N° 2627

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 octobre 2000.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES(1),
SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2001 (n° 2585)

TOME III

DÉFENSE

ESPACE, COMMUNICATION ET RENSEIGNEMENT

PAR M. Bernard GRASSET,

Député.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

                      Voir le numéro : 2624 (annexe no 40).

                      Lois de finances.

La commission de la défense nationale et des forces armées est composée de :

M. Paul Quilès, président ; MM. Didier Boulaud, Jean-Claude Sandrier, Michel Voisin, vice-présidents ; MM. Robert Gaïa, Pierre Lellouche, Mme Martine Lignières-Cassou, secrétaires ; MM. Jean-Marc Ayrault, Jacques Baumel, Jean-Louis Bernard, André Berthol, Jean-Yves Besselat, Bernard Birsinger, Jacques Blanc, Loïc Bouvard, Jean-Pierre Braine, Philippe Briand, Jean Briane, Marcel Cabiddu, Antoine Carré, Bernard Cazeneuve, Guy-Michel Chauveau, Alain Clary, François Cornut-Gentille, Charles Cova, Michel Dasseux, Jean-Louis Debré, François Deluga, Claude Desbons, Philippe Douste-Blazy, Jean-Pierre Dupont, François Fillon, Christian Franqueville, Yves Fromion, Yann Galut, René Galy-Dejean, Roland Garrigues, Henri de Gastines, Bernard Grasset, Jacques Heuclin, François Hollande, Jean-Noël Kerdraon, François Lamy, Claude Lanfranca, Jean-Yves Le Drian, Georges Lemoine, François Liberti, Jean-Pierre Marché, Franck Marlin, Jean Marsaudon, Christian Martin, Guy Menut, Gilbert Meyer, Michel Meylan, Jean Michel, Jean-Pierre Michel, Charles Millon, Charles Miossec, Alain Moyne-Bressand, Arthur Paecht, Jean-Claude Perez, Robert Poujade, Mme Michèle Rivasi, MM. Michel Sainte-Marie, Bernard Seux, Guy Teissier, André Vauchez, Emile Vernaudon, Jean-Claude Viollet, Aloyse Warhouver, Pierre-André Wiltzer.

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : L'ESPACE MILITAIRE 11

I. - LA REVALORISATION D'UN BUDGET DURABLEMENT RÉAJUSTÉ 11

A. L'ACCROISSEMENT DU NIVEAU DES CRÉDITS : UN EFFET D'OPTIQUE ? 11

1. L'amélioration très sensible des dotations budgétaires 11

2. Un rattrapage plus qu'une réorientation en faveur de l'espace 12

3. La persistance du problème de l'imputation des crédits duaux 13

B. UN CONTEXTE EUROPÉEN CONTRASTANT AVEC LES POLITIQUES VOLONTARISTES DES PRINCIPALES PUISSANCES SPATIALES DU MONDE 14

1. Les aléas de la coopération européenne 15

    a) Des évolutions budgétaires différenciées chez les partenaires de la France 16

    b) Des coopérations aux contours modifiés 18

    c) Des programmes européens à vocation duale plutôt préservés 19

2. Des ambitions spatiales américaines fortes 21

    a) Un choix soutenu sur le plan budgétaire 21

    b) Des objectifs qui suscitent parfois quelques inquiétudes 23

3. Des pays asiatiques soucieux de développer leur compétence 24

    a) Le volontarisme de la politique spatiale chinoise 24

    b) Les réelles perspectives du programme indien 25

    c) Des ambitions japonaises significatives 26

II. - UNE CONSOLIDATION DES PRIORITÉS FRANÇAISES DANS LA CONDUITE DES PROGRAMMES 27

A. LA POURSUITE D'UN PROGRAMME D'OBSERVATION OPTIQUE QUI A FAIT LA PREUVE DE SON EFFICACITÉ 27

1. La réussite opérationnelle d'Hélios 1 27

2. Une relève engagée : la seconde génération Hélios 2 29

3. L'après Hélios 2 : les prémices de la réflexion 31

B. LA PERSISTANCE D'INCERTITUDES CONCERNANT LES AUTRES PROGRAMMES SPATIAUX MAJEURS 32

1. L'avenir partiellement assuré du programme de télécommunications spatiales 32

    a) Le système Syracuse 2 : un programme national 32

    b) La prochaine génération : une conception en deux étapes 33

    c) Les enjeux du programme Syracuse 3 34

2. Les options françaises pour la réalisation d'un système satellitaire d'observation radar 35

C. L'UTILITÉ DES APPROCHES COMPLÉMENTAIRES, DONT LA VEILLE TECHNOLOGIQUE EST MAINTENUE 37

1. L'écoute électromagnétique 37

2. Les programmes de cohérence 38

DEUXIÈME PARTIE : LES MOYENS DE COMMUNICATION, DE RENSEIGNEMENT ET DE CONDUITE DES OPÉRATIONS 41

I. - LES PRINCIPAUX SYSTÈMES DE TRANSMISSION, DE LIAISON ET DE COMMANDEMENT 41

A. LES PROGRAMMES DE NIVEAU INTERARMÉES 41

B. LES PROGRAMMES D'INFORMATION ET DE COMMANDEMENT 43

1. Le SCCOA de l'armée de l'Air 44

2. Les SICF et SIR de l'armée de Terre 45

II. - L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES CONSACRÉS AU RENSEIGNEMENT 46

A. LES SYSTÈMES DE RECUEIL DE RENSEIGNEMENT 46

1. Les programmes stratégiques d'écoute 46

    a) La composante aéroportée : Sarigue nouvelle génération 47

    b) La composante navale : le MINREM 47

2. Les moyens à vocation tactique 47

    a) L'aviation de patrouille maritime 48

    b) La surveillance du champ de bataille 48

    c) Les drones 49

B. LES SERVICES DE RENSEIGNEMENT 53

1. La Direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE) 53

2. La Direction du Renseignement militaire (DRM) 55

3. La Direction de la Protection et de la Sécurité de la Défense (DPSD) 57

CONCLUSION 59

TRAVAUX EN COMMISSION 61

I. - AUDITION DU GÉNÉRAL JEAN-PIERRE KELCHE, CHEF D'ÉTAT-MAJOR DES ARMÉES 61

II. - EXAMEN DE L'AVIS 72

Mesdames, Messieurs,

Dans un contexte nouveau de dissémination des zones d'instabilité et de crises, face à une économie aux imbrications mondiales, l'espace, les communications et le renseignement sont devenus un facteur déterminant de toute stature stratégique.

Les capacités d'observation, de communication, d'écoute et de localisation qui dépendent des équipements spatiaux, sont désormais des préalables à toute prise de décision de déploiement des forces, d'emploi des armes, de présence dans le monde. L'espace, les moyens de télécommunications et le renseignement (qu'il soit d'origine technologique ou humaine), sont à ce point interdépendants qu'il est nécessaire d'en apprécier le traitement budgétaire dans un seul et même avis.

D'un point de vue méthodologique, l'appréhension des dispositions du projet de loi de finances pour l'année 2001 doit s'effectuer au regard de trois préoccupations :

- quels sont les moyens à contrôler, car facteurs de souveraineté stratégique ?

- quels sont les moyens à posséder, car conditionnant l'autonomie de la défense de notre pays ?

- quels sont, dans le monde, les moyens disponibles, fiables et banalisés ?

En prenant appui sur les dispositions du projet de loi de finances pour l'année 2001, le présent avis s'emploiera à exposer les enjeux budgétaires et stratégiques des différents programmes d'équipement de nos forces en matière d'espace, de communications et de renseignement, tout en resituant l'effort national dans son environnement européen et mondial. Cette démarche paraît d'autant plus opportune à votre Rapporteur que la prochaine loi de programmation militaire est en cours d'élaboration.

*

La France conduit, depuis plusieurs décennies, une politique spatiale militaire ambitieuse. A cette fin, le ministère de la Défense dispose d'un budget qui le place au premier rang de l'effort des pays européens, les crédits réellement dépensés avoisinant 2,7 milliards de francs sur chacune des annuités des quatre derniers exercices.

Certes, le décalage des dotations de l'Etat par rapport aux objectifs de la loi de programmation militaire est incontestable. De surcroît, la loi de finances initiale pour 2000 a marqué une rupture importante en situant le budget spatial militaire français à un niveau à peine supérieur à 2 milliards de francs en autorisations de programme. Le projet de loi de finances pour 2001 rectifie fort heureusement cette tendance exceptionnelle, liée pour une large part aux aléas des coopérations européennes.

Force est de reconnaître en effet que les dispositions budgétaires soumises à l'examen du Parlement pour l'exercice 2001 sont satisfaisantes. Cela à double titre : d'une part, les crédits consacrés à l'espace militaire y bénéficient d'une augmentation significative, alors que le titre V n'évolue quasiment pas ; d'autre part, les enseignements du Kosovo ont été tirés, notamment à l'occasion d'ajustements concernant de grands programmes, tels Hélios 2.

On observera néanmoins que le projet de loi de finances pour 2001 n'opère qu'un rattrapage partiel du retard pris au cours de l'exercice 2000. De même, certaines incertitudes subsistent, quant à l'avenir du programme des télécommunications militaires ou à l'accès de nos forces (le plus probablement en coopération) à une capacité d'observation radar. Les difficultés liées aux coopérations européennes ne sont pas étrangères à un manque patent de visibilité sur ces points pourtant essentiels.

Or il s'agit là d'un élément déterminant pour l'avenir de l'espace militaire en Europe. Le manque de planification coordonnée des programmes entre les principales puissances spatiales de l'Union européenne pèse cruellement tout à la fois sur leur déroulement, leur financement et leur complémentarité. Souhaitons que les restructurations industrielles à l'échelle européenne, la mise sur pied de l'OCCAR et les démarches entreprises entre gouvernements des pays concernés permettent d'y remédier dans les années qui viennent.

*

Tout comme en 2000, les systèmes de communication et les moyens de renseignement devraient continuer à recevoir une attention particulière sur le plan budgétaire.

Le renouvellement et la modernisation des moyens de télécommunications et de transmissions des forces pourront ainsi se poursuivre de façon assez soutenue. Les systèmes de recueil de renseignement seront eux aussi améliorés : votre Rapporteur n'est pas mécontent de constater qu'un effort particulier est prévu au sujet des drones, conformément à ses observations formulées dans son avis sur le projet de loi de finances pour l'année 2000. Enfin, les dotations des services de renseignement devraient augmenter, de manière à leur permettre de mener à bien leurs missions et, dans certains cas, leurs réformes internes.

Eu égard à l'environnement international actuel et au développement technologique des différents équipements, ces orientations vont dans le bon sens. La prochaine programmation militaire devra veiller à ce qu'elles soient poursuivies ou consolidées, tout en garantissant une meilleure lisibilité de l'agrégat relatif au renseignement.

*

Telles sont, en substance, les remarques que votre Rapporteur souhaite approfondir dans cet avis budgétaire.

PREMIÈRE PARTIE :
L'ESPACE MILITAIRE

I. - LA REVALORISATION D'UN BUDGET DURABLEMENT RÉAJUSTÉ

La loi de programmation militaire 1997-2002 inscrivait initialement l'évolution pluriannuelle du budget de l'espace militaire dans la perspective d'une réalisation de trois programmes d'envergure, sur la base d'une coopération européenne. Cet équilibre est rompu depuis plusieurs années déjà. La revue des programmes de 1998 a conduit au choix d'un budget spatial moins ambitieux.

Du fait des contraintes subies par notre pays en matière de coopérations européennes, la loi de finances initiale pour l'année 2000 a amplifié le redimensionnement du budget consacré par le ministère de la Défense à l'espace. Le projet de loi de finances pour l'année 2001 prend le contre-pied de cette évolution qui s'inscrivait dans un contexte particulier, pour ne pas dire exceptionnel. Les crédits en faveur de l'espace retrouvent donc un niveau davantage en concordance avec les orientations retenues par la revue des programmes.

    A. L'ACCROISSEMENT DU NIVEAU DES CRÉDITS : UN EFFET D'OPTIQUE ?

L'augmentation du volume des dotations budgétaires en faveur de l'espace dans le projet de loi de finances pour l'année 2001, si elle mérite d'être soulignée, n'en a pas moins une portée relative.

En effet, en comparaison avec les annuités budgétaires normales, le projet de loi de finances pour l'année 2001 amorce tout au plus un rattrapage budgétaire nécessaire, suite à la forte contraction de l'année dernière.

      1. L'amélioration très sensible des dotations budgétaires

A la lecture du projet de loi de finances pour l'année 2001, il apparaît que le secteur de l'espace bénéficie, plus que tout autre poste des dépenses d'équipement du ministère de la Défense, d'un traitement budgétaire favorable.

En effet, alors que les crédits de paiement des titres V et VI sont en légère hausse de 0,5 % par rapport aux dotations de la loi de finances initiale pour 2000, ceux du secteur de l'espace militaire sont revalorisés à hauteur de 19,1 %. Le contraste est plus saisissant encore s'agissant des autorisations de programme, puisque celles de l'ensemble des titres V et VI diminuent de 3,1 %, tandis que les autorisations de programme pour l'espace militaire sont en forte croissance, de l'ordre de 52,7 %.

En valeur absolue, le projet de loi de finances pour l'année 2001 situe le budget de l'espace militaire à un niveau avoisinant les 3,2 milliards de francs en autorisations de programme (3 163,7 millions de francs très exactement). Le volume des crédits de paiement est sensiblement inférieur (2 731,6 millions de francs).

ÉVOLUTION DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES
AFFECTÉS À L'ESPACE

 

Loi de finances initiale en millions de francs

Évolution en %

 

1998

1999

2000

2001
(projet)

99/98

2000/99

2000/2001

Autorisations de programme

2 790

2 717,8

2 071,4

3 163,7

- 10,6

- 23,78

+ 52,7 %

Crédits de paiement

3 112

2 706,7

2 293,7

2 731,6

- 15,9

- 15,26

+ 19,1 %

L'accroissement général du montant des crédits est ressenti par l'ensemble des postes de dépenses, à l'exception des études-amont, en relative stabilité (le montant des autorisations de programme est maintenu à 270 millions de francs, mais celui des crédits de paiement diminue sensiblement à 200 millions de francs contre 237 millions de francs inscrits en loi de finances initiale pour l'année 2000).

      2. Un rattrapage plus qu'une réorientation en faveur de l'espace

L'évolution des crédits de l'espace, en décalage par rapport à celle de l'économie générale du budget du ministère de la Défense, doit s'apprécier au regard de l'importante contraction subie lors de l'exercice 2000. A cet égard, votre Rapporteur observe que l'accroissement des autorisations de programme porte le niveau de celles-ci au-delà de ce qu'il était en 1998. En revanche, le réajustement des crédits de paiement permet seulement de retrouver le montant de 1999.

Par voie de conséquence, le projet de loi de finances initiale pour 2001 opère un rattrapage du retard pris en 2000, puisque le volume des autorisations de programme est supérieur à la moyenne des quatre premières annuités de la loi de programmation militaire. Néanmoins, le projet de loi de finances initiale pour 2001 ne change pas pour autant le périmètre budgétaire du secteur spatial militaire, les crédits de paiement retrouvant un niveau conforme à ce qu'il était avant le ralentissement conjoncturel de l'année 2000. En d'autres termes, l'augmentation significative du niveau des crédits affectés à l'espace militaire s'inscrit dans un contexte aussi particulier et exceptionnel que l'était celui du budget spatial en cours d'application.

Compte tenu des annulations et des transferts de crédits en exécution des lois de finances initiales, et malgré un taux de consommation des crédits d'équipement en constante amélioration (91,6 % des ressources disponibles ont ainsi été consommées en 1999), le niveau réel des dépenses exécutées n'a pas dépassé 2,7 milliards de francs au cours des quatre derniers exercices.

COMPARAISON DES CRÉDITS VOTÉS
ET DES DÉPENSES RÉALISÉES

(en millions de francs)

 

1997

1998

1999

2000

98/97

99/98

2000/99

Crédits votés hors BCRD

3 298

3 112

2 618

2 294

- 5,6 %

- 15,9 %

- 12,4 %

Annulations et reports

- 182

- 298

- 192

- 87 (1)

+ 63,7 %

- 35,6 %

-

Crédits disponibles

3 116

2 814

2 515

2 207

- 0,4 %

- 6,9 %

- 12,2 %

Dépenses réalisées

2 681

2 753

2 456

-

+ 2,7 %

- 10,8 %

-

Ecart crédits votés/dépenses réalisées

617

359

251

-

- 41,8 %

- 30,1 %

-

(1) Au 30 juin 2000.

Le projet de loi de finances pour l'année 2001, eu égard au niveau des crédits de paiement inscrits, ne devrait pas fondamentalement modifier cet objectif.

      3. La persistance du problème de l'imputation des crédits duaux

Le projet de loi de finances pour l'année 2001 prévoit une diminution sensible du montant des transferts du ministère de la Défense au titre des crédits de recherche duale du Budget Civil de Recherche et de Développement (BCRD) : 1 250 millions de francs courants sont inscrits dans le projet de budget soumis à l'examen du Parlement, soit 250 millions de francs de moins que l'année dernière.

Depuis 1997, les dotations du ministère de la Défense aux budgets des ministères civils, au titre de la recherche duale, bénéficient dans leur intégralité au Centre National des Etudes Spatiales (CNES). La loi de programmation militaire du 2 juillet 1996 prévoyait d'y mettre fin de façon graduelle, mais une tendance inverse semble s'être instaurée depuis 1999. Ainsi, les lois de finances initiales pour les années 1999 et 2000 ont respectivement fixé ce montant à 900 millions de francs puis 1,5 milliard de francs (autorisations de programmes et crédits de paiement cumulés).

La baisse de la participation du ministère de la Défense au BCRD pour l'exercice 2001, si elle n'est pas négligeable, n'occulte pas pour autant le maintien d'un versement dont la lisibilité, plus que le principe, est sujette à caution.

L'ampleur de ces transferts suscite également quelques interrogations, quant à leur conformité avec l'esprit de la convention signée entre le CNES et la Délégation Générale pour l'Armement (DGA). En effet, la participation des crédits du ministère de la Défense aux dépenses spatiales civiles représente un simple abondement du budget du CNES. Les crédits transférés sont affectés par le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie au budget des organismes civils concernés et ne sont pas gérés par le ministère de la Défense.

Ainsi, non seulement les crédits présentés comme duaux sont comptabilisés deux fois (puisqu'ils sont affichés dans la présentation des deux budgets), permettant ainsi de maintenir de manière quelque peu artificielle le niveau des crédits consacrés à l'espace militaire, mais il n'est pas établi, de surcroît, de comptabilité séparée de ces crédits, dont il devient par conséquent impossible de connaître l'utilisation précise.

    B. UN CONTEXTE EUROPÉEN CONTRASTANT AVEC LES POLITIQUES VOLONTARISTES DES PRINCIPALES PUISSANCES SPATIALES DU MONDE

Alors que le niveau des dépenses budgétaires ainsi que la priorité accordée à certains programmes confirment la prépondérance de la politique spatiale américaine et témoignent de l'ambition de certains États asiatiques de devenir des acteurs spatiaux majeurs, les principaux pays membres de l'Union européenne ne semblent pas consacrer un effort à la hauteur de l'ambition d'une Europe spatiale de la défense. A terme pourtant, des opportunités existent et la France, seul pays du continent à consacrer un effort significatif dans le domaine spatial, ne pourra pas en être tenue à l'écart.

L'EFFORT BUDGÉTAIRE GLOBAL (CIVIL ET MILITAIRE)
DES PRINCIPALES PUISSANCES SPATIALES DU MONDE
EN FAVEUR DE L'ESPACE EN 2000
(comparaisons internationales)*

 

Etats-Unis

Japon

Chine

Inde

Allemagne

Italie

Grande Bretagne

France

En milliards de francs courants

165

16,6

1,2(1)

3,5

5,8

4,2

1,8

14,5

En milliards de dollars

27,5

2,76

0,2(1)

0,585

0,967

0,52

0,269

2,4

*Estimations sur la base de 1 $ = 6 F, 1 DM = 3,5 F, 1 £ = 10 F et 1 euro = 1 $.

(1) Agrégat global à fiabilité contestable

      1. Les aléas de la coopération européenne

D'une manière générale, la coopération pour la réalisation et l'acquisition d'équipements présente un triple intérêt :

- elle permet un partage des coûts de développement et d'industrialisation, l'effet sur les prix de série restant toutefois limité par le faible nombre de satellites produits ;

- elle présente également l'avantage de rapprocher les armées des pays coopérants en raison de la définition d'un besoin opérationnel commun et du renforcement de l'interopérabilité des moyens ;

- enfin, elle a un effet structurant sur les pôles industriels d'excellence qui sont amenés à se regrouper, à l'image de Matra Marconi Space avec DASA (et bientôt Alenia Spazio) dans l'entité Astrium, afin d'exploiter leurs synergies.

Des difficultés, parfois importantes, existent. En effet, il est souvent nécessaire de préserver les intérêts économiques des parties. Or, l'exigence de « juste retour industriel » constitue une contrainte qui conduit parfois certains Etats à privilégier la conception de programmes nationaux au détriment de la rationalité économique et budgétaire d'une collaboration. De même, les incertitudes relatives aux ressources budgétaires accordées par chaque participant aux projets communs ainsi que de l'urgence et l'évolution des besoins opérationnels sont autant d'écueils supplémentaires.

Les programmes spatiaux n'échappent pas à ces règles. A l'image de ses prédécesseurs, le projet de loi de finances initiale pour 2001 en porte l'empreinte.

      a) Des évolutions budgétaires différenciées chez les partenaires de la France

L'espace bénéficie en Europe d'un effort cinq fois inférieur à celui existant aux États-Unis pour les applications civiles et quatorze fois inférieur pour les programmes militaires (à peine plus d'un milliard de dollars pour les cinq principales puissances spatiales européennes contre 14 milliards de dollars aux États-Unis).

Les coopérations européennes dans le domaine spatial sont perturbées par les orientations budgétaires disparates des principaux pays européens. Les partenaires de la France n'ont pas les mêmes priorités. Par ailleurs, ils ne peuvent s'engager en même temps sur plusieurs programmes, alors que la plupart des systèmes en coopération concernés sont soumis à des impératifs calendaires de continuité de service. De fait, on s'oriente vers une mutualisation de l'utilisation des capacités, non de leur réalisation.

_ La politique britannique est marquée par le souci de limiter l'engagement financier public, limité à 180 millions de livres (269 millions d'euros) pour l'exercice 1999-2000. Pour ce faire, le secteur privé joue un rôle essentiel dans le domaine spatial. De même, la Grande-Bretagne ne participe qu'à hauteur de 7,4 % au financement des projets civils de l'Agence Spatiale Européenne (ASE), les grands programmes européens d'infrastructure orbitale et Ariane 5 en bénéficiant peu ; l'essentiel des efforts budgétaires du Royaume-Uni concerne plus particulièrement l'observation de la Terre et les communications.

Le budget spatial militaire, quant à lui, est assez difficile à identifier. Il semble néanmoins rester stable, à en juger le maintien depuis plus de dix ans des moyens affectés au système de télécommunications dédiées Skynet aux alentours de 80 millions de livres. En matière de programmes, les priorités du ministère de la Défense s'articulent autour du renouvellement de l'actuelle génération de Skynet (Skynet 4-E a été lancé par Ariane au début de 1999), de l'accès aux données météorologiques au travers du programme METOP, et de l'insertion des capacités spatiales d'imagerie et d'observation au c_ur des systèmes d'information et de communication.

Pour y parvenir, les coopérations internationales avec les nations alliées sont recherchées. Néanmoins, l'option européenne n'est pas toujours privilégiée, comme en témoigne le retrait, en 1998, du projet de satellites de télécommunications pour les besoins de défense Trimilsatcom, programme reposant initialement sur une coopération avec la France et l'Allemagne. Le Royaume-Uni semble, depuis, préférer l'alternative d'une coopération avec les États-Unis.

_ La participation de l'Allemagne à l'ensemble des grands projets spatiaux européens depuis vingt ans s'est appuyée sur un engagement financier qui a connu une croissance régulière jusqu'en 1993 et a permis à ce pays d'être le second contributeur à l'ASE en s'engageant à hauteur de 22 % du financement d'Ariane 5 et en s'appropriant la maîtrise d'_uvre de l'élément Colombus de la station spatiale internationale. Stabilisé aux alentours de 1,4 milliard de deutschemark sur la période 1994-1997, le budget géré par la Deutsche Luft Raumfahrt (DLR), agence fédérale qui gère toutes les activités civiles depuis 1997, a connu une augmentation jusqu'à 1 655 millions de deutschemark en 1999, puis un maintien à niveau en 2000.

Cependant, au delà de cette apparente dynamique, l'Allemagne a décidé de réorienter ses priorités spatiales autour des initiatives industrielles et de la recherche scientifique. Si le « concept spatial » élaboré au printemps 1997 a reconnu que les télécommunications et l'observation de la Terre prennent un rôle croissant dans la sécurité du pays, force est de constater que ce postulat ne s'est pas immédiatement traduit par un développement des filières spatiales en coopération.

Les événements du Kosovo semblent avoir décidé les pouvoirs publics allemands à relancer cette idée à propos de la conception d'un satellite d'observation radar à partir des études menées dans le cadre du projet SAR-Lupe. La récente déclaration de Mayence s'inscrit dans ce contexte. Néanmoins, cette évolution doit être envisagée avec prudence, compte tenu des mesures d'économies présentées par le Ministre allemand des Finances, lesquelles s'élèvent à 3,2 milliards de deutschemark pour le budget de la Défense.

_ L'Italie cherche depuis quelques années déjà à affirmer sa présence sur la scène spatiale européenne : une agence spatiale italienne, l'ASI, a été créée à cet effet en 1988 ; un plan spatial national à cinq ans a été également défini ; des moyens budgétaires non négligeables ont été débloqués.

L'ASI disposait d'un budget global de 520 millions d'euros en 2000, en stagnation par rapport à 1999 alors même que le plan spatial national prévoyait un budget annuel moyen de 640 millions d'euros sur la période 1998-2002. Un tel montant vise autant à apurer la dette de l'agence qu'à permettre le développement de programmes spatiaux d'envergure.

L'Italie ne cache pas qu'elle a des ambitions spatiales, dont les applications peuvent être militaires. Pour preuves, sa participation à Hélios 1, sa maîtrise des télécommunications spatiales à vocations civile et militaire (le premier satellite du programme Sicral, équivalent à Syracuse, a été mis en orbite fin 2000) et ses investissements dans le domaine de l'observation radar.

Cherchant à s'impliquer dans le développement d'équipements militaires, l'Italie peut constituer un partenaire en vue de coopérations européennes, même limitées. C'est la raison pour laquelle le principe d'une coopération portant sur l'observation spatiale militaire a été envisagé lors du sommet franco-italien de Florence, en septembre 1998. Une déclaration d'intention a été signée en ce sens le 5 mars 2000 et la signature d'un mémorandum d'accord pourrait intervenir d'ici la fin de cette année.

      b) Des coopérations aux contours modifiés

La coopération spatiale européenne semble changer de nature : après avoir reposé sur le principe d'une conception et d'un financement conjoints, elle s'oriente désormais davantage vers un usage opérationnel commun de filières nationales spécialisées.

A cet égard, il convient d'apporter quelques précisions sur les priorités des politiques spatiales des partenaires traditionnels de la France. L'Italie privilégie le développement du programme de satellites multicapteurs Cosmo-Skymed dans lequel elle disposerait d'une maîtrise d'_uvre, au détriment d'Hélios 2, qui présente pourtant un intérêt opérationnel plus immédiat pour ses forces. La Grande-Bretagne s'est, quant à elle, retirée du programme Trimilsatcom alors même que la convergence des besoins de renouvellement de Skynet 4 et de Syracuse 2 était une conjoncture idéale pour une coopération européenne efficace et économe. Enfin, l'Allemagne affiche pour priorités son assainissement budgétaire et la réalisation d'une filière d'observation radar à partir du projet SAR-Lupe, obérant ainsi presque définitivement sa participation au financement d'Hélios 2.

Il ne faut pas pour autant conclure à l'absence de toute perspective de coopérations. Ainsi, la déclaration d'Helsinki, formulée à l'issue du Conseil européen de décembre 1999, place les moyens spatiaux de renseignement au rang des capacités communes dont les pays membres de l'Union européenne doivent se doter. Cependant, au-delà des orientations ainsi tracées, les modalités des coopérations européennes sont désormais profondément modifiées.

_ Les télécommunications spatiales militaires restent le domaine dans lequel la coopération industrielle et budgétaire reste la plus envisageable. Des discussions se poursuivent à ce sujet avec l'Allemagne. Même si le satellite Syracuse 3 sera défini sur la base d'une maîtrise d'_uvre nationale dans un premier temps, la totalité de la constellation nécessaire pourrait être réalisée sur la base d'un programme binational au-delà de 2003.

_ En ce qui concerne le satellite d'observation optique Hélios 2, l'Allemagne n'a pas formellement dénoncé les accords de Baden-Baden, et conformément à la demande de l'Etat-major français des armées, la composante sol utilisateur (CSU) d'Hélios 2 reste susceptible de concerner les armées allemandes. Des discussions ont également été nouées avec la Belgique, l'Espagne et l'Italie. Il n'y a pas eu d'accord, mais l'Italie a tout de même décidé d'adopter la version améliorée de la CSU d'Hélios 1, compatible avec les options Hélios 2 installées pour la France. Une solution identique serait envisagée par l'Espagne.

_ Dans le domaine des autres filières d'observation, l'Italie apparaît comme le partenaire européen avec lequel la probabilité de coopération reste pour l'instant la plus avancée. Les modalités de cette coopération pourraient reposer sur engagement français minoritaire dans la poursuite du projet italien de petits satellites radar à vocation duale (offrant à la France un accès à faible coût à une filière complémentaire de ses moyens optiques). L'éventualité d'une coopération avec l'Allemagne ne doit pas pour autant être écartée. La récente déclaration de Mayence ouvre, à cet égard, des perspectives intéressantes.

      c) Des programmes européens à vocation duale plutôt préservés

Le conseil ministériel de l'Agence spatiale européenne des 11 et 12 mai 1999 a adopté le budget spatial de l'Europe pour les prochaines années. Les programmes majeurs de dimension duale ont été préservés puisqu'ont été affectés :

- 161 millions d'euros (1,06 milliard de francs) au programme d'accompagnement de recherche et de technologie Ariane 5 (ARTA) sur la période 2001-2002, et 589 millions d'euros (3,9 milliards de francs) au programme Ariane 5 plus sur la période 1999-2001 ;

- 759 millions d'euros (près de 5 milliards de francs) à l'observation de la Terre ;

- et 58,4 millions d'euros (386,4 millions de francs) à la phase de développement d'un système européen de navigation par satellites, Galileo.

_ Programme de lanceurs commerciaux, Ariane fonde l'indépendance spatiale des principaux pays européens. Alors qu'Ariane 4 arrive en fin de vie et qu'Ariane 5 commence ses lancements commerciaux, la famille de lanceurs européens doit faire l'objet d'ajustements techniques. Pour y parvenir, le conseil ministériel de l'ASE a fixé un certain nombre d'objectifs pour l'évolution d'Ariane 5.

Fin 2001-début 2002, la fusée (Ariane 5 « plus ») sera équipée d'un nouvel étage supérieur à propulsion cryotechnique de manière à lui permettre de lancer une charge utile de 9 tonnes contre 6 actuellement. Dans une seconde étape, c'est-à-dire à l'horizon 2004-2005, le moteur Vulcain 2 actuellement mis au point par la SNECMA devrait permettre à la fusée (Ariane 5 « évolution ») d'emporter 11 tonnes de charge utile en orbite géostationnaire.

La raison de ces adaptations essentielles est que le volume des satellites commerciaux augmente (5 tonnes aujourd'hui contre 2,5 à 3 tonnes il y a quelques années), et que la rentabilité du programme implique le lancement de deux satellites à chaque tir. A cet égard, l'objectif affiché par Arianespace est la diminution de 50 % du coût de lancement d'un satellite par Ariane 5 dans les trois ans à venir. Eu égard à l'importance des enjeux économiques et stratégiques, la réussite de cette démarche paraît primordiale.

_ L'enveloppe affectée à l'observation de la Terre comprend un volet scientifique et des aspects commerciaux. Cependant, dans ce domaine, les applications sont le plus souvent duales, l'observation météorologique et topographique participant à l'information des forces sur leur environnement.

_ Le lancement de la phase de définition de Galileo constitue une première étape dans la réalisation d'un système européen de navigation par satellites. Conformément aux recommandations du Conseil « transport » du 17 juin 1999, la Commission européenne devra fournir l'ensemble des détails financiers de l'avancement des travaux au Conseil des Ministres des transports de l'Union européenne qui doit se tenir les 20 et 21 décembre prochains, afin que celui-ci prenne une décision sur la conception de cette constellation de 30 satellites à orbite intermédiaire ou, alternativement, de 24 satellites à orbite intermédiaire couplés à 8 satellites en orbite géostationnaire.

Entre 2000 et 2005, près de 460 millions d'euros supplémentaires (3 milliards de francs) devraient être apportés par l'ASE. La Communauté européenne financera un montant équivalent, alors que les industriels participeront également. Au total, près de 3 milliards d'euros (les estimations varient entre 2,475 milliards et 3,750 milliards, selon que le service comporterait des applications duales durcies ou non), soit plus de 19,6 milliards de francs, devraient être investis dans le projet. Galileo pourrait être opérationnel en 2008 et générer 90 milliards d'euros (590,3 milliards de francs) d'applications entre 2005 et 2025, pour 100 000 emplois créés. Néanmoins, ces estimations de rentabilité commerciale sont sujettes à caution, étant donné la gratuité d'accès au système.

Les incidences militaires d'un tel projet sont également importantes puisqu'il permettra aux forces des pays européens de recourir à un système de navigation autonome par rapport au GPS et au Glonass, donc de s'abstraire du contrôle indirect des Etats-majors américains et russes.

      2. Des ambitions spatiales américaines fortes

Depuis 1994, les Etats-Unis ont réorienté leur politique spatiale afin de conforter leur suprématie technique et d'affirmer leur présence dans toutes les applications liées à l'espace. Pour ce faire, un effort tout particulier a été consenti sur le plan budgétaire, en contrepartie d'une rationalisation des structures et d'importantes réductions d'effectifs. D'ici 2005, ce poids pourrait devenir hégémonique dans tous les secteurs militaires et civils du domaine spatial.

      a) Un choix soutenu sur le plan budgétaire

Avec 13,7 milliards de dollars pour l'exercice 2000, la budget de la NASA reste quasiment stable. Le budget spatial militaire pour 2000 est lui aussi maintenu à un niveau de 14 milliards de dollars, mais il convient de noter que ce montant ne représente pas la totalité des crédits consacrés à l'espace militaire, dont une partie significative reste occulte (on estime que 7 milliards de dollars sont consacrés aux « black programs »). Les investissements non classifiés sont toujours prioritaires : les crédits de recherche-développement ont progressé d'environ 18,2 % ; les crédits d'équipement ont bénéficié d'une augmentation plus faible de l'ordre de 1,4 %. Cette tendance devrait être maintenue au cours des prochaines années.

La politique en matière de lanceurs repose toujours sur un objectif de réduction du coût d'exploitation et sur la rationalisation des responsabilités. Le Département de la Défense reste chargé de l'amélioration des lanceurs lourds ou semi-lourds existants (Delta-4 de McDonnell Douglas, Atlas 2-A et Titan de Lockheed Martin Marietta). La NASA est responsable de la recherche et de la préparation de lanceurs futurs, en particulier le lanceur monoétage réutilisable Delta Clipper. A l'initiative privée revient la charge du développement des lanceurs de moyenne puissance (Taurus, Pegasus ou LLV de Lockheed). Malgré quelques difficultés de lancement, il apparaît d'ores et déjà que les États-Unis disposeront vers 2001-2002 d'une flotte de lanceurs modernisée et très concurrentielle par rapport à Ariane.

Les programmes de communication, Milstar 2 et 3 (dont les mises en service ont été avancées), sont en fort développement : l'échec retentissant des programmes commerciaux du type Iridium ont infléchi la stratégie de complémentarité entre moyens civils et militaires, privilégiée jusqu'à présent. Dans le domaine de la navigation par satellites, la dernière génération GPS Block 2 devrait reposer sur 33 plates-formes en cours de développement et dont le lancement est prévu entre 2003 et 2010.

La réorientation de la défense antimissiles et antisatellites est spectaculaire. Alors que près de 40 milliards de dollars ont déjà été dépensés depuis le lancement de l'initiative de défense stratégique, les moyens financiers consacrés à la défense antimissiles ne cessent d'augmenter : 2,7 milliards de dollars en 1994, 2,9 milliards en 1996, environ 3,55 milliards en 1997 et une rallonge de 6,6 milliards de dollars décidée en 1999, portant à 11 milliards de dollars les crédits disponibles pour la période 2000-2005.

Le système de défense du territoire (NMD : National Missile Defense), réduit un moment à une veille technologique, a bénéficié d'un accord entre la majorité républicaine du Congrès et le Président des Etats-Unis. Une étape de « préparation au déploiement » a été menée. La phase de tests, inaugurée avec succès le 3 octobre 1999 (un missile exoatmosphérique ayant décollé de l'atoll Kwajalein, dans les îles Marshall, pour détruire à 6 800 kilomètres un missile balistique simulant une attaque nucléaire contre les États-Unis), a connu deux échecs successifs depuis (les 18 janvier et 8 juillet 2000). La décision de déploiement opérationnel de ce système à partir de 2005 a été repoussée au-delà de l'investiture du prochain Président des Etats-Unis.

De même, d'importants efforts ont été concentrés sur la défense du théâtre dans le cadre du programme TMD (Theater Missile Defense). En ce qui concerne la défense antisatellites, des essais de neutralisation de mini-satellites au laser (MIRACL) ont été réalisés avec succès fin 1997.

Globalement, cette politique volontariste sur le plan budgétaire vise à conforter la suprématie américaine dans le domaine spatial et conduit les Etats-Unis vers une position hégémonique à brève échéance.

      b) Des objectifs qui suscitent parfois quelques inquiétudes

La politique spatiale américaine répond à deux préoccupations :

- assurer une veille permanente et globale permettant de détecter les menaces qui pèsent sur les intérêts américains ;

- sanctuariser le territoire national contre toute attaque balistique d'un « Etat voyou » susceptible de posséder des armes bactériologiques, chimiques ou même nucléaires, de longue portée.

_ Le premier de ces impératifs a justifié le développement de programmes spatiaux de renseignement très complets.

Les forces américaines disposent de satellites d'observation optique Key Hole d'une résolution de 10 centimètres environ, de satellites d'observation radar Lacrosse (dont le dernier a été lancé le 18 août dernier par une fusée Titan 4) et de satellites d'écoute électronique à orbites elliptique (Advanced Jumpseat) ou géostationnaire (Advanced Vortex et Orion). La prochaine constellation de satellites de surveillance photosatellitaire (Future imagery architecture) est en cours d'étude pour un montant de plusieurs milliards de dollars. Quant à la relève des Lacrosse à partir de 2007, la phase 1 du programme Discover 2 s'est achevée et la réalisation de deux satellites prototypes d'ici 2004 devrait commencer à la fin de cette année, pour un montant oscillant entre 600 millions et 1 milliard de dollars.

Instruments de maîtrise de l'information et de renseignement, de tels équipements soulèvent quelques interrogations au sujet de leur emploi. Que l'on songe au réseau d'interception des communications Echelon, reposant sur une couverture satellite et sur des stations d'écoute capables de décrypter la quasi-totalité des communications de toute origine dans le monde. En l'occurrence, des équipements spatiaux américains pourraient avoir été utilisés à des fins contestables.

_ Le second objectif de la politique spatiale américaine suscite également des réserves, compte tenu de ses implications stratégiques et diplomatiques. En effet, le programme d'alerte avancée et de défense antimissiles NMD est fortement contesté par la Russie et la Chine, dont la crédibilité en matière de dissuasion nucléaire pourrait se voir plus particulièrement remise en cause. Au demeurant, le traité Anti Balistic Missile (ABM) de 1972 engage l'ensemble des parties à ne pas mettre en _uvre de système ABM « pour la défense du territoire du pays », ce qui explique que certains Etats membres de l'Union européenne, dont la France, aient fait part de leur réticence face à la NMD.

Là encore, la composante spatiale est au c_ur du dispositif et elle est associée, en réseau, à des radars au sol. Le programme Space Based InfraRed System (SBIRS), destiné à assurer la détection et la poursuite des missiles balistiques adverses, pourrait s'intégrer à un système plus global comportant des batteries de missiles d'interception. Pour l'heure, ce programme d'alerte avancée bénéficie d'un budget de 22 milliards de dollars pour la réalisation de 4 satellites géostationnaires, 2 satellites à orbite elliptiques et 12 à 18 satellites en orbite basse.

      3. Des pays asiatiques soucieux de développer leur compétence

Certains pays d'Asie affichent depuis une dizaine d'années de sérieuses ambitions dans le domaine de l'espace. Longtemps relégués à un rang secondaire, ils ont démontré par de réels succès techniques qu'une politique volontariste s'appuyant sur des investissements soutenus peut rapidement déboucher sur une compétence en matière spatiale. Néanmoins, force est de reconnaître que le niveau de leurs équipements est bien en-deçà de celui des puissances spatiales occidentales et russe.

      a) Le volontarisme de la politique spatiale chinoise

La politique spatiale de la Chine répond à trois objectifs classiques : le renforcement de son indépendance nationale, l'affirmation de son rôle régional et l'intégration des technologies spatiales dans son développement économique.

Après plusieurs échecs, la République populaire de Chine semble améliorer de façon significative la fiabilité de ses lanceurs. Les récents succès des fusées Longue Marche LM 3-B qui ont placé sur orbite plusieurs satellites, dont certains de la constellation Iridium, ont renforcé la crédibilité du plus puissant des lanceurs chinois et ont relancé la crainte d'une offre à des prix de dumping.

Pour résoudre les difficultés techniques rencontrées, par exemple dans le développement d'un réseau propre de satellites de météorologie, ou pour satisfaire des besoins spécifiques, notamment en télécommunications, la Chine est décidée à poursuivre un effort d'envergure et à recourir plus largement à la coopération internationale. Toutefois, dans l'attente d'une autonomie technique complète qui n'est pas acquise à l'heure actuelle, la République populaire de Chine doit acheter plusieurs satellites sur étagère aux Américains (Chinasat 7, Chinastar) et aux Européens (Sinosat).

L'Allemagne, le Brésil (avec lequel la Chine a signé un programme de quatre satellites d'observation de la Terre CBERS) et la Russie constituent des partenaires privilégiés de la coopération chinoise. Les accords avec des sociétés américaines se heurtent, quant à eux, à la question des transferts de technologies sensibles.

L'espace semble constituer un secteur d'activité de très haute importance pour la République populaire de Chine. La politique spatiale chinoise devrait être marquée dans les années qui viennent par la poursuite d'un effort de grande envergure et un recours plus important à la coopération internationale.

      b) Les réelles perspectives du programme indien

Afin de soutenir une ambitieuse politique de présence sur la scène mondiale, l'Inde a quasiment triplé son budget spatial entre 1991 (1,1 milliards de francs) et 1999 (2,9 milliards de francs). Sa progression pour l'année fiscale 2000-2001 s'élève à 17 %.

Plus de la moitié de ce budget est destinée à renforcer l'indépendance du pays en matière de lanceurs. Les générations actuellement en service (PSLV) ou en développement (GSLV) s'appuient sur des coopérations avec la France ou la Russie. Quatre familles de satellites (filières SROSS, GRAMSAT, INSAT et IRS) ont été développées depuis vingt ans dans les domaines de la science, des télécommunications et de l'observation optique. L'Inde maîtrise aujourd'hui de nombreuses technologies de manière autonome.

Les progrès opérés laissent à penser que l'Inde sera capable d'offrir des services commerciaux de lanceurs, même si cet objectif n'est pas affiché. Un accord entre l'agence indienne ISRO et Arianespace a été conclu pour le lancement réciproque de petits satellites. La commercialisation d'images produites par le satellite indien IRS depuis 1995 concurrence directement Spot-Images.

Par ailleurs, bien que le programme spatial soit orienté vers les applications civiles, il n'y a pas de doute que les connexions avec les applications militaires sont nombreuses, notamment en ce qui concerne les missiles balistiques et les satellites d'observation. D'ailleurs, le 29 décembre 1998, le chef d'Etat-major de l'armée de l'Air indienne a officiellement reconnu l'utilisation à des fins militaires, des satellites civils d'imagerie IRS 1-B, IRS 1-C, IRS 1-D et IRS-P 3.

      c) Des ambitions japonaises significatives

L'augmentation régulière du budget spatial (12,8 milliards de francs en 1996, 14,5 milliards de francs en 1998 et 16,6 milliards de francs en 2000) correspond au souhait de développer une base industrielle et technologique avancée, grâce à un programme complet d'applications spatiales.

Pour l'année fiscale qui a débuté le 1er avril 2000, le budget spatial japonais est en augmentation de 10,8 % par rapport à 1999. La part de l'agence spatiale japonaise (la NASDA, responsable du développement des satellites d'application et de leurs lanceurs) passe de 11,5 à 12 milliards de francs, soit une progression de 4,3 %. Celle de l'institut des sciences spatiales et astrologiques (ISAS, responsable du développement des satellites scientifiques et de leurs lanceurs) se maintient à un niveau de 1,1 milliard de francs.

Les programmes de lanceurs ne représentent plus que 17 % du budget spatial japonais, contre 27 % les années précédentes. Trois catégories de lanceurs coexistent :

- le lanceur lourd H 2, dont la version améliorée H 2-A devrait effectuer son vol inaugural en 2002 ;

- le petit lanceur J 1, capable de placer des satellites de taille moyenne (environ une tonne) sur orbite basse ;

- la fusée à trois étages à poudre M 5, dont le vol inaugural a eu lieu en février 1997 et qui peut lancer en orbite basse une charge utile de 2 tonnes ou envoyer 400 kg dans l'espace plus éloigné. Ce lanceur alimente les soupçons d'une application militaire en raison d'un double emploi évident avec le J-1 et de sa possible transformation en un missile balistique d'une portée de 8 000 km.

La NASDA développe également des satellites scientifiques ou d'application dans les domaines des télécommunications, de la météorologie ou de la télédétection. Elle reste aussi présente sur les programmes liés aux vols habités, portant notamment sur le module JEM de la station orbitale internationale.

Enfin, il est à noter qu'une partie de l'augmentation du budget spatial japonais résulte du financement d'un programme de satellites d'observation optique et radar de haute résolution (Advanced Land Observation Satellite), dont le lancement devrait intervenir à partir de 2002. A la suite du lancement par la Corée du nord d'un missile qui a échappé aux moyens de détection classiques, le Japon envisage d'acquérir un satellite d'observation optique d'ici 2003.

II. - UNE CONSOLIDATION DES PRIORITÉS FRANÇAISES DANS LA CONDUITE DES PROGRAMMES

En attendant que les partenaires européens s'engagent sur des projets, la France assure seule le déroulement des programmes majeurs qu'elle a engagés et prépare leur renouvellement.

Les priorités portent essentiellement sur l'amélioration du système d'observation optique et la relève des moyens satellitaires de télécommunications actuels. Des incertitudes subsistent néanmoins quant au déroulement de la seconde phase de Syracuse 3.

Pour le reste, l'accès à des moyens d'observation radar et la poursuite de programmes de cohérence ne font pas partie des objectifs de court terme, même si une veille technologique est maintenue.

    A. LA POURSUITE D'UN PROGRAMME D'OBSERVATION OPTIQUE QUI A FAIT LA PREUVE DE SON EFFICACITÉ

Réalisés sur la base des succès de l'imagerie optique française au cours des années quatre-vingts, les satellites militaires d'observation Hélios 1 permettent à la France et à ses partenaires dans ce programme d'affirmer leur autonomie et de crédibiliser leur participation aux opérations de prévention des crises.

Forte de son expertise en la matière, la France continue d'accorder une haute priorité à ces équipements à travers la réalisation des satellites successeurs d'Hélios 1 : Hélios 2-A et Hélios 2-B. Assumant seul le financement de ce programme pour le moment, le budget spatial militaire français y consacre une large part de ses crédits.

Les orientations de plus long terme en matière d'observation optique n'en sont qu'au stade de la réflexion.

      1. La réussite opérationnelle d'Hélios 1

_ Le programme trinational Hélios 1, qui associe la France, l'Italie et l'Espagne, portait sur la réalisation de deux satellites d'observation optique dont le contrôle s'effectue à partir d'un centre principal sur la base de Francazal Toulouse, et d'installations au sol qui comprennent, dans chaque pays partenaire, une station de réception (Colmar, Iles Canaries et Lecce) et un centre de traitement des images (Creil, Torrejõn et aux environs de Rome).

Le satellite Hélios 1-A a été mis en orbite le 7 juillet 1995 par une fusée Ariane 4 et est entré en phase opérationnelle depuis le 11 octobre 1995. Le deuxième satellite, Hélios 1-B, dont la réalisation a débuté en janvier 1994, a été placé en orbite le 3 décembre 1999 par une fusée Ariane 4 et a été admis en service le 25 février 2000. Initialement, la durée de vie du satellite Hélios 1-A avait été fixée de manière contractuelle à cinq ans ; il s'est avéré qu'au terme de ce délai, le satellite était toujours opérationnel et n'avait pas encore consommé ses équipements de secours. Par conséquent, depuis le lancement d'Hélios 1-B, la France et ses partenaires disposent, de fait, de deux satellites d'observation optique Hélios 1 opérationnels.

Sur le coût total incluant la réalisation du système, les améliorations, les charges additionnelles et le maintien en condition opérationnelle, la part du programme Hélios 1 à la charge de notre pays est estimée à un peu moins de 10,1 milliards de francs en crédits de paiement ; 80 % de ce financement ont servi à la réalisation et au lancement des deux satellites. Afin d'assurer leur maintien en condition opérationnelle, qui recouvre leur exploitation proprement dite ainsi que les travaux d'entretien, de maintenance et d'exploitation des installations au sol, 211 millions de francs sont inscrits en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2001 (contre 220 millions de francs l'an passé) ; les autorisations de programme s'élèvent, quant à elles, à 78 millions de francs (contre 223 millions de francs en 2000).

_ Dans leur définition actuelle, les satellites Hélios 1 emportent une caméra à très haute résolution et des enregistreurs magnétiques spécialisés EMS, destinés à conserver les informations entre deux passages successifs au-dessus des stations de réception. Ils comprennent aussi un système d'écoute électronique Euracom, réalisé uniquement dans le cadre national français. L'orbite polaire héliosynchrone et les capacités de man_uvre garantissent une possibilité d'observation d'un site donné tous les deux jours (à l'équateur).

Les capacités sont limitées à l'observation de jour et par temps clair. Chaque satellite ne repasse exactement à la verticale d'un point donné que tous les vingt-six jours ; mais, compte tenu du fait que les deux satellites sont situés sur des positions orbitales complémentaires, le balayage est plus fréquent.

Des améliorations ont été incorporées au système Hélios 1-B : emport d'une mémoire de masse statique, en complément des deux enregistreurs magnétiques, pour stocker les images ; modifications apportées aux composantes sol les rendant aptes à recevoir les images civiles (SPOT, ERS ou LANDSAT) et intégrant des logiciels de photo-interprétation assistée par ordinateur ; mise au point de la station de théâtre transportable à partir d'un démonstrateur de station de réception et de traitement des images.

_ Le partage, entre les trois partenaires du programme, des temps d'utilisation (fonction des financements initiaux) est globalement satisfaisant, malgré sa complexité. Il est respecté de manière statistique sur le long terme depuis quatre ans.

Des protocoles ont permis d'étendre la coopération à la phase d'exploitation du programme et au maintien en condition opérationnelle. En avril 1993, un protocole de fourniture rémunérée des images Hélios 1 a été signé entre le Secrétaire général de l'UEO et les Ministres de la Défense des trois pays coopérant au programme. La première fourniture au centre satellitaire de Torrejòn en Espagne est intervenue en mai 1996. La mise en place du centre d'interprétation des images satellitaires à Torrejòn a été décidée par le Conseil de l'UEO en 1990 dans la perspective d'un système spatial de renseignement propre à l'organisation. Le centre dispose également d'images prises par les satellites SPOT, ERS et LANDSAT, ou de produits commerciaux disponibles. Un nouveau concept d'emploi, défini en mai 1997 par le Conseil des Ministres de l'UEO, confie au centre une mission de surveillance générale dans le domaine de la sécurité.

Cette coopération reste néanmoins relativement limitée, le centre de Torrejòn n'ayant pas accès à la programmation des satellites par lesquels il obtient ses images. De plus, le budget de ce centre est assez faible puisqu'il s'élevait à 57 millions de francs seulement en 1999.

      2. Une relève engagée : la seconde génération Hélios 2

La nécessité de relever sur orbite le satellite Hélios 1 et d'en améliorer les capacités techniques a conduit, dès 1994, à définir une nouvelle génération de satellites d'observation optique, dite Hélios 2. Cette nouvelle génération de satellites doit valoriser les acquis du programme précédent en rentabilisant les investissements, en modernisant les installations à mi-vie et en bénéficiant de synergies avec les programmes civils. Elle doit également intégrer les améliorations technologiques dans les domaines de la capacité de prises de vues, de la réduction des délais d'accès aux informations recueillies et de la résolution des images.

En 1998, la décision a été prise de décaler le lancement d'Hélios 2, notamment en raison des difficultés rencontrées pour établir des partenariats européens. La phase de réalisation du programme a été finalement engagée afin d'assurer la continuité du service d'observation optique, même en cas d'imprévu sur le programme Hélios 1. Aujourd'hui, la France conduit seule ce programme dont l'objectif est de rendre le premier exemplaire disponible au lancement en mars 2004.

Malgré les incertitudes que fait peser l'absence de coopération européenne sur son déroulement, le programme Hélios 2 reste une des priorités essentielles du volet défense de la politique spatiale française. Pour preuve, si sa phase de définition a été prolongée jusqu'en mars 1997, sa fiche de caractéristique militaire a été approuvée le 21 avril de la même année et sa phase de développement a été lancée il y a deux ans.

Le coût total du programme Hélios 2 a été estimé à un peu plus de 11,5 milliards de francs (au coût des facteurs 1996), le financement de l'adaptation nécessaire des installations au sol dans une démarche d'interopérabilité étant inclus dans cette évaluation. Dans la lignée des enseignements du conflit du Kosovo, il a été décidé de doter Hélios 2 d'une résolution plus précise, de l'ordre de 10 centimètres, induisant par là même un surcoût de 800 millions de francs et un report de la date de lancement du premier satellite initialement prévue pour juin 2003. A ce jour, 5 951,9 millions de francs de crédits de paiement ont déjà été dépensés.

La DGA s'est placée dans un contexte de maîtrise des coûts sans transiger sur les capacités opérationnelles. Le dialogue avec les industriels passe également par le CNES, qui assure la maîtrise d'ouvrage.

Sur l'article 69 du chapitre 51-61 du projet de loi de finances pour 2001, 1 090 millions de francs d'autorisations de programme et 1 189 millions de francs de crédits de paiement sont inscrits pour ce programme ; Hélios 2 représentera donc encore à lui seul le poste de dépense le plus important des crédits consacrés à l'espace en 2001.

Des coopérations européennes sont toujours recherchées, mais aucun partenariat n'est acquis à ce jour. L'Italie et l'Allemagne ne semblent plus vouloir s'associer au programme, lui préférant la poursuite de recherches dans le domaine de l'observation radar. Des discussions ont également eu lieu avec la Belgique, qui a fait part de son intérêt, et avec l'Espagne, qui a envisagé une participation à un niveau de 3 %. Un accord technique et administratif franco-espagnol avait été signé à l'été 1998 mais, depuis la fin de cette même année, l'Espagne a engagé un réexamen de sa politique spatiale. Dans l'attente des conclusions de sa revue de programmes, elle ne s'est pas engagée dans le projet Hélios 2. Les négociations avec la Belgique, quant à elles, ont achoppé sur le montant de l'engagement, le taux de 1 % dans le programme envisagé par les autorités belges ne permettant pas d'obtenir au moins une image par jour et le taux d'utilisation de 2,5 % souhaité par les partenaires franco-espagnols étant supérieur aux possibilités financières belges.

La situation actuelle oblige donc la France à assumer seule la réalisation du système Hélios 2, en ménageant les possibilités d'implication des autres partenaires européens. Il apparaît très probable que notre pays devra supporter la très grande majorité du coût du programme. On comprend, dans ces conditions, que le ministère de la Défense souhaite amortir à l'avenir cet investissement en envisageant d'autoriser un accès à sa programmation en contrepartie d'un accès réciproque à un équipement radar financé en tout ou majorité par un pays européen partenaire.

      3. L'après Hélios 2 : les prémices de la réflexion

Le satellite Hélios 2-A devrait être opérationnel jusqu'en 2009, tandis qu'Hélios 2-B pourrait l'être jusqu'en 2012-2013. Le problème de leur remplacement ne se posera donc pas avant l'horizon 2010. Cette question fait pourtant déjà l'objet d'études.

Un programme d'observation optique à vocation duale devrait permettre tout à la fois de compléter le dispositif Hélios et de favoriser le partage de capacités d'observation avec d'autres pays. Le système Pléiade, défini conjointement par le CNES et le ministère de la Défense, aura vocation à intégrer les dernières évolutions en matière de surveillance sol (champ large et haute résolution). La conception d'un tel équipement à usage dual présente certes des avantages en termes de coûts ; les conditions d'exploitation sont cependant moins favorables aux opérationnels.

Pour succéder à Hélios 2-B, la réalisation d'un petit satellite d'observation optique de très haute résolution et à vocation uniquement militaire est envisagée. Ce programme pourrait coûter 1,5 à 2 milliards de francs en prix non récurrent, ou 600 à 800 millions de francs en prix récurrent.

Il s'agit là d'orientations qui n'en sont qu'à l'état de projets. Elles devraient faire l'objet d'un débat approfondi à l'occasion de l'examen de la prochaine loi de programmation militaire.

    B. LA PERSISTANCE D'INCERTITUDES CONCERNANT LES AUTRES PROGRAMMES SPATIAUX MAJEURS

La revue des programmes opérée en 1998 a réorienté les efforts budgétaires de la France en faveur de l'espace militaire. Le projet de loi de finances pour l'année 2001 s'inscrit dans la lignée des choix effectués alors.

En conséquence, le devenir des approches spatiales complémentaires de l'observation optique n'est pas toujours lisible. Le programme successeur de Syracuse accuse un retard important, qui devrait peser sur ses impératifs calendaires. La réflexion sur l'accès aux équipements radars n'a elle-même pas encore débouché sur des objectifs précis.

      1. L'avenir partiellement assuré du programme de télécommunications spatiales

A la lecture du projet de loi de finances initiale pour l'année 2001, il apparaît que le renouvellement à court terme des moyens spatiaux de télécommunications des armées bénéficie de financements en réelle augmentation. A long terme néanmoins, l'avenir du programme successeur de Syracuse reste plus incertain.

      a) Le système Syracuse 2 : un programme national

Les communications spatiales militaires reposent depuis le milieu des années quatre-vingts sur des charges utiles intégrées aux satellites civils Télécom et dédiées aux usages militaires.

La première génération Syracuse 1 a compris trois satellites : Télécom 1-A lancé en août 1984, Télécom 1-B en mai 1985 et Télécom 1-C en mars 1988. La deuxième génération Télécom 2-Syracuse 2 a assuré la continuité du service grâce à quatre satellites lancés successivement en décembre 1991 (Télécom 2-A), en avril 1992 (Télécom 2-B), en décembre 1995 (Télécom 2-C) et le 8 août 1996 (Télécom 2-D).

Les caractéristiques techniques actuelles assurent une liaison protégée contre l'écoute, l'intrusion et les brouillages. Elles permettent également d'étendre les capacités du système par la réalisation d'un ensemble complet de stations, terrestres ou navales : près de 77 nouvelles stations ont été installées (16 navales, 22 terrestres, 10 sous-marines et 29 sur véhicules légers), entre 1991 et 1997, pour les stations de série. Le parc final atteint ainsi 94 stations sol et 23 stations mobiles.

Sur un coût total du programme Syracuse 2 estimé à 14,3 milliards de francs (dont 3 629 millions de francs au titre des compléments), 10 989 millions de francs de crédits de paiement ont déjà été consommés.

Les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2001 en faveur du maintien en condition opérationnelle de ces équipements et de leurs compléments s'élèvent à 371 millions de francs en crédits de paiement et 234 millions de francs en autorisations de programme.

      b) La prochaine génération : une conception en deux étapes

Le système Syracuse 2 couvrira les besoins essentiels en matière de communications spatiales militaires jusqu'à la fin de la programmation. La durée de vie des satellites, fixée initialement à dix ans, limitait à 2001 la continuité du service, mais les actions de complément permettront de prolonger le système jusqu'en 2005. Cependant, il convient de préparer la nouvelle génération de satellites de télécommunications dès à présent, afin de développer une meilleure interopérabilité avec nos Alliés de l'OTAN. En effet, les capacités françaises de télécommunications ont atteint leurs limites au Kosovo.

La loi de programmation militaire a inscrit près de 4 milliards de francs de crédits de paiement pour le développement de cette troisième génération de satellites, dont le premier exemplaire sera commandé dès la fin de cette année et lancé en 2003.

La recherche d'une coopération européenne se justifiait par la concordance des dates de remplacement des systèmes nationaux en service (le britannique Skynet 4 et le français Syracuse 2), et par la convergence des besoins opérationnels avec l'Allemagne.

Selon le schéma retenu, il pouvait être envisagé un projet binational (Bimilsatcom) ou trinational (Trimilsatcom). L'annonce par la Grande-Bretagne, le 12 août 1998, qu'elle ne prendrait pas part à la phase de définition de la coopération montre qu'elle a privilégié une solution nationale en raison de différences d'approche sur le recours aux techniques EHF et de considérations industrielles. Aucun pays européen ne maîtrise encore cette technique et on peut supposer qu'une entente a eu lieu avec les Etats-Unis. Même si officiellement une compétition industrielle a été lancée pour la définition du futur système de télécommunications, la Grande Bretagne semble avoir fait le pari de l'échec de la coopération européenne et de l'achat « sur étagère » des techniques EHF.

La France ne souhaitait pas renoncer à la coopération mais, dans l'immédiat, une solution intermédiaire s'est avérée nécessaire pour attendre la conception d'un système commun. Pour cette raison, la démarche retenue pour la réalisation du système successeur de Syracuse 2 s'articule en deux étapes :

- la première, sous maîtrise d'_uvre nationale, devrait permettre de mettre en orbite un satellite de nouvelle génération exclusivement dédié aux télécommunications militaires fin 2003, satellite dont l'Allemagne louerait l'utilisation pour les besoins de ses armées ;

- la seconde, reposant sur le principe d'un financement conjoint et d'une coopération industrielle franco-allemande, compléterait d'ici à 2006, fin de vie de Télécom 2-D, la constellation de satellites nécessaires à la satisfaction du besoin opérationnel de la France et de l'Allemagne et conduirait à la conception de nouvelles stations ainsi qu'à la mise en _uvre d'un nouveau système de gestion de l'ensemble.

Le coût total prévisionnel du programme est estimé à 12 959 millions de francs (valeur 2000). Sur cette base, 1 458 millions de francs d'autorisations de programme (contre 309 millions de francs dans la loi de finances pour l'année 2000) et 722 millions de francs de crédits de paiement (contre 307 millions de francs dans la loi de finances de l'année dernière) ont été inscrits dans le projet de loi de finances pour 2001, sur les articles 36 et 74 du chapitre 51-61. Cette augmentation substantielle des dotations budgétaires est liée au lancement de la phase de conception du premier satellite Syracuse 3.

      c) Les enjeux du programme Syracuse 3

Les enjeux liés à ce programme sont triples. Ils ont trait à la fois au respect d'un calendrier assez court, à des considérations d'ordres industriel et stratégique, à la pérennité de la seconde étape du programme.

La mise à poste de Syracuse 3 doit absolument intervenir avant décembre 2003, date d'expiration du délai accordé par les instances internationales pour l'occupation de la position orbitale acquise à titre conservatoire. Au delà de cette date, il faudrait renégocier l'attribution de cette position orbitale, négociation qui serait sans aucun doute difficile, retarderait le lancement du satellite et serait ainsi génératrice de surcoûts.

Compte tenu du niveau des crédits de paiement prévus pour le programme Syracuse 3 dans le projet de loi de finances pour 2001, on peut s'interroger sur le respect des impératifs calendaires du programme d'ici décembre 2003.

Par ailleurs, l'OTAN souhaite renouveler ses satellites de télécommunications à une échéance qui coïncide avec celle de Syracuse 3 : c'est le projet NATO Satcom post 2000, dont l'échéance est 2005-2006. Pour éviter que les Américains n'hébergent transitoirement les besoins de l'OTAN sur leurs satellites Milstar 3 (ce qui aurait pour effet de faire basculer le mode des télécommunications des Etats membres de l'Alliance sur la technologie EHF et obligerait prématurément ceux-ci à acheter des équipements sur étagère aux industriels américains), il serait préférable de proposer à l'OTAN d'héberger ses besoins sur Syracuse 3 (solution assurant une transition maîtrisée et moins coûteuse vers le mode EHF).

Encore faut-il que le premier satellite Syracuse 3 soit opérationnel dans les délais annoncés. Dans ce cas, un second satellite disposant d'une bande Ka (c'est-à-dire se rapprochant du mode EHF) serait lancé en 2006, de manière à faire la jonction avec la seconde étape du programme (à l'horizon 2010 environ), reposant totalement, quant à elle, sur la technologie EHF.

S'agissant de la seconde étape du programme, la coopération franco-allemande est recherchée, mais pas encore assurée. Certes, les besoins de la Bundeswehr ont conduit le Gouvernement allemand à louer certaines des applications du premier satellite Syracuse 3, ce qui laisse présager la persistance de ces besoins au delà. Néanmoins, les priorités spatiales allemandes pourraient fort bien se satisfaire d'une location de capacités françaises. Dans ce cas, la poursuite du programme Syracuse 3 pourrait s'en trouver compromise.

      2. Les options françaises pour la réalisation d'un système satellitaire d'observation radar

D'une manière générale, un satellite d'observation radar constitue un instrument d'observation complémentaire du dispositif d'observation optique. Il est d'autant plus utile qu'il permet un meilleur balayage de la zone à couvrir sans même basculer sur lui-même, ce qui évite les mécanismes de stabilisation.

Les estimations prévisionnelles du coût d'un système radar comprenant trois satellites et une composante sol, s'élevaient dans la loi de programmation militaire 1997-2002 à 6,5 milliards de francs (valeur 1996), et ce, dans les hypothèses d'une participation allemande de près de 40 %, d'un investissement français équivalent au tiers du programme et d'une contribution italienne de l'ordre de 20 %.

Les difficultés budgétaires relatives à la participation allemande ont conduit le Gouvernement français, dans le cadre de la revue des programmes, à arrêter le projet Horus. Or, les hypothèses technologiques initiales sont désormais remises en cause. La précédente solution datait des années quatre-vingts et était orientée vers un projet de gros satellite. La maturité croissante des satellites de petite taille crédibilise le concept de constellations de petits radars d'une masse unitaire d'environ une tonne pour un coût d'environ 2,5 milliards de francs, station de réception au sol incluse. L'équipement satellitaire radar constitue dorénavant une éventualité attractive aux niveaux de ses performances, de son potentiel de croissance, de ses perspectives d'ouverture à la coopération avec des pays tiers et aussi sur le plan financier.

La volonté de la France de disposer d'un système radar demeure. Si les choix sont reportés au vote de la prochaine loi de programmation militaire, l'alternative qui se présente à notre pays est la suivante :

- négocier un droit d'accès aux équipements radars dont l'Italie (projet Cosmo-Skymed) et l'Allemagne (projet SAR-Lupe) envisagent de se doter d'ici 2004-2005, en contrepartie d'un créneau de programmation d'Hélios 2 et de Pléiade ;

participer au financement d'un satellite radar de très haute résolution, à la réalisation duquel les industriels engagés dans les études relatives à Horus participeraient.

A l'heure actuelle, la première hypothèse paraît bien plus probable que la seconde, des négociations étant sur le point d'aboutir à la signature d'un mémorandum d'accord avec les Italiens d'ici à la fin de cette année, alors que le Gouvernement allemand, à l'occasion de la déclaration de Mayence, a notifié sa disposition à envisager une coopération avec la France qui reposerait sur la complémentarité de SAR-Lupe avec Hélios 2.

Votre Rapporteur est favorable à l'idée d'une coopération à moindre coût pour les armées. Il s'interroge néanmoins sur les moyens qu'Allemands et Italiens mettront à disposition du développement de leurs programmes respectifs, dont l'un est réputé agile (Cosmo-Skymed) et l'autre à haute résolution (SAR-Lupe). Compte tenu des vicissitudes qui ont affecté le programme Horus, ainsi que du contexte budgétaire qui prévaut en Italie et en Allemagne, on peut se demander si ces équipements seront opérationnels à l'horizon 2004-2005 et si la France n'aura pas à contribuer à leur développement, alors même qu'elle a déjà financé une large part des études consacrées à Horus et que des industriels nationaux sont en mesure de produire à l'horizon de 2002 des satellites radars d'une résolution métrique.

    C. L'UTILITÉ DES APPROCHES COMPLÉMENTAIRES, DONT LA VEILLE TECHNOLOGIQUE EST MAINTENUE

Bien qu'ils ne fassent pas partie des quatre objectifs prioritaires poursuivis par la politique spatiale française, les programmes complémentaires de l'observation optique et radar précisent les informations recueillies par ce biais : en effet, les satellites d'écoute électromagnétique permettent de détecter et de localiser les moyens adverses. Une question se pose néanmoins au sujet de l'adéquation (ou non) des investissements réalisés en la matière avec l'évolution des technologies de communication, la libéralisation du chiffre et les transmissions par fibre optique.

Le renseignement d'origine électromagnétique est assurément essentiel pour l'alerte d'une crise en gestation ; néanmoins, il est difficile d'anticiper sur des technologies nouvelles et de suivre les investissements fournis par les opérateurs civils (comme l'illustre le développement des normes GSM et UMTS). Par conséquent une réflexion au sujet des efforts nationaux et européens en matière de renseignement d'origine électromagnétique apparaît nécessaire, sinon indispensable. Il en va de même dans le domaine de la « guerre informatique », volet qui devrait être essentiel pour le renseignement à l'avenir.

Les programmes de cohérence, quant à eux, ont plus particulièrement vocation à affiner le cadre d'intervention des forces. L'importance de ces approches n'est pas mésestimée, car elles bénéficient d'un effort d'application maintenu à travers la réalisation de démonstrateurs ou le recours à des moyens civils.

      1. L'écoute électromagnétique

L'écoute électromagnétique par des moyens spatiaux est nécessaire à la connaissance des activités militaires et des caractéristiques des matériels mis en _uvre chez l'adversaire. En effet, un système d'écoute permet de localiser les sources d'émission, de surveiller les déplacements et les variations significatives d'intensité. Ce type d'équipement présente en outre l'avantage de n'être ni visible, ni intrusif, et de constituer de manière continue des bases de référence.

Des études préparatoires avaient débuté dès juillet 1992. Mais la loi de programmation militaire 1995-2000 n'avait pas retenu le projet Zénon et seul le financement d'une veille technologique a été décidé.

Dans une première étape, deux micro-satellites scientifiques d'environ 50 kilogrammes ont été développés à titre exploratoire et financés au titre des études amont spatiales.

_ L'un, Cerise, a été lancé en même temps qu'Hélios 1-A le 7 juillet 1995. Il est chargé d'effectuer des mesures d'impulsion électromagnétique dans certaines gammes de fréquences. Il contribue ainsi à une meilleure connaissance de l'environnement radioélectrique et prépare l'insertion des futurs satellites d'observation dans un spectre de fréquences actuellement encombré. La collision dont il a été victime en juillet 1996 a endommagé le mât de stabilisation, mais la charge utile fonctionne normalement. Il a été remis dans une attitude favorable pour poursuivre sa mission à l'été 1997. Le coût de sa réalisation et de son lancement s'est élevé à 82 millions de francs. Son maintien en condition opérationnelle a représenté une dépense d'environ 4 millions de francs sur la période 1995-2002.

_ Un satellite analogue, Clémentine, portant sur des bandes de fréquences différentes a été lancé avec Hélios 1-B, le 3 décembre 1999. Le coût total de sa réalisation et de son lancement, supporté au titre des études et de la recherche amont, s'est élevé à 100 millions de francs. Il est probable que la charge de son maintien en condition opérationnelle avoisinera celle de Cerise.

La seconde étape, consiste à mettre en _uvre le programme de démonstrateurs Comint, Essaim. Quatre micro-satellites d'écoute des communications, destinés à compléter en constellation rapprochée et en bande basse, les démonstrateurs Cerise et Clémentine (fonctionnant en bande haute), devraient être lancés en 2004. Cet essaim remplira la fonction d'un indice d'alerte dans la gestion des crises, tout en favorisant l'évaluation des dommages. Le coût total du programme est évalué à 520 millions de francs, dont 460 millions de francs pour le développement, la réalisation et le lancement conjoint avec Hélios 2-A. Les coûts d'exploitation du système sur cinq ans s'élèveraient à 60 millions de francs.

A plus long terme, la réalisation d'un ensemble satellitaire d'écoute électromagnétique ne semble pouvoir être envisagée que dans un cadre multinational. Les premières discussions avec l'Allemagne montrent à l'évidence que ses responsables privilégient le cadre de l'OTAN, dans la mesure où des accords secrets de défense lient déjà la République fédérale aux Etats-Unis pour l'analyse des signaux électromagnétiques.

      2. Les programmes de cohérence

_ La météorologie et l'océanographie sont considérées comme un élément majeur de la planification des opérations militaires. Les besoins actuels s'appuient sur les données des satellites civils Meteosat (satellites européens de météorologie) et Topex-Poséidon (satellites français d'océanographie, dont la prochaine génération sera assurée par Jason 1 et 2). Ces équipements suffisent aux forces armées en termes d'infrastructures, mais un meilleur accès aux informations est en cours d'étude afin de recevoir et de traiter les données sur site.

Par ailleurs, une réflexion est actuellement menée au sujet du système européen d'information GMES (Global monitoring for environnement and security), dont l'objet déborde le seul cadre de la météorologie et de l'océanographie pour englober la surveillance des changements climatiques, le contrôle des risques naturels, la gestion des ressources en eau et la sécurité des approvisionnements alimentaires. Ce système s'insère dans la droite ligne des programmes de cohérence. Son intérêt stratégique global justifie que l'Europe y accorde des financements.

_ La mission de surveillance de l'espace constitue un facteur essentiel de sécurité, car elle permet d'apprécier les menaces des systèmes adverses en service et de se prémunir contre elles.

A la suite de la revue des programmes, il a été décidé d'arrêter le programme de système de surveillance de l'espace (SSE) mais d'en conserver les acquis. C'est pourquoi le projet de démonstrateur radar Graves, proposé par l'ONERA mais financé sur crédits de la DGA, sera achevé. Les études, qui ont fait l'objet d'un moratoire d'un an, ont repris et permettront d'acquérir une capacité pré-opérationnelle à l'horizon 2002. Cette capacité donnera un certain niveau d'autonomie en matière de détection mais devra être ultérieurement complétée par un moyen d'identification pour constituer véritablement un premier ensemble opérationnel.

La revue des programmes a également mis fin au projet de télescope Solstice pour photographier les satellites et les identifier ; elle a également conduit à dénoncer le contrat avec Spot-Images pour l'obtention d'images de satellites en orbite.

_ La navigation et le positionnement ne cessent de prendre de l'importance dans la conduite des opérations militaires. Le système américain de navigation par satellites GPS (Global Positioning System), dont l'accès est gratuit, est de plus en plus utilisé par les forces armées. Celles-ci ont également eu recours au système russe Glonass, dans de moindres proportions toutefois.

La réflexion portant sur l'utilisation des systèmes actuels et l'éventuelle constitution d'une constellation concurrente a finalement débouché sur la décision, prise concomitamment par le Conseil des Ministres de l'Agence Spatiale Européenne et par celui de l'Union européenne, de lancer la phase de définition de Galileo, système de navigation par satellites indépendant du GPS, dont il a déjà été fait état lors de précédents développements concernant les coopérations européennes en matière spatiale.

On peut concevoir qu'un réel problème d'autonomie et de sécurité existe, dans la mesure où les Etats-Unis peuvent refuser dans certains cas l'utilisation du service sans préavis et sans motivation. Par conséquent, Galileo offre aux armées européennes la possibilité de disposer de moyens de navigation de haute qualité sans dépendre de l'accord d'une puissance étrangère pour les utiliser. Cette autonomie est d'autant plus importante que le système de navigation par satellites est primordial pour les futurs systèmes de missiles de croisière et de bombes guidées par satellites (et donc efficaces par tous temps).

Les ministères français de la Défense, des Affaires étrangères, des Transports, de l'Éducation et de la Recherche évaluent actuellement les modalités de mise en _uvre d'un tel système et réfléchissent surtout sur les spécificités à y apporter pour permettre un usage sécurisé par les forces armées. Les contraintes techniques ne posent pas de réel problème car les solutions reposent peu ou prou sur des mécanismes similaires à ceux en vigueur sur le GPS. Par contre, la gratuité du service doit être assurée, de manière à ne pas engendrer un effet dissuasif par d'éventuels surcoûts pour les forces utilisatrices.

_ La surveillance et le contrôle du départ des missiles balistiques paraissent hors de portée d'un seul pays. Les études préalables ont montré que, pour détecter un signal infrarouge et déterminer (par calcul) la trajectoire ainsi que le point d'impact d'un missile, le système devrait s'appuyer sur deux à trois satellites en orbite basse, observant en permanence une région donnée.

Le projet MEADS a été élaboré au sein de l'OTAN. Mais, dans le cadre de la programmation, la France a renoncé à poursuivre sa collaboration à ce programme en raison du coût prohibitif qui serait à sa charge. La phase de définition ne réunira donc que les Etats-Unis, l'Allemagne et l'Italie, sans qu'une acquisition ne soit prévue à partir de 2003. Cela n'empêche pas que des réflexions relatives à la défense antimissiles et à la détection infrarouge des tirs aient lieu au niveau national.

DEUXIÈME PARTIE :
LES MOYENS DE COMMUNICATION,
DE RENSEIGNEMENT ET DE CONDUITE
DES OPÉRATIONS

La programmation militaire a été construite autour du concept de cohérence interarmées. En effet, l'analyse stratégique a montré que, dans les conflits auxquels la France devra participer ou auxquels elle sera associée, l'efficacité opérationnelle d'ensemble reposera sur la conjugaison des capacités propres à chaque armée et sur la maîtrise de toutes les fonctions interarmées. C'est pourquoi, une attention croissante a été portée aux moyens qui relèvent des fonctions de commandement, de communication, de conduite des opérations et de renseignement.

I. - LES PRINCIPAUX SYSTÈMES DE TRANSMISSION, DE LIAISON ET DE COMMANDEMENT

Les systèmes de communication en service dans les armées sont marqués par la période de guerre froide pendant laquelle ils ont été conçus. L'obsolescence de certains systèmes a imposé leur refonte complète. Celle-ci prend en compte l'évolution du concept stratégique et intègre les contraintes liées à la projection des forces et au caractère interarmées des opérations.

La refonte des systèmes fait appel à la complémentarité des moyens civils et militaires, même si elle préserve toujours un noyau militaire. Elle privilégie les réseaux et les services interarmées ; elle confère aux autorités organiques la responsabilité de leurs moyens ; elle cherche à renforcer la confidentialité, la sécurité et la fiabilité des systèmes tant au sein des forces qu'entre celles-ci et les différents échelons de commandement.

La mise en _uvre des nouveaux systèmes crée ainsi un noyau homogène et plus cohérent sur lequel se greffent les réseaux de desserte et les réseaux tactiques de chaque armée.

    A. LES PROGRAMMES DE NIVEAU INTERARMÉES

Hormis le système de radiocommunications par satellites Syracuse, les moyens de communication de niveau interarmées et du haut commandement incluent trois systèmes :

RIMBAUD (Réseau interministériel de base uniformément durci), qui est un système interministériel au service des plus hautes autorités civiles et militaires impliquées dans la défense nationale. Si les matériels utilisés s'appuient sur des concessions civiles de France Télécom, ils sont néanmoins durcis aux impulsions électromagnétiques. Le Secrétariat général pour la défense nationale SGDN, qui gère le système, a lancé, fin 1997, un programme de valorisation afin de l'ouvrir à de nouveaux services sécurisés (téléphones cellulaires GSM sécurisés, par exemple). Une expérimentation technico-opérationnelle est en cours depuis 1999 ;

RETIAIRE (Réseau interarmées d'infrastructure), qui est principalement orienté vers les unités nucléaires spécialisées. Il supporte aussi certaines applications de l'Etat-major des armées. Comme le réseau RIMBAUD, il est durci à l'impulsion électromagnétique et assure un niveau de confidentialité secret-défense. Mais ses fonctions seront progressivement transférées au système SOCRATE au fur et à mesure de sa montée en puissance ;

SOCRATE, qui, compte tenu de l'obsolescence ou de l'insuffisance des réseaux de transit propres à chaque armée, essentiellement RITTER pour l'armée de Terre, RA 70 pour l'armée de l'Air et réseaux en concessions pour la Marine, devrait remplacer les services existants par un seul système interarmées. Une partie, environ 25 % du réseau cible, est opérationnelle depuis le début de 1998, mais le déploiement complet ne sera achevé qu'en 2005, soit plus de deux ans après le délai prévu par la programmation militaire. Le nouveau réseau fournira des services modernes de téléphonie, de télégraphie et de transmission de données.

Par ailleurs, SOCRATE offrira des possibilités de transit aux réseaux de desserte locale des armées et pourra s'interconnecter aux principaux systèmes, nationaux ou alliés, en offrant un niveau de protection suffisant.

Le coût total de ce programme est estimé à 6 744 millions de francs. Le projet de loi de finances initiale prévoit 121 millions de francs d'autorisations de programme (contre 71 millions de francs dans la loi de finances initiale pour 2000) et 346 millions de francs de crédits de paiement (contre 390 millions de francs de dotations en 2000), sur l'article spécifique 63 du chapitre 51-61. Cette évolution budgétaire indique que la réalisation du réseau SOCRATE reste prioritaire et s'accélère.

Il convient d'ajouter qu'un réseau national permet des échanges essentiellement télégraphiques et téléphoniques entre la métropole, les DOM-TOM et les points d'appui de la France en Afrique (Djibouti, Dakar, Libreville et Abidjan). L'OMIT, dont les canaux s'appuient sur le système Syracuse et sur les moyens de radio HF, revêt toute son importance en dehors de la couverture de Syracuse, où il reste le seul moyen militaire national de communication. Actuellement vieillissant, il fait l'objet d'une rénovation par l'intermédiaire du programme interarmées Mathilde, dont la phase de réalisation a débuté en janvier 2000.

    B. LES PROGRAMMES D'INFORMATION ET DE COMMANDEMENT

La maîtrise des moyens de commandement, de contrôle de l'information et de gestion des données a révélé toute son importance au cours des crises récentes à la gestion desquelles la France était partie prenante. Ces moyens connaissent donc un développement significatif.

A cet égard, les systèmes d'information, de télécommunications et de commandement font, comme l'année passée, l'objet d'un traitement budgétaire favorable qui est bienvenu :

- la poursuite de l'équipement de l'armée de l'Air par le nouveau système de transmission MBTA se traduit par le maintien à niveau des crédits de paiement (426 millions de francs inscrits dans le projet de loi de finances pour 2001 en concordance avec les 423,5 millions de francs de l'exercice 2000). En revanche aucune dotation en autorisations de programme n'est prévue (alors que leur montant s'élevait à 680 millions de francs en 2000), laissant ainsi entrevoir un ralentissement des acquisitions ;

l'armée de Terre continue elle aussi à bénéficier de cette priorité puisque 551,2 millions de francs d'autorisations de programme et 544 millions de francs de crédits de paiement (dont 165 millions de francs au titre des mesures nouvelles), sont affectés aux systèmes d'information, de télécommunications et de commandement. Il convient toutefois de relever que ces abondements sont en diminution sensible par rapport aux dispositions de la loi de finances initiale pour l'année 2000 ;

la Marine nationale, quant à elle, profite d'une augmentation très nette des abondements destinés à ses équipements en matière de systèmes de télécommunications et d'espace, les autorisations de programme s'élevant dans le projet de loi de finances pour 2001 à un peu plus de 342 millions de francs (342,545 millions de francs très exactement) alors que les crédits de paiement triplent à un peu plus de 683 millions de francs (683,545 millions de francs). En revanche, les crédits concernant les systèmes d'information, de télécommunications et de commandement sont en diminution sensible (33,65 millions de francs d'autorisations de programme contre 54 millions de francs en 2000, et 55 millions de francs en crédits de paiement contre 295 millions de francs pour l'exercice en cours).

PRINCIPALES COMMANDES ET LIVRAISONS
D'ÉQUIPEMENTS DE COMMUNICATIONS MILITAIRES EN 2001

Modules

Commandes

Livraisons

Poste de radio de 4ème génération PR4G

0

1 073

MTBA

0

7

SCIF

11

2

COBRA

0

1

MTGT

0

20

Parallèlement, le système informatique de commandement des armées de première génération SICA doit doter les forces d'un outil moderne d'informatique de commandement et de gestion des situations, dont la sécurité sera renforcée et la vulnérabilité réduite. Il regroupe des aides à l'exploitation des données et des outils de gestion des informations. Il bénéficie de l'inscription de 147 millions de francs d'autorisations de programme et de 146 millions de francs de crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour l'année 2001. Il sera prolongé par les systèmes compatibles de chacune des armées, SICF/SIR pour l'armée de Terre, SCCOA pour l'armée de l'Air et SYCOM pour la Marine. L'objectif est de disposer d'architectures flexibles, modulaires et interopérables.

      1. Le SCCOA de l'armée de l'Air

Le SCCOA est un système d'information et de commandement destiné au recueil, à la gestion, au traitement et à la diffusion de l'information pour l'ensemble des missions opérationnelles conventionnelles de l'armée de l'Air. Il regroupe des études et fabrications relatives à des capteurs (radars principalement), à des centres d'opérations associés aux différents échelons de commandement et à des moyens de transmission. Le financement de certains capteurs devrait être assuré par l'OTAN dans le cadre de son programme interopérable ACCS (Air Control and Command System), dont le SCCOA est la partie française.

Le programme a été scindé en trois étapes, dont la première a été lancée en février 1993 et sera opérationnelle en 2001. Le coût total du programme est aujourd'hui estimé à environ 15 991 millions de francs, dont 5 218 millions de francs pour l'étape n°1, 2 324 millions de francs pour l'étape n°2 et 8 449 millions de francs pour l'étape n°3.

Les crédits inscrits pour la période 1997-2002 dans la loi de programmation militaire dépassent 5,8 milliards de francs. Le projet de loi de finances pour l'année 2001 prévoit quant à lui 410 millions de francs d'autorisations de programme pour la seule étape n°2 et 691 millions de francs de crédits de paiement pour les deux premières phases (290 millions de francs pour l'étape n°1 et 401 millions de francs pour l'étape n°2), soit une augmentation par rapport à l'exercice en cours qui marque une accélération du déroulement du programme.

      2. Les SICF et SIR de l'armée de Terre

_ Le programme SICF a pour objectifs de constituer le système global d'information et de commandement des PC de division et de fournir tous les éléments de stockage et de traitement de l'information. Il est destiné à améliorer la cohérence et le rendement de la chaîne de commandement par automatisation des manipulations, transferts et traitements réalisés avec les autres systèmes d'information de l'armée de Terre, des autres armées et des Alliés.

L'armée de Terre devrait être dotée au cours des prochaines années d'ensembles d'information et de commandement des forces, dont la mise en service opérationnel est intervenue en septembre 2000 pour la première brigade. La mise en service opérationnel de la seconde brigade est prévue pour juin 2001. La première version comprend deux PC de niveau brigade, deux plates-formes d'entraînement et une plate-forme de référence. Son coût total de réalisation s'élève à 417 millions de francs courants. La seconde version doit équiper onze PC de différents niveaux. Son coût total estimé est de 467 millions de francs courants.

Onze commandes et deux livraisons de modules opérationnels sont prévues pour l'année 2001. Les autorisations de programme du projet de loi de finances pour 2001 concernant le SCIF s'élèvent à 131 millions de francs (dont 95 millions de francs pour la fabrication) et les crédits de paiement atteignent 162 millions de francs (dont 79 millions de francs pour la fabrication).

_ Parallèlement, pour assurer le commandement des régiments et des unités élémentaires lors de leur engagement, des systèmes modulaires d'information sur véhicules (programme SIR) ont été commandés. Leur livraison est intervenue elle aussi à partir de l'année 2000. Une cible de 441 véhicules de série a été retenue pour un coût total de 837 millions de francs (valeur 2000) pour le développement et de 1 445 millions de francs (valeur 2000) pour la production.

Le projet de loi de finances pour l'année 2001 prévoit 278 millions de francs en autorisations de programme et 195 millions de francs en crédits de paiement pour mener à bien le système d'information régimentaire.

II. - L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES CONSACRÉS AU RENSEIGNEMENT

Domaine prioritaire aux termes de la loi de programmation militaire, la capacité à acquérir et à traiter le renseignement militaire est une des clés de l'autonomie stratégique de notre pays, tout particulièrement dans un contexte international de prévention et de règlement des crises.

Le recueil du renseignement s'appuie sur un ensemble de moyens complémentaires, qui ne se limitent pas aux équipements spatiaux. Les systèmes et les services en charge de cette mission jouent un rôle essentiel. Les premiers bénéficient d'un traitement budgétaire variable alors que les seconds voient se conforter les efforts d'amélioration de leurs capacités, engagés depuis quelques années déjà.

D'un point de vue strictement budgétaire, force est de constater le caractère diffus de la fonction « renseignement » dans le budget du ministère de la Défense : certains éléments sont ainsi rattachés aux lignes budgétaires concernant l'Etat-major, d'autres à celles des différentes armées. Une meilleure identification budgétaire, ne serait-ce que dans la loi de programmation, serait justifiée car elle permettrait d'optimiser les choix, de rationaliser les outils et enfin d'expliciter à nos partenaires les orientations nationales en ce domaine.

    A. LES SYSTÈMES DE RECUEIL DE RENSEIGNEMENT

La loi de programmation militaire comme la revue des programmes ont confirmé l'intérêt porté au renseignement stratégique qui assiste les autorités politiques dans leurs prises de décision. En dehors des programmes spatiaux, d'autres moyens, aériens ou maritimes, s'inscrivent dans le cadre national de recueil de ce renseignement.

Les moyens tactiques en soutien des unités engagées sur le terrain se développent peu à peu. Mis à contribution lors des opérations extérieures, menées notamment dans les Balkans, ils ont donné pleinement satisfaction aux forces qui les ont employés.

      1. Les programmes stratégiques d'écoute

Comme cela a été indiqué auparavant, le projet de satellite d'écoute a été abandonné par la précédente programmation militaire ; seule une veille technologique a été organisée dans le cadre de programmes de micro-satellites expérimentaux. Par conséquent, les moyens d'écoute sont mis en _uvre par les forces elles-mêmes.

      a) La composante aéroportée : Sarigue nouvelle génération

Le système aéroporté Sarigue a pour mission essentielle de recueillir des informations électromagnétiques à vocation opérationnelle. Décidé en 1993 pour remplacer le système actuel mis en service en 1977, le programme de nouvelle génération, comprend un segment aéroporté et une composante sol, dont la livraison est intervenue le 13 juillet 2000 et la mise en service opérationnelle est prévue pour juin 2001. Les difficultés liées à la définition du porteur DC 8-72 remotorisé ont conduit à un retard.

Le coût total du programme est estimé à 1 514 millions de francs, auxquels s'ajoutent 20 millions de francs dépensés lors de la phase de définition. Une économie de 7 millions de francs a été dégagée au niveau des capteurs. Une économie supplémentaire de 70 millions de francs a été réalisée par diminution des marges et provisions grâce aux évolutions techniques. Le projet de loi de finances initiale pour 2001 prévoit 14 millions de francs d'autorisations de programme et 91 millions de francs de crédits de paiement pour assurer le maintien en condition opérationnelle du système.

      b) La composante navale : le MINREM

Le MINREM constitue un ensemble d'équipements d'écoute pour l'interception et la goniométrie de signaux électromagnétiques. Ceux-ci sont financés par l'Etat-major des armées et embarqués sur un bâtiment de 3 000 tonnes environ, qui assure la présence de longue durée à la mer.

La programmation, qui a inscrit près de 333 millions de francs (valeur 1997) en faveur de ce programme, prévoit la rénovation du système dont la charge utile devrait être transférée en 2001 sur le Bougainville, afin d'assurer la continuité du service jusqu'à la livraison du nouveau système, qui pourrait intervenir fin 2004.

Le coût de référence du programme est de 930 millions de francs (valeur 2000). Le projet de loi de finances pour 2001 y consacre 439 millions de francs d'autorisations de programme et 85 millions de francs de crédits de paiement.

      2. Les moyens à vocation tactique

Le récent conflit du Kosovo a illustré l'importance que revêt la possession des moyens de renseignement tactique pour la gestion de l'emploi des forces et de leurs équipements. Le recours aux hélicoptères Horizon ainsi que l'utilisation de drones ont été l'occasion de démontrer l'efficacité et la pertinence du dispositif français.

Dans ce domaine aussi les évolutions technologiques sont rapides. C'est pourquoi un effort budgétaire minimal doit être consenti.

      a) L'aviation de patrouille maritime

Les avions de patrouille maritime Atlantique 2, qui ont remplacé les Atlantic 1, ont deux missions prioritaires : la sûreté des SNLE pour la mise en _uvre de la FOST et le soutien des forces, notamment dans la lutte anti-sous-marine.

La cible du programme, réduite par la loi de programmation militaire 1995-2000 de 42 à 28 appareils, aujourd'hui commandés, a été maintenue. Les trois derniers appareils ont été livrés en 1998. Il a été prévu de maintenir « sous cocon » 6 exemplaires, afin de réduire les besoins d'entretien programmé.

      b) La surveillance du champ de bataille

_ Le programme héliporté Horizon, dédié à la surveillance du champ de bataille, est adapté aux besoins interarmées dans les domaines du recueil et de la circulation du renseignement tactique. Chaque système comprend deux hélicoptères Cougar Mk-1 équipés de radar Doppler (d'une portée de 150 km) et d'une station au sol. Le premier hélicoptère a été livré en juin 1996 et est opérationnel depuis deux ans. Les deux systèmes prévus ont été livrés, l'un en décembre 1996, l'autre en mars 1998. L'escadrille d'hélicoptères d'observation radar (EHOR), créée en 1999, a été déclarée opérationnelle à l'automne de l'année 2000. Quelque 833 millions de francs ont déjà été dépensés. Le projet de loi de finances pour 2001 prévoit 15 millions de francs de crédits de paiement pour ce programme, au titre du développement.

Au cours du conflit du Kosovo, le système de surveillance de théâtre Horizon a donné pleine et entière satisfaction. Quelques carences ont néanmoins été détectées : retards d'informations en matière de guerre électronique ; manques en moyens de soutien électroniques capables de détecter, classifier et enregistrer les signaux rencontrés ; absence de liaison 16 a.

_ Concourt également à l'acquisition du renseignement sur le champ de bataille, le radar de contre batterie COBRA, installé sur un véhicule de dix tonnes, qui permet de localiser les moyens de tir adverses avec une grande précision. La France prévoit d'acquérir dix systèmes pour un montant total de 2 457 millions de francs. Développé depuis 1988, ce programme est entré en phase de production et les dix systèmes seront livrés de 2001 à 2005. Une seule livraison est arrêtée dans le projet de loi de finances pour 2001, lequel prévoit à cette fin un montant d'autorisations de programme de 133 millions de francs et un volume de crédits de paiement de 181 millions de francs.

_ Enfin, l'avion de reconnaissance Hawkeye permet, grâce à ses moyens de détection lointaine, de guider les aéronefs au cours de leurs missions d'assaut et de les informer des menaces aériennes. Il assure également la sûreté de la force navale en détectant et identifiant tout aéronef ou bâtiment de surface à une distance suffisante pour favoriser leur neutralisation éventuelle. Il contrôle aussi les avions d'interception. Deux appareils ont été livrés à la France à ce jour. Le système est devenu opérationnel en mai 1999. Sur un coût total estimé à 6 106 millions de francs, 3 286 millions de francs de crédits ont déjà été consommés. La commande du troisième appareil est inscrite dans le projet de loi de finances pour 2001, qui prévoit à cet effet 303 millions de francs d'autorisations de programme et 388 millions de francs de crédits de paiement.

      c) Les drones

Les armées françaises témoignent d'un intérêt croissant pour les drones en raison des avantages qu'ils présentent dans le nouveau contexte d'intervention des forces. Le bilan de l'utilisation des systèmes en service lors des opérations extérieures conduites dans les Balkans incite à développer ce nouveau vecteur de recueil de renseignement pour en diversifier les aptitudes.

Par ailleurs, le degré de complémentarité de ces moyens peu onéreux avec les supports spatiaux présente de nombreux avantages. Dans un contexte de contraintes budgétaires, il est en effet légitime de se demander dans quelle mesure les drones peuvent partiellement suppléer à des satellites dans le domaine de l'observation.

_ Les drones sont des systèmes réutilisables par principe, télépilotés ou programmés à partir du sol, d'une plate-forme aérienne ou navale. Ils regroupent des composants articulés (un vecteur, une charge utile, un système de liaison des données, un segment-sol d'exploitation et de conduite, un ou plusieurs opérateurs), afin de remplir une mission donnée.

Le renseignement et l'information deviennent des facteurs essentiels dans la gestion et la conduite des crises et incitent à développer une capacité d'observation permanente et continue au-dessus du champ de bataille ou de la zone d'intervention.

Les intérêts des drones sont nombreux : ils offrent une capacité continue d'observation et d'investigation dans la profondeur du dispositif, devenant indispensables à la man_uvre aéroterrestre ; ils présentent une souplesse d'emploi importante (relais, surveillance, cartographie) ; ils permettent la préservation de personnels pour les missions d'évaluation des dommages après destruction d'un objectif ; enfin, par leur mobilité et leur faible coût unitaire, ils constituent un moyen complémentaire du renseignement tactique par voie aérienne ou spatiale.

Certes, les drones présentent aussi des inconvénients qui limitent leur utilisation (cadre d'emploi et capacités d'adaptation limités du fait de l'absence d'intelligence embarquée, problèmes de compatibilité avec la réglementation internationale de la navigation aérienne, vulnérabilité liée à leurs caractéristiques de vitesse et d'altitude). Toutefois, le bilan de leur utilisation dans des conflits récents milite clairement en leur faveur.

_ La place des drones est aujourd'hui limitée au niveau tactique, en soutien des unités sur le terrain. Plusieurs systèmes sont en service, notamment au 7ème régiment d'artillerie de la brigade de renseignement de l'armée de Terre. Les autres armées semblent très intéressées par la perspective de disposer de moyens équivalents mais adaptés à leurs conditions d'engagement respectives.

Destiné au renseignement dans la profondeur, le CL 289 est constitué :

- d'un missile préprogrammé, de portée moyenne (150 kilomètres) et évoluant à grande vitesse (720 km/h) et à faible altitude (de 125 à 1 000 mètres). Il emporte un appareil photographique et une caméra thermique dont les informations peuvent être recueillies en temps réel par une station d'exploitation. Une version « dégradée » de la charge utile peut être transportée dans une nacelle par hélicoptère ;

- d'un système au sol qui assure le lancement par rampe, la récupération du missile par parachute, la réception des informations et la maintenance.

Cet équipement a été développé dans le cadre d'une coopération tripartite (Canadair, Dornier et SAT). Aérospatiale a réalisé les travaux d'adaptation aux besoins opérationnels français.

Le système CL 289 a été déployé au Kosovo dans le cadre de l'opération « Trident », d'avril à juin 1999. Il a été utilisé dans les opérations de reconnaissance de colonnes de réfugiés, d'identification de matériels ou d'installations serbes, d'évaluation des dommages après frappes alliées. À cette occasion, il s'est avéré particulièrement performant : il a permis une bonne identification des cibles dans la profondeur ; il s'est montré adapté au contexte européen (géographie, nébulosité) ; il a toujours suivi des trajectoires extrêmement précises.

Actuellement, l'armée de Terre est équipée de 46 missiles de reconnaissance de ce type. Le projet de loi de finances pour 2001 prévoit 6 millions de francs d'autorisations de programme et 8 millions de francs de crédits de paiement en faveur de leur entretien programmé.

Le Crécerelle, quant à lui, s'apparente à un petit avion téléprogrammable qui évolue à faible vitesse (180 km/h) et à moyenne altitude (300 à 3 000 mètres). Les informations saisies par la caméra à très haute définition et par la caméra thermique peuvent également être transmises en temps réel à une station. La maîtrise d'_uvre est assurée par Sagem.

Deux systèmes à six drones ont été livrés en mai 1995 et en mai 1996. Chacune de ces deux sections opérationnelles mises en _uvre par l'armée de Terre est composée d'un centre de contrôle et d'exploitation, d'un dispositif de lancement et de tir, d'un dispositif de récupération et de reconditionnement. Une section a été déployée en Bosnie de novembre 1998 à mars 1999, puis en Macédoine d'avril à juillet 1999. A cette occasion, la vulnérabilité de ce drone lent, sa sensibilité systématique au brouillage de la télécommande et ses limites dans le domaine de la transmission d'informations en temps réel ont été mises en exergue.

Le nombre de Crécerelle opérationnels est actuellement de 11, ce qui signifie que les pertes subies lors des opérations au Kosovo ont été compensées. Le projet de loi de finances pour 2001 prévoit 8 millions de francs de crédits de paiement en faveur de leur entretien programmé.

_ Compte tenu des évolutions des besoins des forces pour la maîtrise de l'information, du combat et du soutien aux opérations, la France s'est lancée dans plusieurs programmes d'études et de développement concernant :

- le drone Brevel, tout d'abord, qui a été défini comme un petit avion télépiloté, relativement lent (120 à 180 km/h), évoluant à moyenne altitude (300 à 3 500 mètres), mais endurant (3 h 30 d'autonomie). Il a été développé en coopération avec l'Allemagne dans le cadre du GIE franco-allemand Eurodrone (Matra Bae Dynamics France et STN Atlas Electronik). Si le comité stratégique de 1996 a décidé d'interrompre le programme à la fin du développement, 468 millions de francs courants ont été consommés à ce jour et 31 millions de francs de crédits de paiement sont encore prévus à cet effet pour l'an 2001. La loi de programmation militaire n'a pas prévu d'acquisition d'ici 2002 ;

- le drone Sperwer, petit avion lent (165 km/h), mais endurant (5 heures extensibles à 8) et évoluant à moyenne altitude (300 à 5 000 mètres), destiné à l'acquisition de jour comme de nuit des objectifs dans la zone de responsabilité d'une division. Développé par Sagem au profit de l'armée de Terre néerlandaise, il a également été acquis par la Suède et semble envisagé par l'armée de Terre française comme l'un des successeurs du Crécerelle en 2005 ;

- le drone Hunter, système polyvalent de surveillance et d'action (désignation optique et laser), fabriqué par Israël Aircraft Industries et TWR aux Etats-Unis. La France a fait l'acquisition, pour 200 millions de francs, d'une section de 4 drones israéliens Hunter, dont l'évaluation opérationnelle sur la base de Mont-de-Marsan, commencée en janvier 1998, s'est achevée mi-1999. L'objectif est de préciser les spécifications des futurs systèmes de drones de moyenne altitude longue endurance, car le Hunter vole à plus haute altitude (jusqu'à 6 000 mètres) et dispose d'une endurance plus longue (environ 10 heures) que ceux dont disposent les forces actuellement.

L'objectif de ces études, concernant aussi bien les drones tactiques que les drones endurants ou moyennement endurants, est de diversifier la vocation de ces systèmes en leur attribuant des missions de désignation de cibles, voire de mise en _uvre d'armements.

Dans le domaine du renseignement et de l'observation, les drones semblent également amenés à suppléer partiellement aux satellites en embarquant des capteurs optiques ou radars. Si ces équipements s'inscrivent avant tout dans un dispositif complet comprenant des satellites et des vecteurs pilotés, ils peuvent pallier temporairement certains manques, notamment lorsque, comme c'est le cas actuellement, les équipements satellitaires d'observation opérationnels (c'est-à-dire la filière optique) ne peuvent être secondés par des équipements dont la réalisation est retardée pour des raisons budgétaires ou à cause des coopérations (en l'occurrence, la filière radar).

Il est envisagé d'acquérir, sur la période 2001-2002, trois drones intérimaires de type moyenne altitude longue endurance (MALE) avec une station sol. Les ressources inscrites à cette fin dans le projet de loi de finances pour l'année 2001 s'établissent à 200 millions de francs en autorisations de programme et 24 millions de francs en crédits de paiement.

Votre Rapporteur se réjouit que ses recommandations portées l'année passée en la matière soient ainsi suivies d'effet.

    B. LES SERVICES DE RENSEIGNEMENT

Globalement, comme en 1999 et en 2000, le projet de loi de finances pour l'année 2001 prévoit une augmentation des crédits d'équipement et des crédits liés aux rémunérations et charges sociales des différents services de renseignement.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS CONCERNANT
L'AGRÉGAT BUDGÉTAIRE DU RENSEIGNEMENT HUMAIN

(en millions de francs)

 

Loi de finances
1998

Loi de finances
1999

Loi de finances
2000

Projet de loi de finances
2001

Variation
2001/2000

Personnel :

602,4

651,8

690,7

740,4

+ 7,1 %

Fonctionnement :

203,6

204,0

204,0

202,5

- 0,7 %

Titre III :

806,0

855,8

894,7

943,0

+ 5,4 %

Titre V :

561,0

667,0

680,0

748,4

+ 10,0 %

Total :

1 367,0

1 522,8

1 574,7

1 691,5

+ 7,4 %

D'un point de vue méthodologique, l'agrégat considéré donne un aperçu relatif des évolutions budgétaires concernant les différents services de renseignement, car ni les effectifs militaires de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), ni le budget de la direction du renseignement militaire (DRM), ni les programmes d'équipement de l'Etat-major des armées n'y sont retracés.

      1. La Direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE)

Créée par le décret n° 82-306 du 2 avril 1982, la DGSE a pour missions de rechercher et exploiter les renseignements intéressant la sécurité de la France, et également de détecter et entraver les activités d'espionnage dirigées contre les intérêts français hors du territoire national, afin d'en prévenir les conséquences.

Les crédits alloués à la DGSE dans le projet de loi de finances pour l'année 2001 sont en augmentation par rapport à ceux inscrits dans la loi de finances initiale pour 2000.

_ Le titre III est marqué par l'augmentation sensible des effectifs civils (53 personnels supplémentaires) et des postes d'encadrement militaire (17 officiers et 5 sous-officiers supplémentaires), évolution qu'illustre le tableau ci-après.

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DE LA DGSE

Catégories de personnels

Loi de finances initiale 2000

Projet de loi de finances 2001

Variation 2001/2000

Officiers

475

492

+ 3,6 %

Sous-officiers

858

863

+ 0,6 %

Militaires du rang

12

12

-

Appelés

50

10

- 80 %

Total militaires

1 395

1 377

- 1,2 %

Personnels civils

2 884

3 037

+ 5,3 %

TOTAL

4 279

4 414

+ 4,6 %

En 2001, les effectifs civils de la DGSE seront portés à 3 037 postes, pour un objectif de 3 063 agents en 2002. Les effectifs militaires diminuent légèrement à 1 377 postes, du fait du moindre recours aux appelés.

Les dépenses de rémunérations et charges sociales (précisons que seules les rémunérations des personnels civils sont identifiées dans le budget général) progressent en conséquence :

- les rémunérations (principales et autres) des personnels civils, bonifications indiciaires, indemnités et allocations diverses s'élèvent ainsi à environ 659,4 millions de francs de crédits de paiement (contre près de 617,3 millions de francs en 2000) ;

- de même, les prestations et cotisations sociales versées par l'Etat atteignent un montant de 81,04 millions de francs de crédits de paiement (contre un peu plus de 73,4 millions de francs en 2000).

En revanche, les crédits de fonctionnement courant restent stabilisés à un niveau de crédits de paiement de l'ordre de 159,2 millions de francs (contre 159,9 millions de francs en 2000). L'absence de réajustement de cette dotation imposera sans doute des arbitrages au sujet du renouvellement des matériels informatiques et mobiliers ou encore de la formation des personnels.

_ Le niveau des dépenses en capital de la DGSE, inscrites au titre V, bénéficie d'une croissance significative par rapport à la loi de finances initiale pour 2000. Les dotations en faveur des matériels passent de 442 millions de francs de crédits de paiement à 495 millions de francs, soit une augmentation de 12 %.

Les crédits de paiement destinés aux infrastructures s'élèvent, quant à eux, à 223,9 millions de francs, en hausse de 6,7 %.

Dans l'ensemble, force est de constater que le projet de loi de finances pour l'année 2001 permet la bonne marche d'une adaptation de la DGSE à des missions toujours plus complexes.

Votre Rapporteur rappelle néanmoins que les dotations budgétaires détaillées ci-dessus n'incluent pas les crédits des fonds spéciaux du Premier ministre, qui sont destinés à financer certaines activités opérationnelles. Le contrôle de l'utilisation de ces fonds est assuré par les services financiers de la DGSE et par une commission spéciale de vérification, composée de hauts magistrats de la Cour des comptes et du Conseil d'Etat.

      2. La Direction du Renseignement militaire (DRM)

La DRM a été créée à la suite de la guerre du Golfe, par le décret n°92-523 du 16 juin 1992. Elle a pour principales missions de conduire et coordonner la recherche et l'exploitation du renseignement d'origine militaire et à caractère opérationnel.

_ La loi de programmation militaire 1997-2002 a prévu un accroissement progressif des effectifs de la DRM, qui doivent augmenter de 20 % pour atteindre près de 2 000 postes au terme de la période ; 1 760 postes sont actuellement prévus, dont 700 en administration centrale. En ordres de grandeur, ces effectifs, militaires et civils, se répartissent comme suit :

- 300 personnes à l'école interarmées du renseignement et des études linguistiques de Strasbourg ;

- 300 personnes en détachements avancés de transmissions installés en Afrique et outre mer, afin d'effectuer des interceptions ;

- 1 150 personnes sur les 2 sites parisiens de la DRM, soit 450 au Boulevard Saint-Germain et 700 sur la base de Creil (en y incluant les effectifs des trois organismes interarmées : le centre de formation et d'interprétation interarmées de l'imagerie - CF3I-, le centre de formation et d'exploitation des émissions électromagnétiques - CF3E -, et l'unité interarmées Hélios -UIAH).

Compte tenu de l'étendue considérable de la mission dont est chargée la DRM (le renseignement d'intérêt militaire recouvre désormais aussi bien le renseignement militaro-politique que le renseignement opérationnel), la dispersion des effectifs parisiens sur deux sites se révèle être un handicap. On peut, à cet égard, parler de « deux DRM ». Le regroupement de l'ensemble (et non sa dispersion en trois sites, comme envisagé) semble donc plus que souhaitable.

_ Les dispositions du projet de loi de finances pour l'année 2001, hors rémunérations et charges sociales, sont plutôt favorables à la DRM. Rappelons à cet égard que les dotations budgétaires de ce service sont rattachées à l'agrégat relatif à l'Etat-major des armées, dont il dépend. Ces dotations offrent une vision incomplète des moyens dont dispose la DRM, car celle-ci bénéficie également de certains programmes de l'Etat-major, notamment en matière d'espace et de systèmes d'information et de communication.

Les crédits de fonctionnement se situent, en crédits de paiement, à 39,76 millions de francs, c'est à dire à un niveau à peine inférieur à celui de l'exercice 2000 (40 millions de francs). En revanche, les dotations prévues en faveur des équipements de la DRM progressent de 47,5 %, pour atteindre un montant de 75 millions de francs de crédits de paiement (contre 51 millions de francs en l'an 2000).

Cette évolution se justifie par l'effort soutenu, qui est consenti par le ministère de la Défense, en faveur des moyens techniques dont dispose la DRM : Hélios 2, Sarigue nouvelle génération, le MINREM sont autant de programmes d'équipement qui devraient favoriser un accroissement significatif des moyens d'exploitation du renseignement ; pour ce faire, les installations de la DRM doivent être adaptées aux évolutions technologiques, ce que permet le projet de loi de finances pour l'année 2001.

En conséquence, il apparaît clairement que la dimension technologique du renseignement militaire à vocation opérationnelle est privilégiée par le projet de budget du ministère de la Défense. S'il apparaît que les enseignements du conflit du Kosovo ont été, sur ce plan du moins, véritablement tirés, il faut quand même prendre garde à ce que les aspects humains, si essentiels dans le traitement des données, ne passent pas au second plan.

      3. La Direction de la Protection et de la Sécurité de la Défense (DPSD)

Aux termes du décret n° 81-1041 du 20 novembre 1981 fixant ses attributions, la DPSD, direction rattachée au Ministre de la Défense, est notamment chargée de participer à l'élaboration et à l'application des mesures à prendre en matière de protection et de sécurité, de prévenir et rechercher les atteintes à la défense nationale, de contribuer à assurer la protection des personnes susceptibles d'avoir accès à des informations protégées ou à des zones, des matériels ou des installations sensibles.

La DPSD remplit également une mission de protection des entreprises titulaires de marchés classés de défense nationale, ainsi qu'une mission de suivi des dispositions du décret de 1939 sur le commerce illicite de matériels d'armement.

_ Si les effectifs de la DPSD sont en baisse tendancielle, conformément aux dispositions de la loi de programmation militaire, qui a fixé leur diminution à 10 % entre 1997 et 2002, cette évolution n'est pas homogène pour toutes les catégories de personnels de la direction, comme le montre le tableau suivant. Cette situation s'explique par la professionnalisation et la diminution des troupes maintenues en poste à l'étranger (hors opérations extérieures).

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DE LA DPSD

Catégories de personnels

Loi de finances initiale 2000

Projet de loi de finances 2001

Variation 2001/2000

Officiers

251

249

- 0,8 %

Sous officiers

779

779

-

Militaires du rang

65

87

+ 25,3 %

Appelés

86

37

- 57,0 %

Total militaires

1 181

1 152

- 2,5 %

Personnels civils

340

353

+ 3,8 %

TOTAL

1 521

1 505

- 1,05 %

Avec la disparition de seulement 2 postes d'officiers pour un total de 1 038 officiers et sous-officiers, le niveau d'encadrement militaire reste inchangé. Le nombre des militaires du rang augmente de manière significative, compensant partiellement l'effet de la suppression d'une majorité de postes d'appelés. La plupart des tâches dévolues aux appelés du contingent se trouvent également redistribuées, soit par le recours à la sous-traitance, soit par une mise en place de moyens techniques automatisés (caméras, alarmes) assurant des fonctions de surveillance.

S'agissant du personnel civil, la DPSD ne bénéficie pas de postes de contractuels alors que l'ouverture de cette possibilité serait très utile dans certains cas. Par ailleurs, un accroissement du nombre de fonctionnaires de catégories A et B est souhaitable.

_ Les crédits alloués à la DPSD, hors rémunérations et charges sociales, ne subissent pas de variations importantes.

En effet, les crédits de paiement inscrits au titre III pour les dépenses de fonctionnement s'élèvent à 43,39 millions de francs, soit une baisse de 1,4 % par rapport aux dotations de la loi de finances initiale pour 2000. Les frais de déplacement représentent 25 % des crédits de fonctionnement. La formation devrait bénéficier d'une dotation d'1 million de francs. Une légère inquiétude porte néanmoins sur la diminution des crédits en faveur des liaisons téléphoniques (transpac), poste de dépense qu'il convient pourtant de développer.

S'élevant à 25,6 millions de francs en crédits de paiement, les abondements du titre V pour les dépenses d'équipement restent inchangés par rapport aux dispositions de la loi de finances pour 2000. L'informatisation représente plus de la moitié des dépenses (le système de la DPSD, datant des années quatre-vingts, doit notamment faire l'objet d'une mise à niveau). Les dépenses liées au parc automobile elles aussi progressent.

Les dépenses d'infrastructure (1 million de francs de crédits de paiement et d'autorisations de programme, alors qu'aucune dotation n'était prévue pour l'exercice budgétaire en cours) devraient permettre le déménagement de l'administration centrale de la DPSD au Fort de Vanves, où se trouve déjà la division informatique.

En définitive, les dispositions du projet de loi de finances pour l'année 2001 relatives à la DPSD s'inscrivent dans la continuité de la professionnalisation, tout en garantissant une certaine permanence des moyens.

CONCLUSION

A défaut de réévaluer le budget spatial militaire français, le projet de loi de finances pour 2001 permet un rattrapage sensible du retard pris au cours de l'exercice 2000.

Les perspectives de coopérations européennes restent insuffisantes. Cependant, contrairement aux années précédentes, il n'est plus possible de différer le développement de certains programmes essentiels sans mettre à mal la continuité du service rendu aux armées. On ne peut que se réjouir que le projet de loi de finances pour 2001 prenne un tel contexte en considération ; mais pour cette même raison, on ne saurait y voir autre chose qu'un budget d'ajustement, fût-il en augmentation significative.

Bien qu'indolore à court terme, votre Rapporteur estime qu'il n'est pas sain que le budget spatial serve de variable d'ajustement. Plus de constance budgétaire semble nécessaire pour assurer l'avenir des grands programmes, qui fondent notre indépendance de décision.

Les difficultés de la coopération européenne s'appuient davantage sur des conflits d'intérêt industriels que stratégiques. En cela, il est à craindre que l'effort budgétaire européen en faveur de l'espace militaire reste dispersé, donc non optimal. Néanmoins, le ministère de la Défense est fondé à poursuivre ses démarches visant à rallier nos partenaires à certains de nos projets, quitte à participer à certains des leurs. Dans un secteur technologique aussi coûteux que l'espace, la France ne peut pas faire l'économie de coopérations. Au demeurant, c'est aussi de cette manière qu'une identité européenne de sécurité et de défense verra le jour.

Tout comme l'espace, les systèmes de télécommunications et les moyens de renseignement bénéficient d'un traitement budgétaire favorable. Cette évolution marque une priorité justifiée en faveur de l'adaptation des équipements de nos forces aux technologies les plus modernes, tout en prenant en compte l'importance et la place du renseignement aujourd'hui. Il est nécessaire de saluer l'effort entrepris en ces domaines, qui assurent, tout autant que l'espace, l'autonomie décisionnelle de notre pays.

On observera quand même que la fonction « renseignement » gagnerait en lisibilité et en cohérence à faire l'objet d'une ligne budgétaire spécifique. L'élaboration de la prochaine loi de programmation militaire en offre, à cet égard, l'opportunité.

Cependant, et pour en revenir au projet de budget soumis à l'examen du Parlement, il convient de souligner que les dispositions du projet de loi de finances pour 2001 sont satisfaisantes, aussi bien pour ce qui concerne l'espace que pour ce qui a trait aux communications et au renseignement. Force est de reconnaître qu'une telle appréciation n'a pas été portée depuis plusieurs années.

TRAVAUX EN COMMISSION

I. - AUDITION DU GÉNÉRAL JEAN-PIERRE KELCHE, CHEF D'ÉTAT-MAJOR DES ARMÉES

La Commission de la Défense a entendu, le 3 octobre 2000, le Général Jean-Pierre Kelche, Chef d'état-major des Armées, sur le projet de budget pour 2001.

Après avoir souhaité connaître l'appréciation du Général Jean-Pierre Kelche sur l'état de la professionnalisation, le Président Paul Quilès lui a demandé s'il considérait que le projet de budget permettait de la poursuivre dans de bonnes conditions.

Soulignant que l'une des inconnues principales de la professionnalisation concernait son impact budgétaire, il l'a également interrogé sur le réalisme de son cadrage financier initial et sur les risques de dérapage des coûts de rémunérations et charges sociales au détriment du fonctionnement.

Il s'est ensuite enquis des conséquences de l'augmentation du coût des carburants sur l'activité des forces et des moyens d'y faire face, rappelant que le Ministre de la Défense avait, au cours de sa dernière audition, assuré la Commission que les déficits prévisibles de ressources pour 2000 et 2001 seraient comblés.

Enfin, relevant que le niveau des crédits d'équipement apparaissait légèrement en retrait par rapport aux annuités de la revue de programmes, même s'il se situait à un niveau qui permettait de faire face aux besoins de modernisation identifiés par la loi de programmation et confirmés par les enseignements des opérations récentes, il a souhaité que le Chef d'état-major des Armées puisse éclairer la Commission sur les priorités du projet de budget, sur les choix et les décisions qu'il autorisait et sur les perspectives qu'il ouvrait au-delà même de l'horizon de la programmation.

Le Général Jean-Pierre Kelche a tout d'abord souligné qu'il portait une appréciation contrastée sur le projet de budget pour 2001, faisant part d'un jugement plutôt positif sur le titre III, mais d'inquiétudes sur le titre V. Il a remarqué à ce propos que les conditions de construction des budgets pour 2001 et 2002 revêtaient un caractère décisif pour les annuités de la prochaine loi de programmation.

S'agissant du titre III, il a estimé qu'il permettait de poursuivre dans de bonnes conditions la professionnalisation, déjà très avancée pour l'armée de l'Air et la Marine. Il a jugé que les conditions de recrutement des militaires du rang engagés étaient bonnes, voire très bonnes, indiquant que des limites avaient été imposées aux engagements d'appelés, de manière à inciter les armées à se tourner plus largement vers la société civile. Il a néanmoins souligné la nécessité pour une armée professionnelle de conserver dans le temps la qualité de son recrutement.

Le Général Jean-Pierre Kelche s'est également réjoui que la ressource en appelés reste globalement conforme aux prévisions. Il a souligné qu'il n'y avait pas de changement significatif d'attitude vis-à-vis du service national, le comportement des appelés apparaissant dans l'ensemble excellent.

Il a cependant exprimé des préoccupations concernant le recrutement des volontaires pour lequel il a noté un léger déficit. Il a souligné à ce propos que le profil des volontaires, très proche de celui des engagés, rendait leur recrutement difficile à gérer alors même qu'au sein des armées la Gendarmerie avait beaucoup misé sur cette ressource. Il a également fait état d'un déficit persistant en personnels civils, indiquant toutefois que le pic de 9 000 postes non pourvus avait été progressivement atténué à la fois par des embauches et par la réduction des besoins formulés, les emplois vacants devant se situer aux environs de 4 000 en 2001. Sur ce point, le Général Kelche a souligné que le manque de personnels civils imposait aux personnels militaires un surcroît de charges.

Evoquant ensuite le coût de l'armée professionnalisée en rémunérations et charges sociales, le Général Jean-Pierre Kelche a fait valoir qu'il avait été correctement évalué, les dépassements constatés étant dus à l'élargissement du périmètre des effectifs par rapport aux règles posées. Il a regretté à ce propos que le gonflement des dépenses de rémunérations et charges sociales sous enveloppe constante ait entraîné une compression des crédits de vie courante et d'activité, au point de justifier l'expression de « paupérisation des armées ». Il a souligné que le projet de budget pour 2001 montrait la capacité des armées à gérer le poste des rémunérations et charges sociales puisque le rajeunissement opéré à l'occasion de la professionnalisation entraînait un glissement vieillesse-technicité négatif, tandis que le rebasage en loi de finances initiale des crédits d'indemnités permettait d'abandonner les pratiques anciennes de comblement des déficits de ressources en collectif budgétaire.

Le Chef d'état-major des Armées a ensuite relevé dans le projet de budget un accroissement du recours à la sous-traitance, les armées souhaitant confier certaines tâches à la société civile pour se recentrer sur leur métier. Il a précisé que, sur le plan budgétaire, ce résultat était obtenu par des transferts de crédits de rémunérations vers des lignes spécifiques.

Le Général Jean-Pierre Kelche a ensuite signalé que, dans la Marine et l'armée de l'Air, certains emplois, jusqu'à présent tenus par des sous-officiers surqualifiés par rapport à leurs tâches avaient été transformés en emplois de militaires du rang.

Après s'être félicité qu'en matière de fonctionnement, le déficit de ressources qui avait atteint 1 milliard de francs au moment le plus difficile soit revenu à 350 millions de francs, le Général Jean-Pierre Kelche s'est réjoui de la restauration du taux d'activité des forces qui en résulterait. Il a indiqué à ce propos que le nombre de jours de sortie des unités de l'armée de Terre dont la norme souhaitée était de 100, serait fixé à 80 pour 2001 contre 73 pour 2000 et que l'activité des unités de la Marine passerait de 89 jours de mer à 94, celle de l'armée de l'Air située à 180 heures de vol par an étant restée satisfaisante. Il a ajouté que cet effort serait poursuivi en 2002, les taux d'activité actuels étant inférieurs par exemple aux normes britanniques.

S'agissant des dépenses de carburant, il a précisé que le projet de budget pour 2001 avait été construit sur l'hypothèse, aujourd'hui éloignée de la réalité, d'un baril à 20 dollars et d'un dollar à 6,50 francs. Le budget de 2000 avait été, quant à lui, élaboré avec une hypothèse d'un baril à 14,6 dollars et d'un dollar à 6 francs.

Compte tenu du renchérissement du baril et du niveau élevé du dollar, le prochain décret d'avance doit abonder pour 2000 les produits pétroliers de 1,2 milliard de francs, ce qui devrait préserver le niveau d'activité opérationnelle et garantir la sécurité des vols.

Abordant les dotations d'équipement, le Général Jean-Pierre Kelche a fait part de ses inquiétudes à l'égard des montants inscrits au projet de budget, qu'il a estimés insuffisants pour compenser les retards accumulés précédemment par rapport à l'évolution prévue vers le modèle d'armée 2015.

S'il s'est réjoui que le total des autorisations de programme soit supérieur de 1,2 milliard de francs à celui des crédits de paiement, il a néanmoins jugé cette dotation trop faible pour mener convenablement la politique de commandes globales dans les conditions initialement envisagées. Il a, à ce propos, indiqué que les commandes globales avaient déjà donné lieu à l'engagement de 51 milliards de francs d'autorisations de programme, auxquels devraient s'ajouter en 2001 7 milliards de francs pour 20 appareils Rafale. Il a ajouté qu'aucune ouverture d'autorisations de programme n'avait été prévue pour le financement du nouvel avion de transport militaire mais que le Premier ministre avait annoncé l'imminence d'une mesure à cet effet lors de sa récente allocution devant l'IHEDN. Précisant que les armées avaient d'ores et déjà mobilisé leurs stocks d'autorisations de programme disponibles, il a insisté sur le fait qu'elles avaient besoin en permanence d'un fonds de roulement d'environ 6 mois d'engagements représentant un montant de l'ordre de 40 milliards de francs.

Abordant ensuite les crédits de paiement, il a fait observer qu'ils s'établissaient en réalité à 82,2 milliards de francs, compte tenu de la dotation de 1,25 milliard de francs destinée au budget civil de recherche et de développement (BCRD), qui ne contribuait en rien à l'effort de défense. Il a ajouté que, face à l'insuffisance des ressources en crédits de paiement, les gouverneurs de crédits avaient dû prendre, pour éviter des ruptures de trésorerie, des mesures d'étalement et de lissage des dépenses, qui avaient entraîné, outre le renchérissement final des matériels, des retards dans l'équipement des armées, évalués par exemple à 8 mois pour l'armée de Terre depuis 1997. Il s'est déclaré préoccupé de ce que le projet de budget ne permette pas de rattraper ces retards, voire contribue à les amplifier.

Faisant état de difficultés dans le maintien de la capacité opérationnelle de certains matériels, le Chef d'état-major des Armées a également fait part de ses préoccupations quant aux conséquences de l'insuffisance globale des crédits de paiement sur le niveau de disponibilité des équipements. Il a ainsi donné l'exemple du parc d'hélicoptères Puma de l'armée de Terre dont le taux de disponibilité, en raison notamment du manque de rechanges ou de reports de visites d'entretien s'établit à 55 %, alors qu'il devrait être de 75 %. Il a indiqué que, de même, le parc des hélicoptères Cougar présentait un taux de disponibilité de 65 %, et s'est déclaré préoccupé de celui des avions de combat de l'armée de l'Air. Evoquant la future loi de programmation, il a souligné la nécessité de préserver le socle de ressources permettant aux armées d'assurer le bon entretien du matériel dont elles disposent. Il a jugé qu'en dépit de gains de productivité importants attendus, par exemple, du rapprochement des services de maintenance des matériels aéronautiques de la Marine et de l'armée de l'Air, les perspectives de court terme en matière de disponibilité des équipements restaient préoccupantes.

S'agissant de la coopération européenne, le Chef d'état-major des Armées a rappelé qu'elle portait sur 21 programmes mobilisant un peu plus de 10 % des crédits d'équipement hors BCRD, dont les plus importants étaient les programmes Tigre, NH 90, Horizon et FSAF. Evoquant plus spécifiquement l'espace, le Chef d'état-major des Armées a estimé que la coopération européenne y apparaissait délicate. Le programme de télécommunications spatiales Syracuse III, totalement réorganisé suite au retrait du Royaume-Uni, est actuellement scindé en deux phases : la première doit permettre le développement, dans un cadre national, d'un satellite dont le lancement est prévu pour 2003 ; la seconde porte sur la construction d'un autre satellite pour 2006, dans un cadre franco-allemand. Quant au programme d'observation spatiale Hélios II, d'intérêt majeur pour la défense, il est réalisé au niveau national après le retrait de l'Allemagne, avec pour objectif le lancement d'un premier satellite en 2004. La France envisage par ailleurs une coopération avec l'Allemagne et l'Italie, qui pourrait aboutir à un système de fournitures croisées d'images spatiales optiques et radar.

Abordant enfin les activités des armées hors de métropole, le Général Jean-Pierre Kelche a indiqué qu'elles mobilisaient plus de 35 000 hommes, parmi lesquels 14 900 appartenaient aux forces de souveraineté (DOM/TOM), 6 200 étaient prépositionnés en Afrique et 10 000 déployés en opérations extérieures, dont 8 800 dans les Balkans. Le Général Jean-Pierre Kelche a considéré que la proportion d'unités tournantes au sein de ces forces, qui atteignait en Afrique environ 70 %, apparaissait trop forte et ne pouvait durablement être maintenue, notamment dans les fonctions administratives et techniques. Il a jugé que l'armée de Terre devrait, pour corriger ce déséquilibre, affecter de l'ordre de 500 cadres permanents en Afrique et dans les DOM-TOM.

Il a par ailleurs indiqué que les surcoûts des opérations extérieures pour 2000 pouvaient être évalués à 3,4 milliards de francs, dont 2,2 milliards de francs pour les rémunérations et charges sociales et 0,8 milliard de francs pour le fonctionnement. Il a également souligné que, depuis 1992, ces surcoûts s'étaient élevés, en moyenne annuelle, à 4,4 milliards de francs, soit 3,3 milliards de francs pour le titre III et 1,1 milliard de francs pour le titre V.

Soulignant que le cadre d'évolution des armées serait de plus en plus marqué par la dimension européenne, le Président Paul Quilès a relevé que l'objectif fixé à Helsinki d'une capacité de déploiement de 60 000 hommes correspondait à un réservoir de 80 000 hommes, et, compte tenu des relèves, à un effectif projetable de 240 000 hommes. Il a alors demandé comment cet objectif ambitieux pourrait être atteint et quelles seraient les contributions respectives de la France et de ses partenaires. Il a également interrogé le Général Jean-Pierre Kelche sur la configuration qu'il estimait souhaitable de la chaîne de commandement de cette future force européenne. Evoquant enfin la situation actuelle des Balkans, que ce soit en Serbie, en Macédoine, au Kosovo ou au Monténégro, il a demandé au Chef d'Etat-major des Armées quelle était son évaluation des risques ainsi que de la nature et du niveau souhaitables de la présence militaire internationale dans cette région.

Evoquant les déficits en personnel civil des armées, dus à l'impossibilité d'absorber l'ensemble des sureffectifs de Giat-Industries et de DCN, M. Charles Cova s'est demandé s'il ne serait pas possible de recruter, pour compenser ce manque, des militaires parvenus au terme d'un engagement de huit à dix ans.

Faisant état d'une diminution de 15 % des crédits d'entretien de la flotte, il a ensuite demandé au Général Jean-Pierre Kelche si elle résultait d'une décision de l'état-major des Armées ou de l'état-major de la Marine, alors même qu'un certain nombre de bâtiments de la flotte sont « à bout de bords ». Estimant par ailleurs que l'alourdissement des missions assignées aux armées contrastait avec une pénurie grandissante de moyens et citant en exemple le spectacle qu'il a qualifié de désolant d'hélicoptères militaires vétustes utilisés en Guyane, il s'est demandé s'il ne fallait pas se décider à déclarer publiquement que l'institution militaire ne pouvait plus fonctionner normalement. Enfin, il a souligné qu'à 83,7 milliards de francs, le niveau des crédits de paiement prévu dans le projet de budget pour 2001, était bien inférieur à l'annuité prévue par la loi de programmation militaire.

M. Pierre Lellouche a demandé au Chef d'état-major des Armées des précisions sur le niveau d'entraînement comparé, armée par armée, des forces françaises et de celles des autres pays de l'Alliance atlantique.

Il a souligné ensuite qu'en dépit de rentrées fiscales exceptionnelles, aucun crédit supplémentaire n'avait été accordé au ministère de la Défense pour résorber ses retards d'équipements. Au contraire, les dotations affectées au BCRD, jointes à l'incidence de la hausse du coût des carburants, représentaient pour les armées une perte de ressource de l'ordre de 3 à 4 % de leurs dépenses d'équipement. Il a fait valoir à ce propos qu'un écart croissant se creusait entre les capacités des forces américaines et européennes, les experts des questions de défense estimant, notamment outre-atlantique, qu'il était de plus en plus difficile aux Etats-Unis et aux pays européens de participer à des actions militaires communes.

M. Pierre Lellouche a alors interrogé le Chef d'état-major des Armées sur les enseignements qu'il tirait de la guerre du Kosovo en ce qui concerne l'équipement des forces françaises, lui demandant également de faire le point sur leurs capacités de défense active contre la prolifération balistique, chimique et biologique. Il a par ailleurs souhaité savoir si le Chef d'état-major des Armées jugeait souhaitable d'inscrire, dès la loi de finances initiale, une dotation destinée à financer les opérations extérieures, étant donné leur fréquence et leur caractère souvent prévisible. Enfin, il s'est enquis du volume de forces que la France pourrait effectivement déployer en cas de crise grave survenant soudainement sur d'autres théâtres que ceux où elle est déjà engagée militairement.

M. Guy-Michel Chauveau a demandé quels enseignements avaient été tirés du conflit du Kosovo en matière de systèmes d'observation et de commandement. Il s'est interrogé sur le niveau des dépenses de recherche engagées, notamment en ces domaines. Il a également souhaité obtenir des précisions sur la teneur des réflexions actuellement menées par l'état-major des Armées en matière d'actions civilo-militaires.

M. Jean Briane s'est inquiété de la situation des réserves, soulignant qu'elles sont indispensables au bon fonctionnement d'une armée professionnelle.

M. André Vauchez s'est réjoui que les dotations du titre III du projet de budget permettent d'assurer l'achèvement de la professionnalisation dans de bonnes conditions. S'interrogeant sur l'écart très important, constaté notamment au cours des exercices précédant celui de 1997, entre le niveau des crédits de paiement ouverts et celui des dépenses réalisées, il a souhaité obtenir des précisions sur l'exécution des crédits militaires depuis 1995. Rappelant que le recours aux commandes pluriannuelles avait initialement pour finalité de diminuer fortement le coût des équipements de défense, il a demandé dans quelle mesure cet objectif avait été atteint.

M. Georges Lemoine a souligné que le niveau de préparation des forces françaises n'avait rien à envier à celui des troupes étrangères également engagées sur des théâtres extérieurs, comme il avait récemment pu le constater à l'occasion d'un déplacement en Grande-Bretagne. Evoquant la mise en place de la présence militaire internationale au Kosovo, il s'est interrogé sur les difficultés de fonctionnement de chaînes de commandement internationales dont la cohésion militaire se heurte parfois à la dépendance des différentes composantes nationales à l'égard de leurs gouvernements respectifs. Il a également demandé si la Gendarmerie était à même de remplir ses missions dans de bonnes conditions, compte tenu des difficultés budgétaires auxquelles elle se trouve confrontée.

M. Loïc Bouvard s'est inquiété de la coordination des structures politiques et militaires de l'Europe de la défense avec celles de l'OTAN. Il a par ailleurs souhaité connaître le sentiment du Chef d'état-major des Armées sur le fossé technologique qui, selon la hiérarchie militaire de l'Alliance atlantique, sépare les forces européennes et américaines.

Le Général Jean-Pierre Kelche a apporté les éléments de réponse suivants :

- le sommet européen d'Helsinki de décembre 1999 a formalisé l'ambition des Etats membres de l'Union européenne d'être en mesure, dans le cadre d'une gestion de crise, de projeter jusqu'à 60 000 hommes dans un délai de soixante jours et de les maintenir, de manière autonome, sur le théâtre d'opérations pour une durée d'un an avec les soutiens aériens et navals correspondants. Des réflexions d'experts ont été menées pour préciser cet objectif global. Elles ont donné lieu à des échanges de vues avec l'OTAN qui ont montré la qualité des capacités de planification européennes et en particulier françaises. Elles ont conclu à la nécessité pour l'Union européenne de disposer de 300 à 350 avions de combat, de 80 bâtiments navals et d'un réservoir de forces de 90 000 hommes de manière à satisfaire tous les besoins opérationnels dans les différents scénarios retenus. Outre ces forces d'exécution, l'Europe doit également s'assurer des moyens de son autonomie d'action en se dotant de « capacités clés » dans les domaines du renseignement, de l'évaluation des situations et de la planification des réponses possibles aux crises. Cette planification doit englober toute la gamme des actions militaires et non militaires. Elle doit s'appuyer sur une capacité d'expertise qui la rende crédible et garantisse une grande réactivité. La conférence d'engagement de capacités qui aura lieu le 21 novembre prochain fixera la contribution de chacun des Etats membres à la capacité d'intervention militaire de l'Union européenne. Ses conclusions devront être crédibles, structurées et validées ;

- l'Union européenne doit disposer d'une capacité de décision autonome par rapport à l'OTAN. Il serait souhaitable que la chaîne politico-militaire qui sera mise en place ne se décline pas en de trop nombreux niveaux de responsabilité et n'impose pas de procédures excessivement compliquées. L'Union européenne devra pouvoir mener des opérations importantes, sans recours à l'OTAN. Il ne saurait en effet y avoir de partage des responsabilités qui laisse à l'Union européenne les interventions mineures en réservant à l'OTAN les actions lourdes ;

- la constitution des capacités d'intervention militaire de l'Union européenne nécessitera, pour la France, un investissement prioritaire dans le domaine des moyens logistiques, de commandement et de renseignement de manière à permettre, le cas échéant, à notre pays de se proposer pour diriger une coalition. Si une répartition de l'effort de défense qui spécialiserait les pays membres dans un type d'armement ou de forces n'est actuellement pas envisageable, des synergies importantes peuvent être trouvées dans un partage de la charge des « fonctions douces », qui exposent le moins les hommes, comme c'est actuellement le cas entre les armées allemandes et françaises dans le domaine des prestations de transport ;

- il convient d'accueillir avec prudence les ritournelles sur le fossé technologique qui se creuserait entre les Etats-Unis et l'Europe. Il n'est pas acceptable que les Etats-Unis imposent des standards sans cesse évolutifs, autres que ceux définis d'un commun accord dans le cadre de l'Alliance atlantique ;

- les pays européens doivent se doter d'outils de renseignement, d'analyse de situation et de simulation permettant, à l'opposé de ce qui s'était passé lors de la guerre du Golfe, d'évaluer de manière autonome les risques, les coûts et la durée d'une intervention militaire ainsi que les moyens qu'elle nécessite. L'acquisition de ces capacités clés donnera aux Européens les moyens de discuter d'égal à égal avec les Américains. De ce point de vue, la crise du Kosovo a montré à certains de nos partenaires européens la nécessité de capacités autonomes permettant, par exemple, de définir des objectifs potentiels et de connaître les résultats des frappes aériennes ;

- l'écart de capacités entre Européens et Américains est surtout sensible dans le domaine du renseignement, notamment spatial et des communications. Dans les autres domaines, il est généralement vain de se laisser entraîner dans une course à la technologie qui n'aboutirait qu'au renchérissement des équipements ;

- le conflit du Kosovo a validé les choix antérieurs effectués par la France et notamment la décision de posséder un outil militaire complet couvrant toute la gamme des grandes fonctions. Ainsi, nos capacités de renseignement par satellite, par drone ou par moyens électromagnétiques se sont avérées encourageantes. La tenue au combat de nos équipages, dont certains étaient très jeunes, est digne d'éloges tant sur le plan militaire qu'éthique puisque plusieurs se sont exposés pour essayer d'éviter des pertes civiles. La France a manifesté une capacité notable de présence maritime en déployant notamment un sous-marin nucléaire d'attaque pour interdire toute sortie des bouches de Kotor pendant la durée de la crise.

En revanche, des insuffisances ont été constatées en matière de neutralisation des défenses antiaériennes ennemies, de brouillage offensif, de double identification des aéronefs en vol ou de frappe de précision tout temps à distance de sécurité.

Par ailleurs, le conflit du Kosovo qui était le premier où l'Alliance atlantique s'est trouvée engagée a révélé le caractère peu satisfaisant de certains de ses modes de fonctionnement. En particulier des frappes nationales américaines ont pu avoir lieu en dehors du cadre allié. Un déficit manifeste de communication a pu également être constaté ;

- les conditions d'entraînement des forces sont plus favorables au Royaume-Uni qu'en France, comme le montre la comparaison des taux d'activité qui peuvent être considérés comme significatifs malgré certaines différences de mode de calcul. Dans les forces britanniques, les unités de l'armée de Terre accomplissent ainsi entre 110 et 150 jours de sortie par an, les bâtiments sortent en mer 150 jours en moyenne annuelle et les pilotes effectuent 200 heures de vol par an ;

- un déficit de volontaires créerait des difficultés particulières pour la Gendarmerie, compte tenu des tâches essentielles qu'ils y assurent ;

- s'agissant des Balkans, un changement politique à Belgrade peut permettre de réintégrer la Serbie dans le concert international, sans que la question de la sécurité interne du Kosovo soit pour autant réglée. Parmi les pays de la région, la Macédoine est exposée à des risques particuliers de déstabilisation. Plus généralement, l'amélioration de la situation des Balkans nécessiterait d'accroître le soutien politique et économique aux pays de la région, qui apparaît encore insuffisant aujourd'hui ;

- les armées peuvent actuellement tenir le rythme d'activités imposé par leurs missions. Il est toutefois essentiel de veiller à l'amélioration de la disponibilité des matériels qu'elles utilisent ;

- les crédits consacrés à l'entretien de la flotte ont été réduits de 12 % dans le projet de budget pour 2001 par une mesure volontariste, en recherchant en parallèle des gains de productivité ;

- l'idée de reconvertir d'anciens engagés vers des postes civils paraît judicieuse, compte tenu notamment de la proportion élevée, de l'ordre de 50 %, des militaires placés sous un statut précaire ;

- l'inscription en loi de finances initiale des crédits finançant les surcoûts des opérations extérieures, n'a d'intérêt qu'à condition de prendre en compte cette dépense dès le stade de la construction du budget initial de la défense ;

- les crédits destinés à la recherche bénéficient d'un redressement dans le projet de budget malgré des contraintes globales qui incitent à privilégier les programmes en cours ;

- le changement de format des forces en cas de réapparition d'une menace majeure ne serait pas assuré par un recours aux réserves mais par le rétablissement de la conscription. Les réserves ont vocation à compléter les forces d'active, en renforçant les états-majors en cas de crise ou en apportant une expertise dans les armées pour faire face à des besoins ponctuels. Les réserves représentent toutefois des effectifs plus nombreux dans la Gendarmerie en raison de la mission de sécurité du territoire qui incombe à cette arme ;

- pour maintenir l'ordre dans la zone de Mitrovica, seul s'est avéré efficace un escadron de gendarmerie mobile disposant, en cas de besoin, de l'appui d'une unité de l'armée de Terre instruite par la Gendarmerie. Cet exemple illustre la nécessité d'une force de police professionnelle rapidement projetable lors d'une intervention internationale visant à reconstruire une société civile. Une unité de 5 000 hommes dont 1 000 projetables à brefs délais devrait être créée à cette fin par l'Union européenne. Il est par ailleurs, nécessaire d'envisager à l'avenir l'adossement des forces spécialisées dans la sécurité publique et le contrôle des foules à une force proprement militaire, lorsque les conditions d'engagement sont susceptibles de passer soudainement d'une situation de trouble à l'ordre public à une situation de guerre ;

- l'écart entre le niveau du projet de budget pour 2001 et l'annuité fixée par la revue de programme est à l'origine de retards, mais n'entraîne pas de rupture de cohérence du modèle d'armées.

Remerciant le Chef d'état-major des Armées pour la clarté et la franchise de ses propos, le Président Paul Quilès a constaté, pour s'en réjouir, que l'Europe de la Défense progressait rapidement. Il s'est félicité du chemin parcouru dans ce domaine, qu'il avait pu mesurer à la relecture du rapport qu'il avait consacré aux perspectives d'évolution de l'Alliance atlantique il y a 18 mois. Remarquant que les propositions de ce rapport relatives à la création d'une chaîne de commandement européenne autonome étaient alors considérées comme très ambitieuses, il s'est réjoui de même de la pertinence des conclusions de la Commission de la Défense sur les enseignements du conflit du Kosovo, en ce qui concerne notamment la conduite, par les Etats-Unis, d'opérations sous commandement national ou les lacunes capacitaires françaises. Il a souligné néanmoins que la France n'avait pas à rougir, tant s'en faut, des performances de ses forces, par comparaison avec ses alliés européens.

II. - EXAMEN DE L'AVIS

La Commission de la Défense s'est réunie le 24 octobre, sous la présidence de M. Didier Boulaud, Vice-Président, pour examiner les crédits du ministère de la Défense pour 2001 consacrés à l'Espace, aux Communications et au Renseignement, sur le rapport de M. Bernard Grasset, rapporteur pour avis.

M. Bernard Grasset, rapporteur pour avis, a estimé que, dans un contexte nouveau de dissémination des zones d'instabilité et de crises, face à une économie aux imbrications mondiales, l'Espace, les Communications et le Renseignement sont devenus un facteur déterminant de toute ambition stratégique. Il a fait observer que la France conduit depuis plusieurs décennies une politique spatiale militaire ambitieuse et qu'elle dispose dans ce domaine d'un budget qui la place au premier rang de l'effort des pays européens, les crédits réellement dépensés avoisinant 2,7 milliards de francs sur chacun des quatre derniers exercices.

Il a néanmoins tenu à replacer cet effort dans le contexte commercial international dont il a souligné le caractère de plus en plus déterminant. Il a à ce propos cité l'exemple du marché des lancements commerciaux, évalué à environ 50 milliards de dollars, qui se répartit entre le marché institutionnel civil américain pour 12,5 milliards de dollars, le marché militaire américain pour un montant analogue, le marché civil européen pour 4 à 5 milliards de dollars, le marché militaire européen pour 800 millions de dollars, le marché commercial mondial pour 9 milliards de dollars, et les marchés russe et japonais pour 10 milliards de dollars. Il en a déduit que le niveau des financements européens en faveur des lanceurs est insuffisant pour soutenir la difficile compétition qui s'annonce avec les industriels américains sur le marché concurrentiel.

Rappelant que la loi de finances initiale pour 2000 a marqué une rupture importante en situant les crédits de l'Espace militaire à un niveau à peine supérieur à 2 milliards de francs en autorisations de programme, le rapporteur pour avis s'est réjoui que le projet de budget pour 2001 rectifie cette inflexion exceptionnelle, liée pour une large part aux aléas de la coopération européenne. Il a qualifié de satisfaisant ce projet de budget, relevant notamment que les crédits consacrés à l'Espace militaire y bénéficient d'une augmentation significative, et que, par ailleurs, les enseignements du Kosovo ont été pris en considération.

Il a ensuite insisté sur le rattrapage budgétaire opéré par le projet de loi de finances pour 2001, les crédits de paiement étant revalorisés pour atteindre 3,3 % du montant des titres V et VI de la Défense, tout comme les autorisations de programme qui s'élèvent à 3,8 % de la dotation de ces titres. Il a jugé cette évolution d'autant plus satisfaisante que l'avenir reste préservé, le montant des crédits de paiement et autorisations de programme consacrés à la recherche demeurant relativement stable.

M. Bernard Grasset a cependant émis une certaine réserve quant à la baisse de la participation du ministère de la Défense au budget civil de recherche-développement (BCRD) pour l'exercice 2001. Considérant que la diminution du montant de ce transfert de 1,5 à 1,25 milliard de francs n'est pas négligeable, il n'en a pas moins regretté le maintien d'un versement dont la lisibilité, plus que le principe, est sujette à caution. Il a rappelé que cette imputation, essentiellement destinée aux recherches réalisées par le CNES, entre en contradiction avec les engagements de la loi de programmation militaire qui avait exclu toute contribution du ministère de la Défense au BCRD et que les dotations ainsi transférées ne bénéficient que partiellement à la recherche militaire.

Le rapporteur pour avis a exprimé son accord avec les orientations du projet de budget, à un moment où les Etats-Unis reviennent en force sur tous les créneaux du domaine spatial avec la volonté affichée de devenir hégémoniques d'ici 2005 et alors que certains pays, comme le Japon, la Chine ou l'Inde, confirment leurs ambitions et leur aptitude à venir concurrencer les programmes européens, aussi bien sur le plan des lanceurs que sur celui des satellites.

Il a reconnu les efforts des autres pays européens, qui ont notamment doté l'Agence Spatiale Européenne des moyens suffisants pour adapter Ariane 5 à la concurrence et pour engager une réflexion sur Galileosat, système de navigation par satellites concurrent du GPS américain et du Glonass russe. Mais il a souligné que ces pays investissaient davantage dans des programmes duaux à vocation majoritairement civile. Il a également observé que la coopération européenne semble changer de nature dans le domaine militaire, s'orientant désormais vers un usage opérationnel commun de filières nationales spécialisées plutôt que vers une conception et un financement conjoints d'un même système.

M. Bernard Grasset a fait valoir que ce contexte déterminait pour une large part les orientations spatiales françaises. Il a indiqué, à l'appui de ce constat, que notre pays devait assumer seul le financement de la relève de la filière d'observation optique Hélios, nos partenaires traditionnels ne souhaitant pas s'engager dans un programme qui ne leur accorderait pas les retombées industrielles de la maîtrise d'_uvre, ce qui se traduit par un niveau de crédits de paiement de 1 189 millions de francs pour le seul programme Hélios 2 au titre de l'année 2001. Il a ajouté que le renouvellement du système de télécommunications militaires spatiales Syracuse 2, s'effectuera sous maîtrise d'_uvre nationale dès 2002-2003, même si la France n'a pas pour autant renoncé à une coopération avec l'Allemagne au-delà de cette échéance, ce qui explique que 1 458 millions de francs d'autorisations de programme et 722 millions de francs de crédits de paiement soient inscrits au titre de ce programme dans le projet de budget.

Evoquant l'intérêt marqué de l'Allemagne et de l'Italie pour une coopération avec la France fondée sur un échange de capacités spatiales optiques et radar, il s'est prononcé en faveur de cette perspective, tout en exprimant quelques interrogations sur les moyens qu'Allemands et Italiens consacreront au développement de leurs programmes respectifs et sur le devenir des compétences industrielles françaises acquises grâce au développement préparatoire du programme Horus.

Le rapporteur pour avis a alors considéré que le Gouvernement veillait à préserver au mieux la position de pointe de la France dans la plupart des domaines de l'espace, y compris en ce qui concerne les programmes de cohérence et d'écoute électromagnétique. Il a précisé à cet égard que les efforts en la matière portent désormais sur la réalisation d'un essaim de microsatellites, dont le lancement est prévu pour 2004, alors que l'océanographie et la météorologie font l'objet d'un traitement favorable.

Abordant les mesures du projet de budget relatives aux systèmes de communication et aux moyens de renseignement, il s'est félicité que ces domaines continuent de recevoir une attention particulière.

Il a à cet égard mentionné le renouvellement et la modernisation des moyens de télécommunication et de transmission des forces, citant notamment la poursuite du programme de nouveau système de transmission MBTA destiné à l'armée de l'Air et pour lequel 426 millions de francs de crédits de paiement sont prévus. Il a également mentionné à ce propos les dotations significatives de l'armée de Terre en faveur des systèmes d'information, de télécommunication et de commandement (551,2 millions de francs d'autorisations de programme et 544 millions de francs de crédits de paiement) et l'augmentation très nette des crédits de la Marine pour ses systèmes de télécommunication et programmes spatiaux, les autorisations de programme demandées à ce titre s'élevant à un peu plus de 342 millions de francs alors que les crédits de paiement triplent à un peu plus de 683 millions de francs.

Le rapporteur pour avis a ajouté que les systèmes de recueil de renseignement seront eux aussi améliorés. Il a constaté avec satisfaction qu'un effort particulier était prévu en faveur des drones, conformément aux observations qu'il avait formulées dans son avis sur le projet de loi de finances pour l'année 2000.

Il a par ailleurs indiqué que, comme pour les exercices 1999 et 2000, le projet de loi de finances pour 2001 prévoyait une stabilité, voire dans certains cas une augmentation des crédits d'équipement et des crédits liés aux rémunérations et charges sociales des différents services de renseignement. Se référant à l'environnement international actuel et aux progrès technologiques en matière de renseignement, il a estimé que ces orientations allaient dans le bon sens, tout en se déclarant attentif à ce que la prochaine loi de programmation militaire les poursuive et les consolide. Se faisant l'écho de certains responsables de services qu'il avait entendus, il a regretté que la fonction du renseignement ne fasse pas l'objet d'une ligne budgétaire spécifique, gage de davantage de lisibilité et de cohérence.

M. Bernard Grasset a précisé que, contrairement à l'année passée, il avait effectivement pu rencontrer les directeurs de la DRM et de la DPSD ainsi que le directeur général de la DGSE. Il a déduit de ces entretiens que, même s'il demeure perfectible, le contrôle parlementaire en la matière n'est pas inexistant.

Concluant son intervention, le rapporteur pour avis a jugé satisfaisantes les mesures du projet de budget de la Défense, aussi bien pour ce qui concerne l'Espace que pour ce qui a trait aux Communications et au Renseignement. Il a convenu n'avoir pas porté une telle appréciation au cours des années précédentes. Il a alors proposé à la Commission de donner un avis favorable aux crédits de la Défense consacrés à l'Espace, aux Communications et au Renseignement pour 2001.

Soulignant que M. Bernard Grasset avait admis que l'augmentation des crédits de l'Espace pour 2001 ne faisait que compenser la faiblesse de ceux de 2000, M. René Galy-Dejean a estimé qu'aucun effort n'avait en réalité été fait en faveur de ce domaine, en dépit de son caractère essentiel pour la défense. Après avoir fait valoir que l'avenir des capacités militaires de la France se jouait dans l'espace, il a regretté la poursuite de la pratique consistant à inscrire au budget de la Défense des crédits de recherche duale sur lesquels le ministère de la Défense n'a aucune maîtrise et qui représentent, dans le projet de loi de finances pour 2001, 1,25 milliard de francs. Il a estimé que ce montant de crédits à destination uniquement civile devrait être défalqué du budget d'équipement de la Défense. Il a indiqué que, pour ces raisons, le groupe RPR voterait contre l'adoption des crédits destinés à l'Espace, aux Communications et au Renseignement.

M. René Galy-Dejean s'est par ailleurs interrogé sur l'efficacité comparée en matière satellitaire d'une démarche de coopération sur un même programme et d'une démarche qui se limite à la mise en commun des capacités de systèmes réalisés indépendamment.

Evoquant un article récent d'un éminent universitaire, M. Robert Poujade a souligné qu'il concluait que les capacités stratégiques européennes, de même que l'avenir du lanceur Ariane, seraient compromis si aucun effort significatif n'était entrepris en matière spatiale.

M. Guy-Michel Chauveau a rappelé que l'inscription de crédits destinés à l'aide à la reconversion de l'économie polynésienne dans le budget de la Défense n'avait pas non plus de lien avec les besoins des armées mais n'en traduisait pas moins les conséquences des décisions prises en matière de dissuasion. Il a jugé que le débat sur l'imputation de charges civiles au budget de la Défense existait de longue date mais qu'un consensus était apparu pour faire en sorte que les décideurs soient également les payeurs. Il s'est par ailleurs félicité de l'effort de recherche permis par les crédits de l'Espace dans le projet de budget, estimant que cet effort devrait être prolongé dans le cadre de la prochaine programmation.

Concernant la coopération spatiale européenne, M. Guy-Michel Chauveau a rappelé que les années récentes s'étaient traduites par d'importantes difficultés suite aux retraits allemands et italiens de plusieurs programmes. Il a souligné que, par contraste, la France n'avait cessé de faire en sorte que cette coopération retrouve son dynamisme, sans sous-estimer pour autant les choix difficiles auxquels était confrontée l'Allemagne. Il a estimé que la situation évoluait désormais en un sens positif.

M. Aloyse Warhouver a évoqué les difficultés, dues à la réglementation, relative à la protection des sites, que les opérateurs civils privés rencontraient pour la construction des infrastructures nécessaires aux communications hertziennes et les retards qui en résultaient, alors que le ministère de la Défense avait pu installer sans difficultés ses relais de transmission.

M. Bernard Grasset a souligné que, si l'effort de la France au sein de l'Europe était significatif, l'effort européen était en revanche globalement insuffisant, comme l'indiquent les chiffres suivants relatifs aux dépenses civiles et militaires dans le domaine de l'Espace : alors que les Etats-Unis dépensent pour ce secteur 165 milliards de francs par an et le Japon 16,6 milliards de francs, le Royaume-Uni lui consacre 1,8 milliard de francs, la France 14,5 milliards de francs, l'Italie 4,2 milliards de francs et l'Allemagne 5,8 milliards de francs. Certes, on observe actuellement une embellie dans la coopération européenne, due notamment au fait que l'Allemagne a été peu satisfaite de la qualité du renseignement d'origine satellitaire que les Etats-Unis lui ont donné pendant le conflit du Kosovo, mais il faut être conscient qu'à moins d'un effort significatif, il n'y aura plus de politique spatiale européenne crédible dans vingt ans. S'agissant de la mise en commun des capacités radar et optiques, elle est aujourd'hui techniquement faisable du fait des progrès dans le domaine du numérique.

Par ailleurs, M. Bernard Grasset a estimé que le transfert d'une dotation du ministère de la Défense vers le CNES pouvait s'expliquer notamment par l'utilisation de lanceurs civils pour placer sur orbite des satellites militaires.

La Commission a alors émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la Défense pour 2001 consacrés à l'Espace, aux Communications et au Renseignement.

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Au cours de sa réunion du 25 octobre 2000, la Commission de la Défense a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la Défense pour 2001, les membres des groupes RPR, UDF et DL votant contre.

2627-03 Avis de M. Bernard Grasset (commission de la défense) sur le projet de loi de finances pour 2001 : Espace, communication et renseignement

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Avis n° 1864 présenté au nom de la Commission de la Défense nationale et des Forces armées sur le projet de loi de finances pour 2000, tome III, espace, communications et renseignement, par M. Bernard Grasset, XIème législature.