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le 20 octobre 2000

N° 2624

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

    ONZIÈME LÉGISLATURE

    Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2000.

RAPPORT

FAIT

    AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (1) SUR
    LE PROJET DE
    loi de finances pour 2001 (n°2585),

PAR M. DIDIER MIGAUD,

Rapporteur Général,

Député.

--

ANNEXE N° 34


JUSTICE


Rapporteur spécial : M. Patrick DEVEDJIAN

Député

____

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

                      Lois de finances.

La commission des finances, de l'économie générale et du plan est composée de :  M. Henri Emmanuelli, président ; M. Didier Migaud, rapporteur général ; MM. Michel Bouvard, Jean-Pierre Brard, Yves Tavernier, vice-présidents, MM. Pierre Bourguignon, Jean-Jacques Jégou, Michel Suchod, secrétaires ; MM.  Maurice Adevah-Poeuf, Philippe Auberger, François d'Aubert, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, François Baroin, Alain Barrau, Jacques Barrot, Christian Bergelin, Éric Besson, Alain Bocquet, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Mme Nicole Bricq, MM. Christian Cabal, Jérôme Cahuzac, Thierry Carcenac, Gilles Carrez, Henry Chabert, Didier Chouat, Alain Claeys, Yves Cochet, Charles de Courson, Christian Cuvilliez, Arthur Dehaine, Jean-Pierre Delalande, Francis Delattre, Yves Deniaud, Michel Destot, Patrick Devedjian, Laurent Dominati, Julien Dray, Tony Dreyfus, Jean-Louis Dumont, Daniel Feurtet, Pierre Forgues, Gérard Fuchs, Gilbert Gantier, Jean de Gaulle, Hervé Gaymard, Jacques Guyard, Pierre Hériaud, Edmond Hervé, Jean-Louis Idiart, Mme Anne-Marie Idrac, MM. Michel Inchauspé, Jean-Pierre Kucheida, Marc Laffineur, Jean-Marie Le Guen, Guy Lengagne, Maurice Ligot, François Loos, Alain Madelin, Mme Béatrice Marre, MM. Pierre Méhaignerie, Louis Mexandeau, Gilbert Mitterrand, Alain Rodet, José Rossi, Nicolas Sarkozy, Gérard Saumade, Philippe Séguin, Georges Tron, Jean Vila.

INTRODUCTION 9

DES PROGRÈS NOTABLES 9

UNE TENDANCE À LONG TERME D'AUGMENTATION DES MOYENS 10

UNE PROGRESSION DES CRÉDITS QUI NE DISPENSE PAS D'UNE RÉFORME DE L'ORGANISATION TOUJOURS ATTENDUE 11

UNE AUGMENTATION DES DOTATIONS TRÈS INSUFFISANTE AU REGARD DES BESOINS NÉS DES RÉFORMES LÉGISLATIVES 14

LES CHANGEMENTS DE NOMENCLATURE DU PROJET DE LOI DE FINANCES 18

SYNTHÈSE  : LES CRÉDITS DE LA JUSTICE POUR 2001 19

CHAPITRE PREMIER : L'EXÉCUTION DES BUDGETS 1999 ET 2000 21

I.- L'EXERCICE 1999 21

II.- L'EXERCICE 2000 23

CHAPITRE II : L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET L'INFORMATIQUE 29

I.- L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE 29

A.- LA PROGRESSION DES MOYENS 29

B.- DES FONCTIONS DE GESTION DISPERSÉES 30

II.- L'INFORMATIQUE 31

A.- LES PROGRAMMES D'ÉQUIPEMENT INFORMATIQUE DE LA JUSTICE 31

1.- L'organisation de la fonction informatique au sein du ministère
de la justice 32

2.- La mise en _uvre d'un nouveau schéma directeur 33

3.- L'informatique judiciaire 35

    a) L'informatique nationale et l'informatique d'initiative locale 35

    b) L'informatique pénale 36

    c) L'informatique civile 37

4.- L'informatique pénitentiaire 38

B.- DES MOYENS EN PROGRESSION 39

CHAPITRE III : LES SERVICES JUDICIAIRES 41

I.- L'ÉVOLUTION DE L'ACTIVITÉ JUDICIAIRE EN 1999 42

A.- LES JURIDICTIONS CIVILES 42

B.- LES JURIDICTIONS PÉNALES 47

C.- UNE BAISSE INQUIÉTANTE DE LA PRODUCTIVITÉ DES JURIDICTIONS 47

II.- LES RESSOURCES HUMAINES 48

A.- LES EFFECTIFS 49

1.- Les magistrats 49

    a) Des magistrats plus nombreux 49

    b) Des effectifs mieux gérés 53

    c) Des assistants de justice en nombre 54

2.- Le personnel des greffes judiciaires 55

    a) Les effectifs de fonctionnaires et d'agents de justice 55

    b) La réforme du corps des greffiers 58

B.- LES RÉMUNÉRATIONS 59

III.- LES MOYENS DE FONCTIONNEMENT 60

A.- LE FONCTIONNEMENT MATÉRIEL DES SERVICES JUDICIAIRES 60

1.- La réforme de la gestion 60

2.- Une progression des moyens 63

B.- LES CHAPITRES ÉVALUATIFS DES FRAIS DE JUSTICE ET DES RÉPARATIONS CIVILES :  L'AMORCE D'UNE INVERSION DE TENDANCE ? 63

1.- Une baisse inédite de la dotation pour frais de justice 64

    a) Une forte croissance jusqu'en 1998 64

    b) L'amorce confirmée d'un ralentissement 65

2.- Les réparations civiles 68

C.- L'AIDE JURIDIQUE 70

1.- L'aide juridictionnelle :  un dispositif victime de son succès 70

    a) Une adaptation régulière 70

    b) Un ralentissement des demandes 73

    c) Une stabilisation de la dotation 75

2.- L'accès au droit 77

    a) Le dispositif légal et réglementaire 77

    b) Les moyens financiers et humains de sa mise en _uvre 78

3.- L'intervention de l'avocat au cours de la garde à vue 79

IV.- L'ÉQUIPEMENT JUDICIAIRE 81

A.- UNE SUCCESSION DE PROGRAMMES PLURIANNUELS 81

B.- LE PROGRAMME PLURIANNUEL D'ÉQUIPEMENT 85

C.- LES OPÉRATIONS DÉCONCENTRÉES 86

D.- LE PALAIS DE JUSTICE DE PARIS 88

CHAPITRE IV : LES SERVICES PÉNITENTIAIRES 91

I.- LA PRISE EN CHARGE DE LA POPULATION PÉNALE 92

A.- L'INFLATION CARCÉRALE MAÎTRISÉE ? 92

1.- L'évolution générale 92

2.- La population condamnée 95

3.- La population des prévenus 96

B.- LE DÉVELOPPEMENT DU « MILIEU OUVERT » 98

1.- L'évolution de la population prise en charge 98

2.- L'enrichissement des dispositifs existants 100

3.- Le renforcement des moyens des services d'insertion
et de probation 101

4.- Le développement de la surveillance électronique 102

II.- LES PERSONNELS PÉNITENTIAIRES 104

A.- UNE AUGMENTATION DES MOYENS 105

1.- La progression des effectifs 105

2.- L'amélioration des situations statutaires et indemnitaires 108

    a ) Les modifications statutaires 108

    b) Les revalorisations indemnitaires 109

B.- DES PROBLÈMES RÉCURRENTS DE GESTION 111

1.- Des vacances de postes préjudiciables au fonctionnement
du service public 111

2.- Des difficultés de recrutement 112

3.- La nécessaire poursuite de la réforme des modes de gestion 113

    a) L'amélioration du suivi des effectifs 113

    b) La déconcentration et la gestion prévisionnelle des emplois 114

III.- L'ÉQUIPEMENT PÉNITENTIAIRE 115

A.- UN PARC PÉNITENTIAIRE SOUS-DIMENSIONNÉ ET INADAPTÉ 115

1.- Un parc pendant longtemps délaissé 115

2.- Un parc vétuste, dégradé et inadapté 116

3.- Un parc à moderniser 116

    a) Les rénovations 116

    b) Les constructions 118

B.- DES VOLUMES DE CRÉDITS TRÈS IMPORTANTS 120

CHAPITRE V : LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE 124

I.- LA PRISE EN CHARGE DES JEUNES 124

A.- LA POPULATION PRISE EN CHARGE 124

1.- Les mineurs incarcérés 125

2.- Les mineurs en difficulté 125

B.- LES MODES D'ACTION DE LA PROTECTION JUDICIAIRE
DE LA JEUNESSE
126

1.- Les mesures d'investigation 127

2.- Les modalités de la prise en charge des jeunes en difficulté 127

II.- LES MOYENS DE FONCTIONNEMENT 131

A.- LES MOYENS HUMAINS 131

1.- Les effectifs 131

2.- Les mesures indemnitaires et statutaires 134

B.- LES MOYENS MATÉRIELS DE FONCTIONNEMENT 134

III.- LES INVESTISSEMENTS 135

CHAPITRE VI : LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES 137

I.- UNE ACTIVITÉ EN AUGMENTATION CONSTANTE 138

A.- LES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS 140

B.- LES COURS ADMINISTRATIVES D'APPEL 141

C.- LE CONSEIL D'ÉTAT 143

II.- DES MOYENS DE FONCTIONNEMENT RENFORCÉS 144

A.- LES RESSOURCES HUMAINES :  UNE PROGRESSION SENSIBLE
DES EFFECTIFS CONFIRMÉE EN 2001
144

1.- Les effectifs 145

    a) Les magistrats 145

    b) Le personnel des greffes 148

2.- Statut et rémunérations 149

    a) La réforme du statut des magistrats 149

    b) Les rémunérations 151

B.- LES MOYENS DE FONCTIONNEMENT MATÉRIEL 152

III.- LES INVESTISSEMENTS 154

A.- LES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS ET LES COURS ADMINISTRATIVES D'APPEL 154

B.- LE CONSEIL D'ÉTAT 155

EXAMEN EN COMMISSION 157

ARTICLE 61 : Revalorisation des plafonds d'admission à l'aide juridictionnelle 151

LAISSER LA PAGE BLANCHEINTRODUCTION

La nouvelle progression des crédits consacrés à la justice ne peut être que saluée et ce d'autant plus qu'elle poursuit une tendance inscrite dans le long terme. Elle ne saurait cependant masquer les difficultés d'organisation et les pesanteurs.

    DES PROGRÈS NOTABLES

En 2001, le budget de la justice progressera de 6,35 % par rapport à la loi de finances pour 2000 pour atteindre 29 milliards de francs, au lieu de 27,3 milliards de francs un an auparavant. Il représentera ainsi 1,68 % du budget de l'État () au lieu de 1,62 % en 2000. Cette progression des crédits initiaux qui succède à celles de 1998, 1999 et 2000 s'accompagne de la création de 1.550 emplois, ramenée à 1.378 en net. À structure constante, c'est-à-dire après neutralisation des transferts entre sections et notamment de l'intégration de la part employeur des cotisations d'assurance maladie (), les crédits de la justice pour 2001 s'élèveront à 28,15 milliards de francs, soit une progression de 3,11 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2000. Le budget de la justice, après transferts, atteindra ainsi 4,43 milliards d'euros. Les autorisations de programme progresseront de 1.578 millions de francs à 1.748 millions de francs, soit une augmentation de 10,9 %.

Il faut bien évidemment se féliciter de l'effort poursuivi. Mais on ne peut s'empêcher de souligner que ces progrès s'inscrivent dans une tendance à long terme d'augmentation des moyens de la justice, pendant trop longtemps négligés et sous-évalués. Il convient également de relever que nombre de mesures n'interviennent que sous l'influence de la pression de l'opinion publique, au coup par coup, au fil des indignations et des mouvements sociaux.

Ainsi en a-t-il été de l'augmentation des effectifs de magistrats commandée par des grèves dans les prétoires. Ainsi en est-il de l'amélioration de la situation des prisonniers, soudainement placée au centre des préoccupations au moment où des professionnels du monde pénitentiaire témoignaient de l'état réel de nos prisons.

    UNE TENDANCE À LONG TERME D'AUGMENTATION DES MOYENS

À plusieurs reprises, votre Rapporteur spécial a précisé que l'augmentation des crédits constatée ces dernières années s'inscrivait dans une tendance générale à la progression des moyens accordés à la justice depuis le début des années 1960. Le projet de budget pour 2001 ne déroge pas à cette règle.

Dans un article récent, l'ancien directeur adjoint de l'administration générale et de l'équipement du ministère de la justice () résumait l'évolution des quarante dernières années par ces trois caractéristiques :  croissance des budgets, croissance des missions, croissance de l'activité. Quelques chiffres méritent, à ce titre, d'être rappelés. La part du budget de la justice dans le budget de l'État est passée de 0,65 % en 1965 à 1,05 % en 1981 et à 1,56 % en 1999. Globalement, entre 1981 et 1999, le budget a été multiplié par quatre en francs courants et par deux en francs constants. Sur la période 1960-1999, les effectifs ont progressé de 16.456 emplois à 61.794 emplois.

Votre Rapporteur spécial a, également à plusieurs occasions, souligné la faiblesse de la marge de man_uvre budgétaire. En effet, si les dépenses de rémunérations représentaient 75 % du budget dans les années 1960, elles en constituent encore aujourd'hui près de 60 %. Les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'intervention, si elles ont progressé, restent encore relativement limitées (respectivement 29 % et 6,6 %). Encore convient-il de relever que ces dépenses intègrent elles-mêmes des composantes particulièrement rigides à la baisse :  dépenses d'entretien des détenus, frais de justice, aide juridique, etc.

En outre, l'examen à long terme de l'évolution des crédits de la justice tend à relativiser les indéniables progrès enregistrés dans le présent projet de budget. En effet, la part relative des secteurs majeurs que constituent les services judiciaires, l'administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse tend à baisser, au profit des juridictions administratives rattachées au budget de la justice en 1990, mais surtout au bénéfice des crédits d'administration centrale. Or, cette évolution traduit le poids croissant de la charge des pensions de retraite, qui représente en 1999, près de 10 % du total du budget et qui préempte systématiquement une partie importante des moyens nouveaux.

DÉPENSES ORDINAIRES ET CRÉDITS DE PAIEMENTS DE 1993 À 1999

DOTATIONS EN LOIS DE FINANCES INITIALES ET CRÉDITS OUVERTS
(en milliards de francs)

    UNE PROGRESSION DES CRÉDITS QUI NE DISPENSE PAS D'UNE RÉFORME DE L'ORGANISATION TOUJOURS ATTENDUE

Comme le souligne l'ancien directeur adjoint de l'administration générale du ministère dans l'article précité, de « nombreuses mesures budgétaires - tant en emplois qu'en crédits - sont marquées par une sous-évaluation ou même une absence d'évaluation de l'impact de réformes tant de structure (...) que de législation (...) ». Les réformes en cours n'échappent pas à la règle. L'augmentation des moyens n'est rien sans une organisation plus efficace et plus rationnelle. Or, comme votre Rapporteur spécial l'a rappelé dans son récent rapport sur la réforme de la justice (), sans réforme de la carte judiciaire, aucune progression des crédits, aussi importante soit-elle, ne parviendra à améliorer le fonctionnement de notre justice. Or, la réforme de la carte judiciaire est de nouveau la grande absente du projet de loi de finances.

De fait, seule la loi de programme n° 95-9 du 6 janvier 1995 relative à la justice, initiée par M. Pierre Méhaignerie, avait, parallèlement à l'accroissement programmé des crédits, prévu des réformes d'organisation :  développement des modes alternatifs à l'incarcération, nouveaux modes de règlement des litiges (médiation, conciliation), transfert de certaines fonctions des juges aux greffiers, institution des assistants de justice, chambres détachées des juridictions,... et surtout création des services d'administration régionaux, véritable révolution dans l'univers judiciaire. Il convient de poursuivre cet effort. La nécessaire revalorisation du statut du magistrat, par exemple, pourrait trouver une contrepartie utile dans l'amélioration de leur évaluation, déjà préconisée par votre Rapporteur spécial.

De fait, l'augmentation continue des moyens enregistrée ces dernières années, comme le montre le graphique ci-dessus, ne parvient pas à dépasser le malaise qui traverse la justice. De manière plus générale, on peut regretter que les résultats obtenus en matière d'augmentation des effectifs, en particulier dans les services judiciaires, ne s'accompagnent pas d'une amélioration réelle du fonctionnement quotidien et, ce, à cause d'une progression des moyens de fonctionnement qui ne suit pas le renforcement des ressources humaines. Il conviendrait d'organiser une nouvelle programmation, qui, par exemple, pourrait permettre d'allouer 12 milliards de francs sur cinq ans à l'amélioration de la justice au quotidien.

Il faut bien constater que les délais de jugement ne se sont pas globalement réduits. L'élargissement, souhaitable, de l'accès au droit se fait largement grâce aux efforts des auxiliaires de justice, et indirectement de leurs clients solvables, et bien peu grâce au soutien financier de l'État, alors même que cette mission ressortit de la solidarité nationale. Quant au développement d'une « justice de proximité », si elle peut entrer en contradiction profonde avec la notion d'universalité de la justice, voire avec l'autorité de la loi, elle se traduit indubitablement par une dilution de moyens qui mériteraient d'être concentrés dans les juridictions. Par ailleurs, il faut prendre garde à ce que l'augmentation des moyens de la justice pénale, justifiée par de nouvelles dispositions, ne se fasse au détriment de la justice civile, qui souffre déjà de lenteurs importantes.

Un exemple emblématique de cette contradiction entre augmentation des effectifs et permanence des dysfonctionnements quotidiens peut être recherché dans l'évolution de l'aide juridictionnelle, domaine de la justice où, comme dans de nombreux autres, les moyens semblent toujours en décalage par rapport aux avancées législatives. Ainsi, la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et des droits des victimes va avoir des conséquences très importantes sur les besoins d'aide juridictionnelle en élargissant les obligations de présence d'un avocat lors des gardes à vue. De la même façon, de nombreuses missions nouvelles imposées aux avocats ne sont pas prises en compte dans le mécanisme de l'aide juridictionnelle ; c'est le cas par exemple de la présence obligatoire d'un avocat dans les nouvelles procédures de placement sous surveillance électronique ; c'est également le cas lorsqu'un avocat parvient à convaincre un juge d'instruction de ne pas mettre son client en prison avant qu'un débat contradictoire ne soit organisé ; c'est encore le cas lorsqu'un avocat commis d'office voit, grâce à son intervention, son client placé en détention provisoire libéré si ce dernier ne constitue pas de dossier d'aide juridictionnelle. Or, la dotation du chapitre consacré à l'aide juridictionnelle stagnera en 2001. Même si ce chapitre est évaluatif et peut être abondé en cours d'année, on peut s'inquiéter de cette situation.

Votre Rapporteur spécial tient à souligner les progrès qui résultent de la réalisation, pour la première fois en 1999, d'un compte rendu de gestion budgétaire. On peut regretter néanmoins que les informations soient d'une précision inégale selon les secteurs concernés, notamment pour les juridictions administratives. On pourra également constater, comme votre Rapporteur spécial l'avait fait l'an passé, qu'aucune statistique de productivité et de délai de jugement n'est fournie pour la Cour de cassation. L'exercice, particulièrement intéressant, mériterait ainsi d'être enrichi, notamment par des comparaisons sur une plus longue durée et par des données sur le patrimoine et les investissements.

    UNE AUGMENTATION DES DOTATIONS TRÈS INSUFFISANTE AU REGARD DES BESOINS NÉS DES RÉFORMES LÉGISLATIVES

Il est à craindre que la croissance des crédits et des effectifs proposée par le présent projet de budget ne s'avère de nouveau insuffisante face à la multiplication des besoins issus des réformes législatives récentes.

Ainsi, les modifications introduites par la loi du 15 juin 2000 précitée et relative au renforcement de la protection de la présomption d'innocence sont d'une ampleur telle qu'elles auraient mérité une progression des moyens bien supérieure à celle inscrite pour 2001. La création nette de 307 postes de magistrats et de 207 emplois de fonctionnaires dans les greffes suffira-t-elle à faire face à l'instauration d'un juge de la liberté et de la détention, à la mise en place d'un appel des décisions des cours d'assises et au transfert de l'ensemble de l'application des peines aux magistrats ? Le simple redéploiement des crédits de l'aide juridique, dont l'enveloppe initiale reste constante (chapitre 46-12), offrira-t-il les moyens suffisants au financement, en premier lieu, de la multiplication des interventions des avocats durant les gardes à vue, en deuxième lieu, des conséquences de l'institution d'une voie de recours en matière criminelle et, en troisième lieu, de la juridictionnalisation complète de l'application des peines ? Et que dire lorsqu'on complète ces mesures par la résorption du stock des affaires criminelles nécessaire à la réforme de la justice criminelle ?

De la même façon, si la baisse de la dotation consacrée aux frais de justice (chapitre 37-11) de 1.886 millions de francs à 1.846 millions de francs résulte de la diminution des besoins prévisibles en 2001 à législation constante, comment cette réduction parviendra-t-elle à financer, d'une part, l'accroissement des besoins nés de l'institution d'un appel en matière criminelle et relatifs à l'indemnisation des jurés, et d'autre part, les nouvelles mesures d'investigation concernant les victimes ?

Si on peut douter du caractère suffisant du nombre de créations de postes de magistrats et de fonctionnaires de greffe et des redéploiements internes aux chapitres des frais de justice et de l'aide juridique pour faire face aux seules conséquences de la loi du 25 juin 2000, comment ne pas a fortiori émettre les plus vives inquiétudes lorsqu'on ajoute à ces échéances les départs naturels à la retraite des personnels, les modifications du statut des magistrats, la mise en place de la mixité dans les tribunaux de commerce et la réforme de la prestation compensatoire ? On pourrait appliquer au budget de la justice pour 2001 ce que Margaret Thatcher dit dans un entretien télévisé en 1980 : « No one would remember the Good Samaritan if he'd only had good intentions. He had money as well. » () 

La seule liste des objectifs, retracée ci-dessous, que le ministère de la justice se fixe suffit à éclairer la disproportion entre les moyens proposés par le présent projet de budget et les besoins du ministère de la justice.

RÉPARTITION DES CRÉDITS OUVERTS PAR AGRÉGAT

(en millions de francs)

Agrégats

Objectifs

Administration générale

- adapter l'évolution des normes et de la procédure en matière pénale et civile à l'évolution de la société

Services judiciaires

- faciliter l'accès au droit et à la justice

- améliorer la prise en charge des détenus

- augmenter et diversifier le taux de réponse judiciaire

- renforcer les structures de traitement de certains contentieux, notamment économiques, financiers et commerciaux

- réduire les délais de réponse judiciaire

- accroître l'effectivité des décisions judiciaires

- réduire la durée de la détention provisoire

- augmenter le recours à l'alternative à l'incarcération

- rationaliser la carte judiciaire

- améliorer la productivité des services

Services pénitentiaires

- réduire la densité carcérale dans les établissements pénitentiaires et améliorer l'encadrement des détenus

- réduire le nombre d'incidents en détention

- favoriser les alternatives à la détention et réduire le nombre de journées de détention

- développer les activités de réinsertion et prévenir les risques de récidive

- améliorer les conditions de vie et d'hébergement des détenus

- améliorer la prise en charge des mineurs

- améliorer la prise en charge sanitaire des détenus

- poursuivre les actions de mise aux normes d'hygiène et de sécurité

- augmenter le nombre de places en détention et remédier à la vétusté du parc pénitentiaire

- rationaliser le coût de la journée de détention

Protection judiciaire de la jeunesse

- répondre systématiquement à tous les actes de primo-délinquance

- répondre aux besoins de prise en charge immédiate et renforcée des mineurs délinquants et des adolescents en grande difficulté

- améliorer la rapidité de la prise en charge des mineurs

- permettre l'insertion sociale, scolaire et professionnelle

- participer à des dispositifs partenariaux

- rénover et entretenir le patrimoine immobilier

- rationaliser la gestion

Juridictions administratives

- réduire les délais de jugement

- maintenir la qualité des jugements rendus

- améliorer la productivité des services

Source :  d'après le compte rendu de gestion budgétaire Justice, 1999.

 

ÉVOLUTION ET PART RELATIVE DES CRÉDITS DE PAIEMENT PAR SERVICES DEPUIS 1997

(en millions de francs)

 

Crédits de paiement LFI 1998

Part relative (en %)

Variation

1998/1997 (en %)

Crédits de PaiementLFI 1999

Part relative (en %)

Variation

1999/1998 (en %)

Crédits de Paiement LFI 2000

Part relative (en %)

Variation 2000/1999 (en %)

Crédits de Paiement LFI 2001

Part relative (en %)

Variation 2001/2000 (en %)

 

Services judiciaires

11.038,8

44,39

4,71

11.667,9

44,42

5,70

11.743

43,02

0,64

12.208

43,37

3,96

Services pénitentiaires

7.015,5

28,21

3,52

7.421,9

28,26

5,79

7.858

28,78

5,88

7.896

28,05

0,48

Administration centrale et services communs

3.320,8

13,35

2,52

3.439,4

13,1

3,57

3.514

12,87

2,17

3.611

12,83

2,76

Protection judiciaire de la jeunesse

2.603,8

10,47

4,14

2770,9

8,65

10,55

3.179

11,65

14,73

3.412

12,12

7,33

Conseil d'État et juridictions administratives

735,3

2,96

7,80

810

3,08

7,53

846

3,10

4,44

845

3

-0,12

Autres (1)

154,4

0,62

- 4,87

154,7

0,59

0,19

158

0,58

2,13

174

0,62

10,13

Total

24.868,6

100

4,03

26.264,8

100

5,61

27.299

100

3,94

28.146

100

3,10

 

(1) Ordre de la Libération, Ordre de la Légion d'honneur, Commission nationale de l'informatique et des libertés, Commission nationale des comptes de
campagne et des financements politiques, Budget civil de recherche et développement
.

Source :  ministère de la justice.

EFFECTIFS BUDGÉTAIRES DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE DE 1990 À 2001

 

Effectifs

1990

Effectifs

1991

Effectifs

1992

Effectifs

1993

Effectifs

1994

Effectifs

1995

Effectifs

1996

Effectifs

1997

Effectifs

1998

Effectifs

1999

Effectifs

2000

Effectifs

2001

Total des effectifs

53.824

56.085

56.628

57.207

57.707

58.361

59.775

60.102

60.864

61.794

63.031

64.409

dont CNIL et Recherche

39

44

48

52

54

55

55

56

57

57

58

70

Administration centrale
et services extérieurs communs

2.516

2.587

2.726

1.798

1.814

1.800

1.806

1.763

1.763

1.770

1.780

1.802

1. Administration centrale

1.464

1.490

1.527

1.575

1.605

1.590

1.592

1.554

1.553

1.560

1.574

1.596

2. Services extérieurs communs (1)

1.052

1.097

1.199

223

209

210

214

209

210

210

206

206

Services judiciaires

24.045

24.535

24.560

24.558

24.590

24.668

25.194

25.290

25.590

25.916

26.290

26.803

1. Magistrats

5.856

5.901

5.909

5.934

5.974

6.029

6.087

6.117

6.187

6.327

6.539

6.846

2. Fonctionnaires

18.189

18.634

18.651

18.624

18.616

18.639

19.107

19.173

19.403

19.589

19.751

19.957

Administration pénitentiaire

20.663

21.631

21.927

23.071

23.476

23.899

24.619

24.786

25.086

25.474

25.868

26.233

1. Personnel de surveillance

16.965

17.791

18.135

18.470

18.795

19.146

19.622

19.727

19.771

19.987

20.256

20.529

2. Autres

3.698

3.840

3.792

4.601

4.681

4.753

4.997

5.059

5.315

5.487

5.612

5.704

Protection judiciaire de la jeunesse

5.545

5.601

5.606

5.894

5.889

5.978

6.085

6.145

6.245

6.393

6.768

7.144

1. Personnel de surveillance

3.046

3.082

3.113

3.203

3.213

3.265

3.327

3.394

3.452

3.572

3.865

4.105

2. Autres

2.499

2.519

2.493

2.691

2.676

2.713

2.758

2.751

2.793

2.821

2.903

3.039

Juridictions administratives

1.016

1.687

1.761

1.834

1.884

1.961

2.016

2.062

2.123

2.184

2.267

2.357

1. Magistrats

741

768

779

789

800

822

842

858

879

900

940

981

2. Fonctionnaires

275

919

982

1.045

1.084

1.139

1.174

1.204

1.244

1.284

1.327

1.376

NB :  Depuis septembre 1997 le ministère de la justice n'est plus soumis à aucune mise en réserve d'emplois vacants, disposant ainsi de l'intégralité des emplois budgétaires.

(1) En 1993, les emplois d'assistants sociaux et d'infirmiers ont été transférés aux services pénitentiaires et à la protection judiciaire de la jeunesse, directions affectataires de ces emplois.

(2) Dans le projet de loi de finances pour 2001, compte tenu de la transformation de l'École nationale d'administration pénitentiaire en établissement public à compter du 1er janvier 2001, 171 emplois des services pénitentiaires ont changé d'imputation budgétaire (passage du chapitre 31-90 article 40 au chapitre 36-10, article 51).

    LES CHANGEMENTS DE NOMENCLATURE DU PROJET DE LOI DE FINANCES

Les modifications de nomenclature proposées par le présent projet de loi de finances sont limitées.

Il est ainsi demandé de rapatrier les crédits de vacations des services pénitentiaires, actuellement en septième partie sur le chapitre 37-98, sur le chapitre 31-96 - Personnel. Rémunérations d'activité, afin de respecter la logique de la nomenclature budgétaire. Par ailleurs, un nouvel article 51 est créé sur le chapitre 36-10 - Subvention de fonctionnement aux établissements publics et aux budgets annexes compte tenu de la transformation, le 1er janvier 2001, de l'École nationale de l'administration pénitentiaire en établissement public.

Par ailleurs, l'intitulé « Indemnisation de certaines personnes détenues provisoirement » de l'article 64 du chapitre 37-11 - Frais de justice est modifié pour devenir « Indemnisation des personnes ayant bénéficié d'une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement. Il s'agit de tenir compte de la loi précitée du 15 juin 2000. Est également modifié l'intitulé du chapitre 37-33 - Services de la protection judiciaire de la jeunesse. Remboursement des prestations effectuées par le secteur habilité ou conventionné. En effet, il s'agit moins de remboursements que d'un paiement des prestations de service assurées par ces organismes. C'est pourquoi l'intitulé devient « Services de la protection judiciaire de la jeunesse. Prestations effectuées par le secteur habilité ou conventionné ».

Un article 40 est créé sur le chapitre 66-20 - Subventions d'équipement pour établissements post-pénaux et sanitaires en vue de permettre à la direction de l'administration pénitentiaire de verser des subventions d'équipement pour les établissements pénitentiaires des collectivités de Mayotte et de Wallis-et-Futuna.

        LES CRÉDITS DE LA JUSTICE POUR 2001

    En 2001, le budget de la justice progressera de 6,35 % par rapport à la loi de finances pour 2000 pour atteindre 29,03 milliards de francs (4,43 milliards d'euros). À structure constante, la progression est limitée à 3,1 %. Le budget représentera ainsi 1,68 % du budget de l'État. Les autorisations de programme progresseront de 1.578 millions de francs (240,56 millions d'euros) à 1.748 millions de francs (266,48 millions d'euros), soit une progression de 10,9 %. Cette augmentation des crédits initiaux qui succède à celles de 1998, 1999 et 2000 s'accompagne de la création brute de 1.550 emplois, ramenée à 1.378 en net, compte tenu, notamment, du transfert de 171 emplois à l'École nationale de l'administration pénitentiaire, qui sera érigée, le 1er janvier 2001, en établissement public.

    12,2 milliards de francs (1,86 milliard d'euros), soit 43,4 % du budget total seront consacrés aux services judiciaires. 525 emplois seront créés, dont 307 emplois de magistrats et 218 emplois de fonctionnaires. Compte tenu des transferts, les créations nettes atteindront 513 postes. 40 millions de francs (6,10 millions d'euros) sont provisionnés pour la réforme de la carrière des magistrats. Les frais de justice diminuent pour la première fois depuis des années pour atteindre 1.818 millions de francs (277,15 millions d'euros) ; la dotation de l'aide juridique reste stable à 1.544 millions de francs (235,38 millions d'euros). Les crédits de paiement pour dépenses en capital s'élèveront à 756,4 millions de francs (115,31 millions d'euros) pour 2001, soit une progression de 29,19 % par rapport à 2000. Parallèlement, les autorisations de programme baissent de 805 à 763 millions de francs (116,32 millions d'euros), soit une réduction de 2,73 %.

    Les services pénitentiaires absorberont 7,9 milliards de francs, soit 28,1 % du total des crédits de la justice. 365 créations d'emplois nettes sont prévues en 2001. 844 millions de francs (128,67 millions d'euros) d'autorisations de programme sont demandées, au lieu de 614 millions de francs (93,6 millions d'euros) dans la loi de finances pour 2000. 5 grands établissements seront rénovés, 6 prisons sont en cours de construction, la construction de 3 nouvelles prisons sera lancée.

    La protection judiciaire de la jeunesse bénéficiera de 3,4 milliards de francs (0,52 milliard d'euros), soit 12,1 % du budget. 376 créations nettes d'emplois sont proposées.

    La dotation du Conseil d'État et des juridictions administratives atteindra 845 millions de francs (128,82 millions d'euros), soit 3 % du budget. 90 emplois seront créés, dont 41 emplois de magistrats.

    Enfin, l'administration et les services communs verront leurs crédits portés à 7,9 milliards de francs (1,20 milliard d'euros), soit 12,8 % du total des crédits de la justice.

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CHAPITRE PREMIER

L'EXÉCUTION DES BUDGETS 1999 ET 2000

L'exécution 1999 a été défavorable par rapport à la loi de finances initiale. En effet, 26,06 milliards ont été ouverts in fine, tandis que la loi de finances initiale avait prévu 26,26 milliards de francs. L'exercice 2000 s'annonce plus favorable. Au 31 août 2000, 27,5 milliards de francs avaient été ouverts au lieu de 27,3 milliards de francs adoptés dans la loi de finances initiale pour 2000.

I.- L'EXERCICE 1999

Pour l'exercice 1999, le ministère de la justice a bénéficié d'une ressource globale de 26.063 millions de francs, soit une baisse de 0,77 % en valeur relative et de 201,8 millions de francs en valeur absolue par rapport à la loi de finances initiale (26.264,9 millions de francs). Cette évolution prend en compte, à titre principal : 

· les transferts traditionnels des charges de pensions civiles sur le budget des charges communes à hauteur de 2.569,8 millions de francs et des crédits pour les cotisations sociales maladie à hauteur de 810 millions de francs ;

· l'ouverture, par arrêté de répartition de fin d'année, de 150 millions de francs en crédits de paiement pour le nouveau tribunal de grande instance de Paris et le nouvel établissement pénitentiaire de La Réunion ;

· l'ouverture de 44 millions de francs de fonds de concours ;

· le report, de 1998 à 1999, de 1.290 millions de francs, dont 639 millions de francs en crédits de paiement pour l'équipement et 651 millions de francs de crédits pour dépenses ordinaires ;

Le tableau ci-dessous retrace les principales évolutions par agrégat : 

RÉPARTITION DES CRÉDITS OUVERTS PAR AGRÉGAT EN 1999

(en millions de francs)

Libellé des agrégats

Loi de finances initiale pour 1999

Modifications

Total

Services judiciaires

11.667,9

1.256,8

12.924,7

Juridictions administratives

810,0

77,3

887,3

Services pénitentiaires

7.421,9

621,7

8.043,6

Protection judiciaire de la jeunesse

2.771,0

221,3

2.992,3

Administration générale

3.594,1

- 2.378,9

1.215,2

Total

26.264,9

-201,8

26.063,1

Source :  compte rendu de gestion budgétaire Justice, 1999.

La capacité du ministère de la justice à absorber les crédits que le Parlement met à sa disposition, déjà contestée par la Cour des comptes en 1998, peut également faire l'objet de vives critiques en 1999. Il faut noter ainsi que les crédits reportés s'élèvent à 1.290,3 millions de francs, soit 4,9 % des dotations en loi de finances initiale, soit plus qu'un doublement et demi par rapport à 1998 (531,2 millions de francs) et à 1997 (537,6 millions de francs). Les reports sur les chapitres de dépenses ordinaires inscrits à l'état H, et qui peuvent donc faire l'objet d'un report automatique, ont été multipliés par dix par rapport à 1998, l'essentiel étant concentré sur le chapitre 46-01 - Subventions et interventions diverses et correspondant aux 450 millions de francs destinés à assurer le financement de l'indemnisation des commissaires-priseurs dans le cadre de la réforme de leur statut, intervenu avec la loi n°  2000-642 du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

Si les reports de crédits de paiement pour dépenses engagées et non encore ordonnancées sont relativement stables, à 65 millions de francs, en revanche les reports de crédits de paiement sur opérations en capital (648,8 millions de francs en 1999, soit 41,5 % des dotations en loi de finances initiale) augmentent fortement :  + 61,2 % par rapport à 1998 (402,6 millions de francs) et + 65,3 % par rapport à 1997 (392,5 millions de francs).

Cette situation s'explique, en particulier, par une faiblesse du taux de consommation, lié aux difficultés rencontrées dans le déclenchement des opérations d'investissement du ministère. Ainsi, s'agissant des dépenses en capital, la dépense nette en 1999 est restée stable à 1,2 milliard de francs en 1999, après avoir diminué de 16,8 % en 1998. Elle concerne quasi exclusivement les investissements immobiliers. En 1999, comme le relève la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1999, « le taux de consommation des crédits a continué de baisser ; il s'est établi à 48,8 % contre 65,2 % en 1998 et 79,5 % en 1997. Le niveau des crédits de paiement ayant été surestimé, comme c'est le cas depuis plusieurs années par rapport à la dépense effective, le report de 1999 sur 2000 a presque doublé par rapport à l'année précédente (1.234,7 millions de francs contre 634 millions), faisant apparaître que les ouvertures de crédits ne sont manifestement plus en ligne avec la capacité du service à dépenser ». Votre Rapporteur spécial, comme il l'avait déjà fait l'an dernier, déplore que la volonté d'afficher un budget en augmentation ne s'accompagne pas d'un emploi effectif des sommes adoptées par le Parlement, ce qui conduit à donner une valeur toute relative à l'autorisation parlementaire et à la volonté de cette dernière d'attribuer les moyens qu'elle mérite à la justice. Cette situation apparaît d'autant plus dommageable que les dépenses d'entretien des juridictions, mais également des établissements pénitentiaires, comme l'ont relevé les deux commissions d'enquête de l'Assemblée nationale et du Sénat (), font défaut. L'affichage de grands programmes et de réalisations importantes pourrait ainsi se faire au détriment du fonctionnement quotidien de la justice.

II.- L'EXERCICE 2000

Au 31 août, les crédits ouverts sur le budget de la justice atteignaient 27,5 milliards de francs, au lieu de 27,3 milliards de francs inscrits en crédits initiaux. À cette même date, les crédits consommés représentaient 56,35 % des crédits disponibles, soit 15,52 milliards de francs. Mais ce taux global masque des situations contrastées.

Ainsi, le taux de consommation des dépenses ordinaires, qui s'élève à 59,96 %, apparaît satisfaisant. On peut cependant constater un taux très faible, de 9,05 %, sur le chapitre 34-13 - Frais d'état civil, avec seulement 0,86 million de francs de dépenses sur 9,5 millions de crédits ouverts. Le taux de consommation des crédits du chapitre 34-05 - Dépenses d'informatique et de télématique, qui représente 27,03 % des 333,79 millions de francs de crédits ouverts (292,46 millions de francs de crédits initiaux) semble également particulièrement peu élevé. Il appert que la consommation des crédits du chapitre 37-61 - Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Dépenses relatives aux élections, avec un taux de 16,3 %, reste aussi très faible. Il convient néanmoins de noter que seuls 1,97 million de francs ont été ouverts sur ce chapitre, pour une dotation initiale de 1,4 million de francs.

On retrouve des taux de consommation aussi faibles sur certains chapitres du titre IV :  7,77 % sur le chapitre 46-01 - Subventions et interventions diverses (123,57 millions de crédits initiaux, 593,96 millions de crédits ouverts), 16,66 % sur le chapitre 41-11 - Subventions en faveur des collectivités (126,27 millions de crédits initiaux, 167,57 millions de crédits ouverts).

Mais la situation la plus inquiétante caractérise les dépenses en capital, et ce même si l'on tient compte du rythme traditionnellement plus lent de consommation de cette catégorie de dépenses. En effet, au 31 août 2000, le taux de consommation des crédits de paiement pour investissements s'élevait à 23,07 %, soit moins du quart des crédits disponibles. Cette situation, qui a déjà fait l'objet de critiques pour l'exercice 1999, traduit un écart très important entre crédits disponibles et capacité d'engagement du ministère de la justice. Il en résulte, à la fin de chaque exercice, des reports de crédits importants automatiques dans le cas des crédits d'investissement. L'ouverture, au 31 août 2000, de 2.694,57 millions de francs de crédits, à comparer avec les 1.325,2 millions de francs de crédits initiaux, traduit parfaitement cette évolution. Ainsi, après huit mois d'opérations, les crédits encore disponibles représentaient encore près du double des crédits adoptés par le Parlement dans la loi de finances initiale. La situation est particulièrement alarmante sur le chapitre 66-20 - Subventions d'équipement pour établissements post-pénaux et sanitaires, pour lequel le taux de consommation atteint 9,34 %, avec 0,62 million de francs de crédits consommés pour 17,16 millions de francs de crédits ouverts.

Il convient cependant de noter que les ouvertures de crédits intervenues en 2000 ont été particulièrement importantes, notamment en raison des crédits adoptés en loi de finances rectificative n° 2000-656 du 13 juillet 2000 destinés à financer la construction de nouveaux établissements pénitentiaires. 80 millions de francs ont été inscrits sur le titre III pour la mise aux normes des quartiers disciplinaires, à hauteur de 40 millions de francs, le cloisonnement des sanitaires pour 25 millions de francs et l'aménagement des vestiaires des personnels pour 15 millions de francs.

ÉTAT DE CONSOMMATION DES CRÉDITS DE LA JUSTICE AU 31 AOÛT 2000

 

(en francs)

 
 

Chapitre

Intitulé

Crédits initiaux

Crédits ouverts

Crédits consommés

Taux de consommation

(en %)

31-51

Conseil d'État. Cours administratives d'appel et tribunaux administratifs. Rémunérations principales

452.256.936

452.256.936

289.148.994

63,93

31-52

Conseil d'État. Cours administratives d'appel et tribunaux administratifs. Indemnités et allocations diverses

153.455.305

153.605.305

80.110.128

52,15

31-90

Rémunérations des personnels

9.028.340.316

9.024.914.558

6.017.166.982

66,67

31-92

Indemnités et allocations diverses

2.277.188.349

2.278.567.189

1.319.852.754

57,92

31-96

Autres rémunérations principales et dépenses de personnel des agents de justice

322.556.311

358.556.311

184.807.730

51,54

32-97

Participation aux charges de pensions

3.649.700.00

0

0

NS

33-90

Cotisations sociales. Part de l'État

252.255.830

954.959.285

714.472.033

74,82

33-91

Prestations sociales versées par l'État

304.194.520

304.008.634

201.268.601

66,20

33-92

Prestations et versements facultatifs

103.825.100

107.983.824

43.856.032

40,61

34-05

Dépenses d'informatiques et de télématique

292.460.000

333.786.247

90.207.205

27,03

34-13

Frais d'état-civil

8.648.216

9.503.177

860.020

9,05

34-34

Services de la protection judiciaire de la jeunesse. Moyens de fonctionnement et de formation

364.171.199

372.257.758

179.299.810

48,17

34-51

Conseil d'État. Cours administratives d'appel et tribunaux administratifs. Dépenses de fonctionnement

90.591.514

96.014.206

47.885.395

49,87

34-98

Administration générale. Moyens de fonctionnement et de formation

180.816.475

194.466.676

102.745.270

52,83

36-10

Subvention de fonctionnement aux établissements publics et aux budgets annexes

297.968.279

298.048.279

225.198.710

75,56

37-11

Frais de justice

1.885.758.960

1.885.758.960

1.106.244.252

58,66

37-23

Services pénitentiaires. Dépenses de santé des détenus

460.771.304

475.753.651

266.883.009

56,10

37-33

Service de la protection judiciaire de la jeunesse. Remboursement des prestations effectuées par le secteur habilité ou conventionné

1.467.530.307

1.473.416.586

837.473.327

56,84

37-61

Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Dépensees relatives aux élections

1.400.000

1.973.254

321.603

16,30

37-91

Réparations civiles

20.703.000

20.703.000

15.766.944

76,16

37-92

Services judiciaires. Moyens de fonctionnement et de formation

1.334.986.024

1.389.761.312

597.937.518

43,02

37-94

Commission nationale de l'informatique et des libertés. Dépenses de personnel

21.939.219

21.939.219

12.504.742

57,00

37-96

Commission nationale de l'informatique et des libertés. Dépenses de fonctionnement

10.550.574

10.669.689

6.717.856

62,96

37-98

Services pénitentiaires. Moyens de fonctionnement et de formation

2.198.507.170

2.322.291.395

1.470.313.745

63,31

41-11

Subventions en faveur des collectivités

126.274.000

167.571.930

27.920.425

16,66

46-01

Subventions et interventions diverses

123.573.366

593.956.279

46.173.852

7,77

46-12

Aide juridique

1.543.620.243

1.543.620.243

1.012.273.273

65,58

Dépenses ordinaires

25.974.042.517

24.846.343.903

14.897.410.210

59,96

57-51

Conseil d'État. Cours administratives d'appel et tribunaux administratifs. Travaux de modernisation

59.900.000

94.699.059

40.762.120

43,04

57-60

Équipement

1.261.300.000

2.582.716.072

579.396.445

22,43

66-20

Subventions d'équipement pour établissements post-pénaux et sanitaires

4.000.000

17.156.088

1.602.500

9,34

Dépenses en capital

1.325.200.000

2.694.571.219

621.761.065

23,07

Total

24.649.542.517

27.540.915.122

15.519.171.275

56,3

CHAPITRE II

L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET L'INFORMATIQUE

Entre 2000 et 2001, les crédits d'administration générale passeront à structure constante de 3,5 milliards de francs à 3,6 milliards de francs, soit une hausse de 2,76 %. Ces crédits représenteront 12,8 % des crédits de la justice en 2001, au lieu de 12,9 % en 2000 et 13,1 % en 1999.

L'administration générale regroupe les services du ministère dont la tâche principale est de concevoir le droit civil et pénal, ainsi que ceux qui doivent mettre en _uvre des politiques et gérer les moyens du ministère en emplois et en crédits. Il s'agit de la direction des affaires civiles et du sceau, de la direction des affaires criminelles et des grâces, du service des affaires européennes et internationales, de la direction des services judiciaires, de la direction de l'administration pénitentiaire, de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, de la direction de l'administration générale et de l'équipement, de la délégation générale au programme pluriannuel d'équipement, du service de l'information et de la communication, des centres de prestations régionaux, des antennes régionales de l'équipement. Cette fonction intègre également la subventions inscrite au budget de la justice des ordres de la Légion d'honneur et de la Libération, le casier judiciaire national, la Commission nationale de l'informatique et des libertés et de la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques.

I.- L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE

    A.- LA PROGRESSION DES MOYENS

L'administration générale intègre les moyens de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) dont le budget devrait s'élever à 38,5 millions de francs pour 2000 (+ 18,3 % par rapport à 2000) et de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) dont le budget devrait atteindre 16,8 millions de francs, soit une progression de 73,6 % par rapport à 2000 qui s'explique par l'abondement du chapitre 37-61 - Dépenses relatives aux élections rendu nécessaire par le regain d'activité résultant de la tenue des élections municipales. Les crédits de recherche, avec 4,15 millions de francs, ainsi que la participation aux charges de pension font partie de cet ensemble.

Transferts compris, ces crédits d'administration générale s'élèvent à 3,8 milliards de francs au lieu de 3,7 milliards de francs inscrits dans la loi de finances initiale pour 2000, soit une progression de 3,8 % après une augmentation de 2,2 % l'an dernier. À structure constante, l'augmentation est limitée à 2,8 %

Les effectifs budgétaires étaient fixés en 2000 à 1.780 agents, soit une légère augmentation des emplois par rapport à 1999. Ont ainsi été créés 4 emplois de magistrats inspecteurs pour l'inspection générale des services judiciaires et 1 emploi de chef de service, tandis qu'étaient transférés 5 autres postes de directeurs départementaux de la protection judiciaire de la jeunesse. En outre, 9 emplois d'agents administratifs de deuxième classe ont été transformés en un emploi d'administrateur civil de deuxième classe, 3 de substituts, un d'attaché principal de première classe, un d'attaché et 3 de contractuels.

En 2001, les effectifs budgétaires de l'administration centrale passeront à 1.802 personnes, soit une création nette de 22 postes. 13 emplois sont créés, dont 4 emplois d'ingénieurs des travaux publics, et 10 emplois sont transférés à partir des services judiciaires (4 greffiers), de l'administration pénitentiaire (2 directeurs) et de la protection judiciaire de la jeunesse (2 directeurs et 2 contractuels), tandis qu'un emploi d'ingénieur des télécommunications est transféré en direction des services généraux du Premier ministre. 34 emplois d'administration générale seront transformés par ailleurs, pour un coût de 0,5 million de francs.

    B.- DES FONCTIONS DE GESTION DISPERSÉES

Votre Rapporteur spécial souhaite rappeler que l'organisation de l'administration centrale se caractérise par une relative dispersion des responsabilités de gestion, résultat d'un héritage fondé sur une séparation entre les services judiciaires d'un côté, l'administration pénitentiaire de l'autre, et les services de la protection judiciaire de la jeunesse (ex-éducation surveillée). Ainsi, chacune des directions « opérationnelles » dispose de fonctions de gestion. Par ailleurs, le budget, l'informatique et l'équipement relèvent de la direction de l'administration générale et de l'équipement.

En 1994, à la suite des recommandations du rapport () de M. Jean-François Carrez était intervenu un transfert intégral à la direction des services judiciaires des compétences de gestion des crédits de fonctionnement des juridictions, antérieurement partagées entre la direction de l'administration générale et de l'équipement et la direction des services judiciaires. La même année était créé le service de l'information et de la communication, tandis que les directions des affaires criminelles et des grâces et des affaires civiles et du Sceau étaient réorganisées. 

En 1996, c'était au tour du service des affaires européennes et internationales d'être réorganisé. Un bureau de l'entraide judiciaire en matière civile et commerciale était créé au sein de la direction des affaires civiles et du Sceau. En 1997 se poursuivait la déconcentration de la gestion des personnels de l'administration pénitentiaire, la direction de l'administration pénitentiaire étant elle-même réorganisée en 1998.

En 1999, les services sociaux éducatifs des établissements pénitentiaires et les fonds de réserves de probation et d'assistance aux personnes libérées ont été réunis dans une entité administrative à vocation départementale : les services pénitentiaires d'insertion et de probation. En 2000 a été entamée une nouvelle réorganisation de la direction des affaires criminelles et des grâces avec pour objectif de renforcer le rôle de la chancellerie en matière pénale dans ses rapports avec les juridictions. La direction s'articulera autour de deux sous-directions chargées respectivement de l'élaboration et de l'interprétation du droit pénal et de l'élaboration et de l'évaluation des politiques pénales.

II.- L'INFORMATIQUE

Compte tenu du caractère essentiel que représente l'amélioration de la « productivité » des services de la justice, votre Rapporteur spécial s'attachera, dans le présent rapport, à développer de manière plus précise les progrès de l'informatique au sein du ministère et ce d'autant plus que cette fonction a pu souffrir, dans le passé, de graves dysfonctionnements. Il faut saluer, à ce titre, de la progression de la dotation qui passera de 395,8 millions de francs en 2000 à 425,4 millions de francs en 2001, soit une progression des crédits initiaux de 7,5 %.

    A.- LES PROGRAMMES D'ÉQUIPEMENT INFORMATIQUE DE LA JUSTICE

Au début de 2000, les taux d'équipement en postes de travail selon les principales entités du ministère étaient de 1,01 agent par poste pour les juridictions judiciaires, de 2,81 agents par poste pour les établissements pénitentiaires, de 2,1 agents par poste pour les services déconcentrés de la protection judiciaire de la jeunesse, et de 1,06 agent par poste pour l'administration centrale. En 1996, ces taux étaient respectivement de 1,61 agent, 5,38 agents, 4,49 agents et de 1,53 agent.

      1.- L'organisation de la fonction informatique au sein du ministère de la justice

La majeure partie des moyens humains de l'administration centrale affectés à l'informatique nationale est rassemblée au sein de la sous-direction de l'informatique de la direction de l'administration générale et de l'équipement. Cette sous-direction comporte quatre bureaux et six centres de prestations régionaux. Trois de ces bureaux assurent des missions techniques (développement, maintenance de logiciels, implantation des applications et des réseaux, assistance des utilisateurs), le quatrième bureau ayant en charge les questions administratives, budgétaires et contractuelles du ressort de la sous-direction. Les centres de prestations régionaux assurent des missions de service auprès des juridictions et des services déconcentrés des services pénitentiaires et de la protection judiciaire de la jeunesse. Trois de ces centres sont, en outre, chargés de l'exploitation des applications nationales sur systèmes centraux : casier judiciaire national, applications pénales de la région parisienne, gestion des détenus.

La direction des services judiciaires dispose depuis le début de 1997 de deux bureaux en charge de l'informatique judiciaire :  d'une part le bureau de l'informatisation des juridictions, dont la mission est centrée sur la programmation budgétaire et le pilotage de la maîtrise d'ouvrage informatique (26 agents), d'autre part le bureau de l'organisation informatique des greffes, qui a la responsabilité des implantations informatiques, de la formation des utilisateurs et du suivi des sites informatisés (33 agents).

Chaque cour d'appel a été dotée depuis la mi-1996 d'un technicien informatique dont le rôle d'assistance de premier niveau, complémentaire à celui des centres de prestations régionaux, s'est avéré particulièrement utile. Les moyens des cours d'appel les plus importantes ont depuis lors été progressivement renforcés.

La direction de l'administration pénitentiaire dispose d'un bureau de l'informatique situé à l'échelon central (37 agents) et de neuf unités informatiques régionales relevant des neuf directions régionales des services pénitentiaires. En tout, près de 150 agents sont affectés à la fonction informatique pour la répartition et le suivi budgétaire de l'informatique pénitentiaire déconcentrée, la maîtrise d'ouvrage des applications nationales au niveau central, l'implantation des applications de gestion du parc informatique, et les applications bureautiques d'initiative locale.

La direction de la protection judiciaire de la jeunesse dispose d'un bureau de la programmation, de l'informatique et de la communication qui exerce des fonctions comparables à son homologue de l'administration pénitentiaire. Elle poursuit une politique de formation et de renforcement de correspondants informatiques au sein des entités locales de la direction.

Au total, la fonction informatique au ministère de la justice représente 603 agents, soit 10,1 % des agents. Le niveau de ces effectifs freine encore la mise en place des nouvelles technologies. Le projet de loi de finance pour 2001 doit permettre d'affecter à l'informatique des services de la protection judiciaire de la jeunesse 4 agents contractuels dans les services déconcentrés et 1 agent à la maîtrise d'ouvrage en administration centrale.

      2.- La mise en _uvre d'un nouveau schéma directeur

Après les difficultés éprouvées par le ministère de la justice en matière d'informatique à la fin des années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix, un nouveau schéma directeur, approuvé en juillet 1998 par le ministre et par le comité technique interministériel chargé de l'examen des schémas directeurs des administrations en mars 1999 a été mis en place. Il a dû prendre en compte des besoins très différents, qu'il s'agisse des juridictions judiciaires ou de l'administration pénitentiaire ou encore de la protection judiciaire de la jeunesse. Il faut à la fois assurer des liaisons entre de très nombreuses implantations, mais s'attacher également à prendre en compte les réalités locales. Pour faire face à ces contraintes, trois types de principes sont mis en _uvre : 

· La facilitation des relations avec les usagers. Parmi les objectifs figurent le développement de guichets uniques des greffes, le traitement des demandes de bulletins du casier judiciaire, la « mise en ligne » de formulaires administratifs sur Internet, les projets d'échanges électroniques avec les professions judiciaires.

· La recherche d'une efficacité administrative supplémentaire. La recherche de gains de productivité est cruciale pour un ministère confronté à l'augmentation de ses charges et critiqué pour la durée de ses décisions. Il s'agit en particulier de rattraper la sous-informatisation de la gestion des établissements pénitentiaires, de procurer de nouveaux outils de travail aux magistrats et de développer à côté des systèmes informatiques de production des « infocentres » permettant l'aide à la décision.

· Le décloisonnement des services pour accélérer la modernisation. Cette action passe notamment par la prise en compte des orientations fixées par le Premier ministre pour l'entrée de la France dans la société de l'information par le développement d'outils et de communication internes tels que la messagerie, l'Intranet et l'accès à l'Internet. À ce titre, le ministère dispose depuis fin 1998 d'une infrastructure commune de réseau, le réseau privé virtuel justice, respectant les principes et les protocoles de l'Internet tout en assurant la confidentialité des informations qui sont échangées. De même doit être développée une gestion transversale des ressources humaines destinée à accompagner la déconcentration des services centraux vers les cours d'appel et les directions régionales du ministère.

Pour éviter les errements passés, une méthodologie d'organisation précise a été appliquée : le pilotage des projets importants repose sur une maîtrise d'ouvrage assurée par des comités stratégiques présidés par les directeurs. Par ailleurs, ont été mis en place des supports techniques contractuels communs, tels que le service national de maintenance de matériels informatiques, les marchés et les conventions de prix pour les acquisitions des équipements, le support de l'administration des infrastructures au profit des juridictions et des services déconcentrés. Des procédures intégrées pour l'achat de matériels, l'installation des logiciels et l'implantation des systèmes dans les services ont également été mises en place. Un outil de gestion commun à l'ensemble des directions est désormais opérationnel. Administré dans chacun des six centres de prestations régionaux, ce service est accessible par les cours d'appel et les directions régionales des services pénitentiaires depuis quelques mois.

L'année 1999 a été marquée par l'adaptation des systèmes informatiques pour le passage à l'an 2000. L'intégralité des mises en conformité des logiciels et des matériels est effectuée, et les services ont été amenés à renouveler 13 % des postes de travail, adapter 34 % des serveurs, abandonner 13,5 % des applications et à modifier 51 % de celles qui étaient conservées.

Le principal enjeu informatique de l'administration centrale concerne l'application de gestion des personnels du ministère. Ce dernier doit en effet disposer d'un nouveau système adapté à la mise en _uvre de la politique de déconcentration. Le projet, qui a pour objectif de remplacer l'actuel système vétuste utilisé par les cinq services gestionnaires de l'administration centrale, puis de permettre la prise en charge des procédures déconcentrées par les cours d'appel et les directions régionales, a été effectivement lancé fin 1998. Le périmètre fonctionnel du chantier a été défini et la préparation d'un support contractuel d'assistance à la maîtrise d'_uvre a été engagée. Les appels d'offres pour le choix d'un progiciel et de l'assistance à la maîtrise d'ouvrage pour la conduite du changement seront engagés fin 2000. Votre Rapporteur spécial souligne l'importance d'un tel outil qui devra permettre de concilier souplesse de gestion au niveau local et contrôle par l'administration centrale, qui doit être le chef de file d'une mise en cohérence des différentes composantes d'un ministère qui a, longtemps souffert, des différences d'approches, à la source d'importantes inefficacités.

      3.- L'informatique judiciaire

      a) L'informatique nationale et l'informatique d'initiative locale

Une partie des problèmes ayant concouru à l'échec du précédent schéma directeur informatique est née de la déconcentration au niveau des juridictions de la quasi-totalité de l'équipement et de la gestion de l'informatique. Une telle informatique judiciaire d'initiative locale n'est plus adaptée au contexte actuel. Selon le ministère, « l'informatique nationale a recouvré une efficacité certaine, alors que l'informatique d'initiative locale dépendante de petites sociétés a conduit à une perte de maîtrise de systèmes d'information, à une hétérogénéité des architectures techniques et fonctionnelles et à une fragilisation globale du fonctionnement informatique ».

Pour préserver leur autonomie, les juridictions conservent la capacité de faire évoluer leur organisation (déploiement, conduite du changement, formation, ...). Elles disposent de la liberté d'informatiser les fonctions non couvertes par les applications encadrées au niveau national au travers des expérimentations de technologies nouvelles ou de nouvelles approches fonctionnelles et organisationnelles, comme les « guichets uniques » des greffes.

Parallèlement, la couverture nationale des besoins des juridictions a progressé avec la diffusion d'un ensemble de logiciels couvrant les procédures civiles des cours d'appel, tribunaux de grande instance et conseils de prud'hommes.

Sur le plan de la gestion budgétaire, un dispositif d'encadrement et de rationalisation des dépenses effectuées au titre de l'informatique déconcentrée a été mis en place. Celui-ci distingue les dépenses d'équipement et d'entretien (achat, location de matériel, achat de droits d'usage, entretien, prestation et formation informatiques), qui doivent être engagées exclusivement au niveau de la cour d'appel, des fournitures courantes et « consommables », ces dépenses étant imputées sur les crédits de fonctionnement des juridictions. Il convient enfin de souligner le renforcement des moyens humains affectés des cours d'appel. Chaque service administratif régional dispose d'un greffier en chef exerçant la fonction de responsable de la gestion informatique. Celui-ci est assisté d'un ou plusieurs techniciens informatiques chargés d'assurer la maintenance de « premier niveau ».

      b) L'informatique pénale

Les incohérences constatées dans la « chaîne pénale », nées de la coexistence de plusieurs applications, sont en voie de résorption.

Les systèmes pénaux relèvent traditionnellement de l'informatique nationale. Les trois systèmes informatiques en service dans les juridictions (nouvelle chaîne pénale en région parisienne, micro ou mini-pénale en province selon la dimension des tribunaux de grande instance) ont fait l'objet d'adaptation et d'une mise à niveau des équipements pour le passage à l'an 2000. Les impacts du passage à l'euro 2002 et de la loi du 15 juin 2000 seront pris en compte dans les applications à l'automne 2000.

Les difficultés rencontrées dans l'évolution de l'application micro-pénale ont démontré que cette application devait être remplacée rapidement. Les travaux d'étude d'une nouvelle application démarreront au cours du dernier trimestre de 2000. Au plan fonctionnel, outre les 7 juridictions parisiennes déjà équipées du module de suivi de l'exécution des peines, les 37 tribunaux de grande instance de plus de trois chambres ont été dotés d'un logiciel équivalent. La gestion des scellés, qui a fait l'objet de critiques sévères de la part de la Cour des comptes, opérationnelle dans la nouvelle chaîne pénale, a fait l'objet de spécifications qui seront reprises dans le cadre du développement de la future application.

La restitution statistique des motifs de classement sans suite constitue un des axes prioritaires de la réforme des statistiques pénales. L'ensemble des parquets utilisent désormais une table unique implantée depuis fin 1997 dans les trois systèmes informatiques. Les parquets équipés des logiciels micro-pénale et mini-pénale peuvent éditer, les classements sans suite selon le motif et les entrées au parquet selon la nature des affaires. Au début de l'année 2000, la possibilité d'éditer des statistiques spécifiques aux mineurs a été ajoutée. Les tribunaux de la région parisienne disposent quant à eux depuis fin juin 1999 d'un « infocentre judiciaire » leur permettant d'effectuer eux-mêmes, sans intervention de spécialistes, les études les plus diverses d'évaluation de l'activité pénale à partir des informations gérées dans le système de la nouvelle chaîne pénale, notamment sur les motifs de classements sans suite et sur le taux de poursuite par nature d'affaires. Les tribunaux de grande instance de province pourront bénéficier d'infocentres judiciaires lorsque la future application destinée à remplacer l'application micro et mini-pénale aura été développée.

Par ailleurs, le logiciel de traitement des ordonnances pénales a été déployé dans 352 tribunaux de police et devrait en équiper 446 à la fin de l'année 2000. Ce logiciel offre la possibilité d'échanger des données avec les services de la comptabilité publique. Cet échange, qui améliore recouvrement des amendes pénales, est opérationnel dans 85 sites.

Enfin, la dernière version du logiciel d'instruction assistée par ordinateur, qui repose sur des techniques de numérisation des documents papier et qui a été expérimenté avec succès par une vingtaine de magistrats du tribunal de grande instance de Paris en charge de dossiers sensibles ou volumineux, est en cours de déploiement dans les pôles financiers de province, à Marseille, Bastia et Lyon, et dans certaines autres juridictions, à Bordeaux, Bonneville et Nantes.

      c) L'informatique civile

La « chaîne civile », qui avait pris beaucoup de retard dans son développement, commence d'être déployée, tout en s'enrichissant.

Le secteur civil des tribunaux d'instance relève d'applications développées par la Chancellerie. Le programme de déploiement s'est poursuivi, 400 juridictions ont été équipées fin 1999 du logiciel de traitement du contentieux général et des injonctions de payer. 127 sites disposent des saisies sur rémunérations. 125 des tribunaux d'instance compétents en matière de nationalité sont équipés fin 1999 et la totalité le seront à la fin de l'année 2000. Des logiciels supplémentaires, de traitement des régies et des tutelles, sont en cours de préparation, afin de remplacer à partir de 2001 des systèmes d'initiative locale ou des produits nationaux obsolètes. Une nouvelle application gérant le pacte civil de solidarité a été développée et testée sur trois sites pilotes. Son déploiement a débuté à l'été 2000. Le suivi de l'activité statistique des juridictions sera enrichi en 2000 et 2001.

Le secteur civil des cours d'appel, des tribunaux de grande instance et des conseils de prud'hommes fait l'objet d'un déploiement actif des logiciels acquis en 1998. Après avoir équipé les juridictions en difficulté du fait de la défaillance de certains éditeurs de logiciels d'initiative locale, le programme de déploiement, financé en grande part sur les crédits déconcentrés, se traduit à la mi-2000 par l'utilisation de ces logiciels dans 30 cours d'appel, 140 tribunaux de grande instance et 212 conseils de prud'hommes. Ce programme devra s'achever fin 2001.

Par ailleurs, des modules statistiques « tableaux de bord » sont en cours d'expérimentation sur les sites pilotes, pour les cours d'appel et les tribunaux de grande instance. Leur déploiement commencera en 2001. Un module de même type sera développé pour les conseils de prud'hommes à l'automne 2000.

L'implantation du logiciel civil au tribunal de grande instance de Paris s'est déroulée au début de 2000. Elle a permis de remplacer dix applications indépendantes. 294 postes de travail et 100 ordinateurs portables pour les magistrats ont été mis en service. Des fonctionnalités complémentaires, sur les successions, les ventes sur saisies immobilières, et les inscriptions au répertoire civil, ont été développées, étendant de 25 % le nombre de types de procédures traités. Cette version sera étendue aux autres tribunaux de grande instance en 2000 et 2001.

Enfin, la mise en place de liaisons informatiques avec les auxiliaires de justice (avocats et avoués) par Extranet sera entreprise en fin d'année.

      4.- L'informatique pénitentiaire

Le projet prioritaire des services pénitentiaires est l'application de gestion informatisée des détenus en établissement (GIDE) dont la généralisation a débuté en 1999 à la suite des résultats d'un audit technique réalisé avec la direction du budget. Il vise à améliorer l'organisation et le fonctionnement des établissements pénitentiaires, peu informatisés.

Fin 1999, 38 sites, dont Fresnes, utilisaient GIDE. À la fin du premier semestre 2000, 24 nouveaux sites avaient « basculé » et une vingtaine de sites supplémentaires devraient le faire d'ici la fin de l'année. Ainsi, 53 % de la population pénitentiaire sera gérée à l'aide de cet outil. Le terme de la généralisation de GIDE est prévu en 2003 avec la mise en place de nouveaux centres pénitentiaires.

Le fichier national des détenus permet de renseigner en temps réel les services pénitentiaires, judiciaires de police et de gendarmerie sur la localisation des personnes incarcérées sur le territoire français. La nouvelle version du fichier sera alimentée directement par GIDE et consultable par le biais de l'interconnexion des Intranets d'administrations début 2002.

Par ailleurs, une série d'actions déconcentrées sont appelées à se poursuivre : 

· formation et sensibilisation à l'intention des chefs d'établissements pénitentiaires et des principaux cadres en préalable au déploiement de l'application GIDE ;

· remplacement de l'actuel logiciel de gestion économique par l'application plus moderne « systèmes d'informations économiques, budgétaires, comptables et de contrôle de gestion » (SIEC) ;

· programme de liaison informatique des services socio-éducatifs, accompagnant la création des services pénitentiaires d'insertion et de probation ;

· déploiement d'une application permettant une organisation du travail plus efficace dans les établissements pénitentiaires, intégrant de nouveaux types d'organisation et l'ajout de nouveaux cycles de travail.

    B.- DES MOYENS EN PROGRESSION

Les moyens budgétaires consacrés à l'informatique ont relevé jusqu'en 1997 de deux chapitres distincts, les chapitres 34-05 et 37-92. Le chapitre 34-05, géré par la sous-direction de l'informatique, était consacré d'une part à l'informatique nationale pilotée au niveau de la Chancellerie et d'autre part aux actions d'initiative locale conduites par les services pénitentiaires et de la protection judiciaire de la jeunesse. Les cours d'appel prélevaient sur le chapitre 37-92 les moyens nécessaires à leurs actions locales.

Depuis la loi de finances de 1998 et à l'instar des dispositions en place pour l'informatique déconcentrée des services judiciaires, les actions informatiques déconcentrées des services pénitentiaires et de la protection judiciaire jeunesse ont été transférées sur leurs chapitres de fonctionnement (respectivement les chapitres 37-98 et 34-34). A partir de 1998, le chapitre 34-05 ne supporte plus que l'informatique nationale.

Après avoir connu une décroissance des moyens entre 1993 et 1997, passant de 481,1 millions de francs à 313,04 millions de francs, les crédits destinés à financer les budgets informatiques ont amorcé une reprise. Ils ont ainsi été augmentés de 337,5 millions de francs en 1998 à 425,42 millions de francs dans le présent projet de loi de finances.

ÉVOLUTION DES BUDGETS INFORMATIQUES DEPUIS 1994

(hors Conseil d'État et Commission nationale des comptes de campagne)

(en millions de francs)

Chapitre

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

    2001 (1)

34-05 (2)

318,50

316

277,10

235,53

236,02

250,39

262,60

286

37-92 (3)

143,74

119,15

98,29

77,50

70,50

69,79

71,717

63,07

37-98 (4)

-

-

-

-

22,60

19,37

20

25,50

37-98 (5)

-

-

-

-

-

10,16

26,55

26,55

34-34 (6)

-

-

-

-

8,38

9,29

14,95

24,30

Total

462,24

435,15

375,39

313,03

337,50

359

395,81

425,42

(1) projet de loi de finances.

(2) dotation gérée par la sous-direction de l'informatique hors Conseil d'État et Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

(3) dotation déconcentrée des services judiciaires.

(4) dotation déconcentrée des services pénitentiaires déléguée aux services déconcentrés, hors article 93.

(5) dotation déconcentrée des services pénitentiaires à mise en _uvre centralisée, hors article 93.

(6) dotation déconcentrée de la protection judiciaire de la jeunesse, hors article 93.

Source :  ministère de la justice.

Ainsi, les crédits prévus, tous chapitres confondus, pour 2001 sont en progression de 7,5 % par rapport à ceux de l'année 2000. Pour ce qui concerne plus particulièrement le chapitre 34-05, après avoir enregistré en 2000 une hausse de presque 5 % par rapport à 1999, ce chapitre connaît pour 2001 une nouvelle augmentation de près de 9 %.

Après avoir augmenté de près de 25 % entre 1999 et 2000, la prévision des dépenses pour l'informatique judiciaire déconcentrée (chapitre 37-92) diminuera légèrement en 2001 compte tenu du niveau de renouvellement prévu. Les crédits inscrits dans le chapitre 37-98 pour l'informatique déconcentrée des services pénitentiaires et dans le chapitre 34-34 pour l'informatique déconcentrée de la protection judiciaire de la jeunesse croissent respectivement de 11,8 % et 62,5 %.

CHAPITRE III

LES SERVICES JUDICIAIRES

Pour 2001, les services judiciaires bénéficieront, à structure constante, de 12,2 milliards de francs, soit 43,4 % du budget de la justice (+ 4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2000). Compte tenu des changements de périmètre, le budget des services judiciaires s'élèvera à 12,6 milliards de francs, soit une progression de 7,3 % par rapport à 2000. En 2001, les effectifs atteindront 26.803 postes budgétaires, soit une création nette de 513 postes pour 525 créations brutes. Ces personnels travaillent dans près de 1.157 juridictions judiciaires :  Cour de cassation, 35 cours d'appel, 1.121 juridictions du premier degré, dont 186 tribunaux de grande instance, 473 tribunaux d'instance, 191 tribunaux de commerce et 271 conseils de prud'hommes, tribunaux des affaires de sécurité sociale, tribunaux paritaires des baux ruraux. Il faut ajouter à ce dispositif 51 maisons de justice et du droit ().

Les services judiciaires ont pour mission de rendre la justice, tant au civil qu'au pénal. Ils assurent ainsi une fonction d'aide à l'accès au droit, une fonction de poursuite, une fonction de jugement, ainsi qu'une fonction de gestion et de formation de leurs personnels. Dans l'énoncé des objectifs, le ministère de la justice, dans son Compte rendu de gestion budgétaire pour 1999, a relevé : 

· la facilitation de l'accès au droit et à la justice ;

· l'amélioration de la prise en charge des détenus ;

· l'augmentation et la diversification du taux de réponse judiciaire ;

· le renforcement des structures de traitement de certains contentieux, notamment économiques, financiers et commerciaux ;

· la réduction des délais de réponse judiciaire ;

· l'accroissement de l'effectivité des décisions judiciaires ;

· la réduction de la durée de la détention provisoire ;

· l'augmentation du recours à l'alternative à l'incarcération ;

· la rationalisation de la carte judiciaire ;

· l'amélioration de la productivité des services.

I.- L'ÉVOLUTION DE L'ACTIVITÉ JUDICIAIRE EN 1999

Malgré les efforts entrepris en termes de moyens budgétaires et humains, les délais ont continué de s'allonger en 1999, tandis que la productivité des juridictions a baissé pour les cours d'appel et les tribunaux de grande instance.

    A.- LES JURIDICTIONS CIVILES

Le nombre d'affaires nouvelles civiles portées devant la Cour de cassation est en baisse par rapport à 1999, après avoir atteint un niveau record en 1997 (environ 22.000 affaires). L'évolution est semblable pour les cours d'appel qui connaissent un nombre d'affaires nouvelles (199.778) moindre par rapport l'année précédente, ce qui confirme la baisse enregistrée depuis 1996, après une croissance ininterrompue des affaires nouvelles pendant dix ans.

Les cours d'appel ont connu la plus forte progression de leur activité. En effet, le nombre d'affaires terminées est passé de 55.094 en 1972 à 203.740 en 1996, soit une multiplication par 3,7. Après une baisse d'activité en 1997, cette dernière a progressé en 1998, puis a de nouveau baissé en 1999 pour atteindre 209.580 affaires terminées.

Les tribunaux de grande instance ont subi la même évolution. Le nombre d'affaires nouvelles, après avoir augmenté jusqu'en 1996 (676.282 affaires), baisse régulièrement depuis. La régression a été particulièrement forte en 1999 avec 605.721 affaires. Le nombre d'affaires terminées a atteint un pic en 1996 avec 676.282 décisions et a diminué depuis, pour atteindre 608.286 affaires en 1999. L'accélération de cette activité jusqu'en 1996 peut s'expliquer, en grande partie, par un transfert du contentieux familial des tribunaux d'instance vers les tribunaux de grande instance.

La progression a été moins forte pour les tribunaux d'instance, qui, sur la période 1972-1997, ont vu le nombre d'affaires terminées multiplié par 2,2, passant de 200.988 à 449.566. En 1999, ce nombre était de 457.440 décisions.

Après une relative stagnation, fixée à environ 150.000 affaires par an entre 1984 et 1991, les conseils de prud'hommes, ont subi une progression notable à partir de 1992, avec un peu plus de 161.000 affaires terminées. Depuis lors, l'activité a progressé pour atteindre 171.374 décisions en 1999, alors même que les flux d'entrées ont fortement baissé, passant de 191.892 affaires nouvelles en 1998 à 164.812 affaires.

La diversité des situations locales appelle, une nouvelle fois, une réforme en profondeur de la carte judiciaire. Il faut ainsi souligner que 18 % des cours d'appel et près du quart des tribunaux d'instance et de grande instance ont connu un reflux de leur activité sur la période 1989-1991. Ce mouvement a fait l'objet d'une étude en 1994. Cette étude mériterait d'être renouvelée aujourd'hui.

ÉVOLUTION DU CONTENTIEUX DEVANT LES JURIDICTIONS CIVILES (1)

(1992-1999)

 
   
     

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999 (2)

 

Affaires nouvelles

18.841

19.962

19.115

19.969

20.275

19.987

21.928

20.090

Cour de

Affaires terminées

18.049

18.569

18.456

21.499

20.420

20.103

19.815

19.758

Cassation

Affaires en cours

30.945

32.452

33.279

31.949

31.804

34.620

36.733

37.065

 

Délai moyen (3)

(n.d.)

(n.d.)

(n.d.)

(n.d.)

(n.d.)

23,6

(n.d.)

(n.d.)

 

Affaires nouvelles

182.794

204.935

218.880

220.066

219.271

214.197

210.610

199.778

Cours d'appel

Affaires terminées

171.082

179.585

187.246

198.754

203.740

202.724

209.839

209.580

 

Affaires en cours

213.344

238.694

270.328

291.640

307.171

318.644

319.415

309.613

 

Délai moyen (3)

13,8

13,5

13,9

14,7

15,8

16,6

17,4

18,1

Tribunaux de

Affaires nouvelles

523.026

566.723

658.042

660.189

676.282

644.939

634.319

605.721

grande

Affaires terminées

474.775

532.494

610.234

645.319

659.153

642.319

635.340

608.286

instance

Affaires en cours

461.843

496.072

543.880

558.750

575.879

578.499

577.855

575.290

 

Délai moyen (3)

9,5

9,6

8,9

8,9

8,9

9,1

9,3

9,1

 

Affaires nouvelles

614.795

567.078

517.154

487.523

483.593

472.963

478.996

472.487

Tribunaux

Affaires terminées

594.168

559.875

509.410

494.828

460.146

453.259

456.326

457.440

d'instance

Affaires en cours

288.986

296.189

303.933

296.628

320.075

339.779

354.449

369.496

 

Délai moyen (3)

4,4

4,9

5,2

5,1

5,0

5,0

5,1

5,2

 

Affaires nouvelles

172.883

172.001

167.809

157.542

167.894

171.799

191.892

164.812

Conseils de

Affaires terminées

161.128

163.073

168.250

166.593

160.536

167.820

165.947

171.374

prud'hommes

Affaires en cours

135.439

144.369

143.949

123.898

142.256

146.235

172.180

165.618

 

Délai moyen (3)

9,7

9,5

9,7

10,1

9,4

9,6

9,7

10,3

 

Affaires nouvelles

1.512.339

1.530.699

1.581.000

1.545.289

1.567.315

1.523.885

1.537.745

1.462.888

Total

Affaires terminées

1.419.202

1.453.596

1.493.596

1.526.993

1.503.995

1.486.225

1.487.267

1.466.438

 

Affaires en cours

1.130.557

1.207.776

1.295.369

1.302.865

1.377.185

1.417.777

1.460.632

1.457.082

(1) Ces statistiques ne tiennent pas compte des ordonnances de référés, sur requêtes, des injonctions de payer, des saisies sur rémunérations, du contentieux électoral, des procédures de conciliation, des certificats et déclarations de nationalité, des manifestations de volonté.

 

(2) données provisoires.

 

(3) en mois.

 

Source :  ministère de la justice.

 

ÉVOLUTION DU CONTENTIEUX DEVANT LA COUR DE CASSATION

ÉVOLUTION DU CONTENTIEUX DEVANT LES COURS D'APPEL

      Source :  ministère de la justice.

ÉVOLUTION DU CONTENTIEUX DEVANT LES TRIBUNAUX DE GRANDE INSTANCE

ÉVOLUTION DU CONTENTIEUX DEVANT LES TRIBUNAUX D'INSTANCE

      Source :  ministère de la justice.

ÉVOLUTION DU CONTENTIEUX DEVANT LES CONSEILS DE PRUD'HOMMES

      Source :  ministère de la justice.

Il convient de souligner la longueur des délais devant les chambres civiles de la Cour de cassation. Devant la chambre sociale, le délai, en 1997, atteignait près de 31 mois. Devant la chambre commerciale, il s'élevait à 29 mois.

Au civil, en appel, la durée moyenne est passée de 15,8 mois en 1996, à 16,6 mois en 1997, à 17,4 mois en 1998 et à 18,1 mois en 1999. La moyenne augmente également pour les conseils de prud'hommes :  9,4 mois en 1996 et 10,3 mois en 1999, ainsi que pour les tribunaux d'instance :  5 mois en 1996 et 5,2 mois en 1999. Il faut cependant saluer la légère diminution constatée pour les tribunaux de grande instance, dont le délai de jugement moyen, qui était passé de 8,9 mois en 1996 à 9,3 mois en 1998, a connu une baisse en 1999 à 9,1 mois.

    B.- LES JURIDICTIONS PÉNALES

Il faut souligner le caractère sensible de tout calcul d'activité dans ce domaine, compte tenu des nombreuses réformes intervenues.

S'agissant des juridictions pénales, le nombre d'affaires nouvelles transmises (6.700) à la Cour de cassation avait diminué en 1997, pour la première fois depuis 1994. En 1998, la tendance à l'augmentation a repris avec un nombre d'affaires nouvelles de 8.180. Une légère baisse a été enregistrée en 1999 avec 8.157 affaires. S'agissant des cours d'appel 49.496 arrêts ont été rendus. Devant les chambres d'accusation, en revanche, ce nombre a progressé de plus de 50 % entre 1985 et 1999 avec 32.999 arrêts rendus. Devant les tribunaux correctionnels, le nombre de décisions est passé de 500.000 en 1985 à 380.000 en 1999. De la même manière, sur cette période, le nombre de jugements et d'ordonnances prononcés par les tribunaux de police a diminué de près de 65 %, passant de 2 millions à près de 755.585.

Le nombre de plaintes, dénonciations et procès-verbaux reçus a baissé de plus 35 % depuis 1985, atteignant moins de 4,9 millions en 1999. Le taux de classement sans suite passe de 66 % en 1986 à 81,4 % en 1999. Cette augmentation s'explique, en partie, par la part accrue des affaires où l'auteur est inconnu. Sur 4,93 millions de plaintes et de procès-verbaux reçus, 4,59 millions d'affaires étaient traitées. Parmi les 3,32 millions d'affaires considérées comme non poursuivables, 2,99 millions faisaient l'objet d'un défaut d'élucidation. Parmi les 1,26 million d'affaires poursuivables, 0,41 million étaient classées sans suite.

Au pénal, la durée moyenne, entre les faits et le jugement définitif, a également connu une progression sensible :  de 44,8 mois en 1996 à 49,6 mois en 1998 pour les crimes et de 9,7 mois à 10,3 mois sur la même période pour les délits. En 1999, la durée moyenne de traitement des affaires pénales a atteint 10,6 mois.

    C.- UNE BAISSE INQUIÉTANTE DE LA PRODUCTIVITÉ DES JURIDICTIONS

Quant à la productivité des juridictions mesurée en nombre de décisions par magistrat, elle n'a pas connu d'amélioration sensible. Elle s'est même dégradée pour les cours d'appel (-5,65 %) et les tribunaux de grande instance (-8,11 %) et très fortement réduite pour les tribunaux de police (-11,68 % pour les ordonnances pénales) et pour les magistrats du parquet, en termes d'affaires traitées. Il convient de souligner que le nombre d'affaires poursuivies par magistrat du parquet a sensiblement progressé, de 647 en 1996 à 729 en 1998.

ÉVOLUTION DE LA PRODUCTIVITÉ DES SERVICES

(1996-1998)

 


1996


1997


1998

Variations 1998/1996
(en %)

Nombre d'affaires civiles terminées par magistrat du siège

       

- Cour d'appel

230

229

217

-5,6

- Tribunaux de grande instance

419

408

385

-8,1

- Tribunaux d'instance

536

428

531

-0,9

Nombre de décisions pénales par magistrats du siège

       

- Tribunal correctionnel

246

258

249

1,2

- Tribunal de police

       

- Ordonnances pénales

608

545

537

-11,6

- Jugements

329

344

339

3,0

-Nombre d'affaires traitées par magistrat du parquet

4.477

4.383

4.284

-4,3

-Nombre d'affaires poursuivies par magistrat du parquet

647

670

729

12,6

Source :  d'après le compte rendu de gestion budgétaire Justice, 1999.

II.- LES RESSOURCES HUMAINES

En 2000, les effectifs budgétaires des services judiciaires atteignaient 26.290 personnes, dont 6.539 magistrats (hors administration centrale, y compris direction des services judiciaires) et 19.751 fonctionnaires, auxquels il convient d'ajouter plus de 20.000 agents, assistants de justice, et juges non professionnels bénévoles ou rémunérés sur le mode de la vacation, et parmi lesquels on doit compter les juges consulaires, les conseillers prud'hommes et les assesseurs des tribunaux pour enfants.

En 2001, il est prévu de créer 525 postes budgétaires (513 créations nettes, 4 transferts en direction de l'administration générale et 8 transferts en direction de l'École nationale de la magistrature). 307 postes de magistrats et 218 postes de fonctionnaires des greffes. Ces créations porteront à 26.803 les effectifs des services judiciaires, dont 6.846 postes de magistrats (hors administration centrale, y compris direction des services judiciaires) et 19.957 postes de fonctionnaires.

    A.- LES EFFECTIFS

      1.- Les magistrats

      a) Des magistrats plus nombreux

La loi de programme du 6 janvier 1995 relative à la justice avait prévu d'augmenter les effectifs disponibles de 300 magistrats et de 80 magistrats exerçant à titre temporaire (en équivalent temps plein). Sur la période 1995-1999, le renforcement des effectifs de magistrats devait s'effectuer de façon régulière avec un effort plus soutenu sur la première année. L'objectif était de renforcer les effectifs des cours d'appel pour leur permettre d'absorber leur retard, de créer des emplois de magistrats du parquet afin de faire face à de nouvelles activités, telles la médiation et la transaction, de créer des emplois de juge de l'application des peines afin de limiter la récidive, de favoriser les mesures alternatives à l'incarcération et de créer des emplois de juge des enfants pour augmenter le nombre des mesures préventives d'assistance éducative et mieux suivre l'évolution des jeunes délinquants.

60 postes de magistrats ont été créés en 1995 et 1996, puis 30 en 1997 et 70 en 1998. Pour 1999, ce sont près de 80 postes qui ont été créés, soit sur cinq ans la création des 300 emplois budgétaires de magistrats conformément à la loi de programme. En revanche, le nombre de magistrats temporaires a été inférieur aux 80 postes prévus. À ce propos, selon la Cour des comptes, dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1999, « les dépenses au titre des magistrats temporaires confirment que la mise en application de la loi de 1995 connaît des difficultés. Elles sont en effet de 105.192 francs pour une dotation initiale de 37 millions. Les dotations excédentaires ont servi à rééquilibrer la ligne des conseillers prud'hommes. »

En 2000, 212 postes de magistrats ont été ouverts. Le projet de loi pour 2001 prévoit la création de 307 postes de magistrats supplémentaires : 

· 237 postes pour la mise en _uvre de la loi du 15 juin 2000 ;

· 40 postes pour la réforme des tribunaux de commerce ; on notera, par ailleurs, qu'un projet de loi organique déposé sur le bureau de l'Assemblée propose d'instituer, dans le cadre de cette même réforme et selon le principe de la mixité, un recrutement de conseillers de cour d'appel exerçant à titre temporaires, choisis parmi les juges consulaires ;

· 25 postes dans les tribunaux pour enfants ;

· et 5 emplois de magistrats pour la Cour de cassation.

La loi organique n° 98-105 du 24 février 1998 portant recrutement exceptionnel de magistrats de l'ordre judiciaire et modifiant les conditions de recrutement des conseillers de cour d'appel en service extraordinaire a autorisé le recrutement de 100 magistrats supplémentaires, dans la limite de 50 postes en 1998 et de 50 postes en 1999. Le recrutement exceptionnel de 90 magistrats exerçant les fonctions de conseiller de cour d'appel a été autorisé en 1998 et, pour le même nombre, en 1999.

En 1998, parmi les cent lauréats, ont été recrutés des avocats, des professeurs, des ingénieurs ou encore des directeurs d'hôpitaux. L'ouverture des concours exceptionnels devait permettrait de combler les 200 postes vacants de magistrats dans les juridictions.

ÉTAT PRÉVISIONNEL DES ENTRÉES
ET SORTIES DU CORPS DES MAGISTRATS

Années

Sorties prévisibles

Entrées prévisibles

1997

75

123

1998

63

185

1999

67

337 (1)

2000

47

296

2001

56

246

(1) dont 100 par concours exceptionnel, 37 conseillers de cour d'appel en service extraordinaire, 25 détachements judiciaires et 30 recrutements latéraux.

Si la progression du nombre des postes budgétaires est satisfaisante, il faut la mettre en rapport avec les effectifs réels de magistrats et préciser que, si des efforts plus significatifs ne sont pas réalisés dans les années à venir, l'évolution défavorable de la pyramide des âges ne sera pas inversée. Il convient d'augmenter les recrutements au-delà des seuls besoins nés des réformes législatives.

ÉTAT DES EFFECTIFS DE MAGISTRATS (1)

(au 1er septembre 2000)

 

1995

1996

1997

1998

1999

2000

A. Magistrats occupant un poste budgétaire : 

6.414

6.423

6.441

6.510

6.790

6.925

B - Magistrats en détachement

231

223

240

232

266

254

C - Magistrats en congé de longue durée

18

9

4

7

9

6

D - Magistrats en congé parental

19

23

25

22

17

15

E - Magistrats en disponibilité

71

73

80

70

77

81

F - Magistrats en activité

6.075

6.095

6.062

6.179

6.421

6.569

G. Magistrats maintenus en activité en surnombre

110

91

110

92

82

66

H. Effectifs réels des magistrats en activité (F+G)

6.185

6.186

6.202

6.271

6.503

6.635

Effectifs budgétaires

6.198

6.258

6.287

6.357

6.502

6.721

Postes vacants (2)

133

187

195

215

147

152

(1) y compris les magistrats d'administration centrale et inspecteurs des services judiciaires.

(2) postes vacants = effectifs budgétaires - magistrats en activité + ajustements liés aux emplois à temps partiel. En 2000 y compris 102 emplois non localisés dans les juridictions, dont 100 pour la réforme des tribunaux de commerce et 2 autres emplois.

Source :  d'après ministère de la justice.

Votre Rapporteur spécial souhaiterait souligner le caractère inquiétant de la diminution importante des candidatures aux deuxième et troisième concours d'entrée à l'École nationale de la magistrature, ainsi qu'il ressort du rapport de M. Jean-François Weber, avocat général à la Cour de cassation. Il appert, comme votre Rapporteur spécial a pu le constater à plusieurs reprises, lors de déplacements dans les juridictions, que les conditions matérielles de préparation qui sont réservées aux candidats de ces concours, lors de la scolarité et pour le déroulement de leur carrière, sans prise en compte de leur passé professionnel, expliquent pour une large part la désaffection de ces voies de recrutement. De fait, seuls les magistrats issus du deuxième et troisième concours et intégrés au titre de l'article 18-1 () de l'ordonnance du 22 décembre 1958 ne bénéficient d'aucune prise en compte de leur activité antérieure ni sur le plan financier, ni sur le plan de leur carrière.

De la même façon qu'une publicité inefficace et une rétention de l'information par les administrations, l'organisation de concours exceptionnels a également contribué à ce phénomène. Créés par la loi organique du 24 février 1998, ils ont offert des conditions plus attractives, avec une formation réduite à six mois avec un stage de cinq mois non probatoire et une prise en compte de leur passé professionnel pour leur classement indiciaire et leur avancement.

Le ministère de la justice ne peut, à la fois, tenir un discours qui défend la recherche des expériences professionnelles et des compétences les plus diverses et agir comme si ces expériences n'existaient pas lors du déroulement des carrières et dans la progression des rémunérations. Cette attitude pourrait même être sanctionnée d'un point de vue constitutionnel. En effet, le Conseil constitutionnel dans sa décision du 19 février 1998 a précisé que les modalités de recrutement des magistrats découlaient de principes de valeur constitutionnelle, et en l'espèce de celui de l'égal accès des citoyens aux emplois publics, en ne tenant compte que de leurs capacités, vertus et talents, et celui du traitement égal des magistrats dans le déroulement de leur carrière. Or, des candidats de même âge et de même profil professionnel antérieur débutent leur carrière à des échelons indiciaires et d'ancienneté différents, dès lors qu'ils n'ont pas suivi la même voie d'entrée :  classique, dans le cas des deuxième et troisième concours, ou rapide, dans le cas des concours exceptionnels ou de l'intégration directe.

À l'heure où la magistrature a besoin de talents nouveaux et de compétences spécialisées, comme votre Rapporteur spécial a pu le souligner dans son rapport d'information sur la réforme en cours (), il semble dommageable de ne pas assurer aux personnes qui souhaitent mettre leurs compétences professionnelles au service de la magistrature un déroulement de carrière équitable. Ne pas remédier à cette situation conduirait à créer au sein du corps des magistrats et des juridictions, des clivages, sources de démotivation et dommageables au rendu d'une justice sereine.

Le prochain projet de loi organique sur la réforme du statut de la magistrature devra s'attacher à rétablir l'égalité. Il faudra également éviter toute pérennisation des concours exceptionnels, qui conduirait inévitablement à vider de toute substance les deuxième et troisième concours, qui garantissent une formation soutenue et de qualité.

Par ailleurs, votre Rapporteur spécial l'a déjà noté, la spécialisation des magistrats n'est pas valorisée par le système d'avancement actuel. En effet, pour avancer dans sa carrière, le magistrat spécialisé d'une section financière, par exemple, sera souvent appelé à exercer des fonctions dans d'autres sections, dans un autre tribunal, ce qui a pour conséquence, d'une part, une perte de compétence pour la section considérée et d'autre part, un sentiment de gâchis pour le magistrat lui-même, qui a consacré plusieurs années à se former dans des matières très pointues. Les mouvements de la carrière interdisent le plus souvent une rentabilisation du temps de formation. Par conséquent, s'investir dans des dossiers implique de renoncer à certains avancements.

La réforme du statut de la magistrature en cours doit permettre d'améliorer la situation. À ce titre, une provision de 20 millions de francs a été inscrite dans la loi de finances pour 2000, s'ajoutant à celle de 18 millions de francs inscrite dans la loi de finances pour 1999. En 2001, cette dotation sera abondée par 40 millions de francs sur le chapitre 31-90 - Rémunérations des personnels. Afin d'anticiper cette réforme, le projet de loi de finances propose, par ailleurs, la transformation de 416 emplois du second grade en emplois du premier groupe du premier grade. Ces transformations concernent aussi bien les magistrats de l'administration centrale que les magistrats en juridictions.

      b) Des effectifs mieux gérés

La politique de recrutement doit s'accompagner d'une amélioration de la gestion des effectifs. En effet, il ne faut pas se contenter d'augmenter les moyens, il faut, d'abord, améliorer la productivité. Le Président de la République l'a souligné, à l'occasion de son discours prononcé pour le quarantième anniversaire de l'École nationale de la magistrature, le 1er octobre 1999, à Bordeaux :  « Il est souhaitable que se généralise dans toutes les juridictions un suivi de l'activité des magistrats, sur la base d'indicateurs transparents et fiables, tenant compte, bien sûr, de l'évolution des moyens mis à votre disposition. Des objectifs doivent être définis. Des échéances fixées. Comme d'autres services publics, la justice doit entrer à son tour dans une logique d'évaluation. »

La mise en place de magistrats placés auprès des chefs de cour, depuis 1987, pour remédier aux vacances d'emplois et aux divers congés, est un autre moyen de donner de la souplesse dans les affectations. 109 magistrats placés étaient en poste en 2000.

      c) Des assistants de justice en nombre

L'article 20 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions avait prévu le recrutement d'assistants de justice afin de donner aux juges les moyens de se consacrer aux tâches qui ressortissent directement de leur compétence, en leur apportant le concours de collaborateurs pour assurer les travaux préparatoires à la décision, effectuer des recherches et rédiger des notes juridiques dans les tribunaux d'instance, les tribunaux de grande instance et les cours d'appel. Les assistants de justice sont recrutés pour une durée de deux ans renouvelable une fois, parmi les personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant quatre années d'études supérieures en matière juridique.

203 assistants de justice ont été recrutés pour 7,2 millions de francs en 1996, 100 assistants en 1997 et 220 en 1998. En 1999, un effort particulier pour le recrutement de 400 assistants de justice supplémentaires (15,6 millions de francs) était inscrit dans la loi de finances. La loi de finances pour 2000 a développé cette mesure avec la création de 100 postes d'assistants de justice supplémentaire pour un coût marginal de 4 millions de francs. L'effort se poursuit en 2001 avec le recrutement de 200 nouveaux assistants sur la base d'une dotation de 8 millions de francs, inscrite sur le chapitre 31-96. Au total 1.250 assistants de justice seront ainsi en fonction.

Les tâches des assistants se sont diversifiées :  recherche de documentation et de jurisprudence, rédaction de notes de synthèse, de projets de décisions ou de réquisitoires, prétraitement du courrier pénal général, tri des dossiers audiencés après loi d'amnistie, proposition de recours aux procédures de médiation-réparation, gestion de la médiation pénale, réalisation des bibles de doctrines ou des jurisprudences, tenue de statistiques, gestion des bibliothèques et des fonds documentaires...

Une évaluation de la manière dont sont utilisés les assistants de justice, dont la gestion est déconcentrée au niveau des chefs des cours d'appel a été menée. Elle fait ressortir que l'utilisation des assistants n'est pas homogène sur tout le territoire. Pour le juge d'instruction, les obligations de contradictoire impliquent des contraintes particulières, ce qui n'emporte pas la même problématique que pour les magistrats du parquet. Le recours aux assistants de justice est particulièrement bien adapté au travail du parquet. Le magistrat, quotidiennement, doit faire face à un important travail matériel comme le recensement des nombreuses victimes dans les affaires d'escroquerie. Il conviendra, pour l'avenir, de recentrer l'activité des assistants de justice pour éviter qu'ils ne constituent, par leur participation à des tâches juridictionnelles réservées aux magistrats ou administratives relevant du greffe, un mode de régulation des flux judiciaires ou un palliatif des dysfonctionnements organisationnels et des problèmes de personnels, notamment d'absentéisme.

À terme, un statut d'assistant de justice voire des perspectives éventuelles d'intégration dans la fonction publique, devront sans doute être mis en place. Mais il semble prématuré de définir aujourd'hui un cadre rigide pour l'exercice de cette fonction. La souplesse du système permet d'adapter les moyens aux besoins. L'existence des greffiers placés n'est pas aujourd'hui suffisante.

Si votre Rapporteur se félicite de l'assistance apportée par ce nouveau type d'emploi au service public de la justice, il s'interroge sur les garanties qu'il présente au regard de la réalisation de certains actes. En effet, ces emplois ne sont pas permanents et pourraient apparaître comme un « pis-aller budgétaire » au regard du travail, accompli en principe, par les agents de greffe.

      2.- Le personnel des greffes judiciaires

      a) Les effectifs de fonctionnaires et d'agents de justice

L'effectif du personnel des greffes judiciaires s'élevait en 1998 à 19.403 personnes, soit 32 % du total des effectifs du ministère. En 1999, il a atteint 19.589 postes et il atteindra 19.751 postes en 2000, soit une augmentation de 3,4 % depuis 1996. Pour 2001, la progression se poursuit avec la création brute de 218 postes, dont 17 au titre de la mise en _uvre du conseil de sécurité intérieure du 27 janvier 1999, portant à 19.957 postes budgétaires nets l'effectif des fonctionnaires de greffe.

Une bonne administration de la justice exige un renforcement des effectifs des greffes judiciaires. La pénurie des moyens de secrétariat et de documentation aboutit à des situations humiliantes, appauvrit la motivation des jugements, ce qui a souvent pour conséquence la multiplication des pourvois en cassation. Le recours aux assistants de justice ne saurait suffire.

Il convient de relever que le nombre de fonctionnaires des greffes par magistrat, hors personnel technique de catégorie C, est relativement stable sur la décennie :  il était de 2,81 fonctionnaires pour 1 magistrat en 1989 ; en 1999, ce ratio s'élève à 2,82.

La loi de programme avait prévu la création de 835 emplois de fonctionnaires auxquels devait s'ajouter la levée de mise en réserve de 185 emplois de personnels de greffe. Entre 1995 et 1998, 185 emplois soumis à un gel ont été « réactivés », et 799 postes ont été créés, dont 300 emplois de catégorie C en 1996 ouverts sans avoir été prévus dans la loi de programme. Pour 1999, 36 nouveaux postes ont été créés, ce qui portera le total sur cinq ans à 835 postes.

Au-delà de la loi de programme, 194 autres postes ont été ouverts en 1999. Ces ouvertures font suite au plan exceptionnel de recrutement mis en place en 1998 et qui portait sur 44 emplois de greffiers en chef, 240 greffiers, 475 personnels de bureau et 70 fonctionnaires des filières techniques. La loi de finances prévoit la création de 170 postes de fonctionnaires de greffe supplémentaires (dont 15 postes d'agents contractuels). Une importante partie de ces créations accompagne la création de postes de magistrats (juge de la détention provisoire et juge des enfants) et le renforcement des services administratifs régionaux. Enfin, elles combleront les besoins en greffiers en chef dans le cadre du développement des conseils départementaux d'accès au droit, appelés à remplacer les conseils départementaux de l'aide juridique.

En 2001, 218 créations brutes sont prévues, parmi lesquelles 28 emplois de chef de service administratif régional et 190 emplois de greffiers, dont 25 seront affectés aux juridictions pour mineurs, 135 à la mise en _uvre des réformes et 30 aux maisons de justice et du droit.

Il faut ajouter à ces créations les postes d'agents de justice, à l'instar de ce qui existe pour le recrutement d'adjoints de sécurité par le ministère de l'intérieur. Ce dispositif a été créé par l'article 29 de la loi n° 99-515 du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale. Affectés dans les juridictions, ces agents, recrutés pour cinq ans, devront assurer des activités répondant à des besoins non satisfaits en matière d'accès au droit de publics fragiles : mineurs et majeurs en difficultés ainsi que leur famille, illettrés, étrangers maîtrisant difficilement la langue française, assistance à l'accueil et à l'animation des maisons de justice, etc. Ainsi, le dispositif « emplois-jeunes » du ministère de la justice comporte désormais deux volets : 

· un volet associatif dans le cadre de la loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes ;

· un volet public avec le recrutement direct, sous contrats de droit public, dans le cadre de l'article 29 de la loi du 23 juin 1999 précitée.

La loi de finances pour 2000 avait prévu le financement de 2.000 emplois-jeunes. Le projet de loi de finances pour 2001 prévoit une base d'inscription de crédits correspondant à la rémunération de 2.000 agents de justice, soit 45 millions de francs, dont 80 % sont financés par transferts de crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité.

      b) La réforme du corps des greffiers

Une réflexion sur l'évolution des métiers des greffes a été engagée au cours de l'année 1997 par une commission composée de magistrats et de fonctionnaires de toutes les catégories, qui a dégagé des premières orientations. Le rapport de cette commission a été adressé en septembre 1998 à toutes les juridictions pour consultation. Devant les inquiétudes soulevées par ce rapport, tant chez les magistrats que chez les fonctionnaires, le 28 mai 1999, a été réunie une commission permanente d'études, élargie à l'ensemble des organisations syndicales de magistrats et de fonctionnaires.

Certains axes ont été dégagés, notamment sur les besoins de professionnalisation et sur la nécessité de clarifier les attributions de chacun tant dans le domaine de la gestion que dans celui du traitement des contentieux. Ainsi, de par leur statut particulier, les greffiers en chef ont-ils vocation à exercer des fonctions de direction, d'administration et de gestion dans les juridictions sous l'autorité des chefs de cour ou des chefs de juridiction. Ils peuvent être assistés d'adjoints, greffiers spécialisés dans les différents métiers de la gestion. Dans le domaine du traitement des procédures, les magistrats ont besoin d'être assistés par des personnels mieux formés et expérimentés travaillant au sein d'équipes de professionnels, aux fonctions identifiées et bénéficiant de l'apport des nouvelles technologies, afin de sortir le juge et l'institution judiciaire de l'artisanat. La fonction traditionnelle du greffier est d'assister le magistrat. Ainsi est-il le collaborateur naturel du juge. Authentificateur des actes juridiques et garant du respect des règles de procédures, sa présence au côté du juge est obligatoire et indispensable. Grâce à un très bon niveau de recrutement et à une solide formation initiale dispensée par l'École nationale des greffes, les greffiers sont devenus de véritables professionnels disposant d'un haut niveau de compétences. Ils suppléent souvent le juge. Dès le début de l'année 2000 a été engagée l'élaboration d'un référentiel des métiers de greffe. Cet outil indispensable à la mise en _uvre de formations adaptées aux nouveaux besoins de l'institution permettra une gestion prévisionnelle des emplois. Il s'agira de formaliser les missions et les activités de l'ensemble des personnels des greffes au sein de fonctions identifiées par domaine.

Une réflexion est en cours sur l'opportunité de déléguer aux greffiers les attributions initialement confiées aux magistrats et transférées aux greffiers en chef dans le but d'assouplir la loi n° 95-25 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

    B.- LES RÉMUNÉRATIONS

Les créations d'emplois en 1999 ont entraîné une ouverture de crédits nouveaux à hauteur de 89,2 millions de francs. Par ailleurs, plus de 116,8 millions de francs ont correspondu au coût en 1999 de l'accord salarial conclu dans la fonction publique sur les bas salaires, sur la revalorisation du point Fonction publique et sur des mesures de pyramidages. Une provision de 18 millions de francs a été inscrite au titre de la réforme du statut de la magistrature. Par ailleurs, une mesure de 9,6 millions de francs était destinée à majorer les indemnités des greffiers et greffiers en chef.

Le régime indemnitaire des greffiers et greffiers en chef a été revalorisé de 0,5 point, portant le taux moyen des indemnités et primes à 20,25 % du traitement brut. Les agents de catégorie C ont bénéficié quant à eux d'une revalorisation de leur régime indemnitaire de 1 point, portant le taux moyen d'indemnités à 17 % du traitement brut.

La loi de finances pour 2000 a prévu une revalorisation des indemnités versées à l'ensemble des fonctionnaires des services judiciaires grâce à une mesure nouvelle de 17,2 millions de francs. Il a également été procédé à une provision de 20 millions de francs pour la réforme du statut des magistrats.

Le projet de loi de finances pour 2001 se place dans la logique de ces réformes, puisque la dotation pour provision destinée à financer la réforme du corps des magistrats a été abondée par 40 millions de francs. En outre, une enveloppe de 11,5 millions de francs permettra, la transformation de 933 agents administratifs en adjoints administratifs, qui constitue la première tranche d'un plan pluriannuel (7,2 millions de francs), et, l'accès de 133 adjoints administratifs au corps de greffiers (4,3 millions de francs).

Enfin, la revalorisation de 0,5 point des indemnités des agents de greffe de catégorie A et B nécessitera un abondement des chapitres correspondants de 5,8 millions de francs.

III.- LES MOYENS DE FONCTIONNEMENT

Les services judiciaires connaissent un nombre d'affaires nouvelles important. L'activité des juridictions civiles comme des juridictions pénales est maintenue à un niveau élevé qui exige des moyens de fonctionnement importants.

    A.- LE FONCTIONNEMENT MATÉRIEL DES SERVICES JUDICIAIRES

La loi de finances pour 1998 avait procédé au regroupement sur le seul chapitre 37-92 les dotations des chapitres 35-10 - Travaux d'entretien immobilier ancien et 37-92 - Fonctionnement des juridictions.

      1.- La réforme de la gestion

Engagée dès 1987, la réforme de la gestion des moyens des services judiciaires a connu une phase expérimentale entre 1992 et 1994, avant de se stabiliser autour de l'échelon fonctionnel de la cour d'appel.

Le développement de l'échelon d'administration implanté dans les cours d'appel a été accompagné par les créations successives de fonctions spécialisées : délégué à la gestion budgétaire, délégué à la formation informatique, formateur régional, magistrat chargé de la formation ou délégué à l'équipement. L'accroissement des tâches d'administration et le nombre de personnels à gérer nécessitent que les chefs de cour bénéficient de renforts en personnel et en moyens, et que soient réorganisées les diverses structures existantes.

Ce dispositif de gestion a été mis en place à partir de 1995. Les services de gestion chargés d'assister les chefs de cour d'appel ont été réorganisés (création d'un service administratif régional, dirigé par un coordonnateur). Dans ce cadre, les juridictions ont été invitées à présenter leurs demandes budgétaires dans une optique de budget zéro (élaboration d'un budget de base et d'un budget de programme).

Cette réorganisation de l'échelon déconcentré s'est traduite par la création à la direction des services judiciaires d'une mission de contrôle de l'exécution des budgets, opérationnelle depuis la fin de l'année 1996, dirigée par un magistrat, assisté de greffiers en chef et ponctuellement d'un administrateur civil. Elle a vocation à intervenir dans l'ensemble des 1.200 juridictions, réparties sur 900 sites immobiliers dans 600 communes. Elle établira une typologie des juridictions en fonction de la nature et de l'évolution de leurs charges, organisera un contrôle de gestion et fournira une assistance technique aux gestionnaires des cours d'appel.

Par ailleurs, en 1997, a été mis en place un dispositif de contrôle de gestion ayant pour finalité d'aider les chefs de cours d'appel dans leurs arbitrages budgétaires tant au niveau de l'élaboration des demandes que de la répartition entre les juridictions du premier degré de la ressource notifiée.

Les circuits financiers régissant les services judiciaires demeurent, malgré ces réformes, complexes. La lettre de l'arrêté du 31 décembre 1993 modifié portant règlement de comptabilité pour la désignation des ordonnateurs secondaires du budget du ministère de la justice et de leurs délégués est, à cet égard, éloquente.

Ainsi le préfet du département siège de la cour d'appel est ordonnateur secondaire des dépenses relatives à l'activité des services judiciaires en matière de dépenses informatiques gérées par les cours d'appel, en matière de rémunérations des personnels titulaires et des agents non titulaires de droit public et en matière de subventions aux organismes privés ou publics contribuant au contrôle judiciaire. Le préfet de région est ordonnateur secondaire du budget du ministère concernant les recettes et les dépenses relatives à l'activité de la cour d'appel de Paris. Le système de délégation rend le système encore plus complexe, puisque le préfet du département peut donner délégation de signature à un magistrat ou à un fonctionnaire de catégorie A délégué auprès des chefs de la cour d'appel de Paris pour l'exécution des recettes et dépenses relatives à l'activité des juridictions du premier degré de ce département. Dans tous les cas, une juridiction du premier degré ne peut avoir d'autonomie comptable et en aucun cas un chef de juridiction ne peut se voir déléguer la compétence d'ordonnateur secondaire, pour les dépenses d'équipement, alors que les directeurs régionaux de l'administration pénitentiaires peuvent être ordonnateurs délégués, y compris pour les dépenses d'investissement, et subdéléguer leur compétence aux chefs d'établissements pénitentiaires dotés de l'autonomie comptable en application de l'article 9 du décret n° 57-1409 du 31 décembre 1957 portant organisation comptable des établissements pénitentiaires.

Face à cette complexité, une réforme de la procédure d'exécution a été initiée par la Chancellerie à titre expérimental dans les ressorts des cours d'appel d'Amiens, de Rouen, d'Angers, Bordeaux, Bourges et Nîmes, ainsi que dans le ressort du tribunal de grande instance de Bobigny dans un objectif de généralisation du dispositif à l'ensemble des cours d'appel intervenue le 1er janvier 2000. Cette réforme vise à permettre aux chefs de cours d'exercer leurs responsabilités tant en termes de conduite d'achats publics qu'en termes de contrôle de gestion. Les circuits de la dépense sont modifiés :  seront centralisées au niveau de la cour d'appel les informations concernant les dépenses de l'ensemble des juridictions du ressort, dont jusque là seuls étaient destinataires les ordonnateurs secondaires pour les juridictions de leur département.

Dans ce schéma, le service administratif régional constitue l'unique interlocuteur des préfets, ordonnateurs secondaires, en matière d'engagement comptable et de mandatement des dépenses des juridictions des départements composant le ressort de la cour d'appel. L'ensemble des juridictions du premier degré du ressort d'un tribunal de grande instance est fédéré en centre dépensier disposant d'une cellule de gestion budgétaire, laquelle est chargée de tenir la comptabilité des juridictions du premier degré relevant du centre dépensier. Les juridictions conservent l'initiative de leurs dépenses de fonctionnement, sous réserve de la politique d'achat commune déterminée, après concertation, par les chefs de cours.

Chaque niveau - administration centrale, service administratif régional, cellule de gestion - dispose d'un outil informatique de gestion. Cette réforme a été étendue courant 1998 à une dizaine d'autres cours d'appel et aux autres cours en 1999.

Les services administratifs ont vu leurs moyens matériels progressivement se renforcer. En 1999, ils bénéficiaient de 685 emplois budgétaires, dont 148 postes de greffiers en chef et 163 emplois de greffiers.

Enfin, l'expérimentation de guichet universel de greffe, où le justiciable peut déposer les pièces de la procédure, accomplir diverses formalités administratives ou divers actes de procédure, même si le contentieux n'est pas jugé sur le lieu où se trouve physiquement implanté ce guichet et où il peut être informé sur l'état d'avancement de sa procédure impose aux juridictions une réorganisation de leur fonctionnement et une amélioration de la circulation de l'information qui pourraient être, à terme, source d'amélioration de la productivité. Cette expérimentation, commencée début mars 1998 à Angoulême, Compiègne et Nîmes, a été étendue en octobre 1999 à Rennes et Limoges.

Votre Rapporteur souhaite appeler votre attention sur l'importance qu'il convient d'accorder à la formation des magistrats à la gestion, tant que les chefs de juridiction seront chargés de l'organisation et du fonctionnement courant, humain et matériel des tribunaux.

      2.- Une progression des moyens

Cette déconcentration raisonnée s'est accompagnée d'un mouvement constant de globalisation se traduisant par des modifications substantielles de la nomenclature budgétaire, et en particulier par le regroupement progressif des crédits de fonctionnement au sein du chapitre 37-92.

MOYENS MATÉRIELS DES JURIDICTIONS

 

(en millions de francs)

   

Loi de finances 1998

Loi de finances 1999

Loi de finances 2000

Projet de loi de finances 2001

Variation 2001/2000
(en %)

Chapitre 37-92
Fonctionnement des juridictions

1.244,57

1.308,98

1.334,99

1.374,10

2,93

Source :  documents budgétaires.

 

Les moyens des juridictions sont en constante augmentation. Ils atteindront 1.374,1 millions de francs pour 2001. Par rapport à la loi de finances initiale pour 2000, la croissance atteint 2,93 %.

Dans le projet de loi de finances, 48,64 millions de francs de mesures nouvelles serviront à aménager et à étendre les bâtiments judiciaires pour la mise en _uvre des réformes pénales (11,8 millions de francs), à financer la politique de la ville et d'accès au droit (5,5 millions de francs), ainsi qu'à la mise en service des nouveaux bâtiments judiciaires (27,9 millions de francs) et à la formation des personnels (3 millions de francs). Par ailleurs, 8,64 millions de francs correspondant à des crédits d'informatique déconcentrée ne seront pas reconduits en 2001.

    B.- LES CHAPITRES ÉVALUATIFS DES FRAIS DE JUSTICE ET DES RÉPARATIONS CIVILES :  L'AMORCE D'UNE INVERSION DE TENDANCE ?

Les chapitres 37-11 - Frais de justice et 37-91 - Réparations civiles sont évaluatifs au sens de l'article 9 de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances. Les derniers exercices avaient témoigné d'une aggravation des taux de dépassement des crédits ouverts dans les lois de finances. Les efforts de maîtrise des dépenses pour frais de justice semblent aujourd'hui porter leurs fruits, tandis que les dotations pour réparations civiles progressent légèrement.

      1.- Une baisse inédite de la dotation pour frais de justice

Pour 2001, la dotation pour frais de justice s'élèvera à 1,81 milliard de francs au lieu de 1,86 milliard de francs en 2000, ce qui constitue un mouvement de baisse inédit sur cette dotation qui connaît traditionnellement une augmentation substantielle. Cette réduction générale de la dotation masque cependant un effort particulier réservé à l'indemnisation des personnes ayant bénéficié d'un non-lieu, de relaxe ou d'acquittement (article 64), qui bénéficie d'un abondement de 30 millions de francs, ce qui fait passer la dotation à 65,7 millions de francs.

ÉVOLUTION DES DOTATIONS DU CHAPITRE 37-11

(hors justice administrative - article 40)
(1996-2001)

(en millions de francs)

 
   

1996

1997

1998

1999

2000 (1)

2001 (2)

A.- Dotation en loi de finances initiale

1.404,8

1.498,5

1.627,5

1.748,5

1.857,8

1.818,1

B.- Dépenses constatées

1.420,2

1.536,9

1.620,6

1.594,9

1.702,5

1.818,1

    - Justice criminelle (article 10)

941,5

1.050,5

1.126,4

1.107,3

1.191,3

1.288,9

    - Justice civile (article 20)

270,6

284,1

280,9

272,4

268,1

265,6

    - Justice commerciale (article 30)

189,6

179,2

189,6

188,7

183,2

178,2

    - Autres (articles 62 à 70)

18,6

23,1

23,7

26,38

37,9

85,4

C.- Dotation finale

1.468,5 (3)

1.498,5

1.627,5

1.748,5

1.857,8

-

Rapport B/A (en %)

101,2

102,6

99,6

91,2

91,6

100

(1) prévisions au 30 juin 2000.

(2) projet de loi de finances.

(3) après transfert de 63,3 millions de francs au titre de la franchise postale.

Source :  ministère de la justice.

      a) Une forte croissance jusqu'en 1998

Les dotations initiales inscrites en loi de finances ont connu une progression moyenne de 8,4 % entre 1995 et 1998. Le chapitre a été régulièrement abondé en cours d'année : 20 millions de francs en 1992, 140 millions en 1993, 50 millions en 1994, 75 millions en 1995, et 63,6 millions de francs en 1996. En 1995 et 1996, les dotations initiales ont été majorées en raison des événements intervenus en cours de gestion :  apurement des impayés relatifs aux réquisitions à France Télécom prévu par la convention en novembre 1995 entre l'entreprise et le ministère (1995), transfert de crédits lié à la suppression de la franchise postale (1996). En 1997 et 1998, aucun abondement n'est intervenu en cours d'exercice. En 1998 et pour la première fois depuis des années, la dotation initiale a couvert les besoins.

Les frais de justice pénale représentent 69 % de la dotation, les frais de justice civile 17 % et les frais de justice commerciale 12 %.

Les frais pénaux sont passés de 923 millions de francs en 1995 à 1.126 millions de francs en 1998, soit une progression de 22 %. L'augmentation des frais pénaux résulte principalement de quatre sources :  les dépenses d'expertise et d'examens médicaux (353 millions de francs) ; les frais de saisie, mise sous séquestre, de fourrière et scellés (91 millions de francs) ; les réquisitions aux opérateurs de télécommunications (130 millions de francs) ; les frais d'enquête, de contrôle judiciaire et de médiation (81 millions de francs). La hausse de ces derniers résulte en grande partie du développement des alternatives à la détention et de celui de la médiation pénale ().

Les frais de justice civile, sur la période 1995-1998, ont progressé de 27,5 %, passant de 220 millions de francs à 281 millions de francs. Ils sont principalement composés des frais postaux (170 millions de francs), des frais de procédures suivies en application de la législation en matière de tutelle des mineurs, de tutelle et de curatelle des majeurs et de sauvegarde de justice et des frais d'enquêtes ordonnées en matière d'exercice de l'autorité parentale.

Les frais de justice commerciale sont constitués des frais de procédure avancés par l'État (émoluments des huissiers, redevance de greffe, frais d'insertion et d'impression des jugements) dans les procédures de redressement et de liquidation judiciaire en cas d'insuffisance de fonds immédiatement disponibles. Ils progressé de manière très contrastée au cours des dernières années, augmentant globalement de 29 % entre 1995 et 1998, année où ils atteignent 190 millions de francs.

      b) L'amorce confirmée d'un ralentissement

Un effort de maîtrise des dépenses

Devant la croissance considérable des frais de justice, un contrôle a été mis en place. La circulaire du 16 avril 1996 a institué un suivi de la dépense par tribunal de grande instance et par cour d'appel. Les cours d'appel ont adressé semestriellement à la Chancellerie un rapport présentant l'évolution de la dépense de frais de justice pénale dans leur ressort.

La circulaire du 14 octobre 1997 a renforcé ce dispositif de suivi des frais de justice. La circulaire du 2 mars 1998 a diffusé des informations sur l'évolution de la dépense au niveau national en 1997 et a fixé un objectif indicatif d'évolution de la dépense de 4 %. Dans la circulaire aux cours d'appel du 27 octobre 1998, plusieurs mesures précises ont été mises en place :  extension du dispositif de contrôle des frais de justice par les juridictions aux frais de justice civile et commerciale, organisation par les cours d'appel des conditions d'une mise en concurrence des prestataires de service dans les domaines non tarifés, rappel du champ des frais de justice commerciale et de leurs modalités de contrôle, établissement par la Chancellerie d'un tableau de bord mensuel national communiqué aux juridictions avec une analyse de la dépense tous les trimestres, etc.

Le décret n° 99-203 du 18 mars 1999 modifiant le code de procédure pénale et relatif aux frais de justice, accompagné de sa circulaire de présentation en date du 5 juillet 1999, a mis en _uvre cette volonté. Un certain nombre d'actes ont été ainsi revalorisés :  expertise psychiatrique, expertises psychologiques et médico-psychologiques, traduction et interprétation, tandis que certaines catégories de frais étaient tarifées (photocopie, cryptologie). Les frais de diffusion des décisions de justice, les frais d'immobilisation, l'indemnité supplémentaire de comparution des jurés, témoins et experts, les frais de déplacement des magistrats ont été simplifiés.

Par ailleurs, les articles 21 à 23 de la loi du 23 juin 1999 qui simplifient les règles de conservation des objets, permettront sans doute d'obtenir une réduction de la durée du gardiennage et des frais correspondants. Cette loi a également facilité l'usage de la télécopie pour les notifications pénales. Enfin dans le cadre de la réforme de la justice commerciale, à la suite du dépôt des rapports de la commission d'enquête parlementaire et de la mission conjointe des inspections des finances et des services judiciaires, il est prévu de réformer le mécanisme d'avances des frais par le Trésor, en cas d'insuffisance de fonds immédiatement disponibles.

Un bilan positif

En 1999, la dotation initiale n'a pas été abondé. Il semble que le ralentissement résulte en partie des efforts de maîtrise des dépenses. Ce ralentissement s'est confirmé pour 2000, puisque la dotation a augmenté seulement de 6,2 %, de 1.748,5 millions de francs à 1.857,8 millions de francs. Néanmoins, la progression de près de 110 millions de francs a permis de répondre aux besoins nouveaux. Ce montant résultait : 

· de mesures de maîtrise de la dépense, d'économies et de transferts engagées et mises en _uvre en 1999 et 2000 (économie de 22,62 millions de francs dans le projet de loi de finances) ;

· d'un ajustement de 32 millions de francs correspondant à l'évolution tendancielle des frais ;

· d'une mesure nouvelle de 41,03 millions de francs pour financer l'impact de l'affiliation au régime général de la sécurité sociale des collaborateurs du service public de la justice, en vertu de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 ;

· d'une mesure nouvelle de 58,81 millions de francs afin de financer, d'une part, conformément à la décision du conseil de sécurité intérieure du 27 janvier 1999, le développement de missions confiées aux délégués du procureur (10 millions de francs), d'autre part, l'impact du projet de loi relatif à la présomption d'innocence et aux droits des victimes et prévoyant l'indemnisation des personnes relaxées, acquittées ou bénéficiant d'un non-lieu (30 millions de francs) et enfin l'impact de la loi n° 99-105 du 18 juin 1999 relative à la sécurité routière (mise en place d'un dépistage toxicologique systématique des conducteurs impliqués dans un accident mortel).

Pour 2001, pour la première fois, la dotation initiale enregistre une baisse pour s'établir à 1.818,1 millions de francs, les frais pénaux représentant 1.288,9 millions de francs, les frais civils 266,6 millions de francs et les frais commerciaux 178,2 millions de francs. Cette dotation a fait l'objet d'une mesure d'économie nette de 166,9 millions en mesures acquises et d'une mesure nouvelle de 127,2 millions de francs. Cette dernière mesure permettra le financement de l'impact de la loi du 15 juin 2000, impact qui se décompose en trois mouvements : 

· l'incidence de l'institution d'un appel en matière criminelle sur les frais d'indemnisation des jurés à hauteur de 38,9 millions de francs ;

· la conséquence des nouvelles mesures d'investigation concernant les victimes pour 15 millions de francs ;

· l'abondement des crédits d'indemnisation des jurés en vue du jugement par les cours d'assises du stock des affaires criminelles pour 73,33 millions de francs.

Cette loi a également entraîné la nécessité d'ajuster les crédits destinés à indemniser les personnes ayant bénéficié d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement. Cette mesure augmente les crédits de l'article 64 de 30 millions de francs.

      2.- Les réparations civiles

Le chapitre 37-91 a connu en 1997 une hausse substantielle de 51,1 %. Cette progression a été rendue nécessaire par le dépassement systématique des dotations inscrites. La sincérité des dotations budgétaires est, depuis, améliorée. En 1998 et pour 1999, la dotation est stabilisée à 20,7 millions de francs et devrait permettre d'éviter des dépassements trop importants. En 2000, la dotation a été reconduite au même niveau, tandis qu'en 2001 elle a été revalorisée de 4,5 millions de francs, afin de tenir compte de l'évolution prévisible des dépenses.

ÉVOLUTION DES DOTATIONS DU CHAPITRE 37-91 - RÉPARATIONS CIVILES

 

(en millions de francs)

   

1995

1996

1997

1998

1999

2000 (1)

2001 (2)

A.- Dotation en loi de finances initiale

13,7

13,7

20,7

20,7

20,7

20,7

25,2

B.- Consommation

26,5

19

20,9

15,2

25,2

15,8

-

Rapport B/A

193,4

138,7

100,1

73,4

121,7

76,3

-

(1) au 31 août 2000.

 

(2) projet de loi de finances.

Source :  ministère de la justice.

    C.- L'AIDE JURIDIQUE

Le dispositif de l'aide juridique comprend trois volets : 

· l'aide juridictionnelle est mise en _uvre par les bureaux d'aide juridictionnelle qui octroient cette aide aux personnes qui la demandent, par les greffes qui attestent de l'exécution des missions effectuées par les avocats, par les caisses de règlements pécuniaires des avocats (CARPA) qui gèrent la rétribution des avocats et par le Trésor public qui assure directement, sans ordonnancement, la rétribution des autres auxiliaires de justice (avoués, huissiers) ;

· l'aide à l'accès au droit peut intervenir en dehors de tout procès pour faciliter l'information juridique des plus démunis et organiser l'assistance au cours de procédures non juridictionnelles. Cette aide relève de la compétence des conseils départementaux de l'aide juridique (CDAJ), qui ont été transformés par la loi n° 98-1163 du 18 décembre 1998 relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits en conseils départementaux de l'accès au droit ;

· l'aide à l'intervention de l'avocat au cours de la garde à vue, prévue pour la première fois par la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale et modifiée par le projet de loi relatif à la présomption d'innocence et aux droits des victimes, distincte de l'aide juridictionnelle, est cependant imputée sur le chapitre 46-12 - Aide juridique.

      1.- L'aide juridictionnelle :  un dispositif victime de son succès

      a) Une adaptation régulière

L'aide judiciaire a été réformée en 1972. Elle a permis d'accorder aux avocats et autres auxiliaires de justice une indemnité pour l'assistance apportée jusqu'ici gratuitement aux justiciables les plus pauvres. Applicable initialement en matière civile, elle a été étendue en 1981 en matière pénale, tandis que la gratuité des actes de justice était instituée en 1977, grâce à la suppression des droits et taxes pesant sur les actes de procédure.

La réforme introduite par la loi n° 91-637 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 intègrent l'aide juridictionnelle dans le concept plus large d'aide juridique. Elle s'est traduite par l'accroissement de l'effort de l'État de 400 millions de francs à 1 milliard de francs, puis, à terme, à 1,5 milliard de francs. À la revalorisation progressive des rétributions des avocats s'est substituée une simple actualisation de celles-ci sur la base de la progression de l'indice des prix.

Le bilan de la réforme, réalisé en 1995, a conduit à engager plusieurs séries de modifications. La loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions, tenant compte des difficultés de recrutement des membres des bureaux d'aide juridictionnelle, a ouvert la présidence de ceux-ci à des magistrats honoraires ou des membres honoraires des juridictions administratives. Le décret n° 97-1221 du 26 décembre 1997 a permis de renouveler une seconde fois, à titre exceptionnel, la nomination ou la désignation des membres honoraires d'aide juridictionnelle établis près la Cour de cassation et le Conseil d'État.

D'autres textes réglementaires ont consolidé les règles relatives à la gestion par les caisses de règlement pécuniaire des avocats des dotations versées par l'État au titre des missions d'aide juridictionnelle.

L'article 82 de la loi n° 98-657 d'orientation relative à la lutte contre l'exclusion a prévu que les personnes sans domicile fixe peuvent adresser leur demande d'aide juridictionnelle au bureau établi au siège de la juridiction dans le ressort de laquelle se trouve l'organisme d'accueil choisi par elle.

La loi n° 98-1163 du 18 décembre 1998 relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits a réalisé, dans son chapitre premier, une réforme importante de la loi du 10 juillet 1991. Quatre séries de mesures ont été définies : 

· le domaine de l'aide juridictionnelle est étendu à la transaction avant l'instance. Le système antérieur permettait une rétribution au titre de l'aide juridictionnelle de l'avocat qui était parvenu à une transaction au cours d'instance, ce qui supposait la saisine préalable d'une juridiction. Cette rétribution de l'avocat est prévue, même en cas d'échec des pourparlers transactionnels ;

· la condition de ressources est levée pour les instances devant les juridictions des pensions militaires ;

· les dispositifs de retrait et de remboursement sont unifiés, tandis que l'avocat du bénéficiaire de l'aide doit désormais demander le versement de la part contributive de l'État dans un délai de six mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée ;

· les bureaux d'aide juridictionnelle sont réorganisés. Le président du bureau, statuant seul, ou un vice-président en qualité de délégataire, peuvent rejeter les demandes manifestement irrecevables ou dénuées de fondement, mais aussi accueillir la demande lorsqu'elle ne se heurte à aucune difficulté particulière. Ils peuvent également ordonner les mesures d'investigation nécessaires pour un contrôle plus rigoureux du respect des conditions de ressources.

À ce jour, tous les textes d'application de cette réforme n'ont pas été publiés. C'est le cas de l'extension du champ d'application de l'aide juridictionnelle à la transaction avant saisine d'une juridiction et aux litiges devant les juridictions des pensions militaires. Il est, en effet, nécessaire de prévoir les modalités et le montant de la rétribution de l'avocat.

Cette carence s'ajoute à certaines imperfections du système actuel. On pourra ainsi s'étonner de la rigidité de la grille d'attribution des unités de valeur alors même que les nouvelles missions imposées aux auxiliaires de justice dans le cadre de l'aide juridictionnelle se multiplient. De la même façon, est-il normal que, dans un procès criminel, un avocat perçoive 50 unités de valeurs lorsqu'il se charge de la défense de l'accusé, alors même que son collègue commis d'office pour défendre la victime n'en percevra que 8.

      b) Un ralentissement des demandes

Les plafonds de ressources ouvrant droit à l'aide juridictionnelle sont revalorisés chaque année en fonction de l'évolution de la tranche la plus basse du barème de l'impôt sur le revenu. Au total, les plafonds pour 1999 de l'aide totale (4.940 francs) et de l'aide partielle (7.412 francs) ont progressé de 12 % depuis 1992, soit un taux supérieur à l'évolution des prix (10 %). En 2000, la revalorisation des plafonds a été calquée sur l'évolution de la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu.

Pour 2001, une revalorisation supplémentaire s'ajoutera au système d'indexation annuelle, ce qui permettra une augmentation globale de 4,2 % (dont 3,1 % de revalorisation « naturelle »). Ainsi, les plafonds de ressources seront fixés à 5.175 francs par mois pour l'aide juridictionnelle totale, au lieu de 4.965 francs en 2000, et à 7.764 francs par mois pour l'aide partielle, au lieu de 7.440 francs en 2000.

Sur moyenne période, le nombre d'admissions a considérablement augmenté. En matière civile et administrative, il a été multiplié par 4,6 entre 1975 et 1997, atteignant 486.583. En matière pénale, la progression, depuis 1985, a été encore plus forte, avec une multiplication par 2,7 et 273.023 admissions en 1997. Globalement, le nombre des admissions est passé de 348.587 en 1991, dernière année de mise en _uvre de l'ancien dispositif, à 709.606 en 1997. Si la réforme de 1991 avait marqué une accélération, les demandes d'aide juridictionnelle se sont relativement stabilisées à partir de 1997. Elles sont ainsi passées de 780.634 en 1997 à 778.413 en 1998 et à 783.130 en 1999.

Les admissions à l'aide juridictionnelle sont également stables depuis 1997 :  709.606 admissions en 1997, 703.746 en 1998 (- 0,8 %) et 704.650 en 1999 (+ 0,1 %). L'évolution des différentes composantes apparaît néanmoins contrastée. Ainsi, les admissions à l'aide totale ont diminué (- 1,3 % en 1998 et - 0,1 % en 1999), tandis que les admissions à l'aide partielle ont progressé modérément (2,2 % en 1998 et 1,5 % en 1999).

ÉVOLUTION DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE
(1997-1999)

 

1997

1998

Évolution

1998/1997

(en %)

1999

Évolution

1999/1998

(en %)

Nombre total de demandes

780.634

778.413

- 0,3

783.130

0,6

Nombre total de rejets

71.028

74.667

5,1

78.480

5,1

Nombre total d'admissions

709.606

703.746

- 0,8

704.650

0,1

Contentieux administratifs (1)

5.577

6.126

9,8

7.108

16

Conditions d'entrée et de séjour des étrangers (2)

17.530

12.827

- 26,8

17.344

35,2

Contentieux civils

413.476

405.461

- 1,9

398.255

- 1,8

Admissions à l'aide totale

337.359

328.706

- 2

321.386

- 2,2

Admissions à l'aide partielle

76.117

76.755

0,8

76.869

0,1

Contentieux pénaux

273.023

279.332

2,3

281.943

0,9

Admissions à l'aide totale

260.495

265.473

1,9

267.009

0,6

Admissions à l'aide partielle

12.528

13.859

10,6

14.934

7,8

(1) non compris les reconduites à la frontière prononcées devant les juridictions administratives.

(2) y compris les reconduites à la frontière prononcées par les juridictions administratives.

Source :  répertoire de l'aide juridictionnelle.

Les admissions sont en hausse pour les contentieux des mineurs, du séjour des étrangers et pour le contentieux administratif. En revanche, elles sont en baisse pour tous les contentieux civils stricto sensu.

En matière pénale, on assiste à une hausse des admissions pour tous les types de contentieux, sauf celui devant les tribunaux correctionnels et les juges d'instruction. Toutefois, le rythme de progression des admissions se ralentit devant les cours d'appel (2,9 % en 1999 après 5,8 % en 1998 et 10 % en 1997), pour les procédures criminelles (5,5 % après 10,9 % et 17,5 %) et devant les tribunaux de police (3 % après 4,3 % et 19,6 %).

En résumé, la décélération des demandes et des admissions à l'aide juridictionnelle observée en 1996 s'est donc confirmée en 1998. Ce mouvement s'est poursuivi en 1999 et en 2000, permettant une économie à droit constant, en 2001, de 100 millions de francs.

      c) Une stabilisation de la dotation

Les crédits, évaluatifs ont été transférés en 1997 du titre III vers le titre IV (chapitre 46-12 nouveau). L'aide juridique constitue bien, en effet, une dépense d'intervention : l'État se substitue aux justiciables ayant des revenus modestes pour régler les honoraires des auxiliaires de justice, au premier rang desquels figurent les avocats.

Elle représentait 1.240,1 millions de francs en 1998 au lieu de 401 millions de francs en 1991. Elle représentait 726 millions en 1994, soit une progression de 70,9 %. Le principal poste de dépense est constitué par la rétribution des avocats :  1.038 millions de francs en 1998, soit une somme de 30.000 francs, en moyenne, par avocat.

Pour 2000, la dotation budgétaire consacrée à l'aide juridique est passée de 1.444 millions de francs à 1.544 millions de francs (+ 6,9 %). L'augmentation résultait d'un ajustement technique pour tenir compte de l'évolution prévisible des dépenses, d'une mesure nouvelle de 3,6 millions de francs destinée à financer l'impact de l'affiliation au régime de sécurité sociale des collaborateurs du service public de la justice, d'une révision des services votés pour tenir compte de l'impact en 2000 des mesures de contrôle de la dépense engagée en 1998 et 1999, et de moyens nouveaux liés au financement des mesures prévues par la loi du 18 décembre 1998 relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits (12,8 millions de francs), par la loi du 23 juin 1999 relative aux alternatives aux poursuites et renforçant l'efficacité de la procédure pénale (4,1 millions de francs) et la loi renforçant la présomption d'innocence et prévoyant l'intervention d'un avocat dès la première heure de garde à vue.

En 2001, la dotation restera stable à 1.543,62 millions de francs par rapport à la dotation initiale pour 2000.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS D'AIDE JURIDIQUE

(Chapitre 37-12 ancien, Chapitre 46-12 nouveau)

(1995-2001)

(en millions de francs)

Année

1995

1996

1997

1998 (1)

1999

2000

2001

 

Dotations en loi de finances initiale

             

Ancien régime (loi de 1972)

25

(n.s.)

(n.s.)

(n.s.)

(n.s.)

(n.s.)

(n.s.)

Nouveau régime (loi de 1991)

1.060,27

1.085,31

1.216,3

1.228,5

1.443,7

1.543,6

1.543,6

Total

1.085,28

1.085,31

1.216,3

1.228,5

1.443,7

1.543,6

1.543,6

Dépenses constatées

             

Ancien régime (loi de 1972)

23,98

10,61

6,2

4,1

2,37

(n.d.)

(n.s.)

Nouveau régime (loi de 1991)

840,68

1.061,51

1.201,8

1.236,6

1.292,99

(n.d.)

(n.s.)

Total

864,66

1.072,12

1.208,1

1.240,8

1.295,36

(n.d.)

(n.s.)

(1) La dotation finale est de 1.250,3 millions de francs après un ajustement de 21,85 millions de francs en loi
de finances rectificative.

Source : ministère de la justice.

      2.- L'accès au droit

      a) Le dispositif légal et réglementaire

L'aide à l'accès au droit peut intervenir en dehors de tout procès pour faciliter l'information juridique des plus démunis et organiser l'assistance au cours de procédures non juridictionnelles. Cette aide relève de la compétence des conseils départementaux de l'aide juridique qui ont été transformés par la loi n° 98-1163 du 18 décembre 1998 relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits en conseils départementaux de l'accès au droit.

Cette loi a, par ailleurs, consacré l'existence des maisons de justice et du droit. Leur organisation était fondée jusqu'alors sur une circulaire de la direction des affaires criminelles et des grâces en date du 19 mars 1996. Il existe à ce jour 38 maisons de justice. 15 sont en création et 55 dossiers sont en cours d'instruction pour l'année 2000. Au 1er juin 2000, 51 maisons fonctionnaient effectivement.

Deux textes d'application des dispositions du chapitre II de la loi du 18 décembre 1998 ont été pris et publiés au cours de l'année 2000. Le décret n° 2000-4 du 4 janvier 2000 a fixé, en application de l'article 11-II de la loi, à trois fois l'unité de valeur de référence en matière d'aide juridictionnelle, le montant maximal de la rétribution horaire des consultations juridiques organisées en matière d'accès au droit. Le décret n° 2000-34 du 19 avril 2000 a précisé, en application des dispositions de l'article 10 de la loi, les règles de constitution et d'administration des conseils départementaux de l'accès au droit et a adapté celles relatives à la composition et au fonctionnement du Conseil national de l'aide juridique (CNAJ). Les membres composant cette instance ont été désignés par arrêté du 12 juillet 2000. Le CNAJ, dans sa nouvelle composition, ne s'est pas encore réuni.

Au moment de l'entrée en vigueur de la loi du 18 décembre 1998, il existait 27 conseils départementaux. Au 1er juillet 2000, ce nombre était passé à 39. Ces conseils réalisent des brochures d'information générale et thématique identifiant les différents organismes intervenant en matière d'accès au droit. Ils participent au financement de permanences d'orientation et de consultation juridiques, ainsi qu'au financement de séances d'information juridique en milieu scolaire, de la mise en place de numéros verts d'information juridique. Les conseils cofinancent également souvent la création de points d'accès au droit dans les hôpitaux, les centres d'hébergement d'urgence, les centres communaux d'action sociale, ainsi que la mise en place de permanences d'information juridique en milieu pénitentiaire. Ils apportent un soutien, en partenariat avec des associations, à des réseaux « d'écrivains publics » et à la création d'antennes juridiques et sociales de prévention des expulsions locatives, et assurent des permanences d'information juridique spécialisée au profit des étrangers en situation précaire.

      b) Les moyens financiers et humains de sa mise en _uvre

L'essentiel des crédits destinés à soutenir l'accès au droit est imputé sur le chapitre 46-01 - Subventions et interventions diverses, article 20 - Services judiciaires :  crédits déconcentrés.

Le budget de l'accès au droit destiné à financer les conseils départementaux d'aide juridique (CDAJ) appelés à devenir des conseils départementaux de l'accès au droit (CDAD) s'est élevé à 6,2 millions de francs en 1997, le ministère de la justice fournissant une dotation de 1,5 million de francs. En 1998, ces chiffres sont passés respectivement à 11,3 millions de francs et 2,8 millions de francs. Pour 1999, le ministère de la justice a réservé 8,5 millions de francs au financement des conseils départementaux. La loi de finances pour 2000 a porté la subvention à 12,5 millions de francs soit une augmentation de 47 %. Pour 2001, l'augmentation de la dotation est limitée à 4,5 millions de francs. Elle permettra de poursuivre le plan triennal de généralisation sur l'ensemble du territoire des CDAD. Au total la dotation atteindra ainsi 17,5 millions de francs.

Enfin, il convient de relever qu'une subvention de 6 millions de francs avait été décidée également en 1999 sur le chapitre 37-92 - Services judiciaires - Moyens de fonctionnement et de formation pour permettre l'acquisition du premier équipement en matériel informatique et en mobilier de bureau et pour réaliser des documents de communication sur l'accès au droit. En 2000, la dotation réservée aux conseils départementaux, à la politique de la ville et aux maisons de justice et du droit étaient abondée à hauteur de 2,77 millions de francs. En 2001, la dotation consacrée à la politique de la ville et à l'accès au droit sur ce chapitre sera abondée par 5,5 millions de francs.

La gestion de ces crédits est déconcentrée. L'administration centrale délègue par cour d'appel des enveloppes dont le montant est calculé en fonction du nombre d'habitants des départements du ressort de la cour, du bilan d'activité des conseils existants et du niveau des demandes exprimées. Il appartient ensuite aux chefs de cour de répartir les enveloppes entre les conseils du ressort de leur cour, puis de rendre compte de cette répartition et de l'usage des crédits ainsi obtenus.

Groupements d'intérêt public, les CDAD ont vocation à recevoir des financements de leurs autres membres. L'examen des budgets prévisionnels 2000 de vingt-trois d'entre eux fait apparaître que la subvention reçue représente en moyenne le tiers de leurs ressources annuelles totales. La contribution des collectivités territoriales, pour l'essentiel les départements, représente 30 % de ces budgets, le solde de 37 % est apporté par d'autres membres, tels que les professions juridiques et judiciaires, ou par des financeurs extérieurs, tels que les régions ou les organismes de sécurité sociale.

Les présidents des tribunaux de grande instance des chefs-lieu de département, présidents de droit des conseils de l'accès au droit, reçoivent dans l'exercice de cette mission, l'appui d'un greffier en chef, fonctionnaire de catégorie A dans les départements de plus de 1,25 million d'habitants, ou d'un assistant de justice dans les autres départements, à temps plein ou à temps partiel selon que le département compte plus ou moins de 500.000 habitants. Ils peuvent également bénéficier de l'aide d'agents de justice ayant pour mission d'accueillir le public, de l'orienter vers les structures administratives, sociales ou associatives, de l'aider à la compréhension de l'organisation des juridictions, enfin de l'assister dans la rédaction des réponses aux formulaires administratifs. À l'heure actuelle, huit CDAD sont dotés de greffiers en chef exerçant les fonctions de secrétaires généraux.

L'accès au droit, s'il doit être favorisé par l'État, doit être totalement pris en charge par lui. Ce domaine est au c_ur de ses missions régaliennes. Il doit en assumer totalement la responsabilité, prendre appui sur les professions judiciaires associées si nécessaire, mais ne pas reporter sur ces dernières la charge financière qui en résulte.

      3.- L'intervention de l'avocat au cours de la garde à vue

Le décret du 4 février 1994, dont les dispositions sont intégrées dans le décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi modifiée du 10 juillet relative à l'aide juridique, fixe les modalités de la rétribution des avocats désignés d'office afin d'intervenir au cours de la garde à vue ainsi que celles du versement, de la gestion et de la liquidation des dotations représentant la part contributive de l'État et versées aux barreaux.

Bien qu'autonome par rapport au dispositif relatif à l'aide juridictionnelle, le dispositif mis en place lui emprunte une part importante de ses règles, notamment celles relatives à la gestion des dotations versées aux barreaux sur le compte spécial prévu par l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991. Le montant de base de la contribution de l'État à la rétribution de l'avocat est de 300 francs hors taxe par intervention ; il peut être majoré lorsque l'intervention est effectuée de nuit ou dans un lieu situé hors des limites de la commune du siège du tribunal de grande instance.

La rétribution est versée à l'avocat par la CARPA (sans aucune intervention du bureau d'aide juridictionnelle) sur production de l'acte de sa désignation par le bâtonnier et sur présentation d'un document visé par un officier ou agent de police judiciaire attestant de l'accomplissement de la mission. Les règles de gestion sont communes à celles relatives à l'aide juridictionnelle. Toutefois, l'utilisation d'une unité de compte différente de celle utilisée pour l'aide juridictionnelle a nécessité la création au sein du compte spécial des CARPA d'une « section » particulière et donc un enregistrement distinct des missions accomplies au titre de la garde à vue.

Par ailleurs, les barreaux qui ont conclu un protocole visé à l'article 91 du décret du 19 décembre 1991 avec les tribunaux auprès desquels ils sont établis, peuvent étendre ce protocole à la garde à vue et bénéficient d'une majoration de la dotation allouée par l'État au titre des dépenses engagées par le barreau pour l'organisation du service des permanences.

Le montant des règlements effectués par les CARPA aux avocats au titre des missions achevées d'aide à l'intervention au cours de la garde à vue est de 13 millions de francs en 1999. En 1998, sur 448.582 gardes à vue (dont 390.394 de moins de 24 heures et 58.188 de plus de 24 heures), 30.381 ont donné lieu à l'intervention d'un avocat. Si l'on considère en pratique que seules les personnes faisant l'objet d'une garde à vue de plus de 24 heures sollicitent l'intervention d'un avocat, sa désignation d'office est demandée par 52,2 % des intéressés.

L'article 11 de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, prévoit l'intervention de l'avocat au cours de la garde à vue à trois reprises :  dès la première heure de garde à vue, après la vingtième heure de garde à vue, après la trente-sixième heure de garde à vue, si celle-ci a fait l'objet d'une prolongation.

Pour financer la mise en _uvre de la réforme, la dotation budgétaire réservée à l'aide à l'intervention de l'avocat au cours de la garde à vue a été abondée par anticipation en loi de finances 1999 (20 millions de francs) et 2000 (47 millions de francs). Pour l'année 2001, une enveloppe de 92 millions a été réservée sur la dotation d'aide juridictionnelle. 

· 70 millions de francs pour l'intervention dès la première heure, soit environ 200.000 interventions ; il a été considéré que près de la moitié des gardés à vue demanderaient l'intervention d'un avocat désigné d'office, en référence à la situation actuelle (49 % en 1997, 52 % en 1998) ;

· 13 millions de francs pour l'intervention après la vingtième heure, soit environ 30.000 interventions ; il a été estimé que la situation actuelle serait inchangée ;

· 1 million de francs pour l'intervention après la trente-sixième heure, soit environ 3.000 interventions.

Cette somme permettra également de financer une revalorisation de 10 % des rétributions des avocats pour ces missions, afin de prendre en compte les contraintes supplémentaires d'organisation des permanences des avocats et d'assurer des interventions de qualité.

IV.- L'ÉQUIPEMENT JUDICIAIRE

Les efforts d'investissement prévus en 2001 s'inscrivent dans le mouvement initié opportunément par la loi de programme tendant à mettre à niveau un équipement judiciaire déficient.

    A.- UNE SUCCESSION DE PROGRAMMES PLURIANNUELS

Le parc judiciaire apparaît très important, puisqu'il couvre près de 1,8 million de mètres carrés. Son entretien et son adaptation aux besoins ont nécessité d'engager plusieurs programmes :  programme pluriannuel d'équipement des juridictions à partir de 1992, volet du plan de relance pour la ville en 1993, loi de programme en 1995, nouveau programme pluriannuel d'équipement pour 2000-2004.

L'équipement judiciaire fait ainsi l'objet de dotations budgétaires conséquentes, qui vont encore atteindre près de 756,4 millions de francs de crédits de paiement pour 2001, soit une progression de 29,19 % par rapport à 2000. Parallèlement, les autorisations de programme baissent de 805 à 763 millions de francs, soit une réduction de 2,73 %.

Ces crédits sont destinés à trois actions principales : 

· les opérations d'intérêt national, dites « de catégorie I » (), qui ont intégré les réalisations prévues par la loi de programme 1995-2000 et qui comprennent les investissements financés par les crédits inscrits à l'article 30 du chapitre 57-60 - Équipement, ainsi que les opérations menées au palais de justice de Paris, financées sur l'article 20 du chapitre précité ;

· le programme déconcentré, réservé aux opérations de moindre ampleur, dites de « catégorie II », financées sur l'article 20 du chapitre 57-60 ; l'ordonnateur secondaire de ces opérations est le préfet, ou par délégation de celui-ci, le directeur départemental de l'équipement ;

· la construction d'un nouveau tribunal de grande instance à Paris.

Compte tenu de l'entrée en vigueur de la loi de programme en 1995, les autorisations de programme adoptées dans les lois de finances initiales ont augmenté fortement à partir de cette période, avant de décroître significativement en 1997 en raison de la décision d'étalement de l'application de la programmation sur une année supplémentaire. Puis, elles ont connu un léger redressement jusqu'en 2000, avant de diminuer de nouveau en 2001. Les crédits de paiement ont suivi la même évolution avec un certain décalage qui s'explique à la fois par un retard dans la programmation et par le mouvement naturel qui lie l'ouverture des autorisations de programme et les crédits de paiement.

 

CRÉDITS INITIAUX ET OUVERTS D'ÉQUIPEMENT DES SERVICES JUDICIAIRES
(Chapitres 57-11 ancien et 57-60 nouveau, articles 20 et 30)
(1)

(en millions de francs)

 

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

 

A.Crédits de paiement initiaux

731,1

754

901,3

976

961

585,5

756,4

B.- Crédits de paiement ouverts

1.064

1.111

1.174,3

1.200

1.372

1.200

-

Écart (B-A)

332,9

357

273

224

411

614,5

-

C.Autorisations de programme initiales

1.192

1.154

889

567

673

805

763

D.Autorisations de programme ouvertes

1.307

1.059

1.119

664,5

1.144

1.382

-

Écart (D-C)

115

-95

230

97,5

471

577

-

 

(1) budget voté, sauf 2001 (projet de loi de finances).

Source : d'après ministère de la justice.

Il reste que les très importants reports de crédits d'un exercice sur l'autre, dénoncés par la Cour des comptes, conduisent à un gonflement significatif de l'enveloppe de crédits disponibles et doivent donc être pris en compte. Ainsi, l'écart entre crédits initiaux et crédits ouverts apparaît très important. Il a connu un sommet en 1999 et en 2000, compte tenu de l'ouverture dans la loi de finances rectificative de 350 millions de francs d'autorisations de programme et de 50 millions de francs de crédits de paiement destinés à financer la construction du nouveau tribunal de grande instance à Paris, montants qui ont été intégralement reportés d'un exercice à l'autre. Votre Rapporteur spécial regrette que cette inscription n'ait pas eu lieu dans la loi de finances pour 2000. Au fur et à mesure que l'écart entre crédits adoptés par le Parlement et crédits ouverts en cours de gestion se creuse, l'autorisation parlementaire perd de sa valeur. Le Gouvernement pourrait, conformément à la Constitution, y prêter une plus grande attention.

De manière générale, les taux de consommation, s'ils se sont améliorés, restent insuffisants.

Le ministère de la justice explique la difficulté de consommer les crédits ouverts par une « modification du contexte des opérations, de nouvelles contraintes, pesant sur les délais, étant venues s'ajouter aux aléas propres à toute opération d'équipement (intempéries, modifications du cahier des charges...). Ainsi, les appels d'offres infructueux se sont multipliés, le nombre des entreprises intéressées par la commande publique ayant régressé en raison de la reprise économique. De plus, le ministère de la justice se heurte souvent à la pénurie et au renchérissement des fonciers nécessaires aux constructions, ainsi que du parc locatif auquel il est fait recours pour le relogement provisoire des services. Enfin, s'ajoutent des contraintes techniques supplémentaires, comme le désamiantage, et un manque de ressources humaines pour la conduite d'opération, notamment au sein des directions départementales de l'équipement. »

Le ministère s'est engagé à rééquilibrer les crédits de paiement par rapport aux autorisations de programme susceptibles d'être ouvertes, afin de réduire les reports en fin d'exercice. L'excédent de crédits de reports devrait pouvoir être résorbé à partir de 2001-2002.

ÉQUIPEMENT JUDICIAIRE 

(Chapitre 57-11 ancien, Chapitre 57-60 nouveau, articles 20, 30 et 70)

(en francs)

 

Autorisations
de programme inscrites

Autorisations
de programme consommées

Crédits de paiement inscrits

Crédits de paiement consommés

 

1996

         

Programme pluriannuel d'équipement

769.890.735

633.035.324

797.842.429

650.759.633

 

Autres opérations

288.990.684

263.196.135

313.161.674

237.096.393

 

Total général

1.058.881.419

896.231.459

1.111.004.103

887.856.026

 

1997

         

Programme pluriannuel d'équipement

624.927.128

562.073.822

796.121.513

703.623.674

 

Autres opérations

494.232.081

434.570.533

378.184.281

243.262.037

 

Total général

1.119.159.209

996.644.355

1.174.305.794

946.885.711

 

1998

         

Programme pluriannuel d'équipement

271.723.383

270.412.121

725.997.839

579.107.595

 

Autres opérations

392.832.728

339.500.202

474.145.274

254.207.484

 

Total général

664.556.111

609.912.323

1.200.143.113

833.315.079

 

1999

         

Programme pluriannuel d'équipement

402.186.757

385.099.668

762.469.784

533.800.929

 

Autres opérations

391.808.629

370.514.744

559.425.244

232.305.106

 

Nouveau tribunal de grande instance de Paris

350.000.000

0

50.000.000

0

 

Total général

1.143.995.386

755.614.412

1.371.895.028

766 106 035

 

Prévisions 2000 (1)

         

Opérations de catégorie I

         

Reliquats sur la gestion précédente

17.087.089

-

228.668.855

-

 

Loi de finances initiale

344.000.000

-

415.000.000

-

 

Fonds de concours

0

-

0

-

 

Autres mouvements

70.000.000

-

4.000.000

-

 

Total

431.087.089

-

647.668.855

-

 

Opérations déconcentrées et rénovation de Paris

         

Reliquats sur la gestion précédente

21.293.885

-

327.120.138

-

 

Loi de finances initiale

461.000.000

-

170.500.000

-

 

Fonds de concours

405.795

-

405.795

-

 

Autres mouvements

118.611.650

-

4.611.650

-

 

Total

601.311.330

-

502.637.583

-

 

Nouveau tribunal de grande instance de Paris

         

Reliquats sur la gestion précédente

350.000.000

-

50.000.000

-

 

Total général

1.382.398.419

-

1.200.306.438

-

 

2001

(Projet de loi de finances)

         

Opérations de catégorie I

434.000.000

-

544.850.000

-

 

Opérations déconcentrées et rénovation de Paris

329.000.000

-

211.550.000

-

 

Nouveau tribunal de grande instance de Paris

0

-

80.000.000

-

 

Total général

763.000.000

-

836.400.000

-

 

(1) prévision au 15 juillet 2000. À partir de cet exercice, les opérations de catégorie I ont été rassemblées sur l'article 30 du chapitre 57-60, tandis que l'ensemble des opérations de catégorie II ainsi que les opérations de rénovation du palais de justice de Paris ont été rassemblées sur l'article 20. Par ailleurs, un article 70 a été créé pour accueillir les crédits destinés à la construction d'un nouveau tribunal de grande instance à Paris.

Source :  ministère de la justice.

 

    B.- LE PROGRAMME PLURIANNUEL D'ÉQUIPEMENT

Le programme pluriannuel d'équipement né en 1992 des vingt-six schémas directeurs départementaux d'opérations prioritaires, devait s'achever en 1998. Il a été prolongé avant d'être redéfini pour la période 2000-2004. Il est théoriquement financé sur le chapitre 57-60 - Équipement, article 30 - Services judiciaires. Programme pluriannuel d'équipement. Mais les frontières sont floues. En effet, le programme a pu fédérer des opérations en cours, financées parfois sur un autre article. De plus, l'intégralité des opérations n'est pas gérée par la délégation générale au programme pluriannuel d'équipement (DGPPE). L'engagement de certaines opérations prioritaires de taille plus modeste est décidé de façon déconcentrée.

Les 20 principales opérations, auxquelles il faut ajouter la prise en charge exceptionnelle de la reconstruction du Parlement de Bretagne à Rennes, sont cependant gérées par la délégation. 11 ont été d'ores et déjà livrées : Aix, Avignon, Béthune, Bordeaux, Caen, Grasse, Lyon, Melun, Montpellier, Nanterre, Nantes, Nice, Rennes.

En 2000, 648 millions de francs de crédits de paiement et 431 millions de francs d'autorisations de programme ont été ouverts. Ces crédits permettront de poursuivre et d'ouvrir certaines opérations importantes :  Avignon et Nantes (livraison), Grenoble, Fort-de-France et Besançon (construction), Toulouse (extension et rénovation), Narbonne et Pontoise (démarrage des constructions), Aix-en-Provence, Cayenne et Thonon-les-Bains (lancement d'une étude pour une construction), Basse-Terre (lancement d'une étude pour une extension et restructuration), Versailles (lancement d'une étude pour une réinstallation).

Pour 2001, 544,6 millions de francs de crédits de paiement et 329 millions de francs d'autorisations de programme sont prévus. Les opérations de Grenoble, Fort-de-France et Narbonne devraient se poursuivre pour 82 millions de francs d'autorisations de programme, tandis que seront lancées les opérations de la deuxième tranche de Toulouse et de Pontoise, ainsi que celles de Thonon-les-Bains et Basse-Terre pour 317 millions de francs. Enfin, 35 millions de francs serviront à financer les études et les acquisitions nécessaires aux opérations de Versailles et d'Aix-en-Provence, pour une livraison prévue en 2005.

    C.- LES OPÉRATIONS DÉCONCENTRÉES

Aux opérations prioritaires du programme pluriannuel, s'ajoutent celles du programme déconcentré, d'une moindre ampleur, inscrit à l'article 20 du chapitre 57-60. Elles concernent à la fois le palais de justice de Paris (voir D) et des opérations initiées par les cours d'appel : remise à niveau technique et gros entretiens des bâtiments judiciaires. Les crédits ouverts en 2000 ont permis d'achever les opérations de Lisieux, Vesoul, Épinal, Toulon, Versailles et Nancy, de poursuivre les opérations de Belfort, Blois, Douai et Dunkerque, et d'engager les chantiers de Rodez, Roanne, Bastia, Béziers et Saint-Étienne. 51 % des crédits déconcentrés ont été dirigés en 2000 vers des opérations de mise en sécurité des bâtiments judiciaires.

Pour 2001, les autorisations de programme s'élèvent à 329 millions de francs et les crédits de paiement à 211,55 millions de francs, à comparer avec les 461 et 170,5 millions de francs ouverts dans la loi de finances initiale pour 2000. On assiste donc à une diminution des autorisations de programme et à une progression des crédits de paiement, conformément à la politique de rattrapage engagée et destinée à résoudre la question des reports de crédits. 21 millions de francs seront consacrés à la poursuite des opérations de Nanterre, Rodez, Roanne et Béziers, 80 millions de francs à l'engagement de travaux à Cahors, Lyon, Ajaccio, Niort et Laon. Des études seront menées pour les tribunaux du Havre, de Caen et de Strasbourg, ainsi que pour l'École nationale des greffes de Dijon.

PRINCIPALES OPÉRATIONS JUDICIAIRES RÉALISÉES DEPUIS DIX ANS

Année de livraison

Ville

Juridictions (*)

Nature des travaux

1990

Le Mans

TGI, TI, TC, CP'H

construction

 

Orléans

TGI, TI, TC, CP'H

construction

 

Segré

TI

construction

 

Strasbourg

TI

construction

1991

Libourne

TC, CP'H

construction

 

Poissy

TI, CP'H

construction

 

Valenciennes

TI, CP'H

restructuration, extension

1992

Clermont-Ferrand

TGI, TI, TC, CP'H

construction

 

Montpellier

Palais de justice

surélévatiun

 

Villejuif

TI

construction

1993

Nice

TGI, TI

restructuration ancienne caserne Rusca

 

Boulogne-Billancourt

CP'H

construction

 

Douai

TI, TC

restructuration

 

Lille

TC

mise en sécurité

 

Saint-Denis

TI

construction

1994

Blois

TI, TC, CP'H

extension

 

Cambrai

TGI, TI, TC, CP'H

relogement

 

Tarbes

Palais de justice

restructuration, rénovation lourde

 

Saint-Pierre de la Réunion

CP'H

construction

1995

Saint-Pierre-et-Miquelon

Tribunal supérieur d'appel

construction

 

Cahors

TI

construction

 

Lyon

TGI, TI, TC, TDP

construction

1996

Asnières

TI

construction

 

Caen

CA, C Ass, TC, CP'H

construction

 

Évreux

TI, TC, CP'H

construction

 

Évry

TI, TC, CP'H

relogement

 

Montereau

TI, TC

construction

 

Montpellier

TGI, TI

construction

 

Nanterre

TC, CP'H

construction et extension TGI

 

Toulon

TI, TC, TE

construction

1997

Aix-en-Provence

CA, C Ass

restructuration ancienne maison d'arrêt

 

Saintes

TGI, TI, TC

extension

 

Vierzon

TI, CP'H

construction

1998

Angoulême

TGI, C Ass, CP'H

restructuration

 

Béthune

TGI

extension et restructuration

 

Bordeaux

TGI, ENM

construction, extension

 

Lille

TGI, TI

mise en conformité installations électriques

 

Melun

TGI, TI, TC, CP'H

construction, extension

 

Nice

TC

relogement

 

Roubaix

TI, CP'H

restructuration

1999

Évreux

TGI, C Ass

restructuration

 

Grasse

TGI, TI, TC, CP'H

construction

 

Laval

TGI, C Ass

relogement provisoire

 

Nice

TGI

restructuration

 

Rennes

CA (Parlement de Bretagne)

reconstruction, réaménagement

2000

Avignon

TGI, TI, TC, CPH

construction

 

Épinal

TGI, TI

extension, rénovation

 

Lisieux

TGI

sécurité des structures, restauration

 

Nancy

TGI, TI

rénovation

 

Nantes

TGI, TI

construction

 

Toulon

TGI

réorganisation fonctionnelle

 

Versailles

TGI

sécurité incendie et climatisation

 

Vesoul

TGI, TI, Assises

sécurité structures

(*) CA :  cour d'appel.
C Ass :  cour d'assises.
CP'H :  conseil de prud'hommes.
ENM :  École nationale de la magistrature.
TC :  tribunal de commerce.
TDP :  tribunal de police.
TE :  tribunal pour enfants.
TGI :  tribunal de grande instance.
TI :  tribunal d'instance.
Source :  ministère de la justice.

    D.- LE PALAIS DE JUSTICE DE PARIS

En raison de la taille du bâtiment, de sa sur-occupation et de ses carences en matière de sécurité et de fonctionnalité, le palais de justice de Paris fait l'objet de constantes opérations d'équipement. Ces opérations d'équipement et de mise en sécurité sont inscrites sur l'article 20 du chapitre 57-60.

80 millions de francs sont réservés chaque année à ces travaux. La programmation en 2000 est restée à ce niveau. Nombre d'opérations en cours en 1999 ont été livrées ou poursuivies :  mise en sécurité et restructuration des caves des entreprises, mise en sécurité incendie d'urgence du tribunal de commerce, réfection des toitures et façades, reprographie de la Cour de cassation, aménagement des greffes de la cour d'appel, interventions d'urgence sur le clos et le couvert, restructuration des locaux des affaires familiales du tribunal de grande instance... Au total, ce sont plus de soixante chantiers qui ont été ouverts et mis à l'étude.

Pour 2001, le palais de justice de Paris bénéficiera encore de 80 millions de francs d'autorisations de programme, afin d'une part de compléter les dotations en place au titre d'opérations de longue durée (mise en sécurité, organigramme des clés, réfections diverses) et d'autre part de financer de nouvelles études et de nouveaux travaux, ceci en attendant la construction d'un nouveau tribunal de grande instance, dont votre Rapporteur spécial a pu, à maintes reprises, déclarer le caractère urgent et nécessaire.

Rappelons qu'un nouveau bâtiment permettrait de gagner 25 % de productivité. Les coûts de construction d'une nouvelle cité judiciaire sont évalués à environ 2 milliards de francs. L'acquisition de 100.000 mètres carrés engagerait une dépense d'environ 1 milliard de francs. La même somme devrait être consacrée à la construction proprement dite des nouveaux locaux. Une consultation en vue de la désignation d'un prestataire pour analyser les avantages et les inconvénients de chaque site et indiquer les conditions techniques et urbanistiques de la faisabilité d'un tel projet a permis la désignation d'un groupement architecte/bureau d'études dans le courant du premier semestre 2000. 80 millions de francs ont été ouverts en crédits de paiement, en sus des 50 millions de francs ouverts par la loi de finances rectificative pour 1999 et reportés, au même titre que les 350 millions de francs d'autorisation de programme, sur l'exercice 2000.

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CHAPITRE IV

LES SERVICES PÉNITENTIAIRES

D'un montant de 7,89 milliards de francs pour 2001, le budget de l'administration pénitentiaire représente 28 % du budget de la justice avec notamment 530 créations d'emplois brutes, dont 171 transferts internes au profit de l'École nationale d'administration pénitentiaire, transformée en établissement public en janvier 2001.

Le service public pénitentiaire participe à l'exécution des décisions pénales et au maintien de la sécurité publique. Il assure, également, une fonction de réinsertion sociale des personnes confiées par l'autorité judiciaire.

L'importance de ces missions a fait l'objet d'un récent regain d'intérêt et placé l'administration pénitentiaire au centre d'un large débat public, ce qui a permis de faire sortir cette question des cabinets de spécialistes. Au-delà de la publication de plusieurs témoignages de professionnels qui ont trouvé un large écho, la multiplication récente de travaux et de rapports a pu alimenter ce phénomène. On peut citer ainsi les rapports de la commission présidée par M. Farge, conseiller à la Cour de cassation, consacrée à la réforme de la libération conditionnelle, et de celle présidée par M. Canivet, Premier président de la Cour de cassation, relative au contrôle extérieur des établissements pénitentiaires. Ces travaux particuliers ont été complétés par deux rapports parlementaires, rendus publics le 5 juillet 2000.

Au-delà de l'analyse des crédits destinés à l'administration pénitentiaire pour 2001, votre Rapporteur spécial renvoie pour une étude approfondie de l'évolution des mouvements passés aux rapports des commissions d'enquête, l'une présidée par notre collègue Louis Mermaz et l'autre par le sénateur Jean-Jacques Hyest ().

I.- LA PRISE EN CHARGE DE LA POPULATION PÉNALE

Au 1er janvier 2000, près de 190.000 personnes étaient sous la responsabilité de l'administration pénitentiaire. Près de 75 % faisaient l'objet d'une mesure ou d'une sanction suivie en milieu ouvert, tandis que 25 % étaient incarcérées.

INDICATEURS DE L'ENVIRONNEMENT CARCÉRAL
(1996-1999)

 
 

1996

1997

1998

1999

Densité carcérale

Taux d'occupation dans les maisons d'arrêt

125 %

122 %

119 %

117,4 %

Taux d'occupation dans les établissements pour peine

111 %

111 %

93,3 %

94,9 %

Nombre d'incidents en détention
(pour 1.000 détenus)

Évasions

0,35

0,33

0,30

-

Suicides

2,52

2,31

2,21

-

Voies de fait entre détenus

22,33

25,14

28,42

-

Agression des personnels

2,32

3,98

5,21

-

Alternatives à l'incarcération

Taux de journées de détention effectuées en semi-liberté

-

3,24 %

3,54 %

3,64 %

Taux de sortants en libération conditionnelle

10,84 %

9,25 %

9,71 %

9,54 %

Détenus au travail

Détenus au travail par rapport à la population carcérale

36,47 %

35,39 %

37,73 %

-

Source :  d'après le compte rendu de gestion budgétaire Justice, 1999.

Le milieu ouvert et le milieu fermé connaissent des évolutions opposées. Depuis dix ans, la population prise en charge en milieu ouvert ne cesse d'augmenter. En revanche, après une période d'« inflation carcérale », la population détenue a atteint un sommet à 55.000 en 1996 et tend à diminuer depuis, avec une accélération de cette baisse depuis deux ans.

    A.- L'INFLATION CARCÉRALE MAÎTRISÉE ?

      1.- L'évolution générale

Le nombre total de détenus s'élève à 51.441 au 1er janvier 2000 en métropole et outre-mer. Après une augmentation constante jusqu'en 1996, ce nombre est en baisse pour la quatrième année consécutive. Mais, le nombre de détenus au 1er janvier de chaque année ne donne qu'une vision très partielle de l'évolution, cette approche ne tenant pas compte des fluctuations au cours de l'année. Par exemple, entre le mois de janvier et juillet 1999, la progression globale de la population détenue s'établissait à 9,2 %, tandis qu'entre le mois de juillet 1999 et le 1er janvier 2000 on a pu observer une baisse de 10,4 %.

Ces mouvements sont classiques :  les grâces collectives, décrétées annuellement au cours du mois de juillet, depuis 1991, provoquent une diminution de la population au mois d'août et la reprise ne s'effectue qu'en novembre ou décembre. L'année 1999 se caractérise par le prononcé d'un second décret de grâce présidentielle le 16 décembre 1999, qui a enrayé l'augmentation de fin d'année :  entre le 1er décembre 1999 et le 1er janvier 2000 la population détenue a pu ainsi diminuer de 4 %.

La métropole et l'outre-mer connaissent, cependant, des situations différentes :  depuis le 1er janvier 1996, la population détenue en métropole a diminué alors que la population détenue outre-mer a augmenté. Entre 1998 et 1999, les tendances sont les mêmes. La diminution globale des entrées en détention en métropole n'est plus compensée par les durées de détention qui ne cessent pourtant d'augmenter :  l'indicateur de durée moyenne de détention s'établit en 1999 à 8 mois contre 7,1 mois en 1994 (4,3 mois en 1975). Cette élévation peut s'expliquer par la part de plus en plus importante des condamnés exécutant des peines supérieures à cinq ans :  ils formaient 28 % des condamnés incarcérés au 1er janvier 1980, au lieu de 42 % des condamnés au 1er janvier 2000.

L'accroissement de la population détenue outre-mer est au contraire liée à la fois à une augmentation du nombre d'entrées en détention, qui a augmenté de 39,5 % entre 1990 et 1999, ainsi qu'à une élévation de la durée moyenne de détention, qui est passée de 7,6 mois en 1990 à 10,6 mois en 1999.

Les changements constatés se sont accompagnés d'une modification du « profil » des populations prises en charge et ont eu un impact sur le taux d'occupation des établissements.

On comptait 186 établissements au 1er janvier 2000, qui totalisaient un nombre de places « opérationnelles » de détention de 49.294. Parmi eux, 118 maisons d'arrêt où sont regroupés les prévenus et les condamnés dont le reliquat de peine est inférieur à un an. Le rapport entre le nombre de détenus et le nombre de places opérationnelles s'élève à 105 détenus pour 100 places au 1er janvier 2000, mais il atteint 115 % en maisons et quartiers de maison d'arrêt. 40 maisons ou quartiers de maison d'arrêt ont une densité supérieure à 150 %. Dans ce cadre également, il convient de relever qu'avant l'effet des grâces présidentielles, en cours d'année, ces taux de densité carcérale peuvent être beaucoup plus élevés. Néanmoins, il faut souligner que, d'une manière générale, depuis 1990, la densité de population carcérale a fortement diminué :  elle était de 124 % au 1er janvier 1990, 112 % au 1er janvier 1995, 105 % au 1er janvier 2000.

La population détenue tend à vieillir :  l'âge moyen au 1er janvier 2000 est de 34,4 ans. Depuis 1990, le nombre de détenus âgés de 40 ans ou plus a augmenté de 81 % alors que celui des 18-30 ans a baissé de 11,3 %. Le nombre de mineurs s'établit à 718 à cette date, en hausse de 0,6 % en un an (28 % depuis 1996). Ils représentent 1,4 % des détenus.

ÉVOLUTION DE LA POPULATION INCARCÉRÉE EN FRANCE

 


Métropole

Taux de variation (en %)


DOM

Taux de variation (en %)


France

Taux de variation (en %)

Janvier 1987

47.698

11,9

1.418

0,4

49.116

11,6

Janvier 1988

49.330

3,4

1.547

9,1

50.877

3,6

Janvier 1989

44.997

- 8,8

1.534

- 0,8

46.531

- 8,5

Janvier 1990

43.912

- 2,4

1.507

- 1,8

45.419

- 2,4

Janvier 1991

47.175

7,4

1.930

28,1

49.105

8,1

Janvier 1992

48.119

2

2.003

3,8

50.122

2,1

Janvier 1993

48.166

0,1

2.186

9,1

50.352

0,5

Janvier 1994

50.240

4,3

2.311

5,7

52.551

4,3

Janvier 1995

51.263

2,8

2.312

0

53.935

2,6

Janvier 1996

52.658

2

2.404

4

55.062

2,1

Janvier 1997

51.640

- 1,9

2.629

9,4

54.269

- 1,5

Janvier 1998

50.744

- 1,7

3.101

18,1

53.845

- 0,8

Janvier 1999

49.672

- 2,1

3.289

6,1

52.961

- 1,6

Janvier 2000

48.049

- 8,8

3.392

3,1

51.441

- 2,9

Source : administration pénitentiaire, rapports annuels d'activité.

Il n'est pas utile de revenir sur les conséquences de cette situation, qui demeure très difficile. Là encore, les rapports des commissions d'enquête parlementaires précités font largement le point sur cette question.

      2.- La population condamnée

Les condamnés forment 64,8 % de la population détenue en France au 1er janvier 2000 au lieu de 61,4 % au 1er janvier 1999. Plus de 75 % d'entre eux sont des condamnés correctionnels, les condamnés à une contrainte par corps représentent 0,6 % des condamnés. Le nombre des condamnés exécutant une peine inférieure à un an ne cesse de baisser :  ils formaient 37 % des condamnés au 1er janvier 1980, ils forment 25,3 % au 1er janvier 2000. En revanche, la part des condamnés à cinq ans et plus a augmenté :  28 % en 1980 contre 42 % en 2000. Le nombre de condamnés à perpétuité s'établit à 595, soit 1,8 % de l'ensemble des condamnés.

Ce changement de structure par quantum de peines rend compte de certaines évolutions, notamment l'utilisation accrue des mesures de substitution aux dépens des peines d'emprisonnement ferme de moins d'un an et en rendant les emprisonnements plus systématiques et plus fréquents pour certaines infractions à caractère sexuel.

L'évolution de la structure de la population condamnée révèle également celle des difficultés rencontrées par la société. Depuis 1980, la proportion de condamnés pour atteinte aux personnes a augmenté de 19 points, passant de 23 % à 42 %, notamment pour viols et attentats à la pudeur, rubrique qui a progressé de 16 points, passant de 6 % en 1980 à 22,5 % en 2000. Le viol et les agressions sexuelles sont désormais la première cause d'incarcération des condamnés (22,5 %) avant l'infraction sur les stupéfiants (14,7 %) et le vol qualifié (12,6 %). En revanche, le nombre de condamnés pour infraction à la législation sur les stupéfiants ne cesse de diminuer depuis 1994.

RÉPARTITION DES DÉTENUS SELON L'INFRACTION COMMISE

(1980-2000)

Année

Vol simple

Vol qualifié

recel, escroquerie abus de confiance

Homicide volontaire

CBV
(1)

ILS (2)

viol, attentat aux m_urs

Police des étrangers

Autres

Ensemble

1980

effectifs

7.767

2.323

1.418

1.943

1.578

N.C.

1.118

113

3.936

20.196

(en %)

38,5

11,5

7,0

9,6

7,8

-

5,5

0,6

19,5

100,0

1985

effectifs

7.819

2.058

1.085

2.505

1.375

N.C.

1.772

322

4.516

21.452

(en %)

36,4

9,6

5,1

11,7

6,4

-

8,3

1,5

21,1

100,0

1990

effectifs

5.431

2.368

1.301

3.020

1.349

4.305

2.303

685

3.869

24.631

(en %)

22,0

9,6

5,3

12,3

5,5

17,5

9,4

2,8

15,7

100,0

1995

effectifs

6.208

2.886

1.317

3.120

1.997

6.361

3.945

1.329

3.396

30.559

(en %)

20,3

9,4

4,3

10,2

6,5

20,8

12,9

4,3

11,1

100,0

2000

effectifs

4.040

4.198

1.280

3.492

2.953

4.910

7.499

878

3.876

33.126

(en %)

12,2

12,7

3,9

10,5

8,9

14,8

22,6

2,7

11,7

100,0

(1) coups et blessures volontaires.

(2) infraction à la législation sur les stupéfiants.

Source :  ministère de la justice.

      3.- La population des prévenus

Le taux de prévenus se maintient à un niveau trop élevé, même s'il faut enregistrer une amélioration depuis 1998. Au 1er janvier 2000, le taux de prévenus, c'est-à-dire la part de la population pénale représentée par les détenus en attente de jugement définitif, en appel ou en pourvoi, s'établit à 35,2 %. Il est en baisse depuis 1998, le taux de prévenus était alors de 40,1 %, après une période de stabilité à près de 40 % pendant huit ans (1991-1998).

Cette baisse du taux de prévenus doit être imputée, pour une part, aux changements de la législation.

La loi n° 96-1235 du 31 décembre 1996 relative à la détention provisoire et aux perquisitions de nuit en matière de terrorisme a assoupli les conditions d'indemnisation, puisqu'il n'est plus exigé que la détention ait causé un préjudice « manifestement anormal et d'une particulière gravité » pour donner droit à indemnisation ; la simple démonstration d'un préjudice est suffisante. La loi du 30 décembre 1996 est entrée en vigueur le 31 mars 1997 et certaines de ses dispositions visant à limiter la durée de la détention en matière correctionnelle ne s'appliquent que depuis le 1er juillet 1998. L'objectif de la loi est de limiter le recours à la détention provisoire en réduisant le nombre des placements et en diminuant la durée des détentions.

Le juge d'instruction ne peut placer une personne en détention provisoire que lorsque cette mesure est l'unique moyen de mettre fin au trouble exceptionnel et persistant de l'ordre public causé par l'infraction ; auparavant, le juge d'instruction pouvait placer une personne sous mandat de dépôt pour préserver l'ordre public.

D'autre part, la loi tend à améliorer l'efficacité de la procédure de référé-liberté. Le président de la chambre d'accusation peut désormais examiner juridiquement l'appel et non plus seulement le déclarer suspensif. Par ailleurs, il exerce maintenant un contrôle au fond portant sur le respect des conditions prévues par la loi et non plus seulement sur leur méconnaissance manifeste. Ainsi, si le président de la chambre d'accusation infirme l'ordonnance du juge d'instruction, il peut ordonner la remise en liberté de la personne et éventuellement la placer sous contrôle judiciaire.

Enfin, la loi introduit dans le code de procédure pénale la notion de délai raisonnable en obligeant le juge d'instruction à justifier, au-delà d'un délai de huit mois en matière correctionnelle et d'un an en matière criminelle, les raisons pour lesquelles son instruction est toujours en cours alors que l'intéressé demeure détenu et à indiquer le délai prévisible d'achèvement de la procédure. Enfin, la loi institue de nouveaux délais maximum de détention provisoire : un an pour les délits punis d'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans, lorsque la personne a déjà été condamnée, alors qu'auparavant cette durée était de deux ans, et deux ans pour les délits punis de plus de cinq ans mais de moins de dix ans, alors qu'il n'existait jusqu'alors aucun délai butoir dans cette hypothèse.

    B.- LE DÉVELOPPEMENT DU « MILIEU OUVERT »

La notion de « milieu ouvert » rassemble l'ensemble des mesures pénales qui constituent une alternative à l'incarcération. Sous la pression de l'inflation carcérale et sous l'influence des travaux de recherche relatifs à la réinsertion des personnes détenues, les autorités judiciaires ont développé des peines alternatives à l'enfermement total pour les personnes passibles de courtes peines, en recourant soit aux mesures de milieu ouvert, soit à la semi-liberté. L'augmentation du nombre de prévenus confirme le caractère nécessaire de cette orientation.

      1.- L'évolution de la population prise en charge

Au 1er janvier 2000, les services pénitentiaires d'insertion et de probation prennent en charge 135.020 personnes assignées à une mesure en milieu ouvert et suivent 149.588 mesures.

La population concernée par le milieu ouvert a considérablement progressé depuis la mise en place des principales mesures au début des années 1970. En effet, depuis cette période, la population concernée est passée de 40.000 personnes à 138.544 personnes en 1998. De manière plus précise, depuis 1989, date d'instauration de la statistique semestrielle du milieu ouvert, le nombre de personnes et de mesures suivies en milieu ouvert ne cessent d'augmenter, respectivement de 85,1 % et 93,1 %.

L'analyse plus précise des mesures souligne une forte augmentation des personnes condamnées à une interdiction de séjour et de celles condamnées à un travail d'intérêt général. Les personnes suivies dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve ont crû d'une façon moindre, le nombre de personnes suivies au titre d'une libération ne cesse de baisser.

Ainsi, au 1er janvier 2000, les sursis avec mise à l'épreuve forment un peu plus des trois quarts des mesures suivies en milieu ouvert, les mesures de travail d'intérêt général en représentent 16,7 % et les mesures de libération conditionnelle 3,2 %.

Deux facteurs contribuent à l'évolution de la population prise en charge en milieu ouvert :  l'évolution des flux d'ouverture de dossiers et celle de la durée de prise en charge.

L'augmentation des personnes et des mesures suivies est imputable à un recours plus massif à ces mesures, les durées de suivi sont globalement stables sur la période. En 1999, le milieu ouvert a accueilli 73.004 personnes (88.133 mesures) contre 48.290 personnes (52.627 mesures) en 1989. Entre ces deux dates, la durée moyenne de prise en charge est passée de 20,1 mois à 20 mois avec un pic en 1991 où la durée moyenne s'établissait à 22,9 mois.

Les services d'insertion et de probation ont effectué 50.906 interventions au cours de l'année 1999. Après une certaine tendance à la baisse jusqu'en 1997, ce nombre tend à augmenter depuis. En 1999, près de 11.500 sortants de prison ont ainsi été accueillis, soit 22,6 % des interventions. L'accueil des sortants de prison a été beaucoup plus important en 1999 qu'en 1998, soit une progression de 19 %, mais on reste bien en deçà des proportions atteintes en 1989-1990 où ces interventions formaient plus d'un tiers de l'ensemble des interventions (18.224 sortants de prison pour 51.408 interventions en 1990), situation qui peut s'expliquer principalement par l'absence de dispositif structuré de préparation à la sortie dans les établissements pénitentiaires à cette époque.

Les enquêtes rapides, préalables à une orientation de la procédure par le parquet ou la décision du juge ont baissé de 4,1 % entre 1998 et 1999 et de 8 % au cours de la dernière décennie, pour s'établir à 8.821, soit 17,3 % des interventions. La participation des services d'insertion, dans le cadre des investigations préalables, à la mise à exécution des courtes peines d'emprisonnement n'est pas négligeable. Ainsi, en 1999, 28.400 personnes ont fait l'objet d'une enquête en application de l'article D. 49.1 du code de procédure pénale. Ces enquêtes représentent plus de 55 % des interventions.

Les enquêtes effectuées dans le cadre de la préparation de la libération conditionnelle en application de l'article D. 526 du code de procédure pénale ont concerné quant à elles 2.188 personnes en 1999 (4,3 % des interventions). Cet effectif a baissé de 19 % par rapport à 1998.

      2.- L'enrichissement des dispositifs existants

La population pénale prise en charge en milieu ouvert a constamment augmenté ces dernières années. S'agissant des seules personnes condamnées, le milieu ouvert couvre principalement les régimes du sursis à l'emprisonnement, du sursis avec mise à l'épreuve, du travail d'intérêt général ou de la libération conditionnelle. Le milieu ouvert où interviennent les comités de probation et d'assistance aux libérés et associations habilitées, sous la responsabilité du juge de l'application des peines et d'un chef de service éducatif, qui est aussi chargé de la surveillance des mesures de contrôle judiciaire et des enquêtes rapides concernant les prévenus.

Le rapport de synthèse, rendu le 17 février 2000 par la commission présidée par M. Farge, conseiller à la Cour de cassation, contient des propositions de réforme du système d'octroi et de suivi de la libération conditionnelle. Dans la logique de ce rapport, la loi du 15 juin 2000 procède à une réforme en profondeur de la libération conditionnelle et à une juridictionnalisation de l'application des peines.

La réforme de la libération conditionnelle est caractérisée par l'élargissement des conditions d'octroi ainsi que par l'assouplissement de la procédure qui se traduit par une extension de la compétence du juge de l'application compétent pour les peines prononcées égales ou inférieures à dix ans et pour les autres cas, par la suppression de la compétence du garde des Sceaux qui est désormais dévolue à une juridiction régionale de la libération conditionnelle.

La juridictionnalisation est consacrée par l'article 722 du code de procédure pénale qui prévoit que les mesures de placement à l'extérieur, de semi-liberté, de fractionnement et de suspension de peine, de placement sous surveillance électronique et de libération conditionnelle sont désormais accordées, ajournées, refusées, retirées ou révoquées, après avis du représentant de l'administration pénitentiaire, par décision motivée du juge de l'application des peines, prises après un débat contradictoire au cours duquel le détenu peut, s'il le souhaite, être assisté d'un conseil. Les décisions prises en application de ces nouvelles dispositions sont susceptibles d'appel devant la chambre des appels correctionnels et s'agissant de celles prononcées par les juridictions régionales de la libération conditionnelle, devant la juridiction nationale de la libération conditionnelle.

D'un point de vue budgétaire, la réforme de la détention provisoire concerne uniquement les maisons d'arrêt affectées par le phénomène de surpopulation ; la baisse du nombre de prévenus permettra de désencombrer ces établissements mais n'entraînera pas de diminution des effectifs de personnel de surveillance, déterminés au regard du nombre de places et non du nombre de détenus. Par ailleurs, les modifications apportées au code de procédure pénale s'agissant des enquêtes sociales et de la comparution devant le juge d'application des peines, ont un impact important et à très court terme sur le volume des tâches des personnels pénitentiaires, car elles créent des nouveaux droits pour les détenus donc des sujétions supplémentaires pour les agents. Ces sujétions supplémentaires ne seront pas compensées par la baisse de la population carcérale.

En outre, le nouvel article 145-5 du code de procédure pénale oblige le juge des libertés et de la détention provisoire à faire procéder à une enquête sociale rapide avant toute prolongation de la détention provisoire. Cette mesure crée une obligation nouvelle pour les services pénitentiaires d'insertion et de probation, dont l'ampleur est très importante puisqu'elle est évaluée à 18.854 enquêtes en flux par an, ce qui nécessitera des moyens supplémentaires.

Par ailleurs, la mise en place de centres pour peines aménagées a commencé en 2000. Cette structure pénitentiaire a pour mission principale de traiter la petite et la moyenne délinquance en donnant la priorité à l'insertion, afin d'éviter l'incarcération pour courtes peines en maison d'arrêt. Ces centres constituent un lieu de détention pour les condamnés faisant l'objet d'un placement extérieur ou d'une semi-liberté, mais aussi des condamnés avec une peine ou un reliquat de peine de moins d'un an, volontaires mais qui n'ont pas de projet d'insertion immédiat leur permettant de bénéficier des mesures d'aménagement de peine.

      3.- Le renforcement des moyens des services d'insertion et de probation

112 emplois permettront en 2001 le renforcement du milieu ouvert. La normalisation de la réforme des services pénitentiaires d'insertion et de probation implique que les services intègrent de plus en plus les nouvelles missions qui leur sont dévolues et s'engagent dans une démarche plus qualitative de la prise en charge des personnes qui leur sont confiées. L'accroissement global des tâches qui en découle, fait apparaître les taux anormalement élevés de prise en charge :  130 dossiers en moyenne par travailleur social.

Le renforcement des effectifs de travailleurs sociaux pénitentiaires amorcé en 1995 (517 emplois de travailleurs sociaux ont été créés depuis cette date) au titre de la mesure de développement des alternatives à l'incarcération, permettra de doubler à terme, c'est-à-dire à l'échéance 2002, les emplois dédiés au milieu ouvert. À cet égard, 19 millions de francs ont été adoptés sur le titre III en 2000 pour permettre de renforcer les moyens de fonctionnement des services.

Toutes les juridictions ne pouvant pas accueillir ces nouveaux personnels, une opération de relogement des services pénitentiaires d'insertion et de probation a été engagée en 1998. Trente-huit services ont ainsi été relogés au titre des années 1998 et 1999 ; vingt-deux autres le seront en 2000. Les relogements sont accompagnés de la création d'emplois administratifs pénitentiaires et d'un redéploiement de personnels administratifs pour assurer le secrétariat des juges de l'application des peines. Une étude est en cours afin d'évaluer les besoins en emplois administratifs des services pénitentiaires d'insertion et de probation.

Une connexion informatique entre les services relogés et les juges d'application des peines, permettant la mise en réseau du logiciel de gestion des publics et des mesures, est progressivement mise en place. Parallèlement, un nouveau logiciel de gestion de l'activité des services pénitentiaires d'insertion et de probation et des services de l'application des peines a été initié.

      4.- Le développement de la surveillance électronique

La loi n° 97-1159 du 17 décembre 1997 a consacré le placement sous surveillance électronique comme modalité d'exécution des peines privatives de liberté et comme alternative à l'incarcération. Le dispositif a été étendu aux personnes susceptibles d'être placées en détention provisoire, dans le cadre de la loi du 15 juin 2000.

En 2000, une première phase expérimentale a été menée sur quatre sites pilotes. Les centres de surveillance ont été installés dans les maisons d'arrêt d'Aix-Luynes, de Loos-lès-Lille, et d'Agen, et dans le centre de semi-liberté de Grenoble.

Chaque site pilote doit déterminer, en fonction des contraintes locales, ses propres modalités de partage des responsabilités entre les personnels concernés et ses propres procédures d'organisation du travail, notamment pour les actes suivants :  pose et dépose des bracelets, installation et récupération des récepteurs, réponse aux alarmes, contrôle. Dans chaque site pilote, seront mis en _uvre simultanément une vingtaine de bracelets électroniques. Cela permettra, pour une durée moyenne de placement de trois mois, correspondant à la durée moyenne constatée en général dans les expériences étrangères, de suivre environ 200 personnes durant la période d'expérimentation.

Après le bilan de cette première phase, le bracelet électronique sera déployé sur dix-sept nouveaux sites au cours de l'année 2001 avant qu'il ne soit procédé à une généralisation prévue. La mise en place du placement sous surveillance électronique demande la réalisation des prestations suivantes :  la mise à disposition d'un logiciel spécifique, la formation des personnels (logiciel, pose et dépose des bracelets et des récepteurs), le conseil d'assistance technique 24 heures sur 24 heures, la mise à disposition minimum de 20 bracelets et de 20 récepteurs par site, l'entretien, la maintenance et le remplacement éventuel des bracelets et des récepteurs.

Le coût de ces prestations est évalué à 90 francs par jour et par personne placée. Cinq millions de francs sont inscrits dans le présent projet de loi pour prendre en charge les coûts de fonctionnement des quatre sites pilotes et des dix-sept prochains sites. De plus, un certain nombre d'emplois seront prélevés sur l'enveloppe des 112 créations d'emplois de personnel d'insertion et de probation affectés au renforcement du milieu ouvert.

II.- LES PERSONNELS PÉNITENTIAIRES

L'augmentation des moyens mis à la disposition de l'administration pénitentiaire, sous peine de ne pas produire son plein effet et de ne pas être à la mesure de l'accroissement des charges qu'elle supporte, doit s'accompagner d'une réforme de l'organisation des ressources humaines. Elle apparaît de toute façon insuffisante pour 2001, comme en témoignent les difficultés de fonctionnement des établissements pénitentiaires et les nombreux mouvements sociaux qui traversent actuellement différentes catégories de personnels et qui paralysent plus de la moitié des prisons françaises.

    A.- UNE AUGMENTATION DES MOYENS

      1.- La progression des effectifs

En 1999, les effectifs budgétaires de l'administration pénitentiaire s'élevaient à 25.474 personnes, soit 41,22 % de l'effectif total du ministère, au lieu de 40,9 % en 1995. En 2000, l'administration pénitentiaire employait 25.868 personnes, dont 20.256 au titre de la surveillance des établissements, 2.308 au titre de l'administration, 1.470 au titre des services d'insertion et de probation, hors postes de direction. Il faut rappeler que le taux d'encadrement calculé par le rapport entre nombre de détenus et effectif de surveillants est passé de 5 au cours des années 1960 à 2,5 au 1er janvier 2000. Il était de 1,2 en Italie, de 1,9 en Autriche, de 3 en Allemagne en 1998.

Pour 2000, la loi de finances avait prévu la création de 386 emplois pénitentiaires, dont 269 emplois de surveillance dont 122 emplois pour le renforcement de la sécurité, de l'hygiène et de l'action sanitaire, 15 emplois pour la création d'unités de vie familiale dans les établissements pour longues peines, mesure qui a été reporté au projet de loi de finances pour 2001, 30 emplois destinés aux centres pour peines aménagées et 118 emplois de surveillance pour améliorer le dispositif carcéral spécifique aux mineurs. S'ajoutent à ces emplois 21 transformations d'emplois (soit au total 290 nouveaux postes budgétaires de surveillants) et 350 postes d'agents de justice.

En 2001, il est prévu de créer 530 emplois bruts et d'opérer 6 transferts nets en faveur de l'administration pénitentiaire. La répartition de ces emplois se présente comme suit : 

· 330 emplois de personnel de surveillance ;

· 112 emplois de personnel d'insertion et de probation ;

· 59 emplois de personnel administratif ;

· 16 emplois de contractuel ;

· 10 emplois de personnel de direction ;

· et 3 emplois de personnel technique.

ÉVOLUTION DES CRÉATIONS NETTES D'EMPLOIS DANS L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

(1988-2001)

Années

Personnels

de

direction

Personnels

de

surveillance

Personnels d'insertion et de probation

Corps communs

(1)

Assistants sociaux

Infirmiers

Autres fonctionnaires

Contractuels

Total

Effectifs 1989

306

15.313

851

702

-

-

2.081

113

19.366

Créations nettes 1990

- 2

1.652

23

30

-

-

332

- 6

2.029

Effectifs 1990

304

16.965

874

732

-

-

2.413

107

21.395

Créations nettes 1991

4

826

29

-

-

-

110

- 1

968

Effectifs 1991

308

17.791

903

732

-

-

2.523

106

22.363

Créations nettes 1992

 

344

- 4

22

-

-

- 33

- 11

318

Effectifs 1992

308

18.135

899

754

-

-

2.490

95

22.681

Créations nettes 1993

 

335

65

- 754

532

170

39

3

390

Effectifs 1993

308

18.470

964

0

532

170

2.529

98

23.071

Créations nettes 1994

- 2

325

-

-

-

- 46

123

5

405

Effectifs 1994

306

18.795

964

-

532

124

2.652

103

23.476

Créations nettes 1995

 

351

100

-

30

-124

69

- 3

423

Effectifs 1995

306

19.146

1.064

-

562

-

2.721

100

23.899

Créations nettes 1996

5

476

135

-

- 4

-

99

9

720

Effectifs 1996

311

19.622

1.199

-

558

-

2.820

109

24.619

créations nettes 1997

3

105

40

-

0

-

19

0

167

Effectifs 1997

314

19.727

1.239

-

558

-

2.839

109

24.786

Créations nettes 1998

16

44

236

-

- 24

-

33

- 5

300

Effectifs 1998

330

19.771

1.475

-

534

-

2.872

104

25.086

Créations nettes 1999

12

216

67

-

10

-

70

13

388

Effectifs 1999

342

19.987

1.542

-

544

-

2.942

117

25.474

Créations nettes 2000

21

269

18

-

2

-

47

37

394

Effectifs 2000

363

20.256

1.560

-

546

-

2.989

154

25.868

Créations nettes 2001

- 7

273

107

-

- 11

-

8

- 5

365

Effectifs 2001 (2)

356

20.529

1.667

-

535

-

2.997

149

26.233

(1) (1) Les « corps communs » d'infirmiers et d'assistants sociaux ont été transférés à l'administration pénitentiaire en 1993. Les emplois
d'infirmier ont été supprimés en 1994 (46) et 1995 (124), dans le cadre de la réforme hospitalière.

(2) dans le projet de loi de finances, 171 emplois des services pénitentiaires, jusque-là imputés sur le chapitre 31-90-40 seront inscrits dorénavant sur le
chapitre 36-10-51 compte tenu de la création, à compter du 1er janvier 2001, de l'ENAP en Établissement public. Ces emplois non budgétaires ne
figurent pas dans le tableau ci-dessus. Au total, en 2001, l'ENAP disposera de 186 emplois non budgétaires (171 en provenance du chapitre 31-90
article 40 + 15 créations).

Source :  ministère de la justice.

Parmi les créations d'emplois, le ministère de la justice a comptabilisé 171 transferts internes correspondant à la transformation de l'École nationale d'administration pénitentiaire en établissement public en janvier 2001. Ces emplois sont transférés de la première partie du titre III (chapitres en 31) au nouvel article  51 - École nationale d'administration pénitentiaire du chapitre 36-10 - Subvention de fonctionnement aux établissements publics et aux budgets annexes.

Parmi les emplois de surveillance, 15 emplois auxquels s'ajoutent 10 millions de francs d'équipement ont été inscrits pour permettre l'ouverture courant 2001, à titre expérimental, d'unités de visites familiales dans trois établissements pour peine :  la maison centrale de femmes de Rennes, la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré et la maison centrale de Poissy. Destinées aux condamnés ne bénéficiant pas de permissions de sortir, ces unités sont composées de deux pièces et d'un espace extérieur privatif visent à permettre aux détenus de recevoir pendant plusieurs heures les membres de leur famille et de partager, sans surveillance directe, des moments d'intimité familiale.

Par ailleurs, des transferts de 8 emplois de personnel administratif de catégorie C de la direction des services judiciaires à la direction de l'administration pénitentiaire et de 2 emplois de services déconcentrés aux services centraux de cette direction sont prévus.

Ces créations et transferts d'emplois s'inscrivent dans le cadre des orientations présentées par la garde des Sceaux en Conseil des ministres le 8 avril 1998 :  la modernisation du parc pénitentiaire, l'amélioration des conditions de travail et de la prise en charge des détenus, le développement des alternatives à l'incarcération.

La modernisation du parc pénitentiaire absorbe 215 emplois, qui seront consacrés à l'ouverture de deux des trois établissements de la première tranche du programme pluriannuel en 2002 :  Le Pontet (Avignon) et Seysses (Toulouse). L'ouverture du centre pénitentiaire du Pontet qui se substituera à la maison d'arrêt d'Avignon et de la maison d'arrêt de Seysses en remplacement de la maison d'arrêt de Toulouse s'effectuera à la fin du second semestre 2002.

Le soutien aux personnels et le renforcement des organigrammes justifient la création de 203 emplois. La charge de travail du personnel de surveillance a augmenté mécaniquement du fait de l'introduction de nouvelles mesures destinées à améliorer la prise en charge des détenus et de la nécessité d'envisager une prise en charge plus qualitative de certaines catégories de la population carcérale (arrivants, mineurs, toxicomanes, ...). Relevé dans le rapport de la Cour des comptes de 1999, l'état de sous-administration de l'administration pénitentiaire constitue un frein à la modernisation de l'institution. Une étude, conduite dans les services pénitentiaires de mai à novembre 1999 a débouché sur la création d'un outil d'évaluation et de répartition des emplois administratifs, et des préconisations en termes d'organisation et a conclu à un important déficit en personnels administratifs et techniques dans les établissements pénitentiaires.

Le soutien aux personnels explique l'ouverture de 15 emplois. En effet, l'amélioration de la prise en charge des prévenus implique d'accorder une place toute particulière à leurs conditions d'accueil et à leur orientation. L'intervention de psychologues (non thérapeutes), en maisons d'arrêt pour soutenir les équipes de personnels pénitentiaires et en établissements pour peines dans le cadre de la généralisation du programme d'exécution des peines, organisée par la circulaire du 21 juin 2000, constitue une mesure importante.

      2.- L'amélioration des situations statutaires et indemnitaires

Pour 2001, 18,25 millions de francs de mesures intéressant les personnels sont demandés, dont 4,5 millions de francs pour le volet statutaire, 10,74 millions de francs pour le volet indemnitaire, 2,72 millions de francs pour les transformations d'emplois et 0,29 million de francs pour la nouvelle bonification indiciaire.

      a ) Les modifications statutaires

Les personnels pénitentiaires ont tous bénéficié d'une révision de leurs statuts particuliers, en application des accords Durafour du 9 février 1990.

L'année 2000 a été l'aboutissement de plusieurs réformes statutaires : 

· la réforme du statut particulier du personnel technique (décret n° 99-669 du 2 août 1999) ;

· la création d'un statut d'emploi de directeur des services pénitentiaires d'insertion et de probation (décret n° 99-670 du 2 août 1999) ;

· et la modification du statut particulier du personnel de surveillance (décrets n° 98-1011 du 2 novembre 1998 et n° 99-671 du 2 août 1999).

Une nouvelle réforme statutaire est à l'étude, celle des chefs de service pénitentiaire. Très attendue par les personnels, elle doit prévoir un alignement indiciaire du corps des chefs de service pénitentiaire (niveau de la catégorie B) sur les bornes du corps homologue de la police nationale, alignement comparable à celui dont a bénéficié le corps des gradés et surveillants (niveau de la catégorie C).

Pour les autres statuts, les réformes statutaires sont aujourd'hui achevées : 

· le statut du personnel de direction :  décret n_ 98-803 du 8 septembre 1998 pour les directeurs régionaux (statut d'emploi) et décret n_ 98-655 du 29 juillet 1998 pour les directeurs des services pénitentiaires ;

· le statut des personnels administratifs :  décret n_ 98-220 du 25 mars 1998 pour les attachés d'administration et d'intendance, décrets n_ 94-1016 et n_ 94-1017 du 18 novembre 1994 pour les secrétaires administratifs, décret n_ 90-713 du 1er août 1990 pour les adjoints administratifs, décret n_ 90-712 du 1er août 1990 pour les agents administratifs, et décret n° 90-715 du 1er août 1990 pour les agents des services techniques.

· le personnel d'insertion et de probation :  décret n_ 93-1114 du 21 septembre 1993.

En projet de loi de finances pour 2001, 4,5 millions de francs sont demandés au titre de provision pour engager une réforme sur le statut du corps des chefs de service pénitentiaire et ainsi revaloriser ce corps d'encadrement par rapport aux premiers surveillants. Par ailleurs, 2,72 millions de francs ont été inscrits pour mettre en _uvre diverses mesures de transformations d'emplois et 0,29 million de francs sont demandés au titre d'ajustement d'emplois, non bonifiés à ce jour, mais entrant dans une des catégories d'emplois déjà bonifiées.

      b) Les revalorisations indemnitaires

La Cour des comptes relevait dans son dernier rapport, que tous les textes indemnitaires de l'administration pénitentiaire n'avait pas été publiés. Ceux de ces textes n'ayant pas fait l'objet d'une publication au Journal officiel ont dorénavant tous été publiés par l'administration pénitentiaire.

L'indemnité de responsabilité des personnels de direction a été modulée pour la première fois en 1999. En 2000, la négociation a repris avec les organisations syndicales pour aboutir à une modulation réellement personnalisée, prenant appui sur l'évaluation professionnelle des cadres.

13,77 millions de francs de mesures indemnitaires ont été adoptés en loi de finances pour 2000 pour mettre en _uvre les revalorisations suivantes : 

· création d'un taux spécifique à 100 francs pour les deux nuits qui encadrent les dimanches et les jours fériés (coût :  10 millions de francs) ;

· augmentation de l'indemnité de sujétions spéciales du personnel d'insertion et de probation. Il s'agit de l'extension en année pleine d'une mesure obtenue en 1999 et destinée à entériner la suppression du clivage entre milieu ouvert et milieu fermé (coût 0,48 millions de francs) ;

· unification du taux de la prime de sujétions spéciales à 17 % pour l'ensemble des personnels de direction (coût :  0,8 million de francs) ;

· extension aux nouveaux directeurs des services pénitentiaires d'insertion et de probation du bénéfice de l'indemnité de responsabilité allouée jusqu'à présent aux personnels de direction et à certains personnels de surveillance ayant des fonctions de chef d'établissement pénitentiaire (coût :  1,76 million de francs) ;

· revalorisation du régime indemnitaire des chefs de service de première classe qui s'est traduite par deux mesures : augmentation de deux points du taux de la prime de sujétions spéciales et fusion des sixième et septième catégories de la prime de responsabilité (coût :  0,57 million de francs) ;

· revalorisations interministérielles pour diverses indemnités (coût :  0,14 million de francs).

Au titre du projet de loi de finances pour 2001, 10,74 millions de francs sont inscrits pour procéder à des modifications indemnitaires comme l'introduction d'une partie modulable dans l'indemnité pour charge pénitentiaire ou l'harmonisation du régime indemnitaire des personnels de service social, en abolissant la distinction entre milieu ouvert et milieu fermé. 8,48 millions de francs serviront à introduire la partie modulable dans l'indemnité pour charges pénitentiaires. 1,8 million de francs permettront l'augmentation de la prime de sujétions spéciales du personnel de direction. 0,5 million de francs favoriseront l'harmonisation du régime indemnitaire des personnels de service social.

    B.- DES PROBLÈMES RÉCURRENTS DE GESTION

      1.- Des vacances de postes préjudiciables au fonctionnement du service public

Au 1er janvier 2000, les vacances de postes (différence entre effectifs budgétaires et effectifs réels) étaient de 614. Au 1er juillet 2000, ces vacances atteignaient 702 postes.

Le problème des vacances de postes est constant dans l'administration pénitentiaire. Or, les missions de garde et de sécurité imposent un fonctionnement permanent des établissements, tout au long de l'année. Cette contrainte se traduit par l'interdiction du droit de grève et fait l'objet d'un statut spécial organisé par l'ordonnance n° 58-696 du 6 août 1958 et le décret n° 66-874 du 21 novembre 1966.

Cette contrainte est de nature à créer une tension permanente sur les effectifs, qui se manifeste particulièrement lorsque se produisent des vacances de postes. C'est pourquoi les départs en retraite liés à la bonification du cinquième (article 24 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996) pèsent très sensiblement sur la gestion des effectifs. Aucun emploi n'avait été prévu à ce moment-là pour régler ce problème. Pour faire face à ces difficultés, le ministère de la justice a demandé et obtenu du ministère de l'économie et des finances, une autorisation de recrutement en surnombre, à hauteur de 400 emplois en 1997 et 507 en 1998. Ces surnombres se résorbent au fur et à mesure des départs et donnent de la fluidité à la gestion des effectifs. Ces autorisations ont permis de recruter 1.300 surveillants au total au titre des deux exercices, en dehors de toute orthodoxie budgétaire.

EFFECTIFS DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

 
   

1997

1998

1999

2000 (1)

2001 (2)

Emplois budgétaires

         

      - Total

24.788

25.086

25.574

25.868

26.833

      - dont personnel de surveillance

19.727

19.771

19.987

20.256

20.529

Emplois réels

         

      - Total

24.447

24.656

25.148

25.256

-

      - dont personnel de surveillance

19.590

19.752

20.014

20.041

-

(1) au 1er juillet 2000.

(2) projet de loi de finances.

Source :  administration pénitentiaire.

L'année 2000 étant celle des plus gros départs en retraite depuis 1996, une nouvelle demande a été formulée en décembre 1999. Cette demande était accompagnée de mesures connexes portant notamment sur la prolongation d'activité, le recrutement exceptionnel de jeunes retraités pour aider à la formation des nouveaux surveillants et l'augmentation du contingent d'échelons fonctionnels. Par lettre en date du 10 mai 2000, le secrétariat d'État au budget a donné son accord pour des surnombres permettant de procéder au recrutement de 1.900 élèves surveillants et chefs de service pénitentiaire en 2000 avec obligation de résorber les surnombres qui en découleraient au 31 janvier 2001. De plus, le recrutement de jeunes retraités a été accepté sous réserve que leur « ré-emploi » soit limité à un an non reconductible. En outre, le doublement du contingent d'échelons fonctionnels a été lui aussi accepté. Certains recrutements de retraités ont déjà été opérés en conséquence. On peut regretter que le ministère chargé du budget se passe de l'autorisation budgétaire du Parlement.

D'ores et déjà, pour 2000, c'est un total de 1.200 élèves surveillants qui sont entrés ou vont entrer en formation à l'École nationale de l'administration pénitentiaire (ENAP), et par le jeu du chevauchement des promotions sur deux exercices, près de 1.315 sortiront de l'ENAP avant le 31 décembre 2000. De la même manière, 145 chefs de service pénitentiaire sont entrés ou vont entrer en formation en 2000 tandis que 212 en sont sortis ou en sortiront. On peut relever que la mise en _uvre de la délocalisation à Agen de l'ENAP est intervenue en juillet 2000, tandis que sa transformation en établissement public administratif devrait intervenir en janvier 2001. Elle bénéficie de 30,87 millions de francs dans le projet de loi de finances, afin de poursuivre sa restructuration. Il faut relever qu'entre 1997 et 2000, le nombre d'élèves en formation a augmenté de plus de 126 %, passant de 1.500 à près de 3.390.

      2.- Des difficultés de recrutement

De manière générale, le recrutement des surveillants est complexe, car le nombre de candidats est en diminution, et la déperdition entre le nombre de reçus et le nombre de ceux qui entrent en formation à l'ENAP atteint jusqu'à 30 %. L'administration pénitentiaire s'est donc lancée dans des campagnes de publicité afin de rendre plus attractifs ses concours. La première a eu lieu en juin 2000, la prochaine plus ample, est prévue prochainement.

Pour les personnels administratifs, les corps concernés étant communs à d'autres administrations, les recrutements de secrétaires administratifs et d'adjoints administratifs s'opèrent de manière interministérielle, à la demande de la direction générale de l'administration et de la fonction publique de manière à réduire les coûts. Toutefois, afin de permettre à l'administration pénitentiaire de réduire les délais qu'induisent ces regroupements, celle-ci a obtenu en 2000 l'autorisation d'organiser ces concours en partenariat avec les autres directions du ministère de la justice. Quant aux attachés d'administration et d'intendance des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire, leur recrutement s'opère par la voie des instituts régionaux d'administration (IRA). Un recrutement spécial par voie directe, autorisé pour 1999 à la condition que l'administration pénitentiaire l'organise avec le ministère de la défense, n'a pu aboutir en raison du refus de celui-ci, pour des raisons de calendrier. Enfin, les agents administratifs sont recrutés dans le cadre du plan de résorption de l'emploi précaire en liaison avec les autres directions du ministère de la justice. Il convient de noter pour 2000 que ce plan de résorption de l'emploi précaire s'applique également aux surveillants et aux adjoints techniques, de manière à permettre l'intégration de personnels contractuels vacataires. Des concours internes seront donc organisés dans cette optique ainsi que les diverses réformes statutaires de 1999 l'ont prévu.

La durée de la formation initiale des personnels socio-éducatifs et des directeurs est de deux ans, celle des surveillants de 8 mois. Pour les personnels techniques, socio-éducatifs et les directeurs, l'administration pénitentiaire procède à un recrutement annuel. Les opérations de recrutement des personnels techniques de catégorie C sont déconcentrées.

      3.- La nécessaire poursuite de la réforme des modes de gestion

      a) L'amélioration du suivi des effectifs

La Cour des comptes avait pu critiquer la manière dont les effectifs de l'administration pénitentiaire était suivie. Pour améliorer cette situation et répondre aux remarques de la Cour, le ministère de la justice a mis en place, depuis 1999, plusieurs instruments : 

· tableaux de bord par établissement pour le suivi des personnels de surveillance ;

· tableaux de bord récapitulatifs pour l'administration pénitentiaire ;

· tableaux de bord budgétaires pour le suivi national des corps autres que les personnels de surveillance ;

· réécriture de l'application informatique de gestion des effectifs réels.

      b) La déconcentration et la gestion prévisionnelle des emplois

Les mesures du plan pluriannuel pour la justice 1995-2000 se sont inscrites pour partie dans le prolongement de décisions antérieures. Deux axes ont été privilégiés : la déconcentration et la gestion prévisionnelle des emplois.

La déconcentration a d'abord touché le domaine de la formation, avec la création de comités régionaux de formation. Puis en 1995, la déconcentration a été étendue à la répartition des créations d'emplois de surveillants. Les directions régionales ont proposé une ventilation des créations d'emplois fondée sur des critères de répartition préalablement établis. Ces critères ont été fixés de manière à mettre en _uvre les politiques sectorielles prévues par la loi de programme du 6 janvier 1995 : projets de service relatif au projet d'exécution de peine dans dix établissements pilotes, renforcement de l'encadrement des services médico-psychologiques régionaux, des unités de consultations et de soins ambulatoires, des personnes détenues mineures.

La création des commissions administratives paritaires régionales en métropole pour le corps des gradés et surveillants par arrêté du 17 décembre 1996 a permis de doter les régions de compétences qui sont progressivement élargies.

La question de la gestion prévisionnelle des emplois prend un nouveau relief avec la mise en _uvre de la « bonification du cinquième ». En effet, dans les cinq ans à venir le personnel de surveillance va être renouvelé pour près de 20 % des effectifs actuels.

L'ensemble de ces évolutions a trouvé sa traduction au niveau central par la réorganisation de la direction de l'administration pénitentiaire organisée par les arrêtés parus au Journal officiel du 28 juin 1998. Quatre sous-directions ont été remplacées par trois sous-directions : la sous-direction des personnes placées sous main de justice, la sous-direction de l'organisation et du fonctionnement des services déconcentrés et la sous-direction des ressources humaines et des relations sociales.

III.- L'ÉQUIPEMENT PÉNITENTIAIRE

L'état dégradé et inadapté du parc pénitentiaire a justifié l'engagement de nombreux travaux de rénovation et nécessite de poursuivre un programme de construction à un rythme soutenu. Ces impératifs expliquent l'augmentation des moyens. Il reste que cette évolution se heurte aux capacités limitées d'absorption du ministère de la justice, ce qui se traduit, comme nous l'avons vu dans le chapitre premier, par des taux de consommation faibles. Par ailleurs, il convient de maintenir un niveau soutenu de dépenses de maintenance, sous peine d'être obligé dans quelques dizaines d'années de conduire, de nouveau, des programmes de rénovation massifs financés sur titre V.

    A.- UN PARC PÉNITENTIAIRE SOUS-DIMENSIONNÉ ET INADAPTÉ

Les détenus sont répartis dans 187 établissements pénitentiaires :  119 maisons d'arrêt, 25 centres de détention, 24 centres pénitentiaires, 6 maisons centrales, 12 centres autonomes de semi-liberté, 1 établissement public de santé national.

      1.- Un parc pendant longtemps délaissé

Les moyens obtenus n'ont pas permis pendant les deux dernières décennies de prendre en compte la croissance de la population pénale, qui est passée de 26.000 en 1975 à 56.000 en 1997. Par ailleurs, la combinaison de plusieurs facteurs explique l'état dégradé du parc immobilier : 

· l'absence de tout programme de maintien à niveau des immeubles pendant la période 1940-1964 ;

· la surpopulation des maisons d'arrêt au cours de la dernière décennie ;

· le faible niveau des crédits du titre III réservés à l'entretien régulier des bâtiments, souligné dans le rapport de la Cour des comptes de 1991 sur la gestion du patrimoine immobilier du ministère de la justice. Par exemple, en 1998, les crédits de fonctionnement consacrés à la maintenance représentent 57 francs par mètre carré dans le parc classique et 120 francs par mètre carré dans le « parc 13.000 ». Les crédits du parc classique sont essentiellement consacrés à la maintenance et ceux du « parc 13.000 » à une maintenance préventive pour 60 %. Le déficit de maintenance peut être évalué à 140 millions de francs annuels, soit 2 milliards de francs pour les quinze dernières années.

Il en résulte la nécessité de réaliser à une fréquence anormalement élevée de gros travaux d'entretien dont les dépenses sont supportées sur le titre V, défaut traditionnel de l'État investisseur.

      2.- Un parc vétuste, dégradé et inadapté

Si plus de quarante établissements ont été mis en service depuis une quinzaine d'année et si la construction déjà décidée de dix nouveaux établissements, dont un à La Réunion, doit mettre fin à certaines situations de surencombrement et de vétusté, il faut souligner que ces efforts n'ont pas permis d'atteindre la norme d'encellulement individuel, telle que définie par la loi du 15 juin 2000, qui supprime les exceptions au principe de l'encellulement individuel des prévenus. Le respect de cette norme, notamment en maison d'arrêt, nécessiterait la création d'environ 12.500 nouvelles cellules, alors qu'il n'en existe que 39.000 aujourd'hui.

Au manque d'espaces s'ajoute l'inadaptation d'une partie des espaces existants. En effet, l'amélioration liée à la modernisation du patrimoine ne doit pas occulter le mauvais état général des 146 autres établissements qui sont souvent vétustes, dégradés et fonctionnellement inadaptés. 92 d'entre eux sont installés dans des immeubles construits depuis un siècle ou plus dont certains sont des anciens biens d'Église transformés en prison pendant la période révolutionnaire.

Les résultats d'une enquête générale commandée par l'administration pénitentiaire font apparaître l'insuffisant entretien des bâtiments et la non-conformité aux normes techniques et sanitaires d'un grand nombre d'installations, notamment des cuisines. 55 établissements (hors centres de semi-liberté), construits ou entièrement rénovés depuis 1968, satisfont aux normes actuelles de détention et représentent près de 52 % de la capacité totale du parc. Enfin, plus de la moitié des établissements se caractérisent par des structures traduisant des conceptions, inadaptées aux régimes modernes de détention.

      3.- Un parc à moderniser

      a) Les rénovations

Selon des estimations récentes, la rénovation des cinq grands établissements pénitentiaires et des 127 établissements du parc classique nécessiterait près de 6,7 milliards de francs.

La rénovation des cinq grands établissements, décidée en 1998, concerne les maisons d'arrêt de Fleury-Mérogis, de Fresnes, de Paris-La Santé, de Marseille-Baumettes, ainsi que la maison d'arrêt et le centre de détention de Loos-lès-Lille. Ce programme doit permettre d'établir un état des lieux de l'existant et une estimation du coût des travaux à réaliser, et d'élaborer le cahier des charges nécessaire aux différentes études.

Le programme de rénovation des cinq grands établissements permettra d'améliorer les conditions de vie en détention et les conditions de travail des personnels. Les établissements rénovés se rapprocheront très sensiblement des normes de détention actuelles, avec notamment la création de douches en cellules, et permettront l'encellulement individuel. Depuis 1998, 71 millions de francs ont été engagés sur cette opération :  relevés de géomètres, les études de schémas directeurs et de diagnostics, réfection des étanchéités sur Fleury-Mérogis, rénovation et mise en sécurité des façades de la maison d'arrêt de Loos, réfection du quartier disciplinaire du centre de détention de Loos, mise aux normes des circuits de distribution restauration des établissements franciliens. Selon les premières estimations, l'enveloppe nécessaire à la réalisation de ces travaux sera d'environ 3,5 milliards de francs.

Par ailleurs, selon une étude récente, le coût de rénovation du parc classique constitué des 127 établissements construits en métropole avant 1990 s'élèverait à environ 3,2 milliards de francs. Sept établissements ont été classés comme prioritaire et ont bénéficié en 2000 de crédits destinés à la réalisation de schémas directeurs :  les centres de détention de Oermingen et d'Eysses, les maisons d'arrêt de Caen, de Casabianda, de Clermond-Ferrand et d'Auxerre. De plus, les huit établissements qui disposaient déjà de schémas directeurs ont bénéficié des premiers travaux d'urgence :  les centres pénitentiaires de Faa'a (Polynésie) et de Nouméa (Nouvelle-Calédonie), la maison centrale de Poissy, les maisons d'arrêt de Rodez, de Privas, du Havre, de Dunkerque et de Nevers. Au total, ce sont 50 millions de francs qui ont été affectés à ces opérations.

      b) Les constructions

L'administration pénitentiaire a fait un effort important de modernisation puisqu'elle a fait procéder à la fermeture de 30 établissements vétustes ou inadaptés, fermetures liées au « programme 13.000 » et à la construction d'établissements dans les départements d'outre-mer, et à la construction de 41 établissements depuis la fin des années quatre-vingt. En métropole, 25 établissements du « programme 13.000 » et 8 établissements du parc classique () et les centres de semi-liberté de Lyon et Montpellier) et, en outre-mer, 4 établissements () ont été ouverts. En outre, 3 établissements () ont été rouverts après leur complète restructuration et leur mise aux normes modernes de détention. Enfin, un établissement, celui de Montmédy, a été créé dans une ancienne caserne entièrement réhabilitée et adaptée à sa destination de centre de détention.

Le programme de construction en cours de six établissements pénitentiaires permettra de faire face aux situations les plus critiques en supprimant cinq établissements vétustes. Il prévoit la réalisation de nouveaux établissements pénitentiaires à Sequedin (Lille) avec 645 places, Le Pontet (Avignon) avec 610 places, Seysses (Toulouse) avec 605 places, Chauconin-Neufmontiers (Meaux) avec 605 places, La Farlède (Toulon) avec également 605 places et Liancourt avec 600 places en deux tranches dont la première débutera au second semestre 2000 et la seconde en 2001. Ce programme est évalué à 1,9 milliard de francs. Le coût de chaque établissement sera d'environ 300 millions de francs pour un coût moyen de la place entre 430.000 francs et 450.000 francs. Le marché pour les établissements des départements du Nord, de la Haute-Garonne et du Vaucluse leur a été notifié en décembre 1999, tandis que le marché pour la deuxième tranche sera notifié avant la fin de l'année 2000.

Outre le programme de construction en cours, plusieurs projets ont été engagés : 

· la reconstruction de la maison d'arrêt de Saint-Denis dans le département de La Réunion. Il s'agira d'une maison d'arrêt de 600 places, dont la mise en service pourrait intervenir en 2004 ou 2005, en fonction de la rapidité d'obtention du foncier nécessaire, et pour lequel des études d'impact et de faisabilité sont en cours sur les sites pressentis. Le montant de l'investissement pour cet établissement est évalué à 450 millions de francs, dont 200 millions de francs ont été obtenus au titre de la loi de finances rectificative pour 1999.

· la construction de trois nouveaux établissements pénitentiaires , qui respecteront les normes de détention actuelles. Ce nouveau programme permettra la reconstruction des prisons de Lyon et de la maison d'arrêt de Nice, ainsi que la construction d'un troisième établissement sur un site en cours de détermination. Pour ces trois établissements aucun calendrier prévisionnel n'est actuellement établi. La recherche des terrains est en cours pour Lyon et Nice. 800 millions de francs ont été inscrits dans la dernière loi de finances rectificative pour financer ces opérations.

Par ailleurs, une réflexion sur la refonte de la carte des établissements pénitentiaires accueillant les détenus mineurs a abouti fin 1999 à la mise au point d'une nouvelle carte des implantations récemment validées. Plusieurs critères ont été pris en considération :  la proximité du lieu de résidence afin de maintenir les liens familiaux, la possibilité d'aménager ou de créer un quartier spécifique de vingt places le plus souvent, et la présence d'une équipe socio-éducative renforcée. Le principe retenu est celui de la séparation des détenus adultes et mineurs. Chaque quartier comporte un secteur hébergement comportant des cellules individuelles et une cellule double, une salle d'activités pouvant servir le cas échéant de réfectoire où les détenus pourront prendre leurs repas ensemble et un local laverie, ainsi qu'un secteur éducatif comprenant des salles d'activités et de cours et des bureaux pour les personnels et une cour de promenade réservée aux mineurs. Au total, ce sont près de cinquante établissements qui ont été ou seront équipés, certains sites nécessitant des travaux importants.

La construction de places de semi-liberté était prévue par la loi de programme pour la justice de janvier 1995 pour un montant de 200 millions de francs. Dans la logique de cette loi de programme et du développement des établissements destinés à assurer la mise en _uvre de politiques d'alternative à l'incarcération, la construction de centres pour peines aménagées (CPA) a été décidée. Ces nouveaux types d'établissements pénitentiaires seront implantés en centre-ville. Différents des maisons d'arrêt, inadaptées à des traitements personnalisés, ils visent à améliorer la prise en charge des courtes et moyennes peines, à moins d'un an de leur libération. Résolument tournés vers la réinsertion et un retour rapide des personnes en milieu libre, ces établissements offriront un régime de vie progressif, fondé sur un apprentissage de l'autonomie et une responsabilisation des condamnés. Ils seront également susceptibles d'accueillir des détenus bénéficiant d'une mesure de semi-liberté ou d'un placement extérieur.

Les caractéristiques des CPA seront adaptées à leur mission : un encadrement en personnel adapté, avec notamment une présence affirmée des travailleurs sociaux, des partenaires extérieurs (logement, formation, travail, santé...) et des personnels de surveillance exerçant une mission un peu comparable à celle qu'ils remplissent dans les quartiers mineurs, davantage tournée vers l'animation et le tutorat.

Selon les implantations et les besoins, la capacité de chaque centre pourra varier de soixante à quatre-vingts places. Le programme de réalisation des centres de semi-liberté et des centres pour peines aménagées prévoit l'expérimentation de ce nouveau type d'établissement sur trois sites existants dans le patrimoine pénitentiaire :  l'ancien centre pénitentiaire de Metz-Barrès, l'ancienne prison hôpital de Marseille-Baumettes et l'actuel centre de semi-liberté de Villejuif.

    B.- DES VOLUMES DE CRÉDITS TRÈS IMPORTANTS

Les moyens mobilisés par les programmes d'équipement pénitentiaire apparaissent très importants. Depuis 1997, ils ont été constamment abondés, que ce soit par les lois de finances initiales ou rectificatives. Cette croissance des moyens se heurte à la capacité de dépenses du ministère, dont la relative faiblesse entraîne d'importants reports de crédits à la fin de chaque exercice.

CRÉDITS D'ÉQUIPEMENT DES SERVICES PÉNITENTIAIRES

(ancien chapitre 57-20, nouveau chapitre 57-60, articles 40 et 50)

 
 
 

1995

1996

1997

1998

1999

2000(1)

2001

Crédits de paiement

             

Loi de finances initiale (2)

350

516

289

278

438

593

427,2

Disponibles

548

573

413

362,2

802,1

1.098,4

-

Consommation

496,5

243,9

365,1

236,6

303,2

239,4

-

Autorisations de programme

             

Loi de finances initiale (2)

310

340

329

1.024

912

590

840

Disponibles

330,7

375,1

426,6

1.293,5

2.061,8

1.751,7

-

Consommation

280,7

293,4

214,3

369,3

1.711,6

223,6

-

 

(1) au 31 juin 2000.

(2)  budget voté, sauf 2000 (projet de loi de finances).

Source :  ministère de la justice.

840 millions de francs d'autorisation de programme sont demandés sur le chapitre 57-60 - Équipement. Ces crédits permettront de financer trois type de mesures : 

· l'entretien des établissements pour 240 millions de francs, répartis entre une enveloppe annuelle de 200 millions de francs au titre du gros entretien des établissements et une enveloppe de 40 millions de francs pour le financement d'opérations spécifiques d'aménagement fonctionnel nécessaires à la mise en _uvre de certaines orientations, telles que la création de véritables quartiers mineurs ou l'institution d'unités de vie familiale ;

· la rénovation des grands établissements pénitentiaires :  Fresnes, Fleury-Mérogis, La Santé, Les Baumettes et Loos, pour 500 millions de francs, nécessaires au financement d'une première tranche annuelle d'un programme de sept ans ; en 2001, les efforts porteront de manière prioritaire sur Fleury-Mérogis et Les Baumettes ;

· la rénovation de l'ensemble du parc pénitentiaire classique (hors les cinq grands établissements précités), qui bénéficiera de 100 millions de francs pour la poursuite des travaux sur les huit premiers établissements ciblés en 2000 et sur une première tranche de travaux sur les sept établissements retenus en 2000 pour des études de schéma directeur.

Au titre des subventions d'équipement du chapitre 66-20, 4 millions de francs sont demandés pour la mise en _uvre de deux mesures. La première, de 2 millions de francs inscrits à l'article 30, servira à pour financer la sécurisation de chambres au sein des hôpitaux proches des établissements pénitentiaires, afin d'assurer les hospitalisations d'urgence ou de très court séjour des détenus. Le coût total du programme est estimé à 5 millions de francs, 3 millions de francs ayant été obtenus au titre de la loi de finances pour 2000.

La deuxième, également de 2 millions de francs inscrits à l'article 10, permettra de financer le secteur associatif pour la mise en _uvre des actions concourant à la prise en charge et à l'insertion des détenus sortant de prison ou au maintien des liens familiaux par le développement des structures d'accueil des familles. À raison de 200.000 francs en moyenne par subvention d'investissement, cette dotation permettra de financer environ vingt projets.

Le tableau ci-dessous récapitule le plan de financement des grands programmes en cours : 

FINANCEMENT DES GRANDS PROGRAMMES D'ÉQUIPEMENT PÉNITENTIAIRE

(en millions de francs)

Programmes (1)

Chapitre

Coût total

1995-1999

LFR 1999

LFI 2000

LFR 2000

PLF 2001

6 établissements (1995)

57-60-50

1.900

1.829

-

150

-

-

Centres de semi-liberté et pour peines aménagées (1995 et 1998)

57-60-40

200

80

-

20

-

-

Nouvel établissement à La Réunion (1999)

57-60-50

450

-

200

-

-

-

3 nouveaux établissements (1999)

57-60-50

1.000

-

-

70

800

-

Rénovation des 5 grandes maisons d'arrêt (1998)

57-60-50

3.500

-

-

50

-

500

Rénovation du parc classique (1998)

57-60-40

3.200

-

-

70

-

100

Rénovation déconcentrée (1995)

57-60-40

200/an

916

5

202,3

-

200

Quartiers de mineurs

57-60-40

120

23

-

30

-

40

Unités d'hospitalisation sécurisées interrégionales (1994)

66-20-30

35

16,5

-

18,5

-

-

Chambres hospitalières sécurisées

66-20-30

5

-

-

3

-

2

(1) entre parenthèses sont indiquées les dates d'engagement du programme.

Source :  ministère de la justice.

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CHAPITRE V

LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

Pour 2001, les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse atteindront 3,5 milliards francs. À structure constante, le secteur de la protection judiciaire de la jeunesse bénéficiera de 3,4 milliards de francs au lieu de 3,2 milliards de francs en 2000, soit une progression de 7,33 %, après une augmentation de 14,73 % en 2000 et de 10,55 % en 1999. Ces crédits représentent environ 12 % du budget de la justice. 380 emplois sont créés, dont 230 emplois d'éducateurs. En données nettes, le nombre de créations s'élève à 376 pour un total de 7.144 postes budgétaires.

La protection judiciaire de la jeunesse met en _uvre des mesures ordonnées par les juridictions pour enfants et les investigations préalables relatives aux mineurs délinquants, les mineurs en danger et les jeunes majeurs en grande difficulté d'insertion. Ces mesures sont soit assurées directement par l'État, par le biais du secteur public, organisé autour de 15 directions régionales, 100 directions départementales et 376 établissements, soit déléguées au secteur associatif habilité, composé de 1.009 établissements gérés par 449 associations.

Ce secteur est le seul au sein du ministère de la justice qui a pu, relativement, échapper à l'inflation d'activité constatée ces vingt dernières années. En effet, depuis le début des années 1970, le nombre de jeunes suivis est resté relativement stable à 140.000.

Le 8 juin 1998, le conseil de sécurité intérieure, sous la présidence du Premier ministre, a, notamment, arrêté un plan de lutte gouvernemental contre la délinquance des mineurs. Les budgets adoptés et le présent projet de budget tiennent, en partie, compte des mesures décidées dans le cadre de ce plan.

I.- LA PRISE EN CHARGE DES JEUNES

    A.- LA POPULATION PRISE EN CHARGE

La population de jeunes en difficulté est répartie entre les mineurs incarcérés et les mineurs en difficulté pris en charge par le secteur public ou le secteur associatif en vue de leur réinsertion.

      1.- Les mineurs incarcérés

La justice des mineurs repose sur l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante qui affirmait le primat de l'éducation sur la répression. La loi n° 87-1062 du 30 décembre 1987 relative aux garanties individuelles en matière de placement en détention provisoire et de contrôle judiciaire et portant modification du code de procédure pénale a supprimé la possibilité de placer en détention provisoire les mineurs de treize à seize ans en matière correctionnelle.

La loi n° 96-585 du 1er juillet 1996 portant modification de l'ordonnance de 1945 a introduit des nouveautés, telles que le principe de comparutions à délai rapproché. Depuis dix ans, l'incarcération des mineurs a été, peu à peu, limitée. Elle est aujourd'hui proscrite pour les mineurs de moins de treize ans, et limitée aux crimes pour les adolescents de treize à seize ans. La détention provisoire est plafonnée pour les jeunes de seize à dix-huit ans à deux ans en cas de crime.

Le nombre de mineurs incarcérés en métropole est passé de 757 au 1er janvier 1980 à 622 au 1er janvier 1998, soit une baisse de 17,8 %. Après s'être stabilisé autour de 800 dans les années 1980, ce nombre est brusquement tombé à environ 600. Les mineurs qui représentaient 2 % de la population totale carcérale, n'en constituent plus aujourd'hui que 1 %. Les textes législatifs intervenus à partir de 1985 sont directement la cause de cet infléchissement. On observe néanmoins une légère remontée depuis 1997. Les prévenus représentent 80 % des mineurs incarcérés.

Le 1er juillet 1999, 975 mineurs étaient incarcérés au lieu de 642 au 1er janvier. Cette augmentation a conduit la Chancellerie à mettre en place un groupe de travail qui devrait rendre ses travaux cette année. Dans ce domaine comme dans de nombreux autres, à l'exemple des mesures annoncées après les grèves massives de magistrats et d'avocats en 1998, l'affirmation de priorités est arrivée après que les difficultés n'éclatent et bien avant que les moyens nécessaires pour y remédier ne soient mis en place. Or, être constamment à la remorque des besoins sociaux ne constitue pas un principe de bonne gestion.

      2.- Les mineurs en difficulté

Ces mineurs ne font pas l'objet de mise en détention mais sont soumis à des mesures d'investigations, de placement ou d'actions éducatives en milieu ouvert.

Tous secteurs confondus, plus de 140.000 jeunes sont pris en charge en permanence dans le cadre de la protection judiciaire de la jeunesse, le secteur associatif assurant près des deux tiers des prises en charge et 95 % des mesures de placement. En outre, plus de 80.000 jeunes ou familles font l'objet d'une investigation. Compte tenu des mouvements intervenus en cours d'année (entrées et sorties) plus de 250.000 jeunes ont été suivis au cours de l'année par ces services.

On peut constater qu'il existe, entre les deux secteurs chargés de la protection judiciaire de la jeunesse, de fortes différences tant au niveau des publics pris en charge que dans les prestations éducatives. Le secteur public intervient prioritairement pour les jeunes délinquants et pour les « grands adolescents », majoritairement des garçons. Les jeunes majeurs sont également relativement nombreux dans le secteur public au titre le plus souvent d'une poursuite de prise en charge. Le secteur associatif réalise l'essentiel de son activité en assistance éducative, les délinquants ne pouvant pas être suivis en milieu ouvert, hors du secteur public.

Par ailleurs, le nombre des mesures qui obligent les mineurs à réparer les délits qu'ils ont commis progresse :  il était de 5.029 en 1996, il est de 10.750 en 1999.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE JEUNES PRIS EN CHARGE HORS INVESTIGATION
(au 31 décembre)

 
 

1994

1995

1996

1997

1998

Secteur public

30.430

32.325

34.533

35.968

37.365

Secteur habilité

100.656

103.450

105.787

107.709

108.747

Total

131.086

135.775

140.320

143.677

146.112

Source :  ministère de la justice.

    B.- LES MODES D'ACTION DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

Les mesures d'investigation sont les premières qui sont prises pour cerner les difficultés auxquelles sont soumis les mineurs pris en charge. Cette première phase peut être suivie d'une seconde consistant en des mesures exigeant un investissement des services de la protection judiciaire de la jeunesse plus important.

      1.- Les mesures d'investigation

L'investigation est un terme générique qui désigne l'ensemble des mesures d'enquête ordonnées par le juge des enfants avant qu'il ne prenne sa décision. Elle doit être exécutée dans le délai de six mois et ne peut être prorogée qu'une fois. Il existe trois catégories de mesures d'investigation sont au nombre de trois.

· L'enquête sociale est réalisée par des assistants sociaux et peut concerner un ou plusieurs jeunes dans le cadre d'une même famille. Il y a entre 16.000 et 17.000 enquêtes sociales diligentées par an. En 1998, le secteur associatif a réalisé 78 % de ces enquêtes.

· L'investigation du SEAT regroupe les recueils de renseignements sociaux qui se sont substitués aux enquêtes rapides, réalisées à la demande du juge des enfants. Elles sont obligatoires si le juge envisage l'incarcération d'un mineur. Ces enquêtes peuvent être spontanées ou réalisées à la demande d'un magistrat. Le nombre d'enquêtes rapides varie aux alentours de 35.000 par an.

· Les mesures d'investigation et d'orientation éducative désignent l'ensemble des investigations autres que l'enquête sociale. Elles regroupent à la fois la consultation d'orientation éducative et l'observation en milieu ouvert. La consultation est pluridisciplinaire. Elle est obligatoirement réalisée par un éducateur et un psychologue auxquels peuvent s'adjoindre un psychiatre, un médecin généraliste ou tout autre professionnel. L'observation en milieu ouvert est exclusivement réalisée par un éducateur et peut durer jusqu'à six mois. Le secteur public et le secteur associatif réalisent, pour moitié chacun, environ 25.000 investigations et orientations éducatives.

      2.- Les modalités de la prise en charge des jeunes en difficulté

Outre l'action de l'administration pénitentiaire en direction des mineurs faisant l'objet d'une mesure de mise en détention provisoire ou de mesure d'incarcération à la suite d'une condamnation, la prise en charge des jeunes en difficulté est assurée soit par le secteur public, soit par le secteur associatif, dit « secteur habilité ».

Détaillée dans la circulaire d'orientation du 24 février 1999, cette prise en charge tend à se diversifier. Elle peut, en effet, se faire selon quatre modes, qui peuvent se cumuler : 

· l'hébergement permet de prendre en charge les jeunes, le soir et la nuit, parfois le week-end. Ces jeunes peuvent recevoir une formation de jour, suivre une activité dans l'établissement qui assure l'hébergement ou dans un autre établissement. L'hébergement peut être collectif : il est alors assuré dans des établissements d'une capacité moyenne de douze lits ou être individualisé : il s'agit de places dans des foyers de jeunes travailleurs ou dans des cités universitaires, ou parfois de chambres en ville, sous-louées aux jeunes par la structure ou mises gratuitement à disposition. Au-delà de cette distinction, on peut distinguer trois catégories d'hébergement : 

      - un accueil d'urgence a été récemment organisé. En effet, le 6 juillet 1998, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse a demandé à ses services territoriaux de mettre en place dans les départements prioritaires une cellule de coordination de l'accueil d'urgence associant juridictions, secteur public et secteur associatif habilité et aide sociale à l'enfance. L'objectif est que, dans chacun des départements, soit assurée une permanence d'accueil pour tous les mineurs déférés au tribunal. En juillet 1999, quarante-sept départements avaient organisé une cellule de coordination, et neuf départements avaient créé un accueil d'urgence ;

      - il peut être assuré dans des structures à encadrement renforcé. Dans un premier temps, à partir de 1996, avaient été créées des unités à encadrement éducatif renforcé (UEER) chargées d'accueillir des délinquants multi-récidivistes ou des mineurs en situation de grande marginalisation. 17 UEER ont été ouvertes entre septembre 1996 et septembre 1997. L'actuel garde des Sceaux a suspendu les ouvertures d'UEER qui devaient intervenir en septembre 1997, ayant décidé de confier une mission d'évaluation de ces structures. Les structures ainsi évaluées par un cabinet d'ingénierie et par les inspections générales de l'administration, des affaires sanitaires et sociales, et des services judiciaires semblent être caractérisées par des difficultés financières, mais aussi par des difficultés liées à des projets pédagogiques insuffisamment élaborés et des équipes éducatives mal préparées. Dans la logique des UEER mais avec des adaptations non négligeables, vont donc être créés des centres éducatifs renforcés, qui permettent d'organiser des « séjours de rupture ». Le Gouvernement a décidé de porter à cent le nombre de ces centres d'ici fin 2000 ; dans les faits, seule une cinquantaine de centres sera ouverte ; le nombre de cent centres ne pourra être atteint qu'en 2001 ;

      - face à ces problèmes, dans le cadre de la politique gouvernementale de lutte contre la délinquance des mineurs annoncée lors du conseil de sécurité intérieure du 8 juin 1998 et dont les orientations ont été confirmées par celui du 12 octobre 1998 et matérialisées dans deux circulaires du Premier ministre en date du 6 novembre 1998 (), il avait été annoncé la mise en place de 50 centres de placement immédiat (CPI). Leur mise en place pose problème. Les effectifs de la protection judiciaire de la jeunesse ne permettent pas d'assurer aujourd'hui, dans de bonnes conditions, l'ouverture de ces centres. Les créations d'emplois prévues dans le présent projet de budget ne vont pas se traduire par l'arrivée instantanée d'éducateurs dans les nouvelles structures. En attendant que leur formation soit assurée, les centres ne pourront être pourvus en effectifs que par le biais de redéploiements, mouvements qui vont donc se faire au détriment des structures « classiques ». Il est prévu de créer 5 CPI en 2001 d'un coût unitaire de 8 millions de francs.

· les centres de jour (secteur public uniquement) ont vocation à recevoir en priorité des jeunes sous protection judiciaire. Ils bénéficient soit d'une formation ou d'un apprentissage en vue d'une réintégration dans les dispositifs de droit commun, soit d'une formation professionnelle directement dispensée au sein de l'établissement ou sur un chantier. L'établissement d'accueil peut être une entreprise d'insertion, géré par la protection judiciaire de la jeunesse. Dans ce cas, le jeune a le statut de salarié et bénéficie d'un contrat de travail. Les centres de jour sont amenés, dans le cadre du partenariat avec le ministère de l'emploi et de la solidarité à accueillir des jeunes issus du dispositif de droit commun hors mandat judiciaire (missions locales, permanences d'accueil, d'information et d'orientation, etc.) ;

· le milieu ouvert regroupe les mesures de suivi du jeune dans son milieu naturel (ou « actuel » selon les termes juridiques), c'est-à-dire dans sa famille. Cette modalité de prise en charge peut être associée à une mesure de placement familial ou avec un suivi en centre de jour. Il peut s'appliquer à de jeunes délinquants suivis au titre d'une mesure provisoire (contrôle judiciaire, liberté surveillée préjudicielle) ou définitive (sursis avec mise à l'épreuve, travail d'intérêt général, liberté surveillée...). Ce suivi pénal en milieu ouvert ne peut être assuré que par un service du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse. Il peut également concerner des mineurs en danger ou des jeunes majeurs, on parle alors d'action éducative en milieu ouvert ;

· le placement familial concerne les jeunes confiés à une famille de manière permanente et durable. Il est suivi principalement le secteur habilité et toujours accompagné d'une mesure de milieu ouvert.

Au 1er janvier 1999, les jeunes relevant du secteur public étaient répartis entre 44 foyers d'action éducative assurant une fonction unique d'hébergement collectif, et 234 centres d'action éducative exerçant des fonctions multiples. S'ajoutent à ces structures 76 annexes de protection judiciaire de la jeunesse dans les quartiers éloignés des grands centres urbains et proches des milieux de vie des jeunes.

Il convient d'évoquer l'action des SEAT qui assurent, en amont de la décision judiciaire, une permanence éducative chargée d'éclairer le magistrat sur la situation personnelle et familiale du mineur. Ils assurent également, en aval de la décision judiciaire, le suivi éducatif d'un certain nombre de mineurs dans le cadre pénal. Les missions des éducateurs du SEAT ont été élargies par la loi n° 96-585 du 1er juillet 1996 portant réforme de l'ordonnance du 2 février 1945, puisqu'ils doivent désormais donner leur avis dans le cadre de nouvelles procédures. Au 1er janvier 1999, il y avait 98 SEAT.

Enfin, même si elles ne constituent pas à proprement parler des mesures de prise en charge, les mesures d'investigation sont des interventions éducatives ou de spécialistes destinées à dresser un bilan de situation du jeune qui permettra d'éclairer la décision du magistrat. Entrent dans cette catégorie les consultations d'orientation éducative, les enquêtes sociales, les mesures d'observation en milieu ouvert, les enquêtes rapides du SEAT.

II.- LES MOYENS DE FONCTIONNEMENT

    A.- LES MOYENS HUMAINS

      1.- Les effectifs

La loi de programme du 6 janvier 1995 avait prévu la création de 400 emplois budgétaires à répartir sur les cinq années de son application, soit en moyenne 80 emplois par an. Ces objectifs ont été remplis en 1999.

En 2000, 380 emplois ont été créés. Le même nombre de créations est prévu pour 2001. Ce chiffre est ramené à 376 en données nettes, compte tenu du transfert de 4 emplois à l'administration générale (2 emplois directeurs départementaux et 2 contractuels de première catégorie). Il intègre la création de 230 postes d'éducateurs et de chefs de service éducatifs, de 12 directeurs de la protection judiciaire de la jeunesse, de 10 psychologues et de 12 agents techniques d'éducation. Ainsi, la protection judiciaire bénéficiera de 7.144 postes budgétaires en 2001 au lieu de 6.768 en 2000, soit une progression notable de 5,6 %.

Lors du conseil de sécurité intérieure du 27 janvier 1999, le Gouvernement a décidé d'augmenter les effectifs de la protection judiciaire de la jeunesse de 1.000 emplois. Le décret n° 99-412 du 26 mai 1999 a fixé les modalités exceptionnelles de recrutement de 200 éducateurs. Les mesures du projet de loi de finances s'inscrivent donc dans la poursuite de ce plan. Comme en 1999 et en 2000, un effort de recrutement exceptionnel sera entrepris pour pourvoir aux postes budgétaires ouverts, grâce notamment à une autorisation de 300 surnombres pour l'ouvertures anticipée de concours. Par ailleurs, 64 emplois d'agents administratifs seront transformés en emplois d'adjoints administratifs.

À ces emplois budgétaires, s'ajouteront 500 postes d'agents de justice. 215 contrats ont été signés au 1er septembre 2000.

Le taux d'encadrement tend régulièrement à s'améliorer depuis 1990. Il y avait 16,4 jeunes pour un éducateur en 1990, le nombre est passé à 14,9 jeunes pour un éducateur en 1997, avant de remonter à 15,1 en 1998. En 1999, il atteignait 13,38 jeunes pour un éducateur. Il convient de relever que ces données sont fixées au 31 décembre. Dans le cours de l'année, le taux oscille autour de 30 jeunes par éducateur ; il était de 31,7 en 1995, mais de 30,56 en 1999.

Enfin, votre Rapporteur spécial souhaite de nouveau souligner les risques qui peuvent résulter d'un recours excessif aux délégués du procureur dans le domaine du traitement de la délinquance des mineurs. L'adjonction de délégués auprès du procureur est née d'une pratique purement prétorienne. Il s'agissait d'alléger la charge de travail du parquet pour des tâches qui n'emportaient pas de décision judiciaire. Ainsi, dans le cadre des maisons de justice et du droit, des retraités de la magistrature, notamment, étaient appelés à la rescousse pour effectuer auprès des mineurs et de leurs parents des rappels de la loi et pour organiser une mesure de réparation dans l'intérêt de la victime ou de la collectivité.

Cette pratique a été entérinée par l'article 41-1 du code de procédure pénale tel que rédigé par l'article premier de la loi n° 99-515 du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale : 

« S'il lui apparaît qu'une telle mesure est susceptible d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des faits, le procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur l'action publique, directement ou par délégation : 

« 1° Procéder au rappel auprès de l'auteur des faits des obligations résultant de la loi ;

« 2° Orienter l'auteur des faits vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle ;

« 3° Demander à l'auteur des faits de régulariser sa situation au regard de la loi ou des règlements ;

« 4° Demander à l'auteur des faits de réparer le dommage résultant de ceux-ci ;

« 5° Faire procéder, avec l'accord des parties, à une mission de médiation entre l'auteur des faits et la victime.

« La procédure prévue au présent article suspend la prescription de l'action publique. »

Au 1er juillet 2000, 122 délégués du procureur étaient spécialisés dans les affaires mettant en cause des mineurs. Jusqu'à ce jour, seuls les délégués de la région parisienne ont pu recevoir une formation. Un module spécialisé de formation est en voie de création à l'École nationale de la magistrature. Si ces délégués du procureur apportent de la souplesse au système judiciaire, ils lui apportent surtout des moyens supplémentaires à moindre coût, sans les garanties des professionnels de la justice. Là encore, comme dans le cas des assistants de justice, les juridictions, faute de pouvoir bénéficier de moyens suffisants et adaptés, ont recours à des supplétifs de magistrats ou de fonctionnaires de greffe.

      2.- Les mesures indemnitaires et statutaires

Au-delà de la poursuite des revalorisations indemnitaires demandées et accordées en partie en 1998, la loi de finances pour 1999 a proposé la revalorisation de certaines indemnités et la mise en place d'une provision pour le régime indemnitaire des directeurs. Ainsi, ont été revalorisés le taux de l'indemnité horaire pour travaux du dimanche et des jours fériés allouée aux personnels des services déconcentrés et le taux de l'indemnité de surveillance de nuit allouée aux agents techniques d'éducation. Par ailleurs, le régime indemnitaire des éducateurs et chefs de service éducatif a été amélioré. En 2000, plusieurs mesures de pyramidages statutaires qui permettront de porter à 25 % de l'effectif budgétaire des éducateurs du premier grade, ainsi que les agents administratifs de première classe. L'accord salarial conclu dans la fonction publique en faveur des bas salaires permet la transformation de 32 emplois, tandis qu'une provision de 0,8 million de francs est inscrite pour la création d'emploi fonctionnel de chefs de services éducatifs. Par ailleurs, ont été revalorisées les primes liées à l'hébergement et à des contraintes particulières (1,1 million de francs), tandis que le régime indemnitaire des directeurs est refondu (1,8 million de francs). L'ensemble des régimes indemnitaires des corps de la protection judiciaire de la jeunesse bénéficie d'une revalorisation (6,2 millions de francs).

En 2001, 6,9 millions de francs seront consacrés au régime indemnitaire des agents de la protection judiciaire de la jeunesse. Par ailleurs, 0,5 million de francs viendront financer la création d'un régime indemnitaire spécifique aux chefs de services éducatifs fonctionnels chargés de l'animation de petites unités et placés à un échelon intermédiaire entre les directeurs et les équipes éducatives. Enfin, la refonte et la revalorisation du régime indemnitaire des directeurs absorberont 3,2 millions de francs.

    B.- LES MOYENS MATÉRIELS DE FONCTIONNEMENT

Les crédits de fonctionnement et d'intervention ouverts dans la loi de finances initiale pour 1998 se sont élevés à 2.532,8 millions de francs. En 1999, ce montant s'est élevé à 2.673,9 millions de francs, soit une variation positive de 5,57 %. Pour 2000, les moyens ont été portés à 3.102,4 millions de francs, soit une progression conséquente de 16 %. Ils s'élèveront à 3.469,3 millions de francs en 2001 et augmenteront donc de 11,8 %.

Ces crédits recouvraient, outre les dépenses en personnel, l'entretien et la rééducation des mineurs (chapitres 34-33 ancien, 37-33 nouveau), les moyens de fonctionnement des services du secteur public (chapitre 34-34), les dépenses informatiques (chapitre 34-05, article 50), ainsi que des subventions et interventions diverses (chapitre 46-01) qui bénéficient également de crédits du Fonds social européen (FSE).

En 2001, l'augmentation importante des moyens de fonctionnement provient, notamment, outre des nombreuses créations d'emplois, du renforcement des capacités d'insertion pour 2 millions de francs et d'un abondement correspondant à la mise en _uvre des décisions du conseil de sécurité intérieure du 27 janvier 1999 à hauteur de 30,8 millions de francs, dont 9,75 millions de francs pour l'ouverture de 15 centres de placement immédiat et 9,35 millions de francs pour l'informatique déconcentrée.

III.- LES INVESTISSEMENTS

Depuis 1980, l'évolution des méthodes pédagogiques a nécessité une transformation du patrimoine immobilier affecté à la protection judiciaire de la jeunesse. Les gros internats, dont les coûts d'entretien et de fonctionnement élevés ne se justifiaient plus, ont été progressivement remplacés par des structures de petites ou moyennes dimensions, insérées en milieu urbain et assurant le plus souvent une fonction unique (hébergement, milieu ouvert, formation professionnelle). À partir de 1989, des études ont été menées. Leurs résultats ont permis de planifier dans un cadre pluriannuel les nouvelles implantations du secteur public. Le redéploiement des activités des établissements inadaptés a contribué, depuis 1991, à recentrer progressivement les moyens de la protection judiciaire de la jeunesse à proximité des secteurs urbains où sont présents les jeunes les plus en difficulté.

Depuis 1995, les opérations d'équipement se situent dans le cadre fixé par la loi de programme qui a prévu d'affecter 400 millions de francs d'autorisations de programme à la protection judiciaire de la jeunesse pour l'ouverture de 500 places d'hébergement, une partie de ce montant devant servir, à hauteur d'une centaine de places, à l'achèvement des programmes déjà en cours. Le Gouvernement souhaitait également renforcer les possibilités de prise en charge des mineurs délinquants par les services de milieu ouvert et les centres de jours situés dans les quartiers les plus difficiles. C'est à ce deuxième objectif que devait être consacré le solde de ces dotations.

Les crédits ouverts pour 1999 ont permis de réaliser la totalité des ouvertures d'autorisations de programme fixées par la loi du 6 janvier 1995. La loi de finances pour 1999 a, en effet, prévu l'ouverture de 84 millions de francs en autorisations de programme et de 97 millions de francs en crédits de paiement. Ont été construits 2 nouveaux foyers (Melun-Sénart et Mulhouse) de 18 places, tandis que plusieurs établissements anciens à Paris, dans les départements du Nord, du Pas-de-Calais, des Bouches-du-Rhône et du Rhône ont bénéficié d'opérations de rénovation et de réhabilitation.

La loi de finances pour 2000, outre l'achèvement de nouveaux hébergements programmés antérieurement, prévoit la création de deux hébergements et de trois centres de placement immédiat, ainsi que la poursuite de la rénovation et l'adaptation d'établissements anciens à Paris, dans les départements du Nord, du Pas-de-Calais, du Rhône et des Bouches-du-Rhône. Pour ce faire, 100 millions de francs d'autorisations de programme et 77 millions de francs de crédits de paiement ont été ouverts.

En 2001, seront de nouveau ouvert 100 millions de francs d'autorisations de programme, tandis que les crédits de paiement seront en baisse sensible à 36 millions de francs, soit une réduction de 53,2 %. Ces crédits serviront essentiellement, outre la poursuite d'opérations (32 millions de francs), à la construction de cinq nouveaux centres de placement immédiat (40 millions de francs), à la création et l'adaptation de centres de jour (8 millions de francs) et à la restructuration d'hébergements existants.

CHAPITRE VI

LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

Les crédits des juridictions administratives, Conseil d'État compris, atteindront 887,6 millions de francs pour 2001, en hausse de 5 % par rapport à la loi de finances pour 2000 dans laquelle ces crédits s'élevaient à 845,6 millions de francs. 90 emplois seront créés, dont 41 emplois de magistrats, au lieu de 85 créations en 2000 et de 61 en 1999.

Les juridictions administratives ont une fonction juridictionnelle et une fonction consultative. Le Conseil d'État assure également une fonction d'étude et une fonction de gestion, puisqu'il est chargé de l'essentiel de la gestion des moyens en matériel et en personnel de l'ensemble des juridictions. Outre le Conseil d'État, les juridictions administratives sont organisées autour de sept cours d'appel () et de trente-six tribunaux administratifs. On relèvera que la commission des sondages et la commission pour la transparence de la vie financière sont adjointes au Conseil d'État. Le tableau ci-dessous présente la répartition des dépenses par fonction.

MONTANT DES DÉPENSES DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES PAR FONCTION
(1996-1999)

(en millions de francs)

 


1996


1997


1998


1999

Variation 1999/1996
(en %)

Fonction juridictionnelle

548,0

609,5

643,3

699,4

27,63

Fonction consultative

29,0

29,3

26,8

32,1

10,69

Fonction d'étude

14,7

16,8

17,5

20,4

38,78

Fonction support de gestion

41,8

45,4

46,9

51,5

23,21

Total

633,5

701,0

734,5

819,5

29,36

Source :  d'après le compte rendu de gestion budgétaire Justice, 1999.

On peut rappeler que, dès 1999, l'exécution de la loi de programme était satisfaisante tant au niveau des emplois créés qu'en matière d'autorisations de programme, puisque les taux de réalisation atteignaient respectivement 87 % et 106,5 % des mesures prévues, alors même que l'échéance de la loi de programme avait été reportée d'une année en 1997.

I.- UNE ACTIVITÉ EN AUGMENTATION CONSTANTE

Les juridictions administratives, en 1999, ont été saisies au total de 145.815 affaires et en ont réglé 135.584. Nous verrons infra que cette évolution ne laisse de poser le problème de la constitution de « stocks » d'affaires et, conséquemment, de l'allongement éventuel des délais de jugement, sous réserve du maintien des progrès de productivité :  188 affaires réglées par magistrat des tribunaux administratifs en 1996 et 214 en 1999.

On relèvera à ce propos la baisse de productivité des membres du Conseil d'État :  101 affaires réglées par membre du Conseil d'État affecté à la section du contentieux en 1996, 81 affaires en 1998, 95 affaires en 1999. Si on peut certes estimer que la difficulté des affaires soumises à la juridiction a augmenté, compte tenu de la réforme du contentieux administratif qui s'est traduite par une réduction de la compétence d'appel du Conseil, le volume d'affaires entrées n'en a pas moins sensiblement diminué, alors même que l'effectif est resté stable. De fait, les effets de la réforme de 1987, entrée en vigueur complètement en 1995, se sont traduits essentiellement par la libération partielle du Conseil d'État en transférant une partie de la charge sur les cours administratives d'appel. Mais cette « libération » n'a été que de courte durée.

ÉVOLUTION DU CONTENTIEUX TRAITÉ PAR LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES
(1992-1999)

Conseil d'État

 

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Affaires enregistrées brutes

11.106

10.927

9.197

12.447

8.091

8.314

10.232

12.747

Affaires enregistrées nettes

10.705

10.335

8.743

9.162

7.527

7.193

8.427

12.330

Affaires jugées (net)

9.976

10.395

11.314

10.598

11.684

11.228

9.450

10.988

Affaires en stock (net)

22.342

22.388

19.403

18.016

13.756

10.385

8.479

10.067

Affaires par magistrat (net)

130

122

135

120

150

142

128

148

Délai moyen de jugement

2 ans 4 mois

2 ans 2 mois

1 an 6 mois

1 an 7 mois

1 an 4 mois

1 an 2 mois

1 an 2 mois

11 mois

Cours administratives d'appel

Affaires enregistrées brutes

6.555

7.553

9.435

12.121

15.553

14.350

17.135

18.633

Affaires enregistrées nettes

5.570

6.794

7.804

9.057

12.168

12.477

14.330

16.056

Affaires jugées (net)

5.447

6.129

5.786

6.110

6.317

7.461

9.199

11.390

Affaires en stock (net)

6.697

7.605

9.392

12.269

18.383

24.016

29.334

33.798

Affaires par magistrat (net)

60

67

61

65

64

68

75

84

Délai moyen de jugement

1 an 4 mois

1 an 2 mois

1 an 7 mois

1 an 7 mois

2 ans 11 mois

2 ans 11 mois

2 ans 11 mois

2 ans 6 mois

Tribunaux administratifs

Affaires enregistrées brutes

116.779

94.189

94.774

106.434

101.575

106.985

132.918

120.567

Affaires enregistrées nettes

84.082

88.078

88.949

97.025

95.246

101.590

123.834

117.429

Affaires jugées (net)

72.176

78.045

82.870

90.103

91.371

96.367

104.615

112.206

Affaires en stock (net)

156.554

166.928

171.311

179.874

183.641

188.653

207.920

209.247

Affaires par magistrat (net)

173

181

189

193

188

191

211

214

Délai moyen de jugement

2 ans

1 an 11 mois

1 an 11 mois

1 an 11 mois

1 an 11 mois

1 an 11mois

1 an 11 mois

1 an 11 mois

Source :  Conseil d'État.

ÉVOLUTION DU CONTENTIEUX TRAITÉ PAR LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES
(1991-1998)
Affaires enregistrées nettes

ÉVOLUTION DU CONTENTIEUX TRAITÉ PAR LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES
(1991-1998)
Affaires en stock (net)

    A.- LES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS

Le phénomène de pause dans l'accroissement du contentieux observé en 1993 (+ 4 %) et en 1994 (+ 1,5 % par rapport à 1993) s'était interrompu en 1995. Corrigées des séries, les entrées nettes augmentent de 9 % en 1995 (+ 12 % en données brutes). Mais après des années de progression interrompue (+ 72 % de 1987 à 1995), le nombre annuel d'affaires enregistrées a légèrement diminué en 1996 de 2 % en données nettes. Cette « accalmie » ne s'est pas confirmée en 1997, puisque cette année a enregistré un bond de 6,66 % du nombre des affaires nouvelles. Sur trois ans, l'accroissement du volume annuel des entrées atteint 14,2 %.

Il ne semble pas que l'institution d'un droit de timbre par l'article 44 de la loi de finances pour 1994 ait eu un effet dissuasif important sur les flux de contentieux répétitifs (les « recours-pétitions »). Le nombre de séries, qui avait baissé en 1996, a repris une pente ascendante en 1997 pour retomber en 1998. Le maintien du droit de timbre ne suffit pas à enrayer les phénomènes cycliques de croissance du contentieux. Cependant, sa suppression risquerait d'entraîner une augmentation marginale importante du contentieux, notamment devant les cours administratives d'appel. Une augmentation de son niveau pourrait être envisagée.

En 1997, les affaires jugées ont crû de 5,5 %, ce qui porte à 16 % le taux de croissance des affaires jugées depuis 1994. Cette augmentation est due pour l'essentiel au renforcement des effectifs tant en magistrats qu'en agents des greffes, car la productivité des magistrats qui avait fortement augmenté (+ 43 % de 1987 à 1993) semble avoir aujourd'hui atteint un palier. L'augmentation du nombre d'affaires traitées est plus forte que celle du nombre d'entrées et l'écart entre les deux chiffres se réduit ; le rapport affaires traitées sur affaires enregistrées est passé de 89 % en 1991 à 95 % en 1997.

Les résultats pour 1998 pouvaient laisser apparaître la poursuite de la dégradation, avec une augmentation des affaires enregistrées de 24,24 % en données brutes (non corrigées des séries) et du volume des stocks de 10,21 % par rapport à l'an passé. Ainsi, en 1998, 207.920 affaires restaient à juger. Mais, l'année 1999 a été caractérisée par un redressement notable. Le nombre des entrées, corrigé des séries, a décru de 5,2 % par rapport à 1998. Il faut cependant relativiser cette amélioration et rappeler que la forte croissance du nombre des entrées en 1998 était liée à l'opération de régularisation des immigrés clandestins lancée par le Gouvernement.

Cette baisse du nombre des affaires enregistrées s'est accompagnée d'une nouvelle hausse du nombre des affaires jugées :  104.615 en 1998 et 112.206 en 1999, soit une progression de 7,3 %. De fait, la productivité des magistrats a régulièrement augmenté :  chaque magistrat traitait en effet environ 181 affaires par an en 1993 ; il en a traité 211 en 1999. Il est utile de noter que la progression de la productivité a particulièrement été sensible en 1997 et 1998, période qui correspond à la mise en _uvre d'un système informatique rénové permettant une recherche documentaire performante et à la mise en place d'assistants de justice dans un certain nombre de tribunaux.

Ces améliorations, liées également à l'ouverture de nouvelles juridictions, n'ont pu empêcher l'accroissement du stock des affaires restant à juger. Leur nombre augmente légèrement en 1999 par rapport à 1998, passant de 207.920 affaires à 209.247 en données corrigées des séries. Ce stock ne cesse de croître depuis 1991.

Après avoir été réduit de 2 ans et 2 mois en 1991 à 1 an et 10 mois en 1995, le délai moyen de jugement a de nouveau augmenté :  il est de 1 an et 11 mois en 1999, et ce, depuis 1996, devant les tribunaux administratifs.

La situation de certains tribunaux reste particulièrement préoccupante, à l'exemple de celui de Paris, pour lequel le stock en 1999 a atteint 46.930 affaires pour 19.780 affaires réglées, ou celui de Versailles, qui doit faire face à un stock de 16.592 affaires pour 8.536 affaires réglées. La création du tribunal administratif de Melun dans un premier temps et de celui de Cergy-Pontoise dans un second temps devrait permettre de résorber certaines difficultés.

    B.- LES COURS ADMINISTRATIVES D'APPEL

Créées par la loi du 31 décembre 1987, les cours d'appel ont été installées à Bordeaux, Lyon, Nancy, Nantes et Paris en janvier 1989. Leur compétence se limitait à l'époque aux recours de plein contentieux. La première phase étant achevée, le décret du 17 mars 1992 a permis de passer à une nouvelle étape, marquée par le transfert échelonné de l'appel des recours pour excès de pouvoir, qui a été réalisé en matière d'urbanisme au 1er septembre 1992 et en matière de fonction publique au 1er janvier 1994. Depuis le 1er octobre 1995, les cours administratives d'appel exercent l'ensemble des compétences qui leur ont été conférées par l'article 1er de la loi du 31 décembre 1987, modifié par la loi du 8 février 1995. Deux nouvelles cours d'appel ont été créées pour permettre le rééquilibrage de leur ressort géographique, la première à Marseille en 1997 et la seconde à Douai en 1999.

Depuis 1992, les cours administratives d'appel connaissent, en raison du transfert échelonné de l'appel des recours pour excès de pouvoir, qui s'est achevé en 1995, une progression des entrées sans précédent : + 29 % en 1992, + 15 % en 1993, + 25 % en 1994, + 28 % en 1995, + 34,33 % en 1996. En 1997, la progression du nombre d'affaires enregistrées a été limitée à 2,56 % ce qui semble indiquer que les effets mécaniques des derniers transferts sont achevés. Mais la tendance à une augmentation forte s'est de nouveau engagée en 1998 avec 14,85 % d'augmentation par rapport à l'année précédente, ce qui se traduit en données nettes, sur cinq ans, par une croissance de 110,92 %. Elle s'est poursuivie en 1999 avec un rythme soutenu de 12 %.

Le nombre d'affaires traitées augmente régulièrement. Cependant, le rapport affaires traitées/affaires enregistrées qui était de 97,79 % en 1992 est passé à 64,19 % en données nettes en 1998. L'amélioration sensible constatée depuis 1997 s'explique, notamment, par la création de la cour administrative d'appel de Marseille en septembre 1997 et par le renforcement des effectifs des autres cours. En revanche, et malgré l'ouverture de la cour d'appel de Douai en septembre 1999 (), le rapport affaires traitées/affaires enregistrées s'est dégradé en 1999, avec un taux de 71 %.

Le nombre d'affaires traitées par magistrat a augmenté de 11,94 % en données nettes de 1993 à 1998.

Corrélativement, le stock d'affaires en instance n'a cessé de croître. Il a été multiplié par 4,8 en données nettes depuis 1993. Le délai moyen de jugement est passé de 1 an et 2 mois en 1993 à 2 ans et 11 mois en 1998.

En 1998, la situation aurait dû s'améliorer avec la création de la cour administrative d'appel de Marseille, inaugurée en septembre 1997. Mais cette juridiction n'a commencé à fonctionner « à plein régime » qu'un an plus tard, ce qui a amoindri son effet sur la résorption des stocks. L'évolution du délai théorique de résorption du stock a même augmenté, passant de 2 ans et 3 jours en 1997 à 3 ans 2 mois et 7 jours en 1998.

En 1999, la situation aurait pu se redresser, compte tenu de l'ouverture de la cour d'appel de Douai. De fait, la situation a été un peu moins mauvaise que les années précédentes. Le stock d'affaires restant à régler a continué cependant de grossir. Il a été multiplié par près de trois et demi depuis 1994 pour atteindre 37.654 affaires.

    C.- LE CONSEIL D'ÉTAT

Le nombre d'affaires enregistrées au Conseil d'État, après avoir connu une baisse régulière depuis 1992, a connu en 1998 une forte augmentation :  il est passé, en données nettes, de 10.705 en 1992 à 7.193 en 1997, pour remonter à 8.427 en 1998 et à 12.330 en 1999. Ainsi, l'année 1999 est principalement marquée par le très fort accroissement des affaires enregistrées.

Le nombre d'affaires jugées, après avoir connu une certaine stabilité (11.314 en 1994 et 11.228 en 1997), a baissé de manière importante, passant à 9.450 en 1998, soit une baisse de 15,83 % par rapport à l'année précédente. Parallèlement, la productivité a baissé fortement, passant de 150 affaires par magistrat en 1996 à 128 affaires en 1998. Nous retrouvons dans cette matière le niveau de 1992 (130 affaires par magistrat). En 1999, le nombre de sorties augmente de nouveau pour s'établir, en données nettes, à 10.988 affaires, soit un niveau sensiblement inférieur à celui atteint en 1997. Cette progression ne permet pas cependant de faire face aux nouvelles entrées.

Tant que le nombre des affaires réglées est resté supérieur à celui des affaires enregistrées, le stock des affaires en instance a continué de baisser, et ce malgré la baisse de productivité. Il est passé de 22.388 affaires restant en instance en 1993 à 8.479 affaires en 1998, soit une réduction de 62,13 % en cinq ans. Cependant, l'activité en 1999 s'est soldée par un accroissement du stock des affaires en instance, qui sont passées de 8.479 à 10.067. Si le délai moyen de jugement est resté stable, à 1 an et 2 mois en 1998, il a augmenté en 1999. Il était de 2 ans et 2 mois, il y a cinq ans.

Une partie importante de l'accroissement du nombre d'affaires enregistrées est liée au développement du contentieux des étrangers :  appels de jugements de tribunal administratif statuant en matière de reconduite à la frontière, recours en cassation contre des décisions de la Commission de recours des réfugiés, et très forte augmentation en premier ressort des recours contre des décisions de refus de visas depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 98-389 du 11 mai 1998 sur l'entrée et le séjour des étrangers en France et au droit d'asile. Pour 1999, cette tendance s'est confirmée. Après déduction des séries et des affaires réglées par ordonnance du président de la section du contentieux, les affaires relatives au contentieux des étrangers représentaient ainsi près de 57 % du total, avec un nombre de 5.058, dont 1.860 recours contre des décisions de refus de visas. En 1998, les affaires relatives au contentieux des étrangers atteignaient un total de 1.810.

L'année 1998 a vu, par ailleurs, la mise en application du décret n° 97-1177 du 24 décembre 1997 relatif à la procédure d'admission des pourvois en cassation devant le Conseil d'État et modifiant le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 relatif à l'organisation et au fonctionnement du Conseil d'État, qui a supprimé la commission d'admission des pourvois en cassation et confié aux sous-sections de la section du contentieux du Conseil d'État la prise en charge de la procédure d'admission prévue à l'article 11 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif (), visant à diminuer la durée de la procédure d'admission d'un pourvoi en cassation.

L'augmentation inquiétante des entrées constatée en 1998 et 1999 montre que les efforts réalisés n'ont pas été suffisants et l'on risque d'assister à une nouvel allongement des délais. Il faut espérer que la réforme introduite par la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives permettra, notamment, de réduire les délais pour les affaires qui exigent des réponses rapides.

II.- DES MOYENS DE FONCTIONNEMENT RENFORCÉS

Entre 1991 et 2001, le nombre de postes budgétaires de magistrats du corps des cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs aura augmenté de près de 40 %, sans compter 56 postes de magistrats temporaires.

    A.- LES RESSOURCES HUMAINES :  UNE PROGRESSION SENSIBLE DES EFFECTIFS CONFIRMÉE EN 2001

En 1999, les effectifs des juridictions administratives sont répartis en 116 magistrats et 80 fonctionnaires pour le Conseil d'État, 136 magistrats et 211 agents pour les cours administratives d'appel, et 525 magistrats et 737 agents pour les tribunaux administratifs. Entre 1996 et 1999, l'effectif réel de magistrats et de fonctionnaires des juridictions administratives est passé de 1.904 agents à 2.080.

En 2000, les juridictions administratives ont bénéficié de la création nette de 83 emplois :  40 postes de magistrats, 45 postes de fonctionnaires moins 2 suppressions liées aux transformations d'emplois. En 2001, elles enregistreront de 90 créations nettes d'emplois, dont 6 au Conseil d'État, 41 magistrats et 43 emplois de fonctionnaires, pour un total de 20,2 millions de francs. 45 emplois seront, par ailleurs, transformés dans le cadre de la réforme du corps des agents administratifs qui deviennent adjoints administratifs. Les repyramidages des corps de bibliothécaires et d'agents des services techniques entraînent la transformation de 13 emplois.

      1.- Les effectifs

      a) Les magistrats

- Les voies de recrutement

Les magistrats des juridictions administratives sont recrutés de trois manières différentes : par le biais de l'École nationale d'administration, par le tour extérieur et par un concours complémentaire. Par ailleurs, un recrutement particulier destiné à pourvoir les cours administratives d'appel lors de leur constitution avait été organisé.

L'article 7 de la loi n° 86-14 du 6 janvier 1986 fixant les règles garantissant l'indépendance des membres des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel prévoit que les magistrats administratifs sont recrutés parmi les anciens élèves de l'École nationale d'administration. Cette voie concerne moins du tiers des membres des tribunaux et cours administratifs.

Depuis 1986, un tour extérieur est prévu pour les conseillers de deuxième et de première classe. Il est ouvert à raison d'un poste sur trois pour les conseillers de deuxième classe et d'un poste sur sept pour les conseillers de première classe aux fonctionnaires de l'État et de la fonction publique territoriale appartenant à un corps de catégorie A justifiant de dix ans de service public et aux magistrats de l'ordre judiciaire. Une trentaine fonctionnaires en détachement sont venus, en outre, renforcer les effectifs des juridictions administratives.

Le législateur a régulièrement autorisé des recrutements exceptionnels afin de faire face à la croissance régulière du contentieux. La loi n° 97-276 du 25 mars 1997 portant dispositions statutaires relatives au corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel a adapté ces dispositions à la réforme du statut des magistrats des tribunaux et cours. 40 % des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont issus de ce recrutement extérieur.

Enfin, signalons la possibilité d'accès des militaires à des emplois de magistrats administratifs en vertu de la loi n° 70-2 du 2 janvier 1970 qui concerne l'ensemble de la fonction publique.

Le tableau ci-dessous retrace l'évolution des modes de recrutements depuis 1994.

LES VOIES DE RECRUTEMENT DES CONSEILLERS DE COURS ADMINISTRATIVES D'APPEL
ET DE TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS

(1994-2000)

Année

École nationale d'administration

Tour extérieur

Recrutement complémentaire

Détachement (1)

Loi n°70-2

Total

 

    1994

9

5

14

10

0

38

    1995

10

7

18

19

2

56

    1996

10

6

17

17

2

52

    1997

9

6

19

16

2

52

    1998

12

6

20

22

2

63

    1999

12

7

19

21

2

61

    2000 (2)

12

6

20

12

2

52

(1) De 1995 à 1999, les 71 magistrats recrutés à titre temporaire au titre de la loi de programme
relative à la justice figurent dans cette catégorie.

(2) prévisions.

Source :  Conseil d'État.

Ainsi, il convient de relever que le nombre de recrutements demeure relativement élevé depuis 1994. L'essentiel de ces recrutements a été réalisé sur la base de recrutements complémentaires autorisés par des textes législatifs spéciaux ou par le biais de détachements. De fait, le principe selon lequel les magistrats sont recrutés parmi les élèves de l'École nationale d'administration a été mis à mal par les besoins des juridictions et par la stabilité de la taille des promotions de l'École.

- L'évolution des effectifs

Le nombre de membres du Conseil d'État est resté le même depuis 1994. En revanche, le nombre de magistrats des cours et tribunaux a substantiellement crû, passant de 549 à 764 en dix ans, avec près de 100 créations entre 1990 et 1997 et 123 entre 1998 et 2001.

La loi de programme relative à la justice du 6 janvier 1995 avait ainsi prévu, d'une part, la création de 105 emplois budgétaires de magistrats administratifs (100 ont été effectivement créés) et d'autre part, le recrutement de 75 magistrats temporaires (71 recrutements ont été effectivement permis).

Le recrutement des magistrats temporaires se fait parmi les professeurs et maîtres de conférences détachés dans le corps des membres des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel. Ce renfort utile est appréciable même s'il met à mal le principe selon lequel les conseillers sont recrutés par le biais de l'École nationale d'administration. Mais à l'heure actuelle, ces postes de magistrats temporaires sont principalement occupés par des administrateurs civils, des sous-préfets, des administrateurs de la Ville de Paris et des magistrats de l'ordre judiciaire.

Les emplois de magistrats temporaires progressivement créés durant l'application de la loi quinquennale pour la justice font désormais l'objet d'un reflux. Ainsi, si 41 emplois de magistrats sont créés pour 2001, 15 emplois de magistrats temporaires sont supprimés.

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DES MAGISTRATS ADMINISTRATIFS

(1991-2001)

 

Tribunaux administratifs et
cours administratives d'appel

Conseil d'État

 

Effectifs
budgétaires

Effectifs
réels
(1)

Effectifs
budgétaires
(2)

1991

549

504

218

1992

561

528

218

1993

571

528

218

1994

583

566

218

1995

605

597

217

1996

625

624

217

1997

641

651

217

1998

662

716

217

1999

683

752

217

2000 (3)

723

752

217

2001 (4)

764

-

217

    (1) Les effectifs réels prennent en compte à partir de 1995 les autorisations de recrutement de magistrats temporaires en surnombre (loi de programme).

(2) Les effectifs budgétaires prennent en compte les conseillers d'État maintenus en activité au-delà de l'âge de la retraite (article 8 du décret n° 63-667 du 30 juillet 1963).

(3) prévisions.

(4) projet de loi de finances.

Source :  Conseil d'État.

Enfin, il convient de relever que l'article 8 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif a permis qu'à titre exceptionnel, et jusqu'au 31 décembre 1995, les membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, lorsqu'ils atteignaient la limite d'âge résultant de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public, sont, sur leur demande, maintenus en activité, en surnombre pour exercer des fonctions de conseiller pendant une durée de trois ans, non renouvelable. L'article 18 de la loi n° 98-1163 du 18 décembre 1998 relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits, a prolongé cette possibilité jusqu'au 31 décembre 2004. En 2000, seuls deux magistrats se trouvaient dans cette position, pour un coût total d'environ 0,7 million de francs.

Pour être pleinement efficace, l'accroissement du nombre de magistrats doit être accompagné d'un renforcement continu des greffes et des moyens de fonctionnement.

      b) Le personnel des greffes

En 1995, le ratio personnels de greffe/magistrat était de 1,3. Il est de 2,1 pour les chambres régionales des comptes et de 3 pour les juridictions judiciaires. La loi de programme de 1995 prévoyait de porter ce ratio à 1,5. Elle avait fixé à 200 les emplois supplémentaires d'agents de greffe dont la répartition était de 105 emplois dans les cours et tribunaux déjà en place, 55 dans les nouvelles juridictions et 40 au Conseil d'État.

- Tribunaux administratifs et cours administratives d'appel

De 1995 à 1999, 190 emplois de greffe ont été créés, auxquels se s'est ajouté le transfert de 10 emplois en provenance du ministère de l'intérieur, pour accompagner le transfert de charges résultant de la modification des modalités de taxation des commissaires enquêteurs, ce qui a porté les effectifs des greffes à 959 en 1999.

La de loi de finances pour 2000 a porté le nombre de créations de postes à 38, ce qui a fait passer le nombre de postes budgétaires de greffes pour les tribunaux et les cours d'appel administratifs de 959 à 997. Pour 2001, il est prévu de créer 43 emplois de fonctionnaires, ce qui maintient à un niveau identique le ratio agents/magistrats, soit à 1,36. Il y aura donc 1.040 postes budgétaires disponibles de fonctionnaires en 2001 pour 764 postes budgétaires de magistrats.

- Conseil d'État

S'agissant du Conseil d'État, on observe qu'en 1986 et en 1994 les effectifs budgétaires se retrouvent à un niveau à peu près identique. 38 emplois ont été créés dans le cadre de la loi de programme relative à la justice entre 1995 et 1999.

Pour 2000, le nombre de créations a été limité à 5. Pour 2001, il s'élèvera à 6 emplois. On peut relever que 28 personnes sont spécialement chargées de la gestion des tribunaux et des cours.

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DES GREFFES DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES


Année

Tribunaux administratifs et cours administratives d'appel

Conseil d'État

Effectifs
budgétaires

Effectifs
réels

Effectifs
budgétaires

Effectifs
réels

    1991

    630

    630

    289

    268

    1992

    696

    696

    286

    258

    1993

    759

    709

    286

    256

    1994

    797

    760

    287

    253

    1995

    843

    824,5

    296

    270

    1996

    871

    829

    303

    285

    1997

    895

    853

    309

    289

    1998

    927

    864

    317

    304

    1999

    959

    950

    325

    310

    2000 (1)

    997

    947

    330

    310

    2001 (PLF)

1.040

      -

    336

      -

(1) prévisions.

Source :  Conseil d'État.

      2.- Statut et rémunérations

      a) La réforme du statut des magistrats

Outre deux mesures, l'une qui complète le régime des incompatibilités et l'autre qui adapte les conditions de l'accès des magistrats aux cours administratives d'appel, la loi du 25 mars 1997 précitée comporte pour l'essentiel des mesures statutaires qui modifient les règles de la loi du 6 janvier 1986 fixant les règles garantissant l'indépendance des membres des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel.

La loi du 6 janvier 1986 a renforcé les garanties d'indépendance des magistrats administratifs, avec en particulier l'institution d'un Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, mais le statut des magistrats est resté, dans ses grandes lignes, celui des membres des tribunaux administratifs de 1953.

Le déroulement des carrières prenait un net retard par rapport aux autres corps de même niveau de recrutement. C'est en grande partie la complexité de la structure des grades actuelle qui est à l'origine de cette situation ; elle a, en effet, été un obstacle au pyramidage régulier des emplois créés.

La loi du 25 mars 1997 a constitué une étape importante dans l'amélioration du statut des magistrats. Ses dispositions ont été complétées par une série de textes réglementaires : 

· décret n° 97-859 du 18 septembre 1997 portant statut particulier des membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

· décret n° 97-860 du 18 septembre 1997 relatif au Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

· décret n° 97-910 du 6 octobre 1997 portant reclassement des membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

· décret n° 97-1035 du 14 novembre 1997 portant modification du classement hiérarchique des grades et emplois des personnels civils et militaires de l'État relevant du régime général de retraite ;

· les arrêtés du 14 novembre 1997 fixant l'échelonnement indiciaire applicable aux membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.

Ce texte institue une succession de grades plus simple, en rapport avec l'organisation des juridictions et avec les activités d'un corps moins hiérarchisé que celui des administrateurs civils et qui s'apparente davantage aux corps d `inspection et de contrôle. Le nombre de grades a ainsi été ramené de sept à trois : conseiller, premier conseiller, président.

Les fonctions de rapporteur et commissaire du gouvernement sont confiées aux magistrats des grades de conseiller et premier conseiller. Les fonctions d'encadrement sont regroupées dans le grade unique de président. Des échelons fonctionnels permettent, à l'intérieur de ce grade, de tenir compte de la variété et des caractères spécifiques des diverses responsabilités que l'on trouve à ce niveau. L'accès à certaines de ces fonctions est subordonné à l'inscription sur des listes d'aptitudes annuelles établies sur proposition du Conseil supérieur Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel.

La loi fait également évoluer les conditions du recrutement au tour extérieur. Si ce recrutement est maintenu dans sa forme actuelle pour l'accès au grade de conseiller et s'adresse toujours, à ce stade, aux fonctionnaires du niveau attaché ou équivalent, il sera ouvert, pour l'accès au grade de premier conseiller, à des fonctionnaires appartenant déjà à un corps recruté par la voix de l'École nationale d'administration ou assimilé (magistrats judiciaires). Ce type de recrutement sera, de plus, désormais accessible aux professeurs et maîtres de conférence titulaires des universités.

Remédiant à une inégalité, un décret n° 99-601 du 15 juillet 1999 est venu assurer aux magistrats administratifs issus du concours interne de l'École nationale d'administration un niveau de traitement au moins égal à celui qu'ils avaient dans leur précédent corps. De la même façon, l'intégration des magistrats issus du troisième concours de l'École nationale d'administration a été améliorée par ce texte.

      b) Les rémunérations

Pour les membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, un nouveau régime d'attribution des indemnités a été mis en place depuis le 1er janvier 1998. Les indemnités se décomposent désormais en deux parts : une part fixe forfaitaire calculée en fonction de l'indice réel du magistrat et non plus de l'indice moyen du grade comme auparavant, et une part modulable dont l'attribution est décidée par le chef de juridiction.

Les membres de ce corps perçoivent par ailleurs des indemnités de caractère fonctionnel. C'est ainsi qu'en qualité de commissaire du Gouvernement, ils perçoivent une indemnité de 6.400 francs. En outre, les magistrats du corps des conseillers des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, chargés de la présidence des commissions départementales des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (article 1651 du code général des impôts) sont rémunérés en fonction de la durée des audiences.

Les membres du corps bénéficient également d'une indemnité modulée en fonction des grades, qui se montait depuis 1992 à 10.000 francs annuels pour les conseillers de deuxième et de première  classe et à 20.000 francs pour les magistrats des grades supérieurs. Les montants de cette indemnité, versée jusqu'ici par les Services financiers (chapitre 31-94), rattachée par voie de fonds de concours au budget de la justice, et liée à la prévention du contentieux fiscal qui représente 25 à 30 % du contentieux administratif, s'élèvent actuellement à 10.170 francs pour les conseillers et 21.420 francs pour les premiers conseillers et les présidents. La loi de finances pour 1999 a opéré l'inscription des crédits correspondant à cette dernière indemnité sur le budget du ministère de la justice pour un montant de 13,92 millions de francs.

Le cumul des indemnités forfaitaires et modulables et des indemnités liées à la prévention du contentieux fiscal porte le taux moyen indemnitaire des magistrats concernés à 37 % en 1998. Il était d'environ 25 % en 1991.

Les rémunérations des membres du Conseil d'État n'ont pas été modifiées depuis 1988.

L'indemnité particulière versée à partir du chapitre 31-92 des crédits des Services financiers repose sur des décisions ministérielles anciennes. La loi de finances pour 1999 a prévu l'inscription de ces crédits sur le budget du ministère de la justice (chapitre 31-52, article 10) pour un montant de 18,1 millions de francs ; cette indemnité particulière a été intégrée dans le montant total des primes de rendement des membres du Conseil d'État (chapitre 31-52). La loi de finances pour 2000 a vu l'abondement de ce chapitre à hauteur de 7 millions de francs, afin de permettre un alignement des indemnités des membres du Conseil d'État avec celles des membres de la Cour des comptes.

Aucune mesure indemnitaire ou statutaire majeure n'est prévue dans le projet de loi de finances pour 2001.

    B.- LES MOYENS DE FONCTIONNEMENT MATÉRIEL

Les crédits de fonctionnement ont dû être réajustés à la hausse à partir de 1996 pour faire face à l'augmentation des effectifs prévue par la loi de programme et à la création de quatre nouvelles juridictions :  tribunal administratif de Melun en 1996 et cour administrative d'appel de Marseille en septembre 1997, cour d'appel de Douai en septembre 1999, tribunal administratif de Cergy-Pontoise en septembre 2000. Cette tendance s'est confirmé par la suite et se confirmera pour 2001.

 

MOYENS MATÉRIELS DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

(lois de finances) (1)

(en millions de francs)

 

1996

1997

1998

1999

2000

PLF 2001

 

Informatique

Chapitre 34-05, article 31

32,72

29,37

29,70

26,97

28,91

32

Fonctionnement

Chapitre 34-51

80,52

81,70

83,20

83,70

84,68

85,38

Frais de justice

Chapitre 37-11, article 40

4,1

4,1

11,1

11,1

11,1

11,1

Total

117,34

115,17

124

121,77

124,69

128,48

 

(1) hors commission pour la transparence financière de la vie politique et transfert consécutif à la suppression de la franchise postale.

Source :  Conseil d'État.

Après un premier schéma directeur 1995-1998, dominé par la mise en place de l'application « SKIPPER », un nouveau schéma directeur a été défini pour la période 2000-2003. Il a été décidé, dans ce cadre, de finaliser les outils de gestion des activités contentieuses et consultatives, de moderniser et développer les outils de gestion interne et développer les systèmes de communication.

Au début de l'année 2000, le taux d'équipement en postes de travail atteignait 95 postes pour 100 personnes. Ce ratio avoisinait 90 % pour les magistrats.

Les moyens informatiques prévus par le projet de loi de finances sont de 32 millions de francs, soit une progression d'environ 10,7 % après une hausse de 7,2 % l'an passé. L'essentiel, soit 16,2 millions de francs, sera encore consacré au développement du projet « SKIPPER », destiné à remplacer six applications devenues obsolètes. Cet outil intégré permettra de gérer les dossiers contentieux, d'apporter une aide à la rédaction des projets de décision, de générer les blocs de délibérés, signature et formule exécutoire des décisions, de gérer les demandes d'aide juridictionnelle et de suivre l'exécution des décisions. En 1999, SKIPPER était mis en place dans la totalité des tribunaux métropolitains, tandis que l'exploitation du logiciel GUSTAVE s'est définitivement arrêtée en mai 1999. Les cours d'appel ont bénéficié de la mise en service de l'application la même année. En 2000, le déploiement de SKIPPER s'est poursuivi dans les départements et territoires d'outre-mer, ainsi que dans le nouveau tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

En 2001, les opérations de renouvellement de l'infrastructure des tribunaux se poursuivront selon le programme initial :  les serveurs de données de vingt-et-un tribunaux seront remplacés en 2001 et il restera, pour clore cette opération, à renouveler les serveurs de données des sept tribunaux restants :  Limoges, Poitiers, Bordeaux, Melun, Paris et Saint-Denis de La Réunion. Il reste que la longueur du déploiement de SKIPPER a entraîné la réalisation de trois niveaux de développement différents. Les prochaines années devront permettre d'unifier ces niveaux, afin d'obtenir, pour les trois types de juridictions un même outil perfectionné et évolutif. Ce nouvel outil pourrait être définitivement mis en place en 2004.

III.- LES INVESTISSEMENTS

La loi de programme relative à la justice avait prévu l'ouverture de 200 millions de francs d'autorisations de programme pour les juridictions administratives entre 1995 et 1999 avec la mise en place de quatre nouvelles juridictions. Les perspectives tracées ont été plus que confirmées. En 2000, près de 54 millions de francs supplémentaires ont été ouverts. Dans le projet de loi de finances pour 2001, il est demandé l'inscription de 40 millions de francs d'autorisations de programme et de 33 millions de francs de crédits de paiement.

    A.- LES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS ET LES COURS ADMINISTRATIVES D'APPEL

Le Conseil d'État assure la gestion du parc immobilier des juridictions administratives, qui relevait auparavant du ministère de l'intérieur. Depuis, de nombreux relogements sont intervenus :  tribunaux de Bordeaux, de Caen de Montpellier, de Poitiers, d'Amiens et de Clermont-Ferrand. Les juridictions de Lyon ont également été relogées. Nombre de locaux ont également été étendus. Ce fut le cas des tribunaux de Grenoble, de Rouen, de Dijon et de Nantes et de Nice. Par ailleurs, un tribunal, à Melun, a été créé, ainsi qu'une cour d'appel, à Marseille. Le relogement de la cour administrative d'appel de Paris a été décidé en 1994. Une première tranche a débuté en 1996. Mais l'opération a été considérablement retardée. Elle a recommencé au mois de février 2000 et devrait s'achever en octobre 2001.

Ces opérations révèlent l'accroissement continu des besoins liés à la croissance du contentieux. Elles se sont poursuivies en 2000 et se poursuivront en 2001 à un niveau relativement stable.

Pour 2000, les 42,2 millions de francs d'autorisations de programme et les 26,3 millions de francs de crédits de paiement, inscrits dans la loi de finances, ont servi en très grande partie (29,5 millions de francs d'autorisations de programme) à créer le tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Le relogement du tribunal administratif de Rouen a bénéficié également d'une enveloppe importante, avec 7,5 millions de francs.

En 2001, le projet de loi de finances ouvre 32 millions de francs d'autorisations de programme et 25,2 millions de francs de crédits de paiement. Ces crédits serviront à financer, notamment, la mise en conformité des installations électriques du tribunal administratif de Rennes et de celui de Strasbourg (5,5 millions de francs), le relogement des tribunaux de Rouen et de Melun (11,3 millions de francs), l'extension des tribunaux de Marseille, de Bordeaux, de Dijon et de Montpellier (8,3 millions de francs)

    B.- LE CONSEIL D'ÉTAT

De nombreux travaux de rénovation, de réhabilitation, de restructuration des locaux et d'amélioration de la sécurité ont été entrepris ces dernières années. Ainsi, en 1997, la bibliothèque a été modernisée. En 1998 et 1999, ont eu lieu des travaux d'aménagement des locaux pris à bail au Centre d'affaires du Louvre, des travaux d'infrastructures techniques et des travaux de rénovation des salles d'assemblée générale et des sections administratives.

Pour 2000, la dotation inscrite dans le projet de loi est en baisse à 7,8 millions de francs d'autorisations de programme et à 7 millions de francs de crédits de paiement. Ces crédits serviront, notamment, au ravalement et à la restauration des façades, engagés en 1999. Les salles du contentieux et des salles de réunion seront également restaurées.

Les travaux de modernisation se poursuivront en 2001. 8 millions de francs d'autorisations de programme et 7,8 millions de francs de crédits de paiement sont prévus dans le projet de loi de finances. 4 millions de francs seront consacrés à la restauration de l'escalier du contentieux et des bureaux du secrétaire général, 1 million de francs à la rénovation du réseau d'eau et 3 millions de francs à la rénovation de bureaux.

ÉQUIPEMENT DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

(Chapitre 57-51)

(en millions de francs)

 

1998

1999 

2000 (1)

2001(2)

 

AP

CP

AP

CP

AP

CP

AP

CP

Tribunaux et cours d'appel

               

    - Loi de finances initiale

32

39

36,7

37,7

    42,2

    47

32

25,2

    - Crédits disponibles

33,25

58,24

40,31

54,87

    55,80

    79,62

-

-

    - Consommation

23,86

(72 %)

16,63

(29 %)

40,22

(99,78)

37,32

(68,02)

    55,10

    (98,75)

    67,33

    (84,56)

-

-

Conseil d'État

               

    - Loi de finances initiale

8

5

14,3

13,3

    11,7

    12,9

8

7,8

    - Crédits disponibles

12,27

10,42

22,55

22,03

    21,01

    22,21

-

-

    - Consommation

6,74

(55 %)

5,92

(57 %)

20,23

(89,71)

19,76

(89,70)

    19,21

    (91,43)

    15,30

    (68,89)

-

-

(1) au 1er septembre 2000.

(2) projet de loi de finances.

Source :  Conseil d'État.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du 17 octobre 2000, la Commission a examiné les crédits de la Justice.

Après s'être félicité du contraste existant entre la justice et d'autres ministères, quant à l'envoi des réponses au questionnaire, et de la réalisation par le ministère de la justice d'un compte rendu de gestion budgétaire, même si des lacunes peuvent être relevées, notamment pour les juridictions administratives, M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial, a salué la progression de 6,35 % des crédits de la justice, qui atteindront 29 milliards de francs en 2001. Cette augmentation est cependant ramenée à 3,11 % après neutralisation des transferts entre sections et notamment de l'intégration de la part employeur des cotisations d'assurance maladie. Le budget de la justice représentera ainsi 1,68 % du budget de l'État au lieu de 1,62 % en 2000. Cette hausse s'accompagnera de la création de 1.378 emplois nets, dont 307 emplois de magistrats. Les services judiciaires bénéficieront de 12,2 milliards de francs, les services pénitentiaires de 7,9 milliards de francs, la protection judiciaire de la jeunesse de 3,4 milliards de francs et les services communs de 3,6 milliards de francs. Les autorisations de programme passeront de 1.578 à 1.748 milliards de francs, soit une augmentation de 10,9 %.

Les augmentations du budget de la justice ont souvent répondu aux circonstances. Il a souvent progressé au coup par coup, au gré de mouvements d'opinion. Il est néanmoins passé de 0,65 % du budget de l'État en 1965 à 1,68 % aujourd'hui et a doublé en francs constants. S'il faut se réjouir de cette tendance, deux observations méritent d'êtres faites pour tempérer cette appréciation positive.

En premier lieu, l'amélioration du budget n'est rien sans une rationalisation de l'administration de la justice. De fait, l'augmentation des moyens s'est effectuée parallèlement à l'allongement global des délais de décision. Face à la convergence des conservatismes, qu'il s'agisse des avocats, des magistrats ou des élus locaux, aucun Gouvernement n'a osé engager la nécessaire rationalisation de la carte judiciaire, sans laquelle il n'est aucune réforme sérieuse. Aucune juridiction, hormis 35 tribunaux de commerce, n'a été supprimée par la garde des Sceaux, qui pourtant l'avait promis. Or, l'avenir de la justice est dans la spécialisation des juridictions. La justice de proximité pose trois problèmes : un problème philosophique, celui de l'universalité de la justice et de l'application de la règle de droit, un problème d'autorité de la loi, car sous couvert du principe d'opportunité des poursuites, la justice s'exerce de manière inégalitaire sur le territoire, et enfin un problème budgétaire, parce qu'elle est très coûteuse en effectifs spécialisés.

En second lieu, il convient de relever que les lois qui ont été récemment adoptées - création d'un juge de la liberté et de la détention, institution d'un appel des décisions des cours d'assises, juridictionnalisation de l'application des peines, mixité des tribunaux de commerce, réforme de la prestation compensatoire, indemnisation systématique de l'« innocentement », financement de l'aide juridictionnelle pour l'assistance des avocats en garde à vue et dans le débat contradictoire pour la mise en détention - vont être très consommatrices de moyens ; il est à peu près certain que les réformes demanderont beaucoup plus d'effectifs que ceux qui ont été créés. C'est aussi à l'aune de cette augmentation des tâches que doit être mesurée la hausse de 3,11 % des crédits.

M. Jean-Pierre Delalande a salué la qualité du rapport et le souci d'objectivité du rapporteur spécial, qui constitue l'exemple du comportement nécessaire au renforcement du contrôle parlementaire et le gage de la crédibilité de l'action de la commission des Finances, ce qui va dans le sens de l'attribution des rapports spéciaux à des rapporteurs d'opposition.

M. Jean-Louis Dumont a souligné l'effort important de rénovation et de construction d'établissements pénitentiaires inscrit dans le budget, mais s'est inquiété de la situation faite à certaines personnes, qui ont été, à tort, mêlées à des affaires judiciaires et qui ne reçoivent jamais de réparation ou d'excuses pour les préjudices subis à cette occasion. Il existe assurément une dérive de la pratique de la mise en détention, peu compatible avec le respect du droit fondamental des hommes à être libres, ainsi qu'une tendance pour les magistrats à être accaparés par des tâches administratives qui les éloignent du terrain. La question de la formation initiale et continue des juges est fondamentale. La répartition des moyens accordés à la protection judiciaire de la jeunesse et aux services d'insertion et de probation au profit des grands centres urbains et au détriment des villes moyennes pose également question. On peut s'étonner, par ailleurs, que certains magistrats s'opposent, notamment au sein du Conseil supérieur de l'administration pénitentiaire, au développement des alternatives à l'incarcération. Enfin, hors de l'Île-de-France, la justice peut représenter quelque chose de très important et que l'on ne respecte que si son accès apparaît aisé et ses décisions adaptées aux réalités locales, d'où l'importance de la justice de proximité. Ainsi, la carte judiciaire, si elle doit nécessairement être réformée, ne doit pas être rationalisée au préjudice des équilibres locaux.

M. Gilbert Mitterrand a relevé que certaines juridictions avaient réalisé des efforts considérables pour raccourcir les délais et qu'il convenait de prendre en compte ces progrès dans la rationalisation de la carte judiciaire. Aussi est-il regrettable que certaines juridictions à une seule chambre ne puissent bénéficier de moyens supplémentaires, alors même que les besoins s'en font ressentir, et, ce, au nom d'une éventuelle réforme de la carte judiciaire qui concernerait d'abord les juridictions à une chambre, ce qui conduit à figer leur situation. La réforme de la carte judiciaire ne doit pas être traitée uniquement en termes de concentration dans les métropoles régionales. Elle doit établir un lien avec les juridictions qui, aujourd'hui, apparaissent efficaces, sans considération de leur taille.

M. Alain Rodet a demandé des précisions sur les opérations d'investissements judiciaires prévus en 2001 et s'est enquis des modalités d'indemnisation des jurés d'assises.

Le Rapporteur spécial a rappelé que, chaque année, environ 2.000 personnes sortent innocentes de prison et y sont restées en moyenne trois à quatre mois. Le juge d'instruction, convaincu qu'il a affaire au coupable, mais sans preuve, est tenté d'utiliser l'arme de la détention provisoire pour obtenir des aveux. Dans ce contexte, la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence est une bonne chose, puisque ce n'est plus le juge d'instruction qui sera compétent pour incarcérer. Il reste que, si l'idée d'instituer un juge de la détention provisoire est heureuse, la procédure l'est beaucoup moins. En effet, le juge d'instruction, s'il ne peut plus décider directement que de la mise en liberté, pourra toujours menacer la personne qui refuse de parler de renvoi devant le juge de la détention provisoire, qui sera susceptible de suivre l'avis du juge d'instruction. Ainsi, la pression sur l'intéressé demeurera. Comme le rappelle Robert Badinter, on ne peut mélanger Salomon et Maigret.

S'agissant de la montée en puissance du programme de construction et de rénovation des prisons, la prise de conscience de l'opinion publique est très lente, alors même que l'état de nombre de prisons constitue une insulte à la dignité humaine et que les dispositions législatives qui prévoient l'encellulement individuel, la séparation des récidivistes d'avec les délinquants primaires et celle des mineurs d'avec les majeurs ne peuvent être respectées, faute de places.

À Fleury-Mérogis, l'eau traverse les quatre étages d'un bâtiment ; dans un autre, le monte-charge est en panne depuis dix ans, ce qui constitue des risques importants d'accidents de travail.

On peut regretter que le retard consécutif à la réduction du programme de construction de 15.000 places, lancé par Albin Chalandon à 13.000 places en 1989 ne soit comblé qu'aujourd'hui.

La réforme de la carte judiciaire doit reposer sur la constitution d'un réseau de juridictions généralistes, les tribunaux d'instance, capables de renvoyer les affaires exigeant un degré de technicité particulier devant des juridictions spécialisées. En matière de dommages médicaux ou d'affaires de presse, cette spécialisation serait nécessaire. Le système actuel conduit à la désignation d'experts, ce qui a pour effet d'allonger les procédures.

Pour 2001, 755 millions de francs de crédits de paiement doivent financer des opérations d'investissements judiciaires, dont le rapport contient la liste, mais la pratique témoigne que celle-ci reste assez évolutive. Il faut insister sur la lourdeur des procédures : la construction d'un nouveau tribunal de grande instance à Paris, décidée, prendra sept ans.

Après que le Rapporteur spécial s'est déclaré en faveur de l'abstention, la Commission a adopté les crédits de la Justice et vous demande d'émettre un vote favorable à son adoption.

Article 61

Revalorisation des plafonds d'admission à l'aide juridictionnelle

Texte du projet de loi : 

Les trois premiers alinéas de l'article 4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique sont ainsi rédigés :

« Le demandeur à l'aide juridictionnelle doit justifier, pour l'année 2001, que ses ressources mensuelles sont inférieures à 5.175 F pour l'aide juridictionnelle totale et à 7.764 F pour l'aide juridictionnelle partielle.

Ces plafonds sont affectés de correctifs pour charges de famille.

Ils sont revalorisés, au 1er janvier de chaque année, comme la tranche la plus basse du barème de l'impôt sur le revenu. ».

Exposé des motifs du projet de loi : 

L'aide juridictionnelle est attribuée aux personnes dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice.

Aux termes de la loi n° 91-647 relative à l'aide juridique, les plafonds de ressources pour l'admission à l'aide juridictionnelle, dont les montants ont été initialement fixés, par la loi de finances pour 1993, à 4.400 F pour l'aide totale et à 6.600 F pour l'aide partielle, sont revalorisés chaque année comme la tranche la plus basse du barème de l'impôt sur le revenu.

Ainsi, au 1er janvier 2000, le montant des plafonds d'admission à l'aide juridictionnelle a été fixé à :

- 4.965 F par mois pour l'aide totale ;

- 7.449 F par mois pour l'aide partielle.

Afin de promouvoir l'accès au droit, et en conséquence de limiter les rejets des demandes d'admission à l'aide juridictionnelle, il est proposé de relever de 3,1 % les plafonds de ressources, pour porter le plafond d'admission à l'aide totale à 5.119 F par mois et le plafond d'admission à l'aide partielle à 7.680 F par mois, puis d'appliquer le dispositif d'indexation de droit commun, soit + 1,1 % de revalorisation, ce qui porte ces plafonds à :

- 5.175 F par mois pour l'aide totale ;

- 7.764 F par mois pour l'aide partielle.

Le coût total de cette mesure, pour le budget de l'État, est estimé à 30 MF.

Observations et décision de la Commission : 

L'aide juridictionnelle est mise en _uvre par les bureaux d'aide juridictionnelle qui octroient cette aide aux personnes dont les ressources sont situées en-dessous d'un certain plafond et qui la demandent, ainsi que par les greffes qui attestent de l'exécution des missions effectuées par les avocats, par les caisses de règlements pécuniaires des avocats (CARPA) qui gèrent la rétribution des avocats et par le Trésor public qui assure directement, sans ordonnancement, la rétribution des autres auxiliaires de justice (avoués, huissiers).

Traditionnellement, le projet de loi de finances revalorise l'unité de valeur qui sert de référence à la rétribution des avocats. Mais, si le présent projet de loi ne procède à aucune revalorisation de l'unité de valeur, il s'attache en revanche à proposer une augmentation du plafond de ressources qui ouvre droit à l'aide juridictionnelle.

Les plafonds de ressources fixés à 4.400 francs et 6.600 francs en 1992 ont progressé chaque année en fonction de l'évolution de la tranche la plus basse du barème de l'impôt sur le revenu. Au total, les plafonds pour 2000 de l'aide totale (4.965 francs) et de l'aide partielle (7.449 francs) ont progressé de 12,8 % depuis 1992, soit un taux supérieur à l'évolution des prix (11,1 %) sur la même période. Le tableau ci-dessous retrace l'évolution des plafonds depuis 1972.

Le constat d'une stabilisation des admissions conjuguée avec une hausse significative des rejets des demandes d'aide juridictionnelle, motivés principalement par des dépassements des seuils d'admissions, conduit le Gouvernement à proposer de relever de 3,1 % les plafonds de ressources, puis d'appliquer le dispositif d'indexation prévu par l'article 4 de loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à savoir un alignement sur l'évolution de la tranche la plus basse du barème de l'impôt sur le revenu (1,1 %). L'augmentation globale est donc de 4,2 %. 30 millions de francs de mesures nouvelles, inscrites sur le chapitre 46-12 - Aide juridique viendront financer, pour 2001, cette progression des plafonds de ressources.

Les plafonds ainsi calculés pour 2001 seront donc les suivants :  5.175 francs par mois pour le plafond d'aide totale et 7.764 francs par mois pour le plafond d'aide partielle.

Puis, la Commission a adopté, sur la proposition du rapporteur spécial, sans modification, à l'unanimité, l'article 61 : Relèvement du plafond d'admission à l'aide juridictionnelle, rattaché aux crédits de la Justice et vous demande d'émettre un avis favorable à son adoption.

ÉVOLUTION DES PLAFONDS D'ADMISSION À L'AIDE JURIDICTIONNELLE DEPUIS 1972

Régime issu de la loi du 3 janvier 1972

Année

Plafond aide totale

Plafond aide partielle

Indice des prix INSEE

 

Montant

(en francs)

Évolution cumulée

(en %)

Montant

(en francs)

Évolution cumulée

(en %)

Montant

(en francs)

Évolution cumulée

(en %)

1972

900

-

1.500

-

100,0

-

1973

900

-

1.500

0

107,2

7

1974

900

-

1.500

0

122,0

22

1975

1.350

50

2.250

50

136,2

36

1976

1.500

67

2.500

67

149,5

50

1977

1.500

67

2.500

67

163,4

63

1978

1.620

80

2.700

80

178,2

78

1979

1.620.

80

2.700

80

197,5

98

1980

1.620

80

2.700

80

224,2

124

1981

2.100

133

3.500

133

254,2

154

1982

2.800

211

4.650.

210

284,3

184

1983

3.000

233

4.650

210

311,6

212

1984

3.300

267

5.000

233

334,7

235

1985

3.300

267

5.000

233

354,3

254

1986

3.465

285

5.250

250

363,6

264

1987

3.465

285

5.250

250

375,1

275

1988

3.465

285

5.250

250

385,2

285

1989

3.465

285

5.250

250

399,1

299

1990

3.465

285

5.250

250

412,7

313

1991

3.465

285

5.250

250

425,0

325

Régime issu de la loi du 10 juillet 1991 (métropole)

Année

Plafond aide totale

Plafond aide partielle

Indice des prix INSEE*

 

Montant

(en francs)

Évolution annuelle

(en %)

Montant

(en francs)

Évolution annuelle

(en %)

Montant

Évolution annuelle

(en %)

1992

4.400

27,0

6.600

25,7

104,5

-

1993

4.523

2,8

6.785

2,8

106,5

1,9

1994

4.609

1,9

6.914

1,9

108,1

1,5

1995

4.674

1,4

7.011

1,4

109,8

1,6

1996

4.758

1,8

7.137

1,8

111,8

1,8

1997

4.848

1,9

7.273

1,9

113,6

1,6

1998

4.901

1,1

7.353

1,1

114,1

0,4

1999

4.940

0,8

7.412

0,8

114,9

0,7

2000

4.965

0,5

7.449

0,5

116,1

1,0

2001

5.175

4,2

7.764

4,2

117,4

1,1

(*) Indice des prix de détail de janvier. Série France ensemble des ménages (hors tabac). Base 100 en 1990.

2624-34- Rapport de M. Patrick Devedjian (commission des finances) sur le projet de loi de finances pour 2001, n°2585 : Justice

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© Assemblée nationale

() Montant des dépenses nettes qui figure au tableau d'équilibre du projet de loi de finances.

() 0,35 million de francs correspondant à un emploi d'ingénieur sont transférés en direction du budget des services généraux du Premier ministre ; 2 millions de francs viennent du budget de l'équipement et correspondent au transfert des crédits finançant l'indemnité spécifique de service des fonctionnaires des corps techniques de l'équipement affectés au ministère de la justice ; enfin, 886 millions de francs sont transférés en provenance des charges communes pour financer les cotisations patronales au titre du régime d'assurance maladie des personnels civils titulaires de l'État.

() M. Denys Millet, « Quarante ans de budget de la justice », Justices, 2000, n° 1.

() Patrick Devedjian, Justice, autopsie d'une réforme, Assemblée nationale, XIème législature, document n° 2137, 3 février 2000.

() « Personne ne se souviendrait du Bon Samaritain s'il n'avait eu que des bonnes intentions. Il avait également de l'argent. »

() M. Louis Mermaz, président, et M. Jacques Floch, rapporteur, Rapport de la commission d'enquête sur la situation dans les prisons françaises, Assemblée nationale, XIème législature, n° 2521, juillet 2000. Voir notamment le résumé des propositions, page 283. M. Jean-Jacques Hyest, président, et M. Guy-Pierre Cabanel, rapporteur, Rapport de la commission d'enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, Sénat, 1999-2000, n° 449, 28 juin 2000.

(1) Rapport du comité de réorganisation et de déconcentration du ministère de la justice, février 1994.

() Au 1er juin 2000.

() Article 18-1 :  « Peuvent être nommées directement auditeurs de justice, si elles sont titulaires d'une maîtrise de droit et si elles remplissent les conditions fixées à l'article 16, les personnes que quatre années d'activité dans le domaine juridique, économique ou social qualifient pour l'exercice des fonctions judiciaires. Peuvent également être nommés dans les mêmes conditions les docteurs en droit qui possèdent, outre les diplômes requis pour le doctorat, un autre diplôme d'études supérieures, ainsi que les allocataires d'enseignement et de recherche en droit ayant exercé cette fonction pendant trois ans après l'obtention de la maîtrise en droit et possédant un diplôme d'études supérieures dans une discipline juridique. Le nombre des auditeurs nommés au titre du présent article ne peut dépasser le cinquième du nombre des auditeurs issus des concours prévus à l'article 17 et figurant dans la promotion à laquelle ils seront intégrés (...). »

() Patrick Devedjian, Justice, autopsie d'une réforme, Assemblée nationale, XIème législature, document n° 2137, 3 février 2000.

() Cf. circulaire de politique pénale du 15 juillet 1998 prise dans le cadre des mesures gouvernementales arrêtées par le conseil de sécurité intérieure du 8 juin 1998.

() Voir décret n° 9-1139 du 21 décembre 1999 portant classement des investissements civils d'intérêt national exécutés par l'État ou avec une subvention de l'État.

() M. Louis Mermaz, président, et M. Jacques Floch, rapporteur, Rapport de la commission d'enquête sur la situation dans les prisons françaises, Assemblée nationale, XIème législature, n° 2521, juillet 2000. Voir notamment le résumé des propositions, page 283. M. Jean-Jacques Hyest, président, et M. Guy-Pierre Cabanel, rapporteur, Rapport de la commission d'enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, Sénat, 1999-2000, n° 449, 28 juin 2000.

() Lannemezan, Épinal, Brest, Strasbourg, Val-de-Reuil et Borgo.

() La Plaine-des-Galets à La Réunion, Baie-Mahault en Guadeloupe, Ducos en Martinique et Rémiré-Montjoly en Guyane.

() Les maisons d'arrêt d'Arras et de Nantes et la maison centrale de Riom.

() Journal officiel du 8 novembre 1998.

() Bordeaux, Douai, Lyon, Marseille, Nancy, Nantes, Paris.

() Décret n° 99-435 du 1er septembre 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.

() Article 11 :  « Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'État fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux. S'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d'État peut, soit renvoyer l'affaire devant la même juridiction statuant, sauf impossibilité tenant à la nature de la juridiction, dans une autre formation, soit renvoyer l'affaire devant une autre juridiction de même nature, soit régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie. Lorsque l'affaire fait l'objet d'un deuxième pourvoi en cassation, le Conseil d'État statue définitivement sur cette affaire. »