à la France de se conformer pleinement à ses engagements internationaux, en particulier à la Convention de l’UNESCO du 17 novembre 1970 concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels.

Cet amendement vise par ailleurs à interdire la circulation de biens culturels ayant quitté illicitement un État lorsqu’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU a été prise en ce sens. Seront ainsi concernés les biens culturels irakiens et syriens enlevés illégalement d’Irak depuis le 6 août 1990 et de Syrie depuis le 15 mars 2011, conformément à l’article 17 de la résolution 2199 du Conseil de sécurité des Nations unies.

L’amendement tend en outre à créer en France des refuges pour les biens culturels menacés, en prévoyant la possibilité de mise à disposition de locaux sécurisés pour recevoir en dépôt les biens culturels se trouvant dans une situation d’urgence et de grave danger en raison d’un conflit armé ou d’une catastrophe sur le territoire d’un État étranger qui les possède ou les détient.

Enfin, il prévoit un dispositif permettant aux propriétaires publics de biens acquis de bonne foi, mais dont il s’avèrerait qu’ils ont en réalité été volés ou exportés illicitement dans un autre État partie à la convention de l’Unesco de novembre 1970 précitée, de demander au juge judiciaire l’annulation du contrat ou du legs par lequel il en a fait l’acquisition.

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Elle examine ensuite les amendements AC347 et AC333 du Gouvernement.

Mme la ministre. Je souhaite, si vous le permettez, défendre ensemble les amendements AC347 et AC333, ce dernier étant rédactionnel.

Vous savez combien le Président de la République et le Gouvernement sont mobilisés contre les atteintes au patrimoine commun de l’humanité, commises en ce moment en Syrie après que ce fut le cas en Irak, au Mali ou en Afghanistan. Le chef de l’État a confié une mission à M. Jean-Luc Martinez, président-directeur de l’établissement public du musée du Louvre, sur la protection du patrimoine lors des conflits armés, et je me suis moi-même entretenue sur ce sujet durant de nombreux mois avec lui et avec d’autres professionnels
– archéologues, scientifiques, représentants des marchés de l’art… Dans un contexte d’intensification du trafic mondial de biens culturels, et étant donné la situation dramatique, sur le plan patrimonial, de certaines zones de conflit, il apparaît nécessaire à tous de renforcer notre législation en matière de circulation illicite des biens culturels et de lutte contre ce fléau. À cette fin, quatre mesures vous sont ici proposées.

Actuellement, les contrôles exercés en France sur les mouvements internationaux des biens culturels sont orientés vers l’exportation, principalement par souci de protection du patrimoine national, et ne prennent pas spécifiquement en compte l’importation. Il est donc proposé de compléter le code du patrimoine en créant une faculté de contrôle douanier à l’importation spécifique pour les biens culturels. L’introduction de ce contrôle à l’importation permettra à la France de se conformer pleinement à ses engagements internationaux, en particulier à la Convention de l’UNESCO du 17 novembre 1970 concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels. Ce dispositif s’appliquera aux biens culturels en provenance des États parties à ladite convention, non-membres de l’Union européenne, et qui ont mis en place un dispositif de certificat ou d’autorisation à l’exportation de biens culturels. Parallèlement, je souhaite lancer une initiative auprès de mes homologues européens pour étudier les voies et moyens de renforcer les contrôles à l’importation de biens culturels pour les flux intra-européens.

La deuxième mesure consiste en l’interdiction de la circulation de biens culturels ayant quitté illicitement un État lorsqu’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU a été prise en ce sens. Seront ainsi concernés les biens culturels irakiens et syriens enlevés illégalement d’Irak depuis le 6 août 1990 et de Syrie depuis le 15 mars 2011, conformément à l’article 17 de la résolution 2199 du Conseil de sécurité des Nations unies. Les résolutions du Conseil de sécurité sont contraignantes pour les États, mais les règlements déjà adoptés par l’Union européenne comportant des interdictions d’importer, d’exporter et de transférer des biens culturels qui en sont illicitement issus demandent en outre aux États membres de prévoir des sanctions dans leur droit interne pour rendre ces mesures de restriction effectives.

La troisième mesure est très novatrice en ce qu’elle permet la création en France de refuges pour les biens culturels menacés. La Convention de l’UNESCO du 14 mai 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, dite convention de La Haye, prévoit la création de refuges pour abriter des biens culturels mobiliers, en cas de conflit armé, par chaque État partie à la Convention sur son propre territoire. Dans cet esprit, et sur le modèle de la loi fédérale suisse sur la protection des biens culturels en cas de conflit armé, de catastrophe ou de situation d’urgence, il s’agit d’étendre ce concept de refuge en prévoyant la possibilité de mise à disposition, en France, de locaux sécurisés pour recevoir en dépôt les biens culturels se trouvant dans une situation d’urgence et de grave danger en raison d’un conflit armé ou d’une catastrophe sur le territoire d’un État étranger qui les possède ou les détient. Un tel dispositif d’accueil permettrait à la France d’offrir une protection temporaire à des éléments du patrimoine mobilier des pays concernés par des conflits, exposés à de graves menaces de destruction ou de disparition. Elle pourrait aussi trouver à s’appliquer dans des situations de catastrophe naturelle.

Enfin, la provenance des biens composant les collections publiques doit être irréprochable. Afin de mieux appliquer les engagements de la France qui a ratifié en 1997 la Convention de l’UNESCO du 17 novembre 1970, je vous propose de prévoir un dispositif législatif permettant aux propriétaires publics de biens acquis de bonne foi, mais dont il s’avérerait qu’ils ont en réalité été volés ou exportés illicitement dans un autre État partie à la convention, de demander au juge judiciaire l’annulation du contrat ou du legs par lequel il en a fait l’acquisition. Le contrat ou legs étant annulé par le juge judiciaire, un déclassement du domaine public ne serait pas nécessaire puisque l’acte civil qui avait constitué la première étape de la procédure d’intégration du bien dans le domaine public mobilier en raison de son intérêt public culturel serait anéanti.

Ces deux amendements seront complétés, à l’article 30, par l’amendement AC341 visant à habiliter le Gouvernement à inclure dans l’ordonnance prévue audit article la réorganisation de la partie du code du patrimoine dans laquelle s’inséreront ces dispositions, ainsi que par l’amendement de coordination AC340 après l’article 32.

Nous ne serons jamais trop vigilants sur ces questions de trafic illicite de biens culturels. Vous lisez régulièrement des articles, dans la presse, montrant que ces trafics prospèrent, fournissant une grande partie de ses ressources au terrorisme djihadiste et mettant en danger le patrimoine. Grâce au vote de ces amendements, la France deviendra un pays exemplaire.

M. le rapporteur. Comme vient de le préciser Mme la ministre, l’amendement AC347, communément appelé « amendement Palmyre », comprend quatre dispositions importantes permettant de lutter plus efficacement contre le trafic de biens culturels. Je me réjouis que ces dispositions, qui devaient initialement faire l’objet d’une ordonnance du Gouvernement prévue à l’article 30 du projet de loi, aient été réintroduites dans le texte par voie d’amendement.

Mme Isabelle Attard. Ce type de dispositif est en effet important, mais je ne suis pas dupe de cet amendement « Palmyre », qui pourrait également s’appeler l’amendement « Guimet » – je songe aux plaques d’or récemment restituées à la Chine. Cet amendement permettra à l’avenir d’éviter de demander à des donateurs de récupérer leurs dons à des musées nationaux, c’est-à-dire de faire en toute légalité ce qui a parfois été fait « en dehors des clous ».

M. François de Mazières. Nous nous félicitons également de cet amendement bien qu’il soit particulièrement long. Nous aimerions pouvoir l’examiner à tête reposée pour donner un avis plus circonstancié, mais la démarche est excellente.

M. Marcel Rogemont. Je me réjouis vivement que la ministre nous propose un tel amendement : nous passons ainsi d’une conception quelque peu égoïste et hexagonale de la protection du patrimoine à une vision plus universelle. Il est presque dommage qu’il soit surnommé « amendement Palmyre », car s’il constitue certes une réponse à des événements tragiques, il va bien au-delà.

M. Michel Herbillon. Lorsque nous ne sommes pas d’accord avec telle ou telle mesure, ou lorsque nous avons un point de vue différent de celui exprimé par la ministre, nous le disons avec force, mais lorsque nous sommes d’accord avec elle, nous l’exprimons avec tout autant de fermeté. C’est pourquoi je n’hésite pas ici à souligner que Mme Pellerin vient d’exposer une belle initiative et que la France s’honore de prendre ce type de disposition.

La Commission adopte successivement les amendements AC347 et AC333.

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* *

Avant l’article 18

Elle en vient à l’amendement AC321 de Mme Sophie Dessus.

Mme Sophie Dessus. La langue française – dont on oublie parfois qu’elle fait partie de notre patrimoine immatériel – est le vecteur de la pensée française. Selon certaines projections, d’ici à 2060, le nombre de locuteurs francophones pourrait tripler. Ce n’est donc pas le moment de baisser les bras. Dans la compétition qui nous oppose à la langue anglaise, nous disposons de très fortes potentialités pour diffuser nos valeurs.

M. le rapporteur. Cet amendement rappelle en effet les objectifs de notre politique de rayonnement culturel pour la langue française. Sur le fond, j’y suis très favorable mais peut-être mentionner le continent africain en tant que tel n’est-il pas utile : il s’agit, de façon ambitieuse, de développer l’usage du français partout dans le monde, partout où il y a un « désir de France », pour reprendre le titre d’un rapport publié il y a quelques années.

Sous cette réserve, je donnerai en séance un avis favorable à votre amendement, modifié en ce sens.

Mme la ministre. Même avis.

Mme Sophie Dessus. Compte tenu de la réserve du rapporteur, l’amendement sera modifié et, en attendant, je le retire.

M. Marcel Rogemont. On peut toujours le rectifier, la remarque du rapporteur étant tout à fait pertinente – je n’aurais en effet pas pu voter l’amendement ainsi rédigé.

Mme Marie-George Buffet. Il est en effet plus sage de le retirer et, en tout cas, de supprimer les mots : « notamment en Afrique », ce continent ne devant pas être considéré comme notre « chasse gardée ». Nous devons également éviter d’utiliser des expressions telles que « le monde francophone », car il ne s’agit pas de dominer le monde par le biais de notre langue, mais de la faire rayonner, de partager des valeurs.

M. François de Mazières. Nous sommes tout à fait d’accord sur le sens et la portée de la disposition proposée. Ayant évoqué tout à l’heure le caractère déclaratif de certains amendements, la question se pose néanmoins de savoir où placer celui-ci : doit-on le renvoyer à l’article 2 ?

L’amendement est retiré.

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Article 18
(art. L. 115-1, art. L.116-1 et L. 116-2 [nouveaux] du code du patrimoine)

Fonds régionaux d’art contemporain

Le présent article tend à ajouter au sein du titre Ier du livre Ier du code du patrimoine un chapitre VI nouveau, intitulé « Fonds régionaux d’art contemporain » et composé de deux articles.

1. L’essor des fonds régionaux d’art contemporain à partir de dispositions de nature réglementaire

a. Une existence qui repose sur deux circulaires

Les fonds régionaux d’art contemporains (FRAC) ont été institués par la circulaire du 3 septembre 1982, prise par le ministre de la Culture dans le cadre de la politique de décentralisation mise en place par l’État avec les conseils régionaux, afin de permettre à l’art contemporain d’être présent dans chaque région de France. Près de vingt ans après leur création, la circulaire n° 2002/006 du 28 février 2002 a défini les missions des FRAC, qui consistent en la constitution d’un patrimoine public d’art contemporain dans chaque région et sa présentation au public au moyen de prêts et dépôts des œuvres hors les murs, en particulier dans des lieux traditionnellement non dédiés à la culture.

L’absence de dispositions législatives concernant les FRAC conduit M. Jacques Rigaud, dans un rapport remis le 6 février 2008 à Mme Christine Albanel, alors ministre de la Culture (50), à qualifier ces institutions d’ « ovnis juridiques », estimant qu’elles se sont essentiellement construites de manière empirique.

b. Le choix majoritaire d’un statut de droit privé

Il existe aujourd’hui vingt-trois FRAC : un dans chaque région de métropole et un à La Réunion. La plupart d’entre eux sont constitués sous la forme d’associations régies par la loi du 1er juillet 1901, ce qui leur confère le statut d’organismes de droit privé à but non lucratif.

Quatre FRAC ont néanmoins opté pour un statut de droit public, qui prend différentes formes :

– la régie régionale (FRAC de Franche-Comté) ;

– le syndicat mixte (FRAC de Midi-Pyrénées) ;

– l’établissement public de coopération culturelle (EPCC), créé par la loi  2002-6 du 4 janvier 2002. La circulaire du 28 février 2002 recommandait aux FRAC de choisir ce dernier statut, dans la mesure où celui-ci permet de « donner aux collections une sécurité juridique supplémentaire, ces collections bénéficiant ainsi des deux conséquences attachées à la domanialité publique : l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité des œuvres qui la composent ». Or, seules les FRAC de Bretagne et de La Réunion ont opté pour le statut d’EPCC.

2. La consécration législative des FRAC

Le chapitre VI nouveau du titre Ier du livre Ier du code du patrimoine vise à donner une base légale aux FRAC afin de protéger les collections acquises depuis plus de trente ans.

a. Une définition précise des œuvres constituant les collections

L’article L. 116-1 nouveau du code du patrimoine définit les conditions d’attribution de l’appellation « FRAC ». Pourront en bénéficier les personnes morales de droit public ou de droit privé à but non lucratif dont les œuvres composant la collection d’art contemporain :

– ont été acquises, sauf exception, du vivant de l’artiste, avec des concours publics et sur proposition d’une instance composée de personnalités qualifiées, ou par dons et legs () ;

– sont représentatives de la création contemporaine française et étrangère dans le domaine des arts plastiques et des arts appliqués () ;

– sont présentées au public, dans et hors les murs, notamment dans des lieux non dédiés à l’art () ;

– font l’objet d’actions de médiation et d’éducation artistique et culturelle en direction du public () ;

– sont inscrites sur un inventaire ().

Cette labellisation des FRAC, plus de trente ans après leur création, vise à ancrer durablement ces institutions dans le paysage culturel français, tout en marquant la spécificité de leurs collections.

b. Un encadrement strict des possibilités d’affectation et de cession des œuvres

L’article L. 116-2 nouveau du code du patrimoine dispose que l’appellation de FRAC est attribuée par décision du ministre chargé de la culture.

Surtout, il tend à encadrer les possibilités d’affectation et de cession des œuvres détenues par les FRAC dotés d’un statut de droit privé, afin de garantir que celles-ci soient bien destinées à la présentation au public.

En droit, seules les collections appartenant à des personnes morales de droit public bénéficient du régime protecteur de la domanialité publique. Aux termes de l’article L. 3111-1 du code de la propriété des personnes publiques, les biens « qui relèvent du domaine public sont inaliénables et imprescriptibles ». Ils ne peuvent donc être acquis par des tiers à la suite d’une possession prolongée et ne peuvent être cédés à une personne privée sans avoir été auparavant déclassés.

Les œuvres acquises par des personnes morales de droit privé, qui constituent la majorité des FRAC, ne bénéficient pas de ce statut protecteur.

Or, quel que soit leur statut, les FRAC remplissent une mission d’intérêt général et bénéficient de ce fait d’une aide financière de l’État et des collectivités territoriales destinée à l’acquisition des œuvres. Cette mission de service public justifie que les œuvres acquises dans les FRAC bénéficient d’un statut protecteur, en particulier celui de l’inaliénabilité, dont bénéficie toute collection publique d’œuvres d’art. À cet égard, la circulaire du 28 février 2002 prévoit déjà de conférer un statut protecteur aux œuvres acquises par les FRAC en précisant qu’ « il convient de veiller à ce que, dans le cas où les œuvres ne relèveraient pas de la domanialité publique, c’est notamment le cas des FRAC sous régime associatif, les statuts des FRAC contiennent une clause prescrivant l’inaliénabilité des œuvres constituant la collection ».

Afin de permettre à ces œuvres de bénéficier d’une protection renforcée, l’article L. 116-2 nouveau du code du patrimoine, dont la rédaction s’inspire de l’article L. 451-10 du même code relatif aux collections privées des musées de France, vise à garantir l’affectation des œuvres à la présentation au public et à sécuriser les conditions de cession des collections constituées sur des fonds publics et détenues les FRAC régis par un statut de droit privé.

Pour ce faire, la délivrance de l’appellation de FRAC aux personnes morales de droit privé est conditionnée par l’inscription, dans leurs statuts, de clauses prévoyant l’affectation irrévocable à la présentation du public des biens acquis par dons et legs ou avec une aide publique.

Les conditions de cession de ces biens sont également encadrées. Ceux-ci ne pourront être cédés qu’aux personnes publiques ou aux personnes morales de droit privé à but non lucratif qui se seront engagées à maintenir l’affectation de ces biens à la présentation au public.

Par ailleurs, comme le prévoit la nouvelle rédaction du 4° de l’article L. 115-1 du code du patrimoine, la cession ne pourra être décidée que par l’autorité administrative après avis de la commission scientifique nationale des collections.

Le dernier alinéa de l’article L. 116-2 nouveau précise enfin que les modalités d’attribution et de retrait de l’appellation, ainsi que les conditions de conservation et de présentation au public des œuvres concernées seront précisées par décret en Conseil d’État. Le décret devra notamment définir les modalités de répartition des FRAC au sein des 13 régions qui remplaceront les 22 régions actuelles à compter du 1er janvier 2016, en application de la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

La Commission a adopté un amendement, à l’initiative du rapporteur, visant à préciser que la dénomination de FRAC correspond bien à un label de la création artistique au sens de l’article 3 du présent projet de loi.

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La Commission examine l’amendement AC411 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, la dénomination de fonds régional d’art contemporain (FRAC) correspondant bien à un label de la création artistique au sens de l’article 3.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 18 modifié.

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Article 18 bis (nouveau)
(art. L. 211-1 du code du patrimoine)

Définition des archives

À l’initiative du rapporteur, la Commission a adopté un amendement visant à compléter la définition des archives, en précisant que celles-ci sont constituées de documents « physiques et numériques ». En effet, si la définition des archives donnée par la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 englobe l’ensemble des supports possibles, le terme « archives » est souvent compris, en dehors du cercle des archivistes et des juristes, comme ne concernant que les documents anciens sur papier. L’emploi du terme « document » sans précisions dans l’actuelle définition des archives, héritage de la loi sur les archives du 3 janvier 1979, renforce cette fausse interprétation. Or les documents numériques sont des archives comme les autres, qu’il convient de préserver aussi longtemps qu’ils ont une valeur probatoire et de conserver durablement s’ils présentent un intérêt historique. Leur introduction, aux côtés des documents physiques, dans la définition des archives permet d’affirmer leur appartenance au champ des archives et de favoriser leur préservation sur les moyen et long termes.

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La Commission est saisie de l’amendement AC421 du rapporteur.

M. le rapporteur. J’ai pris l’initiative de déposer plusieurs amendements afin que nous n’oubliions pas un pan important du patrimoine : les archives et les archivistes, sans la mention desquels le texte serait déséquilibré.

L’amendement AC421 vise à définir ce que sont les archives. À l’ère du numérique, il paraît évident de mentionner qu’elles ne se réduisent pas aux documents papier. C’est pourquoi je vous propose de préciser qu’il s’agit de « documents physiques et numériques ».

Mme la ministre. Sur le principe, je suis favorable à cette clarification de la définition des archives, comme d’ailleurs aux amendements suivants du rapporteur, mais cette disposition pourrait trouver place dans un autre texte auquel le Gouvernement est en train de travailler. C’est pourquoi je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Marcel Rogemont. La préoccupation du rapporteur est tout à fait légitime. On constate en effet, au sein des communes, que la plus grande part des communications entre décideurs se fait via internet et que la disparition de toute trace de ces échanges empêcherait la compréhension de la genèse des décisions prises. Il est d’autant plus indispensable d’intégrer les données numériques parmi les documents à conserver que les personnes en cause ont spontanément tendance à penser que ces données revêtent un caractère strictement personnel et non pas public.

Mme Marie-George Buffet. J’ai déjà souligné le fait qu’on ne saurait rédiger un texte de loi sur le patrimoine sans évoquer les archives. Je me félicite par conséquent de l’initiative du rapporteur, surtout si l’on songe au travail remarquable accompli par les archivistes et à la qualité des archives en France.

M. François de Mazières. Au nom de mon groupe, je félicite également le rapporteur. En effet, l’absence des archives dans un texte traitant du patrimoine était très surprenante. Je regrette néanmoins que ces dispositions soient introduites par voie d’amendements du rapporteur. Elles nous semblent néanmoins judicieuses, et nous espérons qu’elles seront votées.

Je n’ai par ailleurs pas bien compris la réponse de la ministre : y aura-t-il un projet de loi spécifique sur les archives ?

Mme la ministre. Il est envisagé d’inclure dans le projet de loi sur les droits et libertés numériques des dispositions sur l’archivage numérique.

M. François de Mazières. Voilà qui ne nous rassure guère...

La Commission adopte l’amendement.

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Article 18 ter (nouveau)
(art. L. 212-4-1 [nouveau] du code du patrimoine)

Mutualisation de la conservation des archives numériques entre collectivités publiques

Le présent amendement, adopté par la Commission à l’initiative du rapporteur, créé un article additionnel destiné à autoriser les mutualisations entre collectivités publiques pour la conservation des archives numériques. Des équipements spécifiques sont en effet indispensables pour assurer l’archivage pérenne des données numériques. Outre les coûts importants de mise en œuvre et de maintenance, les systèmes d’archivage électronique nécessitent du personnel technique de haut niveau et une veille technologique constante. Or, ces coûts matériels et humains ne peuvent pas être supportés par toutes les personnes publiques qui ont l’obligation de conserver et gérer des archives numériques, et en particulier par toutes les collectivités territoriales et leurs groupements.

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Elle en vient à l’amendement AC448 du rapporteur.

M. le rapporteur. Le présent amendement traite de la mutualisation entre collectivités publiques pour la conservation des archives numériques.

Des équipements spécifiques sont indispensables pour assurer l’archivage à très long terme des données numériques. Outre les coûts importants de mise en œuvre et de maintenance, les systèmes d’archivage électronique nécessitent un personnel technique de haut niveau et une veille technologique constante. Or, certaines personnes publiques qui ont l’obligation de conserver et de gérer des archives numériques, je pense en particulier aux communes et à leurs groupements, n’en ont pas les moyens.

L’amendement vise donc à permettre les mutualisations entre services publics d’archives, afin de favoriser les économies d’échelle et la préservation de la mémoire numérique des territoires.

Mme la ministre. Même avis que sur l’amendement précédent.

M. Marcel Rogemont. Je suis tout à fait favorable à l’amendement. Néanmoins, même dans des communes modestes, l’archivage des documents physiques exige des investissements de plus en plus importants. Dans le contexte du développement de l’intercommunalité, il conviendrait donc d’étendre le dispositif de mutualisation proposé par le rapporteur aux archives physiques.

M. le rapporteur. Je me suis rendu au printemps dernier à Montpellier où j’ai pu constater, dans un superbe bâtiment que m’a fait visiter notre collègue Kléber Mesquida, par ailleurs président du conseil départemental de l’Hérault, ce qu’était la responsabilité particulière du département en la matière. Pour répondre plus précisément à notre collègue Rogemont, la mutualisation est déjà prévue, fort heureusement, pour les archives papier. C’est pourquoi la mutualisation visée par l’amendement ne concerne que l’archivage numérique.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 18 quater (nouveau)
(art. L. 212-25 du code du patrimoine)

Encadrement des possibilités de démembrement des fonds d’archives privés

La Commission a adopté, à l’initiative du rapporteur, un amendement visant à conditionner la division ou l’aliénation de fonds d’archives privés classés comme « archives historiques » en raison de leur intérêt patrimonial à une autorisation de l’administration des archives.

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Elle examine ensuite l’amendement AC449 du rapporteur.

M. le rapporteur. Tout le monde sera, je suppose, sensible à cet amendement, les archivistes au premier chef puisqu’il vise à limiter les possibilités de démembrement de fonds d’archives privés.

Cinquante-sept fonds d’archives privés bénéficient actuellement d’une mesure de classement comme « archives historiques ». Or, la plupart du temps, c’est un ensemble organique qui est protégé et non un seul document ; si bien que le risque de dispersion de fonds organiques, lors d’une vente pièce à pièce par exemple, est très fort, alors que le démembrement du fonds rend caduc l’intérêt qui avait conduit à son classement.

Cet amendement vise donc à interdire le démembrement de fonds d’archives privés classés comme « archives historiques » en raison de leur intérêt historique. Il ménage néanmoins la possibilité d’autoriser la division d’un fonds, par exemple entre des héritiers, lorsque cette division correspond à des sous-ensembles organiques.

Mme la ministre. L’amendement vise en effet à renforcer la protection d’un ensemble dont la division amoindrirait fortement l’intérêt et à renforcer les obligations des propriétaires. Toujours pour les mêmes raisons, cependant, je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Michel Herbillon. Le rapporteur propose une très bonne mesure. La récente affaire du manuscrit de Chateaubriand a montré l’importance de ne pas démembrer un certain nombre d’archives historiques qui font partie de notre patrimoine. Aussi soutenons-nous cet amendement.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 18 quinquies (nouveau)
(art. L. 214-8 du code du patrimoine)

Sanctions en cas de démembrement des fonds d’archives privés

Cet amendement, adopté par la Commission à l’initiative du rapporteur, vise à pouvoir sanctionner, par une amende de 30 000 euros, le non-respect des nouvelles dispositions introduites par l’article 18 quater tendant à interdire le démembrement des fonds d’archives privées.

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Elle examine ensuite l’amendement AC450 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement, lié au précédent que la Commission vient d’adopter, prévoit de sanctionner le démembrement des fonds d’archives privés classés comme archives historiques.

Mme la ministre. Je m’en remets encore à la sagesse de la commission.

La Commission adopte l’amendement.

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Après l’article 18

La Commission en vient à l’amendement AC451 du rapporteur.

M. le rapporteur. Nous en avons terminé avec les archives, et je remercie Mme la ministre pour sa grande sagesse sur le sujet…

Le présent amendement est d’un autre ordre et vise à accorder la gratuité de l’entrée des musées aux auteurs d’œuvres plastiques, graphiques et photographiques, pour les expositions permanentes aussi bien que temporaires.

Mme la ministre. Je partage le souhait du rapporteur de favoriser la possibilité, pour les artistes plasticiens, les graphistes et les photographes de se confronter aux œuvres d’art appartenant aux collections des musées de France. L’article L. 442-6 du code du patrimoine dispose d’ailleurs que les droits d’entrée des musées de France sont fixés afin de favoriser l’accès de ces musées au public le plus large ; il revient ensuite au pouvoir réglementaire d’appliquer ce principe important. Vous savez que la France a des principes de gratuité généreux, notamment pour les publics jeunes.

Plasticiens et graphistes rencontrent parfois des difficultés pour accéder à certains musées. Aussi, après avoir demandé à mes services, le cas échéant, de clarifier l’arrêté du 30 juin 1975 relatif à la dispense et à la réduction du droit d’entrée pour la visite des musées nationaux et des collections appartenant à l’État, je m’engage à en rappeler les dispositions aux établissements.

Au bénéfice de cette explication et de cet engagement, je demande au rapporteur de bien vouloir retirer son amendement.

M. Christian Kert. Un artiste plasticien a-t-il une carte ? On risque en effet de voir se multiplier les plasticiens aux entrées des musées pour profiter de la gratuité…

M. François de Mazières. L’initiative du rapporteur est excellente mais, comme Christian Kert, je suis ennuyé par l’absence de définition des artistes concernés. Une solution serait de considérer que sont concernés les artistes inscrits à la Maison des artistes. Je proposerai un sous-amendement en ce sens.

M. le rapporteur. Évidemment, il n’existe pas de carte d’artiste plasticien comme il y a une carte de presse. Je suis par conséquent parfaitement conscient de la nécessité de produire un justificatif et je rejoins la proposition de M. de Mazières.

Aussi, et tenant compte des observations de la ministre, je retire mon amendement afin de le retravailler.

M. Marcel Rogemont. J’appelle l’attention du rapporteur sur le fait que si l’on peut donner des instructions fermes aux musées nationaux, les musées de France sont quant à eux, pour l’essentiel, des musées locaux – or les élus locaux sont capables de décider eux-mêmes de leur politique tarifaire.

L’amendement est retiré.

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Article 19
(art. L. 431-1, L. 452-1, L. 452-2, art. L. 452-2-1 [nouveau] du code du patrimoine)

Protection des biens des collections des musées de France en cas de restauration

Le présent article tend à améliorer la protection des biens des collections des musées de France lors des travaux de restauration ou en cas de risque de dégradation de ces biens.

1. Un contrôle renforcé de l’État sur les travaux de restauration

L’article 15 de la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France, codifié à l’article L. 452-1 du code du patrimoine, encadre les conditions de restauration des biens faisant partie d’une collection d’un musée de France. Il prévoit ainsi :

– que des instances scientifiques, les commissions scientifiques régionales, sont consultées avant toute restauration de l’un de ces biens. L’État est représenté au sein de ces commissions, où siègent, en vertu des articles R. 451-7 et R. 452-5 du code du patrimoine, le directeur régional des affaires culturelles, le délégué régional à la recherche et à la technologie, et le conseiller pour les musées à la direction régionale des affaires culturelles, ou leurs représentants ;

– que la restauration est effectuée par des professionnels, dont les qualifications et l’expérience professionnelle sont définies par le décret n° 2011-217 du 25 février 2011.

Toutefois, l’avis rendu par l’instance scientifique a seulement une portée consultative. Dès lors, l’État ne dispose aujourd’hui d’aucune possibilité d’action en cas de restauration susceptible de dégrader un bien de manière irréversible et de créer ainsi un risque de perte pour le patrimoine de la Nation.

Le du présent article tend à compléter l’article L. 452-1 du code du patrimoine afin de combler cette lacune et d’éviter l’altération irréversible des biens des collections des musées de France.

Les nouvelles dispositions visent à permettre au ministre chargé de la culture, en cas de non-respect de l’avis ou des prescriptions de la commission scientifique régionale, de faire interrompre les travaux et de prendre les mesures qui s’imposent pour assurer la préservation des biens concernés.

2. La mise en demeure du propriétaire et l’exécution d’office des travaux par l’État

Le du présent article modifie l’article L. 452-2 du code du patrimoine concernant les possibilités de mise en demeure par l’État du propriétaire de biens appartenant à la collection d’un musée de France.

Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 452-2 précité permet à l’État, lorsque le propriétaire d’un bien faisant partie d’une collection d’un musée de France ne prend pas les mesures destinées à permettre la conservation ou à garantir la sécurité de ce bien, de le mettre en demeure « de prendre toutes dispositions pour remédier à cette situation ». En cas d’inaction, l’État peut prendre les mesures conservatoires qu’il estimerait utiles. En l’état du droit, la mise en demeure et les mesures conservatoires sont prises après avis du Haut Conseil des musées de France, sauf s’il y a urgence.

La nouvelle rédaction de l’article L. 452-2 proposée par le présent article tend à préciser les conditions de la mise en demeure du propriétaire défaillant et à introduire une procédure de travaux d’office.

La mise en demeure du propriétaire

Alors que le droit existant ne mentionne que les risques liés à l’inaction du propriétaire et à son refus de prendre les mesures nécessaires à la conservation ou à la sécurité d’un bien, la rédaction proposée prend en compte à la fois l’inexécution et la mauvaise exécution des travaux de conservation ou d’entretien.

Elle précise en outre explicitement que le propriétaire peut être mis en demeure par l’État de « procéder aux travaux conformes aux prescriptions qu’[il] détermine », alors que le droit en vigueur ne fait référence qu’à son obligation de « prendre toutes dispositions pour remédier à cette situation ». Par ailleurs, l’avis du Haut Conseil des musées de France ne serait plus requis.

L’exécution d’office des travaux par l’État

L’article L. 452-2 ainsi modifié tend également à renforcer le rôle de l’État en cas d’inaction du propriétaire. En effet, si celui-ci ne donnait pas suite à la mise en demeure de réaliser des travaux, l’État se chargerait lui-même de faire réaliser les travaux.

La prise en charge financière des travaux

Lorsque le propriétaire du bien est mis en demeure de réaliser des travaux, l’article L. 452-2 tel que modifié par le présent article précise que l’État prend en charge au moins la moitié de leur coût, sa participation financière étant aujourd’hui limitée à 50 % des frais maximum.

Les modalités de remboursement, par le propriétaire, du coût des travaux financés par l’État en cas d’exécution d’office sont précisées par l’article L. 452-2-1 nouveau. Le propriétaire devrait rembourser à l’État le coût des travaux exécutés par celui-ci, dans la limite de la moitié de son montant. La créance ainsi née au profit de l’État devrait être recouvrée aux échéances fixées par l’autorité administrative, qui pourrait les échelonner sur une durée de quinze ans.

Le nouveau dispositif prévoit également que le propriétaire puisse s’exonérer de sa dette en faisant abandon de son bien à l’État.

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La commission adopte l’amendement de coordination AC452 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 19 modifié.

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Chapitre II
Réformer le régime juridique des biens archéologiques et des instruments de la politique scientifique archéologique

Article 20
(art. L. 510-1, L. 522-1, L. 522-2, L. 522-7, L. 522-8, L. 523-7, L. 523-8, L. 523-8-1 [nouveau], L. 523-9 à L. 523-11, L. 523-13, L. 541-1 à L. 541-9
du code du patrimoine)

Politique scientifique archéologique et régime juridique des biens archéologiques

Le présent article comprend de nombreuses dispositions tendant à modifier le livre V du code du patrimoine relatif à l’archéologie. Il s’agit principalement d’assurer une meilleure prise en compte de la dimension scientifique de la protection du patrimoine archéologique, tout particulièrement dans le domaine de l’archéologie préventive, mais également de clarifier et de simplifier le régime de propriété des biens archéologiques, toujours dans un souci de préservation scientifique.

1. La reconnaissance du « contexte » comme élément du patrimoine archéologique

Le  complète l’article L. 510-1 du code du patrimoine définissant le patrimoine archéologique pour prendre en compte le contexte dans lequel s’inscrivent les vestiges et les autres traces de l’existence de l’humanité découverts à l’occasion de fouilles.

La définition ainsi complétée s’inspire de celle posée par l’article 1er de la convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique du 16 janvier 1982, dite convention de Malte, dont l’alinéa 3 dispose que « sont inclus dans le patrimoine archéologique les structures, constructions, ensembles architecturaux, sites aménagés, témoins mobiliers, monuments d’autre nature, ainsi que leur contexte, qu’ils soient situés dans le sol ou sous les eaux ».

La définition proposée prend ainsi davantage en compte la réalité scientifique de l’archéologie préventive, en particulier le fait que la valeur d’un vestige réside souvent moins dans le vestige lui-même que dans les informations géologiques recueillies sur le lieu de la fouille. En effet, un patrimoine archéologique limité aux « objets » ne permet pas de comprendre l’histoire de l’humanité et sa relation avec son environnement naturel. Or, afin d’observer et d’interpréter les vestiges dans leur contexte et de reconstituer l’environnement dans lequel ils s’inscrivent, les couches stratigraphiques ne doivent pas être détruites.

La nouvelle rédaction tend également à ajouter aux éléments constitutifs du patrimoine archéologique, aux côtés des vestiges, les biens découverts et dont la sauvegarde et l’étude permettent de retracer le développement de l’histoire de l’humanité et de sa relation avec l’environnement naturel.

2. Le renforcement du contrôle scientifique et technique de l’État sur les opérations d’archéologie préventive

Le , le , le et le du présent article visent à améliorer le contrôle scientifique et technique des opérations d’archéologie préventive.

a. Une définition plus précise du rôle de l’État

Le complète la définition du rôle de l’État pour mettre l’accent sur ses prérogatives de contrôle scientifique et technique. Alors que dans sa rédaction actuelle, l’article L. 522-1 du code du patrimoine lui confie la mission de veiller « à la conciliation des exigences respectives de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social », la rédaction proposée ajoute que l’État est « le garant de la qualité scientifique des opérations d’archéologie ». Le caractère scientifique et technique des missions de contrôle qu’il exerce est ainsi explicitement affirmé. Afin de renforcer le rôle de garant de l’État, le 2° prévoit également que l’ensemble des données scientifiques afférentes aux opérations archéologiques lui sont adressées.

Le a été modifié par la Commission afin d’affirmer explicitement que l’État assure la maîtrise d’ouvrage scientifique des opérations, tout en détaillant les missions qu’il exerce à ce titre. Cet amendement précise également que l’État doit veiller au bon fonctionnement du service public de l’archéologie préventive dans ses dimensions scientifiques, économiques et financières.

b. Un contrôle plus exigeant lors de la délivrance de l’agrément aux opérateurs d’archéologie préventive

L’ouverture à la concurrence de l’activité d’opérateur par la loi du 1er août 2003

La loi n° 2003-707 du 1er août 2003 modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l’archéologie préventive a permis à d’autres opérateurs que l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) d’intervenir en archéologie préventive. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2003-480 du 31 juillet 2003, a estimé que cette ouverture à la concurrence de la catégorie des opérateurs d’archéologie préventive ne méconnaissait pas les principes constitutionnels propres aux services publics dès lors que des procédures de contrôle administratif et scientifique de ces opérateurs étaient bien mises en place. Ainsi, sous réserve d’obtenir préalablement un agrément, les services des collectivités territoriales, mais aussi toute personne de droit public ou privé, peuvent réaliser des opérations archéologiques. Les modalités d’obtention de l’agrément sont définies aux articles L. 522-8, L. 523-8 et R. 522-7 et suivants du code du patrimoine.

Il existe deux types d’agrément, selon la nature des opérations à réaliser :

– L’agrément pour la réalisation de diagnostic, qui ne peut être délivré qu’aux services des collectivités territoriales ou de leurs groupements. La portée de cet agrément est limitée aux diagnostics prescrits à l’occasion de travaux ou d’aménagements réalisés sur le territoire de la collectivité concernée.

– L’agrément pour la réalisation de fouilles, qui peut être délivré aux services des collectivités territoriales ou de leurs groupements, ainsi qu’à toute personne de droit public ou privé. Cet agrément est valable sur la totalité du territoire national, y compris pour les services des collectivités territoriales, mais peut en revanche être limité à certaines périodes chronologiques ou à certaines thématiques particulières.

L’agrément est délivré aux opérateurs d’archéologie préventive par le ministère de la Culture et le ministère chargé de la recherche, après consultation du Conseil national de la recherche archéologique (CNRA). Le contenu du dossier de demande d’agrément est détaillé à l’article R. 522-10 du code du patrimoine.

La décision d’accorder l’agrément, qui doit être prise dans un délai de trois mois à compter de la réception du dossier, obéit à des règles différentes selon la catégorie juridique du demandeur. En application de l’article L. 522-8 du code précité, les demandes présentées par une collectivité territoriale donnent lieu à un agrément tacite en cas de silence de l’administration, alors que l’article R. 522-11 du même code prévoit que le silence gardé par l’administration pendant trois mois équivaut à une décision de refus pour les autres personnes de droit public ou privé.

Un contrôle aujourd’hui insuffisant au moment de la délivrance de l’agrément

Depuis que la loi du 1er août 2003 précitée a ouvert l’activité d’opérateur à l’ensemble des personnes de droit public ou privé, la délivrance et le renouvellement de l’agrément constitue la principale forme de contrôle de l’État sur ces opérateurs. Or, la commission d’évaluation scientifique, économique et sociale de l’archéologie préventive estime avec raison, dans son Livre blanc paru en mars 2013, que les conditions d’obtention de l’agrément ne sont pas assez strictes, au vu du caractère scientifique des opérations à mener.

En effet, la procédure d’examen des demandes d’agrément, détaillée aux articles R. 522-7 et suivants du code du patrimoine, correspond à un contrôle a priori qui s’exerce sur les capacités administratives, financières et scientifiques présentées par le candidat dans son dossier. Si, lors d’une demande de renouvellement, l’administration demande que soit également présenté un bilan des activités réalisées, cet élément ne correspond pour autant à aucune exigence réglementaire. La commission d’évaluation relève par ailleurs que l’appréciation de la qualité scientifique de l’opérateur se fait principalement au regard des compétences des individus qui composent la structure, au détriment parfois de la notion d’équipe et de projet scientifique de service. L’insertion de l’opérateur au sein d’un réseau de compétences scientifiques et ses liens éventuels avec des laboratoires de recherches ne font pas non plus partie des critères réglementaires d’appréciation. Ainsi, le dispositif actuel permet de délivrer un agrément à une structure ne comportant qu’un seul archéologue, dans la mesure où celui-ci présente les compétences scientifiques nécessaires à la conduite d’une opération, ce qui ne se révèle pas toujours adapté. Dans ces conditions, le contrôle scientifique et technique réalisé par les services régionaux d’archéologie (SRA) lors des opérations a mis en évidence certaines lacunes qui n’avaient pas pu être décelées en amont, lors de l’examen des demandes d’agrément.

Des conditions plus strictes pour obtenir l’agrément ?

Le et le du présent article modifient et précisent les conditions de délivrance de l’agrément, reprenant ainsi l’une des préconisations du Livre blanc, selon laquelle « le niveau d’exigence d’obtention (et de renouvellement) de l’agrément doit être renforcé et, dans l’esprit de la Commission qui souligne fermement le caractère scientifique de la discipline, le projet soumis par l’opérateur doit affirmer plus sensiblement encore l’ambition et les capacités scientifiques de la structure ainsi que la cohérence et l’adéquation de l’équipe d’intervention ».

À cet effet, le propose d’introduire un article L. 523-8-1 nouveau dans le code du patrimoine afin de préciser les conditions de délivrance de l’agrément ainsi que les obligations qui incombent à la personne agréée. Il prévoit en particulier que le dossier fourni à l’appui de la demande d’agrément doit établir « la capacité scientifique, administrative, technique et financière du demandeur ». Afin de renforcer le contrôle de l’État, l’alinéa 15 du présent article prévoit que la personne agrée lui transmet chaque année un « bilan scientifique, administratif, social, technique et financier de son activité en matière d’archéologie préventive ». Une procédure de suspension de l’agrément est également prévue à l’alinéa 14 afin de faire face à des situations d’urgence.

Enfin, le supprime la mention, à l’article L. 522-8, de la règle selon laquelle, pour les collectivités territoriales, le silence gardé par l’administration dans un délai de trois mois vaut délivrance de l’agrément. Cette règle, qui ne relève pas du domaine législatif, doit être insérée dans la partie réglementaire du code du patrimoine et étendue à l’ensemble des personnes de droit public et privé.

La mise en place d’un dispositif d’habilitation pour les services archéologiques des collectivités territoriales

En l’état du droit, les services des collectivités territoriales sont soumis, pour la réalisation de fouilles préventives, à la même procédure d’agrément que les opérateurs privés, alors qu’ils sont des partenaires historiques des services de l’État sur l’ensemble de la chaîne opératoire archéologique. Afin de reconnaître leur rôle spécifique, la Commission a adopté un amendement tendant à créer un dispositif d’habilitation pour les services archéologiques des collectivités territoriales, en lieu et place de l’actuel agrément.

Cette habilitation, délivrée par une décision conjointe des ministres chargés de la culture et de la recherche après avis du Conseil national de la recherche archéologique, sera limitée au territoire de la collectivité, à la fois pour les diagnostics et pour les fouilles. Alors que l’agrément actuel est délivré pour cinq ans, l’habilitation sera valable sans limitation de durée mais fera l’objet d’un bilan opérationnel et scientifique tous les cinq ans. Elle pourra être suspendue ou retirée après avis du Conseil national de la recherche archéologique. Enfin, elle sera subordonnée à la constitution d’un dossier qui prendra en compte la coopération, de nature conventionnelle, entre l’État et la collectivité territoriale concernée, notamment en matière d’exploitation scientifique et de mise en valeur des données et l’existence d’un projet scientifique territorial archéologique global.

c. La mise en place d’un contrôle en amont des projets scientifiques d’intervention (PSI) par l’État

Les limites de la procédure actuelle

Les aménageurs ont, depuis la loi du 1er août 2003 précitée, la qualité juridique de maître d’ouvrage des opérations de fouilles et se sont vus conférer à ce titre la responsabilité du choix de l’opérateur chargé de les réaliser.

Dès lors qu’une prescription de fouilles a été édictée par l’État, la procédure actuelle menant à la réalisation de fouilles peut être résumée par les trois étapes suivantes :

1) Choix de l’opérateur par l’aménageur à la suite d’un appel d’offres ou de négociations de gré à gré ;

2) Signature du contrat de fouille entre l’aménageur et l’opérateur ;

3) Transmission du contrat incluant le projet scientifique d’intervention (PSI) aux services de l’État, en vue d’obtenir une autorisation de fouilles.

Cette procédure, où l’aménageur choisit l’opérateur en amont du contrôle exercé par l’État sur le PSI, présente plusieurs inconvénients. En effet, les aménageurs n’ont pas la maîtrise des critères scientifiques qui doivent guider ce choix. Dès lors, il existe un risque pour l’aménageur que le PSI de l’opérateur retenu ne soit finalement pas validé par le service régional de l’archéologie (SRA), retardant ainsi le démarrage des opérations de fouille. Surtout, cette organisation, qui ne permet pas à l’État d’intervenir suffisamment en amont, ne garantit pas un contrôle optimal de la qualité scientifique des opérations dans la mesure où, une fois le contrat signé, la marge de manœuvre des services de l’État peut paraître réduite.

Un nouveau calendrier garantissant une meilleure prise en compte de la qualité scientifique des opérations

Les a) et b) du tendent à modifier l’article L. 523-9 du code du patrimoine afin d’inverser le calendrier de la procédure actuelle en prévoyant une validation, par les services de l’État, des projets d’intervention scientifique (PSI) figurant dans les offres de prestation des opérateurs avant la signature du contrat avec l’aménageur.

La procédure proposée comporterait les étapes suivantes :

1) Réception, par l’aménageur, des offres des opérateurs et transmission de l’ensemble de ces offres aux services de l’État ;

2) Contrôle scientifique et technique des services de l’État, qui vérifient la conformité de l’ensemble des PSI transmis à la prescription ;

3) Signature du contrat de fouille entre l’aménageur et l’opérateur.

Cette modification du calendrier aura pour effet d’encadrer la liberté contractuelle de l’aménageur puisque celui-ci serait tenu de choisir un opérateur parmi ceux dont le PSI aura été préalablement validé par l’État. Elle permettra de réaffirmer le rôle de l’État comme garant de la qualité scientifique et technique des opérations, tout en laissant à l’aménageur le choix des autres critères de sélection des offres, tels que le prix ou les délais de réalisation proposés.

La Commission a adopté deux amendements tendant à préciser les modalités de contrôle des opérateurs par l’État. Le premier porte sur le contenu des offres transmises par les candidats. Celles-ci devront notamment comporter le PSI, le prix proposé et une description détaillée des moyens humains et techniques mis en œuvre. Cette clarification était indispensable pour permettre à l’État de comparer les différentes offres à partir de critères identiques et connus de tous. Le deuxième amendement précise que le PSI constitue un élément central de l’offre et que la mise en œuvre du contrat est subordonnée à la délivrance de l’autorisation de fouilles par l’État.

Les dispositions du correspondent à la philosophie du projet de loi qui vise à affirmer plus clairement l’exercice par l’État d’une véritable maîtrise d’ouvrage scientifique. Si elle rationalise la procédure de choix de l’opérateur en évitant que celui-ci soit exclu après avoir signé un contrat avec l’aménageur, il convient toutefois de veiller à ce que ses modalités d’application ne se traduisent pas par un allongement des délais. Le rapporteur souhaite à cet égard que les services administratifs, qui seraient désormais chargés d’examiner l’ensemble des projets scientifiques d’intervention transmis par l’aménageur  – et non plus uniquement celui de l’opérateur que ce dernier aurait choisi en amont –, disposent pour cela de moyens suffisants. La capacité des services de l’État à apprécier la qualité scientifique des projets dans un délai raisonnable, fixé par décret, est d’autant plus importante que, d’après l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, le décret d’application devrait prévoir que l’absence de réponse de l’administration dans ce délai vaudra validation des projets, conformément à la règle « silence vaut acceptation ».

d. Des garanties supplémentaires et un meilleur suivi par l’État des opérations de fouilles

Le d) du introduit deux nouveaux alinéas à l’article L. 523-9 précité afin d’améliorer le déroulement et l’exécution des opérations de fouilles. Le premier alinéa prévoit que l’État vérifie que le responsable scientifique de l’opération dispose d’un contrat de travail d’une durée au moins égale à la durée prévisible de l’opération. Cette disposition assure une garantie supplémentaire en termes de qualité scientifique des opérations, tout comme le second alinéa qui précise que la prestation ne peut être sous-traitée et qu’elle est exécutée sous l’autorité des personnels scientifiques dont les compétences ont justifié l’agrément de l’opérateur. Ce dernier point permet d’assurer une plus grande cohérence entre le contrôle a priori de l’État, exercé au moment de la délivrance de l’agrément et tel que l’article L. 523-8-1 nouveau tend à le préciser, et le suivi des opérations.

La Commission a par ailleurs modifié les délais dans la procédure de mise en œuvre des diagnostics, afin de tirer les conséquences du décret n° 2015-836 du 9 juillet 2015 relatif à la réduction des délais d’instruction des autorisations d’urbanisme.

La Commission a également précisé les conditions de reprise par l’Inrap des opérations de fouilles inachevées en raison d’une défaillance de l’opérateur. Lorsque cette situation se produit, il est nécessaire qu’un nouveau contrat soit conclu entre l’aménageur et l’Inrap. L’amendement précise que ce nouveau contrat doit notamment fixer le prix et les délais de réalisation de l’opération, qui peuvent varier par rapport au premier contrat conclu avec l’opérateur défaillant.

L’archéologie préventive en mer, absente du projet de loi initial, a retenu l’attention des membres de la Commission qui ont adopté un amendement tendant à clarifier la répartition des rôles entre l’État, à travers le département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (Drassm), et l’Inrap en matière d’archéologie préventive en mer. Ainsi, le Drassm serait conforté dans sa mission régalienne de prescription et de contrôle, alors que l’Inrap bénéficierait du monopole de l’exécution des diagnostics et des opérations de fouilles. Ce monopole de l’Inrap dans le domaine public maritime est justifié par l’ampleur des investissements nécessaires et le coût particulièrement élevé des fouilles en mer.

Enfin, un amendement adopté à l’initiative du Gouvernement a consacré dans la loi le rôle des collectivités territoriales en matière d’exploitation scientifique des opérations d’archéologie préventive et de diffusion de leurs résultats. En l’état du droit, la loi ne mentionne en effet que rôle de l’Inrap en la matière, alors que les collectivités exercent aussi ces missions en pratique.

3. Une clarification du régime de propriété du patrimoine archéologique

Le de l’article tend à réécrire entièrement et à enrichir le chapitre Ier du titre IV du livre V du code du patrimoine, aujourd’hui consacré au régime de propriété des vestiges immobiliers et composé de deux articles.

Le chapitre Ier, dans la rédaction envisagée par le présent article, s’intitulerait « régime de propriété du patrimoine archéologique » et traiterait à la fois des biens archéologiques immobiliers (section 1) et des biens archéologiques mobiliers (sections 2 et 3).

a. Biens archéologiques immobiliers : la consécration de la jurisprudence du Conseil d’État

La section 1 du chapitre Ier telle que créée par le présent article est consacrée au régime de propriété des biens archéologiques immobiliers. La rédaction proposée a pour objectif de mettre la loi en conformité avec la jurisprudence du Conseil d’État.

Les modifications apportées par la loi du 17 janvier 2001

L’article 13 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l’archéologie préventive, aujourd’hui codifié à l’article L. 541-1 du code du patrimoine, a modifié le régime de propriété des biens archéologiques immobiliers. Il a écarté, pour les vestiges archéologiques immobiliers, l’application de l’article 552 du code civil, aux termes duquel « la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous ».

Le décret n° 2002-89 du 16 janvier 2002 pris pour l’application de la loi précitée précise que « sauf lorsque le propriétaire du fonds contenant un vestige archéologique immobilier, issu de fouilles ou découvert fortuitement, établit qu’il est propriétaire de ce vestige, un arrêté du préfet de région constate que ce dernier est propriété de l’État ».

La prise en compte de la jurisprudence du Conseil d’État

Dans sa décision Ministre de la communication c/M. Mathé-Dumaine du 24 avril 2012, le Conseil d’État a jugé conformes aux stipulations de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales les dispositions la loi du 17 janvier 2001 précitée, en tant que celles-ci s’appliquent aux personnes devenues propriétaires à compter de leur entrée en vigueur, soit postérieurement au 19 janvier 2001.

Le présent article tire les conséquences de cette jurisprudence. Il tend ainsi à préciser que l’application de l’article 552 du code civil ne peut être écartée que pour les découvertes faites sur des terrains acquis postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi de 2001.

Par ailleurs, il mentionne explicitement à l’article L. 541-1 du code du patrimoine que « ces biens archéologiques immobiliers appartiennent à l’État dès leur mise au jour à la suite d’opérations archéologiques ou en cas de découverte fortuite », la référence à la propriété de l’État ne figurant, en l’état actuel du droit, que dans le décret d’application de la loi du 17 janvier 2011 précitée.

b. La simplification du régime de propriété des biens mobiliers

Les règles relatives au régime de propriété des biens archéologiques mobiliers sont définies dans la sous-section 1 de la section 2 du chapitre Ier, créée par le présent article et composée des articles L. 541-4 et L. 541-5 nouveaux. Ce nouveau régime s’inspire des dispositions relatives au régime de propriété des biens archéologiques immobiliers.

Des règles juridiques aujourd’hui complexes et insatisfaisantes

Les dispositions relatives à la propriété des biens archéologiques mobiliers, qui figurent à la fois dans le code civil et dans le code du patrimoine, se caractérisent par une grande diversité, source de complexité.

Le régime de propriété applicable diffère ainsi en fonction de la nature du bien mobilier et des circonstances de sa découverte. Les règles de propriété du bien mobilier varient en effet selon que celui-ci est issu de fouilles autorisées par l’État (article L. 531-1 et suivants du code du patrimoine), de fouilles exécutées par l’État (article L. 531-11 du même code), d’une découverte fortuite (article L. 531-16 du même code) ou encore d’opérations préventives (article L. 523-14 du même code). À ces quatre régimes différents s’ajoutent des règles spécifiques aux biens culturels maritimes situés dans le domaine public maritime, ainsi que celles relatives aux biens immobiliers.

Le tableau ci-dessous, qui présente une synthèse des différents régimes de propriété du patrimoine archéologique mobilier, met en lumière la complexité du régime juridique en vigueur.

Type de vestige et circonstances de la découverte

Propriétaire(s) du vestige

Mobilier issu de fouilles autorisées par l’État

Propriétaire du terrain

Mobilier issu de fouilles exécutées par l’État

Partage entre l’État et le propriétaire du terrain

Mobilier découvert fortuitement

Partage entre l’inventeur et le propriétaire du terrain

Mobilier issu d’opérations préventives

Partage entre l’État et le propriétaire du terrain sauf si renoncement de celui-ci / possibilité de transfert de propriété à titre gratuit de l’État vers une collectivité territoriale

Source : Étude d’impact

Ces distinctions conduisent à un partage de propriété qui soulève deux principales difficultés : sur le plan scientifique, il peut conduire à disperser des éléments qui présentent une cohérence scientifique et dont l’étude nécessite d’avoir accès à l’ensemble ; en termes de gestion, la diversité des régimes se traduit par une charge de travail conséquente pour les services régionaux de l’archéologie.

En outre, les délais d’études associés au type de vestige et aux circonstances de la découverte sont loin d’être harmonisés, comme le montre le tableau ci-dessous.

Type de vestige et circonstances de la découverte

Délai d’étude

Mobilier issu de fouilles autorisées par l’État

Aucun délai prévu par la loi : dépend d’un accord entre le propriétaire du terrain et le titulaire de l’autorisation de fouille

Mobilier issu de fouilles exécutées par l’État

Mobilier confié à l’État pour un délai de 5 ans maximum

Mobilier découvert fortuitement

Mobilier confié à l’État pour un délai de 5 ans maximum

Mobilier issu d’opérations préventives

Mobilier confié à l’opérateur d’archéologie, sous le contrôle de l’État, pour un délai de 2 ans maximum

Source : Étude d’impact

Là encore, l’absence d’unité en matière de délai d’études est source de complexité et n’apparaît pas justifiée sur le plan scientifique.

Les améliorations apportées par le présent article

Le dispositif proposé unifie les règles relatives au régime de propriété et aux délais d’études des biens archéologiques mobiliers, en s’inspirant en grande partie des dispositions relatives au régime de propriété des biens archéologiques immobiliers.

L’article L. 541-4 nouveau du code du patrimoine tend ainsi à établir une présomption de propriété au profit de l’État pour l’ensemble des vestiges mobiliers. Les dispositions de l’article 552 du code civil, selon lesquelles la propriété de ces biens revient au propriétaire du terrain, et celles de l’article 716 du même code, relatives au régime des trésors, sont ainsi écartées.

Le nouveau dispositif prévoit deux limites à cette règle, l’une temporelle, l’autre concernant les conditions de la découverte :

– L’article L. 541-4 nouveau prévoit tout d’abord que le nouveau régime de propriété des biens archéologiques mobiliers ne s’appliquera que pour les biens découverts sur des terrains dont la propriété a été acquise postérieurement à la date d’entrée en vigueur de la présente loi.

Le dispositif est ainsi conforme à la jurisprudence précitée du
Conseil d’État, rendue au sujet des biens archéologiques immobiliers.

Le régime des biens mobiliers mis au jour sur des terrains acquis avant la date d’entrée en vigueur de la présente loi est précisé à l’article L. 541-5 nouveau du code du patrimoine. Le dispositif prévoit que ces biens sont d’abord confiés à l’État pendant un délai maximum de cinq ans. La propriété des biens revient ensuite au propriétaire du terrain et, en cas de découverte fortuite, à l’inventeur, mais elle est transférée à l’État si ni le propriétaire du terrain, ni, en cas de découverte fortuite, l’inventeur, ne font valoir leur droit de propriété.

– Un traitement spécifique est par ailleurs réservé aux découvertes fortuites. La présomption de propriété publique concernant les biens archéologiques mobiliers prévue à l’article L. 541-4 nouveau concerne l’ensemble des objets trouvés lors d’opérations de fouilles autorisées par l’État ou exécutées par lui et de fouilles préventives, dans la mesure où celles-ci sont placées sous le contrôle de l’État.

Le dispositif proposé distingue ces opérations archéologiques des découvertes fortuites : dans ce dernier cas, l’appropriation publique est subordonnée à la reconnaissance de l’intérêt scientifique des biens ainsi mis au jour. Cette reconnaissance de l’intérêt scientifique obéit à une procédure prévue aux alinéas 44 et 45 du présent article. Une commission d’experts scientifique sera chargée de donner un avis sur la base duquel l’intérêt scientifique pourra être constaté par un acte de l’autorité administrative.

Le délai d’études au terme duquel l’autorité administrative doit se prononcer est fixé à cinq ans. Il est ainsi identique à celui prévu pour l’étude des biens mobiliers découverts sur des terrains acquis avant l’entrée en vigueur de la présente loi.

La reconnaissance d’ensembles archéologiques cohérents

Afin d’éviter la dispersion et de garantir l’intégrité des vestiges découverts, la section consacrée aux biens archéologiques mobiliers comprend une sous-section 2 intitulée « Ensemble archéologique mobilier et aliénation des biens mobiliers », composée d’un unique article.

Ce nouvel article L. 541-6 consacre la notion d’ « ensemble cohérent » pour les biens archéologiques mobiliers dont l’intérêt scientifique justifie la conservation dans leur intégrité. Cette nouvelle disposition va dans le sens d’une meilleure prise en compte de la réalité scientifique de l’archéologie préventive.

c. Les transferts de propriété et le droit de revendication des biens

Les transferts de propriété des biens mobiliers

L’article L. 541-7 nouveau étend les possibilités de transfert de propriété à titre gratuit des biens archéologiques mobiliers de l’État vers les autres personnes publiques. Le dispositif actuel, codifié à l’article L. 523-14 du code du patrimoine, sera ainsi modifié sur trois points :

– la possibilité de transfert à titre gratuit, aujourd’hui limitée aux communes, serait étendue à « toute personne publique ». L’État pourra en particulier transmettre des biens archéologiques mobiliers à l’ensemble des collectivités territoriales s’engageant à en assurer la conservation ;

– le dispositif sera étendu à tous les biens archéologiques mobiliers, quelle que soit les conditions de leur découverte, alors qu’il est aujourd’hui limité au mobilier découvert à l’occasion de fouilles préventives ;

– ce transfert s’effectuera « sous le contrôle scientifique et technique des services chargés de l’archéologie ».

Le droit de revendication de l’État

Les conditions de revendication, par l’État, de la propriété des biens archéologiques mobiliers sont définies à l’article L. 541-8 nouveau.

Celui-ci tend à simplifier le droit en vigueur dans la mesure où cet article unique concerne l’ensemble des biens mobiliers, quelles que soit les conditions de leur découverte. Au contraire, le dispositif actuel fait référence au droit de revendication de l’État dans le cadre de fouilles autorisées (article L. 531-5 du code du patrimoine), dans le cadre de fouilles exécutées par l’État (article L. 531-11 du même code) et dans le cadre de découvertes fortuites (article L. 531-16 du même code).

Un décret en Conseil d’État doit préciser les modalités d’application du chapitre Ier du titre IV du livre V du code du patrimoine ainsi réécrit.

*

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AC453 du rapporteur.

Puis elle en vient à l’amendement AC375 de Mme Martine Faure.

Mme Martine Faure. L’amendement vise à clarifier le rôle des différents acteurs de la chaîne archéologique, notamment celui de l’État qui assure la maîtrise d’ouvrage scientifique des opérations.

M. le rapporteur. Pour ce qui concerne l’archéologie préventive, je n’ai pas présenté d’amendements, laissant le soin à Mme Faure de décliner plusieurs propositions qu’elle a défendues dans le rapport qu’elle a remis à la ministre de la culture et de la communication et qu’elle a présenté devant la Commission.

Je donne par conséquent un avis favorable à tous les amendements présentés par notre collègue, à commencer par celui-ci, qui vise à préciser utilement le rôle de l’État. Les auditions auxquelles nous avons procédé nous ont montré à quel point la demande était forte pour que l’État garantisse la qualité scientifique des opérations.

Mme la ministre. Je salue le rapport très documenté de Mme Faure sur les dysfonctionnements du secteur de l’archéologie préventive liés à la loi du 1er août 2003 qui a ouvert le domaine des fouilles à la concurrence. Le rapport préconise la clarification du rôle de chacun des acteurs de la politique d’archéologie préventive et le renforcement des coopérations entre les acteurs publics. Je souscris totalement au bilan établi dans des délais très brefs, je tiens à le souligner, par son auteur, qui a su prendre le temps d’auditionner un très grand nombre de personnes et de représentants d’institutions, et je fais miennes ses préconisations.

J’approuve totalement, en particulier, le présent amendement, qui clarifie et renforce les missions de l’État en tant que garant de la politique publique de l’archéologie préventive, et qui lui permet en outre d’assurer la maîtrise d’ouvrage scientifique des opérations.

Je précise au passage que deux amendements très intéressants de Mme Faure se sont vu opposer l’article 40 de la Constitution. Le Gouvernement, qui y était favorable, n’a pu les reprendre à son compte dans les délais impartis, mais je vous proposerai, en séance, des dispositifs sur ces deux points, à savoir le respect des exigences en matière sociale, financière et comptable, pour la délivrance des agréments, après avis du Conseil national de la recherche archéologique (CNRA).

Mme Marie-George Buffet. La loi du 1er août 2003 a mis en péril le développement de l’archéologie préventive ; or on sait l’importance de cette activité pour préserver notre patrimoine, certes, mais également pour écrire l’histoire de nos sociétés. Tous les amendements présentés par Martine Faure, qui a travaillé sur ce dossier de façon remarquable, ainsi que les amendements que je présente moi-même, visent à clarifier les compétences des acteurs et à réaffirmer le caractère public de la maîtrise d’ouvrage. Nous avons besoin, en effet, de cette responsabilité publique pour éviter, du fait d’une mise en concurrence avec le privé, une baisse de la qualité scientifique de l’archéologie préventive.

Je me félicite de ces amendements et j’espère que nous allons écrire, avec cet article 20, une nouvelle étape pour l’archéologie préventive.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC291 de Mme Martine Faure.

Mme Martine Faure. Cet amendement vise, d’une part, à rétablir le délai d’un mois, après réception du dossier d’aménagement en préfecture de région, qui est imparti à l’État pour la prescription d’un diagnostic et, d’autre part, à modifier le mécanisme de caducité des prescriptions de diagnostic. Les aménageurs insistent en effet pour que les délais soient respectés par l’ensemble de la chaîne archéologique.

M. le rapporteur. Avis favorable cet amendement qui modifie les délais de mise en œuvre des diagnostics.

Mme la ministre. Même avis.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AC357 du Gouvernement.

Mme la ministre. Le Gouvernement souhaite que la loi reconnaisse et consacre le rôle notable que les collectivités territoriales jouent dans l’exploitation scientifique des résultats des opérations archéologiques, rôle dont témoignent le nombre des publications ou des colloques de leurs services d’archéologie, l’intégration d’agents territoriaux dans les unités mixtes de recherche ou leur participation à des projets collectifs de recherche. L’investissement des collectivités territoriales dans la recherche et sa valorisation, qui ne se limite pas au domaine de l’archéologie préventive, n’était pas jusqu’à présent explicitement reconnu dans la loi.

Par cet amendement, le Gouvernement entend combler cette lacune, et je ne doute pas que votre Commission saura honorer l’ensemble des scientifiques du secteur de l’archéologie en le votant de manière unanime et transpartisane.

M. le rapporteur. Avis favorable à cette reconnaissance du rôle des collectivités territoriales dans l’exploitation scientifique et la diffusion des résultats des opérations d’archéologie.

M. François de Mazières. Nous y sommes également favorables, ayant nous-mêmes déposé des amendements allant dans ce sens.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AC228 de Mme Gilda Hobert.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à simplifier les conditions de délivrance de l’agrément aux collectivités territoriales, en précisant que le dossier que celles-ci doivent fournir ne porte que sur leur capacité scientifique et technique et non, comme le prévoit le projet de loi, sur leur capacité « scientifique et administrative, technique et financière ».

M. le rapporteur. Je partage votre préoccupation, madame Hobert, dans la mesure où les collectivités sont déjà soumises, par ailleurs, à un contrôle financier de l’État. Toutefois, l’amendement AC355 du Gouvernement, que nous examinerons ultérieurement et qui vise également à simplifier les démarches pour les collectivités territoriales en remplaçant l’agrément par un dispositif spécifique d’habilitation, me paraît préférable. Je vous propose donc de retirer votre amendement à son profit.

Mme la ministre. Le Gouvernement le souhaite également.

L’amendement est retiré.

La Commission étudie ensuite l’amendement AC35 de Mme Annie Genevard.

M. François de Mazières. Cet amendement a la même finalité que celui de Mme Hobert. Les collectivités territoriales faisant déjà l’objet de nombreux contrôles, il nous paraît inutile de les renforcer.

L’amendement est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, l’amendement AC355 du Gouvernement et les amendements identiques AC40 de Mme Marie-George Buffet et AC236 de Mme Gilda Hobert.

Mme la ministre. Bien qu’ils soient des partenaires historiques des services de l’État, les services archéologiques des collectivités territoriales sont actuellement soumis à la même procédure d’agrément que les opérateurs privés. Afin d’améliorer la coopération des acteurs publics dans le domaine de l’archéologie préventive, le Gouvernement propose donc que ces services soient désormais soumis, non plus à un agrément, mais à une habilitation.

Celle-ci sera délivrée par une décision conjointe des ministres chargés de la culture et de la recherche, après avis du Conseil national de la recherche archéologique (CNRA). Elle sera valable sans limitation de durée – alors que l’agrément actuel vaut pour cinq ans –, mais fera l’objet d’un bilan opérationnel et scientifique tous les cinq ans, lequel sera également soumis au CNRA. Elle sera également territorialisée, ce qui limitera le champ d’intervention de ces services, pour les diagnostics comme pour les fouilles, au périmètre du territoire de la collectivité considérée. J’ajoute que, même si elle est en principe sans limitation de durée, cette habilitation pourra être suspendue ou retirée, après avis du CNRA, en cas d’évolution importante des services concernés au regard de leurs compétences scientifiques.

Enfin, cette habilitation prendra en considération la coopération de nature conventionnelle entre l’État et la collectivité territoriale concernée, notamment en matière d’exploitation scientifique et de mise en valeur des données, et l’existence d’un projet scientifique territorial archéologique global. Elle permettra ainsi de favoriser des partenariats scientifiques fructueux, au bénéfice de la connaissance de notre histoire et de notre patrimoine.

Je vous remercie donc de bien vouloir adopter cet amendement, qui marque un tournant majeur des relations entre l’État les collectivités territoriales en matière de politique archéologique.

M. le rapporteur. Avis favorable. Je me réjouis que le Gouvernement ait pris l’initiative de déposer cet amendement, qui reconnaît le rôle particulier que jouent les collectivités territoriales en matière d’archéologie préventive, en les soumettant à un dispositif d’habilitation spécifique, différent de l’agrément actuel. Ce faisant, il favorise la simplification des démarches administratives de ces collectivités. J’ajoute qu’en précisant que l’habilitation délivrée ne couvre que le territoire de la collectivité, à la fois pour les diagnostics et pour les fouilles, il reprend une préconisation contenue dans le rapport de notre collègue Martine Faure.

M. Marcel Rogemont. Il s’agit en effet d’un très bon amendement. L’intégration des services des collectivités territoriales dans la sphère publique a pour contrepartie la territorialisation de leurs interventions. J’apporte cette précision, car je sais que ces services souhaiteraient à la fois être intégrés à la sphère publique et pouvoir agir comme des opérateurs privés en intervenant en dehors du territoire de leur collectivité. Mais on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre…

Mme Marie-George Buffet. Je veux tout d’abord rendre hommage aux personnels de ces services. Je souscris entièrement à l’amendement du Gouvernement – et je retire donc l’amendement AC40, qui a le même objet. Je crois en effet qu’il faut à la fois simplifier l’agrément et limiter l’intervention de chaque collectivité au périmètre de son territoire.

M. François de Mazières. Nous approuvons également cet amendement, qui permet de reconnaître le travail que les collectivités territoriales accomplissent depuis longtemps dans le domaine archéologique. Il présente également l’avantage de limiter le risque de concurrence, qui existe aujourd’hui. Son adoption obligera d’ailleurs sans doute un certain nombre d’organismes qui interviennent actuellement au-delà des frontières de leur collectivité à se remettre en question.

Les amendements AC40 et AC236 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement AC355.

Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement AC36 de Mme Annie Genevard et les amendements identiques AC148 de M. François de Mazières et AC232 de Mme Gilda Hobert.

M. François de Mazières. Je retire les amendements AC36 et AC148, car l’amendement que nous venons d’adopter va dans le sens souhaité en consacrant le rôle des services archéologiques des collectivités territoriales.

Mme Gilda Hobert. L’amendement AC232 est également retiré, car il est satisfait.

Les amendements sont retirés.

La Commission examine les amendements identiques AC42 de Mme Marie-George Buffet et AC238 de Mme Gilda Hobert.

Mme Marie-George Buffet. La décentralisation « au coup par coup » que l’on observe en matière d’archéologie préventive soulève plusieurs problèmes. Pour y remédier, nous proposons, d’une part, de réaffirmer la compétence obligatoire de l’État – compétence qu’elle exerce par l’intermédiaire de son établissement public – en matière de réalisation des diagnostics et, d’autre part, d’appliquer, pour les diagnostics réalisés par les collectivités territoriales, les dispositions de la convention instaurée à l’article L. 522-8 du code du patrimoine en remplacement de l’agrément actuel.

M. le rapporteur. Votre amendement, madame Buffet, est satisfait par l’adoption de l’amendement AC355 du Gouvernement. Je vous invite donc à le retirer, d’autant qu’il n’a plus beaucoup de sens après le retrait de l’amendement AC40.

Mme la ministre. Je souhaiterais évoquer l’amendement, relatif aux agents de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), que Mme Buffet n’a pu présenter car il n’a pas franchi l’obstacle de l’article 40 de la Constitution. Cet amendement avait pour objet de titulariser ces agents et de leur offrir à cette occasion un droit d’option leur permettant de choisir de rejoindre la fonction publique ou de conserver leur statut actuel.

Le Gouvernement est favorable au renforcement de la mobilité des agents de l’INRAP, notamment vers les services régionaux d’archéologie (SRA), auxquels leur expérience sera extrêmement précieuse. Les modifications introduites par le projet de loi nécessiteront du reste un renforcement des SRA. D’autres solutions que la titularisation, qui a des implications budgétaires et statutaires extrêmement importantes, sont cependant envisageables, et je m’engage à ce que la question fasse l’objet, d’ici à la deuxième lecture, d’une concertation en lien avec Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marie-George Buffet. Au-delà de la question du transfert de compétences aux collectivités, la mobilité permettrait aux personnels de l’INRAP, dont les représentants soulignent la pénibilité des tâches, de continuer à vivre de façon différente leur passion pour l’archéologie.

Mme Gilda Hobert. Je retire également l’amendement AC238, qui est identique à l’amendement AC42. Je confirme que les agents de l’INRAP souhaiteraient que la pénibilité de leurs tâches soit prise en compte.

Les amendements sont retirés.

La Commission est saisie de l’amendement AC352 de Mme Martine Faure.

Mme Martine Faure. Cet amendement a pour objet d’apporter une série d’améliorations techniques aux procédures d’archéologie préventive, notamment la phase de mise en œuvre des diagnostics. Nous proposons ainsi de modifier l’article L. 523-7 afin que, lorsque l’État ne s’est pas prononcé dans un délai fixé par voie réglementaire, la prescription soit réputée caduque.

M. le rapporteur. Avis favorable. Cet amendement vise à prendre en compte les modifications introduites par le décret du 9 juillet 2015 relatif à la réduction des délais d’instruction des autorisations d’urbanisme, qui prévoit un délai de trois mois maximum pour la signature de la convention de diagnostic entre l’aménageur et l’opérateur.

Mme la ministre. Même avis.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques AC44 de Mme Marie-George Buffet et AC240 de Mme Gilda Hobert, les amendements identiques AC46 de Mme Marie-George Buffet et AC242 de Mme Gilda Hobert, ainsi que les amendements AC292 et AC290 de Mme Martine Faure.

Mme Marie-George Buffet. Mes amendements, dont le second est de repli, ont un même objet : le retour à une maîtrise d’ouvrage publique. Toutefois, les amendements que nous avons adoptés, en particulier l’amendement AC355 du Gouvernement, répondent en partie à cette préoccupation.

Mme Gilda Hobert. J’estime, pour les mêmes raisons que Mme Buffet, que mes amendements sont également satisfaits.

M. le rapporteur. Je partage votre volonté de mieux réguler la concurrence dans le secteur de l’archéologie préventive, mais vos amendements vont très loin, puisqu’ils visent à revenir au système antérieur en confiant à l’État la réalisation des opérations de fouilles. Je peux être également nostalgique, d’autant plus que je m’étais opposé à l’ouverture des opérations de fouilles à la concurrence, mais nous sommes en 2015, et les dispositions que nous adoptons, notamment celles qui s’inspirent du rapport de Mme Faure, permettront plus que jamais à l’État d’exercer un contrôle scientifique et technique des opérateurs.

Mme la ministre. Les préconisations contenues dans le rapport de Mme Faure me semblent répondre aux préoccupations des auteurs de ces amendements. Je leur demande donc de bien vouloir les retirer.

Les amendements AC44, AC240, AC46 et AC242 sont retirés.

Mme Martine Faure. L’amendement AC292 vise à inscrire explicitement dans la loi que l’État assure la maîtrise d’ouvrage scientifique des opérations et veille au bon fonctionnement du service public de l’archéologie.

Quant à l’amendement AC290, il a pour objet de confier à l’INRAP le monopole de la réalisation des opérations sous-marines, notamment pour des raisons liées à la compétence scientifique de ses agents.

M. le rapporteur. L’amendement AC292 est un amendement de coordination auquel je suis naturellement favorable. L’amendement AC290, quant à lui, est d’une portée différente ; c’est une très bonne initiative. Certes, il y est question de monopole, et je sais les réactions que ce mot peut provoquer chez certains, mais il s’agit avant tout, me semble-t-il, de clarifier les rôles respectifs de l’État, via le département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM), et de l’INRAP en matière d’archéologie préventive en mer. Ainsi, le DRASSM est conforté dans sa mission régalienne de prescription et de contrôle, tandis que l’INRAP bénéficie d’un monopole en matière d’exécution des diagnostics et des opérations de fouilles.

Cet amendement se justifie, premièrement, par le fait qu’il s’agit du domaine public maritime et, deuxièmement, par l’ampleur des investissements nécessaires et le coût particulièrement élevé des fouilles en mer.

Mme la ministre. Je suis très favorable à l’amendement AC292, qui vise à clarifier et renforcer les missions de l’État en consacrant le rôle de celui-ci en matière de maîtrise d’ouvrage scientifique des opérations.

En ce qui concerne l’amendement AC290, je rappelle que l’INRAP est déjà, en l’état actuel des textes, seul habilité à réaliser des opérations de diagnostic dans le domaine maritime. Compte tenu du nombre assez peu élevé des fouilles sous-marines et de l’expérience que nous avons de l’ouverture à la concurrence, il me paraît préférable de confier à un seul opérateur l’ensemble de ces fouilles afin de lui permettre d’atteindre une expérience critique sur le plan scientifique. Pour des raisons qui tiennent à la sécurité, à la cohérence scientifique et aux économies d’échelle, il est souhaitable que ces opérations soient confiées à l’opérateur national. Je suis donc également favorable à cet amendement.

M. Christian Kert. Ainsi, la philosophie n’est pas la même selon que l’on est sur terre ou sous l’eau… (Sourires.) Je crois en effet me souvenir que nous étions convenus, lors d’un débat précédent, que l’INRAP ne devait plus avoir de monopole. Comment justifier qu’il en exerce un dans le domaine subaquatique ?

M. François de Mazières. Cet amendement répond à une demande de l’INRAP qui connaît actuellement de graves difficultés financières et souhaite s’assurer ainsi un marché. Mais il faut faire attention, car nous traversons une grave crise économique. Et ce n’est pas parce qu’un organisme d’État est en difficulté qu’il faut tout concentrer entre ses mains. En tout état de cause, une telle disposition mérite de faire l’objet d’une réflexion complémentaire, en tout cas pour ce qui est de notre groupe, d’ici à l’examen du texte en séance publique.

M. le rapporteur. Je veux rassurer nos collègues Kert et de Mazières. Je rappelle tout d’abord que je m’étais opposé, en tant que député, à l’ouverture des fouilles préventives à la concurrence et, à cet égard, le projet de loi comporte des dispositions qui me paraissent particulièrement opportunes. En tout état de cause, je rappelle que les opérations visées se déroulent sur le domaine public maritime et je précise que l’amendement de Mme Faure n’a pas pour objectif de sauver financièrement l’INRAP. Pour ce faire, il faudrait que nous réfléchissions collectivement au devenir de la redevance d’archéologie préventive, mais c’est un débat d’ordre budgétaire.

Mme Marie-George Buffet. Les difficultés de l’INRAP sont liées, certes, à la redevance, mais aussi à la concurrence. En redonnant, grâce à ce projet de loi, plus de poids à l’autorité publique, nous aidons donc l’institut à sortir de ses difficultés.

La Commission adopte successivement les amendements AC292 et AC290.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AC229 de Mme Gilda Hobert, AC335 du Gouvernement et AC374 de Mme Annie Genevard.

Mme Gilda Hobert. Cet amendement vise, une fois de plus, à simplifier les procédures applicables à l’archéologie préventive. Le demandeur, lorsqu’il s’agit d’une collectivité territoriale, est déjà soumis au contrôle administratif de l’État, tel qu’il est prévu à l’article 72, alinéa 6, de la Constitution, et au contrôle budgétaire prévu aux articles L. 1612-1 à L. 1612-20 du code général des collectivités territoriales. Dès lors, l’instauration d’un contrôle administratif et financier confié au ministère de la culture, à qui il revient de délivrer l’agrément d’opérateur d’archéologie préventive, pourrait introduire une nouvelle complexité administrative. En outre, l’article L. 522-7 du code du patrimoine dispose déjà que les services archéologiques des collectivités territoriales sont soumis au contrôle scientifique et technique de l’État.

Mme la ministre. L’amendement AC335 est un amendement de cohérence qui tire les conséquences du fait que les collectivités locales seront désormais soumises à une habilitation et non plus à un agrément.

M. François de Mazières. L’amendement AC374 est satisfait.

M. le rapporteur. L’amendement AC229 est également satisfait, madame Hobert, puisqu’il fait référence à l’agrément qui, pour les collectivités, a été remplacé par une simple habilitation. Je vous suggère donc de le retirer. Par ailleurs, je suis favorable à l’amendement AC335.

Les amendements AC374 et AC229 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement AC335.

Puis elle examine l’amendement AC167 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Cet amendement visait à exclure les collectivités territoriales du champ de l’agrément, en limitant celui-ci aux opérateurs privés. Mais on en revient au débat de fond, qui porte sur le rôle que l’on confie à ces derniers. Or, j’ai le sentiment que l’on est en train de revenir sur la concurrence, et ce n’est pas une bonne chose. S’il est certainement nécessaire de renforcer leur contrôle, il ne faut pas supprimer leur rôle.

M. le rapporteur. Je n’ai pas suivi votre raisonnement, monsieur de Mazières. Je m’attendais en effet à ce que vous nous annonciez le retrait de votre amendement, puisque celui-ci vise à distinguer, à l’instar d’un amendement du Gouvernement que nous avons déjà adopté, les collectivités territoriales et les opérateurs privés.

M. François de Mazières. L’amendement AC167 est en effet satisfait. J’ai simplement voulu souligner que le véritable problème était celui du rôle à donner aux opérateurs privés.

M. le rapporteur. Les choses sont extrêmement claires. Nous ne revenons pas sur l’ouverture à la concurrence des fouilles préventives, qui a été décidée par la précédente majorité. Mais nous distinguons entre les différents opérateurs : l’INRAP, dont un certain nombre de dispositions rappellent le rôle essentiel, les collectivités territoriales, auxquelles nous envoyons un signal en les soumettant à une simple habilitation plutôt qu’à un agrément, et les opérateurs privés, qui demeurent soumis à un agrément ainsi qu’à un contrôle scientifique, technique, administratif et financier.

Mme la ministre. Je suis d’accord avec le rapporteur. Cet amendement a pour objet d’exclure les collectivités territoriales du dispositif d’agrément des opérateurs. Or, j’ai précisément déposé un amendement, que vous avez adopté, qui prend en compte la place particulière que les collectivités territoriales occupent dans la mise en œuvre de la politique publique d’archéologie. Votre amendement est donc satisfait, monsieur de Mazières. C’est pourquoi je vous suggère de le retirer.

M. Marcel Rogemont. Les choses sont claires, monsieur de Mazières : les opérateurs privés sont soumis à un agrément, les collectivités territoriales à une habilitation.

M. François de Mazières. Je retire l’amendement, mais je pense qu’il sera nécessaire de clarifier le rôle exact des opérateurs privés.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie des amendements identiques AC48 de Mme Marie-George Buffet et AC244 de Mme Gilda Hobert.

Mme Marie-George Buffet. L’amendement AC48, qui vise à améliorer les contrôles, est assez proche de l’amendement AC288 de Mme Faure, que nous examinerons ultérieurement. Il s’en distingue sur un point seulement : je propose, quant à moi, d’associer le ministère de la recherche à la définition des éléments constitutifs de la demande d’agrément.

Mme Gilda Hobert. L’amendement AC244 précise en effet que les éléments constitutifs de la demande d’agrément d’un opérateur en archéologie préventive sont établis par un cahier des charges et que cet agrément est soumis, tout au long de sa durée validité, au respect de ce cahier des charges par le bénéficiaire, ainsi que le préconisait Mme Faure dans son rapport.

M. le rapporteur. Ces amendements reprennent en effet une proposition de Mme Faure. L’existence d’un cahier des charges permettrait d’assurer une plus grande transparence quant aux conditions d’obtention de l’agrément. Cependant, ces conditions sont déjà précisées par les dispositions des alinéas 13 à 15 de l’article 20, qui disposent que l’agrément est délivré au vu d’un dossier établissant la capacité scientifique, administrative, technique et financière du demandeur, que la personne agréée transmet chaque année à l’État un bilan scientifique, administratif, social, technique et financier de son activité et, enfin, que l’agrément peut être refusé, suspendu ou retiré. Ces amendements me paraissent donc déjà satisfaits.

Mme la ministre. Ces amendements correspondent à notre préoccupation de renforcer le contrôle scientifique de l’État, notamment dans la procédure de délivrance des agréments, mais l’amendement AC288 de Mme Faure apporte des garanties supplémentaires et a donc la préférence du Gouvernement. J’ajoute que la notion de cahier des charges existe déjà dans le droit de l’archéologie préventive – il s’agit du cahier des charges scientifiques, annexé aux prescriptions de l’État – et qu’il est préférable de ne pas créer de confusion. Je demande donc à leurs auteurs de retirer ces amendements. Je précise également que le Gouvernement proposera d’enrichir l’amendement de Mme Faure en séance publique en y intégrant des éléments issus des amendements qui sont tombés sous le coup de l’article 40 de la Constitution.

Mme Marie-George Buffet. Je retire l’amendement AC48, et retirerai aussi l’amendement AC365, satisfait par celui de Mme Faure.

Mme Gilda Hobert. Je retire également les amendements AC244 et AC378.

Les amendements sont retirés.

Les amendements identiques AC365 de Mme Marie-George Buffet et AC378 de Mme Gilda Hobert sont retirés.

La Commission examine l’amendement AC288 de Mme Martine Faure.

Mme Martine Faure. Cet amendement précise que les éléments constitutifs des offres des opérateurs comportent un projet scientifique d’intervention, le prix proposé et une description détaillée des moyens humains et techniques mis en œuvre. Ainsi l’État pourra appliquer la même grille de lecture à l’ensemble des offres.

M. le rapporteur. J’approuve en tous points cet amendement qui précise le contenu des offres des opérateurs transmises à l’État.

Mme la ministre. Avis très favorable. L’harmonisation du contenu des offres des opérateurs proposé dans cet amendement sera un facteur d’équité, puisque le travail comparatif, qui incombe aux services de l’État, en sera facilité.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement AC168 de M. François de Mazières tombe.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements AC230 de Mme Gilda Hobert, AC37 de Mme Annie Genevard, AC369 de Mme Martine Faure et AC147 de M. François de Mazières.

Mme Gilda Hobert. Par l’amendement AC230, nous proposons de laisser à la personne qui projette d’exécuter les travaux la possibilité de sélectionner les offres qui lui conviennent avant de les transmettre à l’État pour s’assurer de leur conformité aux prescriptions de fouilles édictées en application de l’article L. 522-2. Il s’agit également de garantir à cette personne les délais dans lesquels l’État instruira le dossier.

M. François de Mazières. Nous exprimons le même type de préoccupations dans l’amendement AC37.

Mme Martine Faure. Par l’amendement AC369, je propose que l’État procède à la vérification de la conformité des offres reçues aux prescriptions de fouilles édictées en application de l’article L. 522-2, note le volet scientifique et s’assure de l’adéquation entre les projets et les moyens prévus par l’opérateur.

M. François de Mazières. Il s’agit d’éviter l’engorgement des services en prévoyant que les projets scientifiques transmis à l’État feront l’objet d’une présélection.

M. le rapporteur. Je demande le retrait des amendements AC230, AC37 et AC147 ou, à défaut, j’émettrai un avis défavorable, car il ne me paraît pas opportun de revenir sur les dispositions du projet de loi visant à mettre en place un contrôle en amont de l’ensemble des projets scientifiques d’intervention (PSI) des opérateurs avant la signature du contrat avec les aménageurs. Cette disposition permet en effet de renforcer le contrôle scientifique et technique de l’État et de garantir ainsi une meilleure protection du patrimoine archéologique. Par ailleurs, Mme Hobert propose de laisser à l’État un délai d’une semaine pour effectuer les vérifications. Ce délai doit être fixé par décret ; il conviendra donc de veiller à ce qu’il soit raisonnable, mais un délai d’une semaine me paraît irréaliste...

Enfin, j’émets un avis favorable à l’amendement AC369 de Mme Faure, qui apporte une clarification indispensable à l’égalité de traitement entre les candidats.

Mme la ministre. Même avis. L’amendement AC369 tend en outre à garantir la meilleure qualité scientifique des opérations archéologiques.

M. Marcel Rogemont. L’amendement AC369 est très intéressant, car il permet de s’assurer, au moment où l’on constate une diminution du coût par hectare des fouilles, que le projet scientifique ne sera pas la variable d’ajustement qui permettra à l’opérateur de diminuer son prix pour être choisi.

M. François de Mazières. Tout cela est bel et bon, mais j’aimerais savoir s’il est prévu d’augmenter en conséquence les crédits du ministère et les personnels des services régionaux d’archéologie.

M. Franck Riester. J’abonde dans le sens de M. de Mazières. Nous sommes tous soucieux d’améliorer la qualité scientifique des fouilles archéologiques, mais les délais de traitement des dossiers sont tels, actuellement, que nombre d’élus ne parviennent pas à faire aboutir leurs opérations de requalification urbaine, de redynamisation des centres-villes ou de construction de logements. Je crains qu’en renforçant encore les exigences sans s’assurer que les moyens sont suffisants pour que les dossiers soient traités rapidement, on n’aggrave la situation.

Mme la ministre. Au contraire, monsieur Riester : non seulement les délais sont désormais très fortement encadrés au niveau réglementaire, mais nous prenons la précaution, grâce à cet amendement, de faire intervenir les services de l’État en amont pour ne pas s’exposer au risque de voir le dossier d’une collectivité territoriale qui a déjà contracté avec un opérateur privé être refusé, ce qui aurait pour conséquence d’augmenter les délais. Quant à la question des moyens, j’y suis évidemment très sensible : c’est précisément la raison pour laquelle nous souhaitons faciliter la mobilité des agents de l’INRAP, qui pourront renforcer les compétences ou les moyens des SRA.

Les amendements AC230, AC37 et AC147 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement AC369.

Puis elle examine l’amendement AC367 de Mme Annie Genevard.

M. François de Mazières. Les services de l’État sont très engorgés, les délais de traitement des dossiers augmentent. Vous avez indiqué à l’instant, madame la ministre, que des dispositions tendant à leur réduction ont été prises, mais si l’on ne donne pas plus de latitude aux fonctionnaires pour sélectionner les dossiers, le bug est inévitable. Tel est l’objet de notre amendement.

M. le rapporteur. Cet amendement est complémentaire de l’amendement AC37, qui vient d’être retiré et qui tendait à autoriser l’aménageur à ne transmettre à l’État que les PSI qu’il aurait retenus. Vous proposez de donner à l’État un délai de deux semaines pour les examiner, mais c’est au décret qu’il convient de fixer ce délai, dont je répète qu’il doit être raisonnable. Je suis donc défavorable à l’amendement et laisse à Mme la ministre le soin de vous apporter des précisions supplémentaires si elle le souhaite.

Mme la ministre. Le délai est aujourd’hui fixé par voie réglementaire à deux mois. Le Gouvernement n’a pas encore tranché quant à la nouvelle organisation de la procédure. Il procédera par décret, en veillant à ce que les services de l’État disposent d’un temps suffisant pour exercer un contrôle scientifique et technique de qualité sans pour autant rallonger les procédures de l’archéologie préventive ni modifier, donc, le délai global. Avis défavorable, par conséquent.

La Commission rejette l’amendement.

Elle étudie ensuite l’amendement AC370 de Mme Martine Faure.

Mme Martine Faure. Cet amendement a pour objet de renforcer le contrôle par l’État des offres des opérateurs de fouilles.

M. le rapporteur. Je suis très favorable à cet amendement, qui complète opportunément l’amendement AC369, de Mme Faure également, que nous venons d’adopter, et réaffirme utilement le rôle central du projet scientifique d’intervention dans le choix de l’opérateur.

Mme la ministre. Même avis.

La Commission adopte l’amendement.

Les amendements identiques AC363 de Mme Marie-George Buffet et AC372 de Mme Gilda Hobert sont retirés.

La Commission examine les amendements identiques AC216 de Mme Isabelle Attard et AC231 de Mme Gilda Hobert.

Mme Isabelle Attard. Il ne faut pas aller trop vite en besogne quant aux exigences vis-à-vis des collectivités territoriales en matière de fouilles. La première rédaction comportait une incertitude sur la durée des contrats des responsables des opérations. Les personnels de l’INRAP, que j’ai rencontrés, ont jugé dangereux que soit ainsi gênée l’action des services des collectivités, qui ne sont pas soumises aux mêmes conditions que l’INRAP pour leurs personnels. Mais peut-être l’habilitation permettrait-elle de régler la question ? Si tel était le cas, je serais prête à retirer l’amendement, qui tend à supprimer les alinéas 23 à 25.

M. le rapporteur. Cet amendement reprend un certain nombre de préoccupations exprimées lors des auditions. Il est vrai que l’alinéa 24, qui aligne la durée du contrat de travail du responsable scientifique sur la durée prévisible de l’opération, pose des problèmes au regard des contrats des agents de la fonction publique territoriale, et que cela inquiète les collectivités. Mais, d’un autre côté, il est important que les responsables des services publics portent la responsabilité de l’opération de bout en bout, depuis les recherches jusqu’à la remise du rapport ; cette continuité doit être maintenue.

Quant à l’alinéa 25, qui interdit le recours à la sous-traitance, il permet d’assurer un meilleur contrôle par l’État des opérations de fouille. Reste que l’INRAP recourt à la sous-traitance : c’est une réalité dont on ne peut s’abstraire.

Je suis plutôt défavorable, en fin de compte, à la suppression de ces alinéas, même si vos amendements relaient des préoccupations auxquelles j’ai été sensible lors des auditions.

Mme la ministre. Je souligne que l’alinéa 24 concerne principalement les opérateurs privés, puisque les collectivités disposent de personnels dont la présence est plus stable. Je partage le souci légitime de Mme Attard de ne pas alourdir inutilement la gestion de leurs services d’archéologie, mais, comme le rapporteur l’a dit, le dispositif proposé par le Gouvernement vise à garantir la présence du responsable scientifique tout au long du processus. Mon avis est donc défavorable.

M. Marcel Rogemont. Il me semblait que l’habilitation permettait de régler le cas où une collectivité territoriale, bien que disposant de personnel permanent, recourrait, pour telle ou telle opération, à des contractuels. S’il peut arriver qu’à l’INRAP un pilote de projet soit remplacé en cours d’opération, un dispositif similaire devrait être ouvert aux collectivités, sous réserve de vérifications par les services archéologiques régionaux.

Mme Isabelle Attard. Je comprends l’esprit de ces alinéas, mais le risque est que soit entravé le travail des collectivités qui auront embauché des spécialistes pour une durée se révélant inférieure à celles des fouilles, et qui devront alors passer un nouveau contrat. Les personnels de l’INRAP ont appelé mon attention sur l’effet dissuasif que cela pourrait avoir. Je proposerai une nouvelle rédaction de ces alinéas en séance publique et, en attendant, je retire mon amendement.

M. François de Mazières. Votre raisonnement est très intéressant et j’y souscris.

M. le rapporteur. Si le retrait de l’amendement me semble judicieux, je ne suis pas certain que le travail de réécriture annoncé soit de nature à résoudre la contradiction à laquelle nous sommes confrontés. Nous appelons tous de nos vœux un contrôle scientifique et technique de qualité ; or, l’obligation de présence d’un même responsable scientifique tout au long de l’opération tend à renforcer ce contrôle, et nous ne pouvons y être que favorables. De leur côté, cependant, les collectivités font valoir que cela leur crée des difficultés.

Un autre aspect, moins évoqué mais plus problématique à mes yeux, c’est l’interdiction du recours à la sous-traitance, alors même que celui-ci est déjà une réalité, y compris de la part de l’INRAP. L’intention est bonne, mais je crains que nous n’aggravions, là aussi, les difficultés.

Les amendements AC216 et AC231 sont retirés.

La Commission est saisie des amendements identiques AC47 de Mme Marie-George Buffet et AC359 de Mme Gilda Hobert.

Mme Marie-George Buffet. Cet amendement vise, en cas de défection de l’opérateur, à renvoyer la définition des modalités d’achèvement des fouilles à une nouvelle prescription de l’État. Il s’agit de responsabiliser davantage les aménageurs dans le choix de leurs opérateurs.

M. le rapporteur. Ces amendements sont liés aux amendements AC360 et AC362 des mêmes auteurs, qui vont venir en discussion dans un instant et qui tendent à permettre à l’État de prescrire les mesures utiles lorsque les travaux nécessaires aux opérations archéologiques n’ont pas été engagés dans un certain délai. Je tiens néanmoins à souligner que les cas de caducité visés par les alinéas qu’il est proposé d’abroger ne se sont jamais réalisés. Par ailleurs, le renoncement à la mise en œuvre de la prescription ou de la caducité dans les conditions existantes ne prive pas pour autant de protection les vestiges archéologiques découverts ou présents sur le chantier. Je pense donc que l’équilibre existant doit être maintenu et je préconise le retrait de ces amendements.

Mme la ministre. Je partage totalement l’avis du rapporteur.

Les amendements sont retirés.

La Commission étudie les amendements identiques AC243 de Mme Gilda Hobert et AC361 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Gilda Hobert. Il s’agit de même, lorsque l’opérateur fait défaut, de renvoyer la définition des modalités d’achèvement des fouilles à une nouvelle prescription de l’État, afin de responsabiliser les aménageurs dans le choix de leurs opérateurs.

M. le rapporteur. Je vous suggère également de retirer ces amendements, puisque l’amendement AC353 de Mme Faure répondra sous peu à vos préoccupations.

Les amendements sont retirés.

Les amendements identiques AC360 de Mme Gilda Hobert et AC362 de Mme Marie-George Buffet, ainsi que les amendements identiques AC364 de Mme Marie-George Buffet et AC373 de Mme Gilda Hobert, sont retirés.

La Commission adopte l’amendement de coordination AC454 du rapporteur.

Puis elle étudie, en discussion commune, les amendements AC336 du Gouvernement et AC233 de Mme Gilda Hobert.

Mme la ministre. L’amendement du Gouvernement est de cohérence.

Mme Gilda Hobert. Il satisfait le nôtre.

La Commission adopte l’amendement AC336.

En conséquence, l’amendement AC233 devient sans objet.

La Commission examine ensuite, en discussion commune, l’amendement AC353 de Mme Martine Faure ainsi que les amendements identiques AC49 de Mme Marie-George Buffet et AC245 de Mme Gilda Hobert.

Mme Martine Faure. Mon amendement vise à préciser le dispositif de reprise par l’INRAP des opérations de fouilles inachevées en raison d’une défaillance de l’opérateur agréé.

M. le rapporteur. Avis favorable à cet amendement qui précise utilement les conditions de reprise par l’INRAP des opérations de fouilles restées inachevées du fait d’une défaillance de l’opérateur, même si nous faisons par ailleurs tout notre possible pour que ces défaillances soient moins nombreuses. Le nouveau contrat qui sera nécessairement conclu entre l’aménageur et l’INRAP devra notamment fixer le prix et les délais de réalisation de l’opération, lesquels peuvent varier par rapport au contrat conclu avec l’opérateur défaillant.

Mme la ministre. Avis favorable. Il est indispensable de stabiliser les conditions de reprise par l’INRAP de ce type de chantiers. J’ajoute que le cas n’est pas théorique : il s’est produit à de nombreuses reprises au cours des dernières années.

La Commission adopte l’amendement AC353.

En conséquence, les amendements AC49 et AC245 tombent.

Puis la Commission est saisie de l’amendement AC234 de Mme Gilda Hobert.

Mme Gilda Hobert. Cet amendement vise à simplifier les procédures administratives en instituant un régime unique de reversement de la redevance prévue à l’article L. 524-2 du code du patrimoine pour les collectivités territoriales qui réalisent un diagnostic archéologique.

M. le rapporteur. Cet amendement soulève à juste titre le problème de la redevance d’archéologie préventive (RAP). Je remercie Martine Faure d’avoir, dans son rapport, proposé une réforme du dispositif global de financement de l’archéologie préventive. De fait, le rendement de la RAP est notoirement insuffisant pour assurer le financement de l’INRAP, et le projet de loi ne comporte pas de dispositions en la matière. Je laisse à Mme la ministre le soin de nous préciser l’état actuel de ses réflexions, voire de nous livrer quelques informations sur le contenu du projet de loi de finances pour 2016…

Mme la ministre. Le Gouvernement partage votre souci de simplifier le dispositif de reversement de la redevance aux collectivités territoriales qui réalisent des diagnostics d’archéologie préventive. Il fera des propositions en ce sens dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, en s’inspirant des excellentes conclusions de Mme Faure en faveur de la rebudgétisation de la RAP. En conséquence, je demande à Mme Hobert de bien vouloir retirer cet amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AC455 et AC456 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement AC149 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Cet amendement est important. Il consiste en effet en la suppression des alinéas 39 à 52, qui tendent à modifier au profit de l’État le régime de la propriété des biens issus des fouilles archéologiques. Nous considérons, à l’instar du Conseil économique, social et environnemental (CESE), que cela risque d’inciter les découvreurs à ne plus signaler leurs éventuelles trouvailles et nuira à l’archéologie, et nous préférons donc le maintien du régime actuel.

M. le rapporteur. Nous sommes face à l’une des innovations majeures du projet de loi, attendue depuis longtemps par le monde du patrimoine : l’institution d’une présomption de propriété de l’État sur les biens archéologiques mobiliers et immobiliers. De ce fait, je ne souhaite pas que l’équilibre du texte soit remis en cause par la suppression de ces alinéas.

En ce qui concerne le risque, évoqué par le CESE lors de son audition, que la présomption de propriété de l’État décourage tout particulier de faire état d’une découverte archéologique, je crois très sincèrement que cela ne changera rien au fait que se révéleront inévitablement deux sortes de gens : ceux qui, estimant avoir découvert un patrimoine commun à la nation sinon à l’humanité, considéreront qu’ils n’en sont pas propriétaires, et ceux qui seront dans une logique d’appropriation, et à qui le droit donnera tort. J’émets donc un avis défavorable à cet amendement.

Mme la ministre. Je considère que ces dispositions du projet de loi constituent un réel progrès dans la prise en considération du patrimoine de notre nation, rejoignant le modèle pour lequel ont opté d’autres grands pays d’archéologie, comme l’Italie, la Grèce, l’Espagne, l’Allemagne ou la Suisse, et qui est de nature à assurer l’étude, la protection, la conservation de notre patrimoine ainsi que sa transmission aux générations futures.

Craindre que les découvreurs soient ainsi incités à ne plus signaler leurs trouvailles, c’est oublier que l’écrasante majorité des découvertes actuelles sont faites dans le cadre de fouilles illégales, non signalées, et nourrissent un trafic aisément repérable sur les sites de vente en ligne. L’objectif du Gouvernement est d’adresser un message clair à ceux qui cherchent à s’approprier le patrimoine archéologique par des fouilles clandestines. Quant aux personnes de bonne foi, heureusement nombreuses, elles comprendront que le monde de l’archéologie leur est ouvert et leur offre de nombreuses occasions d’approcher les vestiges de notre passé. Les archéologues, les personnels des musées, les associations de défense du patrimoine, le monde de la recherche, les amateurs d’histoire et d’archéologie attendent beaucoup de cette mesure, et je suis donc défavorable à l’amendement.

Mme Isabelle Attard. En tant qu’archéologue, j’ai été sensible à l’ajout de cette disposition, et me suis posé au passage beaucoup de questions sur ma propre pratique dans mon ancien métier, où j’ai été confrontée à des fouilles illégales, à des trafics d’objets archéologiques sur eBay ou d’autres sites de ce genre, au point que je me suis demandé si nous n’allions pas voir une part importante de notre patrimoine rejoindre par des voies illégales des collections privées.

Le débat existe depuis au moins un siècle et demi, au sein de l’archéologie française, sur le point de savoir à qui appartiennent les biens mobiliers archéologiques issus de découvertes fortuites. Je considère, pour ma part, qu’il est très sain de décider sans ambiguïté que ces biens appartiennent à l’État sans qu’il soit besoin de dépenser des sommes considérables, selon une procédure par ailleurs considérablement simplifiée. Il faut toutefois savoir qu’il y a dans notre pays un antagonisme extrême entre les archéologues et les associations de chasseurs de trésors, alors que, dans d’autres pays européens, c’est la coopération qui prévaut. Au Danemark ou en Angleterre, par exemple, la volonté de subtiliser ces objets à l’État n’est pas présente, et les découvreurs sont associés à l’effort public de recherche archéologique.

Je déposerai en séance un amendement visant à évaluer, au terme de cinq ans, l’impact de ce changement profond de notre système législatif sur le patrimoine archéologique, et proposerai de réfléchir ensuite à un équivalent du Treasure Act britannique, qui permettrait aux associations d’archéologues amateurs – terme qui n’est pas péjoratif à mes yeux – de participer davantage au travail effectué par les professionnels.

M. le rapporteur. Je reçois votre intervention, chère collègue, comme un soutien à cette revendication séculaire de présomption de propriété de l’État, qui trouve enfin place dans la loi de la République.

M. François de Mazières. Il serait néanmoins bon de faire le bilan de cette mesure au bout d’un certain temps, afin de vérifier qu’elle n’a pas d’effets pervers.

L’amendement AC149 est retiré.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AC457, AC458 et AC459 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 20 modifié.

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Après l’article 20

La Commission examine les deux amendements identiques AC50 de Mme Marie-George Buffet et AC246 de Mme Gilda Hobert.

Mme Marie-George Buffet. Le crédit d’impôt recherche (CIR) a pour seule justification le soutien aux efforts de recherche et développement des entreprises, et non la subvention d’un secteur d’activité. Or, dans le domaine de l’archéologie préventive, un effet d’aubaine important est constaté, que l’on peut chiffrer à près d’un million d’euros en 2014, permettant aux entreprises privées du secteur de pratiquer un dumping qui met en difficulté aussi bien les collectivités territoriales et l’INRAP.

Il faut que le Gouvernement se donne les moyens de veiller à ce que le CIR serve vraiment la politique de recherche et développement, et ne soit pas utilisé à la seule fin de faire baisser les prix dans un contexte concurrentiel.

M. le rapporteur. Il s’agit d’un vrai sujet. En tant que législateurs, nous devons veiller à ce que le CIR finance effectivement des activités de recherche, et non les dépenses courantes des opérateurs privés de façon à faire baisser leurs coûts. Je souligne que ni les collectivités territoriales, ni l’INRAP ne peuvent bénéficier de ce crédit d’impôt, ce qui crée une distorsion de concurrence au détriment des opérateurs publics de l’archéologie préventive. Il s’agit d’une réelle préoccupation et je laisse à la ministre le soin de s’exprimer sur ce sujet.

Mme la ministre. Mme Buffet évoque une question extrêmement intéressante. Je souhaite rappeler que le crédit d’impôt recherche est un bel outil pour le maintien et l’installation en France des activités de recherche et de développement. Je reconnais néanmoins que son utilisation pour des opérations d’archéologie préventive ne correspond pas strictement à la logique du dispositif. J’observe en outre que certains opérateurs privés se plaignent de la concurrence du secteur public, alors même que le CIR leur procure un avantage financier réel.

J’ai demandé à mes services d’engager une discussion avec ceux du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche afin de vérifier que le CIR est bien utilisé, dans ce domaine particulier, conformément à son objectif qui est de favoriser la recherche et l’innovation et non d’équilibrer les comptes des opérateurs. Au bénéfice de cet engagement pris avec le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche de trouver les voies et moyens d’effectivement faire du CIR un véritable aiguillon pour la recherche archéologique, je vous demande de retirer vos amendements, étant entendu que je partage votre préoccupation.

Mme Marie-George Buffet. Je retire mon amendement, mais souhaite vivement que le sujet puisse revenir en séance publique.

Mme Gilda Hobert. Je souhaite aussi que nous puissions revenir sur ce sujet.

Les amendements sont retirés.

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Chapitre III
Valoriser les territoires par la modernisation du droit du patrimoine et la promotion de qualité architecturale

Article 21
Labellisation des centres culturels de rencontre

Le présent article indiquait, dans sa version initiale, que le code du patrimoine devait être modifié conformément aux articles 21 à 26 du projet de loi. Ayant vocation à être supprimé pour des raisons d’ordre légistique, il a été remplacé, à l’initiative du rapporteur, par un article visant à donner une valeur législative à la politique de labellisation des centres culturels de rencontre.

Les centres culturels de rencontre, qui ont vu le jour dans les années 1970, ont pour principal objectif de développer, dans des sites qui présentent un intérêt patrimonial majeur, un projet artistique et culturel contemporain. Ils assurent ainsi l’entretien du site en question et contribuent à la diversité culturelle dans les territoires. Ces structures, qui font le lien entre la création contemporaine et la protection du patrimoine, font l’objet depuis les années 1990 d’une labellisation du ministère de la Culture.

Faisant écho aux autres labels créés ou reconnus par le présent projet de loi, le label créé par le présent article peut être attribué, par le ministre chargé de la culture, à toute personne morale de droit public ou de droit privé à but non lucratif qui en ferait la demande, dès lors que plusieurs conditions sont réunies :

– l’autonomie de gestion dont jouit la personne morale ;

– l’occupation permanente d’un site patrimonial ouvert au public qu’elle contribue à entretenir ou à restaurer ;

– la mise en œuvre, sur ce site, d’un projet de culturel d’intérêt général en partenariat avec l’État et les collectivités territoriales.

Un décret en Conseil d’État devra fixer les conditions d’attribution de ce label.

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La Commission examine l’amendement AC383 du rapporteur.

M. le rapporteur. Je suis heureux de présenter cet amendement, auquel j’attache quelque importance puisqu’il s’agit de conférer une valeur législative à la politique de labellisation des centres culturels de rencontre. Ces centres font le lien entre création et patrimoine en réhabilitant le patrimoine par un projet de création artistique ou intellectuel. Ils réunissent, autour d’un projet culturel et patrimonial, l’État, les collectivités et les acteurs de la culture et de l’éducation. La reconnaissance légale que le présent amendement leur donne permettra de développer et renforcer leur réseau. Je considère que, compte tenu du rôle qu’ils jouent, ce n’est que justice de les reconnaître dans la loi.

Mme la ministre. Je partage l’avis du rapporteur : ces institutions qui existent depuis près de quarante ans jouent dans le soutien à la création comme dans la valorisation du patrimoine et le développement culturel un rôle essentiel. Le sujet ressortit probablement au domaine réglementaire, mais inscrire dans la loi le principe de la labellisation des centres culturels de rencontre constitue une reconnaissance du succès de cette belle formule partenariale.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 21 modifié.

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Article 21 bis
Rapport sur l’affectation à un fonds géré par la Fondation du patrimoine des bénéfices tirés d’un tirage exceptionnel du Loto

La commission a adopté un amendement visant à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la possibilité d’affecter à un fonds géré par la Fondation du patrimoine les bénéfices d’un tirage exceptionnel du Loto organisé à l’occasion des Journées du patrimoine.

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La Commission est saisie de l’amendement AC166 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Cet amendement est une sorte de piqûre de rappel. Le Parlement avait adopté, à l’article 88 de la loi de finances pour 2015, un amendement demandant au Gouvernement de présenter au Parlement, avant le 1er mars 2015, un rapport sur la possibilité d’affecter au Centre des monuments nationaux (CMN) les bénéfices d’un tirage exceptionnel du loto réalisé à l’occasion des Journées européennes du patrimoine.

Cela n’a pas été fait, madame la ministre, mais cela pourrait l’être d’ici le 31 décembre. Cela fait des années que l’on évoque cette possibilité ; il est temps qu’elle soit évaluée avec précision.

M. le rapporteur. Ayant apporté l’an dernier mon soutien à cette idée, je ne puis, par cohérence, que donner un avis favorable à l’amendement.

Mme la ministre. Mes services ont effectivement expertisé la question avec le ministère des finances, et les conclusions de cette expertise vous seront communiquées sous peu.

Par ailleurs, je soutiens la démarche de mise en valeur des biens d’intérêt patrimonial appartenant à l’État, aux collectivités, institutions et établissements publics pour contribuer à l’attractivité des territoires et à la création d’emplois. Je conduis d’ailleurs à ce titre un projet partenarial avec la Fondation du patrimoine, acteur essentiel des politiques patrimoniales, avec lequel mes services travaillent de façon très étroite.

L’évolution à moyen terme des ressources de la Fondation du patrimoine constitue un sujet très préoccupant, qui mérite d’être envisagé dans sa globalité avec le ministère des finances, au-delà de la question de l’affectation d’une recette issue du loto. Je propose que cette réflexion globale soit menée et que des conclusions soient tirées à son issue et, au bénéfice de ces éléments de contexte, je vous prie, monsieur de Mazières, de bien vouloir retirer votre amendement.

M. François de Mazières. J’entends bien votre réponse, mais je ne comprends pas pourquoi le rapport demandé par le Parlement l’an dernier ne pourra être remis, alors même que nous proposons gentiment d’en reculer de dix mois l’échéance…

Mme la ministre. Le rapport sera remis, mais il s’agit de deux sujets différents. C’est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement, au bénéfice de mon engagement de faire réaliser une étude sur le financement de la Fondation du patrimoine.

M. François de Mazières. Si vous le souhaitez, je suis prêt à déposer en séance un amendement prévoyant un rapport sur cette question...

Mme la ministre. Libre à vous : la question n’est pas d’une actualité pressante, mais elle le sera d’ici deux ou trois ans.

M. le président. M. de Mazières, maintenez-vous votre amendement ?

M. François de Mazières. Oui, car c’est pour nous un moyen de rappeler que le Parlement avait demandé, avec le soutien conjoint de notre groupe et du groupe majoritaire par la voix du président Bloche, la remise d’un rapport avant le 1er mars dernier, et que nous aimerions que cette remise ait lieu.

M. le rapporteur. J’ai émis tout à l’heure, par cohérence, un avis favorable, mais, compte tenu des propos de Mme la ministre, je pense que l’amendement pourrait être retiré, quitte à ce que la préoccupation qu’il traduit soit prise en compte en séance d’une autre façon.

M. François de Mazières. Je maintiens l’amendement, mais suis heureux de savoir que nous pourrons en reparler en séance publique...

La Commission adopte l’amendement.

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Article 22
(Intitulé du livre VI du code du patrimoine)

Modification de l’intitulé du livre VI du code du patrimoine

Le présent article, tirant les conséquences des modifications introduites par le présent projet de loi, substitue à l’actuel intitulé du livre VI du code du patrimoine l’intitulé suivant : « Monuments historiques, cités historiques et qualité architecturale ».

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La Commission adopte l’article 22 sans modification.

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Article 23
(art. L. 611-1, art. L. 611-2 et L. 611-3 [nouveaux], art. L. 612-1 et L. 612-2 du code du patrimoine)

Diverses dispositions modifiant le titre Ier du livre VI du code du patrimoine

Le présent article tend à réécrire le titre Ier du livre VI du code du patrimoine, aujourd’hui consacré aux instances nationales et locales consultées en matière de protection du patrimoine (cf. infra).

Le titre Ier, dans la rédaction envisagée par le présent article, comprendrait deux chapitres : l’un consacré aux « institutions », qui opère une refonte des instances consultatives existantes, l’autre à des « dispositions diverses » relatives à la protection des biens inscrits au patrimoine mondial de l’humanité.

1. La réforme des instances consultatives nationales et locales du patrimoine

Les alinéas 4 à 14 du présent article modifient le chapitre Ier du titre Ier du livre VI du code du patrimoine et procèdent à la création, par fusion d’instances existantes, de deux nouveaux types de commissions consultatives : la commission nationale des cités et monuments historiques et les commissions régionales de l’architecture et du patrimoine.

a. L’instauration d’une Commission nationale des cités et monuments historiques

Les compétences de l’actuelle commission nationale des monuments historiques

La commission nationale des monuments historiques (CNMH), placée auprès du ministre en charge de la culture, est une instance consultative prévue par l’article L. 611-1 du code du patrimoine.

En application de cet article, la CNMH est notamment appelée à émettre des avis sur le classement d’immeubles et d’objets mobiliers au titre des monuments historiques, sur la modification des périmètres de protection des abords et sur les travaux nécessaires à la conservation d’un immeuble classé lorsque celle-ci est gravement compromise. Elle se prononce également, en application de l’article R. 611-1 du même code, sur l’inscription au titre des monuments historiques des orgues, buffets d’orgues et des instruments de musique et sur les projets de travaux portant sur des immeubles classés, inscrits ou protégés au titre des abords.

Présidée par le ministre en charge de la culture, cette commission comporte aujourd’hui six sections (cf. tableau infra). Chacune d’elle est composée de façon propre et comprend des membres de droit et des membres nommés pour quatre ans.

COMPÉTENCES DES SECTIONS DE LA COMMISSION NATIONALE DES MONUMENTS HISTORIQUES

Section

Compétences

Première section

Classement des immeubles

Deuxième section

Travaux sur les immeubles classés ou inscrits

Troisième section

Périmètre de protection des immeubles classés ou inscrits et travaux sur les immeubles situés dans ces périmètres

Quatrième section

Classement des objets mobiliers et travaux sur les objets mobiliers classés

Cinquième section

Classement et inscription des orgues, buffets d’orgue et instruments de musique et travaux s’y rapportant

Sixième section

Classement des grottes ornées et travaux sur les grottes ornées classées

Source : article R.611-2 du code du patrimoine.

Par exemple, la section en charge des questions relatives au classement des immeubles (51) comprend trois membres de droit – le directeur général des patrimoines, les responsables des monuments historiques et de l’archéologie à la direction générale des patrimoines – et quinze à trente membres nommés par arrêté du ministre chargé de la culture parmi lesquels un membre du Conseil d’État, sept membres de l’inspection des patrimoines, dont au moins deux architectes, deux représentants des services déconcentrés du ministère chargé de la culture, deux titulaires d’un mandat électif national ou local, dix personnalités qualifiées, dont trois membres d’associations ou de fondations favorisant la connaissance, la protection et la conservation du patrimoine, et enfin au maximum quinze personnalités qualifiées choisies comme experts en raison de leur compétence dans un domaine spécifique traité par la section.

Ces sections se réunissent à un rythme variable : d’une dizaine de fois par an pour les 1ère et 2e sections, à seulement deux à trois fois par an pour les 3e et 6e sections. Enfin, un comité des sections est chargé des questions transversales.

La commission nationale des secteurs sauvegardés prévue par le code de l’urbanisme

La commission nationale des secteurs sauvegardés (CNSS) est une instance dont la consultation est prévue par l’article L. 313-1 du code de l’urbanisme. En application de cet article, son avis doit être recueilli avant la création d’un secteur sauvegardé. La CNSS se prononce également sur l’élaboration du plan de sauvegarde et de mise en valeur. Au-delà, elle délibère également sur toutes les questions soumises par le ministre en charge du patrimoine ou le ministre en charge de l’urbanisme sur l’application des dispositions du code de l’urbanisme relatives aux secteurs sauvegardés et à la restauration immobilière (52).

La composition de cette instance consultative est fixée par l’article R. 313-18 du code de l’urbanisme. Présidée par un député ou un sénateur, elle comprend huit représentants ministériels, le directeur de l’agence nationale pour l’amélioration de l’habitat, cinq titulaires d’un mandat électif local, dont trois issus de communes dotées d’un secteur sauvegardé, et neuf personnalités qualifiées, qui peuvent être issues du monde associatif. Ces 24 membres sont désignés, pour une durée de quatre ans renouvelables, par arrêté conjoint du ministre chargé du patrimoine et du ministre chargé de l’urbanisme.

La fusion des deux commissions en une commission nationale des cités et monuments historiques

Le présent article prévoit l’instauration, au sein du code du patrimoine, d’une commission nationale des cités et monuments historiques, issue de la fusion de la CNMH et de la CNSS. En effet, eu égard à la proximité des missions des actuelles CNMH et CNSS et du rapprochement des régimes d’autorisations de travaux opéré par le présent projet de loi, il semble souhaitable de ne conserver qu’une seule commission.

La commission dont l’instauration est envisagée dispose de compétences plus larges, puisqu’elle pourrait être consultée, en application de l’alinéa 6 du présent article, en matière de création et de gestion de servitudes d’utilité publique et de documents d’urbanisme institués dans le but d’assurer la protection, la conservation et la mise en valeur du patrimoine. Ses compétences sont également adaptées aux réformes opérées par le projet de loi concernant le cadre juridique du classement ou de l’inscription des biens immobiliers et mobiliers au titre des monuments historiques, des abords, des domaines nationaux et des cités historiques (cf. tableau infra).

Les compétences de la commission nationale des cités et monuments historiques

En application de l’article L. 611-1 du code du patrimoine tel qu’il serait issu du projet de loi, la commission nationale des cités et monuments historiques serait notamment appelée à se prononcer sur :

– le classement des immeubles au titre des monuments historiques (art. L. 621-1, L. 621-5 et L. 621-6),

– le déclassement d’un immeuble classé (art. L. 621-8),

– la mise en demeure de réaliser des travaux adressée au propriétaire d’un immeuble classé lorsque la conservation de ce dernier est gravement compromise par leur inexécution (art. L. 621-12),

– la détermination du périmètre délimité des abords en cas de désaccord entre l’autorité locale compétente en matière d’urbanisme et l’autorité administrative (art. L. 621-31),

– la fixation de la liste et du périmètre des domaines nationaux (art. L. 621-35),

– le classement des objets mobiliers au titre des monuments historiques (art. L. 622-1, L. 622-3 et L. 622-4),

– le classement des ensembles historiques mobiliers au titre des monuments historiques (art. L. 622-1-1 et L. 622-4-1),

– l’instauration d’une servitude de maintien dans les lieux pour les objets et les ensembles mobiliers rattachés à un monument classé (art. L. 622-1-2),

– le classement des villes, villages, quartiers ou espaces ruraux au titre des cités historiques (art. L. 631-2) et l’élaboration ou la révision de leur plan de sauvegarde et de mise en valeur lorsqu’il est évoqué par le ministre en charge de la culture (art. L. 313-1 du code de l’urbanisme).

Comme l’actuelle commission nationale des monuments historiques, cette commission serait constituée de six sections, d’après les indications fournies par l’étude d’impact annexée au présent projet de loi. Quant à sa composition, l’alinéa 8 du présent article précise qu’elle comprendrait des personnes titulaires d’un mandat électif local ou national, des représentants de l’État et des personnes qualifiées. La composition exacte de la commission, les conditions de désignation de ses membres et ses modalités de fonctionnement seront précisées par décret en Conseil d’État. Il conviendra, dans ce cadre, de préserver, au sein de cette commission, la place qu’occupent actuellement les associations de protection du patrimoine et de confier la présidence de la section en charge des cités historiques à un parlementaire, comme c’est actuellement le cas pour la commission nationale des secteurs sauvegardés.

b. La fusion des commissions régionales du patrimoine et des sites et des commissions départementales des objets mobiliers

La commission régionale du patrimoine et des sites

La commission régionale du patrimoine et des sites est une instance consultative placée auprès du préfet de région et présidée par lui (53). Elle est notamment compétente pour délivrer un avis sur les projets de création ou de révision des aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine prévues à l’article L. 642-3 du code du patrimoine. Elle est également consultée par le préfet de région en cas de recours contre l’avis de l’architecte des Bâtiments de France rendu dans le cadre de la protection des abords des monuments historiques (54) ou des secteurs sauvegardés (55).

En application de l’article R. 612-1 du code du patrimoine, cette commission est également compétente pour émettre un avis sur les demandes de classement et d’inscription d’immeubles au titre des monuments historiques et sur les propositions de création de périmètres de protection adaptés et modifiés autour d’un monument historique. Le préfet de région peut également recueillir son avis sur toute question intéressant l’étude, la protection et la conservation du patrimoine de la région. Elle comprend 32 membres, dont 6 membres de droit et 26 membres nommés pour quatre ans (cf. encadré infra).

La composition de la commission régionale du patrimoine et des sites

« La commission régionale du patrimoine et des sites comprend trente-deux membres :

1° Six membres de droit :

a) Le préfet de région ;

b) Le directeur régional des affaires culturelles ;

c) Le directeur régional de l’environnement, de l’aménagement et du logement ;

d) Le conservateur régional des monuments historiques ;

e) Le conservateur régional de l’archéologie ;

f) Le chef du service chargé des opérations d’inventaire du patrimoine culturel ;

2° Vingt-six membres nommés par le préfet de région pour une durée de quatre ans :

a) Un conservateur du patrimoine relevant de la spécialité des monuments historiques ;

b) Un architecte en chef des monuments historiques ;

c) Un chef de service déconcentré chargé de l’architecture et du patrimoine ;

d) Un architecte des Bâtiments de France affecté dans la région ;

e) Huit titulaires d’un mandat électif national ou local, dont au moins un élu d’une commune dotée d’un secteur sauvegardé ou d’une aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine ;

f) Huit personnalités qualifiées dans le domaine de l’architecture, de l’urbanisme, du paysage, du patrimoine ou de l’ethnologie ;

g) Cinq représentants d’associations ou fondations ayant pour objet de favoriser la connaissance, la protection et la conservation du patrimoine ;

h) Un conservateur des antiquités et objets d’art exerçant dans un département de la région. »

Source : extrait de l’article R. 612-4 du code du patrimoine.

La commission départementale des objets mobiliers

La commission départementale des objets mobiliers, créée en 1971, veille à la protection des objets mobiliers qui présentent un intérêt du point de vue de l’histoire, de l’art, de la science ou de la technique. Elle est notamment consultée sur les propositions de classement et d’inscription d’objets mobiliers au titre des monuments historiques et les projets de transfert, cession, modification, réparation ou restauration d’objets mobiliers inscrits (56). C’est également cette commission qui est aujourd’hui visée à l’article L. 612-2 du code du patrimoine et chargée de donner un avis sur la mise à l’abri d’un objet classé.

Elle comprend 25 membres, parmi lesquels des membres de droit représentant les services de l’État – notamment, le directeur régional des affaires culturelles, le conservateur des antiquités et objets d’art, l’architecte des Bâtiments de France, le commandant du groupement de gendarmerie, etc. –, mais également des conservateurs de musée et de bibliothèque, des élus locaux, des personnalités qualifiées désignées par le préfet et des représentants associatifs.

L’instauration d’une commission régionale du patrimoine et de l’architecture

Les alinéas 10 à 13 du présent article prévoient la création d’un nouvel article L. 611-2 au sein du code du patrimoine pour instituer une commission régionale du patrimoine et de l’architecture (CRPA).

Placée auprès du préfet de région, et pouvant être consultée sur toute question relative au patrimoine et à l’architecture, notamment en matière de création et de gestion de servitudes d’utilité publique et de documents d’urbanisme institués pour protéger, conserver et mettre en valeur le patrimoine culturel, elle se prononce notamment dans les cas suivants :

– la détermination du périmètre délimité des abords, en cas de désaccord entre l’autorité locale et l’autorité administrative lorsque le périmètre de protection envisagé ne dépasse pas un rayon de cinq cents mètres autour du monument historique (57),

– le recours fait contre l’avis de l’architecte des Bâtiments de France par l’autorité locale en matière de travaux réalisés sur un immeuble situé dans une cité historique (58),

– les dérogations aux règles fixées en matière d’urbanisme accordées aux immeubles qui représentent un intérêt public du point de la création, de l’innovation et de la qualité architecturale (59),

– l’élaboration des plans de sauvegarde et de mise en valeur des cités historiques (60).

Cette commission comprend, en application de l’alinéa 12 du présent article, des personnes titulaires d’un mandat électif local ou national, des représentants de l’État et des personnalités qualifiées. Un décret en Conseil d’État détermine sa composition, les modalités de désignation de ses membres et de fonctionnement.

Cette commission absorbe en son sein la commission départementale des objets mobiliers. Ainsi, les 101 commissions départementales seront remplacées par 18 sections spécialisées en matière d’objets mobiliers au sein des CRPA, dont 5 en outre-mer. Outre que ces commissions peinaient à exister au niveau local, faute de temps et de moyens, la réorganisation opérée par le présent article permettra d’accroître la cohérence de la protection accordée aux immeubles et aux objets mobiliers au titre des monuments historiques.

Enfin, un nouvel article L. 611-3 précise que les règles relatives au conseil des sites de Corse sont fixées à l’article L. 4421-4 du code général des collectivités territoriales. Le conseil des sites de Corse exerce en effet les missions dévolues à plusieurs instances, dont l’actuelle commission régionale du patrimoine et des sites ; le conseil des sites de Corse remplira donc les fonctions de la future commission régionale du patrimoine et de l’architecture.

La Commission, lors de l’examen des dispositions relatives à la commission nationale des cités et monuments historiques et à la commission régionale du patrimoine et de l’architecture, a adopté un amendement du Gouvernement tendant à ce que la participation des associations et fondations du patrimoine à ces instances consultatives soit explicitement prévue par l’article 23.

2. L’amélioration de la gestion des biens inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO

Le présent article, reprenant des dispositions votées par le Parlement en 2012, assure une protection plus efficace aux biens français inscrits au patrimoine mondial.

a. La Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel de 1972

La Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, adoptée par la Conférence générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) le 16 novembre 1972, a consacré la notion de « patrimoine mondial », définie comme l’ensemble des éléments du patrimoine culturel et naturel présentant « un intérêt exceptionnel qui nécessite leur préservation ».

Cette convention, ratifiée par la France le 27 juin 1975, a constitué une réponse à la menace d’une dégradation, à partir de la fin des années 1950, de plusieurs éléments du patrimoine culturel et naturel, notamment sous l’effet de l’industrialisation et de l’urbanisation. Ainsi, en 1960, l’UNESCO décide de lancer une campagne internationale pour la sauvegarde des monuments de Nubie ; en effet, les temples égyptiens d’Abou Simbel et de Philae menaçaient d’être détruits par la construction du barrage d’Assouan, décidée en 1954. Grâce à une intense mobilisation internationale, ces temples ont pu être déplacés et réassemblés avant que la vallée ne soit inondée.

Cette convention protège à la fois le patrimoine culturel – les monuments, les ensembles architecturaux, les sites – et naturel – les formations physiques et biologiques, les formations géologiques, les habitats d’espèces menacées, etc. Elle permet l’inscription des biens présentant une valeur universelle exceptionnelle sur la liste du patrimoine mondial. La « valeur universelle exceptionnelle » d’un bien est évaluée à partir de plusieurs critères fixés par les Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial (cf. encadré ci-après) et régulièrement révisés.

Les dix critères permettant l’inscription sur la Liste du patrimoine mondial

Pour être inscrit sur la Liste du patrimoine mondial, un bien doit remplir au moins l’un des critères fixés par le point 77 des Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial :

1. représenter un chef-d’œuvre du génie créateur humain ;

2. témoigner d’un échange d’influences considérable pendant une période donnée ou dans une aire culturelle déterminée, sur le développement de l’architecture ou de la technologie, des arts monumentaux, de la planification des villes ou de la création de paysages ;

3. apporter un témoignage unique ou du moins exceptionnel sur une tradition culturelle ou une civilisation vivante ou disparue ;

4.  offrir un exemple éminent d’un type de construction ou d’ensemble architectural ou technologique ou de paysage illustrant une période ou des périodes significatives de l’histoire humaine ;

5. être un exemple éminent d’établissement humain traditionnel, de l’utilisation traditionnelle du territoire ou de la mer, qui soit représentatif d’une culture (ou de cultures), ou de l’interaction humaine avec l’environnement, spécialement quand celui-ci est devenu vulnérable sous l’impact d’une mutation irréversible ;

6. être directement ou matériellement associé à des événements ou des traditions vivantes, des idées, des croyances ou des œuvres artistiques et littéraires ayant une signification universelle exceptionnelle (ce critère doit de préférence être utilisé conjointement avec d’autres critères) ;

7. représenter des phénomènes naturels remarquables ou des aires d’une beauté naturelle et d’une importance esthétique exceptionnelles ;

8. être des exemples éminemment représentatifs des grands stades de l’histoire de la terre, y compris le témoignage de la vie, de processus géologiques en cours dans le développement des formes terrestres ou d’éléments géomorphiques ou physiographiques ayant une grande signification ;

9. être des exemples éminemment représentatifs de processus écologiques et biologiques en cours dans l’évolution et le développement des écosystèmes et communautés de plantes et d’animaux terrestres, aquatiques, côtiers et marins ;

10. contenir les habitats naturels les plus représentatifs et les plus importants pour la conservation in situ de la diversité biologique, y compris ceux où survivent des espèces menacées ayant une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de la science ou de la conservation.

Les biens et sites dont l’inscription est proposée par les États sont évalués par deux organismes indépendants, le Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS) et l’Union mondiale pour la nature (UICN). C’est sur la base de leurs évaluations que le Comité intergouvernemental du patrimoine mondial détermine, une fois par an, les biens et sites figurant sur la liste du patrimoine mondial. Il découle de cette inscription plusieurs obligations à la charge des États, à qui revient la tâche d’assurer la préservation du bien inscrit. Ils doivent notamment, depuis 2007, doter chaque bien inscrit d’un plan de gestion à même d’organiser sa protection (cf. supra).

b. Les dispositions du projet de loi relatives aux biens inscrits au patrimoine mondial

Le présent article fait écho aux dispositions votées, en 2012, par le Sénat puis l’Assemblée nationale dans le cadre de l’examen de la proposition de loi sénatoriale relative au patrimoine monumental de l’État. En effet, les deux chambres avaient adopté, dans des termes identiques, un article 1er A disposant notamment que lorsqu’un élément est inscrit au patrimoine mondial, sa valeur universelle exceptionnelle et son plan de gestion sont pris en compte dans les documents d’urbanisme des collectivités concernées. Cependant, cette proposition n’avait pu être adoptée définitivement du fait de l’interruption des travaux du Parlement en lien avec les élections présidentielles de 2012.

Les alinéas 17 à 21 du présent article ont d’ores et déjà fait l’objet d’une présentation détaillée dans l’exposé général du présent rapport (cf. supra). Reprenant certaines obligations internationales qui s’imposent à la France en matière de protection des biens inscrits au patrimoine mondial de l’humanité, l’article L. 612-1 dans la rédaction issue du présent article ne soulève pas de difficultés particulières quant aux obligations incombant aux personnes publiques, à la définition des zones tampons et à l’obligation de doter ces biens d’un plan de gestion.

Néanmoins, la portée de l’alinéa 20, qui prévoit une obligation d’information, à la charge du préfet, lorsqu’une collectivité élabore ou révise son schéma de cohérence territoriale ou son plan local d’urbanisme, mérite d’être précisée. Des échanges intervenus avec le ministère de la Culture ont permis d’éclairer les conséquences juridiques de ce « porter à connaissance » : la collectivité sera tenue de transposer, dans son document d’urbanisme, les dispositions du plan de gestion, afin d’assurer la protection, la conservation et la mise en valeur du bien inscrit au patrimoine mondial.

3. La protection des monuments naturels et des sites renvoyée au code de l’environnement

Enfin, l’alinéa 22 prévoit de modifier la rédaction de l’actuel article L. 612-2 du code du patrimoine pour renvoyer au titre IV du livre III du code de l’environnement le soin de fixer les règles relatives à la protection des monuments naturels et des sites.

*

La Commission est saisie, en discussion commune, des amendements AC172 de M. François de Mazières, et AC343 du Gouvernement.

M. François de Mazières. Des membres d’associations nationales du patrimoine, associations dont nous connaissons tous l’expertise et l’utilité, doivent siéger au sein de la commission nationale des cités et monuments historiques.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. L’amendement présenté par le Gouvernement devrait donner satisfaction à M. François de Mazières.

Même s’il arrive que les associations posent des questions qui peuvent être dérangeantes, elles jouent un rôle irremplaçable et fondamental dans la politique de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine monumental. Elles nous mettent parfois face à nos contradictions ou, plutôt, elles nous rappellent la complexité qu’il y a à mener de front différentes politiques publiques, toutes légitimes, mais qui ne sont pas toujours simples à articuler entre elles. Vous, comme élus, moi, comme ministre, nous en savons quelque chose car beaucoup d’entre nous ont été interpellés d’une manière ou d’une autre par une association de défense du patrimoine, mais, au final, il faut rappeler et retenir le travail incroyable du tissu associatif pour nous aider à préserver et mettre en valeur notre patrimoine.

Le Gouvernement souhaite reconnaître pleinement ce rôle en inscrivant dans la loi la participation de ces associations aux commissions du secteur du patrimoine, tant pour ce qui concerne la nouvelle commission nationale des cités et monuments historiques que pour ce qui concerne les nouvelles commissions régionales du patrimoine et de l’architecture. Je vous demande donc de bien vouloir adopter l’amendement AC343, qui marquera plus nettement encore notre volonté de poursuivre le travail fructueux déjà mené avec les défenseurs du patrimoine.

M. Patrick Bloche, rapporteur. Nous avons affaire à deux excellents amendements qui vont dans le même sens. Celui du Gouvernement a l’avantage de faire référence aux fondations, chères au cœur de M. François de Mazières. Je pense que ce dernier ne verra aucune objection à retirer son amendement afin que nous puissions tous nous retrouver pour voter celui défendu par Mme la ministre.

M. François de Mazières. L’amendement du Gouvernement est plus ciblé donc, en quelque sorte, plus restrictif que le mien que je retire néanmoins.

L’amendement AC172 est retiré.

La Commission adopte l’amendement AC343.

Elle examine ensuite l’amendement AC175 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Lors des auditions, les associations de défense du patrimoine nous ont fait part de leur souhait que la présidence de la Commission nationale des cités et monuments historiques soit confiée à un parlementaire.

M. le rapporteur. Cette demande a bien été exprimée par les associations, et j’ai, pour ma part, suggéré, dans mon rapport, que la section de la Commission nationale dédiée aux cités historiques soit présidée par un parlementaire. Les décisions en la matière relevant du pouvoir réglementaire, je laisse toutefois le soin à Mme la ministre de nous donner des précisions sur le fonctionnement de cette nouvelle commission et sur sa présidence.

Mme la ministre. L’État joue parfois un rôle dans l’équilibre des politiques patrimoniales. À cet égard, il peut donc être utile que le ministre ou la ministre en charge de la culture préside cette nouvelle commission nationale des cités et monuments historiques, (CNCMH), comme cela a été le cas, pendant de nombreuses années, de la vénérable Commission nationale des monuments historiques.

La CNCMH comportera six sections. Je n’ai aucune difficulté à envisager que certaines soient présidées par des parlementaires, notamment la section compétente pour les cités historiques qu’évoquait M. le rapporteur. Ces questions relevant en tout état de cause du règlement, je demande à M. de Mazières de bien vouloir retirer son amendement.

M. Michel Herbillon. Madame la ministre, vous indiquez que plusieurs sections de la nouvelle commission pourraient être présidées par un parlementaire. Permettez-moi de souhaiter que, quel que soit le camp politique du ministre de la culture, ces parlementaires puissent être issus de l’opposition aussi bien que de la majorité, et qu’ils soient, de préférence, membres de notre commission des affaires culturelles. Malgré nos divergences, certains sujets fédérateurs, comme la défense du patrimoine, ont, comme on dit au parti socialiste, un caractère « transcourant ».

M. Michel Ménard, président. Sans oublier le Sénat évidemment…

M. Michel Herbillon. …ni la parité ou la diversité.

M. Marcel Rogemont. Combien de parlementaires seront-ils concernés ?

M. Michel Ménard, président. Cher collègue, nous sommes un peu loin du domaine législatif !

Mme Marie-George Buffet. Tout cela relève effectivement du règlement. Mme la ministre a raison de préciser qu’il revient bien au ministre d’assurer la présidence de la nouvelle commission car l’État doit assumer son autorité en la matière.

Par ailleurs, je souhaite que l’on évite de dresser des listes à la Prévert : la parité, c’est-à-dire la juste représentation démocratique de l’humanité composée d’autant d’hommes que de femmes, ne doit pas être confondue avec une répartition fondée sur des critères comme l’appartenance à une chambre ou une autre, ou la couleur politique.

Mme la ministre. J’entends les préoccupations que vous venez tous d’exprimer et je les aurai en mémoire au moment de l’élaboration des actes réglementaires. Je veillerai également à ne pas oublier les élus locaux qui ont vocation, eux aussi, à être représentés dans les sections de la Commission nationale des cités et monuments historiques.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement AC386 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement de coordination a pour objet de rendre la commission régionale du patrimoine et de l’architecture compétente en matière d’objets mobiliers classés mis en péril.

Mme la ministre. Avis favorable : la précision est utile et pertinente.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AC387 du même auteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à renforcer le dispositif des zones tampons autour des biens que nous souhaitons protéger. Alors que ce dispositif est rendu facultatif par l’actuelle rédaction du projet de loi, il semble, au contraire, utile de rendre la délimitation d’une telle zone obligatoire dès lors qu’elle est jugée nécessaire à la protection du bien inscrit au patrimoine mondial. Ma démarche s’inspire notamment de la rédaction du point 103 des Orientations devant guider la mise en œuvre de la convention du patrimoine mondial de l’UNESCO de 1972 : « Si nécessaire pour la bonne conservation du bien, une zone tampon appropriée doit être prévue. »

Mme la ministre. Je comprends l’objectif poursuivi par cet amendement qui répond à la volonté de promouvoir le dispositif des zones tampons autour des biens inscrits au patrimoine mondial. De fait, l’UNESCO souhaite qu’une proposition de zone tampon accompagne toutes les nouvelles candidatures à l’inscription. La France s’est engagée auprès de cette dernière à mettre en œuvre des zones tampons autour des onze biens inscrits, sur un total de quarante et un, qui n’en possèdent pas.

Monsieur le rapporteur, votre amendement conditionnerait la mise en œuvre de zones tampons et il la limiterait à certains biens alors que la rédaction du Gouvernement me semble favoriser les objectifs que je viens de rappeler. Je vous demande en conséquence de bien vouloir retirer votre amendement.

M. François de Mazières. Voilà qui me rend bien triste ! La rédaction défendue par notre rapporteur me paraît en effet excellente. Elle répond à l’inquiétude principale que suscite cette réforme du côté de tous les amoureux du patrimoine. Aujourd’hui, le système de zone tampon des cinq cents mètres fonctionne, même si l’on peut imaginer que, dans certains cas, il puisse être adapté. Demain, le projet de loi pourrait permettre que cette zone se limite par exemple au seul bâtiment concerné : cela suscite des inquiétudes terribles.

M. Marcel Rogemont. Je partage l’opinion de mon collègue. S’il me semble que l’on peut éviter l’impératif lié aux cinq cents mètres, qui est parfois un peu ridicule car l’application de la notion de « covisibilité » suffit, l’amendement du rapporteur me paraît fort sympathique.

Mme Sophie Dessus. En milieu rural, je vous assure que le maintien des zones tampons a tout son intérêt. Je discute beaucoup avec les maires des communes rurales qui n’attendent qu’une chose : que toutes les protections des secteurs situés à proximité des bâtiments comme les vieilles tours du XIIsiècle tombent pour pouvoir construire aux alentours avec du PVC. Vous n’imaginez pas à quel point il faut se battre et combien de fois j’ai entendu dire : « On en a marre de ce patrimoine ! » La protection de l’État doit être maintenue.

Mme la ministre. Monsieur le rapporteur, dès lors que nous avons des objectifs communs, je vous propose de travailler ensemble à une nouvelle rédaction d’ici à la séance publique.

M. le rapporteur. Je suis heureux que nos échanges témoignent d’une volonté unanime de conforter juridiquement les zones tampons.

Madame la ministre, mon esprit naturellement constructif m’amène à retirer cet amendement afin que nous y travaillions et qu’une nouvelle version soit déposée pour la séance publique.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 23 modifié.

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Article 24
(art. L. 621-5, L. 621-6, L. 621-12, L. 621-9, L. 621-27, L. 621-30 à L. 621-33, L. 621-34 à L. 621-39 [nouveaux], L. 622-1-1 et L. 622-1-2 [nouveaux], L. 622-3, L. 622-4, L. 622-4-1 [nouveau], L. 622-10, L. 624-1 à L. 624-7, L. 631-1 à L. 631-3 [nouveaux], L. 632-1 à L. 632-3 [nouveaux], L. 633-1 [nouveau] du code du patrimoine)

Diverses dispositions modifiant les titres II et III du livre VI du code du patrimoine

Le présent article comprend de nombreuses dispositions traitant, au sein des titres II et III du livre VI du code du patrimoine, de sujets variés qui ont, pour certains, fait l’objet de commentaires détaillés dans la première partie du présent rapport.

1. Les conséquences de la création d’une commission nationale des cités et monuments historiques (1°, 8° et 9° du I)

Le 1° du I du présent article tire les conséquences de la création, par l’article 23 du présent projet de loi, de la commission nationale des cités et monuments historiques, et modifie les articles L. 621-5, L. 621-6, L. 621-12 et L. 622-3 du code du patrimoine afin de tenir compte du nouvel intitulé de la commission.

Le 8° du I modifie l’article L. 622-3 du même code pour rendre obligatoire la consultation de la commission dans le cadre de la décision de classement des objets mobiliers appartenant à une collectivité territoriale ou à l’un de ses établissements publics, et non plus seulement en cas de classement d’office comme c’est aujourd’hui le cas.

Le 9° du I modifie l’article L. 622-4 et prévoit également la consultation de la nouvelle commission dans le cadre du classement d’un objet mobilier appartenant à une personne privée dès le premier stade de la décision administrative. En revanche, il supprime toute consultation avant le classement d’office de l’objet mobilier appartenant à une personne privée.

Le rapporteur s’est interrogé sur les raisons qui conduisent à rendre obligatoire la consultation de la commission dans le cadre du classement d’office d’un objet appartenant à une personne publique, mais pas d’un bien appartenant à une personne privée. Il paraît important que le classement d’office contre l’avis d’un propriétaire privé puisse être examiné par une structure collégiale. C’est pourquoi la Commission a adopté, à l’initiative du rapporteur, un amendement opérant le rétablissement de la mention supprimée par le b) du 9° du I du présent article.

2. La protection des effets mobiliers attachés à perpétuelle demeure aux immeubles classés et inscrits (2° et 3° du I)

Les 2° et 3° du I du présent article soumettent le détachement de certains effets mobiliers rattachés à des monuments historiques à une autorisation administrative. En effet, comme cela a été indiqué dans l’exposé général du présent rapport, les risques de dépouillement des monuments historiques sont réels, comme ont permis de le confirmer les nombreuses affaires intervenues depuis les années 1990.

Aussi le 2° du I du présent article tend-il à compléter l’article L. 621-9 du code du patrimoine – qui prohibe le déplacement, la destruction, la modification ou la restauration d’un immeuble classé sans autorisation administrative – afin que les effets mobiliers rattachés à perpétuelle demeure à un immeuble classé ne puissent en être détachés sans l’autorisation de l’administration.

Seuls les effets mobiliers attachés à perpétuelle demeure au sens des articles 524 et 525 du code civil sont concernés par cette disposition ; ainsi, les effets mobiliers « scellés en plâtre ou à chaux ou à ciment, ou, [ceux qui] ne peuvent être détachés sans être fracturés ou détériorés, ou sans briser ou détériorer la partie du fonds à laquelle ils sont attachés » (61), les glaces, les tableaux et autres ornements lorsque « le parquet sur lequel [ils] sont attachées fait corps avec la boiserie » (62),  mais aussi les statues « placées dans une niche pratiquée exprès pour les recevoir, encore qu’elles puissent être enlevées sans fracture ou détérioration » (63) ne pourront être détachés d’un immeuble classé ou d’une partie d’immeuble classée sans l’autorisation préalable de l’administration.

Le 3° du I procède à l’ajout d’une disposition similaire au sein de l’article L. 621-27 du code du patrimoine, qui oblige le propriétaire d’un immeuble inscrit au titre des monuments historiques à informer l’autorité administrative des travaux qu’il envisage de réaliser et à obtenir son aval si ces travaux nécessitent la délivrance d’un permis.

Il est à noter que le régime des effets mobiliers attachés à perpétuelle demeure est identique dans le cas d’un immeuble classé comme d’un immeuble inscrit, alors même que ces immeubles sont soumis à des procédures différentes lorsqu’ils doivent faire l’objet de travaux. Il apparaît toutefois que le choix d’une autorisation préalable à tout détachement d’un effet mobilier attaché à perpétuelle demeure, dans le cas des immeubles classés comme inscrits, est mieux à même de protéger efficacement les monuments historiques de toute dégradation.

3. La réforme du régime des abords des monuments historiques (4° du I)

Les alinéas 7 à 24 du présent article remplacent la section 4 du chapitre Ier du titre II du livre VI du code du patrimoine, aujourd’hui consacrée aux immeubles adossés à des immeubles classés et aux immeubles situés dans le champ de visibilité d’un immeuble classé ou inscrit. Ainsi, le régime actuel de ces immeubles est supprimé au profit d’un régime unique des abords.

L’article L. 621-30, dans la rédaction issue du présent article, définit le champ de la protection offerte au titre des abords. Tous les immeubles qui forment un ensemble cohérent avec un monument historique ou qui contribuent à sa conservation ou à sa mise en valeur doivent être protégés à ce titre et grevés d’une servitude d’utilité publique.

Plus précisément, le II de cet article indique que la protection s’applique aux immeubles bâtis ou non bâtis situés dans un périmètre délimité par l’autorité administrative, ce dernier pouvant englober plusieurs monuments historiques ou, au contraire, être limité à l’emprise du monument historique lui-même. De façon logique, il est également prévu que la protection au titre des abords s’applique automatiquement à la partie non protégée d’un immeuble partiellement protégé au titre des monuments historiques.

L’alinéa 14 du présent article coordonne la protection au titre des abords avec les deux autres formes de protection qui découlent du code du patrimoine dans la rédaction issue du présent projet de loi : la protection au titre des monuments historiques et celle qui résulte du classement au titre des cités historiques. La protection au titre des abords ne sera pas applicable aux immeubles protégés aux titres des monuments ou des cités historiques. De la même façon, l’alinéa 15 exclut l’application de la servitude prévue à l’article L. 341-1 du code de l’environnement au titre des monuments naturels et des sites.

Le III de l’article L. 621-30 organise la survivance du régime actuel de protection des abords de monuments historiques. En effet, si le périmètre précis de protection n’a pas été fixé par l’autorité administrative, alors la protection au titre des abords s’applique à tout immeuble situé dans le champ de visibilité du monument historique et situé à moins de cinq cents mètres de lui.

Le présent article tend également à modifier les dispositions de l’article L. 621-31 afin de poser les règles relatives à la fixation du périmètre des abords. Ce périmètre est délimité et créé par l’autorité administrative, sur proposition de l’architecte des Bâtiments de France, après enquête publique et avec l’accord de l’autorité locale compétente en matière d’urbanisme. À l’initiative du rapporteur, la Commission a adopté un amendement visant à ce que le propriétaire ou l’affectataire domanial du bien générant le périmètre de protection soit également consulté de façon obligatoire lors de sa délimitation.

En cas de désaccord de la collectivité concernée, l’alinéa 18 du présent article prévoit que la décision est prise par l’autorité administrative après avis de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture (cf. supra) si le périmètre ne dépasse pas la distance de cinq cents mètres à partir du monument historique, ou après avis de la commission nationale des cités et monuments historiques dans le cas contraire. Les mêmes règles sont applicables en cas de modification du périmètre de protection des abords.

Enfin, les alinéas 22 à 24 modifient l’article L. 621-32 du code du patrimoine afin de fixer la procédure encadrant la réalisation de travaux sur les immeubles protégés au titre des abords. Ainsi, tous les travaux susceptibles de modifier l’aspect extérieur de l’immeuble, y compris de ses façades sur cour, sont soumis à une autorisation préalable. Par ailleurs, cette autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions si les travaux envisagés sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur du monument historique.

4. La sanction du morcellement d’un monument historique ou d’un effet mobilier attaché à perpétuelle demeure : la remise en place aux frais de l’auteur des faits (5° du I)

Les alinéas 25 à 29 du présent article modifient la rédaction de l’article L. 621-33 du code du patrimoine relatif au morcellement des immeubles protégés au titre des monuments historiques. Cet article dispose aujourd’hui que « quand un immeuble ou une partie d’immeuble a été morcelé ou dépecé en violation du présent titre, l’autorité administrative peut faire rechercher, partout où ils se trouvent, l’édifice ou les parties de l’édifice détachées et en ordonner la remise en place, sous la direction et la surveillance de l’administration, aux frais des délinquants vendeurs et acheteurs pris solidairement. »

Le 5° du I du présent article apporte plusieurs précisions au dispositif actuel :

– les effets mobiliers qui étaient attachés à perpétuelle demeure à un immeuble protégé au titre des monuments historiques et qui en ont été détachés sans autorisation administrative sont également concernés par cette mesure ;

– en cas d’urgence, l’administration peut également mettre en demeure l’auteur du manquement de prendre les mesures nécessaires pour prévenir la détérioration du bien concerné avant sa remise en place ;

– l’acquisition d’un fragment de monument historique ou d’un effet mobilier illégalement détaché est juridiquement nulle : l’administration ou le propriétaire originaire du bien peuvent exercer une action en nullité pendant un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle ils ont eu connaissance de l’acquisition. Des dommages-intérêts peuvent également être demandés aux acheteurs et vendeurs, solidairement responsables, ou à l’officier public qui aurait prêté son concours à cette aliénation illicite. Toutefois, l’acquéreur de bonne foi est remboursé du prix d’acquisition du bien.

5. La protection nouvelle accordée aux domaines nationaux (6° du I)

Comme cela a été indiqué dans l’exposé général, le 6° du I du présent article complète le chapitre Ier du titre II du livre VI du code du patrimoine d’une nouvelle section et de six nouveaux articles tendant à protéger les domaines nationaux.

L’article L. 621-34 dont la création est envisagée définit les domaines nationaux comme « des ensembles immobiliers présent un lien exceptionnel avec l’histoire de la Nation et dont l’État est, au moins pour partie, propriétaire ».

En application du nouvel article L. 621-35, la liste exacte de ces domaines, comme leur périmètre, seront fixés par un décret en Conseil d’État sur proposition du ministre de la culture, après avis de la commission nationale des cités et monuments historiques et du ministre chargé des domaines.

Les nouveaux articles L. 621-36 à L. 621-38 organisent leur protection. Les parties des domaines nationaux appartenant à l’État sont inaliénables et imprescriptibles en application de l’article L. 621-36. Ainsi, l’État ne peut les céder à un tiers et la prescription acquisitive prévue par le code civil, qui permet d’acquérir un bien après l’avoir détenu pendant un certain laps de temps, ne s’applique pas à ces biens.

En outre, les domaines nationaux sont automatiquement classés au titre des monuments historiques pour les parties qui appartiennent à l’État ou à l’un de ses établissements publics en application du nouvel article L. 621-37, tandis que les parties appartenant à une autre personne publique ou à une personne privée sont, quant à elles, obligatoirement inscrites au titre des monuments historiques en application de l’article L. 621-38, ce qui ne fait toutefois pas obstacle à leur classement ultérieur selon la procédure habituelle.

Enfin, le nouvel article L. 621-39 précise que les bois et forêts appartenant à l’État et gérés par l’Office national des forêts en application du 1° du I de l’article L. 211-1 du code forestier, ne peuvent faire l’objet d’aucune aliénation, même sous la forme d’un échange (64), lorsqu’ils sont inscrits sur la liste des domaines nationaux. Ainsi, les articles L. 3211-5, L. 3211-5-1 et L. 3211-21 du code général de la propriété des personnes publiques, qui définissent les conditions dans lesquelles des bois ou forêts appartenant à l’État peuvent être aliénés ou échangés, ne s’appliquent pas aux bois et forêts de l’État reconnus comme domaines nationaux.

6. La protection des ensembles historiques mobiliers (7° et 10° du I)

Les alinéas 46 à 49 et 57 à 59 du présent article créent une forme nouvelle de protection au titre des monuments historiques : celle des ensembles historiques mobiliers.

Le 7° du I du présent article prévoit d’introduire, au sein du code du patrimoine, un nouvel article L. 622-1-1, disposant que les objets mobiliers qui présentent, en tant qu’ensemble ou collection, un intérêt public du point de vue de l’histoire, de l’art, de l’architecture, de l’archéologie, de l’ethnologie, de la science ou de la technique peuvent être classés, en tant qu’ensemble historique mobilier, au titre des monuments historiques. La décision de classement est prise par l’autorité administrative après avis de la commission nationale des cités et monuments historiques.

La conséquence de la décision de classement réside dans l’impossibilité de diviser ou d’aliéner par lots ou pièces l’ensemble historique mobilier sans autorisation administrative. Par ailleurs, la protection s’applique à tous les éléments constituant l’ensemble classé, même lorsque ceux-ci sont dissociés. Toutefois, lorsque l’élément dissocié n’est pas classé pour lui-même au titre des monuments historiques, l’administration peut lever les effets du classement au titre de l’ensemble historique mobilier.

Par ailleurs, un nouvel article L. 622-1-2 introduit une nouvelle servitude d’utilité publique au sein du code du patrimoine, afin de protéger les objets mobiliers classés et les ensembles historiques mobiliers classés.

Ainsi, les objets ou ensembles mobiliers classés qui sont attachés, par des liens historiques ou artistiques exceptionnels, à un immeuble classé, et qui forment avec lui un tout dont l’intégrité présente un intérêt public, peuvent être grevés d’une servitude de maintien dans les lieux avec l’accord de leur propriétaire. Ainsi, le déplacement ultérieur de tout ou partie de cet objet ou ensemble mobilier classé serait soumis à une autorisation administrative. Par ailleurs, le propriétaire pourra, si l’administration refuse de lever la servitude, être indemnisé des sujétions anormales qui pourraient résulter du maintien in situ.

Enfin, un nouvel article L. 622-4-1 fixe les conditions de classement des ensembles mobiliers appartenant à un propriétaire autre que l’État ou ses établissements publics. Ainsi, lorsque l’État n’est pas le propriétaire des objets mobiliers qui composent l’ensemble en question, l’avis de la commission nationale des cités et monuments historiques et l’accord du propriétaire sont requis ; en cas de désaccord, le classement peut toutefois intervenir d’office par décret pris en Conseil d’État.

7. La suppression des dispositions pénales applicables au titre II (11° du I)

Le 11° du présent article supprime les articles L. 624-1 à L. 624-7 du code du patrimoine, qui ont vocation à être remplacés par de nouveaux articles prévus à l’article 25 du présent projet de loi (cf. infra).

8. L’instauration d’une protection au titre des cités historiques (II)

Les alinéas 61 à 93 du présent article introduisent, au sein du code du patrimoine, sept nouveaux articles consacrés à la protection au titre des cités historiques, dispositif qui se substitue, comme cela a été indiqué dans l’exposé général du présent rapport, à la protection offerte par les secteurs sauvegardés, les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) et les aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (AVAP) (cf. supra).

Le titre III du livre VI du code du patrimoine, et son article unique consacré aux sites, est remplacé par un titre III intitulé : « Cités historiques ». Celui-ci comprend trois chapitres, relatifs au classement au titre des cités historiques, au régime des travaux applicable sur les immeubles protégés au titre des cités historiques et aux dispositions fiscales applicables aux propriétaires de tels immeubles.

L’article L. 631-1 dont la création est envisagée fixe le champ d’application de cette nouvelle servitude d’utilité publique. Ainsi, les villes, villages ou quartiers dont la conservation ou la mise en valeur présente, d’un point de vue historique, architectural, archéologique, artistique ou paysager, un intérêt public sont classés au titre des cités historiques. Il en est de même des espaces ruraux qui forment un ensemble cohérent avec ces éléments urbains ou qui sont susceptibles de contribuer à leur conservation ou à leur mise en valeur. À l’initiative conjointe du rapporteur et de M. de Mazières, la Commission a adopté un amendement tendant à ce que des paysages puissent être classés au titre des cités historiques de la même façon que les espaces ruraux.

Le nouvel article L. 631-2 précise la procédure de classement au titre des cités historiques. La décision est prise par le ministre chargé de la culture après avis de la commission nationale des cités et monuments historiques, après enquête publique et sur proposition ou avec l’accord de l’autorité locale compétente en matière d’urbanisme concernée. À défaut d’accord, la décision est arrêtée par décret pris en Conseil d’État, après avis de la commission nationale des cités et monuments historiques. L’acte de classement au titre des cités historiques, qu’il s’agisse de la décision du ministre ou du décret pris en Conseil d’État, en fixe également le périmètre exact.

Le nouvel article L. 631-3 dispose qu’un plan de sauvegarde et de mise en valeur peut être établi sur tout ou partie du territoire de la cité historique (cf. infra, commentaire de l’article 36).

Par ailleurs, en ce qui concerne les parties non couvertes par un plan de sauvegarde, le règlement du plan local d’urbanisme doit obligatoirement comporter les dispositions propres à assurer la protection et la mise en valeur de l’architecture et du patrimoine prévues par le III de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme (cf. infra, commentaire de l’article 36). Sur ce point, la Commission a, à l’initiative du rapporteur, adopté un amendement tendant à soumettre de façon systématique le projet de plan local d’urbanisme dit « patrimonial » à l’avis de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture.

La Commission a également adopté, à l’initiative du Gouvernement, un amendement précisant que l’État apporte son assistance technique et financière aux collectivités devenues maîtres d’ouvrage des plans de sauvegarde et de mise en valeur et des plans locaux d’urbanisme dits « patrimoniaux » pour l’élaboration et la révision de ces documents.

Le II de ce nouvel article organise la transition avec les règlements des ZPPAUP et des AVAP : ceux-ci continuent de produire leurs effets jusqu’à ce qu’un plan de sauvegarde et de mise en valeur s’y substitue ou jusqu’à ce que le règlement du plan local d’urbanisme comprennent les dispositions indiquées précédemment. Ils peuvent en outre être modifiés s’il n’est pas porté atteinte aux dispositions relatives à la protection du patrimoine bâti et des espaces.

À l’initiative du rapporteur, la Commission a adopté un amendement visant à ce que l’élaboration des nouveaux documents d’urbanisme ait lieu dans un délai maximal de dix ans à compter de l’entrée en vigueur des dispositions du présent article relatives aux cités historiques.

Les nouveaux articles L. 632-1 à L. 632-3 fixent le régime des travaux applicable aux immeubles situés dans un cité historique. Deux types de travaux doivent faire l’objet d’une autorisation administrative, qui peut être refusée ou assortie de prescriptions :

– les travaux susceptibles de modifier l’état des parties extérieures des immeubles bâtis ou non bâtis,

– les travaux susceptibles de modifier l’état des parties intérieures des immeubles bâtis lorsqu’elles sont protégées par le plan de sauvegarde et de mise en valeur.

Le nouvel article L. 632-2 détaille les modalités de cette autorisation. Lorsque les travaux sont soumis à une formalité au titre du code de l’urbanisme ou de l’environnement – demande de permis de construire, de démolir, d’aménager, déclaration préalable, autorisation pour les sites classées –, alors l’autorisation administrative est réputée acquise si l’architecte des Bâtiments de France a donné son accord, éventuellement assorti de prescriptions.

En cas de désaccord avec l’architecte des Bâtiments de France, l’autorité locale compétente pour délivrer l’autorisation transmet le dossier à l’autorité administrative qui statue après avis de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture. En cas de silence de l’administration, le projet de décision de l’autorité locale est réputé approuvé.

Le demandeur peut également exercer un recours en cas de refus d’autorisation de travaux, qui est alors adressé à l’autorité administrative. En cas de silence de cette dernière, elle est réputée avoir confirmé la décision de refus d’autorisation de travaux.

Le nouvel article L. 632-3 organise la coordination avec la protection prévue au titre des monuments historiques – le régime d’autorisation des travaux sera alors celui propre aux monuments historiques, même si l’immeuble est situé dans une cité historique – et exclut les servitudes instituées au titre des monuments naturels et des sites pour les immeubles situés dans le périmètre d’une cité historique.

Enfin, un nouvel article L. 633-1 fixe les règles fiscales applicables à la détermination du revenu net des personnes propriétaires d’un immeuble situé dans le périmètre d’une cité historique, qui peuvent déduire certaines charges liées à la conservation ou à la restauration de leur bien de leur revenu net imposable. Il renvoie également à l’article 199 tervicies du code général des impôts le soin de fixer les règles fiscales relatives à la réduction d’impôt applicables aux propriétaires d’immeubles situé sur le périmètre d’une cité historique.

Les taux applicables, qui varient aujourd’hui selon que l’immeuble est situé dans un secteur sauvegardé ou dans le périmètre d’une AVAP ou d’une ZPPAUP seront, d’après l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, fixés par une loi de finances ; il est toutefois envisagé de maintenir un taux plus favorable pour les parties de la cité historique couvertes par un PSMV, en y appliquant le taux actuel des secteurs sauvegardés, et d’appliquer aux parties couvertes par un PLU patrimonial le taux dont bénéficient actuellement les immeubles situés dans le périmètre d’une AVAP.

*

La Commission examine, en discussion commune, les amendements AC190 et AC191, tous deux de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Les dispositions de l’article 24 relatives aux abords d’un monument historique modifient profondément le code du patrimoine. En effet, le projet de loi substitue au périmètre automatique de cinq cents mètres un « périmètre délimité des abords ».

L’exposé des motifs du projet de loi précise que ce périmètre sera défini « à l’issue d’une étude historique, urbaine et paysagère, après enquête publique et accord de l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme ». Dès lors, l’accord de l’architecte des bâtiments de France (ABF) visera les travaux portant sur les immeubles, bâtis ou non bâtis, situés dans les seuls espaces ayant été clairement reconnus et délimités pour leur intérêt patrimonial. Une telle logique risque d’amener à baisser la garde quant à la protection des abords des monuments historiques.

Il s’agit d’un grand risque avec un tel périmètre « à la carte » qui pourrait même être limité à l’emprise du bâtiment. Afin de préserver un minimum de champ d’intervention de l’ABF, il n’apparaît pas judicieux que le législateur incite explicitement à réduire les abords dans une telle proportion. C’est pourquoi l’amendement AC190 vise à supprimer, à l’alinéa 12 de l’article 24, la mention d’un périmètre de protection « limité à l’emprise du monument historique », afin de préserver l’intérêt du régime juridique des abords.

Imaginons, dans l’une des communes rurales qu’évoquait Mme Sophie Dessus, un conflit ouvert entre les propriétaires d’un château et un maire : comment ce dernier réagira-t-il si un fermier veut construire un hangar ou qu’une usine souhaite s’installer à proximité du monument, et qu’aucune règle n’encadre sa décision ? En l’état, le texte place le patrimoine de notre pays dans une situation qui pourrait être extrêmement dangereuse.

L’amendement AC191 est un amendement de repli. Si le précédent n’est pas voté, il vise à préciser que la limitation à l’emprise du monument de la protection au titre des abords ne peut intervenir que « dans des cas exceptionnels fixés par décret ». Il faut limiter le moins possible les interventions des ABF qui protègent beaucoup les élus.

M. le rapporteur. L’amendement AC190 de M. de Mazières est intéressant car la rédaction de l’alinéa 12 de l’article peut nous interpeller. Cette rédaction est sans doute un peu alambiquée, mais elle n’en demeure pas moins utile dans un certain nombre de cas, notamment lorsqu’il n’est pas nécessaire de protéger l’environnement direct du bien. Je considère en conséquence qu’il est préférable de conserver la dernière phrase de l’alinéa que l’amendement vise à supprimer.

Il me semble de plus que le texte se suffit à lui-même et que l’amendement AC191 ne lui apporte rien. Il ouvre seulement une possibilité à l’autorité administrative d’une « limitation à l’emprise du monument historique ». Cette dernière en fera certainement un usage raisonnable. Cette rédaction permet surtout de bien garder à l’esprit que nous passons d’une règle d’application automatique à une logique de cas par cas.

Pour l’ensemble de ces raisons, je ne peux donner un avis favorable à ces amendements.

Mme la ministre. Le projet de loi ne prévoit en rien de porter atteinte à la politique de contrôle des travaux effectués aux abords des monuments historiques. Il vise, au contraire, à mieux ajuster les contraintes qu’elle comporte pour les citoyens aux enjeux réels de préservation de l’environnement des monuments historiques.

Les principes qui ont présidé à la détermination des nouveaux abords présentés dans ce projet de loi sont la rationalisation et la volonté de rendre la législation plus intelligible : le périmètre est ainsi adapté à chaque monument. La limitation des abords au strict contour du monument historique pourra par exemple être pertinente pour des bâtiments industriels pour lesquels c’est le bâtiment lui-même qui justifie une protection et non pas son environnement. Notre législation doit aussi s’adapter à ce type de patrimoine. Je précise que l’ABF restera compétent pour décider de limiter la protection des abords à l’emprise du bâtiment et que la protection des cinq cents mètres restera la norme applicable par défaut comme cela est indiqué à l’alinéa 16 de l’article.

Concernant votre amendement AC191, monsieur de Mazières, il paraît impossible d’établir une liste exhaustive des cas où cette limitation des abords pourra être envisagée. Cela reviendrait, en cas d’omission, à imposer à des riverains des contraintes lourdes en termes de procédures d’urbanisme.

J’ajoute que, en cas de doute, le préfet pourra toujours consulter la commission régionale du patrimoine et de l’architecture, pour s’assurer que la limitation du périmètre des abords à l’emprise, qui reste, je le répète, proposée par l’ABF, correspond bien au contexte spécifique du monument.

Toutes ces précisions apportées, j’espère que vous pourrez retirer vos amendements.

M. Marcel Rogemont. Je suis très heureux d’entendre notre collègue François de Mazières reconnaître l’importance du travail des ABF qui sont si souvent décriés par de trop nombreux élus.

Mme Sophie Dessus. L’ABF est effectivement très décrié, mais il est encore craint parce que son avis compte. C’est une bonne chose car, sans cela, certains élus feraient n’importe quoi. Ne pourrait-on pas compléter la dernière phrase de l’alinéa 12, en précisant que le périmètre de protection du monument historique ne peut être limité à l’emprise que « sur proposition de l’architecte des bâtiments de France » ?

M. Michel Herbillon. Nous sommes d’accord sur l’objectif même si nous avons des divergences sur les modalités de l’action à entreprendre pour l’atteindre. Nous devons en tout état de cause soutenir les ABF et veiller à ce que la loi comprenne toutes les mesures nécessaires pour renforcer leurs pouvoirs, que ce soit à l’égard d’un certain nombre d’élus qui considèrent que les règles constituent des contraintes inutiles – pour ma part, en tant que maire de Maisons-Alfort, j’ai élargi autant qu’il était possible les nombreuses zones protégées que compte ma commune car je considère que le rôle de l’ABF est essentiel – ou à l’égard d’autres services de l’État. Je pourrais en la matière vous citer des exemples qui concernent l’École nationale vétérinaire qui se trouve dans ma ville depuis le règne de Louis XV – c’est la seule grande école française qui soit encore située sur son site d’origine.

Nous ne serons en tout cas jamais assez « maximalistes » pour nous assurer de la protection des abords des monuments et pour conforter les ABF confrontés aux élus, aux divers projets d’urbanisme et parfois même à l’État. Ils sont quelquefois les véritables « empêcheurs de bétonner en rond » ; il faut les soutenir.

M. le rapporteur. Nos collègues ont rendu, à juste titre, un hommage vibrant aux architectes des bâtiments de France. Les députés qui souhaitaient réduire les pouvoirs des ABF ne sont d’ailleurs pas venus soutenir leurs amendements. Pour nous rassurer tous, je rappelle que l’alinéa 17 de l’article 24 est ainsi rédigé : « Les abords sont délimités et créés par décision de l’autorité administrative, sur proposition de l’architecte des Bâtiments de France, après enquête publique et accord de l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme, de document en tenant lieu ou de carte communale. » Les ABF sont donc déjà dans la boucle, de même que la collectivité locale concernée.

M. Michel Ménard, président. Compte tenu de ces éléments, monsieur de Mazières, maintenez-vous vos amendements ?

M. François de Mazières. Je les maintiens car j’estime que la limitation de la protection des abords à l’emprise du monument historique n’a pas de sens. Face à un monument historique, il faut toujours un peu de recul, même s’il appartient au patrimoine industriel du XIXe ou du XXsiècle. Pour pouvoir le regarder, il faut au moins se placer à cinquante ou cent mètres. Tous les architectes vous diront que la protection d’un monument intègre la « covisibilité ». La limitation permise par l’alinéa 12 constitue à mes yeux une aberration au regard de ce qu’est un monument historique.

J’ai aussi envie de protéger l’ABF qui est soumis à d’énormes « pressions à construire ». Nous ne sommes pas dans la fiction si nous imaginons le cas d’un préfet qui ferait subir à son ABF de très dures pressions. Pourquoi cette dernière phrase de l’alinéa 12 ? Elle n’apporte rien et elle fragilise les ABF, ce qui inquiète profondément tous les défenseurs du patrimoine.

Mme la ministre. Je n’ai pas dit que tout le patrimoine industriel serait concerné par la limitation en question. Certains lieux peuvent l’être : la restriction à l’emprise de la protection de l’ancienne manufacture d’allumettes d’Aubervilliers, réhabilitée pour devenir le nouveau siège de l’Institut national du patrimoine, suffit pour que ce bâtiment puisse être admiré. La disposition que nous proposons permet, lorsque l’application de certaines règles ne se justifie pas, de ne pas imposer de réglementation superfétatoire.

Je suis heureuse de constater que l’ensemble des orateurs ont rendu hommage au travail effectué par les ABF dans l’intérêt général pour la protection du patrimoine. Étant leur ministre de tutelle, je sais qu’ils font un travail parfois difficile en étant confrontés à des pressions politiques dans des situations complexes.

La Commission rejette successivement les amendements AC190 et AC191.

La Commission adopte l’amendement de précision AC388 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement AC389 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement a pour objet de permettre au propriétaire ou à l’affectataire domanial du monument historique générant un périmètre de protection au titre des abords de donner son avis sur la délimitation de ce périmètre.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission est saisie, en discussion commune, des amendements AC193 de M. François de Mazières et AC390 du rapporteur.

M. François de Mazières. Lorsque le périmètre des abords est fixé à l’occasion de l’élaboration, de la révision ou de la modification d’un plan local d’urbanisme (PLU), la proposition de l’ABF donne nécessairement lieu à enquête publique.

Lorsque la notoriété du monument historique l’exige, l’amendement prévoit que l’enquête publique est ouverte et organisée par le représentant de l’État dans le département, et non par le président de l’organe délibérant de la collectivité ou de l’établissement public. L’enquête publique prendra ainsi en compte un territoire plus vaste que celui de la commune ou de l’intercommunalité. Nous savons que certains élus ne manifestent aucun intérêt pour le patrimoine. Dans le cas d’un monument exceptionnel, l’enquête publique pourra être ouverte par le représentant de l’État en lieu et place de ces élus peu sensibles à cette question.

M. le rapporteur. Mon amendement poursuit le même objectif, donner la possibilité au représentant de l’État dans le département d’organiser une enquête publique lorsque la délimitation des abords intéresse le territoire de plusieurs communes.

Mme la ministre. Je suis embarrassée. S’agissant de l’amendement AC390, dans la plupart des cas, il me semble que la préoccupation du rapporteur est déjà satisfaite : le préfet organise l’enquête publique lorsque plusieurs communes sont visées et que l’enjeu patrimonial le nécessite. Je vous propose de retirer vos amendements afin d’y retravailler avant la séance.

M. François de Mazières. Mon amendement relève d’une logique différente puisqu’il fait référence à la notoriété du monument historique.

Mme la ministre. Il me semble périlleux d’établir une distinction autre que celle entre l’inscription et le classement des monuments. En outre, la notoriété d’un monument paraît difficile à évaluer. Enfin, cette notion laisse place à l’interprétation, ce qui ne manquera pas de nourrir de nombreux contentieux. Je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, j’émets un avis défavorable.

M. le rapporteur. Si la ministre considère que mon amendement est satisfait par le droit existant, je le retire. Nous allons examiner ensemble ce point de manière plus approfondie.

M. François de Mazières. Je maintiens cet amendement important.

L’amendement AC390 est retiré.

La Commission rejette l’amendement AC193.

La Commission examine l’amendement AC192 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. L’amendement prévoit que le commissaire enquêteur ou le président de la commission d’enquête consulte le propriétaire ou l’affectataire domanial du monument historique concerné par le périmètre délimité des abords.

M. le rapporteur. Cette consultation est prévue par l’amendement que nous venons d’adopter. Votre demande est donc satisfaite.

Mme la ministre. Même avis.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement AC391 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement a pour objet de rétablir l’avis de la Commission nationale des cités et monuments historiques en cas de classement d’office d’un objet mobilier appartenant à un propriétaire privé. En effet, il n’y a aucune raison de supprimer cet avis dès lors qu’il est maintenu dans le cas du classement d’office d’un objet mobilier appartenant à une collectivité territoriale ou à l’un de ses établissements publics.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission examine, en présentation commune, les amendements AC322, AC325, AC323 et AC326 de Mme Sophie Dessus.

Mme Sophie Dessus. Ces amendements portent sur la protection ou la restauration des objets mobiliers, qu’ils soient classés ou inscrits, y compris les éléments de décor.

Afin de protéger ces biens dont les propriétaires ignorent souvent
la valeur, les amendements soulignent la nécessité de porter un regard institutionnel sur leur restauration et de s’assurer des qualifications des professionnels – conservateurs-restaurateurs ou agréés par l’État – qui interviennent, comme c’est le cas pour le patrimoine immobilier.

L’amendement AC322 permet à l’administration de solliciter, préalablement à la demande d’autorisation nécessaire pour la modification, la réparation ou restauration d’un objet classé, l’avis technique d’un professionnel qualifié.

L’amendement AC325 vise à confier les opérations de modification, de réparation ou de restauration des objets classés à des spécialistes reconnus et à définir le niveau de compétences requis pour prendre en charge ces opérations. On a vu trop souvent des objets maltraités.

L’amendement AC323 propose de transposer aux objets mobiliers inscrits au titre des monuments historique le régime des objets classés.

L’amendement AC326 requiert un agrément ou une reconnaissance des qualifications par l’État des professionnels exécutant des opérations de modification, de réparation ou de restauration des objets inscrits. Il s’agit d’éviter que soit confiée à un artisan local qui n’a pas les compétences nécessaires une restauration qui pourrait s’avérer catastrophique.

M. le rapporteur. Sur l’amendement AC322, les effets mobiliers attachés à perpétuelle demeure à un monument classé – autrement dit, les décors que vous visez – sont d’ores et déjà protégés par le projet de loi, en l’occurrence par le 2° de l’article 24.

Quant à la nécessité de demander un rapport à un professionnel de la conservation-restauration, elle me paraît relever du domaine réglementaire. En outre, le droit existant n’empêche nullement l’administration de solliciter un avis en cas de besoin.

Je vous suggère donc de retirer cet amendement.

L’amendement AC325, me semble-t-il, est satisfait par le texte même de l’article L. 622-7 : un décret en Conseil d’État précise déjà à quels professionnels il doit obligatoirement être fait appel pour ce type de travaux.

L’amendement AC323 portant sur les effets mobiliers attachés à perpétuelle demeure à un immeuble inscrit, mon avis est identique à celui exprimé sur votre premier amendement.

Enfin, l’amendement AC326 a une portée un peu différente des précédents. Seuls les travaux sur les orgues inscrites doivent aujourd’hui être réalisés par des professionnels définis par décret en Conseil d’État. Votre amendement a pour effet de rendre obligatoire, pour tous les objets inscrits, l’exécution de travaux par les spécialistes que vous visez. Il me semble que vous allez bien au-delà du droit existant.

Mme la ministre. Je profite de ces amendements pour saluer le travail remarquable des conservateurs et des restaurateurs du patrimoine. Leur savoir-faire contribue au rayonnement de la France dans le monde. J’ai pu m’en rendre compte en discutant avec mes homologues étrangers.

Sur le fond, je souscris à l’argumentation pertinente du rapporteur sur l’ensemble des amendements.

Mme Isabelle Attard. Ces amendements me semblent dangereux. Je n’ai rien contre les conservateurs-restaurateurs qui réalisent un travail remarquable, la plupart du temps. Mais, vous le savez, parfois, ils font aussi des horreurs. Le diplôme n’empêche pas les catastrophes artistiques ; il n’est pas une garantie de perfection.

De très nombreuses petites entreprises, artisanales pour la plupart – parfois avec la qualification de meilleur ouvrier de France – effectuent un travail de restauration d’œuvres d’art remarquable qui n’a rien à envier à celui des conservateurs-restaurateurs. J’en conviens, il existe des brebis galeuses partout.

Il n’est pas souhaitable de réserver la restauration à une catégorie professionnelle. En effet, la rédaction des amendements, en particulier la référence à la conservation-restauration, laisse supposer un monopole au bénéfice des conservateurs-restaurateurs, au détriment des entrepreneurs et des artisans d’art dont l’expérience et l’expertise sont reconnues. Je ne souhaite pas voir ces entreprises privées de travail. En ces temps de difficultés économiques, chacun se replie sur son métier et tente de conserver ses rares marchés.

Je ne pense pas que ces amendements apportent la bonne réponse à la question de la conservation du patrimoine. Je suis donc défavorable à ces amendements en l’état.

Mme Sophie Dessus. Il n’est pas question d’instituer un monopole en faveur des conservateurs-restaurateurs. Les amendements font référence à des spécialistes reconnus par l’État. Je retire ces amendements au bénéfice des réponses rassurantes du rapporteur.

Les amendements sont retirés.

La Commission adopte l’amendement de coordination AC392 du rapporteur puis l’amendement rédactionnel AC393 du même auteur.

La Commission est saisie, en discussion commune, des amendements AC11 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet et AC150 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Mon amendement vise à supprimer le classement au titre des cités historiques. Nous sommes inquiets, comme les associations, de cette réforme d’une loi qui a pourtant fait ses preuves et qui est emblématique de la protection du patrimoine.

Vous transférez aux collectivités territoriales la charge de la protection du patrimoine en intégrant un volet patrimonial dans le plan local d’urbanisme (PLU). Vous prenez là un risque inutile. Il serait préférable de conserver le dispositif robuste que nous connaissons depuis des années. Le PLU, en particulier s’il est intercommunal, ne semble pas être l’outil le plus pertinent. Le niveau intercommunal n’est pas propice à la défense du patrimoine, les maires sont beaucoup plus sensibles à ce sujet.

Nous souhaitons nous en tenir aux différents outils actuels – plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV), zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) et aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (AVAP). Vous allez me rétorquer que les PSMV sont peu nombreux – une centaine – et très lourds, c’est vrai. Mais ils permettent d’établir une hiérarchie : les PSMV apportent une protection très forte ; avec les ZPPAUP, cette protection est moindre – les ABF la considèrent comme une protection de second rang. Avec votre réforme, tout est mélangé. Il me paraît dangereux de tout placer au même niveau.

Cette réforme est plus dangereuse qu’utile.

M. Michel Herbillon. Nous comprenons l’objectif que vous poursuivez ; le label « cités historiques » est séduisant de même que la lisibilité et la clarté qu’apporte la fusion des dispositifs existants. Mais nous sommes inquiets des risques de cette réforme. Vous transférez la protection du patrimoine aux collectivités territoriales. Or, certaines d’entre elles sont attachées au patrimoine, d’autres sont plus soucieuses de l’urbanisation.

En tant que maire d’une commune d’Île-de-France très proche de Paris, j’ai dû souvent résister à la pression foncière qui est énorme et me battre contre les promoteurs et la volonté d’urbaniser à tous crins. Ma sensibilité n’est pas celle de tous les élus. De nombreux élus sont en effet focalisés sur le logement et ne pensent qu’à construire et bétonner. Le danger est là.

Je me suis ainsi battu pendant dix ans pour empêcher l’urbanisation d’une zone de 2,5 hectares, proche du RER et à sept minutes de la gare de Lyon. J’ai eu finalement gain de cause et j’ai réussi à transformer cette zone en parc public pour les habitants. Je vous parle donc en connaissance de cause, fort de mon expérience de maire. Le risque est grand de voir la protection du patrimoine s’appliquer de manière inégale selon la sensibilité des élus et les moyens dévolus aux services de l’État, en particulier aux ABF.

Par ailleurs, le PLU n’est pas le document le plus pertinent pour assurer la protection du patrimoine. Nous avançons déjà en tâtonnant avec les PLU intercommunaux. En outre, ce choix me paraît poser problème au regard de la hiérarchie des normes.

Cette position est partagée – en témoigne le nombre de signataires – et très réfléchie. Nos amendements ne sont pas motivés par le désir égoïste de supprimer une disposition emblématique de votre projet de loi mais par les risques que votre projet fait courir à la protection du patrimoine dans notre pays.

M. le rapporteur. Avis défavorable à ces deux amendements. J’ai procédé à de longues auditions sur ce sujet, en compagnie d’ailleurs de M. de Mazières : elles m’ont permis de constater qu’il n’y a pas de demande formelle de maintien de l’existant. Les ZPPAUP sont, vous le savez, de toute façon condamnées à disparaître rapidement.

Pour qui aime le patrimoine, la situation actuelle n’est pas satisfaisante. Quand, en 1962, Malraux lance les secteurs sauvegardés, l’objectif est d’en avoir 400 ; cinquante-trois ans après, il n’y en a qu’une centaine ! Nombre de plans de sauvegarde sont en outre inexistants ou obsolètes.

Afin de mieux protéger le patrimoine, il faut simplifier, clarifier, apporter plus de cohérence. La création par le Gouvernement de ce dispositif des « cités historiques » me paraît donc opportune. Je souhaite toutefois que nous puissions adopter des amendements qui offriront des garanties supplémentaires : certains s’inquiètent de la faible sensibilité à la question du patrimoine d’élus aménageurs.

Mme Marie-George Buffet. On peut être aménageur sans être bétonneur !

M. le rapporteur. C’est vrai. Il me paraît en tout cas important que la protection du patrimoine soit assurée sur tous les territoires, notamment grâce à un contrôle des services de l’État. C’est ce fil rouge de l’égalité républicaine qui doit une nouvelle fois nous guider dans l’examen des amendements à cet article.

Mme la ministre. Je reviens rapidement sur la genèse de cet article. La « cité historique » sera un outil majeur pour mettre en lumière, aux yeux de tous nos concitoyens, les villes, les villages ou même les quartiers ou espaces ruraux les plus remarquables de notre territoire. Mieux mettre en valeur ce patrimoine remarquable, mieux l’identifier, c’est aussi mieux le protéger.

Tout le monde sait ce qu’est un « monument historique ». Tel n’est pas le cas pour un secteur sauvegardé, une ZPPAUP ou une AVAP. La « cité historique » apportera la même clarté que le « monument historique ». Elle apportera également une clarification, en rassemblant dans une seule catégorie les 800 ZPPAUP, AVAP et secteurs sauvegardés existants.

Elle constituera un outil de projet pour les territoires : toutes les cités historiques disposeront d’un plan de sauvegarde et de mise en valeur ou d’un PLU patrimonial – nous poserons un peu plus loin la question de l’appellation précise de ce dernier. En attendant, les règlements existants continueront de s’appliquer.

Enfin, l’amendement cite les outils existants, et notamment les ZPPAUP. Mais celles-ci ont été condamnées par la loi de 2010 portant engagement national pour l’environnement, qui a institué une date couperet pour leur transformation en AVAP. Sans ce projet de loi, ce sont plus de 600 ZPPAUP qui disparaîtraient l’an prochain, ce qui constituerait l’une des pires régressions en matière de protection du patrimoine et de l’environnement. Ces périmètres ne seraient plus protégés par aucun document.

J’entends vos préoccupations à propos de l’intercommunalité. Confier plus de missions à l’intercommunalité est une tendance forte du droit de l’urbanisme, et le Gouvernement souhaite aller dans cette direction. Cela n’est en rien incompatible avec la protection du patrimoine : je vous propose que nous y revenions plus tard.

Les cités historiques permettront la mise en valeur de nos territoires et renforceront l’attractivité et la richesse de la France. J’ai dit, de façon quelque peu provocatrice, que l’on pouvait protéger le patrimoine sans être conservateur : c’est une conviction que nous partageons tous ici, je le sais. Il est tout à fait possible de concilier efficacité et protection.

Je demande donc le retrait des amendements ; à défaut, j’y serai défavorable.

Mme Marie-George Buffet. À Stains, les cités-jardins ont été rénovées de façon magnifique ; à La Courneuve, les entreprises du début du XXe siècle sont souvent devenues des médiathèques, des centres administratifs… Les friches industrielles ont été rénovées de façon remarquable. Aménagement et protection du patrimoine peuvent très bien se concilier.

Monsieur le rapporteur, vous me rassurez, car j’ai été sensible à l’argument des pressions qui peuvent s’exercer sur les élus. Il est important que les services de l’État apportent leur garantie. J’attends donc avec impatience vos propositions.

Mme Isabelle Attard. Je ne suis pas député-maire comme mon collègue Michel Herbillon, et d’autres de nos collègues ; mais je vois tous les jours les pressions qui s’exercent sur les élus locaux – quel que soit leur bord politique – pour ne pas demander le classement de bâtiments privés situés à l’intérieur d’un périmètre classé. Ces élus doivent pouvoir se défendre en renvoyant au jugement neutre et indépendant de l’État. L’architecte des bâtiments de France doit également être très indépendant. Je suis donc très sensible aux arguments développés par Michel Herbillon. Soyons très prudents : simplifions, mais ne faisons pas reposer ces décisions sur les épaules des élus locaux.

M. Marcel Rogemont. Je comprends parfaitement les inquiétudes qui s’expriment ici ; les « cités historiques » ne doivent pas servir à éloigner les services de l’État. Il y a des élus qui veulent résister aux pressions, et qui ont besoin d’être armés pour cela ; dans de petites communes, le rapport de force est parfois tel que l’État doit être très attentif. Il me paraît donc indispensable de remettre les services de l’État sur le devant de la scène.

M. François de Mazières. Les associations dont vous parlez savent, monsieur le rapporteur, que le Gouvernement veut faire voter cette réforme, et elles ont donc choisi de ne pas contester ce point ; mais elles souhaitent en réalité le maintien des dispositifs actuels.

S’il n’y a qu’une centaine de secteurs sauvegardés contre les quelque 400 espérés par André Malraux, c’est parce que les ZPPAUP ont pris le relais ! Aujourd’hui, il y a une gradation – demandée par les architectes des bâtiments de France – entre différents niveaux de protection. Le vrai problème vient de la loi de 2010 : il aurait été bien préférable de prolonger les ZZPAUP, qui donnent satisfaction à tous. On aurait ainsi évité une fragilisation du secteur, redoutée par tous les acteurs.

Nous reviendrons plus tard sur la notion même de « cité historique », qui me paraît très contestable.

M. Michel Herbillon. Nous sommes tous d’accord, je crois, sur les objectifs ; nous différons sur les modalités. La question de l’intercommunalité renforce nos inquiétudes. Je suis maire d’une commune qui fera partie d’une intercommunalité qui regroupe 515 000 habitants et plus de dix communes. Or toutes n’ont pas la même sensibilité. Vous ne serez pas étonnés d’apprendre mon attachement à la protection du patrimoine : j’ai fait protéger et inscrire à l’inventaire supplémentaire des logements sociaux datant des années 1930, par exemple. Cela a parfois suscité de l’étonnement, voire de l’incompréhension… À l’échelon intercommunal, tout sera encore plus difficile : comment pourra-t-on mettre tant de communes d’accord ?

La Commission rejette successivement les amendements AC11 et AC150.

Elle se saisit alors de l’amendement AC189 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Cet amendement vise à substituer aux mots « cités historiques » ceux de « patrimoines remarquables », qui s’adaptent mieux à toutes les formes de patrimoines : les sites naturels sont essentiels et doivent être protégés au même titre que le patrimoine urbain.

M. le rapporteur. C’est un point sur lequel je n’ai pas fini de m’interroger, et je ne suis pas certain que ce débat aboutira avant la deuxième lecture. Pour le moment, avis défavorable.

Mme la ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de précision AC394 du rapporteur.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AC358 de M. François de Mazières et AC395 du rapporteur.

M. François de Mazières. Cet amendement permet d’inscrire les paysages comme pouvant être protégés au titre de la sauvegarde du patrimoine.

M. le rapporteur. Mon amendement est presque similaire, à ceci près qu’il inscrit les paysages après les « espaces ruraux », et non avant. Compte tenu du poids de la ruralité dans notre assemblée, je vous invite à vous rallier à cette solution.

Mme la ministre. S’il est vrai que le périmètre d’une cité historique classée doit pouvoir inclure des espaces ruraux et donc des paysages, qui peuvent constituer l’écrin d’un village, d’une ville ou d’un quartier remarquables, j’éprouve de grandes difficultés, à ce stade, à approuver ces propositions. Avis défavorable.

M. François de Mazières. Je suis très satisfait de la proposition du rapporteur, et je retire bien volontiers mon amendement. En revanche, je suis très surpris de l’avis de Mme la ministre.

M. le rapporteur. Je ne retire pas mon amendement.

Mme la ministre. J’ai exprimé la position du Gouvernement.

L’amendement AC358 est retiré.

La Commission adopte l’amendement AC395.

Elle se saisit ensuite de l’amendement AC176 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. De nombreux territoires associent actuellement PSMV, ZPPAUP ou AVAP à des conventions de « ville et pays d’art et d’histoire », ou de « petites cités de caractère ». La combinaison des outils de médiation et des outils d’urbanisme patrimonial produit une dynamique locale et une appropriation citoyenne de la valeur des patrimoines qu’il convient de renforcer et de généraliser.

M. le rapporteur. J’ai cru un instant qu’il s’agissait d’un amendement de Mme Attard…

Avis défavorable. Sur le fond, bien sûr, l’appropriation citoyenne du patrimoine est une excellente chose : nous qui avons été, qui sommes ou qui serons élus locaux savons bien que ces outils permettent de faire vivre le patrimoine. Toutefois, un tel amendement me semble battre en brèche l’autonomie des collectivités territoriales : l’usage de ces outils doit demeurer le fruit de l’initiative locale. Créer une telle obligation risquerait surtout de créer de la déception.

Mme la ministre. Même avis : l’intention est bonne, mais il faut préserver l’autonomie des collectivités territoriales.

L’amendement AC176 est retiré.

La Commission adopte alors l’amendement de précision AC396 du rapporteur.

Puis elle se saisit de l’amendement AC397 du rapporteur.

M. le rapporteur. Spécifier, comme le fait cet amendement, qu’il existe un « plan d’urbanisme patrimonial » pourrait soulever, j’en ai bien conscience, quelques problèmes de droit de l’urbanisme. Cette appellation est usuelle, mais peut-être n’est-il pas opportun de l’inscrire dans la loi. Vous avez compris ce que je souhaite, mais le principe de réalité s’impose et je crains d’avoir deviné l’avis de Mme la ministre.

Mme la ministre. Je partage bien sûr l’idée qu’il faut veiller à la protection et à la mise en valeur du patrimoine dans les cités historiques ; mais je crois moi aussi qu’il n’est pas souhaitable d’isoler le PLU de la cité historique du reste du PLU, risquant par là même d’affaiblir la cohérence d’ensemble du document. Je sais que le rapporteur a énormément réfléchi à toutes ces questions, et qu’il a déposé un amendement AC510 légèrement différent. Ce dernier proposera une solution judicieuse, à laquelle je serai tout à fait favorable.

L’amendement AC397 est retiré.

La Commission se saisit alors de l’amendement AC510 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit d’un amendement de repli : sans sortir du droit commun et donc sans perturber nos excellents collègues de la commission des affaires économiques qui ont beaucoup travaillé, ces trois dernières années, sur l’urbanisme et le logement, il fait néanmoins d’un PLU comportant des dispositions patrimoniales visées à l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme un PLU pas tout à fait comme les autres.

On oublie donc l’appellation « PLU patrimonial » ; un PLU reste un PLU. Mais, pour garantir la qualité de la protection patrimoniale, je propose qu’un PLU comportant des dispositions patrimoniales soit approuvé après avis de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture (CRPA).

Mme la ministre. Comme je l’ai annoncé, avis favorable à cet excellent amendement. La CRPA est une instance collégiale composée d’élus, de représentants de l’État et de personnalités qualifiées. Son avis – consultatif, mais obligatoire – permettra de s’assurer de la qualité des PLU qui concernent les cités historiques. Je précise que cet avis portera bien sur la partie du document qui couvre la cité historique.

M. François de Mazières. Nous avons là, je crois, la démonstration que cette réforme est inopportune : en renonçant à parler de PLU patrimonial, vous affaiblissez en réalité la protection du patrimoine. L’amendement AC510 est effectivement judicieux. Toutefois, j’appelle votre attention sur les retards considérables qui seront engendrés par ces complexités procédurales.

Mme Sophie Dessus. Aujourd’hui, les communes sont de plus en plus souvent contraintes de signer des PLU intercommunaux, plutôt que de simples PLU ; or si une seule commune comporte une cité historique, ces PLUI seront infiniment plus longs, et plus compliqués, à mettre au point. Ne pourrions-nous pas prévoir que s’il existe une cité historique, le PLUI n’est pas obligatoire ?

Monsieur de Mazières, il était tout à fait possible de mettre en place en même temps une ZPPAUP et un PLU – je l’ai fait, annexant la première au second. Les deux documents avaient la même logique, mais chacun avait sa force propre. Ce sera sans doute la même chose pour un PLU et une cité historique.

M. Michel Herbillon. Nous avons là l’illustration que le PLU n’est pas adapté à la protection du patrimoine. D’autre part, vous accroissez la longueur et la complexité du processus d’élaboration d’un PLU, déjà grandes. Et avec le PLUI tout cela sera pire encore.

M. le rapporteur. Nous utilisons tous les termes de « plan local d’urbanisme patrimonial », même ils n’ont jamais figuré explicitement dans la loi. Avec cet amendement, nous restons dans le droit commun, mais un PLU comportant des dispositions patrimoniales ne pourra être formellement approuvé qu’après l’avis de la CRPA.

Le problème de l’intercommunalité est complexe : nous l’aborderons ultérieurement.

La Commission adopte l’amendement AC510.

Puis elle se saisit de l’amendement AC342 du Gouvernement.

Mme la ministre. Les cités historiques disposeront soit d’un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV), soit d’un PLU comportant des dispositions patrimoniales. Le projet de loi précise déjà que les premiers feront l’objet d’une aide technique et financière de l’État. Il me semble important de préciser que les seconds – nouvel outil à la disposition des collectivités territoriales soucieuses de la mise en valeur de leur patrimoine – bénéficieront également de cette aide technique et financière. Cela va de soi, mais cela va encore mieux en l’écrivant dans cette loi qui marquera une nouvelle étape importante de l’excellence patrimoniale dont notre pays peut s’enorgueillir.

Cet amendement recueillera, je n’en doute pas, un vaste consensus.

M. le rapporteur. Avis très favorable ; je vous remercie, madame la ministre, d’avoir pris l’initiative de déposer cet amendement. Cette question a été au cœur de nos auditions ; en particulier, les associations d’élus locaux que nous avons reçues se sentaient quelque peu démunies face à ce transfert total de maîtrise d’ouvrage. Vous les rassurez, et vous nous rassurez : pour des documents aussi importants, l’assistance technique et financière de l’État sera en effet tout à fait indispensable, et constituera en outre une garantie solide pour la sauvegarde de notre patrimoine.

M. François de Mazières. L’amendement est excellent, mais permettez au maire que je suis de puiser dans son expérience personnelle pour rappeler qu’aujourd’hui, toute réforme d’un plan de sauvegarde coûte extrêmement cher aux communes. À cela, l’État répond qu’il ne dispose pas du moindre euro pour les aider. Autrement dit, madame la ministre, allez-vous ajouter une ligne budgétaire supplémentaire à cet effet ?

Mme la ministre. L’État consacre déjà 6 millions d’euros à l’aide technique et financière à la constitution des documents liés aux ZPPAUP et aux PSLV, entre autres. Cette ligne budgétaire augmentera de l’ordre de 9 % dans le budget de l’an prochain.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC146 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Votre réponse sur l’amendement précédent ne m’a aucunement rassuré ! La modification de son PSMV coûtera 700 000 euros à la ville de Versailles – raison pour laquelle elle n’est toujours pas effectuée. Une augmentation de 9 % ne saurait donc suffire, à moins que vous ne la consacriez intégralement à la seule ville de Versailles !

J’en viens à l’amendement AC146, qui vise à ajouter les mots « et fiscaux » après le mot « droit » à l’alinéa 76, car il est primordial de préserver l’effet de levier fiscal attaché aux ZPPAUP et aux AVAP.

M. le rapporteur. Je comprends parfaitement ce souhait de préserver les avantages fiscaux liés aux défuntes ZPPAUP et aux AVAP, mais il faudrait pour ce faire modifier l’article 199 tervicies du code général des impôts. Il convient en effet de distinguer entre les mesures transitoires au règlement d’urbanisme de ces zones et les mesures fiscales qui sont nécessaires. En outre, je suppose que le Gouvernement s’apprête à satisfaire votre amendement sur le fond.

Mme la ministre. Il est tout à fait souhaitable de maintenir le bénéfice de la fiscalité Malraux dans les cités historiques, ce que prévoient les alinéas 92 et 93 de l’article 24. S’agissant des coordinations nécessaires avec le code général des impôts, il est prévu qu’elles soient réalisées en loi de finances. Je vous propose donc de retirer cet amendement, puisqu’il est satisfait.

M. François de Mazières. Je maintiens l’amendement : cela donnera à Mme la ministre l’occasion de réitérer ces précisions en séance publique.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle se saisit de l’amendement AC399 du rapporteur.

M. le rapporteur. Le présent amendement a pour objet d’imposer un délai à la substitution aux règlements des AVAP et des ZPPAUP d’un plan de sauvegarde et de mise en valeur ou d’un plan local d’urbanisme patrimonial. Un délai de dix ans devrait suffire à permettre aux collectivités concernées de produire les nouveaux documents d’urbanisme. J’ai pris cette initiative car, en ce domaine, il faut manifester notre volontarisme : un délai de dix ans « laisse du temps au temps », comme disait un ancien président de la République. Il nous revient de déclencher ce mouvement – et, du même coup, le changement.

Mme la ministre. Avis favorable.

Mme Sophie Dessus. Ce délai de substitution de dix ans prolonge-t-il de dix ans les ZPPAUP dont le terme était proche ?

M. le rapporteur. Les règlements des ZPPAUP demeurent et s’appliqueront aux cités historiques qui prendront le relais. Plus précisément, l’alinéa 76 prévoit que le règlement de l’AVAP ou de la ZPPAUP applicable à la date mentionnée au I de l’article 40 du présent projet « continue de produire ses effets de droit dans le périmètre de la cité historique jusqu’à ce que s’y substitue un plan de sauvegarde et de mise en valeur ou un plan local d’urbanisme comprenant les dispositions mentionnées au deuxième alinéa du I », l’idée étant que cela se produise dans les dix prochaines années.

La Commission adopte l’amendement.

Elle passe à l’amendement AC38 de Mme Annie Genevard.

M. François de Mazières. Dans les cas – trop fréquents – d’annulation contentieuse d’un PLU, les dispositions du précédent document d’urbanisme s’appliquent conformément à l’article L.121-8 du code de l’urbanisme. Or, les AVAP et les ZPPAUP ne font pas partie de la liste des documents tenant lieu de documents d’urbanisme, contrairement au PSMV. Il faut donc prévoir la possibilité de maintenir les règles de protection du patrimoine dans les futures cités historiques régies par des PLU dits patrimoniaux, qui sont juridiquement plus fragiles.

M. le rapporteur. Ce problème est réel, mais il est déjà résolu par l’article L.121-8 du code de l’urbanisme qui prévoit précisément dans le cas de figure que vous évoquez que le PLU précédent s’applique à nouveau, y compris avec ses annexes que sont le règlement de l’AVAP ou celui de la ZPPAUP.

Mme la ministre. Même avis.

L’amendement AC38 est retiré.

La Commission adopte l’amendement de précision AC400 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement AC185 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Le développement de l’éolien engendre un impact concret, immédiat et durable sur l’environnement, notamment sur le patrimoine naturel et historique. Afin d’éviter certains de ces incontestables dommages, le présent amendement prévoit que chaque commission régionale du patrimoine et de l’architecture fixe un périmètre de protection adapté définissant les zones dans lesquelles des éoliennes peuvent être implantées.

M. le rapporteur. Que l’on n’évoquât point la question des éoliennes au cours du débat m’eût étonné… Votre amendement est satisfait sur le fond, car les documents d’urbanisme pourront fixer dans le périmètre de la cité historique des règles qui empêchent l’implantation d’éoliennes. D’autre part, je ne comprends guère pourquoi vous confiez à une commission pourtant consultative la tâche décisionnaire de fixer ce périmètre de protection. Enfin, la rédaction de votre amendement mérite d’être éclaircie car, paradoxalement, elle revient à ce que la commission régionale définisse une zone dans laquelle les éoliennes peuvent être implantées, alors que l’objectif de protection supposerait au contraire de définir des zones d’exclusion. En dépit de la légitimité de votre préoccupation, je vous propose donc de retirer cet amendement.

Mme la ministre. Même avis.

M. François de Mazières. Je le retire, mais nous y reviendrons au fil du débat.

L’amendement AC185 est retiré.

La Commission passe à l’amendement AC152 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Cet amendement vise à requérir l’intervention d’un architecte ayant acquis une expertise dans le patrimoine pour toute intervention sur le patrimoine bâti. L’architecture patrimoniale – je parle d’expérience, ayant présidé la Cité de l’architecture et du patrimoine – est une spécialisation, que proposent d’ailleurs les écoles d’architecture, celle de Chaillot par exemple. Il est donc utile de prévoir l’intervention d’un architecte sensible à ces questions.

M. le rapporteur. Devant un amendement visant à élargir le recours aux architectes, je ne peux que sauter sur ma chaise tel un cabri… Je défendrai d’ailleurs plus tard des amendements ayant le même objet. Pour l’heure, je comprends votre souhait mais, dans le cas des cités historiques qui nous occupe, tous les travaux sont déjà soumis à l’ABF, à qui nous venons de tresser des lauriers. Imposer une expertise supplémentaire aux projets d’envergure modérée me semblerait contre-productif eu égard à notre volonté commune de créer un désir d’architecture, et non une contrainte d’architecture. Mieux vaut donc en ce domaine privilégier la voie de l’incitation.

Mme la ministre. Même avis. Je me réjouis que la qualité des enseignements dispensés dans nos écoles d’architecture soit ainsi reconnue par l’ensemble des orateurs.

M. Michel Herbillon. Je regrette la position de M. le rapporteur compte tenu des travaux très constructifs que nous avons accomplis dans le cadre de la mission d’information sur la création architecturale, qu’il présidait. L’un de nos objectifs consistait à inciter davantage les particuliers à recourir à des architectes, et nous avions notamment envisagé la création d’un permis simplifié et de prêts bonifiés. Or, cette proposition n’a pas été reprise dans le présent texte ; je le déplore. Pourquoi dès lors refuser cet amendement ? En effet, encourager le recours à l’architecte aiderait cette profession sinistrée, renforcerait la qualité architecturale des projets de construction et le respect du patrimoine, et aiderait aussi les maires.

M. le rapporteur. Sur la notion de seuil, nous défendrons avec conviction les propositions qui nous ont rassemblés lors de la mission sur la création architecturale. Au-delà de ce seuil, le recours à l’architecte est obligatoire. En l’occurrence, nous examinons les projets au sein des cités historiques qui se situent en deçà de ce seuil. Pourquoi donc imposer deux architectes, alors que nous voulons précisément susciter le désir d’architecture ? Cela me semblerait excessif et préjudiciable à la démarche pédagogique que nous défendons tous. Enfin, pour élargir le recours à l’architecte, nous proposerons ultérieurement la création d’un permis de construire sinon simplifié, du moins accéléré pour les projets situés en deçà dudit seuil.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 24 modifié.

*

* *

Après l’article 24

La Commission examine l’amendement AC153 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Cet amendement a une portée concrète et immédiate. En effet, la loi de finances rectificative pour 2014 a supprimé l’avantage fiscal relatif aux monuments historiques pour les immeubles inscrits mis en copropriété. Cette situation pénalise lourdement les communes qui mènent des politiques de reconquête de leur cœur historique par des restaurations de qualité et des reconversions de friches militaires ou industrielles inscrites à l’inventaire supplémentaire. Cette suppression revient à laisser à la seule charge des collectivités la reconversion de ces sites alors même que l’insuffisance des financements de droit commun pour produire du logement public social en acquisition-amélioration ne leur permet pas de mener à bien une telle politique.

Je vis cette situation dans ma ville. L’avantage fiscal en question était particulièrement incitatif pour la requalification du patrimoine historique, qui constitue un besoin pressant. Je regrette qu’il ait été supprimé pour les immeubles inscrits et réservé aux seuls immeubles classés, beaucoup moins nombreux.

M. le rapporteur. Vous souhaitez élargir le champ des bénéficiaires potentiels de l’article 156 du code général des impôts, qui permet la déduction des charges afférentes à un monument historique ou à un immeuble ayant reçu le label de la Fondation du patrimoine, lequel offre une garantie. Il est vrai que ce champ a été réduit par la dernière loi de finances qui a modifié l’article 156 bis du même code. Je suis donc favorable à votre amendement qui, sans modifier l’économie générale du dispositif actuel, l’étend à un certain nombre d’immeubles qui doivent pouvoir en bénéficier. Il me semble en effet utile de revenir sur cette suppression qui n’aurait jamais dû avoir lieu.

Mme la ministre. Vous savez à quel point je suis favorable à la transformation d’usage ainsi qu’à la valorisation des monuments historiques et, plus largement, des bâtiments d’intérêt patrimonial. De ce point de vue, je mène plusieurs initiatives concernant le patrimoine du ministère de la culture mais aussi, avec la Fondation du patrimoine, le patrimoine privé. J’y vois un moyen très efficace de contribuer à l’entretien, à la restauration et à la transmission aux générations futures de ces bâtiments. L’enjeu, en effet, est bien souvent de leur attribuer une nouvelle destination sans laquelle leur conservation pourrait être mise en péril.

De fait, 68 % des demandes d’agrément au titre de l’article 156 bis V concernent des immeubles inscrits : nous poursuivons donc le même objectif que vous. Cela étant, le présent projet de loi ne me semble absolument pas constituer le véhicule législatif adapté pour aborder cette question, comme l’a d’ailleurs jugé le Conseil constitutionnel dans une récente décision. Je vous propose donc de retirer l’amendement pour revenir à ce sujet en loi de finances.

M. François de Mazières. J’entends les sages arguments de M. le rapporteur et les vôtres, madame la ministre, mais je tiens en maintenant l’amendement à vous offrir l’occasion de confirmer publiquement qu’il convient de rétablir la situation antérieure à la loi de finances rectificative de 2014.

La Commission rejette l’amendement.

Elle se saisit de l’amendement AC155 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. L’article 544 du code civil dispose que « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ». Or, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, « le propriétaire d’une chose ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de celle-ci ; il peut toutefois s’opposer à l’utilisation de cette image par un tiers lorsqu’elle lui cause un trouble anormal ».

Paradoxalement, le droit d’auteur protège les créations architecturales récentes, mais pas le patrimoine ancien. Il incombe donc au propriétaire d’un monument historique de lourdes charges d’entretien de son bien immeuble alors qu’il ne peut en contrôler l’image. C’est ainsi que les bénéfices de la vente d’une carte postale ne servent pas à en financer l’entretien mais enrichissent l’auteur de la photographie.

Cet amendement vise à ce que le code de la propriété intellectuelle impose à toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle à but lucratif – je fais cette précision à l’intention de Mme Attard – d’un monument historique de faire l’objet d’un accord préalable de son propriétaire. Cette juste proposition répond à la préoccupation des personnes qui se battent pour faire vivre nos monuments historiques – de moins en moins nombreuses, hélas, car nombreux sont les monuments mis en vente.

M. le rapporteur. Il me semblait bien que vous n’aviez pas emprunté cet amendement à Mme Attard… En l’espèce, je partage votre point de vue : il n’est pas normal que l’on puisse utiliser l’image d’un monument historique à des fins commerciales sans en avertir le propriétaire. Je ne saurais néanmoins donner un avis favorable à cet amendement qui prévoit un dispositif trop large et risque d’engendrer de nombreuses lourdeurs administratives, pour un bénéfice modeste. Je pense au cas des tournages de films : il sera bien difficile, dans une ville qui m’est chère, de tourner des images sans avoir à recueillir l’accord préalable de nombreux propriétaires.

Mme la ministre. Même avis. J’ajoute qu’une telle mesure ne saurait s’appuyer sur le droit d’auteur, lequel a pour objet de protéger la création intellectuelle. D’autre part, le régime de la domanialité publique permet d’ores et déjà de contrôler certains usages de l’image des biens publics.

M. François de Mazières. Malgré ces explications intéressantes, je maintiens l’amendement car ce débat me semble utile.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC154 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Ce projet de loi ne prévoit pas explicitement qu’une commune puisse conserver dans son PLU intercommunal la compétence d’urbanisme patrimonial en cas de blocage de la part de l’intercommunalité. De nombreuses collectivités s’inquiètent de cette situation, comme on l’a rappelé à maintes reprises. Le présent amendement vise donc à ce qu’un plan de secteur soit établi de plein droit sur le périmètre de la cité historique, les orientations et règlements étant soumis à l’accord de la commune concernée. Nous souhaitons en effet protéger les communes qui abriteraient un monument historique essentiel et qui ne seraient pas soutenues par leur intercommunalité.

M. le rapporteur. Vous proposez que la commune qui est le siège de la cité historique accède de plein droit à un plan de secteur ; cette possibilité, qui existe actuellement dans le cadre de l’intercommunalité, n’est en effet pas accordée de plein droit. Or, il me semble dommageable de retirer à l’intercommunalité compétente en matière d’urbanisme la capacité d’élaborer le PLU patrimonial, car le rayonnement de la cité historique dépasse bien souvent la seule commune siège et couvre toute l’intercommunalité.

Toutefois, il faut prévoir une solution en cas de blocage, lorsque l’intercommunalité se désintéresse de la question. Ayant beaucoup travaillé sur ce sujet extrêmement compliqué, compte tenu des dispositions que le Parlement a, l’an dernier, adoptées en ce domaine, je proposerai à l’article 36 un amendement qui va dans le même sens que le vôtre et qui s’inspire directement de la disposition actuelle concernant les plans de secteur. Je vous invite donc à me faire confiance en retirant cet amendement.

Mme la ministre. Même avis.

M. François de Mazières. J’accepte l’invitation de M. le rapporteur.

L’amendement AC154 est retiré.

La Commission se saisit alors de l’amendement AC178 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Plusieurs associations ont manifesté le souhait de disposer d’un inventaire plus détaillé, en particulier du petit patrimoine. C’est pourquoi cet amendement vise à insérer un article prévoyant notamment que le règlement du plan local d’urbanisme en cité historique s’appuie sur un inventaire préalable du patrimoine de ladite cité. En effet, il est indispensable de maintenir un inventaire des richesses patrimoniales qui existent en cité historique. La France est en retard dans ce domaine : elle possède 40 000 éléments de patrimoine inscrits ou classés, tandis que l’Allemagne en a plus d’un million. Il faut donc renforcer la notion d’inventaire.

M. le rapporteur. Je suis d’autant plus sensible à cette préoccupation que j’ai encore à l’oreille des revendications concernant l’inventaire préalable du petit patrimoine – le patrimoine dit vernaculaire. Vous proposez de donner davantage de force au PLU patrimonial mais, compte tenu des arguments présentés par Mme la ministre, du fait que la consultation de la CRPA est désormais obligatoire et, de surcroît, de l’adoption d’un amendement du Gouvernement concernant l’aide technique et financière de l’État à l’élaboration du PSMV et du PLU patrimonial, nous avons déjà fait œuvre utile. Enfin, l’alinéa 6 de l’article 36 prévoit que « lorsque le plan local d’urbanisme couvre le périmètre d’une cité historique, le diagnostic mentionné au deuxième alinéa s’appuie sur un inventaire du patrimoine de la cité historique ». En ce domaine, il me semble donc que nous avons le fromage et le dessert, si j’ose dire…

Mme la ministre. Même avis.

L’amendement AC178 est retiré.

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Article 25
(L. 641-1 et L. 641-2, L. 641-3 et L. 641-4 [nouveaux], art. L. 642-1 et L. 642-2
du code du patrimoine)

Modification du titre IV du livre VI du code du patrimoine

Le présent article remplace les dispositions de l’actuel titre IV, consacré aux espaces protégés, par des dispositions relatives aux sanctions pénales et administratives applicables aux infractions au livre VI du code du patrimoine. Celles-ci étaient auparavant prévues par les articles L. 624-1 à L. 624-7, supprimés par le 11° du I de l’article 24 du présent projet de loi (cf. supra).

Le titre IV, désormais intitulé : « Dispositions pénales et sanctions administratives », comporte deux chapitres, l’un consacré aux dispositions pénales, l’autre aux sanctions administratives.

1. Les dispositions pénales relatives à la protection du patrimoine

Au sein du premier chapitre, quatre articles qualifient les infractions au livre VI du code du patrimoine et définissent les peines et procédures applicables.

L’article L. 641-1, dans sa nouvelle rédaction, réprime la réalisation de certains travaux effectués sans respect des formalités prévues :

– les travaux réalisés sur des immeubles classés,

– le détachement d’un immeuble par destination attaché à un immeuble classé ; sur ce point, il convient de noter que l’article L. 621-9, dans sa rédaction issue de l’article 24 du présent projet de loi, fait référence, non pas à l’ensemble des immeubles par destination, mais aux seuls effets mobiliers attachés à perpétuelle demeure, notion qui semble devoir être reprise ici pour plus d’exactitude ;

– les travaux réalisés sur des immeubles inscrits,

– le détachement d’un immeuble par destination attaché à un immeuble inscrit,

– les travaux réalisés sur des immeubles protégés au titre des abords,

– les travaux réalisés sur des immeubles protégés au titre des cités historiques.

Toutes ces infractions sont punies des mêmes peines, ce qui contribue à renforcer la cohérence des dispositifs de protection du patrimoine. Plus précisément, ce sont les peines prévues à l’article L. 480-4 du code de l’urbanisme qui s’appliquent à ces faits, soit « une amende comprise entre 1 200 euros et un montant qui ne peut excéder, soit, dans le cas de construction d’une surface de plancher, une somme égale à 6 000 euros par mètre carré de surface construite, démolie ou rendue inutilisable au sens de l’article L. 430-2, soit, dans les autres cas, un montant de 300 000 euros ». Le montant d’une telle amende semble à même de dissuader les propriétaires peu scrupuleux de réaliser des travaux sans autorisation sur des immeubles protégés.

Le II de l’article L. 641-1 prévoit également de renvoyer aux dispositions des articles L. 480-1 à L. 480-3 et L. 480-5 à L. 480-9 du code de l’urbanisme pour établir la procédure applicable, tout en leur apportant certaines précisions.

Ainsi, les infractions pourraient être constatées par les officiers de police judiciaire, tous les fonctionnaires et agents de l’État et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire, le ministre chargé de l’urbanisme (65) ou le ministre chargé de la culture et assermentés.

Une interruption de travaux peut également être ordonnée soit sur réquisition du ministère public agissant à la demande du maire, du fonctionnaire compétent ou d’une association de défense de l’environnement, soit, même d’office, par le juge d’instruction saisi des poursuites ou par le tribunal correctionnel (66). Le maire peut également prononcer l’interruption des travaux dès qu’un procès-verbal constatant l’infraction a été dressé, et si l’autorité judiciaire ne s’est pas encore prononcée. En application du 2° du II de l’article, l’interruption de travaux pourra également être demandée par le préfet de région ou le ministre chargé de la culture, qui pourront également l’ordonner par arrêté motivé si un procès-verbal a été dressé et que l’autorité judiciaire ne s’est pas encore prononcée. En application de l’article L. 480-3 du code de l’urbanisme, auquel il est explicitement renvoyé, les personnes – utilisateurs, bénéficiaires, architectes, entrepreneurs, etc. – qui continuent les travaux en dépit de l’interruption de travaux prononcée par l’autorité judiciaire ou administrative encourent une amende de 75 000 euros et trois mois d’emprisonnement.

Par ailleurs, en application du 3° du II de l’article, le tribunal peut prononcer soit une mise en conformité avec les prescriptions du ministre chargé de la culture, soit la démolition de l’ouvrage ou la réaffectation du sol en vue du rétablissement des lieux dans leur état antérieur. Il peut, pour s’assurer de la bonne exécution de sa décision, prononcer une astreinte ou ordonner l’exécution d’office aux frais de la personne condamnée.

Enfin, le dernier alinéa de l’article L. 641-1 prévoit que les personnes commissionnées par le ministre en charge de la culture et assermentées bénéficient du droit de visite et de communication prévu à l’article L. 461-1 du code de l’urbanisme. Ils peuvent ainsi « visiter les constructions en cours, procéder aux vérifications qu’ils jugent utiles et se faire communiquer tous documents techniques se rapportant à la réalisation des bâtiments ». Le fait de faire obstacle à cette visite est puni d’une amende de 3 750 euros en application de l’article L. 480-12 du code de l’urbanisme.

L’article L. 641-2, dans sa nouvelle rédaction, réprime les infractions relatives aux objets mobiliers. Notamment, sont punis de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende – soit des peines deux fois plus élevées que les peines actuelles – le non-respect des dispositions du code du patrimoine relatives à :

– la division ou l’aliénation par lot ou pièce d’un ensemble historique mobilier classé,

– le déplacement d’un objet mobilier classé ou de tout ou partie d’un ensemble historique mobilier classé faisant l’objet d’une servitude de maintien dans les lieux dans un immeuble classé,

– la modification d’un objet mobilier classé ou de tout ou partie d’un ensemble historique mobilier classé,

– la modification, réparation ou restauration, et l’aliénation d’un objet mobilier inscrit,

– le déplacement d’un objet mobilier classé ou inscrit.

En cas d’infraction relative aux travaux sur des objets ou ensembles mobiliers protégés, le II de cet article prévoit que le ministre chargé de la culture ou son délégué peuvent, si l’autorité judiciaire ne s’est pas encore prononcée, décider de l’interruption des travaux et de la remise en état de l’objet mobilier aux frais de l’auteur de l’infraction, dès qu’un procès-verbal a été dressé. Ces mesures peuvent être prononcées sur réquisition du ministère public, à la demande du ministre, soit d’office par la juridiction compétente, qui peut prononcer une astreinte ou imposer l’exécution d’office aux frais de l’auteur.

Le III précise que la poursuite, au plan pénal, du non-respect des règles relatives aux travaux réalisés sur les objets et ensembles mobiliers classés, ne fait pas obstacle à une action en dommages et intérêts contre ceux qui ont ordonné les travaux.

Le nouvel article L. 641-3 précise que ces infractions sont constatées par des procès-verbaux dressés par les agents publics du ministère de la Culture commissionnés à cet effet et assermentés.

Enfin, le nouvel article L. 641-4 punit de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende le fait, pour toute personne chargée de la conservation ou de la surveillance d’un immeuble ou d’un objet mobilier protégé au titre des monuments historiques de le « laisser détruire, abattre, mutiler, dégrader ou soustraire », y compris par négligence grave. Ainsi, les peines sont doublées par rapport à l’actuel article L. 624-6, et le champ de l’infraction est étendu aux immeubles et objets inscrits au titre des monuments historiques.

Toutefois, la rédaction retenue méritait d’être précisée. En effet, la mention « y compris par négligence grave » ne permet pas de définir avec précision l’intention de l’auteur des faits. S’il est clair qu’il serait inquiété dans le cas d’une négligence grave, comme c’est actuellement le cas, la rédaction initiale de l’article ne permettait pas de savoir si un manquement grave à une obligation professionnelle pourrait, par exemple, entrer dans le champ de cette infraction. Or, il apparaît qu’un tel comportement, s’il a eu des conséquences, doit être réprimé. C’est pourquoi la Commission a adopté un amendement du rapporteur visant à ce que cette infraction soit constituée dans deux cas de figure seulement : en cas de négligence grave ou en cas de manquement grave à une obligation professionnelle.

2. Les sanctions administratives relatives à la protection du patrimoine

Les alinéas 26 à 32 du présent article fixe les sanctions administratives applicables à certaines infractions au livre VI du code du patrimoine. En effet, comme l’indique l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, le Gouvernement a fait le choix de réprimer certains faits sur un plan purement administratif, afin d’assurer plus efficacement leur répression.

Ainsi, en application de l’article L. 642-1 dans sa nouvelle rédaction, sont passibles d’une amende de 6 000 euros (67) :

– le fait d’aliéner un immeuble classé appartenant à une personne publique sans appeler l’administration à formuler des observations (68) ;

– le fait d’aliéner un immeuble classé ou inscrit sans notification préalable à l’administration ou sans faire connaître au futur acquéreur le classement ou l’inscription du bien (69) ;

– le fait, pour les propriétaires d’objets classés, de ne pas les présenter en vue de leur récolement par l’administration (70) ;

– le fait, pour un particulier, d’aliéner un objet classé sans notification préalable à l’administration ou sans faire connaître au futur acquéreur le classement ou l’inscription du bien (71) ;

Dans un souci de cohérence, la Commission a adopté deux amendements visant relatifs à la répression des infractions relatives aux objets mobiliers : si les infractions portant atteinte à leur intégrité doivent être réprimées au plan pénal, le non-respect des règles relatives à l’aliénation ou au déplacement des objets mobiliers protégés doivent l’être au plan administratif.

Par ailleurs, l’article L. 642-2, dans sa nouvelle rédaction, réprime de façon autonome le non-respect des dispositions de l’article L. 622-14 relatif à l’aliénation des objets classés appartenant à une personne publique. Ainsi, l’aliénation d’un objet classé appartenant à l’État, qui est interdite, serait passible d’une amende administrative de 6 000 euros pour une personne physique et de 30 000 euros pour une personne morale ; de la même façon, l’aliénation d’un objet classé appartenant à une collectivité territoriale ou à un établissement public est passible de la même sanction si elle est effectuée sans l’accord de l’administration.

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La Commission adopte l’amendement de précision AC401 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement AC402 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement de cohérence vise à ce que les infractions aux règles relatives au déplacement d’objets mobiliers protégés soient toutes réprimées au plan administratif, selon la ligne de partage établie par le texte.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AC403 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement précise le champ de l’infraction définie à l’article L. 641-4 du code du patrimoine en indiquant que le manquement grave à une obligation professionnelle et la négligence grave peuvent engager la responsabilité pénale de la personne chargée de la conservation ou de la surveillance du bien.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement l’amendement AC404 du rapporteur visant à rectifier une erreur matérielle, puis son amendement de cohérence AC405.

Elle adopte ensuite l’article 25 modifié.

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Après l’article 25

La Commission examine de l’amendement AC188 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. L’installation de bâches publicitaires sur les échafaudages de chantiers de restauration de monuments historiques produit un revenu directement affecté à ces travaux. Le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, en cours de discussion, prévoit malheureusement de supprimer cette possibilité au motif que les bâches peuvent porter atteinte au paysage urbain. Pour contourner ce que je pense être une erreur, car l’entretien du patrimoine suppose des ressources, je propose de compléter l’article L. 621-29-8 du code du patrimoine par la mention : « en veillant à la préservation du paysage urbain ».

M. le rapporteur. La disposition du code du patrimoine que vous visez est utile au financement de la rénovation de nombreux monuments historiques. L’insertion de la bâche publicitaire dans son environnement étant évidemment l’un des critères d’octroi de la dérogation, votre amendement est satisfait en pratique. J’en suggère donc le retrait.

Mme la ministre. De fait, les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) donnent déjà un avis sur la qualité visuelle de ces bâches, si bien que l’amendement ne me paraît pas nécessaire. Vous l’avez dit, l’Assemblée nationale a voté l’abrogation de cet article du code du patrimoine contre l’avis du Gouvernement, mais de nombreux parlementaires de tous bords ont dit souhaiter son rétablissement. Je vous propose donc d’attendre la fin de la discussion par le Parlement du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, et, dans l’intervalle, de retirer l’amendement.

M. François de Mazières. Je tente par cet amendement d’aider le Gouvernement à revenir sur une disposition imbécile, en la court-circuitant. Je le maintiens.

M. le rapporteur. En l’état du droit, votre amendement est satisfait. Ne considérons pas que le débat sur le projet de loi relatif à la reconquête de la biodiversité aura une issue obligatoirement négative : le Sénat ayant rétabli la disposition regrettablement abrogée par notre Assemblée en première lecture, nous ne désespérons pas d’obtenir gain de cause !

M. Michel Herbillon. La précaution supplémentaire proposée n’est pas inutile, certaines bâches publicitaires ainsi affichées ayant été l’occasion de bien des excès.

M. le président. Le vote définitif de la loi relative à la biodiversité interviendra avant que le débat sur le texte qui nous occupe soit achevé. Cela vous permettra de reprendre l’amendement le cas échéant.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

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Article 26
(art. L. 650-1 et L. 650-2 [nouveaux] du code du patrimoine)

Labellisation des immeubles présentant un intérêt architectural

Le présent article introduit un nouveau titre, consacré à la « qualité architecturale », au sein du livre VI du code du patrimoine. Il fait écho aux dispositions réglementaires relatives au « Label XXème siècle » mis en place par le ministère de la Culture depuis 1999.

Le présent article prévoit ainsi que les immeubles, ensembles architecturaux ou aménagements de moins de cent ans et présentant un intérêt architectural ou technique suffisant reçoivent un label spécifique, accordé par l’autorité administrative après avis de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture. Ce label disparaît automatiquement cent ans après la construction de l’immeuble en question ; il en est de même lorsque celui-ci est classé ou inscrit au titre des monuments historiques, ce qui évite les doublons qui existent aujourd’hui pour près de deux tiers des immeubles bénéficiant du label « XXe siècle ».

Les biens recevant ce label bénéficient d’une protection particulière s’ils ne font pas l’objet d’une autre protection au titre du code du patrimoine, au titre des abords ou des cités historiques, ou qu’ils ne sont pas identifiés par le règlement du plan local d’urbanisme comme étant à protéger, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d’ordre culturel, historique, architectural ou écologique. Là encore, l’objectif poursuivi est d’éviter les doublons inutiles.

Le propriétaire d’un immeuble labellisé sera ainsi tenu d’informer l’autorité administrative, préalablement au dépôt d’une demande de permis ou d’une déclaration préalable, des travaux qu’il envisage d’effectuer et susceptibles de modifier ledit bien. L’administration sera ainsi informée des projets envisagés pour les immeubles labellisés, et pourra assurer leur protection, le cas échéant, par les dispositifs existants.

La Commission, à l’initiative conjointe de M. de Mazières et du Gouvernement, a adopté un amendement sous-amendé par le rapporteur visant à compléter le présent article. Un nouvel article L. 650-2 du code du patrimoine doit ainsi prévoir l’apposition du nom de l’architecte auteur du projet architectural et de la date d’achèvement de l’ouvrage sur l’une des façades extérieures de l’immeuble en question, afin de renouer avec une pratique qui mettait utilement en valeur l’acte de création architecturale.

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La Commission examine l’amendement AC173 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Le patrimoine de moins de cent ans doit être protégé, mais sa restauration pose des problèmes techniques aigus qui la rendent très coûteuse. Aussi proposons-nous de prévoir une étude préalable à la labellisation, pour mesurer la faisabilité et le coût de la sauvegarde des bâtiments concernés.

M. le rapporteur. La labellisation n’emportant aucune contrainte technique ou financière ni pour l’administration ni pour le propriétaire du bien, j’invite au retrait de l’amendement.

M. François de Mazières. Si on labellise de trop nombreux bâtiments, le ministère, victime de cet engorgement, ne pourra pas suivre. Or, la tendance actuelle est, après n’avoir rien classé, à vouloir tout classer. Une politique de labellisation structurée du patrimoine du XXe siècle suppose que l’on sache quel sera son coût, et que l’on ne labellise que les bâtiments d’exception.

Mme la ministre. Le label est conçu pour signaler au public les œuvres les plus caractéristiques de la création récente et, leur singularité étant reconnue, pour leur donner une chance d’être transmises aux générations futures. L’appréciation de l’état des édifices visés fait partie des constats scientifiques qui doivent nécessairement être menés, mais ce ne peut être un critère de labellisation, puisque le label n’entraîne pas une protection emportant des servitudes d’utilité publique. Avis, pour ces raisons, défavorable à un amendement que je pense né d’une confusion entre labellisation et classement ou inscription à l’inventaire.

M. François de Mazières. L’amendement vise à signifier que, même sous la forte pression des élus, on ne peut tout labelliser, et que le label doit continuer de distinguer des bâtiments d’un intérêt architectural ou technique singulier qu’il faudra sauvegarder.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC120 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. L’amendement précise que le label peut concerner des bâtiments isolés ou des ensembles de bâtiments, comme des aménagements d’espaces publics et des ouvrages d’art.

M. le rapporteur. L’amendement me paraît partiellement satisfait, les immeubles pouvant recevoir ce label à titre autonome ou en tant qu’ensemble architectural ; en outre, le terme « aménagement » est suffisamment large pour viser également les aménagements d’espaces urbains. Mais il est vrai que nous pourrions introduire explicitement les ouvrages d’art dans le texte lors son examen en séance publique. Nous travaillerons ensemble à une rédaction qui vous agréera ; dans l’intervalle, je vous propose de retirer l’amendement.

Mme la ministre. Même avis.

L’amendement AC120 est retiré.

La Commission est saisie, en discussion commune, des amendements AC121 de Mme Marie-George Buffet et AC195 de M. François de Mazières.

Mme Marie-George Buffet. Défendu !

M. François de Mazières. En introduisant dans la loi un label spécifique au patrimoine d’intérêt architectural récent, le nouvel article L. 6501 du code du patrimoine poursuit l’intégration dans le droit français de la recommandation du Conseil de l’Europe relative à la protection du patrimoine architectural du XXe siècle. Il s’agit d’éviter que des édifices majeurs présentant un intérêt architectural incontestable disparaissent sans qu’une concertation en amont puisse être menée, en permettant au ministère de la culture d’être informé par les propriétaires des travaux qu’ils envisagent de réaliser et qui sont susceptibles de modifier les édifices labellisés. Néanmoins, dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État a relevé que l’absence de sanction en cas de méconnaissance peut priver la disposition de son effectivité.

Aussi l’amendement AC195 prévoit-il que cette information constitue une formalité substantielle du permis de construire et qu’elle peut donner lieu à des recommandations. Le certificat d’information préalable et les recommandations éventuelles devront donc figurer au dossier de demande de permis ; en cas d’absence de ces documents, c’est l’autorité qui délivre le permis qui devra saisir la DRAC plutôt que de renvoyer le dossier au pétitionnaire et de l’obliger à reprendre la procédure à zéro.

M. le rapporteur. L’amendement AC121 est en partie satisfait, car l’autorité administrative sera informée des perspectives de démolition d’un bien labellisé. Vous souhaitez par ailleurs, madame Buffet, que soit mieux prise en compte la propriété intellectuelle des constructions labellisées et que leur auteur ou ses ayant droits soient consultés lorsqu’un projet de démolition est envisagé. Je crains que cet amendement ne complique un dispositif intentionnellement très souple ; j’en demande donc le retrait.

Le label, monsieur de Mazières, ne constitue pas un nouveau dispositif de protection. Il vise à instaurer un dialogue avec le propriétaire pour permettre à l’administration de réagir le cas échéant en recourant aux instruments qui existent. Je ne souhaite pas retenir l’amendement AC195 qui alourdit le dispositif sans nécessité.

Mme la ministre. Même avis sur les deux amendements. L’article L. 650-1 tend déjà à assurer l’information des services de l’État avant la réalisation de travaux susceptibles de modifier un immeuble labellisé. L’objectif visé par l’amendement AC121 est donc satisfait, mais l’information prévue dans le projet me paraît préférable à une consultation qui introduirait une lourdeur supplémentaire. L’amendement AC195 est également satisfait, la jurisprudence sur ce point considérant que les propriétaires ne peuvent exercer leur droit que dans la limite du respect du droit moral de l’auteur ou de ses ayants droit.

L’amendement AC121 est retiré.

M. François de Mazières. Pour avoir souvent entendu des architectes s’inquiéter des perspectives de destruction de leurs œuvres, je maintiens que la disposition que je propose est utile.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AC195.

Elle examine ensuite, en discussion commune, l’amendement AC181 de M. François de Mazières et l’amendement AC349 du Gouvernement, qui fait l’objet du sous-amendement AC501 du rapporteur.

M. François de Mazières. Le plaisir du promeneur des villes est enrichi par la lecture, sur nombre d’immeubles anciens, du nom des architectes qui les ont bâtis et de la date de leur construction. Cette signature visible crée une responsabilité supplémentaire pour les architectes et valorise leur travail. Mais cette habitude s’est perdue. Je propose par l’amendement AC181 de rendre ces inscriptions obligatoires pour toute construction nouvelle. Cela est fait sur tous les bâtiments publics dans la ville dont je suis maire et les architectes y sont très sensibles.

Mme la ministre. J’approuve cette disposition. Afin de valoriser le rôle et la responsabilité de l’architecte et de favoriser une meilleure connaissance de l’architecture par le grand public, le Gouvernement propose, par l’amendement AC349, de rendre obligatoire la mention du nom de l’architecte sur tout bâtiment qu’il aura construit ; la mesure tend également à faciliter l’exercice du droit moral de l’architecte et de ses ayant-droits. Cette possibilité existe actuellement, mais sans obligation législative ni réglementaire, à l’initiative du maître d’ouvrage ou à la demande de l’architecte avec l’accord du maître d’ouvrage. Pour éviter toute ambiguïté, il est précisé que lorsque plusieurs architectes interviennent sur une même opération, sera inscrit le nom de l’« auteur du projet architectural », au sens de l’article 3 de la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture, confirmé par le code de la propriété intellectuelle.

Pour tenir compte de ce que certains bâtiments n’ont aucune façade sur rue, il est proposé d’écrire que « le nom de l’architecte auteur du projet architectural d’un bâtiment est apposé sur une de ses façades ». Cette rédaction permet de mieux satisfaire l’objectif commun de M. de Mazières et du Gouvernement.

M. le rapporteur. Par souci de synthèse, mon sous-amendement AC501 vise à codifier cette disposition dans un nouvel article L. 650-2, en mentionnant également l’inscription de la date d’achèvement de l’ouvrage sur l’une de ses façades extérieures.

Mme la ministre. Avis favorable au sous-amendement.

M. François de Mazières. Je suis favorable à l’amendement du Gouvernement tel que sous-amendé. Je retire donc l’amendement AC181.

L’amendement AC181 est retiré.

La Commission adopte successivement le sous-amendement AC501 et l’amendement AC349 ainsi sous-amendé.

Puis elle adopte l’article 26 modifié.

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Article 26 bis (nouveau)
(art. L. 1616-1 du code général des collectivités territoriales)

Dispositions relatives à l’insertion d’œuvres d’art dans les constructions

À l’initiative du rapporteur, la Commission a adopté un amendement visant à améliorer le fonctionnement du dispositif dit de « 1 % artistique », prévu à l’article L. 1616-1 du code général des collectivités territoriales.

Faisant suite aux recommandations du rapport de la mission d’information sur la création architecturale de juillet 2014, le présent article complète l’article L. 1616-1 du code précité afin de permettre la sélection de l’auteur de l’œuvre d’art insérée dans la construction le plus en amont possible. Ainsi, une fois le maître d’œuvre choisi, les collectivités devront sans délai s’attacher à sélectionner l’œuvre faisant l’objet de l’insertion. Par ailleurs, le présent article consacre l’objectif de diversité culturelle en favorisant le recours à des artistes différents et à des arts divers.

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La Commission est saisie de l’amendement AC407 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement traduit la proposition n° 24 du rapport de notre mission d’information sur la création architecturale, déposé le 2 juillet 2014. Il vise à modifier le fonctionnement du « 1 % artistique » sur deux points. Il s’agit d’une part de sélectionner le plus tôt possible l’artiste qui sera à l’origine de l’œuvre insérée, pour qu’elle soit intégrée très en amont dans le projet architectural, d’autre part de favoriser la diversité des arts auxquels on recourt par ce dispositif.

Mme la ministre. Cette excellente disposition est probablement de niveau réglementaire, mais mon avis est très favorable.

La commission adopte l’amendement.

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Article 26 ter (nouveau)
(art. L. 232-2 du code de l’énergie)

Rôle des conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement en matière de rénovation énergétique

À l’initiative du rapporteur, la Commission a adopté un article visant à favoriser le recours aux conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) en cas de rénovation énergétique.

Le présent article modifie à cet effet l’article L. 232-2 du code de l’énergie, relatif au service public de la performance énergétique de l’habitat. Créé par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, les plateformes territoriales de la rénovation énergétique fournissent des conseils de nature technique, règlementaire et fiscale aux consommateurs qui souhaitent entreprendre la rénovation énergétique de leur logement. Ces plateformes peuvent être gérées par les collectivités, les services de l’État, des associations ou des CAUE.

Le présent article prévoit que ces plateformes recommandent aux maîtres d’ouvrage de prendre l’attache du CAUE si celui-ci n’a pas déjà délivré un conseil énergétique en tant que gestionnaire de la plateforme. Une telle disposition permet au CAUE de compléter le conseil énergétique par une approche architecturale et globale du projet.

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Elle examine ensuite l’amendement AC406 du rapporteur.

M. le rapporteur. Comme d’autres qui suivront, l’amendement tend à reconnaître le rôle joué par les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE). Celui-ci précise le dernier alinéa de l’article L. 232-2 du code de l’énergie, relatif aux plateformes territoriales de la rénovation énergétique. Lorsqu’elles sont gérées par les CAUE, le conseil en efficacité énergétique est optimisé par l’approche globale du projet. Lorsqu’un autre organisme gère la plateforme et délivre les conseils en rénovation énergétique, il doit recommander au maître d’ouvrage de demander également conseil au CAUE, afin qu’il puisse compléter le conseil en efficacité énergétique par une approche architecturale. Tel est l’objet de l’amendement.

Mme la ministre. Cette possibilité existe déjà sans que la loi doive le préciser. Je m’en remets donc à la sagesse de votre commission.

La commission adopte l’amendement.

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Après l’article 26

Puis elle se penche sur l’amendement AC415 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement reprend la proposition n° 29 du rapport de la mission d’information sur la création architecturale. Pour permettre à celle-ci de se déployer, il s’agit de délimiter, dans le règlement du plan local d’urbanisme, des secteurs à l’intérieur desquels les règles d’urbanisme en matière de caractéristiques architecturales sont volontairement minimales. Dans ces secteurs, la délivrance des permis de construire serait subordonnée à la constatation de la qualité architecturale du projet.

Mme la ministre. Vous avez déposé un peu plus loin, monsieur le rapporteur, un autre amendement qui vise le même objectif en définissant mieux les moyens d’y parvenir. Je suggère donc le retrait de celui-ci.

L’amendement AC415 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement AC503 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement, qui reprend une autre des propositions de la mission, a pour objet de raccourcir les délais d’instruction des demandes de permis de construire présentées par les particuliers ou les exploitants agricoles qui usent des services d’un architecte alors que la loi ne les y oblige pas. Il s’agit d’encourager le recours à des architectes pour enrayer le mal français qui veut que, malheureusement, deux tiers des constructions neuves dans notre pays se fassent sans eux. D’autres incitations en ce sens, d’ordre réglementaire celles-là, sont possibles, par le biais des documents annexés à la demande de permis de construire. Sur ce plan, je laisserai le soin à Mme la ministre de contribuer, dans le cadre de la stratégie nationale pour l’architecture en cours d’élaboration, à apaiser notre souci commun.

Mme la ministre. Je suis heureuse que l’occasion nous soit donnée de traduire dans la loi des mesures travaillées collectivement et qui, dans le cadre de la stratégie nationale pour l’architecture, sont destinées à encourager le recours aux architectes, dont on sait l’apport à l’esthétique et à l’urbanisme pour les constructions individuelles. Recourir à un architecte, c’est se prémunir contre de nombreux risques et c’est la source d’économies importantes.

C’est pourquoi nous avons travaillé, avec le ministère chargé du logement et l’Ordre des architectes, à la mise au point d’une mesure proche de celle que vous préconisez : l’expérimentation volontaire, par des collectivités territoriales intéressées, d’un permis de construire simplifié et au délai de délivrance abrégé pour les particuliers qui s’adressent à un architecte en dessous des seuils de recours obligatoire, dans des secteurs à instruction simple, hors législation connexe. Nous pourrons ainsi analyser l’impact exact d’une telle mesure. Je vous demande donc de bien vouloir retirer l’amendement.

M. le rapporteur. Si je vous suis bien, madame la ministre, vous proposez une expérimentation pour mesurer l’impact du permis simplifié avant de lui conférer une valeur législative ?

Mme la ministre. Tout à fait. Il s’agit de l’expérimentation d’un permis simplifié et au délai d’obtention raccourci pour les constructions faisant appel à un architecte en dessous du seuil.

M. Michel Herbillon. C’est un sujet important, dont nous avons longuement débattu au sein de la mission d’information, et j’aurais préféré que l’amendement du rapporteur soit adopté. Combien de temps cette expérimentation, avant la généralisation que nous souhaitons, durera-t-elle ?

Mme la ministre. Deux ans me paraissent une durée raisonnable.

M. le rapporteur. Nous reverrons le sujet en séance. Le lancement rapide de l’expérimentation, avant la fin de l’examen de ce projet de loi, est souhaitable. Par ailleurs, un délai de deux ans semble en effet raisonnable. Je vous remercie, madame la ministre, pour cette annonce ; une telle expérimentation posera les bases d’un permis de construire simplifié pour tous les particuliers faisant appel à un architecte en dessous du seuil de recours obligatoire. Je m’inscris dans la démarche très volontaire que vous engagez et retire cet amendement.

L’amendement est retiré.

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Article 26 quater (nouveau)
(art. 3 et 4 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture et art. L. 441-4 [nouveau] du code de l’urbanisme)

Recours obligatoire à un architecte pour les demandes de permis d’aménager des lotissements

À l’initiative du Gouvernement, la Commission a adopté un amendement modifiant les articles 3 et 4 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture.

Le présent article prévoit ainsi de rendre obligatoire le recours à un architecte pour la réalisation d’un projet architectural, urbain, paysager et environnemental faisant l’objet d’une demande de permis d’aménager lorsque celle-ci concerne des lotissements. Les lotissements sont définis par l’article L. 442-1 du code de l’urbanisme comme « la division en propriété ou en jouissance d’une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis ».

Toutefois, de la même façon que la loi exempte de cette obligation les particuliers souhaitant construire pour eux-mêmes des projets de faible ampleur, il est prévu, à l’article 4 de la loi précitée, qu’un décret en Conseil d’État fixe la surface de plancher en-dessous de laquelle le recours à l’architecte n’est pas obligatoire pour l’établissement du projet d’aménagement de lotissements.

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La Commission examine l’amendement AC502 du Gouvernement.

Mme la ministre. Conformément à l’esprit des préconisations du rapport relatif à la création architecturale, ainsi que des réflexions des groupes de travail dans le cadre de la stratégie nationale pour l’architecture, cet amendement a pour objet de favoriser le recours à l’architecte pour la réalisation des projets d’aménagement dans le cas des lotissements, en complétant l’article 3 de la loi du 3 janvier 1977.

Conformément aux articles L. 4212 et R. 42119 du code de l’urbanisme, les lotissements sont soumis à l’obtention d’un permis d’aménager lorsque ceux-ci prévoient la création ou l’aménagement de voies, d’espaces ou d’équipements communs internes au lotissement. La demande de permis d’aménager doit comporter un projet architectural, paysager et environnemental, comme le prévoit l’article R. 442-5 du code de l’urbanisme. Les lotissements constituant une part importante de la consommation des sols et des projets d’urbanisation dans l’aménagement du territoire français, il est très important d’y favoriser la qualité architecturale. Le recours à un architecte pour la réalisation du projet architectural d’un lotissement contribuera à cet objectif. Une telle proposition ne freinera nullement les projets d’aménagement, aucune démarche supplémentaire n’étant imposée. Le champ d’application sera précisé par décret.

M. le rapporteur. Je ne peux que me réjouir, car nous avons longuement évoqué, au sein de la mission d’information sur la création architecturale, la problématique des lotissements et de leur piètre qualité architecturale bien souvent. Avez-vous une idée du seuil à partir duquel s’appliquera l’obligation de recours à l’architecte pour un lotissement ?

M. Michel Herbillon. Je souhaitais poser la même question que le rapporteur. Nous nous félicitons également de cette initiative.

Mme la ministre. Nous aurons à préciser le seuil au cours de la discussion parlementaire.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 26 quinquies (nouveau)
(art. 4 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture et art. L. 431-3 du code de l’urbanisme)

Dérogation à l’obligation de recourir à un architecte pour les demandes de permis de construire présentées par les personnes physiques

Faisant suite aux recommandations de la mission d’information sur la création architecturale, la Commission a adopté, à l’initiative du rapporteur, un amendement complétant l’article 4 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture.

Par dérogation au principe de recours à un architecte fixé à l’article 3 de la même loi, l’article 4 prévoit qu’un décret en Conseil d’État fixe le seuil en dessous duquel les personnes physiques et les exploitations agricoles ne sont pas soumises à l’obligation de recourir à un architecte pour établir leur projet architectural. Ainsi, à l’heure actuelle, l’article R. 431-2 du code de l’urbanisme exempte de cette obligation « les constructions à usage autre qu’agricole dont à la fois la surface de plancher et l’emprise au sol, au sens de l’article R. 420-1, de la partie de la construction constitutive de surface de plancher n’excèdent pas cent soixante-dix mètres carrés ».

Le présent article a pour objet de préciser que le seuil fixé par décret en Conseil d’État ne peut excéder 150 mètres carrés de surface de plancher.

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Elle examine ensuite l’amendement AC413 du rapporteur.

M. le rapporteur. Je vous lis, chers collègues, l’important article additionnel proposé à votre vote : « Le premier alinéa de l’article 4 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture est complété par une phrase ainsi rédigée : “Pour les constructions édifiées ou modifiées par les personnes physiques, la surface maximale de plancher déterminée par décret en Conseil d’État ne peut être supérieure à cent cinquante mètres carrés.” »

Nous reprenons ainsi une proposition du rapport de la mission d’information sur la création architecturale : mesure d’incitation au recours à l’architecte, puisque le seuil obligatoire pour le recours à un architecte est abaissé, mais aussi mesure de simplification, le mode de calcul du seuil étant devenu extrêmement complexe à la suite de plusieurs modifications. À titre d’exemple, l’article R. 431-2 du code de l’urbanisme se lit comme suit : « Une construction à usage autre qu’agricole dont à la fois la surface de plancher et l’emprise au sol, au sens de l’article R. 420-1, de la partie de la construction constitutive de surface de plancher n’excèdent pas cent soixante-dix mètres carrés. » Faisons simple.

M. François de Mazières. Il s’agit en effet d’un article très important et très attendu, et qui, contrairement à d’autres adoptés depuis hier, restera. Nous y souscrivons totalement.

Ce qui a été dit juste auparavant est également important : la France est défigurée par les lotissements. C’est pourquoi il faudra fixer un seuil assez bas, sinon il se trouvera toujours des gens pour construire des séries de maisons en ruban.

M. Michel Herbillon. Je suis très heureux de cette proposition. Nous avons conduit un très intéressant travail sur l’architecture dans le cadre de la mission d’information, et je sais que la ministre a engagé une réflexion stratégique en la matière. C’est par le biais de cette problématique que se dessine le paysage de la France de demain. L’une de vos priorités, madame la ministre, est l’éducation artistique ; or je crois beaucoup à l’éducation au beau, à la pédagogie de l’esthétique. Cela peut se mettre en place très simplement, j’en ai fait l’expérience dans le cadre des activités périscolaires de ma commune. Les gens, toutes générations confondues, y sont très attachés. Cela pourrait être l’un des objectifs de l’éducation artistique à l’école.

M. Marcel Rogemont. Je suis également très satisfait par cette mesure. Le code de l’urbanisme dispose qu’il est possible d’agrandir de 20 mètres carrés un bâtiment en présentant seulement une petite déclaration de travaux. L’amendement règle la question.

Mme la ministre. Je me réjouis beaucoup de cet amendement. Dès ma prise de fonction, j’ai lancé la réflexion sur l’architecture, qui restait, probablement en raison de ses nombreux aspects interministériels, un angle mort de l’action du ministère de la culture. J’ai souhaité appréhender le sujet à la fois sous l’aspect de la régulation de la profession et sous celui de la place du beau dans notre quotidien.

Cette série d’amendements conclut heureusement les travaux de la stratégie nationale. C’est un premier jalon, il y en aura d’autres. La stratégie nationale comportait un volet de sensibilisation du grand public et des élus à la qualité architecturale. Je souhaite comme vous, monsieur Herbillon, que les jeunes y soient, dans leur parcours culturel à l’école et en dehors, eux aussi sensibilisés. C’est notamment pourquoi j’ai souhaité que les journées du patrimoine de ce week-end portent sur la production architecturale contemporaine. J’ai par ailleurs expressément demandé que le mot « architecture » figure dans le titre de cette loi.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 26 sexies (nouveau)
(art. 5 bis [nouveau] de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture)

Dispositions relatives aux concours d’architecture

Le présent article, introduit par la Commission à l’initiative du rapporteur, crée, après l’article 5 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture, un article 5 bis relatif au concours d’architecture.

Le premier alinéa du nouvel article 5 bis consacre dans la loi du 3 janvier 1977 le principe du concours d’architecture, qui participe à la création architecturale, à l’innovation, à la qualité des constructions et à leur insertion harmonieuse dans leur environnement.

Le deuxième alinéa impose une phase de dialogue entre les candidats et le maître d’ouvrage, afin de remédier aux effets dommageables de l’anonymat tel qu’il est aujourd’hui mis en œuvre et de permettre aux candidats d’expliciter leur projet et de les faire évoluer, si nécessaire, en concertation avec le maître d’ouvrage, s’ils ne correspondent pas exactement aux besoins que celui-ci a préalablement définis.

Enfin, le dernier alinéa fixe le principe du recours au concours d’architecture pour les maîtres d’ouvrage publics, dans les conditions prévues par la loi ou le règlement.

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Puis elle examine l’amendement AC488 du rapporteur.

M. le rapporteur. Vous connaissez l’attachement des architectes au concours d’architecture, qui participe à la qualité architecturale, à l’insertion harmonieuse des constructions dans leur milieu, et à l’innovation. Par le présent amendement, je souhaite répondre à deux préoccupations.

Tout d’abord, nous inscrivons le concours dans la loi fondatrice du 3 janvier 1977, après l’article 5. Nous lui apportons ainsi une garantie législative. Ensuite, pour appliquer la proposition n° 15 du rapport de la mission d’information, nous écrivons que le concours « comporte une phase de dialogue entre le maître d’ouvrage et les candidats permettant de vérifier l’adéquation des projets présentés aux besoins du maître d’ouvrage ». Il faut fixer le principe du dialogue avant la conclusion du concours, afin de permettre aux candidats d’expliciter leurs projets mais aussi au maître d’ouvrage de les faire évoluer s’ils ne correspondent pas tout à fait à ses besoins. Enfin, le troisième alinéa indique que les maîtres d’ouvrage recourent au concours « dans les conditions fixées par la loi ou le règlement ».

Mme la ministre. Je partage ces objectifs et rappelle que le Gouvernement a d’ailleurs maintenu le recours obligatoire au concours pour les usages publics dont le montant est supérieur au seuil européen. Je suis favorable à l’affirmation dans la loi du 3 janvier 1977 du rôle primordial du concours, ainsi qu’à la possibilité d’aménager une phase de dialogue, dans une procédure où l’anonymat doit néanmoins rester la règle, afin d’éviter les ententes. En revanche, le troisième alinéa est déjà satisfait par l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics. Je proposerai donc de le supprimer.

M. François de Mazières. Nous approuvons totalement l’amendement dans ses deux parties. La nécessité du dialogue doit être réaffirmée car, si certains se détournent aujourd’hui du concours, c’est en raison de l’absence de dialogue. Des problèmes de conformité avec la législation européenne ont été évoqués. Qu’en est-il ?

M. Michel Herbillon. Je me réjouis de cet amendement, que nous soutenons ardemment. Il est temps de sortir de cette situation extrêmement pénalisante, et ubuesque, où, du fait d’un anonymat maintenu jusqu’au terme du processus, aucun dialogue n’est possible entre le maître d’ouvrage et l’architecte, au sujet de constructions appelées à durer des dizaines et des dizaines d’années.

M. Marcel Rogemont. À quel moment de la procédure l’anonymat sera-t-il levé ? Si c’est avant la pré-décision, autant dire qu’il n’y a plus d’anonymat. Or, s’il a été instauré dans le concours, ce n’est pas sans raison.

M. le rapporteur. L’amendement ne se heurte pas à la législation européenne : nous avons eu l’occasion de le vérifier au cours des six mois de travail de la mission d’information. L’Allemagne, par exemple, a un concours d’architecture sans anonymat. Notre idée est très simple, c’est qu’à un moment de la procédure – qu’il ne nous appartient pas de déterminer ici – un dialogue puisse s’instaurer entre les candidats et le maître d’ouvrage. Très souvent, le lauréat ne découvre qu’à l’issue du concours les résultats de la concertation préalable conduite par le maire, à qui il revient de faire coïncider le projet architectural et les demandes portées au cours de la concertation. Soit l’architecte accepte de prendre en considération le résultat de la concertation et modifie son projet en conséquence, soit il refuse d’apporter le moindre changement à son œuvre. Le maire se trouve entre le marteau et l’enclume.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 26 septies (nouveau)
(art. 7 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture)

Dispositions relatives aux conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement

La Commission a adopté deux amendements procédant à plusieurs modifications de l’article 7 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture relatif aux missions des CAUE.

Le présent article complète le deuxième alinéa de l’article précité pour indiquer explicitement que le CAUE contribue, directement ou indirectement, à la formation et au perfectionnement des élus, au-delà des maîtres d’ouvrage, des professionnels et des agents de l’administration et des collectivités.

Le présent article prévoit également que les CAUE bénéficient, de plein droit, de l’agrément mentionné à l’article L. 1221-1 du code général des collectivités territoriales leur permettant d’assurer la formation des élus locaux.

Enfin, le présent article modifie le troisième alinéa de l’article 7 de la loi précitée afin de permettre la consultation du CAUE dans le cadre de la rénovation d’un bâtiment ou de l’aménagement d’une parcelle.

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Elle examine ensuite les amendements AC327, AC330, AC329 et AC328 de Mme Sophie Dessus, ainsi que l’amendement AC410 du rapporteur, en discussion commune avec ce dernier.

Mme Sophie Dessus. Les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) jouent un rôle essentiel dans les territoires ruraux, où ils assurent soutien, conseil et pédagogie auprès des communes, des départements et des particuliers.

L’amendement AC327 vise à maintenir les missions des CAUE sur les périmètres métropolitains en création. Dans la métropole de Lyon, par exemple, le périmètre d’intervention du CAUE du Rhône – structure départementale, comme tous les CAUE – a été modifié mécaniquement, et il a fallu une ordonnance pour qu’il retrouve son ancien territoire d’intervention.

L’amendement AC330 tend à rendre obligatoire l’adhésion des CAUE à leur fédération nationale, dans un souci de cohérence et d’efficacité.

L’amendement AC329 vise à faciliter la formation par les CAUE des élus et de leurs collaborateurs travaillant sur l’urbanisme.

Enfin, l’amendement AC328 prévoit que les CAUE conseillent les particuliers qui désirent construire ou bien sont candidats à la rénovation, à l’aménagement de parcelles ou à la réhabilitation du paysage.

M. le rapporteur. Je vous remercie, chère collègue, pour votre contribution active au renforcement du rôle et des missions des CAUE, auxquels nous sommes tous attachés et dont il faudrait d’ailleurs augmenter le nombre, car il n’y en a pas encore partout.

Je suis favorable à l’amendement AC327 sur le fond mais il présente un problème de rédaction, ce pourquoi j’invite son auteure à le retirer pour qu’il soit rédigé de nouveau d’ici à la séance.

L’adhésion à la Fédération nationale des CAUE, en revanche, ne relève pas du législateur, pas plus que, par exemple, l’adhésion au Parti socialiste… (Sourires.)

L’agrément de plein droit des CAUE pour la formation des élus est une préoccupation que je partage, d’autant plus que la mission d’information en avait fait l’une de ses propositions ; j’y suis donc favorable.

Enfin, mon amendement AC410 poursuit le même objectif que l’amendement AC328, dont je trouve la rédaction un peu plus précise.

Mme la ministre. Je suis du même avis que le rapporteur sur les amendements de Mme Dessus, et favorable à l’amendement AC410.

Les amendements AC327, AC330 et AC328 sont retirés.

La Commission adopte successivement les amendements AC329 et AC410.

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Article 26 octies (nouveau)
(art. 15 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture)

Lutte contre les signatures de complaisance en matière de projet architectural

La Commission a adopté, à l’initiative du rapporteur, un amendement ayant pour objet de mieux lutter contre les faux et les signatures de complaisance qui nuisent à la profession. Le présent article complète ainsi l’article 15 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977, qui dispose que « tout projet architectural doit comporter la signature de tous les architectes qui ont contribué à son élaboration », afin que les services des collectivités ou de l’État chargés de l’instruction des demandes de permis de construire puissent saisir le conseil régional de l’ordre des architectes lorsqu’ils soupçonnent que le projet architectural a été signé par une personne qui n’est pas inscrite à l’ordre des architectes ou par un architecte qui n’a pas contribué à l’élaboration du projet architectural. Le conseil régional de l’ordre, mieux informé des pratiques sur son territoire, sera ainsi mieux en mesure de lutter contre les signatures de complaisance.

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Elle en vient à l’amendement AC414 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de prendre nos responsabilités de législateur afin de lutter contre un certain nombre de dérives que le Conseil national et les conseils régionaux de l’ordre des architectes nous ont signalées, à savoir les faux et les signatures de complaisance apposées sur les projets architecturaux joints aux demandes de permis de construire.

Le présent amendement permettrait aux services instructeurs des demandes d’autorisation d’urbanisme de saisir le conseil régional de l’ordre des architectes pour qu’il vérifie si l’architecte qui a signé le projet architectural est bien inscrit au tableau de l’ordre et s’il a bien participé à l’élaboration du projet. Le conseil régional de l’ordre, qui est le mieux informé des pratiques sur son territoire, serait ainsi en mesure de saisir l’instance disciplinaire afin de faire sanctionner les éventuelles signatures de complaisance.

Mme la ministre. Je partage votre préoccupation, monsieur le rapporteur. Cependant, les conseils régionaux de l’ordre des architectes sont déjà engagés dans une démarche de lutte contre les signatures de complaisance, qui constituent, je le rappelle, un manquement à une obligation déontologique prévue par le code des devoirs professionnels des architectes et sont, à ce titre, susceptibles de sanctions devant les instances disciplinaires. La vérification de la bonne inscription d’un architecte au tableau de l’ordre est d’ailleurs possible sans délai, ce tableau étant obligatoirement et intégralement mis à jour en ligne par les conseils régionaux de l’ordre. Selon moi, ces actions constituent, à ce stade, une réponse adaptée, même s’il est sans doute nécessaire de les évaluer. D’autre part, les modalités prévues par cet amendement me semblent d’application délicate, car elles imposeraient une obligation probablement difficile à satisfaire pour les services de l’État. Je vous propose de retirer cet amendement au bénéfice d’une expertise au cours de l’examen du texte.

M. le rapporteur. Je vous ai écoutée avec attention, madame la ministre. La mobilisation des conseils régionaux de l’ordre est manifeste. Mais, au regard de mon expérience de maire, puis de conseiller de Paris délégué à l’urbanisme dans le 11arrondissement, fonctions aux titres desquelles j’examine chaque semaine plusieurs demandes de permis de construire avec la direction de l’urbanisme de la ville de Paris, il me paraîtrait utile d’inscrire les dispositions que je propose dans la loi. Elles ne sont ni excessives ni lourdes : il s’agirait simplement de pouvoir faire une vérification lorsque l’on soupçonne qu’un projet architectural a bénéficié d’une signature de complaisance. Ce serait une garantie pour les élus locaux et pour les services qui travaillent auprès d’eux. Lorsque l’on refuse un permis de construire parce que l’on estime être en présence d’une signature de complaisance, on prend un gros risque en matière de contentieux. Comme vous le savez, il faut justifier les refus de permis de construire avec beaucoup de rigueur.

M. François de Mazières. J’appuie totalement la proposition du rapporteur, au regard de ma propre expérience de maire. Par ailleurs, madame la ministre, je ne vois pas en quoi cet amendement imposerait une charge supplémentaire pour l’État.

Mme la ministre. Il vise les services chargés de l’instruction des demandes d’autorisation.

M. François de Mazières. Il s’agit des collectivités territoriales.

Mme la ministre. Compte tenu des explications données par le rapporteur, je m’en remets à la sagesse de la Commission, sans exclure d’apporter en séance un certain nombre de précisions rédactionnelles.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 26 nonies (nouveau)
(art. 22 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture)

Représentation équilibrée des territoires au sein des conseils régionaux de l’ordre des architectes

Le présent article, adopté par la Commission à l’initiative du rapporteur, modifie l’article 22 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture afin de mieux faire correspondre la composition des conseils régionaux de l’ordre des architectes aux régions issues de la réforme territoriale.

Afin d’adapter les structures existantes à la nouvelle configuration des régions et de prendre en compte l’ensemble du territoire concerné dans sa diversité, le présent article prévoit que le décret en Conseil d’État définissant les modalités d’élection des membres du conseil régional de l’ordre des architectes détermine également les conditions dans lesquelles la représentation du territoire est assurée.

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La Commission examine l’amendement AC417 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet deux amendement, ainsi que le suivant, tire les conséquences de la réorganisation territoriale et de la mise en place des treize nouvelles régions pour le Conseil national et les conseils régionaux de l’ordre des architectes. Il crée les conditions pour que la composition des conseils régionaux de l’ordre reflète la diversité de leur territoire.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 26 decies (nouveau)
Report des élections des membres du Conseil national de l’ordre des architectes et des conseils régionaux de l’ordre des architectes

Le présent article, adopté par la Commission à l’initiative du rapporteur, déroge aux articles 22 et 24 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture afin de reporter d’un an la fin de mandat des membres des conseils régionaux et nationaux de l’ordre des architectes.

En effet, la réforme territoriale appelle à une réorganisation interne des conseils qui nécessite un temps d’adaptation peu conciliable avec la survenue de nouvelles élections ordinales. Le délai d’un an ainsi accordé devrait permettre aux conseils de réaliser la transition vers les nouvelles frontières territoriales.

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Puis elle examine l’amendement AC408 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement, qui fait suite au précédent, vise à reporter d’un an la fin du mandat des membres du Conseil national et des conseils régionaux de l’ordre, afin d’éviter que les élections ordinales n’aient lieu en même temps que la réorganisation des régions et de permettre à l’ordre de procéder au mieux à sa propre réorganisation interne. S’agissant d’un ordre professionnel, il est nécessaire de passer par la loi.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

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Après l’article 26

La Commission est saisie de l’amendement AC331 de Mme Sophie Dessus.

Mme Sophie Dessus. Cet amendement vise à donner une existence législative à l’organisation de l’activité des CAUE à l’échelon régional. Cela répondrait à une préoccupation majeure des CAUE, qui vont sans doute devoir passer du niveau départemental au niveau régional. Cela permettrait d’ailleurs aux départements qui ne disposent pas de leur propre CAUE de bénéficier de l’expérience desdits CAUE.

M. le rapporteur. Le problème est un peu le même que pour l’amendement AC330. Cette fois-ci, vous prônez une logique d’adhésion obligatoire non pas à une fédération nationale, mais à une union régionale. Selon moi, il n’appartient pas au législateur d’intervenir dans ces questions. Il revient aux CAUE, dont nous respectons l’autonomie, de s’organiser comme ils le souhaitent tant au niveau régional qu’au niveau national.

Mme la ministre. Même avis.

L’amendement est retiré.

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Article 26 undecies (nouveau)
Expérimentation en matière de normes applicables à la construction

Le présent article, qui a été introduit par la Commission à l’initiative du rapporteur, met en œuvre la recommandation n° 28 du rapport concluant la mission d’information sur la création architecturale. En effet, la mission d’information, constatant l’uniformisation du cadre bâti, avait suggéré que l’élaboration des normes réponde à une logique de résultats, plutôt qu’à une logique de moyens.

Le présent article prévoit ainsi que l’État et les collectivités territoriales peuvent, pendant une durée de sept ans, substituer, pour la réalisation d’équipements publics, des objectifs à atteindre aux normes en vigueur. Un décret en Conseil d’État fixe les normes auxquelles il peut être dérogé dans le cadre de cette expérimentation, ainsi que les objectifs qui doivent s’y substituer. Il fixe également les conditions dans lesquelles l’atteinte de ces objectifs est contrôlée. Le Gouvernement doit également remettre au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation trois mois avant le terme de cette dernière.

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La Commission en vient à l’amendement AC416 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement est beau ! (Sourires.) Le plus simple, me semble-t-il, est que je vous le lise intégralement : « À titre expérimental et pour une durée de sept ans à compter de la publication de la présente loi, l’État et les collectivités territoriales peuvent, pour la réalisation d’équipements publics, déroger à certaines règles en vigueur en matière de construction dès lors que leur sont substitués des résultats à atteindre similaires aux objectifs sous-jacents auxdites règles. Un décret en Conseil d’État fixe les règles qui peuvent faire l’objet de cette expérimentation ainsi que les résultats à atteindre qui s’y substituent. Il détermine également les conditions dans lesquelles l’atteinte de ces résultats est contrôlée tout au long de l’élaboration du projet de construction et de sa réalisation. Dans un délai de trois mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation. »

Cet amendement vise à traduire la proposition n° 28 du rapport de la mission d’information sur la création architecturale. Éclairés par l’expérience de pays voisins, nous avons voulu impulser une nouvelle approche, à mon sens plus intelligente, en matière d’élaboration et de mise en œuvre des normes. Il s’agit, à travers cette expérimentation, de sortir de la logique prescriptive, et de substituer progressivement une logique de résultats à la logique de moyens aujourd’hui à l’œuvre. Force est de constater que les normes actuelles, tout à fait légitimes quant à leurs objectifs, sont sclérosantes pour la création architecturale et conduisent à une standardisation préoccupante du cadre bâti. Avec cette expérimentation, qui durera sept ans, nous donnons du temps au temps, mais nous donnons aussi un signal et nous lançons le mouvement.

Mme la ministre. Vous avez raison de dire que cet amendement est beau, monsieur le rapporteur, et j’y suis très favorable ! Il résulte d’un travail réalisé en commun au profit de l’architecture, dont je me félicite. Je précise qu’un décret en Conseil d’État encadrera cette démarche. Avec ces dispositions, le projet de loi promouvra véritablement la création et l’innovation par l’architecture. Il permettra de développer les apports de l’architecture aux projets et aux politiques publiques. De plus, l’expérimentation, qui permet de passer d’une culture de la règle à une culture d’objectifs, me tient très à cœur. Votre amendement va tout à fait dans ce sens.

Mme Sophie Dessus. Sept ans, c’est l’âge de raison. Je suis persuadée que ce dispositif fera des émules au bout de sept ans.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 27
(art. L. 710-1 [nouveau], L. 720-1 et L. 730-1 du code du patrimoine)

Dispositions relatives à l’outre-mer

Le présent article procède à diverses coordinations au sein du code du patrimoine.

Le 1° du présent article introduit un nouvel article au sein du titre Ier du livre VII du code du patrimoine, relatif à l’outre-mer. Le nouvel article L. 710-1 prévoit qu’en Guyane, en Martinique et à Mayotte, des fonds territoriaux d’art contemporain peuvent être créés en application des articles L. 116-1 et L. 116-2 issus de l’article 18 du présent projet de loi.

Le 2° du présent article prévoit d’introduire un nouvel article L. 720-1-1 au sein du titre consacré à Saint-Pierre-et-Miquelon. L’article L. 641-1, qui décrirait désormais les sanctions pénales encourues pour la réalisation de travaux sans autorisation sur des immeubles protégés, ne serait pas applicable à ce territoire, comme c’est du reste actuellement le cas. Toutefois, le nouvel article L. 720-1-1 prévoit de punir de sanctions équivalentes les travaux réalisés sur des immeubles classés, inscrits ou situés dans une cité historique ainsi que le détachement des immeubles par destination des monuments historiques sans l’autorisation ou l’information de l’administration.

Il convient de noter qu’en application de l’actuel article L. 720-1, l’article L. 641-2, qui traite désormais des infractions aux règles protégeant les objets mobiliers, ne serait pas applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon. Aussi la Commission a-t-elle adopté deux amendements de coordination.

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La Commission examine les amendements AC418 et AC419 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de deux amendements de coordination. L’amendement AC419 concerne l’application de l’article 20 du projet de loi à Mayotte.

Mme la ministre. Avis favorable à ces deux amendements.

La Commission adopte successivement les amendements AC418 et AC419.

Puis elle adopte l’article 27 modifié.

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TITRE III
HABILITATIONS À LÉGIFÉRER PAR ORDONNANCE

Chapitre I
Dispositions portant habilitation à compléter et modifier le code du cinéma
et de l’image animée

Article 28
Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance
pour modifier et compléter le code du cinéma et de l’image animée

Le I du présent article a pour objectif d’habiliter le gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai d’un an suivant la promulgation de la loi (ainsi que le prévoit le II du présent article), des mesures relevant du domaine de la loi et modifiant le code du cinéma et de l’image animée (CCIA). Un projet de loi de ratification devant être déposé au Parlement dans un délai d’un an suivant la promulgation de l’ordonnance (III du présent article). Les modifications envisagées du CCIA, présentées en détail par l’étude d’impact annexée au présent projet de loi (mesure 60), portent sur plusieurs domaines.

1. Nomenclature des aides financières du CNC (1° du I du présent article)

La liste des divers objets des aides financières du CNC est fixée au 2° de l’article L. 111-2 du CCIA. Or, les aides ayant pour objet le patrimoine cinématographique et la formation initiale et continue aux métiers de l’image et du son ne sont pas clairement mentionnées dans cette liste. L’objectif est d’identifier plus précisément la base légale de l’attribution de certaines aides financières dans un objectif de sécurisation juridique de l’attribution de ces aides par le CNC.

2. Condition de respect des obligations sociales pour l’attribution des aides financières du CNC (2° du I du présent article)

Le a. du 2° de l’article L. 111-2 du CCIA indique que, pour l’attribution de certaines aides financières, le CNC doit s’assurer, « notamment en ce qui concerne l’emploi dans le secteur de la production, du respect par les bénéficiaires des aides de leurs obligations sociales ». Le 12° de l’article L. 421-1 du CCIA précise de son côté que le non-respect de certaines dispositions du code du travail, contrôlé selon des modalités prévues aux articles L. 413-1 et L. 413-2 du CCIA, est susceptible de provoquer le prononcé de sanctions administratives propres au droit du cinéma.

Comme l’indique l’étude d’impact, l’obligation faite au CNC de vérifier la bonne application de la législation sociale et de tirer les conséquences juridiques de l’existence d’une infraction, avérée ou suspectée, est en pratique difficile à mettre en œuvre. La pratique a en effet permis de constater que la portée exacte du procès-verbal des agents de contrôle propres à la matière sociale, l’articulation avec les procédures de sanction déjà prévues par le code du travail, ainsi que l’appréciation de cette matière par la Commission du contrôle de la réglementation (CCR) dont la compétence est axée sur le droit du cinéma, posent problème.

Pour simplifier les procédures administratives de contrôle et de sanction, il s’agira donc de prévoir, comme cela existe déjà dans d’autres procédures administratives, que la simple communication au CNC d’un procès-verbal d’un d’inspecteur du travail ou de l’URSSAF suffit à bloquer l’attribution des aides financières. Il est également envisagé de préciser l’articulation des procédures de sanction administrative prévues par le CCIA et celles prévues par le code du travail.

3. Exercice de la profession d’exploitant d’établissement de spectacles cinématographiques : homologation des établissements, autorisation de l’exploitant, déplacement de séances (3° et 4° du I du présent article)

La modernisation du droit du cinéma, réalisée par l’adoption de la partie législative du CCIA en 2009, a permis de simplifier considérablement l’encadrement juridique des professions et activités du cinéma. Désormais, seule la profession d’exploitant d’un établissement de spectacles cinématographiques est réglementée. Cet encadrement est réalisé au moyen de deux autorisations préalables distinctes : d’une part l’homologation de l’établissement, d’autre part l’autorisation d’exercice de l’exploitant.

La loi prévoit que l’autorisation d’exercice n’est délivrée qu’une fois que l’homologation de l’établissement a été délivrée, laquelle conditionne également l’autorisation d’ouverture au public de l’établissement.

La délivrance de l’homologation d’un établissement est conditionnée au respect de certaines spécificités techniques et l’exploitant est aujourd’hui tenu d’obtenir une homologation modificative pour « toute modification par rapport aux caractéristiques décrites dans le dossier de demande d’homologation ». En outre, l’autorisation d’exercice est aujourd’hui valable sans condition de durée, y compris si l’établissement n’est plus exploité depuis longtemps. Enfin, l’exploitant peut organiser des séances de spectacles cinématographiques à l’extérieur de son établissement, « en raison de la suspension du fonctionnement d’une de ses salles ». Il est alors soumis à une obligation de déclaration préalable. L’application de cette disposition aux exploitants dits itinérants qui, par définition, n’ont pas de salles fixes, pose des difficultés d’interprétation.

Comme l’indique l’étude d’impact, il s’agira, pour les dispositions de l’ordonnance, d’une part de n’obliger à obtenir une homologation modificative qu’en cas de modification substantielle par rapport à l’homologation initiale, et non plus pour toute modification et, d’autre part, de créer la faculté d’accorder une dérogation au respect intégral des spécifications techniques pour tenir compte des caractéristiques spécifiques de certaines salles. Il s’agira enfin de préciser le champ territorial du déplacement de séances pour les exploitants itinérants.

4. Régime des séances non commerciales (5° du I du présent article)

L’article L. 214-1 du CCIA fixe les six catégories de séances de spectacles cinématographiques qui relèvent de ce qu’on appelle communément le « secteur non commercial ».

Les « séances non commerciales » se distinguent en effet des séances commerciales organisées par les exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques en raison de diverses spécificités dont la principale est leur but non lucratif ; il ne s’agit pas pour les organisateurs de réaliser un profit mais de remplir un service culturel. C’est pourquoi le législateur a exonéré les organisateurs de ces séances de l’application des obligations principales des exploitants : le paiement de la taxe sur le prix des entrées aux séances de spectacles cinématographiques (TSA), la délivrance préalable d’un visa d’exploitation cinématographique et le contrôle des recettes d’exploitation cinématographique. La pratique a révélé que cette exonération manquait de clarté quant à sa portée exacte, dans certaines situations bien précises.

Parmi ces séances dites « non commerciales », les séances en plein air se développent de plus en plus. L’étude d’impact précise que « malgré une première simplification réalisée par le décret d’application n° 2013-380 du 3 mai 2013 relatif à l’organisation de séances de spectacles cinématographiques à caractère non commercial, une nouvelle étape de simplification peut être franchie, pour mieux s’ajuster aux usagers » (page 239).

Une séance en plein air ne peut actuellement avoir lieu sans une autorisation préalable délivrée par le président du CNC. L’autorisation est accordée en tenant compte de la date de délivrance de visa d’exploitation cinématographique, du lieu et du nombre des séances, de l’intérêt social et culturel des représentations et de la situation locale de l’exploitation.

Le président du CNC doit demander l’avis préalable du directeur régional des affaires culturelles (DRAC), par l’intermédiaire de son conseiller cinéma, qui a quant à lui la faculté de consulter des experts. L’obligation de consultation préalable des DRAC se justifie par le caractère local et circonstancié de ce type de séances, souligné par les critères de l’autorisation. En revanche, l’existence d’une simple faculté pour le DRAC de consulter les experts résulte d’une première simplification opérée par le décret n° 2013-380 du 3 mai 2013 car, auparavant, cette consultation était elle aussi obligatoire.

Concrètement en effet, les experts sont réunis en commissions régionales ou inter-régionales. Depuis 2011, la demande d’autorisation se fait en ligne sur le site du CNC, et est directement transmise, de manière électronique, à la DRAC compétente. Les experts étant régionaux et l’autorité saisie pour avis étant un directeur régional, la demande doit être faite par région. Si les projections se déroulent dans plusieurs régions, autant de demandes que de régions sont effectuées.

Selon les précisions transmises par le CNC, ce dernier réfléchit toutefois depuis maintenant plusieurs années à adapter la procédure « plein-air » aux réalités du travail de ses services, de la pratique suivie et des exigences légitimes de sécurisation de l’activité des exploitants. Le CNC souligne que la procédure d’autorisation serait très lourde à gérer (plus de 600 demandes en 2014 et plus de 2 300 autorisations), alors même qu’il n’y a eu que 3 refus en 2014.

Enfin, l’élaboration du décret précité du 3 mai 2013 a permis de découvrir une relative imprécision de la formulation du 2° des articles L. 214-1 et L. 214-3 relatifs aux séances organisées par les ciné-clubs.

L’ordonnance devra donc définir le champ exact des séances dites « non commerciales » et clarifier les effets de ces séances non commerciales en matière de contrôle des recettes (billetterie) et de classification (visa d’exploitation).

Par ailleurs, comme l’indique l’étude d’impact, « en s’inscrivant pleinement dans le choc de simplification mené par le Gouvernement, l’ordonnance projetée pourrait transformer l’autorisation nécessaire pour organiser une séance en plein-air en une simple déclaration préalable » (page 239). L’étude d’impact estime que « la transformation de l’autorisation préalable nécessaire pour organiser une séance de spectacles cinématographiques en plein-air en une déclaration préalable aurait un impact très positif pour les organisateurs de telles séances, qui verraient leur projet sécurisé dès l’envoi de la déclaration, sans attendre la décision prise sur leur demande d’autorisation » (page 240).

Le rapporteur souhaite toutefois appeler à la plus grande vigilance sur l’impact d’une telle mesure. La conséquence d’une telle modification pourrait en effet être une très forte augmentation des projections en plein-air dans la mesure où la déclaration préalable ne serait pas un filtre suffisant pour réguler ces projections.

Le travail d’examen des demandes dans les DRAC permet en effet de jouer le rôle de premier filtre des demandes d’autorisation de séances en plein-air et d’informer les demandeurs de leurs obligations, notamment en matière de respect du droit d’auteur. Dans ce contexte, un simple mécanisme de déclaration préalable pourrait entraîner une augmentation du nombre de projections non contrôlées, susceptible de déstabiliser les salles de cinéma. Le rapporteur souhaite donc que les discussions entre les acteurs et le CNC permettent d’aboutir à une solution équilibrée.

Enfin, il s’agira de préciser que les destinataires de l’habilitation prévue à l’article L. 214-3 sont les fédérations de ciné-clubs et non tous leurs membres.

5. Régime des séances commerciales organisées par d’autres personnes que les exploitants (5° du I du présent article)

Les « séances non commerciales » prévues à l’article L. 214-1 se distinguent des séances commerciales organisées par les exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques en raison de diverses spécificités. Cependant, se multiplient de nos jours d’autres types de séances de spectacles cinématographiques : il s’agit de séances à visée parfaitement commerciale, mais organisées par d’autres personnes que les exploitants.

Comme cela a été précisé plus haut, les séances de spectacles cinématographiques dites « non commerciales » ont pour caractéristique commune, comme leur nom l’indique, leur absence de principe de visée commerciale. Il ne s’agit pas pour leurs organisateurs de réaliser des bénéfices mais de remplir un service culturel. Il est toutefois loisible à d’autres personnes de représenter des œuvres cinématographiques, dans une visée commerciale, hors de locaux répondant à la définition de l’établissement ou de les louer à cette fin. Il serait néanmoins injuste et inéquitable que ces représentations, qui cherchent généralement à maximiser le profit commercial sans nécessairement poursuivre d’objectif culturel, soient soumises à des conditions d’exploitation beaucoup plus favorables que les représentations organisées par les exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques.

La mesure envisagée aura donc pour objet d’aménager un régime spécifique pour l’organisation de ces séances de spectacles cinématographiques commerciales. Comme le précise l’étude d’impact, ce régime devrait notamment comprendre, par opposition au régime des séances « non commerciales », la soumission aux obligations principales des exploitants d’établissements, c’est-à-dire le paiement de la taxe sur le prix des entrées, la délivrance préalable d’un visa d’exploitation cinématographique et le contrôle des recettes d’exploitation. Ce régime devrait en outre être fondé sur une déclaration préalable.

6. Procédures de contrôle et de sanction administrative propres au code du cinéma et de l’image animée (6° et 7° du I du présent article)

Les règles édictées par le CCIA sont rendues efficaces grâce aux procédures de contrôle et de sanction administrative fixées par le livre IV de ce code. Toutefois, comme l’indique l’étude d’impact, « la mise en œuvre concrète de ces nouvelles procédures a mis en lumière certaines difficultés d’application, aux trois étapes de la procédure. En premier lieu, les prérogatives et moyens d’intervention des agents de contrôle du Centre national du cinéma et de l’image animée doivent être renforcées. En deuxième lieu, le champ et la nature des sanctions administratives ne sont pas toujours bien ajustés aux objectifs poursuivis par ces sanctions. En troisième et dernier lieu, la procédure de sanction suivie devant la Commission du contrôle de la réglementation doit être sécurisée et mieux organisée » (page 241).

L’aménagement des procédures administratives de contrôle et de sanction, dans le but de les rendre plus opérationnelles et plus efficaces, implique, selon l’étude d’impact, plusieurs mesures distinctes.

Il s’agit de permettre aux inspecteurs du CNC de contrôler (avec obligation de communiquer des documents et possibilité d’un contrôle sur place) des entreprises et personnes non soumises directement au CCIA, mais en relation d’affaires avec des entreprises et personnes relevant du champ de ce code (prestataires techniques, laboratoires, chaînes de télévision…). En effet l’effectivité du contrôle, notamment en matière d’aides publiques, est très fortement liée à la vérification d’engagements et de documents provenant de tiers qui interviennent dans la fourniture de biens ou de services ou d’apports financiers. Comme le précise l’étude d’impact, « il ne s’agit pas d’attraire ces entreprises et personnes dans le champ des sanctions mais bien dans celui du contrôle préalable dans le cadre d’une inspection, afin que le CNC dispose d’une information complète sur l’activité des professionnels des secteurs du cinéma et des autres arts et industries de l’image animée, qui entrent quant à eux dans le champ des sanctions » (page 242).

Il est par ailleurs envisagé d’étendre le champ des sanctions aux dirigeants récidivistes, et non pas seulement aux entreprises. En l’absence d’une telle mesure, des sociétés peuvent être créées et liquidées successivement afin de contourner la loi. En outre, le gouvernement envisage de supprimer les sanctions administratives pour infractions aux obligations sociales, celles-ci étant déjà réprimées par le droit commun et prises en compte pour l’octroi des aides du CNC.

Quant à l’organisation de la Commission du contrôle de la réglementation (CCR), deux mesures sont envisagées : exiger que son président soit un membre du Conseil d’État et créer la fonction de rapporteur-instructeur, également membre du Conseil d’État. Il s’agira en outre de préciser l’organisation et le fonctionnement de la CCR, ainsi que les modalités de la procédure de sanction, au niveau législatif et non plus seulement réglementaire.

7. Amélioration formelle du code du cinéma et de l’image animée (8° du I du présent article)

Selon l’étude d’impact, l’ordonnance contiendra des mesures visant à corriger les erreurs matérielles et légistiques contenues dans la partie législative du code, ainsi qu’à mettre à jour celle-ci par rapport aux évolutions juridiques postérieures (la départementalisation de Mayotte par exemple).

En outre, deux modifications formelles seront apportées :

– la liste des pouvoirs que le président du CNC exerce au nom de l’État, fixés à l’article L. 111-3 du CCIA, serait modifiée afin de préciser explicitement les pouvoirs qui soit seront créés par l’ordonnance, soit ne sont aujourd’hui qu’implicites ;

– le chapitre III du titre Ier du livre III du code, intitulé « Aides à la production des œuvres cinématographiques intéressant l’outre-mer », sera quant à lui supprimé en raison du fait que ces aides relèvent désormais du règlement général des aides financières du CNC prévu par l’article D. 311-1 du CCIA.

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La Commission adopte l’article 28 sans modification.

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Article 29
Habilitation du Gouvernement à légiférer
par ordonnance pour modifier le code de la propriété intellectuelle

Le présent article a pour objet d’habiliter le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance en vue de permettre la transposition en droit français de la directive 2014/26/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 concernant la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins et l’octroi de licences multi-territoriales de droits sur des œuvres musicales en vue de leur utilisation en ligne dans le marché intérieur.

Les États membres sont tenus de transposer les dispositions de cette directive 2014/26/UE au plus tard le 10 avril 2016.

Les 45 articles que comprend la directive précisent de manière très détaillée les mesures à prendre pour améliorer les normes de gouvernance et de transparence des sociétés de gestion collective, contribuer à renforcer l’efficacité de leur gestion et faciliter la concession de licences multi-territoriales sur des droits d’auteur relatifs à des œuvres musicales pour la prestation de services en ligne. Les grands volets de cette directive sont détaillés dans l’étude d’impact annexée au projet de loi (mesure 61).

Afin d’atteindre au mieux les différents objectifs poursuivis dans le délai imparti, le Gouvernement a fait le choix d’une transposition de la directive 2014/26/UE la plus stricte possible par le biais d’une ordonnance prise en application de l’article 38 de la Constitution.

La France compte une vingtaine de sociétés de gestion collective constituées sous forme de sociétés civiles régies par le titre 3 du Livre 3 de la première partie du code de la propriété intellectuelle. La transposition de la directive 2014/26/UE précitée aura pour conséquence de soumettre ces sociétés privées à des exigences nouvelles et précises concernant leur fonctionnement général, d’une part, et l’octroi de licences multi-territoriales dans le secteur musical, d’autre part.

Selon l’étude d’impact, différents bénéfices sont attendus de cette transposition. Les consommateurs devraient ainsi disposer d’un meilleur accès à un éventail plus large de services culturels. Les utilisateurs commerciaux profiteront du meilleur fonctionnement et de la transparence accrue des sociétés de gestion collective et, dans l’environnement en ligne, d’un cadre qui facilitera l’accès aux licences pour la fourniture de services de musique dans l’ensemble de l’Union européenne. Les titulaires de droits, enfin, grâce au mécanisme mis en place pour faciliter l’octroi de licences multi-territoriales, pourront assurer la promotion et la diffusion de leurs œuvres à une plus grande échelle.

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La Commission adopte l’article 29 sans modification.

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Chapitre II
Dispositions portant habilitation à compléter et modifier le code du patrimoine

Article 30
Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour modifier et compléter le code du patrimoine

Le présent article a pour objet d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance, en application de l’article 38 de la Constitution, des mesures de nature législative tendant à modifier et compléter le code du patrimoine. L’étude d’impact annexée au projet de loi expose en détail le contenu des différentes mesures visées par l’article. L’ordonnance devra être prise dans un délai d’un an après la promulgation du présent texte et le projet de loi de ratification devra être déposé dans un délai de six mois à compter de la publication de l’ordonnance.

1. Dispositions relatives à l’ensemble du patrimoine culturel

Le a) du 1° du présent article habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur le régime des trésors nationaux et à adapter les sanctions en matière de circulation des biens culturels (mesures 15 et 16 de l’étude d’impact).

Les trésors nationaux sont des biens culturels qui présentent un intérêt majeur pour le patrimoine national du point de vue de l’histoire, de l’art ou de l’archéologie. Ils font de ce fait l’objet d’un refus temporaire de sortie du territoire, concrétisé par un refus de certificat d’exportation, mesure instaurée par la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 et aujourd’hui codifiée à l’article L. 111-4 du code du patrimoine.

L’ordonnance doit tout d’abord permettre au Gouvernement de préciser les cas d’irrecevabilité des demandes de certificat d’exportation.

En effet, d’après l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, la pratique du contrôle de l’exportation des biens culturels par le ministère chargé de la culture fait apparaître plusieurs difficultés. La première d’entre elles tient à un manque de clarté sur le fait que les trésors nationaux ne peuvent faire l’objet d’un certificat d’exportation. Il existe par ailleurs une confusion entre le refus de certificat, réservé aux seuls biens présentant le caractère de trésor national, et les cas d’irrecevabilité des demandes de certificat. L’ordonnance devra donc réaffirmer clairement que les trésors nationaux, dont l’une des caractéristiques est de ne pouvoir être exportés définitivement, ne peuvent obtenir de certificat d’exportation. Elle devra également clarifier la distinction entre l’irrecevabilité de la demande d’exportation et la procédure de refus du certificat d’exportation, réservée aux trésors nationaux.

L’ordonnance doit par ailleurs préciser les contraintes attachées à la qualification de trésor national.

En effet, le refus du certificat d’exportation confère, pendant sa durée d’effet, le statut de trésor national au bien concerné. Ce bien reste toutefois, dans l’attente d’un éventuel achat par l’État, possédé par des personnes privées, et échappe de ce fait au contrôle de l’administration. L’absence d’outils juridiques permettant à l’autorité administrative d’exercer un suivi de ces trésors nationaux est à l’origine d’un certain nombre de difficultés (incertitudes quant à la présence réelle des trésors sur le territoire français, restaurations risquant de porter atteinte à la qualité de l’œuvre, vente en lots séparés d’ensembles considérés comme des trésors nationaux…). Afin d’améliorer leur suivi, l’ordonnance devra mettre en place un contrôle scientifique et technique de l’État sur les trésors nationaux. L’autorité administrative pourrait en particulier être informée de la localisation du trésor, contrôler les travaux de restauration et interdire la vente en lots des ensembles reconnus comme des trésors nationaux.

L’ordonnance vise également à favoriser le maintien des trésors nationaux sur le territoire grâce à deux dispositions, détaillées dans les mesures 18 et 19 de l’étude d’impact :

– La première consiste à revoir le délai de la procédure d’acquisition. En effet, en cas de refus de certificat, l’œuvre acquiert la qualité de trésor national pour une durée de trente mois, ce qui ne laisse pas toujours le temps à l’État de réunir les financements nécessaires à son acquisition. En outre, lorsque le propriétaire accepte l’offre présentée par l’État, celui-ci doit s’acquitter du prix d’acquisition dans un délai de six mois, qui peut s’avérer difficile à respecter. L’ordonnance devrait donc allonger la durée de la phase d’acquisition pour les trésors nationaux d’une valeur supérieure à cinq millions d’euros, afin de laisser davantage de temps à l’État pour réunir les financements nécessaires à leur acquisition, et éviter ainsi que ces trésors quittent le territoire français.

– La seconde prévoit de renouveler le refus de certificat d’exportation en cas de refus du propriétaire de vendre le trésor à l’État au prix fixé par une expertise. Conformément à l’article L. 111-6 du code du patrimoine, l’autorité administrative peut présenter une offre d’achat afin d’acquérir le trésor national, dans un délai de trente mois à compter du refus du certificat d’exportation. Cette offre tient compte des prix pratiqués sur le marché international. Si le propriétaire n’accepte pas la première offre proposée par l’État, une expertise est réalisée afin d’évaluer la valeur du bien. Dans le cas où le propriétaire refuserait la nouvelle offre d’achat au prix fixé par l’expertise, l’article L. 121-1 du même code précise que « le refus de délivrance du certificat est renouvelé ». L’effet de cette disposition n’est toutefois pas encadré dans le temps. L’autorité administrative a ainsi été amenée à devoir se prononcer sur le sort à réserver à une demande de certificat déposée dix ans après le premier refus, sans parvenir à établir de solution pérenne. Afin de clarifier la situation des biens concernés, l’ordonnance pourrait, d’après l’étude d’impact, rendre définitif le refus de certificat sans indemnité en cas de refus du propriétaire de vendre le trésor à l’État au prix fixé par l’expertise. Cette disposition devra être conciliée avec le respect du droit de propriété.

L’ordonnance doit enfin créer des sanctions adaptées aux nouvelles obligations en matière de circulation des biens culturels et transformer en sanctions administratives les sanctions pénales prévues pour les faits n’ayant pas d’incidence sur l’intégrité des trésors nationaux.

Dans la rédaction initiale du projet de loi, le b) du 1° du présent article devait permettre à l’administration des douanes de contrôler les importations de biens culturels, en cas de doute sur la licéité de leur origine (mesure 17 de l’étude d’impact). Ces dispositions ayant finalement fait l’objet d’un article additionnel 18 B, adopté sur proposition du Gouvernement, la Commission a supprimé ce point de l’habilitation.

Un b) bis a en revanche été adopté par la Commission, sur proposition du Gouvernement, afin de l’habiliter à réorganiser le plan du Livre Ier du code du patrimoine dans le but d’en améliorer la lisibilité et la cohérence.

En application du c) du 1° du présent article, l’ordonnance doit adapter le régime d’insaisissabilité des biens culturels prêtés ou déposés par un État, une personne publique ou une institution culturelle étrangers en vue de leur exposition au public en France, pendant la période de leur prêt ou de leur dépôt à l’État (mesure 18 de l’étude d’impact).

Le dispositif actuel d’insaisissabilité présente en effet un certain nombre de limites. La procédure suppose de prendre un arrêté conjoint du ministère chargé de la culture et du ministère des affaires étrangères, précisant la liste des biens couverts, pour chaque demande d’insaisissabilité, ce qui représente une charge administrative forte et croissante. Non codifié, le dispositif français manque en outre de visibilité. Enfin, les biens appartenant à des personnes privées étrangères ne peuvent faire l’objet d’une mesure d’insaisissabilité, ce qui tend à dissuader certains prêts de longue durée, considérés en France comme des dépôts.

L’ordonnance doit notamment améliorer la rédaction du dispositif et l’insérer au sein du livre Ier du code du patrimoine, simplifier le traitement des demandes, ou encore ouvrir la possibilité du bénéfice de l’insaisissabilité à des biens appartenant à des personnes privées étrangères.

Le d) du 1° du présent article doit permettre de faciliter la récupération par les propriétaires publics des biens culturels appartenant au domaine public lorsqu’ils sont découverts entre les mains de personnes privées, après leur vol ou disparition (mesure 20 de l’étude d’impact).

Les actions en revendication et en nullité des biens appartenant au domaine public sont aujourd’hui soumises à des régimes différents selon qu’il s’agit de revendiquer une archive publique (article L. 212-1 du code du patrimoine), un objet mobilier classé perdu ou volé (article L. 622-17 du même code), un bien archéologique ou un bien d’une collection publique, qui ne bénéficient pas d’un régime spécifique au sein du code du patrimoine. Cette disparité de régimes est source de confusion.

L’ordonnance devra donc créer une nouvelle section III intitulée « Action en revendication et action en nullité » au sein du chapitre II relatif à la « Restitution des biens culturels » du titre Ier du livre Ier du code du patrimoine, afin d’unifier ces différents régimes. Il s’agit d’étendre à l’ensemble des biens culturels le droit existant depuis 2008 pour les archives publiques en matière d’action en revendication et en nullité de la vente. Il est par ailleurs prévu de créer de nouvelles sanctions afin de renforcer les moyens d’action à disposition de l’ensemble des propriétaires de biens du domaine public mobilier qui se trouvent dans les mains de personnes privées. L’articulation entre le code pénal et le code du patrimoine en matière de vol d’éléments du patrimoine culturel doit également être améliorée.

L’ordonnance devra en outre favoriser la restitution volontaire des biens, aujourd’hui entravée par le fait que la restitution n’est pas suivie d’une contrepartie financière de la part du propriétaire public originaire. Pour cela, elle prévoit de favoriser la restitution à l’amiable du bien en donnant un fondement clair et lisible à l’action que l’acquéreur évincé de bonne foi peut engager contre son vendeur pour recouvrer le prix payé, les frais engagés, ainsi que les éventuels dommages et intérêts.

Le e) du 1° du présent article doit permettre au Gouvernement d’assouplir les modalités de transfert des biens culturels entre services culturels des personnes publiques (mesure 21 de l’étude d’impact).

L’article L. 3112-1 du code général de la propriété des personnes publiques régit les modalités de transfert de propriété des biens culturels mobiliers entre personnes publiques, sans déclassement préalable. La règle générale veut que ces transferts soient réalisés sur la base de la valeur vénale des biens mobiliers transférés, à deux dérogations près :

– en droit des musées, l’article L. 451-8 du code du patrimoine permet le transfert à titre gratuit de la propriété de tout ou partie des collections d’un musée de France entre deux personnes publiques si la personne publique bénéficiaire du transfert s’engage à en maintenir l’affectation à un musée de France ;

– en droit de l’archéologie, l’article L. 523-14 du code du patrimoine autorise le transfert à titre gratuit du mobilier archéologique appartenant à l’État issu de fouilles préventives au bénéfice de la commune sur le territoire de laquelle il a été découvert et dès lors que celle-ci s’engage à en assurer la bonne conservation. L’article 20 du présent projet de loi tend à étendre cette possibilité de transfert à titre gratuit à toute personne publique s’engageant à en assurer la conservation et l’accessibilité, sous le contrôle scientifique et technique des services chargés de l’archéologie.

L’ordonnance a pour objectif d’autoriser les transferts de propriété à titre gratuit des biens culturels entre personnes publiques, au-delà des deux possibilités existants actuellement au sein du code du patrimoine.

Enfin, en application du f) du 1° du présent article, l’ordonnance envisagée devra étendre aux fonds de conservation des bibliothèques les compétences de la commission scientifique nationale des collections.

Aux termes de l’article L.115-1 du code du patrimoine, celle-ci a pour mission « de conseiller les personnes publiques ou les personnes privées gestionnaires de fonds régionaux d’art contemporain, dans l’exercice de leurs compétences en matière de déclassement ou de cession de biens culturels appartenant à leurs collections, à l’exception des archives et des fonds de conservation des bibliothèques ». L’ordonnance devra supprimer cette dernière exception.

2. Dispositions relatives aux bibliothèques

Le 2° du présent article autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin d’abroger les dispositions obsolètes du livre III du code du patrimoine, d’harmoniser les dispositions relatives au contrôle de l’État sur les bibliothèques avec les contrôles de même nature exercés sur les autres institutions culturelles, de prendre en compte les évolutions liées à la création des groupements de commune et enfin d’étendre les dispositions relatives au classement des bibliothèques aux bibliothèques des départements de Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.

3. Disposition relative aux musées de France

Le 3° du présent article prévoit d’autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de fusionner les instances consultatives compétentes en matière de musées de France (mesure 24 de l’étude d’impact).

Ces instances sont le Haut Conseil des musées de France (article L. 430-1 du code du patrimoine), les instances scientifiques mentionnées à l’article L. 451-1 du même code et la commission scientifique nationale des collections (article L. 115-1 du même code).

4. Dispositions relatives à l’archéologie

En complément de l’article 20, de nombreuses dispositions portant sur le livre V du code du patrimoine, relatif à l’archéologie, devront être prises par voie d’ordonnance.

Le a) du 4° du présent article doit permettre d’étendre le contrôle de l’autorité administrative sur le patrimoine culturel subaquatique situé dans la zone économique exclusive et sur le plateau continental (mesure 31 de l’étude d’impact).

Le dispositif actuel de protection des biens culturels maritimes, codifié aux articles L. 532-1 et suivants du code du patrimoine, couvre les biens situés dans le domaine public maritime, c’est-à-dire entre 0 et 12 milles marins, et dans la zone contiguë, soit entre 12 et 24 milles marins, mesurés à partir des lignes de base de la mer territoriale.

L’ordonnance envisagée permettra de mettre le droit interne en conformité avec la convention de l’UNESCO sur la protection du patrimoine subaquatique, adoptée à Paris le 2 novembre 2001 et ratifiée par la France en mai 2013, dont les articles 9 et suivants étendent la protection du patrimoine culturel subaquatique aux biens situés dans la zone économique exclusive (ZEE), c’est-à-dire jusqu’à 200 milles des lignes de base, et sur le plateau continental.

Le b) du 4° du présent article prévoit d’autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur le régime des restes humains mis au jour au cours d’une opération archéologique ou d’une découverte fortuite (mesure 34 de l’étude d’impact).

Ce sujet sensible, qui soulève des questions à la fois scientifiques et éthiques, ne fait pas l’objet d’un encadrement normatif clair : si l’article 16-1 du code civil dispose expressément que « le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial », le juge administratif a considéré lors de l’affaire des têtes maories que ces dispositions ne faisaient pas obstacle à l’exercice d’un régime de domanialité publique sur les restes humains, en application de dispositions particulières du code du patrimoine (Cour administrative d’appel de Douai, 24 juillet 2008).

Il importe donc de clarifier la question du traitement des restes humains en archéologie préventive. L’ordonnance devra en particulier réaffirmer que ceux-ci ne sont pas susceptibles d’appropriation, préciser la procédure de remise à l’autorité administrative, de conservation et d’étude des restes humains, ainsi que les modalités selon lesquelles ceux-ci peuvent faire l’objet de restitution ou de ré-inhumation.

En application du c) du 4° du présent article, l’ordonnance envisagée devra énoncer les règles de sélection, d’étude et de conservation du patrimoine archéologique, afin d’en améliorer la protection et la gestion.

Le d) du 4° du présent article doit permettre au Gouvernement d’adapter les procédures d’archéologie préventive aux cas de travaux d’aménagement projetés dans le domaine public maritime et la zone contiguë (mesure 33 de l’étude d’impact).

En effet, bien que l’article L. 521-1 du code du patrimoine dispose que l’archéologie préventive s’exerce « à terre et sous les eaux », les dispositions législatives adoptées en 2001 et 2003 se révèlent inadaptées au domaine maritime. Les surfaces affectées par les projets d’aménagement sont plus grandes que sur terre et les conditions d’intervention bien plus complexes et coûteuses. Dans ce contexte, l’étude d’impact identifie deux problématiques qui devront être traitées par l’ordonnance :

– La fiscalité appliquée à l’espace maritime, tout d’abord, doit être ajustée, le barème actuel de la redevance d’archéologie préventive (RAP), pensé pour des surfaces terrestres, étant totalement inadapté aux activités des aménageurs maritimes. Comme le note à ce sujet notre collègue Martine Faure dans son rapport de mai 2015 consacré à l’archéologie préventive, « l’application du barème aujourd’hui commun aux espaces terrestres et maritimes aboutirait à des prélèvements aberrants sur le plan économique ». L’étendue des surfaces concernées par les aménagements en mer suppose de revoir les barèmes de la RAP définis à l’article L. 524-7 du code du patrimoine pour les adapter aux opérations effectuées en mer.

– La chaîne opérationnelle – diagnostic puis fouille – ne peut, elle non plus, être identique sur terre et en mer. La phase de diagnostic est plus longue en mer et doit nécessairement comporter une étude des données recueillies lors d’une première phase de prospection géophysique, avant d’envisager des plongées. Les opérations de fouilles sont également soumises à des contraintes spécifiques, si bien qu’elles ne constituent pas nécessairement la solution la plus adaptée pour protéger le patrimoine archéologique. L’ordonnance devra donc définir une procédure permettant de recourir en priorité à des prescriptions de modification du projet d’aménagement.

Le e) du 4° du présent article doit permettre de réorganiser le plan du livre V et de mettre à jour ses dispositions (mesure 32 de l’étude d’impact).

Le plan proposé par l’ordonnance permettra d’améliorer la lisibilité et la compréhension du droit de l’archéologie. Le titre I doit être consacré aux dispositions générales (définitions, rôle des acteurs), le titre II à l’ensemble de la chaîne opératoire (traitement des données, opérations archéologiques, différents types de biens archéologiques, exploitation scientifique, diffusion des résultats), et le titre III aux dispositions fiscales et pénales.

5. Dispositions relatives à la protection du patrimoine

Le 5° du présent article autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur huit points distincts, dans le but de clarifier le droit existant. Les différentes mesures sont présentées en détail dans l’étude d’impact annexée au présent projet de loi (72).

En application du a) du 5° du présent article, l’ordonnance envisagée devra préciser et harmoniser les critères et les procédures de classement et d’inscription au titre des monuments historiques entre les immeubles et les objets mobiliers. En effet, comme l’indique l’étude d’impact, la protection des immeubles et des objets au titre des monuments historiques ne répond pas aux mêmes critères légaux : l’immeuble est classé s’il présente un intérêt du point de vue de l’histoire ou de l’art, tandis que les objets sont classés dès lors que leur « conservation présente, au point de vue de l’histoire, de l’art, de la science ou de la technique » un intérêt public.

Il importe de mettre en cohérence ces critères en modifiant les articles L. 621-1, L. 621-25, L. 622-1 et L. 622-20 du code du patrimoine et, surtout, de les adapter à la réalité des pratiques qui ont évolué depuis 1913 et qui prennent désormais en compte l’intérêt technique, scientifique, architectural et ethnologique des immeubles et objets mobiliers. Par ailleurs, certaines formulations désuètes méritent d’être actualisées, notamment en ce qui concerne l’inscription au titre des monuments historiques, qui peut être opérée lorsque l’immeuble ou l’objet présente un intérêt suffisant pour « rendre désirable » sa préservation.

Le b) du 5° du présent article prévoit d’autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de moderniser le régime de l’instance de classement. Cette procédure permet, dès sa notification, d’appliquer à un immeuble la protection offerte aux monuments classés, dans l’attente de son classement effectif. Même si le texte de l’actuel article L. 621-7 a évolué depuis 1913, il ne coïncide pas tout à fait à la pratique de l’administration, qui utilise cette instance de classement comme un moyen de « protection temporaire d’un immeuble menacé de démolition jusqu’à ce qu’il soit statué sur l’opportunité d’une mesure de protection définitive » (73). De fait, le classement ne débouche pas nécessairement, en pratique, sur un classement au titre des monuments historiques.

Pour prendre acte de l’autonomisation de cette mesure par rapport au classement au titre des monuments historiques et en clarifier la portée, il est donc nécessaire d’en modifier la dénomination – le terme d’« instance de protection » semble plus approprié – et d’en préciser les effets. Notamment, la protection n’a pas vocation à s’appliquer aux abords de l’immeuble en instance de protection, mais à lui seul.

Le c) du 5° du présent article doit permettre au Gouvernement de renforcer la protection offerte par l’inscription au titre des monuments historiques et de clarifier le droit applicable dans ce domaine. En effet, plusieurs dispositions protectrices ne sont aujourd’hui applicables qu’aux immeubles classés. C’est notamment le cas de l’expropriation pour cause d’utilité publique (74), de l’imprescriptibilité (75) ou encore de l’impossibilité d’appliquer à de tels immeubles des servitudes légales susceptibles de porter atteinte à leur conservation (76).

Or, de telles mesures permettraient à l’État de protéger plus efficacement des immeubles qui, s’ils présentent un intérêt patrimonial certain, ne répondent qu’imparfaitement aux critères du classement au titre des monuments historiques. Sans rapprocher plus avant les deux régimes de protection, il importe de faire bénéficier les immeubles inscrits de ces dispositions.

Par ailleurs, le d) du 5° du présent article doit harmoniser les régimes de travaux des immeubles et objets classés et inscrits – qui nécessitent, selon le cas, une autorisation du préfet de région, son accord ou sa simple information –, afin de clarifier le droit applicable pour les propriétaires de tels biens.

Le e) du 5° du présent article a pour objet d’habiliter le Gouvernement à modifier la procédure de mise en demeure d’exécuter des travaux sur un immeuble classé prévue à l’article L. 621-12 du code du patrimoine. En effet, le dernier alinéa de cet article prévoit que le recours du propriétaire porté devant le tribunal administratif est suspensif : ainsi, la décision de l’administration ne s’applique pas pendant la durée de l’instance juridictionnelle. Du fait des recours possibles, tels que l’appel et la cassation, contre la décision du tribunal administratif, une telle mesure permet généralement aux propriétaires non désireux de se plier à la décision de l’administration de ne pas réaliser les travaux exigés pendant plusieurs années, délai qui peut avoir des conséquences dramatiques en termes de protection de l’immeuble classé.

Aussi, dans la mesure où il existe, depuis 2000, un référé-suspension permettant de saisir en urgence le juge des référés pour qu’il confère un caractère suspensif au recours contre la décision de l’administration attaquée qui semble entachée d’illégalité, il semble inutile de prévoir, dans tous les cas, le caractère suspensif du recours du propriétaire contre la mise en demeure de l’administration. Ainsi, sans porter atteinte au droit de propriété du propriétaire de l’immeuble classé, qui sera préservé par l’existence du référé-suspension, la protection des immeubles classés sera plus efficacement assurée par la limitation des recours purement dilatoires.

Le f) du 5° du présent article porte sur la suspension de l’application du régime de protection au titre des monuments historiques des objets inscrits sur l’inventaire d’un musée de France. En effet, certains biens protégés au titre des monuments historiques peuvent avoir été acquis par un musée de France, auquel cas ils sont soumis à la fois aux dispositions du code du patrimoine relatives aux biens inscrits à l’inventaire d’un musée de France et à celles relatives à la protection des objets mobiliers classés ou inscrits au titre des monuments historiques. Afin d’éviter la superposition des servitudes applicables à ces objets, il est prévu de suspendre l’application de la protection au titre des monuments historiques pendant la période au cours de laquelle le bien est inscrit à l’inventaire d’un musée de France.

Le g) du 5° du présent article porte sur le récolement des objets mobiliers. Aujourd’hui, seuls les objets classés font l’objet d’un récolement obligatoire par l’autorité administrative. L’ordonnance doit étendre cette mesure aux objets inscrits au titre des monuments historiques. Cependant, eu égard au nombre désormais élevé d’objets classés, et du récolement futur des objets inscrits, il importe d’allonger le délai laissé à l’administration pour effectuer ce récolement. Aujourd’hui de cinq ans seulement, ce délai pourrait être porté à dix ans, ce qui assurerait de surcroît la cohérence de ce dispositif avec celui prévu pour le récolement des collections des musées de France (77).

Enfin, le h) du 5° du présent article prévoit d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour actualiser les dispositions et formulations obsolètes et à réorganiser le plan du livre VI du code du patrimoine afin d’en accroître la lisibilité. Il est également précisé, dans l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, que l’article L. 622-10 du code du patrimoine sera modifié pour permettre à un objet cultuel en péril d’être mis à l’abri dans un musée de France s’il n’y a pas de trésor de cathédrale à proximité.

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La Commission est saisie de l’amendement AC356 du Gouvernement.

Mme la ministre. Il s’agit d’un amendement de coordination facilitant l’insertion dans le code du patrimoine des mesures de lutte contre le trafic illicite des biens culturels que la Commission a adoptées précédemment.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AC186 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. L’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) et le département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM) du ministère de la culture sont amenés à intervenir dans les mêmes opérations. Cet amendement vise à clarifier les missions respectives de ces deux structures et la répartition des rôles entre elles.

M. le rapporteur. Votre préoccupation, que nous partageons totalement, est satisfaite par l’amendement AC209 que nous avons adopté à l’article 20.

Mme la ministre. Même avis.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement AC157 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. L’alinéa 22 de l’article 30 habilite le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance afin de préciser et d’harmoniser les critères et les procédures de classement et d’inscription au titre des monuments historiques des immeubles et des objets mobiliers. Un tel champ d’habilitation nous inquiète : pourquoi renvoyer des dispositions aussi essentielles à des ordonnances ? Au-delà des améliorations techniques, cette formulation très générale ne dissimule-t-elle pas l’intention de fondre entièrement le régime des inscrits dans celui des classés, ou l’inverse ? Certains ont exprimé des doutes à ce sujet.

M. le rapporteur. Je vous invite à retirer votre amendement. Le législateur n’aime pas particulièrement les ordonnances, mais elles sont parfois justifiées, notamment lorsqu’elles évitent au Parlement de revenir sur des textes qui ont mal vécu le poids des années pour leur apporter des modifications de pure forme. L’étude d’impact apporte un certain nombre de précisions sur le point que vous soulevez. Je suis sûr que Mme la ministre saura vous rassurer pleinement.

Mme la ministre. L’ordonnance à laquelle il est fait référence précisera bien que toute protection sera désormais déterminée par un intérêt « public ». Le degré de cet intérêt, qui sera apprécié par les commissions consultatives compétentes, déterminera le classement ou l’inscription. Pour chacun des types de protection, l’ensemble des catégories d’intérêt envisageables seront prises en compte : l’histoire, l’art, l’archéologie, l’architecture, l’ethnologie – qui permet la protection des biens supports de pratiques relevant du patrimoine immatériel –, la science et la technique.

Cette actualisation des critères et des procédures de protection ne changera rien aux régimes respectifs des biens protégés. Elle permettra de rassembler, dans un cadre plus clair et plus intelligible, les apports successifs des XXe et XXIsiècles à la construction de la notion de monument historique. Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, je donnerai un avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement AC158 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. L’alinéa 23 de l’article 30 habilite le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance afin de substituer au régime actuel de l’instance de classement un régime d’instance de protection pour les immeubles et les objets mobiliers. Là encore, le champ d’habilitation nous paraît trop large. Les modifications envisagées ne relèvent pas du domaine technique, puisqu’il s’agit non pas d’améliorer les procédures ou les modalités de l’instance de classement, mais de substituer à celle-ci une « instance de protection » dont nous ignorons absolument tout.

L’instance de classement est une procédure d’usage rare mais très importante au regard de la protection du patrimoine : elle est généralement utilisée pour éviter la disparition rapide d’un édifice remarquable qui n’a pas été protégé dans le passé. C’est une arme de dissuasion dans les mains du ministre de la culture. Son caractère discrétionnaire et sa mise en application immédiate sont essentiels pour faire face à de véritables urgences patrimoniales. Nous proposons donc la suppression de l’habilitation prévue.

M. le rapporteur. Sur ce sujet aussi, l’étude d’impact me semble apporter les réponses que vous demandez, monsieur de Mazières.

Mme la ministre. La procédure d’instance de classement, dont vous avez rappelé toute l’importance, a été créée à une époque où l’inscription était non pas une véritable protection, mais un simple signalement d’intérêt. Pour que la pérennité du bien menacé de destruction soit assurée, il fallait que l’instance débouche sur un classement définitif. Aujourd’hui, la plupart des mesures d’instance de classement débouchent précisément sur des mesures d’inscription.

Cependant, l’appellation même de l’instance de classement, ainsi que son positionnement à l’intérieur de la section du code du patrimoine consacrée au classement, entretiennent un malentendu, qui a été à l’origine de plusieurs recours contentieux. Une interprétation restrictive voudrait en effet que tout bien placé sous instance de classement réponde a priori aux critères justifiant le classement définitif. Or cette interprétation est extrêmement dangereuse car, si elle avait été appliquée, nombre d’immeubles aujourd’hui sauvés après une instance, et désormais inscrits au titre des monuments historiques, auraient disparu au prétexte qu’ils ne justifiaient pas le classement.

En réalité, le remplacement du terme « instance de classement » par le terme « instance de protection » vise à garantir qu’un immeuble pourra être conservé jusqu’à ce que les commissions consultatives déterminent si son intérêt justifie un classement ou une inscription. Il s’agit non pas de faire disparaître une procédure, mais de clarifier une dénomination.

J’espère vous avoir rassuré et vous invite à retirer votre amendement. À défaut, je donnerai un avis défavorable.

M. François de Mazières. Je retire l’amendement. Les précisions que vous avez apportées sont importantes, madame la ministre, et rassureront les intéressés. Il était bon que vous puissiez ainsi clarifier les choses, grâce aux amendements que nous avons présentés.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement AC341 du Gouvernement.

Mme la ministre. Il s’agit à nouveau d’un amendement de coordination facilitant l’insertion dans le code du patrimoine des mesures de lutte contre le trafic illicite des biens culturels.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 30 modifié.

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Chapitre III
Disposition portant habilitation à modifier et compléter le code de la propriété intellectuelle et le code du patrimoine s’agissant du droit des collectivités ultra-marines

Article 31
Habilitation du gouvernement à légiférer par ordonnances pour compléter et modifier le code de la propriété intellectuelle et le code du patrimoine pour l’Outre-mer

Le présent article habilite le gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions législatives du livre VII du code du patrimoine et du livre VIII du code de la propriété intellectuelle.

Cette habilitation s’inscrit dans une volonté d’améliorer l’intelligibilité de la loi sur la répartition des compétences entre l’État et les collectivités d’outre-mer ; elle devrait également permettre de renforcer la protection et la mise en valeur du patrimoine dans ces territoires.

1. Habilitation relative au code du patrimoine

Le 1° du I présent article prévoit de modifier le livre VII du code du patrimoine afin de tenir compte des nouveaux statuts et compétences des collectivités d’outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie.

Le plan du livre VII sera réorganisé afin de traiter distinctement les différents types de collectivités d’outre-mer, en s’appuyant sur la partition entre le principe d’identité législative et celui de spécialité législative. Des titres spécifiques seront désormais consacrés à chacun des trois « Saint »
– Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon – et Mayotte rejoindra le titre consacré aux quatre départements et régions d’outre-mer (DROM).

Outre diverses dispositions rédactionnelles et de toilettage, sur le fond, l’ordonnance devrait prévoir de :

– rendre applicable le régime de circulation des biens culturels à Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon ;

– préciser les modalités d’application des dispositions fiscales en matière de biens culturels (article L. 122-1 et L. 122-10) à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon ;

– adapter le régime de dépôt d’office des archives pour Saint-Pierre-et-Miquelon, créer un régime spécifique pour Saint-Barthélemy et Saint-Martin, et étendre les dispositions générales relatives aux archives publiques en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française ;

– étendre aux trois « Saint » le régime de redevance d’archéologie préventive ;

– étendre l’applicabilité des dispositions protectrices des trésors nationaux en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis-et-Futuna.

Le 1° du présent article ne vise expressément que les « collectivités d’outre-mer », catégorie juridique dont ne relève pas la Nouvelle-Calédonie. Elle dispose en effet d’un statut particulier et de son propre titre dans la Constitution. Certaines des modifications législatives envisagées affectant la Nouvelle-Calédonie, la commission a adopté un amendement tendant à viser explicitement la Nouvelle-Calédonie.

Le II du présent article indique que l’ordonnance sera prise dans un délai de trois ans. Ce délai vise à tenir compte des modifications préalables du code du patrimoine applicable en métropole par les ordonnances prévues à l’article 30.

2. Habilitation relative au code de la propriété intellectuelle

Le 2° du présent article prévoit de modifier le livre VIII du code de la propriété intellectuelle afin de tenir compte des nouveaux statuts et compétences des collectivités d’outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie, notamment en matière de propriété littéraire et artistique.

Les dispositions prévues à cet alinéa font suite à l’évolution statutaire de trois collectivités en particulier :

– suite à l’adoption de la loi organique n° 2013-1027 du 15 novembre 2013, la Nouvelle-Calédonie est désormais compétente en matière de droit civil et commercial, et donc en matière de propriété intellectuelle ;

– les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) sont quant à elles soumises au principe de spécialité législative et, depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2007-224 du 21 novembre 2007, le droit de la propriété intellectuelle y est applicable de plein droit ;

– la collectivité de Mayotte est quant à elle devenue un département à part entière le 31 mars 2011 suite à la promulgation le 7 décembre 2010 des lois relatives au Département de Mayotte.

Cette actualisation du code devrait faciliter sa lisibilité.

Le III. du présent article établit un délai d’un an pour la prise de l’ordonnance relatives aux dispositions du 2° du même article.

Un délai de six mois à compter de la publication de chaque ordonnance est prévu par le IV. du présent article pour le dépôt devant le Parlement des projets de loi de ratification par le Gouvernement.

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La Commission est saisie de l’amendement AC420 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision, qui vise à ce que les modifications apportées par ordonnance au livre VII du code du patrimoine concernent aussi la Nouvelle-Calédonie, territoire qui m’est cher.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 31 modifié.

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TITRE IV
DISPOSITIONS DIVERSES, TRANSITOIRES ET FINALES

Chapitre I
Dispositions diverses

Article 32
(art. 322-3-1 du code pénal)

Dégradations d’éléments du patrimoine archéologique ou d’édifices de culte

Le présent article modifie l’article 322-3-1 du code pénal relatif aux sanctions applicables en cas de destruction, dégradation ou détérioration d’éléments du patrimoine culturel et religieux.

Le 1° du présent article substitue aux dispositions figurant au 2° de l’article 322-3-1 du code pénal la définition nouvelle du patrimoine archéologique inscrite à l’article L. 510-1 du code du patrimoine, modifié par l’article 20 du présent projet de loi, qui reprend en substance la définition inscrite à l’article 1er de la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique du 16 janvier 1992, dite Convention de Malte.

Cette substitution étend le périmètre d’application de l’article 322-3-1 en matière de protection archéologique en décrivant de manière plus précise et plus large les éléments constitutifs de ce patrimoine.

Le 2° du présent article consacre, dans un alinéa propre, la protection existante des édifices affectés au culte en créant un 4° à l’article 322-3-1 du code pénal.

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La Commission adopte l’article 32 sans modification.

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Article 32 bis (nouveau)
(art. 59 nonies [nouveau] du code des douanes)

Communication d’informations entre les agents des douanes et les agents chargés de la mise en œuvre du code du patrimoine

À l’initiative du Gouvernement, la Commission a adopté cet article additionnel qui complète le code des douanes afin que, dans le cadre de la lutte contre le trafic illicite de biens culturels, les services des douanes et ceux du ministère de la Culture concernés puissent disposer d’un mécanisme d’échange d’informations adapté et juridiquement fondé.

Cette mention dans la loi est nécessaire car les agents des douanes sont soumis au secret professionnel au titre de l’article 59 bis du code des douanes et les échanges d’informations avec les autres administrations ne sont possibles que dans les conditions restrictives fixées à l’article 59 ter du même code.

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La Commission examine l’amendement AC340 du Gouvernement.

Mme la ministre. Il s’agit encore d’un amendement de coordination relatif aux dispositions de lutte contre le trafic illicite des biens culturels.

M. le rapporteur. Avis d’autant plus favorable qu’il vise à améliorer le partage d’informations entre les douanes et les services du ministère de la culture.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 32 ter (nouveau)
(art. 2-21 du code de procédure pénale)

Constitution de partie civile des associations de protection du patrimoine

Reprenant les termes de la proposition de loi n° 2787 du 20 mai 2015 visant à permettre la constitution de partie civile par des associations qui, en vertu de leurs statuts, ont pour vocation la protection du patrimoine culturel, la Commission a adopté, à l’initiative du rapporteur, un amendement tendant à permettre aux associations de protection du patrimoine culturel de bénéficier des dispositions de l’article 2-21 du code de procédure pénale.

Cet article permet aux associations de protection du patrimoine archéologique de se constituer partie civile pour la répression des faits qui les concernent mentionnés à l’article 322-3-1 du code pénal. Celui-ci punit de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amendement la destruction, la dégradation ou la détérioration d’un immeuble ou objet mobilier classé ou inscrit, d’un document d’archives privées classé, d’une découverte archéologique faite au cours de fouilles ou fortuitement, un terrain sur lequel se déroulent des opérations archéologiques ou un édifice affecté au culte ou d’un « bien culturel qui relève du domaine public mobilier ou qui est exposé, conservé ou déposé, même de façon temporaire, soit dans un musée de France, une bibliothèque, une médiathèque ou un service d’archives, soit dans un lieu dépendant d’une personne publique ou d’une personne privée assurant une mission d’intérêt général, soit dans un édifice affecté au culte ».

L’objet du présent article est d’étendre cette possibilité aux associations de protection du patrimoine dans son ensemble, et également de leur permettre de se constituer partie civile pour les faits réprimés par l’article 311-4-2 du code pénal, relatif au vol de biens patrimoniaux, et par l’article L. 114-1 du code du patrimoine, relatif à l’exportation illicite d’un bien culturel.

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La Commission examine l’amendement AC422 du rapporteur.

M. le rapporteur. Actuellement, seules les associations de défense du patrimoine archéologique peuvent bénéficier des dispositions de l’article 2-21 du code de procédure pénale. Le présent amendement vise à étendre cette possibilité à toutes les associations de défense du patrimoine, y compris à celles dont la vocation est de protéger les meubles et objets d’arts présentant un intérêt historique, sociologique ou artistique. Je défends cet amendement aussi au nom de M. Michel Piron, qui avait déposé avec M. Rudy Salles un amendement identique, numéroté AC135.

Mme la ministre. C’est une excellente mesure. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 33
(art. L. 331-18, art. L. 341-1-1 [nouveau], art. L. 350-2, art. L. 581-4, L. 581-8 et L. 581-21 du code de l’environnement)

Coordination avec le code de l’environnement

Le présent article procède à des coordinations au sein du code de l’environnement.

Le 1° du présent article prévoit d’introduire, au sein du code de l’environnement, un nouvel article L. 341-1-1 visant à rendre inapplicables aux immeubles protégés au titre des monuments historiques, de leurs abords et des cités historiques les servitudes d’utilité publique prévue à l’article L. 341-1 pour protéger les monuments naturels et les sites.

Le 2° du présent article a pour objet de modifier l’article L. 581-4 du code de l’environnement pour adapter la formulation de ses dispositions interdisant la publicité sur les immeubles protégés au titre des monuments historiques.

Le 3° du présent article modifie l’article L. 581-8 du code de l’environnement, qui réglemente la publicité à l’intérieur des agglomérations, pour adapter ses dispositions aux modifications introduites par le présent projet de loi. La publicité à l’intérieur des agglomérations serait ainsi notamment interdite aux abords des monuments historiques, dans le périmètre des cités historiques, et à moins de cent mètres et dans le champ de visibilité des immeubles présentant un caractère esthétique, historique ou pittoresque sur lesquels la publicité est interdite par un arrêté municipal ou préfectoral en application de l’article L. 580-4 du même code.

Le 4° du présent article procède aux mêmes adaptations à l’article L. 581-21 du même code, dont le dernier alinéa porte sur l’installation d’enseignes sur les immeubles protégés au titre des monuments historiques. Par souci d’harmonisation avec le régime applicable aux immeubles protégés au titre des abords, les immeubles situés dans le périmètre de cités historiques ne seraient pas concernés par l’allongement du délai au-delà duquel l’accord de l’administration à la demande d’installation d’enseigne est réputé donné, contrairement aux secteurs sauvegardés aujourd’hui.

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La Commission est saisie de l’amendement AC134 de M. Patrick Hetzel.

M. François de Mazières. La France compte quelque 60 000 moulins. Il y en a peu sur le territoire de ma commune – si ce n’est celui du Hameau de la Reine, qui ne fonctionne pas vraiment –, mais plusieurs de mes collègues ont appelé mon attention sur la destruction de certains d’entre eux, et j’ai à cœur de soutenir cet amendement. J’insiste à nouveau sur l’importance du patrimoine vernaculaire. Les moulins sont aujourd’hui menacés par des obligations environnementales parfois disproportionnées. La restauration de la continuité écologique, en particulier, dont le principe n’est pas contesté pour les installations hydrauliques ayant un réel impact sur l’état des cours d’eau, aboutit souvent à la destruction des seuils de moulins.

M. le rapporteur. Comme vous, j’ai été sensibilisé à la nécessité de protéger les moulins, qui ont en effet une importance patrimoniale notable. J’ai d’ailleurs été impressionné par ce chiffre de 60 000. Cependant, le champ de votre amendement me semble excessivement large : vous proposez d’exempter l’ensemble des usines hydrauliques de France des dispositions de l’article L. 214-17 du code de l’environnement relatif au classement des cours d’eau dans le but d’assurer la continuité écologique. Je souhaiterais que l’on trouve un moyen de protéger les moulins, mais avec un dispositif mieux calibré.

Mme la ministre. Je partage l’avis du rapporteur : la rédaction proposée poserait une difficulté d’application, la notion d’usine hydraulique étant bien trop large. Cela étant, j’ai bien conscience du problème que vous soulevez, qui n’est pas anecdotique : il arrive en effet que certaines prescriptions disproportionnées ou inadaptées entraînent la destruction de moulins anciens, voire protégés. Néanmoins, ce problème peut être traité au moyen d’une circulaire conjointe du ministère de l’écologie et du ministère de la culture, afin d’éviter une application non raisonnée de l’article L. 214-17 du code de l’environnement. Je serai très attentive à cette question et veillerai à ce que le dossier progresse rapidement. Compte tenu de ces explications, je vous invite à retirer votre amendement.

M. Michel Herbillon. Nous partageons tous le même objectif : protéger ces moulins, qui font partie de notre patrimoine. La proposition du rapporteur, qui consiste à revoir la rédaction de l’amendement d’ici à la séance publique afin de mieux en préciser le champ, me paraît bienvenue.

Je suis, moi aussi, très attaché aux moulins. Je vous invite d’ailleurs à aller voir le moulin de la Chaussée, situé sur la Marne, dans l’une des communes de ma circonscription, Saint-Maurice, juste en face de Maisons-Alfort. C’est probablement l’un des moulins les plus vus de France, par plus de 200 000 automobilistes chaque jour. Avec le maire, nous y avons installé un centre de formation d’apprentis, ce qui a permis de le sauver.

M. François de Mazières. Il serait bon, en effet, de rédiger un article mieux ciblé d’ici à la séance publique.

L’amendement est retiré.

La Commission examine les amendements AC423 et AC424 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de deux amendements de coordination.

Mme la ministre. Avis favorable à ces deux amendements.

La Commission adopte successivement les amendements AC423 et AC424.

Puis elle adopte l’article 33 modifié.

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Article 34
(art. L. 122-8 du code forestier)

Coordination avec le code forestier

Le présent article modifie l’article L. 122-8 du code forestier qui assure la coordination des procédures administratives prévue à l’article L. 122-7 du même code. Ainsi, les dispositions relatives aux monuments historiques, à leurs abords et aux cités historiques figurent au titre des législations faisant l’objet de la coordination des procédures administratives.

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La Commission adopte l’article 34 sans modification.

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Article 35
(art. L. 4421-4 du code général des collectivités territoriales)

Coordination avec le code général des collectivités territoriales

Le présent article procède à une coordination avec l’article L. 4421-4 du code général des collectivités territoriales, qui fixe les attributions du conseil des sites de Corse. Celui-ci exerçait jusqu’à présent les fonctions de la commission régionale du patrimoine et des sites, désormais remplacée par la commission régionale du patrimoine et de l’architecture. Le présent article modifie en conséquence l’intitulé de la commission mentionnée à l’article L. 4421-4 du code précité.

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La Commission adopte l’article 35 sans modification.

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Article 36
(art. L. 110, L. 111-6-2, L. 111-7, L. 123-1-2, L. 123-1-3, L. 123-1-5, L. 123-5-1 et L. 123-5-2, L. 127-1 et L. 127-2, L. 128-1, L. 300-6-1, L. 313-1, L. 313-12, L. 313-15, L. 322-2, L. 421-6, L. 480-1 et L. 480-2, L. 480-13 du code de l’urbanisme)

Modifications du code de l’urbanisme

Le présent article procède à un certain nombre de coordinations avec le code de l’urbanisme, mais opère également des modifications de fond.

1. La coordination des dispositions relatives au patrimoine avec le code de l’urbanisme (1° et 2°, 12° à 16°)

Le 1° du présent article modifie l’article L. 110 du code de l’urbanisme afin que la protection, la conservation et la restauration du patrimoine culturel guide, au même titre que la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la préservation de la biodiversité ou la salubrité publique, l’harmonisation des politiques d’urbanisme de chaque collectivité.

Le 2° du présent article modifie l’article L. 111-6-2 de même code afin d’assurer la coordination de ses dispositions avec celles issues du présent projet de loi. En application de cet article, l’autorité compétente pour délivrer un permis de construire ne peut opposer les règles d’urbanisme relatives à l’aspect extérieur des constructions à « l’utilisation de matériaux renouvelables ou de matériaux ou procédés de construction permettant d’éviter l’émission de gaz à effet de serre, à l’installation de dispositifs favorisant la retenue des eaux pluviales ou la production d’énergie renouvelable ».

Toutefois, le deuxième alinéa de cet article prévoit des exceptions à cette disposition, qui résident notamment dans les différents régimes de protection que connaît le code du patrimoine. Dans la rédaction issue du présent article, les dispositions précitées seraient notamment inapplicables aux abords des monuments historiques, dans le périmètre d’une cité historique et aux immeubles protégés au titre des monuments historiques.

Le 12° du présent article procède à une modification sémantique à l’article L. 313-12 du même code.

Le 13° du présent article abroge l’article L. 313-15 du même code, relatif aux secteurs sauvegardés.

Le 14° du présent article modifie l’article L. 322-2 afin de permettre la constitution d’une association foncière urbaine visant à assurer la conservation, la restauration et la mise en valeur des cités historiques, en lieu et place des secteurs sauvegardés.

Le 15° du présent article modifie l’article L. 421-6 du même code afin de permettre le refus de la délivrance du permis de démolir si les travaux envisagés sont de nature à compromettre la protection ou la mise en valeur du patrimoine bâti et non bâti, mais également du patrimoine archéologique.

Le 16° du présent article opère plusieurs modifications au deuxième alinéa de l’article L. 480-1, relatif à la constatation des infractions au code de l’urbanisme par les agents commissionnés à cet effet par le ministre en charge de la culture, afin de tenir compte de la substitution des cités historiques aux secteurs sauvegardés.

2. La mise en œuvre du plan local d’urbanisme « patrimonial » et du plan de sauvegarde et de mise en valeur sur le périmètre couvrant une cité historique (3° à 5°, 9° à 11°)

Le 3° du présent article modifie l’article L. 123-1-2 du même code relatif au rapport de présentation que comporte le plan local d’urbanisme. Lorsque le plan local d’urbanisme couvre le périmètre d’une cité historique, le diagnostic qui sous-tend ce rapport de présentation doit s’appuyer sur un inventaire du patrimoine de la cité historique. La commission a adopté un amendement visant à soumettre la réalisation de l’inventaire à l’avis de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture.

Le 4° du présent article complète l’article L. 123-1-3, relatif au projet d’aménagement et de développement durables compris dans le plan local d’urbanisme. Ainsi, lorsque le plan local d’urbanisme couvre le périmètre d’une cité historique, son projet d’aménagement et de développement durables, qui « définit les orientations générales des politiques d’aménagement, d’équipement, d’urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques », doit également définir les orientations retenues en matière de protection et de mise en valeur du patrimoine de la cité historique.

Le 5° du présent article apporte certaines précisions au III de l’article L. 123-1-5 du même code, qui fixe le périmètre du règlement d’urbanisme et autorise le règlement à déterminer des règles propres à contribuer à la qualité architecturale et paysagère et à protéger certains quartiers ou immeubles pour des motifs d’ordre culturel, historique, architectural ou écologique. Ce sont précisément ces dispositions qui devront obligatoirement figurer dans le plan local d’urbanisme couvrant le périmètre d’une cité historique en application du nouvel article L. 631-3 du code du patrimoine créé par l’article 24 du présent projet de loi. Le 5° du présent article fait figurer les préoccupations patrimoniales
– conservation, restauration et mise en valeur du patrimoine – au sein de ces dispositions.

Le 9° du présent article opère une modification rédactionnelle.

Le 10° du présent article modifie l’intitulé du chapitre III du titre Ier du livre III du code de l’urbanisme, qui porte aujourd’hui sur les secteurs sauvegardés et la restauration immobilière. Ce chapitre serait désormais intitulé : « Plan de sauvegarde et de mise en valeur et restauration immobilière ».

Le 11° du présent article substitue ainsi à l’actuelle section 1, consacrée aux secteurs sauvegardés, une section intitulée : « Plan de sauvegarde et de mise en valeur ». Cet outil, qui existe aujourd’hui pour assurer la protection des secteurs sauvegardés, demeurerait définit par l’article L. 313-1 du code de l’urbanisme.

Dans sa nouvelle rédaction, celui-ci prévoit qu’un tel plan peut être établi sur tout ou partie du périmètre d’une cité historique et tient alors lieu de plan local d’urbanisme. Établi avec l’assistance technique et financière de l’État par l’autorité locale compétente en matière d’urbanisme, il est soumis pour avis à la commission régionale du patrimoine et de l’architecture ou, si le ministre chargé de la culture le souhaite, par la commission nationale des cités et monuments historiques. Il ne peut être approuvé par l’autorité locale qu’avec l’accord de l’autorité administrative. La révision du plan obéit aux mêmes règles.

La Commission a, à l’initiative du rapporteur, adopté un amendement visant à permettre à la commune membre d’une intercommunalité dont le territoire serait situé en tout ou partie dans le périmètre d’une cité historique, de demander à l’intercommunalité compétente en matière d’urbanisme à être couverte par un plan de sauvegarde et de mise en valeur. À la suite de sa demande, un débat s’engagerait nécessairement au sein de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale.

Le III de l’article L. 313-1 définit le contenu du plan de sauvegarde et de mise en valeur. Ainsi, celui-ci peut indiquer les immeubles ou parties 
– intérieures et extérieures – d’immeubles dont la démolition est interdite et la modification soumise à des conditions spéciales et, à l’inverse, ceux dont la démolition ou la modification pourront être imposées à l’occasion d’opérations d’aménagement.

Le plan de sauvegarde et de mise en valeur, en application du IV de l’article L. 313-1, doit être compatible avec le projet d’aménagement et de développement durables du plan local d’urbanisme. Si tel n’est pas le cas, il ne peut être approuvé que si l’enquête publique a porté à la fois sur le plan de sauvegarde et de mise en valeur et sur la révision du plan local d’urbanisme.

Enfin, en application du V de l’article L. 313-1, le plan de sauvegarde et de mise en valeur peut être modifié à l’initiative de l’autorité compétente en matière d’urbanisme, après notification au préfet et réalisation d’une enquête publique, s’il n’est pas porté atteinte à son économie générale ou s’il ne réduit pas un espace boisé classé.

3. Des dérogations aux règles relatives au gabarit et au volume constructible pour les projets présentant un intérêt public du point de vue de la création, de l’innovation et de la qualité architecturales (6° à 8°)

Les 6°, 7° et 8° du présent article introduisent, au sein du code de l’urbanisme, des dispositions visant à encourager la qualité, l’innovation et la création architecturales par l’octroi d’un bonus de constructibilité.

Le 6° du présent article complète l’article L. 123-5-1 du code de l’urbanisme. Ce dernier prévoit que des dérogations aux règles d’urbanisme peuvent être consenties dans certaines zones qui connaissent un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements. Notamment, il est possible de déroger aux règles relatives au gabarit, à la densité ou aux aires de stationnement pour construire plus de logements, surélever une construction existante afin de créer des logements, transformer une construction existante en logements, etc.

Il est prévu que les projets bénéficiant d’une telle dérogation puissent, si leur réalisation présente un intérêt public du point de vue de la création, de l’innovation et de la qualité architecturale, obtenir une dérogation supplémentaire aux règles de gabarit et de constructibilité, dans la limite de 5 %. C’est l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation de construire qui pourra, après avis de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture, accorder cette dérogation.

Le 7° du présent article procède au même ajout à l’article L. 127-1, qui permet au règlement d’urbanisme de déterminer des secteurs au sein desquels les programmes immobiliers comportant des logements sociaux peuvent obtenir une majoration du volume constructible, fixée par le règlement et qui ne peut excéder 50 %. Dans ces mêmes secteurs, les projets qui présentent un intérêt public du point de la création, de l’innovation et de la qualité architecturale pourront bénéficier d’une majoration supplémentaire de 5 %, dans la limite de 50 %.

Il en est de même du 8° du présent article, qui modifie l’article L. 128-1 du même code. Celui-ci permet de dépasser de 30 % au plus les règles relatives au gabarit pour les constructions satisfaisant à des critères de performance énergétique élevée ou alimentées à partir d’équipements performants de production d’énergie renouvelable ou de récupération. Toutefois, ce dépassement ne pourra excéder 20 % lorsque le projet concerne un immeuble protégé au titre du code du patrimoine, de l’environnement ou de l’urbanisme. Par ailleurs, les projets présentant un intérêt public du point de la création, de l’innovation et de la qualité architecturales pourront se voir accorder une dérogation supplémentaire de 5 % aux règles fixant le gabarit ou le volume constructible, dans les limites aujourd’hui fixées par l’article L. 128-1.

À l’initiative du rapporteur, qui a souhaité assouplir les conditions d’octroi de ces dérogations, la Commission a adopté trois amendements tendant à remplacer les trois critères cumulatifs que sont la qualité, la création et l’innovation architecturales par l’association alternative de deux critères : soit la qualité architecturale associée à la création, soit la qualité architecturale associée à l’innovation.

Par ailleurs, après le 6° du présent article, la Commission a, à l’initiative du rapporteur, adopté un bis qui vise à rendre inapplicables aux immeubles protégés au titre des monuments historiques et de leurs abords, des cités historiques et du 2° du III de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme les dispositions de l’article L. 123-5-2 du même code relatif à la dérogation aux règles d’urbanisme en vue de permettre l’isolation par l’extérieur des bâtiments.

Enfin, à l’initiative du Gouvernement, la Commission a adopté un amendement créant un bis au sein du présent article, qui crée un nouveau cas de dérogation aux règles d’urbanisme pour les projets présentant un intérêt public du point de vue de la création, de la qualité et de l’innovation architecturales. En application de l’article L. 127-2 du code de l’urbanisme, le règlement peut déterminer des secteurs à l’intérieur desquels les programmes de logements intermédiaires peuvent bénéficier d’une majoration du volume constructible n’excédant pas 30 %. Par ailleurs, la majoration accordée ne peut être supérieure, pour chaque opération, au rapport entre le nombre de logements intermédiaires et le nombre total de logements.

Le 7° bis complète cet article et permet à l’autorité compétente pour délivrer les autorisations d’urbanisme d’accorder, après avis de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture, une majoration supplémentaire de 5 % maximum aux projets présentant un intérêt public du point de vue de la création, de l’innovation ou de la qualité architecturale.

4. Dispositions relatives à l’archéologie préventive (17°)

Le 17° du présent article modifie l’article L. 480-2 du code de l’urbanisme, qui encadre la procédure d’interruption de travaux réalisés en infractions au même code. Le a) du 17° permet ainsi d’ordonner l’interruption des travaux sur saisine du préfet de région ou du ministre chargé de la culture pour les infractions relatives aux prescriptions de l’État en matière d’archéologie préventive.

Le b) du 17° permet aux mêmes personnes d’ordonner l’interruption des travaux ou des fouilles si un procès-verbal constatant l’infraction aux prescriptions de l’État en matière d’archéologie préventive a été dressé et si la justice ne s’est pas encore prononcée.

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La Commission adopte l’amendement de coordination AC425 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement AC151 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. La loi du 13 août 2004 a confié aux régions la conduite et la coordination de l’inventaire général du patrimoine culturel. En une décennie, la mobilisation des collectivités territoriales a permis de faire avancer la recherche scientifique et la connaissance du patrimoine des territoires. Afin de prendre en compte cette expertise lors de l’élaboration des documents d’urbanisme, il conviendrait d’inscrire dans le code de l’urbanisme que les plans locaux d’urbanisme (PLU) visent l’inventaire général du patrimoine culturel. De la sorte, la protection du patrimoine sera mieux assurée dans le cadre des futurs projets d’aménagement.

M. le rapporteur. Je ne comprends pas bien le sens de votre amendement ; l’inventaire existe en dehors du PLU, il n’est pas besoin que celui-ci le vise pour lui donner une existence. Cette précision me paraît dès lors inutile. En revanche, le PLU d’une cité historique doit effectivement s’appuyer sur un inventaire de son patrimoine, ce que prévoit d’ailleurs le 3° de l’article 36. Défavorable.

Mme la ministre. Même avis : l’amendement est satisfait.

M. François de Mazières. Au-delà du cas des cités historiques, nous souhaitions inciter les communes à se montrer attentives à l’inventaire au moment de la réforme du PLU.

L’amendement est retiré.

La Commission passe à l’amendement AC39 de Mme Annie Genevard.

M. Michel Herbillon. La question du niveau territorial le plus pertinent pour protéger le patrimoine a déjà été évoquée. Nous pensons, pour notre part, que c’est à l’échelon communal qu’il faut garantir la capacité d’élaborer des règles spécifiques de protection et de valorisation du patrimoine, la tâche pouvant s’avérer beaucoup plus difficile, y compris au sens politique, au niveau intercommunal. Ainsi, en Île-de-France, la métropole du Grand Paris rassemble des territoires comptant plus de 500 000 ou 700 000 habitants, et un nombre important de communes. Les sensibilités pouvant varier fortement d’une commune à l’autre, c’est la protection du patrimoine qui risque d’en pâtir.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Si l’intercommunalité souhaite prendre l’initiative de la protection patrimoniale, il faut la laisser faire. Il me paraît préférable que le PLU patrimonial soit, autant que possible, élaboré conjointement. Je vous suggère de retirer votre amendement, sachant que mon propre amendement AC398, à l’alinéa 25, aborde le problème de l’intercommunalité.

Mme la ministre. Avis défavorable également.

La Commission rejette l’amendement.

Elle aborde l’amendement AC294 de M. Jacques Cresta.

Mme Sophie Dessus. Afin de renforcer la légitimité des dispositifs de protection d’une cité historique, il est opportun de préciser la nécessité d’une consultation de la nouvelle commission régionale du patrimoine et de l’architecture lors de l’élaboration du PLU.

M. le rapporteur. Comme je l’ai déjà dit, je suis favorable à ce que la nouvelle commission régionale du patrimoine et de l’architecture intervienne dans l’élaboration du PLU et du plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV). Pourquoi ne pas lui permettre d’intervenir aussi lors de l’inventaire qui est joint au PLU ? Je m’en remets à la sagesse de la Commission.

Mme la ministre. Même avis.

La Commission adopte l’amendement.

Elle se penche sur l’amendement AC295 de M. Jacques Cresta.

Mme Sophie Dessus. Nous proposons de renforcer les dispositions prévues pour la protection des cités historiques en introduisant dans le texte une nuance d’obligation.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Je ne crois pas que tous les règlements de tous les PLU de toutes les communes de France doivent obligatoirement mentionner ces règles. Celles-ci devront bien figurer dans le PLU patrimonial, tel que le prévoit l’article 24, mais, dans les autres cas, leur détermination restera facultative.

Mme la ministre. Même avis.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement AC426 du rapporteur.

M. le rapporteur. Compte tenu du débat sur l’article 24, je retire cet amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement AC427 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement a pour objet d’assouplir le dispositif proposé en ne retenant que deux critères, au lieu de trois, pour accorder la dérogation aux règles relatives au gabarit et à la surface constructible, prévue par le 6° de l’article 36. Pour en bénéficier, le projet devra présenter un intérêt public soit du point de vue de la qualité et de la création architecturales, soit du point de vue de la qualité et de l’innovation architecturales. Cette disposition, qui reprend l’une des préconisations de la mission d’information sur la création architecturale, permettra de libérer celle-ci dans notre pays.

Mme la ministre. Une belle disposition ! Avis très favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC428 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit d’appliquer également aux règles relatives à l’aspect extérieur des constructions la dérogation prévue au 6° de l’article 36.

Mme la ministre. Les dérogations doivent s’appliquer à des éléments quantifiables, comme le gabarit ou la hauteur ; or l’aspect extérieur des constructions auxquelles vous souhaitez en étendre le régime peut difficilement être quantifié. Il serait alors difficile d’objectiver la dérogation que vous proposez d’autoriser. Je vous suggère donc de retirer votre amendement.

M. le rapporteur. J’aimerais que nous revenions à cette question lors du débat en séance. L’aspect extérieur des constructions constitue un vrai sujet et la dérogation prévue à l’article 36 doit pouvoir s’y appliquer afin d’apporter davantage de créativité dans les façades des immeubles collectifs de notre pays !

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement AC429 du rapporteur.

M. le rapporteur. La dérogation supplémentaire prévue au 6° de l’article 36 – pour l’instant fixée à 5 % du volume initial autorisé – représente un facteur très dynamisant de la création architecturale dans notre pays. Afin de rendre le dispositif plus attractif, je propose de la porter à 10 %.

Mme la ministre. Ce projet de loi vise à promouvoir une architecture de qualité auprès de l’ensemble des acteurs de la construction ; je ne peux donc qu’être sensible à l’esprit de votre amendement. Je m’interroge néanmoins sur l’ampleur de la dérogation que vous proposez : une majoration de 10 % des droits à construire représenterait une hauteur de deux mètres environ pour un immeuble de cinq étages. Avant de porter le ratio à 10 %, il me semblerait préférable de procéder, au terme de quelques années, à l’évaluation de la dérogation de 5 %. Si vous ne retiriez pas votre amendement, j’émettrais donc un avis défavorable.

M. le rapporteur. Je ne saurais me montrer trop exigeant dans le cadre de ce débat en commission, avant la première lecture du projet de loi ; je retire donc mon amendement, mais j’espère que, lorsque nous voterons définitivement ce texte, nous arriverons bien à 10 %...

L’amendement est retiré.

La Commission étudie l’amendement AC431 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement a une histoire : je l’avais défendu lors de l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. J’attendais d’intervenir en hémicycle quand un amendement précédent a entièrement réécrit l’article, faisant tomber le mien. Je n’ai donc pas pu le défendre. Cet amendement vise à adapter intelligemment la dérogation prévue au titre de l’isolation par l’extérieur en tenant compte des caractéristiques architecturales des immeubles protégés au titre du code du patrimoine.

Mme la ministre. Je comprends votre frustration. Pourtant, la représentation nationale vient de voter la loi relative à la transition énergétique, instaurant cette dérogation. Alors que la loi vient juste d’être promulguée, le Gouvernement est défavorable à cet amendement et il me revient d’être cohérente avec cette position.

M. François de Mazières. J’appuie très énergiquement l’amendement proposé par notre rapporteur. L’isolation par l’extérieur des bâtiments historiques représente une aberration. On fera pourrir les immeubles de l’intérieur ! Madame la ministre, nous voterons tous contre votre décision et approuverons notre rapporteur. Je ne comprends pas votre position !

Mme la ministre. C’est la position du Gouvernement.

M. François de Mazières. Vous ne pouvez pas, en tant que ministre de la culture, soutenir une position qui peut, dans certains cas, aboutir à la destruction des bâtiments historiques ! Cet amendement est essentiel et doit absolument être maintenu !

M. Michel Ménard, président. Je comprends la position de Mme la ministre, mais j’adhère à la proposition du rapporteur, que je soutiens.

M. le rapporteur. Je maintiens l’amendement. Visiblement, ce qui pose problème n’est pas le champ de la disposition, mais uniquement la référence au vote récent du Parlement. Or nous sommes la représentation nationale, et ce que fait une loi, une autre loi peut le défaire, le compléter ou le corriger. N’ayant pas pu défendre cet amendement – qui relève du pur bon sens – lors du débat sur la transition énergétique, je considère que nous servons l’intérêt général en remédiant à cette situation aujourd’hui.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC432 du rapporteur.

M. le rapporteur Il s’agit une fois de plus d’assouplir le dispositif proposé en ne retenant que deux critères, au lieu de trois, pour accorder la dérogation prévue par le 7° de l’article 36. Ainsi, pour bénéficier de la dérogation aux règles relatives au gabarit et au volume constructible, le projet devrait présenter un intérêt public soit du point de vue de la qualité et de la création architecturales, soit du point de vue de la qualité et de l’innovation architecturales.

Mme la ministre. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

L’amendement AC433 du rapporteur est retiré.

La commission examine l’amendement AC434 du rapporteur.

M. le rapporteur. J’ai bien entendu l’argumentation de la ministre et nous en restons donc également, pour le 7° de l’article 36, à une dérogation limitée à 5 %. Je retire donc mon amendement.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AC348 du Gouvernement.

Mme la ministre. Le présent amendement vise à compléter l’article 36 en incluant dans le dispositif de dérogation aux règles de gabarit les dispositions de l’article L. 127-2 du code de l’urbanisme, créé par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. La dérogation proposée par le projet de loi portait sur l’article L. 127-1 relatif aux programmes de logements comportant des logements locatifs sociaux. Il convient donc d’étendre cette dérogation à celle prévue par l’article L. 127-2 nouveau relatif aux programmes de logements intermédiaires au sens de l’article L. 302-16 du code de la construction et de l’habitation. La majoration prévue est limitée à la hauteur ou à la surface, notions qui se prêtent facilement à une quantification. La mesure qui vous est proposée est très simple et facilement contrôlable.

M. le rapporteur. Avis évidemment très favorable, puisqu’il s’agit de déroger aux règles d’emprise au sol et de hauteur, au bénéfice de la qualité et de la création architecturale.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC435 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement s’inscrit dans la logique des précédents du même type et concerne cette fois le 8° de l’article 36, en ne retenant que deux critères au lieu de trois pour accorder la dérogation.

Mme la ministre. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Les amendements AC436 et AC437 du rapporteur sont successivement retirés.

Puis la commission étudie l’amendement AC398 du rapporteur.

M. le rapporteur. Le présent amendement, rédigé avec un soin tout particulier, vise à adapter le dispositif de cités historiques aux cas où la compétence en matière d’urbanisme est exercée par un établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Dans un tel cas de figure, il est nécessaire de prévoir que la ou les communes sièges de la cité historique puissent demander l’élaboration d’un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) sur leur territoire. Une délibération est alors nécessairement engagée sur ce point au sein de l’organe délibérant de l’EPCI. Il s’agit de ne pas casser la dynamique voulue par le législateur devant aboutir à la définition dans toutes les intercommunalités de plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUI).

Mme la ministre. J’émets un avis favorable. Je comprends tout à fait la volonté du rapporteur et de nombre d’entre vous de faire en sorte que la protection et la mise en valeur de l’architecture et du patrimoine au sein d’une cité historique soient bien prises en compte par l’intercommunalité lorsqu’elle exerce la compétence en matière d’urbanisme. Cette demande est légitime sur le plan patrimonial et ne remet pas du tout en cause les compétences de l’intercommunalité en matière de documents d’urbanisme.

M. Michel Herbillon. J’ai tout de même des doutes sur le mécanisme proposé, sur la réelle protection qu’il apportera aux cités historiques. Il est précisé qu’une délibération est engagée au sein de l’organe délibérant de l’EPCI – à la majorité qualifiée ? Certains peuvent s’opposer, pour je ne sais quelle raison, à un PSMV. La compatibilité entre le PLUI d’une part et la nécessaire spécificité du plan d’urbanisme devant protéger le patrimoine de la cité historique de l’autre ne me paraît pas évidente.

M. François de Mazières. Je suis également très préoccupé. Imaginez qu’une commune, au sein d’une intercommunalité, ne parvienne pas à convaincre les autres municipalités qu’il faut protéger tel monument historique. Le dialogue préalable que vous proposez au sein de l’EPCI ne répond absolument pas à notre inquiétude. Nous ne nous trouvons pas du tout ici dans la logique que vous suggériez tout à l’heure consistant à donner la main à la commune. Vous cherchez une solution, certes, mais celle-ci n’est pas adéquate.

M. Michel Ménard, président. C’est en tout cas la proposition qui vous est faite et qui va dans votre sens, même si vous estimez qu’elle ne va pas assez loin. Si vous ne votez pas cet amendement, vous serez encore plus loin de l’objectif que vous poursuivez. On dit souvent que « nous avons les élus que nous méritons » ; aussi est-ce la qualité des élus qui fera celle du projet.

M. François de Mazières. Je préside une intercommunalité. Imaginons qu’une des communes veuille protéger un monument historique et que je sois un ennemi farouche du patrimoine, que j’organise donc le débat prévu et que j’arrive à convaincre tous les autres maires de l’absurdité du projet en question...

Mme la ministre. Le dispositif proposé permet tout de même d’ouvrir un débat au sein de l’EPCI. On ne peut ensuite préjuger de l’hostilité des communes ou des intercommunalités à la protection du patrimoine. Il est important, pour les communes concernées, de pouvoir saisir leur intercommunalité afin qu’ait lieu ce débat.

M. Michel Herbillon. Certes, mais l’objectif n’est pas seulement d’ouvrir le débat, il est aussi d’obtenir la protection du patrimoine. Nous préconisons donc de privilégier l’échelon communal. Le cas de figure évoqué à l’instant par M. de Mazières peut en effet tout à fait arriver. Nous ne pouvons pas, pour reprendre l’expression célèbre d’Oreste dans l’acte I, scène 1 d’Andromaque de Racine, nous « [livrer] en aveugle au destin qui [nous] entraîne ».

M. Michel Ménard, président. Ce qui est proposé à la commission est de voter ou non cet amendement. Si vous avez d’autres propositions, vous aurez la faculté de déposer des amendements en séance.

M. le rapporteur. Je ne voudrais pas qu’on réduise la portée de cette disposition. Nous essayons de combiner, en effet, la non-remise en cause des compétences des EPCI en matière d’urbanisme et la possibilité pour une commune membre d’un EPCI de bénéficier d’un plan de sauvegarde si elle le souhaite. Le débat prévu au sein de l’organe délibérant de l’EPCI doit confirmer l’opportunité de ce PSMV. Dans la pratique, je souhaite vous en convaincre, je vois mal l’organe délibérant d’un EPCI refuser un PSMV à l’une de ses communes : imaginez les articles que la décision de ne pas protéger le patrimoine de cette petite municipalité susciterait dans la presse locale.

Certains souhaitaient un dispositif plus ambitieux – et moi aussi, peut-être, d’ailleurs – ; reste que je vous propose de vous satisfaire de celui-ci, ce qui ne revient pas à se satisfaire de peu.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements de coordination AC439 et AC440 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 36 modifié.

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Article 37
(art. L. 3212-2 du code général de la propriété des personnes publiques)

Cession par l’État de mobiliers de scénographie

Le présent article complète l’article L. 3212-2 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) qui déroge aux dispositions du premier alinéa de l’article L. 3211-18, qui prévoit que « les opérations d’aliénation du domaine mobilier de l’État ne peuvent être réalisées ni à titre gratuit, ni à un prix inférieur à la valeur vénale ». L’article L. 3212-2 rend ainsi possible la réalisation de cessions à titre gratuit pour des motifs d’intérêt public social, éducatif ou culturel.

Le présent article étend cette possibilité de cession gratuite « aux biens de scénographie » – matériaux et matériels de présentation des expositions ou manifestations – de l’État ou des établissements publics.

Les biens de scénographie ne font pas partie du domaine public des personnes publiques dans la mesure où ils ne remplissent pas les critères énoncés à l’article L. 2112-1 du CG3P ; ce sont donc des biens mobiliers relevant du domaine privé. Dans l’état du droit, leur aliénation n’est donc possible qu’à titre onéreux dans les conditions prévues par les articles L. 3211-17 et L. 3211-18.

La possibilité pour l’État et ses établissements publics de les céder gratuitement à d’autres personnes publiques ou privées agissant dans les domaines culturels ou du développement durable à des fins non lucratives constitue une nouvelle logique de circulation de ces biens. Celle-ci s’inscrit dans une volonté de réduction des coûts d’acquisition et de destruction du mobilier, ainsi que dans une perspective de diminution de l’impact environnemental induit, grâce à la réutilisation d’éléments existants.

L’étude d’impact annexée au présent projet de loi précise, parmi les objectifs poursuivis par cette mesure, que les bénéficiaires « s’engagent à ne pas revendre postérieurement les matériels ou matériaux donnés ». Cet encadrement conventionnel vise également à développer le cercle vertueux de la cession à titre gratuit des biens entre acteurs.

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La Commission adopte l’article 37 sans modification.

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Article 37 bis (nouveau)
(art. 9 et 10 de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État)

Cotutelle du ministère de la Culture et du ministère des Affaires étrangères sur l’Institut français

À l’initiative du Gouvernement, la Commission a adopté un amendement tendant à modifier les articles 9 et 10 de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État relatifs à la création de l’Institut français et au conseil d’orientation stratégique pour l’élaboration des stratégies de rayonnement de la culture et de la langue françaises à l’étranger.

L’Institut français, établissement public industriel et commercial aujourd’hui placé sous la tutelle du ministre des Affaires étrangères, « concourt, en faisant appel au réseau culturel français à l’étranger, à la politique culturelle extérieure ». Il a notamment pour mission de développer les échanges avec les cultures européennes, francophones et étrangères, de soutenir la création et la diffusion des expressions artistiques du Sud, de diffuser le patrimoine cinématographique et audiovisuel, de promouvoir et d’accompagner à l’étranger les idées, les savoirs et la culture scientifique française, de soutenir une large circulation des écrits, des œuvres et des auteurs, en particulier francophones et de promouvoir l’enseignement de la langue française à l’étranger. Le 1° du présent article a pour objet de placer l’Institut français sous la tutelle conjointe du ministre en charge de la culture et du ministre des Affaires étrangères.

Par ailleurs, en application du 2° du présent article, le conseil d’orientation stratégique prévue à l’article 10 de la loi précitée a vocation à être présidé conjointement par le ministre des Affaires étrangères et le ministre chargé de la culture.

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La Commission examine l’amendement AC344 du Gouvernement.

Mme la ministre. Cet amendement vise, d’une part, à placer l’Institut français, qui a été créé par la loi du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État et qui a pour mission principale de concourir à la politique extérieure de la France, sous la tutelle conjointe du ministère des affaires étrangères et du ministère de la culture et, d’autre part, à confier la présidence conjointe du Conseil d’orientation stratégique, qui a été créé par la même loi et qui concourt à l’élaboration des stratégies de rayonnement de la culture et de la langue françaises à l’étranger, aux ministres des affaires étrangères et de la culture.

M. le rapporteur. Enfin ! Avis favorable, bien entendu.

La Commission adopte l’amendement.

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Chapitre II
Dispositions transitoires

Article 38
Dispositions transitoires

Le présent article fixe en premier lieu les dispositions transitoires relatives à l’application de l’article 5 du projet de loi relatif aux contrats entre artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes.

En application du I du présent article, le nouvel article L. 212-14 du code de la propriété intellectuelle relatif à l’obligation de reddition des comptes sera applicable aux contrats en cours. Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État a estimé que cette atteinte à la liberté contractuelle, qui n’était pas rétroactive et n’emportait pas d’obligation de modifier les contrats, était justifiée par un motif d’intérêt général suffisant. L’application aux contrats en cours de l’obligation de reddition des comptes ne devrait pas poser de difficultés pratiques. En effet, les moyens technologiques dont disposent les producteurs doivent leur permettre de réaliser des redditions de comptes détaillées de manière aisée. De plus, une grande majorité rend d’ores et déjà compte semestriellement aux artistes-interprètes dont le contrat prévoit une rémunération proportionnelle aux recettes d’exploitation.

En application du II du présent article, les autres dispositions de l’article 5 entreront en vigueur le premier jour du quatrième mois suivant celui de sa publication au Journal officiel de la République française. Le choix est fait de laisser trois mois aux producteurs pour adapter les contrats en cours de négociation.

Le III de l’article concerne l’entrée en application de dispositions prévues à l’article 17.

Les nouvelles procédures d’accréditation à délivrer des diplômes de troisième cycle conjointement avec des universités, par arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur après avis conforme du ministre de la Culture, entreront en vigueur :

– s’agissant des établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans le domaine des arts plastiques, dès la signature du contrat pluriannuel qui sera désormais conclu avec l’État en application de l’article 17 du projet de loi ; il est par ailleurs indiqué que ce contrat devra dès lors être signé au plus tard deux ans après la promulgation de la présente loi, afin de garantir une application rapide des nouvelles dispositions ;

– s’agissant des établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans le domaine du spectacle vivant, trois ans après la promulgation de la présente loi. Ce délai tient compte du fait que les coopérations entre ces établissements et les universités pour l’élaboration de diplôme de troisième cycle sont encore peu développées. Toutefois, les établissements qui ont été ou seront habilités à délivrer des diplômes avant cette date le resteront logiquement jusqu’au terme de l’habilitation prévue.

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La Commission adopte l’article 38 sans modification.

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Article 39
Disposition transitoire relative aux fonds régionaux d’art contemporain

Le présent article prévoit de maintenir la dénomination de « fonds régional d’art contemporain » pour les organismes qui en bénéficiaient déjà avant l’entrée en vigueur des dispositions prévues à l’article 19 du présent projet de loi, et ce pendant un délai de cinq ans à compter de cette date, sous réserve que leurs statuts comportent une clause prévoyant l’affectation irrévocable des biens acquis par dons et legs ou avec le concours de l’État ou d’une collectivité territoriale à la présentation au public.

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La Commission adopte l’amendement rédactionnel AC504 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 39 modifié.

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Article 40
Entrée en vigueur différée de certaines dispositions relatives au patrimoine et dispositions transitoires

Le I du présent article prévoit que plusieurs dispositions du présent projet de loi relatives au patrimoine n’entreront en vigueur qu’à une date fixée par décret et au plus tard le 1er juillet 2016.

Il s’agit des dispositions de l’article 24 relatives aux abords des monuments historiques, à l’abrogation des sanctions pénales existantes et aux cités historiques ; des nouvelles dispositions pénales réprimant les infractions au régime des travaux sur les immeubles protégés au titre des monuments historiques, des abords et des cités historiques ; des articles 33 et 34 du présent projet de loi, qui opèrent les coordinations nécessaires à la mise en œuvre des cités historiques et de la protection des abords au sein du code de l’environnement et du code forestier ; enfin, des dispositions de l’article 36 qui procèdent aux mêmes coordinations au sein du code de l’urbanisme.

Le II du présent article prévoit qu’à compter de la date d’entrée en vigueur de ces dispositions, les périmètres de protection adaptés et modifiés deviennent de plein droit des abords. De la même façon, à compter de la même date, les secteurs sauvegardés, les AVAP et les ZPPAUP créés avant cette date deviennent, de plein droit, des cités historiques.

À l’initiative du rapporteur, la commission a adopté un amendement visant à préciser que le plan de sauvegarde et de mise en valeur du secteur sauvegardé applicable avant la date d’entrée en vigueur du dispositif de cité historique est applicable, après cette date, dans le périmètre de la cité historique.

Enfin, le III du présent article précise que les demandes de permis et les déclarations préalables de travaux effectuées au titre du code de l’urbanisme, comme les demandes d’autorisation de travaux effectuées au titre du code du patrimoine dans sa version actuelle, avant la date visée au I du présent article seront instruites conformément au droit actuellement en vigueur. Cette disposition a pour objet d’assurer une certaine stabilité juridique aux demandeurs.

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La Commission adopte l’amendement de précision AC441 du rapporteur.

Puis elle est saisie de l’amendement AC442 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de préciser de façon explicite que le « plan de sauvegarde et de mise en valeur du secteur sauvegardé » devient le « plan de sauvegarde et de mise en valeur de la cité historique », dès lors que celle-ci se substitue au secteur sauvegardé.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 40 modifié.

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Article 41
Dispositions transitoires relatives aux instances consultatives du patrimoine

Le présent article prévoit de maintenir les actuelles instances consultatives du patrimoine – la commission nationale des monuments historiques, la commission nationale des secteurs sauvegardés et les commissions régionales du patrimoine et des sites – jusqu’à la publication des décrets mentionnés aux derniers alinéas des articles L. 611-1 et L. 611-2 du code du patrimoine issus du présent projet de loi, et au plus tard le 1er juillet 2017.

Le présent article précise que, pendant ce délai, la commission nationale des monuments historiques exerce les missions dévolues à la future commission nationale des cités et des monuments historiques en matière d’immeubles protégés au titre des monuments historiques, d’abords, d’objets mobiliers et de domaines nationaux ; la commission nationale des secteurs sauvegardés exerce, quant à elle, les missions dévolues à la future commission nationale des cités et monuments historiques en matière de cités historiques ; la commission régionale du patrimoine et des sites exerce les missions dévolues à la future commission régionale du patrimoine et de l’architecture.

Les mandats des membres de ces commissions sont prorogés jusqu’à la suppression de ces instances et les avis rendus par ces commissions antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi tiennent lieu des avis des futures commissions. Ainsi, la continuité des instances consultatives paraît assurée en dépit des fusions opérées par le présent projet de loi.

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La Commission adopte l’amendement AC443 du rapporteur visant à corriger une erreur matérielle.

Puis elle adopte l’article 41 modifié.

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Article 42
Dispositions transitoires relatives aux plans de sauvegarde et de mise en valeur et aux projets d’aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine

Afin de ne pas perdre l’acquis des régimes de protection antérieurs, le I du présent article prévoit que les projets de plan de sauvegarde et de mise en valeur de secteurs sauvegardés mis à l’étude avant l’entrée en vigueur des dispositions relatives aux cités historiques (cf. article 40) seront instruits et approuvés conformément au droit actuellement en vigueur.

Cette mesure transitoire, applicable pendant cinq ans, permettra aux communes qui se sont déjà engagées dans un processus de protection relativement lourd de ne pas en perdre les bénéfices. Par ailleurs, la mise en œuvre de ces plans sera ainsi favorisée au sein des cités historiques qui prendront la suite de secteurs sauvegardés.

Par ailleurs, le II du présent article permet aux projets d’aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine d’être instruits et approuvés conformément aux règles actuellement en vigueur pendant un délai de trois ans à compter de l’entrée en vigueur des dispositions relatives aux cités historiques.

Là encore, il s’agit de simplifier les démarches des communes qui auraient décidé de créer une AVAP, par exemple pour faire échec à la disparition d’une ZPPAUP, avant l’entrée en vigueur des dispositions relatives aux cités historiques. Toutefois, celle-ci deviendra automatiquement une cité historique au jour de sa création et son règlement s’appliquera immédiatement à la cité historique jusqu’à l’élaboration d’un plan de sauvegarde et de mise en valeur ou d’un plan local d’urbanisme « patrimonial ».

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La Commission adopte successivement les amendements AC444 et AC445 de précision du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 42 modifié.

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Chapitre III
Dispositions relatives à l’Outre-Mer

Article 43
Application des dispositions des articles 1er à 7, 11 à 13, 20, 32 et 34 du projet de loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises

Le I du présent article rend le 1° de l’article 20, qui modifie l’article L. 510-1 du code du patrimoine définissant le patrimoine archéologique, applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et dans les terres australes et antarctiques françaises (TAAF). Cet article était d’ores et déjà applicable à ces territoires en application des articles L. 740-3, L. 750-2, L. 760-4 et L. 770-1 du code du patrimoine. Toutefois, le principe de spécialité législative exige la mention expresse de l’applicabilité des textes modifiés même lorsque ceux-ci sont déjà applicables (78).

Le II du présent article rend l’article 32 du présent projet de loi, qui modifie l’article 322-3-1 du code pénal relatif à la destruction du patrimoine culturel, expressément applicable en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, tandis que le III du présent article prévoit de rendre l’article 32 expressément applicable à Wallis-et-Futuna.

Le III du présent article rend par ailleurs les articles 1er à 7 et 11 à 13 applicables à Wallis-et-Futuna.

Enfin, le IV du présent article rend les dispositions de l’article 34 du projet de loi, qui modifie le code forestier, applicable aux TAAF. En effet, le code forestier y est applicable en application de son article L. 179-1.

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La Commission adopte l’article 43 sans modification.

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Article 44
Adaptation des dispositions des articles 18 et 39 du projet de loi à Mayotte, en Guyane, en Martinique, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon

Le présent article a pour objet d’adapter les dispositions des articles 18 et 39 du projet de loi, relatifs aux fonds régionaux d’art contemporain, à Mayotte, en Guyane, en Martinique, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Dans ces collectivités, des fonds territoriaux d’art contemporain pourront être créés.

En effet, si les dispositions du code du patrimoine sont d’ores et déjà applicables à Mayotte, en Guyane et en Martinique, des dispositions d’adaptation sont nécessaires, car contrairement à La Réunion et à la Guadeloupe, ces collectivités ne sont pas des régions. Il en est de même des collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

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La Commission adopte l’article 44 sans modification.

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Article 45
Adaptation de certaines dispositions du projet de loi à Mayotte

Le I du présent article prévoit de rendre l’article 16 relatif à la collecte de données auprès des entrepreneurs du spectacle vivant applicable à Mayotte à compter de l’entrée en vigueur de l’article 50 sexies H de l’annexe 4 du code général des impôts au département de Mayotte. En effet, la partie réglementaire du code général des impôts n’est pas encore applicable dans cette collectivité.

Le II du présent article modifie le code du travail applicable à Mayotte. Les dispositions du code du travail relatives au guichet unique pour le spectacle vivant y seront désormais applicables, alors que seules celles relatives aux entrepreneurs du spectacle vivant le sont aujourd’hui.

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La Commission adopte successivement l’amendement de précision AC446 du rapporteur, puis son amendement AC447 visant à corriger une erreur matérielle.

Elle adopte l’article 45 modifié.

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Article 46
Adaptation de certaines dispositions du projet de loi à Saint-Martin et Saint-Barthélemy

En application des articles LO. 6313-1 et LO. 6213-1 du code général des collectivités territoriales, les dispositions législatives et réglementaires sont applicables de plein droit à Saint-Martin et à Saint-Barthélémy, sauf dans certaines matières fixées par le même code. Les dispositions législatives du code du patrimoine y sont donc applicables, sans qu’il soit nécessaire de mentionner leur applicabilité expresse. Pour autant, cela ne fait pas obstacle à l’adaptation de ces mêmes dispositions.

C’est la raison pour laquelle le I du présent article prévoit que, dans ces collectivités, les références au code de l’urbanisme qui sont faites aux articles L. 621-30 à L. 621-32 relatifs aux abords des monuments historiques, sont remplacées par les dispositions ayant le même objet localement ; en effet, en matière d’urbanisme, ces deux collectivités sont compétentes pour fixer les règles applicables sur leurs territoires (79). Le 2° du I procède à la même adaptation en ce qui concerne les références au plan local d’urbanisme et au plan de sauvegarde et de mise en valeur aux articles L. 631-1 à L. 632-3 du code du patrimoine relatifs aux cités historiques.

La collectivité de Saint-Barthélemy étant, en application de l’article LO. 6214-3 du code général des collectivités territoriales, compétente en matière d’environnement, le II du présent article renvoie au droit applicable localement pour la mise en œuvre de l’article L. 612-2 du code du patrimoine modifié par l’article 23 du projet de loi, qui renvoie la protection des patrimoines et des sites au code de l’environnement, et de l’article L. 621-31 du code du patrimoine modifié par l’article 24 du projet de loi, pour ce qui est de la réalisation des enquêtes publiques. De façon plus générale, le III du présent article prévoit que les références au code de l’environnement sont remplacées, dans ce territoire, par les références au code de l’environnement applicable localement.

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La Commission adopte l’article 46 sans modification.

Elle adopte ensuite l’ensemble du projet de loi modifié.

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En conséquence, la Commission des Affaires culturelles et de l’Éducation demande à l’Assemblée nationale d’adopter le présent projet de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

ANNEXES

ANNEXE N° 1 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

(par ordre chronologique)

Ø Mme Laëtitia Lafforgue, présidente, M. Serge Calvier, vice-président aux questions sociales, Mme Julie Mailhé, coordonnatrice de la Fédération nationale des arts de la rue

Ø M. Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux

Ø M. Alexandre Gady, président de la Société de protection des paysages et de l’esthétique de France (SPPEF), et M. Julien Lacaze, vice-président

Ø M. Vincent Berjot, directeur général des patrimoines au ministère de la Culture et de la communication, et M. Jean-Michel Loyer-Hascoet, sous-directeur des monuments historiques

Ø M. Michel Orier, directeur général de la création artistique au ministère de la Culture et de la communication, Mme Laurence Tison-Vuillaume, chef de service, adjointe au directeur général, et Mme Pascale Suissa-Elbaz, chef du bureau des affaires juridiques

Ø M. Richard Patry, président de la Fédération nationale des cinémas français (FNCF), M. Jean-Pierre Decrette, président délégué, M. Marc-Olivier Sebbag, délégué général, et M. Erwan Escoubet, directeur juridique

Ø M. Florian Salazar-Martin, président de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC), Mme Déborah Münzer, vice-présidente et maire-adjointe à la Culture de Nogent-sur-Marne, Mme Annie Denis, membre du bureau et vice-présidente déléguée à la culture de la Communauté d’Agglomération Marne la Vallée/Val Maubuée, et Mme Jane-Marie Hermann, membre du bureau et maire-adjointe à la culture de Viroflay

Ø MM. Vincent Bady et Pierre Roba, membres du Conseil national du Syndicat national des arts vivants (SYNAVI)

Ø Confédération générale du travail (CGT) – M. Denis Gravouil, secrétaire général de la Fédération nationale des syndicats du spectacle, de l’audiovisuel et de l’action culturelle (FNSAC-CGT) (CGT Spectacle), M. Jimmy Shuman, membre de la délégation générale du Syndicat français des artistes interprètes (SFA-CGT), M. Marc Slyper, secrétaire général du Syndicat national des artistes musiciens (SNAM-CGT), et Mlle Angeline Barth, secrétaire générale du Syndicat national des professionnels du théâtre et des activités culturelles (SYNPTAC-CGT)

Ø M. Pierre-Frédéric Brau, membre du bureau de l’Association des archivistes français et administrateur de la section des archives départementales, conservateur en chef du patrimoine, directeur des archives départementales de l’Yonne, M. Romain Joulia, membre du conseil d’administration de l’association et président de la section des archives communales et intercommunales, conservateur du patrimoine, directeur des archives de Rennes, et Mme Alice Grippon, déléguée générale

Ø M. Jean-Jacques Milteau, président de la Société pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI), M. Bruno Boutleux, directeur général gérant, Mme Anne-Charlotte Jeancard, directrice des affaires juridiques et internationales, et M. Benjamin Sauzay, directeur des affaires institutionnelles

Ø Mme Frédérique Bredin, présidente du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), M. Laurent Vennier, directeur adjoint du Cinéma, M. Pierre-Emmanuel Lecerf, directeur des affaires européennes et internationales, et M. Stéphane Davy, chef du service des affaires juridiques

Ø M. Frédéric Goldsmith, délégué général de l’Association des producteurs de cinéma (APC)

Ø M. Xavier Filliol, head of content & development de RadioLine, Les éditions de l’Octet, représentant le Groupement des éditeurs de contenus et services en ligne (GESTE), et Mme Louise Durand, juriste

Ø M. Ludovic Pouilly, président du Syndicat des éditeurs de service de musique en ligne (ESML), institutional & music industry relations at Deezer, et M. Gilles Bressand, avocat à la Cour d’appel de Paris

Ø M. Didier Herbillon, vice-président de l’Association nationale des villes et pays d’art et d’histoire et des villes à secteurs sauvegardés et protégés (ANVPAH & VSSP) et maire de Sedan, Mme Marylise Ortiz, directrice, et M. Jacky Cruchon, expert

Ø M. Jean de Lambertye, président de l’Association La Demeure Historique, et Mme Alexandra Proust, juriste-conseiller Gestion Monuments historiques au service juridique et technique, Mme Marie-Christine Lefebvre

Ø Mme Mireille Grubert, directrice de l’École de Chaillot

Ø M. Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), et M. Guillaume Prieur, directeur des affaires institutionnelles et européennes

Ø M. Stéphane Le Tavernier, président du Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP), M. Guillaume Leblanc, directeur général, et M. Alexandre Lasch, directeur juridique

Ø Mme Madeleine Louarn, présidente du Syndicat des entreprises artistiques et culturelles (SYNDEAC), et M. Cyril Seassau, directeur

Ø M. Martin Ajdari, directeur général des médias et des industries culturelles (DGMIC) du ministère de la culture et de la communication, M. Nicolas Georges, directeur chargé du livre et de la lecture, M. Rémi Gimazane, chef du département de l’économie du livre, M. Ludovic Zékian, sous-directeur du développement de l’économie culturelle, M. Pierre Mainguy, chef du bureau du financement des industries culturelles, M. Jean-Philippe Mochon, chef du service des affaires juridiques et internationales, et M. Fabrice Benkimoun, sous-directeur des affaires juridiques

Ø M. Philippe Toussaint, président de l’association Vieilles maisons françaises, et M. Arnaud Vincent-Genod, chargé de mission administratif et juridique

Ø M. Charles Quimbert, directeur de l’association Bretagne culture diversité, et M. André Queffelec, président de l’association Sonerion

Ø M. Jorge Alvarez, photographe, trésorier de l’Union des syndicats et organisations professionnelles des arts visuels (USOPAV) et membre du Syndicat national des photographes, Mme Katerine Louineau, plasticienne, déléguée du comité des artistes auteurs-plasticiens (CAAP) et chargée des relations avec les parlementaires, et M. Jean Vincent, avocat, conseiller juridique

Ø M. David Nicolas, maire d’Avranches, représentant l’Association des maires de France (AMF) (80), Mme Nelly Deniot, responsable du département Action sociale, éducative, sportive et culturelle, M. Sébastien Ferriby, conseiller éducation et culture, Mme Charlotte de Fontaines, conseillère urbanisme au département Villes et urbanismes, et M. Alexandre Touzet, chargé de mission relations avec le Parlement

Ø M. Alain de La Bretesche, président de l’association Patrimoine-Environnement (LUR-FNASSEM), MM. Bertrand Perret et Claude Birenbaum, administrateurs

Ø Mme Marie-Claire Martel, présidente de la Coordination des fédérations des associations de culture et de communication (COFAC)

Ø M. Jean-Noël Tronc, directeur général de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM), M. David El Sayegh, secrétaire général, et M. Blaise Mistler, directeur des relations institutionnelles

Ø M. Alain Terzian, président de l’Union des producteurs de films (UPF), et Mme Marie-Paule Biosse Duplan, déléguée générale

Ø M. Daniel Ramponi, conseiller régional des Pays de la Loire, représentant l’Association des régions de France (ARF), et Mme Claire Bernard, conseillère culture, sport, jeunesse, santé, lutte contre les discriminations

Ø M. Pascal Prunet, président de la Compagnie des architectes en chef des monuments historiques (CACMH), M. Christophe Bottineau vice-président, et M. Olivier Weets, membre du bureau

Ø M. Pierre Dubreuil, directeur général de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), M. Olivier Peyratout, directeur général adjoint, et Mme Estelle Folest, chargée de mission auprès du directeur général, études, expertise, affaires publiques

Ø M. Hervé Selles, chef du service d’archéologie du conseil départemental de l’Eure-et-Loir, et M. Vincent Hincker, archéologue service archéologique du conseil départemental du Calvados, ancien membre de la Cira Sud-Est et du CNRA, représentant l’Association nationale pour l’archéologie de collectivité territoriale (ANACT)

Ø M. Frédéric Rossi, président du Syndicat national des professionnels de l’archéologie (SNPA), et M. Bertrand Bakaj, directeur de la société ANTEA-Archéologie, bureau d’études agréé en archéologie préventive

Ø Mme Marie-Françoise Manière, présidente de l’Union nationale des syndicats français d’architectes (UNSFA), et M. Lionel Carli, membre du bureau national

Ø Mme Catherine Jacquot, présidente du Conseil national de l’ordre des architectes (CNOA), M. François Rouanet, vice-président, et Mme Isabelle Moreau, directrice des relations institutionnelles

Ø Mme Malika Séguineau, déléguée générale du Syndicat national des producteurs, diffuseurs, festivals et salles de spectacle musical et de variété (PRODISS), et Mme Aline Renet, conseillère stratégique et relations institutionnelles

Ø Mme Cécile Marie-Castanet et M. Michel Gellard, représentant la Coordination nationale des enseignants d’écoles d’art (CNEEA)

Ø M. Vincent Frèrebeau, président de l’Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI), et M. Jérôme Roger, directeur général

Ø M. Alain Clair, secrétaire général de la Fédération Spectacle et communication de l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA), M. Serge Vincent, et Mme Rachel Brishoual

Ø M. Pascal Nègre, président de la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), et M. Marc Guez, directeur général

Ø M. François Nowak, président du bureau de la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes (SPEDIDAM), M. Guillaume Damerval, directeur gérant, M. Xavier Blanc, directeur juridique et des affaires internationales, M. François Lubrano, directeur des affaires culturelles, et M. Jean-Paul Bazin, membre du conseil d’administration

Ø Mme Claire Guillemain, présidente de la Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l’audiovisuel et du cinéma (FESAC), et M. Jack Aubert, vice-président

Ø M. Emmanuel Tibloux, président de l’Association nationale des écoles supérieures d’art (ANDéA), Mme Muriel Lepage et M. Bernhard Rüdiger, vice-présidents

Ø Mme Marie Masmonteil, présidente du Syndicat des producteurs indépendants (SPI) (Elzévir Films), et M. Cyril Smet, délégué cinéma

Ø Mme Patricia Coler, déléguée générale de l’Union fédérale d’intervention des structures culturelles (UFISC), et Mme Julie Desmidt, membre du bureau

Ø Mme Simone Douek, auteur et producteur radio, enseignante, présidente du Syndicat national des auteurs et des compositeurs (SNAC), M. Jean-Claude Petit, compositeur, arrangeur, chef d’orchestre, vice-président, M. Emmanuel de Rengervé, délégué général et M. Ronan Le Breton, scénariste de bandes dessinées et de jeux vidéo, enseignant en école d’art, membre du conseil syndical

Ø Mme Marie Sellier, présidente de la Société des gens de lettres (SGDL), et M. Geoffroy Pelletier, directeur général

Ø MM. Pascal Pesez et Joël Lécussan, coprésidents de Fédération des réseaux et associations d’artistes plasticiens (FRAAP)

Ø M. Yves Dauge, ancien député et sénateur, président de l’Association des centres culturels de rencontre (ACCR), et Mme Isabelle Battioni, déléguée générale

Ø M. Lionel Maurel, cofondateur et membre du conseil d’administration de La Quadrature du Net, Mme Agnès de Cornulier, coordinatrice de l’analyse juridique et politique, et Mme Adrienne Charmet, coordinatrice des campagnes

Ø M. Thierry Maillard, directeur juridique de l’ADAGP – Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques

ANNEXE N° 2 :
LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES ADRESSÉES AU RAPPORTEUR

Ø Collectif « Action Centurion »

Ø Mme Nadia Bellaoui, présidente du Mouvement associatif

Ø M. Olivier Brillanceau, directeur général de la Société des auteurs et des arts visuels et de l’image fixe (SAIF)

Ø M. Yves Caria, gérant de la société Groupe AVS, et M. Yves Besset, chargé de mission

Ø M. Jean-Michel Daquin, président du Conseil régional de l’ordre des architectes d’Île-de-France, et Mme Valérie Flicoteaux, vice-présidente

Ø M. Julien Denis, directeur scientifique d’Éveha – Études et valorisations archéologiques

Ø Fédération française des associations de sauvegarde des moulins

Ø M. Yannick Fillodeau, ingénieur conseil en archéologie préventive

Ø M. Alain Griset, président de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (81)

Ø M. Denis de Kergorlay, président exécutif d’Europa Nostra

Ø M. Loïc Lachenal, délégué général de l’intersyndicale Chambre professionnelle des directions d’opéra (CPDO) et Syndicat national des orchestres et des théâtres lyriques (SYNOLYR)

Ø M. Nicolas Laugier, président de la Fédération des entreprises de veille médias (Fevem)

Ø M. Christophe Longepierre, délégué général adjoint de la Syntec-Ingénierie

Ø Mme Nathalie Lopes, présidente du Réseau national d’actions des archivistes

Ø M. Paul Pacifico, président de l’International Artist Organisation (IAO)

Ø Mme Pascale Poirot, présidente du Syndicat national des aménageurs lotisseurs (SNAL)

Ø Mme Valérie Renault, secrétaire générale de la CGT-Culture

Ø Mme Bénédicte Rolland-Villemot, conservateur en chef du patrimoine

Ø M. Hervé Rony, directeur général de la Société civile des auteurs multimédia (SCAM)

Ø Mme Anne-Elizabeth Rouault, présidente de la Fédération française des professionnels de la conservation-restauration (FFCR)

Ø M. Jean-Marie Ruant, président de la Fédération nationale des CAUE

Ø Mme Agnès Tricoire, déléguée de l’Observatoire de la liberté de création

© Assemblée nationale

1 () Rapport d’information déposé par la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale sur la création architecturale et présenté par M. Patrick Bloche, n° 2070, 2 juillet 2014.

2 () Mode A de la convention.

3 () « La diffusion transfrontalière des œuvres adaptées en formats accessibles aux personnes empêchées de lire : obstacles et solutions envisageables », de novembre 2013.

4 () Assemblée nationale, Rapport d’information n° 941, « Métiers artistiques : être ou ne pas être des travailleurs comme les autres »

5 () n° 11-03792 et n° 11-03794.

6 () Tribunal des conflits, 25 juin 1996, n° 03000.

7 () Pour un débat national sur l’avenir du spectacle vivant, Bernard Latarjet, avril 2004.

8 () Collection 21, 21 propositions pour les collections publiques d’art contemporain en France, Ministère de la Culture et de la Communication, janvier 2014.

9 () Réflexion sur la possibilité pour les opérateurs publics d’aliéner des œuvres de leurs collections, Jacques Rigaud, janvier 2008.

10 () M. Guy Braibant, Les archives en France, rapport remis au Premier ministre, La documentation française, 1996.

11 () Loi n° 79-18 du 3 janvier 1979 sur les archives, qui elle-même constituait le premier texte d’ensemble sur les archives depuis la loi du 7 Messidor an II.

12 () Commission d’évaluation scientifique, économique et sociale de l’archéologie préventive, Livre blanc de l’archéologie préventive, mars 2013.

13 () Pour une politique publique équilibrée de l’archéologie préventive, rapport de Madame Martine Faure, députée en mission auprès de la ministre de la Culture et de la communication, mai 2015.

14 () Les Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial, dont la dernière version a été établie par le Comité du patrimoine mondial en 2013.

15 () Cette zone tampon peut être constituée de « l’environnement immédiat du bien proposé pour inscription, [des] perspectives visuelles importantes et d’autres aires ou attributs ayant un rôle fonctionnel important en tant que soutien apporté au bien et à sa protection » d’après le point 104 des Orientations précitées.

16 () Point 108 des Orientations précitées.

17 () Point 109 des Orientations précitées.

18 () Circulaire n° 2007/022 du 28 novembre 2007 relative à la gestion des biens français inscrits sur la liste du patrimoine mondial par l’UNESCO.

19 () Charte d’engagement sur la gestion des biens inscrits sur la Liste du patrimoine mondial, signée le 20 septembre 2010.

20 () Une révision des Orientations précitées votée en 2007 a rendu l’établissement d’un plan de gestion obligatoire pour toute nouvelle candidature.

21 () Article L. 622-8 du code du patrimoine.

22 () Article L. 622-7 du code du patrimoine.

23 () Article L. 622-18 du code du patrimoine.

24 () Article L. 622-16 du code du patrimoine.

25 () Proposition de loi de M. Pierre Lequiller et plusieurs de ses collègues relative à la protection du patrimoine, n° 2933, enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 28 février 2001.

26 () http://www.assemblee-nationale.fr/11/dossiers/012933.asp

27 () Arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 19 mars 1963.

28 () Décision du Conseil d’État du 24 février 1999, n° 191317 : « les bas-reliefs en cause, œuvre du sculpteur Y..., ayant été réalisés en 1769 pour être intégrés dans le décor du grand salon du château de la Roche-Guyon dont l’aménagement a été terminé à cette date, et, d’autre part, la partie des murs située au-dessus des portes d’accès à ce grand salon ayant été spécialement aménagée pour que les deux bas-reliefs y soient encastrés, ces bas-reliefs formaient avec l’ensemble du grand salon, auquel ils ont été, dès l’origine, intimement et spécialement incorporés, un tout indivisible ; qu’ils avaient, dès lors, le caractère d’immeubles par nature et bénéficiaient en conséquence du classement comme monument historique du château de la Roche-Guyon, opéré par un arrêté du 6 janvier 1943 ».

29 () Étude d’impact annexée au projet de loi relatif à la création, à l’architecture et au patrimoine, p. 165.

30 () Loi n° 92 du 25 février 1943 portant modification de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques.

31 () P. Iogna, « Réflexions sur les périmètres de protection patrimoniale », Actes du colloque « Une nouvelle gouvernance pour la gestion du patrimoine architectural et paysager français : des ZPPAUP aux AVAP du Grenelle II », Université d’Angers – Faculté de droit, 10 et 11 février 2011.

32 () Étude d’impact précitée, p. 144.

33 () Il existe aujourd’hui 105 secteurs sauvegardés, 625 ZPPAUP et 80 AVAP.

34 () Article L. 642-1 du code du patrimoine.

35 () Article R.421-15 du code de l’urbanisme.

36 () Décret n° 2015-836 du 9 juillet 2015 relatif à la réduction des délais d’instruction des autorisations d’urbanisme.

37 () Article L. 624-4 du code du patrimoine.

38 () Rapport d’information déposé par la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale sur la création architecturale et présenté par M. Patrick Bloche, n° 2070, 2 juillet 2014.

39 () Ibid., p.105.

40 () Article L. 123-5-1 du code de l’urbanisme.

41 () Article L. 127-1 du code de l’urbanisme.

42 () Article L. 128-1 du code de l’urbanisme.

43 () P. Bloche, Rapport d’information n° 2070 sur la création architecturale, p. 23 et suivantes.

44 () n° 11-03792 et n° 11-03794.

45 () n° 03000.

46 () Conseil d’État, Sect., 6 avril 2007, Commune d’Aix-en-Provence, n° 284736 : à propos du festival lyrique d’Aix-en-Provence.

47 () Tribunal des conflits, 12 mai 1997, Opéra du Nord, n° 03001.

48 () Tribunal des conflits, 22 novembre 1993, Martinucci, n° 02879.

49 () L’École nationale supérieure des beaux-arts (Beaux-arts de Paris ou ENSBA), l’École nationale supérieure des arts décoratifs (ENSAD), l’École nationale supérieure de création industrielle – Les Ateliers (ENSCI) à Paris, l’École nationale supérieure de la photographie de Arles et les établissements nationaux implantés à Dijon, à Bourges, à Cergy-Pontoise, à Limoges, à Nancy et à la Villa Arson à Nice.

50 () Réflexion sur la possibilité pour les opérateurs publics d’aliéner des œuvres de leurs collections, Jacques Rigaud, ministère de la Culture et de la Communication, février 2008.

51 () Article R. 611-10 du code du patrimoine.

52 () Article R. 313-19 du code de l’urbanisme.

53 () Article L. 612-1 du code du patrimoine.

54 () Article L. 621-32 du code du patrimoine.

55 () Article L. 313-2 du code de l’urbanisme.

56 () Article R. 612-10 du code du patrimoine.

57 () Article L. 621-31 du code du patrimoine dans la rédaction issue du présent projet de loi.

58 () Article L. 632-2 du code du patrimoine dans la rédaction issue du présent projet de loi.

59 () Article L. 123-5-1, L. 127-1 et L. 128-1 du code de l’urbanisme dans leur rédaction issue du présent projet de loi.

60 () Article L. 313-1 du code de l’urbanisme dans la rédaction issue du présent projet de loi.

61 () Article 525 du code civil.

62 () Id.

63 () Id.

64 () Cette précision fait écho à l’article L. 3211-21 du code général de la propriété des personnes publiques, qui dispose notamment que « les bois et forêts de l’État ne peuvent être échangés qu’avec des biens de même nature, après accord du ministre chargé des forêts ».

65 () Article L. 480-1 du code de l’urbanisme.

66 () Article L. 480-2 du code de l’urbanisme.

67 () Ce montant est porté à 30 000 euros si l’auteur des faits est une personne morale.

68 () Dispositions de l’article L. 621-22 du code du patrimoine.

69 () Dispositions de l’article L. 621-29-6 du code du patrimoine.

70 () Dispositions de l’article L. 622-8 du code du patrimoine.

71 () Dispositions de l’article L. 622-16 du code du patrimoine.

72 () Mesures n° 50 à 56.

73 () Étude d’impact annexée au présent projet de loi, p. 213.

74 () Article L. 621-18 du code du patrimoine.

75 () Article L. 621-17 du code du patrimoine.

76 () Article L. 621-16 du code du patrimoine.

77 () Article L.451-2 du code du patrimoine.

78 () Décision du Conseil d’État du 9 février 1990, n° 107400.

79 () Art. LO. 6314-3 et LO. 6214-3 du code général des collectivités territoriales.

80 () Ce représentant d’intérêts a procédé à son inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

81 () Ce représentant d’intérêts a procédé à son inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.