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Amendements  sur le projet ou la proposition


N
° 3099

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er octobre 2015.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, SUR LE PROJET DE LOI (nos° 1278 et 2880) relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires,

PAR Mme Françoise DESCAMPS-CROSNIER

Députée

.

SOMMAIRE

___

Pages

PRINCIPAUX APPORTS DE LA COMMISSION 13

INTRODUCTION 17

PREMIÈRE PARTIE : LE RENFORCEMENT DE LA DÉONTOLOGIE AU SEIN DE LA FONCTION PUBLIQUE 19

I.  LA CONSÉCRATION DE PRINCIPES DÉONTOLOGIQUES DANS LE STATUT GÉNÉRAL DES FONCTIONNAIRES 19

A. LES GRANDS PRINCIPES DÉONTOLOGIQUES APPLICABLES AUX FONCTIONNAIRES 19

B. LA DÉCLINAISON PRATIQUE DES PRINCIPES DÉONTOLOGIQUES 20

II.  LE RENFORCEMENT DE LA LUTTE CONTRE LES CONFLITS D’INTÉRÊTS 21

A. LA PRÉVENTION ET LE TRAITEMENT DES CONFLITS D’INTÉRÊTS 21

B. LA PROTECTION DES LANCEURS D’ALERTE ÉTHIQUE 22

III.  LES OBLIGATIONS DE DÉCLARATION D’INTÉRÊTS, DE DÉCLARATION DE PATRIMOINE ET DE GESTION FINANCIÈRE SOUS MANDAT 23

A. LES DÉCLARATIONS D’INTÉRÊTS 23

B. LES MANDATS DE GESTION DES INSTRUMENTS FINANCIERS 24

C. LES DÉCLARATIONS DE SITUATION PATRIMONIALE 25

IV.  LE RESSERREMENT DES POSSIBILITÉS DE CUMUL D’ACTIVITÉS 29

V. LA RÉFORME DE LA COMMISSION DE DÉONTOLOGIE DE LA FONCTION PUBLIQUE 31

A. DES ATTRIBUTIONS ÉLARGIES 31

1. De nouvelles attributions en matière de déontologie 31

2. Des attributions étendues en matière de départs vers le secteur privé 32

B. DES PRÉROGATIVES RENFORCÉES 33

C. UNE COMPOSITION MODIFIÉE 34

VI. L’ÉLARGISSEMENT DU CHAMP DE COMPÉTENCE DE LA HAUTE AUTORITÉ POUR LA TRANSPARENCE DE LA VIE PUBLIQUE 35

DEUXIÈME PARTIE : LA MODERNISATION DES DROITS ET OBLIGATIONS DES FONCTIONNAIRES 36

I. LE RENFORCEMENT DE LA PROTECTION FONCTIONNELLE DES AGENTS ET DE LEURS FAMILLES 36

A. L’EXTENSION DU CHAMP DES PERSONNES SUSCEPTIBLES DE BÉNÉFICIER DE LA PROTECTION FONCTIONNELLE 36

B. L’EXTENSION DU CHAMP DES ÉVÈNEMENTS OUVRANT DROIT À LA PROTECTION FONCTIONNELLE 37

C. LA NÉCESSAIRE CLARIFICATION DE LA PRISE EN CHARGE DES FRAIS LIÉS À L’ASSISTANCE JURIDIQUE 38

II.  LA MODERNISATION DES GARANTIES DISCIPLINAIRES DES AGENTS PUBLICS 38

A. L’AMÉLIORATION DE LA SITUATION DES AGENTS SUSPENDUS 38

B. LA CRÉATION D’UN DÉLAI DE PRESCRIPTION DE L’ACTION DISCIPLINAIRE 39

C. L’HARMONISATION DE L’ÉCHELLE DES SANCTIONS DISCIPLINAIRES ENTRE LES TROIS FONCTIONS PUBLIQUES 39

III.  L’AMÉLIORATION DE LA SITUATION DES AGENTS NON TITULAIRES 42

A. L’APPRÉCIATION DE L’APTITUDE DES AGENTS NON TITULAIRES ET L’APPLICATION À CES AGENTS DE CERTAINES DISPOSITIONS DU TITRE IER DU STATUT GÉNÉRAL 43

B. UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DE L’ANCIENNETÉ DES AGENTS CONTRACTUELS 44

C. LA RESTRICTION DES DÉROGATIONS AUX RÈGLES DE RECRUTEMENT ACCORDÉES AUX ÉTABLISSEMENTS PUBLICS ADMINISTRATIFS 44

D. LE RECRUTEMENT D’AGENTS CONTRACTUELS DE L’ÉTAT EN CONTRAT À DURÉE DÉTERMINÉE 45

E. LA SUPPRESSION DE LA NOTION D’ « EFFECTIVITÉ » DES SERVICES PUBLICS 45

IV.  LA MODIFICATION DES COMPÉTENCES ET DE LA COMPOSITION DU CONSEIL COMMUN DE LA FONCTION PUBLIQUE 46

A. LA CRÉATION D’UN COLLÈGE EMPLOYEUR AU SEIN DU CONSEIL COMMUN DE LA FONCTION PUBLIQUE 46

B. L’EXTENSION DU CHAMP DE COMPÉTENCE DU CCFP 47

V.   L’AMÉLIORATION DE LA SITUATION DU FONCTIONNAIRE PRIVÉ D’EMPLOI EN CAS DE RESTRUCTURATION AU SEIN DE L’ÉTAT 47

VI.  LE RETOUR À DES CRITÈRES OBJECTIFS REFLÉTANT L’EXEMPLARITÉ DE L’EMPLOYEUR PUBLIC ET DES GROUPEMENTS D’INTÉRÊT PUBLIC 48

1. La suppression de la notion de « performance collective » dans l’attribution des primes 48

2. L’application d’un régime de droit du travail corrélé à la nature de l’activité des groupements d’intérêt public 48

TROISIÈME PARTIE : UN TROP LARGE RENVOI À LÉGIFÉRER PAR VOIE D’ORDONNANCE 49

I.  UNE DÉMARCHE MOTIVÉE PAR UN ORDRE DU JOUR CONTRAINT 49

II.  UNE DÉMARCHE NÉANMOINS CRITIQUABLE 50

QUATRIÈME PARTIE : LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR VOTRE COMMISSION DES LOIS 54

I.  LE RENFORCEMENT DES DISPOSITIONS DÉONTOLOGIQUES 54

A. LA MODIFICATION DU CADRE DÉONTOLOGIQUE APPLICABLE À LA FONCTION PUBLIQUE 54

1. La protection des lanceurs d’alerte 54

2. Les déclarations d’intérêts et les déclarations de situation patrimoniale 54

3. La commission de déontologie de la fonction publique 56

B. LES MODIFICATIONS DE LA LOI DU 11 OCTOBRE 2013 SUR LA TRANSPARENCE DE LA VIE PUBLIQUE 56

C. L’INTRODUCTION D’UN CADRE DÉONTOLOGIQUE APPLICABLE AUX JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET FINANCIÈRES 57

II.  LA MODERNISATION DES DROITS ET OBLIGATIONS DES FONCTIONNAIRES 58

A. L’EXTENSION DE LA PROTECTION FONCTIONNELLE AUX PRATICIENS HOSPITALIERS 58

B. LE RENFORCEMENT DE LA PROTECTION DES AGENTS DES FORCES SPÉCIALES ET DU CONTRE-ESPIONNAGE 58

1. La protection de l’identité des membres des forces spéciales 58

2. L’application aux membres des forces spéciales de certains bénéfices du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre 58

C. LA RÉINTRODUCTION DES ARTICLES DU PROJET DE LOI INITIAL RELATIFS À LA MOBILITÉ DES FONCTIONNAIRES 59

D. LA MODERNISATION DES GARANTIES DISCIPLINAIRES DES AGENTS PUBLICS 60

1. L’encadrement du délai de prescription 60

2. La généralisation au sein des sanctions du premier groupe de l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours 60

3. La suppression de la présence du juge administratif lors des conseils de discipline dans la fonction publique territoriale 60

E. UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DES « REÇUS COLLÉS » 61

1. Encourager les lauréats à acquérir de l’expérience professionnelle 61

2. La prolongation d’un an de la validité de la durée d’inscription sur la liste d’aptitude des lauréats de la fonction publique territoriale 61

F. L’AMÉLIORATION DE LA SITUATION DES AGENTS NON TITULAIRES 62

1. La protection des contractuels lanceurs d’alerte 62

2. L’abrogation de la possibilité de recourir à l’intérim dans la fonction publique de l’État et la fonction publique territoriale 62

3. La généralisation dans la fonction publique de l’État du primo-recrutement en CDI pour pourvoir des emplois permanents correspondant à des missions pour lesquelles il n’existe pas de corps de fonctionnaires 62

4. La prolongation du dispositif de titularisation créé par la loi du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire 62

G. L’ÉLARGISSEMENT DE L’OBLIGATION DE REPRÉSENTATION ÉQUILIBRÉE ENTRE LES SEXES DANS LA FONCTION PUBLIQUE 63

H. LA RÉNOVATION DES DROITS SYNDICAUX DES FONCTIONNAIRES 63

I.  LE RENFORCEMENT DES OBLIGATIONS DES EMPLOYEURS PUBLICS ET DES GIP À L’ÉGARD DE LEURS AGENTS 64

III.  LA MODERNISATION DE L’ORGANISATION DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET FINANCIÈRES ET DU STATUT DE LEURS MEMBRES 66

IV.  L’EXTENSION DE L’HABILITATION AUTORISANT LE GOUVERNEMENT À PROCÉDER PAR ORDONNANCE À LA CODIFICATION DU DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE 67

DISCUSSION GÉNÉRALE 69

EXAMEN DES ARTICLES 83

TITRE IER – DE LA DÉONTOLOGIE 83

Chapitre Ier – De la déontologie et de la prévention des conflits d’intérêts 83

Article 1er (chapitre IV et art. 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires) : Obligations générales des fonctionnaires 83

Article 2 (art. 25 bis [nouveau] de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires) : Conflits d’intérêts des fonctionnaires 90

Article 3 (art. 6, 6 bis 6 ter A, 6 ter, 6 quinquies et 25 ter [nouveau] de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires) : Protection des fonctionnaires lanceurs d’alerte éthique 95

Article 4 (art. 25 quater 25 quinquies, 25 sexies et 25 septies A [nouveaux] de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires) : Obligations déclaratives des fonctionnaires 107

Article 5  : Entrée en vigueur des obligations déclaratives 131

Chapitre II – Des cumuls d’activités 132

Article 6 (art. 25 septies : [nouveau] de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires) : Réforme des règles de cumul d’activités 132

Article 7 (art. 37 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, art. 60 bis de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et art. 46-1 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière) : Entrée en vigueur des règles de cumul d’activités 147

Chapitre III – De la commission de déontologie de la fonction publique 148

Article 8 (art. 14 bis et 25 octies [nouveau] de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, art. 87 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, art. 30 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, art. 21 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, art. L. 421-3, L. 531-3 et L. 531-7 du code de la recherche, art. L. 1313-10, L. 5323-4 et L. 6152-4 du code de la santé publique, art. L. 952-14-1 et L. 952-20 du code de l’éducation et art. L. 114-26 du code de la mutualité) : Composition et attributions de la commission de déontologie de la fonction publique 148

Article 9 (art. 25 nonies et 28 bis [nouveaux] de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et art. 11, 22 et 23 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique) : Institution de référents déontologues – Extension des obligations déclaratives aux collaborateurs de cabinet de certaines autorités territoriales – Coordinations 168

Chapitre IV – (nouveau) De la déontologie des membres des juridictions administratives et financières 179

Section 1  (nouvelle) : Dispositions relatives aux juridictions administratives 180

Article 9 bis (nouveau) (art. L. 131-2, L. 131-3, L. 131-4, L. 131-5, L. 131-6 et L. 131-7 [nouveaux] du code de justice administrative) : Collège de déontologie de la juridiction administrative - Charte de déontologie des membres de la juridiction administrative - Déontologie des membres du Conseil d’État 180

Article 9 ter (nouveau) : (art. L. 231-1-1 [nouveau], L. 231-4, L. 231-4-1, L. 231-4-2 et L. 231-4-3 [nouveaux] du code de justice administrative) : Déontologie des magistrats des cours administratives d’appel et des tribunaux administratifs 184

Article 9 quater (nouveau) : Entrée en vigueur des obligations déclaratives des membres des juridictions administratives 186

Section 2  (nouvelle) : Dispositions relatives aux juridictions financières 187

Article 9 quinquies (nouveau) (art. L. 120-4, L. 120-5, L. 120-6, L. 120-7, L. 120-8 et L. 120-9 [nouveaux] du code des juridictions financières) : Collège de déontologie des juridictions financières - Charte de déontologie des juridictions financières - Déontologie des membres de la Cour des comptes 187

Article 9 sexies (nouveau) (art. L. 212-9-1, L. 212-9-2, L. 212-9-3, L. 212-9-4 et L. 212-9-5 [nouveaux] du code des juridictions financières) : Déontologie des membres des chambres régionales des comptes 192

Article 9 septies (nouveau) (art. L. 262-23-1 [nouveau] du code des juridictions financières) : Déontologie des membres de la chambre territoriale des comptes de Nouvelle-Calédonie 194

Article 9 octies (nouveau) (art. L. 272-23-1 [nouveau] du code des juridictions financières) : Déontologie des membres de la chambre territoriale des comptes de Polynésie française 194

Article 9 nonies (nouveau) : Entrée en vigueur des obligations déclaratives des membres des juridictions financières 195

Chapitre Ier – Du renforcement de la protection fonctionnelle des agents et de leurs familles 195

Article 10 (art. 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires) : Clarification et renforcement de la protection fonctionnelle 195

Article 10 quater (nouveau) (art. L. 2, L. 3, L. 5, L. 12, L. 13, L.15, L. 36, L. 37, L. 43, L. 136 bis, L. 253 ter, L. 393 à 396, L. 515 et L. 520 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre) : Application à certains cadres de fonctionnaires du service de documentation extérieure et de contre-espionnage de certaines dispositions du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre 203

Article 11 (art. 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, art. 45 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État) : Rétablissement dans ses fonctions ou reclassement provisoire d’un fonctionnaire suspendu et soumis à un contrôle judiciaire 205

Article 11 bis (nouveau) (art. 12 bis [nouveau] de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires) : Clarification des positions statutaires dans la fonction publique 208

Article 11 ter (nouveau) (art. 13 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée, art. 29 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, art. 4 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée, art. 5 et 6 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, art. 29 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service de la Poste et à France Télécom, art. 6, 18 et 19 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, art. L. 6144-4 du code de la santé publique et à l’article L. 315-13 du code de l’action sociale et des familles) : Simplification des catégories d’emplois dans la fonction publique 210

Article 11 quater (nouveau) (art. 14 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée, art. 32 et 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, art. 55 et 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, art. 39 et 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée, art. L. 4251-6 du code de la défense, art. L. 3133-1 du code de la santé publique) : Coordination et dispositions transitoires résultant de la clarification des positions statutaires dans la fonction publique 211

Article 11 quinquies (nouveau) (art. 2 et 33 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée) : Modernisation de la définition du champ d’application de la loi n° 84-16 portant dispositions statutaires à la fonction publique de l’État 212

Article 11 sexies (nouveau) (art. 42 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée ; art. 61-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée ; art. 49 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée) : Encadrement des possibilités de mise à disposition des fonctionnaires 212

Article 11 septies (nouveau) (I à IV de l’article 14 de la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique) : Abrogation de l’expérimentation du cumul d’emplois permanents à temps non complet dans les trois versants de la fonction publique 214

Chapitre II – De la modernisation des garanties disciplinaires des agents 217

Article 12 (art. 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires) : Création d’un délai de prescription de l’action disciplinaire 217

Article 13 (art. 19 bis [nouveau] de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, art. 66 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, art. 89 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction territoriale et art. 81 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction hospitalière) : Révision et harmonisation de l’échelle des sanctions disciplinaires entre les trois fonctions publiques 220

Article 13 bis (nouveau) (art. 31 de la loi 84 53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale) : Suppression de la présence du juge administratif lors des conseils de discipline dans la fonction publique territoriale 225

Article 14 (art. 6, 6 bis, : 6 ter, 6 quinquies, 11 bis et 31 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires) : Appréciation de l’aptitude des agents non titulaires et application à ces agents de certaines dispositions du titre Ier du statut général 227

TITRE III – DE L’EXEMPLARITÉ DES EMPLOYEURS PUBLICS 229

Chapitre Ier – De l’amélioration de la situation des agents non titulaires 229

Article 15 (art. 4, 8, 15, 21, 26 et 30 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique et art. L. 1224-3 du code du travail) : Correction d’imprécisions de rédaction de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique 229

Article 15 bis (nouveau) (art. 44 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale) : Droit à suspension du décompte de la période des trois ans d’inscription sur liste d’aptitude lors de contrats pris en application de l’article 3-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale 231

Chapitre II – De l’amélioration du dialogue social dans la fonction publique 233

Article 16 (art. 3 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État) : Restriction des dérogations aux règles de recrutement accordées aux établissements publics administratifs 233

Article 17 (art. 4 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État) : Recrutement d’agents contractuels de l’État en contrat à durée déterminée 238

Article 18 (art. 6 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, art. 3-4 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction territoriale et art. 9 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction hospitalière) : Suppression de la notion d’ « effectivité » des services et sécurisation juridique des cas de refus d’avenant 240

Article 18 bis (nouveau) (art. 3 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, art. 3-7 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, art. L. 1251-60 du code du travail) : Abrogation de la possibilité de recourir à l’intérim dans la fonction publique de l’État et la fonction publique territoriale 242

Article 18 ter (nouveau) (art. 6 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État) : Généralisation dans la fonction publique de l’État du primo-recrutement en CDI pour pourvoir des emplois permanents correspondant à des missions pour lesquelles il n’existe pas de corps de fonctionnaires 243

Article 18 quater (nouveau) (art. 136 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique) : Diverses mesures d’alignement du droit de la fonction publique territoriale sur la fonction publique de l’État 244

Article 18 quinquies (nouveau) (art. 1er, 2, 3, 4, 6, 8, 12, 13, 14, 15, 17, 24, 25 et 26 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, art. 92 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture) : Prolongation du dispositif de titularisation créé par la loi du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire 246

Article 19 (art. 9 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires) : Modifications des compétences et de la composition du Conseil commun de la fonction publique 247

Article 19 bis (nouveau) (art. 12 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée et art. 20 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée) : Proportion minimale de 40 % de personnes de chaque sexe parmi les membres des commissions administratives paritaires de l’ État et de l’administration hospitalière 250

Article 19 ter (nouveau) (I bis [nouveau] de l’art. 100-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée) : Extension du périmètre de mutualisation des droits syndicaux dans la fonction publique territoriale 250

Article 19 quater (nouveau) (art. 136 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée) : Extension du rôle des commissions consultatives paritaires auprès de l’ensemble des agents contractuels de la fonction publique territoriale 253

Article 19 quinquies (nouveau) (art. 52 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 précitée) : Représentation équilibrée entre les sexes parmi les personnalités qualifiées nommées dans les conseils d’administration, les conseils de surveillance et les organes équivalents des établissements publics 254

Article 19 sexies (nouveau) (art. 53 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 précitée) : Proportion minimale de 40% de personnes de chaque sexe parmi les membres du Conseil commun de la fonction publique, du Conseil supérieur de la fonction publique de l’État, du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale et du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière 256

Article 20 (supprimé) : Entrée en vigueur de l’article 19 257

Article 20 bis (nouveau) (art. 8 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée) : Suppression des obligations comptables des organisations syndicales de la fonction publique 257

Article 20 ter (nouveau) (IV de l’article 8 bis de la loi n° 83634 du 13 juillet 1983 précitée) : Modification du critère de calcul de la règle de l’accord majoritaire 258

Article 20 quater (nouveau) (art. 15, 23 bis, 33, 56, 59, 70 et 97 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée) : Garanties de carrière des déchargés syndicaux dans la fonction publique 259

Article 21 (sous-section 3 de la section 1 du chapitre V, art. 36, 44 bis44 sexies, 60 et 62 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État) : Abrogation du dispositif de réorientation professionnelle au bénéfice d’une priorité d’affectation ou de détachement du fonctionnaire affecté sur un emploi supprimé 261

Article 22 (art. 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires) : Remplacement de la notion de prime d’intéressement en raison de la « performance collective » par celle de « résultats collectifs » 267

Article 23 (art. 109 et 110 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit) : Application du régime de droit public ou privé aux personnels des groupements d’intérêt public en fonction de la nature des activités principalement exercées par ces groupements 269

TITRE III BIS (NOUVEAU) – DISPOSITIONS RELATIVES AUX JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET FINANCIÈRES 272

Chapitre I (nouveau)– Dispositions relatives aux juridictions administratives 272

Article 23 bis (nouveau) (art. L. 121-4 à L. 121-6 et art. L. 122-1, L. 133-7, L. 232-2, L. 232-3 et L. 511-2 du code de justice administrative) : Dispositions statutaires applicables aux magistrats des juridictions administratives 272

Chapitre II (nouveau) – Dispositions relatives aux juridictions financières 274

Article 23 ter (nouveau) (art. L. 1112-5, L. 112-5-1 [nouveau], L. 112-6, L. 112-8, L. 123-5, L. 141-3 et L. 220-1 du code des juridictions financière) : Dispositions statutaires applicables aux magistrats des juridictions financières 274

Article 23 quater (nouveau) (art. L. 112-7, L. 122-5 et L. 222-4 du code des juridictions financières) : Dispositions statutaires complémentaires 276

TITRE IV – DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES 277

Chapitre unique – Dispositions diverses et finales 277

Article 24 A (nouveau) (art. L. 323-2 et L. 323-8-6-1 du code du travail) : Extension des obligations d’emploi de travailleurs handicapés aux juridictions administratives et financières, aux autorités administratives indépendantes et aux groupements d’intérêt public 277

Article 24 B (nouveau) (art. 22 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée et art. 38 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée) : Amélioration de la transparence dans la procédure de recrutement sans concours des fonctionnaires de catégorie C 278

Article 24 C (nouveau) (art. 34 et 54 de la loi n° 8416 du 11 janvier 1984 précitée, art. 57 et 75 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, art. 41 et 64 de la loi n° 8633 du 9 janvier 1986 précitée) : Modernisation des règles relatives au congé pour maternité, au congé de paternité et au congé pour adoption afin de favoriser l’exercice conjoint de la parentalité 279

Article 24 D (nouveau) : Coordinations 280

Article 24 E (nouveau) (7° bis de l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée) : Nouveau congé de formation des représentants du personnel de la fonction publique de l’État membres des comités d’hygiène et de sécurité 280

Article 24 F (nouveau) (art. 23, 33-1 et 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée) : Nouveau congé de formation des représentants du personnel de la fonction publique territoriale membres des comités d’hygiène et de sécurité 282

Article 24 G (nouveau) (art. 44 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale) : Prolongation d’un an de la durée d’inscription sur la liste d’aptitude des lauréats de la fonction publique territoriale 282

Article 24 H (nouveau) (art. 78-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale) : Renvoi des conditions de contingentement de l’accès à l’échelon spécial aux statuts particuliers dans la fonction publique territoriale 283

Article 24 I (nouveau) : (art. 88-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale) 284

Article 24 J (nouveau) : (art. 6-1 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur public) 285

Article 24 K (nouveau) : (art. 133 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique) 286

Article 24 bis (nouveau) (art. 88 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale) : Régime indemnitaire des agents territoriaux 286

Article 24 : Habilitations à légiférer par voie d’ordonnances pour modifier diverses dispositions relatives aux congés liés à la parentalité, aux positions statutaires et à la mobilité des fonctionnaires 287

Article 25 : Habilitations à légiférer par voie d’ordonnances pour modifier diverses dispositions relatives aux juridictions administratives et financières 289

Article 26 (nouveau) : Extension de l’habilitation autorisant le Gouvernement à procéder par ordonnance à la codification du droit de la fonction publique 293

TABLEAU COMPARATIF 295

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 557

PRÉSENTATION DES OBSERVATIONS SUR LES DOCUMENTS RENDANT COMPTE DE L’ÉTUDE D’IMPACT (article 86, alinéa 9, du Règlement de l’Assemblée nationale) 611

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE 613

PRINCIPAUX APPORTS DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion du jeudi 1er octobre 2015, la commission des Lois a apporté au projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires les principales modifications présentées ci-après.

• En matière de déontologie de la fonction publique :

La Commission, sur proposition de la rapporteure, a renforcé la protection des fonctionnaires lanceurs d’alerte en facilitant le signalement d’un conflit d’intérêts touchant le supérieur hiérarchique direct et en ajoutant les futurs référents déontologues parmi ses possibles destinataires (article 3).

Sur proposition de Mme Cécile Untermaier, la Commission a confié à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique – plutôt qu’à la commission de déontologie de la fonction publique – le soin d’apprécier la réalité d’une éventuelle situation de conflit d’intérêts touchant un fonctionnaire, sur saisine de l’autorité hiérarchique (article 4).

Sur proposition de la rapporteure, la Commission a :

– prévu des sanctions pénales en cas de déclaration incomplète ou mensongère des intérêts ou du patrimoine d’un fonctionnaire (article 4) ;

– renforcé les moyens de contrôle de la Haute Autorité sur les déclarations de situation patrimoniale des fonctionnaires (article 4) ;

– permis les échanges d’informations entre la commission de déontologie et la Haute Autorité (articles 8 et 9) ;

– rétabli la présence des deux membres représentant chacune des fonctions publiques au sein de la commission de déontologie (article 8) ;

– défini le cadre déontologique applicable aux membres des juridictions administratives et financières (articles 9 bis à 9 nonies).

• En matière de transparence de la vie publique :

À l’initiative de la rapporteure, la Commission a :

– étendu l’obligation d’établir une déclaration d’intérêts et une déclaration de situation patrimoniale aux directeurs, directeurs adjoints et chefs de cabinet de l’ensemble des exécutifs locaux déjà soumis à la loi du 11 octobre 2013 sur la transparence de la vie publique (article 9) ;

– amélioré et clarifié certaines dispositions de la même loi (article 9).

• En matière de mobilité des fonctionnaires :

À l’initiative de la rapporteure, la Commission a :

– clarifié les positions statutaires pour les rendre communes aux trois fonctions publiques (article 11 bis et 11 quater) et simplifié la structure des corps et cadres d’emplois autour de trois mêmes catégories hiérarchiques (A, B et C) (article 11 ter) ;

– actualisé le champ d’application de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 pour tenir compte des évolutions terminologiques afférentes à l’organisation administrative de l’État (article 11 quinquies).

– encadré et sécurisé les possibilités de mise à disposition hors de l’administration d’origine du fonctionnaire (article 11 sexies) et abrogé l’expérimentation du cumul d’emplois à temps non complet dans les trois fonctions publiques (article 11 septies).

En conséquence, le champ de l’habilitation à légiférer par voie d’ordonnance sur ces sujets, tel que prévu par l’article 24 du projet de loi, a été sensiblement restreint.

• En matière de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes :

À l’initiative de la rapporteure, la Commission a :

– actualisé les dispositions statutaires pour y introduire l’obligation de respecter une proportion minimale de 40 % de personnes de chaque sexe parmi les membres des commissions administratives paritaires (article 19 bis), parmi les personnalités qualifiées nommées administrateurs dans les conseils d’administration, les conseils de surveillance et les organes équivalents des établissements publics (article 19 quinquies), et parmi les membres du Conseil commun de la fonction publique, du Conseil supérieur de la fonction publique de l’État, du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale et du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière (article 19 sexies) ;

– réformé le congé pour maternité ou pour adoption et le congé de paternité et d’accueil de l’enfant des agents publics pour favoriser l’exercice conjoint de la parentalité entre les hommes et les femmes au moment de la naissance ou de l’adoption (article 24 C).

• En matière de renforcement des obligations des employeurs publics vis-à-vis de leurs agents :

À l’initiative du Gouvernement, la Commission a :

– permis de mieux protéger l’identité des membres des forces spéciales (articles 10 bis et 10 ter) ;

– appliqué aux membres des forces spéciales certains bénéfices du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (article 10 quater;

élargi les conditions d’accès à l’échelon spécial dans la fonction publique territoriale (article 24 H) ;

– précisé le champ d’application de l’article 88-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 relatif à l’action sociale qui doit s’appliquer aux établissements publics de coopération intercommunale (article 24 I) ;

– permis aux médecins de prévention qui le souhaitent de poursuivre leur activité jusqu’à l’âge de 73 ans (article 24 J).

Sur proposition de votre rapporteure, la Commission a adopté plusieurs amendements visant à :

– préciser le point de départ du délai de prescription (article 12) ;

– aligner le délai de prescription de l’action disciplinaire sur celui de l’action publique pour les crimes et les délits (article 12) ;

– généralisé au sein des sanctions du premier groupe l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours (article 13) ;

– supprimé la présence du juge administratif lors des conseils de discipline dans la fonction publique territoriale (article 13 bis) ;

– permis la saisine de la commission administrative paritaire par le fonctionnaire intéressé en cas de refus opposé à sa demande de télétravail (article 24 K) ;

– précisé que le régime indemnitaire des agents territoriaux a vocation à s’appliquer non seulement aux collectivités territoriales mais également à leurs établissements publics (article 24 bis).

• En matière d’amélioration de la situation des lauréats dits « reçus-collés » :

À l’initiative de Mme Cécile Untermaier, la Commission a adopté deux amendements visant à :

– ne pas décompter les missions de remplacement effectuées dans la fonction publique territoriale par des agents non titulaires, lauréats des concours de la fonction publique territoriale, de la période des trois ans d’inscription sur liste d’aptitude (article 15 bis;

– prolonger d’un an la validité de la durée d’inscription sur la liste d’aptitude des lauréats de la fonction publique territoriale (article 24 G).

• En matière d’amélioration de la situation des agents non titulaires :

Sur proposition de la rapporteure, la Commission a adopté plusieurs amendements visant à :

– adapter aux agents contractuels les mesures de protection des lanceurs d’alerte introduites au titre Ier du présent projet de loi (article 14) ;

– abroger la possibilité de recourir à l’intérim dans la fonction publique de l’État et la fonction publique territoriale (article 18 bis).

À l’initiative du Gouvernement, la Commission a :

–  généralisé le primo-recrutement en contrat à durée indéterminée (CDI) pour pourvoir des emplois permanents correspondant à des missions pour lesquelles il n’existe pas de corps de fonctionnaires (article 18 ter) ;

–  prolongé de deux ans le plan de titularisation des agents non titulaires mis en place dans le cadre de la loi du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire dite « loi Sauvadet » (article 18 quinquies).

• En matière d’habilitation :

À l’initiative du Gouvernement, la Commission a adopté une nouvelle habilitation de codification du droit de la fonction publique (article 26).

• En matière de droit syndical :

À l’initiative de la rapporteure ou du Gouvernement, la Commission a :

– étendu le périmètre de la mutualisation des droits syndicaux dans la fonction publique territoriale et assouplit leurs modalités d’utilisation (article 19 ter;

–abrogé les obligations comptables des organisations syndicales de fonctionnaires mentionnées dans le code du travail (article 20 bis;

– modifié les modalités de calcul de la règle de l’accord majoritaire dans la fonction publique afin de ne prendre en compte que les suffrages exprimés en faveur des organisations syndicales habilitées à négocier et à signer un accord (article 20 ter;

– amélioré les garanties de carrières des agents exerçant une activité syndicale dans la fonction publique (article 20 quater) et introduit un nouveau congé de formation de deux jours au profit des représentants du personnel membres des comités d’hygiène et de sécurité et de conditions de travail (articles 24 E et 24 F).

• En matière d’organisation des juridictions administratives et financières et du statut de leurs membres :

À l’initiative de la rapporteure, la Commission a :

– réintroduit les dispositions des articles 45 à 47 et 49 à 50 du projet de loi initial relatifs aux juridictions administratives et instauré une nouvelle procédure de référé en formation collégiale pour juger en urgence les affaires les plus complexes (article 23 bis) ;

– réintroduit les dispositions des articles 51 à 58 du projet de loi initial relatifs aux juridictions financières (article 23 ter) et adopté de nouvelles dispositions visant à rendre accessible la fonction de rapporteur extérieur à temps plein à la Cour des comptes aux agents contractuels employés par la Cour, porter de un à deux au plus le nombre de magistrats de chambre régionale des comptes nommés par la voie du tour extérieur dans le corps des magistrats de la Cour des comptes au grade de conseiller référendaire, augmenter le nombre de rapporteurs extérieurs à temps plein pouvant également y aspirer et supprimer l’incompatibilité entre l’exercice des fonctions au sein de l’administration de l’État dans un département ou un arrondissement et la nomination dans un même ressort, dans les trois ans qui suivent, comme président, vice-président et magistrat de chambre régionale des comptes (article 23 quater).

En conséquence, le champ de l’habilitation prévue par l’article 25 a été restreint afin de permettre néanmoins au Gouvernement de tirer les conséquences des accords pouvant survenir du fait des avancées du dialogue social.

Mesdames, Messieurs,

Deux ans après les lois du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique (1), l’Assemblée nationale est saisie d’un projet de loi qui en transpose les grands principes et les principales avancées à la fonction publique.

Le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires (n° 1278) a été déposé en juillet 2013, alors que les lois sur la transparence de la vie publique étaient encore en débat. Au cours de l’année 2014, votre rapporteure a procédé à de nombreuses auditions sur ce texte, sans toutefois que celui-ci ne soit inscrit à l’ordre du jour.

Le 17 juin 2015, le Gouvernement a modifié ce projet de loi par voie de lettre rectificative (n° 2880), afin de l’actualiser et d’en réduire le volume : le dispositif rectifié compte 25 articles et 32 pages, au lieu de 59 articles et 57 pages dans sa version initiale. Opérée au prix d’un renvoi à un grand nombre d’ordonnances, cette réduction vise, selon l’exposé des motifs, à « permettre au Parlement de débattre rapidement sur l’essentiel ». La procédure accélérée a été engagée le 31 juillet.

Sur le fond, ce projet de loi a pour ambition de contribuer à restaurer la confiance des citoyens dans la puissance publique.

L’exigence déontologique, inhérente au service des usagers et de l’intérêt général, trouvera désormais toute sa place dans le statut général des fonctionnaires. Énumération des obligations incombant à tout agent public, prévention et traitement des conflits d’intérêts, instauration de référents déontologues, protection des « lanceurs d’alerte », mise en place de déclarations d’intérêts et de déclarations de situation patrimoniale, redéfinition des possibilités de cumul d’activités, renforcement du contrôle du « pantouflage » dans le secteur privé : autant d’éléments et d’outils nouveaux qui permettront de consolider et de développer la culture déontologique au sein de la fonction publique.

Au-delà, le projet de loi comporte plusieurs avancées statutaires importantes, qu’il s’agisse de l’amélioration de la situation des personnels non titulaires, de l’extension de la protection fonctionnelle des agents et de leurs familles, de l’amélioration des garanties en matière disciplinaire ou encore de la réforme du Conseil commun de la fonction publique.

Au total, en modernisant un statut des fonctionnaires désormais plus que trentenaire, ce projet de loi permettra de renforcer la légitimité et l’efficacité de l’action publique.

PREMIÈRE PARTIE : LE RENFORCEMENT DE LA DÉONTOLOGIE AU SEIN DE LA FONCTION PUBLIQUE

En modifiant en profondeur la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, qui constitue le titre Ier du statut général des fonctionnaires, les articles 1er à 9 du projet de loi édictent une série de dispositions consacrées à la déontologie, applicables à l’ensemble des agents de la fonction publique de l’État, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière.

I. LA CONSÉCRATION DE PRINCIPES DÉONTOLOGIQUES DANS LE STATUT GÉNÉRAL DES FONCTIONNAIRES

Parce qu’ils travaillent au service de l’intérêt général, les fonctionnaires sont soumis à une déontologie exigeante. Préoccupation constante des agents dans l’exercice de leurs fonctions, la déontologie est pourtant peu abordée dans le statut général, comme le relevait dès 1954 le premier directeur de la fonction publique, Roger Grégoire : « Le statut général n’a rien d’un code de déontologie. Il faut, pour le compléter, faire appel aux principes généraux du droit public et aux décisions jurisprudentielles » (2).

L’un des mérites du présent projet de loi est d’intégrer explicitement la question déontologique dans le statut général. L’article 1er énumère les grands principes appelés à guider les fonctionnaires, tandis que l’article 9 précise leurs modalités concrètes d’application, notamment en créant des « référents déontologues ».

A. LES GRANDS PRINCIPES DÉONTOLOGIQUES APPLICABLES AUX FONCTIONNAIRES

L’article 1er du projet de loi élargit à la déontologie l’objet du chapitre IV de la loi du 13 juillet 1983 précitée. Le nouvel article 25 de cette loi comporterait plusieurs obligations déontologiques applicables aux fonctionnaires et, plus largement, aux agents publics (3). Il reviendrait à tout chef de service de veiller à leur respect par les agents placés sous son autorité.

Ces obligations apparaissent comme la consécration de grands principes déjà reconnus par la jurisprudence. Ainsi, le fonctionnaire :

– exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité ;

– est tenu à une obligation de neutralité dans l’exercice de ses fonctions ;

– applique le principe de laïcité et, à ce titre, s’abstient de manifester ses opinions religieuses ;

– traite les personnes, notamment les usagers du service public, de manière égale ;

– respecte la liberté de conscience et la dignité des personnes.

B. LA DÉCLINAISON PRATIQUE DES PRINCIPES DÉONTOLOGIQUES

Le III de l’article 9 du projet de loi prévoit les conditions dans lesquelles les principes déontologiques devront s’appliquer (nouvel article 28 bis de la loi du 13 juillet 1983 précitée).

En premier lieu, les règles déontologiques désormais énumérées dans le statut général pourront être précisées par décret en Conseil d’État.

En deuxième lieu, tout chef de service pourra, après avis des représentants du personnel, expliciter les principes déontologiques applicables à ses agents, en les adaptant aux missions du service concerné.

En dernier lieu, des « référents déontologues » seront mis en place dans les trois fonctions publiques. La possibilité de consulter un tel référent, afin d’obtenir un conseil en matière de déontologie, est érigée en nouvelle garantie fondamentale accordée aux fonctionnaires (4).

Toutes ces dispositions, qui devront s’accompagner d’un renforcement de la formation des agents, visent à développer au sein de la fonction publique une culture de la déontologie au quotidien, axée sur la prévention des risques plutôt que sur une logique répressive. Elles s’inscrivent en cela dans la ligne des préconisations formulées en 2011 dans le « rapport Sauvé », en 2012 dans le « rapport Jospin » et en 2013 dans le « rapport Pêcheur » (5).

En pratique, de nombreuses administrations et collectivités publiques se sont déjà dotées de « chartes » ou de « codes » de déontologie et, parfois, de déontologues. Sans prétendre à l’exhaustivité (6), peuvent être cités la charte de déontologie des juridictions financières (2006), le code de déontologie du service public pénitentiaire (2010), le recueil des obligations déontologiques des magistrats (2010), le guide de déontologie du ministère des Affaires étrangères (2011), la charte de déontologie des membres de la juridiction administrative (2011), le code de déontologie de la police nationale (2013), la charte de déontologie de la commande publique de Lyon (2013), le code de déontologie de la ville de Paris (2014), la charte de déontologie et le déontologue de la ville de Strasbourg (2014), la charte de déontologie et le réseau de déontologues des ministères économiques et financiers (2014) ou encore la charte de déontologie des collaborateurs du Président de la République (19 décembre 2014).

II. LE RENFORCEMENT DE LA LUTTE CONTRE LES CONFLITS D’INTÉRÊTS

L’article 2 du projet de loi introduit la notion de conflit d’intérêts dans le statut général des fonctionnaires, ainsi que des outils permettant de prévenir ou de mettre fin à ce type de situations. L’article 3 complète ces dispositions, en protégeant le fonctionnaire qui lancerait une « alerte » relative à une situation de conflit d’intérêts.

A. LA PRÉVENTION ET LE TRAITEMENT DES CONFLITS D’INTÉRÊTS

Alors que le droit pénal réprime la prise illégale d’intérêts par une personne « dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public » (articles 432-12 et 432-13 du code pénal), le droit de la fonction publique est muet quant à la notion de conflit d’intérêts.

L’article 2 du projet de loi remédie à cette lacune, en introduisant un nouvel article 25 bis dans la loi du 13 juillet 1983 précitée.

D’une part, il définit le conflit d’intérêts touchant un fonctionnaire comme « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions ». Cette définition, qui devrait être prochainement retenue pour les magistrats judiciaires (7), reprend celle de l’article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, applicable aux membres du Gouvernement, aux élus locaux et aux personnes chargées d’une mission de service public (8).

D’autre part, l’article 2 du projet de loi fait obligation au fonctionnaire de prévenir ou, à défaut, de faire cesser immédiatement les situations de conflits d’intérêts dans lesquelles il pourrait se trouver. À cette fin, une série d’obligations d’abstention est définie :

– le fonctionnaire devra saisir son supérieur hiérarchique, à qui il reviendra d’apprécier s’il y a lieu de confier le dossier ou la décision à un autre agent ;

– le titulaire d’une délégation de signature aura l’obligation de ne pas en user ;

– le fonctionnaire appartenant à une instance collégiale devra, selon les cas, s’abstenir d’y siéger ou, à tout le moins, de délibérer ;

– le fonctionnaire chargé de fonctions juridictionnelles devra être suppléé, selon les règles propres à sa juridiction ;

– le fonctionnaire exerçant des compétences qui lui ont été dévolues en propre devra les confier à un délégataire, auquel il ne pourra adresser aucune instruction.

Pour certains fonctionnaires, la prévention des conflits d’intérêts passera également par l’obligation d’établir une déclaration d’intérêts et par le mécanisme de gestion sous mandat, sans droit de regard de leur part, des instruments financiers qu’ils détiennent (voir ci-après la présentation de l’article 4 du projet de loi).

B. LA PROTECTION DES LANCEURS D’ALERTE ÉTHIQUE

Dans l’hypothèse – que l’on souhaite exceptionnelle – où les mécanismes de prévention et de traitement des conflits d’intérêts auraient échoué (9), l’existence d’une situation de conflit d’intérêts pourrait être révélée, auprès des autorités judiciaires ou administratives, par un fonctionnaire en ayant eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

Afin d’éviter qu’un tel « lanceur d’alerte éthique » ne puisse être injustement sanctionné par sa hiérarchie, directement ou de façon déguisée, l’article 3 du projet de loi instaure un dispositif spécifique de protection.

Inspiré des nombreuses lois votées ces dernières années pour protéger les lanceurs d’alerte, le nouvel article 25 ter de la loi du 13 juillet 1983 précitée inverse la charge de la preuve au bénéfice du fonctionnaire ayant révélé les faits litigieux : c’est à l’auteur de la mesure, disciplinaire ou autre, ayant eu un effet sur la carrière de ce fonctionnaire qu’il appartiendra de prouver qu’elle était justifiée par des « éléments objectifs étrangers » au lancement de l’alerte.

De solides garanties visent toutefois à empêcher que ces dispositions protectrices soient détournées de leur objet. Pour en bénéficier, le fonctionnaire devra au préalable avoir signalé à son supérieur hiérarchique, mais en vain, la situation de conflit d’intérêts en cause. En outre, le lanceur d’alerte devra agir de bonne foi, sous peine de sanctions pénales.

Ces dispositions complèteraient ainsi celles introduites dans le statut général des fonctionnaires (article 6 ter A) par la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, qui protègent les lanceurs d’alerte ayant relaté ou témoigné, de bonne foi, des faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont ils auraient eu connaissance dans l’exercice de leurs fonctions.

III. LES OBLIGATIONS DE DÉCLARATION D’INTÉRÊTS, DE DÉCLARATION DE PATRIMOINE ET DE GESTION FINANCIÈRE SOUS MANDAT

Les articles 4 et 5 du projet de loi étendent à la fonction publique trois dispositifs mis en place, pour les plus hauts responsables publics, dans la loi organique n° 2013-906 et la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique : les déclarations d’intérêts, la gestion sous mandat de certains instruments financiers et les déclarations de situation patrimoniale.

A. LES DÉCLARATIONS D’INTÉRÊTS

En application du nouvel article 25 quater de la loi du 13 juillet 1983 précitée, certains fonctionnaires seront tenus d’établir une déclaration d’intérêts. La définition du périmètre des agents concernés est renvoyée à un décret en Conseil d’État, qui déterminera les emplois « dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient ». L’intention du Gouvernement est de prendre en compte les risques inhérents aux différents emplois, sans que le critère hiérarchique ne soit prépondérant. Le champ des emplois concernés devrait donc être relativement étendu.

La nomination dans l’un de ces emplois sera « conditionnée à la transmission préalable » par le fonctionnaire de sa déclaration d’intérêts à l’autorité investie du pouvoir de nomination, qui pourra ainsi en tenir compte dans l’exercice de ce pouvoir. Les agents aujourd’hui en fonctions disposeront de deux mois pour satisfaire à la nouvelle obligation déclarative.

Une fois l’agent nommé dans ses fonctions, la déclaration d’intérêts sera transmise à l’autorité hiérarchique. Tout au long de l’exercice des fonctions, le supérieur hiérarchique devra s’assurer que le fonctionnaire ne se trouve pas en situation de conflit d’intérêts. Si tel est le cas, il lui appartiendra de prendre les mesures nécessaires pour y mettre fin ou enjoindre à l’agent de faire cesser cette situation dans un certain délai.

En cas de doute, l’autorité hiérarchique pourra transmettre la déclaration d’intérêts à la commission de déontologie de la fonction publique (10), afin de recueillir son avis. Si le conflit d’intérêts est avéré, cette commission adressera une recommandation à l’autorité hiérarchique, à qui il reviendra de prendre toute mesure utile pour y mettre fin.

Le modèle et le contenu de la déclaration d’intérêts, ses modalités de dépôt, de mise à jour et de conservation seront fixés par décret en Conseil d’État. Elle sera versée au dossier de l’agent, « selon des modalités permettant d’en garantir la confidentialité ».

B. LES MANDATS DE GESTION DES INSTRUMENTS FINANCIERS

En application du nouvel article 25 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 précitée, les fonctionnaires « dont les missions ont une incidence en matière économique et dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient » devront faire en sorte que les instruments financiers qu’ils détiennent soient gérés, pendant la durée de leurs fonctions, dans des conditions excluant tout droit de regard de leur part.

Ils devront, en conséquence, confier cette gestion à un mandataire, sans pouvoir lui donner d’instruction d’achat ou de vente. Ces mandats de gestion ne seront ni versés au dossier de l’agent, ni communicables aux tiers.

La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) contrôlera la mise en œuvre de ces dispositions, qui s’inspirent de celles applicables aux membres du Gouvernement et aux membres des autorités administratives ou publiques indépendantes (AAI et API) intervenant dans le domaine économique, en application de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 précitée.

Un décret en Conseil d’État précisera le champ des agents concernés et les modalités d’entrée en vigueur de la nouvelle obligation pour ceux déjà en fonctions.

C. LES DÉCLARATIONS DE SITUATION PATRIMONIALE

En application du nouvel article 25 sexies de la loi du 13 juillet 1983 précitée, certains fonctionnaires devront établir des déclarations de situation patrimoniale. Un décret en Conseil d’État déterminera les emplois « dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient ». Si la formulation est la même que celle prévue pour les déclarations d’intérêts, le périmètre des agents effectivement astreints à déclarer leur patrimoine devrait s’avérer plus restreint, dès lors que ce dispositif vise à éviter les enrichissements illicites et à lutter contre la corruption. Seuls devraient donc être concernés les plus hauts responsables administratifs, chargés de fonctions sensibles, notamment dans le cadre d’emplois fonctionnels.

La nomination dans les emplois concernés sera « conditionnée à la transmission préalable » par l’agent de sa déclaration de situation patrimoniale à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Comme pour les mandats de gestion, la Haute Autorité disposera ainsi d’un bloc de compétence cohérent en la matière (11). Les agents aujourd’hui en fonctions disposeront de deux mois pour lui transmettre leur déclaration de situation patrimoniale.

Une même déclaration sera exigée à la suite de la cessation des fonctions de l’agent, afin de pouvoir mesurer la variation de sa situation patrimoniale et, le cas échéant, de repérer des évolutions anormales. Si, au terme d’une procédure contradictoire, la Haute Autorité « constate des évolutions patrimoniales pour lesquelles elle ne dispose pas d’explications suffisantes », elle transmettra le dossier à l’administration fiscale et en informera le fonctionnaire intéressé.

Comme pour les déclarations d’intérêts, un décret en Conseil d’État précisera le modèle et le contenu des déclarations de situation patrimoniale, ainsi que leurs modalités de dépôt, de mise à jour et de conservation. En revanche, ces déclarations ne seront pas versées au dossier de l’agent, mais conservées par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Le tableau présenté aux pages suivantes récapitule les différentes catégories de personnes tenues de déclarer leurs intérêts ou leur situation patrimoniale en application des lois du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique, du projet de loi organique relatif à l’indépendance et l’impartialité des magistrats et à l’ouverture de la magistrature sur la société et du présent projet de loi (hors législations sectorielles) Les lignes en italique correspondent à des modifications ou à des compléments intégrés dans le texte par votre commission des Lois.

PRINCIPALES OBLIGATIONS LÉGALES DE DÉCLARATION D’INTÉRÊTS ET DE DÉCLARATION DE SITUATION PATRIMONIALE
DANS LE SECTEUR PUBLIC

Champ concerné

Personnes concernées

Obligations déclaratives

Base juridique

I.- Loi organique n° 2013-906 et loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique

Présidence de la République

Président de la République

déclaration de situation patrimoniale (publique)

article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel (modifié par l’article 9 de la loi organique n° 2013-906)

collaborateurs du Président de la République

déclaration d’intérêts (confidentielle)

déclaration de situation patrimoniale (confidentielle)

article 11 de la loi n° 2013-907

Gouvernement

membres du Gouvernement

déclaration d’intérêts (publique)

déclaration de situation patrimoniale (publique)

article 4 de la loi n° 2013-907

membres des cabinets ministériels

déclaration d’intérêts (confidentielle)

déclaration de situation patrimoniale (confidentielle)

article 11 de la loi n° 2013-907

Parlement

députés et sénateurs

déclaration d’intérêts et d’activités (publique)

déclaration de situation patrimoniale (consultable en préfecture)

article L.O. 135-1 du code électoral (article 1er de la loi organique n° 2013-906)

collaborateurs des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat

déclaration d’intérêts (confidentielle)

déclaration de situation patrimoniale (confidentielle)

article 11 de la loi n° 2013-907

Parlement européen

députés européens

déclaration d’intérêts (publique)

déclaration de situation patrimoniale (confidentielle)

article 11 de la loi n° 2013-907

Collectivités territoriales et intercommunalités

principaux exécutifs locaux ; élus locaux titulaires d’une délégation de signature

déclaration d’intérêts (publique)

déclaration de situation patrimoniale (confidentielle)

article 11 de la loi n° 2013-907

directeurs, directeurs adjoints et chefs de cabinet des principaux exécutifs locaux

déclaration d’intérêts (confidentielle)

déclaration de situation patrimoniale (confidentielle)

article 11 de la loi n° 2013-907 (article 9 du présent projet de loi, tel que modifié par votre Commission)

Autorités administratives ou publiques indépendantes

membres des autorités administratives ou publiques indépendantes

déclaration d’intérêts (confidentielle)

déclaration de situation patrimoniale (confidentielle)

article 11 de la loi n° 2013-907

Emplois à la décision du Gouvernement

titulaires d’un emploi ou d’une fonction à la décision du Gouvernement nommés en conseil des ministres : préfets, recteurs, ambassadeurs, directeurs d’administration centrale, secrétaire général du Gouvernement, chefs d’inspections ministérielles, etc.

déclaration d’intérêts (confidentielle)

déclaration de situation patrimoniale (confidentielle)

article 11 de la loi n° 2013-907

Entreprises et autres organismes publics

présidents et directeurs généraux d’entreprises publiques, d’offices publics de l’habitat ou de sociétés d’économie mixte locales

déclaration d’intérêts (confidentielle)

déclaration de situation patrimoniale (confidentielle)

article 11 de la loi n° 2013-907

II.- Présent projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires (déposé le 17 juillet 2013, rectifié le 17 juin 2015)

Statut général de la fonction publique (FPE, FPT, FPH)

agents « mentionnés sur une liste établie par décret en Conseil d’État, dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient »

déclaration d’intérêts (confidentielle)

article 25 quater de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (article 4 du projet de loi)

agents « mentionnés sur une liste établie par décret en Conseil d’État, dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient »

déclaration de situation patrimoniale (confidentielle)

article 25 sexies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (article 4 du projet de loi)

Juridictions administratives

membres du Conseil d’État ; magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel

déclaration d’intérêts (confidentielle)

articles L. 131-5 et L. 231-4-1 du code de justice administrative (articles 9 bis et 9 ter nouveaux du projet de loi)

vice-président et présidents de section du Conseil d’État ; présidents des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel

déclaration de situation patrimoniale (confidentielle)

articles L. 131-7 et L. 231-4-3 du code de justice administrative (articles 9 bis et 9 ter nouveaux du projet de loi)

Juridictions financières

magistrats, conseillers maîtres et référendaires en service extraordinaire et rapporteurs extérieurs de la Cour des comptes ; magistrats du siège, procureurs financiers et rapporteurs des chambres régionales et territoriales des comptes

déclaration d’intérêts (confidentielle)

articles L. 120-7 et L. 212-9-3 du code des juridictions financières (articles 9 quinquies et 9 sexies nouveaux du projet de loi)

premier président, procureur général et présidents de chambre de la Cour des comptes ; présidents de chambre régionale ou territoriale des comptes ; procureurs financiers des chambres régionales ou territoriales des comptes

déclaration de situation patrimoniale (confidentielle)

articles L. 120-9 et L. 212-9-5 du code des juridictions financières (articles 9 quinquies et 9 sexies nouveaux du projet de loi)

III.- Projet de loi organique n° 660 relatif à l’indépendance et l’impartialité des magistrats et à l’ouverture de la magistrature sur la société
(déposé le 31 juillet 2015)

Juridictions judiciaires

premier président et présidents de chambre de la Cour de cassation, procureur général et premiers avocats généraux près la Cour de cassation ; premiers présidents de cour d’appel, procureurs généraux près une cour d’appel

déclaration de situation patrimoniale (confidentielle)

article 21 du projet de loi organique

Conseil supérieur de la magistrature

membres du Conseil supérieur de la magistrature

déclaration de situation patrimoniale (confidentielle)

article 33 du projet de loi organique

IV. LE RESSERREMENT DES POSSIBILITÉS DE CUMUL D’ACTIVITÉS

L’article 6 du projet de loi modifie les règles de cumul d’activités applicables aux fonctionnaires et aux agents non titulaires de droit public. L’article 7 précise leurs conditions d’entrée en vigueur. Le II de l’article 9 étend ces règles aux collaborateurs du Président de la République, aux membres des cabinets ministériels et aux collaborateurs de cabinet des autorités territoriales.

En application du nouvel article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 précitée, il serait interdit au fonctionnaire :

– de créer ou de reprendre une entreprise donnant lieu à immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou à affiliation au régime de l’auto-entrepreneur, lorsque le fonctionnaire occupe un emploi public à temps complet et exerce ses fonctions à temps plein. Seul un fonctionnaire à temps partiel pourra donc avoir une activité entrepreneuriale, sous certaines conditions (voir ci-après) ;

– de participer aux organes de direction de sociétés ou d’associations à but lucratif ;

– de donner des consultations, de procéder à des expertises ou de plaider en justice dans les litiges intéressant toute personne publique, y compris devant une juridiction étrangère ou internationale. Cette interdiction ne s’applique pas, en revanche, aux consultations, expertises ou plaidoiries au profit d’une personne publique « ne relevant pas du secteur concurrentiel » ;

– de prendre ou de détenir des intérêts dans une entreprise soumise au contrôle de l’administration à laquelle le fonctionnaire appartient (ou dans une entreprise étant en relation avec cette administration), si ces intérêts sont de nature à compromettre l’indépendance de l’agent ;

– de cumuler un emploi public permanent à temps complet avec un ou plusieurs autres emplois publics permanents à temps complet ou incomplet.

En outre, le même article 25 septies réaffirme l’interdiction, pour le fonctionnaire, d’exercer à titre professionnel une autre activité lucrative, de quelque nature que ce soit. À la différence des cinq interdictions qui précèdent, plusieurs exceptions sont néanmoins prévues, correspondant à des situations de cumuls d’activités autorisés.

Ainsi, à titre dérogatoire :

– le fonctionnaire pourra exercer une activité privée lucrative, à condition d’occuper un emploi public permanent à temps non complet ou incomplet pour lequel la durée du travail est inférieure ou égale à 70 % de la durée légale ou réglementaire du travail ;

– le dirigeant d’une société ou d’une association à but lucratif pourra provisoirement poursuivre cette activité s’il vient d’être lauréat d’un concours de la fonction publique ou d’être recruté en qualité d’agent non titulaire de droit public ;

– le fonctionnaire occupant un emploi public à temps complet et exerçant ses fonctions à temps partiel pourra créer ou reprendre une entreprise et, ainsi, exercer une activité privée lucrative. Cette possibilité sera triplement plus restreinte qu’aujourd’hui : l’avis préalable de la commission de déontologie de la fonction publique liera l’administration et s’imposera à l’agent concerné ; l’autorisation de l’employeur public ne sera plus accordée de plein droit ; la durée maximale du cumul sera de deux ans non renouvelable (au lieu d’une durée de deux ans susceptible d’être prolongée d’une année) ;

– le fonctionnaire continuera à pouvoir être autorisé par son employeur à exercer à titre accessoire une activité, lucrative ou non, auprès d’une personne ou d’un organisme public ou privé, dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui lui sont confiées et n’affecte pas leur exercice (12). En revanche, pour les fonctionnaires occupant un emploi à temps complet et travaillant à temps plein, ces activités accessoires ne pourront plus être exercées dans le cadre d’une entreprise commerciale ou artisanale ou sous le régime de l’auto-entrepreneur ;

– dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui, le fonctionnaire pourra produire des œuvres de l’esprit ;

– les membres du personnel enseignant, technique ou scientifique des établissements d’enseignement et les personnes pratiquant des activités à caractère artistique pourront continuer d’exercer les professions libérales qui découlent de la nature de leurs fonctions.

L’objectif de l’ensemble de ces dispositions est de redonner toute sa force au principe selon lequel, parce qu’il est au service de l’intérêt général, l’agent public consacre l’intégralité de son activité professionnelle à l’exercice de ses fonctions. C’est pourquoi les possibilités de cumul d’activités, qui avaient été sensiblement élargies à partir de 2007, seraient ramenées à de plus raisonnables proportions.

Tout en partageant cette orientation générale, votre rapporteure tient à ce que le présent projet de loi ne vienne pas déstabiliser le cadre juridique qui s’applique aujourd’hui à des pratiques parfaitement acceptables du point de vue de la déontologie, notamment en ce qui concerne les catégories d’agents les plus modestes. L’article 6 devra donc être modifié, en vue de continuer à autoriser les fonctionnaires, y compris ceux employés à temps plein, d’exercer à titre accessoire certaines activités sous le régime de l’auto-entrepreneur.

V. LA RÉFORME DE LA COMMISSION DE DÉONTOLOGIE DE LA FONCTION PUBLIQUE

L’article 8 du projet de loi tend à réformer – dans sa composition, ses attributions et ses prérogatives – la commission de déontologie de la fonction publique, dont l’existence législative remonte à 1993 (13).

A. DES ATTRIBUTIONS ÉLARGIES

Contrairement à ce que sa dénomination laisse à penser, la « commission de déontologie » existante est loin d’être compétente à l’égard de tout ce qui concerne la déontologie des fonctionnaires. Pour l’essentiel, elle est appelée à donner un avis :

– sur la situation des agents publics qui quittent le secteur public, de manière temporaire ou définitive, afin d’exercer une activité privée lucrative (pratique parfois qualifiée de « pantouflage ») ;

– sur les cas de cumul d’activités pour création ou reprise d’entreprise par des agents publics et sur les cas de poursuite d’activité comme dirigeant d’entreprise par un agent récemment recruté dans la fonction publique (14).

En application de l’article 25 octies de la loi du 13 juillet 1983 précitée, la nouvelle « commission de déontologie de la fonction publique » aura pour mission générale d’ « apprécier le respect des principes déontologiques inhérents à l’exercice d’une fonction publique » (15).

1. De nouvelles attributions en matière de déontologie

La commission de déontologie de la fonction publique sera désormais chargée :

– de rendre un avis, lorsque l’administration la saisit, préalablement à leur adoption, sur les projets de textes élaborés pour l’application des articles 25 à 25 quater et 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 précitée ;

– d’émettre des recommandations de portée générale sur l’application des mêmes articles ;

– de formuler des recommandations, lorsque l’administration la saisit, sur l’application à des situations individuelles des mêmes articles.

La commission pourra ainsi se prononcer sur toutes les questions touchant aux obligations générales des fonctionnaires (article 25), aux conflits d’intérêts (article 25 bis), aux « lanceurs d’alerte » (article 25 ter), aux déclarations d’intérêts (article 25 quater) et aux cumuls d’activités (article 25 septies).

En revanche, conformément au partage des tâches avec la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique défini à l’article 4 du projet de loi, la commission de déontologie ne sera pas compétente en matière de mandats de gestion et de déclarations de situation patrimoniale (articles 25 quinquies et 25 sexies de la loi du 13 juillet 1983 précitée).

2. Des attributions étendues en matière de départs vers le secteur privé

La commission de déontologie de la fonction publique est chargée d’apprécier la compatibilité de toute activité lucrative, salariée ou non, dans une entreprise ou un organisme privé ou de toute activité libérale, avec les fonctions exercées au cours des trois années précédant le début de cette activité par tout agent cessant définitivement ou temporairement ses fonctions.

Le projet de loi met fin à l’actuelle distinction – aussi peu lisible qu’efficiente – entre saisine obligatoire et saisine facultative de la commission. Celle-ci aura ainsi à connaître de l’ensemble des situations entrant dans son champ de compétence :

– le fonctionnaire aura l’obligation de saisir la commission, préalablement à l’exercice de l’activité envisagée ;

– en cas d’inaction du fonctionnaire, la saisine devra être effectuée par l’autorité administrative dont il relève ;

– à défaut, l’auto-saisine de la commission, par l’intermédiaire de son président, pourra désormais intervenir dans un délai de trois mois (et non plus de dix jours) suivant l’embauche de l’agent ou la création de l’entreprise ou de l’organisme privé.

L’objet du contrôle de la commission demeure double.

Le contrôle dit « pénal » consistera, comme aujourd’hui, à éviter que le fonctionnaire commette le délit de prise illégale d’intérêts prévu à l’article 432-13 du code pénal.

Le contrôle dit « déontologique » verra en revanche son champ élargi, la commission étant chargée d’apprécier si l’activité qu’exerce ou que projette d’exercer le fonctionnaire « risque de compromettre ou de mettre en cause le fonctionnement normal, l’indépendance ou la neutralité du service » ou « méconnaît tout autre principe déontologique inhérent à l’exercice d’une fonction publique ». La commission de déontologie pourra ainsi signaler une situation de conflit d’intérêts (au sens du nouvel article 25 bis de la loi du 13 juillet 1983 précitée), sans pour autant que soit constituée une quelconque infraction pénale.

En outre, davantage de personnes entreront dans le périmètre de compétence de la commission de déontologie de la fonction publique. Tout en conservant l’ensemble des assujettis actuels (16), les articles 8 et 9 du projet de loi y ajoutent :

– tous les agents non titulaires recrutés par une personne publique, y compris s’ils sont employés depuis moins d’un an ;

– l’ensemble des agents contractuels des organismes compétents en matière de santé publique énumérés à l’article L. 1451-1 du code de la santé publique (17;

– les agents contractuels des autorités publiques indépendantes (API), alors que seules les autorités administratives indépendantes (AAI) sont mentionnées dans la loi en vigueur.

B. DES PRÉROGATIVES RENFORCÉES

La commission de déontologie de la fonction publique bénéficiera de moyens d’investigation plus importants :

– son président pourra demander toute explication ou tout document nécessaire à l’exercice de la mission de la commission, tant au fonctionnaire concerné qu’à l’administration ;

– la commission pourra recueillir, auprès des personnes publiques et privées, toute information nécessaire à l’accomplissement de sa mission. Elle pourra entendre ou consulter toute personne, y compris l’agent concerné, dont le concours lui paraît utile ;

– la commission sera informée des « alertes éthiques » lancées, en application du nouvel article 25 ter de la loi du 13 juillet 1983 précitée, à l’encontre de l’agent concerné par son contrôle.

La portée juridique des avis de la commission sera renforcée, puisque ceux-ci lieront désormais l’administration et s’imposeront à l’agent, qu’il s’agisse :

– des avis rendus en matière de cumuls d’activités ou en matière de départs dans le secteur privé (alors que les avis relatifs aux cumuls d’activités sont aujourd’hui purement consultatifs) ;

– des avis d’incompatibilité ou de compatibilité avec réserves (alors que les seuls les avis d’incompatibilité, rendus à propos de l’accès au secteur privé, ont aujourd’hui une portée obligatoire).

C. UNE COMPOSITION MODIFIÉE

Actuellement, la commission de déontologie est présidée par un conseiller d’État et comprend un conseiller maître à la Cour des comptes, un magistrat de l’ordre judiciaire et deux personnalités qualifiées (dont l’une doit avoir exercé des fonctions au sein d’une entreprise privée). À ce tronc commun s’ajoutent d’autres membres, selon que la commission statue à propos d’un agent de la fonction publique de l’État, de la fonction publique territoriale, de la fonction publique hospitalière ou du service public de la recherche.

En application du présent projet de loi, la commission de déontologie demeurerait présidée par un conseiller d’État (18) et comprendrait un conseiller maître à la Cour des comptes, un magistrat de l’ordre judiciaire et trois personnalités qualifiées (au lieu de deux), dont l’une ayant exercé des fonctions au sein d’une entreprise privée (19).

Comme aujourd’hui, s’y ajouterait, selon les cas, le directeur du personnel du ministère ou de l’établissement public ou le chef du corps de l’agent concerné, l’autorité investie du pouvoir de nomination dans la collectivité territoriale dont il relève ou le directeur de l’établissement hospitalier ou de l’établissement social ou médico-social auquel il appartient. Toutefois, ce membre n’aurait plus de voix délibérative, son rôle devenant seulement consultatif.

En outre, les deux membres représentant alternativement chacune des trois fonctions publiques seraient supprimés. Votre rapporteure juge cette suppression regrettable, dès lors qu’elle prive la commission de la compétence de personnes ayant une connaissance particulière des problématiques propres à chaque fonction publique.

VI. L’ÉLARGISSEMENT DU CHAMP DE COMPÉTENCE DE LA HAUTE AUTORITÉ POUR LA TRANSPARENCE DE LA VIE PUBLIQUE

Ainsi qu’on l’a vu, l’article 4 du projet de loi confie à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique de nouvelles compétences de contrôle des mandats de gestion financière et des déclarations de situation patrimoniale dans les conditions prévues aux nouveaux articles 25 quinquies et 25 sexies de la loi du 13 juillet 1983 précitée.

Par ailleurs, l’article 9 du projet de loi modifie doublement la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

D’une part, afin d’éviter des situations de compétences concurrentes entre la Haute Autorité et la commission de déontologie de la fonction publique en matière de contrôle des départs vers le secteur privé, il est prévu que lorsqu’un membre du Gouvernement ou le titulaire d’une fonction exécutive locale a aussi la qualité d’agent public, la Haute Autorité est la seule compétente pour assurer ce contrôle, à charge pour elle de tenir informée la commission de déontologie.

D’autre part, l’article 9 ajoute aux personnes tenues d’établir une déclaration d’intérêts et une déclaration de situation patrimoniale, dans les conditions prévues par la loi du 11 octobre 2013 précitée, les directeurs de cabinet des autorités territoriales des collectivités et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre de plus de 80 000 habitants. Selon l’étude d’impact de la lettre rectificative du 17 juin 2015, cet élargissement des compétences de la Haute Autorité permet de compléter « la stratégie globale de prévention des conflits d’intérêts définie par le Président de la République ». Votre rapporteure estime néanmoins que ce seuil de 80 000 habitants est particulièrement élevé et qu’il ne trouve aucune justification appropriée : le parallélisme, fait par le Gouvernement, avec le seuil retenu par le législateur dans le cadre du dispositif de nominations équilibrées entre femmes et hommes dans les emplois supérieurs de la fonction publique n’apparaît pas pertinent à votre rapporteure (20).

DEUXIÈME PARTIE : LA MODERNISATION DES DROITS ET OBLIGATIONS DES FONCTIONNAIRES

I. LE RENFORCEMENT DE LA PROTECTION FONCTIONNELLE DES AGENTS ET DE LEURS FAMILLES

L’article 10 du présent projet de loi complète le dispositif relatif à la protection fonctionnelle. Il tend à accorder une meilleure protection statutaire aux agents publics et à leurs familles.

A. L’EXTENSION DU CHAMP DES PERSONNES SUSCEPTIBLES DE BÉNÉFICIER DE LA PROTECTION FONCTIONNELLE

La protection fonctionnelle se définit comme la garantie statutaire accordée par l’administration aux agents publics à raison de leur mise en cause par des tiers dans l’exercice de leurs fonctions. Cette protection s’est vue reconnaitre le caractère d’un principe général du droit de la fonction publique (21) et est aujourd’hui régie par l’article 11 de la loi n° 83-635 du 13 juillet 1983.

Son bénéfice a été progressivement ouvert aux agents publics non titulaires – d’abord par la jurisprudence puis par la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à l’emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d’ordre statutaire – ainsi qu’aux agents publics ne relevant pas du statut général tels que les magistrats, les militaires, les membres des organes exécutifs des collectivités territoriales et les présidents élus d’établissement public administratif.

Il est toutefois apparu nécessaire de compléter le champ des personnes pouvant bénéficier de cette protection. Ainsi, l’article 10 du présent projet de loi précise – puisque des ambiguïtés semblaient substituer sur ce point – que le bénéfice de la protection statutaire s’applique aux anciens fonctionnaires, dès lors que l’agent est poursuivi, menacé, ou subit un préjudice du fait des fonctions qu’il a exercées quand il était en activité.

Il procède par ailleurs à l’extension du champ de la protection fonctionnelle aux ayants droit des fonctionnaires, lorsque, du fait des fonctions de leurs proches, ils sont victimes de violences. Cette extension du champ de la protection fonctionnelle existe déjà pour les militaires, les agents de l’administration pénitentiaire et les membres du corps préfectoral et du cadre national des préfectures, des agents des douanes et des magistrats de l’ordre judiciaire. Le projet de loi permet d’aligner la protection dont bénéficient les ayants droit des agents publics sur le régime le plus favorable.

B. L’EXTENSION DU CHAMP DES ÉVÈNEMENTS OUVRANT DROIT À LA PROTECTION FONCTIONNELLE

Le régime actuel de la protection fonctionnelle organise une protection de l’agent public dans deux séries d’hypothèses :

– lorsque l’agent est victime de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dans le cadre de ses fonctions ;

– lorsque l’agent est civilement poursuivi ou pénalement mis en cause à raison de certains faits commis dans l’exercice de ses fonctions.

Dans le premier cas, la protection est un droit pour le fonctionnaire, et l’administration ne peut la refuser que si un motif d’intérêt général s’y oppose – ce motif faisant l’objet d’une interprétation stricte par la jurisprudence (22). Le champ d’application est particulièrement large, le juge administratif ayant considéré que l’énumération des faits générateurs prévue à l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 précitée n’était pas exhaustive (23)

Le second cas prend deux formes différentes :

– la protection due à l’agent civilement condamné à raison d’une faute de service. Ce mécanisme permet de répondre à l’anomalie que constituent les cas où, faute pour une juridiction d’avoir décliné sa compétence et pour le préfet d’avoir élevé le conflit, un agent public est civilement condamné à réparer les dommages relevant en fait d’une faute de service ;

– la protection due à l’agent dans le cas où il fait l’objet de poursuites pénales à l’occasion de faits qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle.

Il a semblé nécessaire – notamment à la suite des conclusions du rapport dit « Guyomar » (24) rendu en 2012 – de procéder à une extension du champ des évènements ouvrant droit à la protection fonctionnelle, afin de mieux affirmer le soutien de la collectivité publique à ses agents. C’est la raison pour laquelle l’article 10 du présent projet de loi complète substantiellement la protection de l’agent faisant l’objet de procédures judiciaires. Le droit actuel ne vise en effet que les poursuites pénales. Il est donc proposé d’ouvrir l’octroi de la protection fonctionnelle non seulement lors de poursuites pénales, mais également lorsque l’agent est placé en garde à vue, entendu en qualité de témoin assisté ou lorsqu’il fait l’objet d’une procédure de composition pénale.

Enfin, l’article 10 complète la liste des agissements qui ouvrent droit à la protection fonctionnelle pour le fonctionnaire qui en est victime en ajoutant les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne, et les agissements constitutifs de harcèlement.

C. LA NÉCESSAIRE CLARIFICATION DE LA PRISE EN CHARGE DES FRAIS LIÉS À L’ASSISTANCE JURIDIQUE

L’indemnisation par la collectivité publique du préjudice, matériel et moral, subi par ses agents, peut prendre deux formes. L’agent public peut engager une action en dommages et intérêts contre l’auteur des faits devant une juridiction civile ou pénale. La collectivité prend alors en charge, dans une certaine mesure, les honoraires d’avocat et les frais de la procédure. L’agent public peut également solliciter l’indemnisation de son préjudice directement auprès de son administration. Il existe néanmoins des conflits entre l’administration et ses agents quant à la prise en charge des honoraires d’avocats. La jurisprudence a rappelé de manière constante que l’administration n’est pas tenue de prendre à sa charge l’intégralité des frais engagés lors d’une procédure judiciaire.

En conséquence, l’article 10 prévoit qu’un décret en Conseil d’État précisera les conditions et limites de la prise en charge par la collectivité publique des frais exposés par le fonctionnaire ou ses ayants droits.

II. LA MODERNISATION DES GARANTIES DISCIPLINAIRES DES AGENTS PUBLICS

A. L’AMÉLIORATION DE LA SITUATION DES AGENTS SUSPENDUS

La procédure actuelle de suspension d’un agent en cas de faute grave par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire impose que la situation du fonctionnaire soit réglée dans un délai de quatre mois, au terme duquel il est rétabli dans ses fonctions si aucune décision n’a été prise par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire et si le fonctionnaire ne fait pas l’objet de poursuites pénales. Dans ce dernier cas, l’administration peut prolonger la suspension de fonctions aussi longtemps que dure la procédure pénale, ce qui est fréquemment le choix opéré. Cette situation est extrêmement préjudiciable à la carrière du fonctionnaire.

L’article 11 du projet de loi institue une procédure de rétablissement dans ses fonctions ou dans des fonctions équivalentes d’un fonctionnaire faisant l’objet de poursuites pénales, créant ainsi un mécanisme juridique respectueux du principe de la présomption d’innocence.

Il permet, à l’issue du délai de quatre mois de suspension et dans le cas où l’agent fait l’objet de poursuites pénales, de rétablir le fonctionnaire dans ses fonctions si l’intérêt du service et les mesures décidée par l’autorité judiciaire n’y font pas obstacle. S’il n’est pas rétabli dans ses fonctions, le fonctionnaire peut être affecté provisoirement, sous réserve de l’intérêt du service, dans un emploi compatible avec les obligations du contrôle judiciaire. À défaut, l’agent peut être détaché d’office, à titre provisoire, dans un autre corps ou cadre d’emploi pour occuper un emploi compatible avec les obligations du contrôle judiciaire.

Ces trois situations permettent au fonctionnaire de continuer à percevoir l’intégralité de son salaire, ce qui évitera à l’administration de devoir lui rembourser les retenues sur rémunération subies pendant la période de suspension si aucune sanction n’est prononcée in fine.

B. LA CRÉATION D’UN DÉLAI DE PRESCRIPTION DE L’ACTION DISCIPLINAIRE

Il n’existe pas, dans le droit de la fonction publique, de base textuelle régissant la prescription de l’action disciplinaire, et ce, afin de préserver les intérêts de l’activité du service public. La jurisprudence a donc de longue date reconnu l’imprescriptibilité des poursuites disciplinaires, affirmant qu’ « aucun texte n’enferme dans un délai déterminé l’exercice de l’action disciplinaire ». (25)

L’article 12 institue un délai de prescription de l’action disciplinaire de trois ans « à compter du jour où l’administration a eu connaissance des faits passibles de sanction ». Estimant que cette formulation était trop imprécise et source de contentieux, votre rapporteure a proposé à la commission, qui l’a accepté, un amendement visant à préciser que le délai de prescription commence à courir à compter du jour où l’administration a établi la matérialité des faits.

C. L’HARMONISATION DE L’ÉCHELLE DES SANCTIONS DISCIPLINAIRES ENTRE LES TROIS FONCTIONS PUBLIQUES

Toute faute commise par un fonctionnaire l’expose à une sanction disciplinaire, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par le code pénal. Les fautes susceptibles de justifier une sanction ne sont pas prédéterminées par les textes. Elles doivent donc être appréciées en fonction de la gravité de la faute. La sanction doit être proportionnée aux faits reprochés et être prévue par un texte législatif. Actuellement, chaque versant de la fonction publique dispose de sa propre échelle de sanctions.

L’article 13 du projet de loi propose d’harmoniser les échelles de sanctions entre les trois fonctions publiques en les rassemblant au sein du titre Ier du statut général des fonctionnaires.

La nouvelle échelle de sanctions sera la suivante :

– Les sanctions du premier groupe :

– l’avertissement : il s’agit d’observations orales ou écrites qui répriment le comportement fautif de peu de gravité d’un agent. L’avertissement est une sanction qui n’a pas d’incidence sur la carrière de l’agent, il ne figure pas dans son dans son dossier (26;

 le blâme : il s’agit d’observations, présentant un caractère plus grave que l’avertissement, mais n’ayant pas d’influence sur le déroulement de la carrière de l’agent. Il est inscrit au dossier de l’agent (27).

 Les sanctions du deuxième groupe :

 la radiation du tableau d’avancement : elle se distingue de la non-réinscription au tableau d’avancement, qui ne saurait être regardée comme constituant une mesure présentant un caractère disciplinaire ;

 l’abaissement d’échelon à l’échelon immédiatement inférieur : il place le fonctionnaire dans un échelon inférieur à celui qu’il détenait et lui fait perdre la possibilité d’un avancement d’échelon acquis. Il entraine la diminution corrélative de la rémunération. Il peut également faire perdre le bénéfice d’un avancement de grade lorsque celui-ci est subordonné à l’obligation d’avoir atteint un échelon précis (28) ;

 l’exclusion temporaire pour une durée maximale de quinze jours : le fonctionnaire écarté du service lors d’une exclusion temporaire de fonctions est privé de toute rémunération pendant la durée correspondante. Les jours d’exclusion peuvent ne pas être consécutifs. Cette sanction suspend les droits à l’avancement d’échelon et de grade. Elle peut être assortie d’un sursis (mais l’intervention pendant une période de cinq ans d’une sanction disciplinaire du deuxième ou du troisième groupe entraine sa révocation) (29;

 la radiation de la liste d’aptitude établie après avis de la commission administrative paritaire : cette sanction constitue une nouveauté pour les trois versants de la fonction publique.

 Les sanctions du troisième groupe :

– la rétrogradation au grade immédiatement inférieur : cette sanction place l’agent dans un grade inférieur à celui qu’il détenait. Elle a des conséquences sur l’emploi occupé par le fonctionnaire. L’intéressée n’a plus vocation à exercer sur son nouveau grade les mêmes fonctions qu’auparavant et peut même faire l’objet d’un changement d’affectation lorsque les fonctions qu’il exerçait sont incompatibles avec son nouveau grade (30;

– l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée d’un mois à deux ans : elle peut être assortie d’un sursis, qui ne peut cependant être que partiel. Elle entraine la privation de rémunération attachée à l’emploi mais ne prive pas l’agent de son emploi (31).

– Les sanctions du quatrième groupe :

– la mise à la retraite d’office : cette sanction entraine la radiation des cadres de la fonction publique ainsi que la perte de la qualité de fonctionnaire. Si le fonctionnaire a atteint l’âge d’admission à la retraite, la pension est à jouissance immédiate. Dans le cas contraire, les droits à pension seront conservés et l’agent bénéficiera de sa retraite à la date où il aura atteint l’âge d’admission (32;

– la révocation : cette sanction est la plus grave, elle entraine la radiation des cadres et la perte de la qualité de fonctionnaire. Le fonctionnaire révoqué peut prétendre au bénéficie des allocations pour perte d’emploi (33).

III. L’AMÉLIORATION DE LA SITUATION DES AGENTS NON TITULAIRES

On distingue les agents qui ont un contrat – les agents contractuels ou non titulaires de droit public et les agents titulaires qui sont nommés par l’autorité administrative et relèvent d’un statut. La possibilité de recourir à des agents non titulaires, déjà prévue dans le statut général des fonctionnaires de 1946, devait permettre de garantir la continuité du service public sur l’ensemble du territoire national et sa mutabilité. Le recours aux agents contractuels n’a eu de cesse de croître depuis.

Le principe selon lequel la fonction publique est constituée de fonctionnaires de carrière, le recours à des agents non titulaires étant l’exception, est donc largement battu en brèche. La part des agents non titulaires dans le total des emplois publics est passée de 14,3 % en 2001 à 16,8 % en 2011 – cette part étant de 19,7 % des emplois dans la fonction publique territoriale, de 17,2% dans la fonction publique hospitalière et de 14 % dans la fonction publique de l’État (34) .

Afin de prévenir la reconstitution de l’emploi précaire dans la fonction publique, plusieurs lois ont renforcé l’encadrement du recours aux agents non titulaires. Ainsi, de manière à satisfaire aux exigences communautaires, et en particulier à la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 (35), la loi du 26 juillet 2005 (36) a posé une nouvelle règle destinée à prévoir, dans l’ensemble des trois fonctions publiques, que la durée des contrats à durée déterminée (CDD) successifs conclus pour répondre à un besoin permanent ne pouvait excéder six ans.

La loi n° 2012–347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique s’est, elle, attachée à réduire les situations de précarité, à offrir des possibilités de titularisation à certains contractuels justifiant d’une durée de service suffisante et à transformer en contrat à durée indéterminée (CDI) les emplois anormalement maintenus en CDD.

Le présent projet de loi s’inscrit dans cette logique d’améliorer de manière concrète la situation des agents contractuels.

A. L’APPRÉCIATION DE L’APTITUDE DES AGENTS NON TITULAIRES ET L’APPLICATION À CES AGENTS DE CERTAINES DISPOSITIONS DU TITRE IER DU STATUT GÉNÉRAL

Les différentes lois statutaires régissant les trois fonctions publiques prévoient les règles relatives au recrutement d’agents non titulaires. Elles précisent, en particulier, les cas de recours à ce type de contrats, mais restent muettes sur l’appréciation de l’aptitude des candidats.

Le rapport sur la fonction publique de M. Bernard Pêcheur a mis en exergue les difficultés posées par cette absence de règle: « Les modes de recrutement peuvent, dans certains cas, soulever des questions : manque de lisibilité des critères retenus pour sélectionner les candidats, vérification insuffisante des capacités des candidats, ou, à l’inverse, tendance à recruter des candidats surqualifiés au regard des exigences du poste proposé» (37).

L’article 14 du présent projet de loi précise donc que le recrutement des agents publics non titulaires de droit public est effectué après appréciation de leur capacité à exercer les fonctions à pourvoir.

B. UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DE L’ANCIENNETÉ DES AGENTS CONTRACTUELS

L’article 15 corrige des imprécisions de rédaction de la loi n° 2012–347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, qui avaient pour effet de limiter la prise en compte de l’intégralité de l’ancienneté acquise pour la transformation d’un contrat en contrat à durée indéterminée.

Il précise, par ailleurs, que l’employeur public qui emploie un agent satisfaisant à la condition d’ancienneté requise du fait d’une succession d’emplois auprès de différents employeurs publics devra lui proposer la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée.

Il étend, en outre, le principe d’assimilation générale des services accomplis dans le cadre des transferts d’activités entre personnes morales de droit public aux cas de transferts d’activité du privé vers le public.

C. LA RESTRICTION DES DÉROGATIONS AUX RÈGLES DE RECRUTEMENT ACCORDÉES AUX ÉTABLISSEMENTS PUBLICS ADMINISTRATIFS

L’article 3 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État prévoit que la règle selon laquelle les emplois permanents sont occupés par des fonctionnaires n’est pas applicable à certains établissements publics administratifs (EPA). Cette dérogation se justifie par l’exigence « de qualifications professionnelles particulières ».

La liste de ces établissements est fixée par le décret n° 84-38 du 18 janvier 1984, qui détermine également quels sont les emplois ou les catégories d’emplois concernés par la dérogation.

Une mission conjointe du contrôle général économique et financier, de l’inspection générale des affaires sociales et de l’inspection générale de l’administration, dans un rapport rendu en juillet 2012, a dénoncé le fait qu’ « à partir d’un modèle initial théoriquement très contraint par la loi et reposant sur des critères que le législateur avait tenté de définir aussi précisément que possible, de manière à éviter tout risque de dérive, une sorte de nébuleuse au périmètre fortement élargi [se soit] progressivement constituée » (38) .

L’article 16 du présent projet de loi encadre donc plus strictement les règles dérogatoires de recrutement dont bénéficient certains EPA. Il précise notamment que la liste des EPA bénéficiant de la dérogation est soumise à un réexamen périodique et que les agents occupant ces emplois sont recrutés par la voie du contrat à durée indéterminée.

D. LE RECRUTEMENT D’AGENTS CONTRACTUELS DE L’ÉTAT EN CONTRAT À DURÉE DÉTERMINÉE

Par dérogation au principe selon lequel les emplois civils et permanents de l’État sont occupés par des fonctionnaires, l’article 4 de la loi n° 84–16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statuaires relatives à la fonction publique de l’État permet le recrutement d’agents contractuels :

– lorsqu’il n’existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d’assurer les fonctions correspondantes ;

– pour les emplois de catégorie A, et dans les représentations de l’État à l’étranger, des autres catégories, lorsque la nature des fonctions ou les besoins du service le justifient.

L’article 17 du présent projet de loi modifie l’article 4 de la loi n° 84–16 du 11 janvier 1984 précitée afin de préciser que les agents contractuels de catégories A, – et, dans les représentations de l’État à l’étranger, des autres catégories –lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient, sont recrutés par contrat à durée déterminée. Cela permet de lever l’ambiguïté existante s’agissant de la possibilité de recruter des agents contractuels directement en contrat à durée indéterminée.

E. LA SUPPRESSION DE LA NOTION D’ « EFFECTIVITÉ » DES SERVICES PUBLICS

Le droit commun des contrats à durée déterminée de la fonction publique de l’État précise notamment que les contrats à durée déterminée ont une durée maximum de trois ans, renouvelable dans la limite d’une durée maximale de six ans. Au-delà de cette durée, les contrats ne peuvent être reconduits, par décision expresse, qu’en contrats à durée indéterminée, si l’agent justifie d’une durée de services publics effectifs de six ans dans des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique.

Cette notion d’ « effectivité » a été introduite par la loi n° 2012–347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique.

L’application de cette disposition est délicate car elle ne précise pas les conditions dans lesquelles un agent recruté par contrat à durée déterminée depuis six ans mais qui ne peut bénéficier immédiatement d’un contrat à durée indéterminée du fait de congés non assimilés à du service effectif peut être maintenu en fonction.

En conséquence, l’article 18 du présent projet de loi supprime la notion d’ « effectivité » des services publics pour la transformation d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et sécurise juridiquement les cas de refus d’avenant.

En outre, la rédaction actuelle de l’article 6 bis de la loi n° 84–16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statuaires relatives à la fonction publique de l’État permet le recrutement d’agents contractuels. Si l’agent contractuel atteint l’ancienneté de six années telle qu’elle a été définie avant l’échéance de son contrat à durée déterminée en cours, celui-ci est réputé conclu à durée indéterminée. Pour satisfaire à la condition d’une reconduction expresse, l’autorité d’emploi doit adresser à l’agent une proposition d’avenant confirmant cette nouvelle caractéristique du contrat. Cette disposition ne traite pas des cas où l’agent refuse l’avenant. L’article 18 du présent projet de loi précise donc que, dans ce cas, l’agent ne doit pas être considéré comme démissionnaire, mais est maintenu dans ses fonctions jusqu’au terme du contrat à durée déterminée en cours.

IV. LA MODIFICATION DES COMPÉTENCES ET DE LA COMPOSITION DU CONSEIL COMMUN DE LA FONCTION PUBLIQUE

A. LA CRÉATION D’UN COLLÈGE EMPLOYEUR AU SEIN DU CONSEIL COMMUN DE LA FONCTION PUBLIQUE

Le conseil commun de la fonction publique (CCFP) a été créé par l’article 5 de la loi n° 2010–751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique. Il est compétent pour examiner les projets de textes communs aux trois fonctions publiques et toute question d’ordre général, intéressant plusieurs fonctions publiques.

Il est composé de trois collèges, composés de représentants :

– des organisations syndicales de fonctionnaires (32 membres) ;

– des employeurs territoriaux (10 membres) ;

– des employeurs hospitaliers (5 membres).

L’article 19 du présent projet de loi crée un collège réunissant les représentants des employeurs des trois fonctions publiques, ce qui répond à un double objectif de lisibilité et de simplification. Cette représentation unique des employeurs permet d’affirmer symboliquement l’importance égale des trois versants de la fonction publique.

B. L’EXTENSION DU CHAMP DE COMPÉTENCE DU CCFP

L’article 19 élargit le champ des compétences du CCFP aux questions d’ordre général communes à au moins deux – et non plus aux trois – fonctions publiques. Il s’inscrit dans la logique de la mise en œuvre des orientations résultant de la concertation menée avec les partenaires sociaux en 2014, qui avaient conduit à une première extension du champ de compétences du CCFP.

Suite à une erreur dans la lettre rectificative, l’article 20 dispose que les articles 15 à 23 entrent en vigueur à compter du renouvellement général résultant des premières élections professionnelles suivant la date d’entrée en vigueur du présent projet de loi. Cet article ne doit viser en réalité que l’article 19.

V. L’AMÉLIORATION DE LA SITUATION DU FONCTIONNAIRE PRIVÉ D’EMPLOI EN CAS DE RESTRUCTURATION AU SEIN DE L’ÉTAT

L’article 21 du projet de loi rectifié propose de substituer au dispositif de « réorientation professionnelle » bénéficiant au fonctionnaire de l’État dont l’emploi est susceptible d’être supprimé un droit de priorité d’affectation ou de détachement sur un emploi équivalent dans un service ou une administration située dans la même zone géographique.

Ce dispositif, introduit par la loi n° 2009-972 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique du 23 juillet 2009, prévoit d’instaurer au bénéfice du fonctionnaire de l’État dont l’emploi est susceptible d’être supprimé en raison d’une réorganisation, un projet personnalisé d’évolution professionnelle. Ce projet personnalisé a pour objectif de lui permettre d’accéder soit à une affectation plus facile dans son service ou dans une autre administration, soit d’accéder à un autre corps ou grade d’emplois de niveau au moins équivalent – sans toutefois lui donner un droit de priorité –, soit de lui octroyer une aide pour quitter la fonction publique et trouver un emploi dans le secteur privé ou créer son entreprise. Au cours de cette période, le fonctionnaire bénéficie de tous les outils de formation et de validation des acquis disponibles au sein de l’administration et continue d’occuper son poste sous réserve des aménagements nécessaires à la mise en œuvre de son projet personnalisé. Le dispositif prend fin lorsque le fonctionnaire a trouvé un nouvel emploi ou lorsqu’il a refusé trois propositions d’emplois publics correspondant à son grade et à son projet personnalisé, en tenant compte de son lieu de résidence habituel et de sa situation de famille. Dans cette dernière hypothèse, le fonctionnaire est placé en disponibilité d’office avant d’être radié des cadres de la fonction publique, à moins qu’il puisse être admis à la retraite, après avis de la commission administrative paritaire.

Considéré comme un outil au service du licenciement des fonctionnaires de l’État dans un contexte de révision générale des politiques publiques (RGPP), ce dispositif a été largement décrié par les syndicats de fonctionnaires et n’a jamais été mis en œuvre par les directions des ressources humaines des ministères en raison de sa complexité.

Conformément aux engagements du Gouvernement, l’article 21 du projet de loi rectifié propose donc d’abroger ce dispositif et de le remplacer par une priorité d’affectation ou de détachement sur un autre emploi de grade équivalent et vacant dans un service ou une administration située dans la même zone géographique, après avis de la commission administrative paritaire. S’il ne recherche pas par lui-même un tel emploi, il devra accepter le premier poste proposé par son administration d’origine et répondant à ces critères. Sauf refus de sa part, il ne pourra plus être radié des cadres de l’administration à la suite d’une réorganisation des services.

VI. LE RETOUR À DES CRITÈRES OBJECTIFS REFLÉTANT L’EXEMPLARITÉ DE L’EMPLOYEUR PUBLIC ET DES GROUPEMENTS D’INTÉRÊT PUBLIC

Le présent projet de loi est l’occasion pour le Gouvernement de réaffirmer sa volonté de faire de l’État un « employeur exemplaire » en supprimant la notion désuète et inutilisée de « performance collective » dans l’attribution des primes des fonctionnaires et en revenant à un critère simple et objectif pour définir le régime juridique applicable aux agents recrutés par les groupements d’intérêt public.

1. La suppression de la notion de « performance collective » dans l’attribution des primes

L’article 22 du projet de loi rectifié propose de modifier l’article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, qui régit l’attribution des primes d’intéressement des fonctionnaires, fondé sur la « performance collective du service ».

Il s’agit d’une mesure symbolique consistant à substituer à la notion de « performance collective » inspirée des évolutions de l’organisation des entreprises du secteur privé celle de « résultats collectifs », plus adaptée à l’esprit et à l’organisation du service public.

Cette réforme, qui ne devrait pas conduire à modifier les modalités de versement de la prime d’intéressement, traduit l’idée que la recherche légitime de l’efficacité et de l’efficience des services publics doit s’accompagner de la préservation de la qualité du service rendu à l’usager et des conditions de travail des agents.

2. L’application d’un régime de droit du travail corrélé à la nature de l’activité des groupements d’intérêt public

Alors que la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit avait offert aux groupements d’intérêt public (GIP) le choix du régime de droit du travail applicable à leurs agents, l’article 23 du projet de loi rectifié impose aux nouveaux GIP d’appliquer à leur personnel le régime correspondant à la nature de leurs activités, de service public administratif ou de service public industriel et commercial, conformément à la jurisprudence classique du Conseil d’État (39) .

Le retour à un critère objectif pour déterminer le régime de droit du travail applicable aux personnels des GIP – statut des agents publics ou code du travail –met donc fin à la pratique croissante des GIP d’appliquer le code du travail à leurs agents pour de simples raisons d’opportunité, et ce même s’ils exercent des activités de service public administratif et sont soumis à la comptabilité publique.

TROISIÈME PARTIE : UN TROP LARGE RENVOI À LÉGIFÉRER PAR VOIE D’ORDONNANCE

Les articles 24 et 25 du projet de loi rectifié proposent, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, d’habiliter le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances sur de nombreux sujets majeurs, tels que la mobilité des fonctionnaires ou les règles de déontologie et les règles statutaires applicables aux magistrats administratifs et financiers.

Si cette démarche est motivée par l’idée de « faciliter l’examen du projet de loi », elle peut sembler inopportune dès lors qu’une grande partie des mesures envisagées figurait déjà dans différents articles du projet de loi initial. De plus, le champ des dispositions relatives aux juridictions administratives et financières à modifier par voie d’ordonnances paraît nettement plus large que celui visé par le projet de loi initial, alors même que l’étude d’impact du projet de loi rectifié n’en dit mot.

I. UNE DÉMARCHE MOTIVÉE PAR UN ORDRE DU JOUR CONTRAINT

Déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale il y a plus de deux ans, le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires du 17 juillet 2013 a connu, comme on l’a vu, une longue « traversée du désert » avant de faire l’objet d’une lettre rectificative le 17 juin 2015.

Le projet de loi rectifié, qui reste structuré en quatre titres, comprend désormais huit chapitres et vingt-cinq articles, contre treize chapitres et cinquante-neuf articles dans sa précédente version.

Cette réduction importante est justifiée par le Gouvernement par la nécessité de « permettre au Parlement de débattre rapidement sur l’essentiel : une fonction publique exemplaire, porteuse de valeurs républicaines, qui consacre ses principes fondamentaux et rénove son approche déontologique pour renforcer le lien qui unit les citoyens au service public. » (40) .

Si l’on ne peut que se réjouir de l’examen – enfin ! – du seul texte de la législature pleinement consacré aux 5,6 millions de fonctionnaires et agents publics, votre rapporteure estime que le renvoi massif à légiférer par voie d’ordonnance sur de nombreux sujets figurant initialement dans le projet de loi du Gouvernement est critiquable.

II. UNE DÉMARCHE NÉANMOINS CRITIQUABLE

Votre rapporteure considère que le législateur ne peut se satisfaire de décliner sa compétence au profit du Gouvernement pour l’habiliter à légiférer par voie d’ordonnances sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, comme le proposent les articles 24 et 25 du projet de loi rectifié, dans la mesure où une grande partie des mesures renvoyées étaient des articles du projet de loi initial et que, pour le reste, le champ des habilitations apparaît particulièrement large. Une telle démarche conduira en outre à allonger leur délai d’adoption et de mise en œuvre.

L’article 24 du projet de loi rectifié propose ainsi de renvoyer au Gouvernement le soin d’adopter d’importantes mesures relatives à la mobilité des fonctionnaires, visant à :

– simplifier les positions statutaires pour les rendre communes aux trois fonctions publiques (ex article 18 du projet de loi initial) ;

– simplifier et unifier la structure des corps et cadres d’emplois entre les trois versants de la fonction publique autour de trois mêmes catégories hiérarchiques (A, B et C) en supprimant la catégorie D dans la fonction publique hospitalière (ex article 19 du projet de loi initial) ;

– abroger la position « hors cadre » (41) et transformer en position d’activité les positions prévues pour l’accomplissement du service national et des activités dans la réserve opérationnelle, dans la réserve sanitaire et dans la réserve dans la police nationale (ex article 20 du projet de loi initial) ;

– moderniser le champ d’application de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, pour tenir compte des évolutions terminologiques afférentes à l’organisation administrative de l’État depuis cette date et pour compléter la définition de la position d’activité décrite à l’article 33 de cette loi (ex article 21 du projet de loi initial) ;

– encadrer et sécuriser les possibilités de mise à disposition hors de l’administration d’origine du fonctionnaire (ex article 22 du projet de loi initial) ;

– abroger l’expérimentation du cumul d’emplois à temps non complet dans les trois fonctions publiques (ex article 24 du projet de loi initial) ;

– réformer le congé pour maternité ou pour adoption et le congé de paternité et d’accueil de l’enfant des agents publics pour favoriser l’exercice conjoint de la parentalité entre les hommes et les femmes au moment de la naissance ou de l’adoption d’un enfant (ex article 31 du projet de loi initial).

L’article 25 propose quant à lui de renvoyer le soin au Gouvernement de légiférer par voie d’ordonnances pour prendre non seulement les mesures qui figuraient préalablement dans le projet de loi aux articles 10 à 17 s’agissant des règles de déontologie applicables aux magistrats des juridictions administratives et financières et aux articles 45 à 58 s’agissant des dispositions statutaires qui leur sont applicables mais, plus encore, pour lui permettre de :

– modifier les règles régissant les conditions de recrutement des membres des juridictions administratives et financières, leur évaluation, leur régime disciplinaire, leur formation et leur avancement ;

– modifier les règles relatives à la composition ou aux compétences du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel et transformer la commission consultative du Conseil d’État en une commission supérieure du Conseil d’État ;

– créer une formation collégiale de juges des référés des tribunaux administratifs pour connaître des « contentieux posant des questions scientifiques, éthiques ou humaines délicates et complexes », selon les termes de l’étude d’impact ;

– limiter, dans un souci de bonne administration, la durée de certaines fonctions juridictionnelles ou administratives exercées par les membres du Conseil d’État en activité ou honoraires ;

– modifier les règles relatives au recrutement à la Cour des comptes des magistrats par la voie du tour extérieur et déterminer les règles applicables aux magistrats des chambres régionales et territoriales des comptes en matière d’incompatibilités et de suspension de fonctions ;

– supprimer les dispositions du code des juridictions financières devenues obsolètes, redondantes ou d’en clarifier le contenu.

Compte tenu de l’absence de toute explication dans l’étude d’impact du projet de loi rectifié sur l’élargissement du champ des règles relatives aux juridictions administratives et financières à modifier, votre rapporteure ne peut qu’être circonspecte sur l’opportunité d’habiliter le Gouvernement à légiférer dans ces domaines par voie d’ordonnances.

C’est la raison pour laquelle, après avoir rencontré le vice-président du Conseil d’État et le Premier président de la Cour des comptes pour évoquer les réformes sous-jacentes à l’élargissement du champ de l’habilitation par rapport au projet de loi initial, elle a proposé à votre Commission :

– de réintégrer, dans le présent projet de loi, les articles 10 à 17 du projet de loi initial sous réserve de quelques aménagements, ainsi que les articles 45 à 58 du même projet de loi, à l’exception de l’article 48 qui renvoyait à un décret le soin de définir les contentieux relevant de la compétence en premier et dernier ressort des cours administratives d’appel alors que cette définition relève de la compétence du législateur ;

– d’insérer sans attendre, dans le présent projet de loi, les réformes statutaires ou organisationnelles d’ores et déjà finalisées au sein de ces juridictions.

Par ailleurs, votre rapporteure tient à porter à la connaissance de la représentation nationale les réformes à venir qui nécessiteront d’être finalisées au terme d’une concertation sociale au sein des juridictions administratives d’une part et des juridictions financières d’autre part, et qui justifient le maintien d’une habilitation resserrée du Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances.

S’agissant de la rénovation du cadre juridique des juridictions administratives, le vice-président du Conseil d’État a indiqué qu’une large concertation avait été menée en 2008-2009 sur la rénovation du statut des magistrats administratifs et des compétences de certaines instances, mais que les orientations envisagées devaient être réactualisées. En l’état, il serait envisagé de :

réformer la composition de la commission supérieure du Conseil d’État pour la rendre plus transparente en y intégrant des personnalités qualifiées dans le domaine du droit, extérieures au corps des magistrats administratifs. Cette commission, composée exclusivement de membres du Conseil d’État, donne actuellement son avis sur les mesures individuelles concernant la discipline et l’avancement des membres du Conseil ainsi que sur tous problèmes intéressant l’organisation et le fonctionnement du Conseil d’État ;

– réformer, dans le même sens, la composition et les compétences du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel ;

– rénover l’échelle des sanctions disciplinaires et les modalités d’évaluation et d’avancement des magistrats administratifs pour les rendre plus transparentes ;

– améliorer le dispositif de formation de ces magistrats ;

– harmoniser les dispositions du code de justice administrative relatives aux compétences de premier et dernier ressort exercées par les juridictions ;

– limiter la durée de certaines fonctions juridictionnelles ou administratives exercées par les membres du Conseil d’État en activité ou honoraires, sous réserve qu’aucun autre texte n’en limite la durée s’il s’agit de fonctions extérieures au Conseil d’État.

S’agissant des juridictions financières, le Premier président de la Cour des comptes a indiqué à votre rapporteure qu’il envisageait des réformes de moindre importance dès lors que certaines sont finalisées et pourraient être intégrées au présent projet de loi.

Ainsi, l’habilitation à légiférer par voie d’ordonnance pourrait être resserrée pour ne procéder qu’à :

– l’alignement des dispositions applicables aux magistrats des chambres régionales des comptes en matière de suspension de fonctions sur celles applicables aux magistrats de la Cour des comptes. Il s’agit notamment de supprimer la disposition imposant de verser l’intégralité du traitement au magistrat suspendu de ses fonctions lorsque la procédure disciplinaire engagée à son encontre est elle-même suspendue jusqu’à l’intervention de la décision du tribunal, une telle situation pouvant durer plusieurs années. Un mécanisme de retenue serait donc privilégié ;

– la correction d’erreurs de renvoi relatives aux propositions de nominations sur lesquelles le conseil supérieur des chambres régionales des comptes donne un avis ;

– l’amélioration de l’articulation des contrôles facultatifs conduits respectivement par la Cour et les chambres régionales des comptes.

Le Premier président a toutefois précisé que le champ de l’ordonnance pourrait utilement être étendu par le Gouvernement pour limiter la durée de certaines fonctions juridictionnelles ou administratives exercées par les membres de la Cour des comptes en activité ou honoraires, sous réserve qu’aucun autre texte n’en limite la durée s’il s’agit de fonctions extérieures à la Cour.

QUATRIÈME PARTIE : LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR VOTRE COMMISSION DES LOIS

I. LE RENFORCEMENT DES DISPOSITIONS DÉONTOLOGIQUES

A. LA MODIFICATION DU CADRE DÉONTOLOGIQUE APPLICABLE À LA FONCTION PUBLIQUE

1. La protection des lanceurs d’alerte

Votre rapporteure a souhaité conforter le dispositif, prévu à l’article 3, de protection des fonctionnaires lanceurs d’une alerte relative à une situation de conflit d’intérêts. En conséquence, la commission des Lois a :

– fait en sorte que l’obligation pour l’agent d’en référer au préalable à sa hiérarchie ne consiste pas nécessairement à s’adresser à son supérieur direct. Dans le cas où ce dernier est en cause, la situation de conflit d’intérêts pourra être portée à la connaissance d’une autre autorité hiérarchique ;

– ajouté les futurs « référents déontologues » parmi les canaux susceptibles de recevoir une alerte lancée par un fonctionnaire.

2. Les déclarations d’intérêts et les déclarations de situation patrimoniale

Sur proposition de Mme Cécile Untermaier, en dépit de l’avis défavorable de votre rapporteure et du Gouvernement, la Commission a confié à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) – plutôt qu’à la commission de déontologie de la fonction publique – le soin d’apprécier la réalité d’une éventuelle situation de conflit d’intérêts touchant un fonctionnaire, sur saisine de l’autorité hiérarchique. C’est donc la Haute Autorité qui recevrait les déclarations d’intérêts transmises par le supérieur hiérarchique souhaitant bénéficier d’un avis – et, le cas échéant, d’une recommandation – sur l’éventualité d’un conflit d’intérêts concernant l’un de ses agents (nouvel article 25 quater, résultant de l’article 4 du projet de loi).

Le projet de loi présentait, par ailleurs, une lacune importante : à la différence des lois du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique, il comportait peu de dispositions permettant de s’assurer de l’exactitude des déclarations et de contrôler leur contenu.

En conséquence, à l’initiative de M. Paul Molac et de votre rapporteure, la commission des Lois a apporté plusieurs précisions sur le contenu et la mise à jour des déclarations d’intérêts et de situation patrimoniale :

– ces déclarations doivent être exhaustives, exactes et sincères ;

– elles doivent être actualisées, dans un délai de deux mois, en cas de modification substantielle des intérêts ou du patrimoine du fonctionnaire ;

– les déclarations de situation patrimoniale remises lors de la cessation des fonctions doivent comporter une récapitulation de l’ensemble des revenus de l’agent et une présentation des événements majeurs ayant affecté la composition de son patrimoine depuis la précédente déclaration.

Sur proposition de votre rapporteure, la commission des Lois a renforcé les pouvoirs d’investigation de la commission de déontologie, en lui permettant d’échanger avec la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique les informations nécessaires à l’accomplissement de leurs missions respectives, y compris celles couvertes par le secret professionnel (articles 8 et 9). L’échange réciproque d’informations entre ces deux organismes sera particulièrement utile, compte tenu de la proximité de leurs compétences et du chevauchement des champs des personnes soumises à leur contrôle – en particulier en matière de départs vers le secteur privé.

À l’initiative de votre rapporteure, la commission des Lois a également transposé aux agents publics les sanctions pénales prévues par la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique (article 4 du projet de loi). Le fait, pour un fonctionnaire, d’omettre de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ou de ses intérêts ou de fournir une évaluation mensongère de son patrimoine sera puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. À titre complémentaire, pourront être prononcées des interdictions des droits civiques et d’exercer une fonction publique.

Votre rapporteure a, par ailleurs, souhaité renforcer les moyens de contrôle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique sur les déclarations de situation patrimoniale des fonctionnaires – là encore, par souci de parallélisme avec les lois du 11 octobre 2013 (article 4 du projet de loi). Ainsi, la Haute Autorité :

– devra saisir le parquet si elle constate une variation d’une situation patrimoniale révélant l’existence d’une infraction pénale ;

– pourra demander au fonctionnaire toute explication nécessaire à l’exercice de sa mission de contrôle des déclarations de situation patrimoniale. En cas de déclaration incomplète ou lorsqu’il n’aura pas été donné suite à une demande d’explications, elle pourra adresser à l’agent une injonction tendant à ce que la déclaration soit complétée ou que les explications lui soient transmises dans un délai d’un mois. L’absence de respect de cette injonction sera pénalement sanctionnée d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ;

– pourra obtenir les déclarations de revenus ou d’impôt de solidarité sur la fortune du fonctionnaire (ou de son époux, de son partenaire de pacte civil de solidarité ou de son conjoint) et pourra échanger avec l’administration fiscale dans les mêmes conditions que celles prévues à l’article 6 de la loi du 11 octobre 2013 précitée.

3. La commission de déontologie de la fonction publique

Outre la modification déjà évoquée en matière de déclarations d’intérêts, la commission des Lois, sur proposition de votre rapporteure, a élargi le pouvoir consultatif de la commission de déontologie de la fonction publique, en l’étendant à l’application des nouveaux articles 25 nonies et 28 bis de la loi du 13 juillet 1983 précitée (article 8 du projet de loi). Ceci lui permettra en particulier de donner son avis sur la mise en place des futurs référents déontologues et sur les projets de décrets en Conseil d’État précisant les règles déontologiques dans la fonction publique.

En outre, à l’initiative de la rapporteure, votre Commission est revenue sur la suppression des représentants de chaque fonction publique au sein de la commission de déontologie. Elle a ainsi rétabli la présence des deux membres siégeant au sein des formations spécialisées, au titre de chacune des trois fonctions publiques.

Sur proposition de M. Paul Molac, la commission des Lois a également prévu que la commission de déontologie devra comprendre un nombre égal de femmes et d’hommes.

B. LES MODIFICATIONS DE LA LOI DU 11 OCTOBRE 2013 SUR LA TRANSPARENCE DE LA VIE PUBLIQUE

Jugeant trop élevé le seuil de 80 000 habitants proposé à l’article 9 du projet de loi, votre commission des Lois, à l’initiative de la rapporteure, a étendu l’obligation d’établir une déclaration d’intérêts et une déclaration de situation patrimoniale aux directeurs, directeurs adjoints et chefs de cabinet de l’ensemble des exécutifs locaux déjà soumis à la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 sur la transparence de la vie publique.

Ceci a pour effet d’abaisser de 80 000 à 20 000 habitants le seuil applicable aux communes et aux EPCI à fiscalité propre et d’inclure les EPCI dont les recettes annuelles excèdent 5 millions d’euros.

Par ailleurs, sur proposition de votre rapporteure, la commission des Lois a introduit plusieurs dispositions améliorant ou clarifiant la loi du 11 octobre 2013 précitée :

– précision du mode de calcul du seuil de 5 millions d’euros applicable aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dont le président est tenu de déclarer ses intérêts et sa situation patrimoniale ;

– application des obligations déclaratives tant aux élus locaux ayant reçu une délégation de signature qu’à ceux titulaires d’une délégation de fonction ;

– transposition à l’ensemble des déclarants des règles applicables aux membres du Gouvernement lorsque la personne a déjà transmis une déclaration de situation patrimoniale il y a moins de six mois ;

– harmonisation des règles applicables aux dirigeants d’entreprises et d’organismes publics en matière de déclarations de situation patrimoniale ;

– extension à deux mois (au lieu de quatre semaines) du délai dont dispose la Haute Autorité pour se prononcer sur un projet de départ vers le secteur privé d’un membre du Gouvernement ou du titulaire d’une fonction exécutive locale.

C. L’INTRODUCTION D’UN CADRE DÉONTOLOGIQUE APPLICABLE AUX JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET FINANCIÈRES

Insérés à l’initiative de votre rapporteure, les articles 9 bis à 9 nonies réintroduisent, en les modifiant, les dispositions relatives à la déontologie des membres des juridictions administratives et des juridictions financières qui figuraient dans la version initiale du projet de loi, avant d’être renvoyées à de futures ordonnances (1° du I et 1° du II de l’article 25) par la lettre rectificative du 17 juin 2015.

Ces articles introduisent, pour l’ensemble des membres de ces juridictions, l’obligation d’établir une déclaration d’intérêts. Ils prévoient également, pour les titulaires des plus hautes fonctions, l’obligation de remettre une déclaration de situation patrimoniale auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (42).

Ils consacrent dans la loi plusieurs mécanismes déjà existants, tels que :

– la pratique de l’entretien déontologique, visant à prévenir les conflits d’intérêts ;

– la charte de déontologie des juridictions financières et la charte de déontologie des membres de la juridiction administrative (adoptées, respectivement, en 2006 et 2011) ;

– le collège de déontologie des juridictions financières et le collège de déontologie de la juridiction administrative.

Enfin, ces articles renforcent les obligations de déport en cas de situation de conflit d’intérêts.

II. LA MODERNISATION DES DROITS ET OBLIGATIONS DES FONCTIONNAIRES

A. L’EXTENSION DE LA PROTECTION FONCTIONNELLE AUX PRATICIENS HOSPITALIERS

Sur proposition du Gouvernement et suivant l’avis favorable de votre rapporteure, la commission des Lois a étendu le bénéfice de la protection fonctionnelle aux praticiens hospitaliers mentionnés à l’article L. 6152-1 du code de la santé publique (article 8 du projet de loi). 

B. LE RENFORCEMENT DE LA PROTECTION DES AGENTS DES FORCES SPÉCIALES ET DU CONTRE-ESPIONNAGE

1. La protection de l’identité des membres des forces spéciales

À l’initiative du Gouvernement, la Commission a adopté deux amendements portant articles additionnels permettant de mieux protéger l’identité des membres des forces spéciales :

– l’article 10 bis modifie le code pénal afin de réprimer plus sévèrement la révélation et la divulgation de toute information susceptible de conduire à la découverte de l’identité d’un membre des forces spéciales de l’armée ou des unités d’intervention spécialisées dans la lutte contre le terrorisme des forces de sécurité intérieure (groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN), Raid) ;

– l’article 10 ter modifie le code de procédure pénale pour permettre une meilleure protection de l’identité des membres des forces spéciales au cours des procédures judiciaires.

2. L’application aux membres des forces spéciales de certains bénéfices du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre

Dans un contexte international caractérisé par la multiplication des menaces et des conflits, certains cadres de fonctionnaires du service de documentation extérieure et du contre-espionnage peuvent être conduits à servir en mission sur des territoires les exposant à des risques élevés. Il est donc nécessaire de mettre en place un dispositif adéquat de telle sorte qu’ils bénéficient d’une protection et d’avantages à la hauteur des risques encourus.

À l’initiative du Gouvernement, la Commission a adopté un amendement portant article additionnel, l’article 10 quater, permettant d’appliquer à ces agents plusieurs dispositions du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, et notamment les articles relatifs aux droits à pension, aux conditions dans lesquelles les conjoints peuvent bénéficier d’une pension de réversion, à l’accès à la sécurité sociale, à l’attribution de la carte du combattant et au régime relatif aux emplois réservés.

C. LA RÉINTRODUCTION DES ARTICLES DU PROJET DE LOI INITIAL RELATIFS À LA MOBILITÉ DES FONCTIONNAIRES

Sur proposition de votre rapporteure, la Commission a adopté, après avis favorable du Gouvernement, sept articles additionnels numérotés 11 bis à 11 septies et 24 C réintroduisant dans le présent projet de loi tout ou partie des articles 18 à 22 et 24 du projet initial.

L’article 11 bis clarifie les positions statutaires pour les rendre communes aux trois fonctions publiques (ex article 18 du projet de loi initial).

L’article 11 ter simplifie et unifie la structure des corps et cadres d’emplois entre les trois versants de la fonction publique autour de trois mêmes catégories hiérarchiques (A, B et C) en supprimant la catégorie D dans la fonction publique hospitalière (ex article 19 du projet de loi initial).

L’article 11 quater tire les conséquences de l’article 11 bis en abrogeant la position « hors cadres » et en transformant en position d’activité les positions actuellement prévues pour l’accomplissement du service national et des activités dans la réserve opérationnelle, dans la réserve sanitaire et dans la réserve de la police nationale (ex article 20 du projet de loi initial).

L’article 11 quinquies modernise le champ d’application de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, pour tenir compte des évolutions terminologiques afférentes à l’organisation administrative de l’État depuis cette date et pour compléter la définition de la position d’activité décrite à l’article 33 de cette loi (ex article 21 du projet de loi initial).

L’article 11 sexies encadre et sécurise les possibilités de mise à disposition hors de l’administration d’origine du fonctionnaire (ex article 22 du projet de loi initial).

L’article 11 septies abroge l’expérimentation du cumul d’emplois à temps non complet dans les trois fonctions publiques (ex article 24 du projet de loi initial).

En conséquence, le champ de l’habilitation à légiférer par voie d’ordonnance sur ces sujets tel que prévu par l’article 24 du présent projet de loi a été sensiblement restreint.

D. LA MODERNISATION DES GARANTIES DISCIPLINAIRES DES AGENTS PUBLICS

1. L’encadrement du délai de prescription

La Commission, sur proposition de votre rapporteure, a adopté un amendement visant à préciser le point de départ du délai de prescription.

La formulation du projet de loi consistant à faire courir le délai de prescription à compter du jour où l’administration a eu connaissance des faits passibles de sanction paraissait trop imprécise. Le point de départ du délai de prescription a donc été remplacé par « l’établissement de la matérialité des faits passibles de sanction », qui est plus protecteur pour les parties, car il incite l’administration à établir la matérialité des faits avant d’engager une procédure disciplinaire.

En outre, la Commission a adopté, sur proposition de votre rapporteure, un amendement visant à aligner le délai de prescription de l’action disciplinaire sur celui de l’action publique : l’administration doit être en mesure de tirer au plan disciplinaire les conséquences de fautes commises par un agent public aussi longtemps que celles-ci peuvent donner lieu à poursuites pénales.

2. La généralisation au sein des sanctions du premier groupe de l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours

Si l’objectif visant à rapprocher les régimes de sanctions disciplinaires entre les différentes fonctions publiques est louable, il n’est pas pertinent de supprimer du premier groupe l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours qui existe actuellement dans la fonction publique territoriale. Cette sanction, dont la mise en œuvre est relativement souple puisque, comme les autres sanctions du premier groupe, elle ne nécessite pas la réunion du conseil de discipline, est très efficace.

Votre rapporteure a donc soumis à la Commission, qui l’a adopté, un amendement généralisant la sanction d’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours à l’ensemble de la fonction publique.

3. La suppression de la présence du juge administratif lors des conseils de discipline dans la fonction publique territoriale

La fonction publique territoriale est le seul versant de la fonction publique pour lequel il est prévu que lorsque la commission administrative paritaire siège en conseil de discipline, elle est présidée par un magistrat de l’ordre administratif. La procédure actuelle entraine pour les collectivités territoriales des rigidités qui n’apparaissent pas justifiées.

À l’initiative de votre rapporteure, la Commission a donc adopté un amendement portant article additionnel, le nouvel article 13 bis, qui supprime la présence du juge administratif lors des conseils de discipline dans la fonction publique territoriale.

E. UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DES « REÇUS COLLÉS »

Près de 10% des lauréats des concours de la fonction publique territoriale, chaque année, se retrouvent dans la situation d’être « reçus-collés », c’est-à-dire rayés des listes d’aptitude faute d’avoir trouvé un poste. Cette situation n’est pas satisfaisante.

1. Encourager les lauréats à acquérir de l’expérience professionnelle

La Commission a introduit, à l’initiative de Mme Cécile Untermaier, avec l’avis favorable de la rapporteure et avis de sagesse du Gouvernement, un article 15 bis, permettant de ne pas décompter les missions de remplacement effectuées dans la fonction publique territoriale par des agents non titulaires, lauréats des concours de la fonction publique territoriale, de la période des trois ans d’inscription sur liste d’aptitude.

Beaucoup de lauréats acceptent des missions temporaires dans la fonction publique territoriale afin d’accumuler de l’expérience et d’augmenter ainsi leurs chances d’être recrutés sur un poste de fonctionnaire stagiaire. La non prise en compte de ces périodes de mission temporaire, de la durée d’inscription sur liste d’aptitude valorisera davantage les compétences ainsi acquises.

2. La prolongation d’un an de la validité de la durée d’inscription sur la liste d’aptitude des lauréats de la fonction publique territoriale

Actuellement, les lauréats des concours de la fonction publique territoriale sont inscrits sur une liste d’aptitude pour une durée initiale d’une année. Cette inscription est renouvelable deux fois, à leur demande expresse. Ils ont donc au total trois ans pour être recrutés sur un poste de « fonctionnaire stagiaire ».

L’article 24 G, introduit à l’initiative de Mme Untermaier, avec l’avis favorable de votre rapporteure et de sagesse du Gouvernement, porte à quatre ans – soit une prolongation d’une année – la durée d’inscription sur la liste d’aptitude des lauréats de la fonction publique territoriale. L’allongement de la durée d’inscription peut constituer un moyen de réduire le nombre de reçus-collés, en offrant aux lauréats davantage de temps pour valoriser leurs compétences et trouver le poste adéquat. Cet article retient par ailleurs une durée d’inscription initiale de deux ans – au lieu d’une année aujourd’hui.

F. L’AMÉLIORATION DE LA SITUATION DES AGENTS NON TITULAIRES

1. La protection des contractuels lanceurs d’alerte

Sur proposition de votre rapporteure, la Commission a adopté à l’article 14 un amendement permettant d’adapter aux agents contractuels les mesures de protection des lanceurs d’alerte introduites au titre Ier du présent projet de loi.

1. L’abrogation de la possibilité de recourir à l’intérim dans la fonction publique de l’État et la fonction publique territoriale

L’article 18 bis, introduit à l’initiative de votre rapporteure, abroge la possibilité de recourir à l’intérim dans la fonction publique de l’État et la fonction publique territoriale.

La clarification des cas de recours au contrat opérée par la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique rend en grande partie inutile le recours à l’intérim – à l’exception notable de la fonction publique hospitalière, où l’obligation de continuité et de sécurité des soins, de jour comme de nuit, et le respect des ratios de professionnels définis réglementairement pour certaines activités justifient qu’il y soit recouru en dernier recours.

2. La généralisation dans la fonction publique de l’État du primo-recrutement en CDI pour pourvoir des emplois permanents correspondant à des missions pour lesquelles il n’existe pas de corps de fonctionnaires

L’article 18 ter, introduit à l’initiative du Gouvernement, généralise le primo-recrutement en contrat à durée indéterminée (CDI) pour pourvoir des emplois permanents correspondant à des missions pour lesquelles il n’existe pas de corps de fonctionnaires.

3. La prolongation du dispositif de titularisation créé par la loi du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire

L’article 18 quinquies, introduit à l’initiative du Gouvernement, avec l’avis favorable de votre rapporteure, prolonge de deux ans le plan de titularisation des agents non titulaires mis en place dans le cadre de la loi du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire dite « loi Sauvadet ».

G. L’ÉLARGISSEMENT DE L’OBLIGATION DE REPRÉSENTATION ÉQUILIBRÉE ENTRE LES SEXES DANS LA FONCTION PUBLIQUE

Sur proposition de votre rapporteure et après avis favorable du Gouvernement, la Commission a adopté quatre articles additionnels ayant pour objet d’améliorer la représentation équilibrée entre les sexes dans les différentes instances de la fonction publique.

Elle a ainsi consacré l’engagement pris en ce sens par le Premier ministre et la ministre de la Fonction publique dans le protocole d’accord relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique signé le 8 mars 2013.

L’article 19 bis modifie les statutaires relatives à la fonction publique de l’État et à la fonction publique hospitalière pour y inscrire l’obligation d’une proportion minimale de 40 % de personnes de chaque sexe parmi les membres des commissions administratives paritaires.

L’article 19 quinquies renforce et accélère la représentation équilibrée entre les sexes parmi les personnalités qualifiées nommées administrateurs dans les conseils d’administration, les conseils de surveillance et les organes équivalents des établissements publics. Il précise notamment la progression permettant d’atteindre cette proportion équilibrée entre les deux sexes : nomination d’au moins une personne de chaque sexe dès la première vacance ; nomination de 40 % de chaque sexe à partir du premier renouvellement et de 50 % à partir du deuxième renouvellement.

L’article 19 sexies introduit l’obligation de respecter une proportion minimale de 40 % de personnes de chaque sexe parmi les membres du Conseil commun de la fonction publique, du Conseil supérieur de la fonction publique de l’État, du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale et du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière, à compter du 1er janvier 2019.

Enfin, l’article 24 C réforme le congé pour maternité ou pour adoption et le congé de paternité et d’accueil de l’enfant des agents publics pour favoriser l’exercice conjoint de la parentalité entre les hommes et les femmes au moment de la naissance ou de l’adoption d’un enfant (ex article 31 du projet de loi initial).

H. LA RÉNOVATION DES DROITS SYNDICAUX DES FONCTIONNAIRES

La commission des Lois a adopté six articles additionnels visant à rénover les droits syndicaux dans la fonction publique, un à l’initiative de votre rapporteure et cinq à celle du Gouvernement.

L’article 19 ter, adopté à l’initiative de votre rapporteure, après avis favorable du Gouvernement, étend le périmètre de la mutualisation des droits syndicaux dans la fonction publique territoriale et assouplit leurs modalités d’utilisation afin de renforcer le dialogue social, notamment dans les plus petites collectivités territoriales.

L’article 20 bis, adopté à l’initiative du Gouvernement, après avis favorable de votre rapporteure, abroge les obligations comptables des organisations syndicales de fonctionnaires mentionnées dans le code du travail, qui ne s’avèrent ni nécessaires ni justifiées.

L’article 20 ter, adopté à l’initiative du Gouvernement, après avis favorable de votre rapporteure, modifie les modalités de calcul de la règle de l’accord majoritaire dans la fonction publique afin de ne prendre en compte que les suffrages exprimés en faveur des organisations syndicales habilitées à négocier et à signer un accord.

L’article 20 quater, adopté à l’initiative du Gouvernement, après avis favorable de votre rapporteure, améliore les garanties de carrières des agents exerçant une activité syndicale et regroupe l’ensemble des règles y afférent dans un seul et même article additionnel : il s’agit de l’article 23 bis nouveau de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

Les articles 24 E et 24 F, adopté à l’initiative de la rapporteure, après avis favorable du Gouvernement, introduisent un nouveau congé de formation avec traitement, d’une durée maximale de deux jours ouvrables sur la durée de son mandat, aux représentants du personnel au sein des instances compétentes en matière d’hygiène et de sécurité et de conditions de travail. Ce congé est accordé, sur demande des fonctionnaires concernés, afin de suivre une formation en matière d’hygiène et de sécurité au sein de l’organisme de formation de leur choix. Ces articles visent ainsi à mettre en œuvre la mesure n° 2 du protocole d’accord cadre relatif à la prévention des risques psychosociaux dans la fonction publique, signé le 22 octobre 2013.

I. LE RENFORCEMENT DES OBLIGATIONS DES EMPLOYEURS PUBLICS ET DES GIP À L’ÉGARD DE LEURS AGENTS

La commission des Lois a adopté plusieurs articles additionnels visant à renforcer les obligations des employeurs publics ou des groupements d’intérêt public à l’égard de leurs agents.

L’article 19 quater, adopté à l’initiative de votre rapporteure, après avis favorable du Gouvernement, étend le périmètre d’intervention des commissions consultatives paritaires (CCP) à l’ensemble des agents contractuels des collectivités territoriales alors qu’elles ne sont aujourd’hui compétentes qu’à l’égard des agents non titulaires recrutés sur des emplois permanents en application de l’article 3-3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

L’article 24 A, adopté à l’initiative du Gouvernement, après avis favorable de la rapporteure, étend aux juridictions administratives et financières, aux autorités administratives indépendantes et aux groupements d’intérêt public les obligations d’emploi de travailleurs handicapés. Il consacre ainsi l’engagement pris par le chef de l’État, en clôture de la conférence nationale du handicap du 11 décembre 2014, d’élargir le champ de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés dans la fonction publique.

L’article 24 B, adopté à l’initiative de votre rapporteure, après avis favorable du Gouvernement, renforce les obligations de transparence dans la procédure de recrutement sans concours des fonctionnaires de catégorie C. Il prévoit que désormais les recrutements dans les premières échelles de rémunération de la fonction publique conduiront à la constitution d’un comité de sélection composé de plusieurs personnes chargées d’apprécier l’aptitude des candidats et impose le respect de règles de publicité permettant à toutes les personnes susceptibles d’être intéressées de présenter leur candidature.

L’article 24 H, adopté à l’initiative du Gouvernement, et après l’avis favorable de la rapporteure, élargit les conditions d’accès à l’échelon spécial en renvoyant aux statuts particuliers les conditions de contingentement de celui-ci dans la fonction publique territoriale.

L’article 24 I, adopté à l’initiative de votre rapporteure, après l’avis favorable du Gouvernement, précise le champ d’application de l’article 88-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 relatif à l’action sociale qui doit s’appliquer aux établissements publics de coopération intercommunale.

Face à la pénurie de médecins de prévention, ou médecins du travail, dans les trois versants de la fonction publique, et aux difficultés démographiques attendues durant les dix prochaines années, l’article 24 J, adopté à l’initiative de votre rapporteure, après l’avis favorable du Gouvernement, permet aux médecins de prévention qui le souhaitent de poursuivre leur activité jusqu’à l’âge de 73 ans. Cela permettra d’assurer un meilleur suivi de la santé des agents travaillant dans la fonction publique.

L’article 24 K, adopté à l’initiative de votre rapporteure, permet la saisine de la commission administrative paritaire par le fonctionnaire intéressé en cas de refus opposé à sa demande de télétravail.

L’article 24 bis, adopté à l’initiative de votre rapporteure, précise que le régime indemnitaire des agents territoriaux a vocation à s’appliquer non seulement aux collectivités territoriales mais également à leurs établissements publics.

III. LA MODERNISATION DE L’ORGANISATION DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET FINANCIÈRES ET DU STATUT DE LEURS MEMBRES

À l’initiative de votre rapporteure et après avis favorable du Gouvernement, la commission des Lois a introduit un nouveau titre III bis ayant pour objet de moderniser le cadre juridique des juridictions administratives et financières et les dispositions statutaires applicables à leurs membres.

Ce nouveau titre comprend deux chapitres.

Le chapitre Ier reprend à l’article 23 bis les dispositions des articles 45 à 47 et 49 à 50 du projet de loi initial relatifs aux juridictions administratives (voir supra). Il introduit en outre une nouvelle procédure de référé en formation collégiale, permettant à trois juges des référés de se réunir pour juger en urgence les affaires les plus complexes, sur décision du président de la section du contentieux des juridictions administratives saisies.

Le chapitre II reprend à l’article 23 ter les dispositions des articles 51 à 58 du projet de loi initial relatifs aux juridictions financières (voir supra) et introduit à l’article 23 quater de nouvelles dispositions statutaires applicables aux magistrats de ces juridictions qui visent à :

– rendre accessible la fonction de rapporteur extérieur à temps plein à la Cour des comptes aux agents contractuels employés par la Cour ;

– porter de un à deux au plus le nombre de magistrats de chambre régionale des comptes (CRC) nommés par la voie du tour extérieur dans le corps des magistrats de la Cour des comptes au grade de conseiller référendaire et à augmenter le nombre de rapporteurs extérieurs à temps plein pouvant également y aspirer ;

– supprimer l’incompatibilité entre l’exercice des fonctions de représentant de l’État dans un département ou un arrondissement, ou de directeur départemental ou régional d’une administration publique de l’État et la nomination dans un même ressort, dans les trois ans qui suivent, comme président, vice-président et magistrat de chambre régionale des comptes (CRC).

En conséquence, le champ de l’habilitation à légiférer par voie d’ordonnances pour rénover le cadre statutaire des magistrats des juridictions administratives et financières, tel que prévu par l’article 25 du présent projet de loi, a été restreint.

IV. L’EXTENSION DE L’HABILITATION AUTORISANT LE GOUVERNEMENT À PROCÉDER PAR ORDONNANCE À LA CODIFICATION DU DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE

L’article 26, inséré à l’initiative du Gouvernement, introduit une nouvelle habilitation après celle donnée en 2012 de codification du droit de la fonction publique.

Il prolonge l’habilitation à codifier, déjà largement entreprise et permet l’intégration des dispositions du présent projet, y compris celles qui seront prises par ordonnance.

Il permet également d’harmoniser et d’insérer – à droit constant – au sein du code général de la fonction publique toutes les dispositions relatives aux transferts de personnels. Cette insertion nécessite un recensement exhaustif de celles en vigueur et un travail préalable d’analyse de leur contenu pour procéder à l’harmonisation. Cette insertion a été explicitement souhaitée par la Commission supérieure de codification lors de l’examen du projet de code.

DISCUSSION GÉNÉRALE

Lors de ses deux séances du jeudi 1er octobre 2015, la Commission procède à l’examen, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires (n° 1278, n° 2880).

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Madame la ministre de la Décentralisation et de la fonction publique, je vous souhaite la bienvenue à la commission des Lois. Vous savez que vous trouverez ici une oreille attentive aux réformes que vous portez et une volonté de collaboration. Nous sommes extrêmement réceptifs aux différents projets de loi que le Gouvernement propose et nous souhaitons travailler dans de bonnes conditions, comme vous avez pu le constater à travers la manière dont nous avons anticipé l’examen du texte que nous abordons aujourd’hui.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation et de la fonction publique. En 2013, après plusieurs séances de discussion avec mes collègues du Gouvernement, nous avons décidé d’établir une séparation nette entre ce qui concernait les élus de la République et ce qui concernait les fonctionnaires, en leur consacrant deux textes différents : d’une part, la loi relative à la transparence de la vie publique, qui a déjà été adoptée ; d’autre part, le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, que je vous présente aujourd’hui. Soyez assuré, monsieur le Président, que, tenant compte de vos déclarations, nous avons fait le maximum pour qu’il y ait un nombre minime d’amendements du Gouvernement déposés tardivement.

Le 17 juin dernier, j’ai déposé sur le Bureau de votre assemblée une lettre rectificative au projet de loi, dont le nombre d’articles est ainsi passé de cinquante-neuf à vingt-cinq, beaucoup de dispositions pouvant être prises par ordonnances.

Plus de trente ans après la « loi Le Pors » du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, notre objectif est de réaffirmer les valeurs qui guident l’action publique, ce qui me paraît particulièrement opportun dans la période que nous vivons. Il s’agit d’abord de renforcer la place des valeurs de la fonction publique et les dispositifs applicables en matière de déontologie : c’est le titre Ier. Il s’agit ensuite d’actualiser les obligations et les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires : c’est le titre II. Il s’agit enfin d’inscrire dans le statut général les premiers acquis de l’action du Gouvernement en faveur de l’exemplarité des employeurs publics : c’est le titre III.

Nous avons à réaffirmer les principes fondamentaux du statut général des fonctionnaires, texte peu connu sur lequel l’attention sera attirée à la faveur de ce projet de loi. L’article 1er pose les obligations de dignité – notion sur laquelle nous avons eu de très longues discussions avec les organisations syndicales –, d’impartialité, d’intégrité et de probité auxquelles doit répondre tout agent public. Il rappelle le respect du principe de laïcité, ce qui a semblé particulièrement important au Président de la République, au Premier ministre et à moi-même dans la période que nous connaissons. Cela implique que le fonctionnaire ne doit pas manifester son opinion religieuse dans l’exercice de ses fonctions. Nous avons discuté non seulement avec l’ensemble des représentants des fonctionnaires, mais aussi avec l’ensemble des autorités religieuses et philosophiques, pour nous accorder sur ce qu’implique l’application de ce principe, en particulier l’égalité de traitement pour toutes les personnes dans leur liberté de conscience et leur dignité.

Le projet de loi tend à renforcer certains droits des fonctionnaires. Il étend ainsi la protection fonctionnelle à tous les agents faisant l’objet de condamnations civiles ou de poursuites pénales en relation avec l’exercice de leurs fonctions, ainsi qu’à leurs familles. Rappelons ici que ce qui a motivé notre décision est un cas dramatique, lourd de conséquences en termes humains et financiers.

Le texte améliore la protection des lanceurs d’alerte.

Il instaure une limitation à trois ans du délai de prescription de l’action disciplinaire qui vise à éviter que ne traînent en longueur les dossiers de ce type.

Il comporte une modernisation des garanties disciplinaires et, en cas de poursuites pénales, le reclassement provisoire des agents placés sous contrôle judiciaire – question délicate qui passionne beaucoup de juristes.

Ces droits sont assortis d’obligations nouvelles.

Afin d’améliorer la prévention des conflits d’intérêts, le texte renforce les contrôles avant nomination – la liste des emplois concernés fera l’objet d’un décret en Conseil d’État – impose des obligations déclaratives – transmission préalable d’une déclaration d’intérêts et d’une déclaration de situation patrimoniale auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) – ainsi que l’obligation de gestion du patrimoine par un tiers.

Il procède, en outre, à une réforme des règles de cumul d’activités : interdiction du cumul de plusieurs emplois permanents – point sur lequel plusieurs d’entre vous nous ont aidé à progresser, même si nous ne sommes pas allés aussi loin que certains le souhaitent – ; resserrement des possibilités de cumuler son emploi avec la création ou la reprise d’une entreprise – sujet hautement délicat qui concerne le temps de travail – ; encadrement des activités accessoires et obligation pour l’agent à temps non complet d’établir une déclaration relative à son activité privée et de la transmettre à la commission de déontologie de la fonction publique (CDFP).

La commission de déontologie est renforcée par un pouvoir d’enquête et d’investigation, par la création de référents déontologues vers lesquels tous les fonctionnaires pourront se tourner et par une meilleure articulation de ses compétences avec celles de la HATVP, sujet délicat sur lequel nous reviendrons.

Enfin, il est procédé à une amélioration et une clarification des droits des agents contractuels : clarification des règles de calcul de l’ancienneté, enjeu important compte tenu de la forte proportion de contractuels – près de 30 % – dans l’ensemble de la fonction publique ; meilleure prise en compte de l’ancienneté pour bénéficier d’un contrat à durée indéterminée (CDI) ; titularisation ou transformation en CDI pour les agents occupant des postes permanents nécessitant des qualifications spécifiques auxquelles aucun corps de fonctionnaires ne répond.

J’en viens aux amendements du Gouvernement, Monsieur le Président. Cinq d’entre eux prennent directement en compte les avancées de l’agenda social : prorogation des dispositifs de titularisation institués par le ministre François Sauvadet – ce qui renvoie à ma remarque sur le nombre de contractuels, que beaucoup jugent excessif – ; généralisation de l’expérimentation du primo-recrutement en CDI ; amélioration de la carrière des représentants syndicaux, qui fait l’objet de deux amendements traduisant les avancées intervenues dans les négociations depuis 2013 ; clarification des règles de validité des accords, sujet également d’une actualité brûlante…

Une partie du projet de loi procède de la décision du Premier ministre d’appliquer le protocole que j’ai eu l’honneur de discuter avec l’ensemble des organisations syndicales – le texte n’ayant pas obtenu la majorité, il ne s’agit pas d’un accord. Les points qui ont réuni une quasi-unanimité sont ainsi inscrits dans le texte : mobilité, commissions, transformation des primes en points – laquelle constitue un premier pas vers un transfert de l’indemnitaire sur l’indiciaire, qui est une très ancienne revendication des fonctionnaires.

La loi, une fois votée, donnera lieu à de nombreux décrets relatifs aux modifications des statuts des corps concernés, aux carrières et aux indices.

Je vous remercie, monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, pour votre attention.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. S’agissant des amendements, madame la ministre, je précise que la majorité de la commission des Lois – je ne peux parler pour l’opposition, absente aujourd’hui – a souhaité attirer l’attention du Gouvernement sur le fait que la Commission devait être en mesure de jouer pleinement son rôle. Il ne s’agit pas pour nous d’empêcher le Gouvernement de déposer des amendements, mais seulement de l’inviter à le faire en temps utile afin qu’ils puissent recueillir l’avis expert du rapporteur et être soumis à une fructueuse discussion collective en commission. Ainsi, nous porterons ensemble la loi que vous venez de nous présenter avec justesse. En revanche, tout amendement déposé après l’examen en commission aurait du mal à se faire adopter…

Mme Françoise Descamps-Crosnier, rapporteure. Monsieur le Président, madame la ministre, mes chers collègues, je n’ai pas besoin, après la présentation de Mme la ministre, de revenir en détail sur le contenu du projet de loi. Je préfère concentrer mon propos sur quelques considérations générales, avant de poser plusieurs questions précises.

Auparavant, une remarque sur la procédure : il était temps que ce projet de loi soit inscrit à l’ordre du jour !

D’abord parce que c’est le premier texte de la législature – et peut-être le dernier – portant sur la fonction publique.

Ensuite parce que ce projet de loi a été déposé en juillet 2013, c’est-à-dire il y a plus de deux ans, à un moment où les lois sur la transparence de la vie publique n’étaient pas encore définitivement adoptées. Depuis lors, la rapporteure que je suis a procédé à de nombreuses auditions et consultations, mais sans que la discussion parlementaire puisse s’engager sur ce texte.

Enfin, parce que de nombreuses contributions au débat national sur la fonction publique, ces dernières années, ont malheureusement eu tendance à adopter un parti pris qui n’a pas permis un débat honnête et serein. Les fonctionnaires ont été dépeints trop souvent d’une manière qui ne reflète en rien la qualité de notre fonction publique, ni le dévouement au service de l’intérêt général des femmes et des hommes qui la composent. Il y a lieu de moderniser le statut dont nous avons fêté les trente ans en 2013, et dont les dernières réformes ont écorné la conception traditionnelle que la France se fait de sa fonction publique. Nous engageons ce travail et je souhaite, comme le Gouvernement, qu’il se fasse dans l’honnêteté intellectuelle et la sincérité.

Je me réjouis donc que nous abordions enfin la discussion de ce projet de loi, même si son inscription à l’ordre du jour s’est faite au prix d’une réduction de son volume, la lettre rectificative du 17 juin 2015 s’accompagnant de nombreux renvois à des ordonnances. Il faut que le Parlement exerce sa compétence dans toute sa plénitude, et le choix opéré par le Gouvernement d’une très large habilitation me paraît discutable. Pour cette raison, je vous proposerai tout à l’heure des amendements visant à réintégrer, dans une version actualisée, la majeure partie des dispositions figurant dans la version initiale du projet de loi et à supprimer les renvois correspondants aux ordonnances. Il s’agit de dispositions relatives, d’une part, à la déontologie des juridictions administratives et financières et, d’autre part, à diverses règles statutaires concernant les membres de ces mêmes juridictions ainsi qu’à la mobilité des fonctionnaires de manière générale.

Sur le fond, la philosophie générale de ce texte est connue : il s’agit de rénover les conditions de l’action publique, en modernisant le statut général des fonctionnaires.

Un important volet du texte est consacré à la réaffirmation des exigences déontologiques incombant aux fonctionnaires. Contrairement à certaines présentations, cette question n’a rien d’inédite : tout agent public doit, au quotidien, faire face à des obligations spécifiques, inhérentes à l’exercice de fonctions au nom de l’intérêt général et au service des usagers. Le projet de loi en prend acte, en introduisant explicitement dans le statut général une série d’outils qui permettront de consolider et de développer la culture déontologique au sein de la fonction publique : énumération des obligations des agents publics, prévention et traitement des conflits d’intérêts, instauration de référents déontologues, protection des lanceurs d’alerte, mise en place de déclarations d’intérêts et de déclarations de situation patrimoniale, redéfinition des possibilités de cumul d’activités, renforcement du contrôle du « pantouflage » dans le secteur privé, etc.

Il s’agit aussi – je veux ici le dire très clairement – de réaffirmer à l’intention des citoyens français, des usagers du service public, la qualité de notre fonction publique et l’exigence de son cadre d’action. C’est particulièrement important dans un contexte de très forte évolution des organisations et d’attentes toujours plus grandes de nos concitoyens vis-à-vis des services publics.

S’agissant de la déontologie, je souhaiterais vous interroger, madame la ministre, sur plusieurs points.

La définition du périmètre des agents qui seront tenus de déclarer leurs intérêts et leur patrimoine est renvoyée à des décrets en Conseil d’État. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point et sur le choix qui consiste, je crois, à retenir un périmètre plus large pour les déclarations d’intérêts et un champ plus restreint pour les déclarations de patrimoine ? Quels seront respectivement les agents concernés ?

La répartition des compétences entre la commission de déontologie de la fonction publique (CDFP) et la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) soulève plusieurs interrogations. Le choix de confier à la Haute Autorité l’ensemble des déclarations de patrimoine va dans le bon sens, même s’il ne s’accompagne pas de moyens de contrôle suffisants : je vous proposerai des amendements visant à y remédier. Le projet de loi organise un nouveau système qui a pour ambition d’assurer une diffusion aussi large que possible de la culture déontologique dans nos administrations. La prévention des conflits d’intérêts est au cœur de cette approche. La commission de déontologie se voit confier un rôle beaucoup plus important qu’aujourd’hui : elle devient l’institution de référence en matière de déontologie et de prévention des conflits d’intérêts, notamment grâce à de nouvelles missions, dont l’examen des déclarations d’intérêts. Disposera-t-elle bien des moyens nécessaires pour prendre toute la mesure de cette dernière mission ?

À défaut de parvenir à une répartition totalement satisfaisante des compétences, laquelle ne pourrait être atteinte qu’au prix d’une fusion des deux organes de contrôle, il me semble indispensable que la commission de déontologie et la Haute Autorité puissent collaborer étroitement. Je vous proposerai un amendement en ce sens, afin de leur permettre d’échanger des informations en les déliant mutuellement du secret professionnel. Qu’en pensez-vous ?

Une innovation importante apportée par la lettre rectificative de juin dernier est l’instauration de référents déontologues. Par ce biais, c’est un véritable droit au conseil déontologique qui est créé pour les agents. Les référents seront, en raison de leur rôle de conseil de proximité, au cœur même de l’ambition de diffusion de la culture déontologique. Le cadre juridique proposé par le Gouvernement en ce qui les concerne est très ouvert : comment envisagez-vous leur fonctionnement ?

Dernière question sur la déontologie : le resserrement des possibilités de cumul d’activités suscite certaines inquiétudes, aussi bien chez les agents eux-mêmes que chez ceux qui réfléchissent aux évolutions de la fonction publique. Pour ma part, je regrette que nous ne disposions que de très peu de chiffres en la matière ; ils permettraient un examen objectif et donc plus serein de la situation. Pour ne citer que quelques exemples : combien de fonctionnaires sont devenus auto-entrepreneurs ces dernières années ? Les tendances récentes sont-elles à la hausse ou à la baisse ? Combien d’agents, dans les trois fonctions publiques, exercent des activités à titre accessoire ? Y a-t-il eu beaucoup de pratiques abusives ces dernières années, comme le suggère – mais sans réellement l’étayer – l’étude d’impact du projet de loi ? Il m’apparaît essentiel, tout en approuvant les principes que vous nous proposez d’adopter, madame la ministre, de nous assurer que nous ne déstabilisons pas, sans le vouloir, le cadre juridique qui accompagne des pratiques tout à fait acceptables du point de vue de la déontologie, notamment en ce qui concerne les catégories d’agents les plus modestes. C’est le souci qui animera, je le sais, certains membres de cette commission.

Toutefois la déontologie est loin d’être le seul objet du projet de loi, qui a une portée bien plus large : le texte propose plusieurs avancées statutaires importantes que je tiens à souligner.

C’est le cas de l’amélioration de la situation des agents non titulaires, notamment par le meilleur encadrement du recours au contrat et par une meilleure prise en compte de leur ancienneté. C’est le cas aussi grâce à l’extension de la protection fonctionnelle des agents et de leurs familles. Ce texte instaure aussi des mesures concrètes d’amélioration des garanties des agents en matière disciplinaire, avec l’instauration d’un délai de prescription alors que l’imprescriptibilité de l’action disciplinaire était jusqu’à présent la règle.

Ce texte réforme en outre le Conseil commun de la fonction publique.

Sans doute s’enrichira-t-il d’autres dispositions au cours de nos débats pour tenir compte des discussions et des négociations entre les employeurs publics et les organisations syndicales représentant les fonctionnaires.

Je souhaite vous soumettre plusieurs questions relatives aux droits et obligations des fonctionnaires.

S’agissant de la protection fonctionnelle, sait-on si son coût est constant, en augmentation ou en diminution ? La protection fonctionnelle étendue aux ayants droit est déjà la norme pour certaines catégories de fonctionnaires : est-elle très utilisée ?

S’agissant de la prescription disciplinaire, je vous proposerai un amendement permettant de préciser le délai à compter duquel la prescription commence à courir. Il me semble que la date à laquelle l’administration établit la matérialité des faits passibles de sanction est plus précise et plus protectrice pour les parties, car elle incite l’administration à établir la matérialité des faits avant d’engager une procédure disciplinaire. Par ailleurs, elle ne présuppose pas de mener systématiquement une enquête administrative quand les faits passibles de sanction sont avérés. Qu’en pensez-vous ?

S’agissant des sanctions disciplinaires : vous savez que de nombreuses collectivités territoriales sont attachées à la classification au sein des sanctions du premier groupe de l’exclusion temporaire pour une durée maximale de trois jours. Pourriez-vous nous indiquer les raisons qui ont fondé votre choix d’harmoniser les échelles de sanctions entre la fonction publique de l’État et la fonction publique hospitalière, plutôt qu’avec la fonction publique territoriale ?

Mes chers collègues, à travers ce projet de loi, nous allons essentiellement parler de l’action publique et de l’idée que nous nous en faisons. Ce texte important a pour ambition de contribuer à restaurer la confiance des citoyens dans la puissance publique. Loin de se limiter aux fonctionnaires et au seul champ de la fonction publique, il porte un enjeu essentiel : la crédibilité de l’action publique et donc de la République. C’est encore une belle mission qui attend notre commission aujourd’hui.

Mme la ministre. Mme la rapporteure a souligné que le projet de loi renvoyait trop largement à des ordonnances. Nous avons eu plusieurs échanges sur ce point et le Gouvernement émettra un avis favorable à plusieurs de ses amendements visant à revenir sur ces demandes d’habilitation, tout en respectant l’objectif commun que nous nous sommes fixé : disposer d’un texte concis, précis et lisible.

Mme la rapporteure a par ailleurs salué plusieurs évolutions du texte et je m’en réjouis car son avis est éclairé. Je tiens d’ailleurs ici à la remercier car, grâce au travail aussi intense que précis qu’elle a mené, nous avons pu réécrire certaines dispositions

S’agissant de la Haute Autorité, il est vrai que l’articulation avec la commission de déontologie donne une impression de frottement. Pour ce qui est des transmissions entre les deux instances, nous sommes prêts à accepter des évolutions. Le Gouvernement émettra ainsi un avis favorable à l’amendement, très bien rédigé, de Mme Descamps-Crosnier sur ce sujet.

Nous nous sommes longuement interrogés sur l’opportunité de conserver une commission de déontologie et avons finalement décidé de ne pas la supprimer. Il est important que cette commission joue en amont un rôle de conseil pour les agents eux-mêmes, pour les directeurs de ressources humaines et toute la hiérarchie. J’entends la remarque sur ses moyens. Nous nous sommes engagés à ce qu’elle en dispose. Il m’est apparu en outre, en discutant avec le président de la Haute Autorité, que conserver la commission de déontologie était aussi un moyen de ne pas encombrer cette instance. Elle agira comme un filtre, en amont, pour les dossiers susceptibles d’être soumis ensuite à la Haute Autorité.

Cela dit, nous avons veillé à ce que la commission de déontologie agisse en toute légitimité : composée de personnalités indépendantes, elle émet un avis collégial. Elle jouera un rôle fondamental pour diffuser les règles de bonne conduite à l’intérieur de la fonction publique, qui, rappelons-le, se compose de millions de personnes, réparties sur l’ensemble du territoire. Il est important que cette commission puisse être un relais entre les personnels, les directeurs des ressources humaines, les chefs de service. Son action sera d’autant plus importante que nous entendons renforcer le rôle de ces derniers en matière de prévention des conflits d’intérêts car ce sont eux qui se situent en première ligne. Ils pourront bénéficier de conseils et d’éclairages juridiques pour donner des instructions déontologiques aux agents placés sous leur autorité hiérarchique, mais aussi s’appuyer sur les référents déontologues, dont vous avez salué la création.

Sans doute devrons-nous revenir sur le fonctionnement conjoint de la commission de déontologie et de la Haute Autorité. Nous avons déjà établi une architecture où la haute fonction publique relèvera de la Haute Autorité, notamment pour assurer un lien entre déclarations d’intérêts et déclarations de situation patrimoniale.

Les déclarations d’intérêts concerneront plus particulièrement les agents présentant un risque de conflits d’intérêts du fait de leurs fonctions, qu’elles soient liées aux marchés publics, aux subventions ou aux agréments.

Les déclarations de situation patrimoniale s’appliqueront à un nombre restreint d’agents : il s’agira de ceux qui sont en contact direct avec le monde économique et qui sont susceptibles de quitter la fonction publique pour le secteur privé, ou qui peuvent tirer des bénéfices des relations qu’ils ont nouées.

Si le nombre d’agents concernés par ces deux types de déclaration diffère, c’est que les risques ne sont pas les mêmes. Eu égard au très grand nombre de collectivités territoriales, un marché public peut être entaché d’irrégularités même dans les plus petites d’entre elles. À cet égard, je salue le fait que beaucoup d’élus attentifs à nos travaux nous demandent de multiplier les contrôles sur les marchés publics. Ceux-ci constituent en effet le plus important fait générateur de doutes sur la probité de l’action publique. Et quand existent de tels doutes, il y a déstabilisation de la nation.

Madame la rapporteure, nous donnerons un avis favorable à tous vos amendements de très grande qualité portant sur ce volet.

Vous m’avez demandé ensuite si la protection fonctionnelle était très utilisée. Les chiffres sont en réalité très variables : les magistrats et les policiers demandent certaines années plus que d’autres à bénéficier de cette protection – vous vous souvenez de l’affaire de Cherbourg. En ce qui concerne la fonction publique d’État, j’ai demandé à ce que l’ensemble des secrétaires généraux des ministères soient interrogés à ce propos d’ici à l’examen du texte en séance publique.

Aujourd’hui, cette protection fonctionnelle est insuffisamment encadrée. C’est seulement à la suite d’interventions de parlementaires auprès de ministres ou de responsables d’administration centrale que certains fonctionnaires ont pu en bénéficier ; personne ne leur en avait parlé auparavant. Le projet entraînera certainement une hausse du recours à cette procédure. Cependant, j’estime que les coûts seront à peu près inchangés. Il est de toute façon difficile de disposer de prévisions justes en ce domaine.

Il ne faut pas oublier qu’il y a une forme d’inquiétude chez les fonctionnaires face aux actions engagées à l’encontre de certains d’entre eux, et qui sont relayées par les médias, même si celles-ci ont fort heureusement, dans la plupart des cas, une issue favorable. Ils seront sans doute satisfaits par les nouvelles dispositions que nous proposons.

Vous avez enfin abordé le difficile sujet du point de départ du délai de prescription. Celui-ci requiert, vous avez raison, une approche très fine, et votre amendement me paraît proposer une bonne solution.

Enfin, vous avez insisté pour que le principe de l’exclusion temporaire d’une durée maximale de trois jours s’applique aux trois fonctions publiques. Vos travaux montrent que c’est sans doute, là encore, une bonne solution.

Mme Cécile Untermaier. Mes chers collègues, je tiens d’abord à féliciter notre rapporteure pour l’excellent travail qu’elle a effectué et à remercier Mme la ministre pour la présentation de cet important projet de loi dont nous avons souvent parlé depuis deux ans.

Le texte déposé en juillet 2013, à la date anniversaire des trente ans de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, a connu quelques rebondissements puisqu’il a été modifié, en juin 2015, par une lettre rectificative réduisant le nombre de ses articles de cinquante-neuf à vingt-cinq et d’un engagement de la procédure accélérée. Nous devons à notre président Jean-Jacques Urvoas d’avoir obtenu une date d’examen nous permettant un temps de travail suffisant en amont. Il est important de le souligner, car ce texte est important pour nous.

Le projet de loi ne remet pas en cause le statut général des fonctionnaires ni notre système de fonction publique, cadre le plus adapté pour garantir la continuité et la cohésion au service des collectivités publiques et des citoyens. Il réaffirme les valeurs guidant l’action publique, consacre l’exigence d’exemplarité des fonctionnaires, conforte l’unité du statut général et renforce les règles déontologiques s’appliquant aux agents publics.

Il s’inscrit bien dans la suite de la grande loi sur la transparence de la vie publique. Certains de ses articles sont d’ailleurs la réplique de ceux adoptés dans ladite loi.

Je ferai trois brèves remarques.

Premièrement, la jurisprudence administrative a depuis longtemps dégagé des obligations s’imposant aux fonctionnaires, telles que l’impartialité, l’intégrité, la probité, la dignité. Les principes généraux du droit se retrouvent aussi dans la présente loi aux côtés des principes constitutionnels de neutralité et de laïcité. Les agents publics connaissent ces règles de conduite et s’y conforment pour satisfaire l’intérêt général et l’exigence de service public.

Il est cependant essentiel d’asseoir les textes déontologiques sur un fondement législatif, comme le propose cette loi, et de sortir du « droit mou » qui caractérise trop souvent la déontologie. Nous devrions d’ailleurs ajouter à ces règles, ici rappelées aux fonctionnaires, l’obligation de réserve, dont l’absence est surprenante.

Le dispositif de la déclaration de patrimoine et de la déclaration d’intérêts, d’ores et déjà opérationnel pour les élus et les membres du Gouvernement, est largement étendu par ce texte. Au contraire de ce qui s’est passé pour la loi sur la transparence de la vie publique, nous ne disposons pas de la liste des postes ou emplois soumis à ces déclarations. Il est bien sûr difficile de dresser une telle liste dans la loi ; pourriez-vous néanmoins, madame la ministre, nous éclairer sur le contenu du futur décret d’application ? Quel sera le périmètre retenu, tant pour la déclaration de patrimoine que pour la déclaration d’intérêts ?

La question de la transmission de la déclaration d’intérêts à la commission de déontologie plutôt qu’à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique fait débat : nous y reviendrons certainement.

Quant aux ordonnances prévues par le texte, notre rapporteure a raison de demander le rétablissement de certaines dispositions dans la loi. Nous vous remercions, madame la ministre, d’en avoir convenu. Ces mesures figuraient d’ailleurs dans le texte initial. Ce projet de loi est emblématique pour la prévention du conflit d’intérêts : il serait donc très mal venu de confier l’examen de ces dispositions au seul Gouvernement, en lien avec le Conseil d’État et la Cour des comptes.

Nous nous posons de nombreuses questions sur le partage des tâches entre la commission de déontologie et la Haute Autorité. Ainsi, les modalités de la lutte contre le pantouflage ont suscité des débats au sein de notre groupe : nous nous réjouissons de ces dispositions, dont nous souhaitons qu’elles soient efficacement appliquées ; certains souhaitent toutefois que cette surveillance soit exercée par la Haute Autorité. Des amendements ont été déposés en ce sens et je me permets, madame la ministre, d’appeler votre attention sur ce point. Vos explications seront bienvenues.

De même, la loi, je l’ai dit, ne précise pas le périmètre de ceux qui devront faire une déclaration d’intérêts : ce point est pourtant essentiel pour apprécier si ces déclarations doivent être transmises à la commission de déontologie ou à la Haute Autorité. Notre groupe considère qu’une position médiane pourrait être que la Haute Autorité reçoive les déclarations d’intérêts posant problème au supérieur hiérarchique en charge de leur examen.

Le projet de loi modernise largement la fonction publique et résout des situations difficiles en assurant des droits nouveaux. Il simplifie et facilite le cumul d’activités, ce qui fera également débat.

Le groupe socialiste, républicain et citoyen soutient ce texte exigeant, important, et propre à conforter l’exemplarité et l’unité du statut de la fonction publique.

M. Marc Dolez. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine déplore le recours à la procédure accélérée, qui va nous priver sur un sujet crucial d’un débat approfondi – procédure d’autant moins justifiée que la première version du projet de loi avait été déposée il y a plus de deux ans.

Ce texte comporte des dispositions positives : je pense à celles relatives à la prévention du conflit d’intérêts, à la protection des lanceurs d’alerte, à l’amélioration de la situation des agents contractuels.

En revanche, nous sommes dubitatifs sur l’article 1er. La jurisprudence en la matière est étoffée : quelle sera la valeur ajoutée de cet article ? Il nous paraîtrait plus opportun de réaffirmer les valeurs et les principes du service public et de la fonction publique.

Nous déplorons nous aussi le recours aux ordonnances sur des points majeurs du texte, où des réformes sont très attendues des agents. Je prends acte avec satisfaction des déclarations de Mme la ministre indiquant qu’elle était favorable à la réintégration de ces dispositions dans le texte.

Nous regrettons enfin que ce texte ne revienne pas sur les atteintes au statut de la fonction publique accumulées depuis trente ans. Je pense notamment à la « loi Galland » du 13 juillet 1987 modifiant les dispositions relatives à la fonction publique territoriale, et à la règle du trentième indivisible en cas de grève, dite « amendement Lamassoure ».

À ce stade, vous l’avez compris, notre groupe porte sur ce texte une appréciation en demi-teinte.

M. Pascal Popelin. Eh bien, je vais essayer de lui redonner de la couleur ! (Sourires.)

Le service public est l’un des murs porteurs de notre République. Les femmes et les hommes qui en sont chargés sont les dépositaires de valeurs et de principes ; ils garantissent les droits et les libertés, nous protègent de l’arbitraire. Neutralité, impartialité, probité, laïcité : ce sont les valeurs qui doivent inspirer l’action de tout détenteur d’un emploi public. C’est bien sûr l’affaire de chacun ; il revient néanmoins au législateur de fixer un cadre.

La jurisprudence n’a cessé de conforter ces principes, en particulier depuis la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Le texte que nous examinons les consacre.

Il fait également progresser le droit, notamment dans le domaine de la lutte contre les conflits d’intérêts, suivant les exigences définies par la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Il s’agit là d’un prolongement cohérent et nécessaire, conforme aux aspirations de nos concitoyens, qui attendent des agents publics qu’ils soient exemplaires.

Les fonctionnaires sont régulièrement décriés parce qu’ils disposeraient d’avantages dispendieux et exorbitants – peut-être faut-il voir là la raison de l’étonnante désertion, ce matin, de nos collègues du groupe Les Républicains. Mais il faut rappeler qu’un agent du service public, c’est, entre autres, un policier qui nous protège, un professionnel de santé qui nous soigne, un professeur qui éduque nos enfants. L’exercice de ces missions expose à des risques divers, pouvant aller jusqu’à la mise en danger de l’intégrité physique – on pense immédiatement aux policiers, mais l’agent d’une municipalité présent à un guichet est hélas de plus en plus souvent concerné.

Les fonctionnaires ont aussi des droits, et ce texte les renforce : je pense notamment aux dispositions sur le renforcement de la protection fonctionnelle des agents et de leur famille.

Pour toutes ces raisons, je soutiens ce texte, tout en approuvant les quelques réserves exprimées par Mme Untermaier.

M. Paul Molac. Le groupe écologiste estime que ce projet de loi va globalement dans le bon sens, en proposant diverses mesures pour améliorer le statut des fonctionnaires, clarifier leurs obligations et favoriser la titularisation, dans le prolongement de la « loi Sauvadet ».

Nous regrettons toutefois les conditions d’étude du texte ; en particulier, nous n’aurons que très peu de temps pour déposer des amendements pour la séance publique.

Certaines ordonnances prévues par le Gouvernement nous semblent porter sur des domaines dans lesquels une discussion parlementaire est nécessaire : nous saluons donc la volonté de Mme la rapporteure d’intégrer ces dispositions dans la loi.

L’article 3 crée un statut de lanceur d’alerte pour les fonctionnaires qui auraient connaissance d’un conflit d’intérêts. C’est cohérent, l’article 40 du code de procédure pénale faisant obligation à tout fonctionnaire de dénoncer une infraction dont il a connaissance. Il existe plusieurs statuts de lanceur d’alerte, ce qui paraît logique : alerter de l’existence d’un risque environnemental n’est pas la même chose qu’avoir connaissance d’une infraction pénale. Toutefois, les différences entre ces statuts devraient être clarifiées ; il est nécessaire d’apporter plus de cohérence.

Nous souhaitons également améliorer le partage des tâches entre la commission de déontologie et la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Certains fonctionnaires devront envoyer une déclaration d’intérêts à l’une et une déclaration de patrimoine à l’autre : cela nous semble assez incohérent. Plusieurs d’entre nous ont déposé des amendements sur ces points, mais tous n’ont pas passé les fourches caudines de l’article 40 de la Constitution : heureusement, nous pourrons débattre de ceux de Mme la rapporteure, que pour notre part nous soutiendrons.

Enfin, en liaison avec les syndicats, nous avons déposé des amendements portant sur la gestion des conflits disciplinaires.

Mme la ministre. Merci de ces interventions.

Nous avons très longuement, très minutieusement débattu avec les organisations syndicales de l’article 1er. Notre objectif partagé était bien de conforter, au XXIe siècle, le statut de la fonction publique – nous avions souhaité le réviser depuis 2013 pour des raisons évidentes sur lesquelles je ne reviens pas. J’entends vos réticences, monsieur Dolez, qui sont d’ailleurs partagées par certains. J’espère, très franchement, que nous avons trouvé un juste équilibre.

Je ne ferai pas de commentaires sur la procédure. Quant aux ordonnances, en bonne intelligence avec Mme la rapporteure, nous serons, je le redis, favorables à un certain nombre d’amendements qui en réduiront le périmètre.

Le partage des tâches entre la commission de déontologie et la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique est un sujet difficile, qui est revenu plusieurs fois. La citoyenne que je suis et la ministre que je suis également ont eu d’ailleurs des débats nourris sur ce thème… Ceux qui occupent des emplois qui sont à la discrétion du Gouvernement, les collaborateurs du Président de la République, des cabinets ministériels ou des autorités territoriales fourniront leur déclaration d’intérêts à la Haute Autorité : nous nous situons là dans la continuité de la loi du 11 octobre 2013. En revanche, quelque 20 000 déclarations d’intérêts concernent des agents qui occupent des fonctions sensibles – ceux qui ont à traiter d’adjudications de marchés publics, à octroyer des subventions, des agréments… C’est une mesure importante, forte ! Nous allons fermer la porte aux doutes qui s’expriment depuis trop longtemps. Mais nous ne pouvons pas étouffer la Haute Autorité en lui confiant la vérification de toutes ces déclarations.

Ce débat n’est pas simple. Il concerne aussi le fonctionnement de la Haute Autorité. Nous restons dans l’esprit de la loi de 2013. Il nous faudra aussi soutenir les chefs de service, les directeurs des ressources humaines, les personnels des plus petites communautés de communes – auxquelles je pense beaucoup. La commission de déontologie pourra, je crois, effectuer un travail important.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons choisi ce partage des tâches. Nous y reviendrons à la faveur de la discussion des amendements.

La Commission en vient à l’examen des articles.

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IER
DE LA DÉONTOLOGIE

Chapitre Ier
De la déontologie et de la prévention des conflits d’intérêts

Article 1er
(chapitre IV et art. 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983
portant droits et obligations des fonctionnaires)

Obligations générales des fonctionnaires

Cet article tend à définir les obligations générales incombant aux fonctionnaires.

Le I de l’article élargit l’objet du chapitre IV, aujourd’hui intitulé : « Obligations », de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires – loi constituant le titre Ier du statut général des fonctionnaires. Ce chapitre IV serait désormais intitulé : « Des obligations et de la déontologie », afin de tirer les conséquences de l’introduction en son sein, en application des articles 2, 3, 4, 6, 8 et 9 du présent projet de loi, d’une série de dispositions relatives à la déontologie des fonctionnaires. L’ensemble de ce chapitre IV (43) serait également applicable aux agents non titulaires de droit public (44).

Le II de l’article édicte les obligations générales s’imposant aux fonctionnaires, qui apparaissent comme autant de grands principes du droit de la fonction publique – dont les plus importants, par les idéaux qui les sous-tendent, peuvent parfois être érigés au rang de « valeurs » de la fonction publique (45). Ces obligations seraient inscrites à l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 précitée, aujourd’hui relatif aux cumuls d’activités, dont les dispositions seraient reprises et modifiées dans un nouvel article 25 septies, créé par l’article 6 du présent projet de loi.

Le dernier alinéa du nouvel article 25 confie à tout chef de service le soin de veiller au respect de ces obligations par les agents placés sous son autorité (46).

1. Dignité, impartialité, intégrité et probité

Dans sa nouvelle rédaction, le premier alinéa de l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 précitée disposerait que le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité.

L’énoncé de ces différents principes devant guider l’action publique s’analyse comme la consécration d’obligations déjà dégagées par la jurisprudence, voire par le législateur lui-même dans certains domaines spécifiques.

Ainsi, le principe d’impartialité est considéré par le Conseil d’État, depuis 1949 (47), comme un principe général du droit, qui « s’impose à tous les organismes administratifs » (48). Celui-ci revêt deux dimensions, systématisées par la Cour européenne des droits de l’homme (49) :

– l’impartialité subjective signifie que l’agent public traitant une affaire ne doit pas faire preuve de parti pris ;

– l’impartialité objective exige que, indépendamment même de la conduite personnelle de l’agent, certains faits ne soient pas de nature à conduire les tiers à douter de l’exercice impartial des fonctions. Il s’agit d’une conséquence de la théorie dite « des apparences ».

Plus largement, selon M. Christian Vigouroux, président de la section de l’intérieur du Conseil d’État, l’impartialité administrative constitue « un équilibre réussi entre les intérêts légitimes divergents, un cocktail d’objectivité, d’absence de préjugé et d’un brin de distanciation » (50).

Toutefois, comme l’a souligné en 2011 le « rapport Sauvé », le principe d’impartialité est, dans la jurisprudence actuelle, « moins conçu comme une obligation déontologique s’imposant aux agents et susceptible d’influer sur leur comportement que comme une condition de légalité des actes administratifs » (51). Sont par exemple illégales les délibérations d’un conseil municipal « auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires » (52).

L’obligation de probité est également déjà connue du droit positif, qu’il s’agisse du droit disciplinaire applicable à la fonction publique (53) ou du droit pénal, qui réprime les « atteintes à la probité commises par des personnes exerçant une fonction publique » (54), sous la forme des délits de prise illégale d’intérêts, de concussion, de corruption passive, de trafic d’influence et de soustraction ou de détournement de biens. La probité peut être définie comme l’obligation d’exercer sa fonction « de manière intègre et désintéressée, en toute conscience et avec loyauté » (55). Les manquements à la probité sont traditionnellement exclus du champ des lois d’amnistie (56) et peuvent entraîner l’interdiction d’exercer certaines fonctions publiques (57).

Consacrer dans la loi l’obligation de probité permettrait de se rapprocher du droit de l’Union européenne, aux termes duquel les fonctionnaires européens sont astreints à « une obligation générale d’indépendance et de probité à l’égard de l’institution » (58). Cette obligation prohibe tout comportement, « qui, au vu des éléments de l’espèce, montre que le fonctionnaire concerné a entendu favoriser un intérêt particulier au détriment de l’intérêt général communautaire » (59).

Proche du principe de probité, l’obligation d’intégrité rappelle, selon l’étude d’impact de la lettre rectificative du 17 juin 2015, « le désintéressement inhérent à l’exercice d’une fonction publique ». Absente du projet de loi initial, son ajout vise à assurer la cohérence entre le statut général des fonctionnaires et l’article 1er de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, qui dispose que « les membres du Gouvernement, les personnes titulaires d’un mandat électif local ainsi que celles chargées d’une mission de service public exercent leurs fonctions avec dignité, probité et intégrité et veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d’intérêts » (60). En revanche, à la différence du présent article, l’article 1er de la loi du 11 octobre 2013 ne fait pas mention du principe d’impartialité, celui-ci ayant été jugé, lors des débats parlementaires, peu compatible avec l’exercice de fonctions politiques (61).

Enfin, l’obligation de dignité des fonctionnaires est également reconnue par la jurisprudence administrative (62). Applicable à la fois dans l’exercice des fonctions et dans les comportements privés, l’exigence de dignité vise à protéger la réputation de l’administration et de ses agents. Dans certains domaines, elle est déjà consacrée par le législateur : par exemple, la « dignité des fonctions » fait partie des critères à l’aune desquels la commission de déontologie de la fonction publique doit aujourd’hui se prononcer lorsqu’un agent public souhaite exercer une activité dans le secteur privé (63).

2. Neutralité, laïcité et égalité

Dans sa nouvelle rédaction, l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 précitée édicte d’autres obligations des fonctionnaires, qui concernent plus directement leurs relations avec les usagers du service public.

Le fonctionnaire serait tenu à une obligation de neutralité. La loi consacrerait ainsi un principe jurisprudentiel traditionnel, le Conseil d’État ayant, dès 1950, énoncé le « devoir de stricte neutralité qui s’impose à tout agent collaborant à un service public » (64). Ce devoir n’est pas sans lien avec l’obligation de réserve qui, quoique non mentionnée au présent article (65), incombe à tout fonctionnaire (66).

Corollaire du principe de neutralité (67), le présent article prévoit que le fonctionnaire doit respecter le principe de laïcité. Il est précisé qu’à ce titre, l’agent doit s’abstenir de manifester ses opinions religieuses dans l’exercice de ses fonctions. Cette précision a été ajoutée par la lettre rectificative du 17 juin 2015, à la suite du plan « La République en actes », annoncé par le Premier ministre le 6 mars 2015, portant sur l’égalité et la citoyenneté. La mise en œuvre pratique du principe de laïcité a donné lieu à l’édiction, en 2007, d’une « charte de la laïcité dans les services publics » et, en 2013, d’une « charte de la laïcité à l’école » (68). Dans un avis du 15 octobre 2013, l’Observatoire de la laïcité a recommandé d’assurer une meilleure diffusion de la charte de 2007 et de la décliner, au cas par cas, dans les différentes administrations (69).

Enfin, le présent article rappelle le principe d’égalité, qui conduit à ce que « le fonctionnaire traite également toutes les personnes et respecte leur liberté de conscience et de dignité » (70).

De ces trois principes, il résulte que :

– le fonctionnaire ne peut, dans l’exercice de ses fonctions, faire état de ses opinions, qu’elles soient politiques, philosophiques ou religieuses. Par exemple, le fait, pour un agent public, « de manifester dans l’exercice de ses fonctions ses croyances religieuses, notamment en portant un signe destiné à marquer son appartenance à une religion, constitue un manquement à ses obligations » (71) ;

– le fonctionnaire doit exercer ses fonctions au nom de l’intérêt général, indépendamment de ses convictions politiques, philosophiques ou religieuses. Il s’agit également d’une conséquence du principe d’impartialité déjà évoqué ;

– le fonctionnaire ne doit pratiquer aucune discrimination, fondée sur un motif politique, philosophique ou religieux, entre les usagers du service public.

Au total, en consacrant l’ensemble des obligations qui précèdent, le présent article confirme la tendance croissante à l’individualisation de la déontologie au sein du secteur public : « les obligations générales du service public deviennent progressivement des obligations personnelles de comportement des agents envers les administrés, les autres agents et l’institution elle-même » (72).

*

* *

La Commission est saisie des amendements CL31 et CL27 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Le premier de ces amendements tend à introduire dès le premier article de la loi le terme même de déontologie. Ces deux amendements visent également à inscrire parmi les devoirs du fonctionnaire la notion de « réserve », qui vaut y compris hors des horaires de service. C’est une notion élégante et forte, déjà appliquée au demeurant par les agents publics : ils ne se répandent pas partout pour se plaindre de la loi ou de leurs fonctions. La loi doit honorer la fonction publique en réaffirmant ce point.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. La rédaction proposée n’est pas, me semble-t-il, nécessairement meilleure que celle du projet de loi, dans la mesure où le titre du nouveau chapitre IV du statut général devrait devenir « Des obligations et de la déontologie » : il faut éviter d’assimiler entièrement ces deux notions l’une à l’autre.

En outre, en faisant référence, à l’article 2, aux « principes déontologiques inhérents à l’exercice d’une fonction publique », nous laissons volontairement place à l’interprétation – par la pratique et la jurisprudence : ces principes ne s’épuisent pas forcément dans l’énumération dressée par Mme Le Dain.

D’autre part, ces amendements visent à mentionner le devoir de réserve parmi les obligations des fonctionnaires. L’obligation de réserve fait déjà partie des obligations applicables aux fonctionnaires, la jurisprudence administrative étant très abondante sur ce point. Il a été envisagé, un temps, de la consacrer dans le projet de loi, mais cela n’a pas paru opportun, la portée de cette obligation étant très variable selon les fonctions de l’agent, son rang hiérarchique, les circonstances... Il a donc paru préférable de s’en remettre à la jurisprudence. J’ajoute que le statut général comporte déjà les obligations de secret professionnel et de discrétion professionnelle, qui ne sont pas sans lien avec le devoir de réserve.

En tout état de cause, s’il fallait adopter une disposition sur cette question, il faudrait travailler à une meilleure rédaction.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Les passionnés du droit administratif sauront rappeler ici que le Conseil d’État s’était déjà, en 1935, penché sur le devoir de réserve, avec l’arrêt Bouzanquet.

Mme la ministre. Dans le droit fil des propos de Mme la rapporteure, j’émets un avis défavorable à l’amendement CL31 et m’en remets à la sagesse de la Commission sur l’amendement CL27.

Les obligations déontologiques ne s’imposent pas aux agents seulement lorsqu’ils exercent une mission : l’obligation de dignité, par exemple, qui a été longuement discutée, s’impose même en dehors des heures de service. La rédaction actuelle nous paraît plus satisfaisante : elle est plus simple d’interprétation et met toutes les obligations sur un même rang.

Quant au devoir de réserve, c’est un sujet crucial. La jurisprudence est d’une très grande qualité. Bien sûr, une nouvelle jurisprudence, fondée sur une nouvelle rédaction, serait sans doute excellente aussi. Mais prenons l’exemple d’un enseignant qui se trouve en désaccord avec le Gouvernement sur la réforme du collège.

M. Marc Dolez. Il a raison ! (Sourires.)

Mme la ministre. En quoi consiste, dans le cas de cet enseignant, l’obligation de réserve ? C’est très difficile à définir. Les organisations syndicales craignent que l’on ne puisse pas faire mieux que la jurisprudence pour faire le départ entre l’obligation de réserve et l’expression d’un fonctionnaire qui est aussi un citoyen.

Le Gouvernement préférerait donc que nous nous en tenions à cette jurisprudence.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je ne comprends pas l’avis de sagesse du Gouvernement sur l’amendement CL27. En effet, il ne me paraît pas du tout opportun d’écrire que le fonctionnaire exerce ses fonctions « avec réserve » ! L’obligation de réserve, ce n’est pas cela ! Quant à la jurisprudence, elle est abondante, bien sûr, mais elle ne peut que l’être au vu de l’extrême diversité des situations. Je propose, avec tout le respect que j’ai pour ma collègue, que nous n’adoptions pas ces amendements.

Mme la ministre. Vous n’avez pas tort.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. J’entends bien la profondeur des arguments. J’entends également qu’il existe sur l’obligation de réserve une jurisprudence de grande qualité. Je m’étonne toutefois que nous choisissions de nous y référer plutôt que de la consacrer dans la loi. Je retire mes amendements, mais les réécrirai en vue de la séance publique.

Les amendements CL31 et CL27 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL145 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Article 2
(art. 25 bis [nouveau] de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983
portant droits et obligations des fonctionnaires)

Conflits d’intérêts des fonctionnaires

Cet article introduit des dispositions consacrées à la déontologie et, en particulier, aux conflits d’intérêts dans le statut général des fonctionnaires – qui, jusqu’à présent, ne traite ces questions que de façon implicite ou subsidiaire (73).

Un nouvel article 25 bis serait inséré dans la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, selon lequel tout fonctionnaire doit respecter les « principes déontologiques inhérents à l’exercice d’une fonction publique ». Ces principes sont fixés aux articles 25 à 28 de cette même loi, telle que modifiée par le présent projet. Ils peuvent être précisés par décret en Conseil d’État et explicités par le chef de service (74).

En application du même article 25 bis, le fonctionnaire doit veiller à éviter de se trouver en situation de conflit d’intérêts. Si tel est malgré tout le cas, il doit mettre fin immédiatement à cette situation. Le conflit d’intérêts est défini comme « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions ». Ces dispositions reprennent strictement celles de l’article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique – dont on a vu que le champ d’application était plus large que celui des seuls fonctionnaires (75).

Cette définition du conflit d’intérêts s’inspire tout à la fois des propositions formulées dans le « rapport Sauvé » de 2011 (76) et dans le « rapport Jospin » de 2012 (77). En pratique, c’est à l’autorité hiérarchique et, le cas échéant, à la commission de déontologie de la fonction publique et au juge qu’il reviendra de préciser les conditions d’appréciation des différents éléments de cette définition (78).

Si la future loi vient ainsi consacrer la notion de conflit d’intérêts dans le statut général des fonctionnaires, celle-ci était déjà loin d’être inconnue du droit de la fonction publique. Le devoir d’impartialité, précédemment évoqué, impose aux agents publics de ne pas confondre l’intérêt général et leurs intérêts privés. La rédaction actuelle de l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 précitée, relatif aux cumuls d’activités, interdit aux fonctionnaires de prendre, dans une entreprise soumise au contrôle de l’administration à laquelle ils appartiennent ou en relation avec cette dernière, des « intérêts de nature à compromettre leur indépendance ». Le Conseil d’État a précisé, à cet égard, que les intérêts interférant avec la mission de l’agent pouvaient être ceux de membres de sa famille – par exemple de son épouse (79).

Le nouvel article 25 bis définit également une série d’obligations d’abstention à l’intention du fonctionnaire se trouvant en situation de conflit d’intérêts :

– le fonctionnaire devra saisir son supérieur hiérarchique de cette question, à charge pour lui d’apprécier s’il y a lieu de confier le dossier ou la décision à un autre agent ;

– le fonctionnaire titulaire d’une délégation de signature aura l’obligation de ne pas en user ;

– le fonctionnaire appartenant à une instance collégiale devra, selon les cas, s’abstenir d’y siéger (80) ou, à tout le moins, de délibérer. Cette alternative introduite par la lettre rectificative du 17 juin 2015 vise à éviter qu’un organisme collégial voie sa composition exagérément modifiée, au risque de ne plus pouvoir valablement statuer. Tel pourrait être le cas d’un jury de concours, dont la composition varierait d’un candidat à l’autre, au mépris du principe d’égalité de traitement. Ce n’est donc que si le conflit d’intérêts est de nature à influencer directement l’ensemble des délibérations de l’instance collégiale concernée que le fonctionnaire devra s’abstenir de siéger. Dans les autres cas, il pourra continuer à siéger, mais en s’abstenant de participer aux délibérations portant sur les questions susceptibles de faire naître un conflit d’intérêts. La même solution devrait s’appliquer aux instances consultatives associant les agents à l’organisation et au fonctionnement des services publics, à l’élaboration des règles statutaires et à l’examen des décisions individuelles relatives à leur carrière (commissions administratives paritaires, comités techniques, etc.), en application du principe constitutionnel de participation (81;

– le fonctionnaire chargé de fonctions juridictionnelles devra être suppléé, selon les règles propres à sa juridiction. Cette obligation de « déport » apparaît comme le corollaire du principe d’impartialité de la justice. À l’heure actuelle, la procédure de déport des magistrats administratifs et des membres du Conseil d’État n’a de fondement que réglementaire (82). Cette obligation ne serait, en revanche, pas applicable aux magistrats judiciaires, dont le statut relève de la loi organique (83) ;

– le fonctionnaire exerçant des compétences « qui lui ont été dévolues en propre » devra les confier à un délégataire, auquel il ne pourra adresser aucune instruction.

L’inscription dans la loi de ces différentes obligations d’abstention permet de remédier aux lacunes relevées dans le « rapport Sauvé » : « les agents publics eux-mêmes ne sont [actuellement] pas soumis à un dispositif organisant spécifiquement leur déport ou leur abstention en cas de conflit d’intérêts. Pire : une telle abstention fait courir le risque de vicier l’acte administratif à l’édiction duquel l’agent était censé prendre part » (84). En principe, en effet, les agents publics doivent exercer personnellement leurs fonctions, sous peine de voir l’acte administratif en question entaché du grief d’incompétence (85).

Dans leur formulation, ces obligations d’abstention s’inspirent de celles prévues à l’article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 précitée, applicables aux membres des autorités administratives ou publiques indépendantes, aux titulaires de fonctions exécutives locales et aux personnes chargées d’une mission de service public. Ces dispositions ont été précisées par le décret n° 2014-90 du 31 janvier 2014, qui prévoit notamment que les personnes chargées d’une mission de service public :

– lorsqu’elles sont titulaires d’une délégation de signature, informent sans délai le délégant par écrit, en précisant la teneur des questions pour lesquelles elles estiment ne pas devoir exercer leurs compétences. Elles s’abstiennent de donner des instructions aux personnes placées sous leur autorité relativement à ces questions ;

– lorsqu’elles sont placées sous l’autorité d’un supérieur hiérarchique, informent sans délai celui-ci par écrit, en précisant la teneur des questions pour lesquelles elles estiment ne pas devoir exercer leurs compétences. Lorsque ce dernier estime qu’il y a lieu de confier le traitement de l’affaire à une autre personne placée sous son autorité, la personne dessaisie du dossier ne peut prendre part à aucune réunion, ni émettre aucun avis en rapport avec les questions en cause.

Votre rapporteure souligne que c’est à chaque fonctionnaire qu’il reviendra de se conformer, de soi-même, aux obligations d’abstention prévues au présent article. Dans les cas où l’agent n’aurait pas conscience de se trouver en situation de conflit d’intérêts ou – en méconnaissance de la future loi – n’aurait pas la volonté d’y mettre fin, d’autres mécanismes permettront de pallier cette carence :

– l’autorité hiérarchique pourra prendre des mesures mettant fin au conflit d’intérêts (par exemple, en dessaisissant le fonctionnaire du dossier en cause) ou enjoindre l’agent de faire cesser cette situation (sous peine, le cas échéant, de sanctions disciplinaires). Si le projet de loi n’évoque explicitement cette possibilité que dans le cadre de l’examen des déclarations d’intérêts (86), celle-ci existe nécessairement à tout moment, dès lors qu’il revient au chef de service de « veiller au respect » des principes déontologiques énoncés au futur article 25 de la loi du 13 juillet 1983 précitée (87) ;

– en cas de doute suscité par une déclaration d’intérêts, l’autorité hiérarchique pourra saisir la commission de déontologie de la fonction publique. Si elle estime le conflit d’intérêts avéré, la commission pourra adresser une recommandation à l’autorité hiérarchique, à qui il reviendra de prendre les mesures adéquates (88) ;

– un fonctionnaire « lanceur d’alerte » pourra signaler aux autorités compétentes une situation de conflit d’intérêts dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions (89).

*

* *

L’amendement CL37 de Mme Anne-Yvonne Le Dain est retiré.

La Commission examine l’amendement CL38 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. La formule « veille à faire cesser » me paraît floue : écrire qu’un fonctionnaire est « tenu de faire cesser » les conflits d’intérêts lèverait l’ambiguïté. Cette formulation plus impérative crée un devoir d’expression interne, voire d’alerte : cela peut libérer la parole à l’intérieur des services. Cela vaut pour chaque agent, quelle que soit sa place dans la hiérarchie. Dans un monde où chacun est de plus en plus conscient, formé, informé, il convient que chacun prenne ses responsabilités et s’exprime.

Mme la rapporteure. Cette modification me paraîtrait sémantique, les deux formulations ayant le même sens. Il est préférable de conserver la rédaction actuelle, par souci de parallélisme avec la loi du 11 octobre 2013, qui prévoit que les membres du Gouvernement, les élus locaux et les personnes chargées d’une mission de service public « veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d’intérêts ».

Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle se penche ensuite sur l’amendement CL14 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Cet amendement vise à rappeler que la lutte contre les conflits d’intérêts doit avant tout être préventive.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. L’enjeu de la prévention apparaît déjà dans le texte, aux termes duquel un fonctionnaire « veille à faire cesser immédiatement ou à prévenir les situations de conflit d’intérêts dans lesquelles il se trouve ou pourrait se trouver ». Il est préférable d’en rester à la rédaction actuelle afin d’éviter de perturber à l’excès le fonctionnement quotidien des services.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL40 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Cet amendement tend à préciser qu’un fonctionnaire placé en situation de conflit d’intérêts saisit son supérieur hiérarchique par écrit. Cela rassurerait tout le monde. Les paroles verbales ne sont entendues que par ceux qui veulent bien les entendre !

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Il s’agit là d’une précision d’ordre réglementaire. Il est préférable de conserver la rédaction actuelle, qui est aussi celle de la loi du 11 octobre 2013 : c’est bien le décret d’application de cette loi qui prévoit aujourd’hui que la procédure se fait par écrit.

Mme la ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL146 de la rapporteure.

Elle adopte enfin l’article 2 modifié.

Article 3
(art. 6, 6 bis, 6 ter A, 6 ter, 6 quinquies et 25 ter [nouveau] de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires)

Protection des fonctionnaires lanceurs d’alerte éthique

Cet article introduit dans le statut général un mécanisme de protection des fonctionnaires lançant une « alerte » relative à une situation de conflit d’intérêts
– ou « alerte éthique », selon les termes de l’exposé des motifs.

1. Les dispositions existantes protégeant les lanceurs d’alerte

Ces dernières années, plusieurs lois sont venues protéger différentes catégories de « lanceurs d’alerte ». Par ces termes, sont désignées les personnes qui portent à la connaissance de leur employeur, des autorités administratives ou judiciaires ou de tiers, des faits répréhensibles qu’elles ont découverts dans l’exercice de leurs fonctions. De telles révélations pouvant parfois conduire à mettre en cause la hiérarchie de ces personnes, il convient de leur accorder une protection spécifique, afin qu’elles ne soient pas professionnellement pénalisées.

La loi n° 2007-1598 du 13 novembre 2007 relative à la lutte contre la corruption a introduit un article L. 1161-1 dans le code du travail protégeant le salarié qui relate ou témoigne, de bonne foi, soit à son employeur, soit aux autorités judiciaires ou administratives, des faits de corruption dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

La loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé protège les lanceurs d’alerte, qu’il s’agisse de salariés ou de fonctionnaires (90), en matière de sécurité sanitaire des médicaments et des produits de santé (article L. 5312-4-2 du code de la santé publique).

La loi n° 2013-316 du 16 avril 2013 relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte comporte des dispositions similaires à propos des faits relatifs à un risque grave pour la santé publique ou pour l’environnement (article L. 1351-1 du code de la santé publique).

La loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique protège toute personne lançant une alerte en matière de conflits d’intérêts touchant un responsable public. Son article 25 dispose :

« I.- Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, ni être sanctionnée, licenciée ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de traitement, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, à son employeur, à l’autorité chargée de la déontologie au sein de l’organisme, à une association de lutte contre la corruption agréée en application du II de l’article 20 de la présente loi ou de l’article 2-23 du code de procédure pénale ou aux autorités judiciaires ou administratives de faits relatifs à une situation de conflit d’intérêts, telle que définie à l’article 2 de la présente loi, concernant l’une des personnes mentionnées aux articles 4 et 11, dont elle aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

« Toute rupture du contrat de travail qui en résulterait ou tout acte contraire est nul de plein droit.

« En cas de litige relatif à l’application des deux premiers alinéas du présent I, dès lors que la personne établit des faits qui permettent de présumer qu’elle a relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits relatifs à une situation de conflit d’intérêts, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces faits, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de la personne intéressée. Le juge peut ordonner toute mesure d’instruction utile.

« II.- Toute personne qui relate ou témoigne de faits relatifs à une situation de conflit d’intérêts, au sens du I du présent article, de mauvaise foi ou avec l’intention de nuire ou avec la connaissance au moins partielle de l’inexactitude des faits rendus publics ou diffusés est punie des peines prévues au premier alinéa de l’article 226-10 du code pénal. »

Les responsables publics susceptibles d’être visés par une telle « alerte éthique » sont énumérés aux articles 4 et 11 de la même loi. Il s’agit des personnes, autres que les parlementaires nationaux, tenues d’établir une déclaration d’intérêts et une déclaration de situation patrimoniale, sous le contrôle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) : membres du Gouvernement, représentants français au Parlement européen, principaux exécutifs et élus locaux, membres des cabinets ministériels, collaborateurs du Président de la République, du Président de l’Assemblée nationale et du Président du Sénat, membres des autorités administratives et publiques indépendantes (AAI et API), titulaires d’un emploi à la décision du Gouvernement, présidents et directeurs généraux d’une série d’organismes publics (91).

La loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, quant à elle, protège les lanceurs d’alerte ayant relaté ou témoigné, de bonne foi, des faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont ils auraient eu connaissance dans l’exercice de leurs fonctions. Cette protection concerne tant les salariés (article L. 1132-3-3 du code du travail) que les fonctionnaires. Ces derniers bénéficient ainsi des dispositions de l’article 6 ter A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires :

« Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation ne peut être prise à l’égard d’un fonctionnaire pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

« Toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit.

« En cas de litige relatif à l’application des deux premiers alinéas, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu’elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. »

À la différence de la loi du 11 octobre 2013, la protection offerte par la loi du 6 décembre 2013 n’est pas limitée aux révélations faites à l’employeur ou aux autorités administratives ou judiciaires, mais s’applique également en cas de divulgations faite auprès de tiers – par exemple à une alerte lancée dans la presse. La même loi a, en outre, introduit un article 40-6 dans le code de procédure pénale, selon lequel la personne ayant signalé un délit ou un crime commis dans son entreprise ou dans son administration est « mise en relation, à sa demande », avec le Service central de prévention de la corruption (SCPC) (92), lorsque l’infraction signalée entre dans le champ de compétence de ce service.

Votre rapporteure souligne, par ailleurs, que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a jugé – en particulier dans son arrêt Guja c. Moldavie du 12 février 2008 – que l’exercice de la liberté d’expression pouvait justifier qu’un agent public divulgue dans la presse certaines informations d’intérêt public, pour autant qu’il agisse de bonne foi et qu’il se soit préalablement heurté à l’inaction prolongée de sa hiérarchie (93).

2. La création d’un dispositif spécifique aux agents publics ayant connaissance d’un conflit d’intérêts

En application du I du présent article, le nouvel article 25 ter de la loi du 13 juillet 1983 précitée instaure une protection du fonctionnaire ayant lancé une alerte à propos de « faits susceptibles d’être qualifiés de conflit d’intérêts », dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

Le bénéfice de cette protection, également applicable aux agents non titulaires (94), suppose que le fonctionnaire :

– ait, d’abord, alerté en vain son supérieur hiérarchique. Tel est d’ailleurs le premier réflexe que devrait avoir, en dehors même de tout texte, le fonctionnaire témoin, dans l’exercice de ses fonctions, d’une situation de conflit d’intérêts (95). Cette divulgation préalable des faits litigieux auprès de l’autorité hiérarchique est conforme à l’arrêt précité du 12 février 2008 de la Cour européenne des droit de l’homme ;

– et qu’il agisse « de bonne foi ». Au contraire, le fonctionnaire agissant de mauvaise foi, avec l’intention de nuire ou avec la connaissance « au moins partielle » de l’inexactitude des faits en cause est passible des sanctions pénales réprimant la dénonciation calomnieuse, soit cinq ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende (96). Ces dispositions reprennent celles, déjà citées, de l’article 25 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

Si les deux conditions qui précèdent sont remplies, le fonctionnaire peut relater les faits susceptibles d’être qualifiés de conflit d’intérêts « aux autorités judiciaires ou administratives » ou témoigner de ces faits auprès de ces autorités. L’alternative entre ces deux catégories de destinataires de l’alerte tient à ce qu’une situation de conflit d’intérêts (97) ne correspond pas nécessairement à une infraction pénale – par exemple une prise illégale d’intérêts au sens des articles 432-12 et 432-13 du code pénal – justifiant une saisine du parquet. Quant aux « autorités administratives », il convient d’en avoir une vision large, cette notion pouvant, selon les cas, inclure le ministre, l’exécutif local, le directeur d’établissement, le chef de service, un corps d’inspection, une autorité administrative indépendante, etc.

À l’instar de ce que prévoient les diverses lois protégeant déjà des lanceurs d’alerte, la divulgation des faits en cause est un droit, non un devoir. À l’inverse, l’article 40 du code de procédure pénale fait obligation – quoi qu’elle ne soit pas assortie de sanction – à tout fonctionnaire « qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit », d’en saisir sans délai le procureur de la République (98). Le présent article ne constitue donc pas un encouragement à la dénonciation, mais se borne à accorder une protection au fonctionnaire ayant révélé une situation de conflit d’intérêts.

Cette protection consiste à le prémunir contre toute mesure prise à son encontre en raison du lancement de l’alerte, que cette mesure porte
– notamment (
99) – sur son recrutement, sa titularisation, sa rémunération, sa formation, son évaluation, sa notation, sa discipline, sa promotion, son affectation ou sa mutation.

Si une telle mesure (sanction disciplinaire, mutation, refus de titularisation, etc.) était prise malgré tout, le fonctionnaire bénéficierait du renversement de la charge de la preuve : en cas de litige, c’est-à-dire de contestation de la mesure, c’est à l’auteur de cette dernière qu’il appartiendrait de prouver que sa décision n’est pas motivée par l’alerte donnée par le fonctionnaire, mais justifiée par des « éléments objectifs étrangers » à cette dernière.

L’introduction dans le statut général des fonctionnaires de ces dispositions, spécifiques au signalement de conflits d’intérêts, complète ainsi celles relatives à la révélation de crimes ou de délits, prévues à l’article 6 ter A de la loi du 13 juillet 1983 précitée. Dans les deux cas, ces dispositions apparaissent nécessaires, afin que la divulgation des faits en question ne se heurte pas aux autres obligations auxquelles est tenu tout fonctionnaire, en particulier :

– au principe d’obéissance hiérarchique, qui oblige le fonctionnaire à se conformer aux instructions de son supérieur, « sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public » (article 26 de la loi du 13 juillet 1983 précitée). Or, « dans bien des cas, l’alerte éthique est faite contre la hiérarchie administrative ou en tout cas en réaction à sa passivité » (100) ;

– au devoir de réserve, consacré par la jurisprudence administrative. À titre d’exemple, la cour administrative d’appel de Paris a récemment jugé qu’étaient justifiées les sanctions disciplinaires prononcées contre une fonctionnaire de police « ayant gravement manqué à son devoir de réserve » en publiant un ouvrage prétendant dénoncer des faits contraires à l’éthique au sein de la direction de la police aux frontières de l’aéroport d’Orly (101) ;

– au secret professionnel, qui protège les secrets de l’administration et de ses usagers, « dans le cadre des règles instituées dans le code pénal » (premier alinéa de l’article 26 de la loi du 13 juillet 1983 précitée) (102) ;

– à l’obligation de discrétion professionnelle, qui s’applique à tous les faits, informations ou documents dont le fonctionnaire a connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions (deuxième alinéa du même article 26). En dehors des cas expressément prévus par la réglementation en vigueur, notamment en matière de liberté d’accès aux documents administratifs, les fonctionnaires ne peuvent être déliés de cette obligation de discrétion professionnelle que « par décision expresse de l’autorité dont ils dépendent ». Selon le Conseil d’État, ces dispositions ne sauraient cependant faire obstacle à ce que le fonctionnaire ayant connaissance d’un crime ou d’un délit en avise le parquet, en application de l’article 40 du code de procédure pénale (103).

Ces différentes exigences étant susceptibles d’entrer en contradiction, c’est au cas par cas, le cas échéant sous le contrôle du juge, qu’il conviendra de procéder à leur conciliation. La commission de déontologie de la fonction publique pourrait d’ailleurs, au titre de ses nouvelles fonctions, formuler des recommandations à ce sujet (I de l’article 25 octies de la loi du 13 juillet 1983 précitée, résultant de l’article 8 du présent projet).

3. Les coordinations avec les dispositions existantes

En dehors des mesures relatives au lancement d’alerte proprement dit, la loi du 13 juillet 1983 précitée comporte actuellement plusieurs dispositifs de protection des fonctionnaires ayant signalé certains agissements illégaux :

– l’article 6 prohibe les mesures prises à l’encontre d’un fonctionnaire ayant signalé une discrimination à raison des opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de l’origine, de l’orientation ou de l’identité (104) sexuelle, de l’âge, du patronyme, de l’état de santé, de l’apparence physique, du handicap ou de l’appartenance ou de la non-appartenance, « vraie ou supposée, à une ethnie ou une race » ;

– l’article 6 bis protège le fonctionnaire ayant signalé une discrimination à raison du sexe ;

– l’article 6 ter protège le fonctionnaire ayant signalé un fait constitutif de harcèlement sexuel (105) ;

– l’article 6 quinquies protège le fonctionnaire ayant signalé un fait constitutif de harcèlement moral.

Chacun de ces articles interdit de prendre à l’encontre du fonctionnaire toute mesure, « concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation », qui serait motivée par le signalement en question.

Le II du présent article complète ces dispositions, ainsi que l’article 6 ter A précité, pour y ajouter, parmi les mesures qui ne sauraient être prises contre un fonctionnaire signalant certains faits ou lançant une alerte relative à un crime ou à un délit, celles relatives à la « rémunération » et à l’ « évaluation » de l’agent. Le champ de la protection des fonctionnaires serait ainsi élargi et mis en harmonie avec la rédaction du nouvel article 25 ter, créé au I du présent article, qui protège les lanceurs d’ « alerte éthique ».

4. Les modifications apportées par votre commission des Lois

Outre des harmonisations rédactionnelles avec les dispositions existantes protégeant les lanceurs d’alerte, la Commission, sur proposition de votre rapporteure, a apporté deux modifications au présent article.

D’une part, elle a ajouté les futurs « référents déontologues », créés à l’article 9 du projet de loi, parmi les canaux susceptibles de recevoir une « alerte éthique » lancée par un fonctionnaire ayant connaissance d’une situation de conflit d’intérêts. Le nouveau dispositif se rapproche ainsi de celui prévu à l’article 25 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, qui inclut, parmi les possibles destinataires de l’alerte, « l’autorité chargée de la déontologie au sein de l’organisme » concerné.

D’autre part, elle a remédié à une difficulté liée à la condition d’alerte préalable du supérieur hiérarchique. Cette condition pouvait poser problème dans le cas particulier où c’est ce dernier qui est directement concerné par la situation de conflit d’intérêts. Dans une telle hypothèse, le fonctionnaire risquait d’être dissuadé de signaler les faits en cause, faute de pouvoir bénéficier de la protection prévue au présent article. En conséquence, en mentionnant « l’une des autorités hiérarchiques » dont relève le fonctionnaire, votre Commission a fait en sorte que l’obligation pour l’agent d’en référer au préalable à sa hiérarchie ne consiste pas nécessairement à s’adresser à son supérieur direct : dans le cas où ce dernier est en cause, la situation de conflit d’intérêts pourra être portée à la connaissance d’une autorité supérieure.

*

* *

La Commission examine l’amendement CL15 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Cet amendement vise à préciser la protection des lanceurs d’alerte, notamment pour ceux qui ne seraient pas des agents titulaires
– l’extension à cette catégorie du régime de protection des lanceurs d’alerte est prévue par l’article 14 du projet de loi.

Différents cas de figure – la mutation, le licenciement, le reclassement, la qualification, la classification, l’interruption ou le non-renouvellement de contrat – ne sont pas prévus par le texte, contrairement à d’autres statuts de lanceurs d’alerte.

Mme la rapporteure. Je vous propose de retirer cet amendement. Je défendrai en effet tout à l’heure, à l’article 14, le sous-amendement CL248 aux termes duquel un décret dressera la liste de toutes les mesures spécifiques aux agents contractuels qui sont interdites à l’encontre d’un lanceur d’alerte.

L’amendement est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement CL147 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à préciser que les futurs « référents déontologues » sont susceptibles de recevoir une « alerte éthique » lancée par un fonctionnaire ayant connaissance d’une situation de conflit d’intérêts.

Mme la ministre. C’est une bonne idée. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL149 de la rapporteure.

Elle examine ensuite l’amendement CL16 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Rien ne justifie qu’un fonctionnaire puisse être sanctionné pour avoir témoigné de « faits susceptibles d’être qualifiés de conflits d’intérêts » sous prétexte qu’il aurait eu connaissance de ces faits en dehors de l’exercice de ses fonctions. C’est même contraire à l’objectif de protection des lanceurs d’alerte. Cette restriction ne figure pas dans d’autres statuts de lanceurs d’alerte – ceux de la loi relative au renseignement ou de la loi Le Pors par exemple.

Mme la rapporteure. Nous modifions ici le statut général des fonctionnaires : il est logique que nous parlions de faits de conflits d’intérêts connus dans l’exercice des fonctions de l’agent public. C’est d’ailleurs la même solution qui a été retenue dans la loi du 11 octobre 2013.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL150 de la rapporteure.

Elle aborde ensuite l’amendement CL17 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. C’est affaiblir la protection du lanceur d’alerte que de la limiter aux seuls cas où le fonctionnaire aurait d’abord alerté en vain son supérieur hiérarchique : d’une part, parce que le texte ne définit pas la notion d’« alerte vaine » ; d’autre part, parce que cette rédaction ne prend pas en compte les cas où le supérieur hiérarchique est lui-même la raison de l’alerte.

Mme la rapporteure. Je vous propose de retirer votre amendement, en grande partie satisfait par l’amendement CL148 qui suit.

L’amendement est retiré.

Puis la Commission examine l’amendement CL148 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à permettre au lanceur d’alerte de s’adresser préalablement à l’un de ses supérieurs hiérarchiques plutôt qu’à son supérieur direct.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL86 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Françoise Dumas. Cet amendement vise à introduire dans la loi le principe de confidentialité afin de protéger non seulement l’auteur de l’alerte, mais aussi les intérêts ou personnes mises en cause. L’alerte s’applique lorsque les mécanismes internes habituels n’ont pas fonctionné et vise à faire cesser les faits susceptibles de constituer des dysfonctionnements voire, à terme, des infractions pénales. Il s’agit donc, en consacrant ce principe de confidentialité, d’assurer le respect de la distinction entre l’alerte et la délation. La confidentialité, gage de sérénité, nous semble indispensable, le temps que l’on puisse déterminer réellement si ce qui a été signalé méritait bien de l’être. Dans l’intérêt de tous, il importe de consacrer ce principe essentiel à la définition du droit commun de l’éthique. Car si la délation peut nuire, l’alerte peut sauver.

Mme la rapporteure. La rédaction de l’article 3 est calquée sur celle de toutes les lois qui ont mis en place des dispositifs de protection de lanceurs d’alerte. Or, aucun de ces textes ne consacre le principe de confidentialité. Qui plus est, on voit mal comment, en pratique, la confidentialité pourrait être respectée, dans la mesure où il s’agit précisément d’alerter, après avoir saisi en vain l’un de ses supérieurs hiérarchiques. Il faut que l’auteur de l’alerte soit connu afin que sa bonne foi puisse être vérifiée, de même que l’absence d’intention de nuire. Enfin, le Conseil d’État a engagé des travaux relatifs au statut des lanceurs d’alerte. Il conviendrait donc d’attendre la fin de ces travaux pour pouvoir légiférer avec précision.

Mme la ministre. Aucune loi, en effet, n’énonce ce principe de confidentialité, et Mme la rapporteure a raison de rappeler que le Premier ministre, compte tenu des remarques qui ont été formulées et de notre expérience récente, a souhaité consulter le Conseil d’État sur ce sujet et recevoir ses préconisations d’ici à la fin de l’année 2015 afin d’identifier dans tous les textes la teneur précise des mécanismes institués ainsi que leur portée, et de les harmoniser si nécessaire.

Dans l’attente de l’analyse du Conseil d’État, il nous semble préférable de limiter les amendements au projet de loi, le choix du Gouvernement ayant été de reprendre à l’identique, chaque fois que cela se justifie, les dispositions qui figurent dans la loi relative à la transparence de la vie publique. Nous visons ainsi la cohérence et la lisibilité de la loi par nos concitoyens. Je vous invite donc à retirer votre amendement. Si les travaux du Conseil d’État le justifient, nous ferons évoluer la loi dans un texte futur.

Mme Cécile Untermaier. Je vous remercie, madame la ministre, de ces explications qui nous permettent d’envisager le retrait de cet amendement. Nous avons tous, au sein de notre groupe, souscrit aux objectifs des deux lois d’octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique. Mais la situation est différente en l’occurrence, car il s’agit ici de la fonction publique : nous visons l’agent public souhaitant dénoncer un conflit d’intérêts tout en étant entouré de ses collègues, ce qui n’est pas forcément le cas des lanceurs d’alerte dont nous avons eu à connaître ces dernières années. La consécration du principe de confidentialité me semble donc, en l’espèce, un enjeu majeur. Le risque de se retrouver quotidiennement face à la personne sur laquelle on aurait fait peser des doutes peut constituer un frein à l’intention de porter à connaissance un conflit d’intérêts.

Nous entendons que le Conseil d’État travaille sur le sujet. Cela étant, s’il peut nous éclairer, il n’a pas à nous dicter ce que nous devons voter. Nous attendrons l’issue de sa réflexion, mais il eût été intéressant d’en disposer avant l’examen de ce projet de loi en séance publique pour pouvoir dès à présent améliorer le dispositif. Nous retirons notre amendement mais souhaitons que l’on réfléchisse à cette question d’ici au débat dans l’hémicycle.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Sait-on, madame la ministre, quand le Conseil d’État rendra ses travaux ?

Mme la ministre. D’ici à la fin de l’année, mais nous allons essayer d’accélérer les choses. Nous souhaitons, dans cet article, préciser le mode opératoire à suivre en cas de litige : pour ce faire, nous avons pris modèle sur les dispositions des lois relatives à la transparence de la vie publique. J’entends bien les propos qui viennent d’être tenus, mais il est très difficile de définir dans la loi la notion de confidentialité. Il sera toujours nécessaire de vérifier l’origine de l’alerte, ce qu’empêcherait l’application du principe de confidentialité s’il était consacré. C’est du fait de cette complexité, et de vos propositions, que nous avons demandé au Conseil d’État d’étudier la question. En attendant, nul n’est aujourd’hui en mesure d’éclairer le Gouvernement ou votre Commission sur la manière de rédiger des dispositions relatives à la confidentialité tout en faisant en sorte que soient vérifiées l’origine de toute alerte et ses motivations.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Nous attendrons donc l’avis du Conseil d’État.

L’amendement CL86 est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CL64 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. L’article 40 du code de procédure pénale dispose que : « Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner conformément aux dispositions de l’article 40-1 » du même code, lequel précise que : « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. »

Il me semble que l’alinéa 2 de l’article 3 du présent projet de loi vise à protéger les fonctionnaires et à préciser les contours non pas de la protection, mais des actes au titre desquels ils pourront être protégés. Il serait donc pertinent de préciser dans la loi que ce devoir d’information s’ajoute à celui défini à l’article 40 du code de procédure pénale. On soulignerait ainsi que, loin du « deux poids et deux mesures », le projet de loi conforte le droit et renforce la protection des personnes.

Mme la rapporteure. Il est inutile de préciser qu’un lanceur d’alerte peut saisir le parquet : l’article 3 mentionne déjà les autorités judiciaires parmi les destinataires de l’alerte, ce qui inclut naturellement le procureur de la République. L’amendement est donc satisfait. Je précise par ailleurs que tout conflit d’intérêts ne constitue pas nécessairement une infraction pénale. D’où la nécessité, à l’article 3, de distinguer les autorités judiciaires des autorités administratives. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

Mme la ministre. Même avis.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je ne partage pas votre analyse, mais je retire mon amendement afin de le retravailler d’ici à l’examen du texte en séance publique.

L’amendement CL64 est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CL151 de la rapporteure et l’amendement CL18 de M. Paul Molac.

Mme la rapporteure. L’amendement de M. Molac est presque identique au mien, mais ce dernier assure en outre une coordination rédactionnelle.

L’amendement CL18 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CL151.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels CL153, CL154, CL155 et CL152 de la rapporteure.

Puis elle examine l’amendement CL19 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Il serait contre-productif de créer une nouvelle incrimination dérogatoire à l’article 226-10 du code pénal qui sanctionne la dénonciation calomnieuse, c’est-à-dire la révélation de faits que l’on sait partiellement ou totalement inexacts. Au demeurant, la quasi-totalité des statuts de lanceur d’alerte n’a créé aucun nouveau délit dérogatoire. Nous n’en voyons donc pas ici l’utilité.

Mme la rapporteure. M. Molac a raison de relever que ces dispositions ne figurent pas dans les autres législations protégeant les lanceurs d’alerte, mais il est nécessaire d’éviter les lancements d’alertes fantaisistes, excessifs ou animés par des ressentiments personnels. Il ne s’agit en outre que de la reprise de l’article 25 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, qui concerne également les lanceurs d’alerte en matière de conflits d’intérêts. Avis défavorable, donc.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CL20 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Cet amendement vise à compléter l’alinéa 5 afin de viser également le licenciement, le reclassement, la qualification, la classification et le non-renouvellement de contrat.

Mme la rapporteure. Mon sous-amendement CL248 à l’article 14 prévoit déjà qu’un décret énumérera toutes les mesures spécifiques aux agents contractuels ne pouvant être prises à l’encontre d’un lanceur d’alerte.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient ensuite à l’amendement CL21 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Dans la continuité de l’article 3 qui harmonise plusieurs statuts de lanceurs d’alerte, cet amendement renforce certaines protections liées au statut de lanceur d’alerte : en prévoyant la nullité de l’acte discriminatoire, en supprimant une référence inutile et en visant explicitement le licenciement prononcé contre un lanceur d’alerte dans le domaine de la santé et de l’environnement.

Mme la rapporteure. Je vous invite également à retirer votre amendement au profit de mon sous-amendement CL248 à l’article 14.

L’amendement est retiré.

Puis la Commission adopte l’article 3 modifié.

Article 4
(art. 25 quater, 25 quinquies, 25 sexies et 25 septies A [nouveaux] de la loi n° 83-634
du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires)

Obligations déclaratives des fonctionnaires

Cet article tend à soumettre certains fonctionnaires à l’obligation d’établir une déclaration d’intérêts, une déclaration de situation patrimoniale et un mandat chargeant un tiers de gérer leurs instruments financiers. Il étend ainsi à la fonction publique trois dispositifs mis en place, pour les plus hauts responsables publics, par la loi organique n° 2013-906 et la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique.

Ces dispositions ne sont pas applicables aux membres des juridictions administratives et des juridictions financières, pour lesquels un cadre déontologique spécifique sera défini. Alors que la version initiale du projet de loi comportait des dispositions en ce sens (anciens articles 10 à 17), celles-ci sont, depuis la lettre rectificative du 17 juin 2015, renvoyées à des ordonnances prévues à l’article 25 (1° du I et 1° du II). Les magistrats judiciaires, quant à eux, font l’objet d’un projet de loi organique déposé au Sénat en juillet 2015 (106) – qui succède à deux projets de loi déposés à l’Assemblée nationale en juillet 2013 (107).

1. Les déclarations d’intérêts

En application du nouvel article 25 quater de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, certains agents seraient tenus d’établir une déclaration d’intérêts.

a. Les personnes soumises à l’obligation d’établir une déclaration d’intérêts

Le périmètre des agents concernés par l’obligation de remettre une déclaration d’intérêts ne serait pas fixé dans la loi, mais renvoyé à un décret en Conseil d’État, qui déterminerait les emplois « dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient » (I du nouvel article 25 quater).

La rédaction retenue témoigne de ce que l’enjeu de prévenir les conflits d’intérêts ne se limite pas aux fonctionnaires les plus hauts placés dans la hiérarchie, mais s’étend à tous les agents exerçant des fonctions particulièrement exposées – par exemple ceux manipulant des fonds publics ou participant à la commande publique. La définition du champ des agents tenus de déclarer leurs intérêts supposera donc, au préalable, d’établir une « cartographie » des risques déontologiques dans chacune des trois fonctions publiques.

À cet égard, l’étude d’impact associée au projet de loi indiquait, en juillet 2013, que « le Gouvernement souhaite définir un champ correspondant aux réalités de l’action publique contemporaine, et ne pas s’en tenir aux emplois supérieurs des administrations centrales ». Celle jointe à la lettre rectificative du 17 juin 2015 souligne que « le périmètre des agents concernés par les déclarations d’intérêts doit encore faire l’objet d’arbitrages. La volonté d’ores et déjà exprimée par les employeurs est de soumettre, au premier chef, et par souci d’exemplarité, les agents publics exerçant des responsabilités de niveau élevé, à une telle obligation. À titre illustratif, l’ensemble des emplois mentionnés à l’annexe du décret n° 2012-601 du 30 avril 2012 relatif aux modalités de nominations équilibrées dans l’encadrement supérieur de la fonction publique concerne environ 5 000 agents pour les trois fonctions publiques » (voir l’encadré ci-après) (108).

Annexe du décret n° 2012-601 du 30 avril 2012 relatif aux modalités de nominations équilibrées dans l’encadrement supérieur de la fonction publique, modifiée par le décret n° 2014-1747 du 30 décembre 2014

Fonction publique de l’État :

– secrétaires généraux, directeurs généraux et directeurs d’administration centrale, commissaires généraux, hauts-commissaires, commissaires, délégués généraux et délégués placés sous l’autorité du ministre, ambassadeurs, préfets en poste territorial, directeurs des services actifs de police en fonction à l’administration centrale et chef du service de l’inspection générale de la police nationale, chefs du service des corps d’inspection et de contrôle, recteurs d’académie, emplois de vice-président, de président de section et de secrétaire général du conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, emplois de vice-président, de président de l’autorité environnementale, de président de section et de président de la commission permanente des ressources naturelles du conseil général de l’environnement et du développement durable, emplois de direction du conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies, directeurs généraux des agences régionales de santé ;

– chefs de service et sous-directeurs, emplois d’expert de haut niveau et de directeur de projet des administrations de l’État et de ses établissements publics, emplois d’inspecteur civil du ministère de la défense ;

– emplois de direction et de contrôle de la police nationale, inspecteur général et contrôleur général des services actifs de la police nationale ;

– emplois de direction de l’administration territoriale de l’État et emplois de responsable d’unité territoriale en direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi ;

– postes territoriaux occupés par des sous-préfets ;

– chefs de mission de contrôle général économique et financier ;

– emplois de direction des services de contrôle budgétaire et comptable ministériel ;

– emplois de direction de la direction générale des douanes et droits indirects ;

– directeurs académiques des services de l’éducation nationale et directeurs académiques adjoints des services de l’éducation nationale, secrétaires généraux d’académie ;

– postes et fonctions occupés par des administrateurs généraux des finances publiques de classe normale, de 1re classe et de classe exceptionnelle, et emplois de chef de service comptable de 1re et de 2e catégorie à la direction générale des finances publiques.

Fonction publique territoriale :

– régions et départements : emplois de directeur général des services et de directeur général adjoint des services et emplois créés en application de l’article 6-1 de la loi du 26 janvier 1984 ;

– communes et établissements publics de coopération intercommunale de plus de 80 000 habitants : emplois de directeur général des services, de directeur général adjoint des services et de directeur général des services techniques et emplois créés en application de l’article 6-1 de la loi du 26 janvier 1984 ;

– ville de Paris : emplois mentionnés à l’article 34 du décret n° 94-415 du 24 mai 1994 portant dispositions statutaires relatives aux personnels des administrations parisiennes et au I de l’article 4 du décret n° 2010-1767 du 30 décembre 2010 relatif aux emplois de directeur général des services et de directeur général adjoint des services de mairie d’arrondissement de Paris.

Fonction publique hospitalière :

– emplois de directeur de centre hospitalier universitaire et de directeur de centre hospitalier régional ;

– emplois fonctionnels de directeur d’hôpital, de directeur d’établissement sanitaire, social et médico-social et de directeur des soins et emplois de directeur d’établissement sanitaire, social et médico-social exercés sur échelon fonctionnel.

Selon les informations recueillies par votre rapporteure auprès de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), le champ des agents tenus de déclarer leurs intérêts sera probablement plus large que celui défini dans le décret du 30 avril 2012 précité et, en tout état de cause, sera plus étendu que celui des agents qui seront soumis à l’obligation de déclaration de situation patrimoniale prévue au présent article (voir le point 3 ci-après).

À titre de comparaison, sous la précédente législature, le projet de loi relatif à la déontologie et à la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique (n° 3704), présenté en juillet 2011 par M. François Sauvadet, ministre de la Fonction publique, prévoyait de soumettre à déclaration d’intérêts les agents publics suivants (109) :

– les titulaires des emplois supérieurs pour lesquels les nominations sont laissées à la décision du Gouvernement (emplois désormais couverts par la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 précitée) ;

– les agents occupant les emplois fonctionnels mentionnés à l’article 47 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale (110) ;

– les directeurs généraux des centres hospitaliers universitaires, les directeurs de centres hospitaliers régionaux et les directeurs de centres hospitaliers nommés sur emplois fonctionnels de la fonction publique hospitalière ;

– les agents publics, les autres personnes chargées d’une mission de service public, les experts auprès d’une personne publique ou les personnes chargées d’une mission de conseil pour le compte d’une personne publique « dont les missions ou la nature des fonctions le justifient » mentionnés sur une liste établie par décret en Conseil d’État. Comme dans le présent projet de loi, il était donc renvoyé au pouvoir réglementaire pour préciser le champ des nouvelles obligations déclaratives.

L’encadré ci-après rappelle les responsables publics d’ores et déjà soumis à l’obligation de remettre, à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), une déclaration d’intérêts et une déclaration de situation patrimoniale en application de la loi organique n° 2013-906 et de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique.

Le champ d’application des déclarations d’intérêts et des déclarations de situation patrimoniale prévues dans les lois du 11 octobre 2013
relatives à la transparence de la vie publique

Doivent aujourd’hui remettre, auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, une déclaration d’intérêts et une déclaration de situation patrimoniale :

– les parlementaires : députés, sénateurs (111) et députés européens ;

– les membres du Gouvernement ;

– les exécutifs locaux : président de conseil régional, président de l’assemblée de Corse, président du conseil exécutif de Corse, président de l’assemblée de Guyane, président de l’assemblée de Martinique, président du conseil exécutif de Martinique, président d’une assemblée territoriale d’outre-mer, président de conseil départemental, président du conseil de la métropole de Lyon, président élu d’un exécutif d’une collectivité d’outre-mer, maire d’une commune de plus de 20 000 habitants ou président élu d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre dont la population excède 20 000 habitants ou dont le montant des recettes de fonctionnement figurant au dernier compte administratif est supérieur à 5 millions d’euros, présidents des autres EPCI dont le montant des recettes de fonctionnement figurant au dernier compte administratif est supérieur à 5 millions d’euros ;

– certains élus locaux : conseillers régionaux, conseillers à l’assemblée de Guyane, conseillers à l’assemblée de Martinique, conseillers exécutifs de Martinique, conseillers exécutifs de Corse, conseillers départementaux, adjoints aux maires des communes de plus de 100 000 habitants, vice-présidents des EPCI à fiscalité propre de plus de 100 000 habitants et du conseil de la métropole de Lyon, lorsqu’ils sont titulaires d’une délégation de signature (112) ;

– les membres des cabinets ministériels et les collaborateurs du Président de la République ;

– les collaborateurs du Président de l’Assemblée nationale et du Président du Sénat ;

– les membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ;

– toute autre personne exerçant un emploi ou des fonctions à la décision du Gouvernement nommée en conseil des ministres (ambassadeurs, préfets, recteurs, directeurs d’administration centrale, etc.) ;

– les présidents et directeurs généraux d’une série d’entreprises et d’organismes publics ou para-publics : personnes morales dont plus de la moitié du capital est détenue par l’État ; établissements publics industriels et commerciaux de l’État ; certaines filiales des organismes précités dont le chiffre d’affaires excède 10 millions d’euros ; offices publics de l’habitat gérant plus de 2000 logements ; personnes morales dont le chiffre d’affaires excède 750 000 euros détenues à plus de 50 % par une collectivité publique ou ayant le statut de société d’économie mixte locale (113).

b. La remise de la déclaration d’intérêts

Initialement, le présent projet de loi prévoyait une remise de la déclaration d’intérêts à « l’autorité hiérarchique », dans les deux mois suivant la prise de fonction de l’agent public. Modifié par la lettre rectificative du 17 juin 2015, le présent article prévoit désormais que la nomination dans l’emploi concerné est « conditionnée à la transmission préalable » par l’agent de sa déclaration d’intérêts à l’autorité investie du pouvoir de nomination (I du nouvel article 25 quater).

Cette modification s’inspire des recommandations formulées par M. Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), dans son rapport sur l’exemplarité des responsables publics. Il convient toutefois de souligner que c’est à propos des seuls « hauts responsables administratifs » que ce rapport suggère de mettre en place une vérification de leurs intérêts préalablement à leur nomination (114).

Au demeurant, contrairement à ce qu’indique l’exposé des motifs de la lettre rectificative, le nouvel article 25 quater n’instaure aucune « vérification » des intérêts préalable à la nomination, seulement une « transmission » préalable de la déclaration à l’autorité de nomination. Juridiquement, la nomination serait impossible en l’absence de remise de la déclaration d’intérêts (faute de respect de cette formalité), mais rien, dans le texte, n’oblige explicitement l’autorité de nomination à tenir compte de son contenu avant de nommer le fonctionnaire dans l’emploi concerné. Au contraire, la seule procédure prévue à l’article 25 quater visant à vérifier l’absence de conflit d’intérêts intervient postérieurement à la nomination et est confiée au supérieur hiérarchique direct de l’agent (115).

Pour autant, le fait que l’autorité de nomination dispose de la déclaration d’intérêts devrait la conduire à en tenir compte dans l’exercice de son pouvoir
– ceci d’autant plus qu’il appartiendra à tout chef de service de veiller au respect des principes déontologiques (
116).

L’étude d’impact associée à la lettre rectificative distingue, à cet égard, deux situations :

– lorsque la nomination concerne un emploi fonctionnel soumis à des règles de publicité et de délai, l’autorité de nomination recevra le curriculum vitae (CV), la lettre de motivation et la déclaration d’intérêts et « pourra faire un choix éclairé au vu de l’ensemble de ces éléments » ;

– lorsque la nomination concerne un autre emploi public, « dans la mesure [où] il aura été jugé nécessaire d’appliquer cette procédure, ce poste devra nécessairement être pourvu au vu du profil des candidats : l’affectation de l’agent sera généralement précédée d’une mise en concurrence et conduira à publication de la fiche de poste sur un site internet ou intranet (bourse ministérielle ou interministérielle de l’emploi public) qui conduira les candidats à envoyer leur déclaration. La transmission de la déclaration d’intérêts permettra, là encore, de faire un choix éclairé ».

c. Le contrôle déontologique au vu de la déclaration d’intérêts

Une fois l’agent nommé dans ses nouvelles fonctions, l’autorité de nomination transmettra la déclaration d’intérêts à l’autorité hiérarchique dont relève l’agent.

Il reviendra à l’autorité hiérarchique de s’assurer, au vu de la déclaration d’intérêts, que l’agent ne se trouve pas en situation de conflit d’intérêts (II du nouvel article 25 quater). Précisons que ce contrôle déontologique n’a pas seulement vocation à intervenir lors de la prise de fonctions de l’agent (117), mais qu’il doit pouvoir être effectué tout au long de l’exercice des fonctions, afin de tenir compte de l’évolution des missions du fonctionnaire et, le cas échéant, des changements affectant ses intérêts (118).

En cas de conflit d’intérêts, au sens du nouvel article 25 bis de la loi du 13 juillet 1983 précitée (article 2 du présent projet), l’autorité hiérarchique « prend les mesures nécessaires pour y mettre fin ou enjoint à l’agent de faire cesser cette situation dans un délai qu’elle détermine ».

En cas de doute sur la réalité du conflit d’intérêts, l’autorité hiérarchique transmet la déclaration d’intérêts à la commission de déontologie de la fonction publique, désormais prévue à l’article 25 octies de la même loi (article 8 du présent projet). Il s’agit d’une mission nouvelle pour cet organisme, dont les compétences sont, jusqu’alors, limitées aux questions de cumuls d’activités et de départs vers le secteur privé.

À la différence de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), première destinataire de toutes les déclarations d’intérêts prévues par les lois du 11 octobre 2013 précitées (119), la commission de déontologie de la fonction publique n’aura donc à connaître que des déclarations transmises par les responsables hiérarchiques. Cette solution apparaît raisonnable, au regard du nombre élevé d’agents qui devraient être astreints, dans les trois fonctions publiques, à cette obligation déclarative.

Une fois saisie, la commission de déontologie dispose de deux mois pour déterminer si le fonctionnaire se trouve effectivement en situation de conflit d’intérêts (III du nouvel article 25 quater). Si tel n’est pas le cas, elle en informe l’autorité hiérarchique et l’agent concerné.

Si le conflit d’intérêts est avéré, la commission de déontologie adresse une « recommandation » à l’autorité hiérarchique. Ce pouvoir de recommandation est cohérent avec celui reconnu à la commission en matière d’application des nouvelles dispositions déontologiques (2° du I du nouvel article 25 de la loi du 13 juillet 1983 précitée, résultant de l’article 8 du présent projet).

C’est alors à l’autorité hiérarchique qu’il revient de prendre « toute mesure utile » pour mettre fin à cette situation, le cas échéant au moyen d’une injonction faite à l’agent d’agir dans un délai déterminé. Juridiquement, la recommandation de la commission de déontologie ne lie pas l’administration (120), mais l’inaction du responsable hiérarchique face à un conflit d’intérêts constaté par la commission serait certainement fautive et, partant, susceptible de sanction disciplinaire.

On relèvera qu’à la différence des lois du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique, le présent projet de loi :

– ne prévoit aucune sanction pénale en cas de déclaration d’intérêts incomplète ou mensongère (121). Des sanctions disciplinaires seraient, en revanche, possibles, les fautes susceptibles d’entraîner de telles sanctions n’ayant pas à être prédéterminées par la loi ;

– n’accorde à la commission de déontologie aucun pouvoir de contrôle du contenu des déclarations d’intérêts (122). Les seuls pouvoirs d’investigation dont celle-ci disposerait concernent sa mission de contrôle des départs dans le secteur privé (III du nouvel article 25 octies, introduit à l’article 8 du présent projet).

d. Contenu, mise à jour et conservation de la déclaration d’intérêts

Le modèle et le contenu de la déclaration d’intérêts des fonctionnaires ne sont pas définis au présent article, mais renvoyés à un décret en Conseil d’État (IV du nouvel article 25 quater).

À l’inverse, les lois du 11 octobre 2013 précitées avaient défini elles-mêmes les différentes rubriques des déclarations d’intérêts et des déclarations de situation patrimoniale (123). Dans le cas présent, le renvoi au pouvoir réglementaire
– qui vaut également pour la définition du champ des assujettis – peut se justifier par la nécessité d’adapter le contenu des déclarations d’intérêts à la variété des situations concernées. En pratique, toutefois, selon les informations transmises par le Gouvernement à votre rapporteure, les modèles retenus ne devraient guère s’éloigner de celui fixé dans les lois du 11 octobre 2013.

Les modalités de dépôt et de mise à jour des déclarations d’intérêts seront également fixées par décret en Conseil d’État. Pour votre rapporteure, celui-ci devrait prévoir, à l’instar des lois du 11 octobre 2013 précitées, une obligation de mise à jour, dans un certain délai, en cas de modification substantielle affectant les intérêts de l’agent. En tout état de cause, le mécanisme de transmission préalable à la nomination de la déclaration d’intérêts aboutira à exiger une nouvelle déclaration en cas de changement de fonctions du fonctionnaire.

Les déclarations d’intérêts des fonctionnaires demeureront confidentielles. À la différence des déclarations d’intérêts des élus, leur publicité n’apparaît ni souhaitable, ni même constitutionnellement possible. En 2013, alors que le législateur avait opté pour un régime de publicité de l’ensemble des déclarations d’intérêts prévues par les lois sur la transparence de la vie publique, le Conseil constitutionnel a, au nom du droit au respect de la vie privée, exclu toute publicité des déclarations d’intérêts « des personnes exerçant des responsabilités de nature administrative et n’étant pas élues par les citoyens » (124). En conséquence, les seules déclarations d’intérêts rendues publiques sont celles des membres du Gouvernement, des parlementaires et des élus locaux.

En application de la lettre rectificative du 17 juin 2015, la déclaration d’intérêts sera « versée au dossier de l’agent selon des modalités permettant d’en garantir la confidentialité » (125). Cette disposition n’a pas reçu l’aval du Conseil d’État : « si le dossier d’un fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant sa situation administrative, l’article 18 de la loi du 13 juillet 1983 proscrit de faire état, dans ce dossier, des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques du fonctionnaire et que ces mêmes dispositions, qui protègent notamment la liberté d’opinion constitutionnellement garantie aux fonctionnaires, font obstacle à ce que les déclarations d’intérêts prévues par le projet de loi figurent au dossier des agents publics et contiennent des éléments de cette nature » (126). On peut toutefois observer que le IV du nouvel article 25 quater prohibe en principe la mention des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques de l’agent, cette mention n’étant possible que si elle résulte de la déclaration de fonctions ou de mandats exercés publiquement.

En outre, le versement au dossier de la déclaration d’intérêts a plusieurs avantages :

– il permet au fonctionnaire d’avoir accès à sa déclaration d’intérêts, dans les conditions définies par la loi (article 18 de la loi du 13 juillet 1983 précitée) ;

– il autorise une gestion de la déclaration d’intérêts « sur support électronique » (même article) ;

– il interdit aux tiers d’avoir accès à la déclaration d’intérêts (127) ;

– il évite toute incertitude quant aux modalités de conservation de la déclaration d’intérêts. Celles-ci seront d’ailleurs précisées par le décret en Conseil d’État déjà évoqué.

2. Les mandats de gestion des instruments financiers

Le nouvel article 25 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 précitée réaffirme, d’une part, que le fonctionnaire peut librement détenir des parts sociales et percevoir les bénéfices qui s’y attachent et, d’autre part, qu’il gère librement son patrimoine personnel ou familial (III de l’actuel article 25 de la même loi).

Pour autant, dans l’objectif de prévenir les conflits d’intérêts, les agents « dont les missions ont une incidence en matière économique et dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient » seraient désormais tenus de faire en sorte que les instruments financiers qu’ils détiennent soient gérés, pendant la durée de leurs fonctions, dans des conditions excluant tout droit de regard de leur part.

Les agents concernés devraient prendre les dispositions nécessaires – par exemple en confiant la gestion de leurs instruments financiers à un mandataire – dans un délai de deux mois suivant leur prise de fonctions, à peine de nullité de leur nomination.

Ces dispositions s’inspirent de l’article 8 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, qui a mis en place de semblables modalités de gestion pour les instruments financiers détenus par les membres du Gouvernement et les membres des autorités administratives ou publiques indépendantes (AAI et API) intervenant dans le domaine économique. Un décret du 1er juillet 2014 (128) a fixé la liste des autorités concernées et précisé les modes de gestion auxquels il est possible de recourir :

– soit la détention de parts de fonds communs de placement, dès lors que les instruments financiers qui les composent ne peuvent être identifiés par son détenteur ;

– soit la gestion sous mandat confié à un tiers, sans droit de regard du mandant. Le mandat doit donc exclure toute possibilité de donner au mandataire des instructions d’achat ou de vente portant sur des instruments financiers.

En conséquence de la lettre rectificative du 17 juin 2015, c’est auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) que les agents concernés devront justifier des mesures prises en application du présent article (129). La Haute Autorité bénéficiera ainsi d’un bloc de compétence cohérent en la matière.

Les mandats de gestion ne seront ni versés au dossier de l’agent, ni communicables aux tiers.

Un décret en Conseil d’État précisera les modalités d’application du nouveau dispositif, en particulier :

– le champ des agents concernés. L’étude d’impact du projet de loi comporte à cet égard plusieurs indications (130) ;

– les modalités d’entrée en vigueur du présent article pour les agents déjà en charge des fonctions en cause (l’article 5 du présent projet de loi étant muet sur ce point).

3. Les déclarations de situation patrimoniale

En application du nouvel article 25 sexies de la loi du 13 juillet 1983 précitée, certains fonctionnaires seraient tenus d’établir une déclaration de situation patrimoniale.

a. Les agents soumis à l’obligation d’établir une déclaration de situation patrimoniale

Le champ des agents concernés par l’obligation de remettre une déclaration de situation patrimoniale ne serait pas fixé dans la loi, mais renvoyé à un décret en Conseil d’État, qui déterminerait les emplois « dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient » (I du nouvel article 25 sexies).

Si la formulation est la même que celle prévue pour les déclarations d’intérêts (I du nouvel article 25 quater), le périmètre des agents effectivement astreints à déclarer leur patrimoine devrait s’avérer plus restreint. Autant l’objectif de prévention des conflits d’intérêts mérite d’être très largement partagé et diffusé au sein de la fonction publique, autant les possibilités d’enrichissement illicite – que la variation de la situation patrimoniale peut permettre de déceler – concernent une fraction plus limitée d’agents publics.

Le périmètre des agents tenus d’établir une déclaration de situation patrimoniale ne saurait donc, en tout état de cause, excéder le champ des emplois mentionnés à l’annexe du décret n° 2012-601 du 30 avril 2012 relatif aux modalités de nominations équilibrées dans l’encadrement supérieur de la fonction publique. Une partie de ces emplois, par exemple celui de directeur d’administration centrale, est d’ailleurs déjà couverte par la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique (voir le point 1 ci-avant).

b. La remise de la déclaration de situation patrimoniale

À la différence des déclarations d’intérêts, les déclarations de situation patrimoniale doivent être établies non seulement lors de l’entrée en fonctions, mais aussi à la sortie de celles-ci, afin de pouvoir mesurer la variation de la situation patrimoniale du fonctionnaire.

Initialement, le projet de loi prévoyait une remise de la déclaration de situation patrimoniale à la commission de déontologie de la fonction publique, dans les deux mois suivant la prise de fonctions de l’agent. En application de la lettre rectificative du 17 juin 2015, le I du nouvel article 25 sexies dispose désormais que la nomination dans l’emploi concerné est « conditionnée à la transmission préalable » par l’agent de sa déclaration de situation patrimoniale à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

Comme pour les mandats de gestion des instruments financiers de certains agents, ce changement de l’organisme de contrôle correspond à une demande de la commission de déontologie elle-même : « à la différence des déclarations d’intérêts dont l’autorité hiérarchique pourra saisir la commission en cas de difficulté et dont le lien avec ses missions traditionnelles est assez naturel, la vérification des situations patrimoniales est d’une autre nature. Il ne paraît pas raisonnable d’en charger la commission, alors que la même mission, à la fois nouvelle et très spécialisée, est désormais confiée à la Haute Autorité à l’égard de l’ensemble des personnes mentionnées à l’article 11 de la loi du 11 octobre 2013, ce qui vise non seulement les titulaires de certains mandats politiques mais aussi (…) certains agents publics relevant par ailleurs de la commission. Afin de permettre à la commission de déontologie de mieux se consacrer à sa mission essentielle de prévention des conflits d’intérêts, il convient donc de prévoir le transfert de l’examen des déclarations de situation patrimoniale produites par certains fonctionnaires à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique » (131).

À l’instar des déclarations d’intérêts, le défaut de remise de la déclaration de situation patrimoniale empêcherait la nomination de l’agent dans les fonctions concernées.

En cas de cessation des fonctions, l’agent devra transmettre à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, dans les deux mois, une nouvelle déclaration de situation patrimoniale (II du nouvel article 25 sexies).

c. Le contrôle de la variation de la situation patrimoniale

Une fois reçue la déclaration de situation patrimoniale faite à la sortie des fonctions, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique disposera de six mois pour contrôler la variation de la situation patrimoniale du fonctionnaire concerné.

S’il résulte de la comparaison avec la déclaration faite lors de l’entrée en fonctions que les évolutions patrimoniales constatées sont justifiées ou n’appellent pas d’observation, la Haute Autorité en informe l’intéressé.

À l’inverse, si la Haute Autorité « constate des évolutions patrimoniales pour lesquelles elle ne dispose pas d’explications suffisantes », elle transmet le dossier à l’administration fiscale et en informe l’intéressé. Le II de l’article 25 sexies précise que la procédure est contradictoire : l’agent pourra présenter des observations auprès de la Haute Autorité afin, par exemple, de justifier de variations de patrimoine dont l’origine est étrangère à l’exercice de ses fonctions.

Ces dispositions s’inspirent des lois du 11 octobre 2013 précitées. Plusieurs différences doivent toutefois être relevées :

– en cas d’évolution inexpliquée du patrimoine d’une personne relevant de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013, la Haute Autorité publie au Journal officiel un rapport spécial, assorti des observations de l’intéressé, et transmet le dossier au parquet (132), alors que le présent article ne prévoit qu’une transmission à l’administration fiscale ;

– le présent article ne prévoit aucune sanction pénale en cas de déclaration de situation patrimoniale incomplète ou mensongère. Une telle déclaration pourrait probablement, en revanche, être constitutive d’une faute disciplinaire ;

– le présent article n’étend pas aux nouvelles déclarations de situation patrimoniale les pouvoirs dont dispose aujourd’hui la Haute Autorité à l’égard des déclarations prévues par les lois du 11 octobre 2013. En particulier, ne seraient pas applicables les prérogatives lui permettant d’obtenir les déclarations d’impôt sur le revenu du déclarant (133) et, le cas échéant, d’impôt de solidarité sur la fortune. La Haute Autorité ne pourrait pas davantage demander à l’administration fiscale d’exercer son droit de communication en matière fiscale ou de mettre en œuvre les procédures d’assistance administrative internationale (134). A fortiori, la Haute Autorité ne disposerait pas du pouvoir d’injonction, assorti de sanctions pénales, en cas de déclaration incomplète ou lorsqu’il n’a pas été donné suite à une demande d’explication relative à une déclaration (135).

d. Contenu, mise à jour et conservation de la déclaration de situation patrimoniale

Le modèle, le contenu, les modalités de dépôt, de mise à jour et de conservation des déclarations de situation patrimoniale seront définis par un décret en Conseil d’État (III du nouvel article 25 sexies). Ces dispositions sont identiques à celles applicables aux déclarations d’intérêts. Elles n’appellent donc pas d’observations supplémentaires de votre rapporteure.

En revanche, les déclarations de situation patrimoniale ne seraient pas versées au dossier de l’agent, mais conservées par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Confidentielles, elles ne seraient pas communicables aux tiers, terme qui inclut en l’espèce l’administration dont relève l’agent.

4. Les modifications apportées par votre commission des Lois

Sur proposition de Mme Cécile Untermaier, en dépit de l’avis défavorable de votre rapporteure et du Gouvernement, la Commission a transféré à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique le soin d’apprécier la réalité d’une éventuelle situation de conflit d’intérêts touchant un fonctionnaire, sur saisine de l’autorité hiérarchique – mission nouvelle que le projet de loi entendait confier à la commission de déontologie de la fonction publique.

Votre commission des Lois a, par ailleurs, adopté plusieurs modifications visant à rapprocher les dispositions du présent article du régime juridique applicable aux déclarations prévues par les lois du 11 octobre 2013 précitées.

À l’initiative de M. Paul Molac, elle a prévu que les déclarations d’intérêts et de situation patrimoniale doivent être exhaustives, exactes et sincères.

Sur proposition de votre rapporteure, la Commission a prévu que :

– les déclarations d’intérêts et de situation patrimoniale devront être actualisées, dans un délai de deux mois, en cas de modification substantielle des intérêts ou du patrimoine du fonctionnaire (136) ;

– les déclarations de situation patrimoniale remises lors de la cessation des fonctions devront comporter une récapitulation de l’ensemble des revenus perçus par le fonctionnaire – et s’il est marié, le cas échéant, par la communauté – depuis le début de l’exercice de ses fonctions, ainsi qu’une présentation des événements majeurs ayant affecté la composition de son patrimoine depuis la précédente déclaration. Le fonctionnaire pourra joindre des observations à chacune de ses déclarations. Si l’agent a déjà remis une déclaration de situation patrimoniale depuis moins de six mois, il sera, selon le cas, dispensé de déclaration préalable à sa prise de fonctions ou bien soumis, en fin de fonctions, à des obligations allégées (simple récapitulation des revenus perçus et présentation des événements majeurs ayant affecté la composition du patrimoine depuis la précédente déclaration) (137) ;

– lorsque la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique constate une variation d’une situation patrimoniale révélant l’existence d’une infraction pénale, celle-ci sera tenue d’en aviser le parquet, conformément aux règles de droit commun fixées à l’article 40 du code de procédure pénale (138) ;

– la Haute Autorité pourra demander au fonctionnaire toute explication nécessaire à l’exercice de sa mission de contrôle des déclarations de situation patrimoniale. En cas de déclaration incomplète ou lorsqu’il n’aura pas été donné suite à une demande d’explications, elle pourra adresser à l’agent une injonction tendant à ce que la déclaration soit complétée ou que les explications lui soient transmises dans un délai d’un mois (139). L’absence de respect de cette injonction sera pénalement sanctionnée d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende (nouvel article 25 septies A de la loi du 13 juillet 1983 précitée) (140) ;

– la Haute Autorité pourra, pour contrôler les déclarations de situation patrimoniale, obtenir les déclarations de revenus ou d’impôt de solidarité sur la fortune du fonctionnaire (ou de son époux, de son partenaire de pacte civil de solidarité ou de son conjoint), le cas échéant auprès de l’administration fiscale. Elle pourra demander à cette dernière d’exercer son droit de communication en matière fiscale et de mettre en œuvre les procédures d’assistance administrative internationale (141) ;

– le fait, pour un fonctionnaire d’omettre de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ou de ses intérêts ou de fournir une évaluation mensongère de son patrimoine sera puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Pourront à titre complémentaire, être prononcées l’interdiction des droits civiques, selon les modalités prévues aux articles 131-26 et 131-26-1 du code pénal, ainsi que l’interdiction d’exercer une fonction publique, selon les modalités prévues à l’article 131-27 du même code (142).

*

* *

La Commission examine l’amendement CL28 de M. Paul Molac. 

M. Paul Molac. Les emplois à la décision du Gouvernement, faisant l’objet d’une nomination en conseil des ministres, qui relèvent du 7° de l’article 11 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, ne doivent pas échapper à l’obligation de déclaration d’intérêts préalable.

Mme la rapporteure. Pour procéder à une telle extension, il faudrait modifier non pas l’article 4 qui traite du statut général des fonctionnaires, mais la loi du 11 octobre 2013 elle-même. Sur le fond, cette formalité serait très difficile à faire respecter en pratique. En outre, on peut émettre un doute quant à la constitutionnalité d’une telle mesure, en ce qu’elle soumet des nominations relevant du Président de la République à une condition non prévue à l’article 13 de la Constitution.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL156 de la rapporteure.

Elle examine ensuite l’amendement CL22 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec la rédaction retenue dans la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

Mme la rapporteure. Avis favorable à cet amendement qui apporte une précision et constitue une harmonisation.

Mme la ministre. Même avis.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement CL29 de M. Paul Molac.

M. René Dosière. Il nous semblerait pertinent de discuter en même temps de notre amendement CL89, qui a le même objet, et qui risque en outre de devenir sans objet si, entre-temps, l’amendement CL158 de Mme la rapporteure est adopté.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Ces deux amendements CL158 et CL89 seront en discussion commune, ce qui ne nous empêche pas de discuter préalablement de l’amendement CL29, qui ne porte pas sur le même alinéa.

M. Paul Molac. Le projet de loi prévoit, dans sa rédaction actuelle, que la déclaration d’intérêts des fonctionnaires sera adressée à la commission de déontologie de la fonction publique, tandis que la déclaration de situation patrimoniale le sera à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Dans un souci de cohérence, nous proposons que les personnels investis d’une certaine autorité remettent les deux déclarations à la même instance, en l’occurrence à la Haute Autorité.

Mme la rapporteure. L’idée peut paraître séduisante de prime abord, mais elle aboutirait à faire disparaître, dans les faits, la commission de déontologie: si nous confions les déclarations d’intérêts à la Haute Autorité, pourquoi ne pas lui confier aussi le contrôle des départs dans le secteur privé ainsi que celui des cumuls d’activités ?

Cela viderait de son contenu une bonne partie de la réforme, qui consiste à faire en sorte que la commission de déontologie mérite véritablement son nom. Alors que cette commission ne s’occupe aujourd’hui que des départs dans le secteur privé et des cumuls d’activités, le projet de loi tend à en faire l’organe de référence pour l’application à la fonction publique des règles que nous définissons aujourd’hui : les grands principes déontologiques applicables aux fonctionnaires, la prévention des conflits d’intérêts et la protection des lanceurs d’alerte. La commission de déontologie sera compétente sur tous ces points : elle pourra donner son avis sur les textes réglementaires, les chartes et codes de déontologie, et pourra aussi se prononcer sur des situations individuelles. Il est donc parfaitement logique que ce soit elle qui examine les déclarations d’intérêts, sur saisine de l’autorité hiérarchique.

De surcroît, cet amendement ne donnerait à la Haute Autorité aucun pouvoir de contrôle particulier. Or, on voit mal pourquoi une même institution ne disposerait pas des mêmes pouvoirs en fonction de la qualité des personnes qu’elle contrôle. Le contrôle des déclarations de patrimoine et des mandats de gestion financière est manifestement un autre métier, et nous pouvons nous féliciter que la lettre rectificative de juin dernier ait confié en la matière un véritable bloc de compétence à la Haute Autorité.

L’amendement vise également à ce que les agents tenus de déclarer leur patrimoine soient les mêmes que ceux tenus de déclarer leurs intérêts. Cette logique peut se défendre ; elle a d’ailleurs été suivie dans les lois d’octobre 2013 sur la transparence de la vie publique. Mais, s’agissant des fonctionnaires, le choix du Gouvernement, que je partage, est au contraire de découpler les deux obligations même si, dans les deux cas, la formulation du renvoi au décret en Conseil d’État est la même : il s’agit des emplois « dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifie ». Le périmètre des agents qui devront déclarer leur patrimoine devrait être plus restreint que celui des agents tenus de déclarer leurs intérêts. Autant l’objectif de prévention des conflits d’intérêts mérite d’être très largement partagé et diffusé au sein de la fonction publique, autant les possibilités d’enrichissement illicite et les risques de corruption concernent une fraction plus limitée d’agents publics − soit en raison de leur place dans la hiérarchie, soit en raison de certaines fonctions particulièrement exposées.

Peut-être Mme la ministre pourra-t-elle vous en dire davantage sur ce sujet. Pour ma part, j’émets un avis défavorable à l’amendement.

Mme la ministre. À chaque instrument correspond un objectif distinct : la déclaration de situation patrimoniale vise prioritairement à lutter contre la corruption, la déclaration d’intérêts à prévenir les conflits d’intérêts. Nous souhaitons développer une culture déontologique au sein de chaque service et nous appuyer pour ce faire sur une commission se caractérisant par sa bonne connaissance de tous les services. L’objectif est de faire en sorte que les différents outils créés par la loi – la déclaration d’intérêts, le référent déontologue et la Commission de déontologie– soient utilisés par les acteurs de terrain dans une logique de prévention quotidienne des risques déontologiques. La transmission des déclarations d’intérêts à la Haute Autorité ne permettra pas d’obtenir un tel résultat.

La comparaison avec les personnes qui relèvent de la loi relative à la transparence de la vie publique n’est pas pertinente, puisque celles-ci n’ont pas de supérieur hiérarchique. Tout au plus ont-elles une relation hiérarchique avec un ministre – relation très différente de celle que peut avoir un agent de l’administration avec ses propres supérieurs. Nous estimons donc que le régime de sanction disciplinaire ne peut être le même, et il paraît logique que des solutions différentes soient apportées à des situations aussi dissemblables.

Enfin, si nous ne gardions pas les deux instances tel que proposé, je crains fort que la Haute Autorité ne soit rapidement débordée…

M. René Dosière. Nous sommes favorables à l’orientation générale de l’amendement de M. Molac car elle correspond à celle de notre amendement CL89, mais nous sommes en désaccord sur deux points.

Le premier concerne le I de l’amendement CL29, dans lequel M. Molac propose que toutes les déclarations d’intérêts soient transmises à la Haute Autorité. Cela paraît excessif, comme l’a fait valoir Mme la ministre. Sur ce point, notre amendement CL89 est différent : il maintient le fait qu’il appartient au supérieur hiérarchique d’apprécier la situation, et c’est seulement lorsque ce dernier a un doute que la déclaration est transmise à la Haute Autorité. L’argument selon lequel cette dernière risquerait d’être submergée ne saurait donc être opposé à notre amendement.

Notre second point de désaccord concerne le V de l’amendement, qui assujettit à l’obligation de déclaration patrimoniale toutes les personnes soumises à l’obligation de déclarer leurs intérêts. S’agissant de fonctionnaires, cela n’est nullement pertinent.

Nous sommes en revanche d’accord avec M. Molac pour dire que, si la déclaration d’intérêts fait problème, c’est la Haute Autorité qui doit être saisie et non la commission de déontologie. Il s’agit en effet d’un domaine nouveau et nous avons confié à la Haute Autorité, dont l’indépendance est dès à présent reconnue, le soin de traiter de cette question et de développer une certaine culture. Cette instance sera progressivement amenée à travailler davantage sur le sujet et à prévoir une pédagogie des conflits d’intérêts. Pourquoi vouloir confier cette mission à une autre commission, dont l’indépendance est moins grande que celle de la Haute Autorité ? Pourquoi vouloir disperser les efforts, alors qu’il s’agit de faire de la pédagogie et de progresser dans un domaine nouveau ? Il me semble préférable de concentrer les tâches entre les mains de la Haute Autorité qui aura la compétence, la technicité et la pédagogie nécessaires.

La Commission rejette l’amendement CL29.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL157 de la rapporteure.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CL158 de la rapporteure et CL89 de Mme Cécile Untermaier.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. L’amendement de la rapporteure est rédactionnel.

M. René Dosière. Pas seulement, puisqu’il confirme le rôle de la Commission de déontologie, ce à quoi s’oppose notre amendement.

Mme la rapporteure. J’ai présenté l’amendement CL158 comme rédactionnel dans la mesure où il confirme les dispositions du projet de loi.

Quant à l’amendement CL89, il ne donnerait à la Haute Autorité, je le répète, aucun pouvoir de contrôle particulier. Or on voit mal pourquoi une même institution ne disposerait pas des mêmes pouvoirs en fonction de la qualité des personnes qu’elle contrôle.

De plus, la Haute Autorité contrôle actuellement le contenu des déclarations de situation patrimoniale, mais n’a ni la culture ni la pratique nécessaires pour détecter des conflits d’intérêts, à la différence de la Commission de déontologie, à laquelle le projet de loi confère un rôle d’accompagnement quotidien des chefs de service. J’émets donc un avis défavorable à l’amendement CL89.

Mme la ministre. J’émets le même avis. Compte tenu de la composition actuelle de la Commission de déontologie, on ne peut prétendre que celle-ci ne serait pas indépendante.

M. René Dosière. Je me rappelle pourtant l’audition de M. Olivier Fouquet, président de la commission de déontologie, lors de la nomination de M. Pérol à la tête du groupe issu de la fusion des Banques populaires et des Caisses d’épargne…

Mme la ministre. Vous faites ici référence à l’avis de la Haute Autorité sur le cas que vous venez de citer et que je ne puis commenter.

Nous souhaitons instaurer une culture de la déontologie et donner toute sa place au contrôle des conflits d’intérêts. Nous établissons une distinction entre, d’une part, les situations de conflit d’intérêts dans lesquelles plusieurs milliers de personnes sont susceptibles de se trouver, et, d’autre part, les faits de corruption et d’enrichissement personnel. C’est finalement là que réside le « frottement » dont j’ai parlé tout à l’heure.

La prévention des conflits d’intérêts ne permet pas de prévenir toute corruption. Il convient en outre de faire preuve de prudence dans la rédaction de la loi, car les marges d’interprétation du texte ne seront pas minces. C’est pourquoi nous avons souhaité conserver la Commission de déontologie, en incluant dans sa composition une personnalité ayant une bonne connaissance des entreprises, de façon à éviter les conflits d’intérêts concernant des fonctionnaires créateurs d’entreprise.

J’entends vos arguments, et j’ai lu comme vous les commentaires émis à la suite du cas que vous avez cité. L’interrogation que vous émettez pourrait trouver réponse si nous allions jusqu’au bout de ce qui s’est produit, ce qui n’est point le rôle du législateur. Je maintiens donc ma position de prudence. En revanche, j’étudierai avec enthousiasme la possibilité d’introduire une procédure d’appel, enjeu que vous avez soulevé à juste titre, mais je ne suis pas encore en mesure de vous proposer un dispositif.

Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à l’amendement CL89.

Mme Cécile Untermaier. Nous comprenons ces arguments, mais il convient de développer une conscience du conflit d’intérêts et de rassurer nos concitoyens. L’autorité indépendante que nous avons instaurée doit jouer, dans les cas difficiles, le rôle que les Français attendent d’elle. La commission de déontologie, en revanche, a un côté opaque, refermé sur la fonction publique, qui ne nous paraît pas adapté au règlement de ces cas. Nous nous opposons donc à l’amendement de la rapporteure et maintenons l’amendement CL89, qui a recueilli l’adhésion du groupe socialiste, républicain et citoyen.

La Commission rejette l’amendement CL158, puis adopte l’amendement CL89.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels CL159 et CL160 de la rapporteure, ainsi que son amendement de précision CL161.

Puis elle examine l’amendement CL162 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Il s’agit de rendre obligatoire la mise à jour régulière des déclarations d’intérêt.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte également l’amendement rédactionnel CL163 de la rapporteure.

Elle en vient ensuite à l’amendement CL75 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Le terme de mission est trop vague pour permettre une réelle protection du fonctionnaire et des décisions qu’il serait amené à prendre – il s’agit en effet de décisions et non de simples intentions. Je propose donc de retenir la formulation suivante : « Les agents qui sont amenés à prendre des décisions ayant une incidence ou un impact en matière économique… »

Mme la rapporteure. Je trouve au contraire que c’est votre rédaction qui est plus vague, car elle ne se réfère plus aux missions des agents, formule qui a l’avantage d’être objective : à un poste donné, correspondent des missions précises. La notion de décisions introduit au contraire un élément factuel et contingent. Avis défavorable, donc.

Mme la ministre. Le Gouvernement s’apprêtait à s’en remettre à la sagesse des commissaires avant d’entendre la rapporteure. Je comprends bien l’objectif de l’amendement, mais certaines missions peuvent avoir des conséquences importantes qui ne sont pas directement d’ordre économique, tout en ayant un intérêt évident pour telle ou telle personne – si elles portent, par exemple, sur un équipement déterminant de zones d’expropriation.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite successivement les amendements de précision CL164 et CL165 de précision de la rapporteure.

Puis elle examine l’amendement CL30 rectifié de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Cet amendement tend à aligner les conditions de dépôt et de contrôle des déclarations de situation patrimoniales sur celles prévues par la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Il précise notamment le contenu de la déclaration, les cas où elle n’est pas nécessaire, les conditions de contrôle par la Haute Autorité, et érige en délit la déclaration mensongère.

Mme la ministre. Avis favorable.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CL166 de la rapporteure tombe.

La Commission examine l’amendement CL80 de M. Paul Molac.

Mme la rapporteure. Cet amendement est satisfait par mon amendement CL246 rectifié, qui viendra en discussion dans un instant.

L’amendement est retiré.

Puis la Commission examine, en discussion commune, les amendements CL82 et CL81 de M. Paul Molac.

Mme la rapporteure. Avis défavorable à l’amendement CL82, car il tend à appliquer à la fonction publique les mêmes sanctions pénales que celles prévues par la loi du 11 octobre 2013 sur la transparence de la vie publique et à donner à la Haute Autorité des pouvoirs renforcés de contrôle sur les déclarations de patrimoine. Je vous propose de vous rallier à mes amendements CL172 et CL247, qui sont mieux adaptés.

Quant à l’amendement CL81, il est satisfait, lui aussi, par mon amendement CL246 rectifié.

Les amendements sont retirés.

La Commission examine ensuite l’amendement CL246 rectifié de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Il s’agit d’apporter des précisions sur le contenu des déclarations remises lors de la fin des fonctions et de dispenser l’intéressé d’une nouvelle déclaration lorsqu’une déclaration a déjà été remise moins de six mois auparavant.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL167 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Il s’agit de garantir la possibilité de poursuites pénales.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL168 de la rapporteure.

Elle examine l’amendement CL171 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Il s’agit de rendre obligatoire la mise à jour des déclarations de patrimoine.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement l’amendement rédactionnel CL170 et l’amendement de conséquence CL169 de la rapporteure.

Elle étudie ensuite l’amendement CL172 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à donner à la Haute Autorité des pouvoirs renforcés de contrôle des déclarations de patrimoine.

D’une part, il lui attribue un pouvoir d’injonction pour obtenir des documents complémentaires ou des explications sur une déclaration de patrimoine. Le fonctionnaire serait tenu de répondre à la Haute Autorité, sous peine de sanctions pénales prévues par l’amendement CL247 rectifié qui suit. Nous transposons ici le mécanisme de la loi du 11 octobre 2013.

D’autre part, la Haute Autorité pourrait obtenir les déclarations de revenus du fonctionnaire ou de son conjoint ainsi que des informations de l’administration fiscale. Il s’agit là aussi de reprendre les dispositions de la loi sur la transparence.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL247 rectifié de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement tend à sanctionner pénalement un fonctionnaire ayant méconnu une injonction de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique dans l’exercice de sa mission de contrôle des déclarations de situation. Il complète un de mes précédents amendements.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

Article 5
Entrée en vigueur des obligations déclaratives

Cet article précise les conditions d’entrée en vigueur des déclarations d’intérêts et des déclarations de situation patrimoniales prévues à l’article 4.

Le I du présent article prévoit que les agents concernés disposeront de deux mois pour établir leur déclaration d’intérêts, à compter de l’entrée en vigueur du décret en Conseil d’État prévu au dernier alinéa du IV du nouvel article 25 quater de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé à l’article 4 du présent projet de loi. Aucune sanction n’est prévue en cas de méconnaissance de ce délai. Dans le silence du texte, des poursuites disciplinaires seront néanmoins possibles.

Le II du présent article prévoit que les agents concernés disposeront de deux mois pour établir leur déclaration de situation patrimoniale, à compter de l’entrée en vigueur du décret en Conseil d’État prévu au III du nouvel article 25 sexies de la loi du 13 juillet 1983 précitée, créé à l’article 4 du présent projet de loi. À la différence des déclarations d’intérêts, en cas d’absence de déclaration de situation patrimoniale à l’issue de ce délai, le présent article prévoit qu’il est mis fin aux fonctions de l’agent. Dans un souci d’harmonisation, votre Commission, sur proposition de votre rapporteure, a supprimé cette sanction spécifique. Celle-ci se justifie d’autant moins que, pour les futurs agents qui occuperont les fonctions concernées, la nomination sera « conditionnée » à la transmission préalable des deux déclarations, sans que l’article 4 du projet de loi n’opère de distinction entre déclaration d’intérêts et déclaration de situation patrimoniale.

Rappelons, par ailleurs, que la liste des emplois soumis à déclaration d’intérêts et celle des emplois soumis à déclaration de situation patrimoniale devraient être fixées par décret en Conseil d’État, en fonction du « niveau hiérarchique » ou de la « nature des fonctions » (143). En pratique, les deux listes devraient être distinctes, le champ des agents tenus de déclarer leurs intérêts ayant vocation à être plus large.

*

* *

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL173 de la rapporteure.

Puis elle en vient à l’amendement CL174 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. L’amendement permet d’harmoniser les sanctions en l’absence de déclaration pour les agents déjà en poste.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 5 modifié.

Chapitre II
Des cumuls d’activités

Article 6
(art. 25 septies [nouveau] de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983
portant droits et obligations des fonctionnaires)

Réforme des règles de cumul d’activités

Cet article tend à réformer les règles de cumul d’activités applicables aux fonctionnaires. Aujourd’hui prévues à l’article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, ces règles figureraient désormais dans un nouvel article 25 septies. L’article 7 du présent projet de loi précise leurs conditions d’entrée en vigueur. Ces règles sont applicables aux fonctionnaires et aux agents non titulaires de droit public (144), mais aussi aux membres des cabinets ministériels, aux collaborateurs du Président de la République, ainsi qu’aux collaborateurs de cabinet des autorités territoriales (II de l’article 9 du présent projet de loi) (145).

D’une manière générale, cet article tend à revenir sur plusieurs dispositions introduites à partir de 2007 et consistant à « autoriser toujours plus largement les cumuls d’activités des fonctionnaires, peut-être pour compenser la baisse du pouvoir d’achat et la cristallisation jusqu’en 2013 des traitements des agents publics » (146). Sans remettre en cause certaines avancées ayant bénéficié aux agents, il s’agit de réaffirmer les objectifs fondamentaux devant guider leur action : le respect de l’intérêt du service et la satisfaction de l’intérêt général. En limitant les causes de survenance d’éventuels conflits d’intérêts, ces nouvelles dispositions participent au renforcement de la déontologie de la fonction publique.

1. La réaffirmation de l’obligation de principe, pour le fonctionnaire, de se consacrer à ses fonctions

Le I du nouvel article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 précitée réaffirme le principe selon lequel le fonctionnaire consacre l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées.

Ce principe emporte deux conséquences.

D’une part, il entraîne l’interdiction d’exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative « de quelque nature que ce soit ». Toutefois, les II à IV du nouvel article 25 septies prévoient plusieurs situations dans lesquelles des cumuls d’activités peuvent, par dérogation, être autorisés (voir le point 2 ci-après).

D’autre part, l’obligation pour le fonctionnaire de se consacrer à ses fonctions est également à l’origine d’une série d’interdictions, prévues aux  à du I de l’article 25 septies. Énumérées ci-dessous, celles-ci ne souffrent aucune dérogation possible.

a. L’interdiction, pour un fonctionnaire travaillant à temps plein, de créer ou de reprendre une entreprise

Le  du I du nouvel article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 précitée interdit au fonctionnaire occupant un emploi à temps complet et exerçant ses fonctions à temps plein de créer ou de reprendre une entreprise, lorsque celle-ci donne lieu à immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou à affiliation au régime dit « micro-social », défini à l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité social, dont bénéficient les auto-entrepreneurs (voir l’encadré ci-après).

Le régime de l’auto-entrepreneur

Le régime de l’auto-entrepreneur, mis en place à compter du 1er janvier 2009, s’applique aux entreprises individuelles artisanales, commerciales ou libérales (loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie). Il offre des formalités de création d’entreprises allégées, ainsi qu’un mode de calcul et de paiement simplifié des impôts et des cotisations sociales.

L’auto-entrepreneur :

– est soumis au régime dit « micro-fiscal », qui prévoit une imposition forfaitaire, assise sur le chiffre d’affaires et non sur le résultat net, des bénéfices industriels et commerciaux pour une activité commerciale ou artisanale ou des bénéfices non commerciaux pour une activité libérale (articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts). Le chiffre d’affaires annuel de l’auto-entrepreneur ne doit donc pas dépasser un certain seuil (147) ;

– bénéficie de plein droit du régime dit « micro-social » simplifié, qui permet de calculer le montant des cotisations sociales en pourcentage du chiffre d’affaires et de les régler au fur et à mesure des encaissements (article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale).

– peut opter pour le versement libératoire, qui permet de régler, en un seul prélèvement social et fiscal, à la fois l’impôt sur le revenu et les cotisations sociales (article 151-0 du code général des impôts).

L’article 24 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (ACTPE) prévoit de fusionner, à compter du 1er janvier 2016, le régime micro-social et le régime micro-fiscal en un seul et unique régime simplifié de la micro-entreprise.

Les dispositions du présent article sont plus restrictives que celles en vigueur, en ce qu’elles interdisent toute création ou reprise d’une entreprise à un fonctionnaire travaillant à temps plein dans le cadre d’un emploi à temps complet.

Aujourd’hui, depuis la loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique, le 1° du II de l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 précitée autorise le fonctionnaire, y compris s’il exerce ses fonctions à temps plein, à créer ou à reprendre une entreprise. Cette possibilité, ouverte pour deux années (148) et renouvelable une année, suppose une autorisation de l’autorité administrative dont relève l’agent, après avis de la commission de déontologie (149).

Désormais, seul un fonctionnaire exerçant ses fonctions à temps partiel pourra créer ou reprendre une entreprise, dans les conditions prévues au III du nouvel article 25 septies (voir le point 2 ci-après). Comme l’indique l’exposé des motifs du projet de loi, il s’agit de faire en sorte qu’un fonctionnaire à temps complet se consacre « entièrement au service de l’intérêt général ».

Si elle partage évidemment cet objectif, votre rapporteure souhaite que ces nouvelles dispositions ne viennent pas déstabiliser le cadre juridique qui s’applique aujourd’hui à des pratiques parfaitement acceptables du point de vue de la déontologie, notamment en ce qui concerne les catégories d’agents les plus modestes. C’est pourquoi il conviendra, lors de l’examen du présent article en séance publique, de faire en sorte qu’un fonctionnaire, y compris s’il est employé à temps plein, puisse continuer à exercer certaines activités en tant qu’auto-entrepreneur, pour autant qu’elles le soient à titre accessoire (voir également ci-après).

b. L’interdiction de participer aux organes de direction de sociétés ou d’associations à but lucratif

Le  du I du nouvel article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 précitée interdit au fonctionnaire de participer aux organes de direction de sociétés ou d’associations à but lucratif.

Ces dispositions reprennent, en le clarifiant, le droit en vigueur. Actuellement, le 1° du I de l’article 25 de la même loi interdit la participation d’un fonctionnaire aux organes de direction de sociétés ou d’associations ne satisfaisant pas aux conditions fixées au b du 1° du 7 de l’article 261 du code général des impôts. Cela revient à permettre la participation aux organes de direction des organismes réalisant « des œuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l’autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient ».

En mentionnant, plus simplement, les sociétés et associations « à but lucratif », le présent article clarifie la rédaction de l’interdiction, en évitant d’avoir à se référer aux critères retenus par l’administration fiscale pour l’application des dispositions précitées de l’article 261 du code général des impôts.

Par ailleurs, comme le relève l’étude d’impact associée au projet de loi, cette interdiction n’empêche pas le fonctionnaire de participer aux organes de direction :

– d’une société ou d’une association, lorsque ces fonctions sont exercées au nom de la personne publique qui emploie l’agent. Par exemple, les chefs des établissements publics locaux d’enseignement (EPLE) sont, de droit, présidents des associations sportives des collèges et lycées ;

– d’une société civile immobilière (SCI), lorsqu’il s’agit pour l’agent de gérer ses biens personnels (150).

c. L’interdiction de consultation, expertise et plaidoirie

Le  du I du nouvel article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 précitée interdit au fonctionnaire de donner des consultations, de procéder à des expertises ou de plaider en justice dans les litiges intéressant toute personne publique, y compris devant une juridiction étrangère ou internationale. Toutefois, cette interdiction ne s’applique pas si la prestation – consultation, expertise ou plaidoirie – est exercée au profit d’une personne publique « ne relevant pas du secteur concurrentiel ».

Le seul changement par rapport au droit positif (1° du I de l’article 25 de la même loi) réside dans l’ajout de la précision relative au secteur concurrentiel, qui aboutit à élargir le champ de l’interdiction. Cohérent avec la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique et avec les nouvelles dispositions définissant les attributions de la commission de déontologie de la fonction publique (151), cet ajout conduit à interdire au fonctionnaire de donner des consultations, de procéder à des expertises et de plaider en justice dans les litiges intéressant une personne publique :

– non seulement si la prestation est exercée au profit d’une personne privée ;

– mais aussi si cette prestation est exercée au profit d’une personne publique relevant du secteur concurrentiel.

Les seules prestations autorisées sont donc celles effectuées au bénéfice d’une personne publique en situation de monopole.

d. L’interdiction de prise ou de détention de certains intérêts dans des entreprises

Le  du I du nouvel article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 précitée interdit au fonctionnaire de prendre ou détenir, par lui-même ou par personnes interposées, dans une entreprise soumise au contrôle de l’administration à laquelle il appartient ou en relation avec cette dernière, des intérêts de nature à compromettre son indépendance.

Aujourd’hui, le 3° du I de l’article 25 de la même loi prévoit des dispositions similaires, mais qui concernent seulement la prise d’intérêts dans de telles entreprises. Le présent article étend l’interdiction à la simple détention d’intérêts, ce qui permettra de couvrir les cas dans lesquels l’entreprise est entrée dans le champ de compétence de l’agent postérieurement à sa prise d’intérêts dans cette entreprise. Cela recouvre deux situations possibles :

– l’agent détenait des intérêts dans une entreprise avant que celle-ci ne vienne à être soumise au contrôle de l’administration ou à entrer en relation avec cette dernière ;

– l’agent détenait des intérêts dans une entreprise soumise au contrôle de l’administration ou en relation avec cette dernière avant d’être affecté dans l’administration en question.

En conséquence, le présent article fait obligation à tout agent de se départir des intérêts qu’il détient, directement ou par personnes interposées, dans une entreprise soumise au contrôle de l’administration à laquelle il appartient ou en relation avec cette dernière, dès lors que ces intérêts sont de nature à compromettre son indépendance.

e. L’interdiction de cumuler deux emplois publics permanents

Le  du I du nouvel article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 précitée interdit au fonctionnaire de cumuler un emploi permanent à temps complet avec un ou plusieurs autres emplois permanents à temps complet ou incomplet.

Est ainsi prohibé, par principe, le cumul d’emplois publics permanents (152). Cette interdiction traditionnelle avait disparu du droit en vigueur depuis l’abrogation, par l’article 23 de la loi du 2 février 2007 précitée, du décret-loi du 29 octobre 1936 relatif aux cumuls de retraites, de rémunérations et de fonctions (153). Le présent article permet de combler ce vide juridique.

En revanche, ces dispositions :

– ne remettent pas en cause la possibilité de cumuler plusieurs emplois permanents, à la condition qu’ils soient tous exercés à temps incomplet ;

– n’empêchent pas non plus un agent de cumuler un emploi permanent à temps complet dans l’une des trois fonctions publiques et un emploi permanent à temps non complet dans la fonction publique territoriale ou dans la fonction publique hospitalière. En effet, la prohibition du cumul avec un emploi permanent à temps « incomplet » prévue au présent article ne peut trouver à s’appliquer qu’à la fonction publique de l’État (article 6 de la loi du 11 janvier 1984 précitée), les fonctions publiques territoriale et hospitalière ne connaissant que des emplois à temps « non complet » (articles 104 et 108 de la loi du 26 janvier 1984 précitée et articles 107 et 108 de la loi du 9 janvier 1986 précitée) ;

– ne reviennent pas sur la situation spécifique de certains agents, pour lesquels le VI de l’article 23 de la loi du 2 février 2007 précité a maintenu les « règles spéciales » encadrant les possibilités de cumuls d’activités (architectes fonctionnaires ou salariés de l’État et des collectivités publiques, mentionnés à l’article 14 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture ; architectes des Bâtiments de France, mentionnés à l’article 38 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains ; praticiens à temps plein dans les établissements publics de santé exerçant une activité libérale dans les conditions prévues aux articles L. 6154-1 à L. 6154-7 du code de la santé publique).

Signalons par ailleurs que l’article 11 septies (nouveau) introduit par votre Commission abroge l’article 14 de la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, qui autorisait l’expérimentation du cumul d’emplois permanents à temps non complet dans plusieurs versants de la fonction publique – disposition jamais mise en œuvre.

2. Les dérogations au principe : les cumuls d’activités autorisés

Les II à IV du nouvel article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 précitée dérogent au principe, posé au premier alinéa du I du même article, selon lequel le fonctionnaire ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative. Sans constituer formellement une dérogation à ce principe, le V du même article garantit au fonctionnaire la possibilité de produire des œuvres de l’esprit et de pratiquer des activités artistiques et d’enseignement.

a. Le cumul d’une activité privée et d’un emploi public permanent à temps incomplet inférieur ou égal à 70 % de la durée du travail

Le  du II du nouvel article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 précitée dispose que l’agent public – fonctionnaire ou contractuel de droit public, y compris s’il bénéficie d’un contrat à durée indéterminée (CDI) (154) – peut déroger à l’interdiction d’exercer à titre professionnel une activité privée lucrative lorsqu’il occupe un emploi permanent à temps non complet ou incomplet (155) pour lequel la durée du travail est inférieure ou égale à 70 % de la durée légale ou réglementaire du travail.

Ces dispositions reprennent celles aujourd’hui prévues au IV de l’article 25 de la même loi (156). L’article 15 du décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d’activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l’État précise que ce cumul peut porter sur « une ou plusieurs » activités lucratives, dans des conditions qui doivent être « compatibles avec [les] obligations [des agents] et sous réserve que ces activités ne portent pas atteinte au fonctionnement normal, à l’indépendance ou à la neutralité du service ».

Le seul changement apporté par le présent article réside dans l’affirmation dans la loi de la nécessité d’une déclaration préalable de l’intéressé à son autorité hiérarchique – consacrant ainsi ce que prévoit l’article 16 du décret du 2 mai 2007 précité (157).

b. La poursuite provisoire d’une activité au sein d’une entreprise après un recrutement dans la fonction publique

Le  du II du nouvel article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 précitée prévoit que le dirigeant d’une société ou d’une association à but lucratif peut provisoirement poursuivre cette activité lorsqu’il vient d’être lauréat d’un concours de la fonction publique ou d’être recruté en qualité d’agent non titulaire de droit public.

À la différence des règles actuelles, prévues au 2° du II de l’article 25 de la même loi (158) :

– cette dérogation ne vaudrait que pour une courte durée. Alors qu’elle est aujourd’hui ouverte pour une durée maximale d’un an à compter du recrutement, susceptible d’être prolongée pour la même durée, le présent article se borne à prévoir que l’agent continue à exercer son activité privée « pendant une durée limitée » à compter de son recrutement. Cette durée sera fixée par le décret en Conseil d’État prévu au VII du nouvel article 25 septies. Selon les informations recueillies par votre rapporteure, elle devrait être d’une année, non renouvelable ;

– cette dérogation supposerait une simple déclaration de l’agent à son autorité hiérarchique, sans plus nécessiter d’avis préalable de la commission de déontologie de la fonction publique. Cette dernière pourra ainsi mieux se consacrer à ses nouvelles missions, sensiblement élargies par le présent projet de loi.

c. La faculté de créer ou de reprendre une entreprise pour un fonctionnaire travaillant à temps partiel

Comme on l’a vu, le I du nouvel article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 précitée interdit désormais au fonctionnaire occupant un emploi à temps complet et exerçant ses fonctions à temps plein de créer ou de reprendre une entreprise.

En revanche, le III du même article 25 septies maintient la possibilité de créer ou de reprendre une entreprise pour un fonctionnaire occupant un emploi à temps complet et exerçant ses fonctions à temps partiel. Sont concernées les entreprises immatriculées au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou affiliées au régime dit « micro-social », défini à l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale, dont bénéficient les auto-entrepreneurs.

Cette possibilité serait plus restreinte qu’actuellement d’un triple point de vue :

– comme aujourd’hui (159), la création ou la reprise d’entreprise devrait, au préalable, faire l’objet d’un avis de la commission de déontologie de la fonction publique (160). Celle-ci se prononcerait dans les conditions prévues aux II et IV du nouvel article 25 octies de la loi du 13 juillet 1983 précitée, ce qui signifie que son avis d’incompatibilité ou de compatibilité avec réserves lierait désormais l’administration et s’imposerait à l’agent concerné (161), alors qu’il est aujourd’hui seulement consultatif ;

– l’autorisation d’accomplir un service à temps partiel, qui ne peut être inférieur au mi-temps, ne serait plus accordée « de plein droit » à l’agent, comme le prévoit actuellement le troisième alinéa de l’article 37 bis de la loi du 11 janvier 1984 précitée pour la fonction publique de l’État, de l’article 60 bis de la loi du 26 janvier 1984 précitée pour la fonction publique territoriale et de l’article 46-1 de la loi du 9 janvier 1986 précitée pour la fonction publique hospitalière (162). L’autorisation serait désormais accordée par l’autorité dont relève l’agent, « sous réserve des nécessités de la continuité et du fonctionnement du service et compte tenu des possibilités d’aménagement de l’organisation du travail » (163). En conséquence, l’autorité administrative ne pourrait passer outre l’avis d’incompatibilité ou les réserves émises par la commission de déontologie, mais elle pourrait, au nom des nécessités du service et de l’organisation du travail, refuser le cumul, en dépit même d’un avis favorable de la commission ;

– la possibilité pour l’agent travaillant à temps partiel d’exercer une activité privée ne vaudrait que pour une durée maximale de deux ans non renouvelable à compter de la création ou de la reprise de l’entreprise, au lieu aujourd’hui d’une durée de deux ans susceptible de prolongation pour une année.

En outre, sans changement par rapport au droit vigueur, le I du nouvel article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 précitée prévoit un délai de carence de trois ans après la fin d’un service à temps partiel effectué pour créer ou reprendre une entreprise : ce n’est qu’au-delà d’un tel délai qu’une nouvelle autorisation de même nature pourra, le cas échéant, être accordée au même agent.

L’ensemble de ces dispositions ne devrait pas bouleverser les pratiques actuelles : comme le relève la commission de déontologie, la possibilité existant aujourd’hui d’obtenir un temps partiel de plein droit pour créer ou reprendre une entreprise est « assez peu utilisée, les agents indiquant souvent commencer leur activité privée pendant les périodes de congés ou de récupération » (164). La rapporteure ne dispose pas, toutefois, d’éléments chiffrés sur ce point.

Le tableau ci-après récapitule le nombre de saisines de la commission de déontologie, en 2013 et 2014, au titre de la création, de la reprise ou de la poursuite d’activités au sein d’une entreprise.

SAISINES DE LA COMMISSION DE DÉONTOLOGIE AU TITRE DE LA CRÉATION,
DE LA REPRISE OU DE LA POURSUITE D’ACTIVITÉS AU SEIN D’UNE ENTREPRISE

2013

2014

Fonction publique de l’État

716

672

Fonction publique territoriale

1 052

757

Fonction publique hospitalière

779

781

Total

2 547

2 210

Source : rapports d’activité 2013 et 2014 de la commission de déontologie.

d. La faculté d’exercer certaines activités à titre accessoire

Le IV du nouvel article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 précitée dispose que le fonctionnaire peut être autorisé à exercer à titre accessoire une activité, lucrative ou non, auprès d’une personne ou d’un organisme public ou privé, dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui lui sont confiées et n’affecte pas leur exercice. Dans ce cadre, le fonctionnaire peut, par exemple, être recruté comme enseignant associé dans l’enseignement supérieur, en application de l’article L. 952-1 du code de l’éducation (165).

En dehors de cette précision relative aux enseignants associés, ces dispositions reprennent celles actuellement prévues au dernier alinéa du I de l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 précitée, qui permettent déjà au fonctionnaire d’exercer certaines activités à titre accessoire. Sur leur fondement, le décret du 2 mai 2007 précité précise :

– que l’agent doit, au préalable, obtenir l’autorisation de l’autorité dont il relève ;

– que l’activité accessoire ne doit pas porter atteinte au fonctionnement normal, à l’indépendance ou à la neutralité du service ;

– que l’activité accessoire peut être exercée auprès d’une personne publique ou privée ;

– qu’un même agent peut être autorisé à exercer plusieurs activités accessoires ;

– que l’activité accessoire ne peut être exercée qu’en dehors des heures de service de l’agent.

La liste des domaines dans lesquels des activités accessoires sont susceptibles d’être exercées par un agent public, qui a été élargie en 2011 (166), figure aux articles 2 et 3 du décret du 2 mai 2007 précité. Il s’agit, sous certaines conditions, des domaines suivants :

– expertise et consultation ;

– enseignement et formation ;

– activité à caractère sportif ou culturel, y compris encadrement et animation dans les domaines sportif, culturel, ou de l’éducation populaire ;

– activité agricole ;

– activité de conjoint collaborateur au sein d’une entreprise artisanale, commerciale ou libérale ;

– aide à domicile à un ascendant, à un descendant, à son conjoint, à son partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PaCS) ou à son concubin ;

– travaux de faible importance réalisés chez des particuliers ;

– services à la personne ;

– vente de biens fabriqués personnellement par l’agent ;

– activité d’intérêt général exercée auprès d’une personne publique ou auprès d’une personne privée à but non lucratif ;

– mission d’intérêt public de coopération internationale ou auprès d’organismes d’intérêt général à caractère international ou d’un État étranger.

Depuis sa modification en 2011, ce décret introduit, en outre, une distinction entre les activités accessoires pouvant être exercées uniquement sous le régime du micro-entrepreneur – services à la personne, vente de biens fabriqués personnellement par l’agent – et celles pour lesquelles l’agent a le choix entre ce régime et tout autre régime d’activité.

L’ensemble de ces dispositions réglementaires ne sont, en soi, pas remises en cause par le présent article. Pour autant, ce dernier modifie l’état du droit, en ce que la faculté d’exercer certaines activités à titre accessoire, si elle constitue une exception à l’interdiction d’exercer à titre professionnel une activité privée lucrative (167), ne peut, en revanche, déroger aux cinq interdictions désormais énumérées aux 1° à 5° du I de l’article 25 septies (commentées au point 1 ci-avant) :

– interdiction de créer ou de reprendre une entreprise pour un fonctionnaire occupant un emploi à temps complet et travaillant à temps plein ;

– interdiction de participer aux organes de direction de sociétés ou d’associations à but lucratif ;

– interdiction de consultation, expertise et plaidoirie ;

– interdiction de prise ou de détention de certains intérêts dans des entreprises contrôlées par l’administration ou en relation avec cette dernière ;

– interdiction de cumuler deux emplois publics permanents.

Comme le souligne l’étude d’impact du projet de loi, « les conditions dans lesquelles une activité accessoire demeure véritablement accessoire sont clarifiées afin qu’elles ne constituent pas, contrairement à ce que certaines pratiques abusives peuvent laisser croire, un moyen de contournement des prohibitions posées par le législateur ». En particulier, « l’accès des agents publics au dispositif de l’auto-entreprise, dans le cadre de cumuls d’activités ou de l’exercice d’activités accessoires, a en réalité permis à des agents publics de développer une [ou] plusieurs activités de nature artisanale ou commerciale parallèlement à l’occupation d’un emploi public, leur faisant largement perdre leur caractère accessoire ». Votre rapporteure déplore néanmoins le manque de données chiffrées disponibles, l’étude d’impact du projet de loi étant muette sur ce point (168).

En application du présent article, les fonctionnaires occupant un emploi à temps complet et travaillant à temps plein pourront donc continuer à exercer certaines activités à titre accessoire, mais plus dans un cadre entrepreneurial. Toutefois, en l’état actuel du décret du 2 mai 2007 précité, ces agents ne pourraient plus ni exercer de services à la personne, ni vendre des biens fabriqués personnellement, ces deux activités accessoires n’étant actuellement admises que sous le régime du micro-entrepreneur. Votre rapporteure souhaite, au contraire, que ces activités puissent continuer à être exercées à titre accessoire sous ce même régime : il conviendra d’y veiller lors de l’examen du présent article en séance publique.

Signalons, enfin, que si la commission de déontologie de la fonction publique demeurerait incompétente pour donner un avis, a priori et au cas par cas, sur l’exercice d’activités accessoires (169), elle pourrait désormais avoir à se prononcer sur cette question, dans le cadre des pouvoirs généraux qu’elle tiendrait du I du nouvel article 25 octies de la loi du 13 juillet 1983 précitée (article 8 du présent projet). La commission de déontologie pourrait ainsi se prononcer sur l’application des dispositions relatives aux cumuls d’activités, y compris – sur saisine de l’administration – à propos de situations individuelles.

e. Les œuvres de l’esprit, les activités artistiques, les activités d’enseignement

Le V du nouvel article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 précitée dispose que :

– la production des œuvres de l’esprit, au sens des articles L. 112-1, L. 112-2 et L. 112-3 du code de la propriété intellectuelle, s’exerce librement, dans le respect des dispositions relatives au droit d’auteur des agents publics et sous réserve des dispositions relatives au secret professionnel et à l’obligation de discrétion professionnelle prévues à l’article 26 de la loi du 13 juillet 1983 précitée ;

– les membres du personnel enseignant, technique ou scientifique des établissements d’enseignement et les personnes pratiquant des activités à caractère artistique peuvent exercer les professions libérales qui découlent de la nature de leurs fonctions.

Ces dispositions reprennent strictement celles figurant aujourd’hui aux deuxième et dernier alinéas du III de l’article 25 de la même loi (170).

3. Conséquences de la méconnaissance du présent article et modalités d’application

En application du VI du nouvel article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 précitée, la violation de l’ensemble des dispositions qui précèdent donnerait lieu au reversement des sommes perçues au titre des activités interdites, par voie de retenue sur le traitement de l’agent. Il s’agit d’une mesure classique, que prévoyait déjà le décret-loi du 29 octobre 1936 précité (abrogé en 2007) et figurant aujourd’hui au V de l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 précitée. Les sommes en question doivent bénéficier au budget de la personne publique qui supporte la charge du traitement principal du fonctionnaire.

Le même VI ajouterait que ce reversement financier s’opère « sans préjudice de l’engagement de poursuites disciplinaires », ce qui consacre la jurisprudence selon laquelle le reversement ne constitue pas une sanction disciplinaire (171) : la règle non bis in idem ne saurait donc être invoquée pour éviter, en plus du reversement, le prononcé de sanctions disciplinaires.

De la même façon, sans qu’il soit besoin de le préciser expressément (172), l’ensemble de ces dispositions peut s’appliquer sans préjudice d’éventuelles sanctions pénales – en particulier celles réprimant la prise illégale d’intérêts (article 432-12 du code pénal).

Enfin, le VII du nouvel article 25 septies dispose que les conditions d’application de cet article sont fixées par décret en Conseil d’État. Il s’agit aujourd’hui du décret du 2 mai 2007 précité. Le Gouvernement devra le modifier afin de tirer les conséquences du présent article.

*

* *

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Alors que l’on incite les fonctionnaires que sont les universitaires et les chercheurs à aller vers les entreprises et contribuer à leur développement, voire à en créer, je voudrais m’assurer que l’article 6 ne va pas nuire à cette ambition voulue de longue date par le législateur, en vue de leur permettre de s’intéresser encore plus à la création d’activités économiques susceptibles de créer des emplois.

Mme la ministre. Je vous rassure : il est hors de question que nos chercheurs ne créent pas d’entreprises. Nous allons au contraire les y encourager.

La Commission adopte successivement l’amendement de précision CL175 de la rapporteure, ses amendements rédactionnels CL176 et CL 177 et ses amendements de précision CL179, CL 178 et CL180.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL77 rectifié et CL79 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Il serait pertinent de préciser qu’il peut s’agir aussi de l’engagement de poursuites pénales. Quant au second amendement, il tend à retenir la notion de sommes « indûment perçues ».

Mme la rapporteure. S’agissant du premier amendement, cette précision n’est pas nécessaire : des sanctions pénales sont toujours possibles, par exemple pour prise illégale d’intérêts.

Quant au second, la rédaction du projet de loi est plus précise, car elle fait directement référence aux interdictions prévues dans cet article. Au contraire, le terme « indûment » est trop large.

Avis défavorable aux deux amendements, donc.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ajouter le terme de « pénales » conduirait en outre à créer une peine accessoire aux dispositions prononcées par la juridiction pénale. Il faut surtout se garder de le faire !

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je retire donc mes amendements, mais je réécrirai le second en vue de la discussion en séance publique.

Les amendements sont retirés.

Puis la Commission adopte l’article 6 modifié.

Article 7
(art. 37 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, art. 60 bis de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et art. 46-1 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière)

Entrée en vigueur des règles de cumul d’activités

Cet article tire les conséquences des nouvelles règles encadrant le cumul d’activités, prévues à l’article 6, et précise leurs conditions d’entrée en vigueur.

Par coordination avec l’article 6, le I du présent article supprime le troisième alinéa des articles 37 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, de l’article 60 bis de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et de l’article 46-1 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière. En effet, les dispositions régissant la création et la reprise d’une entreprise par un fonctionnaire accomplissant un service à temps partiel figureront désormais au III du nouvel article 25 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé à l’article 6.

Le II du présent article précise les conditions d’entrée en vigueur de l’interdiction, prévue au 1° du I de l’article 25 septies précité, pour un agent public occupant un emploi permanent à temps complet et exerçant ses fonctions à temps plein, de créer ou de reprendre une entreprise immatriculée au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou affiliée au régime de l’auto-entrepreneur. Les agents concernés auront deux ans, à compter de l’entrée en vigueur de la loi issue du présent projet, pour se conformer à cette interdiction, « sous peine de poursuites disciplinaires ».

Le III du présent article précise les conditions d’entrée en vigueur de l’interdiction, prévue au 5° du I de l’article 25 septies précité, pour un agent public occupant un emploi permanent à temps complet, d’occuper un ou plusieurs autres emplois permanents, à temps complet ou incomplet. Là aussi, les agents concernés auront deux ans, à compter de l’entrée en vigueur de la loi, pour se conformer à cette interdiction, « sous peine de poursuites disciplinaires ».

Le IV du présent article dispose que les agents publics autorisés, à la date d’entrée en vigueur de la loi, à accomplir un service à temps partiel pour créer ou reprendre une entreprise pourront continuer à accomplir ce service jusqu’au terme de leur période de temps partiel. Les nouvelles règles posées à l’article 6 ne remettront ainsi pas en cause les autorisations déjà délivrées, ni dans leur principe, ni dans leur durée.

Dans le silence du présent article, les autres dispositions relatives aux cumuls d’activités prendront effet dès l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, à l’exception de la « durée limitée » de poursuite d’une activité au sein d’une entreprise après un recrutement dans la fonction publique (1° du II de l’article 25 septies), qui devra être fixée par décret en Conseil d’État (prévu au VII du même article).

*

* *

La Commission adopte les amendements CL181 rédactionnel et CL182 de précision de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 7 modifié.

Chapitre III
De la commission de déontologie de la fonction publique

Article 8
(art. 14 bis et 25 octies [nouveau] de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, art. 87 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, art. 30 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, art. 21 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, art. L. 421-3, L. 531-3 et L. 531-7 du code de la recherche, art. L. 1313-10, L. 5323-4 et L. 6152-4 du code de la santé publique, art. L. 952-14-1 et L. 952-20 du code de l’éducation et art. L. 114-26 du code de la mutualité)

Composition et attributions de la commission de déontologie
de la fonction publique

Cet article tend à réformer la commission de déontologie de la fonction publique, organisme consultatif placé auprès du Premier ministre, en modifiant sa composition et en élargissant ses attributions.

1. Le cadre juridique aujourd’hui applicable

Initialement créée par le décret n° 91-109 du 17 janvier 1991 pris pour l’application de l’article 72 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, la commission de déontologie a été consacrée par le législateur à l’article 87 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite « loi Sapin ». Elle était alors chargée, sur saisine facultative des administrations, de donner son avis sur la compatibilité avec leurs fonctions précédentes des activités que souhaitent exercer en dehors de leur administration – en particulier dans le secteur privé (« pantouflage ») – des fonctionnaires devant cesser ou ayant cessé définitivement leurs fonctions.

La loi n° 94-530 du 28 juin 1994 relative à certaines modalités de nomination dans la fonction publique de l’État et aux modalités d’accès de certains fonctionnaires ou anciens fonctionnaires à des fonctions privées avait remplacé cette commission par trois commissions, chacune compétente pour l’un des trois versants de la fonction publique.

La loi n° 99-587 du 12 juillet 1999 sur l’innovation et la recherche a étendu les attributions de la commission de déontologie compétente à l’égard de la fonction publique de l’État au cas particulier de la participation à la création d’entreprise ou aux activités d’entreprises existantes des fonctionnaires du service public de la recherche.

La loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique a mis en place une commission de déontologie unique, compétente à l’égard des trois fonctions publiques, et lui a conféré l’essentiel de ses prérogatives actuelles. La commission est ainsi chargée de deux missions principales :

– d’une part, donner un avis sur les déclarations des agents qui quittent le secteur public, de manière temporaire ou définitive, afin d’exercer une activité privée lucrative ;

– d’autre part, donner un avis sur les cas de cumul d’activités pour création ou reprise d’entreprise par des agents publics et sur les cas de poursuite d’activité comme dirigeant d’entreprise par un agent récemment recruté dans la fonction publique (173).

La loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires a étendu les compétences de la commission de déontologie aux praticiens hospitaliers, placés dans une position statutaire ou contractuelle.

La loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique a complété les prérogatives de la commission de déontologie, à la suite de l’affaire dite « Pérol » (174) :

– en lui permettant de s’auto-saisir, par l’intermédiaire de son président ;

– en étendant sa compétence obligatoire à l’accès au secteur privé des collaborateurs du Président de la République et des membres de cabinets ministériels ;

– en instaurant une obligation d’information incombant aux collaborateurs de cabinet des autorités territoriales qui souhaitent exercer une activité privée lucrative après leur départ de la collectivité territoriale.

En 2014, pour les trois fonctions publiques, la commission a été saisie de 3 045 dossiers, dont plus de 70 % correspondant à des demandes de cumul d’activités (175).

2. L’élargissement des attributions de la commission de déontologie de la fonction publique

En application du présent article, la commission serait dénommée « commission de déontologie de la fonction publique » (et non plus « commission de déontologie »). Les dispositions la régissant seraient désormais intégrées au sein de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans un nouvel article 25 octies.

Ses compétences seraient sensiblement élargies. D’une manière générale, elle aurait pour mission d’ « apprécier le respect des principes déontologiques inhérents à l’exercice d’une fonction publique ». Ainsi, elle mériterait enfin sa dénomination de commission de « déontologie », alors que ses compétences sont jusqu’à présent limitées à deux aspects particuliers – les départs vers le secteur privé et les cumuls d’activités.

Comme aujourd’hui, la commission présenterait chaque année au Premier ministre un rapport public (VII du nouvel article 25 octies de la loi du 13 juillet 1983 précitée).

a. De nouvelles attributions en matière de déontologie

En application du I du nouvel article 25 octies de la loi du 13 juillet 1983 précitée la commission de déontologie de la fonction publique serait chargée :

– de rendre un avis lorsque l’administration la saisit, préalablement à leur adoption, sur les projets de textes élaborés pour l’application des articles 25 à 25 quater et 25 septies de la même loi. Par « textes », il faut entendre à la fois les mesures réglementaires d’application de ces articles, mais aussi les codes et chartes de déontologie qui pourront décliner, dans un service ou un organisme donné, les dispositions du présent projet de loi (176) ;

– d’émettre des recommandations de portée générale sur l’application des mêmes articles ;

– de formuler des recommandations, lorsque l’administration la saisit, sur l’application à des situations individuelles des mêmes articles.

Les articles en question (177) sont ceux relatifs :

– aux obligations générales des fonctionnaires : dignité, impartialité, intégrité, probité, neutralité, laïcité, égalité (article 25) ;

– aux conflits d’intérêts (article 25 bis) ;

– aux « lanceurs d’alerte » (article 25 ter) ;

– aux déclarations d’intérêts (article 25 quater(178) ;

– aux cumuls d’activités (article 25 septies).

Dans tous ces domaines, la commission de déontologie de la fonction publique aura donc pour mission de préciser les conditions d’application des nouvelles règles déontologiques. Elle pourra intervenir :

– soit sur saisine de l’administration, sur les textes d’application ou à propos de situations individuelles ;

– soit de sa propre initiative, sur l’application générale des règles déontologiques. La rédaction retenue exclut que la commission puisse, d’elle-même, formuler une recommandation qui porterait sur une situation individuelle. La saisine de la commission par un agent, sur une question déontologique, n’est pas davantage prévue : c’est à son chef de service et, le cas échéant, au « référent déontologue » prévu au futur article 28 bis que le fonctionnaire pourra s’adresser s’il souhaite prendre conseil en matière de déontologie (179).

Le présent article ajoute que les avis et les recommandations (autres que celles relatives à une situation individuelle) de la commission de déontologie de la fonction publique ainsi que, le cas échéant, la réponse de l’administration, sont rendus publics, selon les modalités déterminées par la commission.

En revanche, conformément au partage des tâches avec la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) défini à l’article 4 du présent projet de loi rectifié, la commission de déontologie de la fonction publique ne serait pas compétente pour se prononcer sur tout ce qui concerne les mandats de gestion et les déclarations de situation patrimoniale (articles 25 quinquies et 25 sexies).

À l’initiative de votre rapporteure, votre commission des Lois a élargi le pouvoir consultatif de la commission de déontologie de la fonction publique. Celle-ci pourrait également se prononcer sur l’application :

– du nouvel article 25 nonies du statut général (I de l’article 9 du présent projet), afin par exemple de donner son avis sur l’équivalence entre les nouvelles dispositions déontologiques et celles déjà prévues par des législations sectorielles spécifiques ;

– du nouvel article 28 bis du même statut (III de l’article 9 du présent projet), afin notamment de donner son avis sur la mise en place des futurs référents déontologues et sur les projets de décrets en Conseil d’État venant préciser les règles déontologiques dans la fonction publique.

b. Des attributions recentrées en matière de cumuls d’activités

En application du II du nouvel article 25 octies de la loi du 13 juillet 1983 précitée, la commission de déontologie de la fonction publique demeurerait chargée d’examiner la compatibilité du projet de création ou de reprise d’une entreprise par un fonctionnaire avec les fonctions qu’il exerce. Rappelons que ce type de cumul d’activités serait régi par le III du nouvel article 25 septies de la même loi, résultant de l’article 6 du présent projet de loi. Ces dispositions limitent désormais aux seuls fonctionnaires travaillant à temps partiel la faculté de créer ou de reprendre une entreprise. De surcroît, l’autorisation de pratiquer ce cumul ne serait plus obtenue de plein droit et sa durée serait réduite.

Par ailleurs, demeureraient inchangées les compétences spécifiques de la commission de déontologie à l’égard des agents du service public de la recherche souhaitant participer à la création d’une entreprise destinée à valoriser des travaux de recherche accomplis dans l’exercice de leurs fonctions (articles L. 531-1 à L. 531-16 du code de la recherche). Les articles L. 531-3 et L. 531-7 du code de la recherche seraient modifiés par coordination par les et du II du présent article.

En revanche, comme on l’a vu, la commission de déontologie de la fonction publique ne serait dorénavant plus compétente pour se prononcer sur la poursuite provisoire d’activité au sein d’une entreprise par un agent nouvellement recruté dans la fonction publique – par concours ou par contrat (180). Ce faisant, les attributions de la commission seront recentrées sur les cas de cumuls d’activités qui posent les questions les plus délicates au plan déontologique.

c. Des attributions élargies en matière de départs vers le secteur privé

i. La mission de la commission de déontologie

En application du III du nouvel article 25 octies de la loi du 13 juillet 1983 précitée, la commission de déontologie de la fonction publique serait chargée d’apprécier la compatibilité de toute activité lucrative, salariée ou non, dans une entreprise ou un organisme privé ou de toute activité libérale, avec les fonctions exercées au cours des trois années précédant le début de cette activité par tout agent cessant définitivement ou temporairement ses fonctions.

Serait assimilé à une entreprise privée « tout organisme ou entreprise exerçant son activité dans un secteur concurrentiel conformément aux règles de droit privé ». La même assimilation est prévue à l’article 23 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique pour l’accès au secteur privé, sous le contrôle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), des ministres et des exécutifs locaux – dispositions qui s’inspirent elles-mêmes de la définition du délit de prise illégale d’intérêts prévu à l’article 432-13 du code pénal (181).

Les nouvelles dispositions définissant la mission de la commission de déontologie en matière de « pantouflage » ne diffèrent de la loi en vigueur (182) que sur deux points :

– elles ne font plus référence aux fonctions « effectivement » exercées par le fonctionnaire. Cet adverbe avait été ajouté en 2007 (183), par parallélisme avec la nouvelle rédaction du délit de prise illégale d’intérêts prévu à l’article 432-13 du code pénal. Sa suppression est aujourd’hui cohérente avec l’élargissement de la portée du contrôle opéré par la commission, qui vise non seulement à prévenir la réalisation de ce délit, mais aussi à faire respecter un ensemble de nouveaux principes déontologiques indépendants de la matière pénale (184) ;

– elles précisent que la cessation des fonctions de l’agent concerné par le contrôle peut être soit définitive (démission, mise à la retraite), soit temporaire (disponibilité, détachement, hors-cadre, mise à disposition ou exclusion temporaire). Cette précision ne fait que consacrer l’état du droit, tel qu’il résulte de l’article 1er du décret n° 2007-611 du 26 avril 2007 relatif à l’exercice d’activités privées par des fonctionnaires ou agents non titulaires ayant cessé temporairement ou définitivement leurs fonctions et à la commission de déontologie.

ii. La saisine de la commission de déontologie

Pour définir les conditions dans lesquelles la commission de déontologie exerce son contrôle des départs des agents publics vers le secteur privé, les II et III de l’article 87 de la loi du 29 janvier 1993 précitée distinguent actuellement deux types de saisine.

La saisine de la commission est obligatoire à l’égard des agents chargés soit d’assurer la surveillance ou le contrôle d’une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou de formuler un avis sur de tels contrats, soit de proposer des décisions relatives à des opérations effectuées par une entreprise privée ou de formuler un avis sur de telles décisions. Est assimilée à une entreprise privée toute entreprise publique exerçant son activité dans un secteur concurrentiel et conformément aux règles du droit privé. La saisine peut être effectuée par l’agent, par son administration ou, à défaut, par le président de la commission dans un délai de dix jours à compter de l’embauche du fonctionnaire ou de la création de l’entreprise.

La saisine de la commission n’est que facultative dans les autres cas, c’est-à-dire à l’égard des agents exerçant :

– une activité lucrative, salariée ou non, au sein d’une entreprise privée sans avoir été chargés des fonctions précitées (surveillance ou contrôle, conclusion de contrats ou formulation d’avis sur des contrats, proposition de décisions relatives à des opérations effectuées par l’entreprise) ;

– une activité lucrative, salariée ou non, au sein d’un organisme privé du secteur non marchand (par exemple une association) ;

– une activité libérale.

Comme l’avait relevé l’ancien président de la commission de déontologie, M. Jacques Arrighi de Casanova, cette distinction entre saisine obligatoire et saisine facultative n’apparaît guère pertinente. En particulier, la disposition relative à la saisine obligatoire est « un peu tautologique puisque, en substance, on est obligé de saisir la commission quand on est sûr qu’elle dira que "c’est impossible car il y a prise illégale d’intérêts". On a donc un système dans lequel la saisine est obligatoire dans un cas assez limité, celui d’un fonctionnaire ayant eu à assurer la surveillance d’une entreprise privée, et facultative dans les autres cas de départ » (185).

Le III du nouvel article 25 octies de la loi du 13 juillet 1983 précitée met fin à cette distinction entre saisine obligatoire et saisine facultative : la commission de déontologie de la fonction publique aura ainsi à connaître de l’ensemble des situations précitées.

Le fonctionnaire aura désormais l’obligation de saisir la commission de déontologie, préalablement à l’exercice de l’activité envisagée. En cas d’inaction, la saisine devra être effectuée par l’autorité administrative dont il relève « dans son corps ou cadre d’emplois d’origine ». À défaut, l’auto-saisine de la commission, par l’intermédiaire de son président, pourra désormais intervenir dans les trois mois (et non plus les dix jours) suivant l’embauche de l’agent ou la création de l’entreprise ou de l’organisme privé. Cet allongement du délai répond à une demande récurrente de la commission de déontologie et devrait conduire à ce que le pouvoir d’auto-saisine, introduit en 2009, devienne réellement effectif (186).

iii. L’objet du contrôle de la commission de déontologie

Aujourd’hui, le contrôle des départs dans le secteur privé par la commission de déontologie revêt une double dimension.

D’une part, le contrôle dit « pénal » consiste à prévenir la commission par le fonctionnaire du délit de prise illégale d’intérêts, prévu à l’article 432-13 du code pénal.

Cet article punit « de trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 200 000 euros, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction, le fait, par une personne ayant été chargée, en tant que membre du Gouvernement, titulaire d’une fonction exécutive locale, fonctionnaire ou agent d’une administration publique, dans le cadre des fonctions qu’elle a effectivement exercées, soit d’assurer la surveillance ou le contrôle d’une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou de formuler un avis sur de tels contrats, soit de proposer directement à l’autorité compétente des décisions relatives à des opérations réalisées par une entreprise privée ou de formuler un avis sur de telles décisions, de prendre ou de recevoir une participation par travail, conseil ou capitaux dans l’une de ces entreprises avant l’expiration d’un délai de trois ans suivant la cessation de ces fonctions » (187). C’est l’article 28 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique qui a alourdi les peines encourues (qui étaient auparavant de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende) et qui a étendu le champ de l’infraction aux membres du Gouvernement et aux exécutifs locaux.

D’autre part, le contrôle dit « déontologique » vise à éviter que l’activité de l’agent dans le secteur privé « porte atteinte à la dignité des fonctions précédemment exercées ou risque de compromettre ou de mettre en cause le fonctionnement normal, l’indépendance ou la neutralité du service » (188). Ce contrôle ne porte donc pas sur tous les aspects de la déontologie de la fonction publique.

Comme l’a souligné M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État, ce dispositif a « montré ses limites : il est à la fois excessivement rigide par son approche objective et il a révélé de réelles insuffisances, notamment pour les membres des cabinets ministériels dont les responsabilités réelles ont été, dans certains cas, occultées par les pétitionnaires ou sous-estimées par la commission de déontologie » (189).

Le III du nouvel article 25 octies de la loi du 13 juillet 1983 précitée maintient ce double objet du contrôle, mais en élargissant le champ du volet déontologique. Il reviendrait à la commission d’apprécier si l’activité qu’exerce ou que projette d’exercer le fonctionnaire « risque de compromettre ou de mettre en cause le fonctionnement normal, l’indépendance ou la neutralité du service, place l’intéressé en situation de commettre l’infraction prévue à l’article 432-13 du code pénal ou méconnaît tout autre principe déontologique inhérent à l’exercice d’une fonction publique ». Cette nouvelle rédaction permettra, en particulier, de faire entrer la problématique du conflit d’intérêts, tel que défini à l’article 2 du présent projet de loi, dans le champ du contrôle opéré par la commission de déontologie.

Il ne serait plus fait expressément référence à la « dignité des fonctions » (190), mais celle-ci est incluse parmi les principes déontologiques inhérents à l’exercice d’une fonction publique, ainsi qu’en atteste la nouvelle rédaction de l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 précitée (article 1er du présent projet).

iv. Les personnes assujetties au contrôle de la commission de déontologie

Aujourd’hui, en matière de contrôle des départs vers le secteur privé, la commission de déontologie est compétente à l’égard :

– des fonctionnaires ;

– des agents contractuels de droit public employés par l’État, une collectivité territoriale ou un établissement public ;

– des collaborateurs du Président de la République

– des membres des cabinets ministériels ;

– des collaborateurs des cabinets des autorités territoriales ;

– des agents contractuels, de droit public ou de droit privé, de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), de l’Établissement français du sang (EFS), de l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), de l’Institut de veille sanitaire (InVS), de l’Agence de la biomédecine, de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), organismes mentionnés aux articles L. 1142-22, L. 1222-1, L. 1313-1, L. 1413-2, L. 1418-1 et L. 5311-1 du code de la santé publique ;

– des agents contractuels, de droit public ou de droit privé, des autorités administratives indépendantes (AAI) ;

– des praticiens hospitaliers des établissements de santé, mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 6152-1 du code de la santé publique.

Toutefois, pour les agents non titulaires employés par l’État, une collectivité territoriale, un établissement public ou une autorité administrative indépendante, la commission de déontologie n’est compétente que lorsque ces agents ont été employés de manière continue depuis plus d’un an par la même autorité ou collectivité publique (191).

Le présent projet de loi maintient l’ensemble de ces personnes dans le champ de compétence de la commission de déontologie de la fonction publique, tout en élargissant ce champ.

D’une part, les dispositions relatives à la commission de déontologie étant désormais insérées dans la loi portant statut général des fonctionnaires (article 25 octies de la loi du 13 juillet 1983 précitée), ses compétences s’exerceraient à l’égard des fonctionnaires des trois versants de la fonction publique et aux agents non titulaires de droit public (192). Seraient également assujettis les membres des cabinets ministériels, les collaborateurs du Président de la République et les collaborateurs de cabinet des autorités territoriales, en application du II de l’article 9 du présent projet de loi. Les agents contractuels des autorités administratives indépendantes et des six organismes de santé publique déjà évoqués seraient, quant à eux, mentionnés au II du nouvel article 25 nonies de la loi du 13 juillet 1983 précitée (article 9 du présent projet). Les praticiens hospitaliers seraient mentionnés à l’article L. 6152-4 du code de la santé publique (modifié, par coordination, par le  du II du présent article).

D’autre part, le champ des personnes soumises au contrôle de la commission de déontologie en cas de départ vers le secteur privé serait triplement étendu.

En premier lieu, la condition d’au moins une année d’emploi applicable aux agents non titulaires serait supprimée, la commission devenant compétente à l’égard de l’ensemble de ces agents, qu’ils soient employés par l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics ou une autorité administrative indépendante.

En deuxième lieu, un plus grand nombre d’organismes intervenant dans le domaine de la santé publique entrerait dans le champ du contrôle de la commission de déontologie. Seraient désormais concernés les agents contractuels – de droit public ou de privé – des établissements publics, organismes et autorités mentionnés au I de l’article L. 1451-1 du code de la santé publique (1° du II du nouvel article 25 nonies de la loi du 13 juillet 1983 précitée, résultant de l’article 9 du présent projet de loi), sans préjudice des dispositions relatives à la prévention des conflits d’intérêts qui leurs sont déjà applicables.

Concrètement, aux six organismes déjà mentionnés, s’ajouteraient désormais :

– les comités de protection des personnes ;

– les commissions de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

– l’Institut national du cancer ;

– l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) ;

– les agences régionales de santé (ARS) ;

– l’établissement public de gestion administrative et financière de la réserve sanitaire ;

– la Haute Autorité de santé (HAS) ;

– l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) ;

– l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) (193).

En troisième lieu, la commission de déontologie deviendrait compétente à l’égard des agents contractuels des autorités publiques indépendantes (API) (2° du II du nouvel article 25 nonies de la loi du 13 juillet 1983 précitée, résultant de l’article 9 du présent projet de loi).

Rappelons que les autorités publiques indépendantes se distinguent des autorités administratives indépendantes, en ce qu’elles disposent de la personnalité morale. Il s’agit de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) (194), de l’Autorité des marchés financiers (AMF), du Haut Conseil du commissariat aux comptes (H3C), de la Haute Autorité de santé (HAS), de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) et du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).

Enfin, il convient de signaler que le champ des personnes à l’égard desquelles la commission de déontologie est compétente pour connaître d’un départ dans le secteur privé ne se superpose pas à celui des personnes tenues d’établir une déclaration d’intérêts ou une déclaration de situation de patrimoniale :

– d’une part, parce que le champ des agents soumis à ces obligations déclaratives, qui sera défini par décret en Conseil d’État, ne s’étendra évidemment pas à l’ensemble des agents de la fonction publique ;

– d’autre part, parce que certaines personnes déjà tenues de remettre des déclarations d’intérêts et de situation patrimoniale auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) en application de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 précitée continueront de relever de la commission de déontologie de la fonction publique pour le contrôle préalable à un départ vers le secteur privé. Tel est le cas des membres des cabinets ministériels et des collaborateurs du Président de la République, ainsi que des personnes nommées en conseil des ministres pour exercer un emploi ou des fonctions à la décision du Gouvernement. À l’inverse, c’est la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique – et non la commission de déontologie – qui est compétente en matière de « pantouflage » des membres du Gouvernement et des exécutifs locaux (article 23 de la même loi).

v. Les pouvoirs d’investigation de la commission

Afin de mener à bien sa mission, la commission de déontologie de la fonction publique bénéficierait de moyens d’investigation renforcés – ajoutés au présent article par la lettre rectificative du 17 juin 2015 (III du nouvel article 25 octies de la loi du 13 juillet 1983 précitée). Ce renforcement apparaît indispensable, dès lors que les rapporteurs de la commission « ont parfois des difficultés à trouver auprès des administrations l’ensemble des informations nécessaires pour éclairer objectivement la commission sur la situation de l’agent intéressé » (195).

En premier lieu, le président de la commission pourrait demander toute explication ou tout document nécessaire à l’exercice de sa mission au fonctionnaire concerné ou à l’autorité dont il relève dans son corps ou cadre d’emplois d’origine ou dans les corps, cadres d’emplois ou emplois dans lesquels il a été précédemment détaché ou exercé des fonctions.

En deuxième lieu, la commission pourrait recueillir, auprès des personnes publiques et privées, toute information nécessaire à l’accomplissement de sa mission. Elle pourrait entendre ou consulter toute personne – y compris l’agent concerné – dont le concours lui paraît utile. Des dispositions similaires sont déjà prévues au niveau réglementaire (196), mais « seule la reconnaissance par le législateur d’un pouvoir d’enquête permettrait, sans que les secrets protégés par loi lui soient opposables, d’avoir accès à divers documents dont la communication peut s’avérer utile, voire indispensable, à une instruction effective du dossier » (197).

En dernier lieu, la commission serait informée des « alertes éthiques » lancées, en application du nouvel article 25 ter de la loi du 13 juillet 1983 précitée (article 3 du présent projet), à l’encontre de l’agent concerné par son contrôle. Elle pourrait ainsi avoir connaissance d’éventuelles situations de conflit d’intérêts, dans le cadre des fonctions exercées ou ayant été exercées par cet agent dans les trois années qui précèdent.

Le décret en Conseil d’État prévu au VIII du nouvel article 25 octies de la loi du 13 juillet 1983 précitée précisera les conditions dans lesquelles l’agent sera « informé des démarches engagées par la commission au titre de ses pouvoirs d’enquête ».

Sur proposition de votre rapporteure, la commission des Lois a renforcé les pouvoirs d’investigation de la commission de déontologie, en lui permettant d’échanger avec la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique les informations nécessaires à l’accomplissement de leurs missions respectives, y compris les informations couvertes par le secret professionnel. L’échange d’informations entre ces deux organismes apparaît indispensable, en raison de la proximité de leurs compétences et du chevauchement des champs des personnes soumises à leur contrôle. Des dispositions similaires viendraient également compléter la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 précitée (article 9 du présent projet).

d. Le renforcement de la portée des avis de la commission

Le présent article tend à renforcer la portée juridique des avis rendus par la commission de déontologie de la fonction publique.

En l’état actuel du droit :

– en matière de cumuls d’activités, les avis de la commission de déontologie sont purement consultatifs. La décision autorisant ou refusant le cumul est prise par l’autorité administrative dont relève l’agent, « au vu de l’avis rendu » par la commission (198) ;

– en matière de départs vers le secteur privé, les avis de la commission de déontologie ne lient l’administration que s’ils concluent à l’incompatibilité pure et simple avec les fonctions publiques exercées par l’agent (199). Les avis de compatibilité assortis de réserves (200) n’ont donc pas de portée obligatoire, alors pourtant qu’ils sont les plus nombreux en pratique : pour la fonction publique de l’État, plus de la moitié des avis rendus par la commission en 2014 étaient assortis de réserves, tandis que moins de 1 % concluait à une incompatibilité (201). Quant aux effets sur les agents, les dispositions en vigueur mentionnent d’éventuelles retenues sur pension à l’encontre des fonctionnaires retraités (202) et sont, en revanche, silencieuses à propos des autres agents (pour lesquels des sanctions disciplinaires sont, en tout état de cause, possibles).

En application des IV et V du nouvel article 25 octies de la loi du 13 juillet 1983 précitée, les avis rendus par la commission de déontologie de la fonction publique lieraient désormais l’administration et s’imposeraient à l’agent, qu’il s’agisse :

– des avis d’incompatibilité ou des avis de compatibilité avec réserves ;

– des avis rendus en matière de cumuls d’activités ou en matière de départs dans le secteur privé. Il est précisé que les effets des réserves ne peuvent excéder deux années dans le premier cas (ce qui est cohérent avec la durée maximale de l’autorisation de travail à temps partiel pour créer ou reprendre une entreprise) (203) et trois années dans le second (soit la même durée qu’actuellement).

La commission de déontologie disposerait, à compter de sa saisine, d’un délai de deux mois pour se prononcer (204).

Afin d’alléger la tâche de la commission, son président pourrait rendre seul, au nom de celle-ci, un avis de compatibilité lorsque l’activité envisagée par l’agent est manifestement compatible avec ses fonctions actuelles ou antérieures
– possibilité qui n’existe actuellement qu’en matière de départs dans le secteur privé, non en matière de cumuls d’activités. Comme aujourd’hui, il pourrait également rendre un avis d’incompétence, d’irrecevabilité ou constatant qu’il n’y a pas lieu à statuer.

L’autorité administrative disposerait du droit de demander une seconde délibération dans un délai d’un mois, la commission devant alors statuer dans un délai d’un mois. Serait ainsi élargie une possibilité qui n’existe aujourd’hui qu’en matière de départs vers le secteur privé (et non de cumuls d’activités) et uniquement lorsque la commission a rendu un avis d’incompatibilité (et non un avis de compatibilité).

En outre, les nouvelles dispositions précisent les conséquences sur les agents en cas d’absence de respect d’un avis d’incompatibilité ou de méconnaissance des réserves formulées par la commission :

– le fonctionnaire (non retraité) s’exposerait à des poursuites disciplinaires ;

– le fonctionnaire retraité s’exposerait à une retenue sur pension, dans la limite de 20 %, pendant les trois ans suivant la cessation de ses fonctions. Les dispositions en vigueur ne prévoient, quant à elles, aucune limite. Ce taux maximal de 20 % semble de nature à renforcer le caractère proportionné de la sanction ;

– l’agent contractuel s’exposerait à la fin de son contrat, de plein droit, sans préavis et sans indemnité de rupture.

3. La modification de la composition de la commission de déontologie de la fonction publique

a. La composition actuelle

La commission de déontologie est présidée par un conseiller d’État. Depuis le 19 juillet 2015, il s’agit de M. Roland Peylet, qui a succédé à M. Jacques Arrighi de Casanova.

La commission comprend, en outre (205) :

– un conseiller maître à la Cour des comptes ;

– un magistrat de l’ordre judiciaire en activité ou honoraire ;

– deux personnalités qualifiées, dont l’une doit avoir exercé des fonctions au sein d’une entreprise privée.

À ce tronc commun de cinq membres, s’ajoutent :

– selon le cas, le directeur du personnel du ministère ou de l’établissement public ou le chef du corps dont relève l’agent concerné, l’autorité investie du pouvoir de nomination dans la collectivité territoriale dont relève l’agent concerné, le directeur de l’établissement hospitalier ou de l’établissement social ou médico-social dont relève l’agent concerné ;

– lorsqu’elle exerce ses attributions à l’égard d’un agent de la fonction publique de l’État ou d’une autorité administrative indépendante, deux directeurs d’administration centrale ;

– lorsqu’elle exerce ses attributions à l’égard d’un agent de la fonction publique territoriale, un représentant d’une association d’élus de la catégorie de collectivité dont relève l’intéressé, ainsi que le directeur ou ancien directeur des services d’une collectivité territoriale ;

– lorsqu’elle exerce ses attributions à l’égard d’un agent de la fonction publique hospitalière, une personnalité qualifiée dans le domaine de la santé publique, ainsi qu’un inspecteur général des affaires sociales ou un ancien directeur d’hôpital ;

– lorsqu’elle exerce ses attributions à l’égard des personnels du service public de la recherche, deux personnalités qualifiées dans le domaine de la recherche ou de la valorisation de la recherche.

En conséquence, la commission siège en quatre formations spécialisées
– composées de huit membres – compétentes respectivement pour la fonction publique de l’État, la fonction publique territoriale, la fonction publique hospitalière et les personnels du service public de la recherche. Elle ne siège en formation plénière – composée de quatorze membres – que pour les questions d’intérêt commun (
206).

Les membres de la commission sont nommés pour trois ans par décret.

La commission ne délibère valablement que si la moitié au moins de ses membres sont présents lors de l’ouverture de la séance.

En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.

b. La nouvelle composition

En application du VI du nouvel article 25 octies de la loi du 13 juillet 1983 précitée, la commission de déontologie demeurerait présidée par un conseiller d’État et comprendrait, en outre (207) :

– un conseiller maître à la Cour des comptes ;

– un magistrat de l’ordre judiciaire ;

– trois personnalités qualifiées (au lieu de deux aujourd’hui), dont l’une doit avoir exercé des fonctions au sein d’une entreprise privée ;

– lorsqu’elle exerce ses attributions à l’égard des personnels du service public de la recherche, deux personnalités qualifiées dans le domaine de la recherche ou de la valorisation de la recherche.

Comme aujourd’hui, s’y ajouterait, selon les cas, le directeur du personnel du ministère ou de l’établissement public ou le chef du corps dont relève l’agent concerné, l’autorité investie du pouvoir de nomination dans la collectivité territoriale dont relève l’agent concerné ou le directeur de l’établissement hospitalier ou de l’établissement social ou médico-social dont relève l’agent concerné. Toutefois, ce membre ne disposerait plus d’une voix délibérative, son rôle devenant seulement consultatif.

En outre, seraient supprimés les deux membres représentant alternativement chacune des trois fonctions publiques. Votre rapporteure estime cependant regrettable de priver la commission de la compétence de personnes ayant une connaissance particulière des problématiques propres à chaque fonction publique. Cette suppression apparaît d’autant moins justifiée que l’objectif du projet de loi est d’ériger la commission en organe de référence pour l’ensemble des questions déontologiques concernant la fonction publique.

En conséquence, sur sa proposition, la commission des Lois a maintenu la présence des deux membres siégeant dans les formations spécialisées de la commission de déontologie, au titre de chacune des trois fonctions publiques, c’est-à-dire :

– lorsque la commission exerce ses attributions à l’égard d’un agent relevant de la fonction publique de l’État, deux directeurs d’administration centrale ou leur suppléant ;

– lorsqu’elle exerce ses attributions à l’égard d’un agent relevant de la fonction publique territoriale, un représentant d’une association d’élus de la catégorie de collectivité dont relève l’intéressé ou son suppléant, ainsi qu’un directeur ou ancien directeur général des services d’une collectivité territoriale ou son suppléant ;

– lorsqu’elle exerce ses attributions à l’égard d’un agent relevant de la fonction publique hospitalière, une personnalité qualifiée dans le domaine de la santé publique ou son suppléant, ainsi qu’un inspecteur général des affaires sociales ou un ancien directeur d’hôpital ou son suppléant.

Au total, la commission comporterait donc neuf membres, dont l’un dépourvu de voix délibérative.

Les membres seraient nommés par décret pour trois ans. Leur mandat ne serait désormais renouvelable qu’une seule fois.

À l’initiative de M. Paul Molac, votre commission des Lois a prévu que la composition de la commission devrait comprendre un nombre égal de femmes et d’hommes.

On relèvera qu’à la différence des dispositions en vigueur, le présent article ne prévoit ni quorum, ni voix prépondérante du président. Sur proposition de votre rapporteure, la commission des Lois a précisé que ces dispositions seront fixées dans le décret en Conseil d’État prévu au VIII du nouvel article 25 octies de la loi du 13 juillet 1983 précitée.

Enfin, les  à 13° du II du présent article opèrent les coordinations nécessitées par les dispositions introduites par le projet de loi (en particulier à son article 6 et au présent article). L’article 87 de la loi du 29 janvier 1993 précitée, fondement actuel de la commission de déontologie, serait abrogé. Seraient modifiés les articles 14 bis de la loi du 13 juillet 1983 précitée, 30 de la loi du 26 janvier 1984 précitée, 21 de la loi du 9 janvier 1986 précitée, L. 421-3, L. 531-3 et L. 531-7 du code de la recherche, L. 1313-10, L. 5323-4 et L. 6152-4 du code de la santé publique, L. 952-14-1 et L. 952-20 du code de l’éducation et L. 114-26 du code de la mutualité.

4. L’extension de la protection fonctionnelle aux praticiens hospitaliers

Votre commission des Lois, sur proposition du Gouvernement et suivant l’avis favorable de la rapporteure, a étendu le bénéfice de la protection fonctionnelle aux praticiens hospitaliers mentionnés à l’article L. 6152-1 du code de la santé publique (208).

Les praticiens hospitaliers sont des agents publics, régis par des règles spécifiques fixées dans le code de la santé publique. Celles-ci ne renvoient qu’en partie au statut général des fonctionnaires : à l’heure actuelle, elles ne prévoient pas l’applicabilité des dispositions relatives à la protection fonctionnelle de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 précitée.

La jurisprudence administrative a, dès lors, parfois refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle aux praticiens hospitaliers (209). Certes, le juge administratif peut également décider d’accorder cette protection en dehors de tout texte, en la liant à la qualité d’agent public (210). Il paraît cependant préférable, pour des raisons de sécurité juridique, mais aussi d’attractivité du métier de praticien hospitalier, de consacrer explicitement dans la loi l’application de la protection fonctionnelle à leur égard : l’article L. 6152-4 du code de la santé publique renverrait désormais, sans ambiguïté, à l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 précitée.

*

* *

La Commission examine l’amendement CL183 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Il s’agit d’étendre le pouvoir consultatif de la commission de déontologie.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL184 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement est important car il permet un échange d’information entre la commission de déontologie et la Haute Autorité.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement l’amendement rédactionnel CL185 et l’amendement de précision CL186 de la rapporteure.

Elle en vient ensuite à l’amendement CL187 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. L’amendement tend à supprimer la limite de 20 % pour les retenues sur pension.

Mme la ministre. Défavorable, car le principe de proportionnalité est une obligation conventionnelle, dont le non-respect est notamment sanctionné par la Cour européenne des droits de l’homme.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL188 de la rapporteure.

Puis elle en vient à l’amendement CL189 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Il s’agit d’élargir la composition de la commission de déontologie.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement CL190 de la rapporteure, tendant à corriger une erreur de référence.

Puis elle en vient à l’amendement CL23 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Cet amendement vise à instaurer la parité femmes-hommes au sein de la commission de déontologie de la fonction publique.

Mme la rapporteure. Avis favorable. Il n’y a en effet qu’une femme parmi ses membres actuels…

Mme la ministre. Même avis.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL191 de la rapporteure.

Puis elle en vient à l’amendement CL192 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. L’amendement renvoie au décret pour le quorum et la voix prépondérante du président de la commission de déontologie.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement de coordination CL193 de la rapporteure.

Puis elle examine l’amendement CL93 du Gouvernement.

Mme la ministre. L’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires prévoit que lorsqu’un agent public est mis en cause par un tiers en raison de ses fonctions, la collectivité publique dont il dépend est tenue de le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui – dans la mesure où une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions ne lui est pas imputable –, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est victime, ainsi que de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l’objet de poursuites pénales. Cette protection a autant pour objet la prise en charge des frais d’avocat engagés par l’intéressé pour se défendre que l’obligation pour l’administration de protéger dans tous les sens du terme son agent même s’il a perdu la qualité d’agent public à la date où il est statué sur sa demande.

Bien qu’ils exercent leur fonction dans des établissements publics de santé, les praticiens hospitaliers, qui sont mentionnés à l’article L. 6152-1 du code de la santé publique, ne sont pas des fonctionnaires, mais des agents publics soumis à un statut particulier – fixé par l’article R. 6152-1 et suivants du même code. Compte tenu de la nature de leur fonction, ils sont particulièrement exposés aux risques contre lesquels la protection juridique de l’employeur a été prévue. Or aucune disposition ne figure aujourd’hui dans ces articles pour leur assurer de façon incontestable le bénéfice de cette protection. Il convient donc de faire expressément référence à l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 dans la partie du code de la santé publique consacrée aux dispositions statutaires des praticiens hospitaliers. Cette protection fonctionnelle est un élément supplémentaire d’attractivité des établissements publics. L’absence totale de protection a en effet découragé certains.

Mme la rapporteure. Avis favorable. Il est important d’apporter cette sécurité juridique et de consacrer explicitement la protection fonctionnelle de ces agents dans la loi.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite successivement les amendements de coordination CL194 et CL 195 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 8 modifié.

Article 9
(art. 25 nonies et 28 bis [nouveaux] de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et art. 11, 22 et 23 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique)

Institution de référents déontologues – Extension des obligations déclaratives aux collaborateurs de cabinet de certaines autorités territoriales – Coordinations

Cet article a plusieurs objets :

– il définit le champ d’application de certaines des dispositions introduites par le projet de loi ;

– il détermine les conditions dans lesquelles les nouveaux principes déontologiques s’appliqueront concrètement dans la fonction publique, notamment en créant la fonction de « référent déontologue » ;

– il modifie la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, afin d’élargir son champ aux directeurs de cabinet des autorités territoriales des collectivités et des intercommunalités de plus de 80 0000 habitants ;

– il précise l’articulation entre le présent projet de loi et la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 précitée.

1. Le champ d’application des dispositions déontologiques

Le I du présent article introduit un nouvel article 25 nonies au sein de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, qui précise le champ d’application de certaines des dispositions introduites par les autres articles du projet de loi.

Le I du nouvel article 25 nonies dispose que les obligations de remise de déclarations d’intérêts et de déclarations de situation patrimoniale prévues aux articles 25 quater et 25 sexies (article 4 du projet de loi) ne s’appliqueront pas aux agents publics déjà astreints à l’établissement de telles déclarations en application de l’article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 précitée, sous le contrôle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

En conséquence, en plus des responsables politiques mentionnés à cet article 11, les agents publics restant soumis à la loi de 2013 sur la transparence de la vie publique en matière de déclarations d’intérêts et de déclarations de situation patrimoniale sont :

– les membres des cabinets ministériels, les collaborateurs du Président de la République et les collaborateurs du Président de l’Assemblée nationale et du Président du Sénat ;

– les membres des autorités administratives et publiques indépendantes ;

– toute personne nommée en conseil des ministres pour exercer un emploi ou des fonctions à la décision du Gouvernement (ambassadeurs, préfets, recteurs, directeurs d’administration centrale, etc.) ;

– les présidents et directeurs généraux d’une série d’entreprises et d’organismes publics ou para-publics : personnes morales dont plus de la moitié du capital est détenue par l’État ; établissements publics industriels et commerciaux de l’État ; certaines filiales des organismes précités dont le chiffre d’affaires excède 10 millions d’euros ; offices publics de l’habitat gérant plus de 2 000 logements ; personnes morales dont le chiffre d’affaires excède 750 000 euros détenues à plus de 50 % par une collectivité publique ou ayant le statut de société d’économie mixte locale (211).

Le II du nouvel article 25 nonies dispose qu’à l’exception des règles encadrant le cumul d’activités (article 25 septies), l’ensemble des nouvelles dispositions relatives à la déontologie (obligations générales des agents publics, prévention des conflits d’intérêts, protection des « lanceurs d’alerte », déclarations d’intérêts, mandats de gestion, déclarations de situation patrimoniale, compétences de la commission de déontologie de la fonction publique : articles 25 à 25 sexies et 25 octies) seront également applicables :

– aux agents contractuels (de droit public ou de privé) des différents organismes intervenant dans le domaine de la santé publique, énumérés au I de l’article L. 1451-1 du code de la santé publique (212) ;

– aux agents contractuels des autorités administratives indépendantes (AAI) et des autorités publiques indépendantes (API). Sur proposition de votre rapporteure, la commission des Lois a précisé qu’étaient concernés tant les agents de droit public que ceux de droit privé.

Toutefois, afin de tenir compte de certaines législations sectorielles déjà en vigueur, le III du nouvel article 25 nonies prévoit que les futurs décrets en Conseil d’État relatifs aux déclarations d’intérêts et de situation patrimoniale pourront prévoir que les déclarations déjà faites au titre de ces législations spécifiques tiennent lieu de déclarations au sens de la nouvelle loi. Il s’agit d’éviter des doubles formalités lorsque des obligations déclaratives existent d’ores et déjà, comme c’est le cas dans le domaine de la santé publique (213). Il est nécessaire que ces obligations déclaratives aient un fondement législatif : dans le cas contraire (par exemple, des déclarations d’intérêts fondées sur un règlement intérieur ou une simple « charte »), l’assimilation prévue au présent article ne saurait s’appliquer.

Le II du présent article prévoit, par ailleurs, que les règles relatives aux cumuls d’activités (article 25 septies) et celles encadrant les départs vers le secteur privé (article 25 octies) sont applicables aux membres des cabinets ministériels, aux collaborateurs du Président de la République et aux collaborateurs de cabinet des autorités territoriales. Aujourd’hui, la commission n’est compétente à leur égard qu’en matière d’accès au secteur privé. En leur appliquant désormais les règles limitant le cumul d’activités, le présent article reprend une suggestion du « rapport Sauvé » de 2011 (214).

2. La déclinaison pratique des principes déontologiques

Ajouté par la lettre rectificative du 17 juin 2015, le III du présent article introduit un nouvel article 28 bis au sein de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, tendant à préciser les modalités de déclinaison des différentes dispositions déontologiques prévues dans le projet de loi.

Ce nouvel article 28 bis du statut général disposerait, en premier lieu, que les fonctionnaires « doivent pouvoir consulter un référent déontologue chargé de leur apporter tout conseil utile au respect des obligations et des principes déontologiques » mentionnés aux articles 25 à 28.

Au-delà de l’inscription dans la loi de grands principes déontologiques, l’objectif est de les faire vivre en pratique, au plus près des réalités administratives connues au quotidien par les agents. Comme l’a souligné M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État, il est « nécessaire qu’à l’intérieur ou à la périphérie de l’administration, des tiers ou des autorités compétentes en matière de déontologie puissent apporter un appui à la réflexion et la délibération et assurer une mission de questionnement, de conseil ou de contrôle. La déontologie a en effet besoin de référents » (215). Dans le même sens, le « rapport Pêcheur » de 2013 suggérait de « garantir le droit de tout agent de pouvoir bénéficier d’un conseil déontologique et s’adresser à un référent déontologique » : celui-ci « aurait vocation à répondre aux questions concrètes que se posent les agents en matière de déontologie, les réponses n’étant pas transmises, sauf si l’agent le souhaite, à l’autorité hiérarchique. L’assistance, sur demande, à la rédaction des déclarations d’intérêts et des déclarations de patrimoine (…) pourrait également être assurée par le déontologue » (216).

Aux termes du présent article, cette fonction de conseil porterait sur l’ensemble des dispositions déontologiques mentionnées aux articles 25 à 28 du titre Ier du statut général, dont le tableau ci-après rappelle le contenu. Certaines d’entre elles, comme le secret professionnel, la discrétion professionnelle ou l’obligation d’obéissance hiérarchique, ne sont pas modifiées par le présent projet de loi.

DISPOSITIONS DÉONTOLOGIQUES PRÉVUES AUX ARTICLES 25 À 28 DE LA LOI
DU 13 JUILLET 1983 PORTANT DROITS ET OBLIGATIONS DES FONCTIONNAIRES

Article de la loi
du 13 juillet 1983

Objet

25 (a)

Obligations de dignité, d’impartialité, de probité et d’intégrité

Principes de neutralité, de laïcité et d’égal traitement des personnes

25 bis (b)

Obligation de faire cesser immédiatement ou de prévenir les situations de conflit d’intérêts

Obligations d’abstention, de déport et de suppléance

25 ter (b)

Protection des fonctionnaires lanceurs d’alerte relative à un conflit d’intérêts

25 quater (b)

Déclaration d’intérêts (pour certains emplois définis par décret en Conseil d’État)

25 quinquies (b)

Mandat de gestion (pour certains emplois définis par décret en Conseil d’État)

25 sexies (b)

Déclaration de situation patrimoniale (pour certains emplois définis par décret en Conseil d’État)

25 septies (b)

Encadrement des cumuls d’activités

25 octies (b)

Compétences de la commission de déontologie de la fonction publique

25 nonies (b)

Champ d’application des différentes dispositions déontologiques

26 (c)

Obligations de secret professionnel et de discrétion professionnelle

27 (c)

Obligation d’information du public

28 (c)

Obligation d’obéissance hiérarchique

(a) Article modifié par le présent projet de loi.

(b) Article créé par le présent projet de loi.

(c) Article non modifié par le présent projet de loi.

Le nouvel article 28 bis précise que cette fonction de conseil s’exercera sans préjudice de la responsabilité et des prérogatives du chef de service : le référent déontologue est conçu comme un tiers, non comme un concurrent du chef de service ou un acteur de la chaîne hiérarchique.

L’étude d’impact jointe à la lettre rectificative du 17 juin 2015 indique que le Gouvernement souhaite laisser la plus grande souplesse aux administrations quant à l’attribution de la fonction de référent déontologue.

Dans la fonction publique de l’État, des référents déontologues pourraient être créés à la fois au niveau central – par exemple au sein du secrétariat général du ministère concerné ou auprès de chaque direction « métier » – et au niveau déconcentré. Cette fonction pourrait également être confiée à un « collège d’agents » ou à un service d’inspection ou de contrôle.

Dans la fonction publique territoriale, la collectivité ou l’établissement public pourrait confier cette mission à un agent rattaché au directeur général des services ou à un service juridique ou encore au centre de gestion.

Dans la fonction publique hospitalière, il reviendra au directeur d’établissement de désigner en son sein un référent déontologue ou, éventuellement, au sein d’un plus grand établissement.

Le nouvel article 28 bis dispose, en outre, que des décrets en Conseil d’État pourront « préciser les règles déontologiques » applicables à la fonction publique. Ils pourront ainsi déterminer la portée des règles résultant des articles 25 à 28 précités. Ces décrets devraient également préciser les fonctions des référents déontologues, qui devront offrir « les garanties appropriées, notamment d’indépendance et de confidentialité, aux titulaires de ces fonctions, aux agents qui les consulteraient ainsi qu’aux autorités administratives qui pourraient les saisir » (217).

Enfin, le nouvel article 28 bis confère à tout chef de service le pouvoir d’ « expliciter » (218) les principes déontologiques applicables aux agents placés sous son autorité, en les « adaptant aux missions du service » et après avoir recueilli l’avis des représentants du personnel.

Il s’agit, en quelque sorte, de rappeler que « la première institution déontologique est bien l’autorité hiérarchique », selon l’expression de M. Christian Vigouroux, président de la section de l’intérieur du Conseil d’État (219). Conformément à la traditionnelle jurisprudence Jamart de 1936, tout chef de service dispose au demeurant, sous certaines conditions, du pouvoir réglementaire nécessaire à l’organisation de son service (220).

Le présent article a néanmoins le mérite de souligner le rôle éminent du responsable hiérarchique en matière de déontologie : « si celui-ci a le devoir de rappeler ses subordonnés à leurs obligations déontologiques, il faut qu’il évite, autant que faire se peut, de les placer dans une situation de dilemme ou de difficulté déontologique et, plus encore, de les exposer au risque de commettre des infractions pénales. Il faut aussi (…) qu’il promeuve une formation ou une sensibilisation à ces questions et qu’il veille à ce que ses subordonnés puissent bénéficier de conseils utiles en la matière. Le supérieur hiérarchique doit encore savoir faire preuve de solidarité avec eux, comme, lorsque c’est nécessaire, proposer d’engager une procédure disciplinaire en cas de manquement grave » (221).

Au-delà, cette nouvelle mission confiée au chef de service, qui s’ajoute à celle consistant à veiller au respect des principes déontologiques (222), permettra de consolider son rôle au sein de l’administration : « l’importance des enjeux d’exemplarité et de transparence est devenue telle qu’ils conditionnent désormais, en tant que tels, la bonne marche du service. Il est donc logique d’en tirer toutes les conséquences en en confiant la responsabilité aux chefs de service » (223).

3. L’extension aux directeurs de cabinet d’autorités territoriales des déclarations d’intérêts et des déclarations de situation patrimoniale prévues dans la loi du 11 octobre 2013

Les à du IV du présent article modifient l’article 11 et, par coordination, l’article 22 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, afin d’ajouter dans son champ les directeurs de cabinet des autorités territoriales recrutés dans une collectivité ou dans un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre (224) dont la population est supérieure à 80 000 habitants.

Le seuil de 80 000 habitants est le même que celui retenu à l’article 6 quater de la loi du 13 juillet 1983 précitée, pour déterminer les communes et intercommunalités dans lesquelles les emplois supérieurs sont soumis à l’obligation de nominations équilibrées entre femmes et hommes.

Les directeurs de cabinet concernés seraient tenus de produire une déclaration d’intérêts et une déclaration de situation patrimoniale, sous le contrôle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), dans les conditions définies par la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 précitée (225). Actuellement, les seuls collaborateurs d’autorités politiques concernés par cette loi sont les membres de cabinets ministériels et les collaborateurs du Président de la République et des présidents des assemblées parlementaires.

Selon les calculs de votre rapporteure (226), ces nouvelles obligations concerneraient environ 325 directeurs de cabinet, dont :

– 14 dans des régions (12 régions métropolitaines et 2 régions ultra-marines : Guadeloupe et Réunion) ;

– 5 dans des collectivités territoriales à statut particulier (Corse, Mayotte, Guyane, Martinique et métropole de Lyon) ;

– 97 dans des départements (227), la Lozère étant le seul département dont la population est inférieure au seuil prévu au présent article (76 889 habitants) ;

– 156 dans des EPCI à fiscalité propre (128 communautés d’agglomération, 11 métropoles, 8 communautés urbaines, 8 communautés de communes et un syndicat d’agglomération nouvelle) ;

– 52 dans des communes.

Votre rapporteure considère que le seuil de 80 000 habitants est trop élevé : il exclut, de façon injustifiable, le département de la Lozère et, surtout, conduit à écarter l’application des nouvelles obligations déclaratives dans des communes et intercommunalités importantes. En outre, il paraît peu justifié de retenir, pour les directeurs de cabinet d’autorités territoriales, un périmètre de collectivités différent de celui déjà prévu dans la loi du 11 octobre 2013 s’agissant des exécutifs locaux.

En conséquence, à son initiative, votre commission des Lois a aligné le champ des membres de cabinets d’autorités territoriales désormais tenus d’établir une déclaration d’intérêts et une déclaration de situation patrimoniale sur celui des exécutifs locaux déjà soumis à la loi sur la transparence de la vie publique (228).

Ceci a pour effet d’abaisser de 80 000 à 20 000 habitants le seuil initialement prévu au présent article et d’inclure les EPCI dont les recettes annuelles excèdent 5 millions d’euros. Cet abaissement du seuil aboutit à appliquer les nouvelles dispositions à 419 communes (au lieu de 52) et à 622 EPCI à fiscalité propre (au lieu de 156) (229).

En outre, afin de tenir compte du caractère variable, d’une collectivité à l’autre, des dénominations retenues pour les fonctions de direction, le texte adopté par votre Commission étend les obligations déclaratives non seulement aux directeurs de cabinet des autorités territoriales précitées, mais aussi aux directeurs adjoints et aux chefs de cabinet.

4. L’articulation avec la loi du 11 octobre 2013 en matière de contrôle des départs vers le secteur privé

Le du IV du présent article tend à résoudre une difficulté d’articulation entre :

– d’une part, l’article 23 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 précitée, qui donne compétence à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) pour contrôler l’accès au secteur privé des membres du Gouvernement et des exécutifs locaux (230) ;

– d’autre part, l’article 25 octies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, résultant de l’article 8 du présent projet de loi, qui détermine les compétences de la commission de déontologie de la fonction publique pour contrôler l’accès au secteur privé des agents publics.

Comme l’a relevé la commission de déontologie dans son dernier rapport d’activité, une difficulté pourrait surgir dans les cas où « un agent public relevant de la commission est ou a été, au cours des trois années précédentes, membre du Gouvernement ou titulaire d’un mandat tel que président de conseil régional ou départemental ou maire d’une commune de plus de 20 000 habitants. Son projet de départ dans le privé devra alors être simultanément soumis » tant à la commission de déontologie qu’à la Haute Autorité (231).

Une telle situation serait source de complexité, voire de divergences d’appréciation entre les deux organes de contrôle. Afin de l’éviter, l’article 23 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 précitée prévoirait désormais que, lorsque la fonction de membre du Gouvernement ou d’exécutif local est exercée par un agent public, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique est la seule compétente pour assurer le contrôle de l’accès au secteur privé. La Haute Autorité informerait néanmoins la commission de déontologie de sa saisine et lui communiquerait son avis.

5. Les dispositions relatives à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique insérées par votre commission des Lois

Sur proposition de votre rapporteure, la commission des Lois a introduit plusieurs dispositions relatives à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) prévues dans la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 précitée.

Tout d’abord, elle a autorisé la Haute Autorité à échanger avec la commission de déontologie de la fonction publique les informations nécessaires à l’accomplissement de leurs missions respectives, y compris les informations couvertes par le secret professionnel. Comme on l’a vu, des dispositions similaires ont été insérées au futur article 25 octies de la loi du 13 juillet 1983 précitée, relatif à la commission de déontologie (article 8 du présent projet). La réciprocité est donc assurée.

Ensuite, votre Commission a apporté plusieurs améliorations à l’article 11 de la loi du 11 octobre 2013, relatif aux obligations déclaratives des responsables publics autres que les membres du Gouvernement et du Parlement (232) :

– précision du mode de calcul du seuil de 5 millions d’euros applicable aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dont le président est tenu de déclarer ses intérêts et sa situation patrimoniale : il s’agit du montant total des recettes de fonctionnement, soit la somme du budget principal, des budgets annexes et des dépenses reportées ;

– application des obligations déclaratives tant aux élus locaux ayant reçu une délégation de signature (laquelle est seule aujourd’hui mentionnée dans la loi) qu’à ceux titulaires d’une délégation de fonction (laquelle emporte implicitement, selon la jurisprudence administrative, délégation de signature) ;

– transposition des règles applicables aux membres du Gouvernement lorsque la personne a déjà transmis une déclaration de situation patrimoniale il y a moins de six mois. Celle-ci serait soumise à des obligations allégées lors de la cessation de ses fonctions (au lieu, à l’heure actuelle, d’une dispense de toute formalité) : une récapitulation de l’ensemble des revenus perçus pendant l’exercice des fonctions et une présentation des événements majeurs ayant affecté la composition du patrimoine depuis la précédente déclaration (233;

– application aux dirigeants d’entreprises et d’organismes publics des mêmes obligations relatives aux déclarations de situation patrimoniale que celles des autres déclarants. En l’état actuel de la loi du 11 octobre 2013 précitée, ces dirigeants ne sont tenus d’établir une déclaration de situation patrimoniale qu’à leur entrée en fonctions, mais pas lors de leur cessation. En outre, les mêmes dispenses de déclaration (lorsque l’obligation a déjà été satisfaite il y a moins de six mois) leur seraient désormais applicables.

Enfin, votre commission des Lois a accru le délai dont dispose la Haute Autorité pour se prononcer sur un projet de départ vers le secteur privé d’un membre du Gouvernement ou du titulaire d’une fonction exécutive locale. Le délai actuellement en vigueur, au maximum de quatre semaines (234), peut parfois s’avérer trop court pour lui permettre d’exercer un contrôle suffisamment approfondi. Votre Commission l’a donc porté à deux mois, par parallélisme avec le délai dont dispose la commission de déontologie de la fonction publique en pareil cas (IV du nouvel article 25 octies de la loi du 13 juillet 1983 précitée, résultant de l’article 8 du présent projet).

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La Commission adopte successivement les amendements de précision CL196 et CL197 de la rapporteure, son amendement rédactionnel CL198 et ses amendements de précision CL199 et CL200.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CL201 de la rapporteure, CL92 de Mme Cécile Untermaier et CL25 de M. Paul Molac.

Mme la rapporteure. Mon amendement se différencie de celui de Mme Untermaier par le fait qu’il retient le terme « autorités territoriales » – repris dans les lois statutaires – plutôt que celui de « personnes ».

Cet amendement élargit le champ des collaborateurs de cabinet d’autorités territoriales déjà soumis à la loi sur la transparence de la vie publique, en visant d’une part les collectivités et établissement publics de coopération intercommunale (EPCI) de plus de 20 000 habitants et non plus de 80 000 habitants, et d’autre part les directeurs adjoints et chefs de cabinet et non plus les seuls directeurs de cabinet, afin de tenir compte de la variété des situations locales.

L’amendement CL92 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CL201.

En conséquence, l’amendement CL25 tombe.

La Commission examine ensuite les amendements CL203 et CL204 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Il s’agit de « toiletter » la loi sur la transparence de la vie publique.

Mme la ministre. Avis défavorable : ces amendements s’éloignent de l’objet du projet de loi.

La Commission adopte successivement ces deux amendements.

Puis elle en vient à l’amendement CL202 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement est important puisqu’il vise à permettre l’échange d’informations entre la Haute Autorité et la commission de déontologie.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL205 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Il s’agit encore de « toiletter » la loi sur la transparence de la vie publique.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 9 modifié.

Chapitre IV (nouveau)
De la déontologie des membres des juridictions
administratives et financières

Inséré à l’initiative de votre rapporteure, ce chapitre réintroduit, en les modifiant, les dispositions relatives à la déontologie des membres des juridictions administratives et financières qui figuraient dans la version initiale du projet de loi (ex-articles 10 à 17), avant d’être renvoyées à de futures ordonnances (1° du I et 1° du II de l’article 25) par la lettre rectificative du 17 juin 2015. Précisons que ces dispositions ne changent rien au régime disciplinaire applicable à ces membres.

Les modifications apportées aux dispositions initiales visent essentiellement à transposer aux juridictions administratives et financières les dispositions retenues par votre Commission s’agissant du statut général des fonctionnaires (articles 1er, 2 et 4 du présent projet). Votre rapporteure souligne néanmoins que, conformément à la première version du projet de loi, et à la différence de la solution désormais retenue pour les fonctionnaires, le présent chapitre ne prévoit, pour les membres des juridictions administratives et financières, de transmission préalable à leur prise de fonctions :

– ni des déclarations d’intérêts, en raison de la spécificité de la procédure d’entretien déontologique (voir ci-après), à l’issue duquel est remise la déclaration ;

– ni des déclarations de situation patrimoniale, qui seraient remises dans les deux mois suivant la prise de fonctions (par parallélisme avec les dispositions prévues pour les magistrats judiciaires à l’article 21 du projet de loi organique relatif à l’indépendance et l’impartialité des magistrats et à l’ouverture de la magistrature sur la société, déposé au Sénat).

Section 1 (nouvelle)
Dispositions relatives aux juridictions administratives

Les articles 9 bis à 9 quater (nouveaux) tendent à définir le cadre déontologique applicable à la juridiction administrative, en s’appuyant sur plusieurs mécanismes déjà existants. Serait ainsi consacrée dans le code de justice administrative l’existence :

– de la charte de déontologie des membres de la juridiction administrative adoptée en 2011, applicable aux membres du Conseil d’État et aux magistrats des cours administratives d’appel et des tribunaux administratifs, dans leurs fonctions contentieuses comme dans leurs fonctions consultatives ;

– du collège de déontologie de la juridiction administrative, mis en place depuis le 20 mars 2012 en application de la charte.

Article 9 bis (nouveau)
(art. L. 131-2, L. 131-3, L. 131-4, L. 131-5, L. 131-6 et L. 131-7 [nouveaux]
du code de justice administrative)

Collège de déontologie de la juridiction administrative - Charte de déontologie des membres de la juridiction administrative - Déontologie des membres du Conseil d’État

Cet article tend à définir le cadre déontologique applicable aux membres de la juridiction administrative et, en particulier, du Conseil d’État.

L’article L. 131-2 du code de justice administrative, qui interdit aujourd’hui à un membre du Conseil d’État de se prévaloir de son appartenance au Conseil à l’appui d’une activité politique, est complété par des dispositions selon lesquelles chaque membre :

– exerce ses fonctions en toute indépendance, dignité, impartialité, intégrité et probité et se comporte de façon « à prévenir tout doute légitime à cet égard » ;

– s’abstient de tout acte ou comportement à caractère public incompatible avec la réserve que lui imposent ses fonctions.

Ces dispositions reprennent celles prévues, pour le statut général des fonctionnaires (nouvel article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires), à l’article 1er du présent projet de loi. En raison du caractère juridictionnel des fonctions en cause, les dispositions applicables aux membres du Conseil d’État sont cependant renforcées, par la mention expresse :

– de l’exercice indépendant des fonctions, qui n’est aujourd’hui qu’indirectement affirmé dans le code de justice administrative (235) ;

– de la nécessité de prévenir tout doute légitime quant au respect des obligations précitées, en conséquence de la théorie des apparences (236) ;

– de l’obligation de réserve. Déjà reconnue par la jurisprudence, cette obligation ne figure aujourd’hui dans le code de justice administrative que pour prohiber l’expression d’opinions politiques (237).

La nouvelle rédaction de l’article L. 131-3 du code de justice administrative transpose aux membres du Conseil d’État les dispositions prévues pour le statut général des fonctionnaires (article 2 du présent projet) en matière de respect des principes déontologiques, de définition du conflit d’intérêts et de prévention et de traitement des conflits d’intérêts.

Le nouvel article L. 131-4 du code de justice administrative consacre dans la loi le collège de déontologie de la juridiction administrative. Celui-ci comprendrait trois membres (238) :

– un membre du Conseil d’État élu par l’assemblée générale ;

– un magistrat des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel élu par le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (alors qu’une « proposition unanime » de ce Conseil est aujourd’hui nécessaire, selon la charte de déontologie) ;

– une personnalité qualifiée nommée par le Président de la République, et non plus par le vice-président du Conseil d’État, en dehors des membres des juridictions administratives (condition inexistante aujourd’hui dans la charte).

Le président du collège serait nommé par le Président de la République (et non plus par le vice-président du Conseil d’État) parmi les trois membres.

La durée du mandat des membres du collège de déontologie serait de trois ans, renouvelable une seule fois – limitation actuellement non prévue par la charte.

Le collège de déontologie a pour mission d’apprécier « le respect des principes déontologiques inhérents à l’exercice des fonctions » des membres de la juridiction administrative. Selon le nouvel article L. 131-4, ces principes déontologiques font l’objet d’ « une charte établie par le vice-président du Conseil d’État, après avis du collège de déontologie », consacrant ainsi l’existence de la charte adoptée en 2011 (239). Il est précisé qu’elle peut également comporter des « bonnes pratiques », à l’intention des membres de la juridiction administrative.

Le collège de déontologie est chargé :

– de rendre des avis sur toute question déontologique concernant personnellement un membre de la juridiction administrative, sur saisine du membre concerné, du vice-président du Conseil d’État, des présidents de section du Conseil d’État, du secrétaire général du Conseil d’État, du président de la mission d’inspection des juridictions administratives, du président d’une cour administrative d’appel ou d’un tribunal administratif ou du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

– d’émettre des recommandations, de sa propre initiative, de nature à éclairer les membres de la juridiction administrative sur l’application des principes déontologiques et des « bonnes pratiques » dans l’exercice de leurs activités ;

– d’examiner les déclarations d’intérêts qui lui sont transmises dans les conditions prévues aux articles L. 131-5 et L. 231-4-1 (voir ci-après). À la différence des deux points précédents, il s’agit d’une compétence nouvelle du collège de déontologie.

Le collège de déontologie peut rendre publics, sous forme anonyme, ses avis et ses recommandations, lorsqu’il les estime de nature à « éclairer » l’ensemble de la juridiction administrative.

Le nouvel article L. 131-5 du code de justice administrative consacre la pratique de l’entretien déontologique et ajoute l’obligation d’établir, à son issue, une déclaration d’intérêts.

Dans les deux mois qui suivent son affectation, tout membre du Conseil d’État a un entretien déontologique avec « le président dont il relève » – par exemple le président d’une sous-section du contentieux ou le président d’une section consultative – dont l’objet est de prévenir tout conflit d’intérêts.

À l’issue de cet entretien, le membre du Conseil d’État remet une déclaration d’intérêts (240), que le président concerné transmet au collège de déontologie. Il peut toutefois indiquer au collège les déclarations pour lesquelles « il ne s’estime pas en mesure d’apprécier » si le membre du Conseil d’État se trouve ou est susceptible de se trouver dans une situation de conflit d’intérêts. Le collège connaît donc l’ensemble des déclarations d’intérêts, mais il est possible de solliciter spécialement son avis en cas de doute quant à une éventuelle situation de conflit d’intérêts.

En outre, le vice-président du Conseil d’État transmet de plein droit au collège de déontologie les déclarations d’intérêts des présidents de section. Lui-même déclare ses intérêts au collège dans les deux mois qui suivent sa prise de fonctions.

Le collège de déontologie est chargé d’apprécier si le membre du Conseil d’État dont la déclaration d’intérêts lui est transmise se trouve ou est susceptible de se trouver dans une situation de conflit d’intérêts :

– soit la situation n’appelle pas d’observation, ce dont il informe le vice-président du Conseil d’État ;

– soit le collège constate que le membre du Conseil d’État se trouve ou est susceptible de se trouver dans une situation de conflit d’intérêts. Il l’invite alors à mettre fin à cette situation ou à éviter qu’elle ne survienne et en informe le vice-président du Conseil d’État.

Dans les deux cas, le collège de déontologie transmet les déclarations d’intérêts au vice-président du Conseil d’État.

Le nouvel article L. 131-6 du code de justice administrative définit les obligations d’abstention (ou de « déport ») applicables aux membres du Conseil d’État.

Dans le cadre de ses fonctions consultatives, le membre du Conseil d’État qui estime se trouver dans une situation de conflit d’intérêts s’abstient de participer aux délibérations.

Dans le cadre des fonctions juridictionnelles, c’est au jugement de l’affaire concernée que le membre du Conseil d’État s’abstient de participer. En outre, le président de la formation de jugement peut inviter un membre du Conseil d’État dont il estime, pour des raisons qu’il lui communique, qu’il se trouve dans une situation de conflit d’intérêts, à ne pas siéger (241). En cas de doute, il est fait application des règles applicables aux décisions en matière de récusation.

Le nouvel article L. 131-7 du code de justice administrative édicte l’obligation pour le vice-président du Conseil d’État, les présidents de section du Conseil d’État et les présidents de cour administrative d’appel, à peine de nullité de leur nomination, de transmettre une déclaration de situation patrimoniale à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, dans les deux mois qui suivent leur prise de fonctions.

Les dispositions prévues dans le statut général des fonctionnaires en matière de contrôle des déclarations de situation patrimoniale et les sanctions pénales en cas de déclaration incomplète ou mensongère leur sont applicables (242).

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Article 9 ter (nouveau)
(art. L. 231-1-1 [nouveau], L. 231-4, L. 231-4-1, L. 231-4-2 et L. 231-4-3 [nouveaux]
du code de justice administrative)

Déontologie des magistrats des cours administratives d’appel et des tribunaux administratifs

Cet article tend à définir le cadre déontologique applicable aux magistrats des cours administratives d’appel et des tribunaux administratifs. Il reprend, pour l’essentiel, les mêmes dispositions que celles prévues à l’article 9 bis pour les membres du Conseil d’État, moyennant quelques adaptations.

Le nouvel article L. 231-1-1 du code de justice administrative édicte, pour les magistrats des cours administratives d’appel et des tribunaux administratifs, les mêmes obligations générales que celles prévues au nouvel article L. 131-2 du même code pour les membres du Conseil d’État.

Dans sa nouvelle rédaction, l’article L. 231-4 du code de justice administrative impose à ces magistrats de respecter les principes déontologiques, définit le conflit d’intérêts et pose l’obligation de prévenir ou de mettre fin à un tel conflit.

Le nouvel article L. 231-4-1 du code de justice administrative fixe les règles régissant les entretiens déontologiques et les déclarations d’intérêts, qui concernent tout magistrat des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel.

Toutefois, à la différence de la solution retenue pour les membres du Conseil d’État, l’ensemble des déclarations d’intérêts, compte tenu de leur nombre, ne sont pas transmises au collège de déontologie de la juridiction administrative. Seules lui sont soumises, par le chef de juridiction (président de la cour administrative d’appel ou du tribunal administratif), les déclarations des magistrats dont il ne s’estime pas en mesure d’apprécier s’ils se trouvent ou sont susceptibles de se trouver dans une situation de conflit d’intérêts. Les autres déclarations d’intérêts sont transmises au vice-président du Conseil d’État.

Les chefs de juridictions, quant à eux, déclarent leurs intérêts auprès du président de la mission permanente d’inspection des juridictions administratives, qui transmet de plein droit leur déclaration au collège de déontologie.

À l’instar du mécanisme prévu pour le Conseil d’État, le collège de déontologie apprécie si le magistrat dont la déclaration d’intérêts lui est transmise se trouve ou est susceptible de se trouver dans une situation de conflit d’intérêts :

– si la situation du magistrat n’appelle pas d’observation, le collège en informe le président de la mission permanente d’inspection des juridictions administratives (pour un chef de juridiction) ou le président de la cour administrative d’appel ou du tribunal administratif (pour un magistrat de cette cour ou de ce tribunal) ;

– si le collège constate que le magistrat se trouve ou est susceptible de se trouver dans une situation de conflit d’intérêts, il l’invite alors à mettre fin à cette situation ou à la prévenir. Il en informe, selon le cas, le président de la mission permanente d’inspection des juridictions administratives ou le chef de juridiction.

Après avoir exercé son contrôle, le collège de déontologie transmet les déclarations d’intérêts au vice-président du Conseil d’État : en tant que chef de corps, celui-ci est donc destinataire de l’ensemble des déclarations des membres de la juridiction administrative.

Le nouvel article L. 231-4-2 du code de justice administrative fixe les règles de déport applicables aux magistrats administratifs.

Le magistrat qui estime se trouver dans une situation de conflit d’intérêts s’abstient de participer au jugement de l’affaire concernée.

En outre, le président de la cour administrative d’appel ou du tribunal administratif peut, de sa propre initiative, inviter un magistrat dont il estime, pour des raisons qu’il lui communique, qu’il se trouve dans une situation de conflits d’intérêts, à ne pas siéger. En cas de doute, il est fait application des règles applicables aux décisions en matière de récusation.

La version initiale du projet de loi (ex-article 11) attribuait ce pouvoir au président de la formation de jugement, mais il a paru préférable à votre rapporteure de le transférer à une autorité plus éloignée de l’affaire concernée et, de ce fait, plus objective. C’était au demeurant la solution retenue, dans le projet de loi initial, pour les chambres régionales des comptes – solution reprise par votre commission des Lois au futur article L. 212-9-4 du code des juridictions financières, résultant de l’article 9 sexies (nouveau) du présent projet.

Le nouvel article L. 231-4-3 du code de justice administrative prévoit l’obligation pour les présidents de tribunal administratif, à peine de nullité de leur nomination, de transmettre une déclaration de situation patrimoniale à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, dans les deux mois qui suivent leur prise de fonctions.

Les dispositions prévues dans le statut général des fonctionnaires en matière de contrôle des déclarations de situation patrimoniale et les sanctions pénales en cas de déclaration incomplète ou mensongère leur sont applicables (243).

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Article 9 quater (nouveau)
Entrée en vigueur des obligations déclaratives des membres
des juridictions administratives

Cet article précise les conditions d’entrée en vigueur des nouvelles obligations déclaratives des membres du Conseil d’État et des magistrats administratifs déjà en fonctions. Ceux-ci auraient deux mois, à compter de l’entrée en vigueur des décrets d’application, pour déclarer leurs intérêts et, le cas échéant, leur situation patrimoniale, dans les conditions prévues aux articles 9 bis et 9 ter du présent projet de loi (244).

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La Commission examine l’amendement CL234 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement tend à réintroduire dans le projet de loi les dispositions relatives à la déontologie des membres des juridictions administratives.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Section 2 (nouvelle)
Dispositions relatives aux juridictions financières

Les articles 9 quinquies à 9 nonies (nouveaux) tendent à définir le cadre déontologique applicable aux juridictions financières, en s’appuyant sur plusieurs mécanismes déjà existants. Serait ainsi consacrée dans le code des juridictions financières l’existence :

– de la charte de déontologie des juridictions financières adoptée en 2006, applicable aux magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes, mais aussi aux autres personnes (conseillers maîtres en service extraordinaire, rapporteurs et experts) chargées d’une mission de contrôle. La charte actuelle affirme certains principes fondamentaux (indépendance, impartialité, neutralité, intégrité) et comporte plusieurs indications relatives à la prévention des conflits d’intérêts, à la discrétion et au secret professionnels ainsi qu’à l’exercice d’activités extérieures ;

– du collège de déontologie des juridictions financières, mis en place en novembre 2006 en application de la charte.

Article 9 quinquies (nouveau)
(art. L. 120-4, L. 120-5, L. 120-6, L. 120-7, L. 120-8 et L. 120-9 [nouveaux]
du code des juridictions financières)

Collège de déontologie des juridictions financières - Charte de déontologie des juridictions financières - Déontologie des membres de la Cour des comptes

Cet article tend à définir le cadre déontologique applicable aux membres des juridictions financières et, en particulier, de la Cour des comptes.

Dans sa version modifiée, l’article L. 120-4 du code des juridictions financières prévoit que les obligations de neutralité incombant aux magistrats de la Cour des comptes sont également applicables, pendant l’exercice de leurs fonctions à la Cour, aux conseillers maîtres et référendaires en service extraordinaires (245), aux rapporteurs extérieurs (246), aux experts (247) et aux vérificateurs des juridictions financières (248).

Le nouvel article L. 120-5 du code des juridictions financières prévoit que les membres et personnels de la Cour des comptes mentionnés aux sections 1 à 4 du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code des juridictions financières respectent les principes déontologiques inhérents à l’exercice de leurs fonctions. Sont concernés le premier président, le procureur général, les présidents de chambre, les conseillers maîtres et référendaires (y compris ceux en service extraordinaire), les auditeurs et les rapporteurs extérieurs.

Votre rapporteure précise que l’ensemble des dispositions introduites, par l’article 1er du présent projet, à l’article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (dignité, impartialité, intégrité, probité, neutralité, laïcité et égalité) sont applicables aux membres de la Cour des comptes, en application de l’actuel article L. 120-2 du code des juridictions financières, selon lequel « le statut des membres de la Cour des comptes est régi par le présent titre et, pour autant qu’elles n’y sont pas contraires, par les dispositions statutaires de la fonction publique de l’État. ».

Le nouvel article L. 120-5 prévoit également qu’à l’instar des magistrats administratifs, les membres de la Cour des comptes veillent à prévenir ou à faire cesser les situations de conflit d’intérêts. La définition du conflit d’intérêts est la même que celle retenue dans le statut général des fonctionnaires et pour les membres des juridictions administratives (249).

Le nouvel article L. 120-6 du code des juridictions financières consacre dans la loi l’existence du collège de déontologie des juridictions financières. Il est chargé d’apprécier le respect des principes déontologiques inhérents à l’exercice des fonctions de l’ensemble des membres des juridictions financières, y compris les rapporteurs extérieurs auprès de la Cour ou des chambres régionales des comptes. Les personnels non magistrats ne sont pas mentionnés (vérificateurs, experts et greffiers), mais devraient voir leur régime déontologique précisé par le décret en Conseil d’État prévu au nouvel article 28 bis de la loi du 13 juillet 1983 précitée (article 9 du présent projet).

En application du présent article, le collège de déontologie est composé de cinq membres (250) :

– un magistrat de la Cour des comptes, en activité ou honoraire, élu par la chambre du conseil en formation plénière ;

– un magistrat des chambres régionales des comptes, en activité ou honoraire, élu par le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes ;

– un magistrat de la Cour des comptes ou des chambres régionales des comptes, en activité ou honoraire, désigné par le premier président de la Cour des comptes ;

– une personnalité extérieure désignée alternativement par le premier président de la Cour de cassation parmi les magistrats en fonctions à la Cour de cassation ou honoraires et par le vice-président du Conseil d’État parmi les membres en fonctions au Conseil d’État ou honoraires ;

– une personnalité qualifiée nommée par le Président de la République, en dehors des magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes.

Le président du collège est désigné par le Président de la République, parmi ces cinq membres.

La durée du mandat des membres du collège de déontologie est de trois ans, renouvelable une fois.

Les principes déontologiques, ainsi que les « bonnes pratiques » applicables aux magistrats financiers font l’objet d’une charte, établie par le premier président de la Cour des comptes (251), après avis du procureur général et du collège de déontologie.

Le collège de déontologie a une triple fonction :

– rendre des avis sur toute question déontologique concernant personnellement l’un des magistrats ou des personnels de la Cour des comptes ou des chambres régionales et territoriales des comptes, sur saisine de la personne concernée, du premier président de la Cour des comptes, du procureur général près la Cour des comptes, d’un président de chambre à la Cour des comptes, du secrétaire général de la Cour des comptes ou d’un président de chambre régionale ou territoriale des comptes ;

– émettre des recommandations de nature à « éclairer » les magistrats et les personnels de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes sur l’application des principes déontologiques et des bonnes pratiques dans l’exercice de leurs activités ;

– examiner les déclarations d’intérêts qui lui sont transmises dans les conditions prévues aux articles L. 120-7 et L. 212-9-3 (voir ci-après). Comme pour le collège de la juridiction administrative, il s’agit là d’une compétence nouvelle.

Le collège peut rendre public, sous forme anonyme, les avis et recommandations qu’il estime de nature à éclairer l’ensemble des magistrats et personnels concernés.

Le nouvel article L. 120-7 du code des juridictions financières prévoit que, dans les deux mois qui suivent leur prise de fonctions, les membres et personnels de la Cour des comptes ont un entretien déontologique avec :

– le président de chambre dont ils relèvent ;

– s’ils sont affectés au parquet, avec le procureur général ;

– s’ils sont affectés au secrétariat général, avec le premier président ;

– s’il s’agit d’un président de chambre, avec le premier président.

À l’issue de cet entretien, qui vise à prévenir les conflits d’intérêts, les membres et personnels concernés remettent une déclaration d’intérêts (252).

L’ensemble de ces déclarations d’intérêts sont transmises au collège de déontologie. Toutefois, le président de chambre, le procureur général ou le premier président peut indiquer au collège les déclarations des membres et personnels dont il ne s’estime pas en mesure d’apprécier s’ils se trouvent ou sont susceptibles de se trouver dans une situation de conflit d’intérêts. Le collège connaît donc l’ensemble des déclarations d’intérêts, mais il est possible de solliciter spécialement son avis en cas de doute quant à une éventuelle situation de conflit d’intérêts.

Aucun entretien déontologique n’est prévu pour le premier président et le procureur général de la Cour des comptes, qui doivent en revanche remettre au collège de déontologie une déclaration d’intérêts, dans les deux mois suivant leur prise de fonctions.

Après avoir examiné les déclarations d’intérêts, le collège de déontologie peut :

– soit conclure à l’absence de conflit d’intérêts et, en conséquence, en informer le premier président, le président de chambre ou le procureur général ;

– soit estimer que la personne concernée « se trouve ou est susceptible de se trouver dans une situation de conflit d’intérêts » et, en conséquence, l’inviter à prévenir cette situation ou à y mettre fin. Le premier président, le président de chambre ou le procureur général en seront informés.

Le collège de déontologie est chargé d’apprécier si le magistrat ou le personnel de la Cour des comptes dont la déclaration d’intérêts lui est transmise se trouve ou est susceptible de se trouver dans une situation de conflit d’intérêts :

– soit la situation n’appelle pas d’observation, ce dont il informe le premier président ainsi que, selon le cas, le président de chambre ou le procureur général ;

– soit le collège constate que la personne concernée se trouve ou est susceptible de se trouver dans une situation de conflit d’intérêts. Il l’invite alors à mettre fin à cette situation ou à éviter qu’elle ne survienne et en informe le premier président ainsi que, selon le cas, le président de chambre ou le procureur général.

Dans les deux cas, le collège de déontologie transmet les déclarations d’intérêts au premier président de la Cour des comptes ou, s’agissant des membres et personnels placés sous son autorité, au procureur général.

Le nouvel article L. 120-8 du code des juridictions financières définit les obligations d’abstention (ou de « déport ») applicables aux magistrats et personnels précités de la Cour des comptes.

Le membre ou personnel concerné qui estime se trouver dans une situation de conflit d’intérêts s’abstient de participer au délibéré sur l’affaire concernée ou, s’il est affecté au parquet, de préparer des conclusions sur cette affaire.

En outre, le président de la formation délibérante ou, le cas échéant, le procureur général peut, à son initiative, inviter un magistrat, un conseiller maître ou référendaire en service extraordinaire ou un rapporteur extérieur dont il estime qu’il se trouve dans une situation de conflit d’intérêts, pour les raisons qu’il lui communique, à s’abstenir de participer au délibéré de l’affaire concernée ou de préparer des conclusions sur cette affaire (253).

Le nouvel article L. 120-9 du code des juridictions financières édicte l’obligation pour le premier président, le procureur général et les présidents de chambre de la Cour des comptes, à peine de nullité de leur nomination, de transmettre une déclaration de situation patrimoniale à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, dans les deux mois qui suivent leur prise de fonctions.

Les dispositions prévues dans le statut général des fonctionnaires en matière de contrôle des déclarations de situation patrimoniale et les sanctions pénales en cas de déclaration incomplète ou mensongère leur sont applicables (254).

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Article 9 sexies (nouveau)
(art. L. 212-9-1, L. 212-9-2, L. 212-9-3, L. 212-9-4 et L. 212-9-5 [nouveaux]
du code des juridictions financières)

Déontologie des membres des chambres régionales des comptes

Cet article tend à définir le cadre déontologique applicable aux membres des chambres régionales des comptes. Il reprend, pour l’essentiel, les mêmes dispositions que celles prévues à l’article 9 quinquies pour les membres de la Cour des comptes, moyennant quelques adaptations.

Le nouvel article L. 212-9-1 du code des juridictions financières édicte, pour les magistrats, rapporteurs et vérificateurs des juridictions financières qui exercent leurs fonctions au sein d’une chambre régionale des comptes, les mêmes obligations générales que celles prévues à l’article L. 120-4 du même code pour les membres de la cour des Comptes.

Le nouvel article L. 212-9-2 du code des juridictions financières impose aux membres des chambres régionales des comptes de respecter les principes déontologiques, définit le conflit d’intérêts et pose l’obligation de prévenir ou de mettre fin à un tel conflit.

Le nouvel article L. 212-9-3 du code des juridictions financières fixe les règles régissant les entretiens déontologiques et les déclarations d’intérêts, qui concernent l’ensemble des magistrats du siège, des procureurs financiers et des rapporteurs des chambres régionales des comptes (255).

À la différence du dispositif prévu pour les magistrats des cours administratives d’appel et des tribunaux administratifs, la totalité des déclarations d’intérêts est transmise au collège de déontologie. Comme pour les membres du Conseil d’État et de la Cour des comptes, le président de chambre régionale des comptes ou, selon le cas, le procureur général près la Cour des comptes peut indiquer au collège de déontologie les déclarations d’intérêts des personnes dont il ne s’estime pas en mesure d’apprécier si elles se trouvent ou sont susceptibles de se trouver dans une situation de conflit d’intérêts.

Les présidents de chambre régionale des comptes, quant à eux, ont un entretien déontologique avec le premier président de la Cour des comptes, à l’issue duquel ils remettent une déclaration d’intérêts, transmise au collège de déontologie.

À l’instar du mécanisme prévu pour les déclarations d’intérêts des membres de la Cour des comptes, le collège de déontologie apprécie si la personne dont la déclaration lui est transmise se trouve ou est susceptible de se trouver dans une situation de conflit d’intérêts :

– si le collège conclut à l’absence d’une telle situation, il en informe, dans le cas d’un magistrat du siège ou d’un rapporteur, le premier président ainsi que le président de la chambre régionale des comptes ou, dans le cas d’un procureur financier, le procureur général ;

– si le collège constate que le déclarant se trouve ou est susceptible de se trouver dans une situation de conflit d’intérêts, il l’invite à mettre fin à cette situation ou à la prévenir. Il en informe, dans le cas d’un magistrat du siège ou d’un rapporteur, le premier président ainsi que le président de la chambre régionale des comptes ou, dans le cas d’un procureur financier, le procureur.

Après avoir exercé son contrôle, le collège de déontologie transmet les déclarations d’intérêts au premier président de la Cour des comptes ou, s’agissant des procureurs financiers, au procureur général : en tant que chefs de corps, ceux-ci sont donc destinataires de l’ensemble des déclarations des membres des juridictions financières.

Le nouvel article L. 212-9-3 du code des juridictions financières fixe les règles de déport applicables aux membres des chambres régionales des comptes.

Le magistrat qui estime se trouver dans une situation de conflit d’intérêts s’abstient de participer au délibéré sur l’affaire concernée ou, s’il est membre du ministère public, de présenter des conclusions sur cette affaire.

En outre, le président de la chambre régionale des comptes ou, le cas échéant, le procureur général près la Cour des comptes peut, de sa propre initiative, inviter un magistrat dont il estime, pour des raisons qu’il lui communique, qu’il se trouve dans une situation de conflits d’intérêts, à s’abstenir de participer au délibéré sur l’affaire concernée ou de présenter des conclusions sur ladite affaire.

Le nouvel article L. 212-9-5 du code des juridictions financières prévoit l’obligation pour les présidents de chambre régionale des comptes et les procureurs financiers sous l’autorité desquels s’exerce le ministère public (256), à peine de nullité de leur nomination, de transmettre une déclaration de situation patrimoniale à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique dans les deux mois qui suivent leur prise de fonctions.

Les dispositions prévues dans le statut général des fonctionnaires en matière de contrôle des déclarations de situation patrimoniale et les sanctions pénales en cas de déclaration incomplète ou mensongère leur sont applicables (257).

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Article 9 septies (nouveau)
(art. L. 262-23-1 [nouveau] du code des juridictions financières)

Déontologie des membres de la chambre territoriale des comptes
de Nouvelle-Calédonie

Cet article tend à définir le cadre déontologique applicable aux membres de la chambre territoriale des comptes de Nouvelle-Calédonie.

Un nouvel article L. 262-23-1 serait inséré dans le code des juridictions financières, afin de prévoir l’application à cette chambre territoriale des comptes des mêmes règles que celles régissant les chambres régionales des comptes, prévues aux nouveaux articles L. 212-9-1 à L. 212-9-5 du même code (article 9 sexies du présent projet).

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Article 9 octies (nouveau)
(art. L. 272-23-1 [nouveau] du code des juridictions financières)

Déontologie des membres de la chambre territoriale des comptes
de Polynésie française

Cet article tend à définir le cadre déontologique applicable aux membres de la chambre territoriale des comptes de Polynésie française.

Un nouvel article L. 272-23-1 serait inséré dans le code des juridictions financières, afin de prévoir l’application à cette chambre territoriale des comptes des mêmes règles que celles régissant les chambres régionales des comptes, prévues aux nouveaux articles L. 212-9-1 à L. 212-9-5 du même code (article 9 sexies du présent projet).

En revanche, aucune disposition particulière n’est nécessaire pour les chambres territoriales des comptes de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, l’article L. 252-16 du même code prévoyant déjà que les articles L. 212-6 à L. 212-11 leur sont applicables.

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Article 9 nonies (nouveau)
Entrée en vigueur des obligations déclaratives des membres
des juridictions financières

Cet article précise les conditions d’entrée en vigueur des nouvelles obligations déclaratives des membres des juridictions financières déjà en fonctions. Ceux-ci auraient deux mois, à compter de l’entrée en vigueur des décrets d’application, pour déclarer leurs intérêts et, le cas échéant, leur situation patrimoniale, dans les conditions prévues aux articles 9 quinquies et 9 sexies du présent projet de loi (258).

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La Commission examine l’amendement CL235 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement est semblable au précédent, mais porte sur les juridictions financières.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Chapitre Ier
Du renforcement de la protection fonctionnelle des agents et de leurs familles

Article 10
(art. 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires)

Clarification et renforcement de la protection fonctionnelle

Le présent article (article 25 du projet de loi initial, avant le dépôt de la lettre rectificative) procède à la réécriture de l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires qui prévoit qu’une protection juridique est accordée aux agents publics exposés à certaines atteintes du fait de leur mission de service public.

1. Adapter le champ des personnes susceptibles de bénéficier de la protection fonctionnelle

a. L’élargissement progressif depuis 1983 du champ des personnes susceptibles de bénéficier de la protection fonctionnelle

La protection fonctionnelle, ou protection juridique, se définit comme la garantie statutaire accordée par l’administration aux agents publics à raison de leur mise en cause par des tiers dans l’exercice de leurs fonctions.

Le champ des personnes susceptibles de bénéficier de cette protection s’est progressivement élargi depuis l’entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 1983 précitée. En effet, l’article 11 de cette loi – qui reprenait dans les mêmes termes l’article 12 de l’ordonnance du 4 février 1959 portant statut général des fonctionnaires – ne visait initialement que les fonctionnaires titulaires des collectivités publiques, c’est-à-dire les fonctionnaires civils des administrations de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements à caractère administratif. Cette protection s’applique également à des agents qui ne sont pas soumis au statut général de la fonction publique, tels que les magistrats (259) et les militaires (260).

La loi du 16 décembre 1996 relative à l’emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d’ordre statutaire et la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique ont étendu la protection fonctionnelle respectivement aux agents publics non titulaires (261) et aux intérimaires (262).

b. De nouvelles évolutions sont apparues nécessaires

Le présent article réécrit l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 précitée. Le I de l’article 11 modifié (alinéa 2) dispose que le fonctionnaire bénéficie d’une protection organisée par la collectivité publique qui l’emploie à la date des faits en cause ou lui ayant été imputés de manière diffamatoire. Il précise la rédaction que cette protection s’applique également aux anciens fonctionnaires, dès lors que l’agent est poursuivi, menacé, ou subit un préjudice du fait des fonctions qu’il a exercées quand il était en activité.

Les collectivités publiques devaient de facto accorder une protection aux anciens agents puisque la protection doit être organisée par la collectivité qui emploie l’agent à la date des faits en cause. Il est cependant apparu utile d’opérer cette précision car l’alinéa 4 de l’article 11 dans sa rédaction actuelle mentionnait « l’ancien fonctionnaire » pour l’un des cas ouvrant droit à la protection fonctionnelle, ce qui pouvait être source de confusion, si l’on en déduisait a contrario que la protection fonctionnelle ne s’appliquait aux anciens fonctionnaires que dans ce cas précis.

Le V de l’article 11 (alinéas 6 et 7) procède à l’extension du champ de la protection fonctionnelle aux ayants droit des fonctionnaires. Elle s’applique lorsque, du fait des fonctions de leurs proches, les ayants droit sont victimes de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages ou lorsque leur proche est décédé dans l’exercice de ses fonctions ou du fait de ses fonctions.

Cette extension du champ de la protection fonctionnelle est déjà prévue pour les ayants droit :

- des militaires (263),

- des agents de l’administration pénitentiaire, (264)

- des membres du corps préfectoral, du cadre national des préfectures, des agents des douanes et des magistrats de l’ordre judiciaire (265).

Pourtant, pour certaines des catégories précitées, elle ne concerne que les conjoints, enfants et ascendants directs alors que pour d’autres, elle protège également les concubins et partenaires liés par un pacte civil de solidarité.

Il importait donc d’aligner la protection dont bénéficient les ayants droit des agents publics sur le régime le plus favorable, ce qui est le choix retenu à l’alinéa 6. Reprenant la même rédaction que celle de l’article L. 4123-10 du code de la défense, l’alinéa 7 dispose par ailleurs que la protection fonctionnelle peut également être accordée à l’ayant droit lorsqu’il engage une instance civile ou pénale contre les auteurs d’une atteinte volontaire à la vie du fonctionnaire, en raison des fonctions exercées par ce dernier.

c. Élargir le champ des événements ouvrant droit à la protection fonctionnelle

La protection fonctionnelle prend trois formes principales :

- la protection de l’agent des conséquences d’un acte dommageable commis dans l’exercice de ses fonctions s’il est rattachable au service,

- la protection de l’agent contre les atteintes qu’il a subies dans l’exercice de ses fonctions,

- la protection de l’agent lorsqu’il fait l’objet de poursuites pénales pour des faits qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle.

Protection fonctionnelle et faute personnelle

Le Conseil d’État, dans un arrêt du 11 février 2015, a rappelé qu’ « en vertu d’un principe général du droit qui s’applique à tous les agents publics, lorsqu’un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité publique dont il dépend de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l’objet de poursuites pénales, sauf s’il a commis une faute personnelle ; (…) qu’une faute d’un agent de l’État qui, eu égard à sa nature, aux conditions dans lesquelles elle a été commise, aux objectifs poursuivis par son auteur et aux fonctions exercées par celui-ci est d’une particulière gravité doit être regardée comme une faute personnelle (….) alors même que, commise à l’occasion de l’exercice des fonctions, elle n’est pas dépourvue de tout lien avec le service ». (266)

Les conclusions du commissaire du Gouvernement Lafferière sous l’arrêt du Tribunal des conflits Laumonnier-Carriol du 5 mai 1877 permettent d’éclairer la distinction entre faute personnelle et faute de service. Il y a faute de service « si l’acte dommageable est impersonnel, s’il révèle un administrateur plus ou moins sujet à erreur ». Il y a faute personnelle si l’acte révèle « l’homme avec ses faiblesses, ses passions, ses imprudences », « si la personnalité de l’agent se révèle par des fautes de droit commun, par un dol ».

Le II de l’article 11 de la loi du 11 janvier 1983 (alinéa 3) reprend, dans les mêmes termes, la rédaction actuelle. Lorsqu’un agent est poursuivi par un tiers pour faute de service devant le juge pénal ou civil dans le cadre d’une action civile, la collectivité substitue sa responsabilité civile à celle de son agent. Cela se traduit notamment par la prise en charge de l’éventuelle condamnation de l’agent.

Il a semblé nécessaire – notamment à la suite du rapport rendu en 2012 par la mission indépendante de réflexion sur la protection fonctionnelle des policiers et gendarmes au ministère de l’intérieur – de procéder à une extension du champ des événements ouvrant droit à la protection fonctionnelle, afin de mieux affirmer le soutien de la collectivité publique à ses agents. C’est la raison pour laquelle le III de l’article 11 (alinéa 4) complète substantiellement la protection de l’agent faisant l’objet de procédures judiciaires. La rédaction actuelle ne vise en effet que les poursuites pénales dont l’agent peut faire l’objet. Le rapport « Guyomar » (267), qui a étudié les manières de renforcer la protection, en raison de la spécificité de leurs missions, des agents des forces de police et de gendarmerie nationale, a proposé d’ouvrir l’octroi de la protection fonctionnelle non seulement lors de poursuites pénales, mais également lorsque l’agent est placé en garde à vue, entendu en qualité de témoin assisté ou lorsqu’il fait l’objet d’une procédure de composition pénale. L’alinéa 4 complète la protection fonctionnelle par ces trois nouveaux cas. Ces compléments paraissent utiles dès lors qu’ils permettent à la personne mise en cause de bénéficier d’un avocat.

Le IV de l’article 11 de la loi du 11 janvier 1983 (alinéa 5) modifie en profondeur la rédaction actuelle, qui régit la protection de l’agent public qui subit des menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages.

La jurisprudence a certes précisé que l’énumération n’avait pas valeur exhaustive, en admettant par exemple que des agissements répétés de harcèlement moral pouvaient permettre à l’agent public qui en était la victime de bénéficier de la protection fonctionnelle (268). Il apparaissait néanmoins nécessaire de compléter cette liste, pour rendre plus opérante la protection fonctionnelle des agents publics. L’alinéa 5 complète ainsi l’énumération en ajoutant les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne, et les agissements constitutifs de harcèlement. La « voie de fait » a par contre disparu de l’énumération. En effet, le code pénal retient depuis 1994, pour cette contravention, l’expression « violences légères », c’est-à-dire n’occasionnant pas d’interruption temporaire de travail, pour la victime (269). Les agissements constitutifs de « voies de fait » pourront ainsi être couverts par la protection fonctionnelle au titre des « violences ».

2. Une clarification nécessaire de la prise en charge des frais liés à l’assistance juridique

Le VI et le VII de l’article 11 de la loi du 11 janvier 1983 (alinéas 8 et 9) clarifient utilement les modalités de prise en charge des frais liés à l’assistance juridique.

L’indemnisation par la collectivité publique du préjudice, matériel et moral, subi par ses agents, peut prendre deux formes. L’agent public peut engager une action en dommages et intérêts contre l’auteur des faits devant une juridiction civile ou pénale. La collectivité prend alors en charge, dans une certaine mesure, les honoraires d’avocat et les frais de la procédure. L’agent public peut également solliciter l’indemnisation de son préjudice directement auprès de son administration.

L’alinéa 7 reprend dans les mêmes termes, moyennant les coordinations rendues nécessaires par les autres modifications de l’article, les dispositions de l’actuel article 11. Il est cependant complété par l’alinéa 8 qui précise qu’un décret en Conseil d’État précisera les conditions et limites de la prise en charge par la collectivité publique des frais exposés par le fonctionnaire ou ses ayants droits. Cette précision parait indispensable dans la mesure où il existe des conflits entre l’administration et ses agents quant à la prise en charge des honoraires d’avocats. La jurisprudence a rappelé de manière constante que l’administration n’est pas tenue de prendre à sa charge l’intégralité des frais engagés lors d’une procédure judiciaire (270).

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La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL111, CL112, CL113, CL114, CL115, CL117, CL116, CL118, CL119 et CL121 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 10 modifié.

Article 10 bis (nouveau)

(art. 413-14 [nouveau] du code pénal)

Protection de l’identité des membres des forces spéciales

Le présent article, introduit à l’initiative du Gouvernement, après avis favorable de votre rapporteure, permet de mieux protéger l’identité des membres des forces spéciales.

La protection dont bénéficie actuellement l’identité des membres des forces spéciales, fondée sur l’article 39 sexies de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est, de par sa généralité, inadaptée aux nouvelles spécificités de leurs missions. Cet article, modifié par la loi n° 2009-571 du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale, dispose que : « Le fait de révéler, par quelque moyen d’expression que ce soit, l’identité des fonctionnaires de la police nationale, de militaires, de personnels civils du ministère de la Défense ou d’agents des douanes appartenant à des services ou unités désignés par arrêté du ministre intéressé et dont les missions exigent, pour des raisons de sécurité, le respect de l’anonymat, est puni d’une amende de 15 000 euros. »

Le présent article modifie le code pénal afin de réprimer plus sévèrement la révélation et la divulgation de toute information susceptible de conduire à la découverte de l’identité d’un membre des forces spéciales de l’armée ou des unités d’intervention spécialisées dans la lutte contre le terrorisme des forces de sécurité intérieure (groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN), Raid).

Il vise ainsi, d’une part, à préserver la confidentialité et l’effet de surprise que requièrent les opérations militaires non conventionnelles et, d’autre part, à consentir aux membres des forces spéciales une protection inspirée de celle dévolue aux agents de renseignements dont ils prolongent l’action et qui sont exposés aux mêmes menaces.

Le complète l’intitulé de la section 3 du chapitre III du titre Ier du livre quatrième du code pénal en précisant qu’il concerne également « certains services ou unités spécialisés ».

Le crée un nouvel article 413-14 au sein du code pénal qui punit la révélation ou la divulgation de toute information qui pourrait conduire, directement ou indirectement, à l’identification d’une personne comme membre des unités des forces spéciales désignées par arrêté du ministre de la Défense ou des unités d’intervention spécialisées dans la lutte contre le terrorisme désignées par arrêté du ministre de l’Intérieur de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

En outre, ces peines sont aggravées lorsque cette révélation cause une atteinte à l’intégrité physique ou psychique ou la mort de ces personnes mais aussi de leurs familles – renvoi aux alinéas 2 et 4 de l’article 413-13 du code pénal.

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La Commission examine l’amendement CL107 du Gouvernement.

Mme la ministre. Les ministères de l’intérieur et de la défense insistent sur la nécessité d’améliorer la protection de l’identité des membres des forces spéciales. Il s’agit d’un enjeu important, puisqu’il participe de l’obligation de protéger les agents publics exerçant leurs missions au péril de leur vie. Des amendements semblables seront proposés pour les forces de sécurité intérieure faisant face à des menaces du même type.

Mme la rapporteure. Avis favorable.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je voterai en faveur de l’amendement mais j’aimerais, madame la ministre, que, d’ici la séance publique, vous m’en expliquiez la pertinence. Je ne vois pas sa valeur ajoutée par rapport à l’article 39 sexies de la loi du 3 août 2009 qui, à ma connaissance, prévoit la même chose. Vous visez en effet notamment les unités d’intervention spécialisées dans la lutte antiterroriste, qui relèvent d’un arrêté du 7 avril 2011. Je me demande si votre amendement ne porte pas seulement sur les forces spéciales.

Mme la ministre. Les ministres concernés vont, d’ici l’examen en séance publique, retravailler l’amendement, qui vise bien les forces spéciales. Il a semblé, après une analyse fine des juristes concernés, que les mêmes considérations plaident pour que cette protection accrue soit offerte aux membres des unités d’intervention spécialisées dans la lutte contre le terrorisme, en particulier le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et l’unité Recherche, assistance, intervention, dissuasion (RAID). Lorsque la révélation d’identité cause une atteinte à l’intégrité physique ou psychique ou la mort de ces personnes ou de membres de leur famille, les peines aggravées ne sont pas de même nature que celles visées aux articles antérieurs. Mais nous vérifierons cela en fonction de vos observations.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je vous remercie. Profitez-en pour dire aux ministres concernés que, lorsque des photos sont mises sur les sites internet de leur ministère, une obligation de floutage ne serait pas inutile…

Mme la ministre. Remarque pertinente, et d’ores et déjà transmise !

La Commission adopte l’amendement.

Article 10 ter (nouveau)

(art. 656-1 du code de procédure pénale)
Protection de l’identité des membres des forces spéciales au cours des procédures judiciaires

Le présent article, introduit à l’initiative du Gouvernement, après avis favorable de votre rapporteure, permet de mieux protéger l’identité des membres des forces spéciales.

L’implication grandissante des forces spéciales des armées et des membres des unités d’intervention spécialisées dans la lutte contre le terrorisme des forces de sécurité intérieure (groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN), Raid) dans les opérations contre-terroriste nécessite l’amélioration de leur protection juridique.

Dès lors, il apparaît indispensable de protéger l’identité des membres des forces spéciales lorsque ces derniers sont amenés à témoigner devant les juridictions françaises pour des faits dont ils ont eu à connaître dans le cadre de leur mission. Leur anonymat dans le cadre de ces témoignages est indispensable à la protection de la sécurité non seulement des membres des forces spéciales mais également de leur famille, face au nombre grandissant de ressortissants français et européens impliqués au sein de réseaux terroristes, et ainsi susceptible d’agir en représailles.

Le présent article modifie le titre IV bis du livre IV du code de procédure pénale consacré à la manière dont sont reçues les dépositions des personnels des services spécialisés de renseignement :

– le complète l’intitulé du titre, en précisant qu’il concerne également « certains services ou unités spécialisés » ;

– le complète l’article 656 1 – qui dispose que lorsque le témoignage d’un agent des services spécialisés de renseignement est requis au cours d’une procédure judiciaire sur des faits dont il aurait eu connaissance lors d’une mission intéressant la défense et la sécurité nationale, son identité réelle ne doit jamais apparaître au cours de la procédure judiciaire – pour prévoir que cette protection s’applique également aux membres des unités des forces spéciales désignées par arrêté du ministre de la Défense ou des unités d’intervention spécialisées dans la lutte contre le terrorisme désignées par arrêté du ministre de l’Intérieur.

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La Commission examine l’amendement CL108 du Gouvernement.

Mme la ministre. L’amendement est de même nature que le précédent.

Mme la rapporteure. Avis favorable, mais il évoque un troisième alinéa de l’article 413-14 du code pénal, qui n’existe pas. Il faudrait faire référence au deuxième alinéa du même article.

Mme la ministre. J’accepte cette rectification.

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Article 10 quater (nouveau)
(art. L. 2, L. 3, L. 5, L. 12, L. 13, L.15, L. 36, L. 37, L. 43, L. 136 bis, L. 253 ter, L. 393 à 396, L. 515 et L. 520 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre)

Application à certains cadres de fonctionnaires du service de documentation extérieure et de contre-espionnage de certaines dispositions du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre

Le présent article, introduit à l’initiative du Gouvernement, après avis favorable de votre rapporteure, rend applicable à certains cadres de fonctionnaires du service de documentation extérieure et de contre-espionnage certaines dispositions du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre.

Dans un contexte international caractérisé par la multiplication des menaces et des conflits, les agents régis par la loi n° 53-39 du 3 février 1953 modifiée relative au développement des crédits affectés aux dépenses de fonctionnement des services civils pour l’exercice 1953, sont conduits de plus en plus souvent à servir en affectation ou en mission sur des territoires connaissant des situations politiques et militaires très tendues les exposant à des risques élevés. Il est donc nécessaire de mettre en place un dispositif adéquat de telle sorte qu’ils bénéficient d’une protection à la hauteur des risques encourus.

Le présent article prévoit de leur appliquer les dispositions suivantes du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre :

– les articles L. 2, L. 3 et L. 5 sur les conditions du droit à pension ;

– l’article L. 12 sur les différentes infirmités servant de base au calcul de la pension (271;

– l’article L. 15 sur les cas de majoration du pourcentage d’invalidité ;

– le septième alinéa de l’article L. 43 sur les conditions dans lesquelles les conjoints peuvent bénéficier d’une pension de réversion ;

– l’article L. 136 bis sur les conditions d’accès à la sécurité sociale ;

– l’article L. 253 ter sur les conditions d’attribution de la carte du combattant et les avantages qui y sont associés ;

– les articles L. 393 à L. 396 sur le régime relatif aux emplois réservés ;

– les articles L. 461 à L. 490 sur le régime relatif aux Pupilles de la Nation ;

– les articles L. 493 à L. 509 sur le transfert et la restitution des corps et sur la sépulture perpétuelle ;

– l’article L. 515 sur la délivrance par « SNCF Mobilités » d’un permis permettant à des membres de la famille du défunt mort pour la patrie de se rendre gratuitement de leur lieu de résidence au lieu d’inhumation ;

– l’article L. 520 sur la liste des personnes ayant le bénéfice des dispositions législatives et réglementaires dont l’office national des anciens combattants et victimes de guerre est chargé d’assurer l’application ;

– l’article L. 36 sur la qualification de grand mutilé de guerre ;

– l’article L. 37 sur la qualification de grand invalide.

Les conditions d’application du présent article sont renvoyées à un décret en Conseil d’État.

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La Commission examine l’amendement CL106 du Gouvernement.

Mme la ministre. Cet amendement est d’une portée légèrement différente, il s’agit d’améliorer la protection sociale et juridique des agents de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et de tenir ainsi compte des conditions particulières d’exercice de leurs missions et des risques auxquels ils s’exposent.

Mme la rapporteure. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Article 11
(art. 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, art. 45 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État)

Rétablissement dans ses fonctions ou reclassement provisoire d’un fonctionnaire suspendu et soumis à un contrôle judiciaire

Le présent article (ex-article 26 du projet de loi initial) propose de créer une procédure de rétablissement dans ses fonctions ou dans des fonctions équivalentes d’un fonctionnaire faisant l’objet de poursuites pénales. Il supprime par ailleurs le détachement d’office dans la fonction publique de l’État.

1. La suspension d’un agent en cas de faute grave

Le I du présent article procède à la réécriture de l’article 30 de la loi n° 83– 634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

Il ne modifie pas la procédure actuelle s’agissant de la suspension d’un agent en cas de faute grave par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire (alinéas 2 et 3). Dans ce cas, l’autorité ayant pouvoir disciplinaire saisit sans délai le conseil de discipline. Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l’indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être réglée dans un délai de quatre mois, au terme duquel il est rétabli dans ses fonctions si aucune décision n’a été prise par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire et si le fonctionnaire ne fait pas l’objet de poursuites pénales.

2. La mise en place d’un rétablissement dans les fonctions ou d’un reclassement provisoire

L’administration peut prolonger la suspension de fonctions aussi longtemps que dure la procédure pénale, si de telles poursuites sont engagées. Comme le souligne l’étude d’impact du projet de loi, « cette situation de prolongation de la suspension de fonctions au-delà de quatre mois est assez fréquente, notamment lorsqu’il s’agit de fautes commises en dehors du service, ou encore de fautes commises dans le service lorsqu’il existe un doute sur la culpabilité de l’agent, qu’il appartient au juge de déterminer. En effet, l’administration souhaite souvent, en pareil cas, s’appuyer sur l’autorité de la chose jugée pour apprécier les suites à donner sur le plan disciplinaire, malgré le principe de l’autonomie de la sanction disciplinaire et de la répression pénale qui permet à l’autorité administrative de sanctionner un agent sans attendre l’issue de la procédure pénale engagée à raison des mêmes faits. » (272)

Cette situation, qui peut en outre se traduire par une retenue sur salaire à hauteur de la moitié de la rémunération de l’agent, peut être extrêmement préjudiciable à la carrière d’un fonctionnaire.

Faisant le constat de l’absence d’un mécanisme juridique respectant le principe de la présomption d’innocence, le présent article permet de confier des fonctions à un agent suspendu faisant l’objet d’un contrôle judiciaire. L’alinéa 4 prévoit trois types de situations à l’expiration du délai de quatre mois de suspension :

- si l’intérêt du service et les mesures décidée par l’autorité judiciaire n’y font pas obstacle, le fonctionnaire est rétabli dans ses fonctions ;

- s’il n’est pas rétabli dans ses fonctions, il peut être affecté provisoirement, sous réserve de l’intérêt du service, dans un emploi compatible avec les obligations du contrôle judiciaire ;

- à défaut, il peut être détaché d’office, à titre provisoire, dans un autre corps ou cadre d’emploi pour occuper un emploi compatible avec les obligations du contrôle judiciaire.

Les deux derniers cas, qui sont une simple possibilité offerte à l’administration, prennent fin lorsque la situation du fonctionnaire est définitivement réglée par l’administration ou lorsque l’évolution des poursuites pénales rend impossible la prolongation du reclassement provisoire ou du détachement d’office.

Ces trois situations permettent au fonctionnaire de continuer à percevoir l’intégralité de son salaire (alinéa 6), ce qui évitera à l’administration de devoir rembourser au fonctionnaire les retenues sur rémunération subies pendant la période de suspension si aucune sanction n’est prononcée in fine.

3. La suppression du détachement d’office dans la fonction publique de l’État

Le II du présent article procède à la suppression du détachement d’office dans la fonction publique de l’État, le III fixant les modalités d’entrée en vigueur de cette disposition.

Le détachement est la situation du fonctionnaire qui se trouve placé dans un corps ou cadre d’emplois différent de son corps ou cadre d’emplois d’origine. Le fonctionnaire exerce alors ses fonctions et est rémunéré selon les règles applicables dans son corps ou cadre d’emplois d’accueil. Le détachement intervient à la demande du fonctionnaire, généralement dans le cadre d’une mobilité, ou à l’initiative de l’administration, il est alors dit « d’office ». Mais l’administration dispose d’autres outils statutaires, notamment la position normale d’activité, permettant à tout fonctionnaire, sans qu’il soit besoin de recourir à la voie du détachement, de rester dans son corps d’origine tout en exerçant les fonctions afférentes à son grade dans une autre administration que celle qui assure sa gestion.

Actuellement prévu par l’article 45 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, le détachement d’office est très peu utilisé par l’administration. Sa suppression permet :

- de rationaliser et de simplifier le droit des positions statutaires ;

- de mettre fin à la confusion souvent opérée entre le « déplacement d’office » et le « détachement d’office », alors même que ce dernier ne constitue pas une sanction disciplinaire ;

- d’utiliser cette modalité statutaire dans le cadre de la réforme de la suspension de l’agent faisant l’objet d’une mesure d’ordre judiciaire (I du présent article).

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La Commission est saisie de l’amendement CL83 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Cet article est important puisqu’il a trait aux fautes graves, aux manquements aux obligations professionnelles et aux infractions de droit commun susceptibles d’être commis par des fonctionnaires ; le cas échéant, il est prévu que l’auteur de la faute peut être suspendu par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. Il me semble nécessaire de préciser que les faits concernés doivent présenter un « caractère de vraisemblance suffisant ».

La jurisprudence va dans ce sens et exige a minima que les faits qui justifient la suspension présentent, au jour où la décision est prise, un caractère de vraisemblance suffisant et pas de simples suspicions. L’intérêt du service comme l’intérêt des usagers doivent être préservés et de simples dénonciations ne peuvent justifier la notion de « faute grave » avant que celle-ci soit avérée. La notion de vraisemblance suffisante permet à la fois de suspendre et de garantir que le droit sera respecté et que l’intérêt d’une mise en cause soit préservé sans créer de fait deux systèmes de faute, l’un administratif, l’autre pénal.

Mme la rapporteure. L’article 11 ne modifie pas, sur ce point, l’état du droit. Les faits justifiants d’une suspension doivent avoir le caractère de faute grave. Mais il s’agit le plus souvent d’une faute présumée, l’agent mis en cause bénéficiant de la présomption d’innocence. J’appelle votre attention sur le fait qu’une telle décision considérée comme illégale en l’absence de faute grave est de nature à engager la responsabilité de l’administration.

Il ne me semble pas que le droit nécessite une modification sur ce point, en conséquence, je demande le retrait de cet amendement.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je le retire, mais poursuis ma réflexion.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AC122 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 11 modifié.

Article 11 bis (nouveau)
(art. 12 bis [nouveau] de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983
portant droits et obligations des fonctionnaires)

Clarification des positions statutaires dans la fonction publique

Le présent article, adopté à l’initiative de votre rapporteure, après avis favorable du Gouvernement, réintroduit dans le projet de loi l’essentiel de l’article 18 du projet initial relatif aux positions statutaires dans la fonction publique.

Actuellement, le statut général de la fonction publique comprend six positions statutaires : l’activité, le détachement, le hors cadres, la disponibilité, l’accomplissement du service national et des activités de réserve ainsi que le congé parental. Or, plusieurs réformes législatives récentes ont amoindri l’utilité des positions statutaires liées au service national et à la réserve ainsi qu’au hors cadres.

Le service national, tel que défini par l’article L. 111-2 du code du service national, comprend les obligations suivantes : le recensement, la journée défense et citoyenneté et l’appel sous les drapeaux. Il comporte aussi un service civique et d’autres formes de volontariat. Or, de telles modalités, dont la durée a été ramenée dans la grande majorité des cas à une journée, ne nécessitent plus l’existence d’une position statutaire à part entière. S’agissant des activités dans la réserve opérationnelle, dans la réserve sanitaire et dans la réserve civile de la police nationale, les dispositions statutaires communes aux trois versants de la fonction publique prévoient que : « Le fonctionnaire qui accomplit soit une période d’instruction militaire ou d’activité dans la réserve […] est mis en congé avec traitement pour la durée de la période considérée. » La situation de ces agents étant réglée par la mise en congé avec traitement, le maintien d’une position statutaire à part entière d’activité dans la réserve n’est plus utile.

La position hors cadres, introduite dans le premier statut général de la fonction publique du 19 octobre 1946 par la loi n° 55-366 du 3 avril 1955 relative au développement des crédits affectés aux dépenses du ministère des finances et des affaires économiques pour l’exercice 1955, a été reprise dans les trois lois statutaires de la fonction publique (273) pour affranchir les agents remplissant les conditions de certaines contraintes du détachement. Elle a connu une inflation au milieu des années quatre-vingt pour retomber à des niveaux très bas à la fin des années quatre-vingt-dix. Entre 1998 et 2010, le pourcentage des agents titulaires civils des ministères en position de hors cadres est passé de 1,4 % à 0,3 % de l’ensemble des fonctionnaires en mobilité, soit 609 agents selon l’étude d’impact. Peu nombreuses, les mises hors cadres sont concentrées à plus de 86 % au sein de trois ministères : le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie (41,5 %), le ministère de l’éducation nationale (16 %), et le ministère de l’équipement et de l’écologie (29 %). Si la position hors cadres permet à l’agent de rester entièrement géré par l’organisme d’accueil, notamment pour ce qui est du régime de retraite ou du pouvoir disciplinaire, et garantit à l’agent un droit à réintégration, d’autres positions statutaires permettent une telle gestion de l’agent, tout en lui garantissant un même droit au retour. Il s’agit notamment de la disponibilité pour convenances personnelles.

Les alinéas 2 à 6 du présent article simplifient donc le régime des positions statutaires du fonctionnaire pour le rendre commun aux trois versants de la fonction publique et rappellent la règle jurisprudentielle suivant laquelle le fonctionnaire ne peut se trouver que dans une seule position statutaire à la fois. Ils disposent en effet que le fonctionnaire ne peut être placé que dans une seule des quatre positions statutaires suivantes : l’activité, le détachement, la disponibilité ou le congé parental.

La suppression de la position hors cadres devrait conduire à l’allongement de la période maximale de la disponibilité pour convenances personnelles, qui est de niveau réglementaire, pour permettre aux agents concernés de gérer leur carrière professionnelle, plus longue qu’auparavant, en dehors de l’administration, tout en conservant un droit à la réintégration dont la probabilité diminue au fur et à mesure des années.

La position de service national et d’accomplissement d’activité dans la réserve est désormais transformée en congé de la position d’activité. Une telle rédaction n’entraîne pas d’importants changements pour les agents. Elle correspond aux modalités de gestion de cette position par les employeurs publics tout en permettant d’avoir une vision plus cohérente des congés auxquels peut prétendre un fonctionnaire.

L’alinéa 7 pose enfin le principe selon lequel, lorsqu’un fonctionnaire est titularisé ou intégré dans une autre fonction publique, il est radié des cadres dans son corps ou cadre d’emplois d’origine. Cette nouvelle disposition préserve la possibilité pour le fonctionnaire français relevant de l’un des titres du statut général de pouvoir être intégré à une autre fonction publique hors de France (par exemple, la fonction publique européenne), sans perdre sa qualité de fonctionnaire en France.

Votre rapporteure souligne que le présent article ne reprend pas l’une des dispositions figurant à l’article 18 du projet de loi initial visant à plafonner la rémunération des fonctionnaires détachés sur contrat, qui ne lui ont pas semblé opportunes dans la mesure où elle aurait pu freiner les mobilités par la voie du détachement.

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Article 11 ter (nouveau)
(art. 13 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée, art. 29 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, art. 4 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée, art. 5 et 6 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, art. 29 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service de la Poste et à France Télécom, art. 6, 18 et 19 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, art. L. 6144-4 du code de la santé publique et à l’article L. 315-13 du code de l’action sociale et des familles)

Simplification des catégories d’emplois dans la fonction publique

Le présent article, adopté à l’initiative de votre rapporteure, après avis favorable du Gouvernement, réintroduit dans le projet de loi l’article 19 du projet de loi initial.

Le I modifie l’article 13 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée afin d’unifier la structure des corps et cadres d’emplois entre les trois versants de la fonction publique autour des trois mêmes catégories hiérarchiques (A, B et C). Il fait ainsi disparaître la référence à la catégorie D dans la fonction publique hospitalière, qui n’existe plus en pratique.

Les II à VIII du présent article procèdent aux coordinations rendues nécessaires par le I.

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Article 11 quater (nouveau)
(art. 14 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée, art. 32 et 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, art. 55 et 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, art. 39 et 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée, art. L. 4251-6 du code de la défense, art. L. 3133-1 du code de la santé publique)

Coordination et dispositions transitoires résultant de la clarification des positions statutaires dans la fonction publique

Le présent article, adopté à l’initiative de votre rapporteure, après avis favorable du Gouvernement, réintroduit dans le projet de loi l’article 20 du projet de loi initial.

En premier lieu, le présent article tire les conséquences de l’article 11 bis qui simplifie les positions statutaires dans la fonction publique :

en abrogeant les références à la position « hors cadres » dans le statut général de la fonction publique au ;

– en transformant la position prévue pour l’accomplissement du service national et des activités dans la réserve opérationnelle, dans la réserve sanitaire et dans la réserve dans la police nationale en position d’activité aux II à IV et VIII et IX ;

En deuxième lieu, le VI autorise les fonctionnaires de La Poste et de France Télécom à conserver le bénéfice de la position hors cadres qui leur était applicable avant la présente loi.

En troisième lieu, les V et VII prévoient des mesures transitoires pour que les fonctionnaires placés en position hors cadres ou en position d’accomplissement du service national et des activités dans la réserve opérationnelle, dans la réserve sanitaire et dans la réserve civile de la police nationale à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, soient maintenus dans cette position jusqu’au terme de la période pour laquelle ils ont été placés dans cette position.

En dernier lieu, le X abroge certaines dispositions devenues sans objet par mesure de coordination.

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Article 11 quinquies (nouveau)
(art. 2 et 33 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée)

Modernisation de la définition du champ d’application de la loi n° 84-16 portant dispositions statutaires à la fonction publique de l’État

Le présent article, adopté à l’initiative de votre rapporteure, après avis favorable du Gouvernement, réintroduit dans le projet de loi l’article 21 du projet initial.

Le modernise la définition du champ d’application de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, pour tenir compte des évolutions constatées dans l’organisation administrative de l’État depuis le vote de cette loi. La notion des « administrations de l’État » est ainsi substituée à celle des « administrations centrales de l’État » et des « services déconcentrés en dépendant », afin de ne pas paraître omettre, dans ce champ d’application, les nouvelles formes d’organisation administrative que sont les services à compétence nationale et les autorités administratives indépendantes.

Le complète la définition de la position d’activité décrite à l’article 33 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, pour préciser que le fonctionnaire dans cette position exerce les fonctions de l’un des emplois correspondant à son grade dans l’ensemble des départements ministériels de l’État, des autorités administratives et des établissements publics administratifs de l’État.

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Article 11 sexies (nouveau)
(art. 42 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée ; art. 61-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée ; art. 49 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée)

Encadrement des possibilités de mise à disposition des fonctionnaires

Le présent article, adopté à l’initiative de votre rapporteure, après avis favorable du Gouvernement, réintroduit dans le projet de loi l’essentiel de l’article 22 du projet initial relatif à la mise à disposition des fonctionnaires.

Actuellement, la mise à disposition est possible auprès des administrations et établissements publics relevant des trois versants de la fonction publique, des organisations internationales intergouvernementales ainsi qu’auprès d’un État étranger. Il s’agit d’un instrument de mobilité très utilisé par les fonctionnaires. En 2010, 3% des agents titulaires civils des ministères en mobilité statutaires l’ont été en position de mise à disposition, dont 63,74 % auprès d’une autre administration de l’État ou d’un établissement public. Néanmoins, une actualisation des dispositions régissant cette position est devenue nécessaire.

En premier lieu, le présent article élargit les possibilités de mise à disposition hors de l’administration d’origine du fonctionnaire en prévoyant que celle-ci peut désormais avoir lieu auprès des groupements d’intérêt public (GIP). Il ajoute expressément les cas de mise à disposition auprès d’une institution ou d’un organe de l’Union européenne, celle-ci ayant la personnalité morale depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.

En deuxième lieu, il harmonise entre les trois versants de la fonction publique les règles de remboursement en cas de mise à disposition. Si le principe reste le remboursement, il est prévu qu’il ne puisse y être dérogé que lorsque le fonctionnaire est mis à disposition auprès :

– d’une administration ou d’un établissement public administratif de l’État ;

– d’un groupement d’intérêt public ;

– d’une organisation internationale intergouvernementale ;

– d’une institution ou d’un organe de l’Union européenne ;

– d’un État étranger, de l’administration d’une collectivité publique ou d’un organisme public relevant de cet État ou auprès d’un État fédéré.

Par conséquent, cet article supprime la dérogation au principe de remboursement de la mise à disposition au profit d’une collectivité territoriale ou de l’un de ses établissements publics ou d’un établissement public relevant de la fonction publique hospitalière.

Il s’agit une disposition de simplification et de cohérence législative dans la mesure où les textes relatifs à la fonction publique territoriale et à la fonction publique hospitalière ne prévoient pas une telle dérogation dans l’hypothèse d’une mise à disposition de l’un de leurs agents au profit de la fonction publique de l’État. En outre, cet outil entraîne des complexités de gestion inutiles, dans la mesure où une fois l’agent de l’État mis à disposition contre remboursement, la collectivité territoriale, l’établissement public local ou l’établissement de santé devrait rembourser la mise à disposition tandis que l’État verse une subvention. En conséquence, les dépenses sont imputées sur le titre III (dépenses d’intervention) et non sur le titre II (dépenses de personnel) de l’administration d’origine, ce qui est contraire au principe de sincérité budgétaire mais également à la logique de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, puisque l’agent reste payé par son administration d’origine alors qu’il travaille pour un autre service.

En troisième lieu, le présent article sécurise la situation juridique du fonctionnaire mis à disposition en tant qu’expert national détaché au sein d’une institution ou d’un organe de l’Union européenne ou d’un État étranger, en prévoyant que la lettre de mission validée par son ministère vaut convention de mise à disposition.

En dernier lieu, il introduit une mesure transitoire pour que chaque dérogation accordée aux fonctionnaires de l’État soit maintenue jusqu’au terme fixé par la convention de mise à disposition en cours.

En revanche, contrairement à l’article 22 du projet de loi initial, il n’est plus prévu qu’une liste limitative des organismes contribuant à la mise en œuvre d’une politique de l’État, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics administratifs auprès desquels la mise à disposition est possible, soit établie par décret en Conseil d’État. Votre rapporteure se félicite de cette simplification et de la généralisation de la possibilité de mise à disposition des fonctionnaires dans les trois versants de la fonction publique.

De même, le présent article ne reprend pas la proposition du Gouvernement figurant dans le projet de loi initial visant à supprimer la possibilité de recruter par voie contractuelle des salariés de droit privé au sein des administrations, car certaines collectivités publiques peuvent avoir besoin de faire appel à des compétences rares non détenues en son sein, notamment dans le secteur hospitalier.

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Article 11 septies (nouveau)
(I à IV de l’article 14 de la loi n° 2009-972 du 3 août 2009
relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique)

Abrogation de l’expérimentation du cumul d’emplois permanents à temps non complet dans les trois versants de la fonction publique

Le présent article, adopté à l’initiative de votre rapporteure, après avis favorable du Gouvernement, réintroduit dans le projet de loi l’article 24 du projet initial, sous réserve de précisions d’ordre légistique.

Il supprime donc les I à IV de l’article 14 de la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique qui autorisaient l’expérimentation du cumul d’emplois permanents à temps non complet dans les trois versants de la fonction publique car cette disposition n’a jamais été mise en œuvre.

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La Commission est saisie de l’amendement CL211 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Il s’agit de réintroduire ce qui était prévu par l’ordonnance au sujet de la mobilité, à savoir le chapitre Ier bis : « De la mobilité », tel que prévu dans le projet de loi initial, à quelques ajustements près.

Mme la ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement ainsi qu’aux suivants, qui tendent à rétablir les articles 18 à 24 du projet de loi initial.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements CL209, CL210, CL212, CL213, CL214, CL215 de la rapporteure.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CL63 de Mme Ericka Bareigts et CL102 de Mme Maina Sage.

Mme Ericka Bareigts. Nous proposons d’intégrer dans la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d’État la prise en compte des centres d’intérêts moraux et matériels (CIMM) pour les mutations vers les territoires régis par les articles 73 et 74 de la Constitution. Un arrêt du Conseil d’État en date du 6 mars 2015 a en effet fragilisé les CIMM, qui constituent néanmoins une notion juridique consacrée par la jurisprudence ainsi que par la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE).

Mme Maina Sage. Je compléterai le propos de notre collègue en rappelant la situation particulière de ces fonctionnaires d’État qui servent au-delà de l’Hexagone. Sans vouloir nuire au principe d’égalité de traitement entre les fonctionnaires, il faut prendre en compte l’éloignement ; en relisant la loi de 1984, on retrouve les fondamentaux des principes de la mobilité de la fonction publique et de rapprochement du conjoint. Au-delà de celui-ci, je voudrais partager avec vous celui du rapprochement familial ; il ne s’agit pas de créer un droit nouveau ni de remettre en cause la notion de qualité du service public, mais bien de prendre conscience que la distance entre la métropole et nos territoires doit être considérée en priorité.

Lorsque l’on est muté à deux heures de train, on peut encore voir sa famille, le week-end, une fois par mois ou à Noël, mais lorsque l’on est muté à 20 000 kilomètres, ce n’est plus la même chose ; ce sont des situations difficiles à vivre pour ces familles. Je souhaite vivement que nous puissions, par ce texte, prendre en compte ces situations de célibat géographique.

Mme la rapporteure. Des ministres ont indiqué précédemment qu’une réflexion était en cours, une mission avait été confiée à Victorin Lurel, aussi souhaiterais-je entendre Mme la ministre afin d’obtenir des précisions.

Mme la ministre. Il faut le dire, la reconnaissance des centres d’intérêts moraux et matériels constitue un vrai progrès social ; c’est aussi un symbole politique, et les élus de Brest ou de Quimper, à qui huit heures de trajet aller-retour entre Paris et leur circonscription paraissent bien longues, sont conscients de la situation que vous évoquez, et qui est sans commune mesure avec la leur.

Je remercie les parlementaires des outre-mer pour le combat qu’ils mènent depuis longtemps en faveur de nos compatriotes qui souhaitent revenir près de leurs proches après dix, quinze ou vingt ans passés en Métropole à exercer des métiers difficiles. On peut le dire : il s’agit en priorité d’anciens agents de police. Il faut traiter différemment des fonctionnaires qui connaissent des situations différentes, et ce dans le respect des principes républicains. Votre collègue Patrick Lebreton a d’ailleurs remis un rapport sur ce sujet au Premier ministre, et nous sommes sur le point, au terme de trois ans de réflexion, de trouver enfin une solution, les organisations syndicales ayant fait des propositions alternatives en s’appuyant sur des arguments qui n’étaient pas irrecevables.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer vos amendements, en m’engageant à rechercher, dès cet après-midi, à partir de vos propositions, la meilleure formulation, qui comportera des précisions propres à éviter les recours immédiats susceptibles d’entacher une décision à la forte symbolique sociale et politique, et je présente au président de votre commission les excuses du Gouvernement pour ne pas avoir trouvé cette formulation idéale avant la présente réunion...

Mme la rapporteure. Je souhaite également le retrait des amendements, compte tenu de l’engagement pris par Mme la ministre d’aboutir à une solution d’ici à la séance publique, car nous n’aurons pas à examiner d’autre projet de loi consacré à la fonction publique avant longtemps.

Mme Ericka Bareigts. Je retire mon amendement car je sais l’attention que Mme la ministre porte à ce sujet dont nous débattons depuis 2012, en dialogue constant avec les associations et les syndicats. Je pense que nous sommes très près de trouver la meilleure rédaction, juridiquement protectrice, qui permettra aux fonctionnaires concernés d’exercer le métier qu’ils ont choisi et voulu, dans les meilleures conditions possibles, dans l’intérêt général.

Mme Maina Sage. L’essentiel est en effet d’aboutir à une solution juridiquement solide, et c’est pourquoi je retire également mon amendement.

M. le président. J’appelle votre attention sur le fait qu’en Nouvelle-Calédonie la notion de « centres d’intérêts moraux et matériels » n’a pas la même connotation que dans les autres territoires ultramarins. Il faut donc éviter que ce qui apporte une solution dans un territoire ne crée une difficulté dans un autre.

Les amendements sont retirés.

Chapitre II
De la modernisation des garanties disciplinaires des agents

Article 12
(art. 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires)

Création d’un délai de prescription de l’action disciplinaire

Le présent article (ex-article 27 du projet de loi initial) institue un délai de prescription de l’action disciplinaire de trois ans à compter du jour où l’administration a eu connaissance des faits passibles de sanction.

1. La contestation de l’imprescriptibilité de l’action disciplinaire de l’administration

Il n’existe pas, dans le droit de la fonction publique, de base textuelle régissant la prescription de l’action disciplinaire, et ce afin de préserver les intérêts de l’activité du service public. La jurisprudence a donc de longue date reconnu l’imprescriptibilité des poursuites disciplinaires, affirmant qu’ « aucun texte n’enferme dans un délai déterminé l’exercice de l’action disciplinaire ». (274)

Comme l’a noté le professeur Emmanuel Aubin, « depuis le lendemain de la seconde guerre mondiale, on peut évoquer l’existence d’une atténuation des relations hiérarchiques en raison notamment d’un rapprochement des situations juridiques des fonctionnaires et des salariés, qui a réduit le particularisme juridique de la fonction publique. » (275)

L’imprescriptibilité peut être présentée comme une anomalie en comparaison avec le droit du travail et comme une dérogation substantielle au critère européen d’un délai raisonnable. C’est ainsi que la Cour administrative d’appel (CAA) de Marseille s’est fondée sur la notion de délai raisonnable pour prendre une sanction disciplinaire, créant un nouveau principe général du droit (276). Elle a par ailleurs estimé que la responsabilité de l’administration était engagée en raison de l’illégalité fautive ayant consisté à sanctionner un agent vingt ans après les faits reprochés (277). Le Conseil d’État, en revanche, a refusé en 2014 d’enfermer dans un délai déterminé l’exercice de l’action disciplinaire, et a censuré l’arrêt de la CAA de Marseille de 2013. Le Conseil constitutionnel a de même, dans une décision QPC de 2011 (278), refusé d’ériger la prescription des poursuites disciplinaires en principe fondamental reconnu par les lois de la République.

Le juge exerce certes un contrôle incident du délai d’engagement de la procédure disciplinaire dans le cadre de son appréciation de la proportionnalité entre la sanction et la faute. Le Conseil d’État a par exemple été amené à annuler une sanction infligée à un agent pour des faits anciens au motif que depuis la faute qui lui était reprochée, commise il y a vingt ans, l’agent n’avait pas eu de comportement de nature à justifier une sanction. Le juge administratif a imposé à l’administration d’une obligation de loyauté lorsque celle-ci entend apporter la preuve de la faute reprochée à son agent (279).

2. La création d’un délai de prescription de l’action disciplinaire

Le présent article complète l’article 19 de la loi n° 83–634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Il introduit un délai de prescription de trois ans, qui constitue un compromis raisonnable entre l’imprescriptibilité qui prévaut actuellement et la règle de deux mois du code du travail, dont la portée est trop spécifique pour être transposée au droit de la fonction publique.

Le délai commence à courir à compter du jour où l’administration a eu connaissance des faits passibles de sanction. Il est suspendu en cas de poursuites pénales.

3. Les modifications apportées par votre commission des Lois

a. La précision du point de départ du délai de prescription

La Commission, sur proposition de votre rapporteure, a adopté un amendement visant à préciser le point de départ du délai de prescription.

La formulation actuelle consistant à faire courir le délai de prescription à compter du jour où l’administration a eu connaissance des faits passibles de sanction paraissait en effet très imprécise. La simple prise de connaissance ne paraît pas être un critère opérationnel. Les auditions conduites dans le cadre de l’examen du présent projet de loi ont montré que l’administration peut être informée de faits complexes, qui ne permettent pas, sans période d’instruction ou d’enquête, de faire apparaître la responsabilité d’un agent. Il apparaît donc préférable de choisir l’établissement de la matérialité des faits passibles de sanction comme point de départ du délai de prescription. Cela permet, dans le cas de faits avérés mais légers, d’en constater la matérialité immédiatement. Dans le cas de faits plus complexes ou plus lourds, elle permet à l’administration de mener l’enquête administrative nécessaire, sans que soit déjà ouvert le délai de prescription. Cette nouvelle formulation est donc protectrice pour les parties, car elle incite l’administration à établir la matérialité des faits avant d’engager une procédure disciplinaire. Par ailleurs, elle ne présuppose pas systématiquement une enquête administrative quand les faits passibles de sanction sont avérés.

La Commission a en outre adopté un amendement de votre rapporteure, visant à compléter le dispositif de prescription de l’action disciplinaire prévu par le Gouvernement.

b. L’alignement du délai de prescription de l’action disciplinaire sur celui de l’action publique pour les crimes et les délits

Pour les fautes les plus graves, constituant des crimes ou des délits, il paraît nécessaire d’aligner le délai de prescription de l’action disciplinaire sur celui de l’action publique : l’administration doit être en mesure de tirer au plan disciplinaire les conséquences de fautes commises par un agent public aussi longtemps que celles-ci peuvent donner lieu à des poursuites pénales.

Empêcher l’employeur public de prendre toutes les mesures nécessaires pour écarter l’agent d’un service ou tirer plus largement les conséquences d’actes particulièrement répréhensibles confirmés à l’occasion d’une enquête de police judiciaire serait préjudiciable au service public. Tel est le cas, par exemple, des viols ou agressions sexuelles commis sur des mineurs ou des abus de confiance commis contre des personnes vulnérables. L’amendement adopté prévoit donc que, lorsque les faits passibles de sanction constituent des crimes ou des délits, le délai de prescription de trois ans est prorogé dans la limite des délais de prescription de l’action publique en la matière.

*

* *

La Commission examine l’article CL24 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Cet amendement vise à objectiver le délai de prescription en prévoyant, pour l’administration, l’obligation d’inscrire au dossier de l’agent les faits passibles de sanction dès qu’elle en a connaissance.

Mme la rapporteure. Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement au profit de mon amendement CL123 qui va dans le même sens.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL32 de M. Paul Molac.

Mme la rapporteure. Je suis défavorable à cet amendement, qui tend à réduire le délai de prescription à un an. Il me paraît préférable de le maintenir à trois ans.

Mme la ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL123 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Je propose que l’établissement de la matérialité des faits passibles de sanction soit retenu comme point de départ du délai de prescription.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle aborde ensuite l’amendement CL125 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Je propose que, lorsque les faits passibles de sanction constituent des crimes ou des délits, ce délai soit prorogé dans la limite des délais de prescription de l’action publique en la matière. Tous les cas ne sont pas identiques, et cela peut être important.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL124 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 12 modifié.

Article 13
(art. 19 bis [nouveau] de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, art. 66 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, art. 89 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction territoriale et art. 81 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction hospitalière)

Révision et harmonisation de l’échelle des sanctions disciplinaires entre les trois fonctions publiques

Le présent article (ex-article 28 du projet de loi initial) révise et uniformise l’échelle des sanctions disciplinaires, actuellement propre à chaque fonction publique.

1. L’harmonisation des sanctions disciplinaires entre les trois fonctions publiques

En 2013, 3 456 sanctions disciplinaires ont été prononcées à l’encontre des fonctionnaires de l’État, contre 3 696 en 2012 (-6 %). Chez les titulaires, les sanctions du 1er groupe représentent 80 % de l’ensemble des sanctions. L’abaissement d’échelon, l’exclusion temporaire de fonctions d’une durée de 15 jours et le déplacement d’office, autres sanctions du 2ème groupe, représentent 10 % des sanctions. Les sanctions du 3ème groupe, qui occasionnent de lourdes pertes financières pour les agents, représentent 6 % des sanctions. Enfin, les sanctions du 4ème groupe, qui rompent le lien entre l’agent et son administration, représentent 4 % des sanctions. Le ministère de l’Intérieur enregistre à lui seul 70 % des sanctions (280). Ces données statistiques ne sont toutefois disponibles que pour la fonction publique de l’État.

Actuellement, les sanctions disciplinaires sont régies pour chacune des fonctions publiques par trois articles de trois lois différentes :

– l’article 66 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État ;

– l’article 89 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

– l’article 81 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.

Le I du présent article (alinéas 1 à 17) propose donc d’harmoniser les échelles de sanctions entre les trois fonctions publiques en les rassemblant au sein d’un nouvel article 19 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, mais aussi de modifier quelque peu ces sanctions en introduisant une nouvelle sanction au sein du deuxième groupe : la radiation de la liste d’aptitude établie après avis de la commission administrative paritaire.

En conséquence, le II du présent article (alinéas 22 à 25) abroge les dispositions qui instituaient les échelles de sanctions pour chacune des trois fonctions publiques.

2. Le renforcement des garanties disciplinaires

Le présent article impose par ailleurs à l’alinéa 18 un délai maximal de deux mois à l’autorité investie du pouvoir de nomination pour prononcer la sanction après l’avis du conseil de discipline. Lors d’auditions menées par votre rapporteure, il est en effet apparu que dans certains ministères, les délais pouvaient être particulièrement déraisonnables.

Par ailleurs, pour reprendre l’expression employée dans l’étude d’impact, le « droit à l’oubli » dont peuvent bénéficier les fonctionnaires ayant subi une sanction est réorganisé. Le blâme est effacé du dossier du fonctionnaire au bout de deux ans, et non plus trois (alinéa 19). Une sanction du deuxième ou troisième groupe peut être supprimée du dossier, à la demande du fonctionnaire.

Enfin, le présent article reprend, sans modifier le droit existant, l’alinéa définissant les modalités du sursis s’agissant d’une exclusion temporaire de fonctions (alinéa 21).

3. Les modifications apportées par votre commission des Lois

a. L’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours et la gradation des sanctions

Si l’objectif visant à rapprocher les régimes de sanctions disciplinaires entre les différentes fonctions publiques est louable, il n’est pas pertinent de supprimer du premier groupe l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours qui existe actuellement dans la fonction publique territoriale. Cette sanction, dont la mise en œuvre est relativement souple puisque, comme les autres sanctions du premier groupe, elle ne nécessite pas la réunion du conseil de discipline, est très efficace. Prévoir comme c’est le cas dans le présent article, une exclusion dans le cadre des sanctions du deuxième groupe, risque paradoxalement d’entraîner des exclusions plus longues. En effet, la convocation du conseil de discipline requérant une procédure plus lourde, et les sanctions du deuxième groupe prévoyant des sanctions pouvant aller jusqu’à l’exclusion temporaire de fonctions jusqu’à 15 jours, il y a fort à parier que les sanctions auront tendance à dépasser les trois jours.

Votre rapporteure a donc soumis à la Commission, qui l’a adopté, un amendement généralisant la sanction d’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours à l’ensemble de la fonction publique.

La Commission a également adopté un amendement de cohérence, considérant que la durée de l’exclusion temporaire de sanctions devait être graduelle :

– jusqu’à trois jours pour les sanctions du premier groupe ;

– de quatre jours à quinze jours pour les sanctions du deuxième groupe ;

– de seize jours à deux ans pour les sanctions du troisième groupe.

b. Le déplacement disciplinaire

Le déplacement d’office est une sanction disciplinaire du deuxième groupe qui n’existe que dans la fonction publique de l’État.

Le déplacement d’office se distingue de la mutation d’office dans l’intérêt du service, qui permet également de modifier l’affectation initiale de l’agent, sans son accord, afin de préserver l’intérêt du service. Il intervient après avis de la commission administrative paritaire et consultation de son dossier par l’agent. Dans ce cas, la mutation d’office ne peut s’accompagner, contrairement au déplacement d’office, d’une dégradation de la situation personnelle (baisse de rémunération par exemple) ou statutaire de l’agent.

La mutation d’office peut, sous ces conditions, être valablement prononcée pour, par exemple, restaurer un climat de travail dégradé, préserver le bon fonctionnement ou la crédibilité du service, pour des causes tenant à la manière de servir de l’agent rejaillissant sur le fonctionnement du service, pour perte de crédit moral nécessaire à l’exercice du magistère de l’enseignant, ou pour préserver l’agent contre des éléments extérieurs gênant l’exercice de ses fonctions.

Ainsi, lorsqu’une collectivité territoriale modifie l’affectation d’un agent sans son accord, en l’absence de toute faute et sans modifier ni sa rémunération ni sa situation statutaire, elle recourt à la mutation d’office et non pas au déplacement d’office.

Au demeurant, le fait que le déplacement d’office ne figure pas dans la liste des sanctions pour la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière ne fait pas obstacle au fait que le juge administratif censure une décision de modification de l’affectation d’un agent sans son accord, dès lors que la décision de mutation révèle une intention disciplinaire, ou entraîne une dégradation dans la situation personnelle ou statutaire de l’agent comparable aux effets produits par le déplacement d’office.

A contrario, en présence d’une faute de l’agent rendant nécessaire un changement d’affectation sans son accord, une telle décision, dans la fonction publique territoriale et hospitalière, sera annulée par le juge et ne pourra être mise en œuvre de manière régulière (après consultation du conseil de discipline) faute de disposer, en droit, de la possibilité de prononcer une telle sanction.

La Commission, sur proposition de votre rapporteure, a donc adopté un amendement maintenant l’extension prévue par le projet de loi du déplacement d’office aux deux autres versants de la fonction publique, mais changeant sa dénomination de manière à lever toute ambiguïté sur la nature du déplacement disciplinaire.

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* *

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL126 deuxième rectification de Mme Françoise Descamps-Crosnier, rapporteure, et CL87 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Françoise Descamps-Crosnier, rapporteure. Si l’objectif visant à rapprocher les régimes de sanctions disciplinaires entre les différentes fonctions publiques est tout à fait louable, il n’apparaît pas nécessairement pertinent de supprimer du premier groupe l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours qui existe actuellement dans la fonction publique territoriale. La mise en œuvre de cette sanction est relativement souple puisque, comme les autres sanctions du premier groupe, elle ne nécessite pas la réunion du conseil de discipline. Prévoir, comme c’est le cas dans le présent article, une exclusion dans le cadre des sanctions du deuxième groupe fait courir le risque d’une augmentation d’exclusions plus longues.

Mme Cécile Untermaier. Je retire mon amendement CL87.

L’amendement CL87 est retiré.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Je m’en remets à la sagesse de la Commission sur l’amendement de la rapporteure.

La Commission adopte l’amendement CL216 deuxième rectification.

Puis elle en vient à l’amendement CL127 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Le déplacement d’office est une sanction disciplinaire du deuxième groupe qui n’existe que dans la fonction publique de l’État. Il se distingue de la mutation d’office dans l’intérêt du service, qui permet également de modifier l’affectation initiale de l’agent, sans son accord, afin de préserver l’intérêt du service. Cet amendement change la dénomination du déplacement d’office, afin de lever toute ambiguïté sur la nature d’une telle mesure.

Mme la ministre. Favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement l’amendement de cohérence CL128 et les amendements rédactionnels CL129, CL130, CL132 et CL131 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 13 modifié.

Article 13 bis (nouveau)
(art. 31 de la loi 84 53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires

relatives à la fonction publique territoriale)
Suppression de la présence du juge administratif lors des conseils de discipline dans la fonction publique territoriale

Le présent article, introduit à l’initiative de votre rapporteure, après avis favorable du Gouvernement, supprime la présence du juge administratif lors des conseils de discipline dans la fonction publique territoriale.

Lorsque l’administration territoriale souhaite infliger une sanction des deuxième, troisième ou quatrième groupes, elle doit solliciter au préalable –comme pour les autres versants de la fonction publique – l’avis du conseil de discipline.

Dans la fonction publique territoriale, ce conseil de discipline est présidé par un magistrat de l’ordre administratif, en activité ou honoraire, désigné par le président du tribunal administratif dans le ressort duquel le conseil de discipline a son siège. Un suppléant est désigné dans les mêmes conditions. Le conseil est constitué en nombre égal de représentants du personnel et de représentants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. Il se réunit au centre de gestion de la fonction publique territoriale compétent pour le département où exerce le fonctionnaire concerné. Lorsque le tribunal administratif a son siège dans le département où est installé le centre de gestion de la fonction publique territoriale, le conseil de discipline se réunit soit au centre de gestion, soit au tribunal administratif selon le choix de son président.

La fonction publique territoriale est le seul versant de la fonction publique pour lequel il est prévu que lorsque la commission administrative paritaire siège en conseil de discipline, elle est présidée par un magistrat de l’ordre administratif.

Dans la fonction publique de l’État, le conseil de discipline est présidé par le président de la commission administrative paritaire, qui peut être le directeur général, le directeur ou le chef de service, c’est-à-dire par un représentant de l’administration (CE, 13 juillet 1966, Le Lay). Le supérieur hiérarchique de l’agent qui a déclenché la procédure disciplinaire peut d’ailleurs présider le conseil de discipline s’il ne montre aucune animosité particulière à l’égard du fonctionnaire et que la procédure disciplinaire entre dans le cadre normal de l’exercice de ses attributions (CE, 11 juillet 1958, Tordo).

La procédure actuelle entraine pour les collectivités territoriales des rigidités qui n’apparaissent pas justifiées. La Commission a donc adopté un amendement portant article additionnel de votre rapporteure supprimant cette disposition particulière, dans un souci d’harmonisation avec les deux autres versants de la fonction publique.

*

* *

La Commission étudie l’amendement CL133 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à supprimer la présence du juge administratif dans les conseils de discipline de la fonction publique territoriale. En effet, la FPT est le seul versant de la fonction publique pour lequel il est prévu que, lorsque la commission administrative paritaire siège en conseil de discipline, elle est présidée par un magistrat de l’ordre administratif, en activité ou honoraire, désigné par le président du tribunal administratif dans le ressort duquel est situé le siège du conseil de discipline.

Mme la ministre. Favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Article 14
(art. 6, 6 bis, 6 ter, 6 quinquies, 11 bis et 31 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires)

Appréciation de l’aptitude des agents non titulaires et application à ces agents de certaines dispositions du titre Ier du statut général

Le présent article (ex-article 32 du projet de loi initial) précise que le recrutement des agents publics non titulaires de droit public est effectué après appréciation de leur capacité à exercer les fonctions à pourvoir. Il détermine également quelles dispositions du titre Ier du statut général sont applicables à ces agents.

1. L’appréciation de l’aptitude des agents non titulaires de droit public pour leur recrutement

Les différentes lois statutaires régissant les trois fonctions publiques prévoient les règles relatives au recrutement d’agents non titulaires. Elles précisent en particulier les cas de recours à ce type de contrat – qualifications particulières et non disponibles parmi les titulaires de la fonction publique, accroissement saisonnier d’activité…

En revanche, l’étude d’impact souligne que ces règles ne prévoient pas l’appréciation de l’aptitude des candidats à exercer les fonctions à pourvoir.

Le « rapport Pêcheur » sur la fonction publique a mis en exergue les difficultés posées par cette absence de règle en la matière : « Les modes de recrutement peuvent, dans certains cas, soulever des questions : manque de lisibilité des critères retenus pour sélectionner les candidats, vérification insuffisante des capacités des candidats, ou, à l’inverse, tendance à recruter des candidats surqualifiés au regard des exigences du poste proposé». (281)

En conséquence, le premier alinéa du I du présent article remédie à cette situation en disposant que ces agents « sont recrutés après appréciation de leur capacité à exercer les fonctions à pourvoir ».

Cette rédaction paraît conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui dans sa décision n° 2012-656 DC du 24 octobre 2012 sur la loi portant création des emplois d’avenir, a considéré que « le principe de l’égal accès des citoyens aux emplois publics impose qu’il ne soit tenu compte, pour le recrutement à ces emplois, que de la capacité, des vertus et des talents ».

2. Application aux agents non titulaires de droit public de certaines dispositions du titre Ier du statut général

L’alinéa 2 du I du présent article applique aux agents non titulaires de droit public certaines dispositions du titre Ier du statut général des fonctionnaires :

– le chapitre II sur les garanties – articles 6 à 11 bis ;

– les articles 15 – sur la prise en compte des compétences acquises au cours d’un mandat syndical au titre de l’expérience professionnelle – et 24 – sur la cessation des fonctions – du chapitre III consacré aux carrières ;

– le chapitre IV consacré aux obligations – à l’exception toutefois de l’article 30 sur les sanctions, puisque celles-ci sont prévues par les décrets relatifs aux dispositions applicables aux agents non titulaires au sein de chaque fonction publique.

En conséquence, le II du présent article supprime au sein de chaque article du chapitre II de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires la mention selon laquelle l’article est applicable aux agents non titulaires de droit public.

3. La position de votre commission des Lois

Le présent article a fait l’objet d’un amendement de réécriture proposé par le Gouvernement et qui a été adopté par la Commission.

La réécriture n’a pas changé le fond de la rédaction de l’article 14. Elle a simplement permis de tirer les conséquences de deux amendements proposés par le Gouvernement et adoptés par la Commission relatif à la carrière des déchargés syndicaux qui ont :

– procédé à la réécriture de l’article 23 bis de la loi n° 83-364 du 13 juillet 1983 ;

– abrogé l’article 15 de la même loi.

En outre, la réécriture a remplacé le terme « agents non titulaires » par « agents contractuels » et corrigé l’oubli d’une référence dans la rédaction initiale de l’article 14. Il convenait en effet de supprimer le dernier alinéa de l’article 6 ter A de la loi n° 83-364 du 13 juillet 1983 comme cela a été fait pour les articles 6, 6 bis, 6 ter et 6 quinquies.

Sur proposition de votre rapporteure, la Commission a également adopté un sous-amendement permettant d’adapter aux agents contractuels les mesures de protection des lanceurs d’alerte.

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* *

La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CL100 rectifié du Gouvernement, de rédaction globale, qui fait l’objet du sous-amendement CL248 de la rapporteure, et les amendements CL134 et CL135 de la rapporteure.

Mme la ministre. Mon amendement vise à remplacer les termes « agents non titulaires » par les termes « agents contractuels » et à transposer aux agents contractuels la disposition prévue au nouvel article 23 bis qui porte sur la carrière des déchargés syndicaux.

Mme la rapporteure. Favorable. Mon sous-amendement permet d’adapter aux agents contractuels les mesures de protection des lanceurs d’alerte.

La Commission adopte le sous-amendement CL248.

Puis elle adopte l’amendement CL100 rectifié sous-amendé.

En conséquence, les amendements CL134 et CL135 tombent.

L’article 14 est ainsi rédigé.

TITRE III
DE L’EXEMPLARITÉ DES EMPLOYEURS PUBLICS

Chapitre Ier
De l’amélioration de la situation des agents non titulaires

Article 15
(art. 4, 8, 15, 21, 26 et 30 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique et art. L. 1224-3 du code du travail)

Correction d’imprécisions de rédaction de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique

Le présent article (ex-articles 33, 34, 35 et 39 du projet de loi initial) corrige des imprécisions de rédaction de la loi n° 2012–347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique.

1. Un recours croissant aux agents non-titulaires

Le recours aux agents non-titulaires n’a eu de cesse de croître dans la fonction publique au cours des dernières années. Le principe selon lequel la fonction publique est constituée de fonctionnaires de carrière, le recours à des agents non titulaires étant l’exception, est donc largement battu en brèche. La part des agents non titulaires dans le total des emplois publics est passée de 14,3 % en 2001 à 16,8 % en 2011 – cette part étant de 19,7 % des emplois dans la fonction publique territoriale, de 17,2 % dans la fonction publique hospitalière et de 14 % dans la fonction publique de l’État (282).

La loi du 12 mars 2012 précitée a représenté le 17ème plan de titularisation depuis 1950 (283). Elle s’est attachée à réduire les situations de précarité, à offrir des possibilités de titularisation à certains contractuels justifiant d’une durée de service suffisante, à transformer en contrat à durée indéterminée (CDI) les emplois anormalement maintenus en contrat à durée déterminée (CDD). Comme l’indique l’étude d’impact cette loi a permis « d’apporter une réponse à la situation des agents recrutés par une succession de contrats à durée déterminée, parfois pendant de longues années, par des personnes morales de droit public distinctes, alors même que ces agents ont occupé pendant toutes ces années le même poste de travail ».

Dans un arrêt du 5 octobre 2012, le tribunal administratif de Nantes a jugé que la succession de contrats entre un même agent et différents employeurs personnes morales relevant de différentes fonctions publiques (INSERM, CHU de Nantes, CNRS), alors même que l’agent avait exercé pendant cette période de onze ans dans la même unité de l’INSERM, permettait au requérant de bénéficier des dispositions de l’article 8 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 précitée (284) .

2. La clarification nécessaire de plusieurs dispositions visant à lutter contre la précarité de l’emploi dans la fonction publique

Les I, II et III du présent article précisent certaines dispositions de la loi du 12 mars 2012 précitée.

Le 2° du I corrige, pour la fonction publique de l’État, une erreur matérielle de renvoi qui avait pour effet de limiter la prise en compte de l’intégralité de l’ancienneté acquise. Les 1° et 2° du II et les 1° et 2° du III effectuent la même précision, respectivement pour la fonction publique territoriale et pour la fonction publique hospitalière.

Les 3° du I, II et III précisent que l’employeur public qui emploie un agent satisfaisant à la condition d’ancienneté requise du fait d’une succession d’emplois auprès de différents employeurs publics lui propose la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée.

3. La reconnaissance de l’ancienneté acquise par l’agent dont l’emploi a été repris dans le cadre d’un transfert d’activité par une personne publique exerçant un service public administratif

Le IV du présent article étend le principe d’assimilation générale des services accomplis dans le cadre des transferts d’activités entre personnes morales de droit public prévu à l’article 14 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires aux cas de transferts d’activité du privé vers le public – régi par l’article L. 1224-3 du code du travail.

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* *

La commission adopte l’article 15 sans modification.

Article 15 bis (nouveau)
(art. 44 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires

relatives à la fonction publique territoriale)
Droit à suspension du décompte de la période des trois ans d’inscription sur liste d’aptitude lors de contrats pris en application de l’article 3-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale

Le présent article a été introduit à l’initiative de Mme Cécile Untermaier, après avis favorable de la rapporteure et avis de sagesse du Gouvernement. Il décompte les missions de remplacement effectuées dans la fonction publique territoriale par des agents non titulaires, lauréats des concours de la fonction publique territoriale, de la période des trois ans d’inscription sur liste d’aptitude.

L’intégration dans la fonction publique territoriale comporte trois étapes :

– la réussite au concours ;

– le recrutement sur un poste ouvrant droit à titularisation ;

– la période de stage précédant la titularisation.

Une fois le concours réussi, le lauréat est inscrit sur une liste d’aptitude et doit être recruté dans un délai maximum de trois ans, pour ne pas perdre le bénéfice du concours. Les collectivités territoriales tendent à privilégier le recrutement, en qualité de « fonctionnaires stagiaires », de lauréats ayant une expérience du travail en collectivité territoriale.

De nombreux lauréats acceptent stratégiquement des missions temporaires, dans la fonction publique territoriale, pour accumuler de l’expérience et augmenter ainsi leurs chances d’être recrutés sur un poste de fonctionnaire stagiaire. La non prise en compte de ces périodes de mission temporaire, de la durée d’inscription sur liste d’aptitude valorisera davantage les compétences ainsi acquises et protégera la continuité du parcours professionnel des agents non titulaires lauréats des concours.

Si la problématique des lauréats dits « reçus – collés », c’est-à-dire ne trouvant pas de poste à l’issue de la période de trois ans, est réelle, il convient toutefois d’être très vigilant à la modification du droit positif pour ne pas créer d’effets pervers.

Votre rapporteure a considéré qu’il fallait opérer une distinction entre les articles 3-1 et 3-2 de la loi n° 84 53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale :

– l’article 3-1 vise des cas où un contractuel assure le remplacement temporaire de fonctionnaires ou d’agents contractuels (cas de temps partiel, de congé longue durée, de congé de présence parentale...) ;

– l’article 3-2 vise les cas de recrutement sur un poste permanent pour faire face à une vacance temporaire d’emploi dans l’attente du recrutement d’un fonctionnaire.

Or, l’article 3-4 de cette même loi prévoit que lorsqu’un agent non titulaire recruté pour pourvoir un emploi permanent sur le fondement des articles 3-2 est inscrit sur une liste d’aptitude d’accès à un cadre d’emplois dont les missions englobent l’emploi qu’il occupe, il est, au plus tard au terme de son contrat, nommé en qualité de fonctionnaire stagiaire par l’autorité territoriale.

Votre rapporteure a donc proposé à la Commission, qui l’a adopté, un sous-amendement visant à restreindre la suspension du décompte de la période des trois ans d’inscription sur liste d’aptitude aux contrats prévus par l’article 3-1 de la loi du 26 janvier 1984.

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* *

La Commission est saisie de l’amendement CL90 de Mme Cécile Untermaier, qui fait l’objet du sous-amendement CL249 de la rapporteure.

Mme Cécile Untermaier. Cet amendement propose que les missions de remplacement effectuées dans la fonction publique territoriale par des agents non titulaires, lauréats des concours de la fonction publique territoriale, donnent droit à suspension du décompte de la période des trois ans d’inscription sur liste d’aptitude.

Mme la rapporteure. La problématique des « reçus collés » est réelle. Pour y remédier, il peut être intéressant de ne pas décompter de la période d’inscription sur la liste d’aptitude les contrats pris sur le fondement de l’article 3-1 de la loi du 26 janvier 1984 qui vise les cas de temps partiel, congé longue durée et congé de présence parentale. En revanche, il paraît contraire à l’esprit de la loi du 26 janvier 1984 et du présent projet de loi de ne pas décompter de la période d’inscription sur la liste d’aptitude les contrats pris sur le fondement de l’article 3-2 de cette même loi, qui concerne le recrutement sur un poste permanent pour faire face à une vacance temporaire d’emploi dans l’attente du recrutement d’un fonctionnaire. En effet, en application de l’article 3-4 de cette même loi, un tel contrat pris sur le fondement de l’article 3-2 devrait déboucher sur la stagiarisation du contractuel aspirant à devenir fonctionnaire si l’emploi qu’il occupe correspond à ses missions. Le présent sous-amendement vise donc à retirer les cas prévus à l’article 3-2 de l’énumération proposée à l’amendement 90.

Mme la ministre. J’ai demandé au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale d’examiner la question des « reçus collés ». L’amendement sous-amendé constituerait un encouragement. Sagesse.

La Commission adopte le sous-amendement CL249.

Puis elle adopte l’amendement CL90 sous-amendé.

Chapitre II
De l’amélioration du dialogue social dans la fonction publique

Article 16
(art. 3 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État)

Restriction des dérogations aux règles de recrutement accordées aux établissements publics administratifs

Le présent article (ex-articles 36, 37 et 38 du projet de loi initial) encadre plus strictement les règles dérogatoires de recrutement dont bénéficient certains établissements publics administratifs (EPA).

1. Une dérogation aux règles de recrutement accordée aux établissements publics administratifs

L’article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose que, sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics administratifs sont occupés par des fonctionnaires. L’article 3 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État prévoit cependant que cette règle n’est pas applicable à certains EPA. Cette dérogation se justifie par l’exigence « de qualifications professionnelles particulières ».

La liste de ces établissements est fixée par le décret n° 84-38 du 18 janvier 1984, qui détermine également quels sont les emplois ou les catégories d’emplois concernés par la dérogation.

Liste des établissements figurant en annexe du décret n° 84-38 du 18 janvier 1984

Agence centrale des organismes de sécurité sociale

Agence de maîtrise d’ouvrage des travaux du ministère de la justice

Agence nationale des fréquences

Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail

Institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail

Agences financières de bassin

Caisse d’amortissement de la dette sociale

Caisse de garantie du logement locatif social

Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés

Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés

Caisse nationale des allocations familiales

Centre des monuments nationaux

Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou

Centre national d’études supérieures de sécurité sociale

Centres régionaux de la propriété forestière

Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires

Office national de l’eau et des milieux aquatiques

Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres

École nationale supérieure des mines de Paris

École nationale supérieure des mines de Saint-Etienne

École nationale supérieure des techniques industrielles et des mines d’Albi-Carmaux

École nationale supérieure des techniques industrielles et des mines d’Alès

École nationale supérieure des techniques industrielles et des mines de Douai

École nationale supérieure des techniques industrielles et des mines de Nantes

École polytechnique

Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture

Établissement public du musée du quai Branly

Établissement public du musée ou du domaine national de Versailles

Institut national de l’information géographique et forestière

Institut national de la propriété industrielle

Institution nationale des invalides

Musée Rodin

Office national de la chasse et de la faune sauvage

Établissement public du parc amazonien de Guyane

Agence nationale des titres sécurisés

Établissement public du parc national de la Réunion

Agence nationale de la recherche

Établissement public de la porte Dorée-Cité nationale de l’histoire de l’immigration

Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique

2. Encadrer cette « nébuleuse » au périmètre fortement élargi

Une mission conjointe du contrôle général économique et financier, de l’inspection générale des affaires sociales et de l’inspection générale de l’administration, dans un rapport rendu en juillet 2012, a dénoncé le fait qu’ « à partir d’un modèle initial théoriquement très contraint par la loi et reposant sur des critères que le législateur avait tenté de définir aussi précisément que possible, de manière à éviter tout risque de dérive, une sorte de nébuleuse au périmètre fortement élargi [se soit] progressivement constituée » (285) .

La liste des établissements a certes été toilettée par le décret n° 2014-600 du 5 juin 2014 modifiant l’annexe du décret n° 84-38 du 18 janvier 1984 qui a supprimé de la liste plusieurs EPA :

– l’Agence centrale des organismes d’intervention dans le secteur agricole ;

– l’Établissement public de la Bibliothèque nationale de France ;

– l’Établissement public du musée du Louvre ;

– le Fonds de solidarité ;

– l’Institut national de l’origine et de la qualité ;

– le Laboratoire national de dépistage du dopage ;

– le Musée de l’armée ;

– le Musée national de la marine ;

– l’Office de protection contre les rayonnements ionisants.

Cela ne constitue cependant pas une réponse suffisante aux critiques émises par le rapport de la mission conjointe. Les alinéas 1 et 2 du présent article réécrivent donc, en le précisant, le 2° de l’article 3 de la loi du 18 janvier 1984, pour disposer que « les emplois de certains établissements publics qui requièrent des qualifications professionnelles indispensables à l’exercice de leurs missions spécifiques et non dévolues à des corps de fonctionnaires, inscrits (…) sur une liste établie par décret en Conseil d’État après avis du Conseil supérieur de la fonction publique » ne sont pas soumis à la règle générale d’emploi de titulaires.

Ces alinéas ne remettent donc pas en cause le principe d’une liste d’établissements bénéficiant de la dérogation, mais encadrent plus strictement les conditions dans lesquelles ils peuvent y être inscrits, la rédaction actuelle mentionnant seulement le « caractère particulier » des missions de certains EPA.

Par ailleurs, conformément aux préconisations du rapport de la mission conjointe évoquée ci-dessus (286), l’alinéa 2 précise désormais que la liste des EPA est soumise à un réexamen périodique.

3. Une grande hétérogénéité des règles générales applicables

Le rapport précité sur les dérogations accordées à certains EPA en matière de recrutement d’agents non titulaires a par ailleurs souligné que « s’appuyant sur un relatif flou juridique des règles en vigueur, certains établissements publics ont, au fil du temps, pris le parti de s’aligner sur la pratique du recours systématique au contrat à durée déterminée plutôt qu’au contrat à durée indéterminée. Ce faisant, ils ont en réalité contribué à rendre ténue, voire virtuelle, la frontière entre les dérogations « de droit commun » applicables à toute la fonction publique et la dérogation spécifique aux établissements publics (287). »

En conséquence, l’alinéa 3 dispose que les agents occupant ces emplois sont recrutés par la voie du contrat à durée indéterminée. De même, il prévoit à l’alinéa 5 que les contrats à durée déterminée des agents des EPA répondant aux critères seront transformés en contrat à durée indéterminée au moment de l’entrée en vigueur du décret modifiant celui du 18 janvier 1984. Enfin, il importe d’autoriser les agents recrutés antérieurement à conserver le bénéfice de leur contrat obtenu en raison de la précédente inscription de leur emploi sur les listes annexées aux décrets d’application de l’article 3 -2° et 3°. Cela permet de sécuriser la situation de ces agents qui verraient l’assise juridique de leur contrat disparaître du fait de la suppression de l’inscription de leur emploi sur le décret-liste.

4. Les modifications apportées par votre commission des Lois

Dans le cadre du nouveau dispositif d’encadrement des dérogations au principe fondamental de l’occupation des emplois civils permanents par des fonctionnaires, il importe de préciser que les dérogations ne peuvent porter que sur ces emplois ou des types d’emplois ciblés. L’utilisation du terme générique de « catégorie » est susceptible de renvoyer à la notion statutaire de catégorie hiérarchique (A, B, C), ce qui n’est pas conforme à l’objectif de la réforme proposée par le projet de loi.

Sur proposition de votre rapporteure, la Commission a adopté un amendement précisant que le décret doit définir non pas des catégories mais les types d’emplois qui justifient la dérogation aux règles de recrutement pour les EPA.

De même, la Commission a adopté un amendement de votre rapporteure précisant que ce n’est pas la nature de l’emploi occupé au moment de la sortie de la dérogation qui doit conduire à transformer le contrat de l’agent en CDI, mais la nature du besoin pour lequel un agent a été recruté sur cet emploi. Ainsi, seuls les agents recrutés pour un besoin permanent en contrat à durée déterminée doivent pouvoir bénéficier, le cas échéant, d’un CDI à l’occasion de la révision du « décret-liste » précisant les emplois ou types d’emplois dérogatoires.

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* *

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL136 de la rapporteure.

Puis elle examine l’amendement CL137 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Le décret doit définir non pas des catégories, mais des types d’emplois pour justifier la dérogation aux règles de recrutement dans les établissements publics concernés.

Mme la ministre. Favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle aborde ensuite l’amendement CL138 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Ce n’est pas la nature de l’emploi occupé au moment de la sortie de la dérogation qui doit conduire à transformer le contrat de l’agent en CDI, mais la nature du besoin pour lequel l’agent a été recruté sur cet emploi.

Mme la ministre. Favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 16 modifié.

Article 17
(art. 4 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État)

Recrutement d’agents contractuels de l’État en contrat à durée déterminée

Le présent article précise que le recrutement d’agents contractuels de l’État se fait par contrat à durée déterminée.

1. Le recrutement d’agents contractuels est un recrutement « subsidiaire et dérogatoire »

Par dérogation au principe selon lequel les emplois civils et permanents de l’État sont occupés par des fonctionnaires, l’article 4 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statuaires relatives à la fonction publique de l’État permet le recrutement d’agents contractuels :

– lorsqu’il n’existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d’assurer les fonctions correspondantes ;

– pour les emplois de catégorie A, et dans les représentations de l’État à l’étranger, des autres catégories, lorsque la nature des fonctions ou les besoins du service le justifient.

Le Conseil d’État a rappelé, dans un arrêt de Section du 25 septembre 2013 que la loi ne permet ce recrutement d’agents contractuels qu’à titre dérogatoire et subsidiaire (288).

2. Le recrutement d’agents contractuels de l’État en contrat à durée déterminée

Le présent article modifie l’article 4 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 afin de préciser que les agents contractuels de catégorie A, – et dans les représentations de l’État à l’étranger des autres catégories – recrutés lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient, sont employés par contrat à durée déterminée.

Il permet de lever l’ambiguïté liée à la rédaction actuelle des dispositions combinées des articles 4 et 6 bis de la loi du 11 janvier 1984 telle que modifiée par la loi du 12 mars 2012, s’agissant de la possibilité de recruter des agents contractuels directement en contrat à durée indéterminée.

Avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, l’article 4 de la loi n° 84-16 précisait que :

« Par dérogation au principe énoncé à l’article 3 du titre Ier du statut général, des agents contractuels peuvent être recrutés dans les cas suivants :

1° Lorsqu’il n’existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d’assurer les fonctions correspondantes ;

2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A et, dans les représentations de l’État à l’étranger, des autres catégories, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient.

Les agents ainsi recrutés sont engagés par des contrats à durée déterminée, d’une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables, par reconduction expresse. La durée des contrats successifs ne peut excéder six ans. »

La loi du 12 mars 2012 précitée a supprimé le dernier alinéa de l’article 4 mentionné ci-dessus et l’article 6 bis du titre II du statut général dispose seulement que : « Lorsque les contrats pris en application des articles 4 et 6 sont conclus pour une durée déterminée, cette durée est au maximum de trois ans. Ces contrats sont renouvelables par reconduction expresse dans la limite d’une durée maximale de six ans. »

Il n’était plus spécifié clairement à l’article 4 que les agents recrutés en application du 2° de l’article 4 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 sont nécessairement recrutés par contrat à durée déterminée. Le présent article clarifie donc l’état du droit actuel en inscrivant expressément dans le titre II du statut général l’impossibilité d’effectuer un primo-recrutement en contrat à durée indéterminée sur le fondement de l’article du 2° de l’article 4 de la loi du 11 janvier 1984.

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* *

La Commission adopte l’article 17 sans modification.

Article 18
(art. 6 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, art. 3-4 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction territoriale et art. 9 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction hospitalière)

Suppression de la notion d’ « effectivité » des services et sécurisation juridique des cas de refus d’avenant

Le présent article supprime la notion d’ « effectivité » des services publics pour la transformation d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et sécurise juridiquement les cas de refus d’avenant.

1. La suppression de la notion d’ « effectivité » des services publics

Le droit commun des contrats à durée déterminée de la fonction publique d’État est régi par l’article 6 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État. Il précise notamment que les contrats à durée déterminée ont une durée maximum de trois ans, renouvelable dans la limite d’une durée maximale de six ans. Au-delà de cette durée de six ans, les contrats ne peuvent être reconduits, par décision expresse, qu’en contrats à durée indéterminée, si l’agent justifie d’une durée de services publics effectifs de six ans dans des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique.

Cette notion d’ « effectivité » a été introduite, de même que l’ensemble de l’article 6 bis, par la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique.

Le rapport de notre collègue M. Pierre Morel-A-L’Huissier sur ce projet de loi a permis de préciser cette notion : « il s’agit des périodes pendant lesquelles l’agent a réellement exercé des fonctions en qualité d’agent public ou des périodes assimilées (congés payés, congés pour formation syndicale, congés de maladie, congés pour grave maladie, congés en cas d’accident du travail et de maladie professionnelle, congés de maternité). En sont exclues les périodes de non activité » (289).

Comme le souligne l’étude d’impact, l’application de cette disposition est délicate car elle ne précise pas les conditions dans lesquelles un agent recruté par contrat à durée déterminée depuis six ans mais qui ne peut bénéficier immédiatement d’un contrat à durée indéterminée du fait de congés non assimilés à du service effectif peut être maintenu en fonction.

En conséquence, le du I du présent article supprime la notion d’ « effectivité » de l’article 6 bis de la loi du 11 janvier 1984. Les du II et du III du présent article procèdent à la même modification pour la fonction publique territoriale et pour la fonction publique hospitalière.

2. La sécurisation juridique des cas de refus d’avenant

La rédaction actuelle de l’article 6 bis de la loi du 11 janvier 1984 prévoit que si l’agent contractuel atteint l’ancienneté de six années telle qu’elle a été définie avant l’échéance de son contrat à durée déterminée en cours, celui-ci est réputé conclu à durée indéterminée. Pour satisfaire à la condition d’une reconduction expresse, le dispositif prévoit que l’autorité d’emploi adresse à l’agent une proposition d’avenant confirmant cette nouvelle caractéristique du contrat.

Cette disposition ne traite pas des cas où l’agent refuse l’avenant. Le du I du présent article complète l’article 6 bis de la loi du 11 janvier 1984 en précisant que, dans ce cas, l’agent ne doit pas être considéré comme démissionnaire, mais est maintenu dans ses fonctions jusqu’au terme du contrat à durée déterminée en cours. Les du II et du III du présent article procèdent à la même modification pour la fonction publique territoriale et pour la fonction publique hospitalière.

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* *

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL139 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 18 modifié.

Article 18 bis (nouveau)
(art. 3 bis de la loi n° 84 16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, art. 3-7 de la loi n° 84 53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, art. L. 1251 60 du code du travail
)
Abrogation de la possibilité de recourir à l’intérim dans la fonction publique de l’État et la fonction publique territoriale

Le présent article, introduit à l’initiative de votre rapporteure, après avis favorable du Gouvernement, abroge la possibilité de recourir à l’intérim dans la fonction publique de l’État et la fonction publique territoriale.

L’article 21 de la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels avait introduit, pour les trois versants de la fonction publique, la possibilité de recourir à l’intérim.

Dans la majorité des cas, il s’agit de remplir des missions liées à la conduite des affaires générales de l’administration ou à des tâches de nature logistique dans le cadre du remplacement d’un agent indisponible ou d’un accroissement temporaire d’activité. La clarification des cas de recours au contrat opérée par la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique rend inutile de telles dispositions.

Elle permet en effet de répondre aux besoins des employeurs. Ceux-ci peuvent recourir à l’article 6 quinquies de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État et à l’article 3-2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale qui permettent de « recruter un agent contractuel pour faire face à une vacance temporaire d’emploi dans l’attente du recrutement d’un fonctionnaire ». Quant à l’accroissement temporaire ou saisonnier d’activité, il est possible pour les gestionnaires d’y répondre en recourant à l’article 6 sexies de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée et à l’article 3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée.

La spécificité et le caractère impérieux des sujétions des établissements relevant du titre IV du statut général de la fonction publique conduisent cependant à ne pas étendre l’abrogation du recours à l’intérim à la fonction publique hospitalière, afin de ne pas courir le risque de désorganiser les services hospitaliers. En effet, l’obligation de continuité et de sécurité des soins, de jour comme de nuit, et le respect des ratios de professionnels définis réglementairement pour certaines activités (réanimation, bloc opératoire, …) sont deux impératifs qui justifient le recours à l’intérim comme solution de dernier recours.

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* *

La Commission est saisie de l’amendement CL140 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à abroger les dispositions permettant de recourir à l’intérim dans la fonction publique de l’État et la fonction publique territoriale. La clarification des cas de recours au contrat opérée par le législateur à la suite de la signature du Protocole d’accord du 31 mars 2011 portant sécurisation des parcours professionnels des agents contractuels dans les trois versants de la fonction publique rend inutiles de telles dispositions.

La spécificité des sujétions des établissements relevant du titre IV du statut général de la fonction publique conduit cependant à ne pas étendre l’abrogation du recours à l’intérim à la fonction publique hospitalière, afin de ne pas courir le risque de désorganiser les services hospitaliers.

Mme la ministre. Favorable. La fonction publique hospitalière connaît malheureusement une pénurie dans certains métiers.

La Commission adopte l’amendement.

Article 18 ter (nouveau)
(
art. 6 bis de la loi n° 84 16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires

relatives à la fonction publique de l’État)
Généralisation dans la fonction publique de l’État du primo-recrutement en CDI pour pourvoir des emplois permanents correspondant à des missions pour lesquelles il n’existe pas de corps de fonctionnaires

Le présent article, introduit à l’initiative du Gouvernement, après avis favorable de votre rapporteure, généralise le primo-recrutement en contrat à durée indéterminée (CDI) pour pourvoir des emplois permanents correspondant à des missions pour lesquelles il n’existe pas de corps de fonctionnaires.

L’article 36 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique a autorisé, à titre expérimental, pour une durée de quatre ans à compter du 13 mars 2012, les administrations d’État à recruter directement en CDI pour pourvoir des emplois permanents correspondant à des missions pour lesquelles il n’existe pas de corps de fonctionnaires.

L’intérêt de cette mesure est net s’agissant des métiers très particuliers en tension pour lesquels un recrutement direct en CDI constitue un élément d’attractivité indéniable dans un secteur fortement concurrentiel avec le secteur privé (médecins de prévention, médecins inspecteurs du travail, cryptologues ou responsables de défense contre les cyber-attaques…).

Cet article propose donc la généralisation du primo-recrutement en CDI dans la fonction publique de l’État. Le primo-recrutement apportera ainsi à l’État des compétences très spécifiques qui lui sont particulièrement nécessaires dans différents domaines qui requièrent des ressources humaines pérennes et stables et dans un contexte où les ministères ont des difficultés à recruter des agents et à les maintenir en poste.

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La Commission examine l’amendement CL95 du Gouvernement.

Mme la ministre. Cet amendement propose la généralisation du primo-recrutement en CDI. En effet, l’article 36 de la loi du 12 mars 2012 autorise, à titre expérimental, pour une durée de quatre ans à compter du 13 mars 2012, les administrations d’État à recruter directement en CDI pour pourvoir des emplois permanents correspondant à des missions pour lesquelles il n’existe pas de corps de fonctionnaires.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Article 18 quater (nouveau)
(art. 136 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires

relatives à la fonction publique)
Diverses mesures d’alignement du droit de la fonction publique territoriale sur la fonction publique de l’État

Le présent article, introduit à l’initiative du Gouvernement, après avis favorable de votre rapporteure, procède à diverses mesures d’alignement du droit de la fonction publique territoriale sur la fonction publique de l’État.

L’article 18 quater aligne le terme « contractuels » à celui de « non titulaires » et actualise la numérotation des articles de la loi relatifs au recrutement des agents contractuels, de manière à prendre en compte les modifications effectuées par la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique.

En outre, le présent article lève la restriction de la revalorisation de l’évolution de la rémunération de ces agents, réservée actuellement aux seuls agents contractuels en contrat à durée indéterminée dans la fonction publique territoriale, pour l’étendre à l’ensemble de ces agents, qu’ils soient recrutés en CDD ou en CDI, comme dans la fonction publique de l’État.

Enfin, il aligne les conditions de mise à disposition des agents contractuels de la fonction publique territoriale sur celles prévalant dans la fonction publique de l’État en prévoyant leur mise à disposition dans les deux autres versants de la fonction publique.

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La Commission examine l’amendement CL96 du Gouvernement.

Mme la ministre. L’amendement vise à substituer les mots « agents contractuels » aux mots « agents non titulaires » et à actualiser la numérotation des articles de la loi relatifs au recrutement des agents contractuels, de manière à prendre en compte les modifications introduites par la « loi Sauvadet » du 12 mars 2012.

Cet amendement a également pour objet de lever la restriction de l’évolution de la rémunération de ces agents, réservée actuellement aux seuls agents contractuels en contrat à durée indéterminée dans la fonction publique territoriale (FPT), pour étendre cette revalorisation à l’ensemble de ces agents, en CDD et en CDI, comme dans la fonction publique de l’État.

Enfin, l’amendement aligne les conditions de mise à disposition des agents contractuels de la FPT en prévoyant leur mise à disposition dans les deux autres versants de la fonction publique.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Article 18 quinquies (nouveau)
(art. 1er, 2, 3, 4, 6, 8, 12, 13, 14, 15, 17, 24, 25 et 26 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, art. 92 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture)

Prolongation du dispositif de titularisation créé par la loi du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire

Le présent article, introduit à l’initiative du Gouvernement, après avis favorable de votre rapporteure, vise à prolonger le plan de titularisation mis en place dans le cadre de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, dite « loi Sauvadet », dont la mise en œuvre a été contrastée.