SOMMAIRE
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PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

i.- impôts et revenus autorisés

        B.- Mesures fiscales (suite)

        Article 6 Aménagement du régime simplifié d’imposition en matière de taxe sur la valeur ajoutée

        Article additionnel après l’article 6 : Continuité du régime de TVA en cas de décès d’un exploitant agricole

        Article 7 : Relèvement de seuils de mise en recouvrement ou de perception

        Article 8 Augmentation du barème de l’imposition de solidarité sur la fortune

        Article additionnel après l’article 8 : Taxation forfaitaire des oeuvres d’art au titre de l’imposition de solidarité sur la fortune

        Article 9 Limitation de l’exonération d’impôt de solidarité sur la fortune au titre des biens professionnels de l’activité de loueur en meublé

        Article 10 Imposition à l’impôt de solidarité sur la fortune des biens ou droits dont la propriété est démembrée

        Article 11 Aménagement des règles du plafonnement de l’impôt de solidarité sur la fortune

        Article 12 Modalités d’évaluation de la résidence principale en matière d’impôt de solidarité sur la fortune et de droits de mutation à titre gratuit

        Article 13 Renforcement des obligations déclaratives relatives aux dettes déduites de l’impôt de solidarité sur la fortune

        Article 14 Modification des règles de territorialité en matière de droits de mutation à titre gratuit

        Article additionnel après l’article 14 : Rétablissement des sanctions en cas de défaut de déclaration des successions en Corse

        Article 15 Régime des titres ou droits de personnes morales ou organismes, détenant directement ou par personne interposée, des immeubles ou droits immobiliers sis en France

        Article 16 Imposition des plus-values constatées et des plus-values en report d’imposition en cas de transfert du domicile hors de France

        Article additionnel après l’article 16 : Sursis d’imposition des plus-values professionnelles à long terme en cas de défaut de paiement

Article 6

Aménagement du régime simplifié d'imposition en matière
de taxe sur la valeur ajoutée.

Texte du projet de loi :

Le code général des impôts est ainsi modifié :

I. Le 3 de l’article 287 est remplacé par les dispositions suivantes :

      “ Les redevables placés sous le régime simplifié d’imposition prévu à l’article 302 septies A déposent au titre de chaque année ou exercice une déclaration qui détermine la taxe due au titre de la période et le montant des acomptes trimestriels pour la période ultérieure.

      Des acomptes trimestriels sont versés en avril, juillet, octobre et décembre. Ils sont égaux au quart de la taxe due au titre de l’année ou de l’exercice précédent avant déduction de la taxe sur la valeur ajoutée relative aux biens constituant des immobilisations, à l’exception de l’acompte dû en décembre qui est égal au cinquième de cette taxe. Le complément d’impôt éventuellement exigible est versé lors du dépôt de la déclaration annuelle mentionnée au premier alinéa.

      S’il estime que le montant des acomptes déjà versés au titre de l’année ou de l’exercice est égal ou supérieur au montant de la taxe qui sera finalement due, le redevable peut se dispenser de nouveaux versements en remettant au comptable chargé du recouvrement de ladite taxe, avant la date d’exigibilité du prochain versement à effectuer, une déclaration datée et signée.

      S’il estime que la taxe sera supérieure d’au moins 10 % à celle qui a servi de base aux acomptes, il peut modifier le montant de ces derniers.

      Les nouveaux redevables sont autorisés, lors de leur première année d’imposition, à acquitter la taxe sur la valeur ajoutée par acomptes trimestriels dont ils déterminent eux-mêmes le montant mais dont chacun doit représenter plus de 80 % de l’impôt réellement dû pour le trimestre correspondant.

Les conditions d’application du présent 3, notamment les modalités de versement et de remboursement des acomptes, sont fixées par décret en Conseil d’Etat. ”.

II. L’article 1785 B est complété par un alinéa ainsi rédigé :

“ Dans le cas où l’un ou les acomptes mentionnés au 3 de l’article 287 sont acquittés hors délai, sous estimés ou diminués indûment, le redevable supporte une majoration de 10 % sans préjudice des intérêts de retard légalement exigibles. ”.

III. Les dispositions des I et II entrent en vigueur à compter de l’acompte dû en juillet 1999.

Exposé des motifs du projet de loi :

Il est proposé d’aménager le régime simplifié d’imposition en matière de taxe sur la valeur ajoutée en créant un système d’acomptes, qui supprime les formalités déclaratives en cours d’année. Un dispositif de modulation permet de tenir compte de l’évolution réelle du chiffre d’affaires.

Observations et décision de la Commission :

Les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 500.000 francs TTC et 5.000.000 francs HT, lorsque leur commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, et les autres entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 150.000 francs TTC et 1.500.000 francs HT sont normalement placées de plein droit sous le régime d’imposition du « réel simplifié ». De ce fait, ces contribuables, auxquels s’ajoutent ceux qui sont de plein droit dans le champ du forfait ou du régime très simplifié des micro-entreprises, lorsqu’ils ont exercé une option dans ce sens, sont astreints à un régime réel d’imposition en matière de bénéfices industriels et commerciaux et de taxes sur le chiffre d’affaires, tout en bénéficiant de formalités allégées.

Le Gouvernement, qui a par ailleurs, avec l’article 5 du présent projet de loi, prévu de relever les seuils de base du régime des micro-entreprises, propose, par le présent article, d’alléger les obligations déclaratives des contribuables soumis au régime simplifié d’imposition en matière de TVA, en substituant un système d’acomptes à l’actuel mécanisme de déclarations trimestrielles de chiffre d’affaires.

I.- Les obligations actuelles des entreprises relevant du régime simplifié d’imposition

      Les redevables relevant du régime réel normal d’imposition sont astreints, en plus de la déclaration d’existence prévue à l’article 286 1° du code général des impôts que doivent remplir tous les assujettis à la TVA, à une déclaration périodique des opérations réalisées, selon deux méthodes :

      – le régime de droit commun, dans lequel le redevable doit souscrire une déclaration mensuelle (ou, dans certains cas, trimestrielle) des opérations réalisées au cours du mois (ou du trimestre civil) précédent et verser l’impôt correspondant ;

      – le régime des acomptes provisionnels que certains redevables peuvent choisir avec l’autorisation de l’administration et qui leur permet de disposer d’un délai supplémentaire d’un mois pour déposer leurs déclarations.

      Les assujettis à la TVA relevant du régime simplifié d’imposition (RSI) sont, pour leur part, soumis, de plein droit ou sur option, à des obligations déclaratives prévues par trois mécanismes différents :

      – Les entreprises relevant du régime simplifié de taxes sur le chiffre d’affaires, normalement, n’ont à remplir, en cours d’année, que des déclarations abrégées (modèle CA 4) qui sont accompagnées de versements calculés de façon semi-forfaitaire, ceux-ci faisant ensuite l’objet d’une régularisation annuelle lors du dépôt de la déclaration récapitulative CA 12.

      Ils doivent, s’ils n’ont pas exercé l’option ci-dessous, déposer chaque année quatre déclarations abrégées CA 4 : une en avril, une en juillet et une en octobre au titre du trimestre précédent, la quatrième déclaration, qui ne concerne que les opérations d’octobre et de novembre, étant déposée en décembre (articles 287-3 du code général des impôts et 242 quater de l’annexe II au même code). La taxe due au titre du mois de décembre est portée sur la déclaration annuelle CA 12 (1) ;

      – Cependant, ces entreprises qui relèvent de plein droit du régime simplifié, peuvent renoncer, sur option, tout en restant sous ce régime, à ces formalités simplifiées de liquidation des taxes sur le chiffre d’affaires et, comme les entreprises soumises au régime du chiffre d’affaires réel, remplir des déclarations CA 3 (code général des impôts ann. II, art. 204 ter A) ;

      – Enfin, les entreprises qui exercent l’option pour le dépôt d’une déclaration de régularisation par exercice (CA 12 E), lorsque leur exercice comptable ne coïncide pas avec l’année civile, déposent, en avril, une déclaration quadrimestrielle au titre de décembre, janvier, février et mars ; en juillet et en octobre, une déclaration trimestrielle au titre du trimestre précédent ; en décembre, une déclaration bimestrielle au titre d’octobre et de novembre. Faute d’option, ils sont soumis aux obligations déclaratives de droit commun.

      Le tableau ci-après résume les obligations déclaratives ressortissant à ces trois catégories pour les assujettis placés sous le régime simplifié d’imposition en matière de TVA.

    TVA : OBLIGATIONS DÉCLARATIVES - RÉGIME SIMPLIFIÉ D’IMPOSITION
    Article 287-3 du code général des impôts

    DROIT COMMUN
    (annexe II au code général des impôts, articles 242 quater I et 242 sexies)

    Acomptes provisionnels sur déclarations abrégées CA 4 et déclaration annuelle CA 12
    au titre de l’année civile

    Période

    Nature de la déclaration (1)

    Date légale de dépôt

    Janvier, février, mars N CA 4 trimestrielle

    Avril N

    Avril, mai, juin N CA 4 trimestrielle

    Juillet N

    Juillet, août, septembre N CA 4 trimestrielle

    Octobre N

    Octobre, novembre N CA 4 bimestrielle

    Décembre N

    Régularisation annuelle N (y compris les opérations du mois de décembre) CA 12 annuelle

    30 avril N + 1

     

    OPTIONS DÉCLARATIVES
    (annexe II au code général des impôts, article 242 septies A)

    1. Acomptes provisionnels sur déclarations abrégées CA 4 et déclaration annuelle CA 12 E au titre d’une période correspondant à un exercice comptable clos au terme d’un des trois premiers trimestres civils

    Période

    Nature de la déclaration (1)

    Date légale de dépôt

    Avril, mai, juin N CA 4 trimestrielle

    Juillet N

    Juillet, août, septembre N CA 4 trimestrielle

    Octobre N

    Octobre, novembre N CA 4 bimestrielle

    Décembre N

    Décembre N, janvier, février, mars N+1 CA 4 quadrimestrielle

    Avril N+1

    Régularisation annuelle N/N+1 (exercices clos au 31 mars, au 30 juin ou au 30 septembre) CA 12 E annuelle

    30 juin N+1

    ou 30 septembre N+1

    ou 31 décembre N+1

    2. Renonciation aux formalités simplifiées pour les modalités du régime réel normal, sur CA 3 au RSI. Sont exclus les titulaires de revenus non commerciaux ou de revenus fonciers (annexe II au code général des impôts, article 204 ter A)

    Période

    Nature de la déclaration (2)

    Date légale de dépôt

    Avril, mai, juin N CA 3 trimestrielle

    Juillet N

    Juillet, août, septembre N CA 3 trimestrielle

    Octobre N

    Octobre, novembre N CA 3 trimestrielle

    Décembre N

    Décembre N, janvier, février et mars N+1 CA 3 quadrimestrielle

    Avril N+1

    (1) Option possible (durée 2 ans) pour déclarations CA 4 mensuelles

      (annexe II au code général des impôts, article 242 quater II).

    (2) Option possible (durée 2 ans) pour déclarations CA 3 mensuelles.

      Pour les entreprises relevant du droit commun du RSI, la déclaration trimestrielle est accompagnée d’un versement provisionnel de taxe. Ce versement est calculé sur l’imprimé même à l’aide d’un coefficient propre à l’entreprise (code général des impôts, annexe II, art. 204 ter). Il est obtenu en appliquant le coefficient au chiffre d’affaires global du trimestre ou du mois, puis en déduisant du résultat de ce calcul la TVA déductible relative aux investissements et, le cas échéant, les crédits de taxe reportables.

      Le coefficient est égal au rapport existant, l’année précédente, entre, d’une part, la taxe exigible (après application éventuellement de la décote et avant déduction de la taxe afférente aux investissements) et, d’autre part, le chiffre d’affaires total (y compris les opérations non taxables). Il est calculé par année civile pour les entreprises dont l’exercice coïncide avec l’année civile ou par exercice pour les autres entreprises. Les entreprises nouvelles déterminent leur coefficient provisoire sous leur responsabilité.

      En résumé, l’économie du système actuel repose sur une déclaration trimestrielle de chiffre d’affaires réel qui permet d’obtenir, par l’application du rapport TVA/chiffre d’affaires de l’année précédente (le « coefficient »), le versement provisionnel exigé.

      La déclaration de régularisation, souscrite normalement avant le 30 avril de chaque année (déclaration CA 12), récapitule les éléments de l’année passée et fait apparaître, soit le solde à verser, qui doit être acquitté en même temps, soit le solde excédentaire, qui est imputé sur les déclarations CA 4 ultérieures ou remboursé.

      Il est rappelé que les acomptes trimestriels ne couvrent que les onze premiers mois de l’année, puisque celui de décembre ne vise que la taxe due au titre d’octobre et novembre. Le solde à acquitter sur la déclaration de régularisation s’en trouve donc le plus souvent augmenté. Les opérations afférentes au mois de décembre sont, en effet, à régulariser en même temps que le dépôt de la déclaration CA 12.

      Les entreprises dont l’exercice est clos en cours d’année peuvent déposer leur déclaration de régularisation dans les mêmes conditions que les entreprises dont l’exercice coïncide avec l’année civile ou bien, sur option expresse, déposer cette déclaration de régularisation dans les trois mois de la clôture de l’exercice si elles clôturent leur exercice au terme d’un trimestre civil ou, à défaut, si elles ont opté pour la déclaration et le paiement mensuels.

II.- La création d’un système d’acomptes

La réforme proposée par le présent article a pour effet de dispenser les assujettis à la TVA relevant du régime simplifié des quatre déclarations trimestrielles ou bimestrielle de chiffre d’affaires, en leur substituant un système d’acomptes trimestriels fixes, calculés sur la base de la déclaration annuelle de régularisation. Elle constitue également une mesure de simplification pour les agents de la direction générale des impôts chargés de gérer ces assujettis. Selon la direction générale des impôts, au titre de 1996, 6,7 millions de déclarations auraient été concernées pour le recouvrement de 52 milliards de francs.

A.- Le nouveau régime d’acomptes

      Le I du présent article propose une nouvelle rédaction du 3 de l’article 287 du code général des impôts, qui régit les obligations déclaratives des redevables soumis au régime simplifié de taxes sur le chiffre d’affaires.

      Le premier alinéa de l’article 287-3, proposé par le présent article, prévoit le dépôt d’une seule déclaration annuelle de chiffre d’affaires (CA12) qui détermine la taxe due au titre de la période et le montant des acomptes trimestriels pour la période ultérieure. La date de dépôt de cette déclaration devrait rester inchangée (30 avril de chaque année selon un décret en Conseil d’Etat actuellement en préparation).

      Le deuxième alinéa de l’article 287-3 prévoit que des acomptes trimestriels sont versés en avril, juillet, octobre et décembre. Il est donc substitué des acomptes trimestriels aux anciennes déclarations de chiffre d’affaires mais la périodicité de versement reste identique. La base n’est plus le chiffre d’affaires de l’année en cours, mais celui de l’année précédente, connu par la déclaration annuelle. Le taux des acomptes d’avril, juillet et octobre est fixé à 25% de la TVA due au titre de l’année précédente, ce qui correspond à la TVA due au titre d’un trimestre de chiffre d’affaires. Le taux de versement pour chacun de ces acomptes est comparable à celui qui est prévu actuellement par l’article 242 quater de l’annexe II au code général des impôts, qui prescrit, pour chacun des trois premiers acomptes, une déclaration de chiffre d’affaires et un versement de TVA correspondant au trimestre précédent (25% de la TVA annuelle).

      En revanche, le taux prévu pour l’acompte de décembre est plus élevé que celui qui découle actuellement de l’application de l’article 242 quater de l’annexe II au code général des impôts. En effet, le présent article propose que l’acompte de décembre soit calculé au taux de 20% de la taxe de l’année précédente, alors que le versement actuellement prévu pour décembre est calculé sur la base des chiffres d’affaires de novembre et décembre de l’année en cours, avec le coefficient (rapport TVA/chiffre d’affaires) de l’année précédente. Il est donc substitué (pour une base qui n’est pas le chiffre d’affaires réel, mais celui de l’année précédente) un prélèvement égal à 20% de la TVA de l’année précédente à un prélèvement égal à 16,66% de la TVA (avant régularisation) de l’année en cours (obtenue par l’application du coefficient – rapport TVA/CA de l’année précédente – au chiffre d’affaires de l’année en cours).

      L’administration explique cette augmentation du prélèvement en décembre par le fait que la base retenue (le chiffre d’affaires de l’année précédente) est plus faible que la base actuelle (le chiffre d’affaires de l’année en cours) du fait de recouvrements toujours croissants de TVA, liés à l’augmentation du PIB. L’augmentation du versement de décembre servirait à compenser le manque à gagner résultant de la prise en compte du chiffre d’affaires de l’année précédente et non de celui de l’année en cours.

      Elle serait également explicable par le fait que le nouvel acompte de décembre, versé en cours de mois, est réputé correspondre au versement d’un trimestre de TVA. En effet, le nouveau système prévoit le paiement d’acomptes trimestriels, supposés retracer trois mois de TVA. L’administration ne souhaitant pas renoncer à l’échéance de décembre pour des motifs d’équilibre budgétaire, le taux de 20% résulterait d’un compromis entre l’ancien prélèvement de 16,66% et le taux théorique trimestriel de 25%.

      Des simulations réalisées par le service de la législation fiscale et prenant comme variable le niveau de régularisation opéré en avril semblent indiquer que l’incidence budgétaire oscille entre - 360 millions de francs et + 390 millions de francs et qu’elle ne peut être évaluée avec précision.

      Le dossier est manifestement complexe et l’argumentation de l’administration doit donc être analysée avec attention, particulièrement au regard des sommes en jeu.

      En premier lieu, il est patent que le dynamisme des recettes de TVA n’est pas égal d’une année à l’autre et qu’en période de récession, comme en 1993, les recouvrements bruts et nets peuvent diminuer. Le tableau ci-dessous illustre ce phénomène.

    DIX ANS DE TVA NETTE

    (en  millions de francs)

     

    1990

    1991

    1992

    1993

    1994

    1995

    1996

    1997

    1998 révisé

    PLF 1999

    Produit brut 625.411 641.927 654.338 622.254 645.496 669.217 728.244 755.403 808.000 830.970
    Remboursements 111.767 131.614 134.646 117.271 104.986 105.606 127.697 129.331 157.000 157.000
    TVA nette 513.644 510.313 519.692 504.983 540.510 563.611 600.547 626.072 651.000 673.970

      En second lieu, à l’échelon de chaque entreprise, les variations de chiffre d’affaires peuvent mettre en évidence des diminutions fortes d’une année à l’autre. L’application du taux de 20% fait supporter à l’entreprise une charge supplémentaire, même compte tenu de la mesure de tempérament prévue à l’alinéa suivant, qui suppose une démarche particulière de la part de l’entreprise.

      Comme précédemment, le versement périodique est calculé avant déduction de la TVA relative aux biens constituant des immobilisations. L’article 204 ter de l’annexe II au code général des impôts prévoit déjà une telle solution pour le calcul du coefficient.

      Le dispositif proposé ne précise pas explicitement, comme c’est le cas dans l’article 204 ter de l’annexe II au code général des impôts, que le montant de la taxe déductible, relative aux investissements réalisés, peut être retranché du versement même si le redevable peut moduler ses acomptes en fonction de la taxe qu’il pense devoir être due.

      Il est clair que la substitution d’un système d’acomptes au régime déclaratif laisse intact le droit du contribuable à la déduction de la TVA afférente aux investissements de l’année en cours.

      Il est enfin prévu que le complément d’impôt éventuellement exigible est versé lors du dépôt de la déclaration annuelle d’avril. Il est à noter que la rédaction proposée ne prévoit pas les modalités de restitution en cas d’excédents de versements. Pour autant, la déclaration annuelle CA12 fait apparaître le solde à verser ou le solde excédentaire et contient un cadre réservé à la demande de remboursement.

      Le troisième alinéa de l’article 287-3 offre à l’assujetti la possibilité de se dispenser de nouveaux versements s’il estime que le montant des acomptes déjà versé est supérieur à la taxe qui sera finalement due, en remettant au comptable chargé du recouvrement, une déclaration datée et signée.

      Le système proposé est moins favorable que celui qui existe déjà en matière d’impôt sur le revenu, lequel offre au contribuable la possibilité de diminuer les versements dus au titre des tiers provisionnels. Pour autant, le contribuable passible de l’impôt sur le revenu connaît, au moment du versement du premier tiers provisionnel, son revenu de l’année précédente, alors que l’assujetti à la TVA ne peut estimer son chiffre d’affaires qu’à la fin de l’exercice d’imposition. La différence entre les régimes de dispense de versements est donc logique, puisque la situation des contribuables est différente.

      Le quatrième alinéa de l’article 287-3 prévoit que le contribuable peut modifier le montant des acomptes s’il estime que la taxe sera supérieure d’au moins 10% à celle qui a servi de base pour leur calcul. Cette disposition interdit en fait à l’assujetti d’augmenter le montant des acomptes, sauf si la taxe réellement due est supérieure de 10% à la taxe servant de base de calcul, celle de l’exercice précédent.

      Cette disposition appelle deux observations : elle répond d’abord à un souci d’allégement et de simplification du travail des agents des impôts, qui évitent ainsi, pour les assujettis, des calculs d’acomptes réels ne correspondant pas aux acomptes théoriques qu’il est prévu de recouvrer. Cependant, force est de constater qu’elle ne va pas dans le sens d’un recouvrement plus rapide de l’impôt.

      On observera également que cette interdiction n’est assortie d’aucune sanction. On imagine assez mal qu’un redevable pourrait être sanctionné pour avoir trop versé d’impôt à l’Etat, et que le surplus d’acompte ne pourrait faire l’objet, le cas échéant, d’une imputation ou d’une restitution.

      Il n’est donc pas interdit de penser que cette prescription est inopérante.

      Le cinquième alinéa de l’article 287-3 précise, pour les nouveaux redevables, que chaque acompte trimestriel dont ils déterminent eux-mêmes le montant, doit représenter plus de 80% de l’impôt réellement dû pour le trimestre correspondant. On observe que, dans ce cas des nouveaux contribuables, aucun seuil spécifique n’est prévu pour le mois de décembre.

      Enfin, le dernier alinéa prévoit qu’un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions d’application de l’article 287-3, et notamment les modalités de versement et de remboursement des acomptes. On peut considérer que l’obligation de consulter le Conseil d’Etat est particulièrement bienvenue dans un domaine aussi complexe et sensible que le recouvrement de la TVA.

B.- L’aménagement du dispositif de sanctions

      Le II du présent article complète l’article 1785 B du code général des impôts par un alinéa prévoyant que, dans le cas où l’un ou les acomptes sont acquittés hors délai, sous-estimés ou diminués indûment, le redevable supporte une majoration de 10% sans préjudice des intérêts de retard légalement exigibles.

      Cette modification du dispositif de sanctions en matière d’acomptes a été rendue nécessaire par le changement de régime juridique des versements périodiques dus par les assujettis au RSI. En effet, le droit applicable avant l’intervention du présent article prévoit des déclarations de chiffre d’affaires alors que le régime nouveau leur substitue des versements d’acomptes.

      Actuellement, un contribuable défaillant pour le dépôt de sa déclaration CA4 trimestrielle (ou bimestrielle en décembre) de chiffre d’affaires est susceptible de faire l’objet, en application du 3° de l’article L. 66 du livre des procédures fiscales, d’une taxation d’office. Il encourt en outre la sanction prévue par l’article 1728 du code général des impôts lorsqu’une personne physique ou morale, ou une association tenue de souscrire une déclaration ou de présenter un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts, s’abstient de souscrire cette déclaration ou de présenter un acte dans les délais : le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l’acte déposé tardivement est assorti de l’intérêt de retard visé à l’article 1727 et d’une majoration de 10%. Celle-ci est portée à 40% lorsque le document n’a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d’une mise en demeure notifiée par pli recommandé d’avoir à le produire dans ce délai, puis 80% lorsque le document n’a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d’une deuxième mise en demeure notifiée dans les mêmes formes que la première.

      La substitution d’un système d’acomptes au régime de déclarations de chiffres d’affaires a pour effet d’exclure les contribuables du champ de la taxation d’office et de diminuer les sanctions encourues. A titre de comparaison, pour les redevables au réel normal, qui disposent d’un délai supplémentaire d’un mois pour leurs déclarations mensuelles et sont astreints à verser un acompte égal au moins à 80% de la somme réellement due (article 1693 du code général des impôts), le non-respect de ce seuil entraîne (article 1785 B du code général des impôts) l’application des pénalités prévues à l’article 1731, c’est-à-dire le versement de l’intérêt de retard et une majoration de 5% des sommes dont le versement a été différé.

      Il est donc apparu souhaitable de prévoir un dispositif de sanctions spécifique aux acomptes dus par les assujettis au RSI en maintenant la majoration de 10% au titre des versements diminués indûment.

C.- Entrée en vigueur

      Le III du présent article prévoit l’application du nouveau régime à l’acompte dû en juillet 1999. On peut regretter que le nouveau régime ne s’applique qu’à l’occasion du deuxième versement trimestriel, pour la majeure partie des entreprises dont l’exercice correspond à l’année civile. La date de juillet 1999 semble avoir été retenue parce que la direction générale des impôts ne serait pas en mesure d’appliquer le nouveau dispositif dès le mois d’avril.

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      Le présent article offre donc un double avantage : il simplifie les obligations des entreprises qui ne seront plus tenues au dépôt de déclarations CA4 trimestrielles (ni mensuelles, puisque cette option est supprimée) et de l’annexe 3310 MA (taxes parafiscales). Elles s’épargneront le calcul du coefficient et n’auront plus à suivre aussi finement qu’à l’heure actuelle leur chiffre d’affaires, dès lors qu’elles s’acquitteront chaque trimestre d’un acompte correspondant au quart de la TVA payée l’année précédente (du cinquième en décembre).

      Les entreprises soumises à un régime simplifié d’imposition étaient, en 1997, au nombre de 934.000 dans le cadre des BIC, 321.000 passibles de l’impôt sur les sociétés, et 104.000 pour l’imposition d’activités non commerciales.

      Parmi ces 1.359.000 entreprises, 1.194.000 étaient soumises à la TVA et seraient concernées par ces modifications.

      Pour la direction générale des impôts, le dispositif proposé supprime totalement la saisie des déclarations CA4. Seule la saisie du paiement à la recette des impôts est maintenue.

      Les services d’assiette seront par ailleurs dispensés de l’envoi de mises en demeure pour non dépôt de déclaration CA4 (800.000 en 1997) et de taxation d’office en cas de défaillance persistante. Le défaut de paiement de l’acompte sera directement poursuivi par le receveur des impôts.

      Le nouveau dispositif autorise enfin la suppression de six imprimés et une utilisation moindre de quatre autres, soit une économie estimée à 2,5 millions de francs par la direction générale des impôts.

      On ne peut donc qu’approuver le dispositif proposé, en espérant que la réforme fera l’objet auprès des contribuables de la plus large publicité, afin qu’elle soit effectivement perçue par ceux-ci comme une mesure de simplification.

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      La Commission a adopté deux amendements rédactionnels présentés par votre Rapporteur général (amendements nos I-10 et I-11 ) et l’article 6 ainsi modifié.

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Article additionnel après l’article 6

Continuité du régime de TVA en cas de décès d’un exploitant agricole.

      Texte de l’article additionnel :

      Après le II de l’article 298 bis du code général des impôts, il est inséré un paragraphe II bis ainsi rédigé :

      « II bis.- Par dérogation aux dispositions ci-dessus, en cas de décès d’un exploitant soumis au régime simplifié, ce régime continue de s’appliquer dans les mêmes conditions au conjoint, à l’héritier ou à l’indivision reprenant l’exploitation. »

      Observations et décision de la Commission :

La Commission a examiné un amendement de M. Gilbert Mitterrand, tendant à permettre la continuité de l’option en faveur du régime simplifié agricole de TVA en cas de substitution d’exploitant consécutive à un décès, et un amendement d’objet identique présenté par M. Michel Bouvard.

En application de l’article 298 bis du code général des impôts, les exploitants agricoles sont placés, pour leurs opérations agricoles, sous le régime du remboursement forfaitaire prévu aux articles 298 quater et 298 quinquies. Ils sont dispensés du paiement de la TVA et des obligations qui incombent aux assujettis. Ils peuvent cependant opter pour un régime simplifié d’imposition (RSA) qui se distingue du régime de droit commun sur les quatre points suivants :

– la taxe est exigible lors de l’encaissement ;

– les formalités déclaratives sont réduites. En particulier, les redevables placés sous le RSA ne doivent déposer qu’une fois par an la déclaration qui détermine la taxe due au titre de la période et le montant des acomptes trimestriels pour la période ultérieure (2) ;

– la liquidation de l’impôt s’effectue selon des règles particulières ;

– le forfait, le régime simplifié, les franchises en taxe ou en base ne sont pas applicables. En revanche, il existe un régime spécifique de franchise.

La question soulevée par le présent article additionnel à trait au devenir de l’option en faveur du RSA en cas de changement d’exploitant. L’article 260 I de l’annexe II au code général des impôts dispose que « celui qui devient exploitant agricole, en qualité de propriétaire, de fermier ou de métayer, dans le courant d’une année civile, doit exercer l’option dans un délai de un mois à compter de la date du début de ses activités. »

Ce délai est très insuffisant lorsque la reprise de l’exploitation fait suite au décès de l’exploitant. On peut comprendre que, durant le mois suivant, la priorité de son successeur ne se situe pas au niveau des formalités d’option du régime fiscal de la TVA, notamment lorsque ce repreneur est le conjoint ou un héritier du défunt. Or, trop souvent, cet oubli semble donner lieu à des pénalités de retard de déclaration.

Il est donc proposé, en cas de substitution d’exploitant consécutive à un décès, qu’il y ait continuité tacite du régime fiscal de la TVA et, par conséquent, que le nouvel exploitant soit dispensé des formalités d’option.

Cette proposition appelle deux observations.

      ·   Tout d’abord, on pourrait, en stricte analyse, se demander si ce type d’assouplissement relève du domaine de la loi. Le délai d’un mois précité ne figure d’ailleurs pas à l’article 298 bis du code général des impôts, mais à son annexe II.

      ·   Plus encore, ce problème pourrait être réglé à travers une simple mesure de tolérance administrative. A cet égard, un précédent peut même être invoqué. En cas de départ à la retraite d’un exploitant agricole et lorsque l’exploitation est reprise par son conjoint, celui-ci doit être considéré comme poursuivant l’exploitation. Or, il a été admis, « dans un souci de simplification », que le conjoint qui reprend l’exploitation ne soit soumis qu’à une simple formalité pour que l’option précédemment exercée en faveur du RSA poursuive ses effets jusqu’à son terme : joindre une note allant dans ce sens à sa première déclaration annuelle de chiffre d’affaires (3).

Cette tolérance n’a pas été étendue à l’hypothèse d’une poursuite de l’activité agricole par le conjoint ou par un héritier d’un exploitant décédé. Cette extension apparaît pourtant pleinement justifiée et il est souhaitable que le Gouvernement prenne position sur ce sujet.

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M. Gilbert Mitterrand a souligné l’utilité d’une telle mesure d’humanisation du droit fiscal agricole.

Votre Rapporteur général a estimé que cette proposition, sans être formellement de nature législative, apporterait une réponse à de vraies difficultés.

La Commission a adopté cet amendement (amendement n° I-12), l’amendement de M. Michel Bouvard étant considéré comme satisfait.

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La Commission a ensuite examiné un amendement présenté par M. Jean-Pierre Brard, tendant à exonérer les hôpitaux de taxe sur les salaires.

M. Jean-Pierre Brard a considéré que le Gouvernement serait bien inspiré d’examiner sa proposition de façon approfondie.

M. Charles de Courson a salué l’habileté du procédé pour obtenir une réduction de la dotation globale hospitalière et faire apparaître une diminution des prélèvements obligatoires, mais il a souligné qu’une telle proposition, dés lors qu’elle était faite, ne pouvait rester circonscrite au secteur des hôpitaux, mais devrait s’étendre à l’ensemble du secteur des collectivités locales.

Votre Rapporteur général a souligné le coût prohibitif de la proposition, qui serait compris entre 6 et 9 milliards de francs.

La Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a ensuite rejeté un amendement présenté par M. Christian Cuvilliez, relevant à 40.000 francs le seuil d’assujettissement à la taxe sur les salaires des associations, et un amendement présenté par M. Jean-Pierre Brard, relevant le seuil précité de 2.000 francs par embauche d’un chômeur de longue durée dans la limite de 40.000 francs par an.

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Article 7

Relèvement de seuils de mise en recouvrement ou de perception.

Texte du projet de loi :

I. A l'article 1724 A du code général des impôts, la somme de “ 50 F ” est remplacée par celle de “ 100 F ”.

II. Le troisième alinéa de l’article 562 bis du code général des impôts est complété par une deuxième phrase ainsi rédigée :

“ Elle n’est pas perçue sur les débits de deuxième catégorie lorsque son montant n’excède pas 50  F. ”.

Exposé des motifs du projet de loi :

Il est proposé de relever le seuil de mise en recouvrement de 50 F à 100 F des créances recouvrées par les comptables de la direction générale des impôts et de la direction générale des douanes et droits indirects.

Par ailleurs, il est proposé de fixer un seuil de perception à 50 F pour la taxe spéciale perçue sur les débits de boissons de deuxième catégorie.

Observations et décision de la Commission :

· Le I du présent article propose de porter de 50 à 100 francs le seuil de mise en recouvrement des créances qui doivent être recouvrées par les comptables de la direction générale des impôts et ceux de la direction générale des douanes et droits indirects.

Le principe et la valeur de ce seuil de mise en recouvrement sont définis dans l’article 1724 A du code général des impôts. Celui-ci dispose que « les créances de toute nature dont la perception incombe aux comptables publics désignés par décret et non acquittées à l’échéance ne sont mises en recouvrement que lorsque leur montant cumulé excède 50 francs. »

Il répond à l’article 1657 du code général des impôts, qui édicte des dispositions similaires pour le recouvrement des impôts directs perçus par voie d’émission de rôle. « Les cotisations initiales d’impôt sur le revenu ne sont pas mises en recouvrement lorsque leur montant, avant imputation de tout crédit d’impôt, est inférieur à 400 F ». La loi de finances initiale pour 1997 dispose qu’à compter de l’imposition des revenus de 2000, ce montant sera réduit à 200 francs. Par ailleurs, « les cotisations d’impôts directs dont le montant total par article de rôle est inférieur à 80 F ne sont pas mises en recouvrement si elles sont perçues au profit du budget de l’Etat ; elles sont allouées en non-valeurs si elle sont perçues au profit d’un autre budget ».

Pour autant, l’existence d’un seuil de mise en recouvrement n’a pas pour conséquence de dispenser le redevable du paiement de l’impôt. Dans le cas du droit de licence sur les débits de boissons, par exemple, l’administration fait parvenir chaque année aux débitants un avis d’imposition, même pour des valeurs inférieures à 50 francs. La majorité des débitants s’acquittent de leur dû en temps utile. Si une créance reste impayée à l’échéance, l’administration doit, légalement, engager une procédure de mise en recouvrement en faisant parvenir au redevable oublieux un « avis de mise en recouvrement ». Ce n’est qu’à partir de cette phase que les dispositions de l’article 1724 A du code général des impôts trouveront à s’appliquer, dispensant l’administration de s’engager dans la procédure si la créance en cause est inférieure au seuil légal.

Les dispositions de l’article 1724 A s’appliquent également aux majorations d’impôts et intérêts de retard. Si un redevable s’acquitte intégralement de sa dette fiscale, mais avec un retard tel que des pénalités lui soient imposées, l’administration n’est pas tenue d’engager une procédure de mise en recouvrement si le montant impayé des pénalités reste inférieur au minimum légal.

Les créances impayées prises en charge sont suivies, au plan comptable, sous le libellé « reste à recouvrer ». Elles restent en compte tant que le délai de prescription de trois ans n’est pas écoulé. Ce suivi comptable est le support technique de la règle de cumul des créances, évoquée dans les dispositions de l’article 1724 A du code général des impôts.

Les motivations essentielles du relèvement du seuil de perception proposé par le présent article sont, d’une part, l’érosion monétaire constatée depuis la dernière modification de ce seuil, il y a une dizaine d’années, d’autre part la suppression de la franchise postale effective au 31 décembre 1995. Les dépenses d’affranchissement sont, depuis, imputées directement, et pour leur coût réel, sur les dépenses de fonctionnement de chaque ministère. L’envoi d’un « avis de mise en recouvrement » à la personne redevable d’un impôt impayé, qui marque le début de la procédure de recouvrement, s’effectue par courrier recommandé, pour un montant légèrement inférieur à 30 francs. La plupart du temps, la procédure se poursuit avec l’envoi d’une mise en demeure, à nouveau par courrier recommandé. Il apparaît ainsi que le seuil de recouvrement proposé dans le présent article est déjà sensiblement « préempté » par les frais d’affranchissement afférents aux deux premières phases de la procédure de recouvrement.

Les comptables publics visés par l’article 1724 A du code général des impôts sont définis dans l’article 406 duodecies de l’annexe III du même code. « Les comptables publics mentionnés à l’article 1724 A du code général des impôts sont les comptables de la direction générale des impôts et ceux de la direction générale des douanes et des droits indirects en ce qui concerne, pour ces derniers, les contributions indirectes, droits, taxes, redevances et impositions obéissant aux mêmes règles et le droit spécifique mentionné à l’article 527 du code général des impôts. »

Les comptables de la direction générale des impôts ont une compétence étendue en matière de perception de ressources diverses, qui peuvent être regroupées de la façon suivante :

– certaines recettes fiscales de l’Etat : les impôts directs recouvrés sans émission de rôle à l’exception de l’impôt sur les sociétés (4) (retenues à la source et prélèvements sur les revenus de capitaux mobiliers, taxe d’apprentissage, participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue, taxe forfaitaire sur les objets précieux, etc.) ; les droits d’enregistrement et la taxe de publicité foncière ; l’impôt de solidarité sur la fortune ; les droits de timbre ; la taxe sur la valeur ajoutée (5) et d’autres taxes indirectes (taxe sur la publicité télévisée, taxe sur les postes radio CB, taxe forfaitaire sur les exploits et autres actes des huissiers de justice) ;

– certaines ressources non fiscales de l’Etat : les revenus et produits du domaine de l’Etat, les redevances sanitaires d’abattage et de découpage, la consignation pour carte de commerce ;

– certaines recettes perçues au profit des collectivités locales : le droit départemental et la taxe départementale de publicité foncière ; les taxes additionnelles à certains droits d’enregistrement ; la taxe différentielle sur les véhicules à moteur, etc.

– certaines recettes affectées à des budgets annexes, des fonds ou des organismes divers : la taxe sur les tabacs fabriqués (au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles) ; la taxe forestière (au profit du fonds forestier national) ; la taxe parafiscale sur certaines viandes (au profit de l’Association nationale pour le développement agricole) ; la contribution sur les primes ou cotisations des contrats d’assurance (au profit du fonds de garantie pour l’indemnisation des victimes du terrorisme) ; la taxe spéciale sur le prix des places de cinéma (au profit du fonds de soutien financier à l’industrie cinématographique), etc.

– la pénalité libératoire pour recouvrer la faculté d’émettre des chèques (6).

Les créances relevant des dispositions de l’article 1724 A du code général des impôts portent sur l’ensemble de ces recettes (y compris les ressources non fiscales, comme les redevances domaniales), à l’exception de la pénalité libératoire mentionnée ci-avant.

Selon les informations recueillies auprès de la direction générale des impôts par votre Rapporteur général, les principaux dossiers susceptibles de donner lieu à l’application du seuil de recouvrement concernent des procès-verbaux relatifs à la vignette automobile, divers droits de timbre, le droit de bail, etc. De même, les pénalités de retard sont fréquemment inférieures à 50 ou 100 francs (7).

La direction générale des impôts a procédé à une évaluation des conséquences que pourrait avoir l’augmentation du seuil de mise en recouvrement proposée par le présent article. Près de 129.500 dossiers seraient concernés, pour un coût d’affranchissement actuel de 55 francs l’unité, soit un coût total d’affranchissement de 7,1 millions de francs environ. Par ailleurs, le coût du traitement de ces dossiers par les agents aurait été évalué à 1,65 million de francs environ. Les économies induites par l’application à ces dossiers du seuil de recouvrement de 100 francs viendraient en compensation d’un coût budgétaire direct évalué à 21 millions de francs, qui représente le manque à gagner sur les recettes impayées abandonnées.

Le « coût » total de la mesure serait ainsi de 12,3 millions de francs environ. Cette évaluation doit, cependant, être appréciée à sa juste valeur : elle ne représente pas un coût budgétaire réel pour l’Etat, car sitôt le seuil de 100 francs dépassé pour le montant cumulé des créances, la procédure de recouvrement peut être engagée, portant alors sur l’ensemble des créances impayées en compte à cette date. Ce « coût » de la mesure doit donc plutôt être interprété comme le volume des créances impayées que l’Etat accepte de porter temporairement dans ses comptes, net des économies de gestion effectuées par ailleurs sur le travail des agents et sur l’affranchissement.

En vertu de la loi n° 92-677 du 17 juillet 1992 et du décret n° 92-1431 du 30 décembre 1992, la direction générale des douanes et droits indirects exerce, depuis le 1er janvier 1993, les compétences dévolues auparavant à la direction générale des impôts en matière d’assiette, de contrôle, de recouvrement et de contentieux des contributions indirectes, des droits, taxes, redevances et impositions obéissant aux mêmes règles, ainsi que du « droit spécifique » sur les ouvrages d’or, d’argent et de platine prévu par la législation relative à la garantie du titre de ces matières.

Ainsi, les principales créances visées par l’article 1724 A du code général des impôts sont relatives, pour ce qui concerne la direction générale des douanes et droits indirects, aux impositions, droits et taxes suivants :

– en matière de boissons : le droit de consommation sur les « produits intermédiaires » prévu par l’article 402 bis du code général des impôts ; le droit de consommation sur les alcools prévu par l’article 403 du même code ; le droit de fabrication perçu sur les alcools impropres à la consommation prévu par l’article 406 A du même code (8) ; le droit de circulation sur les vins et cidres prévu par l’article 438 du même code ;

– pour les débits de boissons : le droit spécial perçu en cas de transfert d’un débit de boissons, prévu par l’article 562 du code général des impôts ; la taxe perçue au profit du Trésor sur tous les débits de boissons de deuxième, troisième et quatrième catégorie, prévue par l’article 562 bis du même code ;

– en matière de sucres et dérivés : la taxe spéciale sur les sucres, glucoses, isoglucoses et sirops d’inuline servant à la préparation d’apéritifs à base de vin et produits assimilables, prévue par l’article 563 du code général des impôts (9) ; le droit de fabrication sur les boissons de raisins secs, le droit de circulation sur les raisins secs à boissons, la taxe spéciale sur le sucre utilisé au sucrage en première cuvée, prévus par l’article 564 du même code ; les cotisations à la production sur les sucres, l’isoglucose et le sirop d’inuline prévues respectivement par les articles 564 ter, 564 quater et 564 quater A du même code, perçues dans le cadre de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre au sein de la Communauté européenne ;

– la cotisation de solidarité perçue sur la production de blé et d’orge (à l’exclusion des céréales contenues dans les aliments acquis par les producteurs-éleveurs pour la nourriture animale) prévue par l’article 564 quinquies du code général des impôts ; la cotisation de solidarité sur les graines oléagineuses (colza, tournesol et navette) prévue par l’article 564 sexies du même code (10) ;

– le « droit spécifique » sur les ouvrages d’or, d’argent et de platine prévu par l’article 527 du code général des impôts, dans le cadre de la législation relative à la garantie du titre de ces matières, d’un montant différencié selon la nature et le titre des matières composant ces ouvrages ;

– le droit de consommation sur les tabacs, dont le régime fiscal est défini par les articles 575 à 575 E bis du code général des impôts ; la taxe sur les allumettes et les briquets commercialisés en France continentale et en Corse, prévue par l’article 586 du même code (11) ;

– en matière d’impositions communales : la taxe sur les spectacles, jeux et divertissements régie par les articles 1559 à 1567 du code général des impôts ; le droit de licence des débitants de boissons prévu par les articles 1568 à 1572 du même code ; la surtaxe sur les eaux minérales prévue à l’article 1582 du même code ; la taxe sur les jeux de boules et de quilles comportant des dispositifs électromécaniques (bowlings) prévue à l’article 1582 bis du même code ;

– en matière de recettes affectées à des budgets annexes, des fonds ou des organismes divers : la contribution sur les boissons alcoolisées perçue au profit de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, prévue par l’article 1613 bis du code général des impôts ; le prélèvement sur les alcools et la taxe sur les farines perçus au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles et prévus respectivement par les articles 1615 bis et 1618 septies du même code ; les ressources affectées au fonds de construction, d’équipement rural et d’expansion économique, provenant de la suppression d’un tarif réduit du droit de consommation sur les alcools, prévues par l’article 1621 quinquies du même code ;

– les taxes parafiscales prévues aux articles 358 à 364 D de l’annexe II du code général des impôts.

Par ailleurs, la direction générale des douanes et droits indirects perçoit la TVA due sur les produits importés de pays autres que ceux de la Communauté européenne et la TVA due sur les produits pétroliers importés de la Communauté européenne.

En droit, toutes les créances relatives aux ressources mentionnées ci-avant sont susceptibles de relever des dispositions de l’article 1724 A du code général des impôts. En sont exclues, en revanche, les taxes diverses prévues par les articles 265 à 285 quinquies du code des douanes.

En fait, selon les informations recueillies auprès de la direction générale des douanes et droits indirects par votre Rapporteur général, seuls le droit de licence des débitants de boissons, prévu par les articles 1568 à 1572 du code général des impôts, ainsi que la taxe spéciale sur les débits de boissons, prévue par l’article 562 bis du même code, sont susceptibles de donner lieu à l’application des dispositions de l’article 1724 A.

En effet, le mode de perception des recettes afférentes aux autres impositions, taxes et redevances implique que le seuil de mise en recouvrement, soit n’est jamais atteint, soit est largement dépassé :

– le premier cas survient lorsque la recette est perçue « au comptant », au moment même où le redevable dépose auprès de l’administration des douanes la déclaration portant sur l’activité génératrice du fait imposable et présentant le décompte des droits indirects dus à l’Etat ; il s’agit généralement de petites sommes – parfois quelques francs seulement – qui, souvent, sont perçues à l’occasion d’activités occasionnelles ; surtout, le personnel de la recette des douanes procède immédiatement à la vérification du montant des droits dus et perçus ; il ne peut, à cet égard, y avoir de « créance non acquittée à l’échéance » au sens de l’article 1724 A du code général des impôts ;

– le second cas se présente, en général, pour les impositions, taxes et redevances de toute nature perçues de façon régulière auprès de redevables dûment répertoriés ; l’administration des douanes ouvre alors des comptes au nom de chaque redevable, dans lesquels sont retracées les activités donnant lieu à imposition et les droits dus et perçus ; un apurement périodique (généralement mensuel) de ces comptes met en évidence des créances supérieures au seuil de mise en recouvrement, actuel ou proposé.

Par ailleurs, une analyse rétrospective portant sur les toutes dernières années montre que le « droit spécifique » perçu au titre de la garantie de l’Etat sur les ouvrages d’or, d’argent ou de platine n’est jamais inférieur à 300 francs environ.

20.000 débits de boissons (12) sont assujettis à un droit de licence égal à 25 francs (13) ; 2.500 autres doivent annuellement acquitter un droit compris entre 25 et 100 francs. L’ensemble correspond à un montant global de droits à percevoir d’environ 700.000 francs. Cette somme est portée à 900.000 francs environ si l’on y ajoute le montant de la taxe spéciale évoquée ci-avant, due par ces mêmes établissements. Selon les informations recueillies auprès de la direction générale des douanes et droits indirects, 90% des débitants s’acquittent de leur impôt dans les délais. Le solde représente une perte potentielle de recettes d’environ 90.000 francs, peu importante au regard des frais qu’il conviendrait d’exposer dans les procédures pré-contentieuses de recouvrement.

      ·   Le II du présent article propose d’instaurer un seuil de perception pour la taxe spéciale perçue sur les débits de boissons de deuxième catégorie et de fixer son montant à 50 francs. A la différence du dispositif proposé dans le I., la définition d’un seuil de perception implique que, pour un montant calculé de l’impôt inférieur à ce seuil, l’administration ne doit pas émettre d’avis d’imposition à l’endroit du redevable potentiel.

L’article 562 bis du code général des impôts, introduit par l’ordonnance n° 60-1253 du 29 novembre 1960 modifiant le code des débits de boissons et des mesures de lutte contre l’alcoolisme, dispose que, « à compter du 1er janvier 1961, il est institué une taxe spéciale perçue au profit du Trésor sur tous les débits de boissons de deuxième, troisième et quatrième catégories. »

« Cette taxe est fixée pour les licences de troisième et quatrième catégories à 30% du droit de licence prévu aux articles 1568 et 1570 [du code général des impôts] et effectivement applicable à chacun de ces débits de boissons. Elle est fixée pour les licences de deuxième catégorie à 15% du tarif des licences de troisième catégorie applicable dans la commune. »

« Son contrôle et son recouvrement sont effectués selon les règles, sous les garanties et sanctions générales prévues en matière de contributions indirectes. »

Le code des débits de boissons a instauré un système de licences d’établissement destiné à limiter le nombre de ces débits et à encadrer leur activité. La définition des licences est calquée sur celle des groupes de boissons, exposée dans le même code.

LICENCES D’ÉTABLISSEMENT ET GROUPES DE BOISSONS

    Licence d’établissement

    Groupe de boissons

    I. « licence de boissons sans alcool » :

      autorisation de vendre pour consommer sur place les boissons du premier groupe

    1. Boissons sans alcool :
    eaux minérales ou gazéifiées, jus de fruits ou de légumes non fermentés ou ne comportant pas, à la suite d’un début de fermentation, de traces d’alcool supérieures à 1,2 degré, limonades, infusions, lait, café, thé, chocolat, etc.
    II. « licence de boissons fermentées » :

      autorisation de vendre pour consommer sur place les boissons des deux premiers groupes

    2. Boissons fermentées non distillées :
    vin, bière, cidre, poiré, hydromel, vins doux naturels bénéficiant du régime fiscal des vins, crèmes de cassis, jus de fruits ou de légumes fermentés comportant de 1,2 à 3 degrés d’alcool
    III. « licence restreinte » :

      autorisation de vendre pour consommer sur place les boissons des trois premiers groupes

    3. vins doux naturels autres que ceux appartenant au groupe 2, vins de liqueur, apéritifs à base de vin et liqueurs de fraise, framboises, cassis ou cerises, ne titrant pas plus de 18 degrés d’alcool pur
    IV. « grande licence » ou « licence de plein exercice » :

      autorisation de vendre pour consommer sur place toutes boissons dont la consommation à l’intérieur demeure autorisée, y compris celles du quatrième et du cinquième groupe

    4. rhums, tafias, alcools provenant de la distillation des vins, cidres, poirés ou fruits et ne supportant aucune addition d’essence ainsi que des liqueurs édulcorées au moyen de sucre, de glucose ou de miel à raison de 400 g minimum par litre pour les liqueurs anisées et de 200 g minimum par litre pour les autres liqueurs et ne contenant pas plus d’un demi-gramme d’essence par litre
      5. toutes les autres boissons alcooliques autorisées par la loi

Un droit de licence, perçu au profit des communes, est acquitté annuellement par les débitants de boissons pourvus d’une licence de troisième ou de quatrième catégorie. Le tarif simple, applicable aux licences de troisième catégorie, est fixé par les conseils municipaux entre une valeur minimale et une valeur maximale, qui varient selon la population de la commune et sont déterminées par l’article 1568 du code général des impôts. Le tarif applicable aux licences de quatrième catégorie est égal au double du tarif simple.

TARIF SIMPLE DE LA LICENCE DE DÉBIT DE BOISSONS

    (en francs)

    Population de la commune

    Minimum

    Maximum

      1.000 habitants et au-dessous

    25

    250

      1.001 à 10.000 habitants

    50

    500

      10.001 à 50.000 habitants

    75

    750

      plus de 50.000 habitants

    100

    1000

Les conseils municipaux peuvent fixer, entre les limites minimales et maximales du tarif simple, un tarif progressif d’après la valeur locative retenue pour l’établissement de la taxe foncière sur les propriétés bâties portant sur les débits de boissons. Les établissements titulaires d’une licence de première ou deuxième catégorie ne sont pas redevables d’un droit de licence.

LES PRÉLÈVEMENTS INSTITUÉS PAR LES ARTICLES 562 BIS ET 1568
DU CODE GÉNÉRAL DES IMPÔTS

    Catégorie de licence

    Droit de licence
    (au profit des communes)

    article 1568 CGI

    Taxe spéciale
    (au profit de l’Etat)

    article 562 bis CGI

    Licence de 1ère catégorie

    pas de droit

    pas de taxe spéciale
    Licence de 2ème catégorie

    pas de droit

    15% du tarif simple applicable dans la commune
    Licence de 3ème catégorie

    tarif simple

    30% du tarif simple applicable à l’établissement
    Licence de 4ème catégorie

    tarif double

    30% du tarif double applicable à l’établissement

Le montant de 50 francs que le présent article propose de fixer en guise de seuil de perception de la taxe spéciale due par les établissements titulaires d’une licence de deuxième catégorie correspond à un tarif simple de 333 francs. Un tel seuil exempte de facto tous les établissements de deuxième catégorie situés dans les communes de moins de 1000 habitants.

Les évaluations effectuées par la direction générale des douanes et droits indirects indiquent que, sur 100.000 actes de taxation enregistrés chaque année au titre des licences de deuxième catégorie (14), quelques dizaines de milliers pourraient être concernés par l’instauration du seuil de perception. Le coût de la mesure proposée dans le présent article a été estimé à 2 ou 3 millions de francs.

La simplification des démarches des contribuables et la suppression des actes administratifs peu utiles sont un objectif qu’il convient de privilégier. Les dispositions proposées dans le présent article contribuent à satisfaire cet objectif.

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La Commission a adopté l’article 7 sans modification.

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Après l’article 7

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Philippe Auberger, prévoyant que le taux de l’intérêt de retard est égal au taux de l’intérêt légal.

M. Philippe Auberger a estimé qu’un taux d’intérêt de retard de 9% par an ne correspondait plus à la réalité économique actuelle, rendant un ajustement indispensable.

Votre Rapporteur général a souligné qu’il avait appelé l’attention du Gouvernement sur cette question lors de la discussion de la précédente loi de finances. Il a indiqué que le coût de la mesure, de l’ordre de 700 à 800 millions de francs pour un point de taux d’intérêt, interdisait son adoption cette année.

M. Charles de Courson a estimé qu’il conviendrait d’en finir avec ce vieux débat et que l’adoption de l’amendement y contribuerait en appelant la vigilance du Gouvernement.

Le Président Augustin Bonrepaux a douté de l’opportunité d’encourager les mauvais payeurs.

Votre Rapporteur général a estimé que la situation actuelle devrait être corrigée à moyen terme, sans donner des signes d’encouragement aux mauvais payeurs et en respectant l’équilibre budgétaire.

M. Jean-Pierre Brard a indiqué que sans donner une prime à l’accumulation de retards, des propositions étaient envisageables qu’il présenterait prochainement.

La Commission a rejeté cet amendement.

      *

* *

Article 8

Augmentation du barème de l'imposition de solidarité sur la fortune.

Texte du projet de loi :

I. L’article 885 V ter du code général des impôts est abrogé.

II. Le tarif prévu à l’article 885 U du code général des impôts est ainsi modifié :

    Fraction de la valeur nette taxable du patrimoine

    Tarif applicable
    (en pourcentage)

    - N’excédant pas 4 700 000 F

    0,0

    - Comprise entre 4 700 000 F et 7 640 000 F

    0,55

    - Comprise entre 7 640 000 F et 15 160 000 F

    0,75

    - Comprise entre 15 160 000 F et 23 540 000 F

    1

    - Comprise entre 23 540 000 F et 45 580 000 F

    1,30

    - Comprise entre 45 580 000 F et 100 000 000 F

    1,65

    - Supérieure à 100 000 000 F

    1,80

Exposé des motifs du projet de loi :

Il est proposé d’intégrer la majoration de 10 % dans le barème de l’impôt de solidarité sur la fortune et de créer une nouvelle tranche du tarif, au taux de 1,8 %, pour la fraction de patrimoine qui excède 100 millions F.

Observations et décision de la Commission :

Cet article et douze autres du présent projet traduisent la volonté d’adapter la fiscalité du patrimoine, exprimée par le Gouvernement et la majorité des membres de l’Assemblée nationale.

L’impôt de solidarité sur la fortune a occupé une place essentielle dans la réflexion dont ils sont issus. Votre Rapporteur général et votre Commission des finances s’en étaient préoccupés au printemps dernier (15). Une proposition de loi déposée par les membres du groupe communiste et apparentés a, de même, proposé une réforme d’ensemble de cet impôt (16). Le Conseil des impôts y a également consacré une part importante de son seizième rapport.

Il n’est pas inutile de rappeler les grandes lignes de ce débat avant d’examiner les mesures que le Gouvernement soumet à l’approbation de l’Assemblée nationale.

L’impôt sur l’actif net a-t-il sa place dans un système fiscal moderne ?

A cette question, votre Rapporteur général a répondu affirmativement. On peut d’ailleurs relever que la coalition victorieuse aux récentes élections législatives générales en Allemagne, qui aura la majorité dans les deux chambres législatives, et donc toute latitude pour conduire une réforme fiscale d’envergure, s’est prononcée en faveur du rétablissement de la perception de l’impôt sur la fortune.

Du point de vue social, ce type de prélèvement permet, en effet, d’appréhender les facultés contributives supplémentaires conférées au détenteur d’un patrimoine important par la possession même de ce dernier. Sur le plan économique, ce type d’impôt ne peut que favoriser la circulation du capital dans l’économie, ses redevables devant utiliser leurs ressources de la façon la plus rentable possible. Les préoccupations budgétaires lui donnent aussi une justification. Un tel impôt contribue à la diversification des sources de recettes publiques. L’estimation pour 1999 d’un produit attendu de 14,9 milliards de francs pour l’ISF et la taxe sur les bons anonymes, outre qu’elle est significative, compte tenu du nombre limité des redevables en cause, rend crédible la volonté de faire participer les plus fortunés à l’effort de solidarité en faveur des plus démunis, au-delà de ce qui aurait résulté du simple jeu de la structure fiscale d’ensemble qui privilégie, en France, les impôts indirects aux effets non progressifs.

Quelles dispositions de l’ISF devait-on améliorer ?

Le débat sur l’assiette a tourné autour de la question de son extension aux biens professionnels. Votre Rapporteur général, lui même, a considéré que beaucoup d’arguments pouvaient aller dans le sens d’une telle adaptation. Sa conclusion a néanmoins été qu’une telle extension, quelque séduisante qu’en fût la perspective, se heurterait, aujourd’hui, à d’importantes difficultés de mise en œuvre (17). La solution la plus simple, techniquement, eût sans doute été d’élargir l’assiette et de modérer les taux. Il est indéniable, toutefois, qu’une telle réforme n’eût pu se faire dans la sérénité. Vouloir y procéder à tout prix obligerait à mettre en place des mécanismes d’une complexité telle que, par leurs effets induits, ils risqueraient de se révéler des remèdes pires que le mal prétendument soigné.

Le choix de la prudence ne signifie pourtant pas une renonciation à rechercher les moyens de conforter l’ISF en tant qu’impôt de solidarité. Parmi les pistes envisageables figure, évidemment, la réduction des pratiques excessives d’optimisation fiscale par certains redevables, lesquelles confinent à l’évasion pure et simple.

L’impôt de solidarité sur la fortune, parce qu’il comporte des règles complexes, dont certaines peuvent générer des effets de seuils importants, et parce qu’il concerne des redevables ayant la capacité, et les moyens, de procéder à une optimisation fine, nécessite de garantir la plus grande effectivité de son prélèvement en procédant à quelques aménagements de ses règles d’assiette. Ces modifications auront pour but d’éviter que soit minorée artificiellement la capacité contributive de redevables un peu trop habiles.

Telles sont les raisons qui justifient les mesures contenues dans le présent projet de loi de finances, que votre Rapporteur général vous proposera d’ailleurs de compléter.

I.- Une contribution accrue demandée aux ménages les plus fortunés

Le présent article contient, pour sa part, deux mesures alourdissant le poids des cotisations d’ISF :

- l’absence, cette année encore, d’actualisation des limites des tranches du barème ;

- le renforcement de la progressivité de l’impôt par la création d’une nouvelle tranche marginale. Elle s’appliquerait aux patrimoines supérieurs à 100 millions de francs.

Le présent article prévoit enfin l’intégration de la majoration spéciale de 10% dans le barème de l’ISF.

A.- L’absence d’actualisation des limites des tranches du barème

La hausse des prix hors tabac, calculée en moyenne, telle qu’évaluée pour 1999 atteint 1,2%. En l’absence de réévaluation à cette hauteur, un gain de l’ordre de 70 millions de francs peut être obtenu par l’effet spontané de l’évolution nominale des évaluations servant à asseoir l’impôt. On peut d’ailleurs rappeler que l’absence de revalorisation du barème de l’ISF en 1997 (hausse moyenne des prix hors tabac de 1,1%) et 1998 (hausse moyenne de 0,8%) a pu procurer un gain supplémentaire de l’ordre, respectivement, de 140 millions et 90 millions de francs.

B.- La création d’une nouvelle tranche supérieure de l’ISF

Le présent article propose ensuite de créer une tranche supplémentaire d’imposition pour les patrimoines supérieurs à 100 millions de francs. Un taux de 1,80% lui serait appliqué.

L’ISF est d’ores et déjà un impôt fortement progressif, c’est-à-dire dont l’essentiel du produit est effectivement supporté par ses redevables les plus fortunés.

En 1997, les patrimoines inférieurs à 7,64 millions de francs représentaient 51,46% des redevables, mais ils assuraient seulement 7,5% du produit de l’impôt, pour une cotisation moyenne de 7.190 francs. En revanche, les patrimoines supérieurs à 23,54 millions de francs, regroupant 5,25% des redevables, supportaient 52,5% du produit de l’impôt, pour une cotisation moyenne de 246.723 francs dans l’avant-dernière tranche et de 1.242.660 francs dans la dernière tranche. Les redevables dont le patrimoine dépasse 15,16 millions de francs acquittent, pour leur part, 67,3% du produit de l’impôt, alors qu’ils ne représentent que 12,5% des personnes imposées.

D’après les informations recueillies par votre Rapporteur général, le nombre de redevables dont le montant déclaré de patrimoine net imposable a dépassé 100 millions était de l’ordre de 800 en 1997. Parmi eux, un peu plus de 425 redevables ont bénéficié du plafonnement de leur cotisation en 1997, dont environ 280 en subissant la limitation de ce mécanisme. Le revenu net moyen imposable (18) à l’impôt sur le revenu de 1996, sans prise en compte des plus-values taxées à un taux forfaitaire et des revenus taxés selon le système du quotient, était de l’ordre de 3 millions de francs pour cette catégorie de redevables.

Si l’on compare la répartition des bases imposables de ces contribuables, par type d’actif, avec la même répartition pour l’ensemble des redevables de l’ISF, il apparaît, que si cet impôt, pris globalement, ne pèse pas principalement sur le capital immobilier, cette constatation vaut plus encore dans la tranche supérieure d’imposition.

En 1997, pour l’ensemble des redevables de l’ISF, les immeubles n’ont représenté que 38,57% des bases imposables et les biens meubles 67,73%. Si l’on considère maintenant les contribuables ayant plus de 100 millions de francs d’actif net déclaré, le capital immobilier imposable à l’ISF a atteint 12,71 milliards de francs (soit 6,70% de l’actif net propre à ces redevables), alors que les valeurs mobilières ont représenté 157,68 milliards de francs (soit 94,66% de l’actif net propre à ces redevables).

Le tableau suivant présente la répartition des bases imposables de ces contribuables par type d’actif.

                   

    RÉPARTITION DES BASES IMPOSABLES PAR TYPE D’ACTIF EN 1997

    Éléments du patrimoine déclarés après abattement éventuel
    Ensemble des redevables de l’ISF

    Montant
    (
    en millions
    de francs)

    Pourcentage de l’actif net imposable


    Éléments du patrimoine déclarés après abattement éventuel Ensemble des redevables dont le montant de patrimoine net imposable est supérieur à
    100
    millions de francs de l’ISF

    Montant
    (
    en millions de francs)

    Pourcentage de l’actif net imposable

    Immeubles bâtis     Immeubles bâtis    
    Résidence principale 241.413 12,22 Résidence principale 3.002 1,58
    Autres immeubles 489.600 24,77 Autres immeubles 9.135 4,82
    Sous-total 731.013 36,99 Sous-total 12.137 6,40
    Immeubles non bâtis     Immeubles non bâtis    
    Bois, forêts et groupements forestiers 3.105 0,16 Bois, forêts et groupements forestiers 177 0,09
    Biens ruraux loués à long terme 4.434 0,22 Biens ruraux loués à long terme 54 0,03
    Parts de GFA 1.117 0,05 Parts de GFA 37 0,02
    Autres biens 22.670 1,15 Autres biens 305 0,16
    Sous total 31.326 1,58 Sous total 573 0,30

    Total des immeubles

    762.339 38,57

    Total des immeubles

    12.710 6,70
    Biens meubles     Biens meubles   5,10
    Droits sociaux 50.259 2,54 Droits sociaux 9.677 70,12
    Autres valeurs mobilières 868.164 43,93 Autres valeurs mobilières 132.941 7,94
    Liquidités 208.337 10,54 Liquidités 15.063 16,60
    Autres biens meubles 211.682 10,71 Autres biens meubles 31.462 00,76

    Total des biens meubles

    1.338.442 67,73

    Total des biens meubles

    189.143 99,76

    Total des immeubles et des biens meubles


    2.100.781

    106,31

    Total des immeubles et des biens meubles


    201.853

    106,46
    Forfait mobilier 4.660 0,23 Forfait mobilier 0 0
    Total de l’actif brut 2.105.441 106,54 Total de l’actif brut 201.853 106,46
    Passif et autres déductions 129.371 6,54 Passif et autres déductions 12.257 6,46
    Patrimoine net imposable 1.976.070 100

    Patrimoine net imposable

    189.596 100

D’après des données du Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie.

Il ressort de ces données que la création d’une nouvelle tranche marginale d’ISF peut, pour une grande part, s’apparenter à une forme d’imposition supplémentaire du capital financier.

Le produit attendu de la création de cette nouvelle tranche est estimé à 200 millions de francs. Il convient toutefois de ne pas oublier que des cas de « délocalisations » se produiront sans doute, qui pourraient alors aboutir à une diminution du produit réellement retiré de la mesure par rapport au produit attendu.

C.- L’intégration de la majoration de 10% dans le barème de l’ISF

L’article 3 de la première loi de finances rectificative pour 1995 (n° 95-885 du 4 août 1995) a institué une majoration forfaitaire temporaire, « pour 1995 et les années suivantes », égale à 10% du montant des cotisations d’ISF due par toutes les personnes qui en sont redevables. Ce dispositif a été codifié sous l’article 885 V ter du code général des impôts qui serait abrogé par le paragraphe I du présent article.

Cette majoration s’applique au montant de l’impôt après plafonnement de l’ISF, tel qu’il est prévu à l’article 885 V bis du code précité. Cette exclusion expresse vise à éviter le jeu du plafonnement sur la majoration. Un redevable dont la cotisation est plafonnée doit donc acquitter la majoration. Un redevable dont la cotisation d’ISF et d’impôt sur le revenu est inférieure à 85% de ses revenus disponibles, mais qui aurait franchi ce seuil du seul fait de la prise en compte de la majoration, ne peut pas se prévaloir du plafonnement.

L’intégration de la majoration dans le barème (+10% appliqué à chaque taux), par rapport à une majoration appliquée à la cotisation résultant de l’application du barème aura pour conséquence de faire jouer le mécanisme du plafonnement à l’égard du surplus de cotisation résultant de cette intégration.

II.- Éléments d’information sur l’impôt de solidarité
sur la fortune

      Le produit de l’ISF a atteint 10,06 milliards de francs en 1997, en y incluant les résultats du contrôle, contre 9,92 milliards de francs en 1996 (+12,8%), en tenant compte de la majoration exceptionnelle de 10%. 179.899 redevables l’ont acquitté, sur une base taxable de 1.976 milliards de francs. On constate donc une augmentation du nombre de redevables et de la base taxable, alors que tous deux avaient diminué en 1996. L’augmentation des cours des valeurs mobilières s’est, en effet, traduite par une hausse de la valeur du capital mobilier. Par exemple, l’indice CAC 40 a crû de 23,7% en 1996.

    COMPARAISON DE L’ISF 1996 ET DE L’ISF 1997

    (en milliards de francs)

     

    1996

    1997

    Produit de l’ISF (1) 9,92 MDF (1) 10,06 MDF (1)
    Nombre de redevables 173.629

      178.899

    Patrimoine taxable 1.843 MDF

      1.976 MDF

    (1) Y compris la majoration exceptionnelle de 10%.

    Source : Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie.

      Comme le montre le tableau ci-après, le produit de l’impôt reste très concentré.

                               

    VENTILATION DE L’ISF 1997 PAR TRANCHE DE PATRIMOINE IMPOSABLE

       


    Patrimoine imposable


    Produit de l’ISF (1)


    Tranches d’actif net imposable

    Nombre de redevables

    Montant
    (en millions de francs)


    Pourcentage

    Montant (en millions de francs)


    Pourcentage

    < 7,64 millions de francs 92.072

    557.965

    28,2

    662

    7,5
    de 7,64 à 15,16 millions de francs 64.511

    657.666

    33,3

    2.275

    25,2
    de 15,16 à 23,54 millions de francs 12.927

    238.140

    12,1

    1.352

    14,8
    de 23,54 à 45,58 millions de francs 6.562

    203.619

    10,3

    1.619

    17,7
    > 45,58 millions de francs 2.827

    318.680

    16,1

    3.513

    34,8
    TOTAL 178.899

    1.976.070

    100,0

    9.421

    100,0
    (1) Y compris la majoration exceptionnelle de 10%, hors résultats du contrôle.

    Source : Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie.

      Le tableau ci-après précise la ventilation de l’ISF en 1997 par tranche de cotisation. On constate que :

      – 36,36% (39,94% en 1996) des redevables ont payé moins de 10.000 francs d’impôt ; ils représentaient 18,65% des bases imposables et ont acquitté 3,27% du produit de l’impôt ;

      – 80,49% (80,36% en 1996) des redevables ont payé moins de 50.000 francs d’impôt ; ils représentaient 52,98% des bases et ont acquitté 23,02% du produit de l’impôt ;

      – 1,28% (1,14% en 1996) des redevables ont payé au-delà de 500.000 francs d’impôt ; ils représentaient 14,69% des bases, mais ont acquitté 33,86% du produit de l’impôt.

                 

    VENTILATION DE L’ISF 1997 PAR TRANCHE DE COTISATION

       


    Patrimoine imposable


    Produit de l’ISF (1)


    Tranches de cotisation (en francs)
    (1)

    Nombre de redevables

    Montant
    (en millions de francs)


    Pourcentage

    Montant
    (en millions de francs)


    Pourcentage

    0 1.657 10.475 0,5 0 0,0
    de 1 à 5.000 33.028 172.738 8,7 84 0,9
    de 5.001 à 10.000 30.380 185.449 9,4 225 2,4
    de 10.001 à 20.000 37.977 277.666 14,1 541 5,7
    de 20.001 à 50.000 40.961 400.721 20,3 1.319 14,0
    de 50.001 à 100.000 18.967 274.487 13,9 1.305 13,9
    de 100.001 à 500.000 13.635 364.120 18,4 2.657 28,2
    de 500.001 à 1.000.000 1.347 90.803 4,6 828 9,8
    plus de 1.000.000 947 199.611 10,1 2.362 25,1
    TOTAL 178.899 1.976.070 100,0 9.421 100,0
    (1) Y compris la majoration exceptionnelle de 10%.

    Source : Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie.

      En moyenne, la cotisation du redevable de l’ISF atteignait 52.660 francs en 1997. Compte tenu de la dispersion des redevables le long de l’échelle des patrimoines, cette moyenne varie en réalité de 7.190 francs à 1.242.660 francs selon les tranches du patrimoine imposable. En 1996, la cotisation moyenne d’ISF s’élevait à 48.496 francs.

    COTISATION MOYENNE D’ISF 1997 PAR TRANCHE DE PATRIMOINE IMPOSABLE



    Tranches d’actif net imposable



    Nombre de redevables


    Produit de l’ISF
    (1) Montant
    (en millions
    de francs)


    Cotisation moyenne d’ISF

    Montant
    (en francs)

    < 7,64 millions de francs 92.072 662 7.190
    de 7,64 à 15,16 millions de francs 64.511 2.275 35.265
    de 15,16 à 23,54 millions de francs 12.927 1.352 104.587
    de 23,54 à 45,58 millions de francs 6.562 1.619 246.723
    > 45,58 millions de francs 2.827 3.513 1.242.660
    TOTAL 178.899 9.421 52.660
    (1) Y compris la majoration exceptionnelle de 10%.

    Source : Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie.

      On dénombrait 2.509 redevables plafonnés en 1997 contre 2.804 en 1996 (-10,52%). En effet, le total formé par l’ISF et l’impôt sur le revenu ne peut excéder 85% des revenus nets imposables à l’impôt sur le revenu (ou soumis à un prélèvement libératoire) au titre de l’année précédente. En cas d’excédent, le redevable est dispensé d’acquitter le surplus. Toutefois, depuis le 1er janvier 1996 et pour les contribuables dont le patrimoine excède la limite supérieure de la troisième tranche du barème (15,16 millions de francs pour 1999), la diminution de l’ISF ne peut excéder 50% du montant de la cotisation due avant plafonnement ou le montant de l’impôt correspondant à un patrimoine taxable égal à la limite supérieure de la troisième tranche du barème (72.570 francs) si ce montant est supérieur.

         

    NOMBRE DE REDEVABLES PLAFONNÉS EN 1996 ET 1997
    PAR TRANCHE DE PATRIMOINE


    Tranches de patrimoine

    (en millions de francs)


    Effectif
    1996


    Effectif
    1997

    < 7,64 millions de francs 408 263
    de 7,64 à 15,16 millions de francs 576 510
    de 15,16 à 23,54 millions de francs 349 306
    de 23,54 à 45,58 millions de francs 524 532
    > 45,58 millions de francs 947 898
    TOTAL 2.804 2.509

    Source : Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie.

      L’analyse du patrimoine par nature d’actif et tranche de patrimoine montre que les immeubles représentaient, en 1997, 38,57% de l’actif net imposable contre 41,53% en 1996 et 44,54% en 1995. La part des immeubles dans l’actif net imposable continue donc d’être en diminution. Celle de la résidence principale baisse également et représente 12,22% de l’actif net, contre 13,08% en 1996 et 15,37% en 1995.

      Le poids des valeurs mobilières augmente sensiblement et représente 57% de l’actif net, contre 45,23% en 1996 et 44,99% en 1995.

    RÉPARTITION DES BASES EN FONCTION DU NIVEAU DU PATRIMOINE (1997)

    (en millions de francs)

     

    Montant du patrimoine imposable


    Ensemble

    Éléments du patrimoine

    de 4,7 (seuil)
    à 6 millions de francs

    Plus de
    35 millions de francs

    des redevables

    Immeubles 142.639 51.868 762.339
    Meubles 121.788 358.365 1.138.442
    Forfait mobilier 1.300 62 4.660
    Passif - 17.632 - 25.324 - 129.371
    Actif net imposable 248.095 384.971 1.976.070

    Source : Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie.

      La ventilation de chacun des types de patrimoine (immobilier et mobilier) est la suivante.

    COMPOSITION DU PATRIMOINE IMMOBILIER SELON SON IMPORTANCE EN 1997

    (en millions de francs)

     

    Montant du patrimoine imposable


    Ensemble

    Nature des actifs immobiliers

    de 4,7(seuil) à 6 millions de francs

    Plus de 35 millions de francs

    des redevables

    Résidences principales 55.778 12.254 241.413
    Autres immeubles 82.022 37.337 489.600
    Bois et forêts et parts de groupement forestier 366 483 3.105
    Biens ruraux loués à long terme 684 267 4.434
    Part de groupements fonciers agricoles 124 114 1.117
    Autres biens non bâtis 3.666 1.413 22.670
    Total des immeubles 142.640 51.868 762.339

    Source : Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie.

    COMPOSITION DU PATRIMOINE MOBILIER
    SELON SON IMPORTANCE EN 1997

    (en millions de francs)

     

    Montant du patrimoine imposable

    Ensemble


    Éléments du patrimoine

    de 4,7 (seuil) à 6 millions
    de francs

    Plus de 35 millions de francs

    des redevables

    Liquidités 2.810 33.307 208.337
    Valeurs mobilières 75.015 265.329 918.423
    Autres meubles 19.963 59.729 211.682
    Forfait mobilier 1.300 62 4.660
    Total des biens meubles 123.088 356.427 1.343.102

    Source : Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie.

      En comparant ces données avec celles des années précédentes, on constate que :

      – la part de la résidence principale a légèrement remonté dans le total des actifs immobiliers : elle est de 31,66%, contre 31,49% en 1996, mais elle était de 34% en 1993. Elle constitue toujours une part de plus en plus faible du patrimoine immobilier au fur et à mesure que le patrimoine s’accroît. En effet, en deçà de 6 millions de francs, elle représente 39,10% du patrimoine foncier, au-delà de 35 millions de francs, la proportion est ramenée à 23,62% ;

      – la part des valeurs mobilières détenues par les possesseurs des patrimoines les plus importants (plus de 35 millions de francs) augmente légèrement. Elle représente 19,75% du total de l’actif mobilier en 1997, contre 19,08% en 1996. Il n’en est pas de même pour le portefeuille détenu par ceux ayant un patrimoine inférieur à 6 millions de francs (5,58% en 1997 contre 6,72% en 1996) ;

      – la part des autres biens meubles (dont les meubles meublants) continue de s’accroître : ils représentent 15,75% en 1997, contre 14,49% du total de l’actif mobilier en 1996.

      La structure démographique de l’ISF est stable. Les personnes ne déclarant aucune personne à charge, essentiellement des retraités, ont représenté 85% des redevables comme en 1996, leur part dans les déclarants à l’impôt sur le revenu, qui n’a pas varié, étant de 69%.

      Toutefois, le patrimoine déclaré par ces redevables est, en moyenne, inférieur à celui des familles plus nombreuses. Les personnes ayant plus de quatre personnes à charge sont celles qui déclarent le patrimoine moyen le plus important, de l’ordre de 13,911 millions de francs. Elles ne représentent cependant que 1% du total des déclarants.

             

    RÉPARTITION DES REDEVABLES DE L’ISF EN 1997 SELON
    LE NOMBRE DE PERSONNES À CHARGE

    COMPARAISON AVEC LES DÉCLARANTS À L’IR ET LE PATRIMOINE MOYEN


    Nombre de personnes à charge

    Ensemble des déclarants IR 1996 (en %)

    Redevables ISF 1997 (en %)

    Patrimoine moyen
    déclaré à l’ISF
    (en milliers de francs)

    Sans personne à charge

    69

    85

    10.908

    1 personne à charge

    14

    7

    11.210

    2 personnes à charge

    11

    5

    11.849

    3 personnes à charge

    4

    2

    12.947

    4 personnes à charge et plus

    2

    1

    13.911

    Source : Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie.

      Enfin, géographiquement, les redevables sont toujours concentrés en Ile-de-France, mais la part de cette région continue de reculer par rapport aux deux dernières années.

      Les ressortissants de cette région représentent 47,9% de l’effectif total des redevables (contre 49% en 1996 et 50,6% en 1995) et ils assurent 57,5% du produit total de l’impôt (contre 57,8% en 1996 et 60,3% en 1995). Leur cotisation moyenne, est de 67.144 francs, supérieure de plus de 20% à la cotisation moyenne nationale, égale à 55.929 francs.

      Les régions Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur viennent ensuite et ont représenté, respectivement, 6,7% et 6,5% de l’impôt payé en 1997.

                           

    MONTANT DE L’ISF PAYÉ PAR RÉGION EN 1997

     

    Déclarations imposables déposées au titre de 1997 (1)

    Paiements reçus au cours de l’année (2)

    Cotisation moyenne

    Régions

    Nombre

    en %

    Montant (en milliers de francs)

    en %

    en 1996
    (en francs) (2)

    Ile-de-France 86.119 47,9 5.782.364 57,5 67.144
    Champagne-Ardennes 2.556 1,4 120.010 1,2 46.952
    Picardie 3.496 1,9 187.400 1,8 53.604
    Haute-Normandie 3.210 1,8 126.977 1,3 39.557
    Centre 5.117 2,8 237.505 2,3 46.419
    Basse-Normandie 2.381 1,3 110.474 1,1 46.398
    Bourgogne 2.927 1,6 117.496 1,2 40.142
    Nord-Pas-de-Calais 6.709 3,7 438.073 4,3 65.296
    Lorraine 2.764 1,5 125.883 1,2 45.709
    Alsace 2.979 1,6 180.058 1,8 60.442
    Franche-Comté 1.273 0,7 55.388 0,5 43.510
    Pays de Loire 5.381 3,0 233.596 2,3 43.411
    Bretagne 4.638 2,5 185.962 1,8 40.095
    Poitou-Charentes 2.625 1,4 128.905 1,3 49.106
    Aquitaine 5.736 3,2 241.267 2,4 42.061
    Midi-Pyrénées 4.078 2,2 149.777 1,5 36.728
    Limousin 1.074 0,6 57.824 0,6 53.839
    Rhône-Alpes 13.592 7,5 676.148 6,7 49.746
    Auvergne 1.985 1,1 74.759 0,7 37.661
    Languedoc-Roussillon 3.466 1,9 136.622 1,3 39.418
    Provence-Alpes-Côte-d’Azur (3) 16.897 9,4 649.996 6,5 38.468
    Total Métropole 179.003 99,5 10.016.484 99,6 55.957
    DOM 883 0,5 44.367 0,4 50.245
    TOTAL NATIONAL 179.886 100,0 10.060.851 100,0 55.929
    (1) Le nombre de déclarations qui figure sur ce tableau est issu d’une centralisation des déclarations au 31 décembre 1997.

    (2) Paiements reçus ou cotisations versées en 1997 au titre de l’ISF 1997 ou des années antérieures y compris la majoration exceptionnelle de 10%.

    (3) Y compris la Corse.

    Source : Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie.

*

* *

La Commission a examiné un amendement de M. Gilbert Gantier tendant à éviter la création d’une tranche de patrimoine imposée à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au taux de 1,8% pour la fraction de patrimoine qui excède 100 millions de francs.

M. Gilbert Gantier a expliqué que cette mesure, qui concernait peu de contribuables, aurait pour effet la délocalisation des patrimoines.

Votre Rapporteur général a confirmé que 800 foyers fiscaux étaient concernés ; puis il a demandé le rejet de l’amendement.

La Commission a rejeté cet amendement et adopté l’article 8 sans modification.

      *

* *

Article additionnel après l’article 8

Taxation forfaitaire des œuvres d’art au titre de l'imposition de solidarité sur la fortune.

Texte de l’article additionnel :

I. L’article 885 I du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Art.885 I. Les objets d’antiquité, d’art ou de collection visés à l’article 795 A ou présentés au public dans des conditions fixées par décret et les objets d’art dont le créateur est vivant au 1er janvier de l’année d’imposition ne sont pas compris dans la base d’imposition à l’impôt de solidarité sur la fortune.

Cette exonération s’applique également aux parts de sociétés civiles mentionnées au troisième alinéa de l’article 795 A à concurrence de la fraction de la valeur des parts représentatives des objets d’antiquité, d’art ou de collection.

Le décret prévu au premier alinéa fixe notamment les dispositions types selon lesquelles une convention est souscrite entre les ministres chargés de la culture et des finances et le propriétaire des oeuvres.

Les droits de la propriété littéraire et artistique et les droits de la propriété industrielle ne sont pas compris dans la base d’imposition à l’impôt de solidarité sur la fortune de leur auteur ou de leur inventeur. »

II. L’article 885 S du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l’évaluation des objets d’antiquité, d’art ou de collection autres ce que ceux visés à l’article 885 I, la valeur déclarée par les redevables déclarant posséder de tels objets est égale à 3 % de l’ensemble des autres valeurs mobilières et immobilières du patrimoine déclaré. Les redevables peuvent apporter la preuve d’une valeur inférieure en joignant à leur déclaration les éléments justificatifs de la valeur des biens en cause. »

Observations et décision de la Commission :

Votre Commission a examiné un amendement présenté par votre Rapporteur général tendant à soumettre les œuvres d’art à une taxation forfaitaire au titre de l’imposition sur la fortune.

Dès la création de l’impôt sur les grandes fortunes, les objets d’antiquité, d’art ou de collection ont été exonérés sans condition. Aux termes de l’actuel article 885 I du code général des impôts : « les objets d’antiquité, d’art ou de collection et les droits de la propriété littéraire et artistique ne sont pas compris dans les bases d’imposition à l’impôt de solidarité sur la fortune ».

L’objet d’antiquité répond à une condition d’ancienneté : être un objet de plus de 100 ans d’âge. L’objet d’art répond au critère de l’œuvre originale réalisée par son auteur. Sont visés, en pratique, des articles correspondant aux rubriques du tarif extérieur commun utilisé pour l’assiette de la taxe forfaitaire sur les objets précieux et les métaux (19).

Les raisons qui sont à l’origine de cette exonération sont tirées :

– des difficultés d’évaluer les objets d’art,

– de la facilité de les dissimuler,

– des risques d’accroissement de la fraude et de l’évasion vers l’étranger,

– du possible refus des propriétaires privés de continuer à participer à la politique culturelle de l’Etat et des collectivités territoriales par les expositions ou le mécénat.

Le Président de l’Observatoire des mouvements internationaux d’œuvres d’art, M. André Chandernagor, s’est d’ailleurs prononcé, dans un rapport remis au ministre de la culture, au mois d’avril dernier, sur les conditions du développement du marché de l’art en France, en faveur du maintien de l’exonération. Il a estimé inopportune toute mesure qui méconnaîtrait le caractère international du marché de l’art pour les objets d’une valeur supérieure à 500.000 francs, marché qui est donc très mouvant et susceptible de délocalisations. Il a souligné, en outre, que pour être prospère, un marché national doit voir sa croissance s’accompagner du développement d’une capacité à attirer les objets, la France étant, à cet égard, en concurrence avec Londres et New-York.

Lors de son audition devant la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales de notre Assemblée, le 15 septembre 1998, Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, a, pour sa part, annoncé qu’un ensemble de mesures, notamment de nature fiscale, étaient à l’étude, à la demande du Premier ministre, visant à dynamiser le marché français de l’art.

Pour votre Rapporteur général, les contraintes concurrentielles du marché des œuvres d’art, qui sont réelles, ne doivent pas conduire à occulter un principe, non moins réel, de répartition de l’actif patrimonial, qui conduit, à mesure que la valeur du patrimoine augmente, à voir apparaître, à côté d’une part plus spécifiquement professionnelle, une part immobilière, puis une diversification vers les œuvres d’art. Pour autant, il faut tenir compte du très compréhensible refus des collectionneurs de voir instituer une quelconque forme d’inventaire forcé, générateur, lui, de dissimulation, alors qu’il n’apporterait, sur le plan du contrôle fiscal, qu’un surcroît de difficultés les services ne disposant, en effet, d’aucune expertise en la matière  (20).

Il est tout à fait légitime de préférer voir favoriser, en France, l’enrichissement des collections et des expositions, plutôt que l’organisation de colloques sur les législations propices à la fuite des œuvres d’art. Mais, entre l’exonération totale et l’instauration d’un système inquisiteur, il doit y avoir place pour un dispositif permettant de prendre en compte la forte capacité contributive dont la possession de certaines œuvres d’art est l’indéniable indice.

Le Conseil des impôts a d’ailleurs suggéré d’inclure les œuvres d’art dans le forfait mobilier, les redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pouvant, s’ils le souhaitent, apporter la preuve d’une valeur inférieure. Votre Rapporteur général partage une telle approche.

Le dispositif proposé a cherché à éviter les inconvénients de solutions trop compliquées ou inquisitrices.

Son champ d’application (paragraphe I du présent article) est délimité par exclusions successives d’œuvres, soit en raison de leur présentation au public, soit du fait que leur auteur est vivant au 1er janvier de l’année d’imposition :

– les objets d’antiquité d’art ou de collection visés à l’article 795 A du code général des impôts. Il s’agit des biens meubles qui constituent le complément historique ou artistique d’immeubles pour l’essentiel classés ou inscrits sur l’inventaire supplémentaire des monuments historiques, à la condition que les propriétaires aient souscrit avec les ministres chargés de la culture et des finances une convention à durée indéterminée prévoyant le maintien dans l’immeuble des meubles exonérés et leurs conditions de présentation, les modalités d’accès du public, ainsi que les conditions d’entretien des biens ;

– les objets d’antiquité, d’art ou de collections présentés au public dans les conditions fixées par décret. Ce décret devrait fixer des conditions types pour la signature d’une convention souscrite entre les ministres chargés de la culture et des finances et le propriétaire des œuvres ;

– les objets d’art dont le créateur est vivant au 1er janvier de l’année d’imposition.

Cette exonération s’appliquerait aussi aux parts de sociétés civiles propriétaires des monuments historiques à concurrence de la fraction de la valeur des parts représentatives des objets d’antiquité, d’art ou de collection mentionnées à l’article 795 A du code général des impôts.

Il en résulte a contrario que les autres œuvres d’antiquité, d’art ou de collection sont assujetties à la taxation forfaitaire.

Les modalités de l’imposition sont simplifiées, pour ne pas obliger les propriétaires d’œuvres d’art à procéder à un inventaire.

Le dispositif devrait être simple à mettre en application. Si le redevable de l’ISF ne possède pas d’œuvre d’art, il ne fait pas de déclaration. S’il possède des œuvres d’art, soit il décide de demeurer au forfait, fixé à 3% de son actif net, sans rien avoir à justifier, soit il estime que ses œuvres d’art ont une valeur inférieure à 3% de son actif net et il doit faire procéder à leur estimation et joindre les justificatifs à sa déclaration.

Le forfait est à taux unique, fixé à 3% (paragraphe II du présent article). La rédaction choisie vise expressément à empêcher une remise en cause du forfait, en vue de l’écarter, de la part de l’administration. La jurisprudence récente de la Cour de cassation, selon laquelle l’administration peut écarter le forfait si elle apporte la preuve que la valeur des meubles meublants, y compris les tableaux, dépasse le chiffre du forfait, ne s’appliquerait donc pas au forfait des œuvres d’art.

Enfin, le dernier alinéa du paragraphe I du présent article met fin à l’exonération des droits de la propriété littéraire et artistique pour les héritiers de l’auteur. Il aligne le régime applicable sur celui qui prévaut d’ores et déjà en matière de propriété industrielle.

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* *

Cet amendement a été soumis à discussion commune avec trois autres amendements respectivement présentés par MM. Jean-Pierre Brard, Christian Cuvilliez et Yves Cochet, tendant à inclure les œuvres d’art dans l’assiette de l’ISF.

Votre Rapporteur général a expliqué qu’il n’était pas favorable à l’incorporation de l’ensemble des œuvres d’art dans l’assiette de l’ISF, mais qu’il avait été observé que la détention de telles œuvres s’accroissait avec le montant du patrimoine, ce qui justifiait des dispositions fiscales spécifiques. Il a précisé que son amendement tendait à créer, pour les œuvres d’art, une évaluation forfaitaire égale à 3% de l’ensemble des autres valeurs du patrimoine déclaré, en excluant les œuvres dont le créateur est vivant et les œuvres exposées au public. Il a ajouté que cet amendement tendait à réserver l’exonération des droits de propriété littéraire et artistique aux seuls auteurs.

M. Jean-Pierre Brard a indiqué que son amendement incitait à la présentation d’œuvres d’art dans les châteaux des villages reculés. Il a retiré son amendement en demandant à cosigner celui de votre Rapporteur général. MM. Cuvilliez et Cochet ont également retiré leurs amendements pour cosigner celui de votre Rapporteur général.

      La Commission a adopté cet amendement (amendement n° I-13).

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      Après l’article 8

La Commission a examiné trois amendements soumis à discussion commune, respectivement de MM. Christian Cuvilliez, Jean-Pierre Brard et Yves Cochet, tendant à inclure les biens professionnels dans les bases de l’ISF.

M. Christian Cuvilliez a expliqué que son amendement visait à introduire une nouvelle logique d’imposition des grandes fortunes en intégrant les biens professionnels dans l’assiette de l’ISF.

M. Jean-Pierre Brard a considéré que les amendements proposés présentaient l’intérêt de limiter l’intégration des biens professionnels dans les bases de l’ISF aux grandes entreprises en exonérant, pour l’essentiel, les PME et PMI.

M. Yves Cochet a rappelé que le rapport de M. Charles de Courson sur les fraudes et les pratiques abusives avait donné comme exemple d’évasion fiscale l’exonération des biens professionnels de la base de l’ISF.

Votre Rapporteur général a émis un avis défavorable sur ces amendements en rappelant ses conclusions formulées dans le rapport sur la fiscalité du patrimoine qu’il avait publié en juillet 1998. Il a admis que, dans l’absolu, l’assiette la plus large était souhaitable, mais que l’intégration des biens professionnels dans l’assiette de l’ISF risquerait d’engendrer des effets pervers. Il a donc indiqué avoir choisi, en tenant compte des propositions des divers courants de la majorité plurielle, de durcir la fiscalité applicable en matière d’ISF. Il a ajouté que cette orientation devrait avoir des effets non négligeables, en portant le rendement à 14,9 milliards de francs en 1999 au lieu de 11 milliards de francs en 1998. Il a donc souhaité que l’on s’en tienne à l’équilibre proposé par le Gouvernement.

La Commission a rejeté ces trois amendements.

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Article 9

Limitation de l'exonération d'impôt de solidarité sur la fortune au titre des biens professionnels de l'activité de loueur en meublé.

Texte du projet de loi :

I. Au dernier alinéa de l’article 885 A du code général des impôts, la référence : “ 885 Q ” est remplacée par la référence : “ 885 R ”.

II. L’article 885 R du code général des impôts est ainsi rédigé :

“ Sont considérés comme des biens professionnels au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune les locaux d’habitation loués meublés ou destinés à être loués meublés par des personnes louant directement ou indirectement ces locaux, qui, inscrites au registre du commerce et des sociétés en qualité de loueurs professionnels, réalisent plus de 150 000 F de recettes annuelles et retirent de cette activité plus de 50 % des revenus à raison desquels le foyer fiscal auquel elles appartiennent est soumis à l’impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux, revenus des gérants et associés mentionnés à l’article 62. ”.

Exposé des motifs du projet de loi :

Des abus ayant été constatés dans le secteur d’activité des locations en meublé, il est proposé de limiter l’exonération d’impôt de solidarité sur la fortune au titre des biens professionnels aux seuls loueurs en meublé professionnels, qui retirent de leur activité plus de 150 000 F de recettes annuelles et plus de 50 % des revenus professionnels de leur foyer fiscal.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article vise à corriger une première forme d’évasion fiscale au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune.

Une stratégie d’optimisation fiscale, en vue de le minorer, peut, en effet, emprunter deux voies :

– celle d’une diminution de la base imposable. Le redevable utilisera alors les opportunités offertes par l’exonération attachée à certains biens, par exemple les biens professionnels, ou l’atténuation liée à certains modes d’évaluation, comme dans le cas d’un démembrement de la propriété ;

– celle de l’utilisation du plafonnement de l’ISF en fonction du revenu.

Votre Rapporteur général a pu se rendre récemment dans un centre des impôts relevant de la direction des services fiscaux de Paris-Ouest, qui gère, à elle seule, 21,4 % de l’ISF national. Il lui est apparu que si l’on s’attache à la typologie des redressements effectués par les « brigades ISF » qui traitent les dossiers complexes à très fort enjeu fiscal, 46,7 % des droits redressés résultaient d’une remise en cause de l’exonération de biens professionnels, 18,9% du redressement d’omissions de valeurs mobilières, surtout pour les titres non cotés, 15,4 % de la reprise de passifs, 12,5% enfin étant liés au plafonnement.

La question de l’évaluation des immeubles affectés à l’activité de location en meublé relève de la stratégie tendant à étendre le champ de l’exonération qui s’attache aux biens professionnels. En effet, dès lors qu’une activité donnée est ainsi prise en compte au titre de l’ISF, les immeubles affectés à son exercice pourront bénéficier de l’exonération, car ils constituent des outils de travail tels que définis à l’article 885 O du code général des impôts.

I.- Le dispositif actuel

Il résulte a contrario de l’article 885 R du code précité, que la reconnaissance de la qualité de loueur en meublé à titre professionnel, suppose de la part du propriétaire :

– qu’il soit inscrit au registre du commerce et des sociétés en qualité de loueur professionnel. En cas de refus d’inscription opposé par le greffe, en raison de la position de principe de celui-ci, déniant tout caractère commercial à l’activité de loueur en meublé, la preuve du refus opposé pour ce motif suffira cependant, selon la doctrine administrative, à présumer remplie la condition d’inscription (21) ;

– qu’il retire de cette activité 150.000 francs au moins de recettes annuelles ou 50% de son revenu global. Ce revenu s’entend du total des revenus nets catégoriels du redevable (avant déduction des charges du revenu global et des déficits des exercices antérieurs), y compris les revenus provenant de la location et, le cas échéant, des revenus taxables à un taux proportionnel ;

– qu’il exerce cette activité à titre principal. Lorsque le loueur en meublé exerce une activité salariée ou une autre activité à plein temps, l’activité de loueur en meublé ne peut pas constituer sa profession principale.

Dans le cas d’un couple dont l’un des époux ou concubin ne disposerait pas de revenus propres, la stratégie d’optimisation consistera donc, pour ce conjoint, à se déclarer personnellement loueur en meublé, les immeubles concernés par cette activité entrant ainsi dans le champ de l’exonération des biens professionnels.

Pour l’appréciation du critère de la part prépondérante dans le revenu global, il est clair qu’une prise en compte des revenus du foyer fiscal aura pour conséquence de relever le dénominateur du rapport entre les revenus tirés de la location en meublé et le revenu global. A l’instar de ce qui vaut en matière d’impôt sur le revenu, l’administration considère, que, l’ISF étant assis sur la valeur des biens possédés par tous les membres d’un même foyer fiscal, la part relative des revenus tirés de la location en meublés doit être appréciée par rapport à l’ensemble des revenus du ménage.

A l’opposé, la Cour de cassation a décidé que seuls doivent être pris en compte les revenus perçus par le titulaire de la profession à l’exercice de laquelle sont affectés les biens mis en location meublée (Cass com. 16 janvier 1990, n° 68 P, Baliak).

II.- La nouvelle définition proposée

Le présent article tend à transposer, au titre de l’ISF, la définition du loueur en meublé, prise en compte en matière d’impôt sur le revenu, au titre de l’article 151 septies du code général des impôts.

Le paragraphe II du présent article propose de remplacer, dans l’article 885 R du code général des impôts, l’actuelle définition a contrario des biens professionnels loués meublés par une définition positive :

– qui reprendrait la condition d’inscription au registre du commerce. Selon les informations recueillies par votre Rapporteur général, une instruction à paraître devrait confirmer expressément, au regard de l’ISF, la règle admise, en matière d’impôt sur le revenu, selon laquelle le refus opposé par un greffe à une demande d’inscription, tiré de la non reconnaissance du caractère commercial de l’activité en cause, entraînera la présomption que cette condition se trouve satisfaite ;

– qui imposerait de remplir simultanément la condition de recettes à la fois en niveau (150.000 francs) et en proportion des revenus encaissés ;

– qui donnerait valeur légale à l’interprétation contredite par la décision précitée de la Cour de cassation. La part prépondérante du revenu devrait désormais s’apprécier par rapport aux revenus du foyer fiscal pris en compte dans les catégories des traitements et salaires, des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles, des bénéfices non commerciaux, et, enfin, des revenus des gérants et associés mentionnés à l’article 62 du code général des impôts.

Comme la qualité de loueur en meublé non professionnel ne confère, par elle-même, aucun avantage au regard de l’ISF, la tentation d’en faire un moyen d’optimisation fiscale aura donc disparu.

Le paragraphe I du présent article constitue une disposition de coordination. Le passage d’une définition a contrario à une définition positive de la location en meublé rend nécessaire de mentionner désormais l’article 885 R dans l’article 885 A, qui énumère les articles définissant les biens professionnels exclus de l’assiette de l’ISF.

Le gain attendu de cette opportune mesure de moralisation peut être estimé, selon le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, à 150 millions de francs.

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La Commission a examiné deux amendements de suppression présentés par M. Michel Inchauspé et M. Gilbert Gantier.

M. Yves Deniaud a défendu la suppression de l’article en observant qu’il créait une discrimination entre les couples mariés, en s’appliquant de surcroît de façon plus sévère aux petits loueurs en meublé qu’à ceux qui possèdent un important patrimoine locatif.

M. Gilbert Gantier a regretté que l’article propose un régime dérogatoire à celui des biens professionnels, spécifique aux loueurs en meublé.

Après que votre Rapporteur général eut souligné que l’article tendait à éviter des phénomènes d’évasion fiscale, la Commission a rejeté ces amendements et adopté l’article 9 sans modification.

      *

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Article 10

Imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune des biens ou droits dont la propriété est démembrée.

Texte du projet de loi :

      L’article 885 G du code général des impôts est ainsi rédigé :

      “ Les biens ou droits dont la propriété est démembrée sont compris, pour leur valeur en pleine propriété, dans le patrimoine de la personne qui a constitué sur ces biens un usufruit, un droit d’usage ou d’habitation accordé à titre personnel, ou en cas de transmission à titre gratuit du droit réservé par celle-ci, dans le patrimoine du nouveau titulaire de ce droit.

      Toutefois, ces biens ou droits sont compris respectivement dans les patrimoines du propriétaire auteur du démembrement de propriété et du bénéficiaire de celui-ci suivant les proportions fixées à l’article 762 dans les cas énumérés ci-après :

      a. Lorsque la constitution de l’usufruit résulte de l’application des articles 767, 1094 ou 1098 du code civil. Les biens dont la propriété est démembrée en application d’autres dispositions, et notamment de l’article 1094-1 du code civil, ne peuvent faire l’objet de cette imposition répartie ;

      b. Lorsque le démembrement de propriété résulte de la vente ou de l’apport d’un bien dont le vendeur s’est réservé l’usufruit, le droit d’usage ou d’habitation ou la nue-propriété et que l’acquéreur ou le bénéficiaire de l’apport n’est pas l’une des personnes visées à l’article 751, ni une société contrôlée par le vendeur ou l’une de ces personnes ;

      c. Lorsque l’usufruit, le droit d’usage ou d’habitation ou la nue-propriété a été réservé par le donateur d’un bien ayant fait l’objet d’un don ou legs à l’Etat, aux régions, aux départements, aux communes ou syndicats de communes et leurs établissements publics, aux établissements publics nationaux à caractère administratif et aux organismes à but non lucratif ou fondations reconnus d’utilité publique. ”.

Exposé des motifs du projet de loi :

Il est proposé d’étendre la taxation en pleine propriété des biens ou droits dont la propriété est démembrée que l’auteur du démembrement se soit réservé l’usufruit ou la nue-propriété.

Le principe de l’imposition répartie serait maintenu dans les cas où le démembrement n’est pas source d’évasion fiscale.

Observations et décision de la Commission :

Pour déterminer la propriété des biens imposables à l’impôt de solidarité sur la fortune, le législateur a eu recours à des règles applicables aux mutations par décès et a fixé certaines règles propres à l’impôt de solidarité sur la fortune.

Parmi ces règles spécifiques, l’article 885 G du code général des impôts a institué un régime spécifique pour les biens grevés d’usufruit, d’un droit d’usage ou d’habitation. La mise en œuvre des règles traditionnellement applicables en matière de mutation, à savoir l’imposition de chacun des titulaires de droit pour la valeur que représente ce dernier, est apparue inopportune pour deux raisons :

– la première tient à ce que l’usufruitier est, en réalité, celui qui perçoit les revenus et jouit de la propriété du bien. Il dispose donc de la capacité contributive afférente à ce bien ;

– la seconde tient à ce que le démembrement de la propriété d’un bien permettrait, par diminution artificielle de la valeur du patrimoine, d’éluder l’impôt.

Or, certains redevables ont contourné ce dispositif en conservant la nue-propriété, et non l’usufruit, de sorte que le démembrement s’est trouvé opposable à l’administration.

I.- La règle actuellement posée par l’article 885 G
du code général des impôts

Cet article se substitue aux dispositions applicables en cas de mutation par décès, prévues à l’article 751 du code précité, aux termes duquel est réputé faire partie de la succession de l’usufruitier toute valeur mobilière, bien meuble ou immeuble, appartenant pour l’usufruit au défunt et pour la nue-propriété à l’un des héritiers présomptifs.

Le droit de propriété d’un bien peut être démembré en un droit de nue-propriété et un droit d’usufruit, constituant généralement un droit viager, ce qui conduit à la reconstitution de la pleine propriété du bien entre les mains du nu-propriétaire au décès de l’usufruitier.

L’usufruit est le droit de jouir d’une chose dont un autre a la propriété comme le propriétaire lui-même, mais à charge d’en conserver la substance (article 578 du code civil). Le droit d’usage est un droit réel de même nature que l’usufruit, mais inférieur en étendue (article 625 du code civil). Le droit d’habitation est un droit réel de même nature que l’usage, mais réduit au droit d’habiter tout ou partie d’un local.

L’article 885 G du code général des impôts prévoit, à cet égard, que les biens grevés d’usufruit, mais également des droits similaires, comme le droit d’usage ou le droit d’habitation, entreront dans le patrimoine de l’usufruitier ou du titulaire du droit pour leur valeur en pleine propriété. Cependant, si l’usufruit ne porte que sur une fraction de la valeur du bien, l’usufruitier ne sera taxé que sur la valeur en pleine propriété de cette fraction. En outre, rien n’interdit aux différents titulaires de droits de répartir entre eux différemment la charge de l’impôt par le biais d’une convention privée.

Un certain nombre d’exceptions ont été toutefois prévues afin de remédier aux effets pervers d’une assimilation excessive des droits d’usufruit à la pleine propriété, d’habitation ou d’usage, ces droits n’ayant pas la même portée, ou de prendre en compte le caractère non volontaire du démembrement de propriétés lorsqu’il résulte d’une disposition légale.

Ces exceptions permettent à l’usufruitier (ou au détenteur du droit) de ne déclarer que la valeur de son droit ; elles ne s’appliquent pas s’il vend ou cède son droit à titre gratuit. Cette répartition intervient suivant les proportions prévues dans le barème fixé à l’article 762 du code général des impôts pour les droit de succession. Un tel barème permet d’éviter toute surévaluation de l’usufruit à des fins d’évasion fiscale :

         

    BARÈME DE LA VALEUR DE LA NUE-PROPRIÉTÉ ET DE L’USUFRUIT POUR LA LIQUIDATION DES DROITS DE MUTATION À TITRE GRATUIT


    AGE de l’usufruitier

    Valeur de l’usufruit

    Valeur de la nue propriété

     

    Fraction de la propriété entière

    Fraction de la propriété entière

    Moins de :    

        20 ans révolus

    7/10

    3/10

        30 ans révolus

    6/10

    4/10

        40 ans révolus

    5/10

    5/10

        50 ans révolus

    4/10

    6/10

        60 ans révolus

    3/10

    7/10

        70 ans révolus

    2/10

    8/10

    Plus de 70 ans révolus

    1/10

    9/10

En premier lieu, ne sont pas pris en compte par l’article 885 G précité, les démembrements de propriété résultant d’une vente de la nue-propriété à deux conditions :

– il doit s’agir d’une vente stricto sensu, à l’exclusion d’autres mutations à titre onéreux tels que partage ou échange ;

– l’acquéreur ne doit être ni un héritier présomptif de l’usufruitier ni son descendant, donataire ou père, mère, descendant et époux de l’héritier présomptif ou donataire.

En second lieu, ne sont pas non plus pris en compte les démembrements qui résultent d’une disposition légale. Il en est ainsi :

– de l’usufruit légal du conjoint survivant, correspondant au quart ou à la moitié de la valeur de la succession du prédécédé (article 767 du code civil) ;

– de l’usufruit légal, réservé aux ascendants survivants après donation entre époux de la partie de la part réservataire en nue-propriété, lorsqu’il n’y a pas de descendant (article 1094 du code civil) ;

– de l’usufruit « forcé » du second conjoint (article 1098 du code civil).

Ce principe est conforme aux règles du droit civil pour lesquelles l’usufruitier est tenu d’assurer les charges afférentes aux biens dont il a la jouissance.

Enfin l’imposition séparée est appliquée dans le cas des donations avec réserve d’usufruit consenties à l’Etat ou à certaines collectivités publiques ou personnes morales.

La règle définie par l’article 885 G, pour l’imposition à l’ISF, répond, en outre, à une logique fiscale, car l’ISF a pour objet, selon les termes mêmes utilisés par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 81-133 DC du 30 décembre 1981, « de frapper la capacité contributive que confère la détention d’un ensemble de biens et qui résulte des revenus en espèces ou en nature procurés par ces biens », dès lors que la capacité contributive se trouve, en règle générale, entre les mains, non du nu-propriétaire, mais de l’usufruitier qui bénéficie des revenus ou des avantages afférents aux biens dont la propriété est démembrée.

La doctrine administrative précise toutefois que rien ne s’oppose à ce que l’usufruitier ou le titulaire du droit d’usage ou du droit d’habitation et le nu-propriétaire conviennent entre eux, à titre privé, de répartir différemment la charge effective de l’impôt.

On observera enfin que la présomption établie par l’article 885 G du code général des impôts est irréfragable, contrairement à ce qui prévaut en matière de droits de succession.

II.- Le présent article tend à renverser la présomption antérieure

L’administration a constaté que certains montages ont permis un excessif contournement des garanties organisées par les textes contre la perte organisée de la matière imposable. En particulier, la donation temporaire de l’usufruit d’un ou de plusieurs biens peut permettre à un redevable à l’ISF de diminuer artificiellement sa base imposable, voire de se soustraire à l’imposition.

L’objectif de ce type de démembrement est de transférer la charge de l’ISF à un membre du groupe familial non imposable ou moins imposé. La donation temporaire d’usufruit obéit, en effet, au barème fiscal fixé à l’article 762 du code civil, aux termes duquel « l’usufruit constitué pour une durée fixe est estimé aux deux dixièmes de la valeur de la propriété entière pour chaque période de dix ans de la durée de l’usufruit, sans fraction et sans égard à l’âge de l’usufruitier ».

On peut prendre l’exemple d’un donateur de plus de 70 ans, transférant en usufruit, pour trois enfants n’appartenant pas au foyer fiscal des parents, un patrimoine de 14,1 millions de francs en donnant à chacun l’usufruit d’un patrimoine de 4,7 millions de francs pour dix ans. La charge fiscale de la donation s’élève à 88.725 francs.

Dès lors que la donation d’usufruit temporaire est consentie au bénéfice d’enfants majeurs, les biens sont à déclarer pour leur valeur en pleine propriété dans le patrimoine des enfants. Si les enfants n’ont pas d’autres biens, ils ne paieront aucun ISF.

Mais le transfert de la charge d’ISF aux enfants permet, dès la première année, une économie de 232.650 francs pour les parents. Actualisée sur dix ans, l’économie d’impôt pour la famille est de l’ordre de 1.634.000 francs. Pour un coût s’élevant à 88.725 francs, l’économie annuelle actualisée d’impôts sera d’environ 361.000 francs.

Il faudrait également tenir compte de l’économie réalisée en matière d’impôt sur le revenu. Sur la base d’un rendement brut de 3 %, les revenus fonciers annuels s’élèveront à 141.000 francs, soit 112.512 francs nets. Actualisée sur dix ans au taux de 7 %, l’économie annuelle d’impôt (128.803 francs) s’élèvera à environ 904.00 francs (22).

La nouvelle rédaction proposée pour l’article 885 G du code général des impôts tend à neutraliser les conséquences de tels montages.

Le premier alinéa renverse la présomption antérieurement établie pour l’ISF. Désormais, la taxation en pleine propriété des biens démembrés interviendra « dans le patrimoine de la personne qui a constitué sur ces biens un usufruit, un droit d’usage ou d’habitation accordé à titre personnel ».

Une telle présomption s’appliquera à compter de l’imposition au titre de 1999, quelle que soit la date à laquelle le démembrement de propriété a été décidé.

Comme c’était le cas pour la présomption antérieure, cette présomption aura un caractère irréfragable.

De même, les exceptions permettant l’imposition répartie, qui existent actuellement, seraient maintenues sans modification en ce qui concerne les cas de démembrement légal (a de l’article 885 G) et dans les cas où l’usufruit est réservé par le donateur d’un bien à l’Etat ou à certaines personnes morales (c de l’article 885 G) .

Dans les cas de démembrement résultant d’une vente de la nue-propriété, le dispositif proposé tend à légaliser la doctrine administrative relative aux ventes et apports en nue-propriété de biens à une société. La nouvelle rédaction du b de l’article 885 G exclut ainsi expressément que les ventes et apports en nue propriété à une société, qu’il s’agisse d’apports purs et simples ou d’apports à titre onéreux, puissent donner lieu à l’imposition répartie si la société est contrôlée par le vendeur ou l’un de ses héritiers ou de leurs descendants ou l’un de ses donataires.

Les autres modifications sont rédactionnelles ; il s’agit :

– de l’inclusion expresse de la « région » parmi les personnes morales bénéficiaires de donation en pleine propriété ouvrant droit à la répartition de l’imposition au donateur qui s’est réservé l’usufruit ou le droit d’usage ou d’habitation,

– du remplacement de la notion d’associations reconnues d’utilité publique par la mention des « organismes à but non lucratif et fondations reconnus d’utilité publique ».

Le gain attendu de cette opportune mesure de moralisation peut être estimé, selon le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, à 50 millions de francs.

*

* *

La Commission a rejeté trois amendements de suppression de MM. Michel Inchauspé, Philippe Auberger et Gilbert Gantier et adopté l’article 10 sans modification.

*

* *

Article 11

Aménagement des règles du plafonnement de l'impôt de
solidarité sur la fortune.

Texte du projet de loi :

Au premier alinéa de l’article 885 V bis du code général des impôts, les mots : “ soumis en France et à l’étranger à l’impôt sur le revenu au titre de l’année précédente et des produits soumis à un prélèvement libératoire de cet impôt ” sont remplacés par les mots : “ , pris en compte pour la détermination de l’impôt sur le revenu au titre de l’année précédente après déduction des seuls déficits catégoriels dont l’imputation est autorisée par l’article 156, ainsi que des revenus exonérés d’impôt sur le revenu réalisés au cours de la même année en France ou hors de France et des produits soumis à un prélèvement libératoire ”.

Exposé des motifs du projet de loi :

Pour le calcul du plafonnement de l’impôt de solidarité sur la fortune, il est proposé de prendre en considération les revenus exonérés et de ne plus tenir compte que des déficits catégoriels professionnels.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article tend à « désactiver » un autre procédé d’optimisation fiscale en matière d’ISF. Le plafonnement de la cotisation d’ISF en fonction du revenu implique nécessairement que moins le montant des revenus du redevable de l’ISF est élevé, plus sa cotisation effective d’ISF peut diminuer. En conséquence « activer » le plafonnement revient à chercher les moyens d’augmenter les déficits imputables sur le revenu global.

Le dispositif de limitation du plafonnement a retiré une part d’utilité à des comportements extrêmes, car la règle du plancher de cotisation d’ISF pour les plus hauts patrimoines (50 % de cotisation avant plafonnement) ne justifie plus de chercher à annuler le revenu imposable, mais il ne les a pas éteints. Au surplus, la question demeure valable pour les patrimoines inférieurs à 15 millions de francs qui bénéficient du mécanisme du plafonnement sans limitation par rapport à 85% des revenus pris en compte.

I.- Rappel du mécanisme du plafonnement

La règle du plafonnement constitue l’une des principales innovations du dispositif de l’ISF par rapport à celui de l’impôt sur les grandes fortunes qui l’a précédé. Initialement fixé à 70 % des revenus nets imposables au titre de l’année précédente, pour le calcul de l’imposition au titre des années 1989 et 1990, il a été porté, depuis 1991, à 85 % de ces mêmes revenus.

La justification d’origine du plafonnement tient à la volonté d’ôter tout caractère confiscatoire à l’impôt sur l’actif net, en particulier dans le cas des redevables disposant d’un patrimoine dégageant une faible rentabilité, par exemple lorsqu’il est principalement immobilier, et percevant des revenus modestes.

En application de l’article 885 V bis du code général des impôts, les redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune qui ont leur domicile fiscal en France, au 1er janvier de l’année d’imposition, sont susceptibles de bénéficier d’un plafonnement de leur cotisation.

Par l’effet de ce plafonnement, la cotisation d’ISF est réduite de la différence entre :

– d’une part, le total de cet impôt et des impôts dus en France et à l’étranger au titre des revenus et produits de l’année précédente ;

         

    DÉFINITION DE L’IMPÔT SUR LE REVENU À PRENDRE EN CONSIDÉRATION

      ·   Cotisations d’impôt sur le revenu calculées d’après un barème progressif ou selon un taux proportionnel avant imputation des avoirs fiscaux, crédits d’impôt et retenues non libératoires

      ·   Prélèvements libératoires de l’impôt sur le revenu, y compris :

      – la contribution complémentaire de 1% sur les revenus de capitaux mobiliers

        abstraction faite :

      – des prélèvements opérés au profit de la sécurité sociale (1% social et CSG) (*)

      – des cotisations exigibles à l’étranger constituant un crédit
      d’impôt imputable sur la cotisation en France

     

      ·   dus en France ou à l’étranger

      ·   dus à raison des revenus perçus par les membres du foyer fiscal au sens de l’ISF qui a son domicile fiscal en France

      ·   dus au titre de l’année précédant celle de l’imposition à l’ISF

    (*) Toutefois les TGI de Paris et Nanterre ont jugé qu’il y avait lieu de tenir compte de la CSG et du prélèvement social de 1%.

– et, d’autre part, 85 % du total des revenus nets de frais professionnels soumis, en France et à l’étranger, à l’impôt sur le revenu au titre de l’année précédente et des produits soumis à un prélèvement libératoire de cet impôt. Les revenus exonérés d’impôt ne sont pas pris en compte.

Le plafonnement de l’impôt de solidarité sur la fortune permet, en conséquence, de limiter le total de l’ISF et des impôts sur les revenus de l’année précédente à 85 % de ces revenus. Si ce pourcentage est dépassé, l’impôt de solidarité sur la fortune est réduit de l’excédent constaté.

A la suite de comportements d’optimisation, quelque peu excessifs, de la part des redevables imposés dans les tranches moyenne et supérieure du barème, une limitation des effets du plafonnement a été instituée à compter de l’imposition de 1996.

Le paragraphe IV de l’article 6 de la loi de finances pour 1996, codifié au même article 885 V bis, a institué un dispositif limitant les effets du plafonnement. Cette limitation ne vise que les redevables dont le patrimoine taxable excède, au jour du fait générateur de l’impôt, la limite supérieure de la troisième tranche du barème de l’ISF. En 1999, cette limite restera fixée à 15.160.000 F comme en 1997 et 1998.

Pour les redevables dont le patrimoine n’excède pas cette limite, le mécanisme du plafonnement s’applique sans limitation par rapport à 85 % des revenus pris en compte.

Pour les autres redevables, la réduction appliquée à leur cotisation d’ISF ne peut être supérieure :

– à 50 % du montant de la cotisation d’ISF résultant de l’article 885 V du code général des impôts ;

– ou au montant de l’impôt correspondant à un patrimoine taxable égal à la limite supérieure de la troisième tranche du barème de l’ISF, soit 72.570 F en 1999, si ce montant est supérieur à 50 % de la cotisation.

ISF 1998 ET 1999

     

    Montant de l’ISF avant plafonnement

    Limitation du plafonnement

     

    < 67.340 F

    pas de limitation

    1998

    67.340 F < ISF <134. 680 F

    67.340 F

     

    > 134. 680 F

    50% de l’ISF

     

    < 72.570 F

    pas de limitation

    1999

    72.570 F < ISF < 145.140 F

    72.570 F

     

    > 145.140 F

    50% de l’ISF

A partir de 1999, le mécanisme du plafonnement, y compris la limitation de ses effets, s’appliquera à l’ancienne majoration de 10 % de la cotisation d’ISF dont l’intégration dans le barème est prévue à l’article 8 du présent projet de loi de finances.

Dans son seizième rapport sur l’imposition du patrimoine (1998), le Conseil des impôts a souligné qu’« en raison des réductions d’impôt auxquelles le dispositif du plafonnement aboutit dans certains cas, ce dernier ne peut pas être considéré comme un simple aménagement du barème à la marge, il conduit, pour ainsi dire, à redéfinir un nouveau barème aux taux divisés par deux pour les plus gros patrimoines qui dégagent apparemment peu de revenus ». 

Les enjeux du mécanisme du plafonnement sont importants pour l’équilibre de l’ISF.

Sa suppression, en l’absence d’une nouvelle définition de l’assiette et d’une baisse des taux, pourrait aboutir, dans certains cas, à une taxation confiscatoire. Il convient, d’ailleurs, de relever que la plupart des pays voisins qui appliquent, ou ont appliqué, une taxation de l’actif net ont institué un mécanisme de plafonnement.

SYSTÈMES DE PLAFONNEMENT DE LA COTISATION D’IMPÔT SUR L’ACTIF NET PAR RAPPORT AU REVENU DANS LES DIFFÉRENTS PAYS

    Pays

    Taux.
    Plafonnement

    Remarques

    Allemagne 0,5 % pour le patrimoine productif.

    1 % sur le reste. Pas de plafonnement.

    L’impôt n’est plus recouvré depuis le 1er janvier 1997 (1).
    Danemark 1 %.

    IR + IF < 71 % du revenu imposable

    L’impôt a été supprimé au 1er janvier 1997.
    Espagne Huit taux de 0,2 % à 2,5 %.

    IR+IF < 70 % du revenu imposable ; la réduction d’impôt ne peut excéder 80 % de la cotisation avant plafonnement.

     
    France Cinq taux de 0,5 % à 1,5 %.

    IR+ISF < 85 % du revenu imposable, avec limitation de la réduction d’impôt qui ne peut être supérieure au maximum de

    67 340 francs ou de 50 % de l’impôt initial

     
    Luxembourg Taux unique 0,5 %.

    Pas de plafonnement.

    En 1998, la valeur nette imposable des entreprises individuelles et des parts de sociétés de personnes a été réduite de 50 %. Les sociétés de capitaux ne bénéficient pas de cet abattement, mais peuvent, depuis le 1er janvier 1998, déduire le montant de l’impôt sur la fortune du montant de l’impôt sur les sociétés relatif au même exercice.

      (1) Le programme du parti social-démocrate allemand prévoit le rétablissement d’un impôt sur la fortune.

      Source : D’après le Conseil des impôts. Seizième rapport.

Votre Rapporteur général considère donc que le mécanisme du plafonnement et le dispositif limitant ses effets participent, chacun à sa manière, de l’équilibre d’ensemble de l’ISF tel qu’il a été conçu, à la suite de l’IGF, et tel que les dispositions du présent projet le confirment.

Pour sa part, la limitation des effets du plafonnement permet d’éviter que les hausses de barème, comme celle prévue à l’article 8 du présent projet, ne soient totalement neutralisées par le mécanisme même du plafonnement. Cette limitation joue un rôle de même nature à l’égard du contrôle de l’impôt en évitant que les redressements effectués soient, eux aussi, neutralisés par l’effet du plafonnement.

II.- Les revenus actuellement pris en compte pour le calcul du plafonnement

Dans la rédaction actuelle de l’article 885 V bis du code général des impôts, les revenus en cause sont les revenus, nets de frais professionnels, de chaque membre du foyer fiscal, ayant son domicile en France et soumis, en France ou à l’étranger, à l’impôt sur le revenu au titre de l’année précédant celle de l’imposition à l’ISF. S’y ajoutent les produits soumis à un prélèvement libératoire de l’impôt sur le revenu, la même année précédant celle de l’imposition à l’ISF, en France ou à l’étranger.

De cette définition, il résulte :

– qu’il n’est pas tenu compte des revenus exonérés d’impôt sur le revenu ;

– qu’en revanche, les revenus soumis à l’impôt sur le revenu provenant de biens n’entrant pas dans l’assiette de l’ISF sont, eux, pris en compte ;

– que les revenus pris en compte sont retenus pour leur montant net de frais professionnels, c’est-à-dire après imputation des seules déductions pratiquées au titre des frais professionnels ;

– qu’il est tenu compte du montant net imposable des plus-values, qu’il s’agisse de la cession de biens immeubles ou de biens meubles ou de la cession de droits sociaux ou de valeurs mobilières. Ces plus-values nettes sont retenues avant le report éventuel des pertes ou moins-values des années antérieures.

DÉFINITION DES REVENUS A PRENDRE EN COMPTE POUR LE CALCUL DU PLAFONNEMENT

         

    DÉFINITION DES REVENUS À PRENDRE EN COMPTE POUR LE CALCUL DU PLAFONNEMENT

      ·   Ensemble des revenus nets de frais professionnels soumis à l’impôt sur le revenu, à savoir :

      – Traitements et salaires et rémunérations des gérants (art. 62 du code général des impôts ) - 10 % et déduction forfaitaire supplémentaire ou frais réels ;

      – Pensions et rentes viagères à titre gratuit - 10 %

      – Pensions et rentes viagères à titre onéreux : fraction imposable en fonction de l’âge du crédirentier lors de l’entrée en jouissance ;

      – Revenus des capitaux mobiliers (y compris avoir fiscal et crédit d’impôt) avant abattement - Frais de garde ;

      – Revenus fonciers avant imputation des déficits antérieurs ;

      – Bénéfices agricoles, bénéfices industriels et commerciaux et bénéfices non commerciaux avant abattement centre de gestion agréé ou association agréée de gestion ;

      – Montant net imposable des plus-values (biens immeubles et meubles, droits sociaux et valeurs mobilières) avant imputation des pertes antérieures reportables.

      ·   Produits soumis à un prélèvement libératoire

     

      ·    en France ou à l’étranger

      ·   au titre de l’année précédant celle de l’imposition à l’ISF

      ·   perçus par chaque membre du foyer fiscal au sens de l’ISF, qui a son domicile fiscal en France.

Les revenus des différentes catégories, déterminés comme indiqué ci-dessus, sont ensuite totalisés. La prise en compte des pertes et des déficits s’effectue différemment des règles particulières d’imputation des déficits sur le revenu global pour l’impôt sur le revenu.

Au titre du plafonnement de l’ISF, les déficits commerciaux, les déficits non commerciaux, les déficits agricoles, les déficits des loueurs en meublés non professionnels et les déficits fonciers sont déduits du revenu de référence pour la seule année de leur réalisation. Pour leur part, les pertes provenant des cessions de valeurs mobilières, de droits sociaux, de parts de sociétés de personnes sont prises en compte l’année de leur réalisation dès lors que les cessions sont imposables, ce qui peut varier en fonction de la nature des titres cédés ou du franchissement de certains seuils. Dans tous les cas, l’appréciation du revenu de référence s’effectue indépendamment :

– des déficits des années antérieures, que ces déficits soient imputables sur le revenu global ou sur les seuls revenus de même nature ;

– des charges déductibles du revenu global ;

– de l’abattement en faveur des personnes âgées ou invalides (article 157 bis du code général des impôts) et de l’abattement au titre des enfants mariés ou chargés de famille rattachés (article 196 B, deuxième alinéa du code général des impôts).

Il résulte de ces règles que la possibilité de dégager un déficit catégoriel peut exercer une influence déterminante sur le montant de l’ISF par l’effet même du mécanisme du plafonnement. Dès lors que le revenu pris en compte s’entend de la somme algébrique de l’ensemble des revenus nets de frais professionnels réalisés au cours de l’année qui précède celle de l’imposition à l’ISF, tous les déficits d’une catégorie sont donc reportables sur les résultats des autres catégories.

Les règles applicables en matière d’impôt sur le revenu différent sensiblement. L’article 156 du code général des impôts a fixé un régime de déduction des déficits catégoriels beaucoup plus sévère que le précédent, y compris compte tenu des modifications apportées par l’article 72 de la loi de finances pour 1996, qui a interdit l’imputation sur le revenu global de déficits, qui sous le couvert d’une activité relevant des BIC, structurellement déficitaire, proviennent, en fait, de la réalisation de simples placements dans lesquels l’acquéreur n’assume pas les risques d’exploitation.

III.- Les modifications apportées par le présent article

Le présent article apporte trois modifications au dispositif précédent.

      ·   Il propose de remplacer la notion de revenus nets de frais professionnels « soumis en France et à l’étranger à l’impôt sur le revenu », par celle de revenus nets de frais professionnels « pris en compte pour la détermination de l’impôt sur le revenu  au titre de l’année précédente ». Selon les informations recueillies par votre Rapporteur général, cette rédaction vise à faire référence au fait que, par exemple, la déduction de 20% au titre des traitements et salaires, qui n’est juridiquement pas « soumise » à l’impôt sur le revenu, sera prise en compte pour le calcul de plafonnement au titre de l’ISF.

      ·   Il tend à remplacer la règle du report déficitaire propre à l’ISF par celle applicable en matière d’impôt sur le revenu.

L’article 156 du code général des impôts, qui fixe cette dernière règle, interdit d’imputer sur le revenu global :

– les déficits agricoles, lorsque le total des autres revenus nets catégorie dépasse 200.000 francs (article 156-I-1° du code général des impôts) ;

– les déficits d’activités commerciales à caractère non professionnel, c’est-à-dire des activités relevant du régime des BIC, créées ou reprises à compter du 1er janvier 1996, et dont les déficits peuvent seulement être imputés sur les bénéfices provenant d’activités de même nature exercées dans les mêmes conditions. L’imputation des déficits des loueurs en meublés non professionnels est limitée dans les mêmes conditions (article 156-I-1° bis du code général des impôts) ;

– des déficits non commerciaux à caractère non professionnel, c’est-à-dire autres que ceux provenant de l’exercice d’une profession libérale ou des charges et offices dont les titulaires n’ont pas la qualité de commerçants (article 156-I-2° du code général des impôts) ;

– les déficits fonciers, sauf dans la limite de 70.000 francs pour la fraction des déficits provenant des dépenses autres que les intérêts d’emprunt (article 156-I-3°) ;

– les pertes subies à l’occasion de certaines opérations financières non professionnelles (article 156-I-5° du code général des impôts) ;

– les pertes subies sur les marchés à terme, sur les marchés d’options négociables et sur les bons d’options (article 156-I-6° du code général des impôts).

Au total, ce qu’il est convenu d’appeler la « tunnelisation » des déficits s’appliquera donc désormais pour le calcul du plafonnement de la cotisation d’ISF.

      ·   Il vise à ajouter enfin à la liste des revenus pris en compte pour le calcul du plafonnement, les revenus exonérés d’impôts.

Seraient ainsi pris en compte, outre certains revenus d’épargne « défiscalisée » (revenus du livret A, du livret bleu, du CODEVI, du compte et du plan d’épargne logement, du livret jeune, du livret d’épargne entreprise ou du plan d’épargne ), les plus-values immobilières exonérées. Seraient prises en compte, dans ce cas, les exonérations en raison de la nature du bien comme la résidence principale, totalement exonérée à ce seul titre, ou la résidence secondaire qui bénéficie d’un abattement spécifique, et les exonérations par le jeu du correctif tenant à la durée de détention des biens qui aboutit à une exonération totale après vingt-deux ans de détention. De même, les plus-values réalisées à l’occasion de cessions de valeurs mobilières pour un montant inférieur au seuil d’assujettissement seraient prises en compte. Il en irait de même des gains réalisés à l’occasion de la participation aux jeux de hasard ou des revenus exonérés en raison des stipulations d’une convention fiscale.

Le gain attendu des dispositions de cet article est estimé à 50 millions de francs par le Gouvernement.

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La Commission a rejeté un amendement de suppression de M. Gilbert Gantier, puis trois amendements du même auteur tendant à élargir la base servant au plafonnement de l’ISF.

Elle a ensuite examiné un amendement de M. Pierre Méhaignerie tendant à revenir, en matière de plafonnement de l’ISF, à la situation existant antérieurement à la loi de finances pour 1996 en supprimant la limitation des effets du plafonnement.

M. Pierre Méhaignerie a regretté que l’amendement qu’il avait proposé dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 1997, et qui avait le même objet que l’amendement présenté, n’ait pas été adopté. Il a considéré que la limitation du plafonnement de l’ISF avait entraîné une délocalisation des patrimoines dramatique en termes d’emploi et de perte de recettes fiscales.

M. Charles de Courson a jugé ubuesque que la gauche ait institué le plafonnement de l’ISF, que la droite ait limité les effets de ce plafonnement et se soit ensuite révélée incapable de revenir à la situation antérieure. Il a souhaité l’adoption de l’amendement présenté par M. Pierre Méhaignerie afin d’éviter des délocalisations de patrimoines.

Votre Rapporteur général s’est opposé à cet amendement en considérant que l’absence d’élargissement aux biens professionnels de l’assiette de l’ISF rendait inopportune la limitation du plafonnement de cet impôt.

La Commission a rejeté cet amendement et adopté l’article 11 sans modification.

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Après l’article 11

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Philippe Auberger, tendant à supprimer la disposition de l’article 885 V bis du code général des impôts prévoyant une limitation du plafonnement de l’ISF.

Son auteur a rappelé que cette règle ne provenait pas d’une approche rationnelle, puisqu’elle avait été suggérée par l’administration fiscale qui était réticente à mettre en œuvre la procédure, plus adaptée, de répression des abus de droit. Il a jugé que les contribuables ne devaient pas prélever sur leur capital pour acquitter l’ISF. Si des abus sont constatés en matière de plafonnement, l’administration fiscale doit poursuivre sur le fondement de l’abus de droit.

Conformément à l’avis de votre Rapporteur général, la Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a ensuite examiné un amendement de M. Christian Cuvilliez tendant à réserver le dispositif de plafonnement de l’ISF aux seuls contribuables dont le patrimoine n’excédait pas la limite haute de la tranche assujettie au taux de 0,5%.

M. Christian Cuvilliez a indiqué que le résultat du dispositif de plafonnement n’était pas conforme aux objectifs visés par le législateur, puisque le niveau moyen des patrimoines en bénéficiant était supérieur au niveau moyen de l’ensemble des patrimoines assujettis à l’ISF.

La Commission a rejeté cet amendement, après un avis défavorable de votre Rapporteur général.

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Article 12

Modalités d'évaluation de la résidence principale en matière d'impôt de solidarité sur la fortune et de droits de mutation à titre gratuit.

Texte du projet de loi :

I. A l’article 761 du code général des impôts, il est inséré après le premier alinéa un deuxième alinéa ainsi rédigé :

“ Pour les immeubles dont le propriétaire a l’usage à la date de la transmission, la valeur vénale réelle mentionnée au premier alinéa est réputée égale à la valeur libre de toute occupation. ”.

II. Il est inséré dans le code général des impôts un article 764 bis ainsi rédigé :

“ Art. 764 bis. - Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l’article 761, il est effectué un abattement de 20 % sur la valeur vénale réelle de l’immeuble constituant au jour du décès la résidence principale du défunt lorsque, à la même date, cet immeuble est également occupé à titre de résidence principale par le conjoint survivant ou par un ou plusieurs enfants mineurs ou majeurs protégés du défunt ou de son conjoint. ”.

III. A l’article 885 S du code général des impôts, il est ajouté un deuxième alinéa ainsi rédigé :

“ Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l’article 761, un abattement de 20 % est effectué sur la valeur vénale réelle de l’immeuble lorsque celui-ci est occupé à titre de résidence principale par son propriétaire. En cas d’imposition commune, un seul immeuble est susceptible de bénéficier de l’abattement précité. ”.

Exposé des motifs du projet de loi :

Pour la liquidation des droits de mutation à titre gratuit et de l’impôt de solidarité sur la fortune, les immeubles sont évalués selon leur valeur vénale réelle au jour de la transmission. Il est proposé de préciser que cette valeur est libre de toute occupation sauf pour la résidence principale qui bénéficie d’un abattement dérogatoire et forfaitaire de 20 %.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article tend à instituer un abattement forfaitaire de 20% applicable à l’évaluation de la résidence principale dont le propriétaire est redevable de l’ISF. Un abattement du même pourcentage s’appliquerait en matière de droits de succession lorsque la résidence principale du défunt propriétaire est également celle du conjoint survivant et de ses enfants ou des enfants du défunt.

L’article 761 du code général des impôts, issu de l’article premier de la loi du 27 mai 1918, prévoit, pour la liquidation des droits de mutation à titre gratuit, que : « les immeubles quelle que soit leur nature, sont estimés d’après leur valeur vénale réelle à la date de la transmission ».

L’administration a précisé qu’une telle notion s’entend d’une conception objective de la valeur vénale réelle d’un bien immobilier. Cette valeur doit être appréhendée du point de vue d’un acheteur quelconque (valeur intrinsèque) et non du point de vue d’une personne déterminée (valeur de convenance). La valeur vénale réelle correspond donc au prix normal du marché établi d’après les règles généralement admises.

Une démarche identique a été retenue pour l’évaluation au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune, puisque l’article 885 D du code général des impôts prévoit que, sous réserve de dispositions particulières, l’ISF est assis et ses bases d’imposition sont déclarées selon les mêmes règles et sous les mêmes sanctions que les droits de mutation par décès.

L’administration a donc considéré, a priori légitimement, qu’un immeuble occupé par son propriétaire et qui n’est grevé d’aucun engagement de location ne peut être évalué que comme un immeuble libre.

Dans un arrêt du 13 février 1996, M. Fleury, la Cour de cassation a cependant décidé que la situation de fait résultant de l’occupation d’un appartement par son propriétaire devait être prise en compte pour l’évaluation de la valeur vénale de l’appartement au titre de l’impôt sur les grandes fortunes (23).

Dans une instruction du 20 mai 1996, la direction générale des impôts a décidé de rapporter sa doctrine antérieure et indiqué que ne serait pas remis en cause l’abattement pratiqué par le redevable de l’ISF sur l’estimation de la valeur vénale du logement dont il est le propriétaire occupant à titre de résidence principale, si cet abattement n’excède pas 20% de la valeur vénale du bien libre de toute occupation. Aucune instruction n’a été prise en ce qui concerne l’évaluation au titre des droits de mutation par décès.

Le présent article donne une base légale à cette dernière doctrine et l’étend expressément aux évaluations réalisées au titre des droits de succession.

Le paragraphe I du présent article complète l’article 761 du code général des impôts, qui fixe les principes applicables à l’évaluation des immeubles en matière de droits de mutation à titre gratuit. Il pose la règle générale que la valeur vénale réelle des immeubles dont le propriétaire a l’usage est réputée égale à la valeur libre de toute occupation. Il en résulte qu’une telle règle s’appliquera pour toutes les évaluations pour lesquelles aucune dérogation n’aura été expressément prévue et qu’en cas de dérogation, celle-ci devra être d’interprétation stricte.

Les paragraphes II et III du présent article prévoient précisément deux dérogations au principe général d’évaluation de l’immeuble dont le propriétaire à l’usage, pour le cas où l’immeuble est la résidence principale du propriétaire.

La notion de « résidence principale » ne diffère pas de celle « d’immeuble affecté à l’habitation principale » utilisée également en droit fiscal. Il s’agit de la résidence habituelle du propriétaire.

S’agissant d’une disposition dérogatoire, cette notion s’entend strictement. Si elle exclut clairement la résidence secondaire, votre Rapporteur général considère que les dépendances nécessaires et immédiates de la résidence, par exemple le garage ou l’aire de stationnement, doivent bénéficier de l’abattement. Dans le cas d’un immeuble partiellement affecté à l’usage professionnel ou loué, l’abattement ne s’appliquera qu’à la partie de l’immeuble effectivement affecté à la résidence principale.

Le paragraphe II tend à insérer dans le code général des impôts un nouvel article 764 bis fixant le principe d’évaluation de l’immeuble constituant la résidence principale du défunt au jour du décès. Un abattement est appliqué sur la valeur vénale évaluée selon le principe général prévu à l’article 761 tel que modifié par le paragraphe I du présent article.

Cet abattement s’applique :

- si l’immeuble constitue la résidence principale du défunt ;

- s’il est occupé à la date du décès dans les mêmes conditions, par le conjoint survivant ou par un ou plusieurs de ses enfants mineurs ou majeurs protégés à titre de résidence principale ;

- ou s’il est occupé, à la même date, par un ou plusieurs enfants mineurs ou majeurs protégés du défunt à titre de résidence principale.

L’abattement forfaitaire est égal à 20% de la valeur vénale réelle au sens de l’article 761 précité du code général des impôts.

Le paragraphe III du présent article vise à compléter l’article 885 S du code général des impôts qui prévoit, en matière d’ISF, l’application des règles d’évaluation propres aux droits de mutation par décès.

Cet article donne une base légale à l’interprétation stricte faite de la « jurisprudence Fleury », par l’administration. Dans le cas de l’ISF, imposition de l’actif net du foyer fiscal, la résidence habituelle du propriétaire est celle que le foyer a choisie comme le lieu où résident habituellement et effectivement les membres du foyer fiscal et où se situe le centre de leurs intérêts professionnels et matériels. Le présent article précise expressément qu’en cas d’imposition commune, un seul immeuble est susceptible de bénéficier de l’abattement. L’abattement forfaitaire est égal à 20%.

Le gain attendu de la mesure est estimé, d’après le Gouvernement, à 200 millions de francs au titre de la résidence principale et 600 millions de francs, au titre des résidences secondaires, pour l’ISF et à 300 millions de francs pour les droits de mutations à titre gratuit. Cette analyse résulte du fait qu’en rendant plus strictes les règles d’évaluation des immeubles occupés par leurs propriétaires, on interdit les dérives vers des abattements effectivement pratiqués supérieurs à 20% ou l’application d’abattements sur l’évaluation de propriétés autres que celles affectées à la résidence principale.

Dans son rapport sur l’exécution de la loi de finances pour 1996, la Cour des comptes avait estimé à 400 millions la perte de recettes budgétaires, résultant au titre de l’ISF, pour la seule année 1996, de l’arrêt Fleury. Dans son seizième rapport sur l’imposition du patrimoine, le Conseil des impôts a également estimé que la décision précitée de la Cour de cassation a contribué à la diminution, entre 1995 et 1996, de la valeur déclarée pour la résidence principale, à côté de la baisse des prix du marché immobilier.

Le choix est fait de donner un fondement légal à l’abattement de 20% sur l’évaluation de la résidence principale dans le cadre de l’ISF à travers le paragraphe III. Une telle démarche accepte de prendre en compte les « droits acquis de la jurisprudence Fleury ».

Il convient de rappeler, toutefois, que l’ISF bénéficie d’un très fort abattement à la base : 4,7 millions de francs. D’aucuns ont pu faire remarquer qu’aux Pays-Bas, pour l’évaluation de la résidence principale au titre de l’impôt sur l’actif net, il est prévu un abattement de 40% sur la valeur de marché. Mais il faut relever, que le seuil d’imposition est, dans ce pays, beaucoup plus bas qu’en France et qu’aucune réfaction sur l’estimation de la valeur de la résidence principale n’est prévue dans les autres pays imposant l’actif net. On aurait pu considérer que le niveau du seuil d’imposition permettait, d’ores et déjà, en France, un traitement particulier de la résidence principale.

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La Commission a examiné un amendement présenté par M. Jean-Jacques Jégou, tendant à porter à 30% de la valeur vénale le montant de l’abattement auquel il est procédé lorsque l’immeuble est occupé à titre de résidence principale par son propriétaire en matière de droit de succession ou de donation comme en matière d’ISF.

Après que son auteur eut relevé qu’il convenait de reprendre les principes retenus par la Cour de cassation dans son arrêt du 13 janvier 1996 (Chambre commerciale, Fleury) votre Rapporteur général a considéré que le niveau de l’abattement proposé par le Gouvernement permettait une évaluation correcte des immeubles occupés. Il a ajouté que la valeur vénale d’un immeuble était en toute rigueur sa valeur de mise en vente à l’état inoccupé.

La Commission a rejeté cet amendement.

Elle a également rejeté un amendement du même auteur prévoyant un abattement identique de 30% en matière de droit de mutation à titre gratuit uniquement.

      Elle a ensuite adopté l’article 12 sans modification.

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Article 13

Renforcement des obligations déclaratives relatives aux dettes déduites de l'impôt de solidarité sur la fortune.

Texte du projet de loi :

I. Il est inséré dans le code général des impôts un article 885 Z ainsi rédigé :

“ Art. 885 Z. - Lors du dépôt de la déclaration d’impôt de solidarité sur la fortune, les redevables doivent joindre à leur déclaration les éléments justifiant de l’existence, de l’objet et du montant des dettes dont la déduction est opérée. ”.

      II. L’article L. 23 A du livre des procédures fiscales est ainsi rédigé :

      “ En vue du contrôle de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut en outre lui demander des justifications sur la composition de l’actif et du passif de son patrimoine.

      Ces demandes, qui sont indépendantes d’une procédure d’examen de situation fiscale personnelle, fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois.

      En l’absence de réponse ou si les justifications prévues à l’article 885 Z du code général des impôts ou demandées en application du premier alinéa sont estimées insuffisantes, l’administration peut rectifier les déclarations d’impôt de solidarité sur la fortune en se conformant à la procédure de redressement contradictoire prévue à l’article L. 55. ”.

Exposé des motifs du projet de loi :

Lors du dépôt de la déclaration d’impôt de solidarité sur la fortune, les redevables devraient désormais joindre les pièces nécessaires à la justification de la déduction du passif.

En cas de non-respect de cette obligation, l’administration pourrait rectifier la déclaration en se conformant à la procédure de redressement contradictoire.

Observations et décision de la Commission :

Cet article a pour objet de préciser les informations, relatives aux dettes à déduire de l’actif, que l’administration fiscale peut demander au redevable de l’impôt de solidarité sur la fortune, indépendamment d’une procédure d’examen de situation fiscale personnelle.

L’article 885 E du code général des impôts dispose que l’impôt de solidarité sur la fortune est assis sur la valeur nette, au 1er janvier de l’année d’imposition, de l’ensemble des biens, droits et valeurs appartenant à la personne imposable, à son conjoint ou à son concubin et aux enfants mineurs dont l’un et l’autre ont l’administration légale des biens. L’article 885 D prévoit, pour sa part, que l’impôt de solidarité sur la fortune est assis selon les mêmes règles que les droits de succession.

Il en résulte que les dettes qui grèvent les patrimoines sont susceptibles d’être admises en déduction de l’assiette de l’impôt dans les mêmes conditions et dans les mêmes limites que pour les droits de succession.

C’est l’article 768 du code général des impôts qui fixe les conditions de déductibilité des dettes en matière de droits de succession. Il doit s’agir de dettes existant au 1er janvier de l’année d’imposition, qui sont à la charge personnelle du redevable et qui sont justifiées par tous les moyens de preuve compatibles avec la procédure écrite. Il n’est pas nécessaire que les dettes soient liquides pour être déductibles, il suffit qu’elles existent dans leur principe, leur déduction étant possible lorsque leur montant sera arrêté. En revanche, les dettes dont l’existence est incertaine ne sont pas déductibles.

Dans le cas d’un emprunt déductible, peuvent être déduits : le capital restant dû au 1er janvier de l’année d’imposition, les intérêts échus et non payés au 1er janvier et les intérêts courus au 1er janvier.

Aux termes de l’article 769 du code général des impôts, les dettes contractées pour l’achat des biens exonérés ou dans l’intérêt de ces biens sont imputées en priorité sur la valeur desdits biens. Lorsque l’exonération du bien auquel la dette se rapporte est partielle, la dette est déductible de l’actif brut dans les mêmes proportions que la valeur soumise à l’impôt. Par exemple, les dettes contractées pour l’acquisition de bois et forêts sont déductibles pour un quart de leur montant.

En conséquence, en matière d’ISF, les dettes professionnelles, c’est-à-dire nées de l’activité de l’entreprise et de son cycle d’exploitation, contractées pour l’achat ou dans l’intérêt des biens professionnels s’imputent en priorité sur la valeur des biens de cette nature. Si le montant des dettes professionnelles est supérieur à la valeur des biens considérés, le redevable peut seulement déduire cet excédent de la valeur des biens taxables.

Le présent article ne modifie pas ces règles d’imputation des déficits, qui sont claires. Son objet est de faciliter les conditions dans lesquelles l’administration fiscale peut vérifier l’affectation des emprunts aux différents éléments de l’actif, en particulier selon qu’il s’agit de biens exonérés et de biens imposables.

Le paragraphe I du présent article précise les informations que le redevable de l’ISF doit joindre à sa déclaration concernant les dettes dont la déduction de l’actif est opérée.

Actuellement, la documentation administrative précise que, dans l’hypothèse de la déduction d’un excédent de dettes professionnelles par rapport à la valeur des biens professionnels, en vue de justifier l’imputation de cet excédent, le redevable « doit alors, en annexe à sa déclaration: mentionner la composition détaillée de son patrimoine professionnel en l’accompagnant d’une évaluation de celui-ci (avec l’indication de la méthode retenue) ; communiquer la liste exhaustive des éléments ayant concouru à la formation de ce passif ». La notice pour remplir la déclaration d’ISF, explique à propos de l’annexe 4 de la déclaration F relative au passif et autres déductions, la méthode à suivre pour les dettes à imputation spéciale (dettes contractées pour l’achat de biens exonérés, dettes concernant les biens partiellement exonérés, dettes relatives aux biens professionnels). Elle rappelle également qu’en cas d’excédent de passif imputable sur la valeur des biens privés, le déclarant doit « fournir en annexe, sur papier libre, outre la composition détaillée de (son) patrimoine professionnel, tous les éléments de calcul (valeur de l’actif brut professionnel, à comparer au total des dettes professionnelles, à énumérer de façon exhaustive) permettant de dégager le montant de cet excédent imputable sur la valeur de (ses) biens privés ».

Le paragraphe I du présent article donne donc un fondement légal à l’obligation faite au déclarant de fournir les éléments justifiant de l’existence, de l’objet et du montant des dettes dont déduction est opérée.

Le paragraphe II du présent article tend à modifier l’article L. 23 A du livre des procédures fiscales en vue d’instituer une procédure de demande d’éclaircissements et de justifications propre à l’ISF et indépendante de la procédure d’examen de situation fiscale personnelle.

L’article L. 23 A du livre des procédures fiscales, qui prévoit la procédure de demande d’éclaircissements et de justifications en matière d’ISF, renvoie à l’article L. 16 du même livre, c’est-à-dire à la procédure applicable en matière d’impôt sur le revenu. L’article L. 16 prévoit d’abord que l’administration peut demander au redevable des éclaircissements. Ces derniers tendent à obtenir de sa part des explications si des discordances sont apparues entre les énonciations des diverses parties de sa déclaration, ou entre ces énonciations et celles d’une déclaration antérieurement faite ou encore entre la teneur de la déclaration et les renseignements dont le service dispose par ailleurs. Les justifications que l’administration peut demander sur le fondement de l’article L. 16 sont limitativement énumérées. Elles visent :

– la situation et les charges de famille susceptibles d’ouvrir droit au bénéfice de certains avantages fiscaux ;

– les charges retranchées du revenu global ;

– les avoirs et revenus d’avoirs à l’étranger ;

– l’existence de revenus plus importants que ceux déclarés par le redevable. Par exemple, en cas de mouvements de capitaux ou de variations dans le patrimoine, des justifications peuvent être demandées sur l’origine des fonds ayant servi à financer l’accroissement du patrimoine ;

– enfin sur tous les éléments servant de base à la détermination des revenus fonciers.

Le présent article donnerait un contenu spécifique à la procédure de demande d’éclaircissements et de justifications en matière d’ISF. Il serait désormais expressément prévu que l’administration puisse demander, outre des éclaircissements comme actuellement, « des justifications sur la composition de l’actif et du passif de son patrimoine ».

Distincte de la procédure d’éclaircissements et de justifications en matière d’impôt sur le revenu (le renvoi actuel à l’article L. 16 du livre des procédures fiscales est supprimé), cette procédure serait également expressément indépendante de la procédure d’examen de situation fiscale personnelle (ESFP). Cette dernière est, en effet, entourée de garanties particulières pour le redevable qui en fait l’objet et qui doivent être observées à peine de nullité de la procédure entière (avertissement en temps utile, possibilité de se faire assister d’un conseil, remise de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié).

La procédure de demande d’éclaircissements et de justifications propre à l’ISF suivrait les mêmes règles de procédure que celles actuellement prévues à l’article L.16. En particulier, l’administration devrait donner à l’intéressé un délai minimal de deux mois pour répondre.

En l’absence de réponse, ou si les justifications relatives à l’existence, l’objet et le montant des dettes dont la déduction a été opérée, et qui ont été demandées en application de la procédure d’éclaircissements ou de justifications, sont estimées insuffisantes, la nouvelle procédure n’imposerait plus à l’administration, comme sur la base de l’article L.16, d’adresser au contribuable une mise en demeure d’avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours. Désormais, elle pourrait immédiatement rectifier la déclaration d’impôt en se conformant à la procédure de redressement contradictoire prévue à l’article L. 55 du livre des procédures fiscales.

Comme au titre d’une procédure engagée sur le fondement de l’article L. 16, le respect des droits du contribuable est garanti par l’exigence d’un certain nombre de formalités. L’administration doit :

– lui adresser une lettre recommandée avec accusé de réception contenant la notification motivée des bases d’imposition supplémentaires proposées et de son droit de se faire assister par le conseil de son choix ;

– lui donner un délai de trente jours pour répondre à la notification. En cas d’acceptation, ou en l’absence de réponse dans le délai, l’administration met l’impôt supplémentaire en recouvrement. En cas d’observations présentées par le contribuable ou en cas de désaccord de sa part, l’administration, soit tient compte des observations ou du refus, soit met l’impôt en recouvrement après avoir informé le contribuable, qui peut exercer le recours contentieux dont il dispose. Si le désaccord porte sur l’évaluation des biens, le différend peut être soumis à l’avis de la Commission départementale de conciliation prévue à l’article L. 59 du livre des procédures fiscales.

Le dispositif proposé vise donc à renforcer les moyens à la disposition de l’administration, en prévision du déroulement contentieux ultérieur de la procédure de redressement contradictoire, au cours duquel elle devra assumer la charge de la preuve, sans allonger les délais et en respectant les droits du contribuable.

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La Commission a adopté l’article 13 sans modification.

Article 14

Modification des règles de territorialité en matière de droits de mutation à titre gratuit.

Texte du projet de loi :

I. L’article 750 ter du code général des impôts est complété d’un 3° ainsi rédigé :

      “ 3° les biens meubles et immeubles situés en France ou hors de France, et notamment les fonds publics, parts d’intérêts, créances et généralement toutes les valeurs mobilières françaises ou étrangères de quelque nature qu’elles soient, reçus par l’héritier, le donataire ou le légataire qui a son domicile fiscal en France au sens de l’article 4 B. ”.

II. A l’article 784 A du code général des impôts, les mots : “ Dans le cas défini au 1° ” sont remplacés par les mots : “ Dans les cas définis aux 1° et 3° ”.

Exposé des motifs du projet de loi :

Il est proposé de modifier les règles de territorialité des droits de mutation à titre gratuit, en se référant désormais au domicile fiscal soit du donateur ou du défunt, ce qui est le cas actuellement, soit des bénéficiaires des transmissions à titre gratuit.

Observations et décision de la Commission :

      Cet article tend à modifier les règles de territorialité en matière de droits de mutation à titre gratuit, droits de succession et droits de donation, afin d’imposer les transmissions à titre gratuit du patrimoine non seulement à raison du domicile fiscal du donateur ou du défunt, mais également à raison du domicile fiscal du bénéficiaire de la mutation, héritier, légataire ou donataire.

      Il constitue l’un des quatre articles du projet de loi de finances destinés à faire échec aux stratégies de délocalisation des grandes fortunes.

      En effet, sous réserve des conventions internationales, lorsque le titulaire d’une grande fortune transfère son domicile à étranger, les droits de succession ou de donation ne doivent plus être acquittés qu’à raison de ses seuls biens, meubles et immeubles, situés en France, et non plus de la totalité de ses biens, comme ce serait le cas s’il était resté résident. Echappent ainsi aux droits de mutation à titre gratuit, droits de succession ou droits de donation, l’ensemble de ses biens situés à l’étranger et qui ne sont pas situés dans un pays ayant conclu avec la France une convention fiscale permettant à notre pays l’imposition de ces biens.

      Seul le recours au principe de l’imposition à raison du domicile fiscal de celui qui reçoit, déjà en vigueur en Allemagne, en Autriche et en Finlande, permet d’éviter cette difficulté.

      L’introduction d’un principe nouveau en matière de droits de mutation à titre gratuit peut sembler une manière de révolution, notre droit fiscal ne reconnaissant pour l’instant, dans le cadre de l’article 750 ter du code général des impôts, que le principe de l’imposition à raison du domicile fiscal du donateur ou du défunt.

      On observera cependant qu’une approche plus fine permet de constater que la qualité de celui qui reçoit est déjà appréhendée, fût–ce de manière très ponctuelle, dans le cadre de l’article 794 du code général des impôts, d’une part, qui prévoit l’exonération des dons et legs consentis à l’Etat, aux collectivités territoriales, aux établissements publics scientifiques et d’enseignement ou aux organismes qui poursuivent un but exclusif d’assistance et de bienfaisance, et de l’article 795, d’autre part, qui prévoit une même exonération pour divers organismes d’intérêt général, notamment les associations déclarées dont les ressources sont exclusivement affectées à la recherche médicale ou scientifique à caractère désintéressé.

      La modification proposée par le Gouvernement correspond donc plus à une extension d’un principe déjà en vigueur, fût–ce timidement, qu’à une révolution juridique.

      Comme pour l’ensemble des dispositions relatives à l’évasion fiscale internationale, on ne peut évaluer le rendement de la mesure et on ne peut qu’en constater la nécessité, en l’absence d’éléments tangibles de chiffrage.

I.- Les règles actuelles en matière de droits de succession
et de droits de donation

A.- Les règles de base : l’imposition de l’ensemble des biens pour les personnes domiciliées en France ; l’imposition des seuls biens situés en France pour les non-résidents

1.- Les règles de domiciliation

      Pour les successions et les donations, les règles prévues à l’article 750 ter du code général des impôts opèrent une distinction selon que le donateur ou le défunt est ou n’est pas fiscalement domicilié en France.

      La détermination du domicile fiscal du défunt, lorsqu’elle doit être établie, est effectuée selon les mêmes règles que celles prévues en matière d’impôt sur le revenu, soit par référence aux dispositions des conventions fiscales bilatérales, qui ont une valeur supérieure à la loi en application de l’article 55 de la Constitution, soit par référence à l’article 4 B du code général des impôts.

      L’article 4 B du code général des impôts précise que sont considérées comme domiciliées en France sur le plan fiscal les personnes ayant en France :

      – soit leur foyer, c’est à dire le lieu où les époux et les enfants cohabitent normalement et résident habituellement ;

      – soit leur lieu de séjour principal, entendu comme celui de la présence effective (en général, celle-ci est d’une durée supérieure à six mois) ;

      – soit une activité professionnelle, salariée ou non, sauf si celle–ci est exercée à titre accessoire ;

      – soit le centre de leurs intérêts économiques, c’est-à-dire le lieu de leurs principaux investissements, le lieu d’où elles administrent leurs biens ou d’où elles tirent la majeure partie de leurs revenus.

      En outre, sont également considérés comme ayant leur domicile fiscal en France les agents de l’Etat exerçant leurs fonctions à l’étranger.

      Le domicile fiscal étant distinct du domicile civil, et certains Etats ayant des conceptions extensives du domicile fiscal – tels les Etats–Unis, qui retiennent le critère de la nationalité, et le Royaume–Uni, qui recourt à la notion de domicile « d’origine », acquis par une personne à la naissance et censé être conservé sa vie durant sauf si elle prouve qu’elle a manifestement cessé d’avoir toute relation avec le Royaume–Uni – les éventuels conflits de domicile sont résolus, le cas échéant, dans le cadre des conventions fiscales internationales. En l’absence de convention fiscale, les conflits ne sont pas résolus et les conséquences peuvent être lourdes pour les contribuables, qui peuvent faire l’objet d’une double imposition.

      Par ailleurs, on observera que, comme, en matière d’impôt sur le revenu, le territoire français est limité au territoire de la France métropolitaine, de la Corse et des départements d’outre–mer. Les territoires d’outre–mer, Nouvelle–calédonie, Polynésie française, Wallis–et–Futuna, et des deux collectivités territoriales de Saint–Pierre–et–Miquelon et de Mayotte sont chacun soumis à une souveraineté fiscale distincte.

2.- Les règles applicables lorsque le donataire ou le défunt

est domicilié en France

      Lorsque le donataire ou le défunt est domicilié en France, le champ d’application des doits de mutation à titre gratuit est général, sans restriction, puisqu’il comprend tous les biens du donateur ou du défunt, que ceux-ci soient situés en France ou hors de France, conformément au 1° de l’article 750 ter du code général des impôts.

      C’est notamment le cas de l’ensemble des fonds publics, de parts d’intérêts, de créances et, d’une manière générale, de toutes les valeurs mobilières françaises ou étrangères quelle que soit leur nature, ainsi que des immeubles et des meubles, corporels et incorporels, situés hors de France.

      La portée du principe de l’imposition générale fait cependant l’objet de deux restrictions, s’agissant de biens situés à l’étranger.

      D’une part, en l’absence de convention internationale destinée à éliminer la double imposition, le montant des droits de mutation à titre gratuit acquitté hors de France sur les biens meubles et immeubles situés hors de France est imputé sur le montant des droits exigibles en France, conformément à l’article 784 A du code général des impôts, dans le cadre d’un dispositif dit de crédit pour impôt étranger.

      Ce principe de l’imputation directe de l’impôt étranger sur le montant de l’impôt français est plus favorable que le principe de base retenu, en général, en matière d’impôts sur le revenu pour les situations similaires où l’imposition étrangère est déduite de la base imposable en France.

      D’autre part, les conventions fiscales, qui répartissent les droits d’imposer les éléments d’actif entre les Etats, précisent également les règles de répartition des dettes et prévoient des dispositions pour éliminer les doubles impositions lorsque les deux Etats ont concurremment le droit d’imposer.

      En pratique, pour les défunts ou donataires domiciliés en France, les biens imposés en France représentent la majeure partie du patrimoine transmis.

3.- Les règles applicables lorsque le donataire ou le défunt n’est pas domicilié en France

      Lorsque le défunt ou le donataire n’est pas domicilié en France, les droits de mutation à titre gratuit perçus par la France ne concernent que les biens, meubles ou immeubles, situés en France, conformément au 2° de l’article 750 ter du code général des impôts.

      Compte tenu de son importance, le lieu de situation des biens doit être cerné avec précision.

      Sont ainsi considérés comme situés en France :

      – les biens qui ont une assise matérielle en France : immeubles, meubles corporels ou fonds de commerce exploités en France ;

      – les fonds publics français, les parts d’intérêts et les créances et valeurs mobilières françaises : sont notamment considérées comme françaises les créances sur un débiteur établi en France ou y ayant son domicile fiscal, ainsi que les valeurs mobilières émises par l’Etat français, les personnes morales de droit public ou les sociétés ayant en France ayant en France leur siège social statutaire ou le siège de leur direction effective.

      – les brevets et marques de fabrique concédés ou exploités en France ;

      – les actions et parts de sociétés non cotées et non résidentes à prépondérance immobilière, à proportion de la valeur des immeubles et droits immobiliers situés sur le territoire français par rapport à l’actif total de la société.

      En l’absence de convention fiscale, les conflits de qualification ne sont pas résolus, puisque chaque Etat conserve l’intégralité de son droit d’imposer, ce qui provoque, le cas échéant des doubles impositions.

      A l’opposé, en présence d’une convention fiscale, les difficultés ne sont que marginales, puisque celle–ci définit le régime applicable aux biens appréhendés. En général, l’immeuble est imposable dans l’Etat d’implantation et le bien mobilier dans l’Etat de résidence de la personne.

      On rappellera que des conventions internationales ont été conclues par la France avec les pays ou territoires suivants en matière de droits de mutation à titre gratuit :

    LISTE DES ETATS OU TERRITOIRES AYANT CONCLU UNE CONVENTION FISCALE EN MATIÈRE DE DROITS DE MUTATION À TITRE GRATUIT AVEC LA FRANCE

      Algérie

    Koweït

      Arabie Saoudite

    Liban

      Autriche

    Mali

      Bahreïn

    Mauritanie

      Belgique

    Mayotte

      Bénin

    Monaco

      Burkina Faso

    Niger

      Cameroun

    Nouvelle-Calédonie

      Canada

    Oman

      Centrafricaine (République)

    Qatar

      Congo

    Royaume-Uni

      Côte d’Ivoire

    Saint-Pierre-et-Miquelon

      Emirats Arabes Unis

    Sénégal

      Espagne

    Suède

      Etats-Unis

    Suisse

      Finlande

    Togo

      Gabon

    Tunisie

      Italie

     

    Les conventions en gras concernent les donations.

    Source : Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie.

B.- Des possibilités d’évasion fiscale

      Les règles de territorialité actuellement applicables en matière de droits de mutation à titre gratuit ne font pas obstacle à des stratégies de transfert de domicile à l’étranger à des fins fiscales.

      Ces délocalisations présentent deux avantages principaux. D’une part, elles permettent de soustraire à l’imposition en France les biens étrangers de la succession ou de la donation, et de réduire ainsi le montant des droits par réduction de la base imposable. En outre, les effets de la progressivité du barème sont considérablement atténués et il est possible de procéder à des arbitrages fins sur l’affectation territoriale de l’actif et du passif. D’autre part, elles permettent, notamment en l’absence de convention fiscale sur l’assistance dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale internationale, de faire échapper tout ou partie d’un patrimoine à la connaissance de l’administration fiscale française, puisque les déclarations des biens des non résidents au titre de l’ISF ne concernent que les biens situés en France. En outre, les titres de placement détenus par les non résidents étant exonérés de cet impôt et d’impôt sur les plus-values, dans les cas les plus courants, conformément aux articles 885 L et 244 bis C du code général des impôts, respectivement, le suivi fiscal du portefeuille de titres d’un non résident s’avère donc impossible.

      On rappellera que la France a conclu des conventions prévoyant l’assistance administrative en matière de droits de mutation à titre gratuit, avec les pays et les territoires suivants :

    LISTE DES ETATS OU TERRITOIRES AYANT CONCLU UNE CONVENTION D’ASSISTANCE ADMINISTRATIVE EN MATIÈRE DE DROITS DE MUTATION À TITRE GRATUIT AVEC LA FRANCE

      Algérie

    Italie

      Autriche

    Koweït

      Belgique

    Liban

      Bénin

    Mali

      Burkina Faso

    Mauritanie

      Cameroun

    Mayotte

      Canada

    Monaco

      Centrafricaine (République)

    Niger

      Congo

    Nouvelle-Calédonie

      Côte d’Ivoire

    Royaume-Uni

      Emirats Arabes Unis

    Saint-Pierre-et-Miquelon

      Espagne

    Sénégal

      Etats-Unis

    Suède

      Finlande

    Togo

      Gabon

    Tunisie

    Source : Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie.

      Même si l’on ne dispose pas de données précises sur l’importance actuelle des délocalisations de grandes fortunes, on doit observer que les délocalisations sont d’autant plus intéressantes que la fiscalité du pays d’accueil est douce et que le secret bancaire y est fort, ce qui laisse préjuger de l’attrait des « paradis fiscaux »...

II.- L’institution du principe de la taxation des successions et des donations à raison du domicile fiscal du bénéficiaire

      L’article 14 du projet de loi prévoit d’ajouter une règle de territorialité supplémentaire, dont l’application sera effective à partir du 1er janvier prochain, afin d’imposer les transmissions à titre gratuit du patrimoine à raison du domicile fiscal du bénéficiaire de la mutation, héritier, légataire ou donataire.

      Ce dispositif offre un intérêt certain, même s’il présentera quelques difficultés de mise en œuvre.

A.- Le dispositif proposé

      Le paragraphe I tend à compléter l’article 750 ter du code général des impôts, de manière à préciser que l’ensemble des biens, meubles et immeubles, situés hors de France ou en France, reçus par une personne fiscalement domiciliée en France est soumis en France aux droit de mutation à titre gratuit, droit de succession en cas de décès ou droits de donation en cas de donation entre vifs.

      Il est également précisé que les biens concernés sont tous les biens reçus, notamment les fonds publics, les parts d’intérêts, les créances et l’ensemble des valeurs mobilières françaises ou étrangères de quelque nature qu’elles soient.

      La création de cette nouvelle obligation fiscale générale appelle deux séries d’observations :

      – elle permet, pour l’essentiel de soumettre à l’impôt des biens qui tendent à y échapper, tout en étant neutre pour les autres biens ;

      – sa mise en œuvre se heurtera à des difficultés d’application qu’il conviendra de résoudre par un recours accru aux ressources des conventions internationales.

1.- Les règles applicables en matière de succession et de donation dans les principaux pays européens

      Une comparaison des différents mécanismes d’imposition des successions et des donations au plan européen conduit à constater l’existence de quatre systèmes :

      – celui de la résidence fiscale du défunt ou du donateur, le plus courant ;

      – celui de la résidence fiscale de celui qui reçoit, donataire ou ayant droit ;

      – celui mettant en oeuvre les deux critères précédents ;

      – celui de la territorialité stricte.

      Les dispositifs en vigueur dans les principaux pays de l’Union européenne figurent dans l’encadré ci-joint.

      La disposition proposée conduit notre pays à mettre en œuvre un système de double critère, qui existe déjà en Allemagne, en Autriche et en Finlande.

2.- La portée de la modification proposée

      Sur le plan pratique, la modification des règles de territorialité et la mise en œuvre du double critère, celui de la domiciliation du donataire, du légataire ou de l’héritier, et celui de la domiciliation du donateur ou de défunt, conduit à modifier les modalités d’impositions pour une seule catégorie de biens seulement : les biens situés à l’étranger, en dehors du territoire fiscal de la France, tel qu’il a été précédemment défini.

      En effet, comme l’indiquent les tableaux suivants, la situation est inchangée pour les autres catégories de biens :

      – les biens situés en France y sont déjà imposables ;

      – les biens situés à l’étranger, détenus par un donateur ou un défunt fiscalement domicilié en France y sont déjà imposables, également ;

      – les biens situés à l’étranger dont la mutation ne met en cause que des personnes fiscalement non domiciliées en France continuent à ne pas relever de la souveraineté fiscale de la France.

3.- Les conséquences de cette modification pour le contribuable

      En pratique, l’assujettissement des biens étrangers reçus par un résident aux droits de mutation à titre gratuit aura trois conséquences pour les personnes concernées :

      – une déclaration devra être souscrite auprès de l’administration fiscale française ;

      – le montant des droits versés en France augmentera ;

      – s’agissant des personnes morales uniquement, les dons ou legs en provenance de l’étranger seront en principe taxés, ce qui n’est pas actuellement le cas.

      ·   L’obligation de déclarer les biens reçus en héritage ou en donation alors même que le défunt ou donataire n’était pas résident français, constitue indéniablement l’élément déterminant de l’efficacité de la modification des règles de territorialité opérée.

      En l’absence de déclaration, en effet, les héritiers, légataires ou donataires seront en infraction et seront passibles de sanctions fiscales.

      A titre d’exemple, votre Rapporteur général a demandé au ministère de l’économie, des finances et de l’industrie de procéder au calcul des droits rappelés sur une succession simple en ligne directe de 50 millions de francs, dont 20 millions à l’étranger.

      Dans l’hypothèse où la mauvaise foi serait retenue, le rappel s’établirait à 3,56 millions de francs.

      M. X décède le 15 janvier 1997, la déclaration de succession est déposée le 15 juin 1997. Son fils unique est héritier.

        Patrimoine déclaré 30 millions de francs

        Montant des droits acquittés 10.688.750 francs

      * Le service a connaissance du patrimoine non déclaré et procède à un redressement.

      Omission notifiée le 20 janvier 1998 20 millions de francs

      ·   Rappel de droits 8 millions de francs

      ·   Pénalités : (articles 1727, 1727 A et 1729 du code général des impôts) :

      – Application de l’intérêt de retard au taux de 0,75% par mois, à partir du premier jour du septième mois suivant l’expiration du délai de dépôt légal de six mois, et jusqu’au dernier jour du mois de la notification.

        Le point de départ est le 1er janvier 1997.

        L’intérêt prend fin le 30 janvier 1998.

        soit : 6 mois x 0,75% = 4,5%.

        Montant de l’intérêt de retard 360.000 francs

      – Application de la majoration de 40% pour mauvaise foi :

        8 millions de francs x 40% (1) = 3.200.000 francs

      * Total du rappel 11.560.000 francs

      (1) Si manœuvres frauduleuses : 80%.

      Source : Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie.

      Entre les droits simples et les pénalités, le montant du rappel sera assez important. Les volontés de dissimulation devraient ainsi en être au moins partiellement dissuadées.

      Cet effet dissuasif sera d’autant plus important que le délai de reprise de l’administration fiscale est de dix ans en matière de droits de mutation à titre gratuit, ce qui est particulièrement long.

      En pratique, cette obligation de déclaration ne devrait pas être à l’origine, pour les personnes concernées, de formalités trop importantes.

      Dans l’hypothèse, vraisemblablement la plus courante, où la transmission concernera également des biens situés en France, la déclaration habituelle sera suffisante, sous réserve d’être complétée par une mention des biens situés à l’étranger, ainsi que de leur valeur.

      C’est donc uniquement lorsque la succession ou la donation ne comprendra aucun bien relevant de l’imposition en France, que les bénéficiaires devront opérer une formalité supplémentaire, et qu’une déclaration spécifique à ces biens devra être déposée auprès du centre des impôts des non résidents.

      ·   En revanche, chacun des donataires ou des héritiers devra acquitter des droits supplémentaires à raison de la part qui lui revient.

      Dans le cas le plus courant d’un patrimoine situé en France et à l’étranger, la base taxable sera accrue de la valeur des biens situés à l’étranger et l’effet de la progressivité du barème sera renforcé.

      Ce dernier ne devrait pas être négligeable au–delà des abattements, ainsi que l’indique le tableau suivant :

    I.- TRANSMISSIONS EN LIGNE DIRECTE

    Fraction de part nette applicable
    (en francs)

    Tarif applicable
    (en %)

    N’excédant pas 50.000    

    5

    Comprise entre 50.000

    et

    75.000

    10

      75.000

    et

    100.000

    15

      100.000

    et

    3.400.000

    20

      3.400.000

    et

    5.600.000

    30

      5.600.000

    et

    11.200.000

    35

    Au-delà de 11.200.000    

    40

    II.- TRANSMISSIONS ENTRE ÉPOUX

    Fraction de part nette applicable
    (en francs)

    Tarif applicable
    (en %)

    N’excédant pas 50.000    

    5

    Comprise entre 50.000

    et

    100.000

    10

      100.000

    et

    200.000

    15

      200.000

    et

    3.400.000

    20

      3.400.000

    et

    5.600.000

    30

      5.600.000

    et

    11.200.000

    35

    Au-delà de 11.200.000    

    40

      Dans le cas d’éléments de patrimoine localisés à l’étranger, ce qui n’était pas assujetti à l’impôt le sera.

      ·   En ce qui concerne les personnes morales, on ne manquera pas d’observer que la modification des règles de territorialité permettra de mieux contrôler les dons substantiels provenant de l’étranger, puisque ceux–ci deviendront imposables en France. Seules les mutations relevant des cas prévus aux articles 794 et 795 du code général des impôts, déjà mentionnés, seront exonérées.

      ·   La portée de cette modification des règles de territorialité est cependant limitée par deux éléments, ce qui relativise par avance tout discours faisant état d’un « matraquage fiscal ».

      D’une part, il faut tenir compte des conventions fiscales internationales, qui peuvent réserver le droit d’imposer certains biens au seul pays de situation de ces biens ou de la domiciliation fiscale du donateur ou du défunt et peuvent prévoir, lorsqu’il y a concurrence des droits d’imposer, les modalités destinées à éviter les double impositions.

      La liste de ces conventions communiquées par le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie a déjà été mentionnée.

      D’autre part, le paragraphe II prévoit l’élimination des doubles impositions, en l’absence même de convention fiscale. Les dispositions de l’article 784 du code général des impôts, selon lesquelles les droits versés à l’étranger à raison des biens qui y sont situés sont imputés sur l’impôt exigible en France, seront en effet applicables.

      Ainsi, aucun impôt supplémentaire ne sera acquitté lorsque la succession ou la donation concernera des biens situés dans un pays où les mutations sont plus lourdement taxées qu’en France, en l’absence même de convention internationale.

      Un impôt supplémentaire ne sera acquitté que lorsque la succession ou la donation concernera des biens situés dans un pays où l’imposition des successions et des donations est plus faible qu’en France, soit que les taux du barème soient moindres, soit que ce type d’imposition n’existe pas.

      Le dispositif aura donc d’autant plus d’efficacité que les biens relèvent d’un pays ou d’un territoire dont les règles sont proches de celles de paradis fiscaux, ce que l’on appréciera.

      Si l’on prend l’exemple d’une personne non résidente qui décède et laisse à un légataire fiscalement domicilié en France un patrimoine net d’une valeur de 100 millions de francs constitué de 45 millions de francs de biens français, de 25 millions de francs de biens étrangers relevant de conventions internationales en prévoyant l’exonération en France et de 30 millions de francs de biens étrangers ne relevant d’aucune convention, la mesure permet de faire entrer dans le champ des droits de mutation cette même somme de 30 millions de francs.

      Selon les anciennes règles, le patrimoine taxable en France aurait été de 45 millions de francs seulement.

      Selon les nouvelles règles, il sera de 75 millions de francs, dont 30 feront l’objet des modalités prévues à l’article 784 A afin d’éviter les doubles impositions.

B.- Des difficultés d’application qui conduisent à recommander une extension du champ couvert par les conventions internationales

      Pour séduisant qu’elle soit, la modification des règles territoriales proposée par le Gouvernement se heurte à deux difficultés d’application.

      D’une part, il sera difficile en pratique d’imposer des biens situés à l’étranger, qui ne sont pas connus de l’administration fiscale française et pour lesquels il n’est guère évident que l’on constate des déclarations spontanées.

      D’autre part, il semble délicat d’imposer dans le cadre d’un effet d’« aubaine » des personnes fiscalement résidentes en France de manière un peu « accidentelle », car appelées dans notre pays en raison des fonctions professionnelles qu’elles exercent dans des groupes internationaux.

      Certes, ces deux difficultés de mise en œuvre ne font pas obstacle à l’adoption de l’article, mais conduisent à recommander une augmentation du nombre des conventions fiscales relatives à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale et traitant du cas spécifique des salariés expatriés.

1.- Une mise en œuvre incertaine qui rend nécessaire une augmentation du nombre des conventions fiscales relatives à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale

      Ainsi que l’a déjà précisé votre Rapporteur général, l’efficacité de la modification des règles territoriales en matière de droits de succession repose sur la crainte des sanctions en cas de rappel de droits sur des éléments situés à l’étranger et non déclarés.

      Or, cette crainte repose sur l’appréciation par le contribuable du risque d’une découverte de sa dissimulation par l’administration fiscale.

      Force est de constater que peu d’éléments conduisent à juger que ce risque sera perçu comme important.

      D’une part, ainsi que l’a déjà été rappelé votre Rapporteur général, les conventions fiscales prévoyant une assistance administrative en matière de droits de mutation à titre gratuit sont peu nombreuses et ne concernent pas les pays « phares » de l’évasion fiscale. Par ailleurs, même si l’administration fiscale parvient à détenir des informations sur certains contribuables, il lui sera beaucoup plus difficile et beaucoup plus long de rassembler l’ensemble des éléments de preuve permettant d’établir la matérialité de l’infraction fiscale que si elle devait procéder à des investigations en métropole.

      S’agissant de l’Europe, on notera l’absence du Luxembourg, de la Suisse et de l’Irlande, notamment, dans la liste des pays avec lesquels de telles conventions ont été conclues.

      D’autre part, même lorsque les défunts ou les donateurs auront été d’importants contribuables en France avant le transfert de leur domicile à l’étranger, il sera impossible à l’administration fiscale d’établir ce qu’il est advenu de leur patrimoine compte tenu de l’exonération dont bénéficient les titres de placement des non résidents au regard de l’ISF et dans un contexte où la liberté des changes permet d’opérer des transferts très rapidement et sans formalité. En effet, les biens exonérés ne sont pas mentionnés sur les déclarations d’ISF.

Enfin, on ne saurait ignorer que certains placements financiers à l’étranger ou dans les paradis fiscaux n’ont pas un objectif exclusivement fiscal. Ils répondent parfois au besoin de contourner les règles strictes du droit civil, voire de la « morale conjugale », en matière de donation comme de succession. Il est ainsi peu probable que les transmissions correspondantes donnent lieu à déclaration.

Un renforcement notable de la coopération entre administrations fiscales et un développement des dispositifs d’assistance administrative internationale apparaissent donc souhaitables.

2.- La nécessité de prévoir dans un cadre conventionnel une exonération des personnels expatriés en raison de leurs fonctions dans les entreprises étrangères implantées en France

De manière générale, les personnels étrangers amenés à travailler pour quelques années en France en raison des règles de mobilité géographique des cadres et personnels des grands groupes internationaux deviennent sur le plan fiscal des résidents français.

Les éléments de patrimoine situés hors de France et reçus par ces personnes, par succession ou par donation, deviendront ainsi imposables au titre des droits de mutation à titre gratuit, dès lors que la modification des règles de territorialité en matière de succession sera intervenue, à la fin de l’année 1998.

Cela risque d’avoir des conséquences dommageables, notamment pour les personnes relevant de pays avec lesquels notre pays n’a pas conclu de convention internationale et dans lesquels la fiscalité sur les transmissions est assez légère. Le dispositif d’élimination des doubles impositions de l’article 784 A du code général des impôts précédemment évoqué éliminera certes la double taxation, mais n’évitera pas à la personne concernée de payer un supplément d’impôt.

Il apparaît ainsi nécessaire de prévoir, dans un cadre conventionnel, l’élimination de l’impôt perçu sur les biens reçus par ces personnels géographiquement mobiles, de manière à éviter une taxation que la France ne devrait pas percevoir, en toute équité, et afin de ne pas introduire un frein à l’implantation dans notre pays d’investissements internationalement mobiles.

Avant que les dispositions correspondantes ne soient prises, il conviendra que l’administration fiscale procède, après aménagement des règles relatives à cette procédure, par dégrèvement individuel, pour les cas rares et difficiles qui viendraient à se poser. Cette solution n’est guère satisfaisante sur le plan intellectuel, elle n’en reste pas moins inévitable.

*

* *

La Commission a examiné un amendement de suppression présenté par M. Jean-Jacques Jégou.

M. Pierre Méhaignerie a noté que cet article permettait d’assujettir aux droits de mutation à titre gratuit toutes les personnes, y compris de nationalité étrangère, ayant leur domicile fiscal en France. Il a considéré que celles-ci risquaient ainsi d’être imposées plus lourdement que dans leur pays d’origine. Il s’est inquiété du risque de départ des sièges sociaux des firmes étrangères implantées en France, ainsi que des cadres supérieurs étrangers, ce qui ne manquerait pas d’avoir un effet négatif sur l’emploi.

M. Charles de Courson s’est interrogé sur la portée du dispositif proposé au regard des conventions fiscales internationales.

M. Jean-Jacques Jégou a jugé que cet article élargissait de façon substantielle les règles de territorialité en matière fiscale et qu’il était exorbitant d’assujettir toutes les successions selon les barèmes d’imposition en vigueur en France.

Votre Rapporteur général, après avoir rappelé que l’objet de l’article était de lutter contre l’évasion fiscale internationale, a précisé que l’article s’appliquerait sous réserve des conventions internationales existantes. Il a noté que l’Allemagne, l’Autriche et la Finlande étaient déjà pourvues d’un dispositif similaire. Il a indiqué qu’il conviendrait toutefois de prévoir, dans un cadre conventionnel, l’exonération des personnes étrangères imposées en France ou, à défaut, que l’administration fiscale procède par voie de dégrèvement.

M. Pierre Méhaignerie a fait part de sa crainte que, pour les cadres étrangers installés en France, l’appréciation au cas par cas des situations par l’administration ait un effet psychologique néfaste. Il a considéré que la France était d’ores et déjà en retard par rapport à des places comme Amsterdam et Londres, qui bénéficient d’avantages concurrentiels.

M. Charles de Courson a constaté que les actifs étrangers n’étaient pas seuls concernés, la mesure pouvant s’appliquer aux familles et aux retraités installés en France. Il a noté que le principe était qu’aucun dégrèvement ne pouvait être adopté sans texte et qu’en conséquence il convenait bien de modifier l’article 14. Il s’est étonné de la contradiction entre le régime des sièges sociaux, établi par voie de circulaire, et la disposition législative proposée ayant pour effet de dissuader les entreprises étrangères de s’installer en France. Il a considéré que, dans les cas de fraude manifeste, il pourrait être recouru à la procédure de l’abus de droit et s’est interrogé sur le nombre réel de cas se présentant chaque année.

M. Alain Barrau a souhaité que la France prenne l’initiative d’une réglementation communautaire permettant l’harmonisation des dispositions concernées.

Votre Rapporteur général a estimé qu’il y avait lieu d’opérer une distinction entre ceux qui viennent travailler en France, accompagnés, le cas échéant, par leur famille, et ceux qui viennent par choix, acceptant par là même la législation française. Il a toutefois estimé que le dispositif proposé était perfectible et qu’il pourrait être amélioré au cours des prochaines étapes de la procédure.

M. Charles de Courson a estimé que le texte de l’article ne permettait pas de régler tous les cas, évoquant la possibilité pour un résident étranger d’aller hériter dans son pays pendant le délai de six mois prévu pour l’acceptation de l’héritage, puis de revenir en France.

M. Gilbert Gantier s’est élevé contre la distinction opérée entre les étrangers résidant en France pour des raisons professionnelles et ceux ayant librement choisi d’y vivre, tels que les retraités.

La Commission a rejeté cet amendement puis elle a adopté l’article 14 sans modification.

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Article additionnel après l’article 14

Rétablissement des sanctions en cas de défaut de
déclaration des successions en Corse.

      Texte de l’article additionnel :

A l’article 3 de l’arrêté du 21 Prairial An IX, la phrase suivante est supprimée :

« La peine du droit en sus encourue par défaut de déclaration dans le délai de six mois restera abrogée. »

      Observations et décision de la Commission :

      La Commission a examiné un amendement présenté par M. Charles de Courson ayant pour objet de rétablir les sanctions en cas de défaut de déclaration de succession en Corse.

      Selon le rapport n° 1077 présenté par M. Christian Paul, député, au nom de la commission d’enquête sur l’utilisation des fonds publics et la gestion des services publics en Corse, l’île bénéficiait déjà de règles particulières du temps de la domination génoise, en matière d’imposition.

      Le régime fiscal appliqué dans le cadre de la République présente également de nombreuses spécificités.

      Celles-ci proviennent à l’origine des arrêtés Miot (24), signés les 7 et 10 juin 1801 à Ajaccio. Elles ont été complétées depuis, par plusieurs dispositions mentionnées dans le rapport précité.

      En ce qui concerne les droits d’enregistrement, l’arrêté Miot du 21 Prairial An IX a non seulement diminué dans des proportions importantes les droits acquittés en Corse, mais a également prévu, dans le cadre du dernier alinéa de son article 3, que « la peine du droit en sus encourue par défaut de déclaration [de succession] restera abrogée. »

      Cette règle a ses effets les plus importants lorsque le patrimoine transmis n’est constitué que de biens immobiliers situés en Corse et de biens mobiliers présentant la même caractéristique. Aucune sanction n’est encourue en cas de défaut de déclaration de succession.

      Lorsque la succession concerne des biens situés en Corse et des biens situés hors de Corse, seuls les biens situés en Corse relèvent du régime spécifique et aucune sanction n’est appliquée lorsqu’ils ne sont pas mentionnés dans les déclarations de succession qui doivent être produites à l’administration fiscale dans les six mois suivant le décès.

      On observera cependant que cette disposition ne concerne pas les donations, selon les informations communiquées à votre Rapporteur général.

      La disposition proposée présente donc l’intérêt d’aligner le régime applicable en Corse sur celui applicable dans les autres départements de la République, s’agissant de l’obligation déclarative. Elle apporte en outre un premier élément de clarification sur la question des indivisions, fréquentes en Corse, pour les nombreuses raisons évoquées dans le cadre du rapport précité. Elle constitue donc, à ce titre, une avancée.

      Selon les informations communiquées à votre Rapporteur général, la portée de la disposition proposée semble cependant atténuée, s’agissant des biens immobiliers, car le problème de l’absence de base légale pour leur évaluation n’est pas résolu.

      Un arrêt récent de la Cour de Cassation (Benedetti-1984) a confirmé que les arrêtés Miot étaient toujours en vigueur.

      S’agissant de la hiérarchie des normes, on peut s’étonner de ce qu’il revienne à la loi de modifier un arrêté, ce qui n’est guère fréquent.

      L’intervention du Parlement est cependant nécessaire dès lors que la valeur législative des arrêtés Miot a été effectivement reconnue par un arrêt de la Cour de Cassation du 23 janvier 1875 (D. 36 I 331). On ne manquera pas d’observer que les gouvernements successifs du XIXe siècle ont considéré comme tel le niveau des arrêtés dans la hiérarchie des normes – et que deux lois, celle du 6 janvier 1966 portant réforme des taxes sur le chiffre d’affaires et celle du 21 décembre 1967 portant loi de finances pour 1968 y font référence.

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      M. Charles de Courson a rappelé que les immeubles situés en Corse faisaient l’objet d’une exonération de fait des droits de mutation à titre gratuit en raison de la suppression de la sanction prévue par l’un des arrêtés dit « Miot », celui du 21 Prairial An IX. Il a considéré que cette exonération était contraire au principe d’égalité, ne se justifiait plus par l’existence de contreparties et qu’il convenait en conséquence de rétablir l’ordre républicain en Corse.

      La Commission a adopté cet amendement (amendement n° I-14).

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Article 15

Régime des titres ou droits de personnes morales ou organismes, détenant directement ou par personne interposée, des immeubles ou droits immobiliers sis en France.

Texte du projet de loi :

I. Le 2° de l’article 750 ter du code général des impôts est ainsi modifié :

A. Au premier alinéa, les mots : “ , que ces derniers soient possédés directement ou indirectement, ” sont ajoutés après les mots : “ Les biens meubles et immeubles ”.

B. Il est inséré, après le premier alinéa, un alinéa nouveau ainsi rédigé :

“ Pour l’application de l’alinéa précédent, tout immeuble ou droit immobilier est réputé possédé indirectement lorsqu’il appartient à des personnes morales ou des organismes dont le donateur ou le défunt, seul ou conjointement avec des personnes mentionnées au premier alinéa de l’article 751, détient plus de la moitié des actions, parts ou droits, directement ou par l’intermédiaire d’une chaîne de participations, au sens de l’article 990 D, quel que soit le nombre de personnes morales ou d’organismes interposés. La valeur des immeubles ou droits immobiliers possédés indirectement est déterminée par la proportion de la valeur de ces biens ou des actions, parts ou droits représentatifs de tels biens dans l’actif total des organismes ou personnes morales dont le donateur ou le défunt détient directement les actions, parts ou droits. ”.

C. Au deuxième alinéa, qui devient le troisième, après les mots : “ direction effective ”, sont insérés les mots : “ , et ce quelle que soit la composition de son actif ”.

      D. La deuxième phrase du dernier alinéa est supprimée.

      E. Il est ajouté, après le troisième alinéa, un alinéa nouveau ainsi rédigé :

      “ Pour l’application des deuxième et quatrième alinéas, les immeubles situés sur le territoire français, affectés par une personne morale, un organisme ou une société à sa propre exploitation industrielle, commerciale, agricole ou à l’exercice d’une profession non commerciale ne sont pas pris en considération. ”.

      II. Au deuxième alinéa de l’article 885 L du code général des impôts, il est ajouté la phrase :

      “ Il en est de même pour les actions, parts ou droits détenus par ces personnes dans les personnes morales ou organismes mentionnés au deuxième alinéa du 2° de l’article 750 ter ”.

Exposé des motifs du projet de loi :

Il est proposé de soumettre aux droits de mutation à titre gratuit et à l’impôt de solidarité sur la fortune, les immeubles et droits immobiliers situés sur le territoire français qui sont détenus par des non résidents par l’intermédiaire d’organismes ou de personnes morales interposés.

Observations et décision de la Commission :

Cet article, qui constitue l’un des éléments du dispositif destiné à la lutte contre l’évasion fiscale internationale, a pour objet de faire entrer dans le champ des droits de mutation à titre gratuit (DMTG), droits de succession ou droits de donation, comme de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), les immeubles et droits immobiliers situés sur le territoire français, détenus par des non résidents par l’intermédiaire d’organismes ou de personnes morales interposées et échappant pour l’instant à ces prélèvements ou à un impôt équivalent.

      Il répond, ainsi que cela a été précisé à votre Rapporteur général, à la nécessité de prévenir certains cas d’évasion fiscale constatés par l’administration.

      Comme pour l’ensemble des dispositions relatives à l’évasion fiscale internationale, on ne peut évaluer le rendement de la mesure et on ne peut qu’en constater la nécessité, en l’absence d’éléments tangibles de chiffrage.

I.- Les règles actuelles d’imposition des immeubles détenus par des non résidents : des modalités adaptées aux différentes formes de la possession immobilière, mais encore insuffisantes

      Avant d’examiner les modalités d’imposition du patrimoine immobilier détenu en France par les non résidents, on observera que la qualité de résident ou de non résident est appréciée, sous réserve des stipulations des conventions internationales, par référence aux critères de la domiciliation fiscale définis pour l’impôt sur le revenu et prévus à l’article 4 B du code général des impôts.

      Selon ces critères, sont considérées comme domiciliées en France sur le plan fiscal, les personnes ayant en France :

      – soit leur foyer, c’est à dire le lieu où les époux et les enfants cohabitent normalement et résident habituellement ;

      – soit leur lieu de séjour principal, entendu comme celui de la présence effective (en général, celle-ci est d’une durée supérieure à six mois) ;

      – soit une activité professionnelle, salariée ou non, sauf si celle–ci est exercée à titre accessoire ;

      – soit le centre de leurs intérêts économiques, c’est à dire le lieu de leurs principaux investissements, le lieu d’où elles administrent leurs biens ou d’où elles tirent la majeure partie de leurs revenus.

      En outre, sont également considérés comme ayant leur domicile fiscal en France les agents de l’Etat exerçant leurs fonctions à l’étranger.

      Les personnes physiques qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France sont également appelées non résidentes.

      Le domicile fiscal étant distinct du domicile civil, et certains Etats ayant des conceptions extensives du domicile fiscal - tels les Etat–Unis, qui retiennent le critère de la nationalité, ou le Royaume–Uni, qui recourt à la notion de domicile « d’origine », acquis par une personne à la naissance et censé être conservé sa vie durant sauf si elle prouve qu’elle a manifestement cessé d’avoir toute relation avec le Royaume–Uni -, les éventuels conflits de domicile sont résolus, le cas échéant dans le cadre des conventions fiscales internationales. En l’absence de convention fiscale, les conflits ne sont pas résolus et les conséquences peuvent être lourdes pour les contribuables, qui peuvent faire l’objet d’une double imposition. Certains dispositifs internes prévoient néanmoins les procédés d’élimination des éventuelles doubles impositions.

A.– L’assujettissement à l’ISF et aux droits de mutation à titre gratuit des biens et droits immobiliers détenus par les non résidents

1.– Les biens et droits immobiliers détenus directement par les personnes physiques non résidentes

a) Le principe de l’assujettissement à l’ISF

      S’agissant de l’ISF, les non résidents, personnes physiques qui n’ont pas leur domicile fiscal en France et possèdent des biens en France, sont assujettis dès lors que la valeur nette de leur patrimoine dépasse le seuil d’imposition, soit 4.700.000 francs. Seuls les biens français sont pris en considération.

      Cet assujettissement concerne les immeubles et les droits immobiliers, c’est à dire les droits réels détenus à l’issue d’un démembrement du droit de propriété, nue–propriété, usufruit ou droit d’usage.

      On observera que, pour leur part, les placements financiers effectués en France par les non résidents font l’objet d’une mesure spécifique d’exonération dans le cadre de l’article 885 L du code général des impôts.

      Les conventions internationales visant expressément l’ISF, ou l’IGF lorsqu’elles n’ont pas été actualisées, ne font pas obstacle à ce principe, car elles prévoient un droit d’imposer les biens et droits immobiliers, au titre de l’imposition du patrimoine, au profit de l’Etat de situation du bien. Il en est de même des conventions ne visant pas expressément l’ISF, mais comportant, en matière de fortune, des dispositions suffisantes pour déterminer les modalités de l’imposition de la fortune.

      En pratique, chaque cas est réglé par la convention dont il relève. Le droit d’imposer les immeubles et droits immobiliers est actuellement reconnu à la France pour les immeubles et droits situés sur le territoire de la République relevant de la souveraineté fiscale française (métropole, Corse et DOM, à l’exclusion des TOM, de Mayotte et de Saint–Pierre–et–Miquelon).

      Des conventions internationales ont été conclues avec les Etats suivants :

      Afrique du Sud Indonésie
      Allemagne Israël
      Arabie saoudite (1) Italie
      Argentine Koweït (1)
      Autriche Luxembourg
      Bahreïn (1) Malte
      Bolivie Ile Maurice
      Canada Norvège
      Chypre Pays-Bas
      Côte d’Ivoire Pologne
      Danemark Qatar (25)
      Egypte Roumanie
      Emirats arabes unis (1) Slovaquie
      Espagne Suède
      Etats–Unis Suisse
      Finlande République tchèque
      Hongrie Viêt–Nam
      Inde Zimbabwe

      Il faut préciser que certaines conventions, celles conclues avec le Danemark et le Luxembourg, entre autres, prévoient que le droit d’imposer appartient exclusivement au pays du situs.

      Lorsque le droit d’imposer appartient concurremment à l’Etat de situation des immeubles et à l’Etat de résidence du propriétaire, des dispositifs tendent à l’élimination des doubles impositions sont prévus.

      Enfin, on observera qu’en l’absence de toute convention, la double imposition est évitée par l’imputation, sur l’impôt exigible en France, des impôts sur la fortune acquittés hors de France dans les conditions prévues pour les droits de mutation à titre gratuit. Les dispositions de l’article 784 A du code général des impôts prévoyant ce dispositif pour les droits de mutation à titre gratuit s’appliquent également en matière d’ISF, ceteris paribus, en application de l’article 1723 ter 00A selon lequel l’ISF est acquitté selon les mêmes règles que les droits de mutation par décès.

b) Le principe de l’assujettissement aux droits de mutation à titre gratuit

      En ce qui concerne les droits de mutation à titre gratuit, droits de succession en cas de décès ou droits de donation en cas de transmission à titre gratuit entre vifs, les immeubles et droits immobiliers situés en France, ayant une assise matérielle en France, sont imposés lorsque le donateur ou le défunt n’a pas son domicile fiscal en France, conformément au 2° de l’article 750 ter du code général des impôts.

      Naturellement, il faut également tenir compte des règles prévues par les conventions internationales, plus nombreuses pour les droits de succession que pour les droits de donation, et qui prévoient généralement un droit d’imposer pour le pays du situs ainsi que les modalités d’élimination des doubles impositions lorsque le droit d’imposer est concurremment exercé par l’Etat de situation des biens et l’Etat de résidence du propriétaire.

      Des conventions bilatérales ont été conclues avec les pays ou territoires suivants s’agissant des mutations par décès :

    Algérie Koweït
    Arabie Saoudite Liban
    Autriche Mali
    Bahreïn Mauritanie
    Belgique Mayotte
    Bénin Monaco
    Burkina Faso Niger
    Cameroun Nouvelle-Calédonie
    Canada Oman
    Centrafricaine (République) Qatar
    Congo Royaume-Uni
    Côte d’Ivoire Saint-Pierre-et-Miquelon
    Emirats Arabes Unis Sénégal
    Espagne Suède
    Etats-Unis Suisse
    Finlande Togo
    Gabon Tunisie
    Italie  

      En ce qui concerne les donations, des conventions bilatérales ont été conclues avec les pays et territoires suivants :

    Autriche
    Etats-Unis
    Italie
    Nouvelle-Calédonie
    Saint-Pierre et Miquelon
    Suède

      En l’absence de convention, la double imposition est évitée par l’imputation, sur l’impôt exigible en France, de l’impôt acquitté hors de France dans les conditions prévues par l’article 784 A précité du code général des impôts.

2.– Le régime des sociétés à prépondérance immobilière

a) Les règles applicables en matière d’ISF

      Le premier alinéa de l’article 885 L du code général des impôts prévoit que les placements financiers détenus par les personnes physiques non résidentes en France ne sont pas imposables à l’ISF.

      Afin d’éviter que la constitution d’une société ne fasse obstacle à la perception de l’ISF et ne devienne un procédé d’évasion fiscale, le second alinéa de ce même article précise que les actions ou parts détenues dans une société ou personne morale dont l’actif est principalement constitué d’immeubles ou de droits immobiliers situés sur le territoire français, ne sont pas considérés comme des placements financiers à proportion de la valeur de ces biens et droits immobiliers par rapport à l’actif total de la société.

      Cette disposition concerne les sociétés et les personnes morales françaises comme les sociétés et les personnes morales étrangères.

      En pratique, il s’agit de sociétés non cotées et dont le patrimoine est principalement constitué d’immeubles ou de droits réels immobiliers.

      Cette dernière condition est réputée acquise dès lors que la valeur des immeubles, droits immobiliers et titres de participation dans les sociétés à prépondérance immobilière situés en France représente plus de 50 % de la valeur de l’actif social situé en France. La société n’est pas à prépondérance immobilière dans l’hypothèse inverse.

      Les immeubles et droits réels appartenant à la société, situés en France et affectés à sa propre exploitation industrielle, commerciale ou agricole, ou à l’exercice d’une profession non commerciale, ne sont pas pris en compte.

      Ainsi, une société disposant d’un actif total, c’est à dire d’un actif brut, de 100 millions de francs et détenant un patrimoine immobilier de 60 millions de francs dont 40 millions de francs à raison de biens situés en France et 20 millions de francs de biens situés à l’étranger, et d’actifs mobiliers d’une valeur de 40 millions de francs, dont 25 millions de francs d’actifs situés en France et 15 millions de francs d’actifs situés hors de France, donnera lieu à imposition dans les conditions suivantes :

           

    (en millions de francs)

     

    Actifs français

    Actifs étrangers

    Total

    Immobilier 40 20 60
    Mobilier 25 15 40
    Total 65 35 100

      Comme 61 % de l’actif de cette société situé en France est de nature immobilière, à raison de 40 millions de francs sur 65 millions de francs, la prépondérance immobilière est avérée.

      Si la valeur de chaque part est de 100 000 francs, chacune d’entre elles sera prise en compte dans l’assiette de l’ISF à raison de 40.000 francs, puisque l’actif immobilier sis en France représente 40 % de l’actif total de la société.

      On observera que la plupart des conventions internationales conclues par la France prévoient l’imposition des parts de société à prépondérance immobilière dans le pays de résidence de leur détenteur ou un partage du droit d’imposer. L’imposition au seul lieu de situation est rare.

      Enfin, on rappellera que les titres des SICOMI sont considérés comme des placements financiers, que la société soit cotée ou non, afin de ne pas introduire de distorsion de concurrence à l’intérieur de cette catégorie.

b) Les règles applicables en matière de droits de mutation à titre gratuit

      Afin d’éviter que la constitution d’une société ou d’une personne morale de droit étranger ne fasse obstacle à la perception des droits de mutation à titre gratuit, lors des successions ou des donations, et ne représente ainsi une source d’évasion fiscale, le 2° de l’article 750 ter du code général des impôts précise que les titres relatifs aux sociétés ou aux personnes morales à prépondérance immobilière, dont le siège est situé hors de France, non cotées en bourse, et détenus par un défunt ou un donateur non résident sont soumis aux droits de mutation à titre gratuit, à proportion de la valeur de ces biens et droits immobiliers dans l’actif total, c’est à dire l’actif brut, de la société.

      De même que pour l’ISF, la prépondérance immobilière est établie si l’actif français de la personne morale est composé principalement d’immeubles, terrains nus ou immeubles bâtis, de droits réels immobiliers, usufruit et droit d’usage notamment, ou de titres de personnes morales elles–mêmes à prépondérance immobilière.

      Pour ce calcul, les immeubles situés sur le territoire français et affectés par la société à sa propre exploitation industrielle, commerciale, agricole ou à l’exercice d’une profession non commerciale, ne sont pas pris en compte.

      On observera que la seule différence notable avec les règles applicables en matière d’ISF tient à ce que seules les sociétés et personnes morales étrangères sont visées dans le dispositif sur les droits de mutation à titre gratuit.

      Cette différence tient au fait que les sociétés françaises à prépondérance immobilière relèvent de la catégorie des sociétés dont le siège social statutaire ou le siège de la direction effective est situé en France, catégorie dont le 2°  de l’article 750 ter précité dispose qu’elle relève du champ d’application des droits de mutation à titre gratuit, pour l’imposition des non résidents. Tel n’est pas le cas pour l’ISF.

      Les conventions conclues par la France ne prévoient, en général, que très rarement l’imposition des parts de sociétés à prépondérance immobilière dans l’Etat de situation des biens.

B.– La taxe de 3 % sur les immeubles détenus par les personnes morales

      Pour décourager toute évasion grâce à des montages reposant sur des personnes morales établies dans les paradis fiscaux dont la législation permet de garantir l’anonymat des associés, le législateur a créé dans le cadre de la loi de finances pour 1983 une taxe de 3 % sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par certaines personnes morales. Le régime en a été modifié plusieurs fois.

      Cette taxe, prévue aux articles 990 D et suivant du code général des impôts, est destinée à avoir, sur une base forfaitaire, les mêmes effets que l’impôt de solidarité sur la fortune et les droits de mutation à titre gratuit. Elle représente également, mais à un moindre titre, un substitut aux droits de mutation à titre onéreux et à l’impôt sur les plus–values pour les contribuables recourant aux structures qui en relèvent.

      Elle a apporté à l’Etat 105 millions de francs de recettes fiscales en 1997.

      Elle concerne les personnes morales résidentes et les personnes morales non résidentes, mais l’extension aux sociétés françaises dans le cadre de la loi de finances pour 1993 n’a eu aucun effet pratique. Il s’agissait en fait de répondre de manière purement formelle à la critique de la Cour de cassation qui considérait la taxe comme discriminatoire dès lors qu’elle concernait les seules sociétés étrangères.

      La taxe s’applique donc à l’ensemble des personnes morales qui possèdent soit directement, soit par personne interposée, un ou plusieurs immeubles situés en France ou qui sont titulaires de droits réels immobiliers.

      Cette définition large permet de couvrir l’ensemble des personnes morales qui garantissent l’anonymat de leurs fondateurs ou des bénéficiaires de leur patrimoine, telles que les établissements (« Anstalten ») prévus par le droit du Liechtenstein.

      En outre, grâce à la notion de personne interposée, il est possible de faire obstacle aux montages complexes. Selon le second alinéa de l’article 990 D précité, est en effet réputée posséder des biens ou des droits immobiliers en France par personne interposée toute personne morale détenant une participation, quelles qu’en soient la forme et la quotité, dans une personne morale qui est soit propriétaire de ces biens ou droits, soit elle-même détentrice d’une participation dans une troisième personne morale qui est soit propriétaire de ces biens ou droits, soit interposée dans la chaîne de participations.

      En pratique, la taxe de 3 % ne vise que les structures non cotées à prépondérance immobilière établies dans les paradis fiscaux, compte tenu des nombreux cas d’exonération.

      Sont en effet exonérées de la taxe de 3 % (article 990 E du code général des impôts) :

      – les personnes morales qui ne sont pas à prépondérance immobilière en France, c’est à dire dont les actifs immobiliers situés en France représentent moins de 50 % des actifs français ;

      – les personnes morales dont le siège est situé dans un pays ou dans un territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale comportant une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale. Cette exonération concerne même les sociétés à prépondérance immobilière. Elle intervient dès lors que les personnes morales concernées font connaître chaque année à l’administration fiscale, dans le cadre d’une déclaration spécifique, les éléments permettant d’assujettir, le cas échéant, leurs associés à l’ISF ou aux droits de mutation à titre gratuit lors de la transmission des actions ou des parts : lieu de situation, consistance et valeur vénale des immeubles et droits immobiliers possédés en France soit directement, soit par l’intermédiaire de personnes interposées ; identité et adresse des actionnaires, associés et membres ; nombre des actions ou parts détenus par chacun d’entre eux. Cette exonération ne peut intervenir qu’en faveur des seuls pays avec lesquelles la convention d’assistance administrative permet de vérifier, au besoin, la véracité des éléments figurant sur la déclaration.

      – les personnes morales qui ont leur siège de direction effective en France ou qui, en vertu d’un traité, doivent bénéficier du même traitement que les personnes morales ayant leur siège en France ;

      – les sociétés cotées en bourse ;

      – les personnes morales exonérées de manière classique des impositions relatives au patrimoine : organisations internationales, Etats souverains et institutions publiques, ainsi que les caisses de retraites et les organismes exerçant à but non lucratif une activité d’intérêt général.

      On observera que si la taxe de 3 % est destinée, en pratique, à se substituer à l’ISF et aux droits de mutation à titre gratuit, principalement, elle n’est nullement libératoire de ces droits.

      Ainsi, l’identification des associés d’une personne morale détenant un immeuble assujetti depuis de nombreuses années à cette taxe permet à l’administration fiscale d’opérer sur l’ensemble de la période couverte par le délai de reprise, soit dix ans pour les droits de mutation à titre gratuit comme pour l’ISF, un rappel des droits éludés.

      La taxe de 3 % représente donc l’ultime filet du dispositif français de taxation des droits immobiliers détenus par les non résidents, qui apparaît satisfaisant car il permet d’imposer un immeuble à usage privé soit à raison de sa possession directe par une personne physique non résidente, soit à raison de sa possession par une personne morale ou une société à prépondérance immobilière, soit à raison de sa possession par une personne morale dont les associés bénéficient de l’anonymat.

II.– L’extension du champ d’application des droits de mutation à titre gratuit et de l’ISF aux cas de possession indirecte de droits immobiliers

      En dépit de la combinaison des dispositions sur la taxe de 3 % sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales et de celles relatives aux droits de mutation à titre gratuit et à l’ISF, la législation française laisse apparaître quelques possibilités d’évasion fiscale s’agissant des immeubles ou droits immobiliers possédés par des personnes morales ou des organismes étrangers.

      Ne relèvent en effet d’aucune forme d’imposition sur le patrimoine :

      – d’une part, les formes de propriété organisées dans le cadre de structures qui ne constituent pas des personnes morales ; tel est notamment le cas des biens détenus par des « trusts », pour lesquels la question du régime fiscal n’est pas clairement tranchée dans notre droit ;

      – d’autre part, les immeubles détenus par des sociétés ou personnes morales non résidentes qui ne sont pas à prépondérance immobilière, c’est-à-dire dont plus de la moitié de l’actif situé en France n’est pas constituée d’immeubles ou de droits immobiliers. Ces immeubles ne relèvent ni du champ de la taxe de 3 % ni de l’assiette de l’ISF et des droits de mutation à titre gratuit ;

      – enfin, les immeubles possédés par l’intermédiaire de chaînes de participation ne relevant pas de la taxe de 3 % parce que les associés des sociétés concernées sont connus.

      Ces possibilités d’évasion concernent principalement des structures de gestion de patrimoine privé et d’optimisation de la fiscalité sur la fortune.

      L’objectif de l’article 15 du présent projet de loi est donc de combler ces lacunes.

      Il est également d’assurer une base légale à la doctrine de l’administration en matière de droits de mutation à titre gratuit comme d’ISF, puisque les mêmes règles sont applicables mutatis mutandis, sur le point déjà évoqué de la prise en compte des participations dans des sociétés à prépondérance immobilière pour apprécier la prépondérance immobilière d’une société.

      En effet, si la documentation de base de la direction générale des impôts, fascicule 7 G 2141, précise en page 69, paragraphe 24, que la prépondérance immobilière d’une personne morale étrangère doit s’apprécier en tenant compte non seulement des immeubles et droits immobiliers, mais également des titres de personnes morales elles–même à prépondérance immobilière, il convient en effet d’étayer cette interprétation hardie, quoique judicieuse, de l’administration fiscale, sur une base plus certaine que c’est actuellement le cas.

      Plutôt que de compléter les textes par des mesures ponctuelles qui risqueraient également d’être rapidement déviées, le dispositif de l’article 15 tend à contourner la difficulté d’une manière habile en recourant à la notion de possession indirecte.

      Il est ainsi prévu d’inclure dans le champ de l’ISF et des droits de mutation à titre gratuit les immeubles et droits immobiliers détenus indirectement par des personnes physiques non résidentes.

A.– L’introduction de la notion de possession indirecte de biens
ou droits immobiliers dans les règles relatives aux droits
de mutation à titre gratuit

      Le paragraphe I du présent article tend à modifier le 2° de l’article 750 ter du code général des impôts relatif à l’imposition au titre des droits de mutation à titre gratuit de biens français détenus par une personne physique non résidente, de manière à introduire la notion de possession indirecte de biens ou droits immobiliers.

      Le A du paragraphe I tend à introduire ce principe dans le premier alinéa du 2° de l’article 750 ter du code général des impôts. En outre, ce paragraphe répond au souci précédemment évoqué de donner une base légale à la prise en compte des participations dans les sociétés à prépondérance immobilière pour apprécier la prépondérance immobilière.

      Le B du paragraphe I précise les modalités selon lesquelles la possession indirecte de biens et droits immobiliers sera réputée acquise et les modalités d’évaluation des biens concernés.

      ·   La possession immobilière indirecte est définie comme le fait de détenir soit seul, soit avec ses parents proches, soit directement, soit indirectement par l’intermédiaire d’une chaîne de personnes morales ou d’organismes, ou chaîne de participation, la majorité des parts d’une personne morale ou d’un organisme propriétaire d’un bien immobilier ou titulaire de droits immobiliers.

      Cette définition appelle plusieurs remarques

      En premier lieu, il est tout à fait fondé de considérer qu’un immeuble est en fait détenu et réservé à l’usage d’une seule personne ou d’un groupe de parents proches, dès lors qu’il appartient à une société dont la moitié au moins du capital est contrôlée par ces mêmes personnes.

      En second lieu, cette définition est très large, car elle concerne non seulement les immeubles, mais également les droits réels immobiliers provenant d’un éventuel démembrement du droit de propriété : usufruit, nue–propriété, droit d’usage. Ainsi, un démembrement de la propriété entre plusieurs personnes morales ou organismes ne fera pas obstacle au principe de l’imposition. Il ne sera susceptible que d’en atténuer la portée dès lors que l’on considère qu’un immeuble dont le droit de propriété est démembré procure un rendement fiscal réduit, dans la mesure où la somme de la valeur des démembrements est inférieure à la valeur initiale du bien.

      En troisième lieu, cette définition est prudente, car elle interdit toute évasion fiscale dans le cadre d’un éclatement de la propriété entre plusieurs personnes parentes. L’appréciation du seuil de détention de 50% des actions, parts ou droits sera effectuée en tenant compte des titres détenus par l’ensemble des personnes dont le lien de parenté est très proche.

      En quatrième lieu, cette définition assure un champ d’application très général à la taxation à raison de la possession indirecte d’immeubles ou de droits immobiliers. Elle ne vise pas, en effet, les seules personnes morales, comme c’est le cas de l’article 990 D pour la taxe de 3 %, mais l’ensemble des personnes morales et des organismes. Cette formulation permet de faire échec à une éventuelle utilisation de structures de droit étranger ne relevant pas de la catégorie des personnes morales. Elle est en outre susceptible de faire évoluer la réflexion sur la difficile question de la fiscalité des « trusts ».

      En cinquième lieu, cette définition paraît bien adaptée, dans la mesure où elle s’applique tant aux personnes morales et aux organismes de droit étranger qu’à ceux relevant de droit français, alors que seules les participations dans les sociétés étrangères sont en fait visées. Cela permettra de faire échec aux montages qui reposeraient sur l’interposition d’une ou de plusieurs sociétés françaises dans une chaîne de participation constituée d’organismes ou de sociétés non résidents.

      En sixième lieu, elle est efficace, car elle prévoit une imposition en cas de chaîne de participation.

      En ce qui concerne l’appréciation du seuil de 50 % au niveau familial, il a été clairement précisé à votre Rapporteur général que seraient prises en compte les parts détenus par le défunt ou le donateur, ainsi que par ses ascendants, ses descendants, ses conjoints et ses frères et soeurs, dans le cadre de groupes familiaux. Aussi convient–il de regretter que la rédaction retenue par le projet de loi soit assez confuse, avec un double renvoi, puisque l’article 751 du code général des impôts, qui concerne les personnes interposées, renvoie lui–même, partiellement, aux articles 911 et 1100 du code civil, sur un point aussi important. Il s’agit en effet de l’appréciation du seuil de déclenchement de l’imposition. Une formulation claire, telle que celle utilisée dans le cadre de l’article 885 O bis du code général des impôts relative à la propriété familiale en matière d’exonération des biens professionnels de l’ISF, semble préférable.

      Aussi votre Rapporteur général est–il conduit à envisager un amendement proposant de reprendre cette rédaction dans le corps de l’article 15 du présent projet de loi.

      Cette nouvelle rédaction faisant intervenir les notions de « frères » et de « soeurs », il n’est pas inutile de préciser, puisque l’on est dans le domaine de la fiscalité des non résidents et que les systèmes familiaux sont très divers dans les différents pays, que cette notion vise tous les cas où la parenté fait intervenir au premier degré au moins un ascendant commun, père ou mère. Sont ainsi concernés les frères et soeurs germains, consanguins et utérins, de même que les frères et soeurs par adoption. De même, celle de conjoint vise naturellement l’ensemble des conjoints en cas de polygamie.

      Naturellement, la prise en compte des actions, parts et droits détenus par les parents proches du défunt ou du donateur n’intervient que pour déterminer s’il y a lieu d’imposer ou non. La valeur des droits immobiliers ne sera prise en compte dans l’actif successoral ou dans l’actif transmis entre vifs qu’à concurrence des droits qui reviennent personnellement au défunt ou au donataire.

      La notion de chaîne de participation permet de viser les cas où plusieurs sociétés sont interposées entre les personnes physiques et les biens, même les cas les plus complexes avec des participations croisées et des participations des sociétés filles dans les sociétés mères. Le dispositif est identique à celui retenu par l’article 990 D du code général des impôts relatif à la taxe de 3 % sur la valeur vénale des immeubles détenus par des personnes morales, précédemment évoquée.

      ·   S’agissant de l’évaluation des biens et droits concernés, le principe retenu est le même que pour les sociétés à prépondérance immobilière. La valeur des droits immobiliers sera déterminée par application de la proportion de l’actif immobilier dans l’actif total, ou actif brut, à la valeur de la part de la société directement propriétaire des biens ou droits immobiliers.

      L’exemple qui suit permet d’illustrer la manière dont le dispositif fonctionnera concrètement.

      EXPLICATION

      En principe, les biens détenus par Monsieur X ne peuvent être assujettis aux droits de mutation par décès en France, dès lors que le défunt est non-résident et que les biens sont étrangers.

      Toutefois, à raison de sa participation directe et indirecte dans la société I qui détient des immeubles en France, il convient de vérifier que les titres détenus dans A, B et I ne peuvent être assujettis aux droits de mutation par décès.

      Détermination de la participation de Monsieur X dans la société I par l’intermédiaire des sociétés interposées et de son groupe familial :

    10%

    +

    36%

    +

    3%

    +

    3%

    =

    52%

    direct

     

    (45% x 80%)

     

    30% x 10%)

     

    (30% x 10%)

       
       

    Société A

     

    Société B

     

    Fils Y

       

      En conséquence, les titres des sociétés A, B et I rentrent dans le champ d’application des droits de mutation par décès.

      Détermination de la valeur imposable pour chaque titre

      ·   Titres de la société I

      Un titre de I sera taxé à hauteur de la valeur des immeubles français par rapport à l’actif brut de la société soit (2.000 x 20%) = 400 F. 10% des titres de I seront taxés à cette valeur.

      ·   Titres de la société A

      Les titres de la société I représentent 26,66% de la valeur de A taxable, il convient de faire application de la formule suivante :

      X

      soit : (8 / 30) x 20% soit environ 5,5%

      Un titre de A sera taxé dans la succession à hauteur de (3.000 x 5,5%) = 165 F. 45% des titres de A seront taxés à cette valeur.

·   Titres de la société B

      Les titres de la société I représentent 10% de la valeur de l’actif brut de B.

      Pour déterminer la fraction de la valeur d’un titre de B taxable, il convient de faire application de la formule suivante :

      X

      soit : (1 / 10) x 20% soit environ 2%

      Un titre de B sera taxé dans la succession à hauteur de (1.000 x 2%) = 20 F. 30% des titres de B seront taxés à cette valeur.

      Þ  Aujourd’hui, aucun de ces titres ne serait soumis aux droits de mutation par décès.

      Source : Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie.

      Le paragraphe C constitue une mesure de coordination.

      Il tend à rappeler que relèvent des droits de mutation à titre gratuit en France les titres des sociétés ayant en France leur siège social statutaire ou le siège de leur direction effective, quelle que soit la composition de leur actif, afin qu’il soit bien clair que les règles précitées sur la possession immobilière indirecte par une personne physique non résidente n’affectent en rien le régime des parts de sociétés françaises détenant des droits immobiliers. Ces parts relèvent déjà du régime des droits de mutation à titre gratuit, qui s’appliquent à la totalité de la valeur des parts concernées.

      Les paragraphes D et E tendent à opérer une modification purement formelle, de manière à ce que la règle selon laquelle les immeubles affectés à l’activité d’une personne morale, d’une société ou d’un organisme (qu’il s’agisse d’une activité industrielle, commerciale, non commerciale ou agricole) ne sont pas pris en considération, s’applique tant à la mise en jeu des règles sur la prépondérance immobilière qu’à l’évaluation des biens immobiliers indirectement détenus par une personne physique.

      L’objectif du projet de loi est en effet d’imposer l’immobilier à usage privé, et non l’immobilier à usage professionnel.

B.– L’introduction de la notion de possession indirecte de biens ou droits immobiliers dans les règles relatives à l’ISF

      Le paragraphe II modifie d’une manière similaire aux droits de mutation à titre gratuit, les règles relatives à l’ISF dans le cadre d’un complément à l’article 885 L du code général des impôts. L’objectif est d’introduire dans l’assiette de cet impôt des immeubles et droits immobiliers détenus indirectement par des non résidents.

      Il prévoit ainsi que les actions, parts ou droits détenus par des non résidents dans les personnes morales ou organismes entraînant une possession immobilière indirecte au titre des dispositions précitée du 2 de l’article 750 ter, ne constitueront plus des titres de placements exonérés de l’ISF.

      Les modalités d’assujettissement à l’ISF seront les mêmes que celles précédemment décrites pour les droits de mutation à titre gratuit.

      Ainsi, la détention de plus de 50 % des droits, actions ou parts dans une société ou une chaîne de participation détentrice des biens ou droits immobiliers ne sera prise en compte que pour déterminer s’il y lieu ou non d’imposer et chaque redevable de l’ISF sera personnellement imposé à raison de ses droits directs dans la société directement ou indirectement détentrice, des immeubles ou droits immobiliers situés en France, et à raison de la proportion de la valeur de ceux–ci dans l’actif total.

      Ce dispositif n’appelle qu’une seule observation.

      Son champ d’application est plus large que celui des dispositions relatives aux droits de mutation à titre gratuit, car contrairement à ce qui est prévu pour ces derniers, les règles de l’article 885 L du code général des impôts concernent en effet les sociétés et personnes morales résidentes.

      Les non résidents seront assujettis à l’ISF au titre des biens et droits immobiliers indirectement possédés tant par l’intermédiaire des personnes morales et organismes de droit étranger que par les personnes morales de droit français.

      Ainsi, l’exonération dont bénéficient les placements financiers des non résidents ne concernera plus les actions, parts et droits détenus dans les sociétés françaises à raison de la part des droits immobiliers détenus, dès lors qu’un groupe familial en assure le contrôle.

      *

* *

La Commission a adopté un amendement de précision présenté par votre Rapporteur général (amendement n° I-15), puis elle a adopté l’article 15 ainsi modifié.

*

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Article 16

Imposition des plus-values constatées et des plus-values en report d'imposition en cas de transfert du domicile hors de France.

Texte du projet de loi :

I. L’article 167 du code général des impôts, est modifié comme suit :

A. Il est inséré un 1 bis ainsi rédigé :

      “1 bis. Lorsque le contribuable transfère son domicile hors de France, les plus-values de cession ou d’échange de valeurs mobilières ou de droits sociaux dont l’imposition a été reportée sont immédiatement imposables.

      Toutefois, le paiement de l’impôt correspondant peut être différé dans les conditions et les modalités prévues au II de l’article 167 bis, jusqu’au moment où s’opérera la transmission, le rachat, le remboursement ou l’annulation des droits sociaux concernés.

      Lorsque le contribuable transfère de nouveau son domicile en France, l’impôt dont le paiement est en sursis, sur le fondement de l’alinéa précédent, est dégrevé d’office en tant qu’il se rapporte à des plus-values afférentes aux titres qui, à cette date, demeurent dans le patrimoine du contribuable. Dans ce cas, les reports existants sur ces mêmes titres à la date du transfert du domicile hors de France sont rétablis de plein droit. ”

      B. Au 2, après les mots : “ du 1 ” sont ajoutés les mots : “ et du 1 bis ” et les mots : “ dans les dix jours qui précèdent la demande de passeport ” sont remplacés par les mots : “ dans les trente jours qui précèdent le transfert du domicile hors de France ”.

      II. Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 167 bis ainsi rédigé :

      “ Art. 167 bis.-I. 1. Les contribuables fiscalement domiciliés en France pendant au moins six années au cours des dix dernières années sont imposables, à la date du transfert de leur domicile hors de France, au titre des plus-values constatées sur les droits sociaux mentionnés à l’article 160.

      2. La plus-value constatée est déterminée par différence entre la valeur des droits sociaux à la date du transfert du domicile hors de France, déterminée suivant les règles prévues aux articles 758 et 885 T bis et leur prix d’acquisition par le contribuable ou, en cas d’acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation.

      Les pertes constatées ne sont pas imputables sur les plus-values de même nature effectivement réalisées par ailleurs.

      3. La plus-value constatée est déclarée dans les conditions prévues au 2 de l’article 167.

      II. 1. Le paiement de l’impôt afférent à la plus-value constatée peut être différé au moment où s’opérera la transmission, le rachat, le remboursement ou l’annulation des droits sociaux concernés.

      Le sursis de paiement est subordonné à la condition que le contribuable déclare le montant de la plus-value constatée dans les conditions du I, demande à bénéficier du sursis, désigne un représentant établi en France autorisé à recevoir les communications relatives à l’assiette, au recouvrement et au contentieux de l’impôt et constitue auprès du comptable chargé du recouvrement, préalablement à son départ, des garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor.

      Le sursis de paiement prévu au présent article a pour effet de suspendre la prescription de l’action en recouvrement jusqu’à la date de l’événement entraînant son expiration. Il est assimilé au sursis de paiement prévu à l’article L. 277 du livre des procédures fiscales pour l’application des articles L. 208, L 255, L. 257 et L. 279 du même livre.

      Pour l’imputation ou la restitution de l’avoir fiscal, des crédits d’impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires, il est fait abstraction de l’impôt pour lequel un sursis de paiement est demandé en application du présent article.

      2. Les contribuables qui bénéficient du sursis de paiement en application du présent article sont assujettis à la déclaration prévue au 1 de l’article 170. Le montant cumulé des impôts en sursis de paiement est indiqué sur cette déclaration à laquelle est joint un état établi sur une formule délivrée par l’administration faisant apparaître le montant de l’impôt afférent aux titres concernés pour lequel le sursis de paiement n’est pas expiré ainsi que, le cas échéant, la nature et la date de l’événement entraînant l’expiration du sursis.

      3. Sous réserve du 4, lorsque le contribuable bénéficie du sursis de paiement, l’impôt dû en application du présent article est acquitté avant le 1er mars de l’année suivant celle de l’expiration du sursis.

      Toutefois, l’impôt dont le paiement a été différé n’est exigible que dans la limite de son montant assis sur la différence entre le prix en cas de cession ou de rachat, ou la valeur dans les autres cas, des titres concernés à la date de l’événement entraînant l’expiration du sursis d’une part, et leur prix ou valeur d’acquisition retenu pour l’application du 2 du I d’autre part. Le surplus est dégrevé d’office. Dans ce cas, le contribuable fournit, à l’appui de la déclaration mentionnée au 2, les éléments de calcul retenus.

      L’impôt acquitté localement par le contribuable et afférent à la plus-value effectivement réalisée hors de France est imputable sur l’impôt sur le revenu établi en France à condition d’être comparable à cet impôt.

      4. Le défaut de production de la déclaration et de l’état mentionnés au premier alinéa du 2 ou l’omission de tout ou partie des renseignements qui doivent y figurer entraînent l’exigibilité immédiate de l’impôt en sursis de paiement.

      III. A l’expiration d’un délai de cinq ans suivant la date du départ ou à la date à laquelle le contribuable transfère de nouveau son domicile en France si cet événement est antérieur, l’impôt établi en application du I est dégrevé d’office en tant qu’il se rapporte à des plus-values afférentes aux droits sociaux qui, à cette date, demeurent dans le patrimoine du contribuable. ”.

      III. Un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions d’application du présent article et notamment les modalités permettant d’éviter la double imposition des plus-values constatées ainsi que les obligations déclaratives des contribuables et les modalités du sursis de paiement.

      IV. Les dispositions du présent article sont applicables aux contribuables qui transfèrent leur domicile hors de France à compter du 9 septembre 1998.

Exposé des motifs du projet de loi :

A l’instar des mesures mises en oeuvre par nos principaux partenaires pour lutter contre la délocalisation, il est proposé d’imposer les plus-values d’échange de titres placées antérieurement sous un régime de report ainsi que les plus-values constatées sur les participations substantielles lorsque le contribuable transfère son domicile fiscal à l’étranger.

Toutefois, le contribuable pourrait demander à différer le paiement de l’impôt jusqu’à la cession des titres en cause. Dans ce cas, le contribuable devrait constituer des garanties auprès du comptable du Trésor et désigner un représentant établi en France.

L’impôt établi sur les participations substantielles ne concernerait que les contribuables résidents de France pendant au moins six années au cours des dix dernières années et l’impôt établi à ce titre serait dégrevé au terme d’un délai de cinq ans, ou avant ce délai en cas de nouvel établissement en France.

Observations et décision de la Commission :

Dans le cadre d’un dispositif complexe dans ses modalités, mais simple dans ses principes, cet article tend à aménager certaines des règles d’imposition des plus–values de cession de droits sociaux, de manière à éviter que le transfert dans un pays étranger du domicile fiscal d’un contribuable ne se traduise par des pertes d’imposition pour la France.

L’objectif est double.

D’une part, il s’agit de compléter le code général des impôts par une disposition sur le paiement des impositions sur les plus–values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux en report, en cas de transfert du domicile fiscal hors de France. Ces impositions sont en principe acquises à la France, mais elles ne peuvent pas être mise en recouvrement auprès de ceux qui sont devenus non–résidents, pour des raisons pratiques. Aucune imposition des plus-values réalisées par les non–résidents n’est en effet prévue pour le cas général des valeurs mobilières et des titres ne constituant pas des participations substantielles de plus de 25 % dans le capital de sociétés. Il s’agit donc de tarir une source d’évasion fiscale.

      D’autre part, il s’agit de prévenir la délocalisation à des fins purement fiscales de certains contribuables fortunés qui partent s’installer, le temps de vendre leur entreprise, dans un pays étranger ayant conclu avec la France une convention fiscale internationale ne lui reconnaissant pas le droit d’imposer les plus–values sur ces participations substantielles. Ces stratégies ont pour objectif de faire échec aux dispositions de l’article 244 bis B du code général des impôts, qui prévoit que de telles plus-values sont imposables dans notre pays, même lorsque leur détenteur n’y est pas fiscalement domicilié.

      A ce titre, cet article constitue le troisième des quatre articles du projet de loi destinés à renforcer la lutte contre l’évasion fiscale internationale.

      On doit par ailleurs observer qu’il constitue l’occasion de procéder à la modernisation de la rédaction, devenue largement obsolète, de la disposition de l’article 167 du code général des impôts relative aux délais dans lesquels le contribuable qui procède au transfert de son domicile hors de France ou qui abandonne toute habitation en France doit déposer une déclaration des revenus perçus et acquis depuis sa dernière déclaration de revenus.

      Comme l’ensemble du dispositif est destiné à prévenir des évasions fiscales, on ne manquera pas d’observer que le paragraphe V prévoit une application à compter du 9 septembre 1998.

      Valeurs mobilières et droits sociaux

      Les valeurs mobilières sont les titres négociables émis par les sociétés, et certaines collectivités publiques (cf. les emprunts d’Etat), et cotés en bourse ou susceptibles d’être cotés, en raison de leurs caractéristiques uniformes, dans une même catégorie. Elles sont également susceptibles de procurer un revenu parce que leur titulaire est soit un associé dans la société, soit un créancier. Les valeurs mobilières ont la forme de titres nominatifs, de titres aux porteurs ou de titres au porteur identifiable. Il s’agit, pour l’essentiel, des actions et des obligations « ordinaires ». Les actions à dividendes prioritaires sans droit de vote, les certificats d’investissement, les titres participatifs, les obligations avec bons de souscription d’actions, les valeurs mobilières « composées » ou « hybrides » donnant droit par conversion, échange, remboursement, présentation d’un bon à l’attribution de titres qui sont ou seront émis, les démembrements de valeurs mobilières participent de la diversité de la catégorie.

      L’expression droits sociaux désigne, de manière générique, les droits du titulaire dans une société, sous forme, notamment de parts sociales des sociétés de personnes et des SARL, actions des SA et des sociétés en commandite par action, par exemple.

I.- L’imposition des plus–values en report en cas de transfert du domicile hors de France

A.– Le régime actuel : des pertes d’imposition pour l’Etat français

1.– Les reports d’imposition

      De manière générale, les personnes physiques qui réalisent, à l’occasion de la gestion de leur patrimoine privé, des plus–values (26) lors de la cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux relèvent d’un régime spécifique d’imposition de ces gains, caractérisé par une taxation forfaitaire avec un taux unique. Le fait générateur de l’impôt sur la plus–value est la cession, c’est–à–dire la transmission à titre onéreux.

      Dans les cas les plus courants, le taux de l’impôt est de 16 %, auquel il convient d’ajouter 10 % au titre des prélèvements sociaux (CSG, CRDS, prélèvements au profit des organismes de sécurité sociale), soit un prélèvement total de 26 %.

      L’imposition est établie au titre de l’année au cours de laquelle la cession est intervenue. En pratique, l’impôt sur la plus–value est payé l’année qui suit la cession.

      ·  L’origine du report d’imposition

      Certaines opérations financières qui entraînent des échanges de titres s’analysant comme des cessions, le législateur a prévu plusieurs mécanismes de report d’imposition, afin de ne pas pénaliser les contribuables qui n’ont pas perçu de numéraire à l’occasion de ces opérations et pourraient éprouver quelque difficulté à payer l’imposition correspondante.

      ·  Les modalités du report

      Le report d’imposition, susceptible de s’appliquer sur simple demande du contribuable, se traduit, d’un point de vue technique, par un simple différé de l’imposition. La plus–value réalisée est calculée et déclarée lors de l’opération d’échange selon les règles habituelles, et l’imposition est reportée jusqu’au moment où s’opère l’opération de cession, de rachat, d’annulation ou, le cas échéant, pour les obligations, de remboursement, des titres remis lors de l’échange. Le nouveau fait générateur de l’imposition est alors l’échéance du report.

      L’imposition en report est effectuée selon les règles en vigueur au moment où le report vient à expiration. En cas de variation du taux de l’impôt, c’est le nouveau taux qui s’applique. Une compensation est, le cas échéant, effectuée avec les moins–values de même nature.

      Lorsque l’opération concernée permet de constater une moins–value globale, celle ci peut être reportée dans les mêmes conditions et venir en compensation d’une plus–value de même nature constatée l’année de l’expiration du report, avec également la possibilité d’un nouveau report sur les cinq années suivantes.

      On ne manquera pas d’observer qu’en cas d’opérations successives permettant un report, les impositions déjà en report peuvent elles–même être reportées.

      L’administration fiscale peut assurer un suivi du report, puisque le montant global des plus–values ou des moins–values en report est mentionné chaque année, jusqu’à l’expiration du report, sur la déclaration annuelle de revenus.

      ·  Les plus–values dont l’imposition peut être reportée

      Le mécanisme du report d’imposition ne concerne pas toutes les cas de plus–values réalisées à l’occasion de la cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux.

      Il convient ainsi de distinguer :

      – les plus–values relevant de l’article 92 B du code général des impôts, qui concerne les valeurs mobilières cotées ou négociées sur le second marché ou sur le marché libre dit « over the counter », qui s’est substitué le 1er juillet dernier au marché hors cote, ainsi que les obligations non cotées, effets et titres d’emprunts négociables et les titres participatifs non cotés (27) ;

      – les plus–values relevant de l’article 92 J du code général des impôts, qui concerne les gains nets retirés des cessions de droits sociaux de sociétés non cotées passibles de l’impôt sur les sociétés, et qui renvoie à l’article 92 B pour les modalités d’imposition. Ce régime ne concerne en fait que les participations non substantielles de moins de 25 % ;

      – le régime de l’article 160, qui règle l’imposition des plus–values résultant des cessions de tout ou partie de participations substantielles supérieures à 25 % dans le capital de sociétés passibles de l’impôt sur les sociétés. Ce régime s’applique quel que soit le montant des cessions opérées par le contribuable ;

      – le régime de l’article 150 A bis du code général des impôts, pour les titres de sociétés non cotées à prépondérance immobilière, dont l’imposition au titre des plus–values ne relève pas du même régime, mais de celui des plus–values immobilières, qui relève du barème de l’impôt sur le revenu. Les sociétés à prépondérance immobilière sont les sociétés dont l’actif est principalement constitué d’immeubles et de droits immobiliers.

      On observera que les plus–values résultant de la cession de droits sociaux dans des sociétés relevant de l’impôt sur le revenu, dont l’imposition est prévue dans le cadre de l’article 92 K, ne font pas l’objet de reports d’imposition.

      ·  Les opérations susceptibles de donner lieu à report et les conditions d’extinction du report

      En ce qui concerne les plus–values relevant des articles 92 B et 92 J du code général des impôts, les opérations susceptibles d’avoir donné lieu ou de donner lieu à report d’imposition des plus–values de cession sont les suivantes :

      – les opérations d’apport de titres à une société créée dans le cadre d’une procédure de rachat d’une entreprise par les salariés ; on rappellera que trois dispositifs ont successivement été appliqués du 1er janvier 1984 au 15 avril 1987 pour le premier, du 15 avril 1987 au 31 décembre 1991 pour le deuxième et du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1996 pour le troisième ;

      – les opérations d’apport de titres à une société soumise à l’impôt sur les sociétés, intervenues après le 1er janvier 1991 ;

      – les opérations d’offre publique d’échange, de fusion, de scission, ainsi que les opérations d’absorption d’un fonds commun de placement (FCP) par une SICAV, intervenues postérieurement au 1er janvier 1992 ;

      – les opérations d’échanges de titres d’emprunt d’Etat ou de titres participatifs contre des actions de sociétés privatisées, dans le cadre des opérations de privatisation effectuées depuis le 21 juillet 1993 ;

      – les transferts, opérés entre le 23 juin et le 31 décembre 1993, de l’épargne investie dans certains OPCVM sur un PEA.

      En cas d’échange avec soulte, aucun report n’est possible dès lors que la soulte excède 10 % de la valeur nominale des titres reçus. On considère, en effet, que la somme perçue par le contribuable est suffisante pour permettre le paiement de l’impôt et que la condition de fond du report, l’absence de disponibilités financières pour le contribuable, n’est pas remplie.

      S’agissant des plus–values réalisées à l’occasion de la cession de tout ou partie des droits sociaux constituant une participation substantielle, qui relèvent de l’article 160 du code général des impôts, le report concerne les opérations d’échanges de titres réalisées dans le cadre d’opérations de fusion, de scission, ou d’apport de titres à une société soumise à l’impôt sur les sociétés, opérées depuis le 1er janvier 1991. On observera que le cas de l’offre publique d’échange n’est pas mentionné, ce qui constitue la principale différence par rapport au régime de l’article 92 B précité.

      Un tel report est également possible, depuis le 1er janvier 1997, lorsque l’échange de titres est réalisé par une société ou d’un groupement ne relevant pas de l’impôt sur les sociétés, dont les associés ou membres sont personnellement passibles de l’impôt sur le revenu pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société ou le groupement. Cette disposition assure la transparence de la société de personnes.

      En cas d’échange avec soulte également, aucun report n’est possible dès lors que la soulte excède 10 % de la valeur nominale des titres reçus.

      En ce qui concerne les plus–values de cession de titres de sociétés non cotées à prépondérance immobilière, le report d’imposition s’applique en cas de fusion ou de scission de sociétés, ou d’apport de droits sociaux. On observera également que le cas de l’offre publique d’échange n’est pas mentionné.

      Un tel report est également possible, depuis le 1er janvier 1997, lorsque l’échange de titres est réalisé par l’intermédiaire d’une société ou d’un groupement ne relevant pas de l’impôt sur les sociétés, et dont les associés ou membres sont personnellement passibles de l’impôt sur le revenu pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société ou le groupement.

      En cas d’échange avec soulte une nouvelle fois, aucun report n’est possible dès lors que la soulte excède 10 % de la valeur nominale des titres reçus.

      En outre, un régime temporaire de report d’imposition est prévu pour le produit de cession des droits sociaux réinvesti dans les PME nouvelles. Ce régime a déjà été évoqué de façon détaillée dans le cadre de la présentation de l’article 4, au commentaire duquel on pourra se reporter.

      On rappellera uniquement qu’il s’applique à l’imposition des plus–values résultant de la cession de droits sociaux réalisée entre le 1er janvier 1988 et le 31 décembre 1999 et dont le produit est réinvesti avant le 31 décembre de l’année qui suit la cession dans la souscription en numéraire au capital de sociétés non cotées passibles de l’impôt sur les sociétés, et créées depuis moins de sept ans. L’article 4 du présent projet de loi propose de porter à quinze ans l’ancienneté des sociétés éligibles.

      Cette disposition ne concerne que les contribuables ayant exercé au cours des cinq années précédant la cession, des fonctions salariées ou des fonctions de dirigeant dans la société dont les titres sont cédés. En outre, les contribuables doivent détenir avec les membres de leur foyer fiscal plus de 10 % des droits sociaux à la date de la cession. La société bénéficiaire de l’apport doit être détenue pour 75 % au moins par des personnes physiques ou des sociétés elles–mêmes contrôlées par des personnes physiques.

      De manière générale, le report d’imposition arrive à extinction en cas de cession, de rachat, d’échange, de remboursement (pour les obligations seulement) ou d’annulation des titres remis en échange.

      On observera donc une particularité du dispositif de report pour réinvestissement dans le capital de PME nouvelles, pour lequel le report intervient jusqu’au moment où s’opérera la transmission, à titre gratuit ou à titre onéreux, le rachat ou l’annulation des titres reçus en contrepartie de l’apport. Par ailleurs, comme le réinvestissement dans le capital des sociétés nouvelles ne donne pas lieu à la délivrance d’obligations, l’hypothèse du remboursement n’a pas à intervenir.

      L’objectif de l’imposition de la plus–value en cas de transmission est clairement d’éviter qu’une plus–value dont l’imposition a été reportée puisse échapper à toute imposition en raison d’une donation ou d’une succession.

      ·  Le montant des reports

      Selon les informations communiquées à votre Rapporteur général, le montant total des plus–values ayant donné lieu à report d’imposition s’établissait à 42,6 milliards de francs au 31 décembre 1996, toutes opérations confondues.

2.– Des pertes d’imposition lorsqu’un contribuable transfère à l’étranger son domicile fiscal

      Actuellement, lorsqu’un contribuable transfère son domicile à l’étranger, les impositions des plus–values en report ne peuvent en pratique être recouvrées.

      En l’absence d’imposition des plus–values de cession de valeurs mobilières des non résidents, en effet, conformément à l’article 244 bis B du code général des impôts, le contribuable qui a transféré son domicile fiscal à l’étranger n’est tenu à aucune obligation déclarative lors de la réalisation de l’événement qui entraîne l’expiration du report. L’administration ne peut ainsi en avoir connaissance.

      Une première exception concerne les plus–values de cession de tout ou partie des droits sociaux représentant des participations substantielles, qui relèvent des dispositions de l’article 160 du code général des impôts. L’article 244 bis B du même code prévoit que ces plus-values sont imposables, même lorsqu’elles sont réalisées par des non–résidents. Encore cette exception n’est–elle pas validée par un certain nombre de conventions internationales qui ne reconnaissent pas à la France le droit de procéder à cette imposition pour leurs résidents. Ces données seront ultérieurement précisées à propos du paragraphe II de cet article et du nouvel article 167 bis du code général des impôts.

      La seconde exception concerne les plus-values résultant de la cession de titres de sociétés à prépondérance immobilière visées à l’article 150 A bis du code général des impôts, en application de l’article 244 bis A du même code.

      Cette lacune doit être comblée, d’autant qu’elle implique des pertes de recettes pour l’Etat.

      L’objectif du projet de loi est de permettre la perception de ces impositions différées au départ de France.

B.– Le dispositif proposé par le Gouvernement : une imposition immédiate à raison des droits de l’Etat français, mais un paiement éventuellement différé

      En réponse aux possibilités d’évasion fiscale liées à l’absence d’imposition des plus–values en report des personnes qui ont transféré leur résidence fiscale à l’étranger, le Gouvernement propose un dispositif judicieux qui repose sur le principe selon lequel l’imposition en report étant une imposition acquise à la France, il convient de procéder à sa liquidation et à sa mise en recouvrement tant que le contribuable relève encore de la souveraineté fiscale de notre pays, c’est à dire au moment de son départ.

      Cette solution présente le double avantage de ne pas revenir sur le principe de l’article 244 bis B précédemment évoqué sur l’exonération des plus–values réalisées par les non résidents et d’être conforme aux principes de base du droit fiscal international, selon lequel l’imposition de la plus–value relève en principe du pays de résidence du contribuable.

      En effet, sauf exception, les conventions internationales retirent à la France le droit d’imposer les plus-values sur cession de ces titres.

      Ainsi, la convention avec le Royaume-Uni maintient la possibilité d’imposer ces plus-values, mais celle conclue avec la Belgique ne le permet pas. Les conventions conclues avec la Suisse et les Etats-Unis retirent à la France le droit d’imposer les plus-values de cession de participations substantielles mais prévoient le maintien du droit d’imposer les plus-values de cession de titres de sociétés à prépondérance immobilière.

      En outre, selon une jurisprudence constante du Conseil d’Etat, lorsque des résidents de France s’expatrient dans des pays qui n’imposent pas certains revenus ou plus-values (28) et que les conventions fiscales attribuent à ces Etats le droit exclusif d’imposition de ces revenus ou plus-values, la France ne peut refuser d’appliquer ces conventions en invoquant l’absence d’imposition par l’Etat partenaire.

      Cependant, sur le plan technique, afin de ne pas contraindre à la cession de ses valeurs un contribuable qui n’aurait pas les liquidités nécessaires et afin de ne pas remettre en cause ce qui est essentiel pour lui, un paiement reporté, le texte prévoit la possibilité d’un maintien du différé de paiement dans le cadre non plus d’un report d’imposition, mais d’un sursis de paiement de l’impôt liquidé.

      Le dispositif du 1 bis de l’article 167 du code général des impôts mentionné au paragraphe A du I de cet article, dessine le cadre général de cette subtile « alchimie » juridique.

      S’agissant d’un dispositif destiné à prévenir l’évasion fiscale internationale, on ne s’étonnera guère de la rigueur des dispositions conservatoires qu’il tend à mettre en oeuvre.

1.– Le principe d’une imposition immédiate au départ de France et de la possibilité d’un sursis de paiement

      Le premier alinéa du texte proposé pour le 1 bis de l’article 167 du code général des impôts prévoit que les plus–values de cession ou d’échange de valeurs mobilières ou de droits sociaux qui ont fait l’objet d’un report d’imposition deviennent immédiatement imposables, lorsque le contribuable transfère son domicile hors de France.

      L’objectif est d’avancer le fait générateur de l’impôt, qui est normalement le dénouement de l’opération ayant donné lieu à report d’imposition, à la date du transfert du domicile fiscal.

      ·  Sur le plan des principes, cette disposition n’est pas une innovation totale.

      Elle apparaît en effet comme le complément du 1 de l’article 167 du code général des impôts qui prévoit qu’un contribuable domicilié en France a l’obligation, lorsqu’il transfère son domicile à l’étranger ou qu’il abandonne toute habitation en France, de produire une déclaration provisoire de l’ensemble des revenus dont il a disposé pendant l’année en cours jusqu’à la date de son départ, des bénéfices industriels et commerciaux réalisés depuis la fin du dernier exercice taxé ainsi que des revenus qu’il acquis sans en avoir eu la disposition antérieurement à son départ. Cette déclaration provisoire est adressée au centre des impôts dont relève le contribuable au titre de sa résidence en France. Une déclaration rectificative peut être déposée jusqu’à l’expiration des deux premiers mois de l’année suivant celle du départ.

      Le non respect de cette obligation de déclaration est soumis aux sanctions de droit commun prévues à l’égard des déclarations annuelles : intérêt de retard (article 1727 du code général des impôts) et majorations de 10, 40 ou 80% (articles 1728 et 1729 du code général des impôts), selon le cas.

      Les impositions établies sur la base de la déclaration provisoire sont immédiatement exigibles.

      On observera que cette obligation de déclaration ne s’impose pas en cas de départ vers l’un des territoires d’outre–mer, lesquels relèvent pourtant d’une autre souveraineté fiscale que celle s’exerçant en France métropolitaine, en Corse et dans les DOM. Il en est de même vis à vis de Mayotte et de Saint–Pierre–et–Miquelon. Une déclaration doit être seulement fournie avant le 1er mars de l’année qui suit le transfert du domicile. Elle ne concerne que les revenus dont le contribuable a disposé ou qu’il a réalisé avant son départ. Sont exclus les revenus acquis et dont il n’a pas disposé. Pour la période postérieure au transfert, seul le revenu imposable résultant des revenus de source française doit être déclaré.

      ·  D’un point de vue pratique, l’imposition immédiate des plus-values en report ne créera aucune difficulté de déclaration pour le contribuable, puisque, ainsi que l’a déjà précisé votre Rapporteur général, le montant des plus-values ou moins-values en report doit être déclaré par le contribuable dans le cadre de la déclaration annuelle des revenus. Il suffira d’actualiser les résultats de la dernière déclaration en fonction des opérations récentes ayant pu donner lieu à report d’imposition de plus-values. Ces plus-values en report d’imposition sont d’ailleurs déjà déclarées dans le cadre de la déclaration provisoire des revenus perçus et acquis, qui a un contenu semblable à celle de la déclaration annuelle.

      ·  D’un point de vue financier et comptable, l’impôt correspondant aux plus–values restant imposables sera ainsi liquidé, le rôle émis et l’avis d’imposition délivré au contribuable conformément à la procédure en vigueur pour les revenus imposés au moment du transfert du domicile hors de France. On rappellera que l’impôt correspondant est immédiatement exigible.

      Il a été précisé à votre Rapporteur général que les délais d’émission du rôle et de délivrance de l’avis de mise en recouvrement étaient rapides en cas de transfert du domicile à l’étranger. De même, le fait d’émettre l’avis après le départ du contribuable, compte tenu des délais de traitement de la déclaration provisoire, ne semble pas poser de problème pratique, selon l’administration fiscale. Il s’agit là d’une procédure classique.

      ·  L’innovation consiste en la possibilité pour le contribuable d’opter entre le paiement immédiat ou le paiement différé, option prévue au deuxième alinéa du texte proposé pour le 1 bis de l’article 167 du code général des impôts.

      En cas de paiement immédiat, l’imposition est définitivement réglée.

      En cas d’option pour le paiement différé, le régime, assez complexe, est identique à celui prévu dans le cadre du nouvel article 167 bis du code général des impôts, proposé au paragraphe II de l’article 16 du projet de loi.

      Ce régime est d’autant plus complexe que l’impôt dont le paiement est en sursis fait l’objet d’un dégrèvement total, dès lors que le contribuable devient à nouveau résident fiscal français, et que, par mesure de coordination, les anciennes impositions en sursis sont rétablies, pour les seuls titres qu’il détient encore lors de son retour en France.

      ·  La portée du dispositif proposé pour le contribuable doit s’apprécier au regard des possibilités de compensation entre les moins-values et les plus-values.

      Dans l’hypothèse où le contribuable opte pour une imposition immédiate, la compensation des plus-values et des moins-values en report sera effectuée et le solde de cette opération pourra faire l’objet d’une compensation comparable, dans les conditions de droit commun, avec les plus-values et les moins-values effectivement réalisées depuis la dernière déclaration de revenus et avant le départ à l’étranger.

      Dans l’hypothèse où le contribuable optera pour un paiement différé, l’impôt sera calculé sur l’ensemble des plus-values en report, sans compensation aucune de moins-values en report. Une éventuelle compensation aura lieu, selon les informations communiquées à votre Rapporteur général, au moment du paiement effectif, lorsque les opérations ayant justifié les reports se dénoueront.

      Néanmoins, une telle compensation reste assez hypothétique, dans les faits (29). En revanche, les moins-values constatées sur les titres encore en portefeuille au moment du dénouement de l’opération ne seront pas prises en compte, puisque les non résidents ne sont pas imposés sur les gains nets qu’ils réalisent lors des cessions de titres.

      Globalement, la première hypothèse offre l’avantage de la compensation totale des plus-values et des moins-values, mais présente l’inconvénient de devoir acquitter l’impôt sans délai. La seconde implique de proposer des garanties à concurrence de l’ensemble des plus-values en report d’imposition et présente le risque de ne pas permettre, dans les faits, de compensation avec les moins-values.

      Ces éléments conduisent donc à constater que le dispositif est surtout destiné à garantir les droits de l’Etat.

2.– Le régime du sursis de paiement

      Les modalités du paiement différé, qui consistent en un sursis de paiement, seront précisées par le décret en Conseil d’Etat prévu au paragraphe III du texte proposé par l’article 167 bis du code général des impôts.

      Le texte de cet article et les informations communiquées à votre Rapporteur général permettent de préciser plusieurs éléments.

      ·  La durée du sursis de paiement

      Comme le sursis se substitue au report d’imposition, sa durée est celle du report.

      Ainsi, le sursis de paiement prendra fin lors du dénouement de l’opération à l’origine du report d’imposition : cession, annulation, remboursement, rachat des titres, dans le cas général ; transmission à titre gratuit, sous forme de donation ou de succession pour les reports d’imposition liés au remploi de certains produit de cession dans la souscription au capital de sociétés nouvelles, ainsi que cela a été vu.

      Conformément à ce dispositif, le contribuable devra procéder au paiement de l’impôt au fur et à mesure que les opérations commandant l’extinction du sursis d’imposition interviendront.

      Le troisième alinéa du texte proposé pour le 1 bis de l’article 167 du code général des impôts prévoit en outre que le sursis de paiement prendra fin, pour être à nouveau transformé en report d’imposition, dans le cadre d’un retour du contribuable en France, évoqué ci–après au 3.

      ·  Les conditions d’octroi du sursis de paiement

      Le sursis de paiement est subordonné à quatre conditions, prévue au deuxième alinéa du 1 du paragraphe II du texte proposé pour le nouvel article 167 bis.

      En premier lieu, le contribuable devra avoir déclaré le montant de la plus–value, de manière que l’imposition puisse être établie au taux en vigueur et mise en recouvrement. C’est seulement après l’émission de l’avis d’imposition que le bénéfice du sursis de paiement devra être expressément demandé par le contribuable.

      En deuxième lieu, le contribuable devra expressément demander le bénéfice du sursis, comme c’est généralement la règle en matière de paiement différé.

      En troisième lieu, il devra désigner un représentant établi en France. Ce représentant devra être habilité à recevoir les communications relatives à l’assiette, au recouvrement et au contentieux de l’impôt. En pratique, il s’agit de désigner une personne pouvant ouvrir le courrier adressé par l’administration fiscale au contribuable, sans enfreindre le secret fiscal et le secret de la correspondance. La procédure est régulière dès lors qu’elle est conduite par le représentant. Le représentant n’est cependant pas un substitut. En aucun cas en effet, il ne peut être mis en cause pour le paiement de l’impôt.

      Cette condition reste assez exigeante, car elle crée une obligation sur un point où le code général des impôts prévoit pour l’instant une faculté, dans des cas similaires. En effet, l’article 164 D pour l’impôt sur le revenu et l’article 885 X pour l’ISF, disposent que les personnes non résidentes exerçant des activités en France ou y possédant des biens ne doivent désigner un représentant que lorsqu’elles y sont invitées par l’administration fiscale. En pratique, le représentant est un homme de loi, un particulier agréé par l’administration, une banque ou un organisme ayant reçu une habilitation générale.

      En quatrième lieu, le contribuable devra constituer, préalablement à son départ, des garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor. Selon les informations communiquées à votre Rapporteur général, ces garanties prendront la forme habituelle avec soit un nantissement des titres ou d’obligations, soit une prise d’hypothèque sur des biens immobiliers, soit une consignation à un compte d’attente au Trésor, par exemple. En pratique, leur substance sera laissée à l’appréciation du comptable dont relève habituellement le dossier fiscal du contribuable, puisque le dossier ne sera transmis aux services dont relèvent les non–résidents qu’après le départ du contribuable de France.

      ·  Les effets du sursis de paiement

      Les troisième et quatrième alinéas du 1 du paragraphe II de l’article 167 bis précisent le régime du sursis de paiement.

      Plusieurs éléments important doivent être observés.

      D’une part, le sursis de paiement suspend la prescription de l’action en recouvrement jusqu’à la date de la réalisation de l’événement entraînant son expiration. Cette précision est essentielle, car il convient d’éviter que la prolongation du sursis ne puisse permettre au contribuable d’opposer la prescription, dans la mesure où une fois le rôle émis, ce qui est le cas en l’espèce, le recouvrement de l’impôt direct se prescrit pas quatre ans. L’effet de la suspension est de reporter pendant toute la durée du sursis le point de départ de ce délai de quatre ans.

      D’autre part, la procédure relative à ce sursis présente quelques points communs avec celle relative au sursis de paiement dont peut bénéficier le contribuable dans le cadre de l’article L. 277 du livre des procédures fiscales. Il s’agit de dispositions favorables au contribuable.

      En prévoyant que le sursis de paiement est assimilé à celui prévu à l’article L. 277 du livre des procédures fiscales, le texte prévoit clairement que le sursis est en principe accordé automatiquement au contribuable qui le demande, et ne peut être refusé par le comptable du Trésor compétent que si le contribuable ne constitue pas de garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor.

      La référence à l’article L. 279 donne au contribuable la possibilité de contester devant le juge du référé administratif, à savoir un membre du tribunal administratif désigné par le président, la décision du comptable refusant les garanties qu’il a offertes, et règle les modalités selon lesquelles se déroule ce contentieux spécifique.

      Par ailleurs, la mention de l’article L. 208 permet d’appliquer le dispositif de réduction des frais supportés par le contribuable lorsque les garanties ont été trop supérieures à ce qui aurait été strictement nécessaire. Cet article prévoit en effet le remboursement des frais lorsque les sommes consignées à titre de garanties doivent être restituées en tout ou en partie. Le montant à rembourser fait l’objet d’intérêts moratoires dont le taux est celui de l’intérêt légal. Ces intérêts courent du jour du paiement et ne sont pas capitalisés. Si les garanties ont été constituées sous une forme autre qu’en espèces, les frais exposés sont partiellement ou totalement remboursés selon le cas. En cas de remboursement partiel, la proratisation n’intervient que pour les frais proportionnels, les frais fixes restant en tout état de cause à la charge du contribuable.

      La référence aux articles L. 255 et L. 257 tend à préciser que le comptable du Trésor devra envoyer une lettre de rappel avant la notification du premier acte de poursuite devant donner lieu à des frais. La référence à l’article L. 257, surabondante, peut cependant être supprimée par voie d’amendement.

      Le quatrième alinéa précise qu’il est fait abstraction de l’impôt pour lequel un sursis de paiement est demandé, pour l’imputation et la restitution de l’avoir fiscal, des crédits d’impôts et des prélèvements ou retenues non libératoires.

      Cette disposition assure la neutralité du dispositif vis-à-vis de l’imposition des revenus de l’année du départ à l’étranger, d’une manière favorable au contribuable, dans la mesure où, en l’absence d’imputation sur l’impôt dû au titre de l’imposition immédiate de la plus–value en report, l’avoir fiscal faisant l’objet d’une restitution au contribuable sera plus important. Il en sera de même pour les crédits d’impôt, ainsi que pour les prélèvements et retenues non libératoires.

      Elle est en fait justifiée par des considérations pratiques, dans la mesure où il convient d’éviter d’avoir à procéder aux opérations inverses, qui seraient nécessairement d’une grande complexité, lorsque l’imposition devra être dégrevée, quelques années plus tard, à l’occasion du retour contribuable en France, ainsi que cela a déjà été évoqué plus haut.

      On observera que l’article L. 209 du livre des procédures fiscales sur les intérêts moratoires au profit du Trésor dus en matière d’impôt direct, en cas de sursis de paiement octroyé dans le cadre d’une réclamation, n’est pas visé. Cette omission signifie, ainsi que cela a été précisé à votre Rapporteur général, qu’aucun intérêt moratoire ne sera exigé pour le sursis de paiement relevant du dispositif prévu à cet article.

      En revanche, il convient d’observer que le sursis de paiement ne fera pas obstacle à l’application de la majoration de 10 % pour retard de paiement, prévue à l’article 1761 du code général des impôts, le rôle ayant été émis et l’imposition mise en recouvrement, ainsi que cela a également, été précisé à votre Rapporteur général.

      Cette majoration vaudrait ainsi, dans les faits, intérêt de retard.

      ·  Le suivi du sursis de paiement

      Le point 2 du paragraphe II de l’article 167 bis règle les modalités du suivi du sursis du sursis de paiement par l’administration fiscale. Il prévoit que les contribuables bénéficiant du sursis de paiement seront tenus de produire chaque année une déclaration de revenus.

      Cette précision est essentielle à un double point de vue.

      D’une part, il convient de fonder cette obligation sur une base solide. L’imposition ayant été mise en recouvrement, elle ne relève plus du domaine de la déclaration annuelle de revenu. En l’absence de modification du contenu de la déclaration de revenus pour les contribuables qui ont transféré leur domicile fiscal à l’étranger, l’administration fiscale ne pourrait exiger aucune précision sur le dénouement des éventuelles opérations en report.

      D’autre part, sur un plan pratique, le sursis de paiement ayant pu être obtenu à l’occasion d’une opération avec une société étrangère et ne pas donner pas lieu à perception de revenus en France, un document de suivi s’avère nécessaire.

      Cette obligation ne devrait pas entraîner de formalité supplémentaire pour la majorité des contribuables concernés, dès lors que les titres dont ils disposent sont productifs de revenus en France ou qu’ils ont conservé certaines sources de revenus français.

      Comme l’objectif est de pouvoir suivre avec précision la situation du contribuable et de pouvoir précéder à un contrôle, le cas échéant, la déclaration devra être particulièrement précise.

      Elle devra en effet mentionner le montant cumulé des impôts en sursis de paiement ainsi qu’un état récapitulatif détaillé, établi sur une formule fournie par l’administration faisant apparaître le montant de l’impôt afférent à chacune des catégories de titres pour lesquels le sursis de paiement n’est pas expiré. Le cas échéant, la date et la nature de l’opération entraînant l’expiration du sursis seront indiquées.

      Compte tenu des cas donnant lieu à expiration d’un sursis, transmission, rachat, remboursement ou annulation, le plus souvent imprévisibles, il est peu probable que ces dernières précisions puissent être souvent fournies.

      En pratique, la déclaration sera adressée au centre des impôts des non résidents, situé à Paris.

      ·  Le paiement de l’imposition en sursis

      Le 3 et le 4 précisent les modalités de paiement de l’impôt en sursis de paiement.

      Le premier alinéa du 3 précise les modalités de paiement de l’impôt après l’expiration du sursis.

      Il prévoit que l’impôt sera acquitté avant le 1er mars de l’année suivant celle au cours de laquelle le sursis aura expiré, par la réalisation de l’une des opérations y mettant fin. En cas de paiement dans ces délais, les garanties correspondantes seront levées au fur et à mesure que l’imposition en sursis diminuera.

      Conformément à ce dispositif, le contribuable devra ainsi procéder au paiement de l’impôt au fur et à mesure que les opérations commandant l’extinction du sursis d’imposition interviendront, chaque année avant le 1er mars.

      Le 4 prévoit les modalités de mise en jeu de la garantie en cas de défaillance du contribuable. Lorsque la déclaration de revenu et l’état récapitulatif précédemment mentionné, ou tout ou partie des renseignements devant y figurer, n’auront pas été produits, l’impôt en sursis deviendra immédiatement exigible. Sur cette base, et après envoi de la lettre de rappel précédemment mentionnée prévue à l’article L. 255 du livre des procédures fiscales, le comptable du Trésor pourra engager l’action en recouvrement et engager les préalables à la mise en jeu des garanties. Cette mise ne jeu ne sera toutefois pas automatique, le contribuable pouvant procéder, avant que la procédure n’en parvienne à ce stade, au règlement de l’impôt.

      On observera que les deuxième et troisième alinéa du 3 ne sont pas applicables au dispositif relatif aux impositions en report, car ils ne concernent que l’imposition des plus–values constatées, ou latentes, sur participations substantielles supérieures à 25 %.

3.– Le retour en France du contribuable

      Le troisième alinéa du texte proposé pour le 1 bis de l’article 167 du code général des impôts prévoit le régime applicable en cas de retour du contribuable en France.

      Son dispositif est destiné à annuler l’ensemble des opérations fiscales qui auront été effectuées lors du départ du contribuable à l’étranger, opérations dont la nature conservatoire est ainsi confirmée.

      Ainsi, l’impôt dont le paiement restera en sursis, car afférent à des plus–values sur des droits sociaux ou des valeurs mobilières restées dans le patrimoine du contribuable, sera dégrevé d’office.

      Les reports d’imposition existants sur ces mêmes titres à la date du transfert du domicile hors de France seront rétablis de plein droit.

II.– La modernisation des règles de dépôt de la déclaration provisoire des revenus imposables que doivent produire les contribuables qui transfèrent leur domicile fiscal à l’étranger

      Actuellement, la rédaction du 2 de l’article 167 du code général des impôts précise que la déclaration provisoire de revenus que doit remplir tout contribuable fiscalement domicilié en France qui transfère son domicile à l’étranger ou qui abandonne toute habitation en France doit être produite dans les dix jours qui suivent la demande de passeport.

      L’objectif est de pouvoir procéder à l’imposition des revenus qui relèvent de la souveraineté fiscale de la France.

      Cette déclaration est loin d’être une simple formalité. Elle relève du même régime que la déclaration annuelle et est soumise aux mêmes règles et sanctions que celles qui sont prévues pour cette dernière : intérêt de retard (article 1727 du code général des impôts) et majorations de 10%, 40% ou 80% (articles 1728 et 1729 du code général des impôts).

      Sa spécificité provient seulement du fait que le contribuable a la faculté de souscrire une déclaration rectificative jusqu’à l’expiration des deux premiers mois de l’année suivant celle du départ, ce qui permet de ternir compte des éléments non encore connus au moment du transfert de domicile. A défaut, la déclaration provisoire est considérée comme confirmée par l’intéressé.

      Autant cette rédaction était–elle opératoire lorsque le passeport était un document peu courant et nécessaire pour s’expatrier, autant faut–il convenir de ce qu’elle est largement dépassée à l’époque où la fréquence des voyages fait que le passeport est un document d’une diffusion très large, détenu le plus souvent longtemps avant l’expatriation, et qui n’est même plus nécessaire du fait de la simplification des formalités de voyages intervenue au plan international comme au plan européen.

      En proposant d’imposer, dans le cadre du B du paragraphe I, la production de cette déclaration dans les trente jours qui précèdent le transfert du domicile hors de France, c’est à dire le départ de France pour le cas le plus simple, le dispositif envisagé est tout à fait satisfaisant.

      Il permet du contribuable de disposer d’un délai suffisant pour remplir sa déclaration et la date de dépôt sera suffisamment proche du départ pour donner une image fiable des revenus non encore imposés en France à la date du départ.

III.– L’imposition au départ de la France des plus–values constatées, mais non réalisées, sur les participations substantielles

A.– Le droit existant : un risque notable d’évasion fiscale

      En raison de leur importance économique, les participations supérieures à 25 % du capital des sociétés relèvent de dispositifs fiscaux spécifiques.

      Ces participations, dites substantielles, sont visées à l’article 160 du code général des impôts, qui règle le régime des plus–values de cession réalisées sur les droits sociaux correspondants. Elles sont définies comme les participations de plus de 25 % dans les sociétés cotées ou non cotées relevant de l’impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option.

      L’appréciation du seuil de participation se fait au niveau des bénéfices sociaux : sont prises en compte les participations de plus de 25 % dans ces bénéfices. Cette appréciation tient également compte des participations détenues par le titulaire des droits, son conjoint, leurs ascendants ou descendants. Elle a en outre une dimension temporelle, puisque le régime des participations substantielles s’applique dès lors que les droits de ce groupe familial ont dépassé 25 % des bénéfices sociaux au cours des cinq années précédentes. Non seulement les participations directes, mais également les participations indirectes, par l’intermédiaire de personnes morales, sont prises en compte.

      Le régime de l’imposition des plus–values est le suivant : lorsque la cession est consentie au profit de l’un des membres du groupe familial du cédant, la plus–value est exonérée à condition que tout ou partie des droits cédés ne soit pas revendue à un tiers dans un délai de cinq ans.

      Lorsque la cession est effectuée au profit d’un tiers, la plus–value est imposée au taux proportionnel de 16 %. Il faut ajouter à ce taux 10 % à raison des prélèvements sociaux, notamment la CSG et la CRDS. Pour l’ensemble des prélèvements, le taux est de 26 %.

      On ne manquera pas d’observer que cette imposition concerne tant les sociétés résidentes que les participations dans les sociétés non résidentes.

      Sur le plan du droit fiscal international, ces plus–values font également l’objet d’un régime spécifique et assez différent selon les Etats avec lesquels les conventions sont conclues.

      Certains Etats reconnaissent en effet aux autres Etats le droit d’imposer les plus–values réalisées par les non résidents sur tout ou partie de la cession de participations substantielles dans le capital de sociétés résidentes. D’autres Etats ne reconnaissent pas ce droit.

      Les organisations internationales sont elles–mêmes partagées.

      Le modèle de convention fiscale de l’ONU comprend une disposition (article 13, paragraphe 5) prévoyant que « les gains provenant de l’aliénation d’actions autres que celles qui sont mentionnées au paragraphe 4 (sociétés immobilières) et représentant une participation de (pourcentage à définir) % dans une société qui est résidente d’un Etat contractant peuvent être imposés par cet Etat. ».

      A l’opposé, le modèle de convention fiscale de l’OCDE prévoit l’imposition de toutes les plus–values mobilières dans le seul Etat dans lequel est domicilié le bénéficiaire.  

      La France a opté en faveur d’un dispositif d’imposition des plus–values réalisées sur cessions de participations substantielles par les non résidents.

      Sur le plan interne, l’article 244 bis B du code général des impôts prévoit que les produits de la cession des droits sociaux mentionnés à l’article 160 du code général des impôts, c’est-à-dire des participations substantielles, réalisées par les personnes physiques non domiciliées en France, sont imposables selon les modalités définies à ce même article 160.

      Afin que les conventions internationales n’y fassent pas obstacle, car on rappellera que conformément à l’article 55 de la Constitution, les conventions internationales ont une valeur supérieure à la loi, notre pays a émis une réserve au modèle OCDE, précisant que « la France ... souhaite se réserver la possibilité d’appliquer les dispositions de sa législation concernant l’imposition des gains provenant de l’aliénation d’actions ou parts faisant partie d’une participation substantielle dans le capital d’une société qui est un résident de France... ».

      Cependant, comme les conventions bilatérales font l’objet d’une négociation entre Etats, certaines d’entre elles ne permettent pas à la France d’opérer une telle imposition.

      Dès lors que les pays qui ne reconnaissent pas à la France le droit d’imposer les cessions de participations substantielles mettent en oeuvre une fiscalité avantageuse pour les plus–values mobilières, on constate un risque d’évasion fiscale notable.

      En outre, selon une jurisprudence constante du Conseil d’Etat, lorsque des résidents de France s’expatrient dans des pays qui n’imposent pas certains revenus ou plus-values et que les conventions fiscales attribuent à ces Etats le droit exclusif d’imposition de ces revenus ou plus-values, la France ne peut refuser d’appliquer ces conventions en invoquant l’absence d’imposition par l’Etat partenaire.

      Il suffit ainsi à un résident français de s’expatrier dans un tel pays, le temps de vendre les droits sociaux qu’il détenait dans son entreprise, et de revenir en France quelque temps après pour échapper en toute légalité à toute imposition sur la plus–value.

      Si l’on prend l’exemple d’une personne qui transfère son domicile dans un tel pays et qui procède à la cession de ses droits sociaux pour un montant de 120 millions de francs, avec une plus–value de 100 millions de francs, le montant des impositions éludées en France s’élèvera à 26 millions de francs.

      Il convient donc de prévoir un dispositif de prévention de ces comportements d’évasion fiscale.

      Selon les informations communiquées à votre Rapporteur général, le nombre de cessions a été de 12.196, en 1996, et celles-ci ont donné lieu à un montant de plus-values déclarées de 18 milliards de francs.

B.– Le dispositif proposé : l’imposition des plus–values
constatées au départ de France

      De même que pour les impositions en report, le Gouvernement propose, dans le cadre d’un nouvel article 167 bis du code général des impôts, prévu au paragraphe II de cet article, un dispositif qui permettrait de procéder à l’imposition des plus–values constituées lorsque le contribuable était encore résident français.

      En l’absence de cession, ce droit ne peut aller au–delà de la seule taxation de la plus–value latente ou plus–value « constatée ».

      Cette mesure représente une manière de révolution, d’un point de vue juridique, dans la mesure où la plus–value n’est normalement imposée que si elle a été réalisée. De même que l’on n'impose pas un revenu virtuel, on n’impose pas, en principe, une plus–value latente. Cette innovation serait fâcheuse si cette imposition était définitive et irrévocable, mais tel n’est pas le cas.

      L’impôt est en effet destiné à être dégrevé dès lors que le contribuable aura montré qu’il ne procédait pas à un transfert de son domicile fiscal à l’étranger dans le seul but d’échapper à un impôt sur la plus–value que d’aucuns trouvent élevé.

      Ainsi, il s’agit d’un impôt temporaire destiné à dissuader les délocalisations de grandes fortunes.

      L’imposition ne sera pas en effet définitive pour les contribuables qui auront montré que le transfert de leur domicile à l’étranger n’est pas motivé par un but financier, d’une part, en conservant leurs droits sociaux et en rentrant en France pour se placer à nouveau sous la souveraineté fiscale française, ou, d’autre part, en s’implantant durablement à l’étranger pour une période d’au moins cinq ans dont chacun peut convenir qu’elle offre de solides garanties sur l’attachement du nouveau résident à son pays d’accueil.

      A l’opposé, l’imposition sera définitive à raison des titres vendus avant l’expiration du délai de cinq ans de résidence à l’étranger ou avant le retour en France, le cas échéant.

      On observera avec intérêt que ce phénomène de délocalisation de l’épargne n’étant pas propre à la France, certains de nos partenaires ont déjà essayé de réagir contre cette pratique en instituant un système d’imposition des plus-values latentes, constatées à l’occasion du transfert du domicile fiscal à l’étranger. Tel est le cas de l’Allemagne, de la Belgique et des Pays-Bas.

1.– Le principe de l’imposition de la plus–value constatée

      Le paragraphe I de l’article 167 bis du code général des impôts définit le principe selon lequel les plus–values latentes, relevant de l’article 160 du code général des impôts relatif aux participations substantielles, constatées au départ de la France sont imposées.

      ·  Le 1 de ce paragraphe pose le principe général de cette imposition et en définit le champ d’application.

      Ce dernier est limité aux seules personnes qui ont été fiscalement domiciliées en France pendant au moins six années au cours des dix dernières années.

      La raison de cette limitation est assez simple. S’agissant d’une disposition destinée à éviter les délocalisations temporaires à but exclusivement fiscal, le Gouvernement a souhaité retenir un critère qui caractérise l’importance des liens du contribuable avec la France et qui permette de distinguer clairement et sans contestation possible les personnes domiciliées en France et se délocalisant à l’étranger à des fins fiscales, des personnes ayant, par la nature de leurs activités ou par tempérament, une grande mobilité internationale.

      Le critère retenu est celui de l’Etat où le contribuable aura passé plus de la moitié du temps : six années sur dix.

      En outre, on notera que la disposition s’applique aux seuls contribuables qui sont revenus en France et procèdent à nouveau à un transfert de domicile. La mesure ne concerne ainsi que les seuls résidents français à la date d’entrée en vigueur de la disposition, qui est le 9 septembre 1998, et les personnes qui auront dans le futur leur domicile fiscal en France.

      Cette précision est fort importante pour le début de la mise en oeuvre de la mesure. Par exemple, un résident allemand qui aura été fiscalement domicilié en France pendant six ans, de 1990 à 1997, et qui procédera à la cession d’une participation substantielle au début de l’année 1999 ne sera pas concerné, puisque la condition de transferts du domicile hors de France aura été réalisée avant la date d’entrée en vigueur de la nouvelle disposition.

      En ce qui concerne les droits sociaux visés, il s’agit uniquement de ceux qui relèvent de l’article 160 du code général des impôts, à savoir l’ensemble des participations substantielles représentant plus de 25 % des bénéfices sociaux des sociétés relevant de plein droit ou sur option de l’impôt sur les sociétés.

      Sont ainsi concernés les actionnaires, porteurs de parts bénéficiaires ou porteurs de parts de fondateurs de sociétés anonymes (SA) ou de sociétés en commandite par actions, les porteurs de parts sociales ou de parts bénéficiaires de sociétés à responsabilité limitée (SARL), les commanditaires dans les sociétés en commandite simple, les membres des sociétés de personne ayant opté pour l’impôt sur les sociétés, les porteurs de parts de sociétés civiles, dans la mesure où celles–ci ont opté pour l’impôt sur les sociétés.

      Le 2 du paragraphe I de l’article 167 bis du code général des impôts précise les modalités de calcul de la plus–value constatée.

      La méthode retenue est la même que celle appliquée aux plus-values réalisées : la plus–value sera égale à la différence entre la valeur des parts au moment du transfert du domicile hors de France et leur prix d’acquisition, ou leur valeur d’acquisition, lorsque les droits auront été acquis dans le cadre d’une mutation à titre gratuit, succession ou donation.

      Si le prix ou la valeur d’acquisition est connu et ne pose pas de problème, tel n’est pas le cas de l’évaluation de la valeur des droits sociaux non cotés à la date du transfert de domicile en France, par nature incertaine.

      La difficulté est cependant résolue par l’application des dispositions de l’article 758 du code général des impôts, concernant les droits de mutation à titre gratuit, succession et donation, aux sociétés non cotées.

      S’agissant des sociétés cotées, il est fait référence aux dispositions de l’article 885 T bis du code général des impôts, relatif à l’ISF, qui prévoit que les valeurs mobilières cotées sont évaluées selon le dernier cours connu ou selon la moyenne des trente derniers cours qui précèdent la date d’imposition. En pratique, c’est l’évaluation la plus favorable au contribuable qui est choisie.

      Le deuxième alinéa du 2 prévoit que les pertes constatées ne sont pas imputables sur les plus-values de même nature effectivement réalisées par ailleurs. Cette disposition est essentielle, car elle est destinée à éviter que les plus-values sur participations substantielles sur des cessions effectivement réalisées ne soient pas imposables si des moins-values latentes apparaissaient.

      Cette solution est en outre cohérente avec le principe selon lequel seule une moins-value certaine peut être imputée sur une plus-value elle-même certaine.

      Cette disposition appelle en outre une précision importante : dans l’hypothèse où le contribuable détiendrait plusieurs participations substantielles dans plusieurs entreprises, une compensation sera opérée entre les plus-values latentes et les moins-values latentes.

      Le 3 du paragraphe I de l’article 167 bis du code général des impôts prévoit que la plus–value constatée figure dans le cadre de la déclaration de revenus prévue à l’article 167 du code général des impôts, que le contribuable doit produire lorsqu’il transfère son domicile à l’étranger.

      De même que pour l’imposition des plus–values en report, le dispositif proposé par le Gouvernement offre au contribuable le choix entre un paiement immédiat ou un paiement différé jusqu’au moment où les droits sociaux feront l’objet d’une transmission, d’un rachat, d’un remboursement ou d’une annulation.

      Sur le plan du droit, on constatera que l’article 167 bis repose sur la même habileté que celle mise en oeuvre s’agissant de l’imposition des plus–values en report d’imposition. Afin de ne pas enfreindre les règles posées par les conventions internationales, le texte prévoit l’imposition immédiate de ce qui est imposable tant que le contribuable relève encore de la souveraineté fiscale française, ainsi que le mécanisme du sursis de paiement de l’impôt.

2.– Un impôt provisoire destiné à faire, le plus souvent, l’objet d’un dégrèvement d’office

      L’imposition de la plus–value latente repose sur l’idée qu’il est possible de dissuader un départ à l’étranger motivé par le seul but d’éluder totalement ou de réduire une imposition sur la plus–value de cession de tout ou partie d’une participation substantielle de plus de 25 %, en prévoyant une imposition, à hauteur du montant de l’assiette que l’on peut constater au moment du départ.

      Dans cette perspective, la plus–value latente représente en effet le maximum de ce que peut imposer un Etat au départ du contribuable, puisqu’elle correspond à l’enrichissement constitué lorsque celui–ci relevait de sa souveraineté fiscale.

      Encore faut–il prendre garde à ce que cette imposition ne devienne pas définitive si le fait générateur habituel de l’impôt sur la plus–value, la cession, ou la transmission, ne se produit pas.

      En prévoyant ainsi un dégrèvement de l’imposition sur la plus–value latente au bout de cinq ans si le contribuable a toujours son domicile fiscal à l’étranger ou en cas de retour en France, le dispositif s’appuie sur les fondements de l’impôt sur la plus–value, qu’il ne modifie pas.

      Il fait de même en rendant définitive l’imposition versée à raison des droits sociaux qui auront été cédés pendant que le contribuable sera à l’étranger, avant l’expiration d’un délai de cinq ans.

      De même, en considérant qu’il y a, au bout d’une durée de cinq ans domiciliation réelle, et définitive, du contribuable dans son pays d’accueil, et en prévoyant le dégrèvement de l’imposition servant de « garantie », les rédacteurs du texte respectent les principes classiques du droit fiscal international selon lequel l’imposition de la plus–value mobilière relève du pays de résidence.

      Ainsi, conformément au paragraphe III du texte proposé pour l’article 167 bis du code général des impôts, l’impôt afférent aux droits qui seront restés dans le patrimoine du contribuable sera dégrevé d’office dans les deux cas où le contribuable aura eu un comportement montrant qu’il n’a pas procédé à un manoeuvre fiscale :

      – celui d’un maintien de la domiciliation hors de France au–delà de cinq ans ;

      – celui d’un retour en France, avant l’expiration de ce délai.

      Ce seront vraisemblablement les cas les plus nombreux.

      L’imposition ne sera donc mise en recouvrement que dans le cas où le contribuable opérera des cessions avant son retour en France ou avant l’expiration du délai de cinq ans. Elle sera également mise en recouvrement en cas de donation ainsi que de rachat, de remboursement ou d’annulation des titres, ces événements constituant également des cas d’extinction de certains reports d’imposition en matière de plus-values.

      La même règle s’appliquerait en cas de succession.

3.– Un impôt susceptible d’un sursis de paiement

a) La faible attractivité du paiement immédiat

      Le contribuable qui transfère son domicile fiscal hors de France peut choisir de payer immédiatement l’imposition au titre de la plus–value latente.

      Ce choix ne sera certainement pas des plus fréquents, car il impose un effort de trésorerie substantiel.

      Il est, en outre, moins avantageux que le dispositif du sursis, même si l’on doit observer que le dégrèvement précédemment évoqué interviendra quelles que soient les modalités de paiement choisies, le paiement immédiat ou le paiement différé, dès lors que les conditions en seront remplies.

      En effet, en cas de cession de tout ou partie des droits sociaux ayant donné lieu à imposition au titre des plus–values constatées, le texte ne prévoit aucune rectification de l’impôt payé, alors qu’il prévoit, éventuellement, une réduction du montant de l’impôt en sursis en fonction de la réduction de la plus–value constatée, à raison de la différence entre cette dernière et la plus–value réalisée.

      Ce dispositif peut sembler peu équitable. Néanmoins, il est, selon l’administration, traditionnel en matière de fiscalité que les conséquences des éventuelles options s’imposent de manière irrévocable au contribuable qui les a choisies.

b) Le caractère avantageux du sursis de paiement

      ·  La durée du sursis de paiement

      Le sursis de paiement est subordonné à la réalisation de l’opération qui procédera à son extinction.

      Le premier alinéa du 1 du paragraphe II du texte proposé pour l’article 167 bis du code général des impôts prévoit que les cas d’extinction du sursis de paiement seront : la transmission, c’est à dire la transmission à titre gratuit, succession ou donation, et la cession à titre onéreux, le rachat, le remboursement ou l’annulation des droits sociaux concernés.

      On observera cependant que la cause la plus importante de l’échéance du sursis de paiement devrait être le dégrèvement de l’impôt, conformément à ce qui a été précédemment évoqué.

      ·  L’ajustement de l’impôt payé à la plus–value effective

      Le deuxième alinéa du 3 du II du texte proposé pour l’article 167 bis du code général des impôts prévoit que l’imposition en sursis de paiement est ajustée en fonction des conditions effectives de la cession, du rachat ou de la transmission à titre gratuit.

      En effet, l’imposition dont le paiement a été différé ne sera exigible qu’à raison de la plus–value réellement constatée à l’occasion de l’opération provoquant son expiration.

      Ainsi, si le prix de cession, ou la valeur de donation, est inférieur à celui qui a été retenu lors du calcul de la plus–value constatée, l’impôt exigible sera diminué d’autant et sera inférieur à l’impôt dont le paiement aura été différé. Le surplus, constitué de la différence entre l’impôt dont le paiement a été différé et celui qui sera payé effectivement, sera alors dégrevé d’office.

      S’agissant d’une procédure reposant sur une base déclarative, il reviendra au contribuable de fournir à l’administration les éléments ayant servi de base à son calcul.

      Les autres éléments relatifs au sursis de paiement sont strictement identiques à ceux qui ont été évoqués supra à propos de l’imposition des reports d’impositions de plus–values. On se reportera donc, pour les conditions d’octroi du sursis de paiement, ses effets et son suivi, ainsi que pour les modalités de paiement de l’impôt en sursis au I, B, 2, du commentaire du présent article.

4.– Un impôt qui n’entraînera pas de double imposition pour les participations substantielles détenues par des non résidents

      Le paragraphe III de cet article prévoit un décret en Conseil d’Etat pour régler, outre les précisions sur la question des obligations déclaratives des contribuables et des modalités du sursis de paiement, la question de l’élimination des doubles impositions.

      En ce qui concerne l’impôt sur des plus–values constatées, on mesure l’importance de la très large habilitation que le Gouvernement demande au Parlement tant la tâche sera délicate.

      L’élimination des doubles impositions est destinée à être mise en jeu sur le plan interne comme sur le plan international.

      Sur le plan interne, il s’agit de tenir compte du paiement de l’impôt sur la plus-value latente au moment où l’imposition de la plus-value de cession sera établie en application des articles 160 et 244 bis du code général des impôts précédemment mentionnés, si le contribuable relève d’un pays ou d’un territoire ayant conclu avec la France une convention lui reconnaissant le droit d’imposer les plus-values de cession des participations substantielles des non résidents ou bien d’un pays ou d’un territoire n’ayant pas conclu de convention avec la France.

      Sur le plan international, il s’agit d’aller au–delà du dernier alinéa du 3 du II de l’article 167 bis , qui prévoit l’imputation de l’impôt sur la plus–value acquitté à l’étranger au titre de la plus–value effectivement réalisée hors de France, sur l’impôt sur le revenu français, et de préciser les modalités tendant à éviter une double imposition.

      En outre, s’agissant des participations substantielles concernant des sociétés implantées à l’étranger, puisque l’article 160 concerne les participations dans les sociétés non résidentes, les éventuels cas de triples impositions doivent être éliminés selon des modalités précises, sachant qu’une triple imposition est le fruit de deux doubles impositions.

      L’opportunité du mécanisme proposé justifie cependant, aux yeux de votre Rapporteur général, une telle délégation, d’autant que, s’agissant de l’élimination des doubles impositions, le Parlement sera appelé à autoriser la ratification des conventions qui seront conclues à cet effet.

      *

      * *

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Gilbert Gantier ayant pour objet de supprimer la taxation des plus-values latentes au départ de France.

M. Gilbert Gantiers’est ému de l’obstination du Gouvernement à vouloir faire de la France la patrie des impôts les plus lourds tout en empêchant les personnes de se délocaliser. Il a considéré que le dispositif proposé était contraire à la mobilité des personnes à l’intérieur de l’espace européen, qui est pourtant garantie par le traité de Rome. Il a souhaité que certaines des dispositions de l’article soient précisées par un décret en Conseil d’Etat.

Votre Rapporteur général a rappelé que, comme c’est le cas pour tout projet de loi, le Conseil d’Etat avait déjà été consulté, tout en précisant que la délocalisation dans un pays proche permettait d’éluder, dans le cas d’une plus-value de 100 millions de francs, 26 millions de francs d’impôts et de prélèvements sociaux et qu’il convenait donc de faire échec à des stratégies d’évasion fiscale.

M. Charles de Courson s’est interrogé sur la possibilité d’utiliser des procédures déjà existantes plutôt que de proposer un dispositif législatif complexe.

Votre Rapporteur général a craint que la procédure de l’abus de droit ne soit guère opérante en la matière et a indiqué qu’il s’agissait d’appréhender la matière taxable tant qu’elle relève de la souveraineté fiscale française.

La Commission a rejeté cet amendement.

Elle a ensuite adopté deux amendements rédactionnels présentés par votre Rapporteur général (amendements nos I-16 et I-17) et l’article 16 ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 16

Sursis d’imposition des plus-values professionnelles à long terme en cas de défaut de paiement.

      Texte de l’article additionnel :

I.- Après le 1 du paragraphe I de l’article 39 quindecies du code général des impôts, il est inséré un 1 bis ainsi rédigé :

« 1 bis. En cas de cessation d’activité, l’imposition de la plus-value nette à long terme peut être différée jusqu’à la date du premier versement par le repreneur de l’actif. »

II.- La perte de recettes est compensée par une majoration à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts .

      Observations et décision de la Commission :

      La Commission a examiné un amendement de M. Gérard Fuchs prévoyant qu’en cas de cessation d’activité, l’imposition de la plus-value nette à long terme pouvait être différée jusqu’à la date à laquelle interviendrait le premier versement effectué par le repreneur de l’actif.

      Actuellement, l’article 39 quindecies du code général des impôts, qui traite de l’imposition des plus-values professionnelles dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, prévoit que l’imposition de la plus-value est immédiatement établie, en cas de cessation d’activité.

      Or, il peut arriver que le vendeur, soit à la suite de l’insolvabilité ou de la faillite de son débiteur, soit parce qu’il a dû ultérieurement consentir à ce dernier une réduction du prix de vente, n’encaisse, en définitive, qu’une somme sensiblement inférieure à celle retenue pour établir l’imposition.

      En vertu des dispositions de l’article 12 du code général des impôts, l’impôt sur le revenu est dû, chaque année, à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable a réalisés ou dont il a eu la disposition au cours de cette même année. En conséquence, et conformément à une jurisprudence constante du Conseil d’Etat, (Cf. notamment Conseil d’Etat, arrêts des 3 avril 1968, req. n° 70324 et 31 janvier 1969, req. n° 72683), l’administration ne saurait tenir compte de faits survenus postérieurement à l’année dont il s’agit pour prononcer un dégrèvement sur le montant de cotisations d’impôt légalement établies.

      C’est sur ce fondement que l’administration fiscale a écarté la possibilité de l’octroi éventuel d’un dégrèvement sur le montant de la cotisation établie à raison de la plus-value réalisée lors de la cession, en cas d’insolvabilité de l’acquéreur d’un fonds de commerce dont le prix est payable à terme.

      L’amendement proposé tend à atténuer, au moins partiellement, la difficulté résultant d’une défaillance totale de l’acheteur, en prévoyant que l’imposition peut être différée jusqu’à la date du premier versement.

      *

* *

M. Jean-Louis Idiart a précisé que cette disposition permettrait d’éviter le paiement d’un impôt sur la plus-value pour un contribuable qui n’aurait pas perçu le produit de la cession en raison de la défaillance du repreneur.

Après que M. Jean-Jacques Jégou et votre Rapporteur général se furent prononcés favorablement, la Commission a adopté cet amendement (amendement n° I-18).

      *

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Après l’article 16

La Commission a examiné, en discussion commune, deux amendements tendant à instituer une taxe spécifique sur les opérations portant sur les devises étrangères, dans l’esprit de la taxe dite « Tobin », l’un présenté par M. Yves Cochet, l’autre de M. Christian Cuvilliez.

M. Yves Cochet a préalablement rappelé que l’institution d’une telle taxe correspondait à un engagement pris au cours de la campagne électorale présidentielle par M. Lionel Jospin, en 1995. Il a jugé nécessaire une telle taxe destinée à dissuader la spéculation et a insisté sur le fait qu’il convenait de ne pas craindre d’effrayer les marchés financiers. L’argument libéral selon lequel il ne faut pas intervenir ne peut être soutenu, comme le montre l’exemple de l’agitation des marchés financiers. Cet argument pourrait d’ailleurs être opposé d’une manière un peu provocatrice à l’ensemble des impôts. La crainte d’une éventuelle fuite vers les pays moins fiscalisés est un leurre et in fine les spéculateurs intégreront cette nouvelle taxe d’un montant assez faible, dans leur coût. Ils seront ainsi dissuadés de procéder à des aller-retours sur des devises.

M. Daniel Feurtet, présentant l’amendement de M. Christian Cuvilliez, s’est déclaré satisfait de l’existence d’un débat national sur cette question de la taxe « Tobin ». Il a rappelé que le groupe auquel il appartenait avait déposé une proposition de loi sur cette question.

M. Charles de Courson a jugé que ces amendements étaient incompatibles avec les règles communautaires dans la mesure où ils conduisaient à taxer certaines transactions intérieures.

Votre Rapporteur général a insisté sur la réalité du problème posé par les deux amendements, mais a rappelé qu’une telle taxe ne serait efficace que si elle faisait l’objet d’un consensus international. Pour être efficace en outre, il conviendrait de prévoir des dispositifs interdisant de la contourner, deux opérations à long terme judicieusement combinées pouvant constituer une opération de court terme contraire à l’esprit de la taxe.

Il a cependant considéré que l’objectif de lutte contre les mouvements internationaux spéculatifs restait d’actualité, le Premier ministre s’étant d’ailleurs récemment exprimé sur le sujet : le Gouvernement souhaite, en effet, un renforcement des règles internationales et l’instauration de mécanismes pour limiter les effets de levier.

Après que M. Alain Barrau eut remarqué que ces amendements entraient dans les perspectives esquissées par le Gouvernement et nos partenaires européens, la Commission a rejeté ces amendements.

La Commission a ensuite rejeté, après l’avis défavorable de votre Rapporteur général, un amendement de M. Christian Cuvilliez tendant à porter de 16 à 20% le taux de l’imposition des plus-values pour les valeurs mobilières acquises moins de six mois avant leur cession, puis un amendement du même auteur tendant à relever de 4.000 francs à 8.000 francs le plafond de l’impôt sur les opérations de bourse prévu à l’article 978 du code général des impôts ainsi que un amendement de M. Jean-Pierre Brard tendant à supprimer les bons anonymes.

La Commission a ensuite examiné un amendement de M. Jean-Pierre Brard tendant à porter de 2% à 10% le taux du prélèvement d’office sur les bons et titres anonymes, prévu à l’article 990 B du code général des impôts.

Après que M. Charles de Courson eut relevé qu’il n’y avait plus de bons anonymes et suivant l’avis défavorable de votre Rapporteur général, la Commission a rejeté cet amendement.

Puis la Commission a examiné un amendement de M. Gérard Bapt, présenté par M. Jean-Louis Idiart, tendant à ne pas appliquer l’abattement annuel de 5% prévu à l’article 150 M du code général des impôts, aux plus-values immobilières réalisées lors de la cession de terrains à bâtir.

MM. Charles de Courson et Jean-Jacques Jégou se sont interrogés sur la portée de cette disposition car la prise en compte de la durée de détention du bien est un principe essentiel de l’imposition des plus-values immobilières. Après les observations de votre Rapporteur général et du Président Augustin Bonrepaux, cet amendement a été retiré.

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() Le dernier alinéa du 3 de l’article 287 permet à ces contribuables d’opter pour la déclaration mensuelle de la taxe.

() L’article 6 du présent projet de loi de finances prévoit d’ailleurs de mettre en place un régime déclaratif similaire pour les redevables placés sous le régime simplifié d’imposition prévu à l’article 302 septies A du code général des impôts.

() Voir la réponse à la question écrite n° 30420 du 28 septembre 1987 de M. Jean-Paul Charié, Journal officiel, Assemblée nationale, 11 avril 1988, page 1539, et la documentation de base 3 L 1221 (points 14 et 15, page 75, 15 avril 1995).

() L’impôt sur les sociétés est perçu par les comptables du Trésor, dépendant de la direction de la comptabilité publique.

() A l’exclusion de la TVA due sur les produits importés de pays autres que ceux de la Communauté européenne et de celle due sur les produits pétroliers importés de la Communauté européenne, dont la perception est dévolue à la direction générale des douanes et droits indirects.

() Cette compétence est partagée avec les comptables du Trésor, dépendant de la direction de la comptabilité publique.

() Les pénalités d’assiette sont, en général, traitées dans le cadre de la liquidation de l’ensemble du principal.

() La suppression de cette taxe est proposée à l’article 32 du présent projet de loi.

() La suppression de cette taxe est proposée à l’article 32 du présent projet de loi.

() A cet égard, l’article 406 undecies de l’annexe III du code général des impôts désigne expressément la direction générale des douanes et droits indirects comme l’administration compétente pour percevoir ces deux cotisations de solidarité.

() La suppression de cette taxe est proposée à l’article 32 du présent projet de loi.

() Sur 375.000 établissements recensés par la direction générale des douanes et droits indirects.

() Il s’agit du minimum de droit exigible en la matière, comme cela est, par ailleurs, expliqué au II. ci-après.

() Une grande partie des « débits de boissons » de deuxième catégorie sont, dans les faits, déclarés au cours de manifestations ponctuelles, sans qu’il s’agisse d’établissements au sens strict du terme. Dans ces conditions, il convient de retenir comme définition du « débit de boisson » l’acte de taxation plutôt que le nombre d’établissements fixes dotés d’une licence de deuxième catégorie, qui est en lui-même beaucoup plus réduit (15.400 sont recensés par la direction générale des douanes et droits indirects) et beaucoup moins pertinent.

() Voir le rapport d’information n° 1065 du 16 juillet 1998 sur la fiscalité du patrimoine.

() Proposition de loi n° 1053.

() Voir le rapport n° 1065 précité, pages 44 à 57.

() La notion de revenu net imposable correspond au revenu brut déclaré après imputation des frais réels, des déductions forfaitaires (notamment 10 % et 20 %), des abattements, des charges déductibles et des déficits. Ainsi pour un contribuable ne déclarant que des salaires, le revenu net imposable est généralement égal à 72 % du revenu déclaré.

() 5801 à 5803 - Tapis et tapisseries.

99-01 - Tableaux, peintures et dessins faits entièrement à la main, à l’exclusion des dessins industriels du n° 49-06 du tarif extérieur commun et des articles manufacturés décorés à la main.

99-02 - Gravures estampes et lithographies originales.

99-03 - Productions originales de l’art statuaire et de la sculpture, en toutes matières.

99-04 - Timbres postes et analogues, timbres fiscaux et analogues, oblitérés ou bien non oblitérés, mais n’ayant pas cours, ni destinés à avoir cours dans le pays de destination.

99-05 Collections et spécimens pour collections de zoologie et de botanique, de minéralogie et d’anatomie ; objets pour collections présentant un intérêt historique, archéologique, paléontologique, ethnographique et numismatique.

99-06 - Objets d’antiquité ayant plus de cent ans d’âge.

() En matière de dations d’œuvres d’art en paiement de droits d’enregistrement ou de l’ISF, les valeurs sont arrêtées après avis de la Commission interministérielle pour la conservation du patrimoine artistique national.

() Un grand nombre de greffes ont adopté la position de principe de refuser l’inscription en raison de l’absence de caractère commercial, selon eux, de l’activité de loueur en meublé.

() D’après Thierry Chouvelon, L’optimisation fiscale, in Gestion de patrimoine, principes économiques, juridiques et fiscaux, Economica, 1997.

() La chambre commerciale de la Cour de cassation a transposé un raisonnement identique dans le cas des droits de mutation à titre gratuit pour un bien occupé par la veuve du propriétaire et ses enfants.

() Du nom d’André-François Miot, Conseiller d’Etat, administrateur général des départements du Golo et du Liamone (tel était le nom des départements corses à l’époque).

() Imposabilité si la valeur du patrimoine immobilier est supérieure à celle des valeurs mobilières cotées détenues par le contribuable, uniquement.

() En droit fiscal, les plus–values sont également appelées gains nets en capital.

() On rappellera que l’imposition de ces plus–values n’intervient qu’au–delà d’un certain montant de cession, fixé à 50.000 francs par an. Ce seuil n’est toutefois pas applicable aux plus–values de cession de titres d’OPCVM monétaires ou obligataires de capitalisation. Ce régime concerne les cessions de valeurs mobilières cotées et d’obligations non cotées et titres assimilés, ainsi que de droits portants sur ces valeurs ou titres et de titres représentatifs de telles valeurs ou titres.

() La Belgique, la Grèce, le Portugal exonèrent en principe toutes les plus-values, alors que l’Autriche, le Luxembourg, les Pays-Bas et l’Allemagne exonèrent les plus-values qui ne portent pas sur des participations substantielles.

() Cette hypothèse implique que les reports sur deux lignes de titres expirent en même temps, l’une relative à une plus-value en report, l’autre à une moins-value.

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