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Commission des affaires sociales

Mercredi 27 mars 2013

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 51

Présidence de M. Christian Hutin, Vice-président puis de Mme Catherine Lemorton, Présidente et M. Gérard Sebaoun, Député

– Suite de l’examen, ouvert à la presse, des articles du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi (n° 774) (M. Jean-Marc Germain, rapporteur)

– Amendements examinés par la commission (cf compte-rendu n °49)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 27 mars 2013

La séance est ouverte à neuf heures.

(Présidence de M. Christian Hutin, vice-président de la Commission puis de Mme Catherine Lemorton, présidente, et M. Gérard Sebaoun, député)

La Commission des affaires sociales poursuit l’examen des articles du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi (n° 774) (M. Jean-Marc Germain, rapporteur).

Après l’article 5

L’amendement AS 84 de M. Hervé Morin n’est pas défendu.

La Commission est saisie de l’amendement AS 85 de M. Hervé Morin, tendant à introduire un article additionnel après l’article 5.

M. Francis Vercamer. Cet amendement vise à interdire aux entreprises de recourir à des stagiaires pour faire face à un surcroît d’activité.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Avis défavorable, non pas sur le fond de l’amendement, mais parce que le sujet qu’il aborde mérite une réflexion plus globale. Les stages doivent rester accessibles aux étudiants et, en même temps, ne pas se substituer à de vrais contrats de travail.

M. Hervé Morin. Il faut rappeler ici la réalité de certains stages qui permettent d’embaucher du personnel supplémentaire dans des périodes d’activité accrue. Il suffit, pour s’en aviser, de se rendre au moment de Noël dans certains magasins des Champs-Élysées… Des centaines d’offres d’emploi, comportant des fiches de poste, des définitions de fonctions, des horaires de travail, se déguisent en propositions de stages. Il faut mettre fin à cette dérive et interdire qu’un stagiaire effectue le même travail qu’un salarié normal tout en coûtant moins cher à l’employeur. Rien ne nous empêche, quelle que soit la nécessité d’une « réflexion globale », d’inscrire d’ores et déjà un tel principe dans la loi.

M. le rapporteur. Des universités, généralement privées, créent des formations quasi factices dans le seul dessein de permettre à des étudiants déjà diplômés d’obtenir des stages qui, de fait, se substituent à de vrais contrats de travail. Mais les mesures que nous adoptons ne doivent pas entraîner d’effet négatif sur les stages en entreprise que, trop souvent, les jeunes ont du mal à décrocher dans leur cursus de formation. Il faut donc parvenir à une régulation des formations et des conventions de stage afférentes, ce qui pose la question de la responsabilité de l’enseignement supérieur. On pourrait aussi imaginer un dispositif interdisant aux titulaires d’un certain niveau de diplôme d’effectuer certains types de stages, sauf pour terminer une formation longue.

M. Gérard Cherpion. Il me paraît excessif de prétendre que des instituts privés ne créent certaines formations qu’en vue de stages. J’approuve néanmoins cet amendement, car un stage de formation ne doit pas servir à répondre à un surcroît momentané d’activité. J’ai connu le cas d’une grande banque française qui souhaitait conserver un stagiaire à son poste au-delà de la durée prévue et prétendait ne pas pouvoir le faire. Pourquoi ne pas lui proposer un contrat de travail à durée déterminée (CDD) ?

M. le rapporteur. Je suis d’accord avec vous, mais le sujet est trop vaste pour qu’on le traite par le seul biais du présent projet de loi.

M. Jean-Pierre Door. Un stagiaire ne peut pas servir de variable d’ajustement aux aléas du niveau de l’activité de l’entreprise. Pourquoi ne pas adopter dès aujourd’hui cet amendement ? Je sens que notre rapporteur en a envie…

M. Hervé Morin. Voyez donc, dans tels magasins d’électro-ménager, certaines offres dites de stages, qui sont en réalité des offres d’emploi. La seule chose qui change, c’est la couleur de la blouse ! Cela complique d’ailleurs souvent les relations sociales entre stagiaires et titulaires des mêmes emplois. Je déposerai donc probablement, en vue de la séance publique, un amendement prévoyant que les stagiaires doivent figurer dans le tableau des effectifs de l’entreprise.

Je ne comprends pas pourquoi il serait impossible de préciser dans la loi que le stagiaire n’est pas un employé intérimaire ou en CDD. On nous présente parfois comme des conservateurs liés au patronat, et la majorité parlementaire refuserait notre proposition !

M. Dominique Dord. Je suis opposé à cet amendement, dont l’objet ne figure pas dans l’accord du 11 janvier et qui me paraît trop important pour être traité à la va-vite. Il existe certes une zone de flou entre les stages offerts aux étudiants et certains emplois à temps partiel. Mais il est très profitable pour des jeunes en cours de formation de pouvoir vivre une expérience en entreprise qui leur servira quand ils se présenteront sur le marché du travail.

M. Christophe Cavard. La démarche qui fonde cet amendement est louable, visant un objectif que nous partageons tous : éviter, à travers les stages, certains effets d’aubaine dont peuvent abuser certains employeurs. Mais, quand nous avons évoqué hier la nécessité de données prévisionnelles et de planification sur les stages en entreprise, notamment dans le cadre des accords de branche, ceux qui défendent le présent amendement se sont alors montrés très réservés. Je le soutiendrai néanmoins.

M. Hervé Morin. Ce n’est pas du tout la même chose !

M. le rapporteur. Il paraît que nous sommes tous d’accord, mais je relève un désaccord au sein de l’opposition.

Il est vrai que les partenaires sociaux n’ont pas discuté de la question, car ils considèrent qu’elle relève à la fois du monde de l’enseignement supérieur et de celui du travail. Mais ils ne considéreraient pas comme illégitime que nous légiférions en la matière.

Les abus dénoncés par Hervé Morin sont exacts. Il existe des conventions de stages conclues postérieurement à l’obtention d’un diplôme et correspondant aux formations que j’ai brocardées tout à l’heure.

J’insiste donc sur la nécessité d’une régulation des stages, par voie législative ou autre, qui permettrait de supprimer des pratiques fallacieuses. Mais on ne saurait interdire qu’un surcroît temporaire d’activité soit couvert par le recours à des stagiaires étudiants, qui acquerront ainsi une connaissance du monde de l’entreprise, par exemple dans un poste n’exigeant pas de qualification particulière.

Et pourquoi ne pas viser aussi, dans cet amendement, les remplacements de congés de longue durée ?

Nous avons déjà adopté un amendement prévoyant que les stages seraient désormais intégrés dans les procédures d’information et de consultation des instances de représentation du personnel sur la stratégie des entreprises.

Je souhaite que ce sujet soit également abordé par les partenaires sociaux dans le cadre de la négociation sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences lorsqu’il sera question des emplois précaires. Car je crois beaucoup au contrôle social et à la discussion en entreprise pour faire le tri entre le souhaitable et l’abusif.

M. Dominique Dord. Il faut bien distinguer les stages de fin d’études, ultérieurs à une formation, mais antérieurs à l’obtention d’un diplôme, et les stages effectués postérieurement à celui-ci.

La Commission rejette l’amendement AS 85.

Puis elle examine l’amendement AS 83 de M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. La rigidité du droit du travail a débouché sur une précarisation de l’emploi salarié en France. Aujourd’hui 90 % des embauches se font en CDD de moins de trois mois. C’est pourquoi, dans la ligne des rapports publiés sur la question, notamment par le Conseil d’analyse économique, nous proposons d’instituer un contrat de travail unique sécurisant progressivement le parcours professionnel du salarié et intégrant une formule de bonus-malus portant sur les cotisations d’assurance chômage de l’entreprise en fonction de sa gestion des ressources humaines.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Vous venez de dénoncer certains types de stages et vous voulez maintenant transformer en stagiaires les titulaires de contrat de travail à durée indéterminée (CDI). Je reconnais que je caricature un peu votre amendement.

Notre priorité consiste à favoriser les CDI et non à les vider des protections qu’ils offrent aux salariés.

La question du contrat unique a, d’une certaine façon, déjà été discutée par les partenaires sociaux en vue de la conclusion de l’accord du 11 janvier.

Quant à l’idée de moduler les cotisations d’assurance chômage en fonction de la durée du CDI, elle se trouve déjà satisfaite en partie. On pourra toujours discuter ensuite de son champ d’application.

La Commission rejette l’amendement AS 83.

Article 6 : Amélioration des droits à nouvelle indemnisation chômage des salariés et renforcement de l’accompagnement des demandeurs d’emploi

La Commission examine l’amendement AS 134 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous proposons la suppression de l’article 6, car, si nous approuvons la disposition permettant aux salariés de conserver les droits non consommés au cours d’une période de chômage, nous savons aussi que le patronat a précisé que cela ne devait pas aggraver le déséquilibre financier de l’assurance chômage et que les entreprises n’apporteraient aucune contribution financière supplémentaire. Autrement dit, ce nouveau droit s’inscrirait au détriment des autres demandeurs d’emploi.

En outre, pour en bénéficier, il faudrait avoir travaillé suffisamment longtemps. Or, en 2011 et en 2012, 80 % des nouveaux contrats de travail étaient des contrats à durée déterminée de courte durée n’ouvrant aucun droit.

Il s’agit donc d’un leurre, voire d’un recul social.

M. le rapporteur. Avis défavorable, même si je comprends la préoccupation qui vient d’être exprimée.

Le régime d’assurance chômage accuse un déficit annuel de 5 milliards d’euros et de 18 milliards cumulés. Mais il doit, en période de crise, jouer son rôle de stabilisateur automatique et de protection des plus fragiles. C’est pourquoi, à un moment où les durées observées de retour à l’emploi s’allongent jusqu’à trois ans, je suis, comme les partenaires sociaux, résolument opposé à une réduction de l’indemnisation du chômage. D’autant qu’il existe une perspective de retour à l’équilibre financier du régime.

La mesure proposée par l’article 6 va-t-elle aggraver le déficit ? Une simulation réalisée à la demande de Force ouvrière sur la base de la moitié des droits rechargeables en estime le coût direct à environ 750 millions d’euros. Mais elle permettra de sécuriser chacun dans sa reprise d’emploi et présentera donc un gain indirect pour l’assurance chômage. On peut penser qu’elle s’équilibrera d’elle-même sur le plan financier.

Au-delà, la question plus générale consiste à savoir que faire du déficit de l’Unédic. Faut-il le laisser filer pendant la crise ou prendre des mesures de compensation ? La discussion se poursuivra.

Mme Isabelle Le Callennec. L’alinéa 2 de l’article 6 dispose que les droits à l’allocation d’assurance non épuisés sont pris en compte « en tout ou partie » dans le calcul de la durée et du montant des droits. Qu’est-ce qui détermine ce partage ?

M. le rapporteur. L’alinéa 2 est ainsi rédigé parce que les partenaires sociaux n’ont pas tranché la question de la proportion des droits rechargeables. La réponse dépendra aussi des contributions évoquées par Jacqueline Fraysse et du gain indirect généré par la mesure. L’estimation de 750 millions d’euros se fonde sur une hypothèse de 50 % de droits rechargeables. Ainsi, dans le cas d’un reliquat de douze mois, avec un CDD de quatre mois, six mois de droits s’ajouteront aux droits acquis au titre de celui-ci.

M. Jean-Patrick Gille. Il me semble que l’exposé des motifs méconnaît un peu le dispositif proposé. L’idée de droits rechargeables vise à inciter à la reprise d’emploi, quand des chômeurs hésitent à travailler de nouveau, notamment en CDD, afin de ne pas perdre de droits. On ne peut donc prédire quel sera l’impact concret de la mesure, d’où son enjeu économique et son aléa financier.

M. Francis Vercamer. Un certain nombre de chômeurs hésitent en effet à reprendre un emploi en CDD de peur de perdre des droits. Cet article 6 me semble donc constituer une bonne incitation au travail et je salue les partenaires sociaux d’avoir avancé sur ce point. On ne peut en prédire l’incidence, mais il est important que l’expérimentation se déroule.

La Commission rejette l’amendement AS 134.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS 317 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement AS 103 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Lors de la négociation sur la convention d’assurance chômage, en septembre prochain, les partenaires sociaux devront veiller à ce que les dispositions de l’article 6 ne conduisent pas à aggraver le déséquilibre financier du système, qui connaît déjà un déficit cumulé d’environ 18 milliards d’euros. Or il est possible d’agir à enveloppe constante : dans la mesure où la mise en place des droits rechargeables va faciliter l’accès à l’emploi, on peut s’attendre à ce qu’elle entraîne une économie susceptible de compenser en partie son coût, évalué à environ 750 millions d’euros par Force ouvrière.

Par ailleurs, l’expression « en tout ou partie » me semble poser problème, car elle ouvre la porte à des droits non entièrement rechargeables. En raison de l’insécurité juridique qu’elle représente pour les personnes concernées, on risque de produire l’effet inverse de celui attendu.

Enfin, monsieur le rapporteur, la réadmission des droits, déjà prévue par les textes existants, sera-t-elle encore possible ?

M. le rapporteur. En matière d’indemnisation, la loi pose les grands principes, mais les règles sont toutes fixées par le régime d’assurance chômage, et leur publicité est la même que pour les dispositions prises par l’État. Formellement, d’ailleurs, l’accord interprofessionnel donne lieu à un décret de validation du ministre, dont le pouvoir réglementaire est délégué aux partenaires sociaux. Votre remarque sur la sécurité juridique vaut donc pour l’ensemble du dispositif de l’assurance chômage. Il appartient aux partenaires sociaux de décider si les droits doivent être entièrement rechargeables ou seulement en partie. Je ne serais pas hostile à ce qu’ils le soient systématiquement à 100 %, mais une telle disposition serait contraire à l’accord du 11 janvier.

Quant à l’amendement lui-même, j’y suis défavorable, car j’estime qu’il ne faut pas enserrer la négociation dans des contraintes trop étroites. En outre, la montée en charge du dispositif étant progressive, il ne coûtera pas 750 millions d’euros dès le 1er janvier 2014. L’accumulation des droits s’étalant sur plusieurs années, nous aurons le temps de vérifier si le système fonctionne à l’équilibre.

Je le répète : soit nous laissons le régime d’assurance chômage jouer son rôle de stabilisateur, soit nous décidons d’augmenter les cotisations, mais je suis totalement défavorable à l’idée de réduire le montant ou la durée des indemnisations.

M. Denys Robiliard. L’amendement proposé cherche à poser des contraintes à la négociation entre partenaires sociaux. Il est donc contradictoire avec la volonté exprimée par nos collègues de suivre presque aveuglément l’accord du 11 janvier.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement ne fait que traduire la volonté des partenaires sociaux, clairement exprimée à l’article 3 de l’accord du 11 janvier, de ne pas aggraver le déséquilibre financier de l’assurance chômage. Contrairement à ce qu’affirmait Jacqueline Fraysse il y a quelques instants, ce n’est pas seulement le patronat, mais tous les signataires de l’accord qui se sont engagés sur cette question cruciale.

Mme Jacqueline Fraysse. J’ai surtout souligné la volonté préoccupante du patronat de ne pas engager de moyens nouveaux.

M. le rapporteur. J’ajoute qu’un des principaux syndicats signataires de l’accord a exclu expressément toute évolution des droits à indemnisation.

Le système de la réadmission, monsieur Cherpion, permet aujourd’hui à un demandeur d’emploi de bénéficier de la meilleure indemnisation, soit au titre de l’emploi qu’il vient de quitter, soit à celui d’un emploi précédent. Non seulement il est conservé, mais il est amélioré : les anciens droits non consommés et les nouveaux droits acquis pourront se cumuler en tout ou en partie.

La commission rejette l’amendement AS 103.

Puis elle adopte l’article 6 modifié.

Article 7 : Majoration de la cotisation d’assurance chômage sur les contrats courts

La Commission est saisie de l’amendement AS 135 de Mme Jacqueline Fraysse.

M. André Chassaigne. L’article 7 est emblématique de la philosophie générale du texte, dans la mesure où il renvoie à des accords ultérieurs l’application de ses dispositions. La limitation de l’usage des contrats à durée déterminée (CDD) est donc purement hypothétique, puisqu’elle dépendra du bon vouloir du patronat.

La même démarche inspire de nombreux articles du projet de loi : alors que les dispositions défavorables aux salariés sont immédiatement applicables, celles qui pourraient éventuellement se traduire par des avancées sont systématiquement conditionnées à des négociations ultérieures.

Par ailleurs, l’accord du 11 janvier ne prévoyant aucune mesure véritablement dissuasive, nous doutons fortement que ces dispositions se traduisent par une réduction du nombre de contrats de courte durée.

Enfin, non seulement le patronat ne veut pas mettre d’argent supplémentaire dans le système d’assurance chômage, comme l’a rappelé Jacqueline Fraysse, mais il cherche à en économiser. En effet, alors que la surcotisation des contrats courts aura un coût de 110 millions d’euros pour les entreprises, la contrepartie accordée, c’est-à-dire l’exonération de cotisation pour l’embauche en contrat à durée indéterminée (CDI) d’un jeune de moins de 26 ans, représentera pour elles une économie de 145 millions d’euros, soit un gain net potentiel pour le patronat de 35 millions d’euros. Le tour est joué !

M. le rapporteur. Bien que différée, l’entrée en vigueur des dispositions de l’article 7 va venir très rapidement, puisque les partenaires sociaux ont prévu de modifier les taux de cotisation avant l’été.

S’agissant des conséquences financières de la mesure, le coût de l’exonération pour l’embauche en CDI de jeunes de moins de 26 ans est plus facile à évaluer que le produit de la taxation des emplois précaires, faute de données statistiques précises : mais on peut estimer que le premier sera compris entre 120 à 160 millions d’euros, et le deuxième entre 130 et 150 millions d’euros. Dans le pire des cas, les dispositions de cet article se traduiraient donc par un déficit, relativement modeste, de 20 millions d’euros. Nous ne sommes pas loin de l’équilibre.

De toute façon, dans un système de bonus-malus – car c’est bien de cela qu’il s’agit –, il ne faut pas rechercher l’équilibre à chaque instant. Au contraire, plus la mesure rencontre le succès, plus le déséquilibre s’aggrave. Dans l’hypothèse où les entreprises renonceraient totalement aux CDD, la taxe sur les contrats courts ne produirait plus rien. Pour autant, réclameriez-vous la suppression d’une exonération qui aurait ainsi montré son efficacité ? Vous avez d’ailleurs voté en faveur des contrats de génération, qui prévoient une aide de 2 000 euros pendant trois ans pour l’embauche d’un jeune, soit beaucoup plus que les quelques dizaines d’euros d’exonération dont il est question ici.

Le dispositif prévu par l’article 7 est donc un bon dispositif. Certes, on peut se demander s’il va assez loin, dans la mesure où il ne s’applique pas à certains types d’emploi précaire, comme les CDD de plus de trois mois, les contrats saisonniers ou les CDD d’usage. Mais une négociation va s’ouvrir : si les partenaires sociaux constatent que le système prévu ne conduit pas à freiner le recours aux contrats de courte durée, ils pourront soumettre ces contrats au même système de taxation. Je vous invite donc, monsieur le député, à reconsidérer votre position sur l’article 7, car celui-ci constitue un pas dans le bon sens.

M. Dominique Dord. L’article 7 fixe un principe dont la mise en œuvre est renvoyée à une négociation future. Non seulement une telle démarche n’a rien de nouveau, mais elle est plutôt saine. Certes, le texte ne règle pas tous les problèmes, mais il répond à un objectif que nous partageons tous : mettre un terme à la multiplication des contrats courts. À cet égard, la modulation des taux de cotisation me paraît une bonne chose.

M. Denys Robiliard. Alors que l’article 4 de l’accord du 11 janvier ne concerne que les CDD, l’article 7 est de portée beaucoup plus générale et pourrait parfaitement s’appliquer à d’autres formes de contrat temporaire.

Le principe posé par l’article va en effet dans le bon sens, même s’il reste à voir ce qu’en feront les partenaires sociaux. Cela étant, il serait peut-être utile de réfléchir à un mécanisme permettant de s’assurer que le bonus ne sera pas supérieur au malus.

M. Francis Vercamer. Le groupe UDI est favorable à la modulation des cotisations selon les secteurs, à la condition, bien sûr, que l’équilibre des comptes sociaux soit préservé. Mais le fait de renvoyer la mise en œuvre du dispositif à des accords entre organisations représentatives d’employeurs et de salariés pose un problème, dans la mesure où certains secteurs ne sont aujourd’hui pas représentés dans ce type de négociations. C’est le cas en particulier du secteur de l’économie sociale et solidaire, notamment des services à la personne, éternels oubliés du dialogue social. Nous proposerons donc plusieurs amendements destinés à prendre en compte les spécificités de ce secteur.

M. Christophe Cavard. Il faut bien le reconnaître, les dispositions de l’article 7 constituent une avancée importante et répondent à des revendications anciennes. Il est temps, en effet, de mettre un terme à la croissance exponentielle du nombre de contrats de travail de courte durée. Mais, alors que l’accord du 11 janvier fixait d’ores et déjà les taux de cotisation applicables en fonction de la durée du contrat, le projet de loi se contente de fixer le principe d’une modulation.

Comme l’a dit Denys Robiliard, il conviendra de veiller, avec les partenaires sociaux, à ce que le montant des dépenses liées à l’application de cet article ne dépasse pas celui des recettes.

Par ailleurs, et tout en laissant toute sa place au dialogue social, nous devrons nous montrer vigilants et faire en sorte que l’objectif recherché par l’article 7 s’applique également à l’intérim.

Nous voterons cependant cet article, même si ses dispositions doivent être encore améliorées.

M. André Chassaigne. Denys Robiliard n’a fait que conforter mes arguments en soulignant que non seulement le patronat allait s’en sortir gagnant, mais il aurait pratiquement la garantie de voir ses gains dépasser largement ses pertes. D’une manière générale, d’ailleurs, ce projet de loi privilégie systématiquement les intérêts du patronat par rapport à ceux des salariés.

La Commission rejette l’amendement AS 135.

Elle examine ensuite l’amendement AS 159 de Mme Jacqueline Fraysse.

M. André Chassaigne. J’essaie de vous aider à faire évoluer ce texte dans un sens plus social. Un moyen simple consisterait à supprimer, dans le deuxième alinéa, les mots : « ou minorer ». Comment, en effet, peut-on envisager de nouvelles minorations des contributions patronales, alors que les aides votées en novembre s’élèvent à 20 milliards d’euros, et qu’elles viennent s’ajouter aux dizaines de milliards d’euros d’exonérations de cotisations déjà appliquées ?

M. le rapporteur. Le dispositif des contrats de génération, en faveur duquel vous avez voté, prévoit une aide financière de 2 000 euros par mois pendant trois ans, soit 6 000 euros. Tandis que l’exonération voulue par les partenaires sociaux pour inciter les entreprises à recourir à des embauches en CDI ne représente que 40 euros par mois pendant trois mois, c’est-à-dire 120 euros. Ce n’est pas du tout le même ordre de grandeur.

Il reste que cette mesure représente un signal fort envoyé aux entreprises, afin de les inciter à recourir prioritairement aux CDI et, à l’inverse, à limiter le recours au CDD, qui frappe plus particulièrement les jeunes.

Je pourrais à la rigueur concevoir que les dispositions de l’article 7 n’aillent pas suffisamment loin à vos yeux et que vous cherchiez à les améliorer, comme vous avez voulu le faire pour l’article 5. Mais votre opposition au principe même d’un bonus-malus est incompréhensible. Pour les socialistes, il s’agit en tout cas d’une revendication très ancienne, devenue l’engagement no 25 du candidat François Hollande. Nous sommes donc très satisfaits de lui voir trouver une première concrétisation avec l’appui du MEDEF.

Je rappelle que la surcotisation des contrats courts s’appliquera dès le 1er juillet 2013, sans même attendre la renégociation de la convention d’assurance chômage. Aucune nouvelle négociation n’est d’ailleurs nécessaire, dans la mesure où l’accord du 11 janvier a déjà fixé précisément les taux applicables à chaque type de contrat de travail. Le ministère travaille à limiter les complications administratives qui en résulteront pour les entreprises.

J’espère donc, monsieur Chassaigne, que vous allez, d’ici à l’examen du texte en séance publique, reconsidérer votre position sur l’article 7, comme j’ai senti que vous étiez prêt à le faire à propos de l’article 2 et du compte personnel de formation.

Mme Isabelle Le Callennec. La taxation des contrats courts a déjà fait couler beaucoup d’encre. Auditionnés par la Commission, les représentants des partenaires sociaux ont rappelé leur volonté de faire des CDI la norme et des CDD l’exception. L’objectif de cet article est donc de faire la chasse à l’usage abusif des CDD.

À cet égard, l’accord du 11 janvier va très loin puisque, comme vous venez de le rappeler, monsieur le rapporteur, il fixe déjà les taux de cotisation applicables aux différents types de contrat. Je suis donc surprise par le caractère très général de la rédaction de l’article 7, qui contraste avec la précision des dispositions, issues de la négociation, auxquelles il est censé donner une traduction concrète.

M. Jean-Patrick Gille. En fait, l’article 7, comme d’ailleurs le précédent, va plus loin que ce que proposait l’accord du 11 janvier en posant un principe susceptible de changer profondément le fonctionnement de l’assurance chômage. Alors que l’article 6 permet aux partenaires sociaux de créer des droits rechargeables à l’indemnisation, l’article 7 leur donne la possibilité – attendue depuis longtemps – de moduler le montant des cotisations en fonction de la qualité du contrat de travail, les CDD à temps partiel étant plus mis à contribution que les CDI à temps plein. Il appartient désormais aux partenaires sociaux de négocier l’application de ce principe. Ils l’ont d’ailleurs déjà fait en partie en prévoyant d’appliquer dès le mois de juillet une surcotisation sur les contrats de courte durée.

De toute façon, certains contrats particuliers, comme les CDD d’usage régis par les annexes 8 et 10 du régime général de l’assurance chômage, et qui concernent plus particulièrement les intermittents du spectacle, font déjà l’objet d’une modulation semblable, puisqu’ils se voient appliquer un taux de cotisation de 10,8 % au lieu de 6,4 %.

M. Christophe Cavard. Nous partageons votre objectif, monsieur Chassaigne. Même si 80 % des salariés sont en CDI, le nombre des contrats courts, voire très courts, a explosé depuis quelques années, et il faut mettre un terme à ce mouvement. Aussi l’idée du système de bonus-malus s’est-elle imposée. La notion de modulation est bien dans l’esprit de l’accord : il faut des incitations pour revenir à la norme, constituée par le CDI, et taxer les contrats courts.

M. le rapporteur. Selon le principe qui régit l’assurance chômage, après que les partenaires sociaux ont négocié dans un cadre défini, un décret ministériel donne valeur réglementaire à leur accord, pour peu qu’il soit conforme aux principes définis en amont. La question est de savoir si la loi n’impose pas l’unicité de la cotisation : en d’autres termes, est-il possible de faire varier les taux en fonction de certains critères.

L’article permet en effet d’aller plus loin que l’accord du 11 janvier. Il autorise les partenaires à inclure les intérimaires dans la taxation, par exemple en cas d’échec de la négociation sur l’intérim. Nous avons eu cette discussion lors de la transposition de la loi. Alors que le MEDEF ne souhaitait pas qu’on étende la taxation à l’intérim, le ministre a décidé d’autoriser une modulation très large, afin d’allonger le plus possible les contrats. L’accord du Conseil d’État était nécessaire pour prévenir le risque d’inconstitutionnalité. On évitera les ruptures brutales induites par des effets de seuil ou l’existence de contrats différents alors qu’ils répondraient à la même logique. L’habilitation était nécessaire pour que l’accord fixant des taux différenciés soit agréé par le ministre. Politiquement, elle offre une grande liberté aux partenaires sociaux pour améliorer le dispositif.

Cette étape est positive, monsieur Chassaigne, et je me réjouirais que nous la franchissions ensemble. Avant la séance publique, nous aurons le temps de prévoir un suivi de l’évolution de ces contrats. S’il s’avérait que les CDD de moins de trois mois disparaissent au profit de CDD de trois ou quatre mois, les partenaires sociaux devraient renégocier. Alors que, depuis quinze ans, le nombre de salariés intérimaires varie, selon la conjoncture, entre 500 000 et 600 000, celui des CDD a augmenté depuis vingt ans, et celui des CDD très courts a explosé depuis dix ans. C’est d’abord à ceux-ci que s’attaque l’accord du 11 janvier.

Mme Isabelle Le Callennec. Plusieurs organisations syndicales ont reconnu que les CDD permettent aux entreprises d’embaucher, quand elles doivent faire face à un surcroît de travail, ce qui est fréquent dans l’industrie. C’est pourquoi l’intérim a été exclu de la taxation des CDD. Le vrai problème est celui des CDD d’usage : certaines sociétés, comme les cabinets d’études, ne signent que des contrats courts, sans égard pour le fait que les salariés concernés pourraient signer des contrats plus longs. Le problème est-il traité par l’article 7 ?

M. le rapporteur. Le problème est abordé dans la loi et dans l’accord du 11 janvier, qui prévoit de taxer ces contrats courts à 4,5 % au lieu de 4 %. Pour ma part, je ne les considère pas comme une fatalité. On pourrait imaginer, par exemple, que les sociétés de sondage recourent à des sous-traitants, qui procureraient des emplois stables, à temps plein, aux salariés travaillant pour plusieurs instituts. Nul ne remet en cause les règles d’usage prévues par le code du travail, surtout si un CDD est légitime, mais, si nous ne trouvons pas de meilleure organisation, il ne faut pas s’étonner que les CDD représentent 14 % des contrats, ni qu’ils soient le mode d’entrée systématique dans l’emploi, avec un taux de rotation très fort.

La Commission rejette l’amendement AS 159.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AS 320 du rapporteur.

Elle étudie l’amendement AS 62 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Lorsqu’ils négocient un accord, les organisations nationales oublient les secteurs qu’ils ne représentent pas, tel celui des services à la personne, pourtant très créateur d’emplois. Pour redonner de l’élan à ce secteur, qui vient d’être frappé par la suppression de la déclaration au forfait et la réduction de l’avantage fiscal dont il bénéficiait, je propose de lui conserver un régime particulier. L’exonération des contributions concernerait 4 millions de particuliers employeurs, qui ne sont pas nécessairement fortunés : parfois, ce sont simplement des personnes âgées qui cherchent à rester chez elles ou des parents qui recourent à une assistante maternelle.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Adopter l’amendement reviendrait à créer une exonération nouvelle sans même consulter les partenaires sociaux. Nous avons déjà eu ce débat lors de l’examen de la loi de finances, qui a prévu des mesures spécifiques. Il n’y a pas lieu d’y revenir.

M. Dominique Tian. Le rapporteur nous a assuré qu’il déposerait des amendements avant la réunion qui se tiendra au titre de l’article 88. Nous serons très attentifs à la manière dont il améliorera le texte sur ce point, qui pose un réel problème.

M. Francis Vercamer. Je regrette que le Gouvernement n’ait pas intégré dans le projet de loi le cas des particuliers employeurs, qui figurait dans l’accord du 11 janvier.

La Commission rejette l’amendement AS 62.

Elle en vient à l’amendement AS 63 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. L’amendement propose le même type de mesure pour les associations chargées de missions d’insertion auprès des collectivités territoriales ou des entreprises. Si elles recourent à des CDD, c’est dans un objectif d’insertion. Il n’y a donc pas lieu de renchérir leurs coûts, généralement financés par de l’argent public.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Charger la barque de l’assurance chômage ne fera qu’aggraver le problème dont nous avons longuement débattu à l’article 1er.

M. Gérard Sebaoun. L’idée de l’amendement est bonne, mais je me range à l’argument du rapporteur.

M. Christophe Cavard. Il ne s’agit pas de sanctionner les associations qui jouent le jeu de l’insertion, mais le débat est ouvert en leur sein pour déterminer quelle doit être la durée d’un CDD. En ne privilégiant pas des contrats trop courts, elles iraient dans le sens d’un meilleur accompagnement social et professionnel.

M. Francis Vercamer. Je rappelle les termes de l’amendement : « Ils peuvent prévoir une exonération ». Nous voulons seulement appeler l’attention des partenaires sociaux sur ces métiers.

La Commission rejette l’amendement AS 63.

L’amendement AS 26 de Mme Valérie Boyer n’est pas défendu.

Elle aborde l’amendement AS 40 de Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Nombre d’établissements de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale veulent engager des professionnels retraités, qui souhaitent reprendre une activité pour s’assurer un complément de ressources. Cette main-d’œuvre expérimentée est nécessaire pour certains métiers en tension : kinésithérapeutes, infirmiers ou aides-soignants. Leur recrutement permettrait en outre de former des jeunes. C’est pourquoi il faut prévoir pour ces salariés une forme de CDD spécifique.

M. le rapporteur. Le cumul emploi-retraite m’inspire une forte réticence. Je comprends que certains retraités veuillent compléter un faible revenu, mais il est aberrant qu’on puisse percevoir en même temps une retraite de 6 000 euros et un salaire de 8 000. Quoi qu’il en soit, dans les cas que vous évoquez, rien n’interdit de recruter des retraités par CDI. Il n’est nul besoin de créer un dispositif spécifique.

M. Arnaud Robinet. Je trouve bon qu’une personne apte à rendre des services puisse s’assurer un complément de rémunération après avoir liquidé sa retraite. N’oublions pas qu’à partir du 1er avril, le pouvoir d’achat des retraités diminuera, puisqu’ils seront soumis à la contribution additionnelle de 0,3 % appliquée aux pensions, et frappés par l’indexation partielle des retraites complémentaires. Souhaitons que le Gouvernement ne s’engage pas sur cette piste lorsqu’il abordera la réforme des retraites du régime général.

La Commission rejette l’amendement AS 40.

Elle adopte l’article 7 modifié.

Après l’article 7

La Commission examine l’amendement AS 158 de Mme Jacqueline Fraysse, portant article additionnel après l’article 7.

Mme Jacqueline Fraysse. L’amendement tend à taxer les contrats courts, dont l’explosion représente un véritable drame.

M. le rapporteur. Avis défavorable, mais je me réjouis que, après avoir voulu supprimer l’article 7, vous tentiez de l’améliorer.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous souhaitons être constructifs…

M. le rapporteur. Pour réduire le nombre des contrats courts, il est plus dissuasif de faire évoluer le taux de cotisation acquitté par l’employeur, que de doubler le montant de la prime de précarité.

M. Dominique Tian. Les principaux utilisateurs de ce type de contrat sont l’éducation nationale, la SNCF et les hôpitaux publics. Si, par mégarde, nous adoptions votre amendement, madame Fraysse, les hôpitaux seraient contraints de fermer. Vous avez déjà supprimé le jour de carence, ce qui leur coûtera 80 millions d’euros. Faites attention aux conséquences de ce que vous écrivez !

Mme Jacqueline Fraysse. Dominique Tian défend l’hôpital public : une grande mutation vient de se produire !

La Commission rejette l’amendement AS 158.

Elle examine ensuite l’amendement AS 121 de M. Joël Giraud.

M. Jean-Noël Carpentier. Il s’agit de sécuriser les contrats des saisonniers, en proposant, sauf motif réel et sérieux, une clause de reconduction pour la saison suivante.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Les partenaires sociaux ont négocié sur ce type de contrat. Je proposerai un autre amendement à l’article 18 afin de limiter l’expérimentation aux trois branches d’activités qu’ils ont envisagées.

La Commission rejette l’amendement AS 121.

Article 8 : Encadrement du travail à temps partiel

La Commission examine l’amendement AS 136 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Une fois de plus, l’article 8 contient une annonce trompeuse. S’il fixe une durée minimale d’activité à temps partiel, ce qui est positif, il prévoit aussi un grand nombre de dérogations du fait des accords de branche ou à la demande du salarié, dont on sait qu’il n’est pas toujours libre de ses choix, autant d’éléments qui vident l’article de tout intérêt concret. Dès lors, mieux vaut le supprimer, d’autant qu’il instaure des discriminations entre les salariés à temps partiel et les nouveaux embauchés, ainsi qu’une différence de rémunération entre les heures complémentaires et supplémentaires, qui s’effectuera au détriment des salariés.

M. le rapporteur. Vous êtes plus royaliste que le roi. Le texte ramène à la négociation de branche les dérogations possibles à la durée minimale du temps partiel, laquelle est fixée un peu au-dessus d’un mi-temps afin d’ouvrir les droits sociaux. Dans pratiquement tous les cas, lorsque la durée est inférieure à 24 heures, l’employeur doit faire tout son possible pour fixer des horaires réguliers permettant au salarié d’avoir un autre contrat de travail s’il le souhaite.

Le temps partiel s’accompagne d’une grande précarité : selon l’INSEE, 33 % des salariés concernés indiquent que leur temps partiel est « subi » et les femmes comptent pour les cinq-sixièmes de ces temps partiels « subis ».

Les partenaires sociaux ont décidé d’avancer sur ce sujet, mis sur la table par les organisations syndicales, qui considèrent qu’elles ont obtenu des avancées importantes. On peut certes souhaiter aller plus loin, mais votre amendement est surprenant.

M. Denys Robiliard. Ce n’est pas parce qu’on pourrait mieux faire qu’on ne fait pas bien. L’article 8, qui dispose que les contrats à temps partiel ne doivent pas être inférieurs à 24 heures, représente une grande avancée, même s’il existe des possibilités de dérogation.

M. Dominique Dord. Les députés communistes auront sans doute du mal à expliquer pourquoi ils ont voté contre la création de tous les droits nouveaux prévus pour les salariés – généralisation de la couverture santé, création du compte personnel formation, mobilité sécurisée, amélioration des procédures d’information et de consultation des instances représentatives du personnel, droits rechargeables, modulation des cotisations, taxation des contrats courts et, maintenant, régulation des temps partiels subis. On peut comprendre leur opposition aux articles 11 et 12, consacrés à la compétitivité, mais il faut beaucoup de mauvaise foi de la part de membres du parti communiste pour voter contre des droits qu’ils revendiquent depuis des années au motif que l’accord n’a pas été signé par la CGT ou FO.

M. Francis Vercamer. Si l’on peut comprendre le souci des partenaires sociaux de limiter la précarité au niveau général, il faut prendre garde aux cas particuliers. Comment traiter, par exemple, le cas du personnel de ménage qui travaille une heure ou deux chaque jour pour nettoyer les bureaux d’une petite entreprise ou les locaux d’un commerçant, et qui a donc plusieurs employeurs ? Ces petits travaux vont disparaître au profit de grandes entreprises qui embaucheront ces salariés, au risque de faire peser sur eux plus de pression que ne le font les commerçants. Il faut certes lutter contre la précarisation, notamment dans la grande distribution, mais pourquoi supprimer en France, au nom d’une vision généraliste du travail, ces petits métiers multi-employeurs qui, au Japon ou en Allemagne par exemple, contribuent à limiter le chômage ?

M. André Chassaigne. Je me réjouis que Dominique Dord accepte de discuter nos amendements alors que certains de ses amis voudraient établir autour des députés communistes et du Front de gauche, jugés dangereux, un cordon sanitaire.

J’ai déjà dit hier soir que le dépôt systématique d’amendements de suppression ne signifiait pas de notre part le rejet total du contenu des articles, mais qu’il entendait souligner que leur contenu précis annulait les objectifs affichés. Toutes les atteintes aux droits des salariés sont d’application immédiate, tandis que toutes les mesures susceptibles de contraindre le patronat à mettre la main à la poche ou à faire évoluer le droit du travail sont renvoyées à une négociation ultérieure. Nos amendements de suppression visent à permettre un débat.

La semaine prochaine, lors de l’examen du texte dans l’hémicycle, nous veillerons à ce que ce projet de loi fasse le moins de dégâts possible et nous efforcerons d’arracher des évolutions constructives. J’observe à ce propos que le mandat impératif est déjà en train d’évoluer – mais il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée.

M. le rapporteur. Il n’est pas exact de dire que la mise en œuvre des nouveaux droits est largement différée. Qu’il s’agisse de la taxation des CDD, qui devrait intervenir au 1er juillet 2013, de l’accord de mobilité et de l’accord de maintien dans l’emploi, ou de la généralisation de l’assurance complémentaire santé, à propos de laquelle les branches ont un an pour négocier, les délais sont rapides. Cette dernière mesure est certes renvoyée à la négociation, mais un dépassement du délai fixé se traduirait par une application automatique pour tous les salariés.

Par ailleurs, la question d’un « équilibre » ne se pose pas pour un tel accord. Monsieur Chassaigne, auriez-vous pu imaginer avant l’élection présidentielle le retour de l’État dans le contrôle des plans sociaux ? Vous souhaitez l’interdiction des licenciements boursiers, mais un texte qui les renchérit au point de dissuader d’y recourir n’est-il pas un texte de gauche ? Si j’étais représentant du MEDEF, je n’aurais pas signé un accord qui organise le retour de la puissance publique, sous une forme moderne qui n’est plus celle des autorisations administratives de licenciement de 1975 et avec des pouvoirs importants. Je vous demande de bien mesurer la portée de ces mesures avant de voter contre.

La Commission rejette l’amendement AS 136.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels AS 321 à AS 326 du rapporteur.

Puis elle est saisie de l’amendement AS 160 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. La fixation d’une durée minimale du travail à temps partiel correspond à une demande forte des salariés. Elle est cependant assortie de multiples dérogations renvoyées à la négociation, ce qui est d’autant plus aléatoire que le MEDEF défendra ses intérêts et appliquera le plus possible ces dérogations. L’amendement tend donc à mieux protéger les salariés en assurant une durée minimale stable qui leur permette de trouver un autre temps partiel.

M. le rapporteur. Je souhaiterais comme vous que le texte aille encore plus loin dans la protection des salariés, mais l’article 8, consacré au temps partiel, a été discuté dans les moindres détails par les partenaires sociaux et il est difficile de remettre en cause ces discussions.

M. Michel Issindou. La durée minimale de 24 heures est une protection qui mettra fin à bien des abus, notamment dans la grande distribution. L’accord, même imparfait, ouvre véritablement des droits nouveaux. La loi doit être aussi peu bavarde que possible. Faisons confiance aux partenaires sociaux, sans considérer comme inévitable que les uns écraseront les autres. La loi prévoit en effet des garde-fous, comme le retour plus ou moins déguisé de l’autorisation administrative de licenciement. Bien que le MEDEF se soit ouvertement – et sans doute trop – réjoui de l’accord du 11 janvier, celui-ci n’est pas à son seul profit et certains de ses signataires le défendent à juste titre.

Mme Isabelle Le Callennec. La dernière phrase de l’alinéa 9 indique que « cette durée minimale n’est pas applicable aux salariés âgés de moins de vingt-six ans poursuivant leurs études ». Il conviendrait de préciser comment protéger les étudiants, notamment ceux qui travaillent dans les grandes surfaces.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission.)

M. le rapporteur. La mention des jeunes de moins de 26 ans serait mieux placée à l’alinéa 10. Cette modification pourrait faire l’objet d’un amendement déposé en séance publique. La mesure ne leur interdit pas de travailler plus de 24 heures, mais leur offre une protection collective de branche, à laquelle ils peuvent renoncer de leur plein gré. Je consulterai les signataires pour m’assurer de leur accord sur cette modification.

M. Christophe Cavard. Les dispositions de l’article 8 représentent une avancée très importante. Il convient cependant, afin d’éviter les dérapages, d’encadrer l’annualisation du temps de travail partiel. C’est ce que nous proposerons de faire au moyen d’un amendement qui sera déposé en séance publique.

Mme Jacqueline Fraysse. Après avoir énoncé un principe qui répond à une forte revendication, l’alinéa 9 prévoit de nombreuses dérogations à ce principe. Les organisations syndicales, habituées à la négociation syndicale, nous ont signalé ce risque de voir contourner l’application de la durée minimale de 24 heures. Il faudrait supprimer cette possibilité.

M. le rapporteur. Vous êtes, plus généralement, opposée à l’annualisation du temps de travail et souhaitez que ce temps soit organisé sur la semaine. C’est cependant déjà une avancée que de fixer un plancher de 24 heures, même sur une base annuelle. Les salariés sont du reste parfois demandeurs, en particulier lorsqu’ils cumulent deux emplois saisonniers.

Le point essentiel est la régularité des horaires, qui permet de trouver un autre travail. Il est en effet insupportable de ne connaître que le vendredi son planning de la semaine suivante.

Le texte prévoit qu’un accord de branche est nécessaire pour déroger à la durée minimale de 24 heures. Or de tels accords sont difficiles à conclure, car les organisations syndicales les négocient âprement au niveau des branches. Les organisations patronales, en revanche, nous ont fait part de leur crainte de ne pas pouvoir s’organiser. Certaines entreprises parviennent cependant à le faire, comme dans la grande distribution, qui prétend pourtant que le travail partiel s’effectue uniquement entre six et huit heures du matin, mais dont 40 % des salariés travaillent plus de 24 heures. C’est aussi le cas de la presse quotidienne régionale. Nous devons donc pousser vers ces solutions nécessaires pour les salariés.

La Commission rejette l’amendement AS 160.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS 327 du rapporteur.

Les amendements AS 12 de M. Jean-Charles Taugourdeau et AS 29 de M. Guillaume Larivé ne sont pas défendus

Elle est ensuite saisie des amendements AS 45, AS 30, AS 31 et AS 46 de Mme Bérengère Poletti, AS 64 à AS 69 de M. Francis Vercamer, AS 44 et AS 48 de Mme Bérengère Poletti, AS 104 à AS 106 de M. Gérard Cherpion, pouvant faire l’objet d’une présentation commune.

Mme Bérengère Poletti. L’amendement AS 45 est un amendement général, qui vise à soustraire à l’obligation d’une durée minimale de travail de 24 heures les secteurs d’activité où la mise en œuvre de cette règle s’avérerait excessivement complexe, et risquerait d’aboutir à la disparition d’entreprise et à l’augmentation du chômage. Les amendements suivants déclinent cette disposition suivant les secteurs d’activité : l’amendement AS 30 pour le portage de presse, l’amendement AS 31 pour les entreprises et les associations d’aide à domicile, l’amendement AS 46 pour les particuliers employeurs.

M. Francis Vercamer. L’amendement AS 64 tire les conséquences du caractère aberrant de cette règle dans le secteur des services d’aide à la personne. Il en va de même pour les très petites entreprises, visées par l’amendement AS 65. Imposée aux particuliers employeurs auxquels l’amendement AS 66 est consacré, cette règle se révèle particulièrement absurde : ainsi le particulier qui cherche une personne pour aider ses enfants à faire leurs devoirs se verrait contraint de lui assurer un véritable service d’enseignant !

L’amendement AS 67 est consacré aux associations d’insertion. L’amendement AS 68 permet aux secteurs dont les modalités d’activité sont spécifiques d’échapper à la règle. Enfin l’amendement AS 69 prévoit une telle dérogation pour le secteur sanitaire, social et médico-social.

Mme Bérengère Poletti. L’amendement AS 44 dispense de cette obligation de durée minimale de travail de 24 heures hebdomadaires les collectivités territoriales, les groupements d’employeurs et les structures d’insertion par l’activité économique, en raison de la spécificité de leur mission. L’amendement AS 48 fait de même pour le secteur des services à la personne.

M. Bernard Perrut. Dans l’exposé des motifs du présent projet de loi, le Gouvernement exclut les salariés des particuliers employeurs de l’obligation d’une durée minimale d’activité de 24 heures hebdomadaire pour les contrats à temps partiel : cette disposition n’a pas de transcription législative. L’amendement AS 104 vise à rétablir le texte issu de l’accord du 11 janvier, qui exclut de cette limitation les salariés âgés de moins de 26 ans et poursuivant leurs études, ainsi que les salariés des particuliers employeurs. Dans un souci d’égalité et de parallélisme des formes, il prévoit également une disposition identique pour les salariés des associations et des entreprises de services à la personne puisqu’un particulier peut également faire le choix de passer par un mandataire.

M. Gérard Cherpion. L’amendement AS 105 est un amendement de repli.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement AS 106 vise à exclure le portage de presse du champ d’application de cette règle de durée minimale de 24 heures, susceptible de mettre en péril l’emploi des 12 000 salariés de ce secteur d’activité.

M. le rapporteur. Je me réjouis de cette soudaine frénésie d’amendement qui s’est emparée des députés de l’UMP, conformément à mon souhait que nous jouions pleinement notre rôle de parlementaires. En outre, elle prouve que le dispositif est réellement contraignant pour les employeurs. J’ai reçu les représentants de la quasi-totalité des secteurs concernés par vos amendements et aucun ne m’a convaincu que les difficultés que vous évoquez ne pourraient pas être résolues dans le cadre d’accords de branche.

Quant aux particuliers employeurs, leur cas ne relève pas de cette partie du code du travail.

Pour ces raisons, je suis défavorable à vos amendements.

M. Gérard Cherpion. Si l’exposé des motifs exclut en effet les particuliers employeurs du champ d’application du dispositif, ce n’est pas le cas du projet de loi.

M. le rapporteur. Les particuliers employeurs relèvent de l’article L. 7221-2 du code du travail.

M. Jean-Patrick Gille. On ne peut à la fois subventionner le secteur de la presse écrite et nier que cette disposition constitue pour lui une vraie difficulté. Il faut qu’on trouve une solution.

La Commission rejette successivement l’ensemble des amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS 328 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 71 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Cet amendement vise à préciser qu’un salarié souhaitant revenir à une durée minimale de travail de 24 heures doit formuler sa demande par écrit.

M. le rapporteur. Rien ne s’y oppose dans l’état actuel du droit. Par ailleurs, une telle précision créerait un « a contrario » dans tous les autres cas de temps partiel.

La Commission rejette l’amendement AS 71.

Elle examine ensuite l’amendement AS 218 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Cet amendement vise à doter le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du pouvoir de vérifier la réalité des demandes de dérogations individuelles à la durée minimale de travail à temps partiel afin de parer aux risques de pressions sur les salariés.

M. le rapporteur. Je comprends votre souci, bien qu’il me semble que ce serait plutôt le rôle du comité d’entreprise. C’est pourquoi je vous propose de modifier votre amendement pour que ce soit le comité d’entreprise qui soit informé par l’employeur du nombre de demandes.

M. Christophe Cavard. Je suis très favorable à votre proposition, qui est conforme à l’objectif de l’amendement d’introduire dans le texte la faculté de saisir les instances représentatives du personnel.

La Commission adopte l’amendement AS 218 ainsi modifié.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AS 161 de Mme Jacqueline Fraysse.

Elle examine ensuite l’amendement AS 43 de M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Cet amendement vise à introduire plus de souplesse et de flexibilité dans l’application du dispositif au secteur du service à domicile, où il n’est pas toujours loisible de regrouper les heures de travail sur des journées ou des demi-journées.

M. le rapporteur. Je ne suis pas favorable à cet amendement, contraire au principe même d’une durée minimale de 24 heures, qui vise précisément à encadrer le temps partiel. En tout état de cause, l’aménagement du principe relève d’un accord de branche.

La Commission rejette l’amendement AS 43.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 115 de M. Jean-Noël Carpentier.

M. Jean-Noël Carpentier. Cet amendement vise à limiter la possibilité de déroger à l’interdiction d’interruption de travail supérieure à deux heures. En effet, l’article L. 3123-16 du code du travail stipule que « l’horaire de travail du salarié à temps partiel ne peut comporter, au cours d’une même journée, plus d’une interruption d’activité ou une interruption supérieure à deux heures ». Toutefois, des dérogations sont permises, soit par une convention ou un accord collectif de branche, soit par une convention ou un accord d’entreprise. Il s’agit d’éviter ces temps de pause interminables que subissent les caissières de la grande distribution, par exemple.

M. le rapporteur. Il s’agit là d’une question importante, même si elle n’a pas été évoquée en tant que telle dans le cadre de la négociation de l’accord du 11 janvier. De ce fait, le dispositif institué par l’accord se surajoute à la possibilité actuelle de déroger à la règle par un accord d’entreprise, créant ainsi un problème de cohérence interne. Je propose que vous retiriez votre amendement : nous allons soumettre ce point aux partenaires sociaux, afin de pouvoir statuer définitivement en séance publique.

M. Jean-Noël Carpentier. Je préfère le maintenir : cela ne vous empêchera pas d’en débattre avec les partenaires sociaux. Je suis persuadé que vous nous apporterez de bonnes nouvelles au moment de l’examen du texte en séance publique.

La Commission rejette l’amendement AS 115.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 239 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Sans entamer ici un débat de fond sur l’annualisation du temps de travail, nous souhaiterions que la loi prévoie que la durée minimale de travail se calcule de manière hebdomadaire ou mensuelle.

M. le rapporteur. Nous avons déjà eu ce débat, et la conclusion reste la même : avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 239.

Elle examine ensuite l’amendement AS 240 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. La majoration de 10 % de la rémunération dès la première heure complémentaire est une avancée incontestable, mais nous nous inquiétons de la possibilité que l’accord du 11 janvier offre à l’employeur de déroger aux règles actuelles de rémunération des heures supplémentaires, notamment à la règle de majoration de 25 % si le salarié effectue plus d’un dixième de son temps de travail en heures complémentaires. Un tel recul serait contraire à l’esprit de l’accord.

M. le rapporteur. Je ne suis pas persuadé que votre amendement constitue un progrès par rapport à l’accord du 11 janvier. Selon l’accord, en effet, jusqu’à un dixième du temps de travail, la rémunération des heures complémentaires est majorée de 10 %, alors que, dans l’état actuel du droit, seules les heures complémentaires représentant 10 à 33 % du temps de travail donnent lieu à une majoration de 25 %. Au-delà de 10 % du temps de travail, le projet de loi laisse à la négociation le soin de décider. À défaut d’accord des partenaires sociaux, ce sera 10 plus 25.

M. Christophe Cavard. L’amendement n’a rien d’impératif : il ouvre simplement la possibilité de renvoyer ce point à la négociation collective.

M. le rapporteur. Faux : il impose bien une majoration minimale de 25 %, outre que sa portée dépasse le champ de l’accord du 11 janvier.

M. Dominique Dord. Je partage l’avis du rapporteur : la disposition que vous proposez pourrait même s’avérer moins favorable aux salariés.

La Commission rejette l’amendement AS 240.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS 329 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement AS 162 de Mme Jacqueline Fraysse.

M. André Chassaigne. Avec ce projet de sous-section 8 du code du travail, nous entrons dans le « dur » du dispositif. À lui seul, il justifierait la suppression de l’ensemble de l’article. On retrouve ici un dispositif que, lors de la législature précédente, toute la gauche, tous les députés socialistes, avaient rejeté. Je me souviens des envolées d’Alain Vidalies dénonçant le risque d’autoriser la flexibilisation du temps de travail par le biais de conventions ou d’accords de branche, à la suite desquels les employeurs pourraient faire varier à leur guise la durée de travail des salariés. Cela aurait, sur leur vie quotidienne, des conséquences encore plus importantes pour ceux qui sont à temps partiel ou pour les mères qui élèvent seules leurs enfants.

Avec cette sous-section 8, la modification sera continuelle, puisqu’il pourra y avoir jusqu’à huit avenants par an et par salarié. De plus, le texte remet en cause le taux de majoration des heures décomptées à partir du contrat initial.

Cette sous-section est une illustration de ce qu’il ne faut jamais faire en politique : erreur en deçà des élections, vérité au-delà ! Vous défendez aujourd’hui ce contre quoi nous avons lutté ensemble avant les élections : cela porte un coup terrible à la morale politique !

M. le rapporteur. Monsieur Chassaigne, j’ai un profond respect pour ce que vous défendez.

M. André Chassaigne. J’en prends acte.

M. le rapporteur. Cependant, je ne peux vous laisser dire que nous ne sommes pas fidèles à ce que nous avons toujours défendu. Malgré toute ma loyauté envers la majorité, je ne voterais pas ce texte si je le croyais contraire aux intérêts des salariés. Certes, comme vous, il est des points sur lesquels je souhaiterais aller plus loin ; mais la signature de l’accord par les organisations patronales renforcera sans doute, en réalité, l’application du texte.

La question des compléments d’heures est délicate. Ils existent : ce sont les salariés les plus complaisants qui obtiennent des heures en plus ; les autres n’en ont pas. Ce sont des heures de travail sans contrat : pour le patron, c’est la souplesse idéale ! C’est d’ailleurs pour cela que j’avais combattu la « loi Sarkozy » sur la défiscalisation des heures complémentaires. Les partenaires sociaux ont voulu encadrer cette pratique : en échange de la garantie d’un certain volume d’heures complémentaires, on renonce à la majoration. Aujourd’hui, en effet, dans le cadre d’une action aux prud’hommes, le juge requalifie les compléments d’heures en heures complémentaires et impose la majoration prévue par la loi.

Demandez à des salariés s’ils préfèrent des heures complémentaires ou des compléments d’heures : ils choisiront tous la seconde possibilité, car ils ont alors pendant un mois un quota d’heures assuré ; et le volume d’heures compense la majoration financière des heures complémentaires. Il y a un effet pervers : on finit par transformer des temps plus longs, voire des temps complets, en temps partiels avec compléments d’heures. C’est ce qu’il faut éviter. Pour cela, un accord de branche paraît plus protecteur, pour les salariés, qu’un accord d’entreprise, car les organisations syndicales peuvent véritablement négocier à ce niveau.

La Commission rejette l’amendement AS 162.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels AS 330 à AS 334 du rapporteur.

L’amendement AS 27 de Mme Valérie Boyer n’est pas défendu.

Elle examine ensuite l’amendement AS 42 de Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Il est défendu.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à l’amendement : le projet de loi fixe le délai minimal pour éviter les problèmes de constitutionnalité ; nous nous en tiendrons à cette date.

La Commission rejette l’amendement AS 42.

Puis elle adopte les amendements rédactionnels AS 335 et AS 336 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 70 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Cet amendement vise à supprimer, au vingt-neuvième alinéa, le mot « économique » après le mot « activité » : l’activité économique est conjoncturelle ; la notion d’activité de l’entreprise, c’est autre chose.

M. le rapporteur. La subtilité de ce raisonnement m’échappe : je préfère donc conserver la rédaction actuelle.

La Commission rejette l’amendement AS 70.

Puis elle examine l’amendement AS 41 de Mme Bérengère Poletti.

M. Jean-Pierre Door. Certaines branches professionnelles regroupent des métiers présentant des contraintes d’activité incompatibles avec la durée minimale mentionnée à l’article L. 3121-14-1. Nous proposons que les conventions collectives ou accords de branche étendus contenant déjà des dispositions sur la durée minimale au 1er janvier 2014 ne soient pas visés par les dispositions de ce texte. Encore de la souplesse, monsieur le rapporteur !

M. le rapporteur. Pour ma part, je défends la protection des salariés plutôt que la souplesse : avis défavorable. Les avancées que permet ce texte doivent s’appliquer à toutes les branches.

La Commission rejette l’amendement AS 41.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS 337 à AS 340 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement AS 219 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Il faut éviter les effets d’aubaine qui rendraient les stages particulièrement attractifs : nous proposons donc de revoir la question des charges dues pour les stagiaires.

M. le rapporteur. Je partage votre souci, mais un stage qui donnerait lieu à cotisation sociale, c’est un contrat d’apprentissage !

Il faut reconstruire complètement notre dispositif en la matière : les stages doivent être réservés aux cursus de formation courts et être effectués avant l’obtention des premiers diplômes ; il faut parallèlement développer l’apprentissage, qui donne lieu à cotisations et droits sociaux. Enfin, il faut interdire les faux stages.

La Commission rejette l’amendement AS 219.

Puis elle examine l’amendement AS 107 de M. Cherpion.

M. Gérard Cherpion. En raison du caractère spécifique de leur activité, certaines branches ou entreprises peuvent avoir conclu des accords prévoyant des durées de travail inférieures à 24 heures par semaine. La jurisprudence du Conseil constitutionnel est constante : il se montre toujours attentif au respect de la liberté contractuelle et n’accepte pas, sauf dans des conditions précises, la remise en cause de dispositions conventionnelles. Nous proposons donc que les accords conclus avant la publication de cette loi et contenant une clause fixant une durée minimale de travail inférieure à 24 heures demeurent en vigueur.

Par ailleurs, monsieur le rapporteur, vous m’avez tout à l’heure, à propos des particuliers employeurs, opposé l’article L. 7221-2. Je ne crois pas que cette référence soit exacte.

M. le rapporteur. Il me semble que c’est bien cela : cet article énumère de façon exhaustive les dispositions applicables aux salariés des particuliers employeurs. C’est un statut dérogatoire. Mais je vous promets de vérifier à nouveau.

Quant à l’amendement, encore une fois, nous souhaitons vraiment de nouvelles négociations : les avancées prévues par ce texte doivent s’appliquer. Si l’accord est déjà conforme au nouveau cadre législatif, de nouvelles négociations ne sont bien sûr pas nécessaires.

La Commission rejette l’amendement AS 107.

Puis elle adopte l’article 8 modifié.

Article additionnel après l’article 8 : Rapport du Gouvernement sur les conséquences des dispositions sur le temps partiel sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

La Commission est saisie de l’amendement AS 291, portant article additionnel après l’article 8.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Cet amendement vise à prévoir la remise par le Gouvernement au Parlement, avant le 1er janvier 2015, d’un rapport d’évaluation des dispositifs relatifs au temps partiel, pour en mesurer l’impact réel, notamment en termes d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement AS 291.

Article 9 : Extension du périmètre de la négociation triennale obligatoire sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences

La Commission examine l’amendement AS 137 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Défendu.

M. le rapporteur. L’un des engagements du Président de la République était de donner plus de pouvoir aux salariés dans l’entreprise. Nous avons déjà, à cette fin, adopté les articles 4 et 5. L’article 9 leur offre un pouvoir encore plus grand, en faisant de la négociation sur la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC) une négociation éminemment stratégique. Cela permettra bien sûr de réfléchir à l’avenir de l’entreprise dans son secteur d’activité ; mais, pour la première fois, nous donnons aux salariés un nouveau pouvoir très important : les plans de formation des entreprises devront être négociés avec eux, tous les trois ans, dans le cadre d’une réflexion sur l’utilisation du 1 % formation en fonction des opportunités ou des difficultés de l’entreprise.

La négociation portera aussi sur la nature des contrats utilisés dans l’entreprise. Je proposerai d’ailleurs d’ajouter une discussion sur les stages, afin que les représentants du personnel soient associés aux choix de l’entreprise en ce domaine.

Mme Isabelle Le Callennec. Nous croyons beaucoup à la GPEC : anticiper est une très bonne chose. Elle est ici étendue à toutes les entreprises. Or les situations peuvent être très différentes selon leur taille. Y a-t-on réfléchi ?

M. le rapporteur. Ces négociations sont obligatoires dans les entreprises de plus de 300 salariés ; en revanche, dans l’accord du 11 janvier, les partenaires sociaux avaient seulement invité les entreprises de moins de 300 salariés à négocier dans le cadre de la GPEC.

Pour les accords de mobilité, les organisations syndicales signataires souhaitent clairement que, dans les entreprises de plus de 300 salariés, on discute en même temps de mobilité et de GPEC, et que, dans les entreprises de moins de 300 salariés, si l’on discute de mobilité, on doive ouvrir une négociation plus générale sur la GPEC. Il est possible que les organisations patronales aient un sentiment un peu différent. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

La Commission rejette l’amendement AS 137.

Puis elle examine l’amendement AS 262 de M. Philippe Noguès.

M. Philippe Noguès. Cet amendement vise à éviter toute disposition trop restrictive, en ajoutant à l’alinéa 2 l’adverbe « notamment ».

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement AS 262.

Puis elle examine l’amendement AS 119 de Mme Jeanine Dubié.

M. Jean-Noël Carpentier. Pourquoi lier la GPEC, c’est-à-dire des accords qui peuvent être signés par des syndicats qui recueillent 30 % des suffrages, et la mobilité interne, pour laquelle il faut 50 % des suffrages ? Ne risque-t-on pas ainsi de réduire le pouvoir des salariés ? Ces discussions ne sont au demeurant pas de même nature.

L’accord du 11 janvier ne faisait pas ce lien, pourquoi est-il apparu dans le projet de loi ?

M. le rapporteur. Le lien figurait bien dans l’accord du 11 janvier.

Je ne partage pas votre souhait de dissocier les deux négociations. Une négociation sur la mobilité sera réussie si elle a lieu à froid : avec le pistolet sur la tempe, vous accepterez de faire des déplacements de quarante-cinq minutes, même si cela vous pose des problèmes effroyables ; inversement, si l’entreprise va bien, ce sont les syndicats qui seront demandeurs, et il en résultera des protections nouvelles pour les salariés. Nous sommes donc attachés à ce que des négociations sur la mobilité soient liées à une discussion de la stratégie de l’entreprise, qui comprendra aussi une négociation sur le plan de formation, sur la diminution des emplois précaires, sur la gestion des âges dans l’entreprise…

Aujourd’hui, les accords de GPEC peuvent comprendre des clauses sur la mobilité ; désormais, les négociations sur la mobilité devront nécessairement se dérouler dans le cadre de la GPEC, afin que cela se passe dans de bonnes conditions pour les salariés.

J’ajoute que les accords de GPEC n’ont pas besoin de 50 % des suffrages. Il y a des amendements pour le proposer, mais, dans le projet de loi, des organisations syndicales ayant recueilli 30 % des suffrages exprimés suffisent.

M. Jean-Noël Carpentier. Je retire l’amendement, mais je maintiens que ces deux discussions n’ont pas les mêmes répercussions sur la vie du salarié.

M. Jean-Patrick Gille. Irez-vous, monsieur le rapporteur, jusqu’à dire que la négociation sur la mobilité interne doit faire partie d’une négociation sur la GPEC, ou bien maintenez-vous deux négociations séparées ?

M. le rapporteur. Il y a bien une seule négociation.

L’amendement AS 119 est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement AS 263 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. La négociation sur la mobilité professionnelle ou géographique ne doit pas devenir obligatoire. Un amendement en ce sens sera présenté à l’article 10. Celui-ci est un amendement de cohérence.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement AS 263.

Elle examine ensuite l’amendement AS 221 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Je me félicite de la proposition du rapporteur sur les stagiaires. Dans le même état d’esprit, nous proposons de mentionner parmi les éléments qui feront l’objet de la négociation et d’un bilan l’utilisation possible, notamment, les emplois d’avenir et les contrats de génération. Cela nous permettrait de mesurer ensemble l’efficacité de ces dispositifs.

M. le rapporteur. Même si je comprends la préoccupation qu’elle exprime, la mesure proposée relève davantage de la communication gouvernementale et de la réflexion sur l’application des politiques nationales de l’emploi que de la négociation de la GPEC.

Le groupe écologiste restera, quoi qu’il arrive, celui qui a le plus amendé le texte, avec le groupe UDI.

Mme Isabelle Le Callennec. Les informations dont nous parlons ne gagneraient-elles pas à figurer dans la base de données ? Ne pourrait-on coordonner les dispositions des deux articles visés, afin de regrouper toutes les données dans un document unique qui servirait de base aux négociations ? Je rappelle que le texte s’adresse à toutes les entreprises, y compris aux plus petites, désireuses de simplification.

M. le rapporteur. La négociation de la GPEC est un exercice un peu particulier, puisqu’elle concerne l’activité prévisionnelle triennale. Inclure ces informations dans la base de données obligerait l’entreprise à actualiser ses prévisions tous les trois mois. Même si la simplification est souhaitable, des exercices de projection spécifiques sont indispensables dans le cadre d’une négociation aussi lourde de conséquences.

M. Christophe Cavard. Nous maintenons l’amendement, d’autant que les partenaires sociaux y semblaient favorables.

La Commission rejette l’amendement AS 221.

Puis elle examine l’amendement AS 220 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Nous proposons de remplacer le mot « peuvent » par le mot « doivent », afin de rendre la mesure obligatoire.

M. le rapporteur. Je serais volontiers favorable à cet amendement, pour peu qu’il tende plutôt à remplacer les mots « peuvent être » par le mot « sont ».

M. Christophe Cavard. J’en suis d’accord.

M. Francis Vercamer. Je souscris à cet amendement : il est important que les sous-traitants soient informés de la stratégie de leur donneur d’ordre.

La Commission adopte l’amendement AS 220 ainsi rectifié.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 301 du rapporteur.

M. le rapporteur. La GPEC concernera aussi les perspectives de la filière : le groupe Renault, par exemple, pourra participer aux négociations menées par ses sous-traitants. Mon amendement vise à appliquer la même logique au niveau territorial.

Mme Isabelle Le Callennec. Il est utile d’associer les sous-traitants à la GPEC, mais cette disposition ne figure pas expressément dans le texte.

M. Francis Vercamer. La GPEC territoriale avait fait l’objet, dans un autre texte, d’amendements alors rejetés. Nous sommes bien évidemment favorables à celui-ci.

La Commission adopte l’amendement AS 301.

Puis elle adopte l’article 9 modifié.

Article 10 : Mobilité interne

La Commission est saisie d’un amendement, AS 138 de Mme Jacqueline Fraysse, tendant à la suppression de l’article.

Mme Jacqueline Fraysse. Aux termes de l’article 10, le chef d’entreprise pourra, à la faveur d’un accord d’entreprise potentiellement minoritaire, imposer à un salarié une mobilité interne, qu’elle soit géographique ou professionnelle. S’il refuse, le salarié sera licencié à titre individuel et non pour motif économique, même si d’autres salariés sont dans le même cas : il sera donc beaucoup moins protégé. Cet article est particulièrement préoccupant.

M. le rapporteur. L’esprit du texte est d’ouvrir de nouveaux droits, tout en mettant fin à ce que M. Sapin appelait la « préférence française » pour les plans sociaux. En d’autres termes, il s’agit de rendre les licenciements plus difficiles en favorisant le chômage partiel – c’est l’objet de l’article 11 –, lequel a permis de sauver de nombreux emplois industriels en Allemagne.

Le deuxième grand volet concerne les accords de maintien de l’emploi : nous y reviendrons.

S’agissant du troisième volet, la mobilité, le fait est que les salariés sont aujourd’hui isolés face à leur employeur, d’autant que la jurisprudence les protège assez peu, même en l’absence de clause spécifique sur le contrat de travail : si celui-ci ne précise pas expressément le lieu de travail, le salarié peut se voir imposer une mobilité et, en cas de refus, être licencié pour faute. En Île-de-France, selon la jurisprudence en vigueur, un salarié est réputé mobile dans l’ensemble de la région.

Face à cette situation, les partenaires sociaux ont voulu fixer un cadre. Restait à savoir lequel. Le choix s’est porté sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), car la mobilité n’est justifiable qu’au regard de son utilité pour l’entreprise.

En second lieu, il est préférable qu’une telle négociation ait lieu « à froid » ; d’où mon amendement AS 302, par lequel je proposerai d’en revenir aux termes de l’accord du 11 janvier, qui sur ce point offre davantage de garanties aux salariés. Les organisations signataires, d’ailleurs, craignent plutôt que cette mesure ne généralise les mobilités qui, jusqu’à présent, se décident au cas par cas.

L’objet de certains de mes amendements est d’encadrer plus strictement cette négociation, notamment dans l’optique de protéger la vie personnelle des salariés au regard de la mobilité géographique. Il nous faudra aussi débattre des modalités individuelles, par exemple si un employeur souhaite faire appliquer immédiatement certaines dispositions de l’accord triennal.

Enfin, la conséquence logique de cette négociation « à froid » sur les mobilités est bien entendu d’éviter tout plan social ; tel est en tout cas l’objectif du dernier alinéa de l’article.

M. André Chassaigne. Cet article me semble d’une extrême gravité. Le refus du salarié, qui aux termes de l’accord du 11 janvier pouvait justifier un licenciement pour raisons personnelles, devient, dans le projet de loi, un motif de licenciement économique, lequel garderait un caractère individuel malgré sa portée collective. Autrement dit, un employeur échappera aux procédures collectives même s’il procède à plusieurs licenciements : ce recul majeur contrevient d’ailleurs, de ce point de vue, à une directive européenne.

Comment, dès lors, qualifier les motifs mêmes du licenciement ? Seront-ils dits « économiques », ou le refus du salarié sera-t-il assimilé à une faute grave ? Quelle sera la position du juge, et sur quoi la fondera-t-il ? Est-il normal, dans ces conditions, que la seule mesure de reclassement soit un bilan de compétences ?

M. le rapporteur. Le Conseil d’État a estimé que le licenciement pour motif personnel peut, dans le cas dont nous parlons, contrevenir à la convention 158 de l’Organisation internationale du travail, aux termes de laquelle il convient de distinguer entre les licenciements inhérents à la personne et ceux qui ne le sont pas ; or il est incontestable que nous sommes dans le second cas de figure : le refus de mobilité relève donc du licenciement économique – puisque celui-ci constitue la catégorie alternative dans le droit français.

Les licenciements économiques peuvent être individuels : c’est notamment le cas s’ils sont inférieurs à neuf par mois. Le caractère « individuel » traduit seulement l’absence de plan social.

Je rappelle que, en moyenne, 30 % des salariés changent d’emploi tous les cinq ans, et 100 % tous les quinze ans. En tout état de cause, la négociation « à froid » renforcerait la position des salariés dans la négociation ; et si dix d’entre eux refusent la mobilité, ils ne pourront faire l’objet d’un plan social. Au surplus, la dernière phrase de l’alinéa 13 précise que le licenciement économique, dans ce cas de figure, implique des mesures d’accompagnement prévues par l’accord, en plus de celles qui existent déjà.

M. Francis Vercamer. Je ne suis pas d’accord avec cette analyse, malgré l’avis du Conseil d’État dont elle s’autorise. La Cour de cassation, qui avait à se prononcer sur le même sujet dans le cadre de la « loi Aubry II », a considéré que le refus du salarié justifiait un licenciement pour motif personnel, dans la mesure où ce refus visait un accord collectif. Gardons-nous de modifier l’accord du 11 janvier par des artifices, d’autant que nous n’avons qu’entendu parler de cet avis du Conseil d’État, sans jamais l’avoir sous les yeux.

Mme Isabelle Le Callennec. Aux termes de l’article 9, la GPEC est obligatoire pour les entreprises de plus de 300 salariés ; or la négociation sur la mobilité interne concerne toutes les entreprises.

M. le rapporteur. En effet : l’alinéa 1 de l’article vise toutes les entreprises. La GPEC est facultative pour les entreprises de moins de 300 salariés, selon le vœu des partenaires sociaux.

M. Christophe Cavard. L’article 10, qui est au cœur des débats sur ce texte, mérite des améliorations substantielles, car, tel qu’il est rédigé, il pourrait contrevenir aux objectifs mêmes de l’accord du 11 janvier. Les amendements que nous défendrons sont essentiels de ce point de vue : les dispositions relatives à la mobilité ne doivent pas occulter certains principes juridiques, à commencer par ceux que pose une directive européenne.

M. Jean-Noël Carpentier. Je veux bien croire le rapporteur sur parole, mais la rédaction de cet article soulève des interrogations, notamment sur de possibles contournements qui le rendraient très défavorable aux salariés. Sans voter l’amendement de suppression, j’espère donc que notre discussion permettra d’enrichir le texte.

La Commission rejette l’amendement AS 138.

Puis elle examine l’amendement AS 120 de M. Jean-Noël Carpentier.

M. Jean-Noël Carpentier. Je propose une rédaction plus solide, afin d’éviter des contournements qui faciliteraient les licenciements.

M. le rapporteur. Bien que je partage le souci dont il témoigne, je vous invite à retirer cet amendement, car il ne correspond pas aux termes de l’accord du 11 janvier, même si celui-ci doit être complété afin de rendre facultative la négociation sur la mobilité dans les entreprises de moins de 300 salariés. Nous pourrons, si vous le souhaitez, réfléchir à une nouvelle rédaction d’ici à l’examen en séance publique.

M. Jean-Noël Carpentier. Je maintiens l’amendement, quitte à le retirer en séance si la négociation permet des avancées.

Mme Jacqueline Fraysse. Le rapporteur objecte que l’amendement ne reprend pas les termes de l’accord du 11 janvier ; mais, je le répète, notre rôle est de légiférer, non d’avaliser cette rédaction terme pour terme.

M. le rapporteur. Je ne refuse pas les amendements, ma chère collègue ; mais je me suis fixé pour règle, pour les plus importants d’entre eux, de consulter au préalable les signataires de l’accord. C’est ce que je ferai en l’occurrence : chacun prendra ensuite ses responsabilités dans l’hémicycle.

Mme la présidente Catherine Lemorton. On ne peut que saluer cette méthode.

La Commission rejette l’amendement AS 120.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS 302 du rapporteur et AS 72 de M. Francis Vercamer.

M. le rapporteur. Cet amendement est l’un des plus importants de ceux que j’ai déposés. La négociation sur la mobilité doit aboutir à protéger les salariés, non à diminuer leurs droits. À cette fin, elle doit avoir lieu lorsque ces derniers sont en position de force et, donc, lorsque l’entreprise ne connaît aucune difficulté. L’employeur engage cette négociation dans le cadre de mesures collectives courantes d’organisation sans projet de réduction d’effectifs et non « sans projet de licenciement », puisqu’il convient de prendre en compte notamment les plans de départs volontaires.

M. Francis Vercamer. En effet, la formule « sans projet de licenciement » exclut les plans de départs volontaires, alors que nombre d’entreprises, parmi les plus importantes, en font avant les plans de licenciement. Il importe donc que le texte les couvre également.

M. le rapporteur. Le mot « courantes » étant très important, je vous invite à vous rallier à mon amendement.

M. Francis Vercamer. Je le cosigne et je retire l’amendement AS 72.

L’amendement AS 72 est retiré.

La Commission adopte l’amendement AS 302.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS 341 du rapporteur.

Puis elle est saisie de l’amendement AS 265 de M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Il convient de placer les mesures d’accompagnement après celles définissant les limites de la mobilité, puisqu’elles seront en partie définies en conséquence de celles-ci.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement AS 265.

Elle étudie ensuite l’amendement AS 163 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Les clauses protectrices prévues à partir de l’alinéa 7 – accompagnement à la mobilité, limites imposées à cette dernière, mesures permettant la conciliation entre la vie professionnelle et personnelle, etc. – doivent être effectivement appliquées. Nous proposons donc d’ajouter à l’alinéa 7 « à peine de nullité ».

M. le rapporteur. Ce n’est pas nécessaire puisqu’un accord qui ne comprendrait pas les dispositions prévues par la loi, par définition, serait nul.

Votre amendement, toutefois, a le mérite de remplacer « négociation » par « accord », mais je reste défavorable à son adoption.

Mme Jacqueline Fraysse. Chacun devrait réfléchir à cette question dès lors que nous souhaitons protéger les salariés. Mentionner « sous peine de nullité » aurait le mérite de renforcer l’application des clauses de protection.

M. le rapporteur. Dans le cadre du code du travail, par exemple, les accords sont nuls, hors certaines considérations purement formelles, lorsque les clauses obligatoires ne sont pas respectées, mais, je le répète, votre amendement a le mérite de préciser que c’est l’accord qui est porteur.

Je vous propose de rectifier votre amendement en précisant que « l’accord issu de la négociation prévue à l’article L. 2242-21 comporte notamment : ». Ainsi, tous les items suivants seront traités : la zone géographique sera désignée par l’adresse de l’entreprise ; hormis pour les commerciaux, les limites de la mobilité n’excéderont très souvent pas le site lui-même ; la conciliation de la vie professionnelle et personnelle est inscrite dans le droit international ainsi que dans le préambule de notre Constitution et, enfin, les mesures de compensation doivent être effectives. Sous cette forme-là, je pourrais accepter votre amendement.

Mme Jacqueline Fraysse. Je suis sensible au fait que vous entendiez ma préoccupation, mais je n’envisage pas de rectifier mon amendement. Je retiens en revanche votre proposition visant à rédiger un amendement alternatif pour s’assurer que l’accord tiendra bien compte des différents thèmes mentionnés. De mon côté, je réfléchirai également à une autre formulation, même si celle que j’ai retenue est en l’occurrence plus radicale.

M. Gérard Cherpion. Mentionner l’accord résultant de la négociation modifierait considérablement le texte, puisque c’est bien de la négociation qu’il s’agit, l’accord n’intervenant qu’à l’alinéa 11.

M. le rapporteur. « Pas de bras, pas de chocolat ». S’il n’y a pas d’accord, il n’y a pas de mobilité encadrée.

La Commission rejette l’amendement AS 163.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS 342 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 303 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’aide à la mobilité doit comprendre une prise en charge partielle des frais de transport par l’employeur ou des frais de déménagement. Les partenaires sociaux sont d’accord sur ce point.

La Commission adopte l’amendement AS 303.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS 343 du rapporteur.

Puis elle est saisie de l’amendement AS 222 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Nous sommes très préoccupés par la question de la mobilité. Conformément à la jurisprudence, nous proposons de la limiter à une distance de 50 kilomètres et à une heure de trajet.

M. le rapporteur. Les partenaires sociaux n’ont pas réussi à s’entendre à ce sujet. Les versions provisoires du texte envisageaient de ne pas autoriser les mobilités qui ajouteraient plus de quarante-cinq minutes de transport par rapport au trajet actuel du salarié. Or, cette disposition étant peu protectrice, la CFTC en a demandé le retrait. Elle a également demandé un renvoi à l’accord faute de pouvoir trouver un dispositif s’appliquant à toutes les entreprises.

La loi, toutefois, ne doit-elle pas fixer une norme d’ordre public social contraignant la négociation ? J’avais quant à moi envisagé que l’accord ne s’imposerait au contrat de travail que s’il ne porte pas le temps de transport à plus d’une heure.

Une autre solution consisterait à considérer que les zones géographiques, sans être fixées par une distance kilométrique précise, doivent être conçues de manière à respecter la vie familiale et professionnelle.

Je propose que nous poursuivions ce débat dans l’hémicycle. Peut-être pourriez-vous retirer votre amendement ?

M. Christophe Cavard. Je propose d’ôter la référence à la distance et de conserver la mention du temps de trajet.

Mme Isabelle Le Callennec. En la matière, il convient de distinguer la région parisienne et la province. Les contraintes temporelles et spatiales variant beaucoup entre les bassins d’emplois. Il me semblerait dommageable d’envisager leur strict encadrement.

De plus, si les salariés raisonnent en termes de temps de trajet – ils ont du mal à concevoir des déplacements au-delà de vingt ou trente minutes de leur domicile –, ils sont surtout préoccupés par la cherté des carburants.

Enfin, que l’on discute de la question de la limite géographique dans le cadre d’un accord, soit, mais l’alinéa 10 concernant les mesures visant à permettre la conciliation de la vie professionnelle et personnelle me semble plus intéressant.

M. Gérard Sebaoun. Une heure cinq en étant assis dans le RER ou en utilisant quatre modes de transport différents, ce n’est pas la même chose ! La fixation à une heure de trajet est erronée, car les modes de transport diffèrent en fonction des régions et des types de mobilités, ce qui change tout.

M. Christophe Cavard. Je maintiens mon amendement, car il s’agit pour notre groupe d’une question très importante.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Pour nous aussi.

M. le rapporteur. Il faut bien réfléchir à ce problème.

Isabelle Le Callennec a raison de le rappeler, les coûts peuvent être très élevés. Un aller-retour quotidien de cinquante kilomètres entraîne une dépense de 350 euros de carburant par mois, ce qu’un smicard ne peut se permettre. Dans ces conditions, les salariés ne peuvent pas être mobiles !

Il est également difficile de fixer une distance, car cela pourrait modifier les conditions de vie de ceux qui vivent très près de leur lieu de travail dès lors qu’un accord collectif ferait état d’une heure de trajet.

M. Christophe Cavard. Il s’agit de ne pas dépasser une heure de trajet ! Ce peut être bien moins !

M. le rapporteur. Et l’on dira que les écologistes ont déposé un amendement considérant qu’une heure de trajet, c’est tout à fait acceptable ! Les quelques salariés qui ont deux heures trente de transport remercieront M. Cavard, mais que diront les 99 % qui vivent à cinq minutes de leur lieu de travail ?

Je plaisante sur cette grave question, mais c’est pour mieux attirer l’attention sur toutes les difficultés qu’elle soulève. Nous y avons beaucoup travaillé, mais, même au sein de notre groupe, nous sommes divisés quant à l’opportunité d’un tel encadrement.

La Commission rejette l’amendement AS 222.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS 344 et AS 345 du rapporteur.

Puis elle examine les amendements identiques AS 304 du rapporteur et AS 264 de M. Jérôme Guedj.

M. Gérard Sebaoun. L’accord sur la mobilité ne doit bouleverser ni la vie professionnelle, ni la vie personnelle, ni la vie familiale.

M. le rapporteur. Décidément, le parti socialiste devient le défenseur de la vie familiale pour tous !

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je suis assez étonnée de cette insistance sur la vie familiale, alors que c’est la vie personnelle qui, en l’occurrence, importe.

M. Gérard Sebaoun. La vie personnelle peut être bouleversée par un enfant qui a des difficultés, mais c’est toute la vie familiale qui le sera aussi. J’entends la famille au sens le plus général : la famille quelle qu’elle soit.

Mme Jacqueline Fraysse. On peut en effet ajouter une telle mention, mais, sans autre précision, cela risque de n’être qu’une déclaration de principe.

M. le rapporteur. Cet amendement est important, notamment eu égard à la jurisprudence. Lors d’une demande de mobilité adressée à un salarié, l’employeur doit s’assurer qu’aucune personne plus mobile ne puisse occuper le poste. Le juge, quant à lui, peut annuler une mobilité demandée à une mère de famille alors qu’elle aurait pu être effectuée sans dommage par un salarié célibataire.

Il conviendrait également de reprendre d’autres éléments de la jurisprudence, dont l’idée selon laquelle la mobilité doit être conçue dans « l’intérêt supérieur de l’entreprise ». Outre le cadre collectif défini dans l’accord, la manière dont les mobilités seront ensuite déclinées doit être protectrice.

La Commission adopte les amendements AS 304 et AS 264.

Elle examine ensuite l’amendement AS 223 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Il convient de prévoir des mesures visant à compenser, en cas de changement de secteur géographique, d’éventuelles pertes de niveau de vie liées notamment à l’accès aux services publics et à l’indice des prix de l’immobilier.

M. le rapporteur. Je vous propose de déposer avec moi un amendement qui complétera celui que j’ai défendu et qui a été voté concernant les compensations financières.

M. Christophe Cavard. Je retire mon amendement et je prends acte de votre proposition.

L’amendement AS 223 est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS 346 du rapporteur.

Suite à l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement AS 229 de M. Christophe Cavard.

Puis elle examine les amendements identiques AS 305 du rapporteur et AS 268 de M. Gérard Sebaoun.

M. le rapporteur. Les accords de mobilité ne doivent pas seulement figurer sur les panneaux d’affichage des entreprises, mais chaque salarié doit en être personnellement informé afin, éventuellement, de faire valoir ses droits.

M. Gérard Sebaoun. L’amendement AS 268 est défendu.

La Commission adopte les deux amendements AS 305 et AS 268.

Elle est saisie de l’amendement AS 224 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Il importe de conditionner la mobilité interne à des accords majoritaires et, donc, à l’approbation de 50 % des représentants des salariés.

M. le rapporteur. Selon les règles de négociation définies par la loi de 2008, un accord est considéré comme majoritaire lorsqu’il est validé par 30 % de signataires et que 50 % ne s’y opposent pas. Si 50 % s’opposent à un projet de mobilité, il n’y a donc pas d’accord.

S’agissant des accords de maintien de l’emploi et des plans sociaux, la loi crée une « super majorité », pour reprendre la formule du ministre, puisqu’il faut que 50 % des votants y soient favorables.

Le débat demeure ouvert, mais il faut défendre l’idée que la négociation a lieu « à froid », qu’elle ne porte que sur la négociation courante et qu’elle se fait dans le cadre d’une GPEC sans inclure les protections prévues dans les plans sociaux ou dans les plans de maintien de l’emploi. Ce que vous proposez entraînerait une dérive du dispositif, que nous ne souhaitons pas.

A contrario, cet article a pour conséquence qu’un accord collectif s’impose au contrat de travail et qu’à ce titre la majorité de 50 % pourrait se justifier. Néanmoins, vous savez que les partenaires sociaux n’ont pas signé de proposition de ce type même si la CFDT, compte tenu du motif économique retenu dans l’alinéa 13, a fait savoir qu’elle aurait peut-être insisté pour prévoir une telle majorité.

En l’état, je suis favorable au maintien du texte tel qu’il est et donc défavorable à votre amendement.

La Commission rejette l’amendement AS 224.

Elle examine ensuite les amendements AS 164 et AS 165 de Mme Jacqueline Fraysse, pouvant faire l’objet d’une présentation commune.

Mme Jacqueline Fraysse. L’amendement AS 164 propose de supprimer l’alinéa 13 et l’amendement AS 165 de le réécrire.

Trois points nous préoccupent particulièrement : la remise en cause du contrat de travail par l’accord de mobilité, lequel s’impose, y compris suite à un vote minoritaire ; en cas de licenciement, le motif économique est acquis par avance – alors que c’est contraire aux engagements de la France sur la convention 158 de l’Organisation internationale du travail ; enfin, ce licenciement sera prononcé individuellement, même si plusieurs salariés sont dans cette situation.

La rédaction que nous proposons tend à surmonter ces difficultés.

M. le rapporteur. L’analyse du Conseil d’État, que Francis Vercamer semble remettre en cause, est pourtant partagée par de nombreux juristes auditionnés.

Dire que le licenciement « repose sur un motif économique » ne signifie pas que l’on considère qu’il existe une « cause réelle et sérieuse » : c’est au juge judiciaire qu’il appartiendra d’en décider.

Ensuite, la disposition offre toutes les protections liées au licenciement économique en matière d’indemnisation et de reclassement. Les mesures d’accompagnement issues de la négociation ne peuvent que venir en complément.

Jusqu’à neuf personnes se trouvant dans la situation évoquée sur une période d’un mois – soit cent personnes sur un an –, rien n’est changé par rapport au droit existant. Au-delà, l’accord dispense de mettre en œuvre l’article 13, c’est-à-dire de recourir à un plan social avec accord majoritaire des salariés ou homologation par l’administration.

Bref, la situation que nous visons à l’article 10 est celle d’une négociation « à froid » se déroulant dans de bonnes conditions. Le Gouvernement a cependant réintroduit dans le texte, contre le souhait des partenaires sociaux mais conformément à la convention de l’Organisation internationale du travail, la mention des protections en cas de licenciement pour motif économique.

Lorsque les syndicats non signataires que nous avons auditionnés font état de leur souhait de disposer de la menace du plan social pour peser dans les négociations, ils se réfèrent plutôt à l’article 12, c’est-à-dire aux cas où l’entreprise est confrontée à de graves difficultés conjoncturelles.

La Commission rejette successivement les deux amendements AS 164 et AS 165.

Elle est ensuite saisie des amendements AS 108 de M. Gérard Cherpion, AS 73 de M. Francis Vercamer et AS 192 de Mme Jacqueline Fraysse, pouvant être soumis à une discussion commune.

Mme Véronique Louwagie. La réécriture proposée par l’amendement AS 108 vise à conformer les dispositions du texte à l’accord du 11 janvier, dont les signataires ont prévu que le refus par un salarié d’une modification de son contrat proposée dans les conditions préalablement définies n’entraînait pas un licenciement pour motif économique mais un licenciement pour motif personnel.

En l’état, l’alinéa 13 n’est pas une traduction loyale de l’accord. Il en modifie très substantiellement la lettre et l’esprit.

J’ajoute que la rédaction de la dernière phrase de cet alinéa est obscure.

M. Francis Vercamer. L’amendement AS 73 vise également à revenir à l’accord du 11 janvier.

Quant à l’avis des juristes sur l’article, monsieur le rapporteur, nous y reviendrons en séance publique !

Mme Jacqueline Fraysse. L’amendement AS 192 vise à mettre les modalités de licenciement prévues à l’alinéa 13 en conformité avec les principes généraux du droit.

M. le rapporteur. Nous devons être loyaux à l’égard des signataires, mais notre loyauté ne nous permet pas de déroger à notre devoir de législateurs, qui est a minima de nous conformer au droit international. Avis défavorable, donc, aux amendements AS 108 et AS 73.

Bien que difficile à comprendre, la dernière phrase de l’alinéa me semble grammaticalement correcte, madame Louwagie.

L’amendement de Jacqueline Fraysse propose un renvoi à l’article L. 1233-3 du code du travail, qui définit le licenciement pour motif économique. Mais les situations visées ici ne sont pas celles où l’entreprise est en difficulté et envisage des restructurations : il s’agit seulement de garantir au salarié les protections applicables aux licenciements pour motif économique. Avis défavorable également.

La Commission rejette successivement les trois amendements AS 108, AS 73 et AS 192.

Elle en vient à l’amendement AS 226 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Nous proposons de supprimer le mot : « individuel » de l’expression « licenciement individuel pour motif économique » car cette notion ne nous semble pas conforme à la directive 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs. Dans l’hypothèse où cent salariés refuseraient l’accord, il faudrait, en l’état, procéder à cent licenciements individuels !

M. le rapporteur. J’ai posé les termes du débat dans mon rapport. Selon certains, la directive n’est pas respectée, puisque l’on ne s’appuie pas sur la procédure d’information-consultation prévue par le code du travail ; selon d’autres – la majorité –, la négociation prévue par le texte vaut consultation au sens européen du terme, dans la mesure où elle est plus contraignante que la procédure d’information-consultation.

Au reste, la suppression du mot « individuel » revient à supprimer l’article 10, qui pose précisément les conditions à remplir pour éviter d’avoir recours à un plan social.

Avis défavorable.

M. Jean-Noël Carpentier. Je voterai cet amendement, car il met en évidence un certain flou dans la rédaction actuelle de l’article 10, ouvrant des possibilités dangereuses en matière de licenciement. J’espère que le débat en séance publique permettra de clarifier les choses. Pour de nombreux députés, cela aura une incidence en ce qui concerne le vote sur l’ensemble du texte.

La Commission rejette l’amendement AS 226.

Elle examine ensuite l’amendement AS 191 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agit de préciser les modalités de recueil de l’accord ou du refus du salarié.

M. le rapporteur. Je comprends votre préoccupation, mais je pense que nous devons travailler à une procédure spécifique. S’agissant de mobilité, il faut préciser que le salarié a droit à un entretien avec l’employeur pour faire valoir les contraintes de sa vie personnelle. Il conviendrait aussi d’introduire dans la loi des éléments de jurisprudence quant à l’intérêt démontré de l’entreprise et à l’impossibilité de demander à des salariés plus mobiles ou géographiquement plus proches d’occuper le poste visé. Comme je déposerai un amendement en ce sens, avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 191.

Puis elle adopte l’article 10 modifié.

Article 11 : Refonte du dispositif d’indemnisation de l’activité partielle

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AS 139 de Mme Jacqueline Fraysse, tendant à supprimer l’article 11.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS 347 à AS 357 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement AS 74 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Faute de proposer une modification du financement qui tomberait sous le coup de l’article 40 de la Constitution, l’amendement vise à demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur le chômage partiel au regard notamment de son coût pour l’employeur. Le chômage partiel est peu utilisé en France, et il coûte beaucoup plus cher et est beaucoup plus difficile à mettre en œuvre qu’en Allemagne.

M. le rapporteur. Beaucoup de rapports ont paru sur ce sujet. Je préférerais une réflexion ciblée sur les questions qui ont soulevé le plus de débats, comme la taxation des contrats à durée déterminée, la mobilité, les accords de maintien de l’emploi. Cela dit, avis favorable pour peu que vous remplaciez les mots : « chômage partiel » par les mots : « activité partielle » – sans quoi vous encourrez la sanction du ministre du travail !

M. Denys Robiliard. L’amendement donne la priorité à la question du coût pour l’employeur. Il est plus pertinent d’envisager l’activité partielle sous tous ses aspects.

M. le rapporteur. Je propose une seconde modification supprimant la référence au coût pour l’employeur.

M. Francis Vercamer. D’accord. L’objectif est de développer l’activité partielle au lieu de licencier.

La Commission adopte l’amendement AS 74 ainsi rectifié.

Puis elle adopte l’article 11 modifié.

Article 12 : Accords de maintien de l’emploi

La Commission est saisie de l’amendement AS 140 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Les accords dits « de maintien de l’emploi » créés par l’article 12 sont défavorables aux salariés. La « flexibilité » mise en avant se fait aux dépens de ces derniers, jamais des dirigeants ou des actionnaires.

L’exigence affichée de maintien de l’emploi n’est qu’un leurre, puisque les ruptures conventionnelles et les plans de départs volontaires ne sont pas empêchés.

De plus, seuls les syndicats signataires de ces accords pourront en contester l’application. Les pouvoirs d’appréciation du juge sont une fois de plus considérablement limités.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article.

M. le rapporteur. Beaucoup de voix se sont élevées pour dénoncer dans ces accords la poursuite des accords compétitivité-emploi souhaités par Nicolas Sarkozy. C’est faux : il est bien précisé en début de chapitre qu’ils concernent les entreprises rencontrant de graves difficultés conjoncturelles.

J’en veux d’ailleurs pour preuve que le groupe UMP a déposé un amendement visant à créer des accords de maintien dans l’emploi « offensifs », dont l’objet est d’allonger la durée du travail pour augmenter prétendument la productivité.

À l’opposé, le texte permet une activité partielle négociée.

Tous les syndicats auditionnés, y compris les non-signataires, ont indiqué qu’ils passaient déjà de tels accords sur le terrain. L’article 12 leur donne un cadre rigoureux. Il limite leur durée à deux ans, écarte la possibilité de déroger aux éléments fondamentaux du code du travail – disposition qu’un de mes amendements viendra renforcer –, protège les salaires inférieurs à 1,2 SMIC, prévoit la participation des dirigeants aux efforts, la répartition des fruits d’un éventuel retour à bonne fortune ainsi que des sanctions très fortes en cas de non-respect des engagements. Et les accords ne sont valides que s’ils sont majoritaires. Vouloir aller plus loin, c’est revenir à coup sûr aux plans sociaux classiques !

Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 140.

Elle examine ensuite l’amendement AS 166 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement se justifie par son texte même.

M. le rapporteur. Le projet de loi interdit d’abaisser les salaires inférieurs à 1,2 SMIC horaire. Je proposerai d’ailleurs de rapporter cette interdiction à 1,2 SMIC mensuel, sans quoi un mi-temps pourrait passer de 700 à 600 euros.

L’amendement vise à étendre cette interdiction aux salaires inférieurs à 1,2 fois le montant du salaire conventionnel. Cela signifie que le plancher varierait selon les branches. En subordonnant aux accords de branche l’interdiction générale de baisse des salaires dans le cadre d’un accord de maintien de l’emploi, on crée une inégalité entre les salariés. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 166.

Elle est saisie de l’amendement AS 230 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. La jurisprudence nous incite à introduire, après les mots : « graves difficultés », le mot : « économiques ».

M. le rapporteur. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AS 231 du même auteur.

M. Christophe Cavard. Cet amendement procède du même esprit que le précédent.

M. le rapporteur. L’accord du 11 janvier parle de « diagnostic partagé » par les partenaires sociaux. La rédaction retenue pour le projet de loi vise à créer les conditions pour aboutir à ce diagnostic partagé et pour ne pas provoquer à ce propos un flou juridique qui mettrait longtemps à se dissiper.

Il est de la responsabilité de l’employeur de considérer que l’entreprise connaît de graves difficultés conjoncturelles. Et il appartiendra éventuellement au juge de considérer que tel n’était pas le cas. Bref, l’analyse dont il est question dans le texte ne vaut pas quitus vis-à-vis des salariés.

La dissymétrie ainsi créée peut paraître moins protectrice au moment de la signature de l’accord, alors qu’elle est en réalité plus protectrice pour ce qui est de ses conséquences. Votre amendement tente de la réduire. Mieux vaut pourtant s’en tenir à la rédaction du projet de loi. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 231.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS 358 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement AS 228 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Comme les plans de sauvegarde de l’emploi, les accords de maintien de l’emploi doivent demeurer une exception.

M. le rapporteur. Nous avons là une divergence d’appréciation. Je l’ai dit, les accords de maintien de l’emploi sont une forme de chômage partiel négocié. Ils doivent donc bénéficier de la prise en charge partielle des salaires prévue dans le cadre du chômage partiel. Mon amendement AS 309 vise à assurer ce cumul des dispositifs en précisant que les accords de maintien de l’emploi sont compatibles avec l’aide relative au chômage partiel prévue à l’article L. 5122-1 du code du travail.

Le recours au chômage partiel est une décision unilatérale du chef d’entreprise. Le dispositif du texte permet au contraire de négocier les conditions dans lesquelles on met en œuvre une réduction de l’activité et des temps de travail, en l’assortissant d’une réduction des plus hauts salaires et, comme je le propose, des dividendes. Il ne faut pas séquencer les mesures.

La Commission rejette l’amendement AS 228.

La Commission examine l’amendement AS 111 de M. Jean-Noël Carpentier.

M. Jean-Noël Carpentier. Les accords de maintien de l’emploi ne doivent être mis en œuvre que lorsque la situation économique nationale est dégradée et que la prévision de croissance est inférieure à 1 % du PIB pour l’année en cours. On ne peut accepter que les salaires soient réduits alors que la conjoncture économique globale est bonne !

M. le rapporteur. Avis défavorable. Une entreprise peut rencontrer de graves difficultés conjoncturelles sans que la situation économique nationale soit dégradée. Si tel est le cas, pourquoi renoncer à encadrer par la loi des accords de maintien de l’emploi qui peuvent éviter un plan social ?

La Commission rejette l’amendement AS 111.

Elle est saisie de l’amendement AS 306 du rapporteur.

M. le rapporteur. Parmi les règles d'ordre public social que doivent respecter les accords de maintien de l'emploi, il faut faire figurer la durée légale du travail, comme le prévoyait expressément l’accord du 11 janvier.

La Commission adopte l’amendement AS 306.

Elle examine l’amendement AS 76 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Un peu au rebours de Jean-Noël Carpentier à l’instant, nous considérons que les « graves difficultés conjoncturelles » autorisant la conclusion d’un accord de maintien de l’emploi doivent être appréciées au niveau de l’entreprise, et non à celui du secteur d’activité. On sait par exemple que, si le secteur automobile va mal aujourd’hui, ce n’est pas le cas de tous les constructeurs et rien ne justifierait donc de tels accords dans les entreprises qui restent prospères.

M. le rapporteur. La précision est superfétatoire, même si la rédaction de cet alinéa apparaît perfectible.

La Commission rejette l’amendement AS 76.

Elle en vient à l’amendement AS 232 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. L’employeur doit produire des éléments justifiant la mise en œuvre d’un accord de maintien de l’emploi.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AS 232.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AS 359 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 270 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Dans le cadre de l’accord de maintien de l’emploi, la rémunération mensuelle d’un salarié à temps partiel ne saurait diminuer dès lors que son taux horaire est inférieur à 1,2 SMIC.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement AS 270.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS 360 du rapporteur.

Elle examine ensuite les amendements identiques AS 307 du rapporteur et AS 271 de M. Jérôme Guedj.

M. le rapporteur. Si l’amendement de Denys Robiliard assure la protection des salaires les plus bas, celui-ci garantit que les salariés percevant les rémunérations les plus élevées contribueront de manière proportionnée aux efforts demandés.

La Commission adopte les deux amendements AS 307 et AS 271.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS 361 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 167 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Il est défendu.

M. le rapporteur. Défavorable. Les amendements identiques que nous venons d’adopter vont plus loin en instaurant une progressivité de l’effort selon le salaire alors que celui de Jacqueline Fraysse se contente de prévoir que la rémunération de tous sera diminuée du même pourcentage.

La Commission rejette l’amendement AS 167.

Elle examine ensuite l’amendement AS 194 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. En cas d'accord de maintien de l'emploi, il importe que toutes les parties prenantes à l'entreprise fassent des efforts : les salariés, les dirigeants, mais aussi les actionnaires. Nous proposons donc de geler momentanément le versement des dividendes.

M. le rapporteur. Le cas des entreprises qui rencontrent de graves difficultés conjoncturelles et continuent de verser des dividendes doit tout de même être extrêmement rare.

La question du gel des dividendes a été discutée par les partenaires sociaux. Certains ont estimé qu’une réduction drastique était préférable à un gel dans la mesure où elle préservait des chances d’obtenir des financements à terme. Cela dit, des membres du groupe SRC seraient prêts à voter un tel amendement s’il ne s’écartait pas de la ligne de crête dont je parle depuis hier. Défavorable.

M. Jean-Noël Carpentier. Ces derniers mois, nous avons tous entendu parler de plans sociaux mis en place par des entreprises qui versaient néanmoins des dividendes à leurs actionnaires ou qui distribuaient des stock options – je pense au cas de Sanofi. Dans la période que nous traversons, la proposition de Jacqueline Fraysse apparaît tout à fait raisonnable.

M. Christophe Cavard. Le groupe Écologiste soutient l’amendement. Le rapporteur estime qu’il est « rare » que des dividendes soient versés par des entreprises rencontrant de graves difficultés : nous citerons lors de la séance publique plusieurs exemples qui pourraient amener à revoir cette appréciation !

La Commission rejette l’amendement AS 194.

Elle est saisie de l’amendement AS 100 de M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Pour des raisons de sécurité juridique, les dispositions fixant la contribution des dirigeants salariés, des mandataires sociaux et des actionnaires aux efforts communs devraient être soumises au conseil d'administration préalablement à la signature de l'accord.

M. le rapporteur. Avis défavorable : la procédure prévue me paraît suffisante. Mais je suis prêt à examiner la question avec vous, monsieur Hutin.

La Commission rejette l’amendement AS 100.

Elle en vient à l’amendement AS 308 du rapporteur.

M. le rapporteur. Un véritable suivi est indispensable, qu’il s’agisse de la mise en œuvre de l’accord, de l’évolution de la situation économique de l’entreprise ou de la réalité des efforts consentis par les dirigeants, par les mandataires sociaux et par les actionnaires.

La Commission adopte l’amendement AS 308.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement AS 195 de Mme Jacqueline Fraysse.

Puis, elle examine l’amendement AS 77 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Il s’agit de prévoir les modalités de renouvellement de l’accord de maintien de l’emploi si « de graves difficultés persistent à l’issue des deux ans ».

M. le rapporteur. Défavorable. Nous ne souhaitons pas que les accords de maintien de l’emploi soient reconductibles. Ils doivent seulement permettre à l’entreprise de traverser une passe difficile grâce à l’application de mesures dérogatoires et encadrées, portant notamment sur les salaires.

La Commission rejette l’amendement AS 77.

Elle en vient à l’amendement AS 75 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. L’accord doit fixer les modalités selon lesquelles sera appréciée l’amélioration de la situation économique de l’entreprise. Mon expérience de conseiller prud’homal m’a convaincu qu’en la matière, les appréciations peuvent diverger selon que l’on analyse le chiffre d’affaires ou le résultat d’une entreprise.

M. le rapporteur. Cet amendement est satisfait par les dispositions du projet de loi.

La Commission rejette l’amendement AS 75.

Elle examine ensuite l’amendement AS 193 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Pendant la durée d’application de l’accord, par définition limitée, l'employeur doit prendre en charge la part cotisations sociales correspondant à la baisse de rémunération du salarié, pour éviter que celui-ci ne soit lésé. C’est d’autant plus nécessaire que, si les difficultés ne se résolvaient pas et que le salarié perdait son emploi, son indemnisation serait minorée en raison de sa participation à la tentative de sauvetage de son entreprise, ce qui serait bien injuste !

M. le rapporteur. Défavorable. Des dispositions de cette sorte sont déjà prévues pour les droits à indemnisation du chômage ainsi que pour les indemnités de licenciement en cas de licenciement économique – sans cotisation supplémentaire de l’employeur.

Il est vrai que la question des droits à retraite reste posée. En la matière, même si nous sommes sensibles à votre préoccupation, il faut tenir compte du coût qu’aurait cette disposition pour les entreprises. J’ajoute qu’en l’adoptant, nous nous écarterions de l’accord du 11 janvier.

La Commission rejette l’amendement AS 193.

Elle est saisie de l’amendement AS 196 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. La loi doit fixer les modalités de recueil de l’accord ou du refus par le salarié des modifications de son contrat de travail entraînées par l’application d’un accord de maintien de l’emploi.

M. le rapporteur. Nous avons déjà traité de ce sujet à l’article 10 et ma réponse reste défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 196.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements AS 168 et AS 197 de Mme Jacqueline Fraysse.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS 169 de Mme Jacqueline Fraysse et AS 275 de M. Denys Robiliard.

Mme Jacqueline Fraysse. Aux termes de cet amendement de repli, tout acte de l’employeur contraire à son engagement de maintien de l’emploi contracté dans le cadre de l’accord est nul et de nul effet.

M. Denys Robiliard. Il n’y a pas lieu de limiter l’application de la clause pénale au manquement à l’engagement de maintenir l’emploi. Comme dans l’accord du 11 janvier, elle doit être générale et sanctionner le non-respect d’une obligation conventionnelle quelle qu’elle soit.

M. le rapporteur. Ma préférence va à l’amendement de M. Denys Robiliard grâce auquel la clause pénale couvre un champ plus large que le seul maintien de l’emploi.

Mme Jacqueline Fraysse. Je le voterai donc, après avoir voté pour le mien !

La Commission rejette l’amendement AS 169, puis elle adopte l’amendement AS 275.

Elle en vient ensuite à l’amendement AS 273 de M. Michel Lefait.

Mme Barbara Romagnan. L’accord doit prévoir les modalités d’information des salariés quant à son application et à son suivi pendant toute sa durée.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement AS 273.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS 362 du rapporteur.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette ensuite l’amendement AS 170 de Mme Jacqueline Fraysse.

Elle est saisie de l’amendement AS 225 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Quand on connaît les conséquences de l’accord de maintien de l’emploi, il semble évident que les organisations susceptibles de mandater un représentant élu du personnel doivent être majoritaires au sein de l’entreprise ou de la branche.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AS 225.

Elle examine l’amendement AS 235 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. L’amendement vise à supprimer l’alinéa 18 qui permettrait à des salariés mandatés de négocier l’accord de maintien de l’emploi lorsqu’il n’y a pas d’élus du personnel dans l’entreprise.

M. le rapporteur. Cet amendement empêcherait la négociation d’accords de maintien de l’emploi par mandatement alors qu’il nous semble qu’il faut au contraire les favoriser.

La Commission rejette l’amendement AS 235.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels AS 363 et AS 364 du rapporteur.

Puis, suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte l’amendement rédactionnel AS 276 de M. Denys Robiliard.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AS 365 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement AS 171 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Le droit de saisir le président du tribunal de grande instance pour demander la suspension d’un accord de maintien de l’emploi ne doit pas être accordé aux seuls signataires de celui-ci, mais également aux organisations syndicales non-signataires et aux salariés victimes du non-respect de l’engagement de maintien de l’emploi.

M. le rapporteur. Avis défavorable : cela reviendrait à remettre en cause le caractère majoritaire de l’accord. Quant aux salariés, ils ont toujours la possibilité de saisir le juge !

Mme Jacqueline Fraysse. Le juge porte un regard objectif sur l’accord : pourquoi empêcher les organisations non-signataires de le saisir, d’autant que les signataires peuvent être minoritaires ?

La Commission rejette l’amendement AS 171.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS 366 à AS 369 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement AS 309 du rapporteur.

M. le rapporteur. Les entreprises ayant signé un accord de maintien de l’emploi doivent pouvoir bénéficier des aides liées à l’activité partielle.

La Commission adopte l’amendement AS 309.

Elle en vient à l’amendement AS 116 de M. Jean-Noël Carpentier.

M. Jean-Noël Carpentier. Nous demandons que le Gouvernement remette chaque année au Parlement un rapport évaluant le dispositif des accords de maintien de l’emploi.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement AS 116.

Elle examine l’amendement AS 109 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Les accords de maintien de l'emploi voulus par les partenaires sociaux ont une vocation défensive, dans un contexte de crise économique. Cet amendement vise à instituer une disposition symétrique, à vocation offensive, pour permettre la conclusion d'accords de développement de l'emploi.

En période de reprise économique, ou bien pour répondre de façon ponctuelle à une hausse du carnet de commandes, des entreprises peuvent avoir besoin de souplesse. Il faut donc leur permettre de négocier des accords pour ajuster la durée du travail à la hausse.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement aura du moins le mérite de m’aider à convaincre nos collègues communistes que les accords de maintien de l’emploi n’ont rien à voir avec les accords compétitivité-emploi voulus par le précédent Président de la République. Pour nous, monsieur Cherpion, les cas que vous évoquez peuvent être traités sans qu’il soit besoin de déroger au droit commun en matière de salaire ou de temps de travail.

M. Gérard Cherpion. Si la conjoncture se retourne, une entreprise qui a passé un accord de maintien de l’emploi peut avoir besoin de passer un accord offensif.

M. le rapporteur. Il lui suffit de réagir en mettant fin à l’accord de maintien de l’emploi de façon anticipée. Votre amendement va beaucoup plus loin puisqu’il propose un accord spécifique comportant des dérogations au code du travail.

La commission rejette l’amendement AS 109.

Elle adopte ensuite l’article 12 modifié.

(La séance, suspendue à quatorze heures, est reprise à quatorze heures vingt-cinq.)

Après l’article 12 :

Les amendements AS 92 à AS 94 de M. Hervé Morin ne sont pas défendus.

Article 13 : Réforme de la procédure de licenciement collectif pour motif économique

La Commission est saisie de l'amendement AS 141 de Mme Jacqueline Fraysse, tendant à supprimer l’article.

Mme Jacqueline Fraysse. L’article 13 est particulièrement important : il instaure un nouveau régime de licenciement collectif.

Aujourd’hui, un employeur qui licencie dix salariés ou plus est tenu d’élaborer un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) afin d’accompagner les licenciements ou de procéder à des reclassements. En application d’une disposition de la loi du 27 janvier 1993, qui résultait d’ailleurs d’un amendement déposé par le groupe communiste, le tribunal de grande instance peut prononcer la nullité de ce plan de sauvegarde s’il l’estime insuffisant, ce qui entraîne la nullité des licenciements eux-mêmes et la réintégration des salariés concernés. Depuis 1993, aucun gouvernement, même de droite, n’avait osé remettre en cause ce dispositif, mais c’est pourtant ce qu’on nous propose ici : l’employeur qui souhaiterait licencier dix salariés ou plus pourrait le faire, soit en signant un accord collectif majoritaire avec les organisations syndicales – qui codécideraient ainsi des licenciements ! –, soit en élaborant unilatéralement un plan de sauvegarde de l’emploi. Dans les deux cas, le document serait transmis à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE).

Dans le cas d’un accord collectif majoritaire, la DIRECCTE disposerait seulement – c’est invraisemblable ! – de huit jours pour se prononcer, contre quinze en cas de rupture conventionnelle entre un salarié et son employeur. De plus, en contradiction avec le principe général du droit selon lequel le silence gardé par l’administration vaut décision de rejet, l’accord serait validé si la DIRECCTE ne s’y était pas opposée dans ce délai.

Nous demandons, pour toutes ces raisons, la suppression de l’article 13. Si nous ne l’obtenons pas, nous présenterons des amendements de repli pour « limiter les dégâts ».

M. le rapporteur. Je ne partage nullement, madame Fraysse, votre lecture de l’article 13. Je me réjouis au contraire du retour de l’État, qui interviendra désormais dans les procédures de licenciement collectif pour motif économique. Le présent projet de loi n’instaure pas une procédure totalement nouvelle : il prévoit que le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, qui fait aujourd’hui l’objet d’une décision de l’employeur soumise à l’information et à la consultation du comité d’entreprise, sera soit déterminé par un accord collectif majoritaire, soit fixé dans un document élaboré unilatéralement par l’employeur, puis soumis à l’administration pour homologation.

La signature d’un accord majoritaire supposera dans la plupart des cas le consentement de la CGT, dans d’autres l’approbation conjointe de FO et de la CFDT. J’insiste, en outre, sur l’importance de l’homologation : elle permettra à l’administration d’exiger que les mesures d’accompagnement soient en adéquation avec les moyens du groupe.

Vous souhaitez, chers collègues du groupe GDR, interdire les licenciements boursiers. Nous souhaitons, pour notre part, renchérir leur coût au point de dissuader d’y recourir. Tel est en partie l’objet de l’article 13. J’émets dont un avis défavorable sur votre amendement de suppression.

La Commission rejette l'amendement AS 141.

L’amendement AS 78 de M. Francis Vercamer n’est pas défendu.

Puis elle examine l'amendement AS 310 du rapporteur.

M. le rapporteur. Dans le cas d’un document unilatéral élaboré par l’employeur, l’administration sera informée de l’existence du plan social au plus tard le jour de la première réunion du comité d’entreprise. Le contenu du plan social définitif sera fixé par l’employeur à l’issue de la deuxième réunion du comité d’entreprise, qui se tiendra dans un délai de deux mois après la première. L’administration disposera ensuite de vingt et un jours pour homologuer le document. Elle aura ainsi le temps de prendre connaissance du plan, d’en mesurer les conséquences, d’exiger le cas échéant des contreparties et des mesures de reclassement ou de redéploiement plus favorables pour les salariés, puis de rendre son avis définitif.

Dans le cas d’un accord, les délais fixés par le projet de loi sont moins clairs. Aux termes de mon amendement, l’administration devrait être informée sans délai de l’ouverture d’une négociation en vue de la conclusion d’un tel accord. Elle disposerait ainsi d’un délai raisonnable pour étudier son contenu et, le cas échéant, le valider.

La Commission adopte l'amendement AS 310.

Puis elle examine, en présentation commune, les amendements AS 311 à AS 313 du rapporteur.

M. le rapporteur. La législation actuelle prévoit que l’expert mandaté par le comité d’entreprise dispose de vingt et un jours pour adresser ses demandes d’information à l’entreprise, laquelle doit répondre dans les quinze jours. Au dire des experts eux-mêmes, ces deux délais apparaissent relativement longs.

Je propose, avec ces trois amendements, que l’expert puisse adresser à l’entreprise deux séries successives de questions. Il disposera, à chaque fois, de dix jours pour ce faire. L’entreprise aura, de son côté, huit jours pour répondre, mais elle sera tenue de le faire rapidement, sans attendre l’expiration du délai.

Cette nouvelle procédure, dont la durée globale demeure inchangée par rapport à la précédente, permettra d’instaurer un véritable dialogue entre l’entreprise et l’expert, qui pourra ainsi préparer plus efficacement les discussions sur le contenu du plan social.

La Commission adopte successivement les amendements AS 311 à AS 313.

Puis elle est saisie de l'amendement AS 282 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Dans le cadre d’une procédure de licenciement collectif pour motif économique, l’employeur doit pouvoir mettre en œuvre, après avis favorable du comité d’entreprise, non pas des mesures de « mobilité interne », mais des mesures de « reclassement interne ». Telle est la correction que mon amendement vise à apporter. Il convient de distinguer les deux notions.

M. le rapporteur. Avis très favorable. Cet amendement améliore la cohérence de la procédure.

La Commission adopte l'amendement AS 282.

Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement AS 112 de M. Jean-Noël Carpentier et les amendements AS 172 et AS 173 de Mme Jacqueline Fraysse.

M. Jean-Noël Carpentier. Cet amendement revêt une importance particulière aux yeux du groupe RRDP : il reprend une proposition de loi que nous avons déposée il y a plusieurs mois et dont nous avons discuté avec le Gouvernement encore récemment. Nous tiendrons compte du sort qui lui sera réservé au moment de voter sur l’article 13 et sur l’ensemble du projet de loi.

Nous déplorons actuellement un vide juridique : la loi ne prévoit pas que l’administration vérifie, dans les procédures de licenciement collectif, l’existence d’un motif économique réel et sérieux tel qu’il est défini par l’article L. 1233-3 du code du travail. Dans plusieurs affaires, des juridictions du premier et du deuxième degrés ont prononcé la nullité de plans sociaux contestés par des salariés après avoir constaté qu’un tel motif faisait défaut. Cependant, elles n’ont pas été suivies par la Cour de cassation, qui s’est appuyée sur l’adage « pas de nullité sans texte ». Notre amendement vise à combler cette lacune.

Mme Jacqueline Fraysse. Le présent projet de loi transfère à l’autorité administrative ce qui relevait précédemment de la compétence du juge judiciaire. Cependant, l’administration n’est amenée à se prononcer que sur la qualité et le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, sans avoir vérifié au préalable l’existence d’un motif économique réel et sérieux justifiant le recours au licenciement collectif. Avec les amendements AS 172 et AS 173, nous proposons d’ajouter cette étape essentielle. Si elle constate l’existence d’un tel motif, l’administration pourra alors examiner le plan.

En outre, le document dit « unilatéral » fixant le contenu du plan ne devrait pas refléter, selon nous, le seul avis de l’employeur.

M. le rapporteur. La question soulevée par ces amendements est revenue avec force au cours des auditions que j’ai menées. Les positions ne recoupent d’ailleurs pas le clivage entre organisations syndicales et employeurs.

Plusieurs questions se posent : à quel moment l’existence d’un motif économique doit-elle être contrôlée ? Est-ce à l’administration de le faire ? Si l’administration réalise ce contrôle, comme vous le proposez, elle en ôte la possibilité au juge judiciaire, à un moment ultérieur où le salarié peut contester son licenciement. Nous sommes donc confrontés à un dilemme.

Certaines organisations syndicales non signataires de l’accord du 11 janvier préfèrent que l’administration ne se prononce pas sur l’existence d’un motif économique réel et sérieux. En effet, si elle valide la justification de l’employeur, les salariés seront moins bien protégés et risqueront de ne pas obtenir d’indemnisation – ou d’obtenir une indemnisation moindre – s’ils contestent leur licenciement devant le juge. Actuellement, l’administration ne se prononçant pas sur la validité du motif économique, le juge administratif ne le fera pas davantage et le juge judiciaire pourra, le cas échéant, constater l’absence de cause réelle et sérieuse au licenciement et décider une indemnisation du salarié équivalente à au moins douze mois de son salaire.

D’autres plaident au contraire pour une intervention de l’administration en amont : dans les cas où le motif économique fait défaut de manière évidente, elle pourrait alors bloquer la procédure de licenciement.

D’autre part, la question de la fraude à la loi a fait l’objet d’un débat entre les juristes que j’ai auditionnés. Pour certains, l’administration pourrait refuser d’homologuer le document unilatéral élaboré par un employeur au motif que celui-ci s’est placé à tort dans le cadre de l’article 1233-3 du code du travail, ce qui constitue une tentative de fraude à la loi. L’administration effectuerait ainsi un contrôle de l’erreur manifeste, ce qui lui permettrait d’interrompre certaines procédures, par exemple des licenciements pour d’autres motifs déguisés en licenciements économiques, lesquels peuvent être révélés par un rapport d’expert.

De plus, même dans le cas où l’administration déciderait d’homologuer le document, cela laisserait néanmoins une marge d’appréciation au juge : le fait qu’elle ne se soit pas prononcée dans le cadre du contrôle de l’erreur manifeste ou de la fraude à la loi n’empêcherait nullement ce dernier de constater l’absence de cause réelle et sérieuse au licenciement et de décider une indemnisation des salariés. En revanche, si nous adoptions votre amendement, monsieur Carpentier, nous le priverions de cette possibilité, du fait de la séparation des ordres de juridiction.

Avis défavorable sur ces trois amendements.

M. Hervé Morin. Je suis opposé aux procédures d’homologation et de validation. Le MEDEF estime qu’elles vont sécuriser les plans de sauvegarde de l’emploi, mais il commet là une grave erreur d’analyse.

Premièrement, rien n’empêchera les juges, monsieur le rapporteur, d’aller contre l’avis de la DIRECCTE. Le juge administratif pourra ainsi très bien considérer, dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir, que la DIRECCTE a commis une erreur d’appréciation en estimant que les conditions d’un licenciement économique étaient réunies. Ensuite, le juge judiciaire pourra et même devra en tirer les conséquences, compte tenu du fonctionnement de nos juridictions.

Deuxièmement, l’intervention de l’administration à travers l’homologation ou la validation va politiser les procédures de licenciement. Dès lors que les médias s’intéresseront aux difficultés économiques de tel ou tel grand groupe, la DIRECCTE se prononcera non pas sur le fond, mais en fonction de la pression politique. Le dossier sera alors géré par le cabinet du ministre du travail ou par celui du Premier ministre.

On risque, dans ces conditions, de bloquer le système, comme en matière de libération conditionnelle des criminels ayant purgé de lourdes peines : tant que les décisions de cette nature ont relevé du Garde des sceaux, aucune libération conditionnelle n’a été prononcée, même dans des cas où les risques de récidive apparaissaient très faibles ou nuls, tant la pression médiatique et politique était forte. Depuis que ces décisions ont été confiées aux magistrats, le système fonctionne.

Enfin, la DIRECCTE sera exposée même dans le cas où elle ne fera que valider un accord majoritaire signé par des organisations syndicales. Le ou les syndicats qui n’auront pas signé l’accord pourront contester la légitimité des signataires et lui reprocher de les avoir soutenus. Cela risque d’être notamment le cas lorsque des syndicats minoritaires se seront alliés pour signer un accord que le syndicat le plus représentatif au sein de l’entreprise aura refusé.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je rappelle que la représentativité syndicale est définie par la loi.

M. Denys Robiliard. Dans l’état actuel du texte, la DIRECCTE ne se prononcera pas sur l’existence d’un motif économique réel et sérieux. En revanche, elle pourrait effectuer un contrôle non pas de l’erreur manifeste – cela reviendrait pour elle à apprécier, certes de manière minimale, le bien-fondé du licenciement économique –, mais le détournement de procédure, qui correspond, en droit administratif, à la notion plus générale de fraude à la loi. Il conviendrait alors d’adopter un amendement en ce sens.

Jacqueline Fraysse critique le caractère unilatéral du document élaboré par l’employeur pour fixer le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi. Cependant, ce document continuera à être soumis à la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise avant d’être, le cas échéant, homologué par l’administration. En outre, il est nécessaire qu’il conserve sa nature d’acte unilatéral, compte tenu des implications juridiques : l’employeur est tenu par ce qu’il a promis.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous nous interrogeons sur la mise à l’écart du juge judiciaire, qui est pourtant le mieux placé pour statuer sur la réalité du motif économique justifiant les licenciements et, le cas échéant, sur le contenu du plan de sauvegarde. Les amendements AS 172 et AS 173 sont des amendements de repli, l’article 13 remettant en cause plusieurs protections dont bénéficient actuellement les salariés.

M. Jean-Noël Carpentier. Notre proposition de loi était bien antérieure au présent projet de loi, qui modifie de manière substantielle la procédure de licenciement économique. Même si je suis sensible aux arguments que vous avez développés, monsieur le rapporteur, il demeure selon moi nécessaire que l’administration vérifie, à un moment de la procédure de licenciement, l’existence d’un motif économique réel et sérieux – c’est d’ailleurs la question qui se trouve au cœur de nombreux conflits sociaux. Un tel contrôle constituerait une protection supplémentaire pour les salariés. Je maintiens mon amendement et n’exclus pas de le présenter à nouveau, modifié, lors de la discussion en séance publique.

M. le rapporteur. Sur le plan juridique, je rejoins votre analyse, monsieur Morin : il n’y a pas d’éviction du juge. Au contraire, nous aurons deux juges au lieu d’un. Le chevauchement des deux ordres de juridiction peut certes se révéler complexe, mais le président de la chambre sociale de la Cour de cassation et le Conseil d’État, que j’ai consultés, ont considéré que plus le pouvoir de l’administration – et donc du juge administratif – sur le motif économique était large, plus celui du juge judiciaire était réduit.

Sur le plan politique, je tire néanmoins de cette analyse des conclusions inverses des vôtres. Je me réjouis de ce retour de l’État à un moment où il est encore possible d’éviter des licenciements – plutôt que de les indemniser ultérieurement. Votre gêne révèle d’ailleurs la nature éminemment politique de ce texte, qui est un texte de gauche, mais dans une acception moderne, puisqu’il prévoit la négociation d’un accord majoritaire, l’homologation n’intervenant qu’à défaut de celui-ci, et organise le retour de l’État en lui permettant de peser sur les plans sociaux, de demander d’autant plus aux groupes qu’ils ont plus de moyens, et d’éviter les licenciements chaque fois que possible. Si le ministre a parlé de mettre fin à la préférence française pour le licenciement, c’est que, dans notre pays, le licenciement collectif apparaît comme la solution la plus facile aux difficultés des entreprises alors qu’ailleurs, on privilégie des redéploiements.

Le fait que, chose peu compréhensible, le MEDEF soit favorable à cette disposition suscite une certaine méfiance à son égard dans notre camp. Mais cette méfiance n’a pas lieu d’être puisque nous assistons au contraire, comme je viens de l’expliquer, à un retour de l’État.

J’ai demandé à de hauts magistrats de l’ordre judiciaire s’il fallait s’attendre à ce que le juge administratif soit plus clément que le juge judiciaire – c’est le pari que faisait initialement le MEDEF. Ils m’ont répondu par la négative. En effet, les deux ordres de juridiction harmonisent déjà leurs décisions lorsque les juridictions administratives sont conduites à se prononcer sur le licenciement des salariés protégés licenciés dans le cadre d’un plan social. J’appelle en revanche votre attention sur une vraie différence, qui justifie que l’on approfondisse la réflexion sur le motif économique et le moment où l’on apprécie celui-ci. Trois ans plus tard, on ne peut certes plus réintégrer les salariés, mais on peut apprécier si le motif économique était sérieux ou pas. Si le juge judiciaire protège mieux, c’est parce qu’il statue à un moment où il peut démontrer, le cas échéant, qu’il n’y avait pas de difficultés économiques. Il est plus difficile d’apprécier la réalité du motif économique à chaud. Il nous faut donc bien réfléchir à ce que nous demandons à l’administration, sachant que d’une manière ou d’une autre, cela réduira le pouvoir du juge judiciaire.

Dans les procédures collectives, c’est l’administration qui s’assurera du respect des procédures, sous le contrôle du juge et dans des délais serrés. Néanmoins, le délit d’entrave restera une voie d’action devant les juridictions pénales. Vos craintes ne sont donc pas fondées.

M. Hervé Morin. Vous confondez retour de l’État et retour de la politique, monsieur le rapporteur. Les juridictions, c’est l’État ! Vous avez été membre d’un cabinet ministériel : vous savez bien qu’en cas de plan social, surtout s’il n’y pas d’accord, les parlementaires de la circonscription ou du département demanderont au ministre d’intervenir pour que la DIRECCTE ne valide pas le plan social. Cela aboutira à politiser des dossiers qui ne méritaient pas de l’être. Je maintiens que l’État est déjà présent à travers le contrôle – particulièrement tatillon – du juge judiciaire. Mais vous n’y êtes pour rien : le texte ne fait que transcrire l’accord du 11 janvier.

La Commission rejette successivement les amendements AS 112, AS 172 et AS 173.

La Commission examine l’amendement AS 174 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Les DIRECCTE n’ont pas les moyens de donner un avis sur l’accord ou sur le document complet élaboré par l’employeur dans le délai prévu à cet article. Nous proposons donc de porter celui-ci à 45 jours.

M. le rapporteur. Je vous donnerais raison si le délai de vingt et un jours s’ouvrait à compter de l’entrée en lice de l’administration, en tout cas pour les grandes entreprises. Pour prendre un exemple, analyser si les coûts de production en Turquie sont inférieurs à ce qu’ils sont en France est en effet très complexe. Il ne suffit pas de les mesurer : il faut se demander si la différence de coût salarial de 300 euros aurait l’impact que l’on dit – 1 200 euros – sur le coût de fabrication d’une voiture si la même usine moderne était implantée en France. Mais dans le cas d’une décision unilatérale homologuée, l’administration sera saisie du plan du chef d’entreprise à la première réunion du comité d’entreprise. Puis interviendra la discussion avec les délégués du personnel. Il se passera ensuite deux mois – au lieu de quatorze jours auparavant – avant la deuxième réunion du comité d’entreprise. C’est seulement après ces deux mois que s’ouvre le délai de vingt et un jours.

Vous dites que le ministre a transcrit l’accord du 11 janvier, monsieur Morin. Je rappelle que l’une des parties à la négociation souhaitait que l’homologation concerne la procédure quand l’autre souhaitait qu’elle concerne le contenu – ce qu’a retenu le ministre. Le délai de l’administration s’élève donc à deux mois plus vingt et un jours pour les plans sociaux de moins de 99 licenciements, et à trois mois, voire quatre, plus vingt et un jours pour les très grands plans sociaux. Dans le cas de Renault ou de Peugeot, l’administration disposerait de quatre mois plus vingt et un jours, délai qui lui permettrait de recourir à toutes les expertises nécessaires.

Il n’en va pas de même en ce qui concerne la procédure de validation : le délai de huit jours est en effet très court.

M. André Chassaigne. Les conditions dans lesquelles nous examinons ce texte sont tout bonnement incroyables quand on songe à son importance. Cela justifiera sans aucun doute des rappels au Règlement lors de la discussion en séance publique.

L’intérêt premier de l’article 13 semble être la rapidité de la procédure, dont il permettrait de restreindre les délais. La réalité est tout autre. Nous avons procédé à des simulations sur des entreprises actuellement soumises à des plans de sauvegarde de l’emploi, au sein desquelles s’est engagée une réflexion sur des propositions alternatives : l’application du texte en l’état bloquerait toute possibilité de les sauver par ce moyen. Elles seraient condamnées à la liquidation !

Je puis citer l’exemple de plusieurs entreprises qui ont été sauvées parce que leurs salariés ont eu le temps d’élaborer collectivement, en recourant à une expertise économique, des solutions alternatives. Ce sera vraisemblablement le cas encore pour Fralib. Cet article revient à considérer – à l’instar du patronat – que les licenciements d’aujourd’hui sont les emplois de demain, et qu’il faut donc faire vite. Plus grave, il traduit un manque de confiance dans les solutions économiques alternatives que peuvent élaborer les salariés avec l’aide des experts, des collectivités territoriales et des acteurs économiques locaux.

Les organisations syndicales que nous avons rencontrées sont effrayées par ces dispositions. Vous en faites une lecture différente, monsieur le rapporteur, mais, même si je ne conteste pas votre honnêteté intellectuelle, je ne saurais vous suivre : cet article fragilisera encore la situation des salariés et, si le MEDEF y applaudit, ce n’est pas qu’il n’y ait rien compris, bien au contraire !

Mme Catherine Lemorton, présidente. Je ne peux pas vous laisser critiquer de la sorte les conditions d’examen de ce texte. Le rapporteur a pris la peine de répondre à chaque question et chaque amendement. Nous y consacrons le temps nécessaire, mais nous devons achever notre travail au cours de cette réunion car nous avons un autre texte en discussion cet après-midi en séance publique, qui a aussi son importance.

J’ajoute, Monsieur Chassaigne, que vous avez assisté à la conférence des présidents qui a fixé le calendrier de discussion de ce texte en séance dès mardi prochain. Vous en étiez donc parfaitement informé.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AS 174.

La Commission examine l’amendement AS 175 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. J’aimerais obtenir des explications sur cet alinéa. En droit administratif, le silence de l’autorité administrative vaut rejet de la demande de validation d’un accord. Or, ici, il vaut acceptation. Je ne suis pas juriste, mais je ne comprends pas la raison de ce renversement. Le rapporteur pourrait-il donc m’éclairer sur ce point ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Que les choses soient claires. Pour revenir sur le point précédemment évoqué, je n’ai jamais dit que la vertu de ce texte était d’aller plus vite. J’ai simplement salué le retour de l’État dans les plans sociaux et vous ai indiqué qu’une lecture attentive du texte montrait que l’administration aurait d’avantage de temps pour opérer son contrôle. Mais je n’ai porté aucun jugement sur ce que vous disiez.

En ce qui concerne Fralib, j’attends votre démonstration. Car en l’état actuel du droit, quelle est la procédure de consultation du comité d’entreprise ? Celui-ci doit tenir au moins deux réunions séparées par un délai minimal de quatorze jours en cas de projet comprenant moins de cent licenciements. S’y ajoutent 21 jours en cas de recours du comité d’entreprise à une expertise complémentaire. Que se passe-t-il aujourd’hui ? Le chef d’entreprise ne respecte pas ces délais en raison des problèmes rencontrés avec les salariés, et non parce qu’il y aurait été contraint par le juge, qui n’a pas annulé la procédure. Ce sont les salariés qui en supportent les conséquences.

Lisez le détail de l’article 13 et appliquez-le ligne à ligne, et vous découvrirez qu’en réalité, les plans sociaux seront désormais encadrés par des délais allongés.

Tout n’est pas noir ou blanc. C’est bien de la réalité du texte dont nous devons débattre, et je n’ai pas le sentiment d’avoir éludé les questions qu’il soulève et les débats que nous avons au sein même de la majorité. Je donne un avis défavorable à cet amendement.

Mme Jacqueline Fraysse. J’aimerais que vous répondiez à la question précise que je vous ai posée.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. On peut effectivement se poser la question, mais la procédure de licenciement collectif pour motif économique se déroule sous le contrôle du juge. Il sera en mesure d’annuler la décision rendue par l’administration et de prononcer la nullité des licenciements intervenus en l’absence de décision administrative favorable ou de refus de validation ou d’homologation. Je rejoins ce que disais Hervé Morin sur ce point. La DIRECCTE devra prendre toutes ses responsabilités en matière de contrôle des licenciements.

La Commission rejette l’amendement AS 175.

La Commission examine l’amendement AS 283 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Lorsqu’on informe les salariés sur une décision susceptible de faire l’objet d’un recours, il est important que cette information comporte la mention des voies et délais de recours applicables. Cet amendement vise donc à préciser que l’affichage dans les locaux de l’entreprise prévu par la loi précise ces points.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement AS 283.

La Commission rejette ensuite l’amendement AS 198 de Mme Jacqueline Fraysse, suivant l’avis défavorable du rapporteur.

La Commission examine l’amendement AS 176 de Mme Jacqueline Fraysse.

M. André Chassaigne. Cet amendement a pour objet d’en revenir à la sanction actuelle d’un licenciement intervenu en violation des dispositions relatives au plan de sauvegarde de l’emploi. Lorsque le plan est jugé insuffisant ou inexistant, le salarié a le choix entre la réintégration et une indemnité qui ne peut être inférieure à douze mois de salaire brut. Rien ne justifie en effet que le transfert de compétence vers l’autorité et le juge administratif s’accompagne d’un tel recul des droits des salariés victimes de licenciements abusifs.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Sur cet amendement, dans la mesure où nous sommes ici dans le cadre d’un règlement judiciaire, aucune indemnisation minimale n’est prévue pour le salarié. Prévoir que cette indemnité ne peut être inférieure à douze mois n’a donc ici pas de sens.

M. André Chassaigne. Je constate que, si j’en crois le rapporteur, les organisations syndicales font preuve d’une véritable schizophrénie, car ce sont elles qui nous ont suggéré cette modification, dont vous jugez qu’elle est contraire aux intérêts du salarié.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. La question se pose en effet à propos de l’amendement 179 qui viendra en discussion, mais sur cet amendement, il n’y pas de véritable sujet.

La Commission rejette l’amendement AS 176.

Elle examine ensuite l’amendement AS 177 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Encore une fois nous sommes préoccupés par le choix opéré par ce texte. L’accord majoritaire porteur d’un plan de sauvegarde de l’emploi échappe en effet au contrôle du juge judiciaire, alors même qu’il s’agit d’une convention conclue entre deux personnes morales de droit privé.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Dans la mesure où de nouveaux pouvoirs sont accordés à l’administration sur la procédure de licenciement, le contentieux doit être confié au juge administratif. Il aurait été possible de confier l’intégralité du contentieux du licenciement au juge judiciaire. Cette option n’a cependant pas été retenue. Je n’ai pas moi-même un avis tranché sur la question malgré les nombreuses auditions que nous avons menées. En tout état de cause, le juge administratif ne sera pas plus clément que le juge judiciaire et lui confier une partie du contentieux sur le licenciement devra permettre d’améliorer les délais. Du point de vue des entreprises, il est indéniable que confier un bloc de compétence unique au juge judiciaire aurait certainement été plus efficace. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 177.

Puis elle examine les amendements AS 233 et AS 234 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Ces amendements visent à limiter l’intervention du juge administratif aux litiges relatifs à la décision d’homologation ou de validation. J’en profite, au nom de mon groupe, pour saluer le retour de l’administration dans le contrôle des plans sociaux.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Il convient de maintenir la possibilité pour le juge administratif de contrôler les autres motifs contentieux relatifs à l’accord collectif, étant dit par ailleurs que le juge pénal pourra toujours être saisi en cas de délit d’entrave. J’ajoute enfin que les principes généraux du droit ne permettront jamais de dessaisir un tribunal qui estimerait qu’il se situe dans un champ d’action qui relève de sa compétence.

La Commission rejette les amendements AS 233 et AS 234.

Elle examine l’amendement AS 178 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous sommes surpris de cet alinéa qui prévoit que le tribunal administratif devra statuer dans un délai de trois mois, sous peine de dessaisissement d’office. En effet, si, à l’issue de ce délai, il ne s’est pas prononcé ou en cas d’appel, le litige sera porté devant la cour administrative d’appel, qui devra elle-même statuer dans un délai de trois mois. Si à l’issue de ce délai, elle ne s’est pas prononcée ou en cas de pourvoi en cassation, le litige sera porté devant le Conseil d’État. Dans le cas où le Conseil d’État serait saisi suite à la défaillance du tribunal puis de la cour d’appel, il statuerait donc en premier et dernier ressort. Je ne sais pas ce qu’en pensent les juristes, ce que je ne suis pas, mais si un juge saisi d’un litige ne se prononce pas, nous sommes en présence d’un déni de justice. J’ajoute que dans le pire des cas, seul le Conseil d’État pourrait être saisi. Nous proposons donc de supprimer ces dispositions.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Si vous lisez bien cet article, vous constaterez qu’il prévoit les dessaisissements successifs que vous citez, mais que la décision du Conseil d’État, elle, n’est soumise à aucun délai. Le plus important demeure qu’un jugement soit rendu.

Mme Jacqueline Fraysse. Certes, mais tout l’intérêt de cette procédure réside dans sa rapidité. La possibilité de faire appel d’une décision vise normalement à protéger les salariés. C’est cette protection qui disparaît ici. Je m’étonne que vous ne vous offusquiez pas que seul le Conseil d’État soit saisi suite à la défaillance du tribunal et de la cour d’appel.

La Commission rejette l’amendement AS 178.

Elle examine ensuite l’amendement 179 de Mme Jacqueline Fraysse.

M. André Chassaigne. Les alinéas 164 et 165 du présent article entérinent un recul des garanties accordées aujourd’hui aux salariés. En effet, l’alinéa 164 dispose qu’en cas d’annulation de l’autorisation administrative de licenciement obtenue par l’employeur, le salarié aura droit à réintégration dans les effectifs de l’entreprise « sous réserve de l’accord des parties ». Mais comment peut-on imaginer que l’employeur sera favorable à la réintégration du salarié ? Quant à l’alinéa 165, il prévoit qu’à défaut de réintégration, une indemnité sera versée au salarié, qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire, alors que c’est douze mois actuellement. Ces deux alinéas étant en retrait par rapport au droit en vigueur, le présent amendement propose de rétablir les dispositions applicables aujourd’hui.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Je comprends votre interrogation et j’essaierai d’avancer dans le sens que vous proposez pour l’examen du texte en séance. Il faut toutefois bien comprendre que dans la mesure où le texte prévoit une homologation par l’administration tout en conservant la possibilité pour le juge d’invalider cette décision, l’intention de l’accord était bien de prévoir une pénalisation plus faible pour l’employeur que dans le droit en vigueur. Faut-il pour autant qu’en raison d’un désaccord entre l’administration et la juridiction, la solution adoptée soit moins favorable au salarié ? Je vois bien où est le problème, je vais étudier la question. En attendant, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

M. André Chassaigne. Je sens chez le rapporteur une forme d’hésitation, donc je maintiens mon amendement et je lui propose de s’y rallier dès à présent. Il pourra toujours proposer la suppression de cette disposition en séance si, après réflexion, elle ne lui paraît pas opportune.

La Commission rejette l’amendement AS 179.

Elle examine ensuite l’amendement 287 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Il s’agit d’un amendement de cohérence : l’avis des instances de coordination temporaires n’a en effet pas vocation à se substituer à l’avis des différents comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail locaux ou d’établissement.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission adopte l’amendement AS 287 ainsi que l’amendement AS 288 de M.  Denys Robiliard visant à supprimer des dispositions redondantes.

Puis, elle adopte l’article 13 modifié.

Article 14 : Création d’une obligation de recherche d’un repreneur en cas de fermeture d’établissement

La Commission examine l’amendement AS 142 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Il est défendu.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Pour la première fois, on introduit dans le droit positif une obligation de recherche d’un repreneur en cas de fermeture de site : j’étais très surpris que le MEDEF souscrive à cette disposition, mais je suis encore plus surpris que vous souhaitiez la supprimer. Il y a une procédure d’information et de consultation des salariés, un droit à l’expertise pour rechercher un repreneur et notre groupe travaille pour compléter ces dispositions, notamment en matière de droit du commerce.

M. André Chassaigne. L’argumentaire est le même que pour notre amendement précédent : cet article est très insuffisant, en particulier sur le plan des droits des salariés. Il ne correspond en rien à la philosophie que nous souhaitons promouvoir, au travers d’une proposition de loi que nous avons déposée et que nous allons traduire sous forme d’amendements afin d’encourager l’appropriation collective par les salariés de la recherche d’un repreneur. A contrario, cet article est placé sous le sceau de la confidentialité et ne prévoit aucune implication des salariés dans le processus.

La commission rejette l’amendement AS 142.

Puis, elle examine l’amendement AS 289 de M. Michel Lefait.

M. Denys Robiliard. Cet amendement vise à faire en sorte que le comité d’entreprise puisse non seulement émettre un avis, mais également formuler des propositions.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Cela va dans le sens des dispositions de l’article 13 qui permettent désormais aux organisations représentatives des salariés de formuler des propositions qui doivent être examinées par l’employeur dans le cadre de la nouvelle procédure de licenciement. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement AS 289.

Elle examine ensuite l’amendement AS 79 de M. Francis Vercamer.

M. Arnaud Richard. Il s’agit d’un amendement d’appel qui vise à attirer l’attention sur la nécessité que les entreprises versent un montant substantiel pour la revitalisation des bassins d’emplois en cas de licenciement collectif affectant l’équilibre de ceux-ci.

M. Jean-Marc Germain. Je suis favorable sur le principe à cet amendement, mais cette question sera traitée dans le cadre de la discussion de la proposition de loi préparée par notre collègue François Brottes, dans laquelle ce dispositif aura plus sa place. Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement.

L’amendement AS 79 est retiré.

La Commission examine l’amendement AS 80 de M. Francis Vercamer.

M. Arnaud Richard. Une proposition de loi déposée, il y a quelques années, par Gérard Cherpion et Gaëtan Gorce prévoyait un triplement du montant de la contribution financière à verser par les entreprises : tel est l’objet du présent amendement.

Jean-Marc Germain, rapporteur. Pour le même motif que l’amendement précédent, je vous demande de retirer cet amendement.

L’amendement AS 80 est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement AS 81 de M. Francis Vercamer.

M. Arnaud Richard. Nous demandons un rapport du Gouvernement sur les améliorations qui doivent être envisagées dans le cadre de l’obligation de revitalisation des bassins d’emploi touchés par des licenciements collectifs.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AS 81 puis adopte l’article 14 modifié.

Article 15: Précision des critères d’ordre des licenciements économiques et allongement de la durée du congé de reclassement

La Commission examine l’amendement AS 143 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet article est extrêmement préoccupant eu égard aux critères auxquels il renvoie pour déterminer l’ordre des licenciements. Je rappelle que dans le cadre d’un licenciement économique, le salarié n’est nullement en cause : l’employeur prend seul la décision. Le code du travail prévoit cependant qu’il doit se référer à un certain nombre de critères d’ordre social, comme les perspectives de retour à l’emploi ou les charges de famille. Or, le texte introduit désormais la notion de « qualités professionnelles » et en fait le critère à privilégier, avant même de prendre en considération les critères sociaux ! Nous considérons que ce critère n’est pas recevable car le motif du licenciement n’est pas inhérent à la personne du salarié.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Cet article reprend stricto sensu les critères dégagés par la jurisprudence. Il s’agit d’un ensemble de critères objectifs que l’employeur peut pondérer.

Mme Jacqueline Fraysse. Il faudrait à tout le moins éviter de privilégier ce critère-là !

M. Denys Robiliard. Il ne s’agit ni plus ni moins que de la transposition de l’accord du 11 janvier, qui correspond à l’état de la jurisprudence. Par ailleurs, il sera très difficile concrètement pour les employeurs de privilégier ce critère car il doit reposer sur des éléments objectifs qui sont difficiles à démontrer.

M. Gérard Sebaoun. N’y aurait-il pas cependant une amélioration sémantique à apporter en recourant au verbe « prendre en compte » plutôt qu’au verbe « tenir compte » ?

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement AS 143 ainsi que l’amendement AS 180 de Mme Jacqueline Fraysse.

Puis, elle examine les amendements AS 127 et AS 126 de M. Thierry Braillard.

M. Jean-Noël Carpentier. Ces amendements visent à nuancer le texte.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Je répète que cet article ne fait que reprendre la jurisprudence en vigueur. Je tiens par ailleurs à le replacer dans l’historique de la négociation : le MEDEF souhaitait initialement que l’employeur puisse se référer à un critère de « compétences professionnelles » et non de « qualités professionnelles », contrairement à ce que retient la jurisprudence aujourd’hui. Vous louiez, madame Fraysse, sur l’article 13, l’intervention du juge judiciaire et les arrêts de la Cour de cassation : vous avez ici la traduction concrète de sa jurisprudence. Pourquoi reprendre ce critère ? Parce que, dans le cadre d’un plan social, si l’employeur se réfère uniquement à des critères sociaux, tels que l’âge ou la difficulté à retrouver un emploi, il risque de perdre des salariés assumant des fonctions stratégiques indispensables à la pérennité de l’entreprise. C’est pourquoi il doit pouvoir introduire une pondération. C’est d’ailleurs dans cet esprit que ce critères est appliqué et contrôlé par le juge aujourd’hui. Avis défavorable.

La Commission rejette les amendements AS 127 et AS 126.

Puis, elle adopte l’article 15 sans modification.

Article 16 : Développement de la conciliation prud’homale et réforme des délais de prescription

La Commission examine l’amendement AS 144 de Mme Jacqueline Fraysse.

M. André Chassaigne. Cet amendement vise à supprimer l’article 15 qui, en introduisant une tarification forfaitisée de l’indemnisation du licenciement abusif, souhaitée par le patronat, porte atteinte aux missions du juge conciliateur dans le cadre des procédures prud’homales. La prise en compte du seul critère d’ancienneté pose également problème. Quant au renvoi au décret, il n’est pas suffisamment encadré. Cet article aura pour effet de corseter les décisions des conseils de prud’hommes concernant le montant des indemnités en renvoyant au barème prévu par l’accord, barème qui prévoit une indemnisation insuffisante et inférieure à celle généralement octroyée aujourd’hui. Ainsi les conseils de prud’hommes perdent la prérogative dont ils disposaient de pouvoir apprécier souverainement le montant de l’indemnité à accorder au salarié.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Le barème qui va être fixé par décret a vocation à s’appliquer à la procédure de conciliation mais ne s’imposera pas au juge. Je vous rappelle que les partenaires sociaux étaient initialement en désaccord sur ces dispositions. Un consensus s’est néanmoins dégagé sur la nécessité de mettre en œuvre une procédure de conciliation à la fois rapide et très cadrée. C’est pourquoi il n’y aura pas d’autre critère pris en compte que celui de l’ancienneté. Par ailleurs, il ne s’agit ici que de l’indemnité liée à la rupture du contrat de travail, les autres éventuels préjudices ne sont donc pas pris en compte dans ce cadre, et cette indemnité s’ajoute aux autres indemnités légales ou conventionnelles. Certes, il y a un raccourcissement du délai de prescription, mais ce délai, fixé à deux ans à compter de la rupture du contrat de travail, a été unanimement jugé suffisant lors des auditions : au-delà, ils profiteraient plus aux avocats qu’aux parties ! Les seules difficultés qui pourraient advenir concernent les contentieux en cours de contrat de travail, mais je rappelle que 92 % des contentieux ont logiquement lieu après la rupture du contrat. Enfin, le texte fait exception pour tous les sujets - discrimination, harcèlement, dommages corporels – qui pourraient nécessiter des temps de prescription plus longs.

La commission rejette l’amendement AS 144.

Elle est saisie ensuite de l’amendement AS 241 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Nous sommes dans une logique d’amélioration du texte qui, sur certains aspects, tels que l’indemnité forfaitaire et les délais de prescription, peut être considéré comme en recul par rapport au droit existant. On ne peut pas nier que sur ces aspects, le texte peut être jugé comme insuffisant ou déséquilibré, même si un des partenaires à la négociation aura sans doute du mal à entendre et à accepter des modifications sur ces points. Il appartient néanmoins aux parlementaires de travailler à améliorer le texte.

Elle examine ensuite l’amendement AS 125 de M. Thierry Braillard.

M. Jean-Noël Carpentier. Les conciliations échouent souvent du fait de l’absence du défendeur. Il faudrait inscrire dans la loi les dispositions de l’article R. 1453-1 du code du travail qui dispose que les parties comparaissent en personne.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Il n’est pas utile et pas souhaitable d’introduire dans la loi des dispositions qui figurent déjà dans la partie réglementaire du code du travail. Avis défavorable.

Mme Catherine Lemorton, présidente. Compte tenu de ces remarques, retirez-vous votre amendement ?

M. Jean-Noël Carpentier. Non car ces dispositions ne sont pas respectées.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Il ne serait pas cohérent que certains types de contentieux soient organisés par la loi tandis que d’autres continueraient à relever du niveau réglementaire.

La Commission rejette l’amendement AS 125.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS 117 de M. Jean-Noël Carpentier, AS 82 de M. Francis Vercamer et AS 202 de Mme Jacqueline Fraysse.

M. Jean-Noël Carpentier. L’amendement AS 117 est défendu.

M. Arnaud Richard. Le barème doit être indicatif, afin que le montant de l’indemnisation soit laissé à la libre appréciation du juge.

Mme Jacqueline Fraysse. L’amendement AS 202 est défendu.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Effectivement, le barème de l’indemnité forfaitaire est facultatif, mais il n’est pas nécessaire de modifier la rédaction de l’alinéa. S’agissant de l’amendement AS 117, je préfère le mot « fondement » à l’expression « se référer ». J’ajoute que cette indemnité forfaitaire ne se substitue pas aux indemnités légalement dues à l’occasion d’un licenciement et qu’elle a la nature de dommages-intérêts. Avis défavorable aux amendements AS 117, AS 82 et AS 202.

La Commission rejette les amendements AS 117, AS 82 et AS 202.

Elle examine ensuite alors l’amendement AS 201 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Il est défendu.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 201.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS 124 de M. Thierry Braillard et AS 314 du rapporteur.

M. Jean-Noël Carpentier. L’amendement AS 124 est défendu.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Avis défavorable.

M. Denys Robiliard. Concernant l’amendement AS 314 du rapporteur, je rappelle le principe d’unicité de l’instance : si le procès-verbal de conciliation vient mettre un terme au litige, on ne peut plus le ranimer. À vouloir trop bien faire, on risque de compliquer le travail des prud’hommes.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Je suis sensible à cette remarque. Je retire mon amendement.

L’amendement AS 124 est retiré.

La Commission rejette l’amendement AS 124.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS 118 de M. Jean-Noël Carpentier et AS 204 de Mme Jacqueline Fraysse.

M. Jean-Noël Carpentier. L’amendement AS 118 est défendu.

Mme Jacqueline Fraysse. L’amendement AS 204 vise à laisser un délai suffisant aux salariés pour récupérer leurs droits. Le délai de prescription de droit commun est de cinq ans. Nous sommes défavorables à la réduction des délais de prescription prévue par le projet de loi.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Avis défavorable à ces deux amendements. La réduction de ces délais a été acceptée par les organisations syndicales en contrepartie d’avancées sur la complémentaire santé, les congés pour formation, etc. J’ajoute que les salariés n’ont rien à gagner dans des contentieux trop longs qui augmentent les frais d’avocats. Le problème se pose cependant lorsqu’il y a des éléments difficiles à prouver.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous ne partageons pas votre avis, et les syndicats qui nous ont alertés ne sont pas d’accord. La représentation nationale a le droit de légiférer dans un sens différent de l’accord du 11 janvier.

M. Jean-Noël Carpentier. Les syndicats n’étaient pas demandeurs de cette disposition. Je ne pense pas que nous remettions en cause l’équilibre obtenu par les partenaires sociaux en revenant sur ce délai.

La Commission rejette les amendements AS 118 et AS 204.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 203 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agit d’une précision visant à mieux protéger les salariés.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 203.

Elle examine ensuite l’amendement AS 200 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agit d’un amendement de repli.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 200.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 205 de Mme Jacqueline Fraysse.

M. André Chassaigne. L’amendement est défendu.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Je n’y suis pas totalement défavorable.

M. Denys Robiliard. Il faudrait prévoir non pas une interruption du délai mais une suspension, faute de quoi le délai de deux ans recommencerait à l’issue de l’interruption.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Je pourrai donner un avis favorable à votre amendement en séance publique, sous réserve de cette rectification. En attendant, j’émets un avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 205.

Elle adopte ensuite l’article 16 sans modification.

(Présidence de M.  Gérard Sebaoun, député).

Article 17 : Aménagement de la mise en place des institutions représentatives du personnel en cas de franchissement des seuils d’effectif

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission rejette l’amendement de suppression AS 145 de Mme Jacqueline Fraysse, puis adopte l’amendement AS 290 de M. Denys Robiliard.

L’amendement AS 110 de M. Gérard Cherpion n’est pas défendu.

La Commission adopte ensuite l’article 17 modifié.

Article 18 : Expérimentation du contrat à durée indéterminée intermittent

La Commission examine l’amendement AS 146 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Les salariés relevant d’un contrat de travail intermittent alternent périodes de travail à temps plein, à temps partiel et de non-travail. Ils sont ainsi complètement à disposition de l’employeur. Nous demandons la suppression de cette disposition « assassine » qui asservit quelque peu les salariés.

M. le rapporteur. Cet article permet simplement d’expérimenter le contrat à durée indéterminée intermittent en l’absence d’accord de branche. J’ai par ailleurs déposé un amendement visant à inscrire dans la loi les trois secteurs où cette expérimentation pourra être entreprise, à savoir les organismes de formation, à l’exclusion des formateurs en langues, le commerce des articles de sport et des équipements de loisirs, et les détaillants et détaillants fabricants de confiserie, chocolaterie et biscuiterie.

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AS 146, puis adopte l’amendement rédactionnel AS 318 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement AS 316 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à inscrire dans la loi, et non pas dans un arrêté, les trois secteurs où le contrat à durée indéterminée, conformément à l’accord du 11 janvier, pourra être expérimenté.

La Commission adopte l’amendement AS 316, puis l’amendement rédactionnel AS 319 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement AS 123 de M. Joël Giraud.

M. Jean-Noël Carpentier. Il est défendu.

M. le rapporteur. Il faut saluer la grande constance avec laquelle le groupe RRDP défend le développement du tourisme, mais l’expérimentation doit être limitée aux secteurs prévus par les partenaires sociaux.

La Commission rejette l’amendement AS 123, puis adopte l’article 18 modifié.

Après l’article 18 :

La Commission examine l’amendement AS 122 de M. Joël Giraud.

M. Jean-Noël Carpentier. La logique de cet amendement est la même que celle du précédent : il s’agit de mettre en place une procédure destinée à sécuriser le travail des saisonniers.

M. le rapporteur. L’amendement va à l’encontre de notre volonté commune de ne pas multiplier ce type de contrats. On ne va pas créer un contrat ad hoc pour le tourisme. Pourquoi les branches concernées ne négocient-elles pas un accord ?

M. Jean-Noël Carpentier. L’objectif de Joël Giraud n’est pas le tourisme en général, mais seulement la sécurisation des contrats des saisonniers.

M. le rapporteur. Il est déjà possible de le faire par accord d’entreprise, de telle sorte que je ne comprends pas bien l’intérêt de cet amendement.

La Commission rejette l’amendement AS 12.

Puis elle examine l’amendement AS 89 de M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Le Gouvernement veut inscrire dans la Constitution la capacité des corps intermédiaires d’être facteurs d’évolution du droit, mais un dialogue social nourri et fructueux requiert des syndicats patronaux représentatifs ainsi que des branches professionnelles appropriées. Or, certaines de ces 700 branches ne comptent que quelques centaines ou milliers de salariés et, faute de syndicats en situation de négocier, il est impossible d’y engager un dialogue social : il existe des branches aussi baroques que celles de la désinsectisation ou du transport aérien du bétail. Il faut donc, à l’image de ce qui a été fait pour les organismes paritaires collecteurs agréés en matière de formation professionnelle, confier aux partenaires sociaux un mandat les invitant à en réduire significativement le nombre.

M. le rapporteur. Cet amendement constitue une injonction au Gouvernement, mais il sera loisible à ses dépositaires de l’interpeller en séance publique sur cette question.

La Commission rejette l’amendement AS 89.

Article 19 : Habilitation du Gouvernement à modifier par voie d’ordonnance le code du travail applicable à Mayotte

La Commission examine l’amendement AS 147 de Mme Jacqueline Fraysse.

M. André Chassaigne. Pourquoi un sort particulier est-il réservé à Mayotte ? La perspective de modifier par ordonnance le code du travail est assez étonnante, car j’ai encore en tête les cris d’orfraie que nous avons poussés pendant dix ans dans l’opposition à chaque fois qu’on nous parlait d’ordonnances. Cet article a donc une dimension symbolique qui n’est pas compréhensible.

Nos débats touchent maintenant à leur fin et je constate que nous avons été rejoints par des députés appartenant à des groupes de la majorité, en particulier Écolo et RRDP, dans une démarche consistant à faire évoluer le texte afin de prendre en compte les salariés et leurs droits. Je tiens à saluer ces rassemblements que nous avons pu constituer au coup par coup sur certains amendements et qui montrent qu’il existe une marge de progression. Je le dis de façon solennelle : je ne doute pas que durant le débat en séance publique, des députés du groupe SRC sauront reprendre des arguments qui ont été développés et, s’ils le souhaitent, s’associer à certains amendements que nous avons déposés en commission et qui n’ont pas été adoptés, car la défense de l’intérêt des salariés exige que ce rassemblement formé aujourd’hui autour des porte-parole de trois groupes puisse s’étendre ensuite à un nombre important d’autres députés de la majorité, en particulier socialistes.

M. Christophe Cavard. Nous ne voterons pas la suppression de l’article 19. Sur la méthode, nous avons été un certain nombre à améliorer le texte, mais il est important de rendre également hommage au rapporteur, qui a aussi contribué à ce que le texte soit significativement amélioré. Comme André Chassaigne, je pense qu’au vu de l’amélioration permanente du texte, d’abord en commission mais plus encore en séance publique, une grande partie d’entre nous en seront finalement satisfaits.

M. Jean-Noël Carpentier. Nous avons tous à l’esprit le choix que la majorité présidentielle a fait de privilégier le dialogue social et les arbitrages que nous devons rendre. Le monde du travail a ses propres contradictions, qui sont plus fortes en période de crise : il faut rendre notre économie plus compétitive et apte à faire face à la crise mais, en même temps, ne pas augmenter la précarité des salariés et maintenir leurs droits, voire essayer de les accroître. C’est la grande question posée par cet accord. Au nom du groupe RRDP, je tiens aussi à féliciter le rapporteur pour son travail et pour la manière dont il a mené nos débats, comme j’ai eu l’occasion de le constater en prenant part à quelques-unes des auditions. Il a apporté des éléments en commission et il va en apporter d’autres en séance publique, où le travail de la majorité, toutes sensibilités confondues, va se poursuivre dans l’intérêt de nos concitoyens.

M. Denys Robiliard. Même si le groupe SRC n’a pas été mentionné, je me joins à ce qui a été dit. Ces deux journées d’examen des amendements ont permis d’obtenir des améliorations, significatives pour certaines d’entre elles. Le rapporteur a en outre indiqué que des processus sont susceptibles d’aboutir la semaine prochaine, mais ils sont plus longs qu’à l’accoutumée : s’agissant de la transposition d’un accord, il est en effet nécessaire de discuter non seulement avec le Gouvernement mais aussi avec les partenaires sociaux. Le texte peut donc encore être amélioré et nous nous y emploierons dans les jours qui viennent.

M. Jean-Patrick Gille. Nous avons certes pu nous restaurer et nous reposer un peu, mais cela fait exactement 24 heures que nous sommes entrés dans cette sorte de conclave : un débat de qualité a eu lieu et, comme les autres intervenants l’ont souligné, cela tient à la qualité de sa préparation, notamment par le rapporteur. Tous se sont félicités de la méthode et nous allons voter dans le calme cette transcription de l’accord du 11 janvier. Ensuite, il ne faut pas être dupe : certains représentants des groupes n’en iront pas moins se répandre en disant qu’il n’est pas possible de voter ce texte au motif soit qu’il est inacceptable, soit qu’il s’est écarté de l’accord conclu par les partenaires sociaux. Mais les enregistrements vidéo en feront foi : cela n’a pas du tout été le sens de nos débats, à la fois politiques et techniques. Je pense que nous avons collectivement fait la démonstration que le texte pouvait être amendé et amélioré sans en modifier l’esprit, ni celui de l’accord, et que nous étions en mesure de remplir notre fonction : ni notaires, ni greffiers, ni porte-plume, mais de vrais parlementaires qui font leur travail et vont continuer à le faire en séance publique.

M. Arnaud Richard. Malgré la longueur de nos débats, je partage l’avis de mes collègues sur la qualité de ces échanges. Nous sommes très attendus sur ce texte, qui n’est pas neutre, entre démocratie sociale et démocratie représentative. Je crois que pour l’instant, nous avons tous fait œuvre de responsabilité sur ce vaste accord que nous avons essayé de ne pas dénaturer. Nous n’avons pas de réponse ou seulement des semblants de réponse sur le coût de la complémentaire santé pour les finances publiques, car le courrier adressé par le ministère de l’économie et des finances à la présidente de la Commission n’est pas pleinement convaincant, et sur les éléments financiers relatifs aux droits rechargeables. Nous serons attentifs aux résultats en matière de représentativité syndicale, dont nous disposerons la semaine prochaine lorsque nous serons en séance publique, et aux services à la personne, sur lesquels nous considérons que ce texte fait malheureusement l’impasse ; au regard du nombre d’emplois non délocalisables créés ces dernières années, ce secteur n’est peut-être pas assez défendu par les partenaires sociaux et la majorité, qui a déjà beaucoup mis à mal ce secteur, comme le Gouvernement, devraient réfléchir à nos propositions.

M. le rapporteur. Vous n’avez pas souligné que nous avons adopté des amendements en commun. Je vous remercie pour la qualité des échanges : quand nous aurons le temps de regarder le travail que nous avons fait, nous verrons qu’il est tout sauf négligeable. Nul n’espérait sans doute que nous parviendrions à une protection à 1 200 euros pour tous les salaires dans le cadre des accords de maintien de l’emploi. Nous faisons également progresser les choses de manière très substantielle en exigeant que les mobilités ne se substituent pas à des formes de plans sociaux mais portent un vrai progrès pour les salariés car elles auront été négociées dans de bonnes conditions. Il en va de même quand nous imposons la protection de la vie familiale pour définir les mobilités. Nous pourrions multiplier les exemples. En matière de droit du travail, tout est dans les détails : des amendements longuement débattus seraient totalement inexplicables pour le commun des mortels mais sont pourtant très importants. Ne dévalorisons donc pas le travail que nous avons accompli. Place, maintenant, à la séance publique : je souhaite qu’elle permette d’éclairer les Français sur la portée réelle des dispositions, sur nos certitudes mais aussi parfois sur nos doutes et sur les questions qui font débat ; si j’ai souhaité mener de nombreuses auditions, c’est afin que nous puissions remplir notre devoir d’éclairer le législateur.

La Commission rejette l’amendement AS 146.

Elle adopte l’article 19, puis l’ensemble du projet de loi modifié.

La séance est levée à seize heures trente.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 27 mars 2013 à 9 heures

Présents. – M. Élie Aboud, M. Bernard Accoyer, M. Gérard Bapt, M. Jean-Pierre Barbier, Mme Véronique Besse, Mme Gisèle Biémouret, Mme Kheira Bouziane, Mme Valérie Boyer, Mme Sylviane Bulteau, M. Jean-Noël Carpentier, Mme Fanélie Carrey-Conte, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Christophe Cavard, M. André Chassaigne, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Rémi Delatte, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, M. Richard Ferrand, Mme Jacqueline Fraysse, Mme Hélène Geoffroy, M. Jean-Marc Germain, M. Jean-Patrick Gille, Mme Linda Gourjade, M. Henri Guaino, M. Jérôme Guedj, M. Christian Hutin, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Bernadette Laclais, Mme Conchita Lacuey, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, M. Jean Leonetti, M. Céleste Lett, Mme Geneviève Levy, M. Michel Liebgott, Mme Gabrielle Louis-Carabin, Mme Véronique Louwagie, M. Gilles Lurton, M. Laurent Marcangeli, Mme Véronique Massonneau, M. Pierre Morange, M. Hervé Morin, Mme Monique Orphé, Mme Luce Pane, M. Christian Paul, M. Bernard Perrut, Mme Martine Pinville, Mme Bérengère Poletti, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, Mme Barbara Romagnan, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gérard Sebaoun, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Dominique Tian, M. Jean-Louis Touraine, M. Francis Vercamer

Excusés. – Mme Monique Iborra, M. Jonas Tahuaitu, Mme Hélène Vainqueur-Christophe, M. Jean-Sébastien Vialatte

Assistaient également à la réunion. – M. Pierre Aylagas, Mme Laurence Dumont, M. Alain Fauré, M. Michel Ménard, M. Philippe Noguès