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N° 3088

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 septembre 2015.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE LOI visant à supprimer les freins au développement des entreprises privées posés depuis 2012,

PAR M. Gérard CHERPION,

Député.

——

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 3030.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

TRAVAUX DE LA COMMISSION 7

DISCUSSION GÉNÉRALE 7

EXAMEN DES ARTICLES 19

Chapitre Ier – Allégement des contraintes qui pèsent sur les entreprises 19

Article premier : Suppression du compte de prévention de la pénibilité 19

Article 2 : Suppression de la durée minimale du temps de travail de 24 heures 25

Article 3 : Abrogation des mesures introduites par la loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle 28

Article 4 : Abrogation des mesures introduites par la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire 31

Article 5 : Suppression de la majoration de la part patronale à la contribution d’assurance chômage pour les contrats à durée déterminée de courte durée 34

Chapitre II – Mesures facilitant l’emploi des jeunes 36

Article 6 : Suppression des restrictions au financement de l’apprentissage 36

Article 7 : Suppression du plafonnement du nombre de stagiaires dans les entreprises 38

Article 8 : Gage 42

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 43

INTRODUCTION

La France connaît actuellement une croissance faible. Elle devrait se situer autour de 1 % cette année, peut-être moins étant donné l’atonie de la croissance du second trimestre. Cette croissance « molle » est en tout état de cause une croissance qui ne crée pas d’emplois. Si la consommation se maintient peu ou prou, c’est l’investissement qui demeure le « maillon faible » de notre économie. Comment peut-il en être autrement quand l’investissement nécessite principalement de la confiance. Celle-ci s’appuie sur une lisibilité législative, fiscale et sociale. Or elle est constamment contrariée par le hiatus entre le discours « pro-entreprises » du Gouvernement et les mesures concrètes entravant la liberté de celles-ci prises par lui.

La réalité est traduite par les chiffres de Pôle emploi. 5.536.000 demandeurs d’emploi dans les catégories A, B et C en France métropolitaine, avec une augmentation moyenne de 25.000 demandeurs d’emploi supplémentaires chaque mois depuis 40 mois.

C’est pourquoi, la présente proposition de loi vise à abroger un certain nombre de mesures prises depuis 2012 et qui entravent le développement des entreprises de notre pays, et donc la création d’emploi.

L’article 1er tend à supprimer le compte de prévention de la pénibilité, dispositif bien trop complexe à mettre en œuvre et qui constitue un choc de complexification pour notre économie et nos entreprises.

L’article 2 supprime la durée minimale du temps de travail de 24 heures afin de faciliter les retours dans l’emploi des personnes qui en sont éloignés.

Les articles 3 et 4 tendent à abroger plusieurs dispositions des lois dites « Florange » et « économie sociale et solidaire ». Ces dispositions n’empêchent en aucune manière les fermetures de sites industrielles mais elles créent un obstacle psychologique aux investissements étrangers.

L’article 5 supprime la majoration de la part patronale à la contribution d’assurance chômage pour les contrats à durée déterminée de courte durée qui alourdit encore le coût du travail sans atteindre son objectif initial qui était de favoriser le CDI.

L’article 6 vise à supprimer les restrictions apportées au financement de l’apprentissage. En effet, la loi relative à la formation professionnelle a exclu du financement les établissements d’entreprises sans autre justification qu’idéologique.

L’article 7 vise à supprimer le quota maximum de stagiaires dans une entreprise. En effet, la loi de 2011 répondait déjà à ce problème en obligeant tout stage d’être inscrit dans un cursus scolaire ou universitaire.

Enfin, l’article 8 est un gage conformément à l’article 40 de la Constitution.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission des affaires sociales examine, sur le rapport de M. Gérard Cherpion, la proposition de loi visant à supprimer les freins au développement des entreprises privées posés depuis 2012 (n° 3030), au cours de sa séance du mardi 29 septembre 2015.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous examinons aujourd’hui la proposition de loi de M. Christian Jacob visant à supprimer les freins au développement des entreprises privées posés depuis 2012. Ce texte sera examiné en séance publique le jeudi 8 octobre au matin dans le cadre de la journée d’initiative parlementaire réservée au groupe Les Républicains.

Dans la mesure où ce texte tend à revenir sur un certain nombre de réformes majeures adoptées par notre majorité, je ne suis pas certaine qu’il soit susceptible de recueillir l’assentiment d’une majorité des membres de notre commission, monsieur le rapporteur ; je préfère donc vous préparer psychologiquement à un éventuel rejet… (Sourires.)

M. Gérard Cherpion, rapporteur. J’avais pourtant cru entendre, à travers certaines déclarations d’un ministre, qu’il existait des possibilités d’évolution sur divers sujets. Nous verrons bien ce que décidera la commission…

La période que nous traversons se caractérise par une croissance faible : probablement 1 % cette année, peut-être moins encore étant donné l’atonie du deuxième trimestre. Cette croissance « molle », en tout état de cause, ne crée pas d’emplois. Nous comptons 5 536 000 demandeurs d’emploi dans les catégories A, B et C, et nos entreprises n’investissent plus faute de confiance. Or celle-ci ne peut se construire que lorsque le discours pro-entreprise du Gouvernement – le Premier ministre a été jusqu’à dire : « J’aime l’entreprise » – est constamment infirmé par des dispositions contraires à cet esprit.

C’est pourquoi la présente proposition de loi vise l’abrogation d’un certain nombre de mesures qui nous semblent en contradiction avec ce discours, en ce qu’elles imposent aux entreprises des contraintes supplémentaires sans apporter de mieux-être aux salariés.

L’article 1er tend à supprimer le compte de prévention de la pénibilité, notion qui partait au demeurant d’une bonne intention et était d’ailleurs déjà reconnue, en fonction de critères médicaux. Aujourd’hui, le dispositif est bien trop complexe, ainsi que le Gouvernement l’a lui-même reconnu en supprimant la fiche individuelle, impossible à remplir par les entreprises, et en limitant le nombre des critères – ce qu’il faut porter à son crédit. En 2030, le coût supporté par les entreprises s’élèvera à 2,5 milliards d’euros, pour un montant de cotisations de 800 millions, soit un écart considérable. Il s’agit ni plus ni moins que de constituer, à terme, un nouveau régime spécial de retraite, ce qui va à contre-courant de ce qu’il faut faire.

Ce compte se trouve désormais dissous, qui plus est, dans un « compte personnel d’activité » ; ces fluctuations incessantes sont cause d’une grande insécurité juridique et rendent notre système toujours plus complexe. Il nous semble que l’application des lois relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, de la réforme des retraites de 2010 ainsi que du dispositif des carrières longues, serait suffisante, moyennant quelques améliorations éventuelles, alors que le dispositif actuel ne fait que créer un frein à l’emploi.

L’article 2 vise la suppression de la durée minimale hebdomadaire de 24 heures, dont notre commission a déjà largement débattu. Cette disposition résulte, il est vrai, de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013, ce qui marque d’ailleurs la limite entre l’exercice de la démocratie sociale et celui de la démocratie politique, et certains des signataires de l’accord ne cachent pas aujourd’hui leurs regrets. Elle constitue une barrière psychologique, alors que des dérogations existent déjà, notamment pour les étudiants de moins de vingt-six ans ou pour les métiers de l’aide à domicile, où les plages de travail sont souvent courtes et réparties dans la journée. Nos voisins européens ont su, eux, résister à la crise de 2008 en recourant au travail à temps partiel.

L’article 3 tend à abroger plusieurs dispositions de la loi du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle, dite « loi Florange », qui était en fait la traduction d’un engagement du candidat François Hollande. Force est de constater qu’elle n’a en rien empêché les fermetures d’entreprises, qu’elle pose même plus de problèmes qu’elle n’en résout, comme je peux le constater dans ma région, et qu’elle constitue un obstacle psychologique aux investissements étrangers.

L’article 4 tend à abroger certaines dispositions, notamment en matière d’information obligatoire des salariés, de la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, qui entravent la création d’entreprises de taille intermédiaire, ainsi que le Gouvernement l’a reconnu en revenant partiellement dessus dans la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron ».

L’article 5 tend à supprimer la majoration de la part patronale de la contribution d’assurance chômage pour les contrats à durée déterminée de courte durée. Cette part, normalement fixée à 4 % tandis que la part salariale est de 2,4 %, est en effet portée à 7 % pour les contrats d’une durée égale à un mois, à 5,5 % pour ceux d’une durée comprise entre un et trois mois et à 4,5 % pour les contrats d’usage d’une durée inférieure ou égale à trois mois. Certes, ces contrats présentent un risque de précarisation des salariés, et nous ne contestons pas le principe, au demeurant retenu par l’ANI déjà mentionné, d’une modulation des cotisations destinée à faire supporter par les employeurs le coût social de leurs décisions, mais il convient, pour que de telles mesures aient une chance de provoquer un recours plus massif aux contrats à durée indéterminée (CDI), de libérer les entreprises des charges financières et administratives qui pèsent sur elles. Par ailleurs, il ressort des données fournies par l’Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) que les recettes effectives sont de 70 millions d’euros au lieu des 257 millions espérés, soit un gain sans commune mesure avec la complexité engendrée par le dispositif.

L’article 6 tend à lever les obstacles au financement de l’apprentissage créés par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, qui a restreint le nombre d’établissements éligibles au barème de la taxe d’apprentissage en fixant une liste limitative de catégories d’établissement susceptibles d’y prétendre. Certes, la régionalisation de la taxe a permis de renforcer les moyens des régions, passés de 1,529 milliard d’euros en 2012 à 1,653 milliard en 2015, mais la part de la taxe dite « barème » a été, quant à elle, diminuée en 2015 d’environ 50 millions d’euros supplémentaires par rapport à son évolution tendancielle, orientée à la baisse depuis 2011. Ont été ainsi exclus du financement les écoles et campus créés sur l’initiative des entreprises, soit 1 400 établissements privés formant chaque année 450 000 étudiants et employant 37 800 formateurs. Cet état de fait, ainsi que l’a reconnu le Premier ministre, obère ce qui constitue une voie vers l’emploi.

L’article 7, enfin, tend à supprimer le plafonnement du nombre de stagiaires dans les entreprises. Un décret a certes été pris la semaine dernière, qui relève ce plafond de 10 % à 15 % de l’effectif d’une entreprise ; il me semble cependant que ce n’est pas une affaire de quotas, mais de responsabilité du chef d’entreprise, à charge pour l’Inspection du travail de contrôler les conventions de stage et leur respect. Cette mesure diminuera inévitablement le nombre total des stagiaires et induira une nouvelle insécurité juridique pour les entreprises, dont certaines prévoient déjà de ne plus prendre de stagiaires ou d’en prendre moins, alors que 1,6 million de conventions de stage sont signées chaque année en toute légalité dans le cadre d’un cursus scolaire et universitaire.

Mme Chaynesse Khirouni. J’avoue que cette proposition de loi nous a laissés quelque peu perplexes, tant elle s’apparente à un tract plutôt qu’à une somme de propositions de nature à stimuler l’investissement des entreprises. Nous nous sommes demandé, Monsieur le rapporteur, quelle « main invisible » avait pu tenir le stylo pour rédiger de telles outrances et caricatures... On y retrouve cependant quelques marqueurs idéologiques de groupe.

Sous Nicolas Sarkozy, le dialogue social a été à l’image de son quinquennat : brutal et artificiel. Il s’agissait, sous couvert de concertation, de faire avaliser des choix déjà déterminés.

Avec cette proposition de loi, une chose est certaine : vous n’avez pas changé ! Vous ne cessez de vanter les accords d’entreprises, la négociation, mais on peut se demander, à la lecture du texte, si, pour vous, le dialogue social ne doit pas faire nécessairement un gagnant et un perdant. Pour nous, au contraire, le véritable moteur du changement doit être la démocratie sociale, en laquelle nous avons confiance et qui doit être renforcée.

Cette proposition de loi prétend identifier sept freins au développement des entreprises.

Plusieurs de ses articles tendent à revenir sur des accords négociés et signés par les partenaires sociaux. C’est le cas notamment de la remise en cause du principe d’un socle minimal de 24 heures de travail hebdomadaires pour les salariés à temps partiel. Cette durée minimale est un outil essentiel de la lutte contre la précarité et le temps partiel subi qui, nous le savons, touchent particulièrement les femmes. Elle a été voulue par les organisations patronales et syndicales signataires de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013, que la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi a transposé. Celle-ci a prévu, afin de « coller » au plus près à la réalité économique, des dérogations collectives et une possibilité de dérogation individuelle, mais peu vous importe car, pour vous, la précarité des salariés est un gage de d’efficacité économique des entreprises.

Vous souhaitez également supprimer le dispositif de modulation des contributions à l’assurance chômage voulu par les partenaires sociaux et consacré par l’article 11 de la loi du 14 juin 2013, qui a posé les bases législatives de la lutte contre la précarité. Il prévoit d’une part la majoration des contributions patronales pour les CDD en fonction de leur durée et du motif de recours à ce contrat et, d’autre part, l’exonération des contributions au titre de l’embauche en CDI d’un jeune de moins de vingt-six ans.

Vous remettez aussi en cause la création du compte de prévention de la pénibilité, qui représente un progrès social majeur pour les salariés exposés à des travaux pénibles. Les écarts d’espérance de vie – 6,3 années, en moyenne, entre un cadre et un ouvrier – illustrent pourtant, vous le savez bien, les inégalités sociales face à la mort. Décidément, nous n’avons pas la même vision : pour nous, c’est une question de justice, de solidarité nationale envers les travailleurs qui exercent des métiers pénibles.

Les articles 4 et 5 de la proposition de loi tendent à supprimer, pour les entreprises de plus de 1 000 salariés, l’obligation de recherche d’un repreneur en cas de projet de fermeture d’un établissement ainsi que le droit d’information préalable des salariés en cas de cession. Pourtant, chaque année, près de 50 000 emplois disparaissent dans des entreprises saines, faute de repreneurs. Faut-il redire que la reprise par les salariés accroît de 10 à 20 % les chances de pérenniser l’activité et l’emploi à un horizon de trois ans ?

Cette proposition de loi tend également à supprimer deux mesures concernant l’apprentissage et les stages en entreprise.

Vous estimez qu’il suffit, pour développer l’apprentissage, de rendre éligibles à la taxe d’apprentissage les organismes gestionnaires d’établissements d’enseignement supérieur privés à but lucratif. Nous avons préféré, pour notre part, recentrer le champ des formations éligibles à ce financement, via l’élaboration de nouvelles listes régionales, arrêtées par les préfets, comportant des établissements publics et privés faisant l’objet d’un contrôle pédagogique de la part de l’État et délivrant des titres et diplômes inscrits au répertoire national des certifications professionnelles.

Notre majorité est convaincue que l’apprentissage est l’un des chemins de l’accès à l’emploi. Nous avons pris, à cette fin, d’autres mesures qui constituent selon nous des leviers d’intervention plus importants. Je pense notamment à l’aide forfaitaire « TPE jeunes apprentis » ou à l’aide de 1 000 euros versée aux entreprises de moins de 250 salariés qui recrutent un apprenti supplémentaire.

Enfin, vous tentez une fois encore de revenir sur l’une des dispositions de la loi du 10 juillet 2014 tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires. Nous avons déjà eu ce débat à de très nombreuses reprises, monsieur le rapporteur, et nous avons un désaccord de fond. Pour nous, le stage n’est pas une fin en soi, ni un sous-contrat de travail qui aurait vocation à être prolongé à l’infini : il doit demeurer un élément de la formation.

Pour toutes ces raisons, le groupe Socialiste, républicain et citoyen soutiendra des amendements de suppression de chacun des articles de cette proposition de loi, qui nie le dialogue social et ne ferait qu’aggraver la précarité des salariés sans pour autant avoir le moindre impact favorable sur le développement des entreprises.

Mme Isabelle Le Callennec. Comme l’a souligné notre rapporteur, cette proposition de loi vise à supprimer un certain nombre de contraintes pesant sur les entreprises. Elle a surtout pour objet de revenir sur bien des mesures anti-entreprises votées par la présente majorité depuis mai 2012, avec les résultats que l’on sait : un million de chômeurs supplémentaires toutes catégories confondues, 60 000 défaillances d’entreprises l’an dernier, un chômage des seniors et un chômage de longue durée en augmentation. Alors que la plupart de nos partenaires européens ont repris le chemin de la croissance, la France est en situation de décrochage économique et le président Hollande, inlassablement, « maintient le cap ». Or, sans croissance, pas de création d’emploi ; sans compétitivité des entreprises, pas de croissance.

Dès le début du quinquennat, trois erreurs majeures ont été commises par le Gouvernement, dont notre pays paie encore le prix : la fin des heures supplémentaires défiscalisées, qui offraient du pouvoir d’achat supplémentaire à 9 millions de salariés ; le matraquage fiscal des entreprises et des ménages, à hauteur de 90 milliards d’euros via 55 hausses d’impôt ou créations nettes de taxe ; la non-mise en œuvre de la TVA « antidélocalisation », dont le Président de la République vient de reconnaître que c’était une erreur, mais sans en tirer les conséquences – alors que rien ne l’en empêche.

De façon plus générale, entre les constats, les discours et les actes, le fossé est si large que la parole publique a perdu toute crédibilité. Entre le « J’aime les entreprises » du Premier ministre et l’avalanche de contraintes dont les dirigeants desdites entreprises, quelle que soit leur taille, se plaignent au quotidien, il y a un abîme.

Le groupe Les Républicains a tenté de vous dissuader de mettre en œuvre les mesures hostiles à l’entreprise contenues dans toute une série de textes votés à grand renfort de communication depuis trois ans : la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, qui n’a empêché ni les faillites d’entreprises ni les licenciements ; la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron » qui, de l’aveu même du Président de la République, n’est « pas la loi du siècle » ; la loi sur le dialogue social – à peine celle-ci votée, une autre est annoncée qui ne semble pas faire l’unanimité dans les rangs de la majorité, car elle oserait toucher au droit du travail ; sans oublier toutes les mesures contenues dans les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale que notre groupe a inlassablement, mais hélas sans succès, dénoncées en leur temps, et qui ont joué contre la croissance.

La majorité est restée sourde à nos arguments sur le compte de prévention de la pénibilité, sur la durée minimale hebdomadaire de 24 heures, sur la taxation des CDD, sur le rude coup porté par elle à l’apprentissage, sur la loi relative aux stages : autant de mesures qui, soit entravent la bonne marche des entreprises, soit pénalisent ceux qui restent aux portes de l’emploi – je veux parler des chômeurs.

Avec cette proposition de loi, nous vous offrons, en huit articles, l’occasion de revenir sans attendre sur quelques-unes de ces erreurs. Nous aimerions mettre à profit nos débats pour tenter de vous convaincre que notre rôle de législateur n’est pas de corseter toujours plus les entreprises, de faire peser toujours plus de charge sur leur activité, de complexifier à l’envi leurs relations avec l’administration. Les entreprises aspirent à ce qu’on les laisse travailler, produire, innover, exporter. Elles veulent de la stabilité dans la législation, dès lors que celle-ci favorise leur développement, ainsi qu’une harmonisation des règles européennes. Elles demandent enfin que la parole de l’État soit respectée : l’annonce du report de trois mois des baisses de charges patronales promises pour le premier janvier 2016 ne « passe » pas sur le terrain.

Le Premier ministre invoque régulièrement « l’esprit du 11 janvier » pour nous rassembler autour de ce qui va dans le sens de l’intérêt général. C’est précisément le cas de cette proposition de loi, dont l’adoption constituerait un signal positif adressé aux entrepreneurs, aux salariés, aux apprentis et aux stagiaires. Elle est la preuve de la capacité de notre groupe à proposer un projet alternatif – nous ferons demain des propositions concernant le code du travail – et son adoption à l’unanimité rassurerait les Français quant à la capacité du Gouvernement à reconnaître ses erreurs et à les corriger sans délai.

M. Arnaud Richard. Les chiffres du chômage publiés la semaine dernière sont, une fois de plus, dramatiques. Le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A s’est accru de 20 000 au mois d’août, soit une hausse de 0,6 % par rapport à juillet et de 4,6 % en un an. Je crois ces chiffres suffisamment édifiants pour que chacun reste humble au regard de la politique du Gouvernement. Ils confirment que la France s’enfonce dans une crise sociale et économique sans précédent, et nous déplorons que le Gouvernement, à part quelques déclarations d’un ministre, ne reconnaisse pas les erreurs et les fautes commises depuis le début du quinquennat, ni les conséquences désastreuses de sa politique.

Le report de trois mois de la baisse des charges pour les employeurs est un nouveau mauvais signal adressé aux entreprises par le Gouvernement, ainsi qu’un nouvel exemple de son incapacité à tenir ses promesses. Le groupe Union des démocrates et indépendants, auquel j’appartiens, croit à la démocratie sociale et au dialogue social, qui sont des leviers puissants pour moderniser la France et réformer son code du travail. À ce titre, je me réjouis que le Parlement se penche sur le paritarisme, au sein d’une mission d’information dont les travaux vont commencer dans quelques jours et viendront éclairer nos débats. Ces outils de négociation et de compromis permettront de privilégier une approche globale des problématiques et difficultés de nos systèmes dans les domaines de la lutte contre la précarité, de la protection des salariés, de la sécurisation de leur parcours professionnel, de l’amélioration de la compétitivité des entreprises et de l’anticipation des profondes mutations sociales et économiques du monde dans lequel nous vivons. Notre groupe considère qu’il faut faire confiance au dialogue social afin de laisser émerger une approche globale de ces sujets.

Toutefois, si le dialogue social doit constituer la pierre angulaire des réformes à venir, la libération du marché de ses entraves passe par la suppression d’un certain nombre de mesures prises par la majorité depuis 2012. Les questions fondamentales soulevées par cette proposition de loi mériteraient un peu plus qu’une journée d’initiative parlementaire : elles ont le mérite d’ouvrir à nouveau le débat et reviennent sur des décisions à l’égard desquelles le groupe Union des démocrates et indépendants était plus que réservé.

Le compte de prévention de la pénibilité prévu par la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites est beaucoup trop complexe pour les PME et n’insiste pas assez sur la prévention. Les disposions relatives à l’information des salariés dans le cas de la reprise d’une entreprise instituées par la loi « Florange » ne font qu’alourdir les contraintes pesant déjà sur les entreprises et fragiliser les processus de cession, au détriment des salariés. Quant à la durée minimale hebdomadaire de 24 heures du temps de travail instaurée par la loi de sécurisation de l’emploi, aucune dérogation n’est prévue pour les secteurs d’activité recourant au temps partiel, tel le secteur des services à la personne ou de l’aide à domicile, auquel mon groupe est très attaché. Enfin, le plafonnement du nombre de stagiaires en fonction des effectifs salariés de chaque entreprise pénalisera l’emploi des jeunes, ainsi qu’un certain nombre de secteurs d’activité : je pense au secteur hospitalier, aux PME, aux start-up.

Même si cette proposition de loi constitue une réponse incomplète à la question de la compétitivité de notre économie, condition d’une confiance et d’une croissance retrouvées, son adoption serait un premier pas dans la lutte contre le chômage et pour le redressement de notre pays. Enfin, si un certain nombre de sujets ont été traités par les partenaires sociaux dans l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, l’article 34 de la Constitution permet toujours au législateur de dire son mot sur ces mêmes sujets.

M. Michel Liebgott. Ce qui surprend dans cette proposition de loi, c’est plutôt son manque d’audace. Lorsque l’on lit la presse, particulièrement de droite, on y constate une dénonciation pure et simple du droit du travail, appelé selon certains à disparaître, ou en tout cas à être réduit à la portion congrue. En l’occurrence, le texte qui nous est soumis se borne à remettre en cause, de façon générale, les mesures que nous avons prises depuis 2012, dont quelques-unes s’apparentent pourtant à celles que l’opposition avait votées à d’autres époques : je pense en particulier aux allégements de charges, au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), au rôle donné à la Banque publique d’investissement (Bpifrance). Il est curieux, mes chers collègues, que vous soyez en désaccord avec ces mesures qui, pourtant, vont dans l’intérêt des entreprises. Vous insistez sur le report de trois mois des baisses de charges, mais l’essentiel n’est-il pas que les entreprises soient aidées ?

Le taux de marge des entreprises augmente, l’investissement repart ; la croissance est certes faible, mais elle est repartie à la hausse. Et si le chômage continue d’augmenter, c’est pour des raisons démographiques, que la crise des réfugiés met parfaitement en lumière : si l’Allemagne est en mesure d’en accueillir des centaines de milliers, c’est parce qu’elle connaît un déficit de population appelé à s’aggraver. Ce n’est pas le cas de la France, ce qui ne l’empêche pas de veiller à rétablir un certain nombre d’équilibres : je pense au régime général de retraites, à celui de l’assurance maladie qui se réduit année après année. Nous avons fait les efforts nécessaires pour augmenter les recettes et, surtout, pour diminuer les dépenses, ce que vous n’avez pas fait, au contraire, durant les dix années où vous étiez au pouvoir.

M. Bernard Perrut. Les mesures proposées dans ce texte visent, à juste titre, à alléger les contraintes des chefs d’entreprise et à favoriser un climat économique propice à une réelle reprise économique, en vue d’un objectif que nous devrions tous partager : la création d’emplois.

Il faut prendre des dispositions d’urgence pour lever les freins au développement des entreprises, car le bilan des mesures prises depuis trois ans est catastrophique : le chômage continue d’augmenter, le nombre de défaillances d’entreprises est élevé, l’état de nos finances publiques est tel qu’il nécessite la baisse des aides aux collectivités territoriales, freinant par là les investissements et, partant, nos entreprises. On pourrait encore évoquer les créations ou augmentations d’impôts et de taxes, le compte de prévention de la pénibilité au coût exorbitant – la liste est longue.

Je ne m’attarderai que quelques instants sur l’apprentissage, que vous avez fait baisser par des mesures néfastes, même si vous avez rectifié le tir au cours des derniers mois. Nous proposons de ne plus restreindre le nombre d’établissements éligibles à la part « barème » de la taxe d’apprentissage, afin de donner à cette voie de formation l’impulsion nécessaire, au bénéfice des jeunes.

Sans doute cette proposition de loi ne va-t-elle pas assez loin, comme l’ont dit certains de nos collègues, et faudrait-il s’attaquer au code du travail, alléger la réglementation de la durée du travail et instituer enfin cette « flexisécurité » qui permettrait de mieux adapter l’emploi aux conditions d’aujourd’hui.

Reste que ce texte pourrait nous unir, par-delà nos différences, car notre objectif commun, notre seul objectif est l’emploi, c’est-à-dire l’intérêt du pays.

Mme Sylviane Bulteau. La « ficelle » paraît un peu grosse et cette proposition de loi, comme l’a dit Chaynesse Khirouni, ressemble à un tract électoral en vue des élections régionales, tout comme la pseudo-mobilisation des élus de droite contre la baisse des dotations. Que faites-vous des 600 milliards d’euros de dettes que nous a laissés M. Baroin, ministre du budget à l’époque ? Voilà l’état dans lequel nous avons trouvé la France : chaque ménage français a sur les épaules 62 000 euros de dette, c’est l’héritage de votre majorité et de M. Sarkozy, le bouclier fiscal ayant fait perdre à la France 75 milliards d’euros de recettes. Vous êtes donc peu fondés à nous donner des leçons.

Votre proposition de loi revient, en somme, à dire aux ouvriers : « travaillez plus, travaillez dur, et mourez plus tôt ! » Pardonnez ce trait un peu violent, mais les statistiques que Mme Khirouni a citées sont sans appel. Et quant aux femmes qui subissent le temps partiel, vous leur dites : « travaillez avec des horaires découplés, abandonnez votre vie de famille pour des salaires de misère ! » Tel est le message, dangereux, que vous adressez à nos concitoyens.

M. Bernard Accoyer. Il est consternant que cette proposition de loi, qui remet en question les principales mesures mises en œuvre par le Gouvernement et sa majorité depuis trois ans en vue d’inverser la courbe du chômage et de redresser une situation économique et sociale difficile, ne fasse pas l’objet d’un vrai débat et ne reçoive que des réponses péremptoires, dogmatiques et de parti pris. Notre travail devrait être, avant tout, d’évaluer ce qui a été fait et qui, hélas, n’a pas marché, de débattre de ce qui fonctionne dans d’autres pays et échoue en France.

Je constate avec tristesse que, dominée par une idéologie dont elle ne veut pas sortir, la majorité refuse cette évaluation, car les conséquences, c’est notre pays, ce sont les Français qui vont les supporter. Encore une fois, nos collègues de la majorité devraient réfléchir à ce qu’ils disent, à ce qu’ils font, aux effets durables de mesures qui, à l’évidence, ont échoué et continuent de le faire, plutôt que de dire : « Tout va bien, circulez, il n’y a rien à voir. »

M. Arnaud Robinet. La situation de notre pays mérite mieux que les réponses caricaturales de la majorité. Vous êtes au pouvoir depuis maintenant trois ans, mes chers collègues ; assumez les lois que vous avez soutenues et qui ont eu pour résultat un million de chômeurs supplémentaires, un nombre record d’entreprises mettant la clé sous la porte, une balance commerciale négative. Je crois, comme Bernard Accoyer, qu’il est temps d’évaluer la politique menée par le Gouvernement depuis son accession aux affaires et qui a mis la France dans l’état que nous connaissons aujourd’hui.

Il est trop facile de nous dire : « Nicolas Sarkozy a fait ceci et cela, vous êtes responsables de tous les maux de la France. » Cela fait trois ans que vous êtes aux responsabilités, trois ans que vous soutenez des décisions qui nous mènent droit dans le mur. Il est temps que vous vous ressaisissiez, et cette proposition de loi vous en offre la chance : une chance pour la majorité, une chance pour le Gouvernement, une chance pour le Président de la République. Elle vise en effet à rétablir un certain nombre de mesures prises par l’ancienne majorité et que, par dogmatisme, vous avez supprimées, sans prendre le temps d’évaluer leurs effets.

Saisissez cette chance de réparer vos erreurs, d’être utiles à la France et à nos nombreux concitoyens en recherche d’emploi. Prenez vos responsabilités, assumez l’échec qui est le vôtre et soutenez cette proposition de loi.

M. le rapporteur. Que nous soyons de droite, de gauche ou du centre, il nous faut reconnaître que la France vit un moment particulièrement difficile et se trouve à un tournant historique. Il nous faut parvenir à réduire enfin ce chômage de masse qui dure depuis des années, et dont la responsabilité est partagée. Il nous faut sortir de cette intolérable trappe à exclusion où sont enfermées plus de 5,7 millions de personnes.

Contrairement à ce que j’ai entendu, il ne s’agit pas de faire travailler plus dur les femmes, mais de faire qu’il y ait plus de femmes qui travaillent, même si c’est à temps partiel, quitte à compléter ce revenu partiel par les fonds de l’UNEDIC. Mieux vaut ne travailler qu’une partie du temps, mais rester dans le circuit de l’emploi, car c’est l’emploi qui permet de se tenir debout plutôt que de se replier sur soi-même et de ne plus être un acteur de la société. C’est une conception qui n’est pas dogmatique et que, je crois, nous pouvons partager.

Mme Khirouni nous dit que 50 000 emplois disparaissent chaque année, du fait de fermetures d’entreprises. Le nombre est en vérité plus élevé : ce sont entre 60 000 et 80 000 emplois qui sont ainsi perdus. Mais pourquoi ces entreprises ne trouvent-elles pas de repreneur ? Est-ce parce qu’elles sont dans des secteurs où nous perdons de la compétitivité, où nos produits ne correspondent plus aux demandes du marché, ou à cause de l’accumulation des règles financières, fiscales et sociales propres à notre pays ? Sur ce sujet aussi, nous pouvons avoir des divergences, mais nous avons tous péché. Aujourd’hui, l’occasion est belle de revenir sur un certain nombre de mesures prises dans les domaines fiscal et social.

La loi du 28 juillet 2011 pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels, qui m’est chère, avait inscrit les stages dans les cursus de formation. Il est excessif de prétendre que les stages ne sont que de l’emploi déguisé, abusif : cela a existé, cela existe peut-être encore, mais beaucoup moins depuis que le stage est inscrit dans le cursus de formation et que la convention doit être signée par le jeune, l’employeur et l’organisme de formation – qu’il s’agisse d’une université, d’un centre de formation des apprentis (CFA) ou d’un centre relevant de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA). Certes, il y aura toujours des employeurs ne respectant pas les règles, mais la formule du stage doit être préservée, car elle constitue une possibilité pour les jeunes d’entrer dans l’entreprise, pour une courte période d’abord, de façon éventuellement plus durable ensuite.

Je remercie Isabelle Le Callennec et Arnaud Richard, qui ont mis en évidence la nécessité de revenir sur un certain nombre de mesures contre-productives.

M. Liebgott a mis en avant le CICE, mais celui-ci ne fait que maintenir ce qui existait auparavant : il faut garder à l’esprit que, sur plus de 40 milliards d’euros d’impôts prélevés, une moitié seulement est restituée, qui ne va pas forcément là où il y a des besoins : il n’est que de citer le cas des grandes surfaces, ou même de La Poste, qui sont déjà bénéficiaires.

Bernard Perrut a bien mis en perspective l’ensemble des problèmes et souligné l’importance de revenir au bon sens.

Mme Bulteau nous reproche notre prétendue mauvaise gestion, mais ce n’est pas la question : ce dont il s’agit, c’est d’abroger un certain nombre de dispositions qui se révèlent contre-productives. Et, puisqu’elle nous accuse de prôner le « travailler plus pour gagner moins », je l’invite à assister demain matin à la réunion au cours de laquelle Isabelle Le Callennec et moi-même proposerons des mesures permettant, au contraire, de gagner plus.

Il est vrai que, malgré une légère amélioration, trop de femmes sont victimes du temps partiel subi, mais ce ne sont pas les lois votées depuis 2012 qui permettront de changer cet état de fait. Les aides à domicile en milieu rural (ADMR), par exemple, sont souvent des femmes qui travaillent le matin de bonne heure, puis en milieu de journée, puis le soir lorsque les enfants sont rentrés de l’école. L’objectif du plancher de 24 heures était bien, dans l’esprit de la majorité comme dans celui des partenaires sociaux, d’éviter ce temps fractionné, ce qui était louable, mais il a fallu ménager des dérogations qui ont vidé la mesure de sa substance.

Bernard Accoyer a raison : il faut identifier les freins, qui sont nombreux, afin de les desserrer, car il y a eu, en trois ans, 1,1 million de chômeurs supplémentaires, et l’on voit bien que la courbe n’est pas près de s’inverser.

Arnaud Robinet, enfin, a souligné à juste titre que notre démarche n’a rien de dogmatique ; il s’agit simplement de prendre la mesure de la réalité et des obstacles. Je vous concède, mes chers collègues, que notre proposition de loi ne va pas assez loin, mais nous ferons, dans les semaines à venir, d’autres propositions, témoignant de notre souhait que la valeur travail demeure une valeur largement partagée, car le travail crée l’activité, qui crée l’emploi en retour.

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Chapitre Ier
Allégement des contraintes qui pèsent sur les entreprises

Article premier
Suppression du compte de prévention de la pénibilité

Cet article vise à supprimer le compte de prévention de la pénibilité qui représente une contrainte pour les entreprises mais est également difficile à financer. Ce compte représente in fine un frein à l’emploi.

1. Le dispositif actuel : un compte de prévention de la pénibilité lourd et coûteux

Le compte de prévention de la pénibilité a été créé par la loi n° 2014-20 garantissant l’avenir et la justice du système de retraite.

Il permet aux salariés des entreprises du secteur privé, des établissements publics à caractère industriel et commercial et aux contractuels de droit privé des employeurs publics exerçant des métiers pénibles de cumuler des points pendant leur carrière. En effet, chaque trimestre d’exposition donne lieu au bénéfice d’un point, voire deux en cas d’exposition à plusieurs facteurs de risques. Le nombre total de points pouvant être inscrits sur le compte tout au long de la carrière est plafonné à 100, ce qui correspond à deux années et de demi de départ anticipé à la retraite.

Les points enregistrés sur le compte peuvent être utilisés par les salariés exposés à des facteurs de pénibilité pour :

– suivre une formation, en vue d’une réorientation professionnelle dans un secteur moins exposé à la pénibilité. Les vingt premiers points inscrits sur le compte sont réservés à cette formation ;

– financer une réduction du temps de travail (dix points permettant de compenser une réduction du temps de travail de 50 % pendant un trimestre) ;

– majorer la durée d’assurance vieillesse (dix points correspondant à un trimestre d’assurance).

Le financement du compte est assuré par les cotisations versées par les employeurs, conformément aux dispositions de l’article L. 4162-19 du code du travail. L’ensemble des entreprises verse en effet une cotisation minimale, au titre de la solidarité interprofessionnelle. Les entreprises exposant leurs salariés à l’un des facteurs de pénibilité retenus, ou à plusieurs d’entre eux, sont quant à elles soumises à une cotisation additionnelle, afin de les inciter à réduire le niveau d’exposition de leurs salariés par des protections adaptées ou une moindre exposition dans la durée aux facteurs de pénibilité.

Le produit de ces cotisations est affecté au Fonds chargé du financement des droits liés au compte personnel de prévention de la pénibilité, créé par le décret n° 2014-1157 du 9 octobre 2014. Le dispositif devrait coûter 2,5 milliards d’euros en 2030 pour un rendement bien inférieur des deux nouvelles cotisations employeurs à la même date estimé à 800 millions d’euros. Par conséquent, outre un nouvel alourdissement du coût du travail, le compte personnel de pénibilité devrait contribuer à creuser le déficit de l’assurance vieillesse.

L’emploi va de nouveau être le grand sacrifié par un coût du travail encore alourdi mais aussi du fait de la complexité du dispositif. En effet, si le principe du compte part d’une bonne intention, l’application demeure extrêmement complexe.

Dix facteurs de pénibilité ont été retenus : port de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques, risque chimique, activités exercées en milieu hyperbare, exposition à des températures extrêmes, bruit, travail de nuit, travail en équipes successives alternantes, travail répétitif.

Pour chacun de ces facteurs, un seuil d’exposition minimale a été déterminé, ainsi qu’une intensité d’exposition et une durée ou une fréquence à compter desquelles la pénibilité sera prise en compte. Ces critères ont été définis par le décret n° 2014-1159 du 9 octobre 2014.

À titre d’exemple, pour le facteur du « travail répétitif », deux seuils d’intensité d’exposition à la pénibilité ont été retenus : un salarié réalisant des activités sur des temps de cycles inférieurs à une minute, ou des activités réalisées sur un cycle supérieur à une minute mais comportant en moyenne 30 actions techniques par minute, sur une durée minimale de 900 heures par an, pourra cumuler des points au titre de la pénibilité sur son compte personnel. Ce système complexifie énormément la vie en entreprises, qui n’ont actuellement pas besoin de cela. Par ailleurs, le système tel que prévu actuellement engendrera de nombreux contentieux.

Le facteur postures pénibles n’est pas plus simple. Sont considérées comme des postures pénibles la position accroupie, à genou, bras au-dessus des épaules, torsion du torse à plus de 30° et flexion du torse à plus de 45°.

Le Gouvernement lui-même a pris acte de la difficulté de mise en œuvre d’une telle « usine à gaz » puisqu’il en a partiellement différé l’entrée en vigueur au 1er janvier 2016 au lieu du 1er janvier 2015 comme cela était initialement prévu. À cette date, seuls quatre critères sur dix étaient mis en place.

Par ailleurs, le compte personnel de pénibilité est la source de nouvelles lourdeurs administratives. Concrètement, il reviendra à chaque employeur de déclarer, pour chacun de ses salariés, l’exposition à un ou plusieurs facteurs de pénibilité dans le cadre de la déclaration annuelle des données sociales définie à l’article L. 133-5-4 du code de la sécurité sociale. Le dispositif étant géré in fine par la CNAV.

2. Un compte pénibilité dissous dans un compte personnel d’activité créé sans concertation

La loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi a créé un compte personnel d’activité (CPA) destiné à rassembler, dès l’entrée d’un actif sur le marché du travail et tout au long de sa vie, les droits sociaux individuels utiles à la sécurisation de son parcours professionnel.

Pourtant, l’article ne définit ni le périmètre, ni les modalités de mise en œuvre, ni même le sort des comptes existants. Il se garde bien en outre de définir la moindre modalité de financement. La loi se contente en l’espèce de prévoir un calendrier – avant la fin de l’année 2015 – de négociation entre partenaires sociaux devant porter sur les finalités et le périmètre du compte.

En tout état de cause, le CPA pourrait regrouper :

– le compte personnel de formation et le DIF, droit individuel à la formation, (pour ceux conservant un DIF, notamment les salariés de droit public) ;

– le compte personnel de la pénibilité ;

– le compte épargne-temps.

Alors même que notre pays est touché par une instabilité législative et juridique, la création de ce compte y participe. En effet, il regroupe et réforme des dispositifs qui n’ont pas encore eu le temps de produire des effets.

Par ailleurs, si le renforcement de la portabilité des droits peut apparaître intéressant, la démarche de « flexisécurité » doit s’accompagner par définition de mesures de flexibilité du marché du travail qui n’apparaissent pas, bien au contraire.

3. Abroger les dispositions définissant le compte de prévention de la pénibilité

L’article premier propose par conséquent de supprimer les chapitres Ier et II du Livre Ier de la quatrième partie du code du travail. En effet, si le Gouvernement a décidé de laisser aux partenaires sociaux le soin de définir les contours du futur et à ce stade hypothétique compte personnel d’activité, laissons au dialogue social le soin de créer ou non un compte personnel de la pénibilité.

Par ailleurs, il existait avant 2012 plusieurs dispositifs – loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles, réforme des retraites de 2010, dispositif dit carrières longues – qui, cumulés, permettaient déjà de prendre en compte certains facteurs de pénibilité.

De plus, ces dispositifs avaient un avantage fondamental. En effet, ils prévoyaient un filtre médical et non pas une automaticité car s’il existe des tâches irréfutablement pénibles, il est plus difficile de parler de métiers pénibles tant un métier peut regrouper un nombre très important de tâche.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS2 de Mme Chaynesse Khirouni, tendant à supprimer l’article.

Mme Chaynesse Khirouni. La création du compte de prévention de la pénibilité représente un progrès social majeur pour les salariés exposés à des travaux pénibles.

L’intérêt du dispositif adopté en 2014 est qu’il se place nettement en amont de la dégradation de l’état de santé et qu’il fixe des seuils uniformes pour tous les salariés. Le précédent dispositif, adopté en 2010 et qui reposait sur la notion d’incapacité, s’était en effet révélé largement insuffisant, puisque seules 5 000 à 7 000 personnes ont pu en bénéficier.

Ce compte permet l’ouverture de droits à différentes prestations : retraite, formation professionnelle, compensation du passage à temps partiel. Conscient des difficultés de mise en œuvre, notamment dans les TPE et les PME, notre collègue Christophe Sirugue avait identifié dans son rapport plusieurs facteurs de complexité et de risque liés à la prise en compte des dix facteurs d’exposition, et nous-mêmes avons, par nos amendements, simplifié le dispositif sur plusieurs points.

Les entreprises qui ne disposent pas en interne des ressources pour mesurer toutes les expositions peuvent se contenter d’appliquer le référentiel de leur branche pour identifier les postes, métiers ou situations de travail exposés aux facteurs de pénibilité. Afin de laisser aux organisations professionnelles le temps de constituer ces référentiels, l’entrée en vigueur de six des dix facteurs de pénibilité restants a en outre été repoussée au 1er juillet 2016. Par ailleurs, l’obligation d’établir et de transmettre des fiches individuelles ne repose plus sur l’employeur. Enfin, certains des seuils à partir desquels la déclaration s’impose seront révisés ou précisés.

Pour toutes ces raisons, il n’y a pas lieu de maintenir l’article 1er.

Mme Isabelle Le Callennec. La mise en œuvre du compte de prévention de la pénibilité est difficile. Les entreprises insistent sur le fait que les référentiels seront très malaisés à établir, y compris au niveau des branches.

Je veux insister sur un point dont on ne parle jamais : ce dispositif constituera une charge supplémentaire pour les entreprises. À chaque fois que l’on parle de charge supplémentaire, vous brandissez naturellement le CICE, mais ce dispositif a bon dos.

Plus grave encore : l’image même de nos industries souffrira d’être assimilée automatiquement à la pénibilité du travail, et elles auront beaucoup de mal, demain, à recruter des salariés, alors même qu’elles réalisent des efforts importants pour améliorer les postes de travail. On ne peut, d’un côté, prétendre sauver l’industrie française et, de l’autre, leur accoler cette image de métiers pénibles. Nous ne sommes plus au temps de Zola !

M. Bernard Accoyer. Comme Mme Le Callennec, je veux insister sur l’image que le compte pénibilité va donner au travail dans l’industrie, outre le coup supplémentaire qu’il va porter à la compétitivité des entreprises. Force est de se demander, dès lors, si la priorité du Gouvernement et de la majorité est vraiment de lutter contre le chômage. Je rappelle que la notion de pénibilité avait été introduite dans la réforme de 2010, contre laquelle l’opposition d’alors s’était mobilisée – au point de poursuivre le président de l’Assemblée nationale dans les couloirs après l’adoption du projet de loi !

M. Élie Aboud. Quand une disposition législative est claire et limpide, son application est simple et peut être immédiate. Si le pouvoir exécutif a différé d’une année l’exécution de celle-ci, c’est bien qu’il s’est rendu compte qu’elle était source de lourdeurs administratives. Lorsque les artisans, les TPE et les PME s’accordent tous à dire qu’il s’agit d’une véritable usine à gaz, c’est le signe qu’il y a un vrai problème.

M. Dominique Tian. Quand un sujet est complexe, il est bon de demander leur avis aux spécialistes. Sur le site lepoint.fr, l’avocat Camille-Frédéric Pradel n’hésite pas à qualifier la loi de 2014 de « risque de tsunami judiciaire qui pèse sur les entreprises ». Une entreprise sur deux n’a pas encore commencé à mettre en place les fiches individuelles de suivi, tant la chose est complexe et les sanctions potentielles lourdes, en l’absence de toute sécurité juridique pour les entreprises. Et Me Pradel d’ajouter : « Si seulement 10 % des 8 millions de salariés exposés réclament chaque année à leur employeur une indemnisation, les tribunaux seront complètement débordés. » C’est pourquoi il faut adopter la proposition de loi de Christian Jacob et ne surtout pas supprimer son article 1er qui est plein de bon sens.

M. Denys Robiliard. Je veux rappeler à l’opposition que c’est à son initiative que la pénibilité a été introduite dans le code du travail, que c’est elle qui associe le mot à certains métiers de l’industrie, et que c’est par un décret signé de M. Xavier Bertrand qu’a été définie, de façon fort complexe, la notion, le jour même de l’élection présidentielle !

À l’âge de trente-cinq ans, l’écart d’espérance de vie entre un ouvrier et un cadre est de six ans, et l’écart d’espérance de vie en bonne santé est plus important encore. Oui ou non, cet état de fait mérite-t-il une réponse ? Nous pensons que oui, et agissons en conséquence. Chacun ici a intérêt à assumer ce qu’il fait, et le discours que vous tenez sur le compte de prévention de la pénibilité montre que ce n’est pas le cas. Vous devriez plutôt relire l’excellent rapport de votre collègue Jean-Frédéric Poisson.

M. Gérard Sebaoun. C’est vous, chers collègues de l’opposition, qui avez introduit la pénibilité par le biais du volet réparation. Mme Khirouni a rappelé que le nombre de dossiers traités est de 5 000 à 7 000, ce qui est extrêmement faible. Pour notre part, nous avons souhaité reprendre tous les travaux menés par les partenaires sociaux, qui avaient en particulier dressé la fameuse liste des dix facteurs de risque, et nous avons introduit cette liste dans la loi de 2014. La difficulté tient moins au dispositif lui-même, relativement simple et bien encadré, qu’à la nécessité que les branches se saisissent sérieusement des problèmes – qui sont réels et que M. Michel de Virville a exposés devant notre commission. Nous devons accompagner ce mouvement, et je regrette à titre personnel que le Gouvernement n’aille pas assez vite.

Vous avez abordé la pénibilité sous l’angle de la réparation, considérant que c’était suffisant et qu’il appartenait aux médecins de s’en occuper. Pour notre part, nous avons encadré et amélioré les droits sociaux de ceux qui souffrent le plus dans les entreprises, ce qui constitue un progrès social.

M. Arnaud Robinet. Lors des débats de 2013 sur la réforme des retraites, on nous a reproché d’avoir négligé la question de la pénibilité.

Mme Chaynesse Khirouni. Pas du tout !

M. Arnaud Robinet. Aujourd’hui, vous reconnaissez que nous avons introduit la notion de pénibilité dès 2010. En vérité, c’était en 2003, lors de la réforme Fillon qui a institué le dispositif dit « carrières longues » en faveur de celles et ceux qui ont commencé à travailler très jeunes.

M. Gérard Sebaoun. Ce n’est pas la même chose !

M. Arnaud Robinet. Si puisque ce sont généralement les mêmes qui ont exercé des métiers pénibles.

Cela dit, ce n’est pas au moment de la retraite que doivent être abordés les problèmes liés à la pénibilité au travail, mais au cours de la carrière professionnelle elle-même. De nombreuses mesures ont été prises pour améliorer les conditions de travail, notamment dans le secteur du bâtiment et des travaux publics.

Je ne sais pas, mes chers collègues, dans quel monde vous vivez, ni s’il vous arrive de rencontrer des chefs d’entreprise, des commerçants, des artisans. Tous vous parleront des difficultés qu’ils ont à comprendre le mécanisme du compte pénibilité et à le mettre en place, ainsi que des lourdeurs administratives qu’il entraîne. Je ne vois pas comment vous pouvez continuer à soutenir aujourd’hui un tel dispositif.

M. Jean-Pierre Door. Je me demande si la majorité connaît vraiment la réalité du terrain. Pour tout dire, j’en doute, tant elle a chargé la barque des TPE et des PME malgré les difficultés qu’elles connaissent. Il n’est, pour s’en convaincre, que d’écouter les chambres de commerce et d’industrie. Dans ma circonscription, de nombreuses entreprises souffrent de toutes ces taxes que vous avez ajoutées les unes aux autres, et Pôle Emploi comme la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) sont catastrophés par l’augmentation du chômage.

J’ai lu qu’une entreprise de 160 salariés implantée en Corrèze est sur le point de fermer. Le Président de la République a eu beau venir à son secours, il ne parvient pas à sauver cette entreprise qui avait déjà été reprise.

Vous continuez de jouer aux apprentis sorciers en défendant des mesures qui augmentent les charges des entrepreneurs. Il conviendrait de faire un moratoire. C’est pourquoi M. Cherpion propose de supprimer le compte de prévention de la pénibilité, quitte à réexaminer la question lorsque la reprise sera là.

M. le rapporteur. Le travail n’est pas pénible en soi ; ce sont les tâches qui peuvent l’être, et la répétition de ces tâches qui crée le syndrome de pénibilité. Pour limiter celle-ci, peut-être faut-il, plutôt que de risquer d’aggraver les difficultés de recrutement, enseigner les bonnes postures, les bons gestes au travail. Le rapport de notre collègue Michel Issindou sur la médecine du travail comporte des préconisations qu’il faut appliquer. Préférons le préventif à un curatif qui ne soigne rien.

M. Robiliard a évoqué les écarts d’espérance de vie, mais la pénibilité du travail n’en est pas le seul facteur : il faut aussi tenir compte du salaire, des conditions de logement, de l’accès aux soins. Évitons les raccourcis sur ce sujet.

La loi a pour objet d’établir un cadre. Or, en fixant les critères de pénibilité, elle va au-delà, et les contentieux risquent d’être très nombreux, tant ils sont complexes. Le Gouvernement s’en est d’ailleurs rendu compte, puisqu’il a supprimé la fiche individuelle et reporté l’application de six des dix critères. Allons plus loin : revenons au système antérieur.

Avis défavorable, donc, à l’amendement.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 1er est supprimé.

Article 2
Suppression de la durée minimale du temps de travail de 24 heures

Cet article vise à supprimer la durée minimale du temps de travail de 24 heures instaurée par la loi de sécurisation de l’emploi de 2013.

1. Une durée minimale du temps de travail qui décourage l’embauche

La loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a modifié les anciens dispositifs relatifs au temps partiel modulé : ce dispositif est codifié à l’article L. 3122-2 du code du travail. Il permet de faire varier, dans certaines limites, la durée de travail hebdomadaire ou mensuelle du salarié fixée dans son contrat de travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année.

Ce régime doit avoir été prévu par convention ou accord d’entreprise ou d’établissement ou par accord de branche. Cette convention ou accord doit fixer :

– les conditions et délais de prévenance des changements de durée ou d’horaire de travail (à défaut de précision, celui-ci est fixé à sept jours) ;

– les modalités de communication et de modification de la répartition de la durée et des horaires de travail ;

– les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période.

L’article L. 3122-6 précise en outre que la mise en œuvre du travail à temps partiel annualisé ne constitue pas une modification du contrat de travail, et ne nécessite donc pas l’accord exprès du salarié.

Alors que le dispositif de 2008 voté par la précédente majorité laissait toute sa place à l’accord collectif, la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi a introduit le principe d’une durée minimale de travail. En effet, le nouvel article L. 3123-14-1 du code du travail dispose que : « la durée minimale de travail d’un salarié à temps partiel est fixée à vingt-quatre heures par semaine » sauf dérogation, en particulier pour les étudiants âgés de moins de 26 ans, (article L. 3123-14-5), et certains métiers liés à l’aide à la personne.

À partir de 2008 et au plus fort de la crise financière en 2009 et 2010, au lieu de licencier massivement, les entreprises allemandes ont préféré recourir au temps partiel et de ce fait, ce pays a mieux amorti les effets de la crise en terme d’emploi. Selon une étude de l’OCDE datant de 2010 (1), la part du temps partiel dans l’emploi total était de 15 % en France alors qu’il s’élevait à 23 % en Allemagne et même à 35 % au Pays-Bas. Avec la reprise économique, à compter de 2011, il est plus simple de passer d’un temps partiel subi à un temps plein que d’être embauché après avoir été licencié et être demeuré éloigné pendant plusieurs mois ou années de l’emploi. Mettre une durée minimale pour le travail à temps partiel est une mesure qui institue une nouvelle contrainte à l’aménagement du temps de travail dans les entreprises. Un employeur qui a besoin d’un salarié pour 15 ou 20 heures préférera ne pas employer du tout plutôt que d’employer un salarié pour plus d’heures qu’il n’en faut.

Ce sont ce genre de freins qui retardent « l’inversion de la courbe du chômage » même lorsque la croissance économique redémarre.

2. Abroger la durée minimale de temps de travail partiel

L’alinéa 1 propose de supprimer les articles L. 3123-14-1 et L. 3123-14-5 du code du travail introduit par la loi de sécurisation de l’emploi et instituant la durée minimale de temps de travail.

Par ailleurs, pour plus de flexibilité et d’adaptation au carnet de commandes des entreprises, l’alinéa 2 prévoit que l’avenant au contrat de travail permettant, le cas échéant, d’augmenter temporairement la durée du temps de travail prévu par le contrat soit défini par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement et seulement à défaut par une convention ou un accord de branche et non par un accord de branche étendu. Il est nécessaire de laisser les entreprises s’organiser comme elles le souhaitent.

Par cohérence juridique, l’alinéa 3 propose de supprimer le III de l’article 20 de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale qui suspendait l’application de l’article L. 3123-14-1 du 22 janvier au 30 juin 2014.

*

La Commission examine l’amendement AS3 de Mme Chaynesse Khirouni, tendant à supprimer l’article.

Mme Chaynesse Khirouni. L’article 2 tend à revenir sur la durée hebdomadaire de 24 heures instaurée par la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013.

L’objectif de cette disposition est de lutter contre la précarité et le temps partiel subi qui concernent surtout les femmes. Il existe déjà une certaine souplesse dans son application, puisque les salariés âgés de moins de vingt-six ans qui poursuivent leurs études peuvent bénéficier d’une dérogation, de même que tout salarié qui en fait individuellement la demande.

Pour ces raisons, nous proposons de supprimer cet article.

M. le rapporteur. Certes, il y a des femmes qui ont des emplois précaires, mais ne pourrait-on pas plutôt envisager un système qui permettrait aux gens de travailler dix, douze ou quinze heures, en fonction de leurs besoins ? Prenons l’exemple du portage de journaux, tâche qui requiert une dizaine d’heures par semaine. Des personnes d’une quarantaine d’années qui ont déjà un emploi à temps partiel pourraient être intéressées par ce type de métier.

Mme Khirouni a rappelé que la loi prévoit des dérogations, mais à quoi rime-t-il de voter des lois qui nécessitent, pour être applicables, d’être assorties d’une multitude de dérogations ? Du reste, certains signataires de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013, aussi bien du côté des salariés que de celui des employeurs, se rendent bien compte que cette mesure n’est pas bonne.

Je suis donc défavorable à l’amendement.

M. Denys Robiliard. Le débat sur ce sujet est récurrent. Vous l’avez dit monsieur Cherpion : il existe des dérogations au plancher des 24 heures, qui peut en outre être modifié par voie conventionnelle.

L’ANI du 11 janvier 2013 a été transposé dès le mois de juin suivant par le législateur, avec les correctifs qui s’imposaient. Si un accord est remis en cause par une partie de ses signataires immédiatement après avoir été approuvé, quel crédit accorder à la négociation collective ? Le patronat, qui appelle volontiers de ses vœux la stabilisation de la norme, devrait s’appliquer à lui-même ce précepte…

Mme Sylviane Bulteau. Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué les problèmes que pose la règle des 24 heures au secteur de l’aide à domicile. Hier, justement, j’ai rencontré une association d’aide à domicile, qui déploie tous ses efforts pour assurer à ses salariées des temps de travail complets, des salaires corrects, des progressions de carrière satisfaisantes.

M. le rapporteur. Si certaines associations peuvent proposer des temps plein, on n’est plus dans le cadre des 24 heures…

Monsieur Robiliard, vous apportez de l’eau à mon moulin lorsque vous insistez sur les dérogations possibles : si la loi les prévoit, c’est bien qu’elle n’est pas applicable sinon.

Ces dérogations entraînent néanmoins, ipso facto, tout un système de contrôles, qui alourdit le fonctionnement des entreprises.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 2 est supprimé.

Article 3
Abrogation des mesures introduites par la loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle

Cet article vise à abroger les dispositions adoptées dans la loi visant à reconquérir l’économie réelle et définissant les obligations qui pèsent sur les dirigeants d’entreprises souhaitant fermer un site industriel réputé rentable suite à la fermeture du site de Florange.

1. Une loi de circonstance adoptée à la suite du fiasco économique et social de la fermeture du site de Florange

La loi baptisée loi « Florange » visant à reconquérir l’économie réelle est la définition même de loi de circonstance, votée à la va-vite pour honorer une promesse de campagne inconsidérée et in fine inapplicable.

M. François Hollande, alors candidat à la présidence de la République, avait annoncé le 24 février 2012 devant les salariés du site d’Arcelor Mittal menacé, une loi censée sauver les sites industriels rentables. Quelques mois plus tard, alors que les hauts fourneaux étaient éteints, le Parlement a voté une loi créant de nouvelles contraintes pour les entreprises sans réussir à empêcher les fermetures de sites industriels de se multiplier.

En effet, cette loi dans son principe nie le principe de destruction créatrice d’emplois qui fonde pourtant l’économie sans apporter de réponses robustes à la perte de compétitivité de notre industrie qui seules permettront d’inverser la différence entre destructions et créations d’emplois.

Le texte contient trois séries de mesures :

– des obligations pesant sur les dirigeants d’entreprises appartenant à un groupe de plus de 1 000 salariés qui souhaitent fermer des sites industriels rentables ;

– des mesures en faveur de la reprise de l’activité par les salariés ;

– des mesures en faveur de l’actionnariat de long terme : abaissement du seuil de déclenchement obligatoire d’une offre publique d’achat (OPA), généralisation des droits de vote double et association des salariés à la procédure d’OPA.

La loi apparaît singulièrement difficile à mettre en œuvre. Outre qu’elle impose de nouvelles normes et de nouvelles contraintes aux entreprises en lieu et place du choc de simplification annoncé, elle pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. Comment définir un site ? Parle-t-on d’une activité ou d’un établissement ? Comment définir la rentabilité d’un site indépendamment de celle du groupe auquel il appartient ? Pourquoi fixer aux seules entreprises de plus 1 000 salariés le champ d’application du texte ?

En outre, la loi initiale comportait des dispositions manifestement contraires au droit de propriété. En effet, le Conseil constitutionnel a jugé que l’obligation pour un propriétaire d’accepter une offre de reprise sérieuse ainsi que la compétence confiée à un juge pour l’apprécier, avec des sanctions à la clé, constituaient une atteinte au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre (2). Le Conseil n’avait validé qu’une partie de la loi : l’obligation de chercher un repreneur.

Cette loi n’a trouvé que peu de situations pour s’appliquer donnant raison a posteriori à Édouard Martin, délégué syndical CFDT, qu’il l’avait qualifiée « d’enfumage ». Les fermetures de sites se sont en effet multipliées depuis la promulgation de la loi. En revanche, combien d’investisseurs ont hésité à s’établir dans notre pays et y créer des emplois du fait de lois de ce type ?

2. Abroger les dispositions portant obligation de rechercher un repreneur en cas de projet de fermeture d’un établissement

Les articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-22 du code du travail précisent les obligations des employeurs envisageant la fermeture d’un établissement.

Ils lui fixent l’obligation de réunir le comité d’entreprise, d’en informer l’autorité administrative et les maires des communes concernées. L’article L. 1233-57-14 lui fait plus précisément obligation de rechercher un repreneur, d’examiner les offres de reprises et d’apporter une réponse motivée à chacune d’elle. Le comité d’entreprise peut aussi être associé à cette recherche à sa demande.

En définitive, la loi fait obligation de rechercher un repreneur mais pas de le trouver. C’est donc une loi inutile qui ne fait que rajouter de la complexité à une situation déjà suffisamment difficile.

L’article 3 propose donc d’abroger la section 4 bis du chapitre III du livre II de la première partie du code du travail ainsi que les dispositions du même code qui y renvoient.

Dans un souci de sécurité juridique, l’alinéa 5 prévoit que : « les cessions de fonds de commerce ou de parts sociales, actions, valeurs mobilières » intervenues dans les cas prévus par les dispositions abrogées ne peuvent faire l’obligation d’une annulation du fait de la disparition de la base légale.

*

La Commission étudie l’amendement AS4 de Mme Chaynesse Khirouni, tendant à supprimer l’article.

Mme Chaynesse Khirouni. L’article 3 vise à abroger l’obligation, pour les entreprises de plus de 1 000 salariés, de rechercher un repreneur en cas de projet de fermeture d’un établissement.

Si une telle obligation avait existé il y a quelques années, elle aurait permis d’éviter des fermetures de sites industriels rentables tels que Pilpa dans l’Aude, d’Aucy en Saône-et-Loire ou Lejaby en Haute-Loire. Comme l’a rappelé le rapport Gallois, notre pays a perdu, en dix ans, 750 000 emplois dans l’industrie. Notre détermination est intacte pour assurer le redressement industriel de la France, et c’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. le rapporteur. La loi dite « Florange » a été votée en 2014 pour répondre à une promesse faite pendant la campagne présidentielle. Aujourd’hui, cependant, l’entreprise visée a fermé ses portes…

Hier, j’ai rencontré le responsable d’une entreprise menacée de fermeture et soumise à cette fameuse loi. Il a dû charger un cabinet spécialisé de faire de la prospection, mais ce cabinet lui expliquera au bout d’un certain temps, selon toute probabilité, qu’il n’a pas trouvé de repreneur, et l’entreprise fermera. S’il est intéressant de favoriser la recherche de repreneurs, la loi « Florange » est inutile, et finalement contre-productive, dans la mesure où elle ne comporte pas d’obligation de résultats.

Le même type de procédure existe quand une personne est déclarée inapte à son poste. L’entreprise a une obligation de recherche de reclassement. Après cinq ou six recherches actives qui n’aboutissent pas, le licenciement a lieu…

Il ne faut pas que la loi soit un alibi qui serve uniquement à donner bonne conscience aux uns ou aux autres.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 3 est supprimé.

Article 4
Abrogation des mesures introduites par la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire

Cet article vise à abroger les dispositions adoptées dans la loi relative à l’économie sociale et solidaire et portant sur les obligations en matière d’information dans les petites et moyennes entreprises lorsque le propriétaire envisage de céder son fonds de commerce.

1. Une loi relative à l’économie sociale et solidaire qui étend aux PME – TPE les freins à l’emploi posés lors de la loi dite « Florange »

La loi relative à l’économie sociale et solidaire a repris, pour les petites et moyennes entreprises, les obligations en matière d’information des salariés « lorsque le propriétaire d’un fonds de commerce veut le céder » (article 19) ou lorsque « le propriétaire d’une participation représentant plus de 50 % des parts sociales d’une société à responsabilité limitée ou d’actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital d’une société par actions veut le céder » (article 20).

L’ensemble des griefs fait à la loi « Florange » peut être réitéré sur ces dispositions avec en plus des circonstances aggravantes lorsqu’il s’agit de petites et moyennes entreprises. Souvent, la difficulté de transmettre une entreprise familiale – ou de la céder – empêche nos entreprises de grandir suffisamment. C’est une des raisons qui font que notre pays manque cruellement d’entreprises de taille intermédiaire (ETI) capables d’exporter contrairement à nos voisins européens.

Même le Gouvernement a fini par admettre cette difficulté. En effet, la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques dite « loi Macron » a modifié le champ d’application de l’obligation d’information. Ne seront plus désormais visées toutes les cessions mais seulement les cas de vente. En sont donc exclues les donations, les successions ou autres.

Ces modifications sont bienvenues mais il est nécessaire d’aller plus loin et de laisser le maximum de souplesse et de fluidité afin de favoriser la création d’entreprises en amont. En effet, si une personne sait qu’elle pourra céder son entreprise dans les conditions qu’elle déterminera, elle hésitera moins à « se lancer ».

2. Supprimer les restrictions aux cessions d’entreprises

L’article 4 propose de supprimer les articles 19 et 20 de la loi relative à l’économie sociale et solidaire codifiés dans les sections III et IV du chapitre Ier du titre IV du livre Ier ainsi que le chapitre X du titre III du livre II du code du commerce. L’article supprime également l’article 98 de la loi relative à l’économie sociale et solidaire qui fixe un délai de 3 mois pour l’application des articles supprimés.

En revanche, il est prévu que les cessions de commerce ou de parts sociales réalisées avant la publication de la présente loi et sur le fondement des articles supprimés ne peuvent être annulées.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS5 de Mme Chaynesse Khirouni, tendant à supprimer l’article.

Mme Chaynesse Khirouni. Chaque année, ce sont près de 50 000 emplois – le rapporteur parle même de 60 000 ou 70 000 – qui disparaissent, dans des entreprises pourtant saines, faute de repreneurs. Une étude de la direction générale du Trésor montre que les entreprises reprises par leurs salariés ont 10 % à 20 % de chances supplémentaires de pérenniser l’activité à l’horizon de trois ans, tant la mobilisation de ces salariés est forte.

Le présent article tend à supprimer trois éléments essentiels de la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire : le délai dans lequel les salariés peuvent présenter une offre de rachat des parts sociales ; celui dans lequel les salariés peuvent présenter une offre en cas de cession d’un fonds de commerce dans les entreprises de moins de cinquante salariés ; l’information anticipée des salariés leur permettant de présenter une offre en cas de cession d’un fonds de commerce pour les entreprises employant de cinquante à deux cent quarante-neuf salariés.

Or ces dispositions permettent aux salariés d’agir directement et d’offrir le maximum de chances à la pérennité de l’emploi et l’activité. La volonté de sauver l’outil de travail doit être accompagnée. Les dispositions que nous avons proposées dans le cadre de cette loi permettent cet accompagnement.

Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer l’article 4.

M. Bernard Perrut. Il est patent que ces nouvelles obligations ont des conséquences négatives. Lors de l’examen du projet de loi Macron, le Gouvernement a certes apporté certains assouplissements, notamment en matière d’information des salariés des PME, dont le champ s’étend désormais aux seules ventes et non plus à l’ensemble des transferts de propriété. Le dispositif continue cependant de complexifier le processus de reprise d’une entreprise et risque de faire peur aux salariés, aux clients et aux investisseurs. Par conséquent, il convient de le supprimer.

M. le rapporteur. M. Macron a admis qu’il y avait un problème, et c’est pourquoi la loi qu’il a défendue devant nous a modifié le champ d’application de l’obligation d’information, de façon à ne viser que les ventes, à l’exclusion des donations, successions et autres. Allons jusqu’au bout et donnons encore plus de fluidité. Je pense que M. Macron serait d’accord avec moi…

Avis défavorable à l’amendement.

M. Denys Robiliard. C’est un comble que d’invoquer M. Macron à propos de ce dossier, sachant que la modification qu’il souhaitait apporter l’a été ! Vous ne pouvez l’appeler à la rescousse pour supprimer un dispositif qui résulte de la loi qui porte justement son nom !

M. Fernand Siré. En tant que médecin, je peux vous dire que, lorsque l’on a posé un diagnostic mais que la thérapeutique ne fonctionne pas, cela veut dire que l’on s’est trompé de diagnostic, et que le patient risque de mourir si l’on ne modifie pas la thérapeutique. La France est en train de mourir à cause de la vision dogmatique des socialistes.

Je suis inquiet quand je vois quelles sont les intentions de vote de nos concitoyens lors des prochaines élections régionales. Un mouvement dangereux est en train d’apparaître à cause de votre entêtement.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 4 est supprimé.

Article 5
Suppression de la majoration de la part patronale à la contribution d’assurance chômage pour les contrats à durée déterminée de courte durée

Cet article vise à supprimer la nouvelle taxe en vigueur depuis le 1er juillet 2013 pesant sur les entreprises ayant recours à des contrats à durée déterminée (CDD), taxe bien évidemment néfaste en matière d’emploi.

1. Un dispositif qui n’atteint pas ses objectifs et alourdit encore le coût du travail

Depuis le 1er juillet 2013, la contribution d’assurance chômage à la charge des employeurs est majorée pour certains contrats à durée déterminée. Cette nouvelle taxation varie en fonction de la durée du contrat de travail et du motif de son recours.

Le taux des contributions chômage est fixé à 6,40 % réparti comme suit :

– 4 % à la charge des employeurs ;

– 2,40 % à la charge des salariés.

Toutefois, la part patronale de la contribution est majorée pour les contrats à durée déterminée. Elle est de :

– 7 % pour les contrats d’une durée inférieure ou égale à un mois ;

– 5,5 % pour les contrats d’une durée comprise entre 1 mois et 3 mois ;

– 4,5 % pour les contrats d’usage d’une durée inférieure ou égale à 3 mois.

En revanche, la part patronale reste à 4 % si l’employé est embauché en contrat à durée indéterminée (CDI) à l’issue de son CDD, si le contrat de travail est un contrat de travail temporaire, s’il s’agit d’un CDD de remplacement ou pour les contrats conclus avec un employé de maison.

Cette majoration est issue d’un accord national interprofessionnel et les auteurs de cette proposition de loi ne contestent pas le principe d’une modulation des cotisations d’assurance chômage dans le but de faire intégrer aux employeurs le coût social et financier de leur décision en matière de contrats de travail.

Toutefois, pour que des mesures de taxation d’un comportement jugé peu conforme à l’intérêt général aient la moindre chance de produire les résultats escomptés – à savoir un recours plus massif aux CDI – il est nécessaire de libérer les entreprises des charges qui pèsent sur elles, charges financières mais aussi administratives. Le procédé est toujours le même et produit toujours les mêmes résultats. On souhaite pénaliser un comportement comme décourager l’usage de la voiture en ville. On réduit les voies de circulation pour décourager l’automobiliste à qui cependant on n’offre aucune alternative. Résultat, on provoque une thrombose de la ville tout simplement. En termes d’emploi, le même processus est à l’œuvre, le nombre de CDI n’a pas augmenté faute d’une politique économique efficace. En revanche, la majoration des cotisations d’assurance chômage a coûté 49,87 millions d’euros supplémentaires aux entreprises en 2014.

2. Abroger le dispositif tant que des mesures efficaces favorisant l’emploi durable n’auront pas été prises

L’article 5 propose de supprimer le second alinéa de l’article L. 5422-12 du code du travail correspondant à l’article 11-I de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 qui dispose que : « Les accords prévus à l’article L. 5422-20 [accords relatifs à l’assurance chômage] peuvent majorer ou minorer les taux des contributions en fonction de la nature du contrat de travail, de sa durée, du motif du recours à un contrat d’une telle nature, de l’âge du salarié ou de la taille de l’entreprise ».

La conjoncture économique morose et la situation de l’emploi dégradée commandent en effet aujourd’hui de ne pas alourdir les charges des entreprises.

*

La Commission en vient à l’amendement AS6 de Mme Chaynesse Khirouni, visant à supprimer l’article.

Mme Chaynesse Khirouni. L’article 5 tend à abroger la majoration de la part patronale de la contribution d’assurance chômage pour les contrats à durée déterminée (CDD) de courte durée.

Je rappelle que 772 000 salariés sont concernés par cette majoration et que 205 000 jeunes de moins de 26 ans bénéficiaires d’un contrat à durée indéterminée (CDI) le sont par l’exonération de charges patronales. Il appartient désormais aux partenaires sociaux de négocier l’application de ce principe de modulation du montant des cotisations en fonction de la qualité du contrat de travail.

M. Bernard Perrut. La majoration des contributions patronales d’assurance chômage a coûté 49,87 millions d’euros aux entreprises en 2014. Accabler les entreprises alors que le contexte est très difficile me paraît d’autant plus déraisonnable que l’objectif visé, à savoir l’incitation à l’embauche en CDI, n’est pas atteint. La taxation des CDD de courte durée ne fait qu’imposer une charge supplémentaire aux entreprises.

M. Rémi Delatte. Comme vient de le dire M. Perrut, ces 50 millions d’euros constituent une charge nouvelle pour les entreprises. On aurait pu penser que la taxation des CDD de courte durée aurait incité les entreprises à embaucher des salariés en CDI. Or cette disposition n’a pas porté ses fruits, comme le montrent, hélas ! les chiffres du chômage.

M. le rapporteur. Je partage les propos de MM. Perrut et Delatte. Si cette mesure avait été efficace, elle aurait eu un effet sur les chiffres du chômage. Or on se rend bien compte que ce n’est pas le cas.

Avis défavorable à l’amendement.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 5 est supprimé.

Chapitre II
Mesures facilitant l’emploi des jeunes

Article 6
Suppression des restrictions au financement de l’apprentissage

Cet article vise à supprimer les restrictions, créées par la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, au financement de l’apprentissage.

1. Une restriction des établissements éligibles au barème de la taxe d’apprentissage préjudiciable à cette filière d’excellence

La loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale a restreint le nombre d’établissements éligibles au barème de la taxe d’apprentissage en fixant une liste limitative de catégories d’établissements pouvant y prétendre.

Instituée en 1925 et modifiée à plusieurs reprises depuis, notamment en 1971 avec la création des organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage (OCTA), la taxe d’apprentissage est un prélèvement qui a pour objet de faire participer les employeurs au financement des formations premières à caractère technologique et professionnel, dont l’apprentissage.

L’article L. 6241-9 définit les établissements habilités à recevoir une part de taxe d’apprentissage correspondant à ses dépenses de formation d’apprenti. La réforme de 2014 avait pour but de concentrer une part plus grande de la taxe d’apprentissage en direction d’un plus petit nombre d’établissements.

Ainsi, une part plus importante de la taxe a été régionalisée : les moyens des régions ont été renforcés, passant de 1,529 milliard d’euros en 2012 à 1,653 milliard d’euros en 2015. Simultanément, les moyens directement affectés aux centres de formation des apprentis (CFA) ont augmenté.

La part de la taxe dite « barème » a été en revanche réduite d’environ 50 millions d’euros en 2015 par rapport à son évolution à la baisse déjà engagée depuis 2011. La typologie des formations, établissements et organismes pouvant percevoir de la taxe d’apprentissage au titre de la part « barème » a été précisée lors du débat sur loi de finances rectificatives pour 2013 : ont été écartés du bénéfice du barème les établissements à but lucratif et, pour ceux qui délivrent des diplômes, les établissements secondaires privés agissant hors contrat d’association avec l’État.

Cette modification, reposant seulement sur des considérations idéologiques, a exclu du financement les écoles et les campus créés à l’initiative des entreprises, soit 1 400 établissements d’enseignement privés formant chaque année 450 000 étudiants et employant 37 800 formateurs, dont des établissements à destination des jeunes décrocheurs du système scolaire.

La concentration sur un plus petit nombre d’établissements a eu comme conséquence une diminution du nombre d’apprentis depuis 2012 de l’ordre de 60 000 alors même qu’il s’agit d’une filière d’excellence.

2. Élargir le nombre d’établissements susceptibles de recevoir le produit de la taxe

L’article 6 propose d’élargir le nombre de bénéficiaires du financement de l’apprentissage.

En effet, le deuxième alinéa de l’article L. 6241-9 dispose que sont habilités à recevoir une part de la taxe d’apprentissage les « établissements privés d’enseignement du second degré sous contrat d’association avec l’État », il est proposé d’y ajouter « les établissements privés soumis à une évaluation périodique » de l’État mais non sous contrat.

Par ailleurs, le cinquième alinéa intègre les « établissements privés relevant de l’enseignement supérieur gérés par des organismes à but non lucratif » mais pas les établissements privés du même type gérés par des entreprises. Il s’agit d’une méfiance incompréhensible à l’égard des entreprises qui sont souvent les mieux placées pour savoir de quel type de formation elles ont besoins et qui par ailleurs financent l’apprentissage. L’alinéa 4 de l’article 6 prévoit de réintégrer ce type d’établissement parmi les établissements susceptibles de recevoir un tel financement.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS7 de Mme Chaynesse Khirouni, visant à supprimer l’article.

Mme Chaynesse Khirouni. L’article 6 tend à abroger certaines dispositions de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

Depuis l’entrée en vigueur de cette dernière loi, les écoles hors contrat et celles gérées par des associations à but lucratif ne sont plus éligibles au barème de la taxe d’apprentissage, l’objectif étant notamment de réorienter le produit de celle-ci, grâce à l’élaboration par les préfets de nouvelles listes régionales, vers les établissements publics et privés faisant l’objet d’un contrôle pédagogique de la part de l’État et délivrant des titres et diplômes inscrits au répertoire national des certifications professionnelles.

L’opposition considère que l’article 6 permettrait de relancer l’apprentissage. Nous n’en sommes pas du tout convaincus. Je rappelle que nous avons mis en œuvre l’aide « TPE jeune apprenti », ainsi que l’aide de 1 000 euros versée aux entreprises de moins de 250 salariés qui recrutent un apprenti supplémentaire.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 6.

M. Bernard Perrut. L’apprentissage est un sujet préoccupant, car le Gouvernement l’a quelque peu malmené, à telle enseigne que les chiffres sont en baisse. En 2014, 265 000 nouveaux contrats d’apprentissage ont été comptabilisés, soit une baisse de 3 % par rapport à 2013. Il faut espérer que les chiffres de 2015 montreront une certaine reprise.

Pourquoi exclure du financement les écoles et campus créés à l’initiative d’une entreprise, alors que l’entreprise est précisément au cœur de l’apprentissage ? Il s’agit de quelque 1 400 établissements d’enseignement privé, connus et reconnus pour la qualité de leur formation, dispensée par près de 40 000 formateurs et bénéficiant chaque année à quelque 450 000 étudiants.

M. le rapporteur. L’apprentissage baisse en effet depuis 2012, alors que 80 % des jeunes ont un emploi durable six mois après la fin de leur apprentissage, et qu’en Allemagne, où ce mode de formation est bien plus développé, le taux de chômage des jeunes est de 7,2 % alors qu’il est trois fois supérieur en France. Cet élément me paraît essentiel dans le contexte difficile actuel qui est le nôtre.

Madame Khirouni, vous faites état de l’aide de 1 000 euros décidée par la majorité, mais le montant était supérieur auparavant, et le crédit d’impôt a, quant à lui, été supprimé. Ce n’est pas cela qui permettra de relancer l’apprentissage.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 6 est supprimé.

Article 7
Suppression du plafonnement du nombre de stagiaires dans les entreprises

Cet article vise à supprimer le plafonnement, tel que prévu par la loi n° 2014-788 du 10 juillet 2014 tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires.

1. Un plafonnement du nombre de stages dans les entreprises

La loi n° 2014-788 du 10 juillet 2014 tendant au développement, à l’encadrement et l’amélioration du statut des stagiaires est une loi issue d’une proposition de loi portée par le groupe Socialiste, républicain et citoyen (SRC).

Elle comporte une contradiction dans les termes. En effet, elle se fixe comme objectif de développer les stages et dans le même temps de les encadrer, ce qui ne peut qu’en restreindre le développement, au motif que la période de stage est souvent « le paravent d’une zone de non-droit » et contribue « à la précarisation des stagiaires et aux difficultés d’insertion des jeunes (3) ».

Restreindre le recours aux stages alors que le Gouvernement ne cesse d’affirmer qu’il convient de développer la professionnalisation, gage de bonne insertion dans le monde du travail, est typique du hiatus entre les bonnes intentions parfois affichées par tel ou tel membre du Gouvernement et la réalité des décisions prises qui méconnaissent encore trop souvent la réalité.

Les stages sont aujourd’hui obligatoires dans de nombreuses formations, notamment lorsqu’elles sont professionnalisantes. Que dirons-nous aux jeunes qui ne trouveront plus de stage et ne pourront pas valider leur cursus en raison des dispositifs coercitifs mis en place ? En voulant éviter les abus – intention louable – la majorité prend le risque de voir une diminution du nombre de stages, pourtant nécessaire à l’entrée sur le marché de l’emploi.

Le stage ne saurait être assimilé à un contrat de travail. La loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels, dite loi « Cherpion », apportait des modifications bienvenues de l’apprentissage et encadre suffisamment la pratique des stages conformément à l’accord national interprofessionnel du 7 juin 2011. Elle conditionne l’accueil successif de stagiaires sur un même poste à un délai de carence afin d’éviter que les stagiaires ne fassent pas office de salariés déguisés. Elle généralise les gratifications lorsque le stage a une durée supérieure à deux mois. Enfin, l’entreprise doit tenir à jour un registre de conventions de stage distinct du registre unique du personnel et en informer le comité d’entreprise.

En dépit de ces avancées, la loi du 10 juillet 2014 précitée introduit dans le code de l’éducation un article visant à plafonner le nombre de stagiaires accueillis au sein d’une même entreprise. Cette mesure peut poser un vrai problème de développement dans les PME-PMI et surtout dans les entreprises innovantes dites start up.

Il s’agit in fine de nouvelles contraintes qui pèsent sur la formation professionnelle, l’innovation et la création d’entreprises. Pour pouvoir protéger les stagiaires, encore faut-il qu’il y ait une offre de stages. Or, avec le plafonnement, c’est le dispositif même des stages qui est mis en danger. Cette mesure va à l’encontre de la politique préconisée : développer la professionnalisation pour mieux insérer les jeunes sur le marché du travail.

2. Laisser de la souplesse aux entreprises dans les offres de stages

En raison des dangers que fait peser le plafonnement du nombre de stagiaires sur la formation professionnelle et sur le développement des entreprises, l’article 7 propose de supprimer l’article L. 124-8 du code de l’éducation qui dispose que : « Le nombre de stagiaires dont la convention de stage est en cours sur une même semaine civile dans l’organisme d’accueil ne peut pas être supérieur à un nombre fixé par décret en Conseil d’État ».

Durant la discussion sur le projet loi, la limite devait être fixée à 10 % des effectifs de l’entreprise. Elle sera finalement de 15 %. Il apparaît dès lors évident que le Gouvernement a souhaité fixer un seuil qui amoindrit considérablement la portée de la mesure. Autant alors supprimer le dispositif et ne pas risquer de freiner le développement ne serait-ce que d’une entreprise.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS1 de Mme Chaynesse Khirouni, tenant à supprimer l’article.

Mme Chaynesse Khirouni. La loi du 10 juillet 2014 tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires répond à un triple objectif : favoriser le développement des stages de qualité, éviter les stages se substituant à des emplois, protéger les droits et améliorer le statut des stagiaires.

L’article 7 de la présente proposition de loi vise à revenir sur une disposition essentielle : le plafonnement du nombre de stagiaires en fonction des effectifs salariés de l’entreprise. Nous avons en effet souhaité conforter la dimension pédagogique des stages et renforcer les conditions d’accueil, ce qui suppose de limiter le nombre de stagiaires accueillis afin que les tuteurs soient en nombre suffisant pour accompagner le stagiaire.

Nous proposons donc la suppression de cet article.

M. Fernand Siré. Dans nos circonscriptions, nous sommes assaillis de demandes de la part de jeunes qui souhaitent faire des stages mais qui n’en trouvent pas. Les parents pleurent parce que leurs enfants sont obligés d’arrêter leurs études faute d’avoir trouvé le stage adéquat. Il est déplorable que, dans un contexte de pénurie de stages, on crée des contraintes supplémentaires pour les employeurs qui pourraient accueillir des stagiaires.

M. Bernard Perrut. Le Gouvernement affirme qu’il convient de développer la professionnalisation, gage de bonne insertion dans le monde du travail, mais, dans le même temps, il limite les possibilités de stage en entreprise. Alors que ces stages sont obligatoires dans de nombreuses formations, notamment professionnalisantes, le risque est grand que les jeunes ne puissent plus valider leur cursus, faute d’en avoir trouvé un.

Bien sûr, nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut éviter les abus. C’est ce que nous avons fait avec la loi dite Cherpion pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels, qui prévoyait la limitation de l’accueil successif de stagiaires ainsi que la tenue d’un registre des conventions de stages, et apportait des précisions quant à la gratification. Mais vouloir limiter l’accueil des stagiaires va à l’encontre de ce que nous souhaitons, c’est-à-dire développer nos PME et PMI, qui sont un lieu d’accueil très important pour les jeunes.

M. Rémi Delatte. Le mieux est l’ennemi du bien. Certes, il faut que la qualité de l’accueil en entreprise soit la meilleure possible, mais les difficultés que rencontrent aujourd’hui les jeunes pour trouver des stages sont telles qu’il ne faut pas rajouter de contraintes supplémentaires. Il faut au contraire simplifier autant que possible le dispositif, car les stages constituent une étape importante de la formation des jeunes et leur sont toujours très profitables.

Mme Chaynesse Khirouni. Vous le savez, le taux de chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans est de l’ordre de 25 %, et peut même atteindre 50 % dans certains territoires ou quartiers. Vous savez aussi que certains jeunes, qui ont achevé leur cursus universitaire, fait leur stage et obtenu leur diplôme, se voient proposer non un emploi mais un nouveau stage, qui peut faire office de période d’essai ! Nous devons faire confiance aux jeunes et cesser de croire que leur formation est source de difficultés. Le plafonnement du nombre de stagiaires dans une même entreprise n’est pas un frein, mais un outil de régulation, qui incitera l’entreprise, une fois que les jeunes auront effectué leur stage, à les recruter plutôt que d’avoir recours à d’autres stagiaires.

M. le rapporteur. Cette mesure, en vérité, aura pour effet de renforcer les discriminations. Moins il y aura de stages, et plus les jeunes seront amenés à faire appel à leurs réseaux d’amis et de connaissances pour entrer dans une entreprise. Dans nos permanences, des jeunes viennent nous voir parce qu’ils cherchent quelqu’un qui leur ouvre la porte de l’entreprise.

L’encre de la loi du 12 juillet 2014 est d’ailleurs à peine sèche que le Gouvernement a déjà relevé le plafond de 10 % à 15 % des effectifs de l’entreprise. Cela n’empêchera pas les plus petites entreprises, les start-up notamment, d’atteindre ce seuil avec un seul stagiaire.

Votre tout dernier argument, madame Khirouni, n’est pas recevable. Depuis la loi de 2011, dès lors que le jeune a achevé son cursus scolaire ou universitaire, il ne peut plus être employé comme stagiaire. Si la loi était appliquée, nous n’aurions pas besoin de fixer des seuils.

Mme Chaynesse Khirouni. Le fait même que vous parliez d’« employer » un stagiaire est significatif.

M. le rapporteur. Justement : ce n’est pas légal. On ne peut pas accueillir en stage un jeune qui a terminé ses études.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 7 est supprimé.

Article 8
Gage

Cet article prévoit, conformément à l’article 40 de la Constitution, que les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale du fait notamment de l’article 5 sont compensées par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts relatifs aux tabacs.

*

La commission en vient à l’amendement AS8 de Mme Chaynesse Khirouni.

Mme Chaynesse Khirouni. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le rapporteur. Je constate que, malgré les ouvertures annoncées par le Gouvernement, le Premier ministre et le ministre de l’économie, la majorité n’accepte aucune évolution. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet, de façon tout aussi passionnée sans doute.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 8 est supprimé.

Mme la présidente Catherine Lemorton. La commission ayant rejeté chacun des articles, il n’y a pas lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi, considérée comme rejetée elle aussi.

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

Organisations syndicales :

– Mme Sylvia Veitl, assistante confédérale, Force ouvrière (FO) ;

– M. Joseph Touvenel, vice-président, Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)

Organisations patronales :

– M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales, Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) ;

– M. Antoine Foucher, directeur général adjoint en charge des affaires sociales, Mouvement des entreprises de France (MEDEF) ;

– M. Matthieu Pineda, chargé de mission à la direction des affaires publiques, Mouvement des entreprises de France (MEDEF)

UNEDIC :

– M. Vincent Destival, directeur général

Assemblée permanente des chambres des métiers et de l’artisanat (APCMA) :

– M. Alain Griset, président ;

– Mme Véronique Matteoli, directrice générale adjointe au département des relations institutionnelles

© Assemblée nationale

1 () Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2010 – Sortir de la crise de l’emploi – chapitre 4 : Le travail à temps partiel : une bonne option ?

2 () Décision n° 2014-692 DC du 27 mars 2014 – Loi visant à reconquérir l’économie réelle.

3 () Rapport de Mme Chaynesse Khirouni, députée, sur la proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement et à l’amélioration du statut des stagiaires.