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N
° 3110

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2015

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2016 (n° 3096)

TOME III

EXAMEN DE LA SECONDE PARTIE
DU PROJET DE LOI DE FINANCES

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES
ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Volume 1

Examen des articles

Par Mme Valérie RABAULT

Rapporteure générale,

Députée

——

SOMMAIRE

___

Pages

EXAMEN DES ARTICLES 9

SECONDE PARTIE MOYEN DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES 9

TITRE IER AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2016 – CRÉDITS ET DÉCOUVERTS 9

I.– Crédits des missions 9

Article 24 : Crédits du budget général 9

Article 25 : Crédits des budgets annexes 10

Article 26 : Crédits des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers 10

II.– Autorisations de découvert 13

Article 27 : Autorisations de découvert 13

TITRE II AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2016 – PLAFONDS DES AUTORISATIONS D’EMPLOIS 14

Article 28 : Plafonds des autorisations d’emplois de l’État 14

Article 29 : Plafonds des emplois des opérateurs de l’État 16

Article 30 : Plafonds des emplois des établissements à autonomie financière 18

Article 31 : Plafonds des emplois des autorités publiques indépendantes 19

Après l’article 31 21

TITRE III REPORTS DE CRÉDITS DE 2015 SUR 2016 21

Article 32 : Majoration des plafonds de reports de crédits de paiement 21

TITRE IV DISPOSITIONS PERMANENTES 23

I.– Mesures fiscales et mesure budgétaire non rattachée 23

Article 33 : Refonte des modalités de revalorisation des prestations sociales 23

Article 34 : Engagement du prélèvement à la source et modernisation de l’impôt sur le revenu 48

Après l’article 34 93

Article 35 : Généralisation du document administratif électronique (DAE) dans le cadre de la circulation en suspension de droits d’accises des alcools et boissons alcooliques 95

Après l’article 35 101

Article additionnel après l’article 35 : Augmentation du tarif de la taxe sur les boissons sucrées ou édulcorées 102

Après l’article 35 104

Article 36 : Mise en place d’une dispense de caution pour les petits entrepositaires agréés de produits énergétiques 104

Article 37 : Dématérialisation de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ainsi que des obligations déclaratives en matière de prix de transfert 108

Article 38 : Mesure visant à lutter contre la dissimulation de recettes à la TVA : utilisation obligatoire d’un logiciel de caisse ou système non frauduleux 117

Article 39 : Adaptation de la fiscalité aux évolutions institutionnelles des régions 130

Après l’article 39 158

Article additionnel après l’article 39 : Exonération facultative de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les maisons de santé pluriprofessionnelles 164

Article additionnel après l’article 39 : Exonération facultative de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les logements issus de la transformation de bureaux 165

Après l’article 39 166

Article additionnel après l’article 39 : Extension de l’exonération de cotisation foncière des entreprises pour les sociétés coopératives de production aux groupements constitués par ces dernières 172

Après l’article 39 172

Article additionnel après l’article 39 : Extension de l’exonération de cotisation foncière des entreprises dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville aux entreprises artisanales 172

Article additionnel après l’article 39 : Imposition exclusive de la société civile de moyens à la cotisation foncière des entreprises 173

Après l’article 39 175

Article additionnel après l’article 39 : Revalorisation forfaitaire annuelle des valeurs locatives 175

Article additionnel après l’article 39 : Abattement facultatif sur la valeur locative des logements créés dans des friches industrielles et commerciales 178

Après l’article 39 179

Article additionnel après l’article 39 : Modification de la durée de la période d’intégration fiscale progressive des EPCI à fiscalité propre additionnelle 181

Article additionnel après l’article 39 : Élargissement du champ des EPCI pouvant opter pour l’intégration fiscale progressive 181

Après l’article 39 182

Article additionnel après l’article 39 : Exonération de taxe d’aménagement pour les maisons de santé pluriprofessionnelles 186

Article additionnel après l’article 39 : Perception de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) dans le cas d’un rachat sans cessation d’activité 186

Article additionnel après l’article 39 : Application de mesures de soutien dans le cadre des quartiers prioritaires de la politique de la ville 187

Article 40 : Prorogation et aménagement du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) 188

Article 41 : Simplification du PTZ et élargissement de son éligibilité dans l’ancien 206

Article 42 : Prorogation de l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) et adaptation aux bénéficiaires des aides de l’Agence nationale de l’habitat 216

Après l’article 42 226

Article 43 : Aménagement des aides fiscales en faveur des investissements en outre-mer 227

Après l’article 43 252

Article additionnel après l’article 43 : Publication de la liste des organismes ayant reçu une réponse positive de l’administration sur leur éligibilité aux réductions d’impôts au titre des dons 256

Article 44 : Augmentation du crédit d’impôt cinéma 257

Article additionnel après l’article 44 : Création d’un crédit d’impôt en faveur du spectacle vivant 294

Après l’article 44 295

Article 45 : Imposition au taux de 19 % des plus-values de cession de titres d’une société autorisée pour l’édition d’un service de télévision 297

Après l’article 45 312

Article additionnel après l’article 45 : Élargissement des fonds d’investissement de proximité dans les DOM aux investisseurs métropolitains 312

Article additionnel après l’article 45 : Allongement de deux à cinq ans de la durée de détention permettant de bénéficier de la « niche Copé » 313

Article additionnel après l’article 45 : Privation du bénéfice de plusieurs avantages fiscaux pour les grands groupes adoptant des comportements prédateurs à l’égard de PME et d’entreprises de taille intermédiaire 314

Article 46 : Aménagements de la taxe sur les services de télévision : consolidation des ressources provenant de la télévision de rattrapage et des services interactifs 314

Après l’article 46 328

Article additionnel après l’article 46 : Adaptation de la redevance pour consommation d’eau au cas des fontaines patrimoniales situées en zone de montagne 331

Après l’article 46 333

Article 47 : Suppression de dépenses fiscales inefficientes 334

Article additionnel après l’article 47 : Simplification des modalités de preuve, pour les contribuables non-résidents, pour l’application du taux d’imposition correspondant à leur niveau de revenu mondial 343

Après l’article 47 344

Article additionnel après l’article 47 : Création de nouvelles obligations déclaratives pays par pays pour les entreprises liées 348

Après l’article 47 350

Article additionnel après l’article 47 : Demande d’un rapport sur les conséquences d’un accident nucléaire majeur pour les finances publiques 350

Après l’article 47 351

Article additionnel après l’article 47 : Demande d’un rapport annuel sur l’investissement public de l’État et de ses établissements publics 353

Après l’article 47 354

II.– Autres mesures 355

Action extérieure de l’État 355

Article additionnel avant l’article 48 : Rapport sur les modalités de couverture des risques de change auxquels sont exposés les crédits de la mission 355

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales 355

Avant l’article 48 355

Aide publique au développement 356

Article 48 : Majoration du plafond d’autorisation d’annulations de dettes additionnelles accordées par la France au bénéfice de pays pauvres très endettés 356

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation 357

Article 49 : Proportionnalité de la majoration de l’article L. 52-2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre selon la durée de mariage ou de pacte civil de solidarité et de soins 357

Article 50 : Extension de l’attribution du bénéfice de la campagne double aux anciens combattants d’Afrique du Nord aux pensions liquidées avant le 19 octobre 1999 357

Article 51 : Création d’une allocation de reconnaissance des conjoints et ex-conjoints survivants d’anciens supplétifs 358

Après l’article 51 358

Économie 359

Article 52 : Création d’un fonds de péréquation entre les chambres de commerce et d’industrie (CCI) 359

Article 53 : Création de trois taxes affectées au financement de centres techniques industriels (CTI) et harmonisation de l’ensemble des taxes affectées aux CTI et aux comités professionnels du développement économique (CPDE) 361

Article additionnel après l’article 53 : Contribution sur les offres de parts sociales et de certificats mutualistes 361

Égalité des territoires et logement 362

Article 54 : Affectation de recettes au Fonds national d’aide au logement (FNAL) 362

Article 55 : Amélioration de la prise en compte de la situation financière des bénéficiaires d’aides personnelles au logement (APL) 362

Article additionnel après l’article 55 : Affectation à l’Agence nationale de l’habitat de la totalité du produit des astreintes administratives prononcée en matière de lutte contre l’habitat indigne 365

Article 56 : Création et financement du Fonds national des aides à la pierre (FNAP) 365

Après l’article 56 367

Gestion des finances publiques et des ressources humaines 367

Article 57 : Indemnisation des fonctionnaires victimes de l’amiante 367

Article additionnel après l’article 57 : Mise en œuvre des mesures de revalorisation des régimes indemnitaires prévues par le protocole relatif à l’avenir de la fonction publique 368

Article additionnel après l’article 57 : Reconduite de l’expérimentation du contrôle par les caisses primaires d’assurance maladie des arrêts maladie des fonctionnaires 368

Outre-mer 369

Article additionnel après l’article 57 : Dotation territoriale pour l’investissement au profit des communes et dotation globale d’autonomie de la Polynésie française 369

Relations avec les collectivités territoriales 369

Article 58 : Réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) du bloc communal 369

Après l’article 58 393

Article additionnel après l’article 58 : Desserrement des règles d’attribution de la dotation politique de la ville 394

Article 59 : Création d’un fonds d’aide à l’investissement local 395

Article 60 : Répartition des concours de la mission Relations avec les collectivités territoriales 395

Article 61 : Règles de répartition des dispositifs de péréquation horizontale 396

Après l’article 61 409

Article additionnel après l’article  61 : Rapport au Parlement sur l’utilisation des ressources du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) 410

Article 62 : Abaissement du plafond de cotisation au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) 411

Après l’article 62 412

Santé 413

Article additionnel après l’article 62 : Apurement de la situation financière des victimes de l’amiante 413

Solidarité, insertion et égalité des chances 414

Article 63 : Financement de la partie « socle » du revenu de solidarité active (RSA) en faveur des jeunes actifs 414

Sport, jeunesse et vie associative 414

Article additionnel après l’article 63 : Prorogation du prélèvement sur les mises des jeux de loterie 414

LISTE DES RAPPORTS SPÉCIAUX ANNEXÉS AU RAPPORT GÉNÉRAL SUR LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2016 417

EXAMEN DES ARTICLES

SECONDE PARTIE
MOYEN DES POLITIQUES PUBLIQUES
ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

TITRE IER
AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2016 – CRÉDITS ET DÉCOUVERTS

I.– Crédits des missions

Article 24
Crédits du budget général

Le présent article est un article de récapitulation, dont l’adoption tire les conséquences de l’examen des crédits des missions et programmes du budget général au cours de la discussion de la seconde partie du présent projet de loi de finances.

Les crédits du budget général sont présentés dans les annexes relatives à chaque mission du budget général et totalisés à l’état B annexé au présent projet de loi de finances.

Le montant des crédits bruts ouverts sur le budget général est fixé à 413,6 milliards d’euros d’autorisations d’engagement (AE) et à 406,3 milliards d’euros de crédits de paiement (CP) au lieu 411,1 milliards d’euros d’AE et 395,6 milliards d’euros de CP en loi de finances initiale (LFI) pour 2015.

Les crédits nets du budget général, c’est-à-dire déduction faite des remboursements et dégrèvements, s’élèvent à 313,4 milliards d’euros d’AE et 306,1 milliards d’euros de CP au lieu 311,6 milliards d’euros d’AE et 296,1 milliards d’euros de CP en 2015.

L’évolution des crédits du budget général est commentée dans le tome I du présent rapport général (1).

*

* *

Suivant l’avis de la Rapporteure générale, la commission adopte l’article 24 et l’état B, modifiés compte tenu des votes précédemment intervenus lors de l’examen successif des différentes missions.

*

* *

Article 25
Crédits des budgets annexes

Le présent article est un article de récapitulation, dont l’adoption tire les conséquences de l’examen des crédits des budgets annexes (BA) au cours de la discussion de la seconde partie du présent projet de loi de finances.

Les crédits correspondants sont présentés dans les annexes 13 et 17 du présent rapport général relatives aux deux budgets annexes et totalisés à l’état C annexé.

ÉVOLUTIONS DES CRÉDITS DES BUDGETS ANNEXES

(en millions d’euros)

Budget annexe

LFI 2015

PLF 2016

AE

CP

AE

CP

BA Publications officielles et information administrative

201,1

189,1

192,8

181,8

BA Contrôle et exploitation aériens

2 168

2 151

2 109,7

2 114,7

Total

2 369,1

2 340,1

2 302,5

2 296,5

Source : loi de finances pour 2015 et projet de loi de finances pour 2016.

*

* *

Suivant l’avis de la Rapporteure générale, la commission adopte l’article 25 et l’état C sans modification.

*

* *

Article 26
Crédits des comptes d’affectation spéciale
et des comptes de concours financiers

Le présent article est un article de récapitulation, dont l’adoption tire les conséquences de l’examen des crédits des comptes d’affectation spéciale (CAS) et des comptes de concours financiers (CCF) au cours de la discussion de la seconde partie du présent projet de loi de finances.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DES COMPTES SPÉCIAUX

(en millions d’euros)

Compte spécial

LFI 2015

PLF 2016

Écart LFI 2015/PLF 2016

AE

CP

AE

CP

CP

CAS Aide à l’acquisition de véhicules propres

242,2

242,2

266

266

23,8

CAS Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

1 337,1

1 377,1

1 358,5

1 358,5

– 18,6

CAS Développement agricole et rural

147,5

147,5

147,5

147,5

0

CAS Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale

377

377

377,0

377

0

CAS Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage

1 491

1 491

1 491,0

1 491

0

CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État

526,7

521,0

588,8

575

54

CAS Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l’État

2 167

2 167,0

supprimé

CAS Participation de la France au désendettement de la Grèce

309

432,5

233

325,6

– 106,9

CAS Participations financières de l’État

5 000

5 000

5 000

5 000

0

CAS Pensions

56 842

56 842

57 205

57 204

362

CAS Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs

309

309

335

335

26

Sous-total CAS (hors CAS supprimé)

68 748,5

68 906,3

67 001,4

67 080,1

340,8

CCF Accords monétaires internationaux

0

0

0

0

0

CCF Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics

7 438,9

7 438,9

7 383,6

7 383,6

– 55,3

CCF Avances à l’audiovisuel public

3 666,8

3 666,8

3 802,6

3 802,6

135,8

CCF Avances aux collectivités territoriales

101 472,4

101 472,4

103 719,4

103 719,4

2 247

CCF Prêts à des États étrangers

1 742,1

1 482,1

1 464,7

1 093,2

– 388,9

CCF Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

200,5

200,5

155,5

155,5

– 45,0

Sous-total CCF

114 520,7

114 260,7

116 525,8

116 154,3

1 893,6

Total

183 269,2

183 167

183 527,2

183 234,4

67,4

Source : loi de finances pour 2015 et projet de loi de finances pour 2016.

Selon le présent projet de loi de finances, en 2015, le solde des comptes spéciaux serait supérieur de 1,2 milliard d’euros aux prévisions de la loi de finances initiale (LFI) du fait principalement de :

– la révision à la hausse de près de 600 millions d’euros du solde du CCF Avances aux collectivités territoriales (2) au vu des recouvrements réalisés à mi-année 2015 ;

– la révision à la hausse de près 600 millions d’euros également du solde du CCF Prêts à des États étrangers, en raison du report de l’opération de refinancement de la dette de la Somalie notamment (3).

En 2016, le solde des comptes spéciaux s’établirait à 1,1 milliard d’euros, en hausse de 100 millions d’euros par rapport aux prévisions pour l’exercice 2015. Cette hausse résulterait pour l’essentiel de :

– la diminution de 0,1 milliard d’euros du solde du CAS Pensions ;

– la diminution de 0,3 milliard d’euros du CCF Prêts à des États étrangers ;

– l’augmentation de 0,4 milliard d’euros du solde du CCF Avances aux collectivités territoriales, du fait notamment d’une hausse des recettes de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) liée à une situation économique plus favorable.

Les crédits des comptes spéciaux sont présentés en détail dans les annexes au présent rapport général relatives à chaque compte et sont totalisés à l’état D du présent projet de loi de finances.

ÉVOLUTION DES SOLDES DES PRINCIPAUX COMPTES SPÉCIAUX

(en milliards d’euros)

Compte spécial

LFI 2015

Prévisions exercice 2015

Écart LFI 2015/ Prévisions exercice 2015

PLF 2016

CAS Pensions

0,7

0,7

0

0,7

CAS Participations financières de l’État

0

0

0

0

CCF Avances aux collectivités territoriales

– 0,2

0,4

0,6

0,8

CCF Prêts à des États étrangers

– 0,7

– 0,2

0,6

– 0,5

CCF Prêt à des particuliers et à des organismes privés

– 0,2

– 0,2

0

– 0,1

Autres comptes

0,2

0,2

0

0,2

Total

– 0,2

1

1,2

1,1

Source : projet de loi de finances pour 2016.

*

* *

Suivant l’avis de la Rapporteure générale, la commission adopte l’article 26 et l’état D, modifiés compte tenu des votes précédemment intervenus lors de l’examen successif des différents comptes.

*

* *

II.– Autorisations de découvert

Article 27
Autorisations de découvert

Le présent article autorise les découverts des comptes de commerce et des comptes d’opérations monétaires, qui sont détaillés à l’état E annexé au présent projet de loi de finances. Les justifications des autorisations de découvert demandées sont quant à elles présentées dans les annexes relatives à chacune de ces deux catégories de comptes.

Pour leur examen par l’Assemblée nationale – et à la différence des budgets annexes et des comptes spéciaux dotés de crédits (comptes d’affectation spéciale et comptes de concours financiers) – les comptes de commerce et les comptes d’opérations monétaires ne donnent pas lieu à un vote « par compte spécial » tel que prévu par l’article 43 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), mais à un vote d’ensemble.

ÉVOLUTION DES AUTORISATIONS DE DÉCOUVERT

(en millions d’euros)

Opération

LFI 2015

PLF 2016

Écart LFI 2015/PLF 2016

Approvisionnement de l’État et des forces armées en produits pétroliers, biens et services

125

125

0

Cantine et travail des détenus dans le cadre pénitentiaire

23

23

0

Couverture des risques financiers de l’État

528

524

– 4

exploitation industrielle des ateliers aéronautiques de l’État

0

0

0

Gestion de la dette et de la trésorerie de l’État

19 200

19 200

0

Lancement de certains matériels aéronautiques et de certains matériels d’armement complexes

0

0

0

Liquidation d’établissements publics de l’État et liquidations diverses

0

0

0

Opérations commerciales des domaines

0

0

0

Régie industrielle des établissements pénitentiaires

609,8

609,8

0

Renouvellement des concessions hydroélectriques

4 700

4 700

0

Sous-total comptes de commerce

25 185,8

25 181,8

– 4

Émission de monnaies métalliques

0

0

0

Opérations avec le Fonds monétaire international

0

0

0

Pertes et bénéfice de change

400

250

– 150

Sous-total comptes d’opérations monétaires

400

250

– 150

Total

25 585,8

25 431,8

– 154

Source : loi de finances pour 2015 et projet de loi de finances pour 2016.

*

* *

Suivant l’avis de la Rapporteure générale, la commission adopte l’article 27 et l’état E sans modification.

*

* *

TITRE II
AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2016 – PLAFONDS DES AUTORISATIONS D’EMPLOIS

Article 28
Plafonds des autorisations d’emplois de l’État

Le présent article fixe les plafonds des autorisations d’emplois par ministère et par budget annexe.

En application du 6° du I de l’article 34 de LOLF, la première partie du projet de loi de finances fixe un plafond global d’autorisation des emplois rémunérés par l’État. Ce plafond est fixé pour 2016, à l’article d’équilibre du présent projet de loi de finances (article 23), à 1 916 279 équivalents temps plein travaillé (ETPT), au lieu de 1 901 099 ETPT en loi de finances initiale pour 2015.

En seconde partie, la loi de finances détermine la répartition de ces plafonds par ministère et par budget annexe, comme le prévoit le présent article. En application de l’article 43 de la LOLF, ces plafonds donnent lieu à un vote unique.

Pour plus de détails sur l’évolution des effectifs de l’État et de ses opérateurs, la Rapporteure générale invite à se reporter à la fiche 10 du tome I du présent rapport général (4) : l’engagement pris par l’actuel Gouvernement consiste à stabiliser les effectifs de l’État et de ses opérateurs au niveau fixé par la loi de finances initiale pour 2012, dans sa version en vigueur au 1er janvier 2012, sur l’ensemble de la période 2012-2017, hors augmentation d’emplois pour certains secteurs prioritaires (l’enseignement, la sécurité, la justice et la défense). Les dispositions proposées par le présent article sont conformes à cet engagement.

SCHÉMA D’EMPLOI (SE) DE L’ÉTAT

(en unités)

Ministère

SE
LFI 2013
(ETP)

SE
LFI 2014
(ETP)

SE
LFI 2015
(ETP)

SE 2015 révisé (dont PLAT et LPM actualisée) (ETP)

SE
PLF 2016

(ETP)

Plafond d’emplois
PLF 2016

(ETPT)

Affaires étrangères

– 184

– 196

– 220

– 220

– 115

14 020

Affaires sociales et santé

– 186

– 223

– 150

– 150

– 150

10 206

Agriculture, agroalimentaire et forêt

– 80

– 81

– 25

– 25

– 20

30 543

Enseignement agricole (y. c. Supérieur)

200

150

140

140

140

17 891

Hors enseignement agricole

– 280

– 231

– 165

– 165

– 160

12 652

Culture et communication

– 15

– 83

15

15

– 30

11 041

Défense

– 7 234

– 7 881

– 7 500

0

2 300

271 510

Dont révision de la loi de programmation

7 500

9 697

Écologie, développement durable et énergie

– 614

– 522

– 515

– 515

– 671

30 722

Économie, industrie et numérique

– 49

– 24

– 55

– 55

– 20

6 465

Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche

8 781

8 804

9 421

9 421

8 561

995 243

Finances et comptes publics

– 2 313

– 2 542

– 2 491

– 2 451

– 2 548

136 114

Intérieur

– 134

– 289

116

654

428

279 522

Sécurité (police + gendarmerie)

480

405

405

881

732

243 520

Hors mission Sécurité

– 614

– 694

– 289

– 227

– 304

36 002

Justice

480

555

600

1 268

943

80 280

Logement, égalité des territoires et ruralité

– 662

– 697

– 319

– 319

– 261

12 500

Outre-mer

0

0

2

2

0

5 309

Services du Premier ministre

34

142

94

94

79

11 590

Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

– 141

– 137

– 150

– 150

– 192

9 703

Total budget général

– 2 317

– 3 174

– 1 177

7 569

8 304

1 904 768

Contrôle et exploitation aériens

– 100

– 100

– 100

– 100

– 100

10 726

Publications officielles et information administrative

1

– 6

– 1

– 1

– 2

785

Total budgets annexes

– 99

– 106

– 101

– 101

– 102

11 511

Total général

– 2 416

– 3 280

– 1 278

7 468

8 202

1 916 279

Total général hors révision de la loi de programmation

– 1 278

– 32

– 1 495

LPM : loi de programmation militaire.

PLAT : plan de lutte anti-terrorisme.

Source : projet de loi de finances pour 2016.

*

* *

Suivant l’avis de la Rapporteure générale, la commission adopte l’article 28 sans modification.

*

* *

Article 29
Plafonds des emplois des opérateurs de l’État

Le présent article arrête les plafonds des autorisations d’emplois des opérateurs de l’État à 397 484 équivalents temps plein travaillé (ETPT) pour 2016 au lieu de 397 682 ETPT en loi de finances pour 2015.

L’évolution de ces plafonds représente une baisse de 198 emplois à périmètre courant.

À périmètre constant, cette baisse est de 70 emplois. Elle résulte de la création de 1 000 emplois dans les universités, qui participent à l’engagement du Président de la République de créer 60 000 postes dans l’enseignement au cours de la présente législature, et de la suppression de 1 070 emplois pour les autres opérateurs de l’État.

Pour plus de détails sur l’évolution des effectifs de l’État et de ses opérateurs, la Rapporteure générale invite à se reporter à la fiche 10 du tome 1 du présent rapport général (5).

*

* *

La commission est saisie de l’amendement II-CF 360 de la Rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, Rapporteure générale. Comme vous le savez, la France est la première destination touristique au monde mais elle n’occupe que le troisième rang en termes de recettes touristiques. Dans ce contexte, le Gouvernement a mis en place un plan ambitieux en faveur du tourisme qui ne permettra pas toutefois d’augmenter les heures d’ouverture des principaux monuments nationaux. Par exemple, l’Arc de Triomphe gagnerait à être ouvert plus tôt pour accueillir des groupes de touristes. Pour améliorer les recettes, cet amendement propose d’autoriser à titre exceptionnel un relèvement du plafond d’emplois du Centre des monuments nationaux de 80 équivalents temps plein travaillé (ETPT) afin de créer des postes saisonniers supplémentaires permettant une ouverture plus large de certains monuments très prisés. Cette expérimentation sur une année ferait l’objet d’une évaluation.

M. Alain Rodet. Ces postes supplémentaires permettront-ils l’ouverture des musées le dimanche, voire le mardi ?

Mme la Rapporteure générale. Le nombre d’ETPT proposé par l’amendement est trop limité pour le permettre.

M. le président Gilles Carrez. Sur quelle mission porte la baisse des ETPT proposés pour gager l’amendement ? Le droit du travail permet-il la création de ce type d’emplois ?

Mme la Rapporteure générale. La baisse porte également sur la mission Culture. Par ailleurs, il s’agit d’emplois contractuels de la fonction publique comme il y en a déjà au sein des différents monuments concernés.

M. le président Gilles Carrez. Je suis pour ma part favorable à cet amendement qui fait ainsi l’objet de l’unanimité de notre commission.

La commission adopte l’amendement II-CF 360 (amendement II-806) puis l’article 29 ainsi modifié.

*

* *

Article 30
Plafonds des emplois des établissements à autonomie financière

Le présent article tend à fixer les plafonds des autorisations d’emplois des établissements à autonomie financière (EAF) pour 2016.

Cette disposition met en œuvre l’article 76 de la loi de finances initiale pour 2009 (6) qui complète le dispositif de plafonnement des autorisations d’emplois relevant du ministère des affaires étrangères par un plafond d’emplois spécifique aux agents de droit local (ADL).

Les établissements intéressés sont ceux visés par renvoi à l’article 66 de la loi de finances pour 1974 (7), qui prévoit la possibilité, par décret en Conseil d’État, de conférer « l’autonomie financière » à « des établissements et organismes de diffusion culturelle ou d’enseignement situés à l’étranger et dépendant du ministère des affaires étrangères ».

Ces établissements qui ne disposent pas de la personnalité morale ne sont pas des opérateurs de l’État. Par conséquent, leurs emplois ne sont pas comptabilisés dans les plafonds d’emplois des opérateurs rattachés à la mission Action extérieure de l’État (fixés à respectivement 6 939 ETPT) (8) par l’article 29 du présent projet de loi de finances.

Les emplois de ces établissements ne sont pas non plus comptabilisés dans le plafond des emplois rémunérés directement par le ministère des affaires étrangères (dont le plafond est fixé à 14 020 ETPT par l’article 28 du présent projet de loi de finances), sauf dans le cas des agents expatriés affectés dans ces établissements – généralement le directeur et le comptable dont les emplois s’imputent sur le plafond d’emplois ministériel.

Par conséquent, l’article 76 de la loi de finances initiale pour 2009 a introduit un plafond spécifique aux EAF et, en leur sein, aux « agents de droit local » recrutés à durée indéterminée.

Pour 2016, le présent article fixe le plafond des autorisations d’emplois des agents de droit local des EAF à 3 449 équivalents temps plein (ETP) au lieu de 3 489 ETP en 2015.

*

* *

Suivant l’avis de la Rapporteure générale, la commission adopte l’article 30 sans modification.

*

* *

Article 31
Plafonds des emplois des autorités publiques indépendantes

L’information relative aux autorités publiques indépendantes (API) et aux autorités administratives indépendantes (AAI) ainsi que le contrôle exercé par le Parlement sur les moyens qui leur sont alloués dans le cadre des lois de finances, ont été renforcés au cours des dernières années par l’introduction :

– d’un article présentant le plafond des autorisations d’emplois des API et des AAI dont les effectifs ne sont pas inclus dans un plafond d’autorisation relatif à des emplois rémunérés par l’État (article 72 de la loi n° 2011–1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012) ;

– d’une annexe générale au projet de loi de finances de l’année sur ces deux catégories d’autorités (article 106 de la loi précitée).

Pour rappel, les API, qui constituent une catégorie d’autorités administratives indépendantes, ont la particularité de disposer de la personnalité morale. Elles sont financées soit par des ressources budgétaires (comme par exemple l’Agence française de lutte contre le dopage), soit par des taxes affectées, qui font partie des « impositions de toute nature » dont le Parlement autorise annuellement la perception par l’article 1er de la loi de finances de l’année. Plusieurs autorités disposent également de ressources propres résultant de prestations de nature commerciale ou des contributions volontaires des acteurs économiques (par exemple, le Haut Conseil du commissariat aux comptes – H3C).

Le présent article fixe le plafond des autorisations d’emplois des API et des AAI dont les effectifs ne sont pas inclus dans un plafond d’emplois rémunérés par l’État, à 2 557 équivalents temps plein travaillé (ETPT) (9) au lieu de 2 561 ETPT en 2015.

Ce montant devrait être revu à la hausse à la suite de l’examen d’un amendement du Gouvernement au présent projet de loi de finances visant à augmenter le plafond d’emplois de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF, devenue ARAFER) afin de tirer les conséquences de l’élargissement de ses compétences aux activités routières, comme le prévoit la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

ÉVOLUTION DES PLAFONDS D’ETPT DES API

(en ETPT)

Autorité

Exécution 2013

Exécution 2014

LFI 2015

PLF 2016

Écart entre LFI 2015 et PLF 2016

ACPR – Autorité de contrôle prudentiel et de résolution

1 018,9

1 121

1 121

1 121

0

AFLD – Agence française de lutte contre le dopage

63

64

62

62

0

AMF – Autorité des marchés financiers

436,5

469

469

469

0

ARAF – Autorité de régulation des activités ferroviaires

34,8

59

63

63

0

CSA – Conseil supérieur de l’audiovisuel

284

284

0

H3C – Haut Conseil du commissariat aux comptes

44,9

50

55

58

+ 3

HADOPI – Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

57,4

71

71

65

– 6

HAS – Haute Autorité de santé

388,3

394

395

394

– 1

MNE –  Médiateur national de l’énergie

42

41

41

41

0

Total

2 085,8

2 269

2 561

2 557

– 4

Source : loi de finances pour 2015, projet de loi de finances et annexe générale sur les autorités publiques indépendantes.

*

* *

La commission examine l’amendement II-553 du Gouvernement.

M. Olivier Faure. Cet amendement a pour objet d’augmenter le plafond d’emplois de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) de 5 ETPT. Bien que cette augmentation soit sans doute insuffisante, elle constitue un progrès qu’il faut apprécier à sa juste valeur et, à titre personnel, je suis donc favorable à cet amendement.

M. le président Gilles Carrez. Cet amendement me permet de souligner le problème que peuvent poser dans certaines autorités indépendantes le nombre d’emplois ainsi que le niveau de leur rémunération et la vigilance qui doit être la nôtre pour nous assurer qu’elles ne soient pas surdotées.

Suivant l’avis favorable de la Rapporteure générale, la commission adopte l’amendement II-553 puis l’article 31 ainsi modifié.

*

* *

Après l’article 31

La commission est saisie d’un amendement II-CF 138 de M. Gilles Savary.

M. Jean Launay. Cet amendement étant satisfait par l’adoption de l’amendement du Gouvernement à l’article 31, je le retire.

L’amendement II-CF 138 est retiré.

*

* *

TITRE III
REPORTS DE CRÉDITS DE 2015 SUR 2016

Article 32
Majoration des plafonds de reports de crédits de paiement

L’article 15 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) prévoit que les crédits de paiement (CP) disponibles sur un programme à la fin de l’année peuvent être reportés sur l’exercice budgétaire de l’année suivante sur le même programme ou sur un programme poursuivant les mêmes objectifs. Ce report ne peut excéder :

– 3 % des crédits inscrits sur le titre 2 des dépenses de personnel du programme à partir duquel ce report à lieu ;

– 3 % des crédits inscrits sur les autres titres de ce programme.

Pour les crédits hors dépenses de personnel, il est toutefois précisé que « ce plafond peut être majoré par une disposition de loi de finances ».

Le Parlement peut donc accorder au Gouvernement une souplesse de gestion permettant un report supérieur à 3 % des crédits initiaux du programme sur l’exercice budgétaire suivant à la condition que ces crédits ne portent pas sur des dépenses de personnel.

L’objet du présent article est d’accorder cette possibilité pour onze programmes au lieu de treize en loi de finances pour 2015.

Le montant de ces reports, non communiqué par le Gouvernement à la date de la rédaction du présent rapport, sera présenté de manière prévisionnelle en loi de finances rectificative de fin d’année (collectif), puis définitive en loi de règlement pour 2015.

Les programmes concernés sont récapitulés dans le tableau suivant.

Mission

Programme

Motif de report

Action extérieure de l’État

Conférence « Paris Climat 2015 »

Possible décalage de paiement de dépenses vers le début de la gestion 2016

Administration générale et territoriale de l’État

Vie politique, cultuelle et associative

Possible décalage sur le début de la gestion 2016 de certaines dépenses liées à la tenue des élections régionales et territoriales en décembre 2015

Relations avec les collectivités territoriales

Concours spécifiques et administration

Possible décalage sur la gestion 2016 de certaines dépenses liées aux travaux divers d’intérêt local et destinés aux communes faisant face à des calamités publiques

Conseil et contrôle de l’État

Conseil d’État et autres juridictions administratives

Possible report de travaux immobiliers

Cour des comptes et autres juridictions financières

Possible report de crédits pour la conduite de travaux immobiliers

Engagements financiers de l’État

Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque

Possible décalage dans le processus d’attribution des aides de 2015

Gestion des finances

publiques et des ressources humaines

Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

Possible décalage de la mise en œuvre de projets informatiques interministériels (notamment relatif au centre interministériel de services informatiques relatifs aux ressources humaines – CISIRH et à CHORUS)

Facilitation et sécurisation des échanges

Possible décalage envisagées sur des projets pluriannuels relatifs notamment à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme

Justice

Conseil supérieur de la magistrature

Possible report de certains projets sur 2016 (refonte du site internet, évolution des logiciels métiers, etc.)

Politique des territoires

Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire

Moindres décaissements qu’anticipé au titre des pôles d’excellence rurale

Interventions territoriales de l’État

Révision du calendrier de paiement du plan « Chlordécone III », de l’action Bretagne et du plan exceptionnel d’investissement (PEI) pour la Corse.

Source : projet de loi de finances pour 2016.

*

* *

Suivant l’avis favorable de la Rapporteure générale, la commission adopte l’article 32 sans modification.

*

* *

TITRE IV
DISPOSITIONS PERMANENTES

I.– Mesures fiscales et mesure budgétaire non rattachée

Article 33
Refonte des modalités de revalorisation des prestations sociales

Le présent article réforme et harmonise les modalités de revalorisation automatique de certaines prestations et minima sociaux, autour de trois principes :

1. Il définit une date unique de revalorisation pour les différentes prestations, en la fixant au 1er avril, au lieu du 1er janvier, du 1er avril, du 1er septembre ou du 1er octobre précédemment. Quelques exceptions subsistent pour des prestations de sécurité sociale, non concernées par le présent article, ainsi que pour l’aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants.

2. Il remplace les mécanismes existants, fondés sur des taux prévisionnels d’inflation, couplés le cas échéant à un dispositif de régularisation en année N + 1, par un dispositif unifié se fondant sur un taux d’inflation constaté a posteriori, qui ne nécessite donc pas de mécanisme correctif.

3. Il permet d’exclure toute baisse des prestations lorsque l’inflation s’avère négative.

Cet article ne concerne pas les revalorisations exceptionnelles décidées par le Gouvernement, comme par exemple les revalorisations du revenu de solidarité active (RSA) de 2 % intervenant au 1er septembre de chaque année depuis 2013, et prévues jusqu’en 2017, dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté.

Cet article porte sur des prestations et minima financés par l’État et les collectivités territoriales, parmi lesquels figurent le RSA, l’allocation aux adultes handicapés (AAH), l’allocation de solidarité spécifique (ASS) et la prime d’activité, et qui représentent au total des dépenses de l’ordre de 25,5 milliards d’euros. Il a pour corollaire l’article 57 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 (10), lequel met en œuvre la même réforme (11) pour l’ensemble des prestations relevant des régimes de sécurité sociale, notamment les pensions de retraite et d’invalidité, les prestations familiales et l’allocation de solidarité pour les personnes âgées.

Du fait du changement de l’indice de référence retenu pour l’indexation sur l’inflation, le présent article devrait se traduire par des économies de 178 millions d’euros au titre de l’année 2016, tandis que l’article 57 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 devrait occasionner des économies de l’ordre de 400 millions d’euros. À terme, l’impact de la réforme doit être neutre pour les finances publiques.

TABLEAU RÉCAPITULATIF DES EFFETS DE LA RÉFORME PROPOSÉE POUR LES PRESTATIONS
RELEVANT DE L’ÉTAT ET DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Prestation

Nombre de bénéficiaires en 2014

Montant en 2014
(en millions d’euros)

Droit en vigueur

Droit proposé

Impact budgétaire de la réforme

("–" : économie)
(en millions d’euros)

Impact individuel
(en euros)

Date de revalorisation

Méthode de revalorisation

Date de revalorisation

Méthode de revalorisation

Montant annuel actuel de la prestation / fourchette

Évaluation sur un an du changement de calcul

Allocation supplémentaire d’invalidité (ASI)

74 000

249

1er avril

Coefficient de revalorisation fondé sur l’évolution des prix prévue par la Commission économique de la Nation – mécanisme correctif en N + 1

1er avril

Coefficient égal à l’évolution moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac calculée sur les 12 derniers indices mensuels

0

4 845 euros (soit 403,76 euros par mois) pour une personne seule sans ressources

27 €

Allocation aux adultes handicapés (AAH)

1 042 000

8 482

1er septembre

Coefficient de revalorisation fondé sur l’évolution des prix prévue par le RESF – mécanisme correctif en N + 1 ne jouant qu’à la hausse

1er avril

Coefficient égal à l’évolution moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac calculée sur les 12 derniers indices mensuels

– 20

9 692  euros (soit 807,65 euros par mois) pour une personne seule sans ressources

19 €

Prime d’activité

2 000 000 (estimations pour 2016)

3 950 (estimations pour 2016)

Revalorisation annuelle en fonction de l’évolution des prix, au cours des douze derniers mois – pas de mécanisme correctif

1er avril

Coefficient égal à l’évolution moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac calculée sur les 12 derniers indices mensuels

– 50

Estimation du montant moyen de la prestation : 1 920 euros par an (soit 160 euros par mois)

Aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants (ARFS)

15 000 (estimations pour 2016)

60 (estimations pour 2016)

Coefficient de revalorisation fondé sur l’évolution des prix prévue dans le RESF – pas de mécanisme correctif

1er octobre

Coefficient égal à l’évolution moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac calculée sur les 12 derniers indices mensuels

0

Montant maximal de 6 600 euros

Revenu de solidarité active (RSA)

2 430 000

9 850

1er janvier –  en sus, entre 2013 et 2017, revalorisation exceptionnelle de 2 % au 1er septembre (plan pauvreté sur cinq ans)

Coefficient de revalorisation fondé sur l’évolution des prix prévue dans le RESF – pas de mécanisme correctif

1er avril

Coefficient égal à l’évolution moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac calculée sur les 12 derniers indices mensuels

– 90

6 290 euros (soit 524,16 euros par mois) pour une personne seule sans ressources

37 (sans prise en compte de la revalorisation à venir de 2 % en sept. 2016, soit 10,5 euros supplémentaires par mois)

Allocation de solidarité spécifique (ASS)

454 000

2 570

1er janvier

Coefficient de revalorisation fondé sur l’évolution des prix prévue dans le RESF – pas de mécanisme correctif

1er avril

Coefficient égal à l’évolution moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac calculée sur les 12 derniers indices mensuels

– 20

5 931 euros (soit 16,25 euros par jour) pour une personne seule sans ressources

39 €

Allocation temporaire d’attente

57 000

211

1er janvier

Coefficient de revalorisation fondé sur l’évolution des prix prévue dans le RESF – pas de mécanisme correctif

1er avril

Coefficient égal à l’évolution moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac calculée sur les 12 derniers indices mensuels

4 179 euros (soit 11,45 euros par jour) pour une personne seule

39 €

Total

           

– 180

   

RESF : Rapport économique, social et financier.

Source : commission des finances et Gouvernement.

NB : L’évaluation sur une année des effets du changement de calcul, réalisée par le Gouvernement, correspond à l’impact moyen par allocataire, sur la base de l’économie globale attendue pour la prestation, rapportée au nombre de ses bénéficiaires – les montants de prestations allouées variant selon les ressources des bénéficiaires et la configuration de leur foyer. Ce calcul repose sur des hypothèses d’indices d’inflation pour l’année 2016, par construction non connus à ce jour. Le calcul n’a pas été réalisé pour les prestations créées en 2016, à savoir la prime d’activité et l’ARFS.

TABLEAU RÉCAPITULATIF DES EFFETS DE LA RÉFORME PROPOSÉE POUR LES PRESTATIONS
RELEVANT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Prestation

Nombre de bénéficiaires en 2014

Montant (en millions d’euros)

Droit en vigueur

Droit proposé

Impact budgétaire de la réforme

("–" : économie)

(en millions d’euros)

Date de revalorisation

Méthode de revalorisation

Date de revalorisation

Méthode de revalorisation

Pensions de retraite

15 600 000

207 000

1er octobre

Coefficient de revalorisation fondé sur l’évolution des prix prévue dans le RESF – mécanisme correctif en N+1

1er octobre

Coefficient égal à l’évolution moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac calculée sur les 12 derniers indices mensuels

– 180

Pensions de retraite pour les avocats

13 400

132

1er janvier

Décision de l’assemblée générale de la caisse

1er octobre

Coefficient égal à l’évolution moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac calculée sur les 12 derniers indices mensuels

Allocation de solidarité aux personnes âgées

560 000

1 300

1er avril

Coefficient de revalorisation fondé sur l’évolution des prix prévue par la Commission économique de la Nation – mécanisme correctif en N + 1

1er avril

Coefficient égal à l’évolution moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac calculée sur les 12 derniers indices mensuels

Allocation de veuvage

8 300

60

1er octobre

Coefficient de revalorisation fondé sur l’évolution des prix prévue dans le RESF – mécanisme correctif en N+1

1er octobre

Coefficient égal à l’évolution moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac calculée sur les 12 derniers indices mensuels

Pensions d’invalidité

918 000

6 400

1er avril

Coefficient de revalorisation fondé sur l’évolution des prix prévue par la Commission économique de la Nation – mécanisme correctif en N + 1

1er avril

Coefficient égal à l’évolution moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac calculée sur les 12 derniers indices mensuels

– 10

Prestations familiales

31 000

1er avril

Coefficient de revalorisation fondé sur l’évolution des prix prévue par la Commission économique de la Nation – mécanisme correctif en N + 1

1er avril

Coefficient égal à l’évolution moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac calculée sur les 12 derniers indices mensuels

– 160

Indemnité en capital versée aux victimes d’accident du travail

53 000

143

1er octobre

Coefficient de revalorisation fondé sur l’évolution des prix prévue dans le RESF – mécanisme correctif en N+1

1er avril

Coefficient égal à l’évolution moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac calculée sur les 12 derniers indices mensuels

– 40

Rentes dues aux victimes d’accident du travail et à leurs ayants droit

1 400 000

5 400

1er avril

Coefficient de revalorisation fondé sur l’évolution des prix prévue par la Commission économique de la Nation – mécanisme correctif en N + 1

1er avril

Coefficient égal à l’évolution moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac calculée sur les 12 derniers indices mensuels

Prestation complémentaire pour recours à tierce personne

3 200

43

1er avril

Coefficient de revalorisation fondé sur l’évolution des prix prévue par la Commission économique de la Nation – mécanisme correctif en N + 1

1er avril

Coefficient égal à l’évolution moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac calculée sur les 12 derniers indices mensuels

total

           

– 390

Source : commission des finances et Gouvernement.

I. L’ÉTAT DU DROIT : LA REVALORISATION DES PRESTATIONS SOCIALES ET DES MINIMA SOCIAUX SELON DES MODALITÉS VARIABLES

A. LE PRINCIPE DE LA REVALORISATION DES PRESTATIONS ET DES MINIMA SOCIAUX SUR L’INFLATION

● Afin de maintenir le pouvoir d’achat relatif des prestations et minima sociaux, leur montant, ou les paramètres qui sont utilisés pour le déterminer, tels que les plafonds de ressources, sont revalorisés chaque année en fonction de l’inflation. Au total, selon les chiffres fournis par le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2015 (12), ce sont 230 milliards d’euros de prestations sociales et de minima sociaux qui font l’objet d’une revalorisation annuelle, selon des modalités variables – sachant que le périmètre de cette présentation n’inclut ni les retraites de la fonction publique d’État (soit 48 milliards d’euros), ni une partie des prestations familiales et des allocations logement, notamment.

● Pour la majeure partie de ces prestations et minima, la revalorisation est réalisée en fonction de l’évolution prévisionnelle de l’inflation au titre de l’année en cours : tel est notamment le cas des pensions de retraite, des pensions d’invalidité, des prestations familiales, du RSA, de l’AAH…

Dans d’autres cas, la revalorisation ne s’applique pas directement aux montants des prestations, mais aux paramètres qui sont utilisés pour définir ces montants ou déterminer l’éligibilité à ces prestations (plafonds de ressources, seuils de contribution minimale…). Ces paramètres sont indexés sur la progression d’un montant de référence, tel que le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) ou le plafond de sécurité sociale (PSS), eux-mêmes revalorisés chaque année au 1er janvier selon des modalités propres, relativement complexes, prenant notamment en compte l’évolution des salaires. Tel est par exemple le cas pour les plafonds de salaires pris en compte pour le calcul des indemnités journalières – ces plafonds dépendant de l’évolution du SMIC pour les indemnités journalières maladie, et du PSS pour les indemnités journalières maternité.

Enfin, le montant des aides personnelles au logement – lesquelles incluent l’aide personnalisée au logement (APL), l’allocation de logement familiale (ALF) et l’allocation de logement à caractère social (ALS) – fait l’objet d’un mécanisme distinct de revalorisation, fondé sur l’évolution de l’indice de référence des loyers (IRL), tel que défini par l’article 17-1 de la loi du 6 juillet 1989 (13) : la revalorisation annuelle s’applique à différents paramètres utilisés pour le calcul de la prestation, parmi lesquels figurent les plafonds de loyers et le montant forfaitaire des charges.

Le diagramme ci-dessous présente la répartition des 230 milliards d’euros de prestations sociales et minima sociaux relevant de l’État, des collectivités locales et des régimes de sécurité sociale, selon les modalités de revalorisation en 2014 :

Source : rapport à la Commission des comptes de la sécurité de la sécurité sociale de juin 2015.

● La réforme proposée porte sur les modalités de revalorisation des prestations et minima sur le taux d’inflation ; ne se trouvent donc pas dans son champ les revalorisations aujourd’hui réalisées sur la base de l’évolution du SMIC ou du plafond de la sécurité sociale, ni celles concernant les aides au logement.

Cette réforme comporte deux volets, qui ne peuvent être dissociés : le présent article, qui concerne les prestations financées par l’État et les collectivités territoriales, lesquelles relèvent du domaine des lois de finances, et l’article 57 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 (PLFSS 2016), pour les prestations se trouvant dans le champ de la loi de financement de la sécurité sociale du fait de leur impact sur l’équilibre financier des régimes sociaux.

L’article 57 du PLFSS 2016 concerne pour l’essentiel les pensions de retraite et d’invalidité, l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), les prestations familiales, les allocations de veuvage, les indemnités en capital et les rentes s’agissant des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Le présent article porte quant à lui sur l’AAH, le RSA, la prime d’activité, l’allocation de solidarité spécifique (ASS), l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI), l’aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants (ARFS), l’allocation temporaire d’attente (ATA) et l’ASS pour le département de Mayotte. Ces différentes prestations sont brièvement présentées dans l’encadré ci-après.

Présentation des prestations et minima se trouvant dans le champ
du présent article

● L’allocation aux adultes handicapés constitue un minimum social catégoriel attribué aux personnes reconnues handicapées, atteintes d’un taux d’incapacité permanente d’au moins 50 % et, lorsque ce taux est inférieur à 80 %, présentant une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi. L’AAH est subsidiaire par rapport à d’autres prestations, telles que les pensions d’invalidité, les rentes d’accident du travail ou les avantages vieillesse. Elle est soumise à une condition de ressources, le plafond annuel étant de 9 691,80 euros pour une personne seule depuis le 1er septembre 2015. En 2014, l’AAH bénéficiait à 1,042 million d’allocataires, pour des dépenses de 8,48 milliards d’euros. 8,515 milliards d’euros sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2016 à ce titre.

● Le revenu de solidarité active (RSA) est un minimum social destiné aux personnes disposant de faibles ressources âgées de plus de vingt-cinq ans (1). Il constitue une allocation différentielle, qui vise à garantir un niveau minimum de ressources, variable en fonction de la composition et des revenus du foyer ; depuis le 1er septembre 2015, son montant est de 524,16 euros pour une personne seule, 786,24 euros pour un couple et 1 100,74 euros pour un couple avec deux enfants. Le financement du RSA est assuré par les départements. En juin 2015, 2,47 millions de foyers percevaient le RSA ; les dépenses à ce titre ont atteint 9,85 milliards d’euros en 2014.

● La prime d’activité est une prestation visant à inciter à la reprise et à l’exercice d’une activité ; elle doit remplacer le RSA « activité » et la prime pour l’emploi à compter du 1er janvier 2016. Son montant sera calculé à partir d’un montant forfaitaire fonction de la composition du foyer, des revenus d’activité du foyer et de ses autres ressources, tout en étant augmenté le cas échéant de bonifications individuelles. La prestation devrait être versée à environ 2 millions de foyers, 3,95 milliards d’euros étant inscrits à ce titre dans le projet de loi de finances pour 2016.

● L’allocation de solidarité spécifique (ASS) est versée aux allocataires de l’aide au retour à l’emploi (ARE) arrivés en fin de droits, et sous réserve du respect de certaines conditions, en termes de durée d’activité salariée et de plafond de ressources. Son montant journalier est de 16,25 euros. 454 000 personnes bénéficiaient de l’ASS en 2014, pour des dépenses de 2,57 milliards d’euros. 2,642 milliards d’euros sont inscrits à ce titre dans le projet de loi de finances pour 2016.

● L’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI) vise à compléter les ressources des bénéficiaires d’une pension d’invalidité ou d’un avantage vieillesse (pensions de réversion, de veuvage, de retraite anticipée pour carrière longue…) s’ils sont atteints d’une invalidité générale réduisant leur capacité de travail ou de gain d’au moins deux tiers. Le droit à l’allocation prend fin lorsque l’allocataire atteint l’âge légal de départ à la retraite ; il peut alors bénéficier de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA). Cette prestation comptait 74 000 bénéficiaires en 2014, pour des dépenses de 248,5 millions d’euros. 247,3 millions d’euros sont inscrits à ce titre dans le projet de loi de finances pour 2016.

● L’aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants (ARFS) est une aide à la réinsertion des anciens migrants dans leur pays d’origine : d’un montant maximal de 6 600 euros, elle a vocation à être versée aux ressortissants étrangers en situation régulière de plus de soixante-cinq ans, hébergés dans un foyer de travailleurs migrants ou une résidence sociale, disposant de revenus inférieurs à 6 600 euros annuels et effectuant des séjours de longue durée dans leur pays d’origine. Instituée par la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable, cette aide n’est pas encore entrée en vigueur, parce qu’elle soulevait des difficultés au regard du droit communautaire. Ces difficultés ont été levées par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014, et, sous réserve de la publication d’un décret, l’ARFS devrait être mise en place à compter du 1er janvier 2016. Le coût annuel de la mesure est estimé à 60 millions d’euros, pour 10 000 à 15 000 bénéficiaires.

● L’allocation temporaire d’attente (ATA) vise à procurer un revenu de subsistance aux ressortissants étrangers bénéficiaires de la protection temporaire, aux apatrides et aux anciens détenus. Jusqu’au 1er novembre dernier, elle bénéficiait également aux demandeurs d’asile et aux bénéficiaires de la protection temporaire ; ces personnes peuvent désormais prétendre à une nouvelle allocation, dénommée allocation pour demandeur d’asile (ADA) (2). Dans ses contours antérieurs à la création de l’ADA, l’allocation temporaire d’attente représentait de l’ordre de 211 millions d’euros en 2014, pour 57 000 bénéficiaires.

(1) Le RSA étant ouvert aux personnes de moins de vingt-cinq ans lorsqu’elles ont un enfant à charge ou qu’elles remplissent certaines conditions d’activité.

(2) Cette nouvelle prestation a été instaurée par la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile.

B. DES MODALITÉS DE REVALORISATION DISPARATES, QUI N’OBÉISSENT PAS À UNE LOGIQUE D’ENSEMBLE

Si le présent article ne porte que sur les prestations financées par l’État et les collectivités locales, le commentaire s’attache à présenter les enjeux de la réforme pour l’ensemble des prestations concernées, y compris celles relevant de l’article 57 du PLFSS 2016, puisqu’ils traitent de problématiques identiques.

1. Des dates de revalorisation s’échelonnant tout au long de l’année

Ces différentes prestations et minima sociaux font l’objet de revalorisations intervenant à des dates différentes, qui correspondent généralement au premier jour de l’un des quatre trimestres de l’année. La majorité des prestations sont ainsi indexées le 1er janvier, le 1er avril et le 1er octobre, comme permet de le constater le tableau suivant (14) :

DATES DE REVALORISATION APPLICABLES AUX DIFFÉRENTES PRESTATIONS SOCIALES

Date de revalorisation

Prestations ou minima sociaux

1er janvier

Revenu de solidarité active

Allocation de solidarité spécifique

Allocation temporaire d’attente

1er avril

Allocation supplémentaire d’invalidité

Prestations familiales

Pensions d’invalidité

Allocation de solidarité aux personnes âgées

Rentes dues aux victimes d’un accident du travail ou aux ayants droit de la victime d’un accident mortel

1er juillet

Couverture maladie universelle (CMU) complémentaire, aide au paiement d’une assurance complémentaire de santé (ACS), aide médicale de l’État (AME)

1er septembre

Allocation aux adultes handicapés

1er octobre

Pensions de retraite

Allocations de veuvage

Indemnités en capital versées aux victimes d’un accident du travail

En gras, les prestations relevant du présent article.

Source : commission des finances.

La date de revalorisation des pensions de retraite de tous les régimes de base a été reportée du 1er avril au 1er octobre à compter de l’année 2014 par la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites (15). Cette mesure visait à dégager des économies, estimées alors à 800 millions d’euros pour l’année 2014, destinées à participer au rééquilibrage de notre système de retraite. Toutefois, ce décalage de six mois n’a pas concerné l’ASPA ni les pensions d’invalidité, dont la date de revalorisation est restée fixée au 1er avril.

2. Des revalorisations fondées sur des indices de référence différents, avec le cas échéant l’application d’un mécanisme correctif en année N + 1

● Les prestations sociales sont revalorisées sur la base d’indices de référence différents, selon que leur indexation intervient au cours du premier ou du second semestre.

Le principe est que les revalorisations de prestations intervenant en avril et en juillet sont fondées sur la prévision de taux d’inflation de la Commission économique de la Nation (CEN) ; cette prévision est généralement arrêtée au cours du mois de mars. En revanche, les revalorisations intervenant en septembre, octobre et janvier sont fondées sur la prévision d’inflation pour l’année en cours, soit l’année N, qui figure dans le Rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances de l’année N + 1.

Il convient de noter que le taux d’inflation prévisionnel figurant dans le RESF annexé au projet de loi de finances n’est pas encore connu au 1er septembre, date de la revalorisation de l’AAH. Mais, comme l’article L. 821-3-1 relatif aux modalités d’indexation de l’AAH fait référence au RESF, la revalorisation de l’AAH est effectuée sur la base du taux d’inflation prévisionnel pour l’année N + 1, déterminé par le RESF annexé au projet de loi de finances pour l’année N + 1, soit un taux défini en septembre de l’année précédant la revalorisation – alors même qu’il serait plus logique de procéder à la revalorisation de la prestation sur la base de la prévision de la CEN, définie en mars de l’année concernée et donc plus récente.

CLASSIFICATION DES PRESTATIONS ET MINIMA SOCIAUX SELON L’INDICE
DE RÉFÉRENCE UTILISÉ POUR LEUR REVALORISATION

Indice de référence retenu

Prestations ou minima sociaux

Taux d’inflation prévisionnel établi par la commission économique de la Nation

Prestations familiales

Pensions d’invalidité

Allocation de solidarité aux personnes âgées

Allocation supplémentaire d’invalidité

Rentes dues aux victimes d’un accident du travail ou aux ayants droit de la victime d’un accident mortel

CMU complémentaire, aide au paiement d’une assurance complémentaire de santé, aide médicale de l’État

Taux d’inflation prévisionnel établi par le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances

Revenu de solidarité active

Allocation de solidarité spécifique

Allocation temporaire d’attente

Allocation aux adultes handicapés

Pensions de retraite

Allocations de veuvage

Indemnités en capital versées aux victimes d’un accident du travail

Aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants

En gras, les prestations relevant du présent article.

Source : commission des finances.

L’indice de référence applicable n’est pas toujours mentionné par les dispositions législatives relatives aux modalités de revalorisation des différentes prestations ; de façon générale, ces dispositions sont rédigées de façon variable, et s’avèrent d’un degré de précision inégal.

À titre d’exemple, s’agissant du RSA, l’article L. 262-3 du code de l’action sociale et des familles se borne à indiquer que son montant « est révisé une fois par an en fonction de l’évolution des prix à la consommation hors tabac » ; l’article L. 5423-6 du code du travail, portant sur l’ASS, en disposant que « le taux de l’allocation de solidarité spécifique est révisé une fois par an en fonction de l’évolution des prix », n’est pas plus détaillé. L’article L. 821-3-1, portant sur l’AAH, précise en revanche que « le coefficient annuel de revalorisation de l’allocation est au moins égal à l’évolution prévisionnelle des prix à la consommation hors tabac prévue dans le rapport économique, social et financier annexé à la loi de finances pour l’année considérée ».

La prime d’activité constitue un cas particulier, puisque l’article L. 842-3 du code de la sécurité sociale – dans sa rédaction en vigueur au 1er janvier 2016 – ne prévoit pas de revalorisation fondée sur un taux d’inflation prévisionnel, mais dispose que « le montant forfaitaire et le montant maximal de la bonification sont revalorisés annuellement en fonction de l’évolution des prix à la consommation, hors tabac, au cours des douze derniers mois ». Il s’inscrit d’ores et déjà dans la logique de la réforme proposée par le présent article, à savoir procéder à une revalorisation selon un indice constaté ex post, correspondant aux dernières données d’inflation disponibles (voir infra).

● En tout état de cause, le recours à des indices différents conduit à ce qu’au cours d’une même année, des prestations sont revalorisées selon des taux d’inflation prévisionnels différents. Le différentiel entre les deux taux est généralement limité, mais il a pu atteindre jusqu’à 0,6 point au titre de l’année 2014, par exemple, du fait de la forte révision à la baisse du taux d’inflation en cours d’année. Fort logiquement, la prévision d’inflation figurant dans le RESF, publiée en septembre, est généralement plus proche du taux effectif constaté en année N + 1 que la prévision d’inflation établie par la Commission économique de la Nation (CEN) en mars.

TAUX D’INFLATION PRÉVISIONNEL ÉTABLI PAR LA COMMISSION ÉCONOMIQUE
DE LA NATION ET PAR LE RAPPORT ÉCONOMIQUE ET FINANCIER

Année

Prévision d’inflation de la CEN pour l’année (définie en mars de l’année considérée)

Prévision d’inflation du RESF pour l’année (définie en septembre de l’année considérée)

Taux d’inflation constaté dans le RESF en année N + 1

2010

1,2 %

1,5 %

1,5 %

2011

1,8 %

2,1 %

2,1 %

2012

1,8 %

2 %

1,9 %

2013

1,2 %

0,8 %

0,7 %

2014

1,1 %

0,5 %

0,4 %

2015

0 %

0,1 %

Source : Rapport économique, social et financier annexé aux projets de loi de finances.

● Un autre élément de complexité résulte de l’application, pour une partie des prestations, d’un mécanisme correctif en année N + 1, lorsque le taux d’inflation appliqué en année N s’avère différent du taux effectivement constaté.

Exemple : au 1er avril 2012, les pensions de retraite devaient être revalorisées à hauteur d’un taux de 1,8 %, soit la prévision d’inflation de la CEN, majorée de 0,3 % au titre de l’écart à la prévision constatée en 2011 (sachant que le taux d’inflation s’est finalement établi à 2,1 % en 2011, contre une prévision de la CEN de 1,8 %). In fine, les pensions de retraite ont été augmentées de 2,1 %.

Certes, l’application d’un tel mécanisme peut permettre de corriger le cas échéant le différentiel de revalorisation entre des prestations indexées en avril, sur le fondement de la prévision de la CEN, et des prestations indexées en octobre, sur le fondement du taux prévisionnel du RESF. Pour autant, il ne favorise pas la lisibilité du processus de revalorisation, tout en le déconnectant pour partie de l’inflation effectivement constatée pour l’année en cours, du fait de la prise en compte de l’écart constaté au titre de l’année précédente.

Seule une partie des prestations est concernée par l’application d’un mécanisme correctif en année N + 1. S’agissant des prestations relevant du présent article, ce mécanisme n’est prévu que pour deux allocations :

– l’ASI, en application de l’article L. 816-2 du code de la sécurité sociale, qui renvoie à l’article L. 341-6 du même code portant sur les pensions d’invalidité, pour la définition de ses conditions de revalorisation ; l’article L. 341-6 dispose qu’est appliqué un « coefficient de revalorisation égal à l’évolution prévisionnelle en moyenne annuelle des prix à la consommation, hors tabac, prévue pour l’année en cours, le cas échéant corrigée de la différence entre le taux d’évolution retenu pour fixer le coefficient de l’année précédente et le taux d’évolution de cette même année ».

– l’AAH, en application du troisième alinéa de l’article L. 821-3-1 du code de la sécurité sociale, aux termes duquel le « minimum de revalorisation est réajusté si l’évolution constatée des prix à la consommation hors tabac, mentionnée dans le rapport économique, social et financier annexé à la loi de finances pour l’année suivante, est différente de celle qui avait été initialement prévue ». Néanmoins, la formulation retenue de « minimum de revalorisation » a été interprétée comme ne pouvant permettre d’ajustement à la baisse si l’inflation constatée s’avérait inférieure à l’inflation prévisionnelle. Le mécanisme correctif ne joue donc qu’à la hausse, lorsque l’inflation constatée s’avère in fine plus élevée que celle prévisionnelle, mais il ne joue pas à la baisse.

Aucun mécanisme correctif n’est en revanche prévu pour le RSA, l’ASS, l’ATA et l’ARFS (16). Si l’inflation constatée s’avère plus forte que prévue, aucun rattrapage n’est mis en œuvre l’année suivante ; dans le cas inverse, le taux de revalorisation de l’année N + 1 n’est pas minoré à hauteur de l’écart à la prévision au titre de l’année N.

En revanche, toutes les prestations relevant de l’article 57 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 se voient appliquer un mécanisme correctif en année N + 1. Au total, selon le rapport précité sur les comptes de la sécurité sociale, les prestations revalorisées sur la base d’un taux d’inflation prévisionnel avec un mécanisme correctif en année N + 1 représentent un volume de dépenses de 190 milliards d’euros (dont 140 milliards d’euros au titre des seules retraites) – sans prise en compte toutefois des retraites de la fonction publique d’État ni de certaines prestations familiales.

C. LES DIFFICULTÉS SUSCITÉES PAR CES DIFFÉRENTS DISPOSITIFS, ACCENTUÉES PAR LA VOLATILITÉ ACCRUE DES PRÉVISIONS D’INFLATION

● La seule lecture des développements qui précèdent suffit à se convaincre que la diversité des dates et des modalités de revalorisation des prestations est source de complexité, et aboutit à un réel manque de lisibilité pour leurs bénéficiaires comme pour leurs gestionnaires. Le fait de fixer les taux de revalorisation sur la base de prévisions d’inflation, et non sur un taux d’inflation constaté, se traduit par des indexations différenciées selon les prestations, en fonction de l’indice de référence retenu et de l’application, ou non, d’un mécanisme correctif ; ces revalorisations s’avèrent ainsi parfois déconnectées de l’évolution des prix.

Le graphique ci-après permet de constater les différences d’évolution des prestations depuis 2001 :

ÉVOLUTION EN BASE 100 SUR LA PÉRIODE DÉCEMBRE 2001 – AVRIL 2015 DU MONTANT DE CERTAINES PRESTATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET DE CERTAINS MINIMA SOCIAUX CARACTÉRISÉS PAR DES RÈGLES DE REVALORISATION DIFFÉRENTES
(HORS REVALORISATIONS EXCEPTIONNELLES)

Note : les revalorisations exceptionnelles ont été neutralisées. Il s’agit en particulier du « coup de pouce » portant sur l’AAH entre 2008 et 2012, ainsi que des deux augmentations de 2 % du RSA en septembre 2013 et septembre 2014 dans le cadre du plan pauvreté. Sans cette neutralisation, l’indice aurait été de 143,7 au lieu de 125,2 pour l’AAH, et de 129 au lieu de 124 pour le RSA.

Source : rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2015.

Il convient de signaler que certaines prestations ont fait l’objet d’augmentations exceptionnelles au cours des dernières années, parallèlement à leur revalorisation annuelle fonction de l’inflation. Tel est notamment le cas du RSA, pour lequel a été prévue, dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté adopté en janvier 2013, une revalorisation exceptionnelle de 2 % par an pendant cinq ans : en sus de l’indexation sur l’inflation au 1er janvier, son montant a été majoré de 2 % au 1er septembre 2013, au 1er septembre 2014 puis au 1er septembre 2015. Selon les informations recueillies par la Rapporteure générale, ces trois revalorisations représentent un impact financier de l’ordre d’un milliard d’euros en 2015. L’allocation aux adultes handicapés avait aussi bénéficié d’augmentations spécifiques entre 2008 et 2012, pour aboutir à une revalorisation de 25 % sur la période.

L’ASPA a également fait l’objet d’une revalorisation exceptionnelle au 1er octobre 2014 à hauteur de 1,1 %, pour être portée à 800 euros mensuels pour une personne seule. L’impact de cette mesure en année pleine est estimé à 40 millions d’euros.

S’agissant des prestations familiales, l’allocation de rentrée scolaire (ARS) avait bénéficié en 2012 d’une majoration de 25 %, pour un coût de 360 millions d’euros en année pleine. Toujours dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté, le complément familial est augmenté de 50 % sur une période de cinq ans pour les familles modestes, pour un impact en 2015 estimé à 160 millions d’euros, tandis que le montant de l’allocation de soutien familial (ASF) est lui aussi revalorisé de 25 % sur cinq ans, en sus de l’indexation sur l’inflation, pour un impact en 2015 évalué à 120 millions d’euros.

● Les exercices de prévision de l’inflation, par nature incertains, semblent être devenus plus complexes depuis la crise économique et financière de 2008, avec une volatilité des prix plus marquée. En 2013 et en 2014, notamment, les prévisions d’inflation établies en mars par la CEN se sont avérées bien supérieures aux taux d’inflation finalement constatés, ce qui suppose l’application du mécanisme correctif, pour les prestations concernées, dans des proportions importantes l’année suivante. Ainsi, en 2014, pour les prestations indexées au 1er avril, la revalorisation fondée le taux prévisionnel d’inflation, établie par la CEN à 1,1 %, a été minorée de 0,5 % du fait de la régularisation au titre de l’année 2013 (soit la différence entre le taux d’inflation constaté en 2013, de 0,7 %, et le taux d’inflation prévu par la CEN en mars 2013, de 1,2 %), pour aboutir in fine à une indexation de 0,6 %.

Pour l’année 2015, l’application du mécanisme aurait même conduit à une indexation négative des prestations revalorisées le 1er avril : en effet, la prévision d’inflation de la CEN pour 2015 était de 0 %, tandis que le mécanisme correctif aboutissait à une minoration de 0,7 % au titre de l’année 2014 (soit la différence entre le taux d’inflation constaté en 2014, de 0,4 %, et la prévision d’inflation établie par la CEN de 1,1 %). Les prestations auraient donc dû, par la simple application des règles, être réduites de 0,7 %. Le Gouvernement a choisi de ne pas appliquer cette baisse de 0,7 %, et a figé les montants de ces prestations à leur niveau antérieur, afin de maintenir le pouvoir d’achat des allocataires. Mais cet exemple met en lumière les limites du dispositif actuel, qui a sans doute davantage été conçu pour les cas où l’inflation constatée s’avérerait significativement supérieure à l’inflation prévisionnelle retenue pour les revalorisations.

II. LES MODIFICATIONS PROPOSÉES : L’HARMONISATION DES DATES DE REVALORISATION ET LA DÉFINITION D’UN MÉCANISME UNIQUE POUR L’ENSEMBLE DES PRESTATIONS ET MINIMA, À COMPTER DU 1ER JANVIER 2016

A. L’HARMONISATION DES DATES DE REVALORISATION AU 1ER AVRIL POUR LA QUASI-TOTALITÉ DES PRESTATIONS RELEVANT DU PRÉSENT ARTICLE, LA CONSERVATION DE LA DATE DU 1ER OCTOBRE POUR LES PENSIONS DE RETRAITE

● Le présent article vise à substituer aux diverses dates de revalorisation des prestations dans le champ du présent article la date du 1er avril – à l’exception de l’aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants, dont la revalorisation reste fixée au 1er octobre ( du II). Selon les informations transmises à la Rapporteure générale, la date du 1er octobre a été conservée pour la revalorisation de l’ARFS au motif que les pensions de retraite, elles-mêmes revalorisées au 1er octobre, constituent les principales ressources des bénéficiaires de l’ARFS.

Trois cas peuvent être identifiés :

– l’absence de changement dans la date de revalorisation, lorsque celle-ci est d’ores et déjà fixée au 1er avril : seule l’allocation supplémentaire d’invalidité se trouve dans ce cas ( du I) ;

– le recul de la date de revalorisation de trois mois, lorsque celle-ci intervient aujourd’hui le 1er janvier : tel est le cas du RSA ( du II), de l’ASS ( du III), et de l’ATA ( du III) ;

– l’avancée de la revalorisation de cinq mois, pour l’AAH ( du I), qui est aujourd’hui indexée le 1er septembre.

● S’agissant des prestations relevant de l’article 57 du PLFSS 2016, deux dates de revalorisation sont conservées :

– le 1er octobre pour les pensions de retraite et les allocations de veuvage ;

– le 1er avril pour les pensions d’invalidité, les prestations familiales, l’ASPA, les indemnités en capital versées aux victimes d’un accident du travail, les rentes dues aux victimes d’accident du travail et aux ayants droit de la victime d’un accident mortel, la CMU complémentaire, l’assurance complémentaire de santé (ACS) et l’aide médicale de l’État (AME).

En conséquence, l’article 57 précité ne modifie la date de revalorisation que dans deux cas, pour l’avancer :

– la revalorisation de l’indemnité en capital versée aux victimes d’accident du travail, aujourd’hui fixée au 1er octobre, serait avancée de six mois ;

– la revalorisation des plafonds de ressources pour la CMU complémentaire, l’ACS et l’AME, qui intervient aujourd’hui au 1er juillet, serait avancée de trois mois.

B. LA DÉFINITION D’UN MÉCANISME DE REVALORISATION UNIQUE FONDÉ SUR UN INDICE CONSTATÉ, NE NÉCESSITANT PAS DE RÉGULARISATION ET EXCLUANT TOUTE DIMINUTION DES PRESTATIONS EN CAS D’INFLATION NÉGATIVE

● Le présent article instaure un mécanisme unique de revalorisation applicable aux différentes prestations, fondé non plus sur un taux d’inflation prévisionnel, mais sur les données d’inflation portant sur les douze derniers mois, constatées ex post.

L’instauration de ce mécanisme général de revalorisation des prestations et minima serait prévue par l’article L. 161-25 du code de la sécurité sociale ( du I), lequel se borne à disposer, dans sa rédaction actuelle, que peut être renvoyée à un décret la fixation des « règles suivant lesquelles est arrondi à un chiffre voisin supérieur le montant des prestations servies en exécution d’une législation de sécurité sociale ».

Parallèlement, le présent article, de même que l’article 57 du PLFSS 2016, modifie les différentes dispositions – qui comme vu supra s’avèrent très disparates dans leur rédaction comme dans leurs principes – applicables aux prestations concernées, pour renvoyer à l’application du coefficient prévu par l’article L. 161-25 précité.

S’agissant de l’ASI, en l’état du droit, l’article L. 816-2 du code de la sécurité sociale prévoit que les allocations définies au titre 1 du livre 8 de ce code, à savoir l’ASPA et donc l’ASI, sont revalorisées selon les mêmes modalités que les pensions d’invalidité, et renvoie aux dispositions de l’article L. 341-6. Le  du I introduit un nouvel article L. 816-3 qui ne porte que sur l’ASI et qui dispose que le montant de l’allocation supplémentaire d’invalidité et des plafonds de ressources prévus pour son attribution sont revalorisés par application du coefficient prévu à l’article L. 161-25 (17).

S’agissant de l’AAH, le du I modifie l’article L. 821-3-1 pour remplacer les dispositions applicables par un renvoi à ce même coefficient prévu à l’article L. 161-25. Le du I fait de même pour la prime d’activité, en modifiant l’article L 842-3, dans sa rédaction en vigueur au 1er janvier 2016 : les dispositions relatives aux modalités de revalorisation de la prime d’activité introduites par la loi relative au dialogue social du 17 août 2015 (18), proches du mécanisme retenu par l’article L. 161-25, sont calquées sur les autres prestations par souci d’harmonisation rédactionnelle.

Le du II vise à remplacer les dispositions prévues par l’article L. 117-3 du code de l’action sociale et des familles pour l’ARFS par un renvoi au coefficient prévu à l’article L. 161-25 ; là encore, comme pour la prime d’activité, les modalités de revalorisation de la prestation sont réformées avant que la prestation n’ait été versée, l’entrée en vigueur de l’ARFS devant intervenir au 1er janvier 2016.

Le du II, le du III et le du III procèdent au remplacement des dispositions applicables respectivement au RSA (article L. 262-3 du code de l’action sociale et des familles), à l’ASS (article L. 5423-6 du code du travail) et à l’ATA (article L. 5423-12 du code du travail), par un renvoi à l’application du coefficient précité. Le IV réalise cette même substitution pour l’ASS versée à Mayotte (article L. 327-25 du code du travail applicable à Mayotte).

Le présent article, de même que l’article 57 du PLFSS 2016, permet donc une harmonisation de la rédaction des dispositions retenues pour la revalorisation des différentes prestations.

● Aux différents modes de revalorisation présentés supra, le du I propose de substituer un « coefficient égal à l’évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac calculée sur les douze derniers indices mensuels de ces prix publiés par l’Institut national de la statistique et des études économiques l’avant-dernier mois qui précède la date de revalorisation des prestations concernées ».

Il est ainsi proposé de revaloriser les différentes prestations sur la base des dernières données d’inflation (hors tabac) publiées par l’INSEE et appréciées en moyenne annuelle sur les douze derniers mois.

Pour les revalorisations intervenant au 1er avril d’une année N, cette revalorisation correspondra donc à la progression de la valeur moyenne de l’indice des prix à la consommation sur la période de février de l’année N–1 à janvier de l’année N, par rapport à la valeur moyenne de l’indice sur la période de février de l’année N – 2 à janvier de l’année N – 1. De la même façon, pour les revalorisations intervenant au 1er octobre d’une année N, cette revalorisation correspondra à la progression de la valeur moyenne de l’indice des prix sur la période d’août de l’année N – 1 à juillet de l’année N, par rapport à la valeur moyenne de l’indice sur la période d’août de l’année N – 2 à juillet de l’année N – 1.

Étant fondé sur un taux constaté d’inflation, le dispositif proposé n’appelle par construction aucun mécanisme correctif en année N + 1.

● Enfin, est prévue une disposition écartant la possibilité d’une baisse des prestations sociales en cas d’inflation négative, qualifiée par l’évaluation préalable de « bouclier » garantissant le maintien du pouvoir d’achat des allocataires. Pour ce faire, le deuxième alinéa de l’article L. 161-25 dans la rédaction proposée dispose que si « ce coefficient [retraçant l’évolution des prix] est inférieur à 1, il est porté à cette valeur ». Ainsi, s’il était constaté un taux d’inflation moyen négatif de 1,5 % sur les douze derniers indices mensuels, par exemple, le coefficient applicable ne serait pas de 0,985, mais de 1 : les montants des prestations seraient donc préservés à leur niveau antérieur.

La réforme proposée doit entrer en vigueur au 1er janvier 2016, tant pour les prestations dans le champ du présent article (V) que pour celles relevant de l’article 57 du PLFSS 2016.

III. L’IMPACT DE LA RÉFORME : DES ÉCONOMIES BUDGÉTAIRES ATTENDUES DE 178 MILLIONS EN 2016, UN EFFET NEUTRE À MOYEN TERME

● Selon les informations fournies par l’évaluation préalable, la présente réforme devrait occasionner des économies nettes de 178 millions d’euros au titre de l’année 2016, tout en étant « neutre à terme compte tenu de l’alignement sur longue période entre inflation prévisionnelle et inflation constatée ». L’évaluation préalable de l’article 57 du PLFSS 2016 mentionne quant à elle une économie de l’ordre de 400 millions d’euros au titre des prestations se trouvant dans son champ, soit au total, des économies attendues de l’ordre de 580 millions d’euros.

Néanmoins, aucune précision n’est apportée sur les origines de cette diminution des dépenses par les évaluations préalables, qui se limitent à indiquer que « l’incertitude sur le niveau 2017 de l’impact budgétaire de cette mesure est très élevée. Cet impact supposerait de connaître avec précision, au-delà des prévisions associées [aux textes financiers], les variations mensuelles d’inflation ».

● Les économies associées au présent article et à l’article 57 du PLFSS 2016 peuvent résulter de deux facteurs : l’effet des changements des dates de revalorisation des prestations et celui du changement du référentiel utilisé pour procéder à l’indexation sur l’inflation.

Sur le premier point, le recul de la date de revalorisation de certaines prestations devrait permettre de réaliser des économies budgétaires, qui peuvent toutefois être compensées, en partie ou en totalité, par les effets de l’avancée de cette date de revalorisation pour d’autres prestations.

Selon les informations fournies à la Rapporteure générale, pour les prestations se trouvant dans le champ du présent article, les économies résultant du recul de trois mois de la date de revalorisation du RSA, de l’ASS et de l’ATA (qui représentent un total de plus de 13,5 milliards d’euros), sont de l’ordre de 40 millions d’euros(19). Elles devraient être largement absorbées par le coût associé à l’avancée de cinq mois de la revalorisation de l’AAH (qui représente un volume d’environ 8,5 milliards d’euros), lui aussi estimé à 40 millions d’euros. Par ailleurs, la revalorisation de la prime d’activité au 1er avril, par rapport à une situation où les bénéficiaires percevaient le RSA « activité », quant à lui revalorisé au 1er janvier, occasionnerait des économies estimées à 10 millions d’euros.

S’agissant des prestations se trouvant dans le champ du PLFSS 2016, aucune revalorisation n’est repoussée dans le temps ; à l’inverse, la revalorisation de l’indemnité en capital versée aux victimes d’accident du travail serait avancée de six mois, tandis que la revalorisation des plafonds pour la CMU complémentaire, l’ACS et l’AME le serait de trois mois. La réforme devrait de ce point de vue occasionner des dépenses supplémentaires, d’un montant sans doute très limité toutefois.

Les économies attendues pour 2016 devraient donc résulter pour l’essentiel du changement de référentiel retenu pour l’indexation sur l’inflation, compte tenu du contexte actuel de reprise modérée de l’inflation, après une période de fort ralentissement en 2014 et 2015.

Le RESF annexé au présent projet de loi de finances fait en effet état d’une prévision d’inflation de 1 % pour l’année 2016, après une inflation estimée à 0,1 % pour l’année 2015. Les prestations revalorisées au 1er avril le seront non sur la base de l’inflation prévue pour l’année 2016, mais sur la base de la progression de la valeur de l’indice mensuel des prix entre février 2015 et janvier 2016, par rapport à la valeur moyenne de l’indice sur la période de février 2014 à janvier 2015. Si par définition, l’évolution de l’indice des prix au cours des mois de novembre, décembre et janvier prochain n’est pas connue, on peut penser, au regard de la prévision d’inflation de 0,1 % pour 2015, que le coefficient appliqué au 1er avril 2016 sera proche de ce taux, et sera nettement moindre que les prévisions d’inflation pour l’année 2016. Au total, les économies attendues du changement d’indice pour l’indexation sur l’inflation sont évaluées à 170 millions d’euros.

VENTILATION DES ÉCONOMIES ATTENDUES PAR PRESTATIONS, POUR CELLES RELEVANT DE L’ÉTAT ET DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

(en millions d’euros)

Prestations

Impact de la modification de la date de revalorisation

Impact du changement d’indice pour l’inflation

Total des économies en 2016

Allocation supplémentaire d’invalidité

0

0

0

Allocation aux adultes handicapés

– 40

60

20

Allocation de solidarité spécifique et allocation temporaire d’attente

10

10

20

Prime d’activité

10

40

50

Total pour l’État

– 20

110

90

Revenu de solidarité active

30

60

90

Total pour les collectivités territoriales

30

60

90

Total

10

170

180

Source : direction du budget.

Les 180 millions d’euros d’économies se répartissent entre 90 millions d’euros pour l’État et 90 millions d’euros pour les collectivités territoriales. Ces 90 millions d’euros d’économies portent sur le RSA : ils résultent à la fois du recul de trois mois de la revalorisation de la prestation et des effets de la modification du référentiel utilisé pour l’indexation.

Il convient de relever que sur les 580 millions d’euros d’économies prévues, près du tiers relève des prestations dans le champ du présent article, alors même que ces prestations représentent environ 25,5 milliards d’euros, tandis que les deux tiers restants relèvent des prestations se trouvant dans le champ de l’article 57 du PLFSS 2016, lesquelles correspondent à des dépenses de l’ordre de 255 milliards d’euros. Cette discordance résulte du fait que la revalorisation des pensions de retraite, qui représentent de l’ordre de 210 milliards d’euros, n’intervient qu’au 1er octobre, et donc que l’effet de la modification de l’indice de référence ne joue que pour les trois derniers mois de 2016, alors qu’il joue pour les neuf derniers mois de cette même année s’agissant des prestations relevant du présent article.

Le tableau ci-dessous permet de constater que les économies attendues s’agissant des prestations relevant des régimes de sécurité sociale proviennent pour une large part des prestations familiales (revalorisées au 1er avril), à hauteur de 160 millions d’euros, ainsi que des prestations relevant de la branche vieillesse (180 millions d’euros).

VENTILATION DES ÉCONOMIES ATTENDUES PAR PRESTATIONS, POUR CELLES RELEVANT DES RÉGIMES DE SÉCURITÉ SOCIALE

(en millions d’euros)

Prestations

Économies attendues au titre des prestations revalorisées en avril

Économies attendues au titre des prestations revalorisées en octobre

Total

Prestations au titre des accidents du travail/maladies professionnelles

40

40

Prestations au titre de l’invalidité

10

10

Prestations familiales

160

160

Prestations vieillesse

20

160

180

Total

240

160

400

Source : direction de la sécurité sociale.

*

* *

La commission adopte l’article 33 sans modification.

*

* *

Article 34
Engagement du prélèvement à la source et modernisation
de l’impôt sur le revenu

S’inscrivant dans le prolongement de la communication présentée au Conseil des ministres le 17 juin dernier par le ministre des finances et le secrétaire d’État chargé du budget, le présent article vise à engager la réforme du prélèvement de l’impôt sur le revenu à la source, en posant le principe de la présentation des modalités de cette réforme au Parlement par le Gouvernement avant le 1er octobre 2016. Cette présentation a vocation à intervenir à l’issue d’une large consultation conduite au premier semestre de 2016.

Dans la perspective de cette réforme de grande ampleur, le présent article propose de mettre en œuvre deux mesures visant à accélérer la modernisation des modalités de déclaration et de paiement des impôts des particuliers.

La première rend obligatoire, pour tous les contribuables dont la résidence principale est dotée d’un accès à internet, la déclaration par voie électronique de leurs revenus : cette obligation serait généralisée à l’ensemble de ces contribuables, selon un calendrier s’échelonnant entre 2016 et 2019. 29,5 millions de foyers fiscaux devraient se trouver soumis à cette obligation en 2019, sachant que, d’ores et déjà, plus de 14 millions de foyers fiscaux déclarent leurs revenus en ligne.

La seconde mesure consiste à abaisser par étapes le seuil d’impôt dû au-delà duquel les contribuables sont tenus de recourir à un mode de paiement dématérialisé – à savoir le prélèvement mensuel et à l’échéance, ainsi que le télérèglement. Ce seuil, qui est aujourd’hui fixé à 30 000 euros et ne concerne par construction qu’une infime part des contribuables, serait progressivement réduit, pour s’établir à 300 euros en 2019. Cette obligation de dématérialisation des moyens de paiement devrait ainsi s’appliquer à la majorité des foyers fiscaux, tout en se traduisant par une forte hausse du taux de dématérialisation, lequel taux serait porté de 53 % à 74 %.

En outre, dernier aspect, de portée moindre, de cet article, la procédure d’homologation des rôles serait modernisée et simplifiée, en permettant la signature des arrêtés d’homologation par le directeur général des finances publiques, et non plus par le seul préfet.

Le présent article devrait permettre à l’administration fiscale de réaliser des gains de productivité, en réduisant certaines de ses tâches de gestion les plus répétitives, comme la saisie informatique des informations figurant dans les déclarations sous forme « papier » des contribuables et le traitement des espèces, des chèques et des titres interbancaires de paiement. L’évaluation préalable chiffre à 49 millions d’euros les économies qui pourraient résulter de la généralisation de la télédéclaration, à l’horizon 2019 tandis que celles attendues du développement de la dématérialisation des paiements devraient atteindre 19,5 millions d’euros en 2019.

I. L’ENGAGEMENT DANS LA VOIE DU PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE DE L’IMPÔT SUR LE REVENU

A. LA VOLONTÉ DE MODERNISER LE RECOUVREMENT DE L’IMPÔT SUR LE REVENU

1. Un sujet récurrent dans le débat fiscal français

● L’impôt sur le revenu est aujourd’hui pour l’essentiel acquitté un an après la perception des revenus, à l’exception de certains revenus spécifiques qui font l’objet de retenues à la source (20).

Ainsi, les revenus perçus au cours de l’année N – 1 sont déclarés par les contribuables au cours du printemps de l’année N, et font l’objet d’un avis d’imposition transmis à l’automne de cette même année N. Au cours de cette année N, les contribuables versent donc des acomptes provisionnels à partir d’un certain seuil de cotisation d’impôt (21) ou des paiements mensuels, lorsqu’ils ont opté pour la mensualisation, lesquels acomptes et paiements mensuels sont calculés sur la base de l’impôt acquitté en année N – 1, qui portait lui-même sur les revenus perçus en année N – 2.

Les contribuables sont donc amenés à payer leurs impôts pendant les neuf premiers mois de l’année N sur la base des revenus qu’ils ont perçus en année N–2. La régularisation de l’impôt restant dû n’intervient qu’en septembre, après la réception de l’avis d’imposition (22). Outre sa complexité, ce mécanisme emporte un important décalage entre la perception des revenus et leur taxation, ce qui peut occasionner des difficultés pour les contribuables dont les revenus varient d’une année sur l’autre.

● Le système fiscal français fait figure de quasi-exception parmi les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), alors que tous les pays développés, à l’exception de la Suisse, de Singapour et donc de la France, appliquent une retenue à la source sur les salaires pour le paiement de l’impôt sur le revenu des personnes physiques.

La retenue à la source a été adoptée par la plupart des pays depuis plusieurs décennies : elle a par exemple été instaurée en 1917 au Canada, en 1925 en Allemagne, en 1943 aux États-Unis et en 1944 au Royaume-Uni, en 1973 en Italie et en 1979 en Espagne.

● La mise en place du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu ne constitue pas un débat nouveau en France, loin s’en faut. Comme le rappelle le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires de 2012 consacré à ce sujet (23), les premières traces de ce débat remontent aux années 1930 et s’inscrivaient dans le cadre des réflexions menées sur les procédures permettant de fiabiliser le recouvrement de l’impôt. Le déclenchement de la Seconde guerre mondiale et les besoins financiers afférents accélérèrent la réflexion et une retenue à la source sur les salaires fut instaurée par décret du 10 novembre 1939, sous le nom de « stoppage à la source » ; il s’agissait d’un impôt proportionnel assis sur l’ensemble des rémunérations, fixé selon un barème simplifié prenant en compte les charges de famille, et libératoire de l’impôt sur le revenu. Dans un contexte de lutte contre l’inflation, ce dispositif fut remplacé en 1948 par un « versement forfaitaire » prenant la forme d’une taxe sur les salaires de 5 %, cette fois non libératoire de l’impôt. Ce versement forfaitaire fut à son tour abrogé par la loi du 28 décembre 1959 créant l’impôt sur le revenu unifié et progressif, dans sa forme moderne (24). Somme toute, la retenue à la source fut donc appliquée en France pendant une période de vingt années.

Après quelques initiatives restées sans suite sous la IVRépublique, puis l’engagement d’un projet en 1967, abandonné à la suite des événements de mai 1968, un rapport de l’Inspection générale des finances publié en 1970 (25) sur le recouvrement de l’impôt sur le revenu conduisit à la loi du 29 juin 1971 instaurant le paiement mensualisé de l’impôt sur le revenu (26).

Un projet de retenue à la source de l’impôt sur le revenu fut ensuite introduit par un amendement gouvernemental en octobre 1973, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 1974. L’amendement était d’ailleurs d’une remarquable concision, puisqu’il disposait que « l’impôt sur le revenu sera mis en recouvrement par voie de retenue à la source à une date fixée par décret en Conseil d’État, et au plus tard le 1er janvier 1978. − Les mesures d’organisation et les mesures transitoires nécessaires à la mise en œuvre de l’alinéa précédent seront déterminées par décret en Conseil d’État » (27).

Cet amendement fut adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, mais le dispositif ainsi introduit fut supprimé par le Sénat. L’opposition à cette réforme se cristallisa notamment autour de la question du civisme fiscal, qui aurait été affecté par la disparition de l’acte de paiement de l’impôt, des charges supplémentaires que ferait peser la retenue à la source sur les entreprises, et de la crainte qu’elle ne se traduise par de fortes revendications salariales.

● Le débat ressurgit à la fin des années 1990 et au début des années 2000, se traduisant par la publication d’un nombre tout à fait notable de rapports sur le sujet : ces derniers prenaient généralement position en faveur d’une telle réforme et définissaient des scénarios possibles de sa mise en œuvre (28). Ils ne connurent toutefois pas de suites. Puis, en 2007, à la suite d’une annonce du Premier ministre, le ministre de l’économie, M. Thierry Breton, engagea une concertation en vue d’instaurer la retenue à la source au 1er janvier 2009. Trois personnalités qualifiées furent chargées par le Gouvernement de remettre un rapport sur les conditions de mise en œuvre de la réforme (29). Parallèlement, un rapport de M. Didier Migaud aborda ce même sujet, en l’inscrivant dans la perspective d’une fusion de l’impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée (CSG) (30). Le projet du Gouvernement fut toutefois abandonné à la suite des élections présidentielle et législatives du printemps 2007.

À partir de 2012, de nouveaux travaux vinrent alimenter la réflexion sur le sujet : le Conseil des prélèvements obligatoires publia en février 2012 un rapport portant sur ce thème, lequel fut également abordé dans le cadre du rapport du Gouvernement au Parlement de décembre 2012 portant sur les conditions de mise en œuvre d’une fusion progressive de l’impôt sur le revenu et de la CSG. Enfin, le rapport sur la fiscalité des ménages publié en mai 2014 (31) consacre une partie de ses développements à la modernisation et la simplification de l’impôt sur le revenu.

Si une synthèse de l’ensemble de ces travaux dépasse largement le cadre du présent commentaire, les développements suivants s’appuient sur leurs analyses et leurs conclusions, pour présenter brièvement les avantages qui sont attendus de la retenue à la source et les enjeux qu’elle recouvre.

2. Les avantages attendus de la retenue à la source

● Le premier des avantages d’une telle réforme réside dans la suppression du décalage entre la perception des revenus et leur imposition, qui peut s’avérer très pénalisant pour les contribuables dont les revenus connaissent de fortes variations (perte d’emploi, départ à la retraite…) ou dont la situation familiale évolue (départ d’un enfant du foyer, par exemple). Un contribuable perdant son emploi et voyant ses revenus diminuer fortement au cours d’une année N doit s’acquitter de son imposition au titre des revenus nettement plus élevés qu’il a perçus l’année précédente.

Selon les données fournies par la direction générale des finances publiques (DGFiP), environ 30 % des contribuables voient leurs revenus diminuer d’une année sur l’autre et un tiers d’entre eux connaissent une baisse de revenus supérieure à 30 % (correspondant à la notion de « baisse brutale de revenu », définie par l’administration fiscale). Ces chiffres ne sont donc pas anecdotiques. Ils peuvent même s’avérer plus élevés en période de crise économique, comme en 2009 et 2010, ainsi que l’illustre le graphique ci-après :

Certes, l’administration fiscale propose aux contribuables des facilités pour tenir compte de leur situation, tels que des délais de paiement et la possibilité de moduler leurs acomptes. Néanmoins, comme le montre le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, ces dispositifs s’avèrent dans les faits peu utilisés : à titre d’exemple, en 2010, seuls 5 % des contribuables qui auraient pu solliciter un délai de paiement en ont effectivement bénéficié, tandis que seulement 7 % des redevables de l’impôt sur le revenu mensualisés modulent chaque année leurs acomptes, soit moins de 25 % des contribuables qui subissent une baisse de leurs revenus et qui auraient, à ce titre, intérêt à moduler à la baisse leurs mensualités dès le mois de janvier de l’année N + 1.

En tout état de cause, même si ces facilités étaient davantage utilisées par les contribuables, elles ne permettraient pas de lever en totalité les difficultés résultant des variations de revenus, à la différence d’une taxation contemporaine des revenus.

De plus, la retenue à la source donne davantage de visibilité au contribuable sur son revenu effectivement disponible, puisque le revenu qui lui est versé est net d’impôt sur le revenu. Le contribuable n’a donc pas à se préoccuper de constituer une épargne de précaution en vue du paiement de son impôt l’année suivante.

● La retenue à la source peut conférer davantage de lisibilité et de réactivité aux mesures de politique fiscale. En effet, le fait générateur de l’impôt sur le revenu étant apprécié au 31 décembre de l’année, les mesures adoptées en loi de finances avant le 31 décembre peuvent s’appliquer rétrospectivement à l’ensemble des revenus perçus au cours de l’année ; cela correspond à la notion de « petite rétroactivité fiscale ». C’est d’ailleurs la condition pour que les mesures adoptées en loi de finances pour l’année N + 1 aient un impact budgétaire pour cette année. La loi de finances porte ainsi sur des revenus d’ores et déjà perçus lorsqu’elle entre en vigueur. In fine, le système fiscal, s’agissant de l’impôt sur le revenu, réagit un an plus tard aux variations des revenus des contribuables, mais la même année s’agissant des mesures de politique fiscale. La mise en place d’un prélèvement à la source lèverait cette discordance.

● La retenue à la source peut également avoir un impact macroéconomique, ainsi que le soulignait M. Didier Migaud dans son rapport de 2007, en permettant d’améliorer le rôle de « stabilisateur automatique » joué par l’impôt sur le revenu : les recettes seraient plus dynamiques en phase de croissance et le prélèvement serait allégé plus tôt en creux de cycle. Cela permettrait, en phase de croissance, d’améliorer plus rapidement le solde budgétaire pour désendetter l’État, de contenir l’inflation et, le cas échéant, d’utiliser immédiatement les surplus de recettes ou d’alléger l’impôt. En creux de cycle, la ponction serait moindre sur le revenu des ménages, permettant d’apporter un soutien à la consommation. Le jeu des « stabilisateurs automatiques » devrait donc en être facilité.

Au contraire, le décalage dans le recouvrement de l’impôt sur le revenu joue dans un sens procyclique, économiquement dommageable. En phase de ralentissement de l’activité, le poids de l’impôt, mécaniquement plus lourd puisque calculé sur la base de revenus passés plus dynamiques, vient accentuer l’appauvrissement relatif des ménages ainsi que des entreprises soumises à l’impôt sur le revenu. À l’inverse, en phase d’expansion, les recettes qui sont l’un des fruits de la reprise n’interviennent qu’avec retard et les marges de manœuvre qu’elles procurent ne peuvent être utilisées à plein, tandis que l’effet anti-inflationniste d’un prélèvement accru ne joue pas.

● En revanche, certaines des avancées qui étaient auparavant attendues du prélèvement à la source ont aujourd’hui perdu de leur consistance. En effet, au cours des deux dernières décennies, l’administration fiscale a largement modernisé les modalités de déclaration et de recouvrement de l’imposition, ce qui s’est notamment traduit par le développement des moyens dématérialisés de paiement et de la mensualisation, ainsi que par la mise en place de la déclaration pré-remplie et de la télédéclaration.

Ces évolutions tendent à relativiser la portée qu’aurait la réforme en termes de simplification des tâches incombant aux contribuables – lesquels seraient toujours tenus de remplir une déclaration d’impôt en année N + 1, au titre de la régularisation –, mais aussi en matière d’amélioration du taux de recouvrement de l’impôt – qui a atteint 98,32 % en 2014 pour l’ensemble des impôts des particuliers, et dont les marges de progression sont nécessairement limitées.

De même, les économies qui résulteraient des gains de productivité au sein de l’administration fiscale ne doivent pas être surestimées, ne serait-ce que du fait de la part limitée que représente l’impôt sur le revenu au sein des prélèvements obligatoires en France, outre les réformes déjà conduites au sein de l’administration fiscale. Déjà, en 1998, l’Inspection générale des finances évoquait la « relative modicité » des économies de gestion à attendre de la mise en œuvre d’une retenue à la source, en les estimant à 2 700 emplois au total. Dix ans plus tard, dans le cadre de travaux suivant le rapport de MM. Viricelle, Bébéar et Auvigne, le ministère de l’économie et des finances réduisait les économies possibles à une fourchette comprise entre 600 et 1 200 emplois. Enfin, dans son rapport de 2012, le Conseil des prélèvements obligatoires ramenait les gains à attendre de la réforme à 200 emplois équivalents temps plein et à une économie annuelle de l’ordre de 12 millions d’euros.

3. Les enjeux de la réforme

Au-delà des avancées qu’elle occasionnerait pour les contribuables, une telle réforme soulève nécessairement un certain nombre de questions, à la fois techniques et administratives, mais aussi politiques et constitutionnelles, compte tenu de leurs implications importantes pour les contribuables, les administrations et les acteurs économiques.

● Le premier des enjeux de la réforme consiste dans la définition des revenus qui se trouveraient dans le champ du prélèvement à la source : ce dernier pourrait ne concerner que les traitements, salaires et pensions, ou inclure également l’ensemble des revenus professionnels, à savoir les bénéfices industriels et commerciaux, les bénéfices non commerciaux et les bénéfices agricoles, ou bien s’étendre à l’ensemble des revenus soumis à l’impôt sur le revenu, y compris les revenus dits passifs, dont les revenus fonciers. Les traitements et salaires constituent sans doute les revenus qui se prêtent le plus facilement à la retenue à la source, notamment parce qu’ils transitent par un tiers payeur facilement identifiable, l’employeur. L’application du prélèvement à la source pour les revenus du capital, du fait de leur caractère éclaté et de l’absence, dans certains cas, de tiers payeurs (par exemple pour les revenus fonciers ou les plus-values de cession de valeurs mobilières), s’avère plus complexe ; il en va de même pour les revenus des indépendants, ces revenus n’étant pas connus dès leur versement.

En tout état de cause, comme le relève le rapport de MM. Auvigne et Lefebvre, il semble constitutionnellement possible de traiter de manière différente les revenus salariaux et les revenus non salariaux dès lors que la différence de traitement en résultant (essentiellement en trésorerie) s’appuierait sur des critères objectifs et rationnels et serait en rapport direct avec l’objet de la loi. Toutefois, selon les modalités choisies pour le passage à la retenue à la source, une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques pourrait être constituée si dans le cadre de l’année de transition (voir infra), une catégorie de contribuables était en mesure de faire passer certains revenus d’une année imposée vers l’année non imposée.

● Ensuite, il convient de déterminer quel serait le tiers payeur chargé de précompter l’impôt pour le compte de l’administration : deux hypothèses peuvent être examinées, à savoir les banques (déjà tiers payeurs de certains prélèvements fiscaux et sociaux) et les employeurs. Les différents travaux convergent toutefois pour conclure que le rôle de tiers payeur devrait être confié à l’employeur, notamment du fait de la difficulté à identifier parmi les sommes virées sur un compte bancaire celles qui correspondent à des revenus imposables, tandis que nombre de contribuables disposent de plusieurs comptes bancaires.

Corrélativement, la désignation du tiers payeur soulève des questions sur sa responsabilité juridique, en cas d’erreur de sa part ou de défaut de paiement, ainsi que sur les charges de gestion qui lui sont confiées. Comme le relève là encore le rapport de MM. Auvigne et Lefebvre, la question d’une éventuelle compensation des charges de gestion pour les tiers-versants ne pourrait pas être éludée, au regard de la décision du Conseil constitutionnel n° 2000-441 DC du 28 décembre 2000 à propos des charges imposées aux opérateurs de télécommunications pour les interceptions de sécurité (32).

● Le choix du réseau de recouvrement de l’impôt constitue également l’une des questions soulevées par la réforme : si la DGFiP semble l’option la plus naturelle, s’agissant de l’impôt sur le revenu, les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) disposent également d’une expérience du recouvrement à la source sur les revenus des particuliers (cotisations sociales, CSG), ce qui pourrait justifier de leur confier les opérations d’encaissement des précomptes versés par les tiers payeurs – sachant que le traitement des différentes étapes de la gestion de l’impôt, de son calcul à l’émission des avis d’imposition, ainsi que les missions de contrôle fiscal, resteraient bien évidemment du ressort de la DGFiP.

● La retenue à la source de l’impôt suppose également de définir les modalités d’établissement du taux d’imposition applicable, sachant que la définition d’un taux le plus proche du taux réel d’imposition permet de faire jouer, en plus de l’« effet assiette » de la retenue à la source (33), un « effet taux » (34). Plusieurs options sont envisageables : un taux forfaitaire en fonction du seul barème de l’impôt sur le revenu, un taux moyen réel prenant en compte la situation du foyer fiscal (quotient conjugal et familial, autres revenus perçus et avantages fiscaux du foyer) – dont la détermination en temps réel apparaît toutefois complexe – ou encore l’application du dernier taux d’imposition connu, c’est-à-dire le taux moyen d’imposition figurant sur le dernier avis d’imposition. Il serait également possible de permettre aux contribuables de moduler leur taux d’imposition en cours d’année, à leur initiative ou sur validation préalable de l’administration fiscale – ce qui entraînerait toutefois des charges administratives supplémentaires pour cette dernière.

Corrélativement, les modalités de détermination du taux d’imposition soulèvent la question de l’équilibre à trouver entre l’objectif de parvenir au taux le plus proche du taux réel d’imposition, ce qui minimiserait les régularisations en année N + 1 et maximiserait l’intérêt de la réforme pour le contribuable, et les enjeux de confidentialité, découlant de la transmission de ce taux aux employeurs.

En tout état de cause, la retenue à la source ne se traduirait pas par la disparition de la déclaration de revenus en N + 1, car des régularisations a posteriori resteraient nécessaires dans la plupart des cas – comme c’est la pratique dans les autres pays.

● Enfin, il convient d’évoquer la gestion de la transition vers la retenue à la source. Deux options sont possibles : soit un aménagement de la double imposition au titre d’une même année (paiement en année N de l’impôt dû au titre de l’année N–1 et de celui dû au titre de l’année N) par un lissage sur plusieurs années, soit le choix d’une « année blanche », généralement préconisé pour favoriser l’acceptation de la réforme. Le principe d’une « année blanche », c’est-à-dire l’effacement de la dernière année d’imposition précédant la mise en œuvre de la retenue à la source (35), soulève deux questions principales :

– le sort des dépenses fiscales associées à l’année d’imposition effacée, par exemple au titre des dons et des investissements réalisés au cours de l’année précédant la retenue à la source ;

– les risques de comportements d’optimisation des contribuables, qui chercheraient à « loger » dans l’« année blanche » des revenus supplémentaires (plus-values, versement anticipé de bénéfices…). Le rapport établi par le Conseil des prélèvements obligatoires examine différentes options envisageables pour prévenir ces risques, notamment une imposition faite sur la moyenne des revenus des deux années, ou l’instauration d’une clause de sauvegarde, les revenus de la dernière année précédant la mise en œuvre de la retenue à la source étant exemptés d’impôt sauf en cas de variation forte et injustifiée.

Ces différents enjeux ont vocation à être examinés et débattus au cours de l’année 2016, afin de définir les contours de la réforme qui sera proposée à l’automne prochain.

B. UNE MISE EN œUVRE PRÉVUE EN 2018, À L’ISSUE D’UNE CONSULTATION CONDUITE AU COURS DE L’ANNÉE 2016

● Le I du présent article engage la réforme du prélèvement à la source, en posant le principe d’une présentation au Parlement, au plus tard le 1er octobre 2016, de ses modalités de mise en œuvre à compter de 2018. L’évaluation préalable précise que le projet de réforme ainsi présenté par le Gouvernement avant le 1er octobre 2016 « trouvera sa traduction législative d’ici fin 2016 ».

L’évaluation préalable indique également qu’une large consultation sera conduite en 2016 sur les modalités de mise en œuvre de la réforme, sans plus de précision sur son organisation et les acteurs qui seraient concernés.

● L’exposé des motifs pose quelques principes généraux autour desquels doit s’articuler la réforme.

En premier lieu, le prélèvement à la source ne remettra pas en cause les principes fondateurs de notre impôt sur le revenu, et en particulier sa progressivité, ainsi que sa conjugalisation et sa familialisation à travers le mécanisme du quotient familial. L’imputation des réductions et crédits d’impôt sera maintenue. La réforme du mode de prélèvement de l’impôt est ainsi clairement dissociée des débats pouvant être engagés sur ses caractéristiques structurelles.

À cet égard, si la complexité de l’impôt sur le revenu français est souvent présentée comme un obstacle à l’instauration de la retenue à la source, le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires de 2012 observait qu’au regard des exemples étrangers, la simplicité de l’imposition ne constituait pas une condition préalable à son prélèvement à la source. Certes, dans certains pays tels que le Royaume-Uni ou le Danemark, l’impôt recouvré à la source obéit à des modalités de calcul sensiblement plus simples que celles de l’impôt sur le revenu français. Pour autant, la plupart des pays étudiés appliquent un barème progressif, dont le nombre de tranches peut être supérieur à celui du barème français (Espagne, États-Unis, Luxembourg), prend en compte la situation conjugale et familiale du contribuable et prévoit que celui-ci puisse recourir à des dépenses fiscales pour réduire son imposition – ces dépenses fiscales pouvant être prises en compte dès le stade du calcul de la retenue à la source, y compris lorsque leur nombre est élevé (Irlande, Canada).

En deuxième lieu, la confidentialité des éléments servant au calcul des prélèvements et la simplicité de collecte pour les organismes qui seront chargés d’effectuer le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu seront garanties.

En troisième lieu, la déclaration d’ensemble des revenus sera maintenue ; elle doit permettre une régularisation en année N + 1 de l’impôt acquitté au cours de l’année N.

Enfin, il convient de noter que la communication présentée au Conseil des ministres le 17 juin dernier précisait que « la transition entre le système actuel d’imposition sur les revenus de l’année passée et le prélèvement à la source ne peut bien évidemment pas conduire à pénaliser les contribuables en les imposant deux fois », ce qui signifierait que le principe d’une « année blanche » serait retenu – sans préjuger des modalités de sa mise en œuvre toutefois.

II. LA GÉNÉRALISATION DE LA DÉCLARATION EN LIGNE DES REVENUS

Afin de préparer cette profonde réforme de notre système fiscal, le présent article pose des premiers jalons destinés à accélérer la modernisation des procédures de déclaration et de paiement de l’impôt. Il introduit une obligation de procéder à la déclaration de ses revenus en ligne, pour les contribuables disposant d’un accès à internet à leur domicile, et ce à l’horizon 2019.

A. LA TÉLÉDÉCLARATION, UNE POSSIBILITÉ OUVERTE EN 1999 QUI CONCERNE DÉSORMAIS 40 % DES FOYERS FISCAUX

1. La possibilité d’opter pour une déclaration en ligne de ses revenus, qui a fait l’objet d’une incitation fiscale entre 2005 et 2010

● Comme le dispose l’article 45 de l’annexe 3 du code général des impôts, les déclarations de revenus dûment signées par les contribuables sont remises ou adressées au service des impôts de leur lieu de résidence ou de leur principal établissement. Ces déclarations peuvent être envoyées par courrier ou bien déposées dans le centre des finances publiques dont dépend le contribuable.

Les personnes soumises à l’obligation de déclarer leurs revenus

Aux termes de l’article 170 du code général des impôts, doivent souscrire et faire parvenir à l’administration fiscale une déclaration de leurs revenus toutes les personnes imposables à l’impôt sur le revenu. Par personne imposable, il convient d’entendre toutes les personnes entrant dans le champ d’application de l’impôt, notamment au regard des règles de domiciliation fiscale, à l’exception de celles qui en sont affranchies :

– soit parce que leur revenu annuel n’excède pas la limite supérieure de la première tranche du barème ;

– soit en vertu d’une disposition particulière (par exemple pour les ambassadeurs et les agents diplomatiques et consulaires).

Cette obligation de souscription d’une déclaration de revenus est étendue par l’article 170 bis du même code aux personnes qui, quel que soit le montant de leurs revenus, disposent de certains éléments de train de vie, notamment :

– les personnes qui possèdent un avion de tourisme, un yacht ou un ou plusieurs chevaux de course, celles qui emploient un employé de maison, ou qui ont à leur disposition une ou plusieurs résidences secondaires ;

– les personnes dont la résidence principale présente une valeur locative qui a excédé au cours de l’année d’imposition 150 euros à Paris et dans les communes situées dans un rayon de 30 kilomètres de Paris, et 114 euros dans les autres localités.

L’administration admet toutefois que, compte tenu de la modicité de ces derniers chiffres, la disposition relative aux résidences principales doit être appréciée avec souplesse. En pratique, il n’est pas exigé de déclaration des occupants de logements très modestes, sauf éléments particuliers d’information concernant leur train de vie ou leurs revenus.

Au regard des données disponibles, il apparaît que le civisme fiscal, qui s’exprime par l’accomplissement volontaire par les contribuables de leurs démarches et obligations fiscales, atteint un niveau élevé en France, puisque le taux des usagers particuliers qui respectent leurs obligations déclaratives a atteint 98,4 % en 2014 (1). On peut d’ailleurs observer que les contribuables ont un intérêt à procéder à la déclaration de leurs revenus, même lorsqu’ils perçoivent des revenus très modiques et qu’ils sont donc non imposables, puisque cela leur permet de disposer d’un avis de non-imposition, qui est utilisé comme justificatif de ressources pour l’octroi de différents avantages sociaux. De même, la déclaration de revenus permet aux contribuables de percevoir, le cas échéant, des restitutions du Trésor public, au titre de crédits d’impôt – notamment la prime pour l’emploi, qui bénéficie pour sa majeure partie à des contribuables non-imposables (2).

Enfin, le défaut de déclaration de ses revenus entraîne l’application d’intérêts de retard de 0,4 % par mois, ainsi que d’une majoration des droits de 10 %, portée à 40 % lorsque la déclaration n’a pas été déposée dans les trente jours suivant la réception d’une mise en demeure.

(1) Ce taux constitue l’un des indicateurs de performance figurant dans le projet annuel de performance de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines annexé au présent projet de loi de finances.

(2) La prime pour l’emploi est supprimée à compter de l’imposition des revenus de 2015, en application de l’article 28 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014.

La loi de finances rectificative pour 1999 (36) a introduit la possibilité, pour les particuliers, de transmettre leur déclaration de revenus par voie électronique, en insérant dans le code général des impôts l’article 1649 quater ter. Cet article est ainsi venu étendre aux particuliers un dispositif déjà applicable pour les entreprises, qui, introduit en 1994 (37), est codifié à l’article 1649 quater bis.

Alors qu’en 2002, près de 120 000 foyers fiscaux avaient procédé à la déclaration en ligne de leurs revenus, ils étaient plus de 610 000 en 2003, et 1,275 million dès 2004. Le recours à la télédéclaration, qui repose sur le seul volontariat des contribuables, s’est accéléré au cours des années suivantes.

● Afin de promouvoir ce mode de déclaration, qui permet à l’administration fiscale de procéder à un traitement de l’information plus rapide et moins coûteux que celui occasionné par la déclaration « papier », un avantage fiscal a été introduit par la loi de finances rectificative pour 2003 (38) : aux termes de l’article 199 novodecies, les contribuables qui procédaient à la déclaration en ligne de leurs revenus et choisissaient de s’acquitter de leur impôt sur le revenu soit par prélèvement mensuel ou à échéance, soit par voie électronique, bénéficiaient d’une réduction d’impôt d’un montant forfaitaire de 20 euros (39), et ce à compter de l’imposition des revenus de 2004. Ce dispositif avait été alors présenté comme une forme d’intéressement du contribuable à la modernisation de l’administration fiscale.

À compter de l’imposition des revenus de 2007, cette réduction d’impôt a été réservée aux contribuables qui déclaraient leurs revenus en ligne pour la première fois ; il s’agissait de tenir compte du fait que la télédéclaration s’était fortement développée depuis 2005, avec plus de 7 millions de foyers fiscaux concernés : il ne semblait donc plus justifié de favoriser, par une réduction d’impôt, des usagers qui auraient probablement opté, en tout état de cause, pour la déclaration en ligne. Par ailleurs, du fait du recours croissant à la télédéclaration, la dépense fiscale afférente était devenue significative, pour atteindre 95 millions d’euros en 2007.

L’avantage fiscal, dont le coût a logiquement chuté à compter de 2008 du fait de la limitation de son champ aux seuls primo-déclarants, n’a pas été maintenu au-delà de l’imposition des revenus de 2009. Somme toute, la dépense fiscale associée à cette réduction d’impôt incitative n’est pas négligeable : sur six années, elle a atteint 273 millions d’euros.

ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE FISCALE AFFÉRENTE À LA RÉDUCTION D’IMPÔT BÉNÉFICIANT AUX CONTRIBUABLES DÉCLARANT LEURS REVENUS EN LIGNE ET RECOURANT À UN MODE DE PAIEMENT DÉMATÉRIALISÉ

Année

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Dépense fiscale (en millions d’euros)

50

75

95

20

19

14

Nombre de foyers fiscaux bénéficiaires (en millions)

3,09

4,65

6,1

1,346

1,56

0,7

Source : tome II des annexes Voies et moyens aux projets de loi de finances.

Ce dispositif semble avoir porté ses fruits, puisque le nombre de foyers fiscaux déclarant en ligne leurs revenus a fortement augmenté jusqu’en 2010, pour être porté à 9,39 millions. Le recours à la déclaration en ligne a également été encouragé par la fixation de délais de déclaration plus tardifs que ceux prévus pour les déclarations « papier », tandis que des avantages pratiques sont proposés par l’administration fiscale dans le cadre de ce mode de déclaration (estimation de l’impôt à acquitter à l’issue de la déclaration en ligne, modalités de correction plus souples en cas d’erreur, disponibilité plus rapide de l’avis d’imposition…).

2. Une croissance de la déclaration en ligne qui se ralentit depuis plusieurs années, alors même que l’accès à internet à domicile s’est généralisé

● Après le fort développement observé entre 2004 et 2009, la croissance du recours à la télédéclaration a toutefois connu un certain ralentissement : le nombre de foyers fiscaux télédéclarants n’augmente plus que d’environ 7 à 8 % d’une année sur l’autre ; il devrait s’établir à 40,2 % en 2015 – selon les premières données disponibles, établies sur la base de la troisième émission des revenus, qui ne sont donc pas définitives.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE FOYERS FISCAUX DÉCLARANT LEURS REVENUS EN LIGNE

 

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Nombre de foyers fiscaux télédéclarants (en millions)

9,39

10,47

11,21

12,12

13,04

14,26

Variation d’une année sur l’autre

10,3 %

11,5 %

7 %

8,1 %

7,6 %

9,3 %

Taux de télédéclarants parmi l’ensemble des foyers fiscaux

26,3 %

29,3 %

31,5 %

33,8 %

35,9 %

40,2 %

Source : direction générale des finances publiques.

Il convient de préciser que depuis 2013, les contribuables peuvent opter pour la dématérialisation totale de leur déclaration de revenus et de leur avis d’imposition : en 2014, 3,8 millions de foyers fiscaux ne recevaient plus ni de déclaration ni d’avis sous format papier – contre 2,2 millions en 2013.

● Le ralentissement constaté dans le développement du recours à la télédéclaration s’avère en décalage avec l’essor de l’accès des ménages français à internet au cours des dernières années. Les données publiées dans le cadre d’une enquête du CREDOC réalisée en juin 2014 (40), faisaient ainsi état d’un taux d’accès à internet à domicile de 82 % en 2014, contre 61 % en 2008 et 36 % en 2004.

ÉVOLUTION DE L’ÉQUIPEMENT ET DE L’USAGE D’INTERNET À DOMICILE DEPUIS 2005

(en %)

Année

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Taux de connexion à internet à domicile

36

40

45

55

61

67

71

75

78

81

82

Dont usage quotidien

18

23

29

36

41

48

53

56

60

63

64

Dont usage une à deux fois par semaine

9

9

9

10

11

10

12

11

11

11

10

Dont usage plus rare

5

5

3

5

5

4

3

4

3

4

3

Dont aucun usage

4

3

4

5

5

5

3

3

4

4

5

Taux d’absence de connexion à internet à domicile

64

60

55

45

39

33

29

25

22

19

18

Champ : ensemble de la population de plus de douze ans.

Source : CREDOC, enquêtes « Conditions de vie et aspirations ».

Des données publiées par l’INSEE en juin 2013 (41) fournissent un panorama précis de la population française ayant accès à internet pour l’année 2012, présenté dans le tableau ci-après :

ACCÈS ET USAGE D’INTERNET EN 2012

(en %)

 

Individus disposant d’un micro-ordinateur à la maison

Individus disposant d’internet à la maison

Fréquence de l’utilisation d’internet

Au cours des 3 derniers mois (internautes)

dont tous les jours ou presque

Ensemble des répondants

79,1

78,2

75,0

79,7

Homme

82,4

81,5

77,9

81,6

Femme

76,0

75,2

72,3

77,8

15-29 ans

96,4

96,2

97,7

88,3

30-44 ans

92,6

91,9

92,2

79,4

45-59 ans

87,8

86,5

82,3

75,9

60-74 ans

63,0

61,9

52,2

74,3

75 ans et plus

24,4

23,4

16,5

60,9

Actifs occupés

92,2

91,6

90,6

80,4

Agriculteurs

75,1

70,6

62,6

72,2

Artisans et commerçants

92,1

90,5

85,6

77,7

Cadres et prof. libérales

98,4

97,6

99,1

92,3

Professions intermédiaires

95,8

95,0

97,1

86,6

Employés

89,7

89,6

88,0

72,9

Ouvriers

88,2

88,2

84,1

72,0

Chômeurs

86,3

85,7

87,0

81,0

Étudiants

98,3

97,9

99,1

89,7

Retraités

50,3

49,2

40,9

72,0

Champ : personnes de quinze ans ou plus vivant en France métropolitaine dans un ménage ordinaire.

Source : INSEE, enquête Technologies de l’information et de la communication 2012.

Ce tableau permet de constater que la proportion des personnes disposant d’un accès à internet varie fortement en fonction de la classe d’âge : si la part des personnes entre trente et quarante-quatre ans et disposant d’un tel accès s’établissait à près de 92 %, elle se limitait à 62 % pour les personnes âgées de soixante à soixante-quatorze ans, pour être ramenée à 23,4 % pour les plus de soixante-quinze ans.

Pour autant, ces écarts générationnels en matière d’accès à internet ont été nettement réduits au cours des dernières années. Pour les générations nées après 1990, la proportion d’internautes, proche de 100 %, a ainsi gagné 8 points en cinq ans, tandis qu’elle a augmenté de plus de 17 points pour les générations nées de 1950 à 1969. On peut penser que ce rattrapage se poursuivra à l’avenir.

ÉVOLUTION DU TAUX D’INTERNAUTES SUIVANT LES GÉNÉRATIONS

(en %)

Génération née

2007

2012

Évolution en points

Avant 1930

3,5

8,4

4,9

De 1930 à 1949

17

32,9

15,9

De 1950 à 1969

59,6

76,8

17,2

De 1970 à 1989

80,9

92,7

11,8

Après 1990

91

98,6

7,6

NB : la définition d’un internaute retenue par l’INSEE est celle d’une personne ayant utilisé internet au cours des trois derniers mois.

Champ : personnes de plus de quinze ans ou plus vivant en France métropolitaine dans un ménage ordinaire.

Source : INSEE, enquêtes Technologies de l’information et de la communication 2007 et 2012

Les écarts sont relativement limités entre les différentes catégories socioprofessionnelles : près de 98 % des cadres et des professions libérales disposaient d’un accès à internet à domicile, contre environ 88 % pour les ouvriers, 86 % pour les chômeurs et 49 % pour les retraités – ce qui rejoint la question générationnelle. De fait, ces écarts se sont fortement réduits depuis 2007 : l’écart entre cadres et ouvriers est ainsi passé de 43 points en 2007 à 15 points en 2012.

Utilisation d’internet selon la catégorie socioprofessionnelle

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Lecture : 99 % des cadres ont utilisé internet au cours des 3 derniers mois en 2012 contre 97 % en 2007.

Champ : actifs occupés de quinze ans ou plus vivant en France métropolitaine dans un ménage ordinaire.

Source : INSEE, enquêtes Technologies de l’information et de la communication 2007 et 2012.

● La France se trouve ainsi légèrement au-dessus de la moyenne européenne en termes d’accès à internet à domicile : selon les données publiées par l’Observatoire du numérique, elles-mêmes fondées sur les enquêtes réalisées par Eurostat, 79 % des ménages vivant dans les États membres de l’Union européenne disposaient d’un accès à internet à leur domicile en 2013. Ce taux connaît des variations selon les pays, puisqu’il atteint 69 % en Italie et 70 % en Espagne, mais 88 % au Royaume-Uni et en Allemagne, et 93 % en Suède et au Danemark.

En revanche, le taux de déclaration en ligne de l’impôt constaté en France, de l’ordre de 40 %, s’avère en net retrait par rapport à celui constaté dans les autres pays développés. L’évaluation préalable indique en effet que « dans les pays partenaires de l’OCDE, deux tiers des déclarations sont dématérialisées ». La Rapporteure générale n’a toutefois pas obtenu davantage d’éléments comparatifs sur ce sujet, en réponse à ses questions posées il y a près de trois semaines.

B. L’INSTAURATION PAR ÉTAPES D’UNE OBLIGATION DE DÉCLARER EN LIGNE SES REVENUS, APPLICABLE À TOUS LES CONTRIBUABLES À COMPTER DE 2019

Au regard du ralentissement observé dans la diffusion de la télédéclaration au cours des dernières années, il est proposé d’opérer un changement de logique, la démarche incitative de l’administration fiscale, fondée sur le seul volontariat des contribuables, laissant la place à une démarche plus contraignante. Pour ce faire, le présent article instaure une obligation de déclarer en ligne ses revenus à l’horizon 2019, avec une mise en œuvre progressive sur quatre ans, pour les contribuables dont la résidence principale est équipée d’un accès à internet.

Le dispositif proposé s’inscrit dans la lignée de ce qui a été réalisé pour les professionnels au cours des dernières années : l’obligation d’un recours à la déclaration en ligne a été étendue par étapes, en fonction notamment d’un critère de chiffre d’affaires des entreprises, jusqu’à sa généralisation en 2015 (42).

1. Le principe d’une généralisation par étapes, entre 2016 et 2019

● Le présent article insère dans le code général des impôts un article 1649 quater B quinquies, qui pose le principe d’une obligation de souscription par voie électronique de la déclaration de revenus pour les contribuables dont la résidence principale est équipée d’un accès à internet ( du II).

Il est fait exception à ce principe pour les contribuables qui indiquent à l’administration fiscale ne pas être en mesure de souscrire cette déclaration en ligne, même s’ils disposent d’un accès à internet. Ces derniers peuvent alors utiliser « les autres moyens prévus par le premier alinéa du 1 de l’article 173 ». Cette formulation apparaît curieuse, puisque l’alinéa précité se borne à prévoir que le contenu et la présentation des déclarations sont précisés par un décret, ce qui renvoie aux articles 42 à 46 de l’annexe 3 du code général des impôts. On peut toutefois en déduire que ces contribuables peuvent procéder à l’envoi ou au dépôt de leur déclaration sous forme « papier », comme cela est le cas actuellement pour les foyers non télédéclarants.

Cette disposition vise les personnes qui, bien que dotées d’un accès à internet, ne seraient pas suffisamment familières de cet outil pour procéder à la déclaration de leurs revenus en ligne – par exemple, des personnes âgées.

● L’obligation de déclarer ses revenus en ligne s’appliquerait de façon progressive aux contribuables, en commençant par ceux qui perçoivent les revenus les plus élevés, selon un calendrier étalé sur quatre années : elle concernerait en 2016 les foyers fiscaux relevant des derniers déciles de revenus, puis elle serait étendue aux foyers aux revenus médians, pour s’appliquer en 2019 à l’ensemble des contribuables disposant d’un accès à internet ( du III).

Seraient ainsi soumis à l’obligation de déclarer en ligne dès 2016 les foyers fiscaux dont le revenu fiscal de référence (RFR), tel que défini au 1° du IV de l’article 1417 du code général des impôts, serait supérieur à 40 000 euros au titre de l’année 2014.

Le choix de recourir à un critère de niveau de RFR est fondé sur le fait que ce revenu constitue le dispositif codifié donnant l’appréciation la plus proche du niveau de ressources effectif des foyers fiscaux et de leurs capacités contributives ; c’est d’ailleurs à ce titre qu’il est utilisé de façon croissante pour conditionner l’éligibilité à des avantages fiscaux et à des prestations sociales (43).

L’obligation de télédéclaration concernerait en 2017 l’ensemble des foyers fiscaux dont le RFR pour l’année 2015 serait supérieur à 28 000 euros. En 2018, elle serait étendue aux foyers dont le RFR de l’année 2016 est supérieur à 15 000 euros, pour être applicable à tous les foyers fiscaux, quel que soit leur niveau de RFR, à compter de 2019.

De ce fait, des contribuables qui se trouveraient dans le champ de cette obligation en 2016, du fait du niveau de leur RFR en 2014, pourraient ne pas s’y trouver soumis en 2017, si leur RFR enregistrait une forte baisse entre 2014 et 2015, en cas de perte d’emploi ou de séparation, par exemple. L’obligation de télédéclarer ses revenus ne s’applique donc pas de façon définitive aux contribuables qui y auraient été soumis une première fois, du moins jusqu’à sa généralisation en 2019.

● Selon les données fournies par l’évaluation préalable, l’obligation de télédéclaration devrait concerner en 2016 environ 2 millions de foyers fiscaux qui transmettaient jusqu’alors leur déclaration sous forme « papier » ; 4 millions de foyers au total devraient se trouver dans son champ en 2017, puis 9 millions en 2018. Enfin, en 2019, année de la généralisation, 15,5 millions de foyers fiscaux se trouveraient soumis à cette obligation.

Si l’on ajoute les plus de 14 millions de foyers fiscaux recourant d’ores et déjà à la télédéclaration en 2015, en posant comme hypothèse qu’ils feront de même les années suivantes, ce sont donc 18 millions de foyers fiscaux qui devraient déclarer leurs revenus en ligne en 2017, et 29,5 millions en 2019.

CALENDRIER DE LA GÉNÉRALISATION DE LA TÉLÉDÉCLARATION
DE L’IMPÔT SUR LE REVENU

Année d’imposition

Seuil de RFR de l’année N-2 à partir duquel la télédéclaration est obligatoire
(en euros)

Nombre cumulé de foyers fiscaux supplémentaires soumis à l’obligation de télédéclaration (en millions)

Nombre de foyers fiscaux supplémentaires soumis à l’obligation de télédéclaration (en millions)

Estimation du nombre total de foyers fiscaux recourant à la télédéclaration * (en millions)

2016

40 000

2

2

16

2017

28 000

4

2

18

2018

15 000

9

5

23

2019

0

15,5

6,5

29,5

(*) En prenant pour hypothèse que les 14 millions de foyers télédéclarants en 2015 fassent de même les années suivantes.

Source : données de l’évaluation préalable de l’article.

Le nombre total de foyers fiscaux étant de l’ordre de 37,5 millions, le nombre de foyers ne disposant pas d’un accès à internet, et donc se trouvant hors du champ de l’obligation fixée par l’article 1649 quater B quinquies, est donc estimé par l’évaluation préalable à 8 millions – soit une proportion de 22 %, qui correspond à la part de foyers fiscaux ne disposant pas d’un accès à internet à leur domicile en 2012. Au vu des données présentées supra, il devrait s’agir principalement de personnes âgées de plus de soixante ans. En tout état de cause, cette évaluation s’avère relativement prudente, car l’on peut penser que la proportion de 22 % établie pour 2012 aura régressé d’ici 2019. A contrario, ces chiffres ne prennent pas en compte les contribuables qui, disposant d’un accès à internet, ne seraient pas en mesure de télédéclarer leurs revenus.

● L’obligation prévue par l’article 1649 quater B quinquies emporte également des conséquences sur les modalités de déclaration de l’impôt de solidarité de la fortune (ISF), pour une partie de ses redevables.

En effet, depuis le 1er janvier 2012, en application de l’article 885 W du code général des impôts, les obligations déclaratives de l’ISF, et corrélativement, ses modalités de recouvrement, diffèrent selon le montant du patrimoine du redevable :

– lorsque le montant de son patrimoine net taxable est supérieur ou égal à 2,57 millions d’euros, le contribuable est tenu de souscrire avant le 15 juin une déclaration détaillée et estimative de ses biens, en joignant à cette déclaration spécifique le paiement de l’impôt correspondant, calculé par ses soins ;

– lorsque le montant de son patrimoine net taxable est inférieur à 2,57 millions d’euros, le contribuable est soumis à des obligations déclaratives allégées : il doit simplement mentionner la valeur brute et la valeur nette taxable de son patrimoine (sans détailler sa composition) sur sa déclaration annuelle de revenus. L’ISF correspondant est ensuite recouvré par la voie d’un rôle – distinct de celui de l’impôt sur le revenu ; l’avis d’imposition à l’ISF précise le montant de l’imposition et la date à laquelle elle doit être acquittée (44).

C’est la loi de finances rectificative pour 2011 du 29 juillet 2011 (45) qui est venue simplifier les modalités déclaratives applicables aux patrimoines inférieurs à 2,57 millions d’euros, alors que, auparavant, tous les redevables de l’ISF devaient souscrire une déclaration détaillée d’ISF, accompagnée du paiement de l’impôt.

Il en résulte que l’obligation de souscrire par voie électronique la déclaration de ses revenus emporte celle de déclarer en ligne le montant de son patrimoine net taxable à l’ISF, pour tous les redevables de l’ISF pour lesquels ce montant est inférieur à 2,57 millions d’euros.

2. L’application d’une amende à partir du deuxième manquement à l’obligation de télédéclaration

● Les modalités pratiques de mise en œuvre de cette obligation déclarative ne font pas l’objet de développements particuliers dans l’évaluation préalable. Selon les informations recueillies par la Rapporteure générale, il serait envisagé de faire figurer une mention spécifique sur la déclaration de revenus envoyée par courrier aux contribuables soumis à l’obligation de télédéclaration. La réforme proposée n’emporterait pas, en tout état de cause, la suppression de l’envoi aux contribuables d’une déclaration de revenus sous forme papier – pour les seuls foyers fiscaux, bien évidemment, qui n’ont pas opté pour une dématérialisation totale de leur déclaration de revenus et de leur avis d’imposition.

Par ailleurs, il pourrait être demandé aux contribuables qui ne disposent pas d’un accès à internet, ou qui en disposeraient mais ne seraient pas en mesure de télédéclarer, de cocher une case spécifique sur leur déclaration, par laquelle ils signaleraient à l’administration qu’ils se trouvent hors du champ de l’article 1649 quater B quinquies – sur le modèle de ce qui existe pour la contribution à l’audiovisuel public (ex-redevance).

L’évaluation préalable précise qu’« afin d’assurer la réussite de l’" e-relation " fiscale, des dispositifs alternatifs d’accompagnement et de facilitation pourraient être offerts aux populations concernées ». Parmi ces dispositifs, figureraient l’équipement des centres des finances publiques en bornes internet ainsi qu’une « diversification des outils proposés » – sachant que d’ores et déjà, les contribuables peuvent déclarer leurs revenus à partir de leur smartphone et de leur tablette, grâce à une application spécifique « impots.gouv », mais qu’elle n’offre pas toutes les fonctionnalités de la déclaration en ligne, en ne permettant que les « déclarations conformes », lorsque le contribuable n’a rien à ajouter aux informations qui ont été pré-remplies par l’administration fiscale.

L’évaluation préalable souligne également que les contribuables « bénéficieront des nombreux avantages de la déclaration en ligne, notamment le calcul immédiat de l’impôt, l’accompagnement personnalisé lors du remplissage (profilage de la déclaration en ligne en fonction de la situation du foyer fiscal, des charges ou des revenus) et la disponibilité du service 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 » – laquelle est effectivement intrinsèque à tout service en ligne.

● Le 1 de l’article 1738 du code général des impôts définit d’ores et déjà les sanctions applicables en cas de non-respect par les contribuables de leurs obligations de souscription de déclaration par voie électronique – ainsi que de leurs obligations de paiement selon certaines modalités (voir infra).

Il pose le principe d’une sanction, applicable dès le premier manquement, égale à une majoration de 0,2 % des droits correspondant aux déclarations déposées selon un autre procédé, tout en prévoyant que le montant de la majoration ne peut être inférieur à 60 euros. En l’absence de droits, le dépôt d’une déclaration ou de ses annexes selon un autre procédé que celui requis entraîne l’application d’une amende de 15 euros par document, sans que le total des amendes puisse être inférieur à 60 euros, ni supérieur à 150 euros.

Toutefois, ces dispositions, qui trouvent aujourd’hui à s’appliquer aux seuls professionnels, n’apparaissent pas adaptées aux contribuables particuliers, du fait du montant relativement élevé de la sanction « plancher », à 60 euros.

C’est pourquoi le présent article prévoit des dispositions spécifiques pour les manquements à l’obligation prévue par l’article 1649 quater B quinquies : le a du du II prévoit qu’un tel manquement serait sanctionné par une amende forfaitaire de 15 euros par déclaration et par annexe, qui ne s’appliquerait qu’à compter du deuxième manquement à cette obligation. Le principe d’une sanction sous forme d’une majoration des droits dus n’est donc pas retenu, tandis qu’une forme de « droit à l’erreur » serait prévue pour les contribuables qui auraient omis une première fois de se conformer à leurs obligations – sachant qu’en l’absence de précision, l’amende trouverait à s’appliquer que les deux années de manquement soient consécutives ou pas.

L’amende forfaitaire s’appliquerait que le contribuable ayant méconnu son obligation soit imposé ou pas. Par ailleurs, il n’est pas prévu de plafond au montant de l’amende forfaitaire, lorsque le contribuable doit remplir, en sus de sa déclaration, plusieurs annexes.

C. L’IMPACT DE LA RÉFORME

La généralisation de la télédéclaration vise à moderniser les relations entre contribuables et administration fiscale, à alléger et simplifier les tâches de gestion qui incombe à cette dernière et à lui permettre de dégager des gains de productivité.

Ainsi, la dématérialisation de la majorité des déclarations de revenus permettra de supprimer une grande part des manipulations liées au traitement préalable des déclarations papier, à la réception des plis postaux et à leur tri, ainsi que de réduire drastiquement le volume des opérations de saisie des déclarations papier. Les agents de l’administration fiscale verront la valeur ajoutée de leurs tâches s’accroître et devraient pouvoir se consacrer à d’autres tâches améliorant la qualité de service de l’usager.

Selon les informations fournies par l’évaluation préalable, sur la base d’un gain de 64 emplois équivalents temps plein (ETP) par million de nouveaux télédéclarants et d’une augmentation de 15,5 millions du nombre de télédéclarants à l’horizon de 2019, le gain en emplois résultant de la présente réforme serait de l’ordre de 990 équivalents temps plein en 2019. Ce chiffre équivaudrait à une économie finale de 49 millions d’euros, en prenant pour hypothèse un coût annuel moyen de 50 000 euros par agent de l’administration fiscale chargé de la saisie des déclarations papier.

Les gains attendus pour chaque année sont retracés dans le tableau ci-dessous :

Année de déclaration des revenus

2016

2017

2018

2019

Gain potentiel cumulé de déclarants en ligne par rapport à 2014 (en millions)

2

4

9

15,5

Gain potentiel cumulé en ressources humaines (en nombre d’ETP)

128

256

576

990

Valorisation du gain potentiel cumulé en dépenses de personnel (en millions d’euros)

6,4

15,5

28,8

49

Source : évaluation préalable.

Néanmoins, il est précisé que ces gains ne tiennent pas compte des contribuables qui indiqueront à l’administration ne pas être en mesure de souscrire leur déclaration de revenus par voie électronique. Par ailleurs, le basculement dans un nouveau système se traduira nécessairement par un besoin d’accompagnement des contribuables, qui devrait s’atténuer au fil du temps, mais qui pourrait minorer les gains attendus en termes d’emplois.

III. L’EXTENSION DE L’OBLIGATION DE RECOURIR À UN MODE DE PAIEMENT DÉMATÉRIALISÉ POUR LES CONTRIBUABLES S’ACQUITTANT DE LEURS IMPÔTS DIRECTS

S’inscrivant dans la même logique de modernisation que la généralisation de la télédéclaration, le présent article étend largement le champ de l’obligation du paiement des impôts par des moyens dématérialisés, c’est-à-dire par prélèvement, mensuel ou à l’échéance, et par télérèglement. Il vient là encore substituer à une logique d’incitation et de promotion des moyens de paiement dématérialisés, une logique plus contraignante – sans pour autant procéder à une généralisation totale de la dématérialisation des paiements, puisque les paiements inférieurs à 300 euros ne se trouvent pas dans son champ.

Il convient de noter que cette réforme ne concerne pas le seul impôt sur le revenu, mais porte sur l’ensemble des impôts recouvrés par voie de rôle, ce qui inclut la taxe d’habitation, la taxe foncière et certains des redevables de l’ISF.

A. LE DROIT EN VIGUEUR : LE CHOIX LAISSÉ AU CONTRIBUABLE DANS LES MODALITÉS DE PAIEMENT DE SON IMPOSITION, À L’EXCEPTION DES PAIEMENTS SUPÉRIEURS À 30 000 EUROS ET DES PAIEMENTS EN ESPÈCES SUPÉRIEURS À 300 EUROS

● Les contribuables peuvent recourir à différents modes de paiement pour s’acquitter de leurs impôts, qu’ils choisissent librement, sauf indication contraire. Ces modes de paiement peuvent être répartis en deux catégories. La première regroupe les modes de paiement non dématérialisés, et comprend :

– le paiement en espèces ;

– le paiement par chèque ;

– le paiement par titre interbancaire de paiement (TIP) ;

– le paiement par virement sur le compte du Trésor ouvert dans les écritures de la Banque de France.

La deuxième catégorie correspond aux modes de paiement dématérialisés, qui recouvre :

– le paiement par prélèvement automatique mensuel ou à échéance ;

– le télérèglement, qui peut être utilisé via un téléphone intelligent (smartphone) ou une tablette, avec l’application « impots.gouv ».

● Pour les professionnels, l’obligation de recourir à des modes de paiement dématérialisés, et notamment de télérèglement, a progressivement été généralisée au cours des dernières années, de la même façon que pour les procédures de télédéclaration.

En revanche, le choix des modalités de paiement est resté la règle pour les particuliers, avec deux exceptions.

En premier lieu, aux termes de l’article 1680 du code général des impôts, les impositions de toutes natures ne peuvent être acquittées en espèces que dans la limite d’un plafond de 300 euros. Ce plafond a été significativement réduit par la loi de finances rectificative pour 2013 (46), qui l’a ramené de 3 000 à 300 euros. Cette mesure s’inscrivait dans le processus de modernisation des modes de paiement engagé par l’administration fiscale, qui devait permettre de réduire les charges de manipulation de billets et de pièces, tout en réduisant les risques d’agression, associés à la gestion de gros volumes d’espèces, dans les centres des finances publiques.

En second lieu, sur le fondement du 2 de l’article 1681 sexies du même code, les paiements supérieurs à 30 000 euros au titre de l’impôt sur le revenu, de la taxe d’habitation et de la contribution à l’audiovisuel public, de la taxe foncière ainsi que des impositions recouvrées selon les mêmes règles que ces impositions, ne peuvent être acquittés que par un moyen dématérialisé. Avant le 1er janvier 2011, ce seuil d’obligation de paiement dématérialisé était de 50 000 euros, et c’est la dernière loi de finances rectificative pour 2010 (47) qui l’a ramené au niveau actuel. En pratique, cette obligation de paiement par prélèvement ou télérèglement trouve pour l’essentiel à s’appliquer aux contribuables devant s’acquitter d’un impôt sur le revenu au moins égal à 90 000 euros (soit trois échéances de 30 000 euros) (48).

Selon les informations figurant dans l’évaluation préalable, cette obligation concerne environ 185 000 impositions, soit environ 0,2 % des impositions des particuliers. Son ampleur s’avère donc très limitée, du fait du niveau élevé du seuil fixé.

● En application du 1 de l’article 1738, le non-respect de l’obligation de payer un impôt par prélèvement ou par télérèglement entraîne l’application d’une majoration de 0,2 % du montant des sommes dont le versement a été effectué selon un autre mode de paiement ; le montant de la majoration ne peut être inférieur à 60 euros (49). Les sanctions applicables sont les mêmes que celles prévues en cas de non-respect de souscription d’une déclaration et de ses annexes par voie électronique, comme vu supra.

B. LA HAUSSE PROGRESSIVE DU TAUX DE RECOURS À DES MODES DE PAIEMENT DÉMATÉRIALISÉ

De même que le développement de la télédéclaration, l’augmentation du recours à des modes de paiement dématérialisés participe de la modernisation du fonctionnement de l’administration fiscale : elle lui permet de réaliser des gains de productivité et de réduire ses coûts de fonctionnement, en réduisant les tâches répétitives de traitement des chèques, des TIP et des virements, ainsi que de manipulation d’espèces, qui incombent aux agents.

La dématérialisation des moyens de paiement permet également d’améliorer l’efficacité du recouvrement de l’impôt : elle sécurise les recettes fiscales de l’État en assurant des rentrées financières dans les délais. Pour les contribuables, ces modes de paiement limitent ou suppriment les risques d’oubli d’échéance – et donc les majorations d’imposition afférentes, en cas de retard – et de pertes de chèques – les moyens de paiement non dématérialisés s’avérant de fait moins sécurisés.

L’administration fiscale a encouragé le recours par les contribuables au prélèvement mensuel et à l’échéance, ainsi qu’au télérèglement, en conduisant des actions de promotion et de sensibilisation, mais leur développement repose aujourd’hui sur le seul volontariat des contribuables – exception faite des dispositions relatives aux paiements supérieurs à 30 000 euros. Or, selon les données figurant dans les rapports d’activité de la DGFiP, le taux de dématérialisation du paiement des impôts ne progresse que lentement ; il a même enregistré une diminution au cours de l’année 2014. Il semble que cette évolution résulte de modifications dans les modalités de décompte des contribuables recourant aux modes de paiement dématérialisés. La Rapporteure générale n’a toutefois pas obtenu de réponses aux questions posées sur ce point.

ÉVOLUTION DU TAUX DE DÉMATÉRIALISATION DU PAIEMENT DES IMPÔTS DIRECTS

TOUS IMPÔTS

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Mensualisation

35,0 %

36,3 %

37,9 %

38,8 %

40,2 %

40,5 %

41,1 %

41,6 %

41,3 %

Prélèvement à l’échéance

8,4 %

9,0 %

9,7 %

10,1 %

10,4 %

10,5 %

10,8 %

10,8 %

8,5 %

Paiement sur internet

1,8 %

2,3 %

2,6 %

2,6 %

3,3 %

4,0 %

4,9 %

5,7 %

7,0 %

TOTAL

45,2 %

47,6 %

50,2 %

51,5 %

53,9 %

55,0 %

56,8 %

58,1 %

56,8 %

Source : rapports d’activité de la DGFiP.

IMPÔT SUR LE REVENU

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Mensualisation

61,2 %

60,9 %

65,5 %

65,4 %

72,8 %

70,6 %

70,8 %

69,9 %

65,9 %

Prélèvement à l’échéance

9,4 %

9,5 %

10,1 %

9,9 %

11,0 %

10,7 %

11,1 %

10,9 %

8,4 %

Paiement sur internet

2,3 %

2,7 %

2,8 %

2,6 %

3,3 %

3,5 %

4,6 %

5,8 %

5,8 %

TOTAL

72,9 %

73,1 %

78,4 %

77,9 %

87,1 %

84,9 %

86,5 %

86,6 %

80,1 %

Source : rapports d’activité de la DGFiP.

TAXE D’HABITATION

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Mensualisation

30,4 %

32,1 %

33,3 %

34,3 %

34,5 %

35,1 %

36,0 %

36,5 %

36,5 %

Prélèvement à l’échéance

7,4 %

8,0 %

8,6 %

9,0 %

9,1 %

9,3 %

9,6 %

9,5 %

7,2 %

Paiement sur internet

1,8 %

2,4 %

2,7 %

2,9 %

3,9 %

4,7 %

5,7 %

6,0 %

8,1 %

TOTAL

39,6 %

42,5 %

44,6 %

46,2 %

47,5 %

49,2 %

51,3 %

52 %

51,8 %

Source : rapports d’activité de la DGFiP.

TAXE FONCIÈRE

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Mensualisation

23,7 %

25,1 %

26,2 %

27,2 %

27,9 %

28,2 %

28,9 %

29,5 %

29,8 %

Prélèvement à l’échéance

8,7 %

9,7 %

10,5 %

11,3 %

11,4 %

11,6 %

11,9 %

12 %

9,7 %

Paiement sur internet

1,5 %

1,9 %

2,3 %

2,4 %

2,8 %

3,5 %

4,4 %

5,3 %

6,7 %

TOTAL

33,9 %

36,7 %

39,0 %

40,9 %

42,1 %

43,4 %

45,2 %

46,8 %

46,2 %

Source : rapports d’activité de la DGFiP.

ÉVOLUTION DU TAUX DE DÉMATÉRIALISATION DES PAIEMENTS
POUR LES DIFFÉRENTS IMPÔTS ENTRE 2006 ET 2014

Source : commission des finances, sur la base des données des rapports annuels de la DGFiP.

C. LES MODIFICATIONS PROPOSÉES : L’ABAISSEMENT DU SEUIL AU-DELÀ DUQUEL LE RECOURS À UN MODE DE PAIEMENT DÉMATÉRIALISÉ EST OBLIGATOIRE À L’HORIZON 2019

● Selon la même démarche que celle retenue pour la généralisation de la télédéclaration, le présent article propose un abaissement par étapes du seuil au-delà duquel le recours à un mode dématérialisé de paiement est obligatoire, par le biais d’une diminution du montant de 30 000 euros prévu par le 2 de l’article 1681 sexies, évoqué supra ( du II et , , et du III).

Ce seuil serait divisé par 100 en l’espace de quatre années : il serait ramené à 10 000 euros pour les paiements effectués à compter du 1er janvier 2016, à 2 000 euros pour ceux réalisés en 2017, à 1 000 euros pour ceux réalisés en 2018 et à 300 euros pour ceux intervenant en 2019.

Se trouvent dans le champ du 2 de l’article 1681 sexies les paiements visant à acquitter les impositions suivantes :

– l’impôt sur le revenu ;

– la taxe d’habitation, la contribution à l’audiovisuel public et la taxe foncière ;

– l’impôt de solidarité sur la fortune, pour les seuls redevables dont le patrimoine net taxable est inférieur à 2,57 millions d’euros ;

Si, compte tenu du seuil actuellement fixé à 30 000 euros, cette obligation de paiement dématérialisée restait quasi théorique pour les impositions autres que l’impôt sur le revenu, il n’en sera pas de même à l’horizon 2019, lorsque le seuil sera ramené à 300 euros.

● Le nombre de paiements supplémentaires se trouvant dans le champ de l’obligation de dématérialisation devrait connaître une forte augmentation entre 2015 et 2019, en passant de 185 000 aujourd’hui à 45 millions à l’horizon de 2019, comme le retrace le tableau suivant :

EXTENSION DE L’OBLIGATION DE RECOURS
À DES MOYENS DE PAIEMENT DÉMATÉRIALISÉS

(unités)

Année de paiement des impositions concernées

Montant à partir duquel le recours à un paiement dématérialisé est obligatoire (en euros)

Nombre de paiements supplémentaires soumis à l’obligation de dématérialisation (en millions)

(dont part non dématérialisée à ce jour)

Nombre cumulé de paiements supplémentaires soumis à l’obligation de dématérialisation (en millions)

2016

10 000

1,2 (21,7 %)

1,2

2017

2 000

8 à 9 (33 %)

10,2

2018

1 000

17 (35 %)

27,2

2019

300

18 (55 %)

45,2

Source : données de l’évaluation préalable de l’article.

Au regard des données fournies par l’évaluation préalable, il apparaît que la marge de progression la plus importante, en termes de dématérialisation, réside dans les paiements les moins élevés : la proportion des paiements dématérialisés diminue avec le montant des paiements à acquitter. Ainsi, sur les 1,2 million de paiements supplémentaires qui devraient être concernés par l’obligation de dématérialisation en 2016, seulement 260 000 ne sont pas encore dématérialisés, soit seulement 22 %. En revanche, sur les 17 millions de paiements compris entre 1 000 et 2 000 euros, qui se trouveront dans le champ de l’obligation de dématérialisation à compter de 20189, plus du tiers (soit 6 millions), ne le sont pas encore.

Ce constat est corroboré par le tableau ci-après, qui montre que les paiements non dématérialisés reçus par la DGFiP sont majoritairement concentrés dans la tranche inférieure à 2 000 euros – même si cette concentration est moindre en montant total d’imposition qu’en nombre de paiements.

NOMBRE DE PAIEMENTS DÉMATÉRIALISÉS,
SELON LES MONTANTS D’IMPOSITION À ACQUITTER

Paiements

En nombre

En montant
(en millions d’euros)

Paiements non dématérialisés supérieurs à 10 000 euros

268 614

4 898

Paiements non dématérialisés compris entre 2 000 et 10 000 euros

2 660 197

8 809

Paiements non dématérialisés compris entre 1 000 et 2 000 euros

6 186 091

8 352

Paiements non dématérialisés inférieurs à 1 000 euros

29 351 394

12 632

Total

38 466 296

34 691

Source : évaluation préalable de l’article.

Les contribuables conserveront le choix entre plusieurs modes de paiement : le prélèvement mensuel, le prélèvement à l’échéance ainsi que le télérèglement. Ils devraient être informés de leur obligation de dématérialisation du paiement par un message personnalisé, qui devrait figurer sur la première page de leurs avis d’imposition.

● De même que pour la généralisation de la télédéclaration, le présent article prévoit un dispositif de sanction spécifique en cas de manquement à l’obligation de paiement par voie dématérialisée prévue par le 2 de l’article 1681 sexies. De fait, les dispositions actuelles du 1 de l’article 1738 en cas de manquement aux obligations de payer un impôt selon certaines modalités s’appliquent en pratique aux professionnels et à des contribuables très aisés, s’acquittant d’impositions supérieures à 30 000 euros : le montant plancher de l’amende de 60 euros s’avère trop élevé dans la perspective d’une extension de l’obligation à la grande majorité des particuliers.

Le b du du II conserve le principe d’une sanction proportionnelle au montant de l’imposition à acquitter, par l’application d’une majoration de 0,2 % des sommes dont le versement a été effectué selon un autre mode de paiement, mais fixe le montant minimal de cette majoration à 15 euros, au lieu de 60 euros. En pratique, la majoration proportionnelle de 0,2 % ne dépassera ce montant plancher de 15 euros qu’à compter d’une imposition due de 7 500 euros.

● Une disposition de coordination est prévue pour le paiement de l’ISF, qui se trouve pour partie dans le champ de l’obligation de dématérialisation du paiement. Le e du du II dispose que, par exception à l’obligation de paiement par prélèvement ou par télérèglement prévue au premier alinéa du 2 de l’article 1681 sexies, l’ISF peut être acquitté par dation dans les conditions prévues par l’article 1716 bis.

En effet, de même que les droits de mutation à titre gratuit et le droit de partage (50), l’ISF peut être acquitté par la remise d’œuvres d’art, de livres, d’objets de collection, de documents, de haute valeur artistique ou historique, mais aussi d’immeubles ou de forêts, et ce par dérogation au principe général selon lequel une dette fiscale doit être normalement réglée en numéraire (51). Le dispositif de dation en paiement prévu par l’article 1716 bis ne concerne dans les faits qu’un nombre limité de dossiers chaque année, qui sont soumis à une procédure relativement lourde : ils doivent d’abord être instruits par la DGFiP, puis transmis à la commission interministérielle d’agrément pour la conservation du patrimoine artistique national, laquelle délivre un avis sur la base duquel le ministre du budget décide de l’agrément. Par ailleurs, cette procédure n’est applicable que lorsque le montant des droits que le contribuable propose d’acquitter par dation est supérieur à 10 000 euros.

Le présent article vise à conserver la possibilité de recourir au paiement de l’ISF par dation, par exception à l’obligation de dématérialisation des modes de paiement prévue par le 2 de l’article 1681 sexies. Cette obligation ne trouve pas à s’appliquer actuellement : seul le paiement de l’ISF au titre des patrimoines inférieurs à 2,57 millions d’euros se trouve dans son champ, mais par construction, l’imposition afférente ne peut excéder 11 390 euros (52), soit un montant inférieur au seuil actuel de 30 000 euros. En revanche, lorsque ce seuil sera ramené à 10 000 euros, puis 2 000, 1 000 et enfin 300 euros, les versements au titre de l’ISF pourront être soumis à l’obligation de dématérialisation. Il convient d’observer que l’impact de la coordination proposée s’avère limité en pratique, puisque celle-ci ne concerne que des dations portant sur des impositions dont le montant serait compris entre 10 000 euros (soit le montant minimum requis) et 11 390 euros.

D. L’IMPACT DE LA RÉFORME

Comme rappelé supra, la forte extension du champ de l’obligation de dématérialisation des paiements proposée par le présent article a vocation à participer à la modernisation de l’administration fiscale et à lui permettre de réaliser des gains en termes de coûts de gestion.

L’évaluation préalable précise que, compte tenu du seuil fixé à 300 euros, et en se fondant sur l’hypothèse selon laquelle 95 % des contribuables se conformeraient à leurs obligations, le taux de paiement dématérialisé devrait être de l’ordre de 74 % à l’horizon de 2019, soit une progression de près de 21 points par rapport au taux actuel, estimé à 53 %.

L’augmentation de ce taux resterait limitée en 2016, en s’élevant à 0,4 point, mais serait nettement plus significative en 2018 (6 points supplémentaires entre 2017 et 2018) et en 2019 (11 points supplémentaires entre 2018 et 2019).

Il convient toutefois de noter que le taux de paiement dématérialisé de 53 % mentionné par l’évaluation préalable diffère de celui figurant dans le rapport d’activité de la DGFiP, égal à 56,8 % pour l’année 2014 et évoqué supra. Là encore, il semble que cette discordance résulte d’évolutions des modalités de comptabilisation des contribuables recourant aux modes de paiement dématérialisés, mais les questions de la Rapporteure générale sur ce point sont restées sans réponse.

Le gain par point supplémentaire de dématérialisation est évalué à 27 emplois équivalents temps plein (ETP), tandis que le coût moyen d’un ETP, comme vu supra, est estimé à 50 000 euros par an. Sur la base de ces données, l’évaluation préalable chiffre le gain attendu de la réforme en 2019 à 19,5 millions d’euros. Cette estimation est inférieure au seul multiple du gain par point de dématérialisation par le nombre de points (53), pour tenir compte de la variété des tâches d’une même personne dans les centres des finances publiques.

NOMBRE DE PAIEMENTS DÉMATÉRIALISÉS,
SELON LES MONTANTS D’IMPOSITION À ACQUITTER

Année au cours de laquelle les paiements sont effectués

2016

2017

2018

2019

Pourcentage total de paiement dématérialisé (en %)

53,4

57

63

74

Gain en termes de taux de paiement dématérialisé

0,4

3,6

9,6

20,6

Gain cumulé en nombre d’ETP

NS

55

182

390

Valorisation du gain cumulé en dépenses de personnel (en millions d’euros)

NS

2,7

9,1

19,5

Source : évaluation préalable de l’article.

Cette réforme doit également avoir un impact positif sur la trésorerie de l’État, en termes de sécurisation des recettes : l’automatisation des encaissements qui caractérise le prélèvement permet une alimentation régulière, rapide et sûre de la trésorerie de l’État. Ensuite, elle donne davantage de visibilité à l’administration fiscale : la formule du prélèvement permet de connaître avec plusieurs jours d’avance les montants qui seront encaissés à partir des fichiers remis à la Banque de France.

IV. LA SIMPLIFICATION DE LA PROCÉDURE D’HOMOLOGATION DES RÔLES

Dernier volet, d’ampleur bien moindre, de la réforme proposée, le présent article simplifie la procédure d’homologation des rôles.

A. L’ÉTAT DU DROIT

● Les rôles sont les titres exécutoires en vertu desquels les comptables publics effectuent le recouvrement des impôts directs et des taxes assimilées, à savoir l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux, la taxe d’habitation, la taxe foncière, l’ISF pour les patrimoines inférieurs à 2,57 millions d’euros et la contribution foncière des entreprises. Ces rôles correspondent en pratique à des listes de contribuables redevables de l’impôt, établies par l’administration fiscale, qui comportent pour chaque contribuable son identification, la nature de l’impôt, les bases et les taux d’imposition, ainsi que le montant à payer.

En application du premier alinéa de l’article 1658 du code général des impôts, les rôles sont rendus exécutoires par arrêté du préfet – lequel peut déléguer ses pouvoirs (54). Cet arrêté particulier est traditionnellement dénommé « formule d’homologation », et il est porté sur un document récapitulant les éléments constitutifs du rôle, appelé « feuille de tête de rôle ». L’homologation, qui correspond à la préparation et la signature de ces arrêtés, constitue le fondement juridique de l’action en recouvrement menée par la DGFiP pour les impositions énumérées supra.

● En pratique, un arrêté rend exécutoire l’ensemble des articles de rôle appartenant à un même impôt, une même émission (55), une même commune et un même comptable chargé du recouvrement. Concrètement, chaque année, plusieurs dizaines de milliers de feuilles de tête de rôle portant les formules d’homologation sont imprimées sur papier dans les centres informatiques de la DGFiP, distribuées aux directions territoriales des finances publiques, chacune pour ce qui la concerne, puis signées manuellement dans chaque direction. Pour un département donné, plusieurs centaines de formules d’homologation peuvent être ainsi signées chaque année, par délégation du préfet, par un cadre de la direction territoriale des finances publiques.

Cette organisation mise en place par la loi du 3 frimaire an VIII (24 novembre 1799) a peu évolué et semble aujourd’hui désuète et relativement lourde, en termes de gestion administrative.

B. LES MODIFICATIONS PROPOSÉES

Le du II du présent article modernise cette procédure, afin de permettre la signature des arrêtés d’homologation par le directeur général des finances publiques, et non plus par le seul préfet. Cette disposition permet ainsi de simplifier le processus d’homologation des rôles, en le centralisant et en regroupant sous un même arrêté un plus grand nombre d’articles.

Une partie de cette réorganisation est déjà menée par la DGFiP dans le cadre des textes existants, par le regroupement des rôles pour un même impôt, une même émission et un même département. Toutefois, la rédaction actuelle de l’article 1658 du code général des impôts en limite la portée, en contraignant la DGFiP à maintenir le cadre départemental.

La présente mesure permet de remplacer le système actuel d’homologation départementale, impliquant chaque année l’impression, la distribution puis la signature manuelle de plusieurs milliers voire dizaines de milliers d’arrêtés dans les services territoriaux de la DGFiP, par un système centralisé dans lequel l’impôt est rendu exigible par la signature de quelques dizaines d’arrêtés globaux en administration centrale. L’évaluation préalable indique que les gains de productivité liés à cette mesure sont réels, mais diffus et donc non mesurables, dans l’ensemble des ressources consacrées à la gestion de l’impôt.

*

* *

La commission examine l’amendement II-CF 154 du président Gilles Carrez.

M. le président Gilles Carrez. Cet amendement vise à supprimer le premier alinéa de l’article 34, même si ledit alinéa, se bornant à prévoir la remise d’un rapport en vue de la mise en œuvre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu en 2018, peut paraître anodin.

Si j’étais encore favorable au prélèvement à la source il y a sept ou huit ans, cette réforme me paraît aujourd’hui inutile. En effet, la dématérialisation, la mensualisation et tout un ensemble de progrès techniques permettent maintenant à cet impôt de mieux correspondre à l’évolution des revenus annuels. En raison du décalage d’un an, les contribuables pouvaient se trouver en difficulté quand leur revenu baissait d’une année sur l’autre, mais, petit à petit, le problème se résorbe, d’autant que les services fiscaux, qui ont bien évolué de ce point de vue, leur accordent des délais. D’un point de vue technique, la réforme proposée ne présente donc plus d’intérêt. D’ailleurs, au sein même de l’administration fiscale, la perspective de l’instauration d’un prélèvement à la source, qui suscitait un vif enthousiasme il y a quelques années, inspire plutôt une certaine réserve.

Je m’en tiens, chers collègues, à des arguments strictement techniques, sans évoquer d’autres intentions du Gouvernement, qui pourrait, par ce biais, vouloir mener des réformes plus substantielles – même si l’exposé sommaire de l’amendement en fait état.

Par ailleurs, le prélèvement à la source ne simplifiera pas forcément les choses. Certes, il peut être envisagé pour les salaires, et peuvent sans doute être résolus les problèmes de la familialisation, de la mise en œuvre d’un taux moyen d’imposition et de la charge incombant à l’employeur ou à la banque – mais comment celle-ci pourrait-elle mettre en œuvre cette retenue à la source ?–. Il n’en demeure pas moins qu’une partie des revenus - notamment financiers et fonciers - nécessiteront une déclaration complète. S’imposeront donc des processus de régularisation qui, en eux-mêmes, sont tellement lourds que cela reviendra à faire une déclaration annuelle.

Ces arguments exclusivement techniques justifient la suppression du premier alinéa.

Mme Valérie Rabault, Rapporteure générale. Je suis défavorable à votre amendement, monsieur le président. Je ne rouvrirai pas les débats qui peuvent animer notre commission, à propos d’un éventuel rapprochement de divers taxes ou impôts. Je rappellerai en revanche que 30 % des contribuables voient leurs revenus diminuer d’une année sur l’autre. Dans un tiers des cas, la baisse est elle-même supérieure à 30 %. Ce n’est quand même pas négligeable : en année N, les revenus de 10 % des contribuables français baissent de 30 % par rapport à l’année N – 1. Il faut en tenir compte.

M. le président Gilles Carrez. De quels revenus s’agit-il ?

Mme la Rapporteure générale. J’entends votre demande, il faudrait déterminer dans quelle mesure les revenus salariaux sont en cause. Je parle en l’occurrence de l’ensemble des revenus, mais les montants en question sont tout de même significatifs. C’est pourquoi je suis défavorable à cet amendement.

M. Pierre-Alain Muet. Le prélèvement à la source est évoqué depuis cinquante ans. Son instauration fut tout d’abord proposée en 1967, par le secrétaire d’État au budget, Jacques Chirac, mais l’idée fut ensuite reprise par bien d’autres gouvernements – d’ailleurs, plutôt des gouvernements de la même sensibilité que vous, monsieur le président.

Aujourd’hui, nous avons vraiment une occasion à saisir. Le prélèvement à la source permettrait un ajustement en temps réel de l’impôt à l’assiette réelle. Ce n’était pas le cas auparavant : les projets précédemment envisagés reposaient sur l’application du taux moyen d’imposition de l’année précédente, un taux connu, donc, avec un an et demi de retard. Or les simulations faites par le Conseil des prélèvements obligatoires ou encore mes propres calculs, repris dans un livre que j’ai publié avec Jean-Marc Ayrault, montrent que cela présente beaucoup de défauts, notamment dans le cas d’un contribuable qui devient non imposable. De même, dans le système actuel, si un salarié perd son emploi et se retrouve au chômage, son imposition ne s’annule qu’un an et demi plus tard – et il peut avoir, alors, retrouvé un emploi.

Avec la déclaration sociale nominative (DSN), dans un an, l’administration fiscale connaîtra exactement les revenus des foyers, et il sera possible d’appliquer un prélèvement à la source qui tienne compte de la situation du foyer et respecte parfaitement la confidentialité des informations, notamment vis-à-vis de l’employeur. L’entreprise pourra, par exemple, télécharger la réduction à appliquer au taux de prélèvement qui serait celui de son salarié s’il était célibataire. Comme il s’agit d’une réduction, cela respecte complètement le principe de confidentialité sur la situation personnelle du salarié, et cela sera parfaitement ajusté à son revenu.

Saisissons cette opportunité ! Ce n’est pas un hasard si la France est le seul pays de l’Union européenne à ne pas être passé au prélèvement à la source. Il est vrai que ce ne sont plus tant des raisons d’efficacité du recouvrement de l’impôt ou la recherche de gains de productivité qui justifient cette réforme, quand bien même ces considérations ont présidé à sa mise en œuvre dans de nombreux pays. Ce sont des raisons essentiellement citoyennes : nous avons la possibilité d’ajuster instantanément, à un ou deux mois près, l’imposition d’un contribuable à sa situation ! La logique du débat politique fait que la droite, après avoir proposé trois fois au cours de l’Histoire le prélèvement à la source, nous dit aujourd’hui que cette réforme n’est pas opportune, mais cet argument ne tient pas techniquement.

M. Dominique Lefebvre. Si le président Giscard d’Estaing avait suivi le ministre des finances de 1973, nous n’en serions effectivement pas là. Il n’en est pas moins intéressant, de relire les débats parlementaires de l’automne 1973, sur ce sujet comme sur d’autres. Le contexte budgétaire était différent, marqué par de massives créations d’emplois dans la fonction publique et une augmentation des dépenses publiques de plus de 5 % par an.

Le groupe de travail sur la fiscalité des ménages avait indiqué qu’on pouvait instaurer le prélèvement à la source ou ne pas le faire. Les deux voies étaient possibles, cela relevait d’un choix politique.

Ne nous le cachons pas : sa mise en œuvre sera difficile. Le Gouvernement considère d’ailleurs qu’il faudra un peu de temps pour y parvenir. Ce n’en est pas moins une réforme systémique qui en entraînera d’autres au fil du temps. Elle conduira ainsi à réformer un impôt sur le revenu parfois baroque, comme l’a montré l’actualité la plus récente. Il est donc préférable que nous disposions d’un rapport complet du Gouvernement. Ne nous contentons pas de l’exposé des motifs du dispositif et de l’étude d’impact présentée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016 – il est toujours dangereux de prendre des mesures fiscales sans étude d’impact.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous l’avons rappelé !

M. Dominique Lefebvre. Oui, Madame Dalloz, mais je vous invite à relire non seulement les débats relatifs au projet de loi de finances pour 1974 mais aussi ceux relatifs au projet de loi de finances pour 2009 et à cette fameuse demi-part. Certains doivent s’en souvenir – vous-même, monsieur le président, alors rapporteur général, fûtes un acteur de cet épisode. La mesure proposée par notre collègue Charles de Courson, par voie d’amendement défendu dans l’hémicycle par Nicolas Perruchot, a quand même été adoptée sans la moindre étude d’impact, sans la moindre précision quant aux conséquences qu’elle aurait un, deux, trois ou cinq ans après – puisque son application a été étalée dans le temps. Bref, il vaut toujours mieux disposer d’une évaluation préalable.

Quant au fond, ceux qui prétendent impossible de prélever l’impôt à la source devraient normalement nous proposer une mensualisation obligatoire. De même devraient-ils voter avec nous les alinéas suivants, qui visent à rendre obligatoire et à généraliser la déclaration en ligne des revenus.

Quant à l’articulation entre le montant de l’impôt payé et le revenu, ce qui gêne le plus nos concitoyens, nous l’avions vu dans le cadre du groupe de travail, c’est de devoir payer en année N + 1 un impôt avec des revenus qu’ils n’ont plus
– c’est souvent le cas de personnes qui se sont trouvées confrontées à des difficultés. Mais, pour au moins 70 % de nos concitoyens, le prélèvement à la source ne changera pas grand-chose, parce que leurs revenus sont stables d’une année sur l’autre et qu’ils profitent peu des crédits ou réductions d’impôts. Le prélèvement à la source profitera surtout aux contribuables en situation précaire. Mois après mois, l’impôt payé s’ajustera au montant de leur revenu effectif, ce que ne permet pas la mensualisation, même si elle offre une certaine souplesse.

D’un point de vue économique, le prélèvement à la source permettra en outre une plus forte orientation des revenus des Français vers la consommation et l’investissement plutôt que vers une épargne de précaution. Toutes les études le montrent.

Ce ne sera pas simple à mettre en œuvre. Nous devrons choisir un tiers payeur – question qui mérite un débat – et concevoir un système qui ne complique pas la vie des entreprises, mais tous les pays de l’OCDE ont réussi à le faire. D’ailleurs, tous ceux de nos concitoyens qui sont travailleurs frontaliers ou ont travaillé à l’étranger estiment que le prélèvement à la source est un bien meilleur système.

Une dernière objection au prélèvement à la source se fonde sur la complexité de l’impôt sur le revenu, qui imposerait toujours de faire de nouveaux calculs a posteriori. Il faudra effectivement déterminer comment traiter les crédits et réductions d’impôt, c’est tout sauf simple. Je prends donc le pari suivant : une fois faite cette réforme systémique fondamentale, nous serons amenés à faire évoluer le système au fil du temps pour le simplifier, le clarifier et le rendre plus performant.

Le groupe socialiste s’opposera donc à votre amendement, monsieur le président.

Mme Véronique Louwagie. Cet article 34 comporte en fait deux volets.

En ce qui concerne les mécanismes de déclaration et de paiement de l’impôt, il s’agit de généraliser le principe de la déclaration en ligne, c’est probablement ce que vise le terme de « modernisation » de l’exposé des motifs, et je crois que nous ne pouvons que nous en réjouir ; de même, le seuil au-delà duquel le paiement dématérialisé est obligatoire sera abaissé.

En revanche, l’alinéa relatif au prélèvement à la source mérite une attention particulière. L’exposé des motifs révèle bien, d’ailleurs, l’inquiétude que vous inspire le dispositif. Il souligne que  « le prélèvement à la source de l’IR ne remettra pas en cause les principes fondateurs de notre système fiscal », que sont notamment « la progressivité de l’impôt sur le revenu, sa conjugalisation et sa familialisation ». Si, effectivement, l’établissement de l’impôt sur le revenu, son barème, les dispositifs prévus par le code général des impôts reposent aujourd’hui sur ces principes, ils ne permettent pas, en revanche, l’application du prélèvement à la source. En fait, vous prenez les choses à l’envers en ne proposant pas d’abord une grande réforme de l’impôt sur le revenu.

La confidentialité pose également problème. La DSN permettra de connaître les seuls revenus salariaux d’une personne, et non d’un foyer fiscal – contrairement à ce qui a été dit. Elle n’apporte donc aucun élément technique nouveau de nature à permettre le prélèvement à la source.

Vous faites vraiment tout à l’envers en instaurant un dispositif sans avoir procédé à la réforme fiscale qui le rendrait possible. Nous allons à la catastrophe mais cela ne ferait qu’un couac de plus – ces temps-ci, nous y sommes habitués. Il est urgent d’attendre. Adoptons l’amendement du président Carrez.

M. Olivier Carré. Nous l’avons vu avec la récente affaire des impôts locaux des retraités, la majorité a trouvé pour argument de dire que tout était la faute des décisions prises en 2008. Le problème est qu’au fil du temps d’autres réformes se sont greffées à ces dispositions, si bien que l’administration fiscale a été incapable de mesurer l’impact global de l’ensemble des décisions prises. Les mécanismes se sont superposés les uns aux autres, et l’essentiel des difficultés résulte de leur incidence sur le niveau du revenu fiscal de référence (RFR). Le flou règne à propos de ces incidents fiscaux qui surviennent à la suite de décisions prises par la majorité actuelle, qu’elle essaie tant bien que mal de réparer.

Voilà qui augure mal de la possibilité de mesurer précisément l’impact du prélèvement à la source. La question fait l’objet de débats, y compris dans notre propre camp – nous ne sommes pas tous d’accord. Selon moi, c’était une très bonne idée il y a quelques années, mais la dématérialisation de la déclaration des revenus, l’usage que de nombreux ménages font d’internet et de divers outils – de plus en plus remarquables – mis à leur disposition sont autant de signes d’un long processus qui place notre administration fiscale au premier rang dans ces domaines. Certes, nous avons manqué, naguère, cette marche du prélèvement à la source, mais c’est, aujourd’hui, largement compensé.

Le système actuel permet de globaliser l’ensemble des revenus et, surtout, de laisser les revenus imposables dans la poche du contribuable. On nous parle des effets de la réforme proposée sur l’épargne. Je perçois bien cet effet psychologique : le revenu versé est net, le consommateur se sent donc libre de dépenser. Soit, mais son pouvoir d’achat s’en trouve clairement amputé !

Quant à cette fameuse année blanche, sera-t-elle blanche pour tous les revenus ? Il conviendra d’examiner attentivement les conditions d’exonération des revenus de l’année choisie – 2017, semble-t-il. Des rapports devront nous offrir quelques éclaircissements. Dans cette affaire, on retire de l’argent de la poche des contribuables, contrairement à ce qui a été dit, puisqu’ils perdent cette année d’avance. Certes, l’État a une créance sur les contribuables, mais, en termes de trésorerie, l’argent est dans la poche du contribuable, c’est ainsi, même avec la mensualisation puisque le contribuable est mensualisé en année N + 1.

M. le président Gilles Carrez. Ce que vous dites est particulièrement vrai en cas de progression des revenus.

M. Olivier Carré. Oui, et cela a été très bien démontré. Les éléments que j’avance, relatifs à la précarité ou à l’évolution des revenus, sont avérés.

Nous mettons donc le doigt dans un engrenage devant conduire à une réforme de l’ensemble des prélèvements. C’est évidemment la CSG qui est visée et que vous évoquez dans l’exposé des motifs de votre amendement, monsieur le président. Or, je n’ai rien entendu à ce propos.

M. le président Gilles Carrez. J’ai souhaité m’en tenir à des arguments techniques, comme vous le faites vous-même jusqu’à présent.

M. Olivier Carré. En l’occurrence, ce n’est pas vous que je visais, ce sont ceux qui commettent un certain nombre de rapports, d’éditoriaux… ou d’amendements sur le sujet ! Quelles sont leurs arrière-pensées ? Quel est l’impact véritable de ce qui nous est proposé, pas seulement pour les salariés mais pour tous les contribuables ?

M. Éric Woerth. Une fois n’est pas coutume, je suis d’un avis contraire à celui des collègues de mon groupe. Le prélèvement à la source est une bonne réforme. Essayons donc de la mettre en place. La question n’est pas politique ou idéologique, il s’agit de moderniser notre impôt. Prélever l’impôt au plus près des revenus est probablement la meilleure des choses. Le faire avec un an de retard, dans un monde de plus en plus incertain, crée une forme de dette du contribuable, en fin d’année, une créance sur ses revenus, égale au montant de l’impôt qu’il aura à payer sur des revenus qu’il a déjà perçus. Sur le plan intellectuel, il est bien préférable d’éviter cela, si c’est possible.

Cela étant, le prélèvement à la source comporte beaucoup d’inconvénients – je souscris, sur ce point, aux propos de mes collègues. Il ne faudrait pas – tout le monde en convient – que les entreprises deviennent, outre mesure, des collecteurs d’impôts, mais il y a peut-être d’autres manières de faire. La conjugalisation pose aussi des difficultés, évidemment.

Et puis, il faut absolument éclaircir un point : il ne saurait être question de profiter de l’occasion pour tenter de fusionner la CSG et l’impôt sur le revenu. Ce serait un complet changement de paradigme, auquel, comme mes collègues, je suis totalement opposé. Il ne peut pas y avoir de fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu, à moins que l’on ne renonce à la progressivité de l’impôt sur le revenu –c’est une autre manière de voir les choses. S’il s’agit de faire basculer les 80 ou 90 milliards d’euros de la CSG vers l’impôt sur le revenu pour en faire un énorme impôt progressif, nous y sommes évidemment radicalement opposés.

S’il n’est question que de prélever l’impôt à la source, au moment où les revenus se forment, le principe – même si c’est une vieille idée – me semble plutôt de nature à moderniser notre système fiscal.

Mme Marie-Christine Dalloz. La conclusion d’Éric Woerth me convient : c’est une vieille idée !

La question est importante, parce qu’elle affecte les contribuables. Nous avons vu ce qui s’est passé pour 250 000 personnes, simplement parce que le Gouvernement et les services fiscaux n’ont pas été vigilants. Quel raz-de-marée ! Depuis trois ans, le consentement à l’impôt ne cesse de régresser, c’est une réalité. Dès lors, toute modification des paramètres de l’impôt a des conséquences. Le sujet est trop sérieux pour être traité ainsi, au hasard des discussions de la commission des finances.

Pour ma part, je crois très sincèrement que vous voulez imposer la CSG progressive sans le dire. Une fois instauré le prélèvement à la source, vous allez pouvoir changer les paramètres de la CSG. Votre objectif final, c’est bien une CSG progressive. Encore faudrait-il que vous osiez l’assumer et le revendiquer !

Quant aux variations de revenus, chers collègues, je vous ai écoutés, regardez les gens dans la vraie vie ! Dans le cadre d’un prélèvement à la source, toute variation, à la hausse comme à la baisse, aura des conséquences, mais que faites-vous des revenus locatifs, des revenus fonciers ? Et qu’en est-il, par exemple, des réductions d’impôt auquel un jeune couple faisant garder ses enfants peut prétendre ? Comment veillez-vous à ce que l’employeur prenne cela en compte ? Doit-il tout savoir de la composition et des revenus du ménage ? Voilà qui pose le problème du tiers payeur, que vous n’avez toujours pas réglé. Allez donc demander aux banques de s’occuper de la collecte ! Ce n’est pas sérieux. Vouloir prendre une telle décision, dans le cadre de ce projet de loi de finances, pour imposer son application en 2018, c’est se moquer de nous. Quant aux effets de la suppression de la demi-part des veuves, que vous imputez à la seule décision prise en 2008, vous en êtes responsables au moins à 95 % ! (Vives exclamations.)

Nous pouvons, en revanche, prendre une mesure extrêmement simple : la généralisation de la mensualisation. Cette mesure de bon sens, sans modifier les paramètres de l’impôt, permettrait une régularité des rentrées fiscales.

M. le président Gilles Carrez. Un mot sur la demi-part. Pourquoi avons-nous, en 2008-2009, procédé à sa suppression ? Si nous avions gagné les élections en 2012, ce qui vient de se produire ne se serait pas produit. (Sourires et exclamations.)

En 2008, cette demi-part que l’on avait, à plusieurs reprises, essayé de réformer au cours de la décennie précédente était attribuée à toute personne seule dont les enfants constituaient leur propre foyer fiscal. Autrement dit, si un couple marié ayant élevé des enfants divorçait, des années après que les enfants avaient quitté le foyer familial pour vivre leur propre vie, chacun des conjoints continuait de bénéficier d’une demi-part. Je me souviens avoir défendu la suppression de la demi-part en expliquant que Mme Dupont divorcée de M. Dupont devenue follement amoureuse de M. Durand, divorcé de Mme Durand, ne pouvait pas épouser M. Durand, sans quoi ils risquaient de perdre chacun le bénéfice d’une demi-part. Or cette demi-part dite « vieux parents » coûtait 1,6 milliard d’euros, et le gouvernement de l’époque souhaitait la supprimer purement et simplement.

Un examen plus attentif révélait cependant trois problèmes, qu’il fallait résoudre.

Tout d’abord, il y avait des personnes seules qui avaient élevé seules leurs enfants, et qui, au regard des sacrifices que cela représentait, méritaient de conserver cet avantage fiscal. Avec Charles de Courson, qui avait relevé ce problème, nous avions donc rédigé un amendement permettant de laisser le bénéfice de cette demi-part à toute personne seule qui avait élevé seule un enfant pendant au moins cinq ans. Cela nous avait valu quelques sarcasmes, notamment sur les modalités de vérification de cette condition de cinq années. Nous avions cependant obtenu gain de cause.

Ensuite, selon le projet du gouvernement de l’époque, la suppression devait être étalée sur une période de trois ans. Nous avons porté ce délai à cinq ans, non pour produire le bug fiscal que vous connaissez aujourd’hui, mais parce que l’avantage maximal que procurait cette demi-part, en termes d’impôt sur le revenu, représentait tout de même un montant de 900 euros. Nous avons donc prévu une diminution progressive de ce plafond pour arriver à 120 euros en dernière année, en 2013, donc.

Restait encore le problème des veufs et des veuves, et des personnes seules dont les ressources étaient très faibles. Il était impossible de traiter la question des veufs et des veuves à part : le Conseil constitutionnel avait censuré la première tentative de réforme de la demi-part, en 1996, au motif qu’elle était réformée pour les personnes célibataires et divorcées, et non pour les veufs et les veuves, ce qu’il qualifiait de rupture d’égalité devant l’impôt. De ce point de vue, nous connaissions la jurisprudence, explicite. Ne demeurait plus que la question des personnes seules ayant de petits revenus.

Dès cette époque, nous avions mis en garde sur la dernière année d’application de la mesure parce que, même si le plafond de l’avantage maximal retiré pour l’impôt sur le revenu n’était plus qu’à 120 euros, le revenu fiscal de référence pris en compte pour l’octroi des exonérations de taxe d’habitation et de taxe sur le foncier bâti se trouvait quant à lui majoré de 2 850 euros, du fait de cette demi-part. La solution pouvait consister soit à réduire en biseau la majoration du revenu fiscal de référence, soit à conserver une demi-part à dix euros, par exemple. Tout cela a déjà été dit au cours des débats.

C’est Christian Eckert qui, à l’époque, s’était opposé le plus violemment à cette réforme. Pourtant, en 2012 elle a été maintenue et même consolidée. Lorsque le Gouvernement a fiscalisé la majoration de 10 % des pensions des retraités ayant eu au moins trois enfants, Charles de Courson avait appelé l’attention sur le cas de veuves et veufs de la fonction publique. Pour eux, en effet, avec le régime de retraite IRCANTEC, il peut arriver que la majoration représente en réalité 30 % du revenu. Nous l’avions mis en garde ici même sur le fait que la suppression de la demi-part allait aggraver les choses et qu’il faudrait une coordination avec le critère de RFR applicable pour certaines exonérations. Mais rien n’a été fait. J’en tire une fois de plus la conclusion que si le Gouvernement écoutait un peu plus les membres de la commission des finances, tant l’opposition que la majorité, nous n’en serions pas là aujourd’hui.

M. Dominique Lefebvre. Comme je n’étais pas député lorsque la mesure a été votée, j’ai lu le compte rendu des débats de l’époque. Je confirme qu’elle a été prise au nom de la défense des valeurs du mariage. Il s’agissait d’un amendement de Charles de Courson qui a été défendu dans l’hémicycle par Nicolas Perruchot, Christine Lagarde étant sur les bancs du Gouvernement et non Éric Woerth. Cette mesure fiscale qui a été prise par voie d’amendement n’a donc pas fait l’objet d’une étude d’impact préalable. La majorité de l’époque a une responsabilité en la matière.

Lorsqu’on relit les débats, on voit quelle est la complexité du problème ainsi que l’injustice et l’incohérence de la demi-part telle qu’elle existait auparavant. Marie-Christine Dalloz nous demande pourquoi nous ne l’avons pas rétablie. Si nous ne l’avons pas fait, ce n’est pas uniquement pour des raisons budgétaires, indépendamment du fait que, comme je l’ai dit dans la presse, nous n’avions aucune raison d’accorder à Mme Bettencourt une demi-part supplémentaire, mais parce que les bénéficiaires étaient plutôt dans les déciles supérieurs. Comme j’ai pu le constater en travaillant sur la fiscalité des ménages, il existe ainsi toute une série de mesures incohérentes qui, lorsqu’elles sont supprimées, pénalisent surtout les ménages les plus modestes, ceux qui sont au niveau de l’entrée dans l’imposition.

Monsieur Woerth, contrairement à ce que vous avez dit sur TF1 avant-hier, vous saviez très bien que cette mesure aurait un impact sur la fiscalité locale. J’en veux pour preuve que, dans une réponse écrite du mois d’août 2010, le ministère des finances indiquait savoir que cette disposition aurait un impact sur la fiscale locale après 2012 à raison du revenu fiscal de référence.

Pourquoi n’avez-vous pas pris de mesure en faveur des retraités modestes qui bénéficiaient de cet avantage ? C’est nous qui avons dit que la suppression de la demi-part conduirait à faire entrer certains retraités dans l’impôt sur le revenu, en 2014 et 2015. Aujourd’hui, il ne s’agit pas, bien sûr, de rétablir de façon générale une demi-part qui, à bien des égards était incohérente. Et il importe de respecter le principe d’égalité devant l’impôt. En tout état de cause, nous aurons l’occasion d’y revenir puisque le Gouvernement présentera un amendement en séance publique. Je rappelle que l’article 28 de la première loi de finances rectificative pour 2014 prévoyait que les contribuables ayant bénéficié en 2013 d’une exonération de taxe d’habitation en bénéficiaient également en 2014. Mais la même disposition n’a pas été prise pour la taxe foncière, parce que, pour des raisons qui m’échappent, la direction générale des finances publiques prend, pour le calcul de la taxe foncière dont sont redevables les contribuables, le RFR de l’année N – 2, alors que les articles 1391 et 1417 du code général des impôts parlent bien des revenus de l’année précédant l’année de l’imposition.

Le vrai problème, c’est « l’effet couperet » du revenu fiscal de référence : lorsqu’il est inférieur de quelques euros au seuil de RFR fixé, le contribuable est exonéré, mais dès lors qu’il excède ce seuil de quelques euros, le contribuable s’acquitte de la totalité de l’impôt. L’entrée dans l’impôt est brutale.

M. Éric Alauzet. Le prélèvement à la source n’est bien évidemment pas la réforme du siècle et il n’a aucun rapport avec d’autres réformes fiscales plus structurelles, plus profondes que chacun appelle de ses vœux.

L’intérêt principal de cette mesure est de renforcer l’acceptabilité et le consentement à l’impôt de nos concitoyens dans une période où cette notion s’effrite considérablement. Bien sûr, le prélèvement à la source présente de nombreux inconvénients. Tous les salariés indépendants et tous les revenus annexes ne pourront pas être inclus dans cette démarche.

Monsieur le président, vous avez raison de souligner que la mensualisation et le développement des téléprocédures nous rapprochent progressivement du prélèvement à la source. Mais il y aura toujours une ligne de rupture et rien ne correspondra mieux à la situation réelle du contribuable que le prélèvement instantané. Selon certains, si le prélèvement à la source se justifiait-il y a dix ans, ce ne serait plus le cas maintenant. C’est tout le contraire, car la situation des ménages est de plus en plus soumise à des évolutions et des aléas. Je pense également, non pas aux plus prévoyants, mais aux personnes les plus fragiles qui, pour des raisons diverses et variées, n’anticipent pas le fait qu’elles devront payer des impôts, l’année N + 1, sur ce qu’elles ont perçu l’année N.

M. Pierre-Alain Muet. On aurait pu imaginer de conserver la demi-part supplémentaire pour celles et ceux qui en bénéficiaient déjà et de la supprimer pour les nouveaux entrants. Je ne sais pas si un tel dispositif est constitutionnel, mais il aurait évité beaucoup d’ennuis. On procède ainsi pour les réformes relatives aux retraites, par exemple.

Mme Monique Rabin. Je suis favorable à l’article 34.

Quel que soit le banc sur lequel il siège, chacun voit bien qu’il y a un problème de consentement à l’impôt. Ne serait-ce que pour cette seule raison, cette réforme va donc dans le bon sens.

Cela fait des années qu’aucune réforme d’ensemble n’a été tentée, sans doute en raison de la complexité du sujet mais aussi parce que, lorsqu’on est au pouvoir, il peut arriver qu’on manque de courage et, lorsqu’on est dans l’opposition, on a tendance à oublier la faiblesse dont on a pu faire preuve quand on était aux affaires. Peut-être aurions-nous pu nous entendre, sur tous ces bancs, pour avancer sur cette réforme qui est indispensable parce que l’impôt est complexe, sans lisibilité et que sa progressivité nous paraît trop faible.

Mme Marie-Christine Dalloz. Non ! Nous sommes les champions de la progressivité !

Mme Monique Rabin. En outre, l’impôt est resté aveugle face aux profondes évolutions sociologiques. Cela revient à parler de familialisation, d’individualisation, c’est-à-dire de notre société.

Alors que nos concitoyens sont très favorables au prélèvement à la source, ce sont les gouvernements qui ont reculé.

Trois arguments militent en faveur de cette réforme : la simplicité du mode de prélèvement ; l’ajustement rapide à la situation familiale qui évite de créer des difficultés l’année suivante ; la facilité de gestion pour des familles qui manquent d’organisation interne et qui ont besoin de recourir à l’aide des services sociaux. Le salaire net a ainsi l’avantage de le rester.

S’agissant des modalités pratiques, j’appuie la proposition de Pierre-Alain Muet et Jean-Marc Ayrault en faveur d’un prélèvement à la source par l’entreprise. Celle-ci a en effet vingt-cinq ans d’expérience en termes de prélèvements. C’est un savoir-faire qu’il ne faut pas négliger. Nous verrons ensuite si elle a besoin d’être soutenue.

Si nous en sommes aujourd’hui à la première marche du dispositif, ne reculons pas devant la deuxième, qui sera la fusion des deux impôts. (Exclamations.)

M. Patrick Ollier. Monsieur le président, je soutiens votre amendement.

Le prélèvement à la source est une fausse bonne idée. Je m’y oppose fortement. Du reste, les arrière-pensées que cache cette réforme viennent d’être révélées à l’instant. La fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG est extrêmement dangereuse.

Modifier le quotient familial et prétendre le remplacer par un crédit d’impôt forfaitaire serait également une réforme très préoccupante.

La stabilité fiscale est essentielle. Or depuis quelques mois, pour ne pas dire quelques années, nous assistons en permanence à des bouleversements qui inquiètent énormément les contribuables. Je ne sais si le prélèvement à la source sera une simplification qui leur conviendra. C’est en tout cas la perspective d’un nouveau changement qui renforcera encore le sentiment d’insécurité face à l’instabilité fiscale.

Mme la Rapporteure générale. Monsieur le président, je maintiens mon avis défavorable à votre amendement.

Les régimes de l’impôt sur le revenu et des impôts locaux sont étroitement imbriqués via le critère du RFR, tout en comportant des seuils d’entrée différents. C’est pourquoi il est absolument indispensable de prendre en compte les deux régimes lorsqu’on procède à des réformes. Je réitère toutes les demandes de chiffrage qui ont été formulées à cet égard auprès du ministère des finances.

La commission rejette l’amendement II-CF 154.

Puis elle adopte l’article 34 sans modification.

*

* *

Après l’article 34

La commission examine d’abord l’amendement II-CF 215 de M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Cet amendement vise à mettre en place une politique en faveur des vélos à assistance électrique afin de doper cette filière, pour l’essentiel française, mais qui a du mal à s’implanter sur le territoire national. Aussi, nous proposons une réduction d’impôt sur le revenu, comme cela existe dans certains pays d’Europe du nord, égale à un pourcentage du prix d’achat. J’ajoute que cette mesure est conforme à une préconisation du plan national d’action pour les mobilités actives.

Mme la Rapporteure générale. Votre amendement pose trois problèmes.

Premièrement, vous proposez une mesure qui porte non sur une réduction d’impôt, mais sur des avantages en nature déductibles du revenu imposable des particuliers.

Deuxièmement, l’ampleur de l’avantage fiscal n’est pas précisée ; il pourrait nous être reproché de nous mettre dans un cas d’incompétence négative du législateur.

Enfin, vous proposez une réduction d’impôt sur les dépenses engagées par des particuliers pour acheter un vélo électrique qui servirait aux déplacements entre le domicile et le lieu de travail. Or, cette condition paraît difficilement contrôlable, car personne n’interdira d’utiliser ce vélo pour d’autres trajets.

M. Joël Giraud. Je me permets de vous préciser que le Pass Navigo peut être utilisé pour effectuer des trajets autres que ceux entre le domicile et le lieu de travail.

Mme la Rapporteure générale. Vous avez raison sur ce dernier point.

Cela dit, j’émets un avis défavorable pour les deux autres raisons.

La commission rejette l’amendement II-CF 215.

Elle en vient à l’amendement II-CF 148 de M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Les indemnités journalières allouées aux personnes atteintes d’une affection de longue durée ne sont pas soumises à l’impôt sur le revenu lorsqu’elles sont perçues par des travailleurs salariés, alors qu’elles le sont lorsqu’elles sont perçues par des travailleurs indépendants relevant du régime réel. Dans un souci d’équité, je propose donc d’exclure les indemnités journalières attribuées aux travailleurs indépendants au régime réel des revenus imposables.

M. le président Gilles Carrez. Effectivement, c’est une mesure d’équité.

Mme la Rapporteure générale. Tout à fait.

Cela dit, votre amendement semble satisfait puisque l’article 80 quinquies du code général des impôts précise d’ores et déjà que les indemnités journalières versées sont fiscalisées « à l’exclusion de la fraction des indemnités allouées aux victimes d’accidents du travail exonérée en application du 8° de l’article 81 et des indemnités qui sont allouées à des personnes atteintes d’une affection comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse ».

M. Joël Giraud. Les indemnités journalières perçues par un salarié indépendant relevant d’une micro-entreprise ne sont pas soumises à l’impôt sur le revenu, alors qu’elles le sont pour un travailleur indépendant relevant du régime réel.

Mme la Rapporteure générale. J’entends bien votre argument, mais l’article 80 quinquies précise qu’il s’agit des indemnités journalières versées par les organismes de sécurité sociale. À ma connaissance, le régime social des indépendants (RSI) en fait bien partie.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur Giraud, je vous propose de redéposer votre amendement en vue de la séance, ce qui nous permettra d’avoir une réponse d’ici là.

M. Joël Giraud. Je le retire.

L’amendement II-CF 148 est retiré.

Article 35
Généralisation du document administratif électronique (DAE)
dans le cadre de la circulation en suspension de droits d’accises
des alcools et boissons alcooliques

Cet article apporte une série de modifications aux articles 302 G à 302 O et 1798 bis du code général des impôts, ainsi qu’à l’article L. 34 du livre des procédures fiscales, afin de généraliser la dématérialisation des documents administratifs qui doivent être émis pour la circulation en France des alcools et boissons alcooliques placés sous un régime douanier suspendant temporairement le paiement des droits d’accises. Cette mesure doit prendre effet à compter du 1er juillet 2017, afin de laisser aux professionnels concernés (ceux qui disposent d’un accès à internet) le temps d’adapter leurs outils informatiques aux exigences techniques qu’impose l’utilisation des documents administratifs électroniques (DAE), déjà généralisés pour les échanges entre États membres de l’Union européenne.

Le tableau ci-après récapitule la forme que doit revêtir, avant et après la réforme proposé, les documents douaniers accompagnant les produits circulant en suspension de droits d’accises.

FORMAT EXIGÉ POUR LES DOCUMENTS D’ACCOMPAGNEMENT DANS LE CAS DES ALCOOLS ET BOISSONS ALCOOLIQUES CIRCULANT EN SUSPENSION D’ACCISES

Lieu des opérations

Avant le 1er juillet 2017

Après le 1er juillet 2017

Territoire national uniquement

DAA ou DAE

(au choix)

DAE obligatoire

(sauf pour certaines activités ou en l’absence d’accès à internet)

Échanges entre États membres de l’Union européenne

DAE obligatoire

DAE obligatoire

I. L’ÉTAT DU DROIT

En application de la directive du 16 décembre 2008 relative au régime général d’accises (56), les alcools et boissons alcooliques peuvent actuellement circuler entre États membres de l’Union européenne en suspension d’accises s’ils ont fait l’objet d’un enregistrement électronique spécifique : le document administratif électronique (DAE), qui a remplacé, pour ces échanges intracommunautaires, le document papier préexistant, intitulé document administratif d’accompagnement (DAA) (57). Ce régime suspensif, qui vise à faciliter, tout en l’encadrant, la libre circulation des marchandises au sein de l’Union européenne, signifie que les entreprises fabriquant et échangeant ces produits sont temporairement dispensées du paiement des diverses taxes frappant spécialement ces produits en fonction de leur nature et de leur degré d’alcool : ces droits d’accises sont, en général, dus lors de la mise à la consommation de ces produits. Si ces derniers sont exportés à l’extérieur de l’Union européenne, aucune accise n’est due à la sortie du territoire européen, les produits pouvant en revanche être taxés dans l’État de destination.

L’article 302 M ter du code général des impôts, qui a été modifié par la loi de finances rectificative pour 2009 du 30 décembre 2009 (58) pour transposer la directive de 2008, a ainsi remplacé, pour les seuls échanges à l’intérieur de l’Union européenne, l’ancien DAA par sa version dématérialisée, le DAE. En revanche, le DAA, c’est-à-dire le document papier, est jusqu’ici resté applicable pour les opérations se déroulant sur le seul territoire national. Toutefois, l’article 302 M autorise aussi les entreprises qui le souhaitent à lui préférer le DAE, même pour les opérations qui ne se déroulent qu’en France.

II. LE CONTEXTE ÉCONOMIQUE OU BUDGÉTAIRE

À mesure que l’équipement informatique des entreprises s’améliore et que la dématérialisation des opérations économiques s’étend, un nombre croissant d’opérations réalisées uniquement en France font l’objet d’un DAE et non plus d’un DAA. Ainsi, pour les échanges effectués sur le territoire uniquement national, le nombre de DAE émis est passé de 743 045 en 2012 à 973 384 en 2014, ce qui représente une hausse de 31 % en seulement deux ans.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE DOCUMENTS D’ACCOMPAGNEMENT ÉLECTRONIQUES (DAE) UTILISÉS POUR LA CIRCULATION NATIONALE DES PRODUITS

Année

2012

2013

2014

Évolution

2012-2014

Nombre de DAE émis en France pour des opérations limitées au territoire national

743 045

879 044

973 384

+ 31 %

Source : secrétariat d’État chargé du budget, 2015.

La direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) estime qu’à l’heure actuelle, seuls 7 500 opérateurs français n’utilisent pas le DAE pour leurs échanges nationaux, tandis que 26 000 opérateurs français disposent déjà de l’équipement et des habilitations administratives requises pour pouvoir émettre des DAE. Selon l’évaluation préalable de l’article, la France est actuellement le pays de l’Union européenne qui émet le plus grand nombre de DAE et 68 % des entreprises équipées pour émettre des DAE dans le cadre d’échanges au sein de l’Union européenne en ont déjà émis également pour des opérations purement nationales.

RÉPARTITION DES DOCUMENTS D’ACCOMPAGNEMENT ÉLECTRONIQUES (DAE)
ÉMIS PAR ÉTAT MEMBRE DE L’UNION EUROPÉENNE EN 2014

Source : secrétariat d’État chargé du budget, 2015.

Selon les précisions fournies à la Rapporteure générale, pour qu’un opérateur puisse utiliser le DAE, il faut qu’il ait été préalablement habilité à utiliser le système informatisé, géré par l’administration des douanes, qui est dénommé EMCS Gamm@. En pratique, pour pouvoir être habilitée à utiliser cette téléprocédure, l’entreprise doit d’abord, s’il ne dispose pas déjà d’un un compte Pro.douane, en créer un sur le site internet https://pro.douane.gouv.fr/. Puis, l’entreprise disposant d’un agrément (en tant qu’entrepositaire agréé, destinataire enregistré ou expéditeur enregistré) au sein du référentiel des opérateurs des douanes (ROSA), doit remplir sur le site Pro.douane un formulaire d’adhésion à Gamm@. L’habilitation est ensuite accordée gratuitement par le service douanier auquel est rattachée l’entreprise.

III. LE DISPOSITIF PROPOSÉ ET LES ENJEUX JURIDIQUES

Les principaux changements proposés par l’article sont regroupés aux B, C et D de son paragraphe I, et conduisent à réécrire entièrement les articles 302 M, 302 M bis et 302 M ter du code général des impôts, même si les changements sur le fond demeurent assez limités. Alors qu’actuellement l’article 302 M traite à la fois des DAE, des DAA et des documents simplifiés d’accompagnement qui sont applicables aux produits exonérés de droits ou déjà mis à la consommation dans un autre État membre, au risque de la confusion, trois cas de figure seraient désormais bien distingués dans trois articles différents :

– à l’article 302 M, le cas général des produits dont la circulation en suspension d’accises nécessite un DAE, que les opérations aient lieu uniquement en France ou dans le cadre d’échanges au sein de l’Union. À l’occasion de la réécriture de cet article, les références au droit de l’Union européenne applicable à ces questions sont mises à jour ;

– à l’article 302 M bis, le cas dérogatoire des produits pour lesquels un DAA sera encore admis, par exception à la règle posée à l’article 302 M : il ne pourra s’agir que d’entreprises ayant une activité par nature nomade (loueurs d’alambic ambulant, bouilleurs et distillateurs de profession) et des entreprises qui, parce qu’elles sont implantées dans des zones non couvertes par des réseaux permettant d’accéder à internet, ne disposent pas d’un équipement informatique leur permettant d’utiliser les téléprocédures requises pour l’émission de DAE. La règle précisant que l’entreprise recevant les produits doit adresser un exemplaire du DAA à l’expéditeur et un autre à l’administration, qui figure actuellement à l’article 302 O, deviendrait un III de cet article (l’article 302 O étant, par coordination, abrogé par le K du paragraphe I du présent article) ;

– à l’article 302 M ter, le cas particulier des produits pouvant circuler sous couvert d’un document simplifié d’accompagnement, soit parce qu’ils sont exonérés ou exemptés de droits d’accises, soit parce qu’ils ont déjà fait l’objet d’une mise à la consommation dans un autre État membre de l’Union européenne (et ont alors déjà supporté des droits d’accises).

Par ailleurs, les A et E à K du paragraphe I du présent article tirent les conséquences logiques de cette clarification des différents régimes douaniers applicables pour la circulation en suspension de droits d’accises de ces produits, en procédant :

– à la restructuration interne de l’article 302 P du code général des impôts et, conjointement, à l’abrogation de son article 302 O ;

– à de simples coordinations dans les références faites aux articles 302 M, 302 M bis et 302 M ter dans une série d’autres articles du même code (articles 307, 321, 426, 441, 450, 455, 466, 502 et 1807). Il paraît nécessaire de corriger dans ces coordinations quelques erreurs de référence ponctuelles.

Dans le même esprit, le L du paragraphe I de cet article ajoute au premier paragraphe de l’article 1798 bis du code général des impôts une nouvelle infraction aux obligations douanières susceptible d’être sanctionnée par une amende fiscale de 15 à 750 euros. De telles amendes sont actuellement encourues par un entrepositaire agréé en cas de manquement à ses obligations de tenue et de présentation à l’administration de sa comptabilité matières, de défaut de présentation des documents d’accompagnement des produits, ou de défaut d’information de l’administration dans les délais requis. La même sanction deviendrait applicable à l’entreprise qui aurait utilisé un document d’accompagnement en format papier alors qu’il était obligatoire d’utiliser un DAE. Il est bien précisé que cette sanction ne serait pas applicable aux quelques entreprises qui pourront continuer à utiliser les DAA pour des raisons tenant à leurs moyens matériels (entreprises non connectées à internet, loueurs d’alambic, bouilleurs et distillateurs de professions, qui seront désormais mentionnés à cet effet au I de l’article 302 M bis du code général des impôts). Il est effectivement nécessaire de prévoir une sanction financière pour inciter les entreprises à respecter pleinement la nouvelle forme donnée à leurs obligations déclaratives, mais il est sage aussi de prévoir que son montant pourra demeurer très limité, en fonction de l’ampleur des manquements constatés ainsi que des moyens matériels de l’entreprise.

Le paragraphe II de l’article tire lui aussi les conséquences de la réécriture des articles 302 M, 302 M bis et 302 M ter du code général des impôts, en procédant aux coordinations requises à l’article L. 34 du livre des procédures fiscales. Ainsi, la rédaction de ce dernier continuera à bien renvoyer aux différentes formes de documents d’accompagnement, s’agissant des vérifications que l’administration peut effectuer, de 8 heures à 20 heures, dans les « magasins, caves et celliers » des entrepositaires agréés, pour s’assurer que la comptabilité matières de ces entreprises est cohérente avec les documents d’accompagnement.

Enfin, le paragraphe III de l’article renvoie l’application de l’ensemble de cette réforme au 1er juillet 2017, ce délai d’un an et demi devant permettre aux entreprises de ces secteurs d’adapter leurs pratiques et leur organisation informatique à la modernisation de leurs relations avec l’administration des douanes.

Il convient d’ajouter que, d’une manière générale, la directive du 16 décembre 2008 n’étant pas applicable outre-mer, la réforme proposée des documents d’accompagnement sera sans influence sur les procédures douanières en vigueur dans les départements et régions d’outre-mer.

IV. L’IMPACT ÉCONOMIQUE ATTENDU

La modernisation proposée des modalités déclaratives pour la circulation des alcools et produits alcooliques contribuera à alléger les formalités administratives des opérateurs au quotidien. Ainsi, ces entreprises pourront remplir et valider en ligne leurs documents d’accompagnement, sans avoir recours à un bureau des douanes – à condition qu’elles aident bien obtenu des services des douanes l’habilitation gratuite requise pour utiliser la téléprocédure Gamm@. Elles bénéficieront d’une délivrance automatique de documents prouvant le bon enregistrement douanier de leurs produits pour chaque opération, ainsi que d’un apurement plus rapide de leurs mouvements (grâce à l’envoi au fournisseur d’un accusé de réception dématérialisé, alors qu’avec le formulaire papier l’exemplaire doit être validé à l’arrivée des marchandises et renvoyé par courrier à l’expéditeur). En outre, le système informatisé devrait être plus favorable à la sécurisation des échanges de produits effectués en suspension de droits d’accises, puisque l’entreprise émettant le DAE pourra, grâce à sa connexion au système Gamm@, vérifier que le destinataire des produits est bien habilité à les recevoir en suspension de droits. Enfin, une plus large utilisation du système Gamm@ par les entreprises renforcera l’efficacité globale des procédures, car actuellement une entreprise, connectée au système informatisé, ne peut pas bénéficier des facilités d’apurement pour ses envois si l’entreprise destinataire des marchandises n’est pas elle aussi connectée à ce système.

Par ailleurs, la réforme proposée prend correctement en compte les difficultés matérielles que peuvent rencontrer certaines petites entreprises pour effectuer des démarches dématérialisées, puisqu’elle n’impose le DAE ni aux entreprises dont les activités spécifiques ont un caractère nomade (cas des loueurs d’alambics, bouilleurs et distillateurs), ni à celles qui ne sont pas équipées de systèmes informatiques leur permettant d’accéder à internet. Pour les autres, qui devront obligatoirement utiliser les téléprocédures des services douaniers pour leurs opérations en France, le délai du 1er juillet 2017, soit dix-huit mois à compter de la date prévisible de publication de la loi de finances, paraît raisonnable afin de leur laisser le temps, si nécessaire, de mettre à niveau l’organisation de leurs procédures et systèmes d’information internes.

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La commission adopte successivement les amendements rédactionnels II-CF 365 et II-CF 366(amendements II-819 et II-820), l’amendement de précision II-CF 367 (amendement II-821), les amendements rédactionnels II-CF 368 et II-CF 369 (amendements II-822 et II-823), les amendements de coordination II-CF 370 et II-CF 371 (amendements II-824 et II-825), et l’amendement de coordination rédactionnelle II-CF 372 (amendement II-826), tous de la Rapporteure générale.

Elle adopte ensuite l’article 35 modifié.

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Après l’article 35

La commission examine, en discussion commune, les amendements II-CF 25 de M. Laurent Grandguillaume et II-CF 120 de M. Joël Giraud.

Mme Monique Rabin. Nous proposons que les associations, fondations, structures mutualistes exerçant leur activité dans le secteur sanitaire, social et médico-social puissent bénéficier non pas du crédit d’impôt compétitivité-emploi CICE mais d’une forme de crédit d’impôt équivalent qui serait utilisé pour le paiement de la taxe sur les salaires due au titre des trois années visées par le CICE.

Je précise qu’il s’agit d’une mesure d’équité.

M. Joël Giraud. L’objet de cet amendement est, dans un souci d’équité également, de faire en sorte qu’une mesure de crédit d’impôt similaire dans sa conception à celle du CICE puisse bénéficier aux établissements et services sociaux et médico-sociaux sans but lucratif.

Mme la Rapporteure générale. Le Gouvernement considère que cette mesure coûterait plusieurs milliards d’euros.

Pour ma part, j’ai fait un tableau qui montre ce qui distingue le secteur privé non lucratif et le secteur privé lucratif. Prenons le cas très simple d’une entreprise dont le chiffre d’affaires serait de 100 000 euros et qui n’aurait que des coûts salariaux, ceux-ci s’élevant à 50 000 euros, cela donne un résultat net de 50 000 euros. L’entreprise privée recevrait 3 000 euros au titre du CICE alors que l’association ne percevrait rien. L’entreprise privée, si elle n’a pas d’activité soumise à la TVA, paierait 6 800 euros de taxe sur les salaires, tandis que l’entreprise privée du secteur non lucratif n’en paierait pas puisque des abattements existent. Le secteur privé non lucratif paierait donc 3 800 euros de taxes en moins. Quant à l’impôt sur les sociétés, il serait de 16 065 euros pour l’entreprise privée tandis que l’association ne paierait rien. L’entreprise privée paierait encore la taxe foncière sans bénéficier d’abattement, sauf si elle est implantée dans certains secteurs de la politique de la ville. Enfin, si les activités de l’entreprise sont soumises à la TVA, celle-ci acquitterait 20 000 euros à ce titre, tandis que l’association ne paierait rien en dessous d’un certain seuil de chiffre d’affaires.

J’ai donné cet exemple parce que faire des additions permet d’avoir une vision globale. Je ne voudrais pas que l’on accrédite l’idée que l’on ne ferait rien pour le secteur privé non lucratif car ce n’est pas vrai. En outre, des ajustements peuvent toujours être opérés. Si vous le souhaitez, je peux vous faire parvenir le petit tableau que je viens de vous commenter.

Mme Monique Rabin. Je retire l’amendement II-CF 25.

M. Joël Giraud. Je veux bien retirer l’amendement II-CF 120, en échange du tableau ! (Sourires.)

Les amendements sont retirés.

La commission en vient à l’amendement II-CF 122 de Mme Annick Le Loch.

Mme Annick Le Loch. Je propose la suppression d’une taxe à faible rendement – 124 millions d’euros – et difficile à collecter. Elle concerne les huiles de consommation incorporées dans les produits alimentaires, dont les conserves de poisson. J’ai été interpellée par les conserveurs de mon département sur cette taxe qui existe depuis très longtemps et qui engendre une distorsion de concurrence.

Mme la Rapporteure générale. Ces 124 millions d’euros, qui sont versés à la Mutualité sociale agricole (MSA), représentent un montant significatif. Quand on veut supprimer une taxe, il faut savoir par quoi la remplacer. En outre, celle-ci n’est pas absurde du point de vue de la santé publique puisqu’elle peut inciter les industries agroalimentaires à éviter de fabriquer des produits trop gras.

Avis défavorable.

M. le président Gilles Carrez. Le problème, c’est que la MSA connaît de graves difficultés de financement. Le même problème existe avec la taxe sur les farines qui ne rapporte que 60 millions d’euros. À la commission des finances, nous n’aimons pas utiliser des arguments financiers, mais en l’occurrence nous sommes bien obligés de le faire.

La commission rejette l’amendement II-CF 122.

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Article additionnel après l’article 35
Augmentation du tarif de la taxe sur les boissons sucrées ou édulcorées

La commission en vient à l’amendement II-CF 114 de M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Cet amendement, qui peut rapporter 80 millions d’euros, tend à relever de 7,45 à 9 euros par hectolitre les contributions perçues sur les boissons et préparations liquides pour les boissons destinées à la consommation humaine – en l’occurrence un certain type de sodas. Il a fait l’objet l’an dernier d’un avis de sagesse du Gouvernement avant d’être voté en première lecture puis de disparaître lors de la navette parlementaire sous l’effet de certains groupes de pression bien organisés. L’augmentation proposée est infime : correspondant à moins de 0,52 centime d’euro pour une canette de 33 centilitres, elle permettrait, non seulement d’accroître les recettes de la sécurité sociale, mais aussi de conduire une politique de santé publique dans ce domaine.

Mme la Rapporteure générale. Sagesse. Je rappelle que cette taxe a été créée en 2012 et qu’elle a rapporté 309 millions d’euros en 2014. La question est de savoir qui paierait l’augmentation, sachant qu’elle pourrait être, en principe, répercutée sur le consommateur final.

M. le président Gilles Carrez. La création de cette taxe avait soulevé d’énormes polémiques en 2012.

Mme Véronique Louwagie. Je voudrais revenir sur la question de la taxe sur les farines, créée en 1962 et dont tout le monde voudrait se sortir. Elle met en difficulté nos meuniers, dans la mesure où elle est perçue sur les producteurs français sans l’être sur les importations, comme ce devrait être le cas – les services du ministère ne pouvant nous donner de chiffres à cet égard. Il faudrait faire le point sur l’ensemble de ces taxes, sur lesquelles nous sommes d’accord pour dire qu’elles ont des effets économiques défavorables pour nos industries – même si elles relèvent de budgets différents.

M. le président Gilles Carrez. Dans certains cas, on peut avoir un raisonnement du type de celui retenu pour la TVA sociale. La taxe sur les farines pèse sur l’offre alors que celle visée par l’amendement est répercutée sur le consommateur.

Mme Karine Berger. Je soutiens totalement l’amendement : il s’agit de faire en sorte que des caddies ne sortent pas des supermarchés avec des boissons saturées de sucre, alors que les publicités provoquent notamment l’envie des enfants, à laquelle certaines familles ne peuvent résister. Mais est-il possible d’éviter ce qui s’est passé l’an dernier lors de la navette parlementaire ? Par ailleurs, quel est le taux de TVA applicable à ces boissons, madame la Rapporteure générale ?

Mme la Rapporteure générale. Ce taux est de 5,5 % pour les ventes à emporter.

M. Razzy Hammadi. Quand, il y a quinze jours, j’ai déposé un amendement tendant à supprimer la taxe sur les farines, j’ai souhaité qu’on puisse avoir, en effet, une approche globale. Il a été rejeté au motif qu’il manquerait 60 millions d’euros à la Mutualité sociale agricole (MSA) – ce à quoi on peut rétorquer que la taxe contribue au chômage des meuniers, dans la mesure où nos produits sont imposables alors que les importations ne le sont pas. Je rejoins la proposition de Véronique Louwagie : un amendement sur les boissons sucrées conduit à aborder aussi la question des produits très gras, puis de ceux du terroir et de la compétitivité des territoires. L’absence de débat global sur les produits alimentaires ne peut créer que des effets négatifs sur l’opinion. Se pose à cet égard le même problème que pour les cigarettes : derrière les grandes marques, d’autres, bien moins chères, affaiblissent l’effet-taux de la taxe, avec des canettes vendues à 15 ou 20 centimes d’euros et ayant des teneurs en sucre beaucoup plus importantes. Ou on travaille sérieusement sur le sujet, ou, une fois de plus, on se retrouvera confronté à des arguments de bon sens qui conduiront à faire échec à la mesure.

M. Joël Giraud. Le taux de TVA en vigueur est celui applicable aux produits de première nécessité, ce qui, s’agissant de boissons très sucrées, s’apparente à un déni de santé publique. Par ailleurs, il n’y aurait pas d’impact sur les importations puisqu’on est dans une logique de taxe à la première vente.

Mme la Rapporteure générale. Je suis d’accord pour avoir une approche globale. Depuis l’examen en première lecture, j’ai rencontré un certain nombre de meuniers sur la taxe sur les farines, notamment sur les distorsions de concurrence pouvant exister avec les meuniers étrangers. Cette question doit être posée pour toute la chaîne de production : par quoi remplace-t-on les 60 millions d’euros correspondants ? Tant qu’on n’y a pas répondu, il est difficile d’avancer.

M. le président Gilles Carrez. Nous pourrions faire une demande d’enquête à la Cour des comptes sur ce sujet au titre de l’article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

La commission adopte l’amendement II-CF 114 (amendement 827).

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Après l’article 35

La commission examine l’amendement II-CF 26 de M. Laurent Grandguillaume.

M. Romain Colas. Cet amendement est dans le même esprit que celui débattu tout à l’heure concernant des organismes à but non lucratif intervenant dans le secteur médico-social. Les arguments présentés par la Rapporteure générale me paraissant convaincants, je le retire.

L’amendement II-CF 26 est retiré.

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Article 36
Mise en place d’une dispense de caution
pour les petits entrepositaires agréés de produits énergétiques

Cet article dispense de caution solidaire les plus petites installations ayant un statut d’entrepositaire agréé de produits énergétique à la fois dans un souci de simplification administrative et d’allégement des coûts résultant d’une telle obligation pour des entreprises qui ne sont redevables que de faibles montants de taxes intérieures de consommation (TIC), au nombre desquelles figure la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE).

I. L’ÉTAT DU DROIT

En application de l’article 158 octies du code des douanes, issu de la loi de finances rectificative pour 2009 (59), les installations ayant, en France, obtenu le statut d’entrepositaire agréé de produits énergétiques, sont habilitées, sur autorisation de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), à produire, recevoir, stocker, transformer ou expédier des produits énergétiques sur le territoire de l’Union européenne en suspension de droits d’accises. Tous les types de produits énergétiques entrant dans le champ d’application des TIC prévues par le code des douanes sont concernés, qu’il s’agisse de produits pétroliers (biocarburants compris), gaziers, ou encore d’huiles minérales, houilles, lignites et cokes.

Ce statut d’entrepositaire agréé et les obligations qui s’y attachent résultent de la directive 2008/118/CE du 16 décembre 2008 relative au régime général d’accise (60). L’article 4 de cette directive définit l’entrepositaire agréé comme une « personne physique ou morale autorisée par les autorités […] à produire, transformer, détenir, recevoir ou expédier des produits soumis à accise sous un régime de suspension de droits dans un entrepôt fiscal ». Ce régime de l’entrepôt fiscal, dont l’ouverture et l’exploitation supposent une autorisation administrative dans l’État membre concerné (article 16 de la directive), permet aux entreprises qui en bénéficient, d’être temporairement exonérées du paiement des accises pour leurs opérations tant que le produit énergétique n’est pas mis à la consommation ou exporté vers un État ou territoire extérieur à l’Union européenne.

L’article 158 octies du code des douanes, transposant sur ce point l’article 18 de la directive du 16 décembre 2008 (61), prévoit que, pour obtenir de la DGDDI la qualité d’entrepositaire agréé, l’entreprise doit non seulement respecter des obligations en matière de comptabilité des mouvements et des stocks de produits, ainsi que de concours « à tout contrôle et à toute vérification de ses stocks », mais aussi « fournir une caution solidaire afin de couvrir les risques inhérents à la production, à la transformation et à la détention des produits soumis à accise et garantissant le paiement des droits ».

Selon les informations transmises à la Rapporteure générale par le secrétariat d’État chargé du budget, cette caution solidaire que les entrepositaires sont obligés de présenter est destinée à couvrir différents types de risques :

– les manquants, c’est-à-dire les quantités de produits énergétiques qui disparaissent sur le lieu de détention ou de transformation, avant la mise en consommation. Si l’opérateur peut bénéficier d’une tolérance de l’administration des douanes pour la perte de volumes infimes (qui peut s’expliquer par des raisons pratiques ou techniques liées aux produits), toute quantité de produit manquante est présumée mise à la consommation par l’opérateur ;

– les excédents, c’est-à-dire les quantités de produits énergétiques dépassant celles qui ont été déclarées à l’entrée ou dans le lieu de stockage ou de transformation ;

– les défauts de déclaration, qui correspondent aux situations dans lesquelles il a été constaté qu’un produit énergétique avait été exporté ou mis à la consommation (ce qui signifie une sortie du régime de l’entrepôt fiscal), sans que les accises aient été acquittées par le redevable ;

– et, enfin, les défauts de paiement. Il s’agit ici du cas d’une entreprise qui aurait régulièrement déclaré à l’administration la mise à la consommation de ses produits énergétiques soumis aux accises, mais ne serait pas en mesure de payer ces dernières à l’État. Dans ce cas, l’administration peut se retourner contre la caution solidaire de l’entreprise, afin de pouvoir récupérer les sommes dues.

II. LE CONTEXTE ÉCONOMIQUE OU BUDGÉTAIRE

Le nombre de titulaires d’installations disposant en France du statut d’entrepositaire agréé de produits énergétiques a plutôt eu tendance à diminuer au cours des dernières années : alors que 1 039 entreprises étaient concernées par ce dispositif en 2010, elles n’étaient plus que 900 en 2013, avant que ce chiffre ne remonte à 975 en 2014. L’ensemble de ces entreprises sont donc tenues de disposer d’une caution solidaire pour couvrir les risques précédemment évoqués, alors même que certaines ne sont redevables que de faibles montants de TICPE. Ainsi, selon les informations transmises à la Rapporteure générale, sur les 975 entreprises actuellement soumises à ces obligations, environ 182 ne sont redevables que d’un montant de TICPE inférieur à 20 000 euros, ce qui signifie que l’enjeu financier d’un éventuel défaut de paiement de l’entreprise demeure limité pour l’État dans de tels cas.

ÉVOLUTION DU NOMBRE D’ENTREPRISES DISPOSANT DU STATUT D’ENTREPOSITAIRE AGRÉÉ DE PRODUITS ÉNERGÉTIQUES ENTRE 2010 ET 2014

Type d’entreprise

2010

2011

2012

2013

2014

Entreprises redevables de plus de 20 000 euros de TICPE

931

894

829

793

793

Entreprises redevables de moins de 20 000 euros de TICPE

108

99

113

107

182

Nombre total d’entreprises disposant du statut d’entrepositaire agréé
de produits énergétiques

1 039

993

942

900

975

Source : secrétariat d’État chargé du budget.

Le Gouvernement a indiqué à la Rapporteure générale ne pas être en mesure d’estimer le coût moyen d’une caution solidaire pour une entreprise, ce coût dépendant de la relation entre l’opérateur et sa banque. Toutefois, il est indiqué, dans l’évaluation préalable de l’article, que « le coût minimal d’une caution bancaire est en général de plusieurs milliers d’euros ». Par ailleurs, si l’on considère que, logiquement, ce coût devrait en général croître lorsque le risque d’insolvabilité de l’entreprise augmente, il est probable que les dépenses engagées par les petites entreprises pour obtenir la caution d’un établissement financier sont proportionnellement plus élevées que celles des grands groupes, qui ont davantage les moyens de faire face à des risques financiers.

Par conséquent, le recours à la caution représente pour les plus petits entrepositaires agréés une charge administrative et financière souvent plus lourde et pénalisante que pour les plus grands, alors même que l’intérêt de la caution pour l’État est moindre lorsque le montant des accises à recouvrer est plus faible.

III. LE DISPOSITIF PROPOSÉ ET LES ENJEUX JURIDIQUES

Le de l’article procède à une simple mise à jour terminologique du I de l’article 158 octies du code des douanes, en remplaçant la référence à la « Communauté » européenne, obsolète, par celle à « l’Union européenne ».

Son complète ce même article 158 octies par un paragraphe IV, prévoyant que seront dispensés de caution les entrepositaires agréés redevables d’un faible montant annuel de TICPE. Ce montant, constaté par année civile, sera fixé par arrêté du ministre chargé du budget. Selon les informations communiquées à la Rapporteure générale, le Gouvernement envisage, pour ce futur arrêté ministériel, de fixer à 20 000 euros par an le seuil de TICPE à partir duquel un entrepositaire agréé de produits énergétiques pourra être dispensé de caution solidaire.

Par ailleurs, afin d’éviter tout risque financier excessif en cas d’augmentation de l’activité d’une installation en cours d’année, le titulaire de l’installation devenu, en cours d’année civile, redevable d’un montant de TICPE supérieur au seuil réglementaire, devra à nouveau respecter l’obligation et présenter une caution « sans délai ».

Dans un souci de coordination, il pourrait être nécessaire d’ajouter une référence au nouveau paragraphe IV à la fin de la première phrase du paragraphe III de l’article 258 octies, celle-ci étant consacrée aux obligations que s’engage à remplir l’entreprise qui demande à la DGDDI à bénéficier du statut d’entrepositaire agréé.

IV. L’IMPACT ÉCONOMIQUE ATTENDU

Cette mesure concernera l’ensemble des petites installations de production ou de stockage de produits énergétiques, mais en pratique devrait tout particulièrement bénéficier à une centaine de redevables de la TICPE sur le gaz naturel carburant (GNC). Pour ceux-ci, le faible niveau de taxation prévu par le tableau B du 1 de l’article 265 du code des douanes (4,69 euros pour un volume de 100 mètres cubes en 2016) explique que le produit de TICPE concerné demeure très limité (selon l’évaluation préalable annexée à l’article, le produit de cette composante de la TICPE n’a pas dépassé 1,8 million d’euros en 2014).

Pour ces entreprises, la dispense de caution représentera donc une mesure de simplification administrative ponctuelle, mais bienvenue. La limitation des frais financiers engagés pour obtenir ces cautions devrait également renforcer la compétitivité de ces petits opérateurs. Les principales fédérations professionnelles consultées par le Gouvernement sur ce projet de mesure (Association française du gaz naturel véhicules, Club biogaz et Union française des industries pétrolières) lui ont d’ailleurs indiqué la soutenir.

Enfin, cette mesure est de nature à alléger les tâches des receveurs régionaux de la DGDDI, même si l’absence de caution ne les déchargera pas de leurs responsabilités habituelles en matière de gestion et de suivi des redevables de la TICPE. En particulier, les services des douanes devront attentivement vérifier que les entreprises bénéficiant de cette dispense de caution respectent les conditions prévues pour y être éligibles – l’article prévoyant, comme précédemment indiqué, le rétablissement de l’obligation de caution dès que l’entreprise, parce qu’elle aura augmenté son activité, sera devenue redevable d’un montant de TICPE supérieur au seuil fixé.

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La commission adopte l’article 36 sans modification.

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Article 37
Dématérialisation de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ainsi que des obligations déclaratives en matière de prix de transfert

Le présent article comprend deux mesures distinctes.

Son I précise les obligations déclaratives des grandes entreprises en matière de prix de transfert, tout en simplifiant ces obligations par la dématérialisation et l’ouverture de la possibilité, pour les sociétés mères, d’effectuer les déclarations pour leurs filiales. L’efficacité du contrôle fiscal devrait s’en trouver renforcée.

Le II du présent article vise à dématérialiser la remise de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, laquelle doit intervenir préalablement à l’engagement d’un examen contradictoire de situation fiscale personnelle (ESFP) ou d’une vérification de comptabilité. À l’envoi postal ou la remise en mains propres de la charte, se substituera une mention sur l’avis de vérification envoyé au contribuable concerné, lui indiquant qu’il peut consulter la charte sur le site internet de l’administration fiscale ; par ailleurs, celle-ci lui sera remise sous forme papier sur simple demande. Cette réforme s’inscrit dans la démarche de modernisation engagée par l’administration fiscale, mais aussi dans une logique de maîtrise de ses coûts d’affranchissement. Portant sur un document transmis à environ 52 000 contribuables chaque année, il devrait occasionner une économie de l’ordre de 90 000 euros.

I. LES COMPLÉMENTS APPORTÉS AUX OBLIGATIONS DÉCLARATIVES EN MATIÈRE DE PRIX DE TRANSFERT

A. L’ÉTAT DU DROIT

1. La manipulation des prix de transfert : une technique d’optimisation fiscale connue

La mondialisation de l’économie contribue au développement de flux entre sociétés appartenant à un même groupe mais établies dans des États différents. Ces échanges deviennent stratégiques pour les entreprises comme pour les administrations fiscales car la détermination d’un prix de transfert et la localisation géographique de la valeur qui en découle produisent des conséquences directes et potentiellement massives sur le bénéfice – et par voie de conséquence l’impôt – des sociétés prenant part à la transaction.

Les prix de transferts

La notion de « prix de transfert » désigne la valeur monétaire attachée aux transactions transfrontalières opérées entre sociétés membres d’un même groupe mais établies dans des États différents : transactions portant sur des actifs matériels (achats/ventes de biens, de marchandises) ou immatériels (concession des droits de propriété attachés à une marque), prestations de services (recherche et développement, comptabilité, gestion des ressources humaines), ou encore transferts financiers (prêts donnant lieu au versement d’intérêts par le bénéficiaire, octrois de garantie). Par nature, de telles transactions sont hors marché puisqu’elles s’effectuent entre entreprises associées qui, par construction, ne sont pas concurrentes.

Les prix de transfert constituent une charge déductible de l’assiette de l’impôt sur les sociétés (IS) pour l’entreprise qui les verse et un produit taxable à l’IS pour l’entreprise qui les reçoit. Ils sont donc au cœur de la fiscalité internationale des entreprises et représentent un enjeu majeur pour les sociétés comme pour les États.

D’après un rapport de l’Inspection générale des finances de 2013 (62), les sociétés peuvent être tentées de tirer profit des disparités fiscales nationales :

– soit en localisant habilement les points de départ et d’arrivée de telles transactions, en faisant de leurs entités établies dans les pays à forte fiscalité des sociétés « émettrices », et en concentrant les produits afférents au sein de sociétés implantées dans des territoires à plus faible fiscalité ;

– soit en manipulant la valeur des prix de transfert, c’est-à-dire en survalorisant les paiements effectués depuis les pays à forte pression fiscale et en sous-valorisant les paiements reçus dans ces mêmes pays.

La détermination des prix de transfert doit donc permettre d’éviter deux écueils :

– d’une part, la localisation artificielle des produits et des charges à des fins de minimisation de la charge fiscale ;

– d’autre part, la double imposition du même produit

À cette double fin, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a élaboré une doctrine de détermination des prix de transfert et des méthodes d’évitement de la double imposition.

Dans le programme de lutte contre l’érosion des bases fiscales (Base Erosion and Profits Shifting, BEPS) de l’OCDE adopté le 9 octobre 2015 par les ministres des finances du G20, les actions 8 à 10 (sur quinze) ont pour objet de remettre à jour les lignes directrices de l’OCDE en matière de prix de transfert. Elles prévoient des obligations déclaratives pays par pays pour les entreprises multinationales, qui donneront une vision d’ensemble des lieux où les bénéfices, le chiffre d’affaires, les salariés et les actifs sont localisés et où les impôts sont calculés et acquittés. Une version préliminaire des nouvelles instructions en la matière sera publiée en 2016. La version définitive sera établie au premier semestre 2017.

Mais ces recommandations ne sont pas contraignantes en droit national ; elles doivent faire l’objet de mesures de transposition.

Le droit national prévoit aujourd’hui un dispositif de contrôle spécifique aux prix de transfert, dont le fondement est l’article 57 du code général des impôts (CGI).

La loi du 12 avril 1996 a d’abord institué une procédure, décrite à l’article L. 13 B du livre des procédures fiscales, autorisant l’administration, lorsqu’elle dispose d’éléments dans le cadre d’une vérification de comptabilité lui permettant d’engager la mise en œuvre de l’article 57, à demander aux contribuables des informations et documents.

L’article 22 de la dernière loi de finances rectificative pour 2009 (63) a ensuite créé une obligation permanente de documentation des prix de transfert, codifiée à l’article L. 13 AA du livre des procédures fiscales, pour les plus grandes entreprises établies en France, définies comme :

– celles dont le chiffre d’affaires ou l’actif brut du bilan est supérieur à 400 millions d’euros ;

– celles qui détiennent à la clôture de l’exercice, plus de la moitié du capital ou des droits de vote d’une entité juridique établie ou constituée en France ou hors de France satisfaisant à la première condition (400 millions d’euros). Il peut s’agir donc d’une mère d’une entreprise dans le champ ou de la mère d’une entreprise établie hors de France qui remplit la première condition. Cette détention peut être directe ou indirecte. Il n’est pas retenu uniquement les entreprises mais toute entité juridique définie comme personne morale, organisme, fiducie ou institution comparable ;

– celles qui détiennent directement ou indirectement plus de la moitié du capital ou des droits de vote détenue, à la clôture de l’exercice, par une entité juridique satisfaisant à la première condition, par exemple la fille d’une entreprise dans le champ ou la fille d’une entreprise établie hors de France qui remplit la première condition ;

– celles qui appartiennent à un groupe relevant du régime de l’intégration fiscale et au sein duquel au moins une personne morale satisfait à une des précédentes conditions.

Elles doivent tenir à disposition de l’administration une documentation détaillée permettant de justifier des prix de transfert pratiqués avec des entreprises associées : sur l’entreprise vérifiée, sur le groupe d’entreprises associées et sur les rescrits fiscaux prises par les administrations fiscales étrangères à l’égard des entreprises associées.

L’article L. 13 AB prévoit que la documentation prévue à l’article L. 13 AA comprend également une documentation complémentaire lorsque des transactions de toute nature sont réalisées avec une ou plusieurs entreprises associées établies dans un État ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A (liste française). Cette documentation complémentaire est établie pour chaque entreprise bénéficiaire des transferts.

Toutefois, ces dispositions ne sont valables que dans le cadre de vérifications conduites à l’initiative de l’administration fiscale. Elles n’obligent pas les entreprises à transmettre en amont, de manière systématique, des informations sur leurs prix de transfert.

2. Une obligation déclarative introduite en 2013

À l’initiative de nos collègues Karine Berger et Sandrine Mazetier, l’article 45 de la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale (64) a créé une obligation déclarative simplifiée en matière de prix de transfert. Cette obligation déclarative à part entière figure à l’article 223 quinquies B du code général des impôts. Elle s’applique sans préjudice des obligations de mise à disposition des documents prévues aux articles L. 13 AA et L. 13 AB du livre des procédures fiscales, ces dernières pouvant s’avérer utiles lors des vérifications de comptabilité portant sur les entreprises concernées.

Il résulte de cette réforme que les entreprises visées à l’article L. 13 AA du livre des procédures fiscales doivent transmettre annuellement à l’administration fiscale, notamment, la description générale de leur politique de prix de transfert et un état récapitulatif des opérations réalisées avec d’autres entreprises associées lorsque le montant agrégé par nature de transactions est supérieur à 100 000 euros.

Plusieurs difficultés sont toutefois apparues depuis la création de cette nouvelle obligation :

– l’absence de transmission dématérialisée diminue l’efficacité de l’administration fiscale et augmente la charge administrative sur les redevables ;

– l’impossibilité pour une société mère de déclarer pour ses filiales est un facteur de complexité pour les redevables ;

– l’absence d’obligation de déclarer l’État d’implantation des entreprises associées ainsi que les États concernés par les flux intra-groupes constitue une lacune pour évaluer la politique des prix de transfert.

Certaines de ces difficultés avaient pourtant été anticipées par Mme Karine Berger, dont l’amendement, déposé lors de la réunion de la commission des finances, saisie pour avis sur le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, évitait le premier et le troisième écueil. L’amendement finalement adopté en séance n’a repris ni la déclaration dématérialisée, ni l’État d’implantation des entreprises.

B. LES MODIFICATIONS PROPOSÉES

Le I du présent article propose de remédier aux difficultés apparues concernant l’obligation de déclaration prévue à l’article 223 quinquies B du CGI. Les modifications proposées sont au nombre de trois :

– obliger les grandes entreprises visées à l’article 223 quinquies B du CGI à transmettre la documentation relative aux prix de transfert exigée par ce même article de manière dématérialisée ;

– permettre à une société mère d’un groupe d’effectuer la déclaration au nom de ses filiales ;

– préciser l’obligation déclarative pour obliger les entreprises à déclarer l’État d’implantation des entreprises associées ainsi que les États concernés par les flux intra-groupes.

La réforme devrait être une source de simplification et d’économies à la fois pour les assujettis et pour l’administration. L’efficacité du contrôle sera renforcée, les données dématérialisées pouvant être regroupées et analysées dans des bases de données.

II. LA DÉMATÉRIALISATION DE LA CHARTE DES DROITS ET OBLIGATIONS DU CONTRIBUABLE VÉRIFIÉ

A. L’ÉTAT DU DROIT

1. L’obligation de remettre la charte des droits et obligations du contribuable vérifié avant toute opération de contrôle fiscal externe

En application du premier alinéa de l’article L. 47 du livre des procédures fiscales, l’administration fiscale doit informer préalablement et par écrit le contribuable de l’opération de contrôle fiscal externe dont il fera l’objet, qu’il s’agisse d’un ESFP, pour les particuliers, ou d’une vérification de comptabilité, pour les entreprises, et ce sous peine de nullité de la procédure.

Définition des opérations de contrôle fiscal externe

Les contrôles fiscaux peuvent prendre deux formes principales, les « contrôles sur pièces » et les « contrôles fiscaux externes », ou « contrôles sur place », qui utilisent des méthodes et suivent des procédures différentes.

Les contrôles sur pièces sont effectués sur la base des déclarations des contribuables et de documents que l’administration peut obtenir de tierces personnes. Ils visent à remédier à l’absence de déclaration, notamment en relançant les défaillants, et à corriger les erreurs et irrégularités ponctuelles affectant les déclarations déposées. Ils peuvent être exercés à l’égard de tous les contribuables et pour tous les impôts déclaratifs. Les contribuables n’en sont informés que si les services leur demandent une information ou leur notifient un rappel.

Les contrôles fiscaux externes, vérifications de comptabilité pour les entreprises et ESFP pour les particuliers, sont notifiés aux contribuables et suivent des procédures strictement codifiées. Lorsqu’il s’agit d’entreprises, le contrôle se présente comme un ensemble d’opérations visant à examiner la comptabilité d’une entreprise et à la confronter à des données ou des renseignements extracomptables ; les vérificateurs se rendent généralement sur place. L’ESFP a quant à lui pour but de vérifier la sincérité des déclarations du revenu global au titre de l’impôt sur le revenu ; les entretiens ont plutôt lieu dans les locaux de l’administration. Différence essentielle avec un simple contrôle sur pièces, un ESFP peut comporter la recherche d’une cohérence entre, d’une part, le revenu déclaré par le contribuable et, d’autre part, sa situation patrimoniale, sa situation de trésorerie et les éléments de son train de vie.

Une autre différence entre les diverses formes de contrôles se retrouve au niveau des garanties que la loi assure au contribuable. Si certaines de ces garanties peuvent jouer dans tous les cas de contrôle, la plupart d’entre elles sont réservées aux vérifications de comptabilité et aux ESFP.

Parallèlement, le dernier alinéa de l’article L. 10 du livre des procédures fiscales dispose que l’administration fiscale doit également remettre, avant l’engagement d’une opération de contrôle fiscal externe, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, et précise que les dispositions contenues dans cette charte sont opposables à l’administration. Si la remise de cette charte relevait initialement d’une simple pratique administrative, l’article 8 de la loi du 8 juillet 1987 dite « Aicardi » (65) en a fait une obligation légale, dont la méconnaissance est susceptible de vicier les opérations de contrôle.

En pratique, la charte est jointe aux avis de vérification, eux-mêmes le plus souvent adressés aux contribuables par lettre recommandée avec accusé de réception, ou elle est remise en mains propres sur place en même temps que l’avis en cas de contrôle inopiné, intervenant dans le cadre du dernier alinéa de l’article L. 47 précité.

Ces obligations trouvent à s’appliquer à l’occasion des plus de 52 000 opérations de contrôle fiscal sur place réalisées chaque année par l’administration fiscale, comme l’illustre le tableau ci-dessous :

ÉVOLUTION DU NOMBRE D’OPÉRATIONS DE CONTRÔLE FISCAL EXTERNE

Nombre d’opérations

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Vérifications de comptabilité

47 844

47 703

47 689

47 408

48 178

48 219

47 776

dont vérifications générales

39 359

39 435

39 264

38 574

39 469

40 077

39 981

dont vérifications simples et ponctuelles

8 485

8 268

8 425

8 834

8 709

8 142

7 795

ESFP

4 166

3 912

3 883

4 033

4 159

4 159

3 964

Total

52 010

51 615

51 572

51 441

52 337

52 378

51 740

Source : tome I du fascicule des Voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2016.

2. Le contenu de la charte

Instituée pour améliorer l’équilibre et la qualité des relations entre administration fiscale et contribuables vérifiés, cette charte se définit à la fois comme une sorte de guide pratique à l’usage des contribuables concernés, et comme un corpus de règles opposables à l’administration dans le domaine des procédures fiscales. La remise préalable de cette charte au contribuable permet donc à ce dernier d’être informé du déroulement du contrôle dont il fait l’objet, de ses obligations ainsi que des garanties dont il bénéficie.

Comportant environ vingt-cinq pages, la brochure se compose de cinq parties, résumant dans l’ordre chronologique les règles les plus souvent mises en œuvre en matière de contrôle fiscal. Sont abordés successivement :

– l’avis de vérification (nature du contrôle engagé, impôts et périodes vérifiés...) ;

– le déroulement du contrôle (lieu, durée, modalités pratiques) ;

– la conclusion du contrôle (information du contribuable sur les résultats de la vérification, procédures de rectification applicables, saisine des supérieurs hiérarchiques du vérificateur...) ;

– les conséquences du contrôle (pénalités susceptibles d’être appliquées, transaction...) ;

– les recours du contribuable à l’issue du contrôle (réclamation contentieuse, recours juridictionnels).

La charte reprend non seulement les règles prévues par la loi – notamment les droits et garanties octroyés aux contribuables par le livre des procédures fiscales – mais elle consacre également certaines règles prétoriennes, telle que l’exigence d’un débat oral et contradictoire au cours de la vérification de comptabilité. Par ailleurs, l’administration a parfois officialisé dans la charte certaines pratiques administratives, offrant ainsi aux contribuables des garanties supplémentaires, telle, par exemple, la faculté de faire appel aux supérieurs hiérarchiques du vérificateur au cours et à l’issue du contrôle.

Compte tenu l’évolution des droits et garanties des contribuables au cours du temps, l’administration est amenée à mettre à jour chaque année la charte.

B. LES MODIFICATIONS PROPOSÉES

1. La dématérialisation de la mise à disposition de la charte

Le présent article vient substituer à l’obligation de remise de la charte une obligation de mentionner sur l’avis de vérification adressé au contribuable que la charte peut être consultée sur le site internet de l’administration fiscale ou être remise sur simple demande : le a du du II vient insérer pour ce faire un nouvel alinéa à l’article L. 47 du livre des procédures fiscales. De ce fait, il reste possible au contribuable d’obtenir la remise de la charte sous forme papier s’il le demande, par exemple dans le cas où il ne disposerait pas d’un accès commode à internet.

Par ailleurs, l’obligation de remise de la charte dans le cadre d’un contrôle inopiné est maintenue, afin de permettre sa consultation immédiate par le contribuable (b dudu II). Enfin, le du II procède aux coordinations techniques rendues nécessaires par l’insertion d’un nouvel alinéa à l’article L. 47.

Si l’obligation générale de remise de la charte est supprimée par le présent article, le caractère opposable de ce document à l’administration fiscale est bien évidemment maintenu, comme le précise le dernier alinéa de l’article L. 10 du livre de procédures fiscales dans la rédaction proposée par le du II. Les garanties du contribuable faisant l’objet d’un contrôle sur place sont donc pleinement conservées.

Ces nouvelles dispositions trouvent à s’appliquer à compter des avis de vérification adressés ou remis à compter du 1er janvier 2016 (B du III).

2. Un choix guidé par la volonté de moderniser l’action de l’administration et de limiter ses coûts

Le présent article s’inscrit dans la politique conduite par la direction générale des finances publiques (DGFiP) de dématérialisation de ses échanges avec les contribuables, à la fois afin de moderniser son action et de simplifier les démarches administratives, mais aussi de diminuer ses coûts d’affranchissement de documents sous format papier et d’alléger certaines tâches administratives, par exemple de saisie.

À cet égard, en avril 2015, un rapport établi par la DGFiP (66), dans le cadre de l’exercice des revues de dépenses publiques (67), chiffrait à 202 millions d’euros le montant de ses frais d’affranchissement en 2014, qui correspondent à l’envoi de 360 millions de plis. Le présent article ne concerne certes qu’un volume restreint de documents sous forme papier, mais la dématérialisation qu’il prévoit devrait permettre, selon les données fournies par l’évaluation préalable, de réaliser une économie annuelle de 35 000 euros au titre du coût de production des brochures, et de 55 000 euros au titre des frais d’affranchissement et des frais annexes de gestion, soit un gain total de 90 000 euros annuels environ.

Il est enfin relevé, dans l’évaluation préalable, que la réforme proposée permet, parallèlement à la dématérialisation de la charte, son accessibilité à tous les usagers sur le site internet de l’administration fiscale, et souligne ainsi que « les contribuables pourront ainsi s’informer en amont des modalités de déroulement d’une vérification de comptabilité ou d’un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, ce qui est de nature à mieux faire connaître ces formes de contrôle et favoriser leur acceptation ». Cet argument apparaît néanmoins moins convaincant, puisque l’on voit mal ce qui fait obstacle aujourd’hui à une mise en ligne de la charte, et en quoi la dématérialisation de sa remise aux contribuables vérifiés constituerait la condition de son accessibilité sur internet.

*

* *

La commission adopte l’article 37 sans modification.

*

* *

Article 38
Mesure visant à lutter contre la dissimulation de recettes à la TVA : utilisation obligatoire d’un logiciel de caisse ou système non frauduleux

Cet article vise à renforcer les moyens dont dispose l’administration pour lutter contre la dissimulation de recettes de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au moyen de logiciels de caisse frauduleux. Pour ce faire, il complète le code général des impôts et le livre des procédures fiscales par des dispositions obligeant les personnes assujetties à la TVA à utiliser, à partir du 1er janvier 2018, des logiciels ou systèmes de caisse dont le caractère non frauduleux est garanti et à conserver les documents en attestant en vue d’un éventuel contrôle inopiné de l’administration.

I. L’ÉTAT DU DROIT

A. LES OBLIGATIONS GÉNÉRALES DES PERSONNES ASSUJETTIES À LA TVA EN MATIÈRE DE DÉCLARATION ET DE COMPTABILITÉ

L’article 286 du code général des impôts prévoit que les personnes assujetties à la TVA doivent remplir quatre obligations afin de faciliter le contrôle de leur activité par l’administration fiscale. Ainsi, chacune de ces personnes doit :

– déclarer le commencement ou la cessation de leur activité, sur un modèle fourni par l’administration, dans un délai maximal de quinze jours à compter de cet événement ;

– remplir un formulaire destiné à fournir à l’administration « tous renseignements relatifs à son activité professionnelle » ;

– tenir une comptabilité ou, à défaut, un livre indiquant « le montant de chacune de ses opérations » ainsi qu’une série d’informations complémentaires (telles que la date, la « désignation sommaire » des biens ou services vendus, loués ou achetés, le prix, les éventuelles remises ou commissions), tout en conservant les pièces justificatives afférentes à chacune des opérations effectuées. Cette formalité est ramenée à la simple tenue d’un registre récapitulatif annuel et d’un livre-journal quotidien dans le cas particulier des personnes relevant, en raison de la modicité de leur chiffre d’affaires, du régime de TVA dit « de franchise en base » défini à l’article 293 B du même code ;

– fournir aux agents de l’administration « toutes justifications nécessaires » pour le contrôle de leur imposition.

Par ailleurs, en application de l’article 286 ter du même code, toute personne assujettie à la TVA doit disposer d’un numéro individuel d’identification à la TVA si elle acquiert un bien dans un autre État membre ou effectue des opérations ouvrant droit à déduction de la TVA, c’est-à-dire la possibilité de déduire du montant de TVA collecté auprès de ses clients la TVA qui, en amont de ses propres ventes, a grevé ses coûts. Elle doit aussi, en application de l’article 287 de ce code, adresser périodiquement au service des impôts une déclaration de ses recettes et du montant de TVA dû à l’État, comportant les informations demandées par l’administration. Cette obligation s’accompagne de la nécessaire émission de factures (article 289 de ce code), de la tenue d’un registre des biens envoyés vers un autre État membre de l’Union européenne (article 286 quater) et du dépôt d’un état récapitulatif des entreprises auxquels des biens auraient été vendus en exonération de TVA (article 289 B).

D’une manière générale, les diverses obligations déclaratives et comptables mises à la charge des entreprises soumises à la TVA visent à permettre à l’administration de s’assurer qu’elles ont reversé à l’État la TVA collectée auprès de leurs clients, sans chercher à dissimuler une partie de leurs recettes ou se livrer à d’autres manœuvres frauduleuses.

B. LES MESURES COMPLÉMENTAIRES ADOPTÉES DEPUIS 2012 POUR LUTTER CONTRE LA FRAUDE À LA TVA

Une série de modifications ont été apportées à notre droit au cours des dernières années afin de lutter plus efficacement contre la fraude à la TVA. Les changements intervenus dans ce domaine depuis 2012 ont essentiellement consisté à prévenir certains schémas frauduleux, qui s’étaient parfois développés dans des secteurs d’activité déterminés (bâtiment, ventes d’occasion, édition de logiciels de caisse ou ventes en ligne par exemple), ainsi qu’à renforcer les moyens de contrôle de l’administration et les sanctions encourues en cas de fraude.

Les principales mesures prises dans ce cadre ont été les suivantes :

– la création par la loi de finances pour 2014 (68) d’un mécanisme permettant à l’État de prendre des mesures d’urgence en cas de détection d’une fraude à la TVA soudaine et massive susceptible d’entraîner des pertes de recettes considérables et irréparables. L’État peut alors désigner le destinataire d’une livraison de biens ou d’une prestation comme redevable de la TVA, alors que ce rôle revient normalement à l’entreprise qui a fourni le bien ou le service. Cette faculté, codifiée au 2 decies de l’article 283 du code général des impôts, est la transposition du mécanisme européen de réaction rapide prévu par l’article 199 ter de la « directive TVA » du 28 novembre 2006 (69;

– la mise en place, par la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale (70), d’un dispositif de contrôle de l’attribution ou le maintien aux entreprises de leur numéro individuel d’identification à la TVA : l’administration peut désormais demander aux opérateurs des informations complémentaires afin de statuer sur cette attribution ou ce maintien ;

– pour le secteur du bâtiment, au titre de la lutte contre la fraude à la TVA résultant de l’activité d’entreprises éphémères (disparaissant peu de temps après leur création, avant d’avoir pu reverser à l’État la TVA collectée auprès de leurs clients), la seconde loi de finances rectificative pour 2014 (71) a astreint les entreprises au dépôt d’une déclaration de TVA mensuelle ou trimestrielle (et non plus annuelle) pendant leurs deux premières années d’existence. Dans ce même secteur d’activité, la loi de finances pour 2014 a également renforcé la prévention des pratiques frauduleuses de certains sous-traitants (déductions abusives de TVA grâce à l’interposition de sociétés « taxis » défaillantes), en imposant à l’entrepreneur principal de liquider lui-même la TVA ;

– pour le secteur des ventes de véhicules d’occasion, une solidarité de paiement entre le client assujetti et le vendeur en cas de fraude à la TVA (utilisation abusive du régime de la TVA sur la marge) a été mise en place par la dernière loi de finances rectificative pour 2012 (72). En outre, la seconde loi de finances rectificative pour 2014 a réformé le régime du « quitus fiscal » (certificat fiscal qu’il est nécessaire d’obtenir de l’administration pour pouvoir faire immatriculer en France un véhicule d’occasion), afin de faciliter l’identification des fraudes liée à l’utilisation abusive du régime de TVA sur la marge par les assujettis revendeurs : l’entreprise revendant en France un véhicule d’occasion acquis préalablement à l’étranger doit désormais justifier, pour obtenir ce quitus fiscal, du régime de TVA appliqué par l’entreprise établie à l’étranger qui l’avait initialement acquis ;

– au titre de la lutte contre le commerce dissimulé sur internet, la seconde loi de finances rectificative pour 2014 a doté l’administration d’un nouveau droit de communication portant sur des personnes qui n’ont pas été préalablement identifiées, ce qui permet de détecter plus facilement les activités non déclarées qui auraient été exercées sur internet ;

– et, enfin, pour le secteur de la conception de logiciels de caisse, la loi précitée du 6 décembre 2013 a créé au profit de l’administration un droit de communication spécifique auprès des éditeurs et concepteurs de logiciels de comptabilité ou de caisse. Les agents de l’administration fiscale chargés de procéder aux vérifications peuvent ainsi accéder à toute la documentation de ces entreprises, notamment le code source se rapportant aux logiciels, ce code devant être conservé pendant un délai de trois ans à compter de l’arrêt de la diffusion du logiciel. Cette même loi a prévu que l’éditeur ou le concepteur d’un logiciel comprenant des fonctions frauduleuses (telles que l’effacement d’une partie des recettes encaissées), ainsi que les personnes ayant sciemment distribué un tel logiciel ou paramétré ces fonctions frauduleuses, peuvent être sanctionnés d’une amende égale à 15 % du chiffre d’affaires tiré de la commercialisation de ce logiciel. Elle a aussi institué entre ces différentes personnes une solidarité de paiement pour les rappels d’impôts mis à la charge de l’entreprise utilisatrice du logiciel frauduleux.

II. LE CONTEXTE ÉCONOMIQUE OU BUDGÉTAIRE

A. LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE À LA TVA CONSTITUE UNE PRIORITÉ

Même s’il est difficile de quantifier précisément les recettes perdues par l’État du fait de la fraude à la TVA, il s’agit d’un enjeu financier très important. Ainsi, dans un rapport publié au mois de mai dernier (73), la Commission européenne a estimé que l’écart entre la TVA réellement collectée et les recettes théoriques de TVA, évaluées en fonction de divers indicateurs économiques dans chaque État membre (cet écart étant nommé « VAT Gap »), représentait en France plus de 14 milliards d’euros en 2013, soit environ 8,9 % des recettes théoriques de TVA estimées pour notre pays cette année-là (chiffre à comparer à celui de 15,2 % en moyenne dans l’Union européenne). Ce chiffre marque un léger progrès par rapport à celui de 2012 (14,8 milliards d’euros, soit 9,4 % des recettes théoriques), mais demeure évidemment bien trop élevé, mettant en évidence une forte marge de progression dans le recouvrement et le contrôle de cet impôt en France.

ÉCART DE TVA (« TVA GAP ») ESTIMÉ, POUR CHAQUE ÉTAT MEMBRE
DE L’UNION EUROPÉENNE

État membre

Écart de TVA en 2012

(en milliards d’euros)

Écart de TVA
en 2012

(en pourcentage des recettes théoriques de TVA)

Écart de TVA en 2013

(en milliards d’euros)

Écart de TVA
en 2013

(en pourcentage des recettes théoriques de TVA)

Allemagne

22,9

10,6

24,9

11,2

Autriche

3,1

11,1

3,2

11,4

Belgique

3,4

11,2

3,2

10,5

Bulgarie

0,9

18,5

0,8

17,2

Danemark

2,3

8,5

2,5

9,3

Espagne

11,6

17

12,1

16,5

Estonie

0,2

13,3

0,3

16,8

Finlande

0,5

2,9

0,8

4,1

France

14,8

9,4

14,1

8,9

Grèce

6,9

33,4

6,5

34

Hongrie

2,9

24,1

2,9

24,4

Irlande

1,3

11,2

1,2

10,6

Italie

45,2

32

47,5

33,6

Lettonie

0,8

33,8

0,7

29,9

Lituanie

1,4

36,5

1,6

37,7

Luxembourg

0,2

5,4

0,2

5,1

Malte

0,2

31

0,2

26,4

Pays-Bas

1,9

4,4

1,9

4,2

Pologne

9,4

25,3

10,1

26,7

Portugal

1,3

8,7

1,4

9

République tchèque

3,5

23,6

3,4

22,4

Roumanie

8,4

42,9

8,3

41,1

Royaume-Uni

16,8

10,5

15,4

9,8

Slovaquie

2,7

38,6

2,5

34,9

Slovénie

0,3

9,1

0,2

5,8

Suède

1,9

4,8

1,8

4,3

Total Union européenne

(avec 26 États membres)

164,9

15,2

167,7

15,2

Source : Commission européenne (DG TAXUD), Study to quantify and analyse the VAT Gap in the EU Member States mai 2015.

Les États membres dans lesquels l’écart de TVA serait le plus faible sont les Pays-Bas, la Suède et la Finlande (chiffres compris entre 4,1 % et 4,3 %), tandis que l’écart de TVA dépasse 30 % dans cinq États membres : la Roumanie (41,1 %, soit le chiffre le plus élevé), la Lituanie, la Slovaquie, la Grèce et l’Italie. Au-delà de cette étude publiée par la Commission européenne, le Gouvernement devra, conformément à l’article 25 de la seconde loi de finances rectificative pour 2014, remettre prochainement au Parlement un rapport précisant les « causes de non-perception » de la TVA et présentant les différentes formes de fraude identifiées, en indiquant « les secteurs économiques sur lesquels porte ce manque à gagner ».

Pour réduire davantage ce différentiel et combattre efficacement la fraude à la TVA, l’administration fiscale doit disposer de moyens adaptés, lui permettant de mettre à profit les nouveaux outils juridiques dont elle dispose. Selon les informations transmises à la Rapporteur générale, les effectifs de la direction générale des finances publiques (DGFiP) qui participent à la lutte contre la fraude à la TVA ont été préservés au cours des dernières années. Dans ce cadre, la DGFiP peut actuellement s’appuyer sur :

– 1 100 personnes pour les activités de recherche (brigades de contrôle recherche, direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF) et brigade nationale d’enquêtes économiques) ;

– 2 000 personnes pour le contrôle sur pièces des professionnels ;

– 5 000 personnes pour les activités de contrôle (pôles de contrôle expertise, brigades départementales et directions de contrôle fiscal spécialisées de compétence inter-régionale, dites DIRCOFI), permettant de procéder à des vérifications de comptabilité sur l’ensemble du territoire national.

Pour la TVA, le contrôle sur pièces et le contrôle fiscal externe, effectué sur de petits échantillons, est assuré par les agents des pôles de contrôle et d’expertise, qui effectuent en outre un contrôle des circuits longs des remboursements de TVA. Les contrôles plus approfondis ou complexes sont assurés par les brigades de vérifications déconcentrées (au niveau régional et départemental), ainsi que par les DIRCOFI. Au niveau national, le contrôle des grandes entreprises relève de la direction nationale des vérifications nationales et internationales (DVNI), tandis que la détection des fraudes et la lutte contre les carrousels de TVA sont confiées à la DNEF.

Par ailleurs, la DGFiP s’est récemment dotée de deux structures spécialement consacrées à la lutte contre la fraude à la TVA.

La mission requêtes et valorisation assure des missions de prévention de la fraude.

La force opérationnelle (dite « task force ») vise à améliorer la coordination entre les différents services de l’État concernés par la lutte contre cette fraude et s’est réunie pour la première fois le 4 avril 2014. Cette force opérationnelle est une instance informelle, sans effectifs propres, qui réunit régulièrement des représentants des ministères suivants :

– ministère des finances et des comptes publics : délégation nationale à la lutte contre la fraude, direction générale des douanes et droits indirects, direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, service national de douane judiciaire, service de traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins ;

– ministère de la justice : direction des affaires criminelles et des grâces, procureur de la République financier ;

– ministère de l’intérieur : brigade nationale de répression de la délinquance fiscale de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales, direction centrale de la police judiciaire.

Dans le cadre des travaux de cette force opérationnelle, sont également représentés les services du contrôle fiscal, de la direction de la législation fiscale et de la DNEF, ainsi que la brigade nationale d’enquêtes économiques (BNEE) de la DGFiP et de la direction générale de la police nationale.

B. LE DÉVELOPPEMENT DES LOGICIELS DE CAISSE FRAUDULEUX PARAÎT IMPORTANT AU VU DES CONTRÔLES EFFECTUÉS DANS PLUSIEURS SECTEURS D’ACTIVITÉ

La fraude à la TVA peut reposer sur diverses techniques et schémas plus ou moins élaborés, et la dissimulation de recettes de caisse, dont traite le présent article, n’en constitue évidemment qu’une composante. Le secrétariat d’État chargé du budget a indiqué ne pas être en mesure d’estimer le montant de la perte de recettes de TVA résultant spécifiquement de l’utilisation de logiciels ou systèmes de caisse frauduleux, destinés à masquer une partie du chiffre d’affaires. En outre, il n’existe pas d’estimation du nombre de ces logiciels ou systèmes frauduleux actuellement en circulation, d’autant qu’ils sont difficilement détectables.

Pour autant, l’ampleur des fraudes mises à jour lors de contrôles menés par l’administration fiscale sur ce sujet semble témoigner d’une large diffusion de ces logiciels frauduleux. Ainsi, deux opérations ont été menées au cours des premiers mois de l’année 2015 :

– le démantèlement d’une filière de diffusion d’un programme informatique spécifique dans le secteur pharmaceutique. Ce contrôle a mobilisé pour l’enquête 104 agents de la DGFiP et 62 agents des services spécialisés du ministère de l’intérieur, et a démarré par plus d’une quinzaine de perquisitions judiciaires ou fiscales. Il n’est pas encore possible d’estimer les montants financiers concernés par cette opération, car les rectifications liées à ce contrôle sont encore en cours de préparation. Toutefois, une précédente opération de contrôle dans ce secteur, menée à partir de 2010, a déjà conduit à des rappels d’impôts et pénalités pour un montant de 47 millions d’euros et à soixante-huit condamnations pénales ;

– l’engagement de contrôles fiscaux inopinés et simultanés sur l’ensemble du territoire dans le secteur du commerce de détail (restaurants, boulangeries, fleuristes, coiffeurs, supérettes, etc.). Ce contrôle, précédé d’un travail d’enquête auquel ont contribué une centaine d’agents de la DNEF, de la direction des vérifications nationales et internationales et des DIRCOFI, a mobilisé les agents de onze directions nationales ou spécialisées de contrôle fiscal ainsi que près de soixante-dix directions régionales et départementales des finances publiques. Il a conduit à perquisitionner les locaux de l’éditeur du logiciel de caisse frauduleux ainsi que ceux de certains de ses revendeurs, ou encore à contrôler deux cents clients utilisant ces mêmes logiciels.

À la suite de ces opérations couronnées de succès mais révélatrices de l’ampleur de ces pratiques frauduleuses, le secrétaire d’État chargé du budget a estimé, le 4 mai 2015, que ce « nouveau type de fraude […] représente un préjudice potentiel très important pour les finances publiques », et le ministre des finances et des comptes publics a indiqué qu’il « veillerai[t] à ce qu’une disposition législative soit prise pour sanctionner plus directement le recours à ces logiciels permissifs ». Le présent article s’inscrit dans le cadre de cette initiative et correspond à la mesure annoncée par le Gouvernement lors du Conseil national de lutte contre la fraude du 23 juin dernier.

III. LE DISPOSITIF PROPOSÉ ET LES ENJEUX JURIDIQUES

A. LA CRÉATION D’UNE NOUVELLE OBLIGATION EN MATIÈRE DE CONFORMITÉ DES LOGICIELS ET SYSTÈMES DE CAISSES

Le A du paragraphe I de cet article insère, au sein de l’article 286 du code général des impôts, un 3° bis instituant l’obligation pour les entreprises assujetties à la TVA d’utiliser, pour l’encaissement du paiement de leurs clients, un logiciel ou système de caisse sécurisé. Il est ainsi prévu que le logiciel devra respecter des « conditions d’inaltérabilité, de sécurisation, de conservation et d’archivage des données en vue du contrôle de l’administration fiscale », ce qui signifie qu’il sera spécialement configuré pour ne pas permettre la dissimulation de recettes, les aspects techniques de cette sécurisation devant être précisés après la publication de la loi, sans forcément qu’il soit nécessaire que le Gouvernement prenne un décret à cet effet (voir infra).

Le respect de cette obligation de sécurisation devra être garanti soit par une attestation individuelle fournie à l’entreprise par l’éditeur du logiciel de caisse, soit par un certificat qui lui aura été fourni par un organisme accrédité conformément à l’article L. 115-28 du code de la consommation − le premier alinéa de ce dernier réservant la possibilité de certifier des produits ou services aux seuls « organismes qui bénéficient d’une accréditation délivrée par l’instance nationale d’accréditation » ou une instance équivalente d’un autre État membre de l’Union européenne).

B. LA SANCTION PAR UNE AMENDE FISCALE DES ÉVENTUELS MANQUEMENTS À L’OBLIGATION DE CONFORMITÉ

Le B du paragraphe I du présent article crée un nouvel article 1770 duodecies au sein du code général des impôts, prévoyant les sanctions qui seront applicables à l’entreprise qui ne pourra pas produire l’attestation ou le certificat de conformité prévus par le 3° bis de l’article 286 du même code. Il est proposé que cette sanction prenne la forme d’une amende fiscale de 5 000 euros par logiciel ou système de caisse dont la sécurisation n’aura pas pu être justifiée par l’entreprise. L’entreprise ainsi sanctionnée disposera, pour se mettre en conformité avec ses obligations, d’un délai de soixante jours à compter de l’établissement du procès-verbal que devront dresser les agents de l’administration fiscale à l’issue du contrôle effectué dans les locaux de l’entreprise. Si elle n’a pas obtempéré dans le délai imparti, elle sera passible d’une nouvelle amende de 5 000 euros par logiciel ou système de caisse dont la sécurisation n’est pas attestée ou certifiée.

Le niveau de l’amende proposé est fixé en valeur absolue et à un niveau raisonnable, afin de tenir compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel en ce qui concerne les éventuelles atteintes au principe de proportionnalité des peines. Ainsi, dans une décision du 29 décembre 2013 (74), le Conseil a déclaré contraire à la Constitution, pour la répression de l’absence de respect d’obligations documentaires (règles de présentation des documents comptables dans le cadre d’un contrôle), la fixation d’amendes d’un montant égal à 0,5 % du chiffre d’affaires déclaré par exercice soumis à contrôle. Il avait en effet considéré que ces critères de calcul « en proportion du chiffre d’affaires » de l’entreprise contrôlée étaient « sans lien avec les infractions [et] revêt[ai]ent un caractère manifestement hors de proportion avec la gravité des infractions réprimées ». En outre, le montant de 5 000 euros proposé par le présent article est identique à celui qui est déjà prévu par l’article 1729 D du code général des impôts pour l’amende fiscale encourue en cas de défaut de présentation de la comptabilité sous forme dématérialisée.

Il convient de rappeler que l’amende prévue, qui pourra être infligée à l’entreprise si l’administration découvre qu’elle ne dispose pas de l’attestation ou du certificat prouvant le caractère sécurisé du logiciel de caisse qu’elle utilise, pourra être cumulée avec les rappels d’impôt et pénalités qui seraient dus, à la suite d’un contrôle de la comptabilité de l’entreprise, au titre des recettes que le logiciel frauduleux avait permis de dissimuler.

C. LE DÉROULEMENT DES CONTRÔLES SPÉCIFIQUES DE L’ADMINISTRATION FISCALE DANS LES LOCAUX DES ENTREPRISES

Le paragraphe II du présent article précise, dans un nouvel article L. 80 O du livre des procédures fiscales, la procédure qui devra être suivie par l’administration fiscale pour contrôler, dans les locaux des entreprises, le respect de la nouvelle obligation créée par le 3° bis de l’article 286 du code général des impôts. Ces contrôles pourront prendre la forme de visites inopinées de ces locaux professionnels, effectuées par des agents ayant au moins le grade de contrôleur. Afin de ne pas porter atteinte à la vie privée des personnes contrôlées, les contrôles ne pourront intervenir ni entre 20 heures et 8 heures, à moins que la personne exerce son activité professionnelle pendant ces horaires, ni dans la partie des locaux professionnels qui serait affectée au domicile privé.

La visite devra débuter par la remise d’un avis d’intervention et se terminer par l’établissement du procès-verbal constatant les éventuels manquements à l’obligation de détention, pour chaque logiciel ou système de caisse, d’une attestation ou certificat de sécurisation. En cas de manquement, la personne contrôlée disposera d’un délai de trente jours pour formuler des observations et ne devra payer l’amende fiscale de 5 000 euros que si elle n’a pas fourni les justificatifs exigés dans ce même délai, ce qui laissera une souplesse utile aux assujettis qui n’auraient pas pu produire d’emblée les documents exigés. En revanche, l’amende sera immédiatement appliquée aux personnes qui refuseraient de laisser les agents de l’administration procéder au contrôle.

Il est précisé, au dernier alinéa du nouvel article L. 80 O du livre des procédures fiscales, que ces contrôles spécifiques ne relèvent pas des procédures de contrôle de l’impôt prévues aux articles L. 10 à L. 54 A de ce même code. Il s’agit ainsi d’éviter toute confusion avec les règles applicables aux vérifications de comptabilité, ces dernières pouvant être engagées en plus du contrôle spécifique
– ce qui devrait arriver fréquemment en cas de détention de logiciels de caisse non sécurisés, cette situation pouvant laisser supposer que l’entreprise fautive a pu se livrer à d’autres pratiques frauduleuses en matière fiscale.

D. UNE RÉFORME DONT L’APPLICATION N’INTERVIENDRA QU’EN 2018 POUR LAISSER AUX ENTREPRISES LE TEMPS DE S’ADAPTER

Le paragraphe III du présent article prévoit que l’ensemble de cette réforme sera applicable à compter du 1er janvier 2018. Ce délai de deux ans est nécessaire pour laisser aux commerçants et aux éditeurs de logiciels le temps de procéder aux mises à jour et éventuels achats, ainsi que de transmettre les attestations ou certificats requis pour prouver leur sécurisation. Dans l’évaluation préalable de l’article, il est indiqué qu’« un modèle d’attestation sera établi par l’administration fiscale », ce qui permettra de guider les concepteurs et les éditeurs de logiciels de caisse, notamment en l’absence d’homologation de ces derniers par un organisme tiers.

S’agissant des textes complémentaires requis pour l’application du présent article, l’évaluation préalable de celui-ci indique qu’un « décret simple précisera les conditions d’inaltérabilité, de sécurisation, de conservation et d’archivage des données en vue du contrôle de l’administration fiscale ». Toutefois, selon les informations transmises par le secrétariat d’État chargé du budget, un tel décret ne serait finalement pas nécessaire, ces modalités techniques pouvant être précisées par le biais du Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP), qui sera complété sur ce point dans la foulée de la publication de la loi de finances. Ces questions, étant d’une nature très technique, nécessiteront en pratique une concertation avec des experts de l’administration fiscale et des représentants des professions concernées par ces logiciels.

IV. L’IMPACT ÉCONOMIQUE ATTENDU

A. UNE MESURE QUI DEVRAIT CONSOLIDER LES RECETTES DE TVA AU PROFIT DU BUDGET DE L’ÉTAT

Cet article aura pour principal effet, en dissuadant l’utilisation de logiciels de caisse qui permettent de dissimuler les recettes des entreprises assujetties à la TVA, de conforter les recettes que l’État retire de cet impôt. Or, avec des recettes nettes estimées à 141,5 milliards d’euros pour l’année 2015, soit plus de la moitié des recettes fiscales nettes de l’État, la TVA demeure l’imposition dont le rendement est le plus élevé en France.

Ainsi, dans l’évaluation préalable de l’article, il est estimé que la mesure proposée « permettra d’augmenter de manière pérenne les recettes de l’État ». Toutefois, il est d’autant plus difficile d’en estimer l’impact financier que, comme indiqué précédemment, l’ampleur de ces techniques de fraude à la TVA et le préjudice qu’elles causent n’ont pu être chiffrés à ce jour. En supposant que ces fraudes pourraient être à l’origine d’une perte de recettes égale, par exemple, à 10 % de l’écart de TVA (« VAT Gap ») de 14,1 milliards d’euros, tel qu’il a été estimé en 2013 pour la France dans l’étude publiée au mois de mai dernier par la Commission européenne, la disparition de 75 % de ces techniques de fraude pourrait, à elle seule, rapporter à l’État près de 1,1 milliard d’euros chaque année à partir de 2018. Il ne s’agit toutefois ici que de simples hypothèses, qui pourraient surestimer ou sous-estimer l’importance quantitative de ces techniques de fraude, et une forte diminution de ces pratiques frauduleuse supposera que le caractère dissuasif des sanctions encourues en cas de manquement joue pleinement.

B. UNE MESURE QUI APPELLE UNE ADHÉSION CONCRÈTE DES PROFESSIONNELS

Cette réforme conduira les commerçants, pour se mettre en conformité avec leurs nouvelles obligations d’ici le 1er janvier 2018, à devoir mettre à jour leurs logiciels de caisse, où à en acheter de nouveaux si cette mise à jour n’est pas possible. À défaut, le risque de se voir infliger par l’administration, en cas de contrôle, une amende fiscale d’un montant de 5 000 euros, devrait jouer un rôle dissuasif, en particulier pour les commerçants dont le chiffre d’affaires est limité.

En pratique, il existe trois types de logiciels ou systèmes de caisse :

– les systèmes d’encaissement autonomes, qui ne peuvent pas communiquer avec d’autres systèmes de caisse ou un système centralisateur. Comme il n’existe a priori pas de mise à jour de ce type de caisse, les commerçants ne disposant pas d’un système sécurisé devront, pour se mettre en conformité avec la réglementation, acquérir une nouvelle caisse conforme, dont le coût moyen varierait entre 100 et 500 euros ;

– les systèmes de caisse qui communiquent entre eux (plusieurs terminaux de paiement étant reliés à un logiciel), sans pour autant inclure une gestion comptable et financière ;

– les systèmes de caisse plus élaborés qui communiquent entre eux et sont complètement intégrés, en assurant eux-mêmes la tenue de la comptabilité et des stocks.

Pour ces deux derniers types de systèmes de caisse, la mise à jour du logiciel est en principe toujours possible dans le cadre du contrat de maintenance souscrit lors de l’achat du logiciel par le commerçant auprès de l’éditeur du logiciel. Selon les informations transmises à la Rapporteure générale, la mise à jour destinée à mettre le système de caisse en conformité avec la réglementation devrait ici être couverte, sans surcoût, par le contrat de maintenance. Dans l’hypothèse, toutefois, où la mise à jour d’un logiciel de caisse serait impossible, le coût de l’achat d’un nouveau logiciel pourrait être de l’ordre de 300 à 500 euros par caisse. Concrètement, chaque commerçant pourra demander à l’éditeur de son logiciel ou système de caisse de lui attester de manière individuelle que son logiciel de caisse est conforme à la réglementation. Si le commerçant achète un nouveau logiciel de caisse, soit celui-ci sera directement certifié (cas d’un logiciel remplissant le cahier des charges de la norme NF 525, ce qui ne serait actuellement le cas que d’une seule marque), soit l’éditeur du logiciel devra délivrer au commerçant une attestation individuelle de conformité.

Une démarche de mise à jour – voire dans certains cas un effort financier limité pour l’acquisition d’une nouvelle caisse ou d’un nouveau logiciel – sera donc demandée aux commerçants utilisant ces logiciels de caisse. Cette situation explique que le Gouvernement propose de laisser aux commerçants un délai de deux ans (jusqu’au 1er janvier 2018) pour se mettre en règle.

Le principe de cette réforme est soutenu par les professionnels concernés, comme cela ressort de la consultation menée par le Gouvernement auprès des organismes professionnels suivants :

– l’Association française des éditeurs de logiciels et solutions internet (AFDEL) ;

– l’Association des constructeurs, éditeurs, distributeurs et installateurs de systèmes d’encaissement (ACEDISE) ;

– l’Ordre des experts-comptables ;

– les organismes de gestion agréés ;

– la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME) ;

– le Mouvement des entreprises de France (MEDEF).

En effet, ces organismes estiment que les pratiques frauduleuses actuelles créent des distorsions de concurrence au détriment des entrepreneurs honnêtes, qui n’utilisent pas de tels logiciels pour dissimuler une partie de leurs recettes. En outre, selon les informations transmises par le secrétariat d’État chargé du budget, les éditeurs de caisse auraient confié qu’avant la pénalisation, introduite par la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, ils ne pouvaient en pratique parvenir à mettre sur le marché des systèmes de caisse « sains » faute de clientèle intéressée par ce type de produits, ce qui donne une idée de l’ampleur de la fraude menée à l’aide de ces outils. Ils indiqueraient également rencontrer des difficultés, depuis cette loi, à installer sur leurs logiciels déjà utilisés par les commerçants, dans le cadre du contrat de maintenance des logiciels, les mises à jour destinées à les sécuriser, car les commerçants refuseraient souvent cette installation.

En rendant obligatoires de telles mises à jour, la mesure proposée permettra donc de surmonter ces réticences et de combattre efficacement ces pratiques de dissimulation de recettes, qui pénalisent injustement les commerçants honnêtes et amoindrissent le produit de la TVA comme des impôts sur les bénéfices des entreprises.

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La commission adopte successivement les amendements II-CF 373, II-CF 374 et II-CF 375 (amendements II-828, II-829 et II-830) de précision de la Rapporteure générale et les amendements II-CF 376 et II-CF 377 rédactionnels du même auteur (amendements II-831 et II-832).

Puis elle adopte l’article 38 modifié.

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Article 39
Adaptation de la fiscalité aux évolutions institutionnelles des régions

Le présent article organise la compensation financière des transferts de compétences opérés récemment au profit de cette catégorie de collectivités territoriales et tire les conséquences fiscales de la nouvelle carte des régions.

I. L’ÉTAT DU DROIT

A. LES TRANSFERTS DES COMPÉTENCES OPÉRÉS PAR LA LOI NOTRe

1. Des transferts relatifs aux transports scolaires et interurbains

La loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) (75) et la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) (76) ont modifié les compétences des régions et des départements, dont la clause de compétence générale a été supprimée. L’article 15 de la loi NOTRe du 7 août 2015 précitée prévoit le transfert des départements aux régions de la compétence relative aux transports scolaires et de celle relative aux transports non urbains.

a. Transports scolaires

Les transports scolaires, hors du périmètre des transports urbains, relèvent aujourd’hui de la compétence des départements, en vertu de l’article L. 3111-7 du code des transports. Ce dernier dispose que « le département a la responsabilité de l’organisation et du fonctionnement de ces transports ». Toutefois, à l’intérieur des périmètres de transports urbains existant au 1er septembre 1984, cette responsabilité est exercée par l’autorité compétente pour l’organisation de la mobilité (AOM).

L’article 15 de la loi NOTRe du 7 août 2015 prévoit qu’à compter du 1er septembre 2017, « la région a la responsabilité de l’organisation et du fonctionnement de ces transports. Elle consulte à leur sujet les conseils départementaux de l’éducation nationale intéressés ».

Toutefois, si elles n’ont pas décidé de la prendre en charge elles-mêmes, la région ou l’autorité compétente pour l’organisation des transports urbains peuvent confier par convention, dans les conditions prévues à l’article L. 1111-8 du code des transports, tout ou partie de l’organisation des transports scolaires au département ou à des communes, des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), des syndicats mixtes, des établissements d’enseignement ou des associations de parents d’élèves et des associations familiales. L’autorité compétente pour l’organisation des transports urbains peut également confier, dans les mêmes conditions, tout ou partie de l’organisation des transports scolaires à la région.

Enfin, la région peut participer au financement des frais de transport individuel des élèves vers les établissements scolaires.

Une convention avec l’autorité compétente pour l’organisation des transports scolaires prévoit les conditions de participation de la région au financement de ces transports scolaires.

b. Transports interurbains

S’agissant des services de transport non urbains, l’article L. 3111-1 du code des transports prévoit dans sa rédaction actuelle que les services réguliers et à la demande sont organisés par le département, à l’exclusion des liaisons d’intérêt régional ou national. Ces transports non urbains sont assurés par le département ou par les entreprises publiques ou privées qui ont passé avec lui une convention à durée déterminée.

Les services réguliers non urbains d’intérêt régional sont quant à eux organisés par la région. Ils sont inscrits au plan régional établi et tenu à jour par la région, après avis des départements et des autorités compétentes pour l’organisation des transports urbains. Ils sont assurés par les entreprises publiques ou privées qui ont passé avec la région et les départements concernés une convention à durée déterminée.

Conformément à l’article 15 de la loi NOTRe, à compter du 1er janvier 2017, les services non urbains, réguliers ou à la demande, sont organisés par la région, à l’exclusion des services de transport spécial des élèves handicapés vers les établissements scolaires. Ils sont assurés par la région ou par les entreprises publiques ou privées qui ont passé avec elle une convention à durée déterminée.

Toutefois, lorsque, à la date de publication de la loi NOTRe, il existe déjà, sur un territoire infrarégional, un syndicat mixte de transports ayant la qualité d’autorité organisatrice en matière de transports urbains et de transports non urbains, ce syndicat conserve cette qualité.

Les services de transport non urbains sont inscrits au plan régional établi et tenu à jour par la région, après avis de la conférence territoriale de l’action publique et des régions limitrophes intéressées.

c. Cas particulier de la région Île-de-France

Ni la loi NOTRe ni, en conséquence, le présent article 39 ne modifient le champ de compétences du syndicat des transports d’Île-de-France (STIF), composé de la région Île-de-France, de la ville de Paris et des sept autres départements franciliens. Conformément à l’article L. 3111-14 du code des transports, le STIF organise les services de transports publics réguliers de personnes et peut organiser des services de transport à la demande. Il est responsable de l’organisation et du fonctionnement des transports scolaires. Les départements de la région Île-de-France qui bénéficieraient d’attributions déléguées par le syndicat en matière d’organisation et de fonctionnement des transports scolaires peuvent également déléguer, par convention, tout ou partie de ces attributions à d’autres collectivités territoriales ou d’autres groupements de collectivités ou à des personnes morales de droit public ou de droit privé, sur des périmètres ou pour des services définis d’un commun accord.

2. Les mécanismes de compensation financière prévus par la loi NOTRe

a. Quatre principes régissent la compensation financière des transferts de compétences

Les principes constitutionnels régissant la compensation des transferts de compétences portent sur les charges imposées par l’État aux collectivités locales. Ils reposent sur la distinction entre les transferts de compétences et les créations ou extensions de compétences.

Tant l’article 72-2 de la Constitution, issu de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République (77), que la loi organique du 29 juillet 2004 relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales (78) prévoient que le transfert de compétences doit être compensé par l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient auparavant consacrées à cette compétence par l’État. La compensation financière doit se conformer à quatre principes : elle est intégrale, concomitante à l’entrée en vigueur des transferts de compétences, contrôlée et respecte le principe d’autonomie financière des collectivités territoriales.

Le principe de compensation financière intégrale des transferts de compétences, consacré au quatrième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution, s’énonce ainsi : « Tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. »

Mis en œuvre dès 1983, ce principe, reprend les dispositions de l’article L. 1614-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT). Les ressources transférées doivent donc être équivalentes aux dépenses précédemment assumées par l’État au titre des compétences transférées. Toutes les dépenses, directes et indirectes, liées à l’exercice des compétences transférées sont prises en compte.

La compensation financière intégrale s’accompagne d’un mécanisme de garantie dans l’hypothèse où les recettes provenant des impositions attribuées au titre de la compensation financière des transferts de compétences diminueraient pour des raisons étrangères au pouvoir de modulation reconnu aux collectivités bénéficiaires. Dans une telle hypothèse, l’État doit prévoir en loi de finances des mesures propres à garantir aux collectivités un niveau de ressources équivalent à celui qu’il consacrait à l’exercice de la compétence avant son transfert.

Tout accroissement de charges résultant de ces transferts doit être accompagné du transfert concomitant des ressources nécessaires à l’exercice des compétences transférées. L’année précédant le transfert, les ministères « décentralisateurs » doivent procéder à l’évaluation provisoire des dépenses qu’ils consacraient jusqu’alors à l’exercice des compétences transférées. Cette évaluation permet de prendre, en loi de finances, les dispositions nécessaires à la compensation provisoire des charges nouvelles. Dès que les données définitives sont connues, il est procédé aux régularisations qui s’imposent.

La compensation doit également être contrôlée. L’évaluation des charges correspondant à l’exercice des compétences transférées est constatée pour chaque collectivité par arrêté conjoint du ministre chargé de l’intérieur et du ministre chargé du budget, après avis de la commission consultative sur l’évaluation des charges (CCEC), réformée par l’article 118 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales (79).

La compensation doit enfin être conforme au principe d’autonomie financière des collectivités locales inscrit à l’article 72-2 de la Constitution.

L’article 72-2 précise également que « toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités est accompagnée de ressources déterminées par la loi ». Le contrôle est alors moins poussé que dans le cas d’un transfert. Il n’est fait obligation au législateur que d’accompagner ces créations ou extensions de compétences de ressources dont il lui appartient d’apprécier le niveau, sans toutefois dénaturer le principe de libre administration des collectivités territoriales. Toutefois, lorsque la compétence est facultative, le Conseil constitutionnel n’exige pas la création de ressources permettant la compensation.

b. La mise en œuvre de l’article 133 de la loi NOTRe

L’article 133 de la loi NOTRe prévoit les mécanismes de compensation financière des transferts de compétences. Plusieurs cas sont à distinguer : celui des transferts de l’État à une collectivité, celui de l’extension d’un tel transfert, celui de la création d’une compétence et enfin celui du transfert de compétences entre collectivités. Ce dernier cas fait l’objet du V de l’article 133 précité qui reprend les principes applicables à la compensation financière des transferts de compétences de l’État aux collectivités et renvoie la détermination des modalités de la compensation à la loi de finances, ce qui est l’objet du présent article.

Article 133 de la loi NOTRe (extrait)

V. - Les transferts de compétences effectués entre un département et une autre collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales et ayant pour conséquence d’accroître les charges de ces derniers sont accompagnés du transfert concomitant par le département à cette collectivité territoriale ou à ce groupement des ressources nécessaires à l’exercice normal de ces compétences.

Ces ressources sont équivalentes aux dépenses effectuées, à la date du transfert, par le département au titre des compétences transférées. Elles assurent la compensation intégrale des charges transférées.

Les charges correspondant à l’exercice des compétences transférées font l’objet d’une évaluation préalable à leur transfert.

Une commission locale pour l’évaluation des charges et des ressources transférées est composée paritairement de quatre représentants du conseil départemental et de quatre représentants de l’assemblée délibérante de la collectivité territoriale ou du groupement concerné. Elle est présidée par le président de la chambre régionale des comptes territorialement compétente. En cas d’absence ou d’empêchement, il est remplacé par un magistrat relevant de la même chambre, qu’il a au préalable désigné. La commission locale ne peut valablement délibérer que si le nombre des membres présents est au moins égal à la moitié du nombre des membres appelés à délibérer. Si ce nombre n’est pas atteint, une nouvelle convocation est adressée aux membres de la commission. La commission peut alors délibérer quel que soit le nombre de membres présents. En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.

La commission locale pour l’évaluation des charges et des ressources transférées est consultée sur l’évaluation préalable des charges correspondant aux compétences transférées et sur les modalités de leur compensation.

Le montant des dépenses résultant des accroissements et des diminutions de charges est constaté, pour chaque compétence transférée et pour chaque collectivité, par arrêté du représentant de l’État dans le département.

Les charges transférées doivent être équivalentes aux dépenses consacrées, à la date du transfert, à l’exercice des compétences transférées. Ces charges peuvent être diminuées du montant des éventuelles réductions brutes de charges ou des augmentations de ressources entraînées par les transferts.

Les périodes de référence et les modalités d’évaluation des dépenses engagées par le département et figurant dans les comptes administratifs avant le transfert de chaque compétence sont déterminées à la majorité des deux tiers des membres de la commission mentionnée au quatrième alinéa du présent V.

À défaut d’accord des membres de la commission, le droit à compensation des charges d’investissement transférées est égal à la moyenne des dépenses actualisées, hors taxes, hors fonds européens et hors fonds de concours, figurant dans les comptes administratifs du département et constatées sur une période de sept ans précédant la date du transfert. Les dépenses prises en compte pour la détermination du droit à compensation sont actualisées en fonction de l’indice des prix de la formation brute de capital des administrations publiques, constaté à la date du transfert.

À défaut d’accord des membres de la commission, le droit à compensation des charges de fonctionnement transférées est égal à la moyenne des dépenses actualisées figurant dans les comptes administratifs du département et constatées sur une période de trois ans précédant le transfert de compétences. Les dépenses prises en compte pour la détermination du droit à compensation sont actualisées en fonction de l’indice des prix à la consommation, hors tabac, constaté à la date du transfert.

Les modalités de compensation des charges transférées sont déterminées en loi de finances.

c. Un système de compensation financière qui reprend les règles constitutionnelles et législatives classiques

Les modalités de compensation des transferts de compétences entre collectivités territoriales fixées par l’article 133 de la loi NOTRe adaptent les principes applicables à la compensation des transferts de compétences de l’État aux collectivités territoriales (transposition notamment du principe de la neutralité financière des transferts de compétences de l’État aux collectivités, appréciée à la date de leur transfert) qui se traduisent notamment par le versement d’une dotation de compensation des charges transférées (dépense obligatoire de la collectivité) et par la mise en place dans chaque cas d’une commission locale pour l’évaluation des charges et des ressources transférées.

ARTICLE 133 DE LA LOI NOTRe

 

Département autre collectivité

Création ou extension de compétence

État → collectivités

Ressources à transférer

Ressources nécessaires à l’exercice normal des compétences

Ressources financières accompagnant les créations ou extensions de compétences obligatoires et définitives accroissant les charges des collectivités ou de leurs groupements

Ressources nécessaires déterminées par la loi

Droit à une compensation financière

Ressources nécessaires à l’exercice normal des compétences

Caractère de la compensation

Compensation intégrale

Compensation intégrale

Charges brutes ou nettes

Montant brut ou net résultant des accroissements et diminutions de charges (« charges peuvent être diminuées »)

Ressources équivalentes aux dépenses consacrées par l’État à l’exercice des compétences transférées diminué du montant des éventuelles réductions brutes de charges ou des augmentations de ressources entraînées par le transfert

Date à prendre en compte pour mesurer les dépenses consacrées aux compétences transférées

Date du transfert

Date du transfert

Modalités de calcul des charges d’investissement et de fonctionnement

Les périodes de référence et les modalités d’évaluation des dépenses figurant dans les comptes administratifs des départements sont déterminées à la majorité des deux tiers des membres de la commission locale d’évaluation des charges et des ressources transférées (CLEC)

À défaut d’accord :

Ø montant des charges d’investissement = moyenne des dépenses actualisées HT, hors fonds européens et fonds de concours sur 7 ans

Actualisation en fonction de l’indice des prix de la formation brute de capital des administrations, constaté à la date du transfert

Ø montant des charges de fonctionnement = moyenne des dépenses actualisées HT, hors fonds européens et fonds de concours sur 3 ans

Actualisation en fonction de l’indice des prix à la consommation hors tabac, constaté à la date du transfert

Ø Pour les charges d’investissement : moyenne des dépenses actualisées HT, hors fonds européens et fonds de concours sur 5 ans au moins

Ø Pour les charges de fonctionnement : moyenne des dépenses actualisées HT, hors fonds européens et fonds de concours sur 3 ans au plus

Précisions apportées par décret

Le décret doit aussi fixer les modalités de répartition entre les collectivités bénéficiaires du droit à compensation des charges d’investissement

Évaluation préalable

Oui

Oui

Organe évaluateur

Commission locale pour l’évaluation des charges et des ressources transférées (CLEC)

Commission consultative sur l’évaluation des charges (CCEC) au sein du Comité des finances locales (CFL)

Composition

4 représentants du conseil départemental

4 représentants du conseil régional

Président : président de la chambre régionale des comptes, avec voix prépondérante

Présidée par un élu et composée de 22 membres, associant à parité des représentants de l’État et de l’ensemble des collectivités territoriales (2 présidents de conseil régional, 4 présidents de conseil général et 5 maires dont au moins 2 présidents d’EPCI)

Constat du montant des dépenses

Par le préfet du département

Par arrêté conjoint du ministre chargé de l’intérieur et du ministre chargé du budget, après avis de la commission consultative sur l’évaluation des charges du Comité des finances locales, dans les six mois de la publication des dispositions législatives ou réglementaires auxquelles il se rapporte.

Par arrêté conjoint du ministre chargé de l’intérieur et du ministre chargé du budget, après avis de la commission consultative sur l’évaluation des charges du Comité des finances locales, les six mois de la publication des dispositions législatives ou réglementaires auxquelles il se rapporte.

Modalités de compensation

Déterminées en loi de finances

Articles L. 1614-1-1, L. 1614-3, L. 1614-5-1 et L. 1614-6 CGCT (80)

Articles L. 1614-1, L. 1614-2, L. 1614-3, L. 1614-4 à L. 1614-7 CGCT (81)

À titre principal par l’attribution d’impositions de toute nature dans des conditions fixées en loi de finances

Compensées par le transfert d’impôts d’État, par les ressources du Fonds de compensation de la fiscalité transférée et, pour le solde, par l’attribution d’une dotation générale de décentralisation.

Si les recettes de ces impositions diminuent pour des raisons étrangères au pouvoir de modulation éventuel reconnu aux collectivités bénéficiaires, l’État compense cette perte dans des conditions fixées en loi de finances, afin de garantir un niveau de ressources équivalent à celui qu’il consacrait à l’exercice de la compétence avant son transfert.

Transfert des ressources

Concomitant du transfert de compétences

Concomitant

Précédents

Article 26 de la loi du 27 janvier 2014 relatif aux transferts de charges et produits entre le département du Rhône et la métropole de Lyon.

Dispositions identiques à celles de l’article 119 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales

B. LE NOUVEAU DÉCOUPAGE RÉGIONAL

L’article 1er de la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions (82) organise une nouvelle délimitation des régions à compter du 1er janvier 2016. Sans préjudice des dispositions applicables aux régions d’outre-mer et à la collectivité territoriale de Corse, les régions sont constituées des régions suivantes, dans leurs limites territoriales en vigueur au 31 décembre 2015, classées en fonction du volume de leurs dépenses totales hors dette.

DÉPENSES TOTALES DES RÉGIONS MÉTROPOLITAINES DANS LEUR NOUVELLE DÉLIMITATION

(en milliards d’euros)

Régions

Dépenses des régions
dans leurs limites actuelles

Total

Collectivité de Corse

0,60

0,60

Centre

1,00

1,00

Bourgogne et Franche-Comté

0,68

0,48

1,16

Bretagne

1,27

1,27

Pays de la Loire

1,36

1,36

Basse-Normandie et Haute-Normandie

0,67

0,74

1,38

Provence-Alpes-Côte d’Azur

2,04

2,04

Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine

0,70

0,57

0,93

2,2

Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées

0,41

1,79

2,2

Nord - Pas-de-Calais et Picardie

1,79

0,90

2,69

Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes

0,70

1,14

0,90

2,73

Auvergne et Rhône-Alpes

0,58

2,26

2,84

Île-de-France

5,12

5,12

Source : La Banque postale, Note de conjoncture 2015 sur les finances locales.

Les régions ainsi constituées succèdent aux régions qu’elles regroupent dans tous leurs droits et obligations. Compte tenu du calendrier électoral et de l’entrée en vigueur de la nouvelle délimitation des régions au 1er janvier 2016, il est nécessaire de prévoir des dispositions transitoires pour 2016, en matière de fiscalité locale, afin de maintenir les taux de certaines taxes locales dans les territoires des régions en vigueur au 31 décembre 2015, en attendant que les conseils régionaux nouvellement élus puissent délibérer.

PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DES RÉGIONS
DANS LEUR DÉCOUPAGE ACTUEL

Région

Population (1)

PIB (2)
(en millions d’euros )

Recettes fiscales
(en millions d’euros )

Alsace

1 896 102

55 564

373,2

Aquitaine

3 376 481

93 967

675,5

Auvergne

1 395 500

35 662

330,9

Basse-Normandie

1 522 026

38 909

353,5

Bourgogne

1 692 727

43 983

371,7

Bretagne

3 341 188

86 935

664,3

Centre

2 635 080

68 999

562,2

Champagne-Ardenne

1 376 568

37 952

303,0

Corse

321 482

8 643

204,2

Franche-Comté

1 212 597

28 921

272,7

Haute-Normandie

1 889 181

51 565

466,6

Île-de-France

12 057 051

631 614

2 859,6

Languedoc-Roussillon

2 759 559

67 361

559,9

Limousin

760 971

17 724

189,1

Lorraine

2 406 226

56 781

533,1

Midi-Pyrénées

3 011 801

84 742

595,4

Nord-Pas-de-Calais

4 118 776

106 023

928,7

Pays de la Loire

3 739 321

105 755

754,5

Picardie

1 969 961

47 456

390,6

Poitou-Charentes

1 839 249

46 622

368,0

Provence-Alpes-Côte d’Azur

5 022 659

152 686

1 093,4

Rhône-Alpes

6 500 319

206 917

1 359,0

Guadeloupe

410 335

8 247

188,0

Guyane

241 922

4 016

71,5

La Réunion

843 617

17 967

335,4

Martinique

395 027

8 694

172,8

(1) Population totale en 2015 – année de référence 2012.

(2) Données provisoires (année 2013, base 2010. Les données de La Réunion comprennent celles de Mayotte).

Source : direction générale des collectivités locales (DGCL).

II. LE CONTEXTE ÉCONOMIQUE, FINANCIER ET BUDGÉTAIRE

L’attribution d’une part plus importante de recettes fiscales dynamiques, correspondant au renforcement de leur rôle, notamment en matière de développement économique, est une revendication forte des régions, dans le contexte de la réduction des dépenses totales des collectivités territoriales et de leur contribution au redressement des finances publiques.

ÉVOLUTION DES DÉPENSES TOTALES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

(en milliards d’euros)

Année

Communes et EPCI

Départements

Régions

Total

2009

117,7

68,5

28,0

214,2

2010

118,0

68,4

26,5

212,9

2011

122,6

69,6

27,2

219,4

2012

126,8

71,6

28,0

226,4

2013

132,5

72,4

28,7

233,6

2014

130,6

73,5

29,3

233,4

Source : Rapport de l’Observatoire des finances locales, Les finances des collectivités locales en 2015.

ÉVOLUTION DE LA CONTRIBUTION DES COLLECTIVITÉS
AU REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES ENTRE 2015 ET 2016

(en millions d’euros)

Année

Régions

Départements

Bloc communal

Total

2015

433

1 108

2 129

3 670

2016

451

1 148

2 071

3 670

Source : évaluation préalable.

En matière de fiscalité, outre les modulations de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TCIPE), les régions n’ont de pouvoir de taux que sur la taxe sur les certificats d’immatriculation, qui ne représente que 7 % du total de leurs ressources.

De ce fait, elles sont davantage exposées aux conséquences de la baisse des dotations de l’État. Ainsi, selon les calculs de l’Association des régions de France (ARF), les régions seront les seules perdantes nettes sur la période 2014-2017 si l’on prend en compte à la fois la baisse des dotations et le dynamisme des recettes fiscales (les projections sont fondées sur les évolutions fiscales moyennes de 2009 à 2013). Le solde serait positif de 1,4 milliard d’euros pour le bloc communal et de 1,7 milliard d’euros pour les départements tandis que les régions perdraient 950 millions d’euros. Le taux d’épargne brute des régions (20,7 % en 2013) reste néanmoins plus élevé que ceux des départements (11 %) et du bloc communal (15 %).

Pour les régions, l’année 2014 a été marquée par une baisse de 1,3 % des recettes réelles de fonctionnement, en liaison avec la baisse des dotations de l’État mais aussi du produit de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Les régions ont toutefois maintenu leur effort d’investissement. En 2015, ces dépenses devraient encore progresser de 0,3 %. Cette moyenne est portée par des dépenses d’équipement liées à des projets importants dans certaines régions mais cache des situations très disparates. Selon une étude de La Banque postale (83), la baisse des dotations de l’État en 2015 ne serait que partiellement compensée par le dynamisme de la CVAE, principale contribution directe des régions, qui progresserait de 4,4 %, procurant une recette supplémentaire de l’ordre de 200 millions d’euros.

Les finances des départements sont marquées, en 2014 comme en 2015, par une forte hausse des dépenses de fonctionnement, du fait de la progression des dépenses d’aide sociale : + 4,1 % en 2014 et + 8 % pour le revenu de solidarité active (RSA) en 2015. Le reste à charge total pour les départements en matière de RSA devrait atteindre 4 milliards d’euros en 2015 au lieu de 3,3 milliards en 2014. L’apport des recettes nouvelles, notamment du fait de la hausse du taux des droits de mutation à titre onéreux est atténué en 2014 par la baisse du produit de CVAE. Hors remboursement de dette, les dépenses d’investissement des départements diminuent et leur endettement progresse d’un milliard d’euros par an, en 2014 comme en 2015. Le Gouvernement a annoncé qu’il proposerait des mesures d’urgence pour les départements les plus en difficulté lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2015.

Le tableau ci-dessous illustre le dynamisme, mais aussi la volatilité, des recettes de CVAE.

ÉVOLUTION DU PRODUIT TOTAL DE CVAE

Produits
(en millions d’euros)

Évolution
(en %)

2011

2012

2013

2014

2012

2013

2014

14 685

15 182

16 323

15 917

+ 3,3

+ 7,5

– 2,5

Source : Rapport de l’Observatoire des finances locales, Les finances des collectivités locales en 2015.

Trois autres recettes fiscales font l’objet de dispositions dans le présent article : la TICPE, la taxe sur les cartes grises et la taxe sur les permis de conduire. L’évolution récente de leurs produits est retracée dans le tableau suivant.

ÉVOLUTION DU PRODUIT DE TAXES LOCALES

Taxe

Produits en millions d’euros

Évolution en %

2011

2012

2013

2011

2012

2013

TICPE

10 806

10 895

10 864

+ 7,3

+ 0,8

– 0,3

Taxe sur les cartes grises

2 080

2 114

2 042

+ 8,5

+ 1,6

– 3,4

Taxe sur les permis de conduire

3

2

3

– 7,5

– 9,6

+ 4,1

Source : Rapport de l’Observatoire des finances locales, Les finances des collectivités locales en 2015.

III. LES MODIFICATIONS PROPOSÉES

A. LA COMPENSATION FINANCIÈRE DE TRANSFERTS DE COMPÉTENCES PRÉVUS PAR LA LOI NOTRE

L’article 15 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) transfère des départements aux régions la compétence pour les transports interurbains (au 1er janvier 2017) et les transports scolaires (au 1er septembre 2017). Le présent article précise les modalités de compensation financière de ces transferts de compétences, dont les principes sont fixés par l’article 133 de la loi NOTRe, présentés plus haut.

1. Augmentation de 25 % de la fraction de CVAE revenant aux régions

Conformément à l’article 1586 du code général des impôts, les départements perçoivent une fraction égale à 48,5 % de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, due au titre de la valeur ajoutée imposée dans chaque commune de leur territoire. Les régions et la collectivité territoriale de Corse perçoivent une fraction égale à 25 % de la CVAE.

Les alinéas 1 à 4 (A du I du présent article) portent la fraction de CVAE revenant aux régions de 25 à 50 %. La fraction perçue par les départements est réduite d’autant, de 48,5 % à 23,5 %. Le solde, inchangé, reste perçu par les communes.

FRACTIONS DE CVAE PERÇUES PAR LES COLLECTIVITÉS

Collectivité

Communes

Départements

Régions

Droit actuel

26,5 %

48,5 %

25 %

Droit proposé

26,5 %

23,5 %

50 %

Les alinéas 5 à 7 (B du I) organisent l’entrée en vigueur de ces dispositions.

Il est proposé que la nouvelle répartition des fractions de CVAE s’applique à la CVAE due par les redevables au titre de 2016, puis au titre des années suivantes. La cotisation due par les redevables au titre de l’année N étant versée en N + 1, la modification proposée n’aurait d’impact sur le budget des collectivités qu’à partir de 2017.

La CVAE est déterminée en fonction du chiffre d’affaires réalisé et de la valeur ajoutée produite au cours de l’année au titre de laquelle l’imposition est établie, ou au cours du dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année, lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l’année civile. Pour déterminer la CVAE due à une collectivité au titre de son budget de l’année N, sont pris en compte les versements effectués par les entreprises de son territoire en N – 1, soit les acomptes versés par les entreprises en juin et septembre N – 1 au titre de N – 1, ainsi que la régularisation de l’exercice N – 2 qui doit être versée en mai de l’année N – 1.

Les alinéas 8 à 10 (C du I) visent à traiter le cas des exonérations et abattements de CVAE accordés sur délibération des départements, des régions et de la collectivité territoriale de Corse, de façon à garantir la neutralité de la réforme du point de vue des entreprises.

Ces abattements et exonérations sont maintenus à proportion de la fraction de CVAE revenant respectivement aux départements ou à la région dans le droit actuel. Toutefois, deux cas sont distingués s’agissant de la durée de ce maintien.

Lorsque les abattements et exonérations ont été accordés pour une durée limitée, leur quotité est maintenue pour la durée initialement prévue.

Lorsqu’ils ont été accordés sans limitation de durée, ils sont maintenus pour les impositions dues au titre de 2016. Il appartiendra aux collectivités de prendre une nouvelle délibération pour les impositions dues au titre de 2017.

2. Attribution de compensations financières entre régions et départements

Les alinéas 34 à 38 (III du présent article) prévoient l’attribution annuelle, sans limitation dans la durée, d’une compensation financière entre le département et la région si le montant correspondant à 25 % du produit de CVAE perçue par le département l’année précédant celle de la première application du présent article n’est pas égal au coût net des charges transférées pour les transports scolaires et interurbains, prévus par l’article 15 de la loi NOTRe.

La compensation financière versée par la région au département est égale à la différence entre le coût net des charges transférées et le montant correspondant à 25 % de CVAE. Ce coût net est calculé selon les modalités prévues par le V de l’article 133 de la loi NOTRe, présentées plus haut. L’attribution de compensation ne peut être indexée.

Si cette différence est négative, la région peut demander une compensation au département (alinéa 37). Pour autant, l’alinéa 39 prévoit que l’attribution de compensations financières constitue une dépense obligatoire.

Le montant de la compensation est fixé par délibérations concordantes du conseil régional et du conseil départemental, ou à défaut, par le représentant de l’État dans le département. Le présent article ne prévoit pas de date butoir pour l’adoption des délibérations ni pour la publication de l’arrêté préfectoral.

3. Clause de revoyure en 2016

Le transfert de 25 % du produit de la CVAE correspond globalement à la somme des dépenses des départements pour les transports scolaires et non urbains. Le Gouvernement a fait le choix d’une fraction uniforme au niveau national, pour des raisons de clarté. Toutefois, compte tenu des différences dans la répartition départementale du produit de CVAE, comme dans l’organisation des transports interurbains et scolaires et dans les coûts de ces services, il sera nécessaire, dans de nombreux départements, d’ajuster le financement du transfert de ces compétences par l’attribution d’une compensation.

C’est pourquoi l’alinéa 11 (D du I) prévoit la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement avant le 15 septembre 2016, dont l’objet est d’évaluer les ajustements du partage des ressources entre régions et départements rendus nécessaires par les transferts de compétences opérés par la loi NOTRe. La rédaction de cet alinéa ne limite pas le champ du rapport aux transports scolaires et interurbains. Le rapport devra notamment comporter une analyse des mécanismes de compensation des transferts de compétences en Île-de-France, puisque la compétence transport y est exercée par le STIF. L’article 39 du présent projet de loi de finances ne prévoit pas à ce stade de dispositions particulières à l’Île-de-France.

B. ADAPTATION DE LA FISCALITÉ À LA NOUVELLE CARTE RÉGIONALE

1. L’adaptation des exonérations de CVAE au nouveau découpage régional

Si les alinéas 7 à 10 maintiennent provisoirement les abattements et exonérations de CVAE actuellement prévus par les départements, les régions et la collectivité territoriale de Corse dans le cadre du transfert de 25 % du produit de la CVAE, les alinéas 13 à 15 (A du II) prévoient un dispositif similaire rendu nécessaire par la nouvelle délimitation des régions à compter du 1er janvier 2016.

Ainsi, dans les régions constituées à compter du 1er janvier 2016 du regroupement de plusieurs des régions actuelles, les exonérations et abattements applicables en exécution des délibérations prises par les régions avant le regroupement sont maintenus à titre provisoire dans les limites territoriales des régions actuelles.

Lorsque les abattements et exonérations ont été accordés pour une durée limitée, leur quotité est maintenue pour la durée initialement prévue.

Lorsqu’ils ont été accordés sans limitation de durée, ils sont maintenus pour les impositions dues au titre de 2016. Il appartiendra aux collectivités de prendre une nouvelle délibération pour les impositions dues au titre de 2017.

2. Les fractions de TICPE

Les régions disposent actuellement de deux fractions modulables de TICPE. Depuis 2007, il est prévu une régionalisation d’une fraction de la TICPE applicable aux supercarburants et au gazole dans le cadre du transfert aux régions de dépenses dont le financement était jusqu’alors assuré par l’État. Les conseils régionaux et l’assemblée de Corse peuvent ainsi décider d’une fraction de TICPE à appliquer dans leur ressort territorial dans la limite de 1,77 euro/hl pour les supercarburants et de 1,15 euro/hl pour le gazole, conformément au 2 de l’article 265 du code des douanes, qui les autorise à moduler une réfaction.

Ils peuvent également, depuis 2011, conformément à l’article 265 A bis du code des douanes, majorer d’une deuxième tranche la TICPE applicable aux carburants vendus sur leur territoire dans la limite de 0,73 euro/hl pour les supercarburants et de 1,35 euro/hl pour le gazole. Les recettes fiscales issues de cette taxe sont affectées au financement de grands projets d’infrastructure de transport durable, prévus par la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (84), ou à l’amélioration du réseau de transports urbains en Île-de-France.

Seules les régions de Corse et de Poitou-Charentes ont choisi de ne pas réduire la réfaction et de ne pas voter la majoration pour 2015. Les autres régions appliquent le taux maximum, soit 2,5 euros/hl au total pour le gazole comme pour les supercarburants. Au total, les taux de TICPE applicables en 2015 sont les suivants.

TARIFS DE TICPE APPLICABLES EN 2015

(en centimes d’euros/litre)

Régions

Gazole

Supercarburants

Corse

45,67

59,64 (1)
ou 60,64 (SP 95 E10)

Poitou-Charentes

45,67

60,64

Autres régions

48,17

63,14

(1) Ce taux inclut une réfaction de 1 euro/hl applicable aux supercarburants destinés à être utilisés en Corse. Le SP 95 E 10 n’est pas concerné par cette disposition.

Si la modulation dite « Grenelle » ne pose pas de difficulté au regard du droit de l’Union européenne, l’autorisation de modulation, accordée par le Conseil de l’Union européenne pour la première tranche, arrive à échéance le 31 décembre 2015. La France a sollicité le gel en 2016 de la modulation applicable en 2015, avant d’élaborer un mécanisme alternatif dans le cadre des nouvelles régions.

Dans ce contexte, l’alinéa 16 (B du II du présent article) prévoit deux cas de figure.

Pour la fixation des montants de la réfaction et de la majoration, les conseils régionaux et l’assemblée de Corse ne peuvent intervenir qu’une fois par an et au plus tard le 30 novembre de l’année qui précède l’entrée en vigueur du tarif modifié.

Si une délibération intervient en 2015, les montants applicables en 2016 résultent de cette délibération, dans les limites territoriales des régions en vigueur au 31 décembre 2015.

À défaut d’une telle délibération, les montants applicables en 2015 pour les carburants vendus aux consommateurs finaux en 2016 sont reconduits en 2016.

3. Les taxes sur les permis de conduire et les certificats d’immatriculation

Deux autres taxes figurent parmi les recettes fiscales des régions.

– La taxe sur les certificats d’immatriculation (taxe sur les cartes grises) prévue par l’article 1599 quindecies du code général des impôts. Affectée à la région où se situe l’établissement auquel le véhicule est affecté à titre principal, elle peut être proportionnelle ou fixe. Le taux unitaire par cheval-vapeur, arrêté par la région ou la collectivité territoriale de Corse, est déterminé chaque année par délibération du conseil régional ou de l’assemblée de Corse. Des réductions de taux peuvent être accordées selon les catégories de véhicules.

MONTANT DE LA TAXE RÉGIONALE SUR LES CERTIFICATS D’IMMATRICULATION EN 2015

(en euros pour 1 CV)

Alsace

36,50

Aquitaine

36,00

Auvergne

45,00

Basse-Normandie

35,00

Bourgogne

51,00

Bretagne

46,0

Centre

42,45

Champagne-Ardenne

35,00

Corse

27,00

Franche-Comté

36,00

Haute-Normandie

35,00

Île-de-France

46,15

Languedoc-Roussillon

44,00

Limousin

42,00

Lorraine

45,00

Midi-Pyrénées

45,00

Nord-Pas-de-Calais

34,00

Pays-de-la-Loire

45,00

Picardie

33,00

Poitou-Charentes

41,80

Provence-Alpes-Côte d’Azur

51,20

Rhône-Alpes

43,00

Guadeloupe

41,00

Guyane

42,50

La Réunion

39,00

Martinique

30,00

Source : http://www.service-public.fr

Le coût de la carte grise correspond à la somme de cette taxe régionale, de la taxe pour le développement des actions de formation professionnelle (pour les camionnettes), de la taxe CO2 et du malus écologique pour les véhicules polluants, de ma taxe de gestion et de la redevance pour l’acheminement de la carte.

– La taxe sur les permis de conduire prévue par l’article 1599 terdecies du code général des impôts. Perçue au profit de la région, son taux est fixé par le conseil régional. Seules cinq régions appliquent cette taxe.

MONTANT DE LA TAXE RÉGIONALE SUR LES PERMIS DE CONDUIRE

(en euros)

Corse

33

Limousin

27

Poitou-Charentes

25

La Réunion

69

Guyane

53,56

Martinique

53

Source : http://www.service-public.fr

Les taux des taxes sur les certificats d’immatriculation et les permis de conduire applicables au 31 décembre 2015 sont respectivement reconduits, par les alinéas 17 et 23 (C et D du II), en 2016, sur le territoire de chaque région dans ses limites territoriales de 2015.

Les nouvelles régions pourront voter en 2016 un tarif unique applicable à compter de 2017 ou prévoir une intégration fiscale progressive sur au plus cinq ans, dans les conditions suivantes.

MODALITÉS D’INTÉGRATION FISCALE PROGRESSIVE DES TAXES RÉGIONALES
SUR LES CARTES GRISES ET LES PERMIS DE CONDUIRE

Modalités

Taxe
sur les cartes grises

Taxe
sur les permis de conduire

Alinéas

Délai pour la délibération des conseils régionaux des régions regroupées

Entre le 1er janvier et le 30 septembre 2016

Entre le 1er janvier et le 30 novembre 2016

18 et 24

Contenu de la délibération

Durée dans la limite de cinq ans

Taux cible applicable à l’issue de la procédure

19 et 25

Réduction des différences entre le taux d’imposition sur le territoire des régions existant au 31 décembre 2015 et le taux cible

Chaque année par part égale

20 et 26

Durée de réduction des écarts de taux

Non modifiable, sauf délibération prise pour l’application d’un taux unique sur le territoire de la région regroupée

21 et 27

Délibération prise dans les conditions du 1 du I de l’article 1599 sexdecies du code général des impôts

Délibération prise dans les conditions du 1 du I de l’article 1599 sexdecies du code général des impôts (1)

Fin éventuelle de l’intégration fiscale progressive

Au 1er janvier de l’année suivant la délibération

À compter du premier jour du deuxième mois suivant la date à laquelle la décision est devenue exécutoire

Exonérations prévues en application de l’article 1599 novodecies A du code général des impôts

Maintenues sur le territoire de la région pour lequel elles s’appliquaient au 31 décembre 2015 jusqu’à la fin de la procédure d’intégration fiscale progressive sauf délibération prévoyant de conditions uniques d’exonération dans la région regroupée

/

22

Les alinéas 28 à 32 (F du II) encadrent le calendrier des délibérations des conseils régionaux et de l’assemblée de Corse. Le 1 du I de l’article 1599 sexdecies du code général des impôts dispose que le taux unitaire par cheval-vapeur est déterminé chaque année. L’alinéa 30 vise à ce que la délibération annuelle intervienne avant le 1er octobre de l’année N − 1, les taux modifiés s’appliquant à compter du 1er janvier de l’année N. À défaut de délibération, les tarifs seraient reconduits d’une année sur l’autre.

L’alinéa 32 applique les mêmes règles à la délibération prévue par l’article 1599 novodecies A du code général des impôts pour l’exonération, totale ou à concurrence de la moitié de la taxe proportionnelle sur les certificats d’immatriculation des véhicules spécialement équipés pour fonctionner, exclusivement ou non, au moyen de l’énergie électrique, du gaz naturel véhicules ou du gaz de pétrole liquéfié ou du superéthanol E85.

4. L’exonération fiscale des transferts de biens, droits et obligations résultants du nouveau découpage régional

L’alinéa 33 (F du II du présent article) prévoit que les transferts de biens, droits et obligations résultant de l’application du II de l’article L. 4111–1 du CGCT, relatif à la constitution des régions, dont il détermine la liste, tel qu’il résulte de l’article 1er de la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, ne donnent pas lieu à perception d’impôts, droits ou taxes de quelque nature que ce soit. Ils ne donnent pas lieu non plus au versement de la contribution de sécurité immobilière due à l’État pour l’accomplissement des formalités prévues à l’article 878 du code général des impôts.

La rédaction de l’article L. 4111– 1 du CGCT visée par le présent alinéa 33 entre en vigueur au 1er janvier 2016. Des dispositions similaires sont pourtant déjà prévues par le VIII de l’article 133 de la loi NOTRe pour les transferts résultant de la fusion de régions. Ce VIII de l’article 133 de la loi NOTRe s’applique à compter du prochain renouvellement général des conseils régionaux.

IV. L’IMPACT ÉCONOMIQUE

A. LE FINANCEMENT DU TRANSFERT DES COMPÉTENCES

Selon l’évaluation préalable de l’article 133 de la loi NOTRe, le transfert des départements aux régions de la responsabilité des transports non urbains routiers (hors Île-de-France), y compris les transports scolaires représenterait un montant total de charges transférées évalué à 3,6 milliards d’euros décomposés comme suit :

– 1,8 milliard d’euros au titre de la compétence d’organisation des transports scolaires (à 99 % des dépenses de fonctionnement) ;

– 1,8 milliard d’euros au titre de l’organisation des autres transports non urbains (dont 15 % de charges d’investissement).

L’ordre de grandeur de ces montants correspond au quart du produit de CVAE transféré des départements aux régions, qui s’élève à 3,9 milliards d’euros en 2014 et 4,1 milliards d’euros en 2015.

Toutefois si ces montants correspondent globalement au niveau national, il n’en va pas de même au niveau départemental. Le versement d’une attribution de compensation financière de la région au département ou inversement devrait être un cas fréquent.

RECETTES DE CVAE ET DÉPENSES DE TRANSPORTS SCOLAIRES ET INTERURBAINS DES DÉPARTEMENTS 2015

(en millions d’euros)

Code département

Libellé du département

Part de CVAE au profit du département

Dépenses de fonctionnement des transports scolaires

Dépenses d’investissement des transports scolaires

Dépenses de fonctionnement et d’investissement des transports interurbains

01

AIN

66,8

29,7

NC (1)

02

AISNE

40,4

36,6

03

ALLIER

28,3

18,7

04

ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE

13,8

11

05

HAUTES-ALPES

10,7

0

06

ALPES-MARITIMES

130,2

8,7

07

ARDÈCHE

26,3

24,9

08

ARDENNES

22,2

15,5

09

ARIÈGE

9,8

7,7

10

AUBE

30,7

15,9

11

AUDE

22,9

20,1

12

AVEYRON

24,8

13,2

13

BOUCHES-DU-RHÔNE

227,9

19,2

14

CALVADOS

65,5

14,7

15

CANTAL

10,8

5,9

16

CHARENTE

40,4

14,1

17

CHARENTE-MARITIME

49,8

35,6

18

CHER

32,4

14,1

19

CORRÈZE

21,7

18,9

21

CÔTE-D’OR

60,1

28,1

22

CÔTES-D’ARMOR

45,9

25,5

23

CREUSE

6,1

8,4

24

DORDOGNE

26,3

18,2

25

DOUBS

53,9

26,9

26

DROME

65,3

30,1

27

EURE

61,9

1,3

28

EURE-ET-LOIR

44,6

7,1

29

FINISTÈRE

73,5

13,4

2A

CORSE-DU-SUD

13,5

13,3

2B

HAUTE-CORSE

11,4

10,5

30

GARD

52,2

29,5

31

HAUTE-GARONNE

188,9

49,7

32

GERS

12,3

0,1

33

GIRONDE

168,1

26,6

34

HÉRAULT

98,1

0,0

35

ILLE-ET-VILAINE

120,6

38,8

36

INDRE

18,8

11,8

37

INDRE-ET-LOIRE

62,8

16,3

38

ISÈRE

150,7

10,4

39

JURA

22,1

26,0

40

LANDES

33,6

19,2

41

LOIR-ET-CHER

34,6

21,6

42

LOIRE

71,5

31,0

43

HAUTE-LOIRE

16,0

11,3

44

LOIRE-ATLANTIQUE

164,5

44,0

45

LOIRET

89,6

8,7

46

LOT

12,9

9,0

47

LOT-ET-GARONNE

27,1

15,2

48

LOZÈRE

4,6

6,6

49

MAINE-ET-LOIRE

79,0

21,3

50

MANCHE

45,4

26,0

51

MARNE

65,1

19,3

52

HAUTE-MARNE

16,0

10,4

53

MAYENNE

33,8

12,1

54

MEURTHE-ET-MOSELLE

63,4

27,4

55

MEUSE

13,9

13,3

56

MORBIHAN

63,1

27,4

57

MOSELLE

94,5

47,6

58

NIÈVRE

15,7

15,0

59

NORD

283,4

36,9

60

OISE

77,8

57,3

61

ORNE

22,9

18,0

62

PAS-DE-CALAIS

109,9

57,9

63

PUY-DE-DÔME

71,3

34,3

64

PYRÉNÉES-ATLANTIQUES

71,7

33,0

65

HAUTES-PYRÉNÉES

17,8

0,0

66

PYRÉNÉES-ORIENTALES

32,9

5,0

67

BAS-RHIN

153,1

0,0

68

HAUT-RHIN

83,8

34,7

69

RHÔNE

55,4

1,9

70

HAUTE-SAÔNE

15,8

19,3

71

SAÔNE-ET-LOIRE

53,2

25,3

72

SARTHE

56,5

20,8

73

SAVOIE

60,5

22,8

74

HAUTE-SAVOIE

96,6

29,5

75

PARIS

919,7

0,0

76

SEINE-MARITIME

150,2

56,5

77

SEINE-ET-MARNE

158,5

38,8

78

YVELINES

211,2

10,7

79

DEUX-SÈVRES

41,3

0,0

80

SOMME

54,2

40,3

81

TARN

28,6

12,7

82

TARN-ET-GARONNE

19,7

13,7

83

VAR

78,1

8,8

84

VAUCLUSE

57,6

14,8

85

VENDÉE

66,0

33,9

86

VIENNE

42,0

20,6

87

HAUTE-VIENNE

28,8

0,3

88

VOSGES

31,5

22,8

89

YONNE

28,3

23,8

90

TERRITOIRE DE BELFORT

13,1

3,8

91

ESSONNE

163,4

34,9

92

HAUTS-DE-SEINE

654,7

0,2

93

SEINE-SAINT-DENIS

215,7

0,8

94

VAL-DE-MARNE

198,4

13,6

95

VAL-D’OISE

123,4

3,9

971

GUADELOUPE

22,1

8,8

972

MARTINIQUE

22,5

12,4

973

GUYANE

9,8

23,9

974

LA RÉUNION

49,6

8,2

976

MAYOTTE

 

19,5

Ensemble

 

7 828,4

1 924,6

Source : Assemblée des départements de France (ADF), direction générale des collectivités locales (DGCL).

Données CVAE 2015 définitive (CVAE 2014 versée par les entreprises et reversée aux départements en 2015 à périmètre 2015)

Budgets primitifs 2015. Certains départements peuvent avoir créé un budget annexe pour gérer cette compétence, ou ne pas avoir ventilé leurs dépenses jusqu’à la sous-fonction « transports scolaires ».

(1) Le Gouvernement n’a pas été en mesure de transmettre ces informations à la Rapporteure générale.

B. LES TRANSFERTS DE BIENS, DROITS ET OBLIGATIONS

L’exonération d’impôts sur les transferts de biens, droits et obligations liés à la fusion des régions, prévue par l’alinéa 33 du présent article, permet une économie pour les nouvelles régions que l’évaluation préalable qualifie de « non négligeable », sans la chiffrer plus précisément.

*

* *

La commission examine tout d’abord l’amendement II-CF 153 du président Gilles Carrez.

M. le président Gilles Carrez. L’amendement tend à maintenir la fraction actuelle de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) revenant aux départements. Lors de la réforme de la taxe professionnelle, il a en effet été décidé, après mûre réflexion, d’affecter au moins 50 % de la cotisation à ceux-ci, sachant qu’elle est assise sur la valeur ajoutée et évolue donc comme le PIB, ce qui en fait une recette dynamique. Les départements ayant des dépenses sociales croissantes liées au vieillissement de la population ou à l’exclusion, il était logique de leur affecter une recette présentant des garanties d’évolution positive. Puis les groupements communaux ont fait valoir que si la CVAE avait un taux national, c’était par leurs actions d’urbanisme et d’accueil d’équipements de zones d’activité que les entreprises s’installaient ; et qu’il serait légitime qu’il y ait un intéressement de la collectivité locale en accroissant la part revenant aux communes et groupements de communes : elle est ainsi passée de 25 à 27,5 %, alors qu’elle diminuait pour les départements de 50 à 47,5 %. Or le Gouvernement propose d’inverser la proportion à partir de 2017 et de donner la moitié de la CVAE aux régions au lieu d’un quart.

Mme la Rapporteure générale. N’ayant pas eu de bilan financier précis sur cette cotisation, je vais essayer de l’obtenir d’ici à l’examen en séance publique et vous propose, en attendant, de retirer votre amendement.

M. François André. Votre amendement en dit trop ou pas assez. Cette nouvelle répartition de CVAE entre départements et régions est relative au transfert de compétences. Le calcul a été fait au regard du coût de la compétence « transport » transférée aux régions. Monsieur le président, si vous supprimez cette disposition, comment financerez-vous ce transfert ainsi que celui des autres compétences ?

M. Jean-Louis Gagnaire. Il faut aussi tenir compte du transfert de compétences aux régions en matière de développement économique. Je soutiendrai un amendement pour dire que le compte n’y est pas sur les transferts de CVAE : il manque en fait 800 millions d’euros, les départements ne s’occupant plus de développement économique à partir du 1er janvier 2016. Qui va le prendre en charge ? Ce n’est pas le moment de baisser la garde : ce que les départements ne feront plus sera vraisemblablement assuré par les régions, en dehors peut-être des grandes métropoles – ce qui n’est encore pas complètement sûr. Il ne s’agit pas seulement de politiques locales : on assiste, par exemple, à une baisse continue des financements de l’État pour les pôles de compétitivité, les collectivités territoriales ayant pris le relais et même dépassé ces financements. Mettre en panne le système au cours de 2016, qui pourrait être une année blanche, serait assez désastreux – beaucoup d’emplois sont créés par ces politiques économiques –, même si les agences départementales ne seront transférées qu’au 1er janvier 2017. Lors du débat sur la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite « loi NOTRe »), la ministre avait même parlé d’un transfert de 60 %. Si je comprends la situation des départements, il faut veiller à l’adéquation entre les ressources et les dépenses. Or les dépenses économiques doivent être plutôt financées les impôts pesant sur les entreprises, sachant le rôle que les régions auront à jouer en la matière. Et ce n’est pas en déshabillant celles-ci qu’on peut habiller les départements. Je rappelle que c’est la première fois, depuis qu’on parle de décentralisation, qu’on opère des transferts de compétences entre collectivités : il y a donc un apprentissage à faire dans ce domaine.

M. Dominique Lefebvre. Il y a deux débats dans le débat. D’abord, comment mesure-t-on la charge des compétences transférées ? On ne peut que s’appuyer sur les commissions d’évaluation des charges transférées – la fin de l’article dit bien qu’il y aura des délibérations concordantes entre le conseil régional et les conseils départementaux et que, en cas de désaccord, le préfet prendra un arrêté sur la base de charges constatées les précédentes années. Nous avons déjà eu ce débat sur la non-compensation intégrale des charges transférées entre l’État et les collectivités. Les taux retenus correspondent à l’évaluation des charges effectives transférées aux régions. Se pose aussi un problème de déclinaison région par région, avec des déséquilibres et un mécanisme d’attribution de compensations. Mais vous soulevez une autre question, monsieur le président, qui porte sur la dynamique des ressources transférées. À cet égard, il n’est pas absurde, compte tenu des compétences stratégiques des régions, qu’elles soient les principales bénéficiaires d’une ressource fiscale indexée sur la croissance économique. Par ailleurs, concernant les charges à venir des départements, il y a un débat sur le transfert vers l’État de la dépense du revenu de solidarité active (RSA). Il aurait mieux valu dire quelles étaient les autres ressources fiscales transférées, l’attribution de compensations budgétaires n’étant pas adaptée. Le dispositif prévu par le projet de loi de finances est donc plutôt cohérent.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cet amendement me paraît plein de bon sens. Le Gouvernement prévoit, en effet, de déshabiller les départements pour habiller les régions. Par ailleurs, les transferts de compétences ne sont pas encore effectifs et, compte tenu des élections régionales à venir, le travail commencera à se faire courant 2016. On n’a aucune visibilité et on a déjà fait bouger toutes les lignes ! S’agissant du débat sur le RSA, achevons-le vite et prenez une décision, pour qu’on sache précisément où on va ! Les départements n’en peuvent plus.

M. le président Gilles Carrez. Je retire donc l’amendement, que je redéposerai en séance, car il est important que nous ayons ce débat avec le Gouvernement, qui ne porte pas sur les équilibres, mais sur la nature des ressources par rapport à celle des dépenses.

L’amendement II-CF 153 est retiré.

La commission examine ensuite les amendements identiques II-CF 179 de M. Christophe Caresche et II-CF 298 de M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. En région Île-de-France, la compétence relative aux transports connaît des modalités spécifiques d’application puisqu’elle est dévolue au syndicat des transports d’Île-de-France (STIF) et non aux collectivités territoriales. S’agissant des transferts de compétences prévus à l’article 15 de la « loi NOTRe », il n’est donc pas besoin de prévoir en compensation un transfert de recette fiscale. Par conséquent, et sans qu’il soit nécessaire d’attendre l’examen particulier des mécanismes de compensation des transferts de compétences en Île-de-France, dans le cadre du rapport prévu au D du I de l’article 39, il est proposé, pour cette région, de maintenir la répartition actuelle du produit de CVAE.

Mme la Rapporteure générale. Il est clair que la situation du STIF est particulière en Île-de-France. Mais je vous invite à redéposer votre amendement pour qu’on puisse avoir une discussion avec le Gouvernement sur ce point, sachant qu’on recherche un abondement de recettes pour le STIF et l’ensemble des transports dans la région.

M. le président Gilles Carrez. D’abord, il n’est pas sûr que le transfert des départements vers la région des transports scolaires représente le même enjeu pour elle que dans les autres régions – plusieurs transports étant déjà assurés par le STIF. Aujourd’hui, le fonctionnement des transports en Île-de-France est bouclé, en termes de dotations publiques, par la région, à hauteur de 50 %, et les départements – avec pour celui de Paris une part de 30 % et celui des Hauts-de-Seine, de 20 %. Je ne sais pas si cette situation spécifique a été prise en compte.

M. Dominique Lefebvre. S’il y a probablement une situation spécifique, elle ne m’apparaît pas tout à fait clairement. Alors que le STIF a une compétence générale, des lignes interurbaines départementales et des transports scolaires sont financés par les départements. Je veux bien que la clé de répartition ne soit pas la même dans cette région, mais je n’ai pas compris qu’il n’y avait pas de transfert de compétence « transport » associée. S’il faut que ce dossier soit mis à plat, je ne suis pas certain que cet amendement le règle, en l’absence de données plus précises sur ce point.

M. le président Gilles Carrez. Il a le mérite de poser le problème.

M. Pascal Cherki. Il ne s’agit pas d’un amendement pour la ville de Paris, mais pour l’ensemble des départements. Celle-ci a toujours assumé une forte contribution au STIF en raison d’une faculté contributive plus grande que les autres départements et du fait que l’histoire des transports en commun a conduit à une surconcentration dans Paris et la première couronne. Il s’agit de se demander si, compte tenu de la spécificité du STIF, une application mécanique de la « loi NOTRe » s’impose. Nous sommes un certain nombre à penser que ce n’est pas le cas et qu’il y a donc lieu de revoir le dispositif. Mais si la commission ne s’estime pas suffisamment éclairée en l’absence du Gouvernement pour en décider, je suis prêt à retirer mon amendement et à le redéposer en séance publique.

M. Jean-Louis Gagnaire. Le raisonnement est séduisant en apparence, mais ce n’est pas parce qu’il n’y a pas beaucoup de transferts de charges que l’Île-de-France doit vivre indépendamment du reste du pays. Et il serait assez malvenu qu’on ait des taux différents dans cette région par rapport aux autres.

M. le président Gilles Carrez. C’est déjà le cas ! C’est le seul endroit où les départements payent à eux seuls 50 % du fonctionnement des transports.

M. Jean-Louis Gagnaire. Dans le cadre de la « loi NOTRe », on a intérêt à rester dans un schéma général, qui est celui présenté dans le projet de loi de finances. Je rappelle les débats que nous avons eus ici sur un amendement d’Olivier Faure pour financer les transports en Île-de-France. Je pense que ces moyens supplémentaires via la région et le STIF seront les bienvenus.

M. Christophe Caresche. Il y a une spécificité en Île-de-France, tenant au fait que le STIF est l’autorité organisatrice des transports. Celui-ci est alimenté par des contributions essentiellement départementales. Si on adopte l’article 39 tel quel, les conseils généraux vont continuer à alimenter le STIF, mais aussi la région, ce qui les amènerait à payer deux fois. Cela n’a pas de sens. Il faut tenir compte de cette spécificité, ce qui ne remet pas en cause la contribution des départements aux transports d’Île-de-France.

Mme la Rapporteure générale. M. Christophe Caresche a à la fois raison et tort, mais la question mérite d’être posée. L’article 39 dit que les régions doivent restituer le surplus s’il y en a un, mais que ce remboursement est toujours le même, ce qui veut dire que la dynamique pouvant bénéficier à la CVAE n’est pas prise en compte pour l’année N + 2. C’est la raison pour laquelle je propose d’approfondir la question en vue du débat en séance publique.

M. le président Gilles Carrez. Je rappelle que tout cela n’entrera en application qu’à partir de 2017.

M. Patrick Ollier. Cet amendement est plein de bon sens. Il s’agit d’un problème de prévision et la coordination aurait dû être engagée beaucoup plus tôt à cet égard. Le STIF est bien une spécificité de l’Île-de-France, ce qui remet en cause votre raisonnement, monsieur Gagnaire. Madame la Rapporteure générale, cet amendement pose le problème des conséquences pour les départements. Si on peut avoir une réponse sur ce point d’ici à l’examen en séance publique, on peut envisager qu’il soit redéposé à ce moment-là, mais pour l’instant, les ministres n’ont pas répondu à nos sollicitations !

M. Dominique Lefebvre. En réalité, ce n’est pas de la compensation des transferts de compétences qu’il s’agit, mais, comme précédemment, de l’idée qu’en Île-de-France, eu égard à la répartition des compétences ou des charges entre région et départements, le transfert de la ressource économique à la région ne pourrait pas être abordée de la même manière qu’ailleurs.

En tout état de cause, si l’on mettait cette idée en œuvre, ce ne pourrait être sur le fondement des taux ici proposés : les amendements en discussion sont des amendements d’appel.

Assurément, le cas francilien est spécifique : les départements apportent, en échange d’une participation à la gouvernance des transports, une contribution budgétaire au financement de ces derniers. Mais cela n’a pas empêché d’y transférer la compétence des transports scolaires et interurbains des départements à la région, comme ailleurs. Ainsi, dans le Val-d’Oise, des lignes qui étaient financées par le département sont reprises en charge au niveau régional.

Certains regrettent que la région Île-de-France se voie appliquer les mêmes dispositions que les autres régions malgré sa spécificité. Je peux le comprendre ; on aurait d’ailleurs pu créer une collectivité unique, comme en Corse…

Bref, il faut remettre les choses à plat mais, pour cela, il ne suffit pas de voter ces amendements.

M. le président Gilles Carrez. Nous en sommes d’accord. Les amendements seront redéposés en vue de la séance, ce qui nous permettra d’interroger le ministre.

Les amendements II-CF 179 et II-CF 298 sont retirés.

La commission en vient à l’amendement II-CF 217 de M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Nous proposons de permettre aux exécutifs régionaux de réviser les taux de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) afin de compenser l’évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF), qui s’applique aux régions comme aux autres collectivités alors même que les conseils régionaux n’ont aucune autonomie fiscale.

Certes la France a fait savoir que son droit de modulation de la TICPE ne serait revu que courant 2016, mais il est souhaitable que des ressources supplémentaires soient dégagées pour les nouveaux conseils régionaux, notamment dans les régions fusionnées ; or c’est l’une des rares marges de manœuvre existantes en matière fiscale. Le gel sur la base de 2015 n’est donc pas satisfaisant.

Dès lors, il convient qu’à partir de 2016, lorsqu’ils bâtiront leur budget, les nouveaux conseils régionaux puissent revoir les taux, d’autant que le problème se posera de l’harmonisation des taux entre les régions fusionnées. On propose actuellement de faire converger les taux en cinq ans, mais il faudrait permettre aux futurs conseillers régionaux de le faire dès que possible, dès leur premier budget.

Mme la Rapporteure générale. Avis favorable. À ce jour, seules les régions de Corse et de Poitou-Charentes n’appliquent pas le taux maximal de la fraction régionale de TICPE.

La commission adopte l’amendement II-CF 217 (amendement II-834).

Elle en vient ensuite à l’amendement II-CF 218 de M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Cet amendement est l’équivalent du précédent, mais pour la taxe sur les certificats d’immatriculation.

Suivant l’avis favorable de la Rapporteure générale, la commission adopte l’amendement II-CF 218 (amendement II-835).

Puis elle aborde l’amendement II-CF 219 de M. Jean-Louis Gagnaire.