N° 4484
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 février 2017
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI (n° 4442), ADOPTÉE PAR LE SÉNAT APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,
tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques
et des candidats,
PAR M. René DOSIÈRE,
Député
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INTRODUCTION 5
I. LE CADRE ACTUEL DU FINANCEMENT DE LA VIE POLITIQUE 6
DISCUSSION GÉNÉRALE 13
EXAMEN DES ARTICLES 21
CHAPITRE IER – Dispositions relatives aux candidats 21
Article 1er A (art. L. 52-5 et L. 52-6 du code électoral) : Délai de dévolution du solde excédentaire d’un compte de campagne 21
Article 1er B (art. L. 52-5 et L. 52-6 du code électoral) : Modalités de perception de la dévolution du solde positif d’un compte de campagne 22
Article 1er C (art. L. 52-9 du code électoral) : Coordination relative aux indications devant figurer sur les documents d’appel aux dons des candidats dans le cadre de leur campagne électorale 23
Article 1er (art. L. 52-12 du code électoral) : Publication par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) des informations relatives aux emprunts souscrits par les candidats 24
CHAPITRE II – Dispositions relatives aux partis politiques 26
Article 1er bis (art. 11-4 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique) : Ajout d’indications supplémentaires sur les appels aux dons des partis et groupements politiques 26
Article 1er ter (art. 11-4 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique) : Suppression de l’actualisation de certains plafonds applicables aux dons et cotisations aux partis et groupements politiques 27
Article 1er quater (art. 11-7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique) : Limitation de l’obligation de certification par deux commissaires aux comptes à certains partis et groupements politiques 28
Article 2 (art. 11-7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique) : Obligation de transmission d’une annexe aux comptes annuels et publication par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) des informations relatives aux emprunts souscrits par les partis et groupements politiques 29
Article 2 bis (art. 11-7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique) : Pouvoir de modulation par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) des sanctions prononcées en cas de manquement des partis ou groupements politiques à leurs obligations comptables 32
Article 3 : Modalités d’entrée en vigueur 33
TABLEAU COMPARATIF 35
Mesdames, Messieurs,
Déposée le 15 décembre 2016 par M. Alain Anziani et les membres du groupe Socialiste et républicain du Sénat, la présente proposition de loi tend à renforcer les obligations comptables des partis politiques.
Dans sa version initiale, ce texte se bornait à remédier à la censure (1), prononcée le 8 décembre 2016 pour un motif procédural, d’un article de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite « Sapin II ») (2) qui prévoyait la publication par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) d'informations relatives aux emprunts souscrits par les candidats à une élection politique tenus d'établir un compte de campagne ainsi que par les partis et groupements politiques bénéficiant de l'aide publique ou de dons.
Il a été complété par les sénateurs, qui ont adopté cette proposition de loi en première lecture le 1er février 2017. Le code électoral est opportunément modernisé sur plusieurs points : les délais et les modalités de dévolution des comptes de campagne sont revus, la CNCCFP se voit reconnaître un pouvoir de modulation des sanctions qu’elle prononce et les formalités de certification comptable sont allégées pour les plus petites formations politiques.
Cette proposition de loi constitue la dernière opportunité, sous la XIVème législature, pour améliorer la transparence sur les financements électoraux et ceux des partis politiques. La commission des Lois a donc adopté ses articles sans modification.
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À compter de 1988, afin de remédier aux dérives constatées, le législateur a adopté des textes successifs relatifs au financement de la vie politique et des campagnes électorales, destinés à en assurer la transparence.
Il convient de distinguer, d’une part, les règles intéressant le financement des campagnes électorales prévues par le code électoral et, d’autre part, celles relatives au financement des partis et groupements politiques introduites par la loi du 11 mars 1988 (3) relative à la transparence financière de la vie politique
Les règles intéressant le financement des campagnes électorales concernent l’ensemble des élections, nationales comme locales (4). Elles ne s’appliquent toutefois pas à l’élection des conseillers municipaux et à l’élection des conseillers communautaires dans les communes de moins de 9 000 habitants.
Conformément à la nouvelle rédaction de l’article L. 52-4 du code électoral, la période couverte porte sur les six mois (5) qui précèdent l’élection, « jusqu’à la date du tour de scrutin où l’élection a été acquise ». L’ensemble des recettes collectées et les dépenses engagées en vue de l’élection pendant cette durée doivent être retracées dans un compte de campagne – sauf pour les candidats ayant obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés.
Le compte doit avoir été visé par un expert-comptable, ce qui constitue une garantie supplémentaire de sa sincérité et de sa cohérence formelle.
L’absence de dépôt du compte est sanctionnée par le prononcé de l’inéligibilité du candidat, sa démission d’office s’il a été élu ou l’annulation de son élection si celle-ci a été contestée. Lors des élections législatives de 2012, le Conseil constitutionnel a sanctionné d’une année d’inéligibilité l’absence de dépôt du compte dans les délais (6).
Le candidat n’a pas le droit de manipuler lui-même les fonds, mais doit recourir à un mandataire financier, qui peut être une personne physique ou une association. Le mandataire est tenu d’ouvrir un compte bancaire unique qui devra retracer la totalité des opérations financières liées à la campagne électorale.
Les dépenses électorales sont plafonnées, selon des modalités qui varient en fonction de chaque type d’élection et du nombre d’habitants de la circonscription (7).
Ces dépenses sont partiellement remboursées par l’État, afin de préserver l’égalité des candidats. Le remboursement est limité à 47,5 % du plafond légal de dépenses et varie en fonction du niveau réel des dépenses électorales de chaque candidat. En outre, il ne peut excéder le montant des dépenses exposées personnellement par le candidat pour éviter un enrichissement sans cause.
Pour bénéficier de ce remboursement, le candidat doit avoir obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés au premier tour de scrutin (8) et avoir respecté la législation sur le financement des campagnes : si le compte de campagne est rejeté, ou si le plafond des dépenses a été dépassé, les dépenses ne sont pas remboursées.
C’est la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), instituée à l'article L. 52-14 du code électoral, qui arrête le montant du remboursement forfaitaire. Il lui appartient, sous le contrôle du juge, de :
– retirer du compte celles des dépenses qui ne peuvent être regardées comme effectuées en vue de l’élection ;
– et de moduler le montant du remboursement dans les cas où des irrégularités ont été commises, sans pour autant entraîner le rejet du compte de campagne.
Les recettes électorales sont, elles aussi, strictement encadrées. L’article L. 52-8 pose une interdiction générale des dons des personnes morales, de droit privé (entreprises, associations) ou de droit public (collectivités territoriales), qui ne comporte qu’une exception en faveur des partis et groupements politiques.
Les dons des personnes physiques sont autorisés mais leur montant est plafonné : une personne physique, dans le cadre d’une même élection, ne peut contribuer à la campagne d’un ou plusieurs candidats pour plus de 4 600 euros. Les dons de plus de 150 euros doivent être versés par chèque, virement, prélèvement automatique ou carte bancaire. Tous ces dons doivent figurer au compte de campagne. Aux dernières élections législatives, les dons fournissaient 17 % des recettes des candidats ;
Pour chaque don, le mandataire financier doit délivrer un reçu détaché d’un carnet à souche numéroté, édité par la CNCCFP. Sur présentation de ce reçu, le donataire peut bénéficier d’une réduction d’impôt, en application du 3° de l’article 200 du code général des impôts (66 % du montant du don, dans la limite de 20 % du revenu imposable).
Le dépassement du plafond des dons justifie le rejet du compte de campagne. Il en va de même pour la méconnaissance de la règle du versement des dons de plus de 150 euros. L’essentiel des ressources provient de l’apport personnel des candidats (73 % aux dernières législatives). Cet apport personnel est constitué par un ou des emprunts dont le remboursement interviendra lorsque le candidat aura perçu l’aide financière de l’État.
Les règles sur le financement des partis ont été posées par la loi du 11 mars 1988 (9) relative à la transparence financière de la vie politique, modifiée à plusieurs reprises et, dernièrement, par la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique (10).
Le financement public des partis politiques prend la forme d'une aide publique de l’État, régie par les articles 8 à 10 de la loi du 11 mars 1988, dont le montant est voté en loi de finances (68,7 millions d’euros pour 2017). Cette aide publique est partagée en deux fractions égales :
– la première fraction est attribuée aux partis et groupements politiques qui ont présenté des candidats ayant obtenu chacun 1 % des suffrages exprimés dans au moins cinquante circonscriptions lors du plus récent renouvellement de l'Assemblée nationale (11) ;
– la seconde est attribuée aux partis et groupements bénéficiaires de la première fraction proportionnellement au nombre des membres du Parlement qui ont déclaré au bureau de leur assemblée, au cours du mois de novembre, y être inscrits ou s'y rattacher (12).
Au titre de leur financement privé, les partis politiques ne peuvent recueillir des fonds que par l'intermédiaire d'un mandataire, qui est soit une personne physique déclarée à la préfecture, soit une association de financement agréée par la CNCCFP.
Les partis ne peuvent recevoir ni don, ni avantage financier, ni avantage en nature d’une personne morale, de droit public comme de droit privé, de droit français comme de droit étranger, y compris sous la forme de biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont pratiqués habituellement.
Une exception existe au profit des partis politiques eux-mêmes, qui peuvent connaître des échanges de flux financiers entre eux, conformément au troisième alinéa de l’article 11-4 de la loi du 11 mars 1988.
Les dons des personnes physiques sont autorisés dans la limite de 7 500 euros par an. Depuis la loi du 11 octobre 2013 précitée, cette limite s’applique par personne physique et les cotisations des adhérents aux partis politiques (13) sont prises en compte dans le plafond.
Tout don de plus de 150 euros doit être versé par chèque, virement, prélèvement automatique ou carte bancaire. Quel que soit le montant du don, le mandataire délivre un reçu au donateur sur un imprimé édité par la CNCCFP. Sur présentation de ce reçu, le donataire peut bénéficier d’une réduction d’impôt, dans les conditions détaillées supra.
En moyenne, les dons représentent 10 % des recettes des partis – proportion qui varie de 3 à 20 % selon les partis – et les cotisations des adhérents 15 % – proportion variant de 7 à 20 %. Quant aux contributions des élus, elles atteignent 17 % (variation de 5 à 37 %). Parmi les autres ressources, figurent, éventuellement, les emprunts consentis par les établissements de crédit ou les particuliers.
L’article 11-7 de la loi du 11 mars 1988 impose également aux partis l’obligation de tenir une comptabilité, qui doit retracer « tant les comptes du parti ou groupement politique que ceux de tous les organismes, sociétés ou entreprises dans lesquels le parti ou groupement détient la moitié du capital social ou des sièges de l'organe d'administration ou exerce un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion ».
Les comptes de ces partis sont arrêtés chaque année ; ils sont certifiés par deux commissaires aux comptes et déposés dans le premier semestre de l'année suivant celle de l'exercice à la CNCCFP, qui assure leur « publication sommaire » au Journal officiel.
La CNCCFP n’est donc pas un « juge des comptes » des partis : la certification est faite par des commissaires aux comptes et il revient seulement à la Commission d’en vérifier la cohérence d’ensemble (bilan, compte de résultat et annexe ; justificatifs de recettes présentés par le mandataire).
En réalité, et contrairement à une idée reçue, les comptes des partis politiques ne sont pas contrôlés en vertu de la liberté constitutionnelle de fonctionnement qui leur est reconnue.
En cas de méconnaissance des obligations comptables des partis, constatée par la CNCCFP (absence de dépôt des comptes dans le délai légal, comptes non certifiés, comptes ayant fait l’objet d’un refus de certification par les commissaires aux comptes, etc.), plusieurs sanctions, éventuellement cumulatives, sont prévues :
– le parti perd le droit, pour l'année suivante, au bénéfice de l’aide publique (en particulier, un parlementaire ne peut plus s’y rattacher) ;
– le parti perd le droit de financer une campagne électorale ou un autre parti politique ;
– le parti redevient en quelque sorte une association de droit commun et se retrouve soumis au contrôle de la Cour des comptes et à la réglementation des associations subventionnées, en application de l’article 10 de la loi du 11 mars 1988 ;
– les dons et cotisations à son profit ne peuvent, à compter de l'année suivante, ouvrir droit à réduction d'impôt, ce qui revient à pénaliser le donateur et donc indirectement le parti ;
– la CNCCFP peut également retirer l’agrément de l’association de financement, aboutissant à priver le parti de la possibilité de recevoir tout don, jusqu’à la désignation d’un nouveau mandataire financier.
Dans sa rédaction initiale, la présente proposition de loi se limitait à réintroduire les dispositions votées par l’Assemblée nationale dans le projet de loi « Sapin 2 », mais censurées par le Conseil constitutionnel pour des raisons procédurales.
Elle porte essentiellement sur les emprunts des candidats et des partis qui feront désormais l’objet de précisions rendues publiques.
L’article 1er modifie l’article L. 52-12 du code électoral afin de prévoir que la publication des comptes de campagne des candidats « indique notamment les montants consolidés des emprunts souscrits par le candidat ou le candidat tête de liste pour financer cette campagne, répartis par catégories de prêteurs, types de prêts et pays d'établissement ou de résidence des prêteurs, ainsi que l'identité des prêteurs personnes morales ».
En étendant le champ des informations publiées et donc soumises à l’examen de l’opinion publique, ces obligations sont de nature à renforcer la transparence des financements électoraux et la vigilance des candidats quant à l’identité de leurs créanciers.
L’article 2 prolonge les dispositions de l’article 1er, s’agissant cette fois de la transparence du financement des partis. Il prévoit, en particulier, la transmission d’informations relatives aux flux financiers entre les partis politiques.
Le dispositif initial de la présente proposition de loi a été modifié et complété par le Sénat.
Outre plusieurs aménagements rédactionnels, la commission des Lois a ajouté un article 3 pour repousser au 1er janvier 2018 l’entrée en vigueur de la loi, dans la mesure où une application immédiate aurait été difficile à mettre en œuvre pour les partis politiques dont les comptes courent depuis le 1er janvier 2017.
En séance publique, les sénateurs ont supprimé les dispositions de l’article 2 relatives aux flux financiers entre partis, au motif qu’elles auraient présenté un risque de censure au regard de l’article 4 de la Constitution.
À l’initiative de M. Jean-Pierre Grand, la seconde chambre a adopté plusieurs articles additionnels, portant de trois à dix le nombre total des articles de la proposition de loi.
Le Sénat a ainsi inséré deux nouveaux articles 1er A et 1er B qui aménagent les délais et les modalités de dévolution en cas d’excédent d’un compte de campagne.
Un nouvel article 1er C corrige une erreur de référence.
L’article 1er bis complète les indications obligatoires devant figurer sur les documents d’appel aux dons et l’article 1er ter gèle le montant du plafond des dons et cotisations aux partis politiques.
L’article 1er quater allège l’obligation de recourir à deux commissaires aux comptes, pour les partis et groupements politiques ayant une faible surface financière.
L’article 2 bis confère à la CNCCFP un pouvoir de modulation des sanctions qu’elle prononce et de leur durée, en cas de manquement aux obligations comptables. Cette évolution doit permettre que la sanction soit davantage proportionnée à la gravité des faits : elle pourra être plus élevée pour les manquements les plus graves ou, au contraire, ne pas être prononcée en cas d’erreurs matérielles ou de retard.
Lors de sa réunion du mercredi 15 février 2017, la commission des Lois examine la proposition de loi tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques et des candidats (n° 4442) (M. René Dosière, rapporteur).
M. le président Dominique Raimbourg. Ce texte, qui est inscrit à l’ordre du jour de mercredi prochain, sera le dernier de la législature dont nous débattrons et, le cas échéant, que nous adopterons.
M. René Dosière, rapporteur. La disposition principale de cette proposition de loi consiste à faire la transparence sur les emprunts des candidats et des partis, en complétant sur ce point la loi n° 88-277 du 11 mars 1988. Cette disposition résulte d’une préconisation formulée par notre collègue Romain Colas dans un rapport d’information qu’il avait rédigé sur le sujet.
Un article avait été voté à cet effet dans la loi dite « Sapin 2 », mais censuré par le Conseil constitutionnel au motif qu’il s’agissait d’un « cavalier ». La disposition en question a donc donné lieu à une proposition de loi déposée au Sénat par notre collègue Alain Anziani, dont le rapporteur était Alain Vasselle et qui a été adoptée à l’unanimité.
Cette proposition de loi est moins anodine qu’il n’y paraît. En effet, les emprunts constituent l’essentiel des ressources propres utilisées par les candidats pour couvrir les dépenses, soit 71 % lors des élections municipales, 75 % lors des élections législatives et 89 % lors des élections départementales. Ces sommes sont remboursées par l’État dans une proportion moyenne de 90 à 95 %. Ce mode de financement a permis la démocratisation des candidatures, qui ne dépendent plus de la fortune personnelle des intéressés.
Il est donc important de s’assurer que le financement public n’est pas détourné par certains groupements politiques dont l’activité principale, voire exclusive, est devenue financière dans la mesure où elle consiste à accorder des prêts aux candidats qu’ils soutiennent en utilisant les ressources obtenues par emprunt dans des conditions plus ou moins opaques.
De même, il convient de vérifier que les obligations comptables des partis incluent la constitution de provisions suffisantes pour dépréciation, tous les prêts n’étant pas systématiquement remboursés, pour diverses raisons.
Jusqu’à présent, certains partis politiques sont demeurés réfractaires à l’idée de fournir les renseignements complémentaires que sollicite la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Certes, une disposition nouvelle que nous avons introduite dans la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique permet à la CNCCFP de demander communication de toutes les pièces comptables et de tous les justificatifs nécessaires au bon accomplissement de sa mission de contrôle. Mais, en l’absence de réponse, aucune sanction n’est prévue… En outre, la Commission est tenue de transmettre la liste des partis éligibles à l’aide publique dans un délai de quatre mois, ce qui limite la durée de son instruction.
Deux groupements politiques ont retenu l’attention de la CNCCFP du fait même de l’importance de leur activité bancaire. Le premier est « Cotelec », un micro-parti fondé par M. Jean-Marie Le Pen dont les emprunts et dettes financières s’élèvent à 8 294 489 euros au 31 décembre 2015. Le second est « Jeanne », un micro-parti fondé par Mme Marine Le Pen et dont le compte de résultat s’élève en 2015 à 12 833 521 euros. Par son volume, ce micro-parti, s’il est encore possible d’utiliser ce terme, est en réalité le cinquième groupement politique français, presque à égalité avec le Front national, sur un total de 451 partis ! La particularité de « Jeanne » est de fournir aux candidats du Front national un kit de campagne ainsi qu’un prêt leur permettant de faire face au coût de ce kit en attendant le remboursement de l’État. La nature de ses activités a d’ailleurs conduit l’administration fiscale à requalifier ce parti politique en société commerciale, de manière à l’assujettir à la TVA. Ce redressement est contesté par « Jeanne ». Or les prestations fournies sont dissimulées notamment sous la rubrique « Propagande et communication », qui, précise la CNCCFP, ne vise pas en réalité la propagande du parti, mais des dépenses refacturées aux candidats aux élections de 2015. En outre, la rubrique « Facturation des services rendus aux candidats pour les campagnes électorales » n’est pas renseignée alors qu’elle représente un montant de 9 352 091 euros.
Pour la deuxième année consécutive, la CNCCFP n’a reçu aucune réponse à ses demandes d’éclaircissements. En 2014 déjà, elle avait demandé, en vain, sur les postes « Emprunts et dettes financières diverses » et « Dettes fournisseurs », soit 4,5 millions d’euros au total, un récapitulatif indiquant la structure de chaque dette et son encours précis. Ce sont ces renseignements que les partis seront tenus de fournir après l’adoption de la présente proposition de loi.
Quant à « Cotelec », dont les emprunts à 3 % représentent un montant de 8,3 millions d’euros, il a prêté 7,2 millions à 6 %, mais se déclare incapable de répondre à la Commission, « rencontrant des difficultés matérielles pour réunir et transmettre les documents demandés »… L’adoption de la proposition de loi l’obligera désormais à fournir ces renseignements, qui seront rendus publics.
Je relève que « Cotelec » et « Jeanne » sont les seuls groupements politiques dotés d’un budget de cette importance qui ne répondent pas aux demandes d’explication de la Commission.
La présente proposition de loi permettra d’améliorer la connaissance des emprunts réalisés, sans conséquences sur les demandes de renseignements concernant les autres anomalies comptables. Il conviendrait donc de renforcer dans un texte ultérieur les pouvoirs de contrôle de la CNCCFP, notamment en instaurant des sanctions financières.
Plus généralement, en vertu de l’interprétation faite jusqu’à présent de l’article 4 de la Constitution, selon lequel « les partis et groupements politiques […] se forment et exercent leur activité librement », aucun contrôle ne s’exerce sur les comptes des partis politiques, alors même que leurs ressources sont désormais constituées d’argent public à hauteur de 50 % en moyenne, contre 36 % de financement direct, le solde correspondant au produit de la défiscalisation de cotisations et de dons.
Lorsque ce financement public a été institué par la première version de la loi de 1988, la libre administration des partis politiques a été préservée, en précisant même que ceux-ci échappaient au contrôle de la Cour des comptes. Mais, aujourd’hui, l’ampleur du financement public conduit à réexaminer cette position. De même, il convient de s’interroger sur les activités commerciales et bancaires des partis, dont on voit bien comment elles peuvent être utilisées, voire détournées de leur objet.
Sur ce point, je rappelle qu’à la suite d’une instruction judiciaire approfondie portant sur le financement des cantonales de 2011 et des législatives de 2012, une dizaine de personnes, dont le trésorier, l’ancien trésorier et l’expert-comptable de « Jeanne », ainsi que le trésorier et le vice-président du Front national, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour escroquerie et détournement de fonds publics. Il n’est pas question de préjuger du jugement qui sera rendu, mais ces faits montrent qu’il paraît nécessaire de procéder à l’avenir à une refonte beaucoup plus importante de notre législation.
La présente proposition de loi procède à plusieurs modernisations opportunes des obligations pesant sur les candidats et les partis. Elle ne comptait au départ que deux articles ; complétée au Sénat, elle en comporte désormais dix. Les modifications apportées, que l’on peut qualifier de mineures ou d’administratives, correspondent à autant de recommandations formulées par la CNCCFP dans ses anciens rapports.
C’est ainsi que, à l’initiative de M. Jean-Pierre Grand, le Sénat a inséré plusieurs nouveaux articles. Les articles 1er A et 1er B aménagent les délais et les modalités de dévolution en cas d’excédent d’un compte de campagne. Les articles L. 52-5 et L. 52-6 du code électoral prévoient, dans ce cas, l’affectation du solde positif, dès lors que cet excédent provient de dons de personnes physiques ou de partis politiques. Il convenait simplement de revoir les délais et les modalités de versement de cette affectation.
L’article 1er C corrige une erreur de référence.
L’article 1er, qui complète l’article L. 52-12 du code électoral, prévoit que la publication des comptes de campagne des candidats « indique notamment les montants consolidés des emprunts souscrits par le candidat ou le candidat tête de liste pour financer cette campagne, répartis par catégories de prêteurs, types de prêts et pays d’établissement ou de résidence des prêteurs, ainsi que l’identité des prêteurs personnes morales ». Il réintroduit ainsi les dispositions que nous avions votées dans le projet de loi « Sapin 2 ». En étendant le champ des informations publiées, donc soumises à l’examen de l’opinion publique, ces dispositions sont de nature à renforcer la transparence des financements électoraux et la vigilance des candidats quant à l’identité de leurs créanciers.
L’article 1er bis complète les indications obligatoires devant figurer sur les documents d’appel aux dons.
L’article 1er ter gèle le montant du plafond des dons et cotisations aux partis politiques. Même si, jusqu’à présent, le Gouvernement n’a pas procédé par décret à la réévaluation du montant des dons, l’article supprime cette réévaluation ; il n’était peut-être pas nécessaire de le faire, mais nous devons voter le texte conforme si nous voulons qu’il entre en vigueur. Voilà d’ailleurs pourquoi je ne vous proposerai aucun amendement, malgré les réserves que l’on pourrait émettre sur l’utilité de tel ou tel ajout.
L’article 1er quater allège l’obligation de recourir à deux commissaires aux comptes pour les partis et groupements politiques ayant une faible surface financière. Seule une quarantaine de partis politiques resteront soumis à cette obligation, leurs ressources excédant 230 000 euros, tandis que les autres, qui sont un peu plus de 400, pourront faire certifier leurs comptes par un seul commissaire aux comptes.
L’article 2 complète les dispositions de l’article 1er, s’agissant cette fois de la transparence du financement des partis. Il prévoyait initialement, outre les dispositions concernant les prêts, la transmission d’informations relatives notamment aux flux financiers entre les partis politiques. Ce volet a été supprimé par le Sénat au motif qu’il risquait d’être censuré sur le fondement de l’article 4 de la Constitution. Il appartient naturellement au Conseil constitutionnel de trancher cette question ; toutefois, le fait qu’il s’agisse non pas d’interdire les flux financiers entre partis mais de transmettre et de publier des informations les concernant me conduit à penser que le risque de censure pourrait n’être pas avéré. Je regrette donc l’excès de prudence des sénateurs.
Le Sénat a également ajouté un article 2 bis qui confère à la Commission nationale un pouvoir de modulation des sanctions qu’elle prononce et de leur durée, en cas de manquement aux obligations comptables. Cette évolution doit permettre de mieux proportionner la sanction à la gravité des faits : la sanction pourra être plus élevée pour les manquements les plus graves – privation pendant trois ans du bénéfice de l’aide publique et de la déduction fiscale – ou, au contraire, ne pas être prononcée en cas d’erreurs matérielles ou de retard.
Enfin, la commission des Lois du Sénat a adopté un nouvel article 3 pour reporter au 1er janvier 2018 l’entrée en vigueur de la proposition de loi. Ce choix d’une entrée en vigueur différée n’est pas contestable, dans la mesure où une application immédiate aurait été difficile pour les partis politiques dont les comptes sont ouverts depuis le 1er janvier 2017. Ces dispositions ne s’appliqueront donc qu’à l’exercice 2018, c’est-à-dire aux comptes déposés auprès de la Commission nationale lors du premier semestre 2019.
Mes chers collègues, le temps nous manque pour envisager une réforme électorale plus ambitieuse, bien qu’elle serait nécessaire. Il faut, en cette fin de législature, saisir toutes les occasions qui nous sont offertes de faire progresser la transparence des financements électoraux. Cette proposition de loi sénatoriale y contribue incontestablement. C’est la raison pour laquelle je me suis abstenu, je vous l’ai dit, de tout amendement ; je vous recommande de faire de même et de voter conforme le texte qui nous est soumis.
M. Jacques Bompard. Je ne trahirai pas les Français en disant que leur première volonté en matière d’obligations comptables des partis politiques serait que l’on mette fin au financement de ces derniers par l’État. Le financement public des partis politiques ne se justifie que si ces mouvements contribuent à animer la cité. Or force est de constater qu’ils ne jouent plus, à l’évidence, ce rôle puisque 89 % des citoyens le leur contestent…
Pour ce qui est de la lettre du texte, il est nécessaire et même indispensable de corriger les errements dénoncés par le rapporteur. Par ailleurs, je trouve très opportun d’obliger les partis à préciser sur leur déclaration l’origine des fonds que leur allouent les organismes prêteurs pour mener campagne. C’est la plus pure logique de faire en sorte que toute élection française se déroule dans la transparence vis-à-vis de l’étranger ; c’est aussi de la plus pure logique de renforcer nos exigences quant aux comptes que les partis ont à rendre sur leur gestion – la plupart du temps ruineuse, voire aléatoire.
Cela étant, qu’en est-il des plus petits mouvements ? Les candidats naissants et les mouvements encore modestes pourront-ils concrètement se présenter aux élections sans être désavantagés vis-à-vis des grosses machines qui maîtrisent davantage ces dispositions ?
Ces questions étant posées, je voterai très volontiers cette proposition de loi.
M. le rapporteur. Le débat sur le financement public ou privé des partis politiques revient de temps en temps ; je rappellerai qu’avant que nous mettions ces règles en place, les partis politiques étaient financés par le secteur privé ; et avant même que nous réglementions ce financement privé, il existait un financement privé occulte… Les dispositions qui ont été prises pour interdire tout financement par une personne morale, à l’exception des partis politiques – ou des micro-partis –, et qui ont été compensées par un financement étatique des partis politiques et des campagnes électorales, représentent un progrès dans notre législation. On a bien vu récemment, dans un pays d’outre-Atlantique où la réglementation en vigueur est facilement contournée, que les dépenses électorales atteignent des montants considérables. En ce qui nous concerne, nous sommes préservés de ce type d’excès grâce aux règles de financement et de plafonnement des dépenses électorales, grâce également au contrôle de la Commission nationale des comptes de campagne. Un progrès reste néanmoins à faire dans le contrôle éventuel des comptes des partis politiques. Mais s’agissant des campagnes électorales, nous pouvons nous réjouir de bénéficier d’une législation globalement satisfaisante.
M. Jacques Bompard. Je n’ai pas dit qu’il fallait remettre en cause le financement public des partis politiques, monsieur le rapporteur, mais que l’opinion publique y était hostile. Je ne rappellerai pas ici toutes les raisons qui expliquent le rejet populaire de la classe politique.
M. Jean-Christophe Lagarde. Je souhaiterais réagir aux propos de notre collègue Jacques Bompard.
Tout d’abord, le financement public des partis politiques est certes impopulaire, mais il est faux de dire qu’il permet aux partis politiques de vivre normalement. Si les micro-partis existent, c’est bien souvent parce que l’activité de tel ou tel élu, pour être financée, le nécessite. Quand un parti est au pouvoir, il a beaucoup d’argent ; quand il est dans l’opposition, il n’en a quasiment plus. Telles sont les modalités de financement de notre vie politique : quand un parti n’est plus au pouvoir – ce qui arrive alternativement aux uns et aux autres –, il se retrouve dans l’incapacité de financer ses organisations locales. C’est son organisation centrale qui est principalement financée. Par conséquent, même si le financement public des partis n’est pas populaire, je soutiens que la démocratie a un coût ; or il se trouve que ce coût n’est pas assumé par la collectivité, ce qui est assez lâche de la part des différents responsables politiques.
Ensuite, vous avez raison de dire, monsieur le rapporteur, que le plafonnement des dépenses de campagne permet d’éviter les dérives que connaissent d’autres pays ; mais cela tient surtout à l’interdiction de la publicité commerciale. J’insiste sur ce point car c’est à la demande de ma famille politique, et notamment de Pierre Méhaignerie, que Michel Rocard a interdit cette pratique, alors même que des groupes de pression télévisés et radiophoniques se démenaient pour qu’elle soit autorisée… Si les campagnes électorales coûtent si cher aux États-Unis, c’est justement du fait de la publicité commerciale. Bref, notre système de contrôle des dépenses est assez bon ; mais objectivement, le financement public des organisations politiques expose les responsables locaux à des dérives et à des travers.
Je regrette que nous n’ayons pas profité de cette proposition de loi pour traiter le problème bancaire. La complexité du financement des partis politiques par les banques fragilise la démocratie. Je ne vise aucun parti politique en particulier – j’ai moi-même vécu ce problème l’an dernier en tant que président d’un parti –, mais je voudrais parler des candidats aux élections. Si l’on peut être candidat à une élection aujourd’hui, c’est parce que les campagnes étant remboursées, on n’est pas contraint de disposer d’une fortune personnelle pour le faire. Cette règle est démocratique : elle a un coût mais elle permet à tout le monde de se présenter et d’exposer ses idées devant les Français. À l’inverse, la difficulté se pose du côté des banques, qui sont de plus en plus frileuses, pour ne pas dire réticentes et parfois même totalement hostiles à l’idée de prêter de l’argent aux candidats en attendant le remboursement de leurs dépenses par l’État. C’est un sujet que nous devrions traiter au Parlement, même si nous n’en avons plus le temps durant cette législature : il n’est pas normal qu’une banque puisse ainsi s’arroger le droit de vous permettre ou non d’être candidat.
Enfin, si les micro-partis ont une mauvaise image dans notre pays, ils n’en sont pas moins rendus nécessaires par la pauvreté des grands partis politiques. C’est souvent le seul moyen de conduire des actions politiques en toute légalité alors même qu’ils ne sont pas des partis politiques au sens où nous l’entendons.
La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.
CHAPITRE IER
Dispositions relatives aux candidats
Article 1er A
(art. L. 52-5 et L. 52-6 du code électoral)
Délai de dévolution du solde excédentaire d’un compte de campagne
Introduit par le Sénat à l’initiative de M. Jean-Pierre Grand, sur avis favorable du rapporteur de la commission des Lois et de sagesse du Gouvernement, cet article allonge, de trois à six mois, les délais, prévus aux articles L. 52-5 et L. 52-6 du code électoral, au terme desquels l’excédent constaté après le dépôt d’un compte de campagne est attribué soit à une association de financement d’un parti politique (14), soit à un ou plusieurs établissements reconnus d’utilité publique.
L’article L. 52-12 prévoit que le compte de campagne d’un candidat aux élections municipales dans une commune de plus de 9 000 habitants, départementales, régionales, territoriales, législatives, sénatoriales ou présidentielle doit être en équilibre ou excédentaire, et ne peut présenter un déficit (15). Il doit être déposé au plus tard « avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin », soit près de deux mois après la fin des opérations électorales. Lorsque le compte est excédentaire, l’avant-dernier alinéa de l’article L. 52-5 détermine les conditions et le délai de dévolution de cet excédent tandis que l’avant-dernier alinéa de l’article L. 52-6 fixe le terme de la mission du mandataire financier.
L’association de financement électorale est ainsi dissoute de plein droit trois mois après le dépôt du compte de campagne du candidat qu’elle soutient ; avant l’expiration de ce délai, elle est tenue de se prononcer sur la dévolution de son actif net. Ces dispositions, qui visent à prévenir tout enrichissement personnel, ne s’appliquent pas à l’excédent provenant de l’apport personnel du candidat (ou d’un des membres d’un binôme de candidats).
Par coordination, les fonctions du mandataire financier cessent de plein droit trois mois après le dépôt du compte de campagne du candidat qui l’a mandaté.
L’alinéa unique du présent article porte de trois à six mois ces deux délais. Cette modification vise à intégrer le temps nécessaire à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) pour statuer sur le compte de campagne. En effet, comme le relève le dix-septième rapport d’activité pour 2015 de la commission, le montant exact de la dévolution ne peut être fixé que par la décision de la CNCCFP et « dépen[d] donc de réformations qui vont modifier tant le remboursement de l’État que la possible dévolution, réformations qui ne peuvent être anticipées par les candidats » (16).
Les délais dont dispose la CNCCFP pour se prononcer sur les comptes sont différents selon que l’élection a fait ou non l’objet d’un recours devant le juge de l’élection :
– si l’élection a fait l’objet d’une contestation, la commission dispose d’un délai de deux mois décompté à partir de l’expiration du délai légal de dépôt des comptes de campagne des candidats présents à ce scrutin ;
– dans le cas contraire, en application de l’article L. 52-15, la commission dispose d’un délai de six mois à compter, cette fois, de la date de dépôt du compte du candidat.
Dès lors, en l’absence de recours, la décision de la CNCCFP intervient dans la majeure partie des cas après le délai de trois mois (17). L’état du droit oblige donc les candidats à effectuer une dévolution dont ils ne connaissent pas le montant exact. L’allongement des délais à six mois permettra d’y remédier.
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La Commission adopte l’article 1er A sans modification.
Article 1er B
(art. L. 52-5 et L. 52-6 du code électoral)
Modalités de perception de la dévolution du solde positif d’un compte de campagne
Inséré par le Sénat à l’initiative de M. Jean-Pierre Grand, sur avis favorable du rapporteur de la commission des Lois et de sagesse du Gouvernement, le présent article aligne la situation du mandataire personne physique sur celle de l’association de financement afin de lui permettre de percevoir l’excédent du compte de campagne d’un candidat.
L’article 11 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique prévoit que les partis et groupements politiques ne peuvent recevoir de fonds destinés à leur financement que par l’intermédiaire d’un mandataire qui est soit une association de financement, soit une personne physique dénommée mandataire financier.
Si ces deux formules présentent des similitudes, dont celle de percevoir des fonds au nom et pour le compte du parti, il existe des différences qui ne se limitent pas au mode de désignation des intéressés ou aux conséquences en cas de non-respect de leurs obligations. En particulier, les articles L. 52-5 et L. 52-6 du code électoral permettent que l’excédent constaté après le dépôt du compte de campagne d’un candidat fasse l’objet d’une dévolution à un parti politique par le truchement d’une association de financement mais ils ne prévoient pas cette possibilité pour les mandataires financiers personnes physiques.
L’alinéa unique du présent article procède donc à un alignement de la situation du mandataire personne physique, au regard de sa capacité de perception des dévolutions, sur celle de l’association de financement. Il traduit ainsi une recommandation de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) dans son quinzième rapport d’activité 2012-2013.
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La Commission adopte l’article 1er B sans modification.
Article 1er C
(art. L. 52-9 du code électoral)
Coordination relative aux indications devant figurer sur les documents d’appel aux dons des candidats dans le cadre de leur campagne électorale
Introduit par le Sénat à l’initiative de M. Jean-Pierre Grand, sur avis favorable du rapporteur de la commission des Lois et du Gouvernement, cet article corrige un renvoi devenu erroné relatif aux indications obligatoires devant figurer sur les appels aux dons des candidats dans le cadre de leur campagne électorale.
L’article L. 52-9 du code électoral prévoit que les documents faisant appel aux dons qui émanent des associations de financement ou des mandataires financiers des candidats doivent indiquer le candidat ou la liste de candidats destinataires des sommes collectées ainsi que la dénomination de l’association et la date à laquelle elle a été déclarée ou le nom du mandataire financier et la date à laquelle il a été désigné. Ces documents doivent aussi indiquer que le candidat ne peut recueillir de dons que par l’intermédiaire de ladite association ou dudit mandataire et « reproduire les dispositions de l’article précédent ».
Or, l’article 13 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a inséré, entre les articles L. 52-8 et L. 52-9, un nouvel article, numéroté L. 52-8-1, concernant l’interdiction d’utilisation pour des dépenses électorales de l’indemnité représentative des frais de mandat dont disposent les membres des assemblées parlementaires. Le renvoi figurant à l’article L. 52-9 est, par conséquent, devenu inopérant.
L’alinéa unique du présent article rétablit le renvoi aux dispositions de l’article L. 52-8. Il y ajoute un renvoi à l’article L. 113-1 mentionnant les sanctions pénales en cas de donation contournant les règles et les plafonds applicables.
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La Commission adopte l’article 1er C sans modification.
Article 1er
(art. L. 52-12 du code électoral)
Publication par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) des informations relatives aux emprunts souscrits par les candidats
Cet article impose à la CNCCFP de publier les informations qu’elle a obtenues des candidats relatives aux emprunts souscrits en vue du financement de leur campagne électorale. Il complète les dispositions de l’article 2 de la proposition de loi, qui vont dans le même sens en ce qui concerne les partis et groupements politiques.
I. LE DROIT EXISTANT
En application de l’article L. 52-12 du code électoral, le compte de campagne a pour objet de retracer, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées par un candidat – ou pour son compte – en vue de l’élection, à l’exclusion des frais de la campagne officielle. Il porte sur les six mois (18) précédant le premier jour du mois d’élection et court jusqu’à la date de son dépôt.
Sont tenus d’établir un compte de campagne chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement de ses dépenses et ayant obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés.
Ce document doit comporter une estimation, en recettes et en dépenses, des avantages directs et indirects, des prestations de service et dons en nature dont le candidat a pu bénéficier.
Le compte de campagne doit être excédentaire ou en équilibre. Il est déposé au plus tard « avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin », soit près de deux mois après la fin des opérations électorales. Il doit être accompagné de ses annexes et assorti des pièces justificatives requises par la loi.
Conformément au quatrième alinéa de l’article L. 52-12 précité, la CNCCFP est tenue de publier les comptes de campagne « dans une forme simplifiée ».
En pratique, selon les éléments recueillis par votre rapporteur, les informations reposent d’abord sur un bilan et un compte de résultat d’ensemble, présentés de manière synthétique. Les comptes de campagne ne fournissent pas, notamment, le détail des prêts souscrits, l’identité des prêteurs ou les conditions et la durée d’un emprunt. Ils ne retracent pas davantage les flux financiers susceptibles d’exister entre candidats et formations politiques, non plus que les concours en nature dont celles-ci ont pu faire bénéficier les candidats qu’elles soutiennent.
Soucieux d’offrir aux électeurs une image plus exacte de la manière dont la promotion d’une candidature a été assurée, notre collègue M. Romain Colas avait préconisé, dans un récent rapport d’information (19), l’enrichissement des documents remis à la CNCCFP et rendus publics. Des dispositions en ce sens ont bien été adoptées en juin 2016 lors de l’examen du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dit « Sapin II »), mais ont été finalement censurées par le Conseil constitutionnel pour absence de lien avec le texte dans lequel elles avaient été insérées (20).
II. LE DROIT PROPOSÉ
Les alinéas 1 et 2 complètent le quatrième alinéa de l’article L. 52-12, en réintroduisant les dispositions censurées.
La CNCCFP serait désormais tenue de rendre publiques, en complément de la publication de chaque compte de campagne sous une forme simplifiée, des informations relatives aux emprunts souscrits par les candidats ou candidats têtes de liste pour financer leur campagne.
Seraient ainsi publiés les « montants consolidés [...] ventilés par catégories de prêteurs, types de prêts et pays d’origine des prêteurs ainsi que l’identité des différents prêteurs personnes morales ».
Lors de son examen au Sénat, le présent article n’a fait l’objet que de précisions rédactionnelles.
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La Commission adopte l’article 1er sans modification.
CHAPITRE II
Dispositions relatives aux partis politiques
Article 1er bis
(art. 11-4 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique)
Ajout d’indications supplémentaires sur les appels aux dons des partis et groupements politiques
Ajouté par le Sénat à l’initiative de M. Jean-Pierre Grand, sur avis favorables du rapporteur de la commission des Lois et du Gouvernement, le présent article complète les indications obligatoires devant figurer sur les documents d’appel aux dons des partis et groupements politiques.
L’article 11-4 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique prévoit que ces documents doivent mentionner « la dénomination de l’association et la date de l’agrément ou le nom du mandataire et la date de la déclaration à la préfecture, ainsi que le parti ou groupement politique destinataire des sommes collectées ».
Comme le relève la CNCCFP dans son rapport d’activité pour l’année 2015, certains documents d’appel aux dons ou à cotisations des partis et groupements politiques ne font aucune référence aux plafonds applicables, ni aux sanctions encourues en cas de dépassement. Alors que l’article L. 52-9 du code électoral prescrit ces mentions pour les appels aux dons des candidats dans le cadre de leur campagne électorale, cette situation apparaît préjudiciable au droit à l’information des personnes physiques cotisantes ou donatrices et aboutit à des dépassements de plafond accidentels.
L’alinéa unique du présent article vise à remédier à ces difficultés en ajoutant, pour les documents d’appel aux dons des partis et groupements politiques, la mention du plafond annuel maximal de dons et cotisations (premier alinéa de l’article 11-4), celle de l’interdiction du financement par les personnes morales (troisième alinéa de l’article 11-4) ainsi que celle des sanctions encourues en cas de versement effectué en violation de ces dispositions (premier alinéa de l’article 11-5).
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La Commission adopte l’article 1er bis sans modification.
Article 1er ter
(art. 11-4 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique)
Suppression de l’actualisation de certains plafonds applicables aux dons et cotisations aux partis et groupements politiques
Introduit par le Sénat à l’initiative de M. Jean-Pierre Grand, sur avis favorable du rapporteur de la commission des Lois mais contre celui du Gouvernement, le présent article supprime l’actualisation annuelle par décret des montants des dons et cotisations aux partis et groupements politiques faisant l’objet d’un plafonnement ou d’un encadrement :
– le plafond annuel de 7 500 euros de dons et cotisations ;
– le seuil de 3 000 euros en deçà duquel les reçus fiscaux délivrés ne mentionnent pas l’identité du parti ou du groupement politique bénéficiaire ;
– et le seuil de 150 euros à partir duquel ces sommes doivent être versées « soit par chèque, soit par virement, prélèvement automatique ou carte bancaire ».
Le dernier alinéa de l’article L. 52-11 prévoit, depuis la modification opérée par l’article 112 de la loi de finances pour 2012 (21), le gel de l’actualisation annuelle par décret de certains plafonds des dépenses électorales des candidats, jusqu’au retour à l’équilibre des comptes publics. Ces dispositions ne concernent pas les dons aux partis et groupement politiques, pour lesquels le dernier alinéa de l’article 11-4 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique renvoie à un décret le soin de procéder à une actualisation annuelle, qui englobe à la fois le plafond applicable par donataire et les deux seuils intermédiaires donnant lieu à des modalités particulières de versement.
L’alinéa unique du présent article supprime le dernier alinéa de l’article 11-4. La suppression ainsi opérée aura des effets pérennes, au contraire de la suspension temporaire de l’actualisation prévue pour les plafonds des dépenses électorales. Les deux dispositifs diffèrent également par leur périmètre.
Comme le souligne l’exposé sommaire de l’amendement sénatorial, ces modifications permettent, incidemment, de rétablir la peine contraventionnelle, initialement prévue en cas de violation des obligations d’information prévues par l’article 11-4 et dont le fondement a été remis en cause par l’article 26 de la loi n° 2011-412 du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique.
En effet, l’article 13 du décret n° 90-606 du 9 juillet 1990 continue de punir des peines d’amende prévues pour les contraventions de la quatrième classe « tout dirigeant d’une association de financement ou tout mandataire financier d’un parti ou groupement politique qui enfreindra les dispositions du dernier alinéa de l’article 11-4 ». Or, les dispositions initialement visées sont, depuis le 20 avril 2011, prévues à l’avant dernier alinéa de cet article, un alinéa supplémentaire lui ayant été ajouté à cette occasion.
Il aurait toutefois été loisible au pouvoir réglementaire, depuis lors, d’intervenir pour revoir son décret.
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La Commission adopte l’article 1er ter sans modification.
Article 1er quater
(art. 11-7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique)
Limitation de l’obligation de certification par deux commissaires aux comptes à certains partis et groupements politiques
Cet article allège les formalités comptables auxquelles doivent se soumettre les partis et groupements politiques, en fixant un seuil à partir duquel l’obligation de déposer des comptes certifiés par deux commissaires aux comptes serait désormais applicable.
L’article 11-7 de la loi n°88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique prévoit que les partis politiques qui relèvent de cette même loi doivent déposer leurs comptes annuels certifiés par deux commissaires aux comptes, au plus tard le 30 juin suivant l’année de l’exercice, à la CNCCFP qui assure leur publication sommaire au Journal officiel.
La mission des commissaires aux comptes de parti politique a la particularité de devoir s’exercer dans le cadre d’un co-commissariat aux comptes – dans les conditions prévues par le code de commerce. Les deux commissaires aux comptes, conformément à l’article 17 du code de déontologie de la profession, « doivent appartenir à des structures d’exercice professionnel distinctes, c’est-à-dire qui n’ont pas de dirigeants communs, n’entretiennent pas entre elles de liens capitalistiques ou financiers et n’appartiennent pas à un même réseau ».
Comme le souligne le seizième rapport d’activité de la CNCCFP pour 2014, cette obligation peut représenter une source de difficultés pour certains partis, souvent de faible surface financière, qui ne désignent jamais de commissaires aux comptes ou ne les renouvellent pas en cas de démission ou à la fin de leur mandat, et contreviennent donc à la législation.
Afin d’éviter ces situations, l’alinéa unique du présent article modifie le deuxième alinéa de l’article 11-7 afin de limiter l’exigence de certification par deux commissaires aux comptes aux partis dont les ressources annuelles dépassent 230 000 euros. En retenant cette limite, 42 partis auraient eu l’obligation en 2013 de déposer à la CNCCFP des comptes doublement certifiés. Dans les autres cas, le visa d’un seul commissaire aux comptes serait requis, ce qui permettrait d’alléger la charge financière pesant sur ces partis, tout en simplifiant la recherche de commissaires aux comptes par leurs dirigeants.
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La Commission adopte l’article 1er quater sans modification.
Article 2
(art. 11-7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique)
Obligation de transmission d’une annexe aux comptes annuels et publication par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) des informations relatives aux emprunts souscrits par les partis et groupements politiques
Le présent article impose à la CNCCFP de publier les informations relatives aux emprunts souscrits par les partis et groupements politiques. Il complète les dispositions de l’article 1er de la proposition de loi applicables aux candidats à une élection.
I. LE DROIT EXISTANT
En application de l’article 11-7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, les partis et groupements politiques qui bénéficient des aides publiques ou de dons ont l’obligation de tenir une comptabilité, d’arrêter leurs comptes chaque année, de les faire certifier par deux commissaires aux comptes puis de les adresser au cours du semestre de l’année suivante à la CNCCFP. Celle-ci procède ensuite à une « publication sommaire » au Journal officiel.
Cette publication fait apparaître des informations davantage détaillées que pour les comptes de campagne puisque la CNCCFP publie, pour chacun des partis et groupements politiques entrant dans le champ d’application de la loi :
– un bilan faisant état de l’actif immobilisé, de l’actif circulant, des fonds propres, des provisions pour risques et charges, des dettes ;
– et un compte de résultat retraçant les charges et les produits.
Il n’en demeure pas moins que la publication des comptes des partis et groupements politiques conserve, pour des raisons pratiques – telles que le nombre des candidats et le volume des informations demandées –, un caractère succinct.
Ce constat avait conduit notre collègue M. Romain Colas à préconiser, dans son rapport d’information précité, l’enrichissement des documents remis à la CNCCFP et rendus publics afin de garantir une amélioration du contrôle des comptes des partis politiques. Comme votre rapporteur l’a déjà rappelé, le Conseil constitutionnel (22) a récemment censuré, parce que constitutives d’un cavalier législatif, des dispositions analogues à celles proposées par le présent article.
II. LE DROIT PROPOSÉ
L’article 2 prévoit que la CNCCFP devra désormais publier les informations relatives aux emprunts souscrits ou consentis par les partis ou groupements politiques ; conformément à la dernière phrase de l’alinéa 2, seraient ainsi rendus publics les « montants consolidés […] répartis par catégories de prêteurs, types de prêts et pays d’établissement ou de résidence des prêteurs ainsi que l’identité des prêteurs personnes morales ».
Il impose, pour ce faire, la transmission à la CNCCFP de nouveaux éléments figurant dans les annexes aux comptes des partis et groupements politiques :
– les montants et conditions d’octroi des emprunts souscrits ou consentis ;
– l’identité des prêteurs ;
– et les flux financiers entre les partis et les candidats tenus d’établir un compte de campagne.
Il s’agit de la principale novation introduite par la présente proposition de loi. En effet, la CNCCFP a déjà la possibilité d’interroger les partis et groupements politiques sur les emprunts qu’ils ont souscrits ou consentis, mais, en cas d’absence de réponse, elle ne dispose d’aucun pouvoir de sanction dès lors que ceux-ci ont satisfait à l’obligation de déposer des comptes certifiés.
Ces dispositions permettront à la CNCCFP de vérifier la légalité de ces financements au regard des principes interdisant les dons des personnes morales (à l’exception des partis) ou la fourniture de biens, services ou autres avantages à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués, ainsi que les « contributions ou aides matérielles » d’une personne morale de droit étranger.
III. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR LE SÉNAT
Saisie du présent article, la commission des Lois du Sénat n’a procédé qu’à des modifications d’ordre rédactionnel.
La rédaction initiale prévoyait cependant la publication des « flux financiers nets entre partis ». Cette précision, qui figurait déjà dans le dispositif voté dans le cadre du projet de loi « Sapin II », a été supprimée par le Sénat, en séance publique, sur la suggestion de M. François Pillet et de plusieurs collègues, avec l’avis favorable du rapporteur de la commission des Lois et un avis de sagesse du Gouvernement, au motif qu’elle méconnaîtrait l’article 4 de la Constitution garantissant aux partis ou groupements politiques de se former et d’exercer leur activité librement.
Toutefois, le Conseil constitutionnel a considéré, par le passé, « qu'en prescrivant la publication de la liste des personnes morales qui ont consenti des dons à des candidats ou à des partis, le législateur a entendu assurer une meilleure information des citoyens et une plus grande transparence de la vie publique ; qu'il n'a ainsi porté atteinte ni à la liberté de communication des pensées et des opinions ni à l'activité des partis et groupements politiques garantie par les dispositions constitutionnelles précitées » (23). Cette décision, et le fait qu’il s’agissait de dispositions qui n’emportaient pas d’interdiction mais se contentaient de prescrire la transmission et la publication d’informations relatives aux flux financiers entre partis, invitent à relativiser le risque constitutionnel.
La disposition en cause devait garantir une plus grande transparence du financement de parti à parti : seule la CNCCFP est, en effet, en mesure d’apporter un éclairage transversal car les commissaires aux comptes ne prennent en considération que le parti dont ils supervisent les comptes. Sans être en mesure de trancher définitivement la question de sa constitutionnalité, votre rapporteur souligne que cette disposition aurait permis une avancée significative et regrette, à cet égard, son abandon.
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La Commission adopte l’article 2 sans modification.
Article 2 bis
(art. 11-7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique)
Pouvoir de modulation par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) des sanctions prononcées en cas de manquement des partis ou groupements politiques à leurs obligations comptables
Inséré par le Sénat à l’initiative de M. Jean-Pierre Grand, sur avis favorable du rapporteur de la commission des Lois et de sagesse du Gouvernement, cet article entend remédier à l’absence de proportionnalité entre les motifs du constat de non-respect des obligations comptables et ses conséquences juridiques pour les partis et groupements politiques.
S’ils ne respectent pas leurs obligations comptables, les partis ou groupements politiques sortent du champ d’application de la loi du 11 mars 1988 précitée ; en conséquence, ils ne peuvent plus participer au financement d’une campagne électorale en vertu de l’article L. 52-8 du code électoral, ou d’un autre parti politique.
Ils perdent les avantages qui découlent des articles 8 à 10 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique. En particulier, ceux qui étaient admis au bénéfice de l’aide publique directe en sont exclus à compter de l’année suivante.
Le législateur, par la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, a également entendu mettre fin au bénéfice de l’avantage fiscal octroyé par les partis qui ne respectent pas leurs obligations comptables. Ainsi, les dons et cotisations versés au profit de la formation politique, au titre de l’année suivant le constat par la CNCCFP du non-respect des obligations légales, n’ouvrent plus droit à la réduction d’impôt prévue au 3 de l’article 200 du code général des impôts.
Cette absence de proportionnalité conduit à ce que les partis fautifs se voient automatiquement appliquer les sanctions de manière indifférenciée, que la CNCCFP ait pris sa décision en raison de comptes manifestement incohérents, de comptes non déposés ou encore de comptes déposés mais non certifiés par deux commissaires aux comptes. À l’inverse, comme elle le souligne dans son dix-septième rapport d’activité pour 2015, cette situation ne lui permet pas de sanctionner des partis dont les comptes présentent des incohérences sans toutefois justifier le constat du non-respect des obligations comptables.
C’est pourquoi le présent article vise à permettre à la CNCCFP de moduler les sanctions qu’elle prononce et leur durée en cas de manquement aux obligations comptables pour assurer une meilleure proportionnalité entre les motifs du constat et ses conséquences juridiques. Il procède, dans ce but, à une réécriture de la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article 11-7 rendant facultatif le prononcé des sanctions précédemment énumérées.
Toutefois, ce changement aboutirait également à transformer la nature des recours engagés contre les décisions de la CNCCFP, de l’excès de pouvoir au plein contentieux. Actuellement, les décisions prises par la Commission sur le fondement de l’article 11-7 de la loi du 11 mars 1988 relèvent du recours pour excès de pouvoir (24). À l’avenir et sous réserve de l’analyse du juge, votre rapporteur estime que le recours pourrait être assimilé à un recours de plein contentieux, le juge pouvant réformer et moduler également les sanctions prononcées.
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La Commission adopte l’article 2 bis sans modification.
Article 3
Modalités d’entrée en vigueur
Inséré par la commission des Lois du Sénat, sur la proposition de son rapporteur, le présent article tend à assurer l’application différée des modifications introduites par la proposition de loi en les rendant applicables aux élections à partir du 1er janvier 2018 et aux comptes établis au titre de l’année 2018 (alinéas 1 à 3).
Il n’est, en effet, pas de tradition républicaine de modifier les règles applicables aux candidats alors que la campagne électorale a déjà débuté, ce qui est le cas, en l’espèce, des élections législatives depuis le 1er décembre 2016.
Pour les partis et groupements politiques, une application immédiate, c’est-à-dire à l’exercice 2016, aurait posé des difficultés particulières car des comptes annuels auraient pu être déposés avant la promulgation de la loi.
Il conviendra, toutefois, de veiller à coordonner l’application de ces dispositions avec celles de l’article L. 388 du code électoral dans la rédaction résultant de la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales.
Cet article assure également l’application de la proposition de loi dans les collectivités qui sont régies par le principe de spécialité législative, c’est-à-dire la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna (alinéas 4 à 9).
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La Commission adopte l’article 3 sans modification.
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La Commission adopte l’ensemble de la proposition de loi sans modification.
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En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques et des candidats, dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.
M. le président Dominique Raimbourg. Ce texte sera examiné en séance publique le 22 février prochain, et marquera la clôture de ces cinq ans de travaux de notre Commission.
M. le rapporteur. Ce sera aussi mon dernier discours à l’Assemblée, après vingt-cinq années de vie parlementaire…
M. le président Dominique Raimbourg. Avec toutes nos félicitations, monsieur le rapporteur !
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1 () Décision n° 2016-741 DC du 8 décembre 2016.
2 () Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
3 () Loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique.
4 () Jusqu’en 2011, l’élection des sénateurs échappait aux obligations de la loi, ce qui était justifié par la nature particulière de la campagne pour cette élection qui s’adresse à un collège restreint, composé lui-même d’élus, et n’exige pas le déploiement de moyens de propagande coûteux. La loi n° 2011-412 du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique a mis fin à cette exclusion, notamment en introduisant un plafonnement des dépenses.
5 () L’article 2 de la loi n° 2016-508 du 25 avril 2016 de modernisation de diverses règles applicables aux élections a réduit d’un an à six mois cette durée.
6 () Décision n° 2013-26 ELEC du 11 juillet 2013, Observations du Conseil constitutionnel relatives aux élections législatives des 10 et 17 juin 2012.
7 () Par exemple, pour les élections législatives, le plafond est de 38 000 euros par candidat, majoré de 0,15 euro par habitant de la circonscription. Il est actualisé, pour la dernière fois en 2009, en fonction de l’inflation (application d’un coefficient multiplicateur de 1,26). Concrètement, pour une circonscription de 130 000 habitants, le plafond est, pour chaque candidat, de 72 450 € ([130 000 x 0,15 + 38 000] x 1,26). Le remboursement maximal par l’État est de 47,5 %, soit 34 413 €.
8 () Pour les élections européennes, le seuil est fixé, dans chacune des grandes circonscriptions, à 3 % des suffrages exprimés
9 () Loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique.
10 () Loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.
11 () Outre-mer, il suffit de présenter un candidat.
12 () Le rattachement des parlementaires est désormais rendu public sur le site de l’Assemblée nationale et du Sénat.
13 () Une exception est cependant prévue pour les cotisations versées par les élus nationaux ou locaux.
14 () L’article 7 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques a supprimé la possibilité d’attribuer l’actif net d’une association de financement électorale à une autre.
15 () Le II de l’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel, qui a valeur organique, rend applicable l’article L. 52-12 du code électoral à ce scrutin. Toutefois, la jurisprudence dite de « cristallisation » prévoit que les dispositions ordinaires auxquelles il est fait référence par une disposition organique « sont rendues applicables dans leur rédaction en vigueur à la date de l’adoption définitive de cette loi organique » : dès lors, les modifications introduites par le présent article ne s’appliqueront pas à l’élection présidentielle à moins d’une précision ultérieure par le législateur organique.
16 () Dix-septième rapport d’activité pour 2015 de la CNCCFP, p. 108.
17 () Afin de limiter les erreurs, la commission conseille qu’en cas d’excédent du compte, le mandataire verse la somme au candidat, dans l’attente de la décision fixant une possible dévolution. Elle recommande instamment au candidat de ne pas verser de dévolution par anticipation.
18 () Conformément à l’article L. 52-4 du code électoral, dans la rédaction résultant de l’article 2 de la loi n° 2016-508 du 25 avril 2016 de modernisation de diverses règles applicables aux élections.
19 () Rapport d’information n° 2979 de M. Romain Colas sur l’évaluation de la pertinence des dispositions législatives et réglementaires relatives au financement des campagnes électorales et des partis politiques, déposé le 15 juillet 2015.
20 () Décision n° 2016-741 DC du 8 décembre 2016, paragraphes 47 à 50.
21 () Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.
22 () Décision n° 2016-741 DC précitée.
23 () Décision n° 92-316 DC du 20 janvier 1993, cons. 19.
24 () CE, sect., 9 juin 2010, Association Cap sur l’avenir 13, n° 327423.