Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF
Retour vers le dossier législatif


N
° 3559

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 mars 2016

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) sur l’exonération de droits d’enregistrement des acquisitions immobilières destinées à être utilisées par le CERN en tant que locaux officiels

PAR M. Hervé GAYMARD

Député

——

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir les numéros :

Sénat : 674 (2013-2014), 285, 286 et T.A. 65 (2014-2015).

Assemblée nationale : 2604.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. L’ASSUJETTISSEMENT DU CERN AUX DROITS D’ENREGISTREMENT : UN IRRITANT PREJUDICIABLE 7

II. UN ACCORD QUI INSTITUE UNE EXONÉRATION STRICTEMENT LIMITÉE AUX LOCAUX À USAGE OFFICIEL 9

CONCLUSION 11

TRAVAUX DE LA COMMISSION 13

ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 15

ANNEXE N° 2 : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 17

INTRODUCTION

L’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (le CERN) a été créée par la convention du 1er juillet 1953, signée à Paris et ratifiée, le 29 septembre 1954, par douze États européens. Établi sur la frontière franco-suisse, le CERN bénéficie d’un statut international formalisé par l’accord du 16 juin 1972, signé à Meyrin (Genève) le 16 juin 1972 entre le Gouvernement de la République française et le CERN relatif au statut juridique du CERN.

Conformément à cet accord, entré en vigueur le 8 mars 1973, le CERN bénéficie de privilèges fiscaux, plus précisément d’une exonération d’impôts directs. Malgré l’absence de mention des impôts indirects, Par lettre n° 753/83 du 24 octobre 1983, le Service de la législation fiscale (SLF) a fait savoir au CERN que la Caisse des pensions du CERN n’ayant pas de personnalité juridique distincte, elle « serait exonérée des droits d’enregistrement de la taxe de publicité foncière » pour ses investissements immobiliers en France.

S’en est suivi une longue période au cours de laquelle l’ensemble des opérations immobilières n’ont pas donné lieu à l’acquittement de droits. À la suite de changements statutaires, la remise en cause du bénéfice par la Caisse des pensions des privilèges octroyés au CERN a engendré un contentieux qui s’est soldé par le rétablissement de ces privilèges mais en les limitant aux seuls impôts directs. Ce retour à la lettre de l’accord a eu pour effet de rendre exigibles les droits d’enregistrement liés aux acquisitions immobilières du CERN alors que ce dernier continuait à se prévaloir de l’extension des privilèges accordés par la lettre de 1973 et ne procédait donc pas aux formalités afférentes à ses acquisitions.

La situation s’est envenimée lorsque le CERN a acquis deux immeubles à Paris en 2008 pour un prix induisant des droits à payer de 1,2 million d’euros. La France, comme le CERN, n’ayant aucun intérêt à au maintien d’un tel irritant, une solution mutuellement acceptable a été recherchée. Le 11 avril 2013, la France a conclu avec le CERN deux accords devant permettre d’aplanir définitivement un différend ancien et, résultant du régime fiscal qui était applicable à ses opérations immobilières sur le territoire français.

– un accord permettant de solder le passé. Cet accord porte règlement de la situation d’immeubles acquis par le CERN en 2008 en prévoyant l’exigibilité des droits d’enregistrement liés à ces opérations. Il est entré en vigueur par suite de sa publication par décret n° 2013-479 du 5 juin 2013 ;

– un accord réglant le contentieux juridique pour l’avenir et instituant une exonération de droits d’enregistrement des acquisitions immobilières destinées à être utilisées par le CERN en tant que locaux officiels. C’est cet accord dont le projet de loi propose la ratification.

I. L’ASSUJETTISSEMENT DU CERN AUX DROITS D’ENREGISTREMENT : UN IRRITANT PREJUDICIABLE

À la suite de modifications de ses statuts en 1986, puis en 1989, la Caisse des pensions du CERN a acquis la personnalité juridique. Le service de la législation fiscale a informé la Caisse, par deux lettres en date respectivement du 22 avril 1991 et du 1er août 1991, qu’elle ne pourrait plus prétendre au régime d’exonération partielle dont elle bénéficiait pour ses investissements immobiliers en France.

En juillet 1997, le tribunal administratif de l’Organisation internationale du travail (OIT) a rendu un jugement dans lequel il a considéré que « la Caisse des pensions du CERN faisait juridiquement partie de la structure du CERN » et n’avait donc pas de personnalité juridique distincte (affaire Palma, TAOIT, 83ème session, Jugement n° 1665).

La Direction de l’administration fiscale en a tiré les conséquences et a indiqué au ministère des Affaires étrangères par lettre en date du 18 février 2000 que la caisse pouvait bénéficier des mêmes exonérations fiscales que le CERN.

Toute la difficulté est née de ce que l’accord de 1972 ne prévoit pas d’exonération des droits d’enregistrement et qu’une telle exonération avait été accordée par une faveur administrative. La lettre du 1er août 1991 rappelait que l’accord de 1972 ne prévoyait aucune exonération en matière de droits d’enregistrement. En revanche, lors du rétablissement du bénéfice des privilèges du CERN pour la Caisse des pensions, l’absence d’exonération de droits d’enregistrement du CERN n’était pas expressément soulignée dans la note adressée au ministère des Affaires étrangères en 2000. La notification de cette nouvelle analyse par note verbale de la mission permanente de la France à Genève adressée au CERN le 21 août 2000, ne rappelait pas non plus que l’Accord de siège ne prévoyait aucune exonération des droits d’enregistrement.

Le CERN a continué à procéder à des acquisitions immobilières en franchises de droits. 16 acquisitions entre 1984 et 2008 ont ainsi été en pratique exonérées, étant précisé que le CERN ne respectait pas la procédure aux termes de laquelle les demandes relatives à l’exonération des droits d’enregistrement lors de l’acquisition de biens par les missions diplomatiques et les organisations internationales doivent être adressées par la voie diplomatique au Protocole du ministère des Affaires étrangères qui se charge de leur transmission aux services fiscaux.

En 2008, le CERN a acquis deux immeubles à Paris : l’un acquis en franchise de droits de mutation sur présentation de la note de 1983 auprès du conservateur des hypothèques mais dont le règlement a par suite été exigé ; l’autre, au contraire, a fait l’objet d’un refus d’enregistrement en franchise de droits. Le montant total des droits d’enregistrement pour ces deux acquisitions s’élevait à 1,2 million d’euros.

Le CERN s’est ému de ce qu’il considérait être une remise en cause unilatérale d’un droit, alors que la lettre du service de la législation fiscale de 1983 octroyant l’exonération était manifestement contra legem, le régime fiscal relevant du domaine législatif, ce qui explique d’ailleurs que le parlement doivent ratifier l’accord objet du présent projet de loi. Le différend s’est transformé en véritable irritant.

II. UN ACCORD QUI INSTITUE UNE EXONÉRATION STRICTEMENT LIMITÉE AUX LOCAUX À USAGE OFFICIEL

Afin de mettre un terme à une situation préjudiciable aux deux parties, la France a proposé une solution consistant à instaurer une exonération des droits d’enregistrement pour les futures acquisitions, dont le nombre devrait être limité, en échange de l’acquittement des droits d’enregistrement exigibles pour les immeubles acquis en 2008. Compte tenu du montant très élevé desdits droits, la France s’engageait aussi à compenser la charge au moyen d’une contribution au CERN.

Cette proposition de compromis mutuellement acceptable et bénéfique pour les activités du CERN a abouti à la conclusion de deux accords distincts, signés simultanément à Genève le 11 avril 2013, parmi lesquels celui qui institue l’exonération pour l’avenir et qu’il est proposé de ratifier.

Cet accord comporte seulement deux articles.

L’article 1er institue une exonération de droits d’enregistrement. Cette exonération ne s’applique qu’aux acquisitions immobilières destinées à être utilisées en tant que « locaux officiels ». C’est le champ d’application qui prévaut pour les représentations diplomatiques et consulaires.

La définition des locaux officiels figure au deuxième alinéa ; il s’agit des biens immobiliers destinés à accueillir des activités à caractère administratif, scientifique et technique telles que celles visées à l’article II de la convention du 1er juillet 1953 pour l’établissement d’une organisation européenne pour la recherche nucléaire.

Le dernier alinéa de l’article 1er restreint l’utilisation de ces acquisitions immobilières en précisant que le CERN s’abstient d’y réaliser des activités liées à la satisfaction des besoins des personnes (restauration, hébergement et garde d’enfants). Cette exclusion a été expressément visée de façon à éviter toute ambiguïté sur les dépenses de ce type, qu’elles portent sur tout ou partie d’un immeuble.

L’article 2 prévoit une entrée en vigueur conformément à la procédure prévue à l’article XXIV, alinéa 2, de l’accord du 16 juin 1972 précité, c’est-à-dire le trentième jour qui suit la réception de la dernière notification.

CONCLUSION

L’accord objet du présent projet de loi étend les privilèges fiscaux accordés au CERN en incluant les droits d’enregistrements liés aux acquisitions immobilières destinées à être utilisées par le CERN en tant que locaux officiels. Un tel privilège est courant et contribue à l’attractivité d’un pays en matière d’accueil d’organisations internationales. Pour cette seule raison, une ratification serait souhaitable.

Mais ce n’est pas la seule. Deux accords ont été conclus concomitamment et, même si la ratification parlementaire n’est nécessaire que pour celui ici soumis, ils ne peuvent être dissociés car l’un n’aurait pas été accepté sans l’autre. En contrepartie de l’octroi pour l’avenir d’un privilège, encore une fois courant et bien circonscrit, la dette fiscale passée a été apurée.

Il convient désormais, de clore définitivement cette période difficile des relations avec le CERN et de réaffirmer l’attachement réel à ses activités, déjà manifesté par la compensation de la charge résultant du rappel de droits.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa séance du mercredi 9 mars 2016 à 9h45.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

M. François Loncle. Merci d’avoir fait l’historique de cette institution remarquable. J’ajoute qu’en 1954, c’est le gouvernement de Pierre Mendes-France, un visionnaire sur beaucoup de sujets, qui a pris ces décisions.

Mme la présidente Elisabeth Guigou. J’en profite pour signaler que le CERN est prêt à recevoir une délégation de notre commission. J’envisageais donc d’organiser prochainement une éventuelle visite.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (n° 2604) sans modification.

ANNEXE N° 1 :

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

Néant

ANNEXE N° 2 :

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) sur l’exonération de droits d’enregistrement des acquisitions immobilières destinées à être utilisées par le CERN en tant que locaux officiels, signé à Genève le 11 avril 2013, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 2604)

© Assemblée nationale