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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 22 octobre 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement sur des sujets européens

Traité transatlantique

M. François Asensi

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

Territoires de montagne

M. Joël Giraud

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique

Politique économique du Gouvernement

M. Pierre Lequiller

M. Manuel Valls, Premier ministre

Plan de relance européen

M. Philip Cordery

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes

Paquet climat-énergie

M. François-Michel Lambert

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Politique européenne de défense

M. Axel Poniatowski

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Paquet climat-énergie

M. Arnaud Richard

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Politique familiale

Mme Dominique Nachury

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Lutte contre la fraude fiscale

Mme Françoise Imbert

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Contrôle des flux migratoires

M. Étienne Blanc

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes

Garantie jeunes

Mme Marietta Karamanli

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Relations avec la Russie

M. Jean-Claude Mignon

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes

Croissance dans la zone euro

M. Jean-Christophe Fromantin

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Épidémie d’Ebola

M. Pierre Lellouche

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie

Opérations extérieures

M. Jean-Luc Bleunven

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

2. Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 (suite)

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Première partie

Article 1er

M. Guillaume Chevrollier

M. Dominique Tian

M. Philippe Gosselin

Mme Isabelle Le Callennec

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales

M. Jean-Pierre Door

M. Jean-Pierre Barbier

Article 2 et annexe A

M. Bernard Accoyer

Vote sur l’ensemble de la première partie

Deuxième partie

Article 3

M. Denis Jacquat

M. Rémi Delatte

M. Dominique Tian

M. Bernard Accoyer

M. Élie Aboud

Mme Dominique Orliac

M. Jean-Pierre Door

M. Jean-Pierre Barbier

M. Arnaud Richard

Amendements nos 146, 147

M. Olivier Véran, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

Amendements nos 76 , 365 , 227 , 231 , 489 , 220 , 148 , 149

Article 4

Amendement no 366

Article 5

M. Denis Jacquat

M. Bernard Accoyer

Mme Isabelle Le Callennec

Mme Véronique Louwagie

Mme Claude Greff

M. Michel Issindou

Amendements nos 115 , 179 , 332

Mme la présidente

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Amendement no 845

Article 6

M. Bernard Accoyer

M. Jean-Pierre Door

M. Jean-Pierre Barbier

M. Olivier Véran, rapporteur

Vote sur l’ensemble de la deuxième partie

Troisième partie

Article 7

M. Denis Jacquat

M. Dominique Tian

M. Bernard Accoyer

M. Élie Aboud

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mme Claude Greff

Mme Véronique Louwagie

M. Jean-Marc Germain

M. Christian Eckert, secrétaire d’État

M. Jean-Pierre Barbier

Amendements nos 118 , 182 , 333 , 367 , 846, 847, 848, 891, 896 rectifié , 878, troisième rectification

Après l’article 7

Amendement no 789

Suspension et reprise de la séance

Article 8

Mme Dominique Orliac

Amendements nos 368 , 850, 851, 901 , 959

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement sur des sujets européens

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement sur des sujets européens.

Traité transatlantique

M. le président. La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. François Asensi. En mai dernier, les députés du Front de gauche ont exigé la suspension des négociations sur le marché transatlantique car le projet TISA – Trade In Services Agreement – sur la libéralisation des services et le Traité transatlantique incarnent une mondialisation ultralibérale qui bafoue la souveraineté des États, privatise les services publics, abaisse les droits sociaux et les normes environnementales.

La publication du mandat de négociation est une première victoire de la mobilisation citoyenne. Mais des questions demeurent : pourquoi le Gouvernement a-t-il refusé, en mai dernier, d’inscrire noir sur blanc que le TAFTA soit ratifié par le Parlement français ? Comment la France pourrait-elle accorder un blanc-seing à une Commission européenne partiale et ultralibérale ? Un président luxembourgeois défenseur inlassable des paradis fiscaux, un commissaire à l’énergie proche des lobbies pétroliers, un commissaire à la régulation bancaire en provenance de la City : c’est tout ce que les peuples européens rejettent !

Sur le fond, le mécanisme d’arbitrage privé au service des multinationales n’a pas été sorti des négociations. La commissaire européenne chargée du commerce l’a reconnu devant le Parlement européen, mais en défendant la présence de ce dispositif explosif dans l’accord déjà signé avec le Canada.

Avec ce traité, Monsanto pourra attaquer en justice notre principe de précaution pour imposer les OGM, Goldman Sachs demander la suppression de la taxe Tobin, les fonds de pension rançonner les États comme ils l’ont déjà fait en Argentine.

Monsieur le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, puisque les libéraux européens veulent maintenir cette boîte de Pandore arbitrale qui affaiblira la France, n’est-ce pas une condition suffisante pour demander la suspension des négociations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Mme Laurence Abeille. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger. Monsieur le député, vous posez une question sur un sujet d’intérêt majeur. J’ai eu l’occasion, il y a quinze jours, de répondre ici même à une question concernant le traité avec le Canada, je le fais volontiers aujourd’hui s’agissant des négociations sur le traité transatlantique avec les États-Unis.

Dès le lendemain de ma nomination, je me suis saisi de cette question,…

M. Christian Jacob. Oh alors, ça va être chaud !

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État. …faisant des démarches auprès de l’Union européenne, me rendant à Bruxelles, à Berlin et à Rome pour rencontrer l’ensemble des ministres du commerce extérieur afin d’obtenir des avancées sur la transparence. Nous sommes d’accord sur ce point : il ne peut plus y avoir de négociations commerciales totalement opaques. Par conséquent, la France, avec l’Allemagne, la présidence italienne et d’autres États européens a enfin obtenu la transparence sur les mandats de négociation, et je m’en félicite.

M. Pierre Lellouche. Où voyez-vous de la transparence ?

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État. Vous posez également la question des mécanismes d’arbitrage investisseurs-États. Je note à cet égard les propos qu’a tenus ce matin le nouveau président de la Commission européenne : il a indiqué clairement son refus de voir l’accès aux juridictions nationales limité et des juridictions secrètes avoir le dernier mot en la matière. C’est la preuve que lorsque la France, l’Allemagne et nos partenaires européens s’expriment ensemble, les choses avancent. J’ai également travaillé sur ce sujet avec mon collègue Harlem Désir, qui s’entretient régulièrement de cette question avec ses homologues européens.

Et puis, s’agissant du dernier mot pour le Parlement, je réaffirme ici avec force que les Parlements nationaux devront avoir le dernier mot, comme il est normal en démocratie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Territoires de montagne

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Joël Giraud. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la décentralisation.

Madame la ministre, à l’occasion du trentième congrès des élus de la montagne, vous avez rappelé les enjeux spécifiques de ces territoires et leur contribution à l’intérêt national et européen. Or nos territoires de montagne, en particulier s’ils sont frontaliers et plus encore s’ils sont touristiques, sont durement touchés par la baisse des dotations. Qui plus est, le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, se fonde seulement sur le revenu par habitant, ce qui ne reflète pas équitablement l’ensemble des réalités de l’économie de montagne.

Je voudrais vous proposer une nouvelle piste pour rapprocher enfin la politique de cohésion territoriale de l’Union européenne et la reconnaissance des services rendus par la biodiversité, concilier développement économique et conservation environnementale, de manière à reconnaître la richesse environnementale de la nation, au premier chef celle de ses massifs montagneux – mais également celle de tous les territoires ruraux qui apportent des aménités positives.

Celles-ci ont été mises en relief par une étude sur l’économie des écosystèmes et de la biodiversité lancée par l’Allemagne et la Commission européenne sous l’égide du programme des Nations unies pour l’environnement. Ce travail peine aujourd’hui à être décliné concrètement à l’échelon national, régional et local : seules la Grande-Bretagne et la République tchèque ont commencé à l’intégrer dans le calcul des dotations aux collectivités locales.

Nous possédons pourtant de nombreux sites classés, des réserves naturelles, des zones Natura 2000, des parcs naturels régionaux, des parcs nationaux ; les zonages des espaces naturels ne manquent pas et nos documents d’urbanisme doivent à juste titre les prendre en considération. Mais la France fait de la résistance : pour s’en convaincre, il suffit de constater les réactions de la direction générale des collectivités locales, qui s’est employée à supprimer un excellent amendement au projet de loi sur la transition énergétique visant à introduire la sobriété de l’éclairage public des communes parmi les critères de péréquation.

Nous avons identifié, en Europe, des expériences qui nous donnent des exemples concrets de politiques qui marchent, que ce soit par l’intermédiaire d’une réforme des subventions, de taxes pour l’utilisation des ressources ou de paiements pour les services écosystémiques.

Madame la ministre, êtes-vous prête à lancer un tel chantier ? Seriez-vous d’accord pour que les zones à fort enjeu environnemental, notamment les massifs de montagne, deviennent demain des territoires pilotes au travers d’une politique d’adaptation des dotations à ces aménités positives ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et écologiste et sur certains bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le député, le Premier ministre a tenu à être lui-même présent au congrès des élus de la montagne, au cours duquel un certain nombre de sujets ont été abordés ; il convient de les rappeler.

Les élus des la montagne sont les seuls à avoir obtenu d’être obligatoirement présents dans les conférences territoriales de l’action publique – qui leur importent beaucoup.

Mme Marie-Noëlle Battistel. C’est vrai !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il s’agit d’une avancée importante, nonobstant bien évidemment la codification de la loi sur la montagne, dont on se prépare à fêter les trente ans.

Concernant l’organisation territoriale, je suis chargée depuis plusieurs mois d’une refonte de la dotation globale de fonctionnement, qui inclut une révision de tous les critères ; ceux-ci s’empilent en effet depuis de longues années et ne correspondent plus à la réalité. J’avais d’ailleurs eu l’occasion d’énumérer ici même un certain nombre de principes que nous pourrions examiner ensemble.

Outre la démographie et le revenu moyen par habitant, qui peut pénaliser certaines communes – le Premier ministre a d’ailleurs tenu à répondre aux communes frontalières, souvent pénalisées par ces calculs –, nous avons décidé d’introduire un nouveau critère, que j’appelle « les mètres carrés précieux », c’est-à-dire les lieux où l’on ne construit pas pour des raisons de sauvegarde du patrimoine agricole – les mètres carrés de terres agricoles –, les périmètres de captage, les zones naturelles, les parcs et tous ces grands espaces d’intérêt général sur lesquels on ne peut pas construire. Or, aujourd’hui, un maire ou un président de conseil général qui souhaiterait augmenter sa ressource est condamné à la construction. Nous, nous pensons que pour l’avenir de l’agriculture comme pour la sauvegarde de la biodiversité, il importe de prendre en compte ces « mètres carrés précieux ».

M. Bernard Accoyer. Et le tourisme d’hiver ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Premier ministre a confié une mission sur le sujet à votre collègue Christine Pirès-Beaune et au sénateur Philippe Dallier ; vous y serez sans aucun doute associé.

Politique économique du Gouvernement

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Pierre Lequiller. Monsieur le Premier ministre, la France est aujourd’hui l’enfant malade de l’Europe ; elle paraît isolée face à Bruxelles, et doit quémander le secours de l’Allemagne, qu’il y a peu, les socialistes vilipendaient. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Tout le monde s’inquiète de vos choix catastrophiques, contradictoires et controversés au sein même d’une majorité éclatée – comme hier sur le vote, pourtant symbolique, du budget. La Commission européenne, le Fonds monétaire international, la Cour des comptes, nos partenaires européens, et même notre prix Nobel d’économie, Jean Tirole, tous vous appellent à réaliser de profondes réformes structurelles.

M. Sébastien Denaja. Que vous n’avez pas faites !

M. Pierre Lequiller. Le décalage de compétitivité se creuse entre la France et nos partenaires et le chômage s’aggrave mois après mois dans notre pays. Le candidat François Hollande promettait un déficit de 3 % en 2013, objectif qu’il n’a pas tenu et qu’il n’atteindra même pas en 2017. Sans aucun cap, vous êtes constamment pris en tenaille entre les multiples appels à la raison et votre majorité, qui ne tient plus qu’à un fil.

Vous croyez que le fait d’obtenir des délais supplémentaires est un succès pour votre gouvernement, mais c’est au contraire un échec humiliant pour la France !

Au sein de la zone euro, le grand défi est d’engager une étape majeure, celle de la convergence fiscale. Or le taux de prélèvements obligatoires culmine en France à 46,3 %, quand la moyenne européenne est de 40,5 % et qu’il se situe en Allemagne à 39 %.

Le peuple de France est capable de courage et de dépassement, dès lors qu’il sait où on le conduit. Mais le Président de la République, indécis et inaudible, ne donne aucun sens à son action, qui reste incomprise en France comme en Europe. Quand comprendrez-vous que la crédibilité et l’influence de la France en Europe dépendent d’abord de sa santé économique, donc de sa vertu fiscale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Lequiller, vous connaissez bien ces questions ; c’est pourquoi je m’étonne du ton que vous employez et de la manière dont vous parlez de notre pays ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Claude Goasguen. On fait ce qu’on veut !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Présenter la France comme « l’homme malade » de l’Europe, c’est reprendre la même antienne que celle qui avait été utilisée à propos de l’Allemagne au début des années 2000. Je l’ai dit à nos amis allemands, en m’adressant à la presse, au patronat et aux syndicats allemands – et je vous le dis également : dans les discussions que nous avons, évitons, les uns et les autres, de parler de nos pays respectifs dans ces termes ; évitez donc, monsieur le député, de parler ainsi de notre pays – si je puis vous donner ce conseil amical. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Jacob. Nous ne sommes pas sûrs de vouloir de vos conseils !

M. Manuel Valls, Premier ministre. La France a transmis mercredi dernier son projet de budget à la Commission européenne. Il faut être précis – car vous ne l’avez pas été : comme Michel Sapin l’avait rappelé ici même, la Commission n’a pas le pouvoir de rejeter ou de censurer un budget ; elle émet un avis sur notre budget, comme sur ceux de tous les États membres de la zone euro, dans le cadre de la coordination des politiques économiques de la zone euro. Mais je le redis une fois encore devant la représentation nationale : la souveraineté sur le budget appartient au Parlement français, donc à l’Assemblée, et c’est nous qui assumons la politique, les réformes et les choix budgétaires qui sont les nôtres.

M. Pierre Lellouche. Vous êtes engagés par les traités !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous sommes bien évidemment en dialogue permanent avec la Commission européenne et nos partenaires. Nous leur avons expliqué le contenu de nos textes : Michel Sapin, Emmanuel Macron et moi-même l’avons fait, pour leur montrer l’ampleur des efforts que nous – non le Gouvernement, mais la France – faisons en faveur des entreprises et les économies que nous réalisons. Mais ce qui a changé profondément – et je pense que le débat est désormais au cœur de l’Europe –, c’est l’environnement économique, et même macro-économique.

Or je n’ai pas entendu cela dans vos propos. Aujourd’hui – et c’est un risque majeur –, on craint une nouvelle récession, non pas seulement en France, mais dans toute la zone euro. L’Allemagne n’est pas épargnée, comme le montrent les mauvais chiffres publiés ces dernières semaines et dont nul ne peut se réjouir. C’est une préoccupation qui a été abordée dans les discussions que Michel Sapin et Emmanuel Macron ont eues avec leurs homologues allemands et lors de mon entretien avec la Chancelière et le Vice-chancelier, il y a trois semaines.

De plus, l’inflation a fortement baissé, ce qui n’avait pas été anticipé. Dès le 1er août, j’avais indiqué qu’il existait un risque de déflation. L’inflation est négative dans plusieurs pays de la zone euro ; en France, les chiffres publiés la semaine dernière par l’INSEE montrent que l’inflation sous-jacente est à un niveau inédit. Cela doit tous nous inquiéter ; nous sommes très éloignés de la cible de 2 % par rapport à laquelle les règles budgétaires ont été construites.

M. Pierre Lellouche. C’est donc la faute de l’inflation !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le dialogue avec la Commission va être poursuivi, mais ce qui est essentiel, c’est le débat qui s’ouvre sur la question de la croissance et des investissements. Le problème, monsieur le député – et c’est là que vous faites un contresens –, ce n’est pas la France ; toutes les organisations internationales le répètent d’ailleurs depuis des mois.

M. Pierre Lequiller. Si, c’est la France !

M. Christian Jacob. Le problème, c’est vous !

M. Manuel Valls, Premier ministre. La France doit prendre ses propres décisions ; elle doit faire des économies et des réformes, mais pour elle-même, et non parce que l’Europe le lui demande. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Non, le problème, c’est la panne de croissance et d’inflation dans la zone euro, qui risque de décrocher par rapport au monde. (Mêmes mouvements.)

M. Sylvain Berrios. Le problème, c’est vous !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Si vous voulez un débat de ce niveau, je vous rappellerai dans quel état nous avons trouvé le pays en 2012, et le niveau d’inflation qu’il y avait alors ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yves Fromion. Ah oui ? Et il n’y avait pas de crise alors ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Si vous voulez que l’on vous rappelle qui a respecté la parole de la France dans les traités, c’est très facile !

M. Pierre Lellouche. Oh, arrêtez !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Mais puisque vous connaissez ces questions, revenons à l’enjeu essentiel, monsieur Lequiller : il s’agit de doter l’Europe d’une réelle politique d’investissement et de soutien à la croissance et à l’emploi. Or deux éléments majeurs sont intervenus, que vous n’avez pas rappelés.

D’abord, la baisse de l’euro.

M. Pierre Lellouche. Vous l’avez voulue !

M. Manuel Valls, Premier ministre. À la tribune de l’Assemblée nationale, au mois d’avril, j’avais affirmé de manière solennelle – même si je n’étais pas le premier à le dire – que l’euro était trop fort, trop cher.

M. Yves Fromion. Ce n’est pas nouveau…

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je me réjouis donc que la Banque centrale européenne ait pris des décisions essentielles afin de permettre la baisse de l’euro : c’est bon pour notre économie et pour nos entreprises qui exportent en dehors de la zone euro.

L’autre élément important, ce sont les 300 milliards proposés par le futur président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.

M. Pierre Lellouche. Où sont-ils ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il faut alimenter ces investissements ; c’est ce que nous voulons faire avec nos partenaires allemands.

Alors, plutôt que de regarder uniquement la situation de la France – même si elle nous intéresse évidemment au premier chef – et de critiquer pour critiquer, sans porter un regard lucide sur notre situation, je vous invite à regarder de près ce qui a échoué en Europe.

Plusieurs députés du groupe UMP. Ce sont les socialistes qui ont échoué en Europe !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ce qui a échoué en Europe, ce sont des politiques d’ajustement, qui n’ont pas pris en compte les risques en matière de récession. Quand vous étiez au gouvernement, vous n’avez pas pris vos responsabilités ; nous, nous les prenons !

Voilà le débat qui est ouvert ; voilà la position que le Président de la République défendra au Conseil européen. Ainsi, sur tous les bancs de l’hémicycle, on verra que la politique du Gouvernement est bonne pour la croissance et l’emploi, non seulement en France, mais dans toute l’Europe ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Plan de relance européen

M. le président. La parole est à M. Philip Cordery, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Philip Cordery. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

L’Europe est au bord de la déflation. Voilà l’héritage de M. Barroso et de dix ans de majorité de droite en Europe ! Au lieu de mettre en œuvre des politiques de soutien à l’investissement, ils ont fait le seul choix de l’austérité, enfonçant l’Union européenne dans une crise profonde. Même l’Allemagne voit aujourd’hui sa croissance ralentir. Il est donc urgent d’agir afin d’éviter de connaître la spirale infernale de la déflation que le Japon a connue dans les années quatre-vingt-dix.

Reprenant une demande de la France qui fut portée pendant la campagne par les socialistes européens, le nouveau président de la Commission européenne a annoncé un plan d’investissement de 300 milliards d’euros. L’Allemagne y a répondu positivement à l’occasion de la visite à Berlin de MM. Sapin et Macron. Nous ne pouvons que nous réjouir de ce nouvel état d’esprit, et je salue la détermination du Président de la République, qui, depuis son élection en 2012, porte à chaque Conseil européen cette nécessaire réorientation de l’Union vers la croissance et l’emploi.

Notre priorité est maintenant de donner un contenu réel à ce plan, qui pourrait se focaliser sur cinq priorités : la transition énergétique, la mobilité durable, la recherche, le numérique et l’emploi des jeunes. Sa mise en œuvre doit permettre de mobiliser des fonds privés, certes, mais également des fonds publics, car, en cette période de crise, nous ne pouvons nous contenter d’attendre les efforts privés, la puissance publique doit initier la relance de l’Union européenne…

M. Claude Goasguen. Avec quel argent ?

M. Philip Cordery. …par l’émission d’euro-obligations dédiées spécifiquement au financement des grands chantiers, par la taxe sur les transactions financières ou un plan d’épargne européen. L’Union européenne doit mobiliser des ressources nouvelles en dehors du budget européen. Les contributions nationales à ce plan devraient par ailleurs être exclues du calcul du déficit budgétaire.

M. Yves Fromion. Ben voyons !

M. Philip Cordery. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous informer des intentions de la France quant au financement de ce plan de relance européen et nous dire quels chantiers prioritaires en France pourraient en bénéficier ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Effectivement, monsieur le député Philip Cordery, la situation économique dans la zone euro est la priorité numéro un, et elle sera au cœur des travaux du Conseil européen qui se réunit les 23 et 24 octobre prochains. Le manque d’investissement est aujourd’hui tel, dans l’ensemble de l’Union européenne, que nous avons aujourd’hui du retard par rapport au niveau de l’investissement public et privé d’avant la crise de 2008. L’investissement public est en Europe, aujourd’hui, à un niveau inférieur, par exemple, à celui de l’investissement public aux États-Unis. Il représente moitié moins en proportion du PIB : 2 % du PIB en Europe ; 4 % du PIB aux États-Unis, qui ne sont quand même pas un pays réputé pour être particulièrement soviétique. Il y a dans ce retard de l’investissement non seulement quelque chose qui est préjudiciable à l’activité présente et peut concourir à cette longue stagnation que montrent malheureusement les chiffres d’une croissance atone et d’une inflation extrêmement basse, mais aussi quelque chose qui peut mettre en cause notre potentiel de croissance future. Nous prenons du retard par rapport à l’avenir.

C’est pourquoi vous avez raison de dire, monsieur le député Cordery, que nous nous sommes battus et que nous avons soutenu la proposition du nouveau président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, pour qu’il donne la priorité à un plan de soutien aux investissements. Le président Juncker a annoncé un plan de 300 milliards d’euros d’investissements publics et privés au cours des trois prochaines années. Dans quoi ces investissements doivent-ils aller ? Tous les pays d’Europe sont concernés. En Allemagne, aujourd’hui, on débat d’un investissement de 80 milliards d’euros dans les infrastructures. Dans beaucoup de pays, ceux d’Europe de l’Est mais aussi ceux de la péninsule Ibérique, on débat de l’investissement dans les infrastructures énergétiques. Nous-mêmes, nous aurons besoin d’investir dans la transition énergétique, mais c’est plus particulièrement dans l’énergie, dans le numérique, dans la recherche et dans l’innovation que nous voulons que ce plan d’investissement nous permette de relever notre potentiel de croissance. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Paquet climat-énergie

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour le groupe écologiste.

M. François-Michel Lambert. Permettez-moi au préalable, monsieur le président, de saluer la présence des représentants des jeunes chambres économiques françaises, qui tiennent aujourd’hui à l’Assemblée leur rendez-vous Parlement-entreprise afin de développer les échanges indispensables entre le monde de l’entreprise et les députés.

Monsieur le Premier ministre, les chefs d’État et de gouvernement européens se réunissent demain et après-demain à Bruxelles pour un Conseil européen qui doit décider de notre avenir énergétique et climatique. L’enjeu est capital. Il s’agit de lutter contre le réchauffement climatique, de créer les emplois de demain, d’enclencher une révolution industrielle d’avenir. C’est aussi capital pour notre balance commerciale et notre indépendance énergétique.

Ce pacte européen sur la transition énergétique définira en grande partie la position de l’Union européenne lors de la conférence Paris Climat qui se tiendra à la fin de l’année 2015, et sera gage de sa réussite. Chacun mesure donc l’importance du rendez-vous des deux prochains jours. Or les désaccords entre États membres sont connus et la négociation sera extrêmement serrée.

C’est la raison pour laquelle la France doit être ambitieuse. Elle doit être moteur de cette transition énergétique européenne, elle doit être à la tête des pays les plus volontaires. Pour cela, le Gouvernement doit soutenir un triple objectif clair et impératif pour 2030 : un objectif minimum de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre ; un objectif contraignant de 30 % d’énergies renouvelables, répartis entre les pays ; un objectif contraignant de 30 % de gain d’efficacité énergétique.

Monsieur le Premier ministre, avec Ségolène Royal, vous avez eu le courage d’enclencher la transition énergétique en France. Il faut maintenant l’initier en Europe. Pouvez-vous nous préciser comment la France défendra le triple objectif que je viens d’évoquer, pour qu’elle soit à la hauteur des enjeux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le député, vous avez fort bien résumé les enjeux de ce Conseil européen qui commence demain. C’est en effet un rendez-vous crucial, et pas un rendez-vous facile, parce que les pays européens ont des modèles énergétiques très différents. Ils doivent montrer leur force et leur capacité, le reste du monde les regarde et saura si l’Europe, au regard des enjeux de la conférence Paris Climat de l’année prochaine, aura la volonté, l’intelligence, la sagesse de se mettre d’accord sur des objectifs communs.

Il y a trois bonnes raisons pour que l’Europe réussisse à se mettre d’accord. D’abord, elle a une responsabilité à l’égard de la planète et elle doit préparer l’après-pétrole et l’après-charbon, avec l’objectif d’au moins 40 % de réductions des émissions de gaz à effet de serre. Ce sera demain la position de la France, qui sera d’autant plus en position de force que, grâce à vous, grâce à l’Assemblée nationale et grâce au vote de la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte, nous avons pris nos responsabilités, nous avons montré notre ambition écologique et nous avons fait en sorte de pouvoir être un pays leader au niveau européen pour obtenir ces objectifs.

M. Bernard Accoyer. Grâce au nucléaire !

Mme Ségolène Royal, ministre. La deuxième, c’est que nous savons qu’il faut avoir vraiment confiance dans nos industries d’avenir. Disons-nous que ce défi climatique doit nous permettre de déclencher la croissance verte, la création d’emplois et la sortie de crise.

La troisième, c’est notre responsabilité à l’égard des pays qui subissent le plus durement le réchauffement climatique. Comme le disait Ban Ki-moon, au sommet de New York pour le climat, l’Europe est très attendue parce que, de l’accord qui sortira demain, dépendra la possibilité d’un nouveau souffle et d’un nouvel espoir pour obtenir, à Paris aussi, des engagements concrets et opérationnels. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Politique européenne de défense

M. le président. La parole est à M. Axel Poniatowski, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Axel Poniatowski. Ma question s’adresse à M. le ministre de la défense.

Mois après mois, nous sommes nombreux dans cet hémicycle à vous interpeller, ainsi que le Gouvernement et les autres pays d’Europe, à propos de l’absolue nécessité d’une véritable politique européenne de la défense.

Nous avons longtemps envisagé cette politique européenne de défense comme un moyen nécessaire pour renforcer la politique étrangère européenne. C’est toujours le cas aujourd’hui, mais elle paraît indispensable pour de nombreuses autres raisons. Le fondamentalisme se développe dans le monde entier : en Afghanistan, au Proche et au Moyen-Orient, dans le Sahel, en Afrique subsaharienne, dans le golfe Persique, dans la Corne de l’Afrique, et désormais dans l’Asie du Sud-Est. Ce fondamentalisme est aux portes de l’Europe : il représente une menace pour notre sécurité.

Jusqu’à présent, la plupart des pays de l’Union européenne ont refusé de consacrer les moyens budgétaires appropriés à une telle politique de défense. Pour assurer leur protection, ils se sont abrités sous le parapluie américain, sous le parapluie de l’OTAN. Mais l’OTAN n’est pas l’organisation appropriée pour faire face au terrorisme : les atermoiements de la Turquie dans la lutte contre l’État islamique en Irak et au Levant en fournissent tristement – et cyniquement – la preuve.

En guise de prise de conscience, les budgets de la défense des pays européens – y compris celui de la France – continuent à se réduire comme peau de chagrin. Cette attitude est irresponsable.

Monsieur le ministre, ce dont l’Europe a besoin pour être écoutée, influente et puissante, ce dont elle a besoin tout simplement pour se protéger, c’est d’une force européenne de projection pour les opérations extérieures de 50 000 à 100 000 hommes, dotée des équipements appropriés. Ma question est donc simple : quelles initiatives entendez-vous prendre en ce sens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur certains bancs des groupes UDI et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le député, je partage assez largement votre analyse. La construction de l’Europe de la défense est un chantier au long cours.

Je voudrais toutefois vous faire observer que, sur l’initiative de Laurent Fabius et de moi-même, le Conseil européen de décembre dernier a mis à l’ordre du jour les questions de défense et de sécurité, pour la première fois depuis cinq ans et la deuxième fois depuis dix ans. Vous me direz qu’il était temps ; quoi qu’il en soit, c’est arrivé.

M. Claude Goasguen. Pour quel résultat ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Vous avez parlé, monsieur le député, d’une force européenne d’intervention rapide. Le Conseil européen a fixé un certain nombre d’axes de travail dans le domaine opérationnel, afin de rendre les groupements tactiques européens mobilisables plus rapidement, et afin de renforcer l’interopérabilité des forces.

M. Pierre Lellouche. Cela n’existe pas !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Le Conseil européen a aussi décidé de renforcer la mutualisation capacitaire – en particulier dans le domaine des drones, du ravitaillement en vol et du transport tactique – et de renforcer l’Agence européenne de défense. Il a également décidé de renforcer la coopération industrielle en matière de défense ;…

M. Pierre Lellouche. Laquelle ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. …c’est tout particulièrement le cas de la coopération franco-allemande dans le domaine de l’armement terrestre. Des avancées ont donc été accomplies ; la plus importante d’entre elles est que le Conseil européen a décidé de parler de ces questions tous les ans. La prochaine rencontre sur ce sujet aura lieu en juin prochain.

Il est vrai qu’un long chemin reste encore à parcourir. Il n’y a pas, à l’heure actuelle, d’autorité politique européenne capable de décider d’intervenir en premier sur un théâtre d’opération. Malgré cela, des progrès sont accomplis ; d’autres seront encore réalisés. Vous savez aussi que des progrès ont été enregistrés, en matière de coopération européenne, au sujet de différentes interventions de la France en Afrique.

Quoi qu’il en soit, sur les enjeux fondamentaux, il importe que la France poursuive ses efforts. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)

Paquet climat-énergie

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Arnaud Richard. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Le Conseil européen va se pencher sur le nouveau cadre d’action en matière de climat et d’énergie. Le groupe UDI s’interroge sur la place de la France dans ces négociations. La France a un rôle prépondérant à jouer : tous, dans cet hémicycle, nous en sommes convaincus.

La France, madame la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, a l’ardente obligation de continuer à être volontariste sur ce sujet.

En 2008, grâce au Grenelle de l’environnement, la France était en position de force : elle exerçait un véritable leadership qui a permis d’adopter le premier paquet climat-énergie. Aujourd’hui, on ne peut pas dire que le débat sur la transition énergétique nous place dans une pareille position de force.

Nous sommes évidemment favorables au deuxième paquet climat-énergie, qui fixe de nouveaux objectifs à l’horizon 2030. Mais, madame la ministre, la teneur de votre réponse à nos collègues du groupe écologiste me conduit à douter du volontarisme du Gouvernement. Peut-être M. le Premier ministre pourra-t-il me rassurer sur ce point.

Ne le prenez pas mal, madame la ministre, mais j’ai l’impression que la maison continue à brûler et que vous êtes en train de sortir la toile de tente ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Manifestement, le volontarisme n’est pas là. Pourtant, nous espérons tous que vous serez capables de convaincre nos partenaires européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

M. Yves Fromion. Et de la toile de tente !

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le député, je vous remercie pour votre question, qui me donne l’occasion de préciser la réponse que j’ai faite tout à l’heure à M. François-Michel Lambert.

Je salue tout d’abord l’abstention de votre groupe lors du vote sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte : qui ne dit mot consent ! Je considère donc que vous avez apporté votre soutien au Gouvernement et à la majorité qui s’est engagée avec détermination. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Dénégations sur les bancs du groupe UDI.)

En effet, la France se bat. Elle se bat grâce à l’Assemblée nationale, qui a voté le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, que la Commission européenne a qualifié de texte le plus en avance au niveau européen, car il englobe tous les sujets, de l’efficacité énergétique jusqu’à la transparence démocratique, en passant par les énergies renouvelables, l’économie circulaire et la montée en puissance du mix énergétique.

Nous allons soutenir, premièrement, un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % ; deuxièmement, un objectif de 30 % d’efficacité énergétique ; troisièmement, un objectif de 27 % d’énergies renouvelables. Je vous rappelle que l’Assemblée nationale a voté un objectif de 32 % d’énergies renouvelables, mais nous pensons que le niveau de 27 % représente un juste compromis pour l’ensemble des pays européens.

L’accord n’est pas gagné : nous ne savons pas si ces objectifs seront adoptés. Cela se décidera demain et après-demain. Comme je l’ai dit tout à l’heure, beaucoup de pays rencontrent des difficultés dans leur politique énergétique. Certains ont même rouvert des mines de charbon ; d’autres ont des difficultés pour investir dans les énergies renouvelables. Je pense néanmoins que l’ensemble des chefs d’État et de gouvernement feront preuve de responsabilité, car l’Europe a un message de civilisation à transmettre au reste du monde.

Après la Seconde guerre mondiale, nous avons su faire l’Europe de l’énergie avec la Communauté européenne du charbon et de l’acier, la CECA. Aujourd’hui nous avons le même défi à relever : construire l’Europe de l’énergie du futur, avec la montée en puissance des énergies renouvelables et de la performance énergétique. Je suis convaincue que nous allons réussir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

Politique familiale

M. le président. La parole est à Mme Dominique Nachury, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Dominique Nachury. Monsieur le Premier ministre, grâce à une politique familiale dynamique, la France dispose aujourd’hui de deux atouts majeurs, qui la placent dans une situation privilégiée au regard de ses partenaires européens. D’abord, le dynamisme de son taux de fécondité, qui permet le renouvellement des générations. Avec un taux de fécondité de 1,99 enfant par femme en 2013, en légère baisse par rapport au taux de 2,01 en 2012, la France reste, avec l’Irlande, le pays le plus fécond d’Europe. Ensuite, le taux d’activité des femmes : avec un taux de 67 % en 2013, la France figure parmi les bons élèves européens et se situe au-dessus de la moyenne de l’Union européenne. Nous pouvons tous nous en féliciter.

Ces atouts soulignent le bien-fondé de notre politique familiale, dont les résultats sont enviés par nos partenaires européens. C’est le fruit d’un consensus qui prévaut depuis le Conseil national de la Résistance. C’est une des politiques publiques les plus efficaces.

Or, depuis 2012, vous avez choisi de remettre en cause notre politique familiale, avec des mesures successives touchant matériellement et symboliquement un grand nombre de familles. D’abord le quotient familial, puis la fiscalisation des majorations de retraites au-dessus de trois enfants, la remise en cause de la prestation d’accueil du jeune enfant et du congé parental, et maintenant la modulation des allocations familiales.

Monsieur le Premier ministre, alors que nos voisins européens cherchent à rénover leurs politiques familiales et envient nos bons résultats, avez-vous conscience que vos mesures d’économies sur le dos des familles risquent de remettre en cause nos atouts ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Madame la députée, puisque vous voulez parler Europe, parlons Europe !

Plusieurs députés du groupe UMP. Oui !

Mme Marisol Touraine, ministre. Il ne suffit pas de constater que la France a l’un des meilleurs taux de natalité du continent européen, il s’agit de se demander pourquoi. Vous avez raison de souligner que nos voisins nous envient. Ils nous demandent à quoi tient la force de la natalité française. Et que nous demandent-ils ? (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Vous n’y êtes pas pour grand-chose !

Mme Bérengère Poletti. N’y touchez pas, alors !

M. le président. S’il vous plaît !

Mme Marisol Touraine, ministre. Comment font les femmes françaises pour travailler et avoir des enfants ? La réponse est que nous mettons en place une politique familiale active qui repose, non pas uniquement sur des prestations, mais aussi sur des crèches, des assistantes maternelles, une école maternelle. C’est cela, la politique familiale de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marcel Rogemont. Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est un modèle de prestations et d’allocations universelles, madame la députée. Allocations universelles aujourd’hui, allocations universelles demain ! (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est faux !

Mme Marisol Touraine, ministre. En effet, toutes les familles qui ont aujourd’hui des allocations familiales continueront d’en avoir. Mais puisque nous devons faire des économies, il est juste, madame la députée, qu’une famille qui touche 7 000, 8 000, 9 000 euros ou plus reçoive moins d’allocations qu’une famille qui a 4 000 ou 5 000 euros de revenus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Paul Bacquet. Bien dit !

Mme Marisol Touraine, ministre. Cela, c’est la justice ! Mais la justice, c’est aussi de permettre à toutes les familles, à tous les hommes et à toutes les femmes de faire garder leurs enfants pour avoir un projet professionnel. C’est cela, la force du modèle familial français. C’est cela, la force du modèle social français. Nous en sommes fiers et nous le présentons en exemple à l’échelle européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Laure de La Raudière. Vous le cassez, au contraire !

Lutte contre la fraude fiscale

M. le président. La parole est à Mme Françoise Imbert, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Françoise Imbert. Monsieur le ministre des finances et des comptes publics, depuis 2012, la France mène une lutte acharnée contre toutes les formes de fraude. La fraude fiscale, parce qu’elle menace l’essence même du contrat social, est au cœur de nos attentions. Pour 2014, 1,8 milliard d’euros de recettes vont être générés par le durcissement de la lutte contre l’évasion et par les régularisations fiscales. Ces recettes, notre majorité a décidé de les consacrer à la baisse de l’impôt sur le revenu de neuf millions de ménages.

Deux lois du 6 décembre 2013, celle relative à la fraude fiscale et à la grande délinquance économique et financière et celle relative au procureur de la République financier, ont été de puissants leviers pour atteindre ces objectifs.

Chers collègues, fraude de riches contribuables tentés par l’évasion, fraude de multinationales pratiquant une optimisation fiscale abusive, lutte contre les paradis fiscaux, la gauche a placé ces thèmes majeurs au cœur de l’agenda national mais aussi international. Conseil européen, conseil ECOFIN, G8, G20, la France est le porte-parole inlassable de la régulation et de la justice. Nous tenons à saluer cette constance et les succès qui l’accompagnent.

En effet, la semaine dernière, une nouvelle avancée considérable a été obtenue. Lors du dernier conseil ECOFIN, les vingt-huit ministres européens des finances sont parvenus à un accord pour pratiquer l’échange automatique d’informations. Cet accord devrait entrer en vigueur en 2017. Très concrètement, cela signifie que le secret bancaire n’aura plus cours sur le territoire européen.

Monsieur le ministre, en quoi ces avancées constituent-elles un progrès, quelles avancées concrètes pourrons-nous en retirer, et impliquent-elles de modifier notre droit interne pour rendre notre législation plus efficace ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Merci, madame la députée, d’attirer notre attention et celle de l’ensemble de l’Assemblée sur ces combats déterminants. En Europe, tous les citoyens sont sollicités pour payer des impôts et les budgets de tous les pays peinent à atteindre l’équilibre. Dans ce contexte, la fraude, qui était déjà moralement insupportable, est aujourd’hui ce que nous devons combattre avec le plus de détermination et d’efficacité.

M. Éric Alauzet. Très bien !

M. Michel Sapin, ministre. La France et l’Europe le font. L’Allemagne est très déterminée à agir avec nous dans ce domaine. Nous portons cette parole au niveau européen, mais aussi au niveau mondial, parce que nous savons bien que nous ne pouvons lutter contre la grande fraude fiscale, celle des personnes comme celle des sociétés, qu’en établissant des échanges confiants entre les pays, les administrations, les services judiciaires qui poursuivent ces fraudeurs.

Aujourd’hui, nous nous heurtons à l’obstacle du secret bancaire, que vous avez évoqué. Mesdames et messieurs les députés, oui, le secret bancaire, ce sera terminé en 2017, parce que nous sommes en train de gagner ce combat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

En effet, l’échange automatique d’informations servira de guide à toutes les administrations d’Europe et à la plupart des administrations du monde pour lutter contre cette grande fraude fiscale.

Mais il faut aussi agir contre ce qu’on appelle l’optimisation fiscale des grandes sociétés internationales, parfois virtuelles – enfin, virtuelles dans leur fonctionnement, mais pas virtuelles dans leurs résultats. Elles ont de gros bénéfices mais ne paient des impôts nulle part, parce qu’elles utilisent un certain nombre de failles fiscales.

Cette lutte contre l’optimisation fiscale, c’est le deuxième combat que nous portons en Europe, avec une très forte coopération entre les pays, et au niveau mondial. Je suis persuadé qu’au G20 de Brisbane, dans quelques semaines, nous obtiendrons aussi une avancée considérable qui nous permettra de lutter contre ce type de fraude fiscale insupportable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Contrôle des flux migratoires

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Étienne Blanc. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Pas une semaine, pas même une journée ne se passe sans que les grands médias européens et français ne nous montrent des images des drames humains qui se déroulent aux frontières de l’Union européenne.

Les faits se déroulent à Lampedusa, sur la frontière entre le Maroc et l’Espagne, ou en mer de Libye. Mais ces drames ont aussi lieu en France, particulièrement à Calais. Depuis le 1er janvier 2014, le nombre de clandestins dans cette région a été multiplié par quatre. On estime aujourd’hui à 1 500 le nombre de clandestins qui se trouvent dans l’agglomération du grand Calais.

Trois rixes ont, cette semaine, entraîné des violences graves. Les forces de l’ordre ont de la peine à y faire face. Elles s’alarment, en tout cas, et vous apostrophent directement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés des groupes SRC et GDR. Sangatte !

M. Étienne Blanc. Monsieur le Premier ministre, cette situation résulte évidemment de problèmes liés à l’instabilité politique de l’Afrique. Mais elles résultent aussi des règles de droit qui régissent l’immigration en Europe : je veux parler, d’abord, des accords de Schengen.

Ma question est assez simple : face ces drames contraires à l’image que l’Europe veut donner d’elle-même en matière de solidarité et de droit des personnes, quelles propositions la France peut-elle formuler pour faire évoluer les accords de Schengen et permettre d’apporter des réponses plus solides à un meilleur contrôle des flux migratoires ?

À travers Schengen, quels moyens la France peut-elle mettre en place, avec les pays européens qui sont nos partenaires, pour mieux contrôler les frontières de l’Europe ? (Applaudissement sur les bancs du groupe UMP).

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Monsieur le député, la situation que vous avez décrite est effectivement celle que nous connaissons. Votre question porte sur la nécessité de bâtir, aujourd’hui, une véritable politique d’immigration commune en Europe.

Elle doit porter à la fois sur le contrôle de nos frontières, sur la lutte contre les filières d’immigration clandestine ainsi que contre les réseaux, y compris dans les pays de provenance et de transit, mais aussi sur notre capacité à apporter la stabilité aux pays d’origine.

Je voudrais, en premier lieu, rappeler qu’une réforme de Schengen a été adoptée en juin 2013, permettant de renforcer certaines règles comme le mécanisme d’évaluation, ou encore de réintroduire, dans des circonstances exceptionnelles, des contrôles temporaires aux frontières intérieures.

Schengen nous permet, par la coopération, de mieux contrôler, ensemble, les entrées sur le territoire européen. Mais cela ne nous interdit pas, s’il y a des failles, de rétablir temporairement les frontières intérieures.

M. Claude Goasguen. Il y en a, des failles !

M. Pierre Lellouche. On ne contrôle plus rien !

M. Harlem Désir, secrétaire d’État. En second lieu, il nous appartient de nous assurer que ces règles sont effectivement appliquées par tous les États membres de l’espace Schengen.

Sur ce sujet, le Gouvernement est à l’initiative. Bernard Cazeneuve, vous le savez, a, au nom de la France, et en lien avec les autres ministres de l’intérieur européens, pris l’initiative de faire adopter un plan d’action global pour mieux gérer les flux migratoires.

Dans l’immédiat, il a été décidé lors du dernier conseil justice et affaires intérieures, qu’une opération FRONTEX renforcée, dénommée Triton, se substituera, dès le mois de novembre, à l’opération italienne Mare nostrum.

Il s’agira d’une opération de contrôle des frontières extérieures de l’Union, ce qui ne veut pas dire, d’ailleurs, qu’elle se déroulera sans appliquer le droit de la mer et sans sauver des naufragés, si cela devait advenir.

Aujourd’hui, un pays ne peut, seul, assurer la surveillance de ces frontières en Méditerranée.

Enfin, nous mettrons en œuvre, intégralement et de façon cohérente, le régime européen commun d’asile, c’est-à-dire que l’arrivée des migrants sur le territoire européen doit être assurée et contrôlée. (Applaudissements sur certains bancs du groupe SRC.)

Garantie jeunes

M. le président. La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Marietta Karamanli. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Les jeunes sont aujourd’hui, en Europe, les premières victimes de la crise : en mars 2014, on comptait plus de 5 millions de jeunes européens sans emploi. Partout dans l’Union européenne, le taux de chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans demeure très élevé. Il est généralement deux fois supérieur à celui des adultes.

L’Union européenne a proposé, il y a quelques mois, des mesures pour aider les États membres à lutter contre l’exclusion sociale des jeunes, en proposant à ceux-ci des offres d’emploi, de formation ou d’enseignement.

La garantie jeunes vise à donner à chaque jeune, dans les quatre mois suivant sa sortie du système scolaire ou la perte de son emploi, une offre de qualité lui permettant de trouver un travail, de suivre une formation ou de reprendre des études. Il s’agit notamment de lutter contre le phénomène de l’exclusion de ceux qui se trouvent sans emploi, sans formation et qui ne suivent pas d’études.

En 2013, à la demande de notre gouvernement, il a été décidé qu’un crédit spécial pour l’emploi des jeunes, de 6 milliards d’euros, serait affecté à ce projet.

Aujourd’hui, il semble que peu d’États membres aient transmis leur projet à l’Union européenne, et que les fonds ne soient pas encore partout mobilisés. Pourtant, un New Deal pour les jeunes s’avère indispensable pour sortir cette génération de la crise.

Monsieur le ministre, quels sont donc aujourd’hui les moyens budgétaires et financiers mobilisés et mobilisables pour la mise en œuvre effective de cette garantie ? Quelles sont également les principales initiatives qu’entend prendre notre pays en vue de mobiliser les États ainsi que la Commission pour aller plus loin et plus vite en faveur de l’insertion des jeunes dans l’emploi, dans la formation professionnelle ou dans l’enseignement ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la députée, comme vous l’avez rappelé, le Conseil européen a adopté il y a un an et demi la garantie européenne pour la jeunesse.

Depuis, tous les États se sont mis en ordre de marche pour apporter des solutions dans la lutte contre le chômage des jeunes et faciliter leur insertion professionnelle. Cela concerne près de 5,5 millions de jeunes en Europe.

La garantie européenne est aujourd’hui une réalité. Mais, vous l’avez évoqué, il demeure un véritable problème que nous avons reconnu collectivement : il s’agit du financement à travers le fonds affecté à l’initiative pour l’emploi des jeunes.

Pour cette raison, nous avons, avec ma collègue allemande, Andrea Nahles, pris l’initiative de faire, lors du dernier conseil des ministres chargés de l’emploi, avec l’ancienne Commission et la nouvelle, un certain nombre de propositions visant à lever les obstacles relatifs au financement.

Ces propositions ont fait l’objet d’un large consensus ; elles seront reprises très prochainement, comme me l’a confirmé la nouvelle commissaire, Marianne Thyssen. De même, elle m’a assuré de son engagement sur le sujet. La France a été, je voudrais le rappeler, le premier pays à mettre en œuvre la garantie jeunes.

En termes financiers, cela représente pour notre pays un effort de l’ordre de 620 millions d’euros. Seize régions françaises, celles où le chômage des moins de vingt-cinq ans est supérieur à 25 %, sont concernées. Ces fonds financeront notamment, et ce dès l’année prochaine, la garantie jeunes à hauteur de 75 millions d’euros ; 25 000 jeunes pourront ainsi en bénéficier.

Pour démontrer à nos partenaires européens l’intérêt d’investir dans la jeunesse, il faut faire des propositions. J’ai donc invité la nouvelle commissaire à venir voir, concrètement, comment le dispositif fonctionne en France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Yves Fromion. Elle ne va pas être déçue !

Relations avec la Russie

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Mignon, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Claude Mignon. La semaine dernière, monsieur le Premier ministre, s’est tenu à Milan un sommet qui aurait dû être important puisqu’il devait privilégier le dialogue entre l’Europe et l’Asie. Une fois de plus, c’est le dossier russo-ukrainien qui était sous les feux des projecteurs, et nous aimerions savoir quelles conclusions vous tirez de ce sommet.

Nous sommes en quelque sorte englués dans ce problème avec la Russie. Nous ne pouvons pas nier les responsabilités des uns et des autres, celles de la France, bien sûr, mais celles, surtout, de l’Union européenne.

Je ne reviendrai pas sur les négociations particulièrement calamiteuses qui ont été menées par l’ancien commissaire européen pour tenter de faire signer des accords d’association avec un certain nombre de pays dans le cadre de la politique de voisinage et d’agrandissement de l’Union européenne. Vous savez ce qu’il est malheureusement advenu de ces accords et nous sommes aujourd’hui confrontés à cette crise grave à propos de l’Ukraine.

Nous n’avons pas vocation, je pense, à nous fâcher éternellement avec nos amis russes – je dis bien : avec nos amis russes –, surtout à une époque où nous célébrons le centième anniversaire de la Grande Guerre. Je trouve personnellement inadmissible, monsieur le président de l’Assemblée nationale, que l’on ne puisse pas accueillir ici ou dans la commission des affaires étrangères M. Sergueï Narychkine, le président de la Douma.

La France a un grand rôle à jouer, monsieur le Premier ministre. Nous sommes un acteur privilégié dans les relations avec les Russes et, si quelqu’un peut faire quelque chose, c’est bien la France.

C’est aussi la première fois cette année depuis que votre prédécesseur, monsieur le président, M. Philippe Séguin, a créé la grande commission interparlementaire franco-russe, que nous n’allons pas pouvoir nous réunir avec nos amis russes alors que le dialogue est véritablement indispensable.

Monsieur le Premier ministre, je compte sur vous, nous comptons sur la France. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Monsieur le député, je sais le grand rôle que vous avez joué pour les relations entre l’Europe et la Russie au Conseil de l’Europe et celui que vous continuez à jouer.

Depuis le début de la crise ukrainienne, la France a une position : dialogue et fermeté.

Le dialogue, nous l’avons lancé le 6 juin en Normandie. Il s’est prolongé au début de septembre avec la signature de l’accord de Minsk le 5 septembre, prolongé le 19 septembre par un mémorandum, qui prévoit notamment un cessez-le-feu, qui est pour l’essentiel respecté. Des élections législatives auront lieu dans quelques jours en Ukraine. Un statut particulier transitoire pour les territoires sous le contrôle des séparatistes a été voté. Les grandes lignes de cet accord Russie-Ukraine-Union européenne sont respectées, sous l’égide de l’OSCE. Un accord sur le gaz est également en train de voir le jour.

Néanmoins, les réunions du sommet de Milan, au cours desquelles le Président de la République et le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, ont pu rencontrer à la fois le Président Poutine et le Président Porochenko, ont montré la nécessité de rester ferme et vigilant.

Il faut d’abord vérifier que chacun tient ses engagements. La France, avec l’Allemagne, a proposé de déployer des drones d’observation pour mettre en œuvre cette mission de l’OSCE. Ensuite, si, comme nous l’espérons, la désescalade se poursuit, nous devrons, avec nos partenaires européens, réfléchir aux moyens de l’accompagner, y compris en agissant sur les sanctions. À plus long terme, il faudra aussi redéfinir les relations que nous, Français et Européens, devons avoir avec la Russie.

L’Ukraine a été un terrain de confrontation. Notre objectif est que, demain, elle devienne un terrain de coopération. L’objectif de la diplomatie française, c’est de faire respecter l’intégrité territoriale de l’Ukraine, de faire en sorte que se rétablissent des relations de voisinage normales entre l’Ukraine et la Russie, mais aussi des relations de voisinage normales et de partenariat entre la Russie et l’Union européenne.

Croissance dans la zone euro

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Jean-Christophe Fromantin. Monsieur le Premier ministre, vous évoquiez tout à l’heure ce sujet européen. Le fait que la France risque de tomber l’année prochaine dans la récession nous inquiète bien entendu tous. Nous sommes convaincus également que c’est dans le cadre d’un pacte et d’une dynamique franco-allemande que nous pourrons réamorcer une perspective de croissance.

Quatre leviers le permettraient, et, puisque les ministres de l’économie et des finances étaient en Allemagne au début de la semaine, il serait intéressant de bien comprendre quels leviers on peut activer avec nos partenaires allemands.

Il y a la politique monétaire, mais il semble que, de ce point de vue, il y ait un désaccord sur la politique à tenir.

Il y a l’injection de liquidités, comme cela a été fait récemment. Il semble qu’il y ait aussi un désaccord avec l’Allemagne sur la pérennité de ce type de dispositif.

Il y a la politique budgétaire, et nous sommes obligés de constater un désaccord sur ce point entre la France et l’Allemagne.

Reste donc l’investissement, mais j’ai besoin d’être rassuré, comme un grand nombre de mes collègues, je pense, car j’ai l’impression qu’il y a un quiproquo, la France proposant de l’investissement public et l’Allemagne nous répondant en parlant d’investissement privé. L’Allemagne refuse d’investir 50 milliards, il y aura au plus 13 milliards, c’est une nouvelle règle constitutionnelle, ce qui contribue à peine à hauteur de 0,05 % à la croissance française.

Il y a donc un doute et, je souhaiterais que vous nous donniez quelques détails sur ce que sont ces fameux leviers de relance franco-allemands. À lire ce qu’il est ressorti de la presse, honnêtement, je ne vois pas aujourd’hui de vrais effets de relance avec nos partenaires allemands. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Je vous remercie, monsieur le député, pour la question constructive que vous posez.

Nous sommes tous préoccupés, et c’est ce qui devrait nous rassembler, par la situation de la zone euro. Si nous voulons qu’elle retrouve une croissance suffisante dans un monde dont la croissance est plus forte que la nôtre mais qui s’interroge cependant sur son caractère durable, la France et l’Allemagne doivent travailler ensemble, pas seulement pour des raisons liées à l’histoire, parce que nous serions la France et l’Allemagne, mais pour des raisons extrêmement concrètes. La France et l’Allemagne représentent plus de 50 % de la production, de la richesse, allais-je dire, de cette zone euro, nous devons donc agir ensemble. Cela ne veut pas dire que les uns doivent donner des ordres aux autres. Chacun doit faire chez lui ce qu’il est nécessaire de faire pour que l’Allemagne aille mieux et que la France aille mieux, mais nous pouvons agir ensemble pour que les leviers que vous venez de décrire avec une grande pertinence soient activés avec efficacité.

Je ne reviens pas sur la politique monétaire. C’est le rôle de la Banque centrale européenne, la France considère que c’est la bonne politique qui est menée.

Je ne reviens pas sur la politique budgétaire. Il est nécessaire, la France le dit et nous partageons de plus en plus avec l’Allemagne la même préoccupation, de continuer à diminuer nos déficits, mais à un rythme compatible avec la possibilité d’avoir une croissance plus forte.

Enfin, il y a l’investissement. Cette question est décisive parce que l’investissement stimule immédiatement la demande, ce qui se traduit par plus de travail pour nos entreprises, et parce qu’il donne en même temps à nos économies la possibilité de se développer davantage si l’on investit dans les infrastructures de transport, les infrastructures énergétiques, les infrastructures virtuelles, la recherche et le développement, investissement lui aussi absolument nécessaire.

Il n’y a pas, d’un côté, l’investissement privé et, de l’autre, l’investissement public. Nous progressons ensemble. Les Allemands aussi ont besoin d’investissements publics et nous avons besoin, nous, de plus d’investissements privés. C’est ainsi que nous progressons et c’est ainsi que nous serons efficaces, Allemagne et France ensemble, pour une Europe plus forte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Épidémie d’Ebola

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Pierre Lellouche. Ma question s’adressait au Premier ministre, qui malheureusement vient de partir. Elle concerne un sujet grave : l’épidémie d’Ebola.

Si l’on doit féliciter Médecins sans frontières d’avoir été les premiers à tirer la sonnette d’alarme, on constate avec consternation que l’OMS n’a strictement rien fait entre décembre 2013 et août 2014, soit pendant dix mois.

Entre-temps, l’épidémie s’est développée de façon fulgurante au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée. Compte tenu de la porosité des frontières, elle menace beaucoup d’autres pays africains et même l’Europe. Certaines évaluations parlent de 4 500 morts. Toutefois, les responsables du Center for Disease Control, que j’ai interrogés aux États-Unis, prévoient 1,5 million de morts au début de l’année prochaine, si l’épidémie n’est pas immédiatement stoppée en Afrique. L’Europe doit aider l’Afrique, mais que fait-elle ?

Les ministres des affaires étrangères se sont réunis lundi dernier à Luxembourg et ils ont accouché d’une souris : ce sont à peine 500 millions d’euros qui ont été débloqués et un « M. Ebola » a été nommé. Les Américains ont envoyé des forces militaires pour aider à construire des hôpitaux de campagne au Liberia. Les Anglais en ont fait de même en Sierra Leone. Nous avons commencé à le faire en Guinée. Nous avons également commencé à contrôler la température des passagers à l’arrivée de l’aéroport de Roissy, pour les seuls vols en provenance de Conakry. Tout cela est-il vraiment sérieux ? Alors que nous sommes le premier point de transit d’une grande partie des vols en provenance d’Afrique, sommes-nous sûrs que ces mesures vont suffire ? Quelles sont au juste la politique de la France et la mobilisation européenne ? Pourquoi une telle passivité européenne face à un danger aussi grave ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie.

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie. Monsieur Lellouche, la France est intervenue en Guinée en déployant des moyens matériels – notamment en termes de personnels – et financiers substantiels au cours des dernières semaines. Je me suis également rendue il y a un mois en Guinée, pour exprimer à ce pays la solidarité de la France.

Toutes les analyses faites sur le terrain indiquent, comme vous le disiez, que l’épidémie au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée va connaître un regain d’expansion. Une nouvelle mobilisation européenne est nécessaire ; elle a bel et bien lieu aujourd’hui. Laurent Fabius a pris l’initiative, lors du conseil des affaires étrangères du 20 octobre, de proposer un renforcement de l’action européenne. Vous dites, monsieur Lellouche, que la montagne a accouché d’une souris, mais cela n’est pas vrai. Il était indispensable de nommer un coordinateur européen, afin de coordonner, au niveau national et international, les forces et les moyens européens qui ont été annoncés.

Les Nations unies, l’OMS et les ONG attendaient que l’on instaure un système d’évacuation sanitaire des volontaires internationaux qui œuvrent aujourd’hui dans ces trois pays, car nous avons besoin d’eux. C’est maintenant chose faite ; cela permettra une plus grande mobilisation. Enfin, nous allons mener une analyse de l’ensemble des ressources dont nous avons besoin. Assurément, le défi est important et nous devons, tous ensemble, nous mobiliser pour le relever.

M. Alain Suguenot. Et concrètement ?

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. La France est en pointe sur ces questions. Elle a notamment mobilisé les Allemands, qui pourront l’aider demain s’agissant des centres de traitement en Guinée. La France est mobilisée également à l’intérieur – c’est la mission de Ségolène Royal. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Le Ray. Eh bien ça, c’est une réponse !

Opérations extérieures

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Bleunven, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Luc Bleunven. Ma question s’adresse à M. le ministre de la défense.

Les menaces aux frontières de l’Europe sont nombreuses, à l’est et au sud de l’Union. L’Europe doit aujourd’hui assurer sa propre sécurité. La France apparaît dans ce cadre comme l’aiguillon de la politique de défense de l’Union européenne. Elle agit au Moyen-Orient et en Afrique ; elle joue un rôle de médiateur et de mobilisateur, mais elle ne peut pas tout faire toute seule. Je tiens ici à saluer l’engagement total de nos soldats au Mali, en République centrafricaine, au Liban et en Irak.

Comme le Président de la République et vous-même le soulignez régulièrement, l’engagement de la France sur ces différents théâtres contribue de manière tout à fait essentielle à la sécurité commune de l’Union européenne. Nos modes d’intervention, appuyés sur une coordination internationale et fondés sur nos valeurs et notre histoire, imposent le respect hors de nos frontières. Cela renforce une image de la France que personne ne peut contester, et je souligne d’ailleurs l’union nationale existant autour de ces questions.

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire comment nos partenaires européens sont engagés aux côtés de la France sur les différents théâtres d’opérations, tant au Mali qu’en RCA ou en Irak ? Quelle est leur contribution ? Quelles sont leurs initiatives et leurs implications concrètes ? Par ailleurs, l’un des engagements majeurs du Conseil européen de décembre 2013 était d’améliorer la réactivité de l’Union européenne pour agir face aux crises. À l’heure où nous débattons de notre budget, cet engagement est-il tenu ? On a de fait parfois le sentiment que la solidarité européenne tarde à se concrétiser et qu’il reste beaucoup de chemin à parcourir pour partager le fardeau de la défense. À cet égard, qu’en est-il du mécanisme Athéna de financement des opérations européennes, qui devait évoluer en 2014 ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le député, ma réponse à votre question viendra compléter celle que j’ai faite tout à l’heure à Axel Poniatowski sur le même sujet – je ne reviendrai donc pas sur les orientations du Conseil européen de décembre dernier.

Il est vrai que les situations de risque auxquelles nous sommes confrontés, la gravité des situations sur différents théâtres en Afrique et au Moyen-Orient ainsi que la pression des menaces permettent – à toute chose malheur est bon – de renforcer la nécessité de construire progressivement l’Europe de la défense.

Pour vous répondre plus concrètement, par exemple, au Mali, aujourd’hui, pour la formation de l’armée malienne, c’est l’Union européenne qui est à l’ouvrage. Il n’y a, sur les 500 militaires européens représentant vingt nations qui contribuent à la reconstruction de l’armée malienne, que 10 % de Français et le général est espagnol. De la même manière, en République centrafricaine, en ce moment même, les forces de l’EUFOR contribuent à la sécurité dans Bangui. Au large de la Corne de l’Afrique, l’Union européenne a diligenté une mission nommée Atalante, qui permet d’assurer la sécurité des trafics. Il y a donc des avancées, même si elles ne sont pas suffisantes.

Pour conclure, je voudrais offrir deux éléments à notre réflexion. Tout d’abord, s’agissant du financement du mécanisme Athéna, il n’est pas logique que seulement 10 % des frais engagés par les États intervenants soient couverts par l’Union européenne : cela n’est pas incitatif et ce doit être changé. Par ailleurs, il sera nécessaire de former demain la nouvelle armée de la République centrafricaine et je pense que l’Europe sera au rendez-vous. Vous voyez, monsieur Bleunven, l’Europe avance ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Sandrine Mazetier.)

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

2

Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 (nos 2252, 2303, 2298).

La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, madame la présidente et monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les députés, je souhaite dire quelques mots en réponse aux intervenants de la discussion générale d’hier soir.

Je tiens tout d’abord à saluer la qualité des interventions de l’ensemble des parlementaires. Nous aurons évidemment l’occasion de revenir sur la plupart des sujets évoqués hier au cours de la discussion qui aura lieu ces prochains jours ; je ne m’y attarderai donc pas.

Je regrette néanmoins les approximations et contestations de certains députés de l’opposition – M. Robinet, notamment – à propos du tiers payant. Je ne doute pas que nous y reviendrons longuement dans la suite de nos débats. Permettez-moi cependant de rappeler que la facilité de l’accès aux soins constitue un enjeu majeur pour nos concitoyens. Contrairement à ce que vous avez l’air de penser, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, les Français ne vont pas chez le médecin comme ils vont au marché ; ils y vont parce qu’ils ont besoin de se faire soigner.

Nous aurons l’occasion de revenir sur plusieurs des avancées que vous avez vous-mêmes mises en avant. Je ne m’attarderai pas non plus sur la politique familiale qui, j’en suis convaincue, polarisera le débat au cours des prochaines heures.

Je souhaite répondre à des questions précises qui m’ont été posées par Mme la présidente de la commission des affaires sociales et dont je ne suis pas certaine qu’elles reviendront dans le débat au cours des prochaines journées.

Vous m’avez d’abord interrogée sur la Mutuelle des étudiants, la LMDE, madame la présidente, et plus particulièrement sur l’accès au remboursement et sur les services rendus par cette mutuelle. Vous êtes nombreux sur ces bancs à constater que les étudiants ne sont pas les mieux servis en termes de qualité de prise en charge administrative, un constat que la LMDE partage elle aussi.

Nous avons engagé voilà un an et demi des discussions avec la Mutuelle des étudiants et l’ensemble de ses partenaires qui nous ont permis de cerner deux enjeux : d’une part, l’amélioration du service rendu, et, d’autre part, les questions financières.

Nous avions alors deux options, le statu quo ayant été unanimement écarté ; je tiens à le dire, madame la présidente de la commission. La première option, qui a finalement été retenue, était d’adosser la LMDE à la Mutuelle générale de l’éducation nationale. L’autre option était l’adossement au régime général de la Sécurité sociale. Nous avons donc engagé avec la Mutuelle générale de l’éducation nationale un processus permettant d’adosser, de stabiliser, de renforcer la situation de la Mutuelle des étudiants.

Aujourd’hui, compte tenu des préoccupations exprimées par plusieurs acteurs, nous nous interrogeons sur l’opportunité de poursuivre dans cette voie. Nous sommes donc actuellement en discussion avec la Mutuelle des étudiants, la Mutuelle générale de l’éducation nationale et l’Autorité de contrôle provisoirement chargée de l’administration de la LMDE pour déterminer à quelles conditions nous pouvons continuer dans la même voie et établir si nous devons plutôt envisager l’adossement au régime général de la Sécurité sociale.

Concernant l’expérimentation sur la dispensation à l’unité, effectuée dans une centaine d’officines depuis un mois, vous vous êtes demandé, madame la présidente de la commission, si un tel échantillon était suffisant et si une généralisation de la mesure était envisageable au vu des résultats.

Cette expérimentation réalisée dans quatre régions fait l’objet de règles extrêmement précises, et d’ici un an, l’INSERM en évaluera les résultats dans des conditions très strictes. Nous considérons, avec cet institut, disposer de la base nécessaire et suffisante pour déterminer les conditions dans lesquelles nous pourrons procéder, dans un an, à la généralisation du dispositif.

Enfin, s’agissant des séjours en soins urgents, le projet de loi prévoit d’en rationaliser le financement en faisant revenir dans le droit commun les règles de tarification de ces séjours.

L’impact pouvant en résulter pour quelques établissements pourra être compensé, si le besoin s’en fait sentir, par une augmentation des crédits des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation, les crédits MIGAC. Cela devra toutefois faire l’objet d’une appréciation au cas par cas.

Telles sont, madame la présidente de la commission, les précisions que je voulais vous apporter. Les autres questions trouveront leurs réponses au cours du débat.

M. Jean-Patrick Gille. Très bien !

Première partie

Mme la présidente. J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement, en commençant par les dispositions relatives à l’exercice 2013.

Article 1er

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, premier orateur inscrit sur l’article.

M. Guillaume Chevrollier. L’article 1er, dans lequel figurent les tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2013, me permet de souligner deux constantes de la politique de ce gouvernement : le manque de courage et l’incapacité à maîtriser les déficits.

M. Jean-Pierre Vigier. Absolument !

M. Guillaume Chevrollier. Il met en effet en exergue le déficit de la branche vieillesse, d’ailleurs sous-estimé en raison des transferts de charges imposés aux autres branches.

M. Jean-Pierre Vigier. C’est vrai !

M. Guillaume Chevrollier. Ces chiffres témoignent, une fois de plus, combien une vraie réforme des retraites est indispensable, par opposition au simple toilettage auquel vous avez procédé. Ils montrent aussi combien est urgente une vraie réforme des régimes spéciaux. Mais de cela, il n’est toujours pas question.

M. Jean-Pierre Vigier. Absolument !

M. Guillaume Chevrollier. La branche maladie est également déficitaire. Le Gouvernement s’attaque aux médicaments, qui ne représentent pourtant que 15 % des dépenses, mais qu’en est-il de la convergence entre les hôpitaux publics et les hôpitaux privés ?

M. Jean-Pierre Vigier. Très bonne question !

M. Guillaume Chevrollier. De cela, il n’est pas non plus question.

Le secteur de la santé est inquiet, et le projet de loi annoncé ne fait qu’amplifier cette inquiétude légitime. Pourtant, le Gouvernement ne l’entend pas.

En revanche, il entend bien l’aile gauche de ce qui fut sa majorité, ce qui nous vaut le traitement infligé à la branche famille. Il entend tout aussi bien le Parti socialiste, qui a préparé la nouvelle version des amendements relatifs aux allocations familiales.

Or ces amendements sont inadmissibles. Vous allez mettre fin aux principes essentiels de notre système : l’universalité, la solidarité et l’égalité.

M. Jean-Pierre Vigier. Exactement !

M. Guillaume Chevrollier. En modulant les allocations familiales, vous cataloguez les enfants selon les revenus de leurs parents. Mais les familles n’en peuvent plus des attaques que vous menez contre elles !

M. Jean-Pierre Vigier. Eh oui !

M. Guillaume Chevrollier. Elles n’ont aucune visibilité sur leur avenir. Leur seule certitude est qu’à cause de vous, leur pouvoir d’achat est immanquablement en baisse.

M. Alain Chrétien. Ça démarre fort !

M. Jean-Pierre Vigier. Très fort !

M. Guillaume Chevrollier. Les familles sont lasses de servir de vaches à lait pour un gouvernement incapable de réaliser les réformes qui s’imposent.

M. Jean-Pierre Vigier. Eh oui !

M. Guillaume Chevrollier. Depuis votre arrivée, ce ne sont en effet pas moins de 4,5 milliards d’euros qui ont été prélevés sur les familles de France. (Applaudissements sur les bancs de l’UMP.)

M. Jean-Pierre Vigier. Bravo !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Tout cela n’a rien à voir avec l’article !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Comme l’a dit Guillaume Chevrollier, avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, vous faites le choix de la facilité, celui de laisser filer la dépense et de repousser à plus tard – ou à jamais – le redressement des comptes sociaux.

Aucune des trois branches de la Sécurité sociale n’est à l’équilibre cette année. L’ensemble des branches a accumulé une dette cumulée de 157 milliards d’euros. Je ne vous ferai pas l’injure de rappeler, monsieur le secrétaire d’État, qu’en Allemagne, les comptes sociaux sont équilibrés.

Cette année, notre régime général de sécurité sociale enregistre un déficit supplémentaire de 11,7 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent les 15,4 milliards d’euros de déficit du Fonds de solidarité vieillesse.

Hier, en commission, Bérengère Poletti comparait le budget de la Sécurité sociale à une « recherche des milliards perdus » – des propos d’ailleurs repris en titre par un journal sérieux, Le Monde –, pointant les difficultés du Gouvernement à préciser le détail des économies réalisées. À ce sujet, nos comptes ne correspondent pas aux vôtres, monsieur le secrétaire d’État, puisqu’il manque 9,6 milliards d’euros.

Mme Bérengère Poletti. Tout à fait !

M. Dominique Tian. Lors d’une conférence de presse, vous-même avez convenu qu’il manquait plutôt 4 milliards d’euros. Tout cela manque de précision.

Au moment où nous allons examiner les tableaux d’équilibre, les membres du groupe UMP vous reposent donc officiellement la question : où sont les milliards d’euros perdus, monsieur le secrétaire d’État ? (« Oui, où sont-ils ? » sur les bancs de l’UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Avec 157 milliards d’euros de déficit, ces tableaux sont évidemment éloquents, et les réponses qui seront données dans les heures qui viennent le seront malheureusement tout autant.

Prenons cette branche famille sur laquelle, une fois de plus, on s’acharne, en confondant politique familiale et politique sociale – qui, elle, passe par l’impôt et la redistribution.

Nous l’avons déjà dit – et nous le redirons, rassurez-vous – : c’est vraiment la double peine pour les familles.

On leur avait promis qu’en contrepartie de la diminution du quotient familial, on ne toucherait pas aux allocations familiales. Mais cette proposition, à laquelle on avait fermé la porte, revient aujourd’hui par la fenêtre.

Faute d’oser remettre le système en question, le Gouvernement se contente de rustines, de bouts de ficelle. C’est pourtant d’une telle remise en question dont nous avons besoin afin de répondre aux vrais enjeux : le vieillissement de la population, le perfectionnement continu des soins, qui entraîne la hausse de leur coût, l’ouverture de nouveaux chantiers tel que celui de la dépendance.

C’est pourquoi je présenterai un peu plus tard un projet de réforme du système prévoyant un seuil minimal de charges sociales. Il faut en effet cesser de ponctionner les familles comme vous le faites et s’attaquer enfin à de vraies réformes. Sinon, je le répète, c’est la double peine.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. L’article 1er de ce PLFSS présente le tableau d’équilibre, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires de base de la Sécurité sociale pour 2013. Le déficit de la Sécurité sociale et du FSV s’établit à 15,4 milliards d’euros, alors que vous l’aviez estimé à 10 milliards d’euros. Est-ce à dire que vos prévisions de croissance étaient erronées ?

Cette année, vous prévoyez un déficit de 10 milliards d’euros. Qui nous dit que ce montant ne sera pas dépassé l’année prochaine ?

Vous vous dites satisfait du respect de l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie. Mais comme vous l’expliquez vous-même dans l’exposé des motifs, ce résultat est obtenu grâce à une sous-exécution de 1,6 milliard d’euros. Une telle sous-consommation de l’ONDAM me semble mériter une explication.

Par ailleurs, je me dois de revenir une nouvelle fois sur le Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés, le FMESPP. Doté de 263 millions d’euros en 2014 et de 280 millions d’euros en 2015, ce fonds est chargé de répondre aux énormes besoins des hôpitaux en matière de modernisation. Mais la dotation pour l’année en cours a été ramenée à 103 millions d’euros. Comment est-il possible que 160 millions d’euros se soient ainsi évaporés ?

J’aimerais comprendre comment, après avoir promis des crédits, on peut ainsi prétendre qu’ils ont été sous-consommés, alors même que, sur le terrain, les besoins des établissements de santé sont bien réels. Que sont devenus ces 160 millions d’euros ? C’est au moins la dixième fois que je pose la question !

Mme Bérengère Poletti. Où sont-ils ?

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour les recettes et l’équilibre général.

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales. Nos collègues de l’opposition interviennent sur l’article 1er, mais sans évoquer son contenu (Exclamations sur les bancs de l’UMP)

M. Bernard Accoyer. Vous n’avez pas écouté Mme Le Callennec !

M. Gérard Bapt, rapporteur. …c’est-à-dire le tableau d’équilibre des régimes de base de la sécurité sociale pour 2013. Je peux le comprendre, sachant qu’ils nous laissé, fin 2011, un déficit de la Sécurité sociale qui, en tenant compte du Fonds de solidarité vieillesse, atteignait 26 milliards d’euros. Or dès la fin de l’année 2013, ce déficit était ramené à 12,5 milliards d’euros, auxquels il faut certes ajouter le déficit du FSV.

Par ailleurs, les mesures de maîtrise médicalisée expliquent la sous-consommation des crédits, madame Le Callennec.

Quant au FMESPP, j’ai déjà indiqué quatre ou cinq fois que la minoration correspondait à des crédits n’ayant pas été engagés par les hôpitaux et qui ne sont donc pas perdus – ils n’ont été annulés que pour une très faible part. En 2015, la dotation du fonds retrouvera donc le niveau correspondant aux engagements pris et aux attentes des établissements. Sur ce point, il n’y a ni chiffre caché ni matière à polémique.

Concernant le déficit, monsieur le secrétaire d’État a indiqué de manière très précise hier soir les économies à faire.

Quant à la branche famille, je pensais que nous étions d’accord pour en débattre lorsque les articles concernés viendront en discussion. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. L’article 1er, surtout intéressant par ses premières pages, appelle une explication.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. On voit que vous êtes un professionnel : vous parlez vraiment de l’article.

M. Jean-Pierre Door. La certification des comptes pour 2013 n’est pas exempte de critiques. On peut dire au Gouvernement : « peut mieux faire ! »

La copie est à revoir, alors que vous aviez promis de rentrer dans le rang. Dans son rapport, M. Bapt admet en effet que la Cour des comptes apporte sa certification sous plusieurs réserves, …

M. Bernard Accoyer. Oh là là !

M. Jean-Pierre Door. …en particulier s’agissant des branches famille et maladie.

Ainsi, concernant l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, quatre réserves sont formulées – contre six en 2012, il est vrai.

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’est un progrès !

M. Jean-Pierre Door. De même, en 2013, la Cour certifie les comptes de la branche maladie et de la Caisse nationale d’assurance maladie, la CNAM, avec respectivement quatre et deux réserves. Enfin, la branche famille voit ses comptes certifiés sous six réserves.

Cela signifie que la Cour certifie les comptes avec réticence. Il y a des réserves partout. Quand rentrerez-vous dans le rang ?

Par ailleurs, en dépit des promesses, et contrairement à ce qu’affirme régulièrement M. le secrétaire d’État, le déficit continue de filer. Qu’il s’agisse du régime de base du FSV ou de la branche maladie, les comptes se dégradent encore en 2013.

Si les dépenses de ville ont été inférieures à ce que prévoyait l’ONDAM, la progression des dépenses hospitalières est compensée par celle des dépenses des cliniques privées. Cela veut dire que des transferts ont été réalisés des établissements privés vers les établissements publics, qui se traduisent par des annulations de crédits. Tout cela s’appelle de la tuyauterie !

Aussi, ma question sur l’article 1er est la suivante : quand pourra-t-on obtenir une certification correcte des comptes de l’assurance maladie ?

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. Je reviendrai sur les équilibres de l’article 1er et la discussion que nous n’avons pas pu avoir hier soir concernant le déficit de la branche famille. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

En 2013, le déficit de la branche famille s’élève à plus de 3 milliards d’euros. Mme la présidente de la commission des affaires sociales a dit en commission – et réaffirmé hier soir en séance publique – que, depuis son arrivée au pouvoir, la gauche avait dépensé deux fois plus pour la famille, …

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Pour aider les gens !

M. Jean-Pierre Barbier. …montrant ainsi son amour de la famille.

Pourtant, le Gouvernement prétend qu’à son arrivée, il a trouvé des comptes catastrophiques.

M. Jean-Patrick Gille. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Barbier. Mais dans ces conditions, et compte tenu du déficit que connaissait cette branche à la fin de l’année 2013, comment a-t-il pu décider de lâcher 2 milliards d’euros pour les familles ? La raison ne commandait-elle pas de ne pas dépenser, de réfléchir à ce qu’il fallait faire plutôt que de revenir dès aujourd’hui sur ce sujet, en se préparant de surcroît à reprendre, en 2015, ce qui a été donné en 2013 et 2014 ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Je souhaite répondre à un certain nombre d’interpellations, pour essayer une fois de plus, de montrer davantage ce qui nous rassemble que ce qui nous divise.

Monsieur Door, quand les comptes de la Sécurité sociale ont-ils été certifiés – avec ou sans réserves – par la Cour des comptes ? C’est la première fois, monsieur Door, que les comptes de l’ensemble des branches sont certifiés ! Auparavant, soit la Cour des comptes a refusé de le faire, soit elle n’a pas été en capacité de le faire – et on se doute pourquoi. Reconnaissez donc qu’il y a des progrès ! Certes, des réserves ont été faites, mais c’est le cas de toutes les certifications – je le sais pour m’être occupé des affaires budgétaires depuis quelques années. Le but est qu’il y ait de moins en moins de réserves, et que de nouvelles n’apparaissent pas. Vous avez noté vous-même que le nombre de réserves a diminué. La France est le seul État de l’Union européenne à faire certifier ses comptes par un organisme indépendant. Cette fois, l’ensemble des comptes sont certifiés, avec des réserves. Lorsque vous dites : « peut mieux faire », je peux l’accepter…

S’agissant des comptes et des déficits, je répéterai ce que je vous ai dit hier, chers collègues – pardon, mesdames et messieurs les députés.

M. Dominique Tian. Cela viendra, c’est une question de semaines ! (Sourires.)

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En 2010, le déficit global était de 27 milliards d’euros. En 2014, il est de 15,4 milliards d’euros. Monsieur Door, pourquoi ne diriez-vous pas, là aussi : « peut mieux faire » ? Bien sûr, nous aimerions faire mieux ! Bien sûr, nous avions espéré faire mieux, et l’avions inscrit dans nos objectifs. Si nous n’avons pas réussi, c’est que la croissance n’a pas été celle qui était prévue et que l’inflation a été beaucoup plus faible qu’escompté.

Tous les gouvernements qui nous ont précédés – chacun, ici, le reconnaîtra – ont posé des chiffres de croissance surestimés.

Mme Isabelle Le Callennec. Il faut que cela change !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est pourquoi, madame, nous retenons un taux de 0,4 % pour 2014 et que nous prévoyons une croissance de 1 % en 2015. Vous taxez ce chiffre de trop élevé, de « ridicule », monsieur Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas ce que nous avons dit !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est pourtant le mot que vous avez utilisé à la tribune, je vous renvoie au compte rendu. C’est donc Mme Lagarde, qui a annoncé 1 % de croissance, que vous insultez ainsi !

M. Bernard Accoyer. Je parle de la croissance pour 2015 !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mme Lagarde a annoncé 1 % de croissance pour la France en 2015, monsieur Accoyer !

M. Bernard Accoyer. Le Haut conseil des finances publiques a dit que c’était optimiste !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. M. Woerth, qui n’est pas d’extrême-gauche, ni même proche de nous politiquement, a estimé lors de l’examen du projet de loi de finances que l’avis du Haut conseil était particulièrement excessif. Je vous renvoie à nouveau au compte rendu. Ce sont ses mots, pas ceux du Gouvernement.

M. Bernard Accoyer. Vous n’écoutez pas le Haut conseil !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Par ailleurs, existe-t-il un seul organisme prévisionnel qui ait prévu, il y a un an, une inflation aussi faible ?

Mme Isabelle Le Callennec. Personne !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement, qui a posé un taux d’inflation particulièrement faible pour 2015, n’a pas de leçon à recevoir.

À ceux qui ont posé la question des économies et de leur détail, je répondrai, en demandant toutefois aux députés qui ont eu la courtoisie de m’écouter lors de la discussion générale, de bien vouloir m’excuser.

M. Dominique Tian. Nous étions là, mais nous n’avons pas tout compris ! Les journalistes du Monde non plus, d’ailleurs…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je vais donc recommencer mon explication. Comment se décomposent les 9,6 milliards d’euros d’économies ?

Tout d’abord, 4 milliards d’euros proviendront de réformes déjà engagées, telles les mesures prises dans le PLFSS pour 2014 concernant la branche famille, qui s’élèvent à près de 600 millions d’euros. Il convient d’y ajouter les économies sur les retraites de base, qui représentent 1,5 milliard d’euros. Celles-ci découlent principalement du décalage de la date de revalorisation des retraites d’avril à octobre, qui n’a pas entraîné d’économies en 2014, mais en produira en 2015. D’autres mesures d’application des lois antérieures sur les retraites contribueront aussi à ce montant.

Les régimes gérés par les partenaires sociaux seront associés à l’effort pour un total de près de 1,9 milliard d’euros. La sous-indexation des prestations de retraites complémentaires permet par exemple d’escompter une économie de 850 millions d’euros, pour la seule année 2015. Six cents millions d’euros sont directement liés à la montée en puissance de la nouvelle convention d’assurance chômage. À ces économies s’ajoute la consolidation de l’amélioration de la situation financière des régimes prévue en 2014, pour 400 millions d’euros.

Les 5,6 milliards d’économies supplémentaires correspondent aux mesures nouvelles. Je ne reviendrai pas sur les 3,2 milliards d’euros d’économies réalisées sur les dépenses d’assurance maladie. Nous assumons le fait que la progression naturelle de l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie soit de 3,9 % et nous prévoyons une augmentation de 2,1 %.

À ces 3,2 milliards d’euros s’ajoute la réforme du capital décès, pour 200 millions d’euros. S’y ajoutent également 700 millions d’euros d’économies, au titre de la réforme des prestations familiales – vous ne parlez que de cela, je n’insisterai donc pas davantage.

Mme Isabelle Le Callennec. C’est sujet à débat, tout de même !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En outre, les conventions d’objectifs et de gestion, dont une seulement reste à signer avec les organismes de prestation sociale, permettront d’économiser entre 400 et 500 millions d’euros. Il convient de citer d’autres mesures de moindre ampleur, comme les mesures prévues par le projet de loi de finances sur les aides au logement, qui auront un effet estimé à 30 millions d’euros sur la branche famille, et les actions de lutte contre la fraude aux prestations sociales…

M. Dominique Tian. Parce qu’elles existent ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. … qui auront un impact évalué à près de 100 millions d’euros.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, détaillés à gros traits, les 9,6 milliards d’économies. Je répondais ainsi à M. Accoyer, qui était absent lors du discours que j’ai eu l’honneur de faire à cette tribune, et qui m’a posé la question, quelque peu sèchement – c’est un homme passionné –, hier soir.

M. Jean-Patrick Gille. Très bien !

(L’article 1er est adopté.)

Article 2 et annexe A

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Il est intéressant de lire l’annexe A et de voir ainsi officialisés les dérapages des comptes durant l’exercice 2013. L’endettement financier net s’établit à 118 milliards d’euros au 31 décembre 2013. Le financement de ce passif est assuré à titre principal par l’endettement financier.

Il convient aussi de souligner que toutes les branches ont dérapé pendant l’exercice 2013. Les recettes destinées à la dépendance ont été détournées vers le FSV, ce qui est particulièrement préoccupant lorsque l’on sait les besoins de financement de la dépendance. Les déficits supplémentaires – plus de 8 milliards – ont été transférés directement à la CADES. Cela vient abonder la dette sociale, qui, malgré ce qui a déjà été amorti par la CADES, s’élève encore à 157 milliards d’euros.

Tout cela parce que le Gouvernement n’a pas le courage de conduire les réformes de structure qui s’imposent ! Il a lâché sur un certain nombre d’éléments de la tarification à l’activité dans les hôpitaux et mis fin à la convergence tarifaire. Et les mesures portant sur la branche vieillesse n’ont pas, on le sait, la portée financière qu’elles auraient dû avoir si le Gouvernement avait eu le courage de considérer l’évolution de l’espérance de vie telle qu’elle est.

(L’article 2 et l’annexe A sont adoptés.)

Vote sur l’ensemble de la première partie

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015.

(L’ensemble de la première partie du projet de loi est adopté.)

Deuxième partie

Mme la présidente. Nous abordons maintenant la deuxième partie du projet de loi, concernant les dispositions relatives à l’exercice 2014.

Article 3

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Cet article pose le principe d’une taxation lourde de l’innovation et du progrès thérapeutique, alors que, s’agissant de la détermination du prix de la prise en charge, l’État dispose déjà d’outils de régulation conventionnelle que pilote le Comité économique des produits de santé, le CEPS, organe interministériel qui regroupe notamment les caisses d’assurance maladie.

Il est évident que l’instauration de la contribution envisagée par le présent article aurait pour effet de perturber ces mécanismes conventionnels, compliquant ainsi l’arrivée de thérapies innovantes.

Par ailleurs, cet article n’apporte aucune solution au problème structurel que constitue l’incapacité du système de santé à anticiper l’impact économique des nouvelles avancées thérapeutiques. En revanche, il adresse un message particulièrement délétère aux industries de santé quant à l’accueil de l’innovation en France.

Enfin, nous sommes dans un pays où, malheureusement, on peut mourir faute de greffon. Dans le cas particulier de l’hépatite C, ce type de thérapeutique peut permettre d’éviter la greffe, ce qui est un progrès considérable. Le ministère a-t-il effectué une étude d’impact pour savoir combien coûte un patient porteur d’une hépatite C, avec ou sans greffe ? Ne l’oublions pas, la santé du patient passe avant le prix.

Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Delatte.

M. Rémi Delatte. Madame la ministre, vous instaurez une contribution spécifique sur des produits traitant l’hépatite C. C’est une mesure profondément inappropriée, pour quatre raisons au moins.

D’abord, elle peut induire un risque de rupture d’approvisionnement en France de molécules innovantes, alors qu’elles portent de grands espoirs de guérison, ainsi que vient de le rappeler Denis Jacquat. En réalité, il n’existe pas d’approche partagée au niveau européen : chaque pays négocie pour son propre compte, sans esprit de cohérence, sans harmonie communautaire.

Ensuite, cette disposition fractionne le marché pharmaceutique. Aujourd’hui, le PLFSS pour 2015 traite d’une molécule spécifique. Demain, d’autres produits innovants, pour d’autres pathologies, seront concernés. Il conviendrait de raisonner globalement sur les nouvelles molécules, actuelles et futures.

Par ailleurs, la motivation qui conduit le Gouvernement à mettre en place cette régulation dédiée aux médicaments de prise en charge de l’hépatite C n’aborde que le critère du prix du médicament, alors qu’il faut intégrer le gain obtenu par les dépenses évitées grâce à l’évolution favorable de la pathologie due aux nouveaux traitements.

Enfin, cessez de décourager l’innovation par une taxation excessive qui pénalise encore davantage l’industrie pharmaceutique.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ce n’est pas une taxation.

M. Rémi Delatte. Le risque est réel, madame la ministre, que nos fleurons industriels quittent la France pour trouver un environnement fiscal et économique plus favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Le médicament demeure, cette année encore, le contributeur essentiel aux économies de santé avec un montant de 900 millions d’euros de baisse de prix et une accumulation de mesures de régulation. La part demandée au médicament dans le champ des dépenses d’assurance maladie reste particulièrement lourde puisqu’on lui demande de fournir 50 % des efforts alors qu’il ne représente que 15 % des dépenses.

Une nouvelle fois, le Gouvernement fait le choix de la facilité en recourant à l’expédient de mesures purement comptables. En décidant de fixer pour la première fois un taux d’évolution négatif des dépenses de médicaments, il fait prendre le risque à notre pays de ne plus accueillir d’innovations thérapeutiques. En pénalisant fortement, pour la quatrième année consécutive, l’industrie pharmaceutique française, les pouvoirs publics détériorent durablement les capacités de recherche et d’innovation de notre pays et affaiblissent un outil de production source d’investissement et d’emplois.

Ce projet de loi va à l’encontre de tous les rapports des experts, qu’il s’agisse du rapport Gallois, du rapport Lauvergeon ou du rapport Rocard-Juppé-Attali, lesquels soulignent l’importance stratégique pour la France des industries de santé. Il s’inscrit en contradiction avec les ambitions de ce Gouvernement.

Selon deux études, présentées la semaine dernière, les investissements productifs en France ont baissé de plus de 5 %. Ce PLFSS est symptomatique de l’incapacité des pouvoirs publics à sortir d’une vision courte en termes d’enjeux de santé. Cessez donc de vous en prendre au médicament année après année !

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Cet article 3 comporte plusieurs aspects. Il nous invite tout d’abord à réfléchir au problème que posent les virus, les maladies virales, et les difficultés que l’on rencontre pour les vaincre. Souvenons-nous de la contribution française à la découverte et à la prise en charge de l’HIV dont le traitement a aujourd’hui considérablement progressé.

C’est à présent Ebola qui provoque des ravages. Nous pouvons, là encore, saluer la recherche française qui a mis au point un test de dépistage ultra-rapide – quinze minutes environ –, actuellement en expérimentation, et rappeler les avancées énormes que le laboratoire P4 de Lyon a réalisées dans l’identification du virus et la recherche des solutions pour le combattre.

Venons-en à une autre maladie virale, l’hépatite C, pour laquelle des traitements curatifs ont été inventés. Des recherches en biothérapie, compliquées et très onéreuses, ont permis de faire émerger de nouvelles molécules. Face à l’efficacité et au succès de ce traitement, le Gouvernement s’est engagé dans une voie qui soulève de nombreuses questions d’ordre éthique.

Le système que vous nous proposez, madame la ministre, et que vous qualifiez de contribution progressive, conduira bel et bien à rationner et restreindre l’accès au médicament innovant. Cette décision éthique aurait dû donner lieu à un débat démocratique important et non être prise au détour d’un article de PLFSS.

Nous vous demandons, madame la ministre, que ce débat ait vraiment lieu. Il exige bien entendu que nous en ayons le temps.

Je voudrais enfin vous poser une question précise : un deuxième laboratoire a mis au point un traitement différent de l’hépatite C grâce à une autre molécule. Ce laboratoire vous a proposé une autorisation temporaire d’utilisation avec une mise à disposition gratuite des médicaments : pourquoi le Gouvernement a-t-il refusé cette solution ?

Mme la présidente. La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Nous faisons entrer dans une logique purement comptable une molécule innovante et, ce faisant, nous envoyons trois signaux négatifs. Le premier concerne la prévention à laquelle je vous sais sensible, madame la ministre. À force de parler du coût, on en oublie celui que l’on éviterait en empêchant des hépatopathies chroniques de se déclarer, comme la cirrhose. Personne, à ce jour, ne peut faire ce calcul.

M. Gérard Bapt, rapporteur. En effet, personne.

M. Élie Aboud. Deuxième signal négatif : vous portez atteinte à l’aspect conventionnel de la fixation, par le Comité économique des produits de santé, du prix des médicaments pris en charge par l’assurance maladie obligatoire. Cette approche, qui existe bel et bien, remplit aussi une mission de régulation.

Enfin, dernier signal négatif, nous avons beaucoup parlé aujourd’hui de recherche, d’industrie, d’attractivité, de rayonnement mais nous avons négligé un risque, celui qu’à un certain moment, une rupture de stock survienne, comme par hasard. Je déplore ce genre de pratique mais elle est humaine, elle existe et nous y prêtons le flanc.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ce serait du chantage !

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Orliac.

Mme Dominique Orliac. Nous devons saluer cette extraordinaire innovation thérapeutique et l’émergence de ces nouvelles molécules destinées au traitement de l’infection chronique par le virus de l’hépatite C. Toutefois, les prix pratiqués par les laboratoires font peser un risque important sur l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie et mettent en péril la soutenabilité à moyen terme de notre système de soins.

Vous proposez de mettre en place un mécanisme progressif de contribution qui destinerait, la première année, un montant de 450 millions d’euros à ce traitement. Une molécule, le Sovaldi, a beaucoup fait parler d’elle car elle coûterait 56 000 euros par patient ; mais n’oublions pas que d’autres traitements antiviraux, qui sont apparemment des traitements adjuvants, représentent également un coût substantiel – 35 000 euros selon les laboratoires BMS – qui s’ajouterait à celui du Sovaldi.

Le prix fixé est-il, pour reprendre les termes du CEPS, « raisonnable » ? Qu’est-ce qu’un prix raisonnable, d’ailleurs ? Les traitements adjuvants de l’hépatite C ont-ils été pris en compte ?

C’est vrai, nous sommes face à un problème éthique essentiel. J’ai entendu dire que certains patients parvenus à un stade évolué de la maladie, juste avant la cirrhose, seraient traités. Il y aurait en France entre 300 000 et 400 000 personnes malades : est-il possible, d’un point de vue éthique, d’envisager de ne pas traiter tous les patients ? La question du coût doit être prise en compte bien évidemment, mais nous ne pourrons faire l’économie d’un large débat éthique.

M. Bernard Accoyer. Bien sûr.

Mme Dominique Orliac. Enfin, si la maladie était éradiquée – puisqu’il en est apparemment question –, quelles économies de santé pourrait-on en tirer s’il n’était plus nécessaire de rembourser tous ces patients atteints d’hépatite C ou de cirrhose ?

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Cet article 3, essentiel, cible de nouveaux médicaments contre le virus de l’hépatite C. Une nouvelle molécule révolutionnaire permettrait aujourd’hui de traiter efficacement la maladie. Elle appartient à une nouvelle classe de médicaments et d’autres produits, en préparation, sont en cours de négociation.

Ces médicaments font gagner des années de traitement et évitent des complications graves et coûteuses. Mme Touraine elle-même déclarait à juste titre, en juillet dernier, sur une chaîne de télévision, que ce médicament représentait une avancée thérapeutique majeure et que sa rémunération devait être à la hauteur de l’innovation.

Or, vous décidez d’introduire, avec l’article 3, un mécanisme de plafonnement du chiffre d’affaires que les laboratoires pourraient retirer de ces médicaments innovants au détriment du dialogue conventionnel, du financement de l’innovation et de l’attractivité.

Vous remettez en cause le dialogue conventionnel établi depuis des années entre le CEPS et les industries du médicament. Le CEPS vient de fêter ses vingt ans, il fonctionne correctement grâce à des accords-cadres et une relation de confiance reposant sur son partenariat avec les entreprises.

Quel financement l’État veut-il pour l’innovation en France ? L’industrie est en pleine mutation. L’ère des anciens médicaments est finie. Nous en aurons de nouveaux dès demain. Peut-être se compteront-ils sur les doigts des deux mains mais ils seront extrêmement innovants. Or, vous bloquez aujourd’hui cette innovation en proposant à l’article 3 une mesure comptable, de court terme et qui vise à boucler un budget en urgence.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Que ne faut-il pas entendre !

M. Jean-Pierre Door. Il faut plutôt anticiper les mutations dans ce secteur d’autant plus que vous risquez aussi de porter atteinte à l’attractivité de la France dans le domaine de la recherche, du développement et de l’innovation.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. Reconnaissons que, depuis des années, la politique du médicament dans notre pays est dramatique alors qu’il s’agit d’un secteur de pointe. François Hollande n’avait-il pas déclaré lui-même au Comité stratégique des industries de santé qu’il s’agissait d’un secteur stratégique pour l’emploi et l’innovation ?

Madame la ministre, il vous appartient de mettre un terme à cette spirale infernale dans laquelle est prise l’industrie pharmaceutique. Malheureusement, par cet article, au lieu de prendre en charge le financement des molécules innovantes pour les prochaines années, vous suivez le même chemin que précédemment, celui de la taxation, avec les risques que nous connaissons bien.

Vous mettez ainsi un terme au processus conventionnel et faites peser un risque sur l’industrie pharmaceutique qui est tout de même passée sous la barre des 100 000 emplois cette année, ce qui est difficilement acceptable dans un pays qui souffre d’un déficit d’emplois.

Enfin, vous portez atteinte aux enjeux de santé publique. Prendre en compte les seules dépenses en négligeant les économies que permettrait de réaliser ce médicament est préjudiciable. Il faudrait que l’on parle simplement de surcoût mais cela supposerait que vous acceptiez enfin le principe de la fongibilité des enveloppes.

Ce médicament n’aura de conséquences financières que sur la médecine de ville avec 450 millions de plus et un ONDAM légèrement supérieur à celui de l’hôpital. Mais reconnaissez que les patients qui étaient atteints de pathologies dues à l’hépatite C étaient soignés au sein même de l’hôpital. Des économies pourront donc être dégagées sur l’enveloppe hospitalière. Il faudrait qu’un équilibre s’établisse entre les dépenses engendrées par les molécules innovantes et les économies qu’elles procureront sur le moyen et le long terme. À défaut, nous ne pourrons pas financer l’innovation dans notre pays et ce sont les malades qui en souffriront.

M. Élie Aboud. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Sans avoir les connaissances de nos collègues médecins, je tiens simplement à ajouter ceci : ce qui nous gêne, c’est que cet article prévoit un dispositif ne portant que sur un seul médicament particulier, alors que cela relève du domaine réglementaire. Le Gouvernement doit prendre ses responsabilités : on ne peut tout de même pas adopter une mesure législative spécifique dès que se présente une molécule innovante ! Nous ne sommes pas ici pour débattre de tel ou tel médicament, ni de tel ou tel laboratoire, mais de la santé publique. C’est au CEPS qu’il appartient de mener le dialogue ; le Parlement n’a pas vocation à arbitrer les difficultés qu’éprouve le Gouvernement à prendre ses responsabilités en la matière !

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 146 et 147, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie, pour les soutenir.

M. Olivier Véran, rapporteur de la commission des affaires sociales. Je saisis cette occasion pour répondre à quelques-unes des questions soulevées par les orateurs inscrits sur l’article. Sur tous les bancs, nous sommes fiers que la France dispose d’une « filière pharma » : il s’agit d’une filière innovante qui peut s’appuyer sur une recherche fondamentale et translationnelle performante et qui crée de nombreux emplois directs et indirects.

M. Élie Aboud. C’est très bien de le dire !

M. Olivier Véran, rapporteur. Tout cela n’est donc nullement en question aujourd’hui. D’ailleurs, la politique que conduit le Gouvernement pour soutenir cette industrie innovante est particulièrement remarquée.

M. Jean-Pierre Barbier. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Olivier Véran, rapporteur. Le crédit impôt recherche, notamment, ne souffre aucune remise en cause.

L’article 3 prévoit un dispositif de traitement de l’hépatite C. Il s’agit d’une innovation thérapeutique majeure, qui est une bonne nouvelle pour des milliers de malades. Il va de soi que l’enjeu n’est pas ici de restreindre l’accessibilité des médicaments pour qui que ce soit, dès lors que les bonnes pratiques sont respectées. Autrement dit, tous les malades pouvant justifier qu’il leur a été prescrit pour raisons médicales les traitements les plus efficaces, fussent-ils innovants et onéreux, y auront naturellement un accès garanti ; cela ne fait nullement débat.

Le problème du dispositif actuel porte sur le prix exigé pour le médicament. Ce prix est sans lien avec les coûts de production, de recherche et de développement, que le laboratoire concerné n’a d’ailleurs pas supporté lui-même puisqu’il a racheté une start-up américaine qui avait prévu de demander un prix nettement inférieur. Le laboratoire tente donc d’imposer un prix bien trop élevé, comme le montre le prix pratiqué sous autorisation temporaire d’utilisation.

De surcroît, un tel prix est susceptible de pénaliser toute la « filière pharma » car, si nous n’y prenons pas garde, il pourrait mettre en péril le financement de notre protection sociale. Ce nouveau « modèle économique » – entre guillemets ironiques –, selon lequel un prix pourrait être imposé par la peur – seul détenteur du brevet, le laboratoire escompte que le médicament sera nécessairement fourni aux malades quel que soit son prix – doit faire réagir la puissance publique.

M. Jean-Pierre Barbier. Ce n’est pas bien de présenter les choses comme cela !

M. Olivier Véran, rapporteur. En France, Mme la ministre de la santé a réagi très rapidement en réunissant une quinzaine de ses homologues européens pour envisager les suites à donner à ce genre d’événement regrettable. Aux États-Unis, une commission composée de républicains et de démocrates a créé une mission pour faire de même. Le problème des prétentions tarifaires excessives n’est pas franco-français ; il est mondial. Un prix de plusieurs milliers d’euros par boîte n’est ni raisonnable, ni acceptable, loin s’en faut.

Il n’y aura aucun risque de rupture, comme cela a été évoqué en commission. Tout d’abord, il n’existe aucun risque de pénurie des matières premières. Ensuite, le marché français est suffisamment intéressant – en termes de volume autant que de prix – pour le laboratoire. Ne craignez donc rien : les malades pourront toujours bénéficier du traitement. D’autre part, l’enveloppe prévisionnelle fixée pour rembourser le médicament au taux W tient précisément compte du nombre de malades qui devraient en bénéficier dans le respect des bonnes pratiques médicales ; il n’y aura donc aucun rationnement.

Enfin, à situation exceptionnelle, solution exceptionnelle : nous étudions aujourd’hui une mesure législative, mais tout est fait pour que le dialogue puisse être renoué rapidement par voie conventionnelle, afin que nous n’ayons pas à débattre de nouveau de la question l’an prochain en envisageant d’autres dispositifs.

Je me permets de rappeler à M. Accoyer que le taux K existe depuis 1999 et que la droite comme la gauche l’ont fait évoluer au fil des ans et des PLFSS.

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas le même sujet.

M. Olivier Véran, rapporteur. Il avait d’abord été fixé au niveau de l’ONDAM, puis à un niveau inférieur à celui de la progression de l’ONDAM. Il ne s’agit donc pas d’un dispositif qui tombe du ciel !

J’en viens enfin aux amendements. L’amendement n146 vise à préciser les cas dans lesquels doit s’appliquer l’acompte au titre de la remise. L’amendement n147, quant à lui, est important : il vise à préserver le secret de la négociation tarifaire entre le laboratoire et le CEPS.

M. Jean-Pierre Barbier. C’est réussi !

M. Olivier Véran, rapporteur. Si l’on adoptait le dernier prix proposé par le laboratoire, on s’affranchirait alors du secret de la négociation. Il est donc ici prévu une marge de 30 %, c’est-à-dire la marge habituellement constatée entre le tarif négocié et le tarif fixé à l’issue des négociations.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis favorable. Permettez-moi, madame la présidente, de revenir sur les dispositions essentielles que prévoit cet article et de répondre à quelques-unes des interpellations qui viennent d’être formulées.

Oui, l’innovation doit être rémunérée ; c’est une évidence et une exigence. Si nous voulons en effet accomplir des progrès médicaux, nous devons évidemment encourager la recherche et la découverte.

M. Jean-Pierre Door. C’est bien de le dire ; il faut aussi le faire !

Mme Marisol Touraine, ministre. L’innovation doit-elle pour autant être rémunérée à n’importe quel prix ? La réponse est non. Dans le cas contraire, nos systèmes de Sécurité sociale ne pourront pas en supporter la charge. Arrivera alors un jour où nous aurons beau mener tous les débats théoriques du monde, nous constaterons que nous ne pouvons pas suivre le rythme financier que nous impose l’innovation. Nous aboutirons alors au résultat strictement inverse : nous prônerons l’innovation sans pouvoir la proposer à quiconque. La France n’est pas seule à se poser cette question. Tous les pays développés font de même – pour ne rien dire des autres pays, qui regardent passer le train de l’innovation en se demandant comment faire pour monter dedans.

C’est pourquoi nous réfléchissons actuellement avec l’industrie du médicament à la manière de rémunérer justement l’innovation dans les années à venir. Il faut trouver le prix juste, comme je l’ai déjà dit plusieurs fois.

M. Jean-Pierre Barbier. Ce n’est pas notre rôle !

Mme Marisol Touraine, ministre. Le prix juste est celui qui permet de rémunérer l’innovation tout en demeurant soutenable. Il n’existe donc aucune contradiction entre la mesure que je vous propose aujourd’hui et le dispositif classique de discussion conventionnelle avec nos interlocuteurs.

La convention conclue avec l’industrie pharmaceutique arrive à terme à la fin de l’année 2015. Les discussions visant à la renouveler commenceront dans les mois qui viennent. J’ai rencontré les représentants de l’industrie pharmaceutique, et je leur ai dit ma volonté que nous puissions déterminer ensemble des mécanismes qui nous permettront de faire face au prix de l’innovation dans les années qui viennent. Après le médicament contre l’hépatite C viendront en effet d’autres médicaments et d’autres traitements qui les combineront avec d’autres molécules pour guérir d’autres maladies. Autrement dit, ce que nous faisons aujourd’hui concernant l’hépatite C ne vaut pas seulement pour la période actuelle ; c’est une alerte qui nous oblige à la responsabilité – celle de laisser l’innovation se déployer, mais aussi la responsabilité financière.

Le mécanisme que nous proposons devra donc s’appliquer de manière temporaire. Il fera l’objet d’une évaluation dont les conclusions seront présentées au Parlement. Nous en tirerons les leçons avec l’industrie pharmaceutique et l’ensemble des acteurs concernés. Je serai la première à me satisfaire que d’autres mécanismes de régulation puissent voir le jour, mais je veux être très claire : nous devons nous assurer que tous les patients atteints de l’hépatite C qui devront être traités dans les mois et les années qui viennent le seront. La Haute autorité de santé a défini des protocoles très précis qui doivent être appliqués. Or, si nous voulons que tous les patients devant être traités le soient, il nous faut veiller à ce que le prix du traitement soit abordable, et que les autres acteurs du système de santé n’aient pas à payer pour que nous puissions rémunérer tel ou tel laboratoire.

Je le répète : le mécanisme est clairement défini et de nature temporaire. Il donnera lieu à une évaluation. Le Gouvernement propose là une avancée importante, qui constitue un élément de la discussion menée avec l’industrie pharmaceutique. Tous ceux qui sont attachés à l’innovation souhaitent qu’elle soit efficace dans l’intérêt des patients.

Pour conclure, j’en reviens à mon point de départ en donnant un avis favorable aux deux amendements présentés par M. le rapporteur, qui complètent utilement le dispositif prévu dans le projet de loi.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Je commencerai par indiquer à M. le rapporteur que pour nous, la « filière pharma » est l’industrie pharmaceutique – appelons les choses par leur nom. Il existe trop d’appellations et autres sigles improvisés : tâchons donc de parler la même langue.

Ensuite, où est l’étude d’impact portant sur l’article 3 et les amendements liés ? M. Barbier a soulevé l’excellente question des avantages produits par ces nouveaux traitements. Ils sont considérables : ce sont des cirrhoses qui ne se déclareront pas, des transplantations qui ne seront ni attendues ni réalisées, des complications qui n’apparaîtront jamais.

Enfin, madame la ministre, la question essentielle que vous venez de balayer rapidement est celle de l’accès aux nouveaux traitements. Si, demain, les biothérapies permettent de mettre au point un médicament miraculeux pour soigner telle maladie létale ou telle autre maladie dégénérative particulièrement lourde…

Mme Marisol Touraine, ministre. En médecine, je ne crois guère aux miracles…

M. Bernard Accoyer. … et que son prix est extrêmement élevé, le débat devra-t-il être tranché par la seule Haute autorité de santé, ou bien ne doit-on pas tenir un débat bien plus large et démocratique ? En tout état de cause, il ne saurait nullement être tranché ainsi, au cours de la discussion du PLFSS.

Je vous interroge donc sur ce point, comme je vous interroge de nouveau sur le refus du Gouvernement d’accorder une deuxième autorisation temporaire d’utilisation, qui a été demandée et qui aurait permis au laboratoire de mettre gratuitement les médicaments à disposition des patients.

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je suis surprise, monsieur Accoyer, par votre vision du Parlement, que vous avez pourtant présidé…

Je voudrais simplement citer les propos qu’a tenus la semaine dernière M. Giorgi, président du Comité économique des produits de santé, dont je rappelle qu’il est l’instance chargée de conclure les accords avec les industriels : à la question de savoir s’il existe de nouvelles perspectives, M. Giorgi répondait qu’il faut d’abord davantage de lisibilité « pour les industriels et toutes les parties prenantes », y compris les financeurs et les usagers. « La place des usagers dans notre action », poursuivait-il, « sera forcément mieux prise en compte. Sur le dossier de l’hépatite C, nous avons engagé une concertation préalable avec les associations de patients », ce qui ne s’était jamais fait. Il indiquait également ceci : « l’accord-cadre doit aussi évoluer et s’adapter au contexte et à la réglementation ». C’est précisément l’objet de l’article 3 !

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur.

M. Olivier Véran, rapporteur. Comme dans tout PLFSS, monsieur Accoyer, vous trouverez une étude d’impact annexée aux articles. Je vous invite à lire celle de l’article 3, qui détaille les économies prévisionnelles liées à l’apparition du nouveau traitement.

M. Jean-Pierre Barbier. Qui seront réalisées sur l’enveloppe de l’hôpital !

M. Olivier Véran, rapporteur. Ainsi, l’éviction des anciens traitements dont auraient normalement dû bénéficier les malades permettrait d’économiser 100 millions d’euros ; de même, les transplantations hépatiques pouvant être évitées représentent une économie de l’ordre de 50 millions ; d’autres économies sont également présentées – même s’il faut bien prendre conscience que l’on ignore encore si le traitement virologique permettra une guérison clinique empêchant l’apparition de complications à long terme. Quand bien même : faudrait-il désormais ne plus tenir compte que du rapport entre le coût et l’efficacité d’un traitement, en ignorant les coûts liés à la recherche et au développement ainsi qu’à la production dans l’ensemble de la chaîne du médicament ? Je ne le crois pas, et j’estime que nous devons l’affirmer ensemble.

Mme la présidente. La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Avec tout le respect que je vous dois, madame la présidente de la commission, je vous rappelle qu’il existe une convention et que le CEPS est un organe interministériel. On met donc à plat la démarche conventionnelle, et il appartiendra ensuite au législateur de fixer le prix des médicaments !

(Les amendements nos 146 et 147 sont successivement adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 76 et 365.

La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n76.

M. Jean-Pierre Door. Pour aller dans le sens de M. Aboud, je vous pose la question suivante : pourquoi ne laissons-nous pas travailler la Haute autorité de santé, avec tout le sérieux qui la caractérise ? En effet, le cœur de la mission de cette autorité indépendante consiste précisément à réfléchir sur les questions médico-économiques, et à analyser l’intérêt que présentent les médicaments pour telle ou telle pathologie. Quant au CEPS, il appartient à cette structure interministérielle d’élaborer les accords-cadre et de négocier les conventions avec l’industrie. Or, vous cassez la dynamique conventionnelle !

Si j’en crois ce que j’ai pu lire dans certaines revues, le gouvernement britannique a débloqué un petit budget dans la perspective de traiter 500 personnes, ce qui signifie que la 501ème ne sera pas soignée.

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’est bien ce que vous voulez !

M. Jean-Pierre Door. Le Gouvernement s’apprête à débloquer une enveloppe budgétaire de 450 millions d’euros cette année et de 700 millions l’année prochaine. Au-delà, les patients seront traités mais le chiffre d’affaires du ou des laboratoires fera l’objet d’une taxation de plus en plus lourde. Même si vous refusez de l’admettre, il s’agit donc bien d’une forme de rationnement budgétaire ! Nous sommes loin d’une solution optimale.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous parlez de la Grande-Bretagne !

M. Jean-Pierre Door. Selon les termes du projet de loi, une entreprise signataire d’un accord est exonérée de la contribution « si les remises qu’elle verse sont supérieures ou égales à 90 % du montant dont elle est redevable au titre de la contribution ». Comme nous souhaitons réduire cette dernière, nous proposons de porter le taux à 80 %.

Mme la présidente. La parole est à M. Élie Aboud, pour soutenir l’amendement n365.

M. Élie Aboud. L’amendement a pour but de substituer au taux de 90 % un taux de 80 % afin de préserver la production de médicaments et l’attractivité de notre territoire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable. Tout d’abord, vous parlez d’enveloppe, or le terme ne me paraît pas approprié à la situation.

Le Gouvernement fixe en réalité un montant au-delà duquel l’industrie pharmaceutique sera soumise à une contribution. Mais il n’y aura ni spoliation ni rationnement dans la mesure où, quoi qu’il arrive, l’ensemble des prélèvements affectés aux laboratoires ne pourront dépasser 15 % de leur chiffre d’affaires global. Je vous rappelle que pour un seul médicament, le chiffre d’affaires prévisionnel devrait être supérieur à 400 millions d’euros pour l’année 2014 et à 700 millions pour 2015 : je vous laisse faire le calcul ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Ne vous inquiétez donc pas pour le laboratoire : il sera tout à fait enclin à poursuivre la commercialisation de ce produit.

Le but de la mesure proposée est également d’aider le CEPS dans ses négociations avec les laboratoires à négocier, d’où l’importance de fixer à 90 % le taux mentionné à l’alinéa 15. En le réduisant à 80 %, vous portez la décote à 20 %, ce qui revient à l’aligner sur le taux L, que nous examinerons dans le cadre de l’article 10. Nous préférons inciter le laboratoire à négocier les prix en amont avec le CEPS plutôt que de faire jouer le mécanisme de régulation. Or, l’adoption de ces amendements risquerait d’avoir pour effet de déstabiliser le dialogue entre les deux parties.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable.

Je remercie au passage M. Door : sa présentation de la situation était parfaite.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ingénue, même !

Mme Marisol Touraine, ministre. Il existe en effet des pays dans lesquels on ne soigne plus les malades au-delà du 500ème.

M. Élie Aboud. C’est ce qui risque d’arriver chez nous !

Mme Marisol Touraine, ministre. Mais, comme M. Door l’a lui-même précisé, ce n’est pas le cas de la France et – je l’affirme solennellement –, cela ne sera pas plus le cas à l’avenir. Si nous prenons ces mesures, c’est précisément pour ne pas avoir à limiter le nombre de malades pouvant être pris en charge. Nous voulons soigner tous les malades qui exigent de l’être et, dans ce but, inciter les entreprises à pratiquer des prix permettant de rémunérer l’innovation sans pour autant être excessifs.

Alors qu’en 2013, nous avons consacré 150 millions d’euros au traitement de l’hépatite C, nous prévoyons de porter les crédits disponibles à 700 millions d’euros en 2015, et ce, sans diminution de prix. Le dépassement de ce montant n’entraînera pas l’arrêt des soins, mais le déclenchement d’un mécanisme qui, disons-le, conduira les laboratoires pharmaceutiques à gagner moins d’argent.

Qui peut dire que nous rationnons alors que nous allons passer de 150 à 700 millions d’euros ? Je peux vous le dire, dans certains pays européens, les associations de malades regardent ce qui se passe en France avec beaucoup d’intérêt et une certaine envie.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Très bien !

M. Jean-Luc Laurent. La démonstration est implacable !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. Ce débat est quelque peu gênant.

M. Jean-Luc Laurent. Pour vous !

M. Jean-Pierre Barbier. Pas du tout ! Il est vrai, madame la ministre, que nous allons faire 150 millions d’économies sur l’enveloppe de l’hôpital et dépenser 700 millions sur l’enveloppe de la médecine de ville – j’y reviendrai.

Plus embêtant est l’article lui-même et le débat qu’il suscite dans l’hémicycle. Quant aux propos du rapporteur, ils sont particulièrement désagréables.

Nous ne sommes pas, en effet, les défenseurs d’un laboratoire.

M. Bernard Accoyer. Ces insinuations sont insupportables !

M. Jean-Pierre Barbier. Alors même, monsieur le rapporteur, que vous avez fait voter un amendement en faveur de la confidentialité des échanges, il est gênant que nous soyons amenés à évoquer – et même à citer nommément – un laboratoire dont, de surcroît, vous mettez en cause la branche recherche et développement. Cela pourrait lui porter préjudice, car nos débats sont publics.

M. Olivier Véran, rapporteur. C’est vous qui l’avez cité !

M. Jean-Pierre Barbier. Nous avons dans notre pays une politique conventionnelle qui fonctionne depuis des années. Notre amendement a pour but de signaler qu’en fixant à 90 % le taux de remise au-delà duquel s’applique l’exonération, la contribution que doit reverser le laboratoire – ou les laboratoires, car ils pourraient être, demain, bien plus nombreux – a une nature confiscatoire. Dès lors, les entreprises concernées risquent de se tourner vers d’autres pays.

Mme Claude Greff. Exactement !

M. Jean-Pierre Barbier. Vous dites, madame la ministre, qu’en France le prix sera différent de celui des autres pays européens. C’est faux, et vous le savez : le prix qui sera proposé au CEPS sera équivalent à celui proposé en Grande-Bretagne, en Espagne ou en Italie…

Mme Marisol Touraine, ministre. Pas du tout !

M. Jean-Pierre Barbier. En tout cas, il se situera dans la même fourchette.

Quoi qu’il en soit, ce point relève de la discussion conventionnelle au niveau du CEPS.

S’il vous plaît, ne nous faites pas de procès au motif que nous défendrions un laboratoire, car c’est vous qui avez amorcé ce débat proprement insupportable !

Mme Claude Greff. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Barbier. Je crois savoir le Gouvernement a obtenu il y a déjà dix-huit mois des informations sur cette molécule. Il devait préciser la façon dont serait financé son usage, mais n’a donné aucune réponse. C’est pourquoi nous devons aujourd’hui, dans cet hémicycle, légiférer en catastrophe. Pouvez-vous au moins nous éclairer sur ce point ?

M. Bernard Accoyer. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Mme la ministre vous a répondu clairement en ce qui concerne l’absence de rationnement et de confiscation.

Par ailleurs, le laboratoire Gilead fait suffisamment la publicité de son produit Sovaldi pour que nous nous permettions de le citer ici.

M. Bernard Accoyer. Mais dans l’article, vous évoquez d’autres médicaments !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Oui, car après le Sovaldi viendront d’autres produits, les antiviraux d’action directe.

M. Élie Aboud. C’est cela qui nous inquiète !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Le laboratoire Abbvie vient d’ailleurs d’obtenir aux États-Unis une autorisation de mise sur le marché pour un de ces produits.

M. Barbier insistait tout à l’heure sur la nécessité de trouver un équilibre entre le coût de l’innovation et le prix attribué. Mais il faut aussi en appeler à l’éthique, comme le souhaite M. Accoyer. En l’occurrence, s’agissant du Sovaldi, il ne s’agit ni de retour sur investissements, ni de recherche et développement. Le laboratoire a acheté une start up – en clair un brevet – pour laquelle il a payé 11 milliards de dollars et dont il veut s’assurer de la rentabilité. C’est pourquoi il discute les prix. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Claude Greff. Ce n’est pas le procès du laboratoire que nous faisons !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Laissez-moi vous indiquer quelle a été l’évolution du chiffre d’affaires du laboratoire concernant ce seul produit.

Mme Claude Greff. Si demain le laboratoire n’existe plus, comment fait-on ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Au deuxième trimestre 2014, le chiffre d’affaires du Sovaldi a atteint 3,5 milliards de dollars, ce qui porte au 1er semestre 2014 le chiffre d’affaires à 5,8 milliards de dollars. La prévision établie par le laboratoire se montait en début d’année à 11 milliards de dollars : elle vient de passer à 23 milliards !

M. Jean-Pierre Door. Pensez au nombre de malades qui ont été guéris !

M. Gérard Bapt, rapporteur. En matière d’éthique, il y a aussi des équilibres à trouver. L’assuré social n’a pas à supporter le prix des enchères dont a fait l’objet un brevet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Claude Greff. M. Bapt n’est pas à la hauteur !

Mme la présidente. Je vous demande, mes chers collègues, de modérer vos échanges. Nous nous entendons très bien lorsque vous vous exprimez chacun à votre tour.

La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Vous avez parfaitement raison, madame la présidente.

Cela étant, je suis extrêmement surpris par la réponse de M. Bapt. Ce qui compte pour notre société, c’est la santé du malade et surtout sa guérison. Nous ne parlons pas d’un laboratoire, mais d’un principe : existe-t-il des produits valables, et si oui, peuvent-ils guérir les malades ?

Or, grâce au progrès médical, nous assistons à l’apparition de nouveaux traitements et de nouvelles thérapeutiques.

Mme Claude Greff. Très bien !

M. Denis Jacquat. Je le répète, dans ce pays, on meurt faute de greffons. Dans ces conditions, la possibilité, dans le cas particulier de l’hépatite C, de ne pas recourir à une greffe du foie représente une avancée extraordinaire : non seulement le problème de la pénurie de greffons disparaît, mais le malade pourra rester en vie tout en étant soumis à une thérapeutique légère. C’est un progrès considérable ! Ceux qui, parmi vous, sont médecins le savent fort bien : il y a quelques années, la plupart des personnes atteintes de ces pathologies en mourraient. Grâce aux nouvelles thérapeutiques, elles ont désormais un espoir.

Je reconnais que nous devons être vigilants pour limiter les dépenses, mais il faut à tout prix maintenir une recherche dans notre pays. C’est en effet grâce à la recherche que nos patients vivent de plus en plus longtemps et en meilleure santé.

Mme Claude Greff. Excellente intervention !

(Les amendements identiques nos 76 et 365 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de l’amendement rédactionnel, n227, de M. Olivier Véran.

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis favorable.

(L’amendement n227 est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n231 de M. Olivier Véran est un amendement de précision.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis favorable.

(L’amendement n231 est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 489, 220 et 148, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n489.

M. Bernard Accoyer. Cet amendement de repli prévoit l’évaluation par le Parlement des conséquences du dispositif prévu par l’article 3. Ce dernier souffre en effet, de ce point de vue, d’insuffisances évidentes.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier, pour soutenir l’amendement n220.

M. Jean-Pierre Barbier. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Véran, pour soutenir l’amendement n148 et donner l’avis de la commission sur les amendements nos 489 et 220.

M. Olivier Véran, rapporteur. L’alinéa 26 prévoit que l’article s’applique pour les années 2014 à 2016, mais en réalité, la situation est différente d’une année à l’autre : le montant de la contribution est en effet fixé à 450 millions pour l’année 2014 et à 700 millions pour l’année 2015. Pour l’année 2016, nous arrêterons, si nécessaire, un montant W spécifique lors de l’examen du PLFSS correspondant, d’autant que nous disposerons alors d’un rapport d’évaluation.

L’amendement n148 tend donc à distinguer chacune des années d’application du dispositif. Quant à mon avis sur les amendements nos 489 et 220, il est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable sur les amendements nos 220 et 489, et favorable sur l’amendement n148.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Si j’ai bien compris, M. le rapporteur a l’intention de confier au Parlement un travail relevant du règlement, voire des compétences de la HAS ! Une telle façon de travailler ne laisse pas de m’étonner.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Très bien !

(Les amendements nos 489 et 220, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n148 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur, pour soutenir l’amendement n149.

M. Olivier Véran, rapporteur. Amendement de précision.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Favorable.

(L’amendement n149 est adopté.)

(L’article 3, amendé, est adopté.)

Article 4

Mme la présidente. La parole est à M. Élie Aboud, pour soutenir l’amendement n366.

M. Élie Aboud. Le Gouvernement prévoit de ramener de 137 millions à 118 millions d’euros les dotations des régimes obligatoires d’assurance-maladie à l’ONIAM, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux. Au regard de la nécessité dans laquelle se trouve cet organisme de disposer d’un montant prudentiel de réserve, nous proposons d’accentuer de 20 millions d’euros supplémentaires l’effort de régulation pour 2014.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable. La réduction proposée par le présent PLFSS correspond à la moitié de la réserve prudentielle de l’ONIAM, soit 20 millions d’euros. Un prélèvement de 40 millions d’euros, sachant que le fonds de roulement est du même montant, nous paraît de nature à mettre en péril la structure et à compromettre les engagements de l’Office en termes d’indemnisation des victimes. Il convient d’agir progressivement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable. Afin d’ajuster précisément les fonds attribués à l’ONIAM, et pour éviter que ses réserves ne soient excessives, nous réduisons son encours de précaution. Mais il convient de ne pas empêcher cet organisme d’indemniser effectivement les victimes d’accidents médicaux, d’autant que la lenteur des procédures est déjà préoccupante.

J’ai souhaité que les victimes, et en particulier celles du Mediator, soient indemnisées plus rapidement. Concrètement, cela implique de donner à la commission spécialisée les moyens d’accélérer le traitement des dossiers, mais aussi de prévoir les ressources nécessaires pour financer les indemnisations correspondantes. Il ne me semble pas raisonnable, ni même défendable, de réduire les crédits destinés à l’indemnisation des victimes d’accidents médicaux.

(L’amendement n366 n’est pas adopté.)

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ses auteurs auraient mieux fait de le retirer !

(L’article 4 est adopté.)

Article 5

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article.

La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Depuis deux ans, le Gouvernement détourne le produit de la CASA, la contribution de solidarité pour l’autonomie, de la dépendance vers le FSV, afin d’en combler le déficit. Juste une fois, nous a-t-on dit la première année ! Une fois encore et c’est tout, nous a-t-on dit la deuxième !

Comme nous en sommes à la troisième année, certains de mes collègues et moi-même avons voulu que le produit de la CASA soit affecté à partir du 1er janvier 2015 au financement de l’APA, l’allocation personnalisée à l’autonomie. Or en cherchant à décrypter la réponse du Gouvernement, nous avons eu le sentiment que celui-ci cherchait à gagner un peu de temps – et surtout un peu d’argent – en continuant à affecter au FSV l’argent destiné à la dépendance. Ma question, madame la ministre, est donc simple – nous l’avons d’ailleurs posée inlassablement au cours des débats sur la loi d’adaptation de la société au vieillissement, obtenant la promesse que le sujet serait abordé lors de l’examen du PLFSS – : à quelle date le produit de la CASA cessera-t-il d’être affecté au FSV pour l’être à la dépendance ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Au 1er janvier, monsieur le député, comme je l’ai dit hier !

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. L’article 5 détaille les déficits de chaque branche et du Fonds de solidarité vieillesse. Le déficit cumulé de 15,4 milliards d’euros montre que le Gouvernement renonce à l’objectif de rétablir l’équilibre des comptes en 2017, ce qui est véritablement incompréhensible ! Que deviendront les jeunes générations, accablées d’une dette sociale de 155 milliards d’euros et d’une dette souveraine supérieure à 2 000 milliards d’euros ? Ce renoncement, car c’en est bien un, dévoile le coût du refus du Gouvernement de mener la moindre réforme de structure de la Sécurité sociale !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il en mène, mais vous êtes contre !

M. Bernard Accoyer. D’une manière générale, d’ailleurs, c’est la marque de l’échec politique de ce gouvernement que de ne pas procéder à des réformes structurelles. Si l’Union européenne met en garde les autorités françaises, si elle met en cause notre souveraineté de façon quelque peu humiliante, c’est en raison du manque de courage du Gouvernement !

Mme Monique Iborra. Vous en aviez, vous ?

M. Bernard Accoyer. Non seulement il refuse toute réforme de structure, mais il a abrogé celles décidées auparavant par le gouvernement Fillon, telle la réforme territoriale, ou encore celle du financement social, qui consistait à déplacer vers la consommation ce qui est prélevé sur la production, afin d’éviter la dégradation de notre compétitivité, première cause de chômage en France. Tous ces renoncements ont un coût considérable. L’article 5 le met en évidence, et c’est pourquoi nous ne le voterons pas.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Je profite du débat sur l’article 5 pour poser trois questions précises à Mme la ministre. La première porte sur le minimum vieillesse, désormais appelé ASPA, allocation de solidarité aux personnes âgées, qui s’élève à 800 euros pour une personne seule et à 1 242 euros pour un couple. Confirmez-vous, madame la ministre, que sa revalorisation est effective depuis le 1er avril ou le 1er octobre de cette année ?

Par ailleurs, le PLFSS rectificatif prévoyait que la revalorisation ne s’appliquerait pas aux retraites supérieures à 1 200 euros et que celles qui y sont inférieures seraient revalorisées dès le 1er octobre.

Mais à la fin de l’été, nous avons appris – une fois encore au détour d’une annonce – qu’une revalorisation au 1er octobre n’était plus à l’ordre du jour et que les retraites inférieures à 1 200 euros se verraient dotées d’une prime de quarante euros. De leur côté, les retraites comprises entre 1 000 et 1 205 euros devaient être revalorisées au 1er octobre, mais seulement de moitié. Qu’en est-il des retraités appartenant à cette tranche, dès lors que le Gouvernement a préféré une prime de quarante euros pour les retraites inférieures à 1 200 euros et renoncé à toute revalorisation ?

Enfin, nous nous sommes vues à l’orée du débat sur le PLFSS et je vous ai interrogée, madame la ministre, à propos des décrets relatifs au cumul entre ASPA et activité. Sont-ils publiés ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Ils sont en cours d’examen par le Conseil d’État, madame la députée !

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. L’article 5, qui présente les tableaux d’équilibre révisés au regard de l’état des lieux et des perspectives, appelle plusieurs commentaires. Le déficit des régimes obligatoires devait être de 9,8 milliards d’euros ; or il s’élève finalement à 11,7 milliards d’euros. Les recettes sont affaiblies et sans dynamique en raison d’une croissance inexistante et d’une économie en berne, ce qui me semble très grave.

Quant au tableau d’équilibre du régime général, il n’est guère plus brillant.

Des chiffres de cette nature montrent que nous sommes à un moment de vérité. Ils traduisent l’échec des orientations du Gouvernement visant à rétablir l’équilibre, envisagé pour 2017 mais déjà reporté à une date ultérieure. La situation est très inquiétante. Il faudrait s’engager très vite dans des réformes structurelles, ce que le Gouvernement refuse systématiquement de faire lorsque nous en faisons la demande et même lorsque la Cour des comptes l’y enjoint. Force est pourtant de constater que sa politique ne produit nullement les effets escomptés et qu’il avance masqué, dans le brouillard. On ne peut que déplorer une telle inaptitude à voir la réalité en face !

M. Jean-Pierre Door. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Claude Greff.

Mme Claude Greff. Disons-le clairement, les choses ne cessent d’empirer. Abandonner l’objectif de retour à l’équilibre des comptes constitue un réel renoncement. Le dernier rapport de la Cour des comptes recommande de mettre en œuvre des réformes structurelles, ce que vous refusez une fois encore de faire, madame la ministre, au profit des habituels coups de rabot et mesures de tuyauterie.

À ce propos, vous accusez la branche famille d’être en déficit, et même en déficit majeur. À cet égard, le transfert à son compte de charges nouvelles censées échoir au FSV, telles les majorations de pension des pères et mères de trois enfants et les droits à l’assurance vieillesse des parents au foyer – deux mesures qui représentent tout de même la somme considérable de 9 milliards d’euros par an – ne va pas arranger les choses ! Tant que vous refuserez de procéder à des réformes de structure de la Sécurité sociale, le retour à l’équilibre, demandé avec insistance par la Cour des comptes, ne pourra être envisageable. Voilà pourquoi nous proposerons la suppression de l’article 5.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. À entendre la droite, il semblerait que la sécurité sociale – et le déficit – soient nés en 2012. Permettez-moi de vous rappeler, et ce sont les chiffres que le ministre a martelés hier qui le disent, que, lorsque vous êtes arrivés aux affaires en 2002, les comptes de la sécurité sociale étaient à l’équilibre, et que lorsque vous nous les avez rendus en 2012, il y avait 116 milliards de déficit.

M. Accoyer évoquait tout à l’heure l’annexe A, ou plus exactement ce qui l’arrange dans cette annexe A, à savoir le déficit de 118 milliards d’euros.

Mme Claude Greff. C’est vrai, ou ce n’est pas vrai ?

M. Michel Issindou. Il aurait pu aussi mentionner, dans sa grande honnêteté, que ce déficit s’élevait à 76 milliards d’euros en 2009, à 20 milliards supplémentaires, soit 96 milliards, en 2010, et à 111 milliards en 2011 : vous avez progressé à un rythme de 15 à 20 milliards annuels.

Mme Claude Greff. Et pour 2012, 2013, 2014, où en êtes-vous ?

M. Michel Issindou. Vous n’attendez tout de même pas que nous vous en félicitions ! On dirait le mauvais élève de la classe depuis dix ans qui prétend donner des leçons !

Mme Claude Greff. Et en 2015, que faites-vous ?

M. Michel Issindou. Eh bien non, cela ne marche pas : les chiffres sont là, et ils sont têtus. Et ce qui est encore plus désolant est que nous essayons de résorber ces déficits que vous dénoncez, et que chaque fois que nous proposons une mesure d’économie ou de réduction des dépenses, vous la contestez !

M. Bernard Accoyer. Il n’y a aucune réforme de structure !

M. Michel Issindou. Vous ne proposez absolument rien de concret ; vous êtes dans une opposition stérile. Dont acte. Les Français apprécieront. Pour notre part, nous nous félicitons d’avoir des ministres responsables, qui présentent des mesures de nature à alléger ces déficits et à les résorber. La trajectoire de 2017-2018 sera respectée…

Mme Claude Greff. Nous sommes dans La grande illusion !

M. Michel Issindou. …et j’espère que nous renouerons enfin avec l’équilibre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Nous en venons à l’examen des amendements. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 115, 179 et 332, visant à supprimer l’article 5.

La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n115.

M. Jean-Pierre Door. M. Issindou prend ses rêves pour des réalités. Vous aviez quand même prévu un équilibre pour 2017, et il est déjà reporté à 2018 ou 2019 ! L’année prochaine, ce sera 2019 ou 2020 ! Ne prenez donc pas vos rêves pour des réalités : nous avons beaucoup de mal – et vous avez beaucoup de mal – à opérer ce retour à l’équilibre qui avait pourtant été promis.

La Cour des comptes propose et vous disposez. Mais vous ne procédez pas aux réformes de structure qu’elle demande, qui sont les seules à même d’infléchir les dépenses.

Nous ne nous situons pas, vous l’avez bien vu, sur le même terrain que vous. Heureusement, d’ailleurs ! Nous ne nous situons pas sur le terrain socialiste, mais sur un terrain réformateur ; nous serions plutôt enclins à demander les réformes de structure que vous ne faites pas.

Il est vrai que le ministre n’est pas nécessairement pour grand chose dans cette situation. Nous avons enregistré de moindres recettes fiscales l’an dernier, peut-être parce que les contribuables sont partis ailleurs, moins de CSG sur les revenus du capital, comme l’a dit M. Eckert – et je le crois. En revanche, la construction économique qui est la vôtre est très mauvaise : la croissance et la masse salariale ne seront pas au rendez-vous. Tout cela concourt à expliquer que l’article 5 ne soit pas « dans les clous ». Nous demandons donc sa suppression pure et simple.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n° 179.

M. Bernard Accoyer. Nous demandons la suppression de cet article, car nous ne pouvons accepter les hypothèses de croissance, monsieur le secrétaire d’État au budget. Vous dites que celle de 1 % aurait été émise par une autorité monétaire internationale. Pour ma part, je me réfère à ce que dit la Cour des comptes, qui est présidée par quelqu’un que vous connaissez bien, Didier Migaud. Or que dit le Haut Conseil des finances publiques ? Que l’hypothèse de 1 % pour 2015 est optimiste. Quand on connaît les précautions oratoires que prennent ces autorités, on sait ce que cela signifie : que c’est un gros mensonge. (Rires sur quelques bancs du groupe UMP.)

Enfin, cher collègue Issindou, où sont les réformes de structure ? Il y a des mesures de restriction de crédits, de contingentement, de rationnement, qui vont à l’encontre de l’accès à l’innovation, qui vont porter un tort considérable à l’industrie pharmaceutique sur le territoire en matière d’emploi, d’investissement – c’est déjà fait – et d’exportations. Vous ne touchez pas à tout ce qui nécessiterait un peu de courage, à savoir la convergence tarifaire, qu’il faudrait restaurer, la T2A, à laquelle il faudrait donner toute son ampleur, et l’âge de départ à la retraite, que vous avez abaissé en toute inconscience par un texte que vous présentez comme une réforme des retraites mais qui, en réalité, a déséquilibré encore davantage le système. Vous refusez toute réforme du financement social.

Nous ne pouvons donc accepter cet article 5, fondé sur des bases injustifiées, injustifiables…

M. Michel Issindou. Dix ans d’échec !

M. Bernard Accoyer. …et le refus de toute réforme de structure.

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n332.

M. Francis Vercamer. Le Gouvernement s’est livré à des attaques successives contre le pouvoir d’achat des retraités au moyen de deux mesures. La première a consisté à repousser la revalorisation des retraites du 1er avril au 1er octobre, ce qui n’a d’ailleurs pas eu d’effet, les petites retraites n’ayant pas été revalorisées malgré les promesses, la seconde à soumettre à l’impôt sur le revenu la majoration de 10 % des pensions des retraités. Pour masquer derrière un rideau de fumée cette attaque contre le pouvoir d’achat des personnes âgées, on vient aujourd’hui prendre des mesures pour revaloriser le minimum vieillesse, avec le versement d’une prime exceptionnelle.

Bien évidemment, cela crée un déficit, et l’on vient prendre sur la section 2 du Fonds de solidarité vieillesse, qui est bénéficiaire, pour le financer. Mais si je ne m’abuse, la section 2 est financée par la branche famille !

Mme Claude Greff. Exactement !

M. Francis Vercamer. En résumé, il y a un excédent sur la section 2 ; on vient prendre cet excédent pour financer les retraites, parce qu’on n’a pas voulu faire de réforme des retraites ; du coup, on touche à la branche famille et à l’universalité des allocations familiales ! Parce que vous ne voulez pas réformer correctement les retraites, tous les Français vont trinquer en matière d’allocations familiales ! Voilà ce que recouvre cet article, et voilà pourquoi nous avons déposé cet amendement de suppression ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission a bien entendu repoussé ces amendements de suppression.

Mme Claude Greff. Le « bien entendu » est un peu de trop !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Bien entendu, car votre argumentation est totalement contraire à la réalité des faits.

M. Patrick Ollier. C’est pourtant ce que vous avez fait !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je vous rappelle que fin 2011, vous nous avez laissé 26 milliards d’euros de déficit. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous souffrez d’une amnésie récidivante et persistante, qui tend à la chronicité. Il faut donc vous accompagner pour essayer de redresser votre jugement.

En 2014, malgré les difficultés économiques qui entraînent une perte de recettes, la stagnation du déficit – même s’il a diminué, je vais le démontrer – est liée non à un dérapage des dépenses, mais à une insuffisance de recettes. Malgré tout, le solde, qui s’établissait à 13,1 milliards en 2013, est passé à 11,7 milliards en 2014. L’enflure des mots ne saurait masquer la réalité des chiffres, et les chiffres montrent que malgré les difficultés, le Gouvernement réduit les déficits…

Mme Claude Greff. Les Français ne vous croient plus !

M. Gérard Bapt, rapporteur. …et a reporté le retour à l’équilibre de 2017 à 2018.

Vous étiez un certain nombre à siéger sous la précédente législature. Auriez-vous l’obligeance de me rappeler comment le Président de la République et son Premier ministre, M. Fillon, avaient fixé la date du retour à l’équilibre, prévu en 2015 dans les prévisions pluriannuelles ?

M. Denis Jacquat. Non : 2020 !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Nous avons obtenu de l’Europe un recul de cette date à 2017. Aujourd’hui, les circonstances économiques font que nous discutons de nouveau à Bruxelles. Voilà pourquoi je propose à l’Assemblée de rejeter ces amendements éminemment partisans. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Ollier. C’est une contre-vérité !

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Permettez-moi d’abord d’excuser Marisol Touraine, ministre de la santé, qui a dû s’absenter pour une réunion sur le virus Ebola avec le Président de la République.

M. Denis Jacquat. C’est un plaisir de vous recevoir !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Je voudrais maintenant apporter quelques réponses aux nombreuses questions qui ont été posées.

La CASA, contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, sera versée dans son intégralité à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNASA, à partir du 1er janvier 2015. Simplement, tant que la loi sur le vieillissement n’est pas votée, les dépenses prévues par ce texte ne pourront être engagées. Mais le montant sera bien versé à la CNSA, et il sera dédié à des dépenses ayant un rapport avec l’autonomie et la dépendance.

M. Denis Jacquat. Mais pas au FSV !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Pas au FSV, en effet – je tiens d’ailleurs à préciser que la ministre de la santé l’a dit hier soir dans son propos introductif.

Plusieurs questions ont porté sur le minimum vieillesse. Le décret sur le cumul entre l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, et un emploi est toujours au Conseil d’État.

Mme Claude Greff. C’est toujours la faute des autres, et jamais la vôtre !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. En ce qui concerne le montant exact de l’ASPA et les revalorisations, je rappelle que le minimum vieillesse a été revalorisé au 1er avril, du montant de l’inflation, et une deuxième fois au 1er octobre, également du montant de l’inflation. Actuellement, l’ASPA s’élève donc à 800 euros par mois. Quant à la prime de 40 euros, elle sera versée pour toute retraite globale inférieure à 1 200 euros à partir de début 2015.

Voilà l’ensemble des précisions que je souhaitais vous apporter. En ce qui concerne les amendements, l’avis du Gouvernement est défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur Vercamer, vous vous êtes enflammé sur une affaire dont je voudrais vous donner le détail, à savoir le virement de la section 2 à la section 1 du FSV. Vous semblez dire qu’il s’agit là de « piquer » de l’argent à la branche famille. Mais la section 2 du FSV a été créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, dans le cadre de la réforme des retraites de 2010, afin d’assurer la mise en réserve des recettes nécessaires au financement du maintien à 65 ans de l’âge du départ à la retraite pour les parents de trois enfants ou les parents d’enfants handicapés.

Mme Claude Greff. C’est financé par la branche famille !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Non : c’est alimenté par une partie des prélèvements sociaux sur le forfait social.

Mme Claude Greff. Non, c’est par la branche famille !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Si, madame. Il y a actuellement plus de 900 millions d’euros sur la section 2 du FSV, qui n’enregistrera de dépenses qu’à partir de 2016.

L’intégralité de la dépense correspondante est estimée à 300 millions d’euros, en cumul, d’ici 2 022. Il nous semble donc utile de procéder à ce virement, qui permet d’utiliser au mieux des réserves qui sont là et qui permettent de financer la section I, dont vous savez fort bien qu’elle permet la prise en charge des cotisations de retraite versées au titre des périodes de chômage et le financement du minimum vieillesse.

Je ne vois pas, monsieur Vercamer, d’où vient l’énervement qui s’est emparé de vous tout à l’heure.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. Monsieur Issindou, puisque l’on parle du passé et que vous êtes d’excellents gestionnaires des excédents, je veux vous rappeler les années 2000, quand M. Jospin disposait d’une cagnotte de 15 milliards d’euros, qu’il a décidé de dilapider sans désendetter le pays. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Accoyer et Mme Valérie Boyer. Très bien !

M. Jean-Pierre Barbier. Il faudrait peut-être vous en souvenir, monsieur Issindou !

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. La cagnotte, c’était Chirac !

M. Jean-Pierre Barbier. Vous nous dites que nous découvrons la Sécurité sociale en 2012. Nous ne sommes pas les seuls à faire des découvertes : en 2012, vous avez découvert l’existence de la crise. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est une sacrée découverte que vous avez faite ! La précédente crise, qui remontait à 2008, n’avait pas arrangé les déficits.

Monsieur Issindou, lorsque l’on vous dit, en commission, que le déficit de la branche vieillesse des régimes de base devrait s’élever à 1,7 milliard en 2014, vous nous répondez que tout va très bien pour le moment et que l’on va attendre la suite. C’est comme cela que vous gérez l’ensemble des budgets : il y a des déficits, on va attendre la suite ; pas de réformes structurelles. Comme vous en avez vous-même fait l’aveu en commission, au cours des trois dernières années, le déficit de la branche vieillesse a été divisé par trois. Cela a été possible grâce aux réformes que nous avons eu le courage de mettre en œuvre et que vous n’avez jamais votées. Aussi je crois que vous êtes bien mal placé pour nous donner des leçons sur le passé.

M. Christian Jacob et M. Bernard Accoyer. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. M. Bapt a généralement de la mémoire mais semble à présent souffrir d’amnésie rétrograde. Puisqu’il n’existe pas de médicament contre cette maladie et que l’on vient de brider l’industrie pharmaceutique, j’ai bien peur que la convalescence soit lente. (Sourires.)

M. Gérard Bapt, rapporteur et M. Jean-Patrick Gille. Vous en êtes la preuve vivante !

M. Denis Jacquat. Il se dit n’importe quoi dans cet hémicycle. Ai-je été, oui ou non, le rapporteur du projet de loi de réforme des retraites en 2010 ? Le problème de l’équilibre des comptes se posait à l’échéance de 2020, avec une clause de « revoyure » – mot que j’emploie à défaut d’un autre – fixée à 2017. J’ai entendu parler il y a quelques instants d’une autre date, qui n’a jamais été prononcée, même par les gens animés de mauvaise foi – ce qui était le cas de certains –, contre la réforme des retraites de l’époque.

S’agissant de cette réforme des retraites de 2010, je rappelle – il n’y avait pas, alors, de crise économique – que tous les retraités de notre pays ont reçu, le jour prévu, les sommes qui leur avaient été promises.

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Claude Greff.

Mme Claude Greff. Je veux rebondir sur les propos de notre collègue Vercamer. Monsieur le secrétaire d’État, je suis vraiment désolée de devoir vous contredire mais je dois vous rappeler qu’aujourd’hui, la majoration de pension des père et mère de trois enfants et les droits à l’assurance-vieillesse des parents au foyer sont deux mesures qui nous coûtent 9 milliards et placent la branche famille en déficit. C’est l’une des raisons pour lesquelles vous allez prendre quelques mesures, somme toute modestes, concernant la branche famille : les Français jugeront. C’est cette somme de 9 milliards qui est responsable du déficit de la branche famille, alors que tout cela aurait normalement dû échoir au FSV. Ne dites pas le contraire, c’est la réalité. Comme cela a été répété à de nombreuses reprises, les mensonges ou les erreurs successifs ne peuvent occulter la vérité.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Madame Greff, vous parlez de mensonges ou d’erreurs. Je ne sais pas qui va nous départager et qui va déterminer s’il s’agit de mensonges ou d’erreurs, mais je suis certain du fait suivant : je vous parle de la section 2 du FSV, alors que vous faites référence à autre chose, à savoir la part des majorations de pension prises en charge par la branche famille – cela n’a pas échappé à mon attention. Il s’agit donc, en l’espèce, de tout autre chose.

M. Francis Vercamer. Il y a plusieurs sections 2 !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La section 2 du FSV a été créée et s’est vu affecter une partie des recettes pour financer le maintien à 65 ans de l’âge du départ en retraite des personnes ayant eu plus de trois enfants ou des enfants handicapés. Ce n’est pas la même chose, madame Greff. Je vous demande de bien vouloir regarder cela calmement car, j’y insiste, vous ne parlez pas de la même chose que moi.

(Les amendements identiques nos 115, 179 et 332 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n845.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il est rédactionnel.

(L’amendement n845, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 5, amendé, est adopté.)

Article 6

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer, inscrit sur l’article.

M. Bernard Accoyer. Cet article traite de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie – l’ONDAM. Une nouvelle fois, celui-ci est déterminé au petit bonheur la chance, au moyen d’une posture démagogique consistant à faire mine de soutenir la médecine de ville dont, en réalité, l’enveloppe globale diminue. On sait pourtant les besoins sans cesse plus importants en matière de premier recours, c’est-à-dire d’accès aux médecins généralistes et à la médecine ambulatoire. Aucun effort sérieux n’est fait en matière de réformes de structure, en particulier dans le domaine de l’hospitalisation.

Là encore, on attend le projet de loi dit « santé » de Mme la ministre, qui contient des dispositions extrêmement inquiétantes quant à l’avenir du service public de l’hospitalisation qui, jusqu’à présent, a toujours été assuré par les deux pôles que constituent l’hospitalisation privée et publique.

M. Olivier Véran, rapporteur. C’est faux !

M. Bernard Accoyer. Cela atteste une prise de position systématiquement défavorable envers l’hospitalisation privée et un laxisme évident à l’égard de l’hôpital public, auquel on n’applique aucune réforme de structure.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. C’est un article qui rectifie la ventilation de l’ONDAM. Rappelons que, depuis plusieurs années, le rapport entre les dépenses constatées et l’ONDAM est équilibré. Il faut donc reconnaître que la maîtrise médicalisée a fonctionné. On va sans doute encore nous qualifier, nous, députés de droite, de suppôts de la médecine libérale, après l’avoir été de l’industrie pharmaceutique, mais nous l’assumons. En effet, trop souvent, on montre les médecins du doigt, alors qu’année après année, ils accomplissent des efforts. Il faut le dire.

Monsieur le secrétaire d’État, après rectification de la ventilation de l’ONDAM, on a constaté un dépassement d’environ 300 millions d’euros : on pouvait croire cette somme supérieure, mais, une fois cette reventilation opérée, elle est bien égale à ce chiffre. Cela étant dû aux indemnités journalières, il faut se demander pourquoi leur nombre a légèrement augmenté : le climat social doit en être, pour partie, responsable, comme je le vois dans ma circonscription.

Par ailleurs, les médicaments innovants contre l’hépatite C ont plutôt été placés dans l’enveloppe de l’ONDAM de ville, alors qu’ils sont majoritairement prescrits à l’hôpital. Il y a là un transfert qu’il faudra corriger à l’avenir.

Vous allez abaisser le niveau de surexécution de 300 millions : peut-on en attribuer le mérite à l’instauration de l’enveloppe spécifique relative à l’hépatite C ? Je pose la question. En tout état de cause, il faudra veiller scrupuleusement à ce qu’à l’avenir, les médicaments prescrits dans le monde hospitalier, dont l’utilité est indéniable, fassent partie de l’enveloppe ou de la sous-enveloppe « pharmacie » de l’hôpital, et non obligatoirement de la médecine de ville. Il y a un partage des rôles à définir.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. Je suis désolé, mais je vais renfoncer le clou, à la suite des débats en commission, de mon intervention d’hier au titre de la motion de renvoi en commission et de la question que vient de poser notre collègue Jean-Pierre Door.

S’agissant de la fixation de l’ONDAM de ville, j’aimerais qu’une fois pour toutes, on nous réponde clairement. Aujourd’hui, vous allez faire peser sur ce dernier, dont la progression est fixée à 2,2 %, la totalité de la prise en charge de l’innovation thérapeutique relative à l’hépatite C. Vous allez faire économiser à l’hôpital la prise en charge des patients atteints par l’hépatite C, qui ne seront plus soignés à l’hôpital. Reconnaissez qu’il y a là une injustice, ou du moins une volonté de masquer les choses. En effet, alors que les médicaments contre l’hépatite C seront prescrits à l’hôpital, par des praticiens hospitaliers, pour soigner des pathologies qui sont, in fine, systématiquement soignées à l’hôpital, vous faites porter la charge de ces médicaments à l’ONDAM de ville.

Comment la médecine de ville pourra-t-elle respecter une progression de l’ONDAM de 2,2 % avec la mise en place de ce dispositif ? C’est une vraie question car, à la fin de l’année 2015, vous ne manquerez pas de pointer du doigt la médecine de ville, en lui reprochant de n’avoir pas respecté l’ONDAM et en lui imputant la dérive des comptes de la Sécurité sociale, alors que vous adoptez un artifice pour l’année 2015.

Si vous pensez financer l’innovation dans de nouvelles molécules, en France, dans les années à venir, au moyen de ce genre de pirouettes budgétaires, la médecine de ville ne pourra pas s’en relever. Il faut vraiment que les choses soient clairement dites car, jusqu’à présent, vous ne nous avez apporté aucune réponse.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur.

M. Olivier Véran, rapporteur. Monsieur Barbier, vous avez affirmé tout et son contraire. Il y a cinq minutes, il ne fallait surtout pas que l’on régule les dépenses liées à un médicament innovant trop coûteux. À présent, nous allons pénaliser toute la filière par la mise en place du dispositif précité. Pour votre information – mais vous le savez mieux que quiconque –, un médicament onéreux, figurant sur la liste en sus, fait déjà l’objet d’un remboursement de la part de l’assurance maladie : il est exclu des tarifs des GHS, les groupes homogènes de séjour, et n’émane donc pas du secteur hospitalier.

Je me suis juré de ne pas réagir trop souvent aux provocations de M. Accoyer, mais celle qu’il a prononcée sur le service public hospitalier était véritablement énorme. Ce dernier existait jusqu’à la loi HPST, Hôpital, patients, santé, territoires, qui a supprimé la notion d’hôpital public, pour la découper en autant de missions de service public susceptibles de relever de tel ou tel établissement. Le service public hospitalier a toujours existé jusqu’à cette loi et va être restauré par le projet de loi « santé » à venir. Ce sera un service public hospitalier ouvert, puisque les établissements publics comme privés pourront y entrer, pourvu qu’ils remplissent les critères d’admission. Cela témoigne donc d’une vision non dogmatique.

M. Bernard Accoyer. Non dogmatique ! C’est comique !

M. Olivier Véran, rapporteur. Par pitié, ne nous dites pas que l’on a supprimé le service public hospitalier.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne veux pas laisser passer des propos incompréhensibles. Monsieur Accoyer, comme cela vient d’être dit, on se demande si vous souhaitez, ou non, que l’on augmente l’ONDAM.

M. Jean-Pierre Barbier. Il faut un équilibre !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous avez dit tout à l’heure qu’avec le taux d’augmentation prévu, l’ONDAM diminue. Monsieur Accoyer, l’ensemble des dépenses d’assurance maladie s’élèveront, en 2014 – comme M. Door l’a reconnu –, malgré le rebasage et un léger dépassement de 300 millions, à la somme de 178,3 milliards, alors qu’en 2015, il est prévu d’y consacrer 182,3 milliards. Or, vous avez dit que cela allait baisser.

M. Bernard Accoyer. Par rapport à l’année précédente.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mais je viens de vous indiquer les chiffres, qui sont têtus, comme moi, d’ailleurs : 178,3 milliards en 2014 contre 182,3 en 2015. Ça ne baisse donc pas.

Quant au mode de calcul de l’ONDAM, il me semble que quelqu’un a dit que cela avait été fait au doigt mouillé. Pourtant, l’annexe 7 compte cinquante pages, où vous trouverez, ligne après ligne – c’est assez rare pour être souligné – tous – je dis bien : tous – les principes qui ont été retenus pour calculer l’évolution de l’ONDAM. Il n’y a vraiment pas lieu d’entretenir le doute à ce sujet. Oui, l’ONDAM augmente. Oui, il augmente moins que si aucune mesure n’avait été prise.

Oui, il y a une différence entre l’ONDAM de ville et celui du secteur hospitalier, et c’est, là aussi, clairement détaillé dans l’annexe 7. Vous ne pouvez pas dire que c’est fait au doigt mouillé !

(L’article 6 est adopté.)

Vote sur l’ensemble de la deuxième partie

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble de la deuxième partie du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014.

(L’ensemble de la deuxième partie du projet de loi est adopté.)

Troisième partie

Mme la présidente. Nous abordons maintenant la troisième partie du projet de loi, concernant les dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général pour l’année 2015.

Article 7

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. À compter du 1er janvier 2015, ce ne sera plus le montant d’impôt sur le revenu recouvré qui déterminera le taux de CSG des retraités mais le revenu fiscal de référence. Je rappelle qu’actuellement, les pensionnés dont le revenu est imposable et non recouvrable – ceux dont l’impôt sur le revenu est inférieur à 61 euros – bénéficient du taux réduit de CSG de 3,8 %. C’est lié à l’histoire de la contribution sociale généralisée car il avait été voulu à l’époque que le pouvoir d’achat des petites retraites ne baisse pas. Or, par l’effet de cet article, ce sont presque 500 000 retraités qui vont passer d’un taux de CSG de 3,8 % à 6,6 %. À une époque où les retraités, particulièrement ceux qui touchent de petites pensions, rencontrent d’importantes difficultés financières, cela va provoquer une nouvelle baisse de leur pouvoir d’achat. C’est extrêmement regrettable.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Denis Jacquat a complètement raison : l’article 7 est particulièrement scandaleux parce qu’il affecte directement le pouvoir d’achat de plus de 500 000 retraités, à qui vous allez faire un très sale coup, monsieur le secrétaire d’État. En effet, vous proposez de modifier le critère d’attribution du taux réduit de 3,8 % de la CSG accordé à certains retraités, l’augmentant ainsi très fortement puisqu’il va passer à plus de 6,6 %. C’est-à-dire que sur une pension de 2 000 euros bruts, un retraité qui payait 3,8 % de CSG, soit 76 euros par mois, s’acquittera désormais de plus de 132 euros par mois, soit une hausse d’impôt annuel de 659 euros. Ce sont donc 500 000 retraités des classes moyennes, monsieur le secrétaire d’État, qui vont subir une érosion très forte de leur pouvoir d’achat. C’est tout de même assez scandaleux de…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur Tian, c’est faux !

M. Dominique Tian. Vous aurez tout loisir de me répondre, mais je vois que vous êtes en difficulté, ce que je note bien volontiers,…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Non, je suis très à l’aise !

M. Dominique Tian. …comme le fera sans doute de nouveau la presse de demain.

Vous ne pouvez pas affirmer que 500 000 retraités ne sont pas concernés par cette modification du dispositif et que cela ne représente pas une hausse d’impôt très importante pour ces personnes. C’est un mauvais coup porté au pouvoir d’achat de 500 000 retraités de notre pays.

M. Jean-Frédéric Poisson. M. Tian a raison !

M. Christian Jacob. M. Eckert est contre la famille : il n’aime ni les enfants ni les retraités !

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Comme vient de le dire avec beaucoup de précision Dominique Tian, cet article s’en prend directement au pouvoir d’achat, en particulier à celui de retraités aux revenus modestes puisqu’ils perçoivent environ 1 100 euros mensuels. Vous conviendrez comme moi, monsieur le secrétaire d’État, que ce n’est pas beaucoup. Hier, lors de mon intervention à la tribune, pour laquelle j’avais choisi les mots de façon particulièrement pesée, je vous ai vu gesticuler, hurler sur votre banc, considérant que la hausse très importante que j’annonçais ne reflétait pas la réalité du contenu du texte. J’affirme aujourd’hui, et je vous défie de me démentir, que quand on passe de 3,8 % de CSG à 6,6 % pour 500 000 retraités, il s’agit bien d’une hausse de 75 % de la CSG ! (« Exactement ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Même si le chiffre exact n’est pas de 500 000 mais de 460 000 pensionnés concernés, on sait que la hausse de la CSG constitue un nouveau coup contre les retraités. On atteint aujourd’hui un niveau de prélèvements insoutenable. Le taux de la CSG va passer de 3,8 % à 6,6 %, soit un doublement de leur imposition au titre de cette taxe.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous avez dit quasiment mot pour mot la même chose que les orateurs précédents ! Nous faisons vraiment preuve de patience !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Dès la discussion générale, j’avais évoqué cet article puisqu’il est l’application directe des conclusions du groupe de travail sur la fiscalité des ménages auquel ont participé plusieurs membres des groupes de l’opposition, qui ont d’ailleurs salué dans cet hémicycle, la semaine dernière, la grande qualité du travail effectué. Nous avons montré dans notre rapport sur la fiscalité des ménages qu’il y avait, notamment sur le bas de barème, des effets de seuil qui conduisaient à rendre l’impôt incompréhensible et illisible. Parmi ces effets de seuil, il y a celui du taux réduit de CSG qui aboutit à ce qu’on a souvent nommé, le secrétaire d’État l’a rappelé, « les retraités yo-yo », et que j’appelle pour ma part « les retraités en courant alternatif au taux réduit de CSG ». En effet, prendre comme critère l’impôt payé renvoie à des éléments aléatoires qui sont de deux types : le premier fait référence à une année n pour bénéficier d’un crédit d’impôt ou d’une réduction d’impôt, ce qui peut conduire, à revenu égal, des retraités à payer des taux de CSG différents – c’est votre droit de trouver cela normal, chers collègues de l’opposition, mais vous assumerez jusqu’au bout cette injustice – ; le second type d’éléments est lié techniquement au caractère déductible d’une partie de la CSG puisque le fait d’être une année soumis à la CSG à taux réduit accroît le revenu, pouvant conduire à devenir imposable l’année suivante, donc à être soumis au taux normal, ce qui pourra conduire à être de nouveau non imposable l’année d’après. Il y a donc des retraités qui, sans que leur revenu de référence n’ait bougé d’une année sur l’autre, voient leur taux de CSG modifié d’une année sur l’autre. Personne ne peut comprendre cela. Ce n’est ni juste ni compréhensible ! La mesure proposée dans cet article ne prévoit pas d’augmentation de la CSG sur les retraités. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Vous savez bien que ce que vous dites est globalement faux ! La modification se fait à enveloppe constante, avec une répartition plus juste, une stabilité, donc la clarté.

M. Bernard Accoyer. Mensonges ! C’est incroyable !

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. Je rappelle au passage que les retraités payent la CSG à un taux inférieur à celui auquel est soumis l’ensemble des actifs exerçant un travail !

Mme la présidente. Je vous invite, mes chers collègues, à diminuer le niveau sonore des interventions : elles seront tout aussi claires... (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. Dites-le au rapporteur pour avis !

Mme la présidente. La parole est à Mme Claude Greff.

Mme Claude Greff. Monsieur Lefebvre, il ne faut pas vous faire du mal… Sinon, si vous voulez durer tout au long du débat, cela risque d’être compliqué pour vous.

Plusieurs députés du groupe UMP. Absolument !

Mme Claude Greff. Vous avez parlé à l’instant même de « retraités à courant alternatif », mais je peux vous dire que tout à coup, les retraités vont « péter un plomb » (Sourires sur les bancs du groupe UMP.) parce qu’ils vont avoir un 25 décembre extrêmement difficile quand ils se rendront compte que le 1er janvier 2015, tout va changer pour eux. Oui, monsieur Lefebvre, le nouveau mode de calcul du droit au taux réduit de CSG va faire passer près de 500 000 personnes d’un taux de 3,8 % à 6,6 %.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Mais c’est déjà ce qui se passe aujourd’hui, et à cause de vous !

Mme Claude Greff. Les retraités vont être pénalisés. Ce sera quasiment le doublement de leur imposition au titre de cette taxe.

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. Entendre autant de mensonges dans l’hémicycle !

Mme Claude Greff. Mais enfin, monsieur Lefebvre, on ne peut pas ignorer à ce point la réalité des faits. Je ne comprends pas ce gouvernement qui s’attaque à la branche famille et aux retraités. On a l’impression que le socialisme s’attaque au social, ce qui est tout de même curieux. En tout cas, les retraités l’ont déjà constaté et s’en souviendront.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Cet article est très important parce qu’il vise à modifier les règles relatives aux contributions sociales sur les revenus de remplacement en taxant des retraites au taux de 6,6 % en lieu et place de 3,8 %. On entend bien votre motivation, monsieur Lefebvre : contrer des effets de seuil, appliquer une prétendue mesure de justice en se basant sur le revenu fiscal de référence. Mais vous nous dites qu’il n’y aura pas globalement d’impact budgétaire. Certes, cette mesure n’aura pas d’impact sur le budget, mais elle en aura sur les Français puisque nous aurons 700 000 gagnants,…

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ce n’est déjà pas mal !

Mme Véronique Louwagie. …et 460 000 perdants – je renvoie à l’étude d’impact, page 82. Cela veut dire que l’on va concentrer des contributions qui étaient payées par 700 000 personnes sur 460 000. J’ajoute que pour certains déciles, notamment le cinquième qui correspond aux classes moyennes, nous trouvons 92 000 perdants et 77 000 gagnants. Il y aura donc plus d’impôt pour 460 000 retraités, qui vont devoir payer ce qui incombait jusqu’ici à 700 000 autres. On doit le dénoncer parce que c’est une véritable orientation de votre part, que l’on retrouve également dans le projet de loi de finances à travers la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu : il s’agit dans les deux cas de concentrer l’impôt sur un nombre de foyers en constante diminution.

M. Bernard Accoyer. C’est en effet leur obsession !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Germain. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Marc Germain. Chers collègues, je suis un peu surpris de ce débat, d’autant que nous allons en avoir d’autres vraiment très importants.

M. Bernard Accoyer. Au PS ?

M. Jean-Marc Germain. Dominique Lefebvre a très bien expliqué que le groupe de travail a cherché à résoudre un problème en satisfaisant à un des principes de notre Constitution : chacun contribue à l’impôt – en l’occurrence à la CSG – au regard de ses capacités contributives. Le problème, c’est que l’on paye actuellement non pas en fonction de ses capacités contributives mais des crédits d’impôt dont on peut bénéficier. La mesure proposée corrige un tel mécanisme. Je m’attendais à ce qu’on soit tous d’accord et que l’on applaudisse cet article. Vous pouvez proposer de baisser la CSG ou certains impôts ; fort bien, discutons-en, mais je souhaiterais que nous tous envoyions un message très clair : ce qui est proposé ici n’est ni de droite ni de gauche, c’est une mesure de justice conforme à notre Constitution.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je redis une fois pour toutes la position du Gouvernement. Ce n’est pas parce qu’un mensonge est répété que c’est une vérité.

Dire que cet article va augmenter le produit de la CSG, c’est un mensonge. Ce produit sera exactement le même qu’avant l’application de cet article. C’est clair, net et précis.

M. Bernard Accoyer. Mais ce ne sont pas les mêmes qui vont payer !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je rappelle qu’il y a actuellement trois taux de CSG pour les revenus de remplacement, c’est-à-dire essentiellement les retraites et les indemnités chômage. Une partie de la population concernée ne paye pas de CSG, une autre un taux intermédiaire – soit 3,8 % –, le reliquat paye le taux normal – 6,6 % pour les retraités, 6,8 % pour les chômeurs. Savez-vous comment et pourquoi on passe aujourd’hui de 0 % à 3,8 % ? C’est le cas lorsque le revenu fiscal de référence dépasse un certain seuil, soit 10 224 euros actuellement. Quand passe-t-on de 3,8 % à 6,6 % ? Quand l’impôt payé dépasse un certain seuil, et non plus son revenu de référence. Je conteste donc les chiffres de M. Tian. Il a cité l’exemple d’un retraité qui perçoit 2 000 euros, mais s’il n’a pas de crédit d’impôt ou de réduction d’impôt, il paye déjà le taux maximal. Certes, s’il a investi dans des SOFICA, s’il peut déduire de l’assiette des investissements (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

M. Jean-Pierre Barbier. Et alors ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’est Balkany quand il investit à Saint-Barth !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …il peut alors, en effet, payer une CSG inférieure au taux maximal.

Eh bien, le Gouvernement estime que ce n’est pas juste ! La cotisation sociale doit être payée en fonction de son revenu.

Dominique Lefebvre l’a rappelé, cet effet de yo-yo existait déjà auparavant ; je n’y reviendrai pas car j’ai conscience d’être un peu long, mais le sujet est d’importance : vous essayez d’accréditer l’idée que cette opération de justice et de stabilité aurait en réalité pour objectif de ponctionner de la CSG supplémentaire aux retraités. Certes, comme dans beaucoup de réformes, certains vont y gagner et d’autres y perdre ; mais pour ceux qui ne bénéficieraient pas de réduction ou de crédit d’impôt, nous avons converti, à l’euro près, le seuil d’imposition en revenu fiscal de référence, en nous appuyant sur le barème : il y aura donc quelque 700 000 personnes dont le taux de CSG diminuera de 6,6 à 3,6 %, tandis que 460 000 retraités passeront, eux, d’une tranche à l’autre.

Et vous prétendez que la CSG prélevée sur les retraités va augmenter de 75 % ? C’est pour le moins une déformation de la réalité, car la CSG payée par l’ensemble des retraités variera de 0 %, mesdames et messieurs les députés ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas vrai !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Si, monsieur Accoyer, et je le répète : la CSG payée par l’ensemble des retraités augmentera de 0 % !

M. Bernard Accoyer. Il y a des limites quand même !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur Accoyer, les chiffres sont têtus, et moi aussi. Peut-être l’êtes-vous également, mais nous avons tout notre temps : j’en suis au sixième jour d’examen de ce texte, j’en ai encore pour deux mois, et j’entends bien ne pas laisser se répandre de malentendu ou de contrevérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Accoyer. C’est scandaleux !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Voilà la mesure que vous propose le Gouvernement : elle est destinée à tenir compte des revenus perçus, et non de l’impôt payé, car il existe des réductions et des crédits d’impôts – souvent, d’ailleurs, parmi les retraités les moins modestes : ce n’est pas honteux, mais c’est une réalité.

Voilà ce que j’avais à dire. J’essaierai de ne plus intervenir sur ce point, car cela me paraît suffisamment clair. Globalement, la CSG payée par les retraités ne va pas bouger ; après, qu’individuellement, certains passent d’une tranche à l’autre, c’est évident : sinon, cela ne vaut pas la peine de faire une réforme !

Mme Claude Greff. Conclusion, monsieur le secrétaire d’État : un mensonge, même expliqué, reste un mensonge !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. On entend quand même des choses extraordinaires cet après-midi dans cet hémicycle ! Vous avez une étrange conception de l’égalité et de la justice !

Nous assistons à un nivellement par le bas. En outre, vous remettez en cause le principe même des réductions d’impôt.

Pourquoi les réductions d’impôt et les niches fiscales ont-elles été instituées ? Pour favoriser la construction de logements, l’isolation des maisons, pour inciter les gens à investir en faveur de l’emploi.

M. Gérard Sebaoun. Et pour réduire la CSG !

M. Jean-Pierre Barbier. Vous cherchez à faire passer ceux qui bénéficient de réductions d’impôt pour des quasi-fraudeurs. Je trouve cela scandaleux ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.– Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mais cela correspond bien à votre philosophie…



De plus, vous supprimez la première tranche de l’impôt sur le revenu. Qui va payer ? Ceux qui sont juste au-dessus ! De même, pour la CSG, il n’y aura effectivement plus d’effet de yo-yo, car vous allez bloquer tout le monde au maximum !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est faux !

M. Jean-Pierre Barbier. Non seulement vous augmentez les cotisations, mais en outre – car votre démonstration est incomplète –, pour ce qui est du reversement, par exemple les allocations familiales, vous décidez que plus les gens cotiseront, moins ils toucheront.

En définitive, à quoi mène votre politique ? Eh bien, comme vous n’arrivez pas à améliorer le sort des Français, en particulier celui des plus modestes, vous faites en sorte d’abaisser ceux qui ont un peu plus. Mais, monsieur le secrétaire d’État, ce n’est pas en appauvrissant le riche que vous enrichirez le pauvre !

M. Jean-Frédéric Poisson. Bravo !

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 118, 182, 333 et 367, tendant à supprimer l’article.

La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n118.

M. Jean-Pierre Door. Pour compléter ce qui vient d’être dit, je signale à M. le secrétaire d’État qu’il s’agit de recettes du type « rabot » : comme on cherche un peu partout de la trésorerie disponible, on divise les retraités entre, d’un côté, ceux qui seront gagnants et, de l’autre, ceux qui seront perdants. C’est comme si l’on jouait à l’Euro Millions ! Mais est-ce une bonne chose que d’opposer ainsi les uns aux autres et de jouer les gagnants contre les perdants ?

Soyons clairs : vous attaquez bille en tête les retraités en augmentant la CSG. Ne le niez pas ; vous savez mieux compter que moi, monsieur Eckert : quand on passe de 3,8 % à 6,6 %, il s’agit d’une évolution de plus de 75 %, pas de 0 %. C’est donc bien une augmentation !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Et quand on passe de 6,6 % à 3,8 % ?

M. Jean-Pierre Door. Voilà : vous, vous regardez le verre à moitié vide, nous, celui à moitié plein ; c’est toute la différence entre nous !

Le problème, c’est que 500 000 retraités vont apprendre que leur CSG va augmenter. C’est quand même dommage !

Mme Valérie Boyer. C’est sûr !

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n182.

M. Bernard Accoyer. Monsieur le secrétaire d’État, ne croyez-vous pas qu’il serait sage que vous donniez un avis favorable à la suppression de cet article – à moins que, contrairement à ce que vous nous assénez, il y ait derrière la volonté d’obtenir des recettes supplémentaires, auquel cas cela contrarierait l’équilibre de l’ensemble du texte ?

Ne croyez-vous pas que vous-même et votre majorité jouez aux apprentis sorciers, lorsque vous vous érigez en justiciers et déclarez : « Ceux qui ont bénéficié de réductions fiscales en embauchant une personne à domicile parce qu’ils étaient dépendants ou que leur conjoint l’était doivent être sanctionnés » ? Résultat : leur CSG augmentera de 75 % – excusez du peu.

Nier, comme vous le faites, que passer d’un taux de 3,8 % à un taux de 6,6 % correspond à une augmentation de 75 % n’est qu’une grossière faute de calcul !

Pourtant, monsieur le secrétaire d’État, nous devrions pouvoir vous faire confiance : a priori, vous savez calculer… Soit c’est bien le cas, et il vous faut supprimer cet article, soit cela ne l’est pas, et l’on est droit de se poser des questions !

Retirez cet article qui ne provoquera que des frustrations et des mécontentements – et qui, surtout, aboutira à dresser les Français les uns contre les autres, ce qui est en définitive le résultat de la politique de ce gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n333.

M. Francis Vercamer. Beaucoup de choses ayant déjà été dites, je me contenterai de réitérer les propos que j’ai tenus en commission – et qui ont été repris par Mme Louwagie.

Monsieur le secrétaire d’État, vous qui êtes agrégé de mathématiques, vous admettrez que, si l’on modifie le partage d’un montant restant stable et que 700 000 personnes y gagnent et 460 000 y perdent, celui qui y perd perdra davantage que ne gagnera celui qui y gagne. En d’autres termes, les personnes âgées qui verront leur taux de CSG augmenter débourseront plus que ne gagneront celles dont le taux de CSG diminuera. Bref, comme le signalait Mme Louwagie, la conséquence de votre amendement est que l’on va concentrer la CSG sur un plus petit nombre de personnes.

J’ai bien noté que vous comptiez tout rapporter au revenu fiscal de référence, mais j’ai déjà souligné à plusieurs reprises que le problème est que ce dernier ne prend pas en compte tous les revenus – notamment les allocations et les revenus de remplacement. Il serait bon de mettre tous les Français sur un pied d’égalité. J’avais déposé un amendement en ce sens, qui a été déclaré irrecevable : on m’a dit qu’il était trop large et qu’il n’entrait pas dans le cadre du PLFSS. Il serait cependant bon que vous réfléchissiez, monsieur le secrétaire d’État – puisque cette question est de votre ressort – à la possibilité d’inclure l’ensemble des revenus des Français dans le revenu fiscal de référence, afin que l’on puisse enfin comparer les Français – j’ai bien dit « comparer », et non pas « imposer » : que l’on ne détourne pas mes propos !

Quant aux crédits d’impôts, je ne suis pas persuadé que des personnes âgées gagnant 1 100 euros par mois en bénéficient de beaucoup – hormis pour des dons ou des cotisations à des associations caritatives ou à certaines fondations. Le problème n’est pas là !

Enfin, monsieur Germain, vous soutenez cet article, mais vous avez dans le même temps déposé un amendement visant à rendre la CSG progressive, en partant d’un taux de 5 % pour la fraction des revenus inférieure à 9 690 euros : ce n’est guère cohérent !

M. Jean-Marc Germain. C’est pourtant la même philosophie !

M. Francis Vercamer. J’imagine qu’en conséquence, vous retirerez l’amendement n789.

Mme Claude Greff. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n367.

M. Dominique Tian. M. Lefebvre est très fier de son travail, et c’est bien normal, puisque l’exposé des motifs de l’article 7 s’appuie sur « le rapport du groupe de travail sur la fiscalité des ménages remis par MM. Dominique Lefebvre – que nous connaissons – et François Auvigne » – que nous connaissons moins, mais qui est un haut fonctionnaire de Bercy, ce qui lui donne une compétence pour récupérer de l’argent auprès des ménages français, mais pas une compétence politique…

Vous avez découvert, monsieur Lefebvre, qu’il existait des effets de seuil et vous vous demandez si, après tout, il est normal qu’un retraité donne de l’argent à une association et que cela lui permette de bénéficier d’une sorte de réduction fiscale, s’il est normal qu’il aide ses enfants dans leur scolarité – d’un point de vue fiscal, ce n’est peut-être pas très utile –, s’il est normal que lorsqu’une personne âgée emploie quelqu’un pour l’aider à domicile, elle bénéficie d’une réduction d’impôt.

En réalité, vous êtes en train de vous attaquer à des personnes dont le revenu est de 14 000 euros par an ! Il s’agit, non pas d’une niche fiscale, mais de personnes qui ont travaillé toute leur vie pour une retraite de 1 200 euros par mois. Alors, pitié : ne dites que c’est une mesure de justice fiscale ! Au moins, respectez ces personnes qui ont travaillé toute leur vie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Tout ça pour ça !

D’abord, comme l’a dit le secrétaire d’État, il n’y aura pas, globalement, un euro supplémentaire prélevé par la CSG sur les allocations de remplacement,…

M. Élie Aboud. Ce n’est pas vrai !

M. Gérard Bapt, rapporteur. …qui ne correspondent d’ailleurs pas aux seules allocations de retraite, mais incluent aussi les allocations chômage et les rentes d’invalidité.

Ensuite, si l’on supprimait l’article, vous laisseriez perdurer une situation qui fait que, tous les ans, près de 10 % des retraités font du yo-yo, passant d’un taux de CSG à un autre, bien que leur revenu n’ait absolument pas changé. Certains y gagnent, en passant au taux modéré, d’autres y perdent, en revenant au taux de droit commun. Comment peut-on préférer une telle situation ? Sans même parler de justice fiscale, cet article est une simple mesure rationnelle.

En outre, il semble tout de même normal que le retraité dont le revenu de référence est élevé mais qui profite de tel ou tel abattement ou crédit d’impôt soit considéré autrement que celui qui a un revenu fixe et ne bénéficie d’aucun abattement.

Bref : adopter ces amendements reviendrait à faire en sorte que perdure une situation où 10 % des retraités changent, tous les ans, de régime de CSG. Voilà pourquoi la commission a repoussé ces amendements et qu’elle appelle l’Assemblée à adopter l’article 7.

Mme Sylviane Bulteau. Très bien !

Mme Claude Greff. Comment vont faire les retraités pour payer leurs prothèses dentaires ? (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je voudrais répondre à un argument qui n’avait pas été avancé jusque là – le reste ayant déjà été dit cent fois. M. Vercamer remet en cause l’utilisation du revenu fiscal de référence…

M. Francis Vercamer. Je ne le remets pas en cause !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Disons que vous vous interrogez à son sujet.

Je pense que M. Vercamer a raison : le revenu fiscal de référence ne contient pas tous les revenus. Néanmoins, il en contient beaucoup plus qu’il y a deux ans.

M. Dominique Tian. Ça, on vous fait confiance !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je pense que c’est un bon critère – de toute façon, cela ne peut être que le revenu ou l’impôt : s’il fallait monter une usine à gaz pour que chacun déclare tout ce qui n’est pas imposable, cela deviendrait très compliqué.

Il contient donc plus de revenus qu’avant – chacun appréciera si c’est pour de bonnes ou de mauvais raisons. D’abord, il intègre désormais l’ensemble des revenus du capital, alors que, n’étant pas jusque là soumis au barème, ceux-ci n’étaient pas inclus auparavant. Il s’agit d’une mesure d’équité – en tout cas, selon ma conception de l’équité, mais chacun peut avoir la sienne.

Il inclut aussi des majorations de pension. Je pense que vous objectez que vous considérez qu’il ne fallait pas les rendre imposables, et, certes, chacun peut avoir son point de vue sur ce sujet aussi. Ce que je voulais dire, c’est que je pense que la question posée par M. Vercamer est pertinente.

Qu’est-ce que le revenu fiscal de référence n’englobe pas ? Essentiellement les allocations familiales, les allocations logement et un certain nombre de prestations.

M. Charles de La Verpillière. Pour l’instant !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est un choix, mais, aujourd’hui, le revenu fiscal de référence est beaucoup plus proche des revenus réels qu’il ne l’était il y a deux ans. Certains pourront le regretter, d’autres s’en réjouir.

En tout cas, le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. La commission des finances a adopté cet article en présence du président Carrez et de Charles de Courson, qui étaient membres du groupe de travail sur la fiscalité des ménages. Moi, je ne porte jamais de jugement sur le travail que je réalise, eux l’ont fait à plusieurs reprises, et publiquement, et sur ce sujet-là. Je pense que les membres de la commission des finances ont quand même un peu de légitimité pour parler de l’impôt. Je rappelle que la contribution sociale généralisée est un impôt. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. On sait lire !

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales. Quel mépris !

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. Donc quand Gilles Carrez et Charles Courson interviennent pour appuyer ce fait que, du point de vue de l’assujettissement à l’impôt comme du point de vue de la distribution,… (Les exclamations se prolongent sur les bancs du groupe UMP.)

Je dis simplement que les membres de la commission des finances ont une légitimité pour parler de fiscalité, ce qui ne retire rien à la légitimité d’autres. Vous ne me ferez pas dire ce que je n’ai pas dit, monsieur Door

M. Bernard Accoyer. Quelle suffisance ! C’est incroyable !

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. Je reviens donc sur le sujet. La contribution sociale généralisée est un impôt, qui a été adopté dans cet hémicycle en 1990, après, d’ailleurs, le rejet, à six voix près, d’une motion de censure. À l’époque, l’opposition était totalement hostile à cet impôt. Je rappelle qu’il a été créé sur un principe simple : à revenu égal, imposition égale. La grande force de la CSG, et c’est d’ailleurs ce que vous dites quand vous critiquez l’impôt sur le revenu, c’est qu’elle touche 97 % des revenus dans ce pays, alors que l’impôt sur le revenu a une assiette beaucoup trop étroite, qui explique ses taux élevés.

En l’espèce, mettons-nous d’accord sur une chose simple : les 700 000 retraités qui vont voir leur taux de CSG passer de 6,8 % à 3,8 %…

Mme Claude Greff. Tout à l’heure, ils étaient 500 000, pas 700 000 !

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. …ont tous, aujourd’hui, des revenus inférieurs à ceux des retraités qui vont passer du taux de 3,8 % à celui de 6,8 %. Voilà. Et c’est donc tout simplement une mesure de justice sociale, parce que vous ne savez pas expliquer pourquoi, aujourd’hui, un retraité percevant une pension de 1 000 euros et payant plus de 61 euros d’impôt paie 6,8 % de sa retraite et pourquoi un retraité qui gagne 1 500 euros mais qui sature les crédits d’impôt et les réductions d’impôt…

M. Bernard Accoyer. Il ne le fait pas par plaisir !

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. …n’en paierait que 3,8 %. Si vous savez expliquer ça au retraité qui a 50 % de retraite de moins que l’autre et qui paie le double de taux de CSG…

Mme la présidente. Il faut conclure, cher collègue.

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. Eh bien, écoutez, je suis certain que, ceux-là, ils vont nous comprendre.

M. Bernard Accoyer. Si vous êtes membre de la commission des finances, vous n’avez qu’à supprimer les niches !

Mme la présidente. La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Cher collègue, ce n’est pas parce que vous avez cité deux parlementaires qui ont une très forte et précieuse expertise dans le monde des finances que vous allez nous impressionner. Ne souriez pas, vous venez d’avoir une attitude qui n’est pas responsable. Dans cet hémicycle, il y a des avocats, il y a des profs, il y a des médecins…

Mme Claude Greff. Il y a des infirmières !

M. Élie Aboud. …et il y a des sans-emploi, mais ils sont tous députés de la République et ils tiennent tous leur légitimité du peuple. Et, moi, je ne me permets jamais de vous donner des cours de médecine et de chirurgie.

Mme la présidente. Mes chers collègues, écoutez-vous les uns les autres, parlez les uns après les autres, parlez normalement, on entend très bien. J’invite chacun à un peu plus de modération dans son expression, parce que le niveau sonore est particulièrement pénible, et ne contribue pas à la compréhension des propos des uns et des autres.

La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Merci, madame la présidente : vous avez parfaitement raison d’insister sur le niveau sonore. En tant qu’ORL de profession, je le dis, vous avez parfaitement raison et je vous félicite. Simplement, je voudrais dire à M. Lefebvre, qui continuait à sourire quand M. Aboud parlait, que la commission des affaires sociales, dont je suis membre depuis de très nombreuses années, ce n’est pas de la piétaille. Et je sais lire, je sais compter, parce que j’ai été à l’école, en Lorraine, où il y avait des professeurs de mathématiques, comme Christian Eckert, qui étaient remarquables. Nos professeurs lorrains nous ont appris à compter, à écrire, et on est à la commission des affaires sociales et pas à la commission des finances. Et je ne peux admettre ce que vous avez dit il y a quelques instants, qu’il y avait deux catégories de députés, ceux de la commission des finances et la piétaille.

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. Je n’ai jamais dit ça !

M. Denis Jacquat. C’était dans votre sourire...

(Les amendements identiques nos 118, 182, 333 et 367 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 846, 847, 848, 891 et 896 rectifié, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour les soutenir.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ce sont des amendements rédactionnels, madame la présidente.

(Les amendements nos 846, 847, 848, 891, 896 rectifié, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt, pour soutenir l’amendement n878, troisième rectification.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement est très, très long, mais il est également purement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Je voudrais revenir sur les propos que vient de tenir M. le rapporteur pour avis de la commission des finances. Je demande simplement qu’il présente ses excuses à chacune et à chacun des membres de la commission des affaires sociales. Il a traité certains d’entre nous, qui siégeons dans cette commission depuis longtemps, de députés qui ne disposeraient pas de toutes les connaissances, de toutes les compétences qui sont celles de cet érudit qu’il prétend être mais dont nous doutons qu’il ait de réelles valeurs humaines.

M. Denis Jacquat. Très bien !

(L’amendement n878, troisième rectification est adopté.)

(L’article 7, amendé, est adopté.)

Après l’article 7

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Germain, pour soutenir l’amendement n789, portant article additionnel après l’article 7.

M. Jean-Marc Germain. J’espère que cette discussion fera un peu retomber la tension, car il faut savoir garder ses nerfs, chers collègues, dans un débat aussi important.

M. Dominique Tian. Surtout quand on est au PS !

M. Jean-Marc Germain. Reconnaissons tous les compétences de notre collègue Lefebvre, qui suit ce sujet avec passion depuis des décennies. On peut lui savoir gré de nous éclairer sur les décisions importantes.

En 2012, monsieur le secrétaire d’État, nous avons tous fait un rêve. Quand je dis « nous », je vise un grand nombre de ceux qui sont dans cet hémicycle. Ce rêve était celui d’une grande réforme fiscale, laquelle comprenait beaucoup d’éléments, dont certains ont déjà été mis en œuvre, notamment cette belle idée d’aligner la fiscalité du capital sur celle du travail. Le capital était moins imposé que le travail, et il reste encore du chemin à faire, mais un pas a été franchi. Elle comprenait aussi l’idée de reconstituer un impôt sur le revenu citoyen digne de ce nom, qui serait né de la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG. Bien sûr, ce n’est pas un sujet simple, parce que l’impôt sur le revenu n’est pas prélevé à la source, alors que la CSG l’est, parce que la CSG n’est pas progressive, alors que l’impôt sur le revenu l’est, et puis parce qu’il y a tout un tas d’avantages familiaux qui sont liés à l’impôt sur le revenu.

Cet amendement a pour objet de reprendre le sujet d’une façon assez simple, en deux étapes. Instaurer dès maintenant une CSG progressive, telle est la première.

C’est faisable, on vient d’ailleurs d’adopter un amendement qui instaure une CSG progressive, celle qui s’applique aux retraités, qui aligne son taux sur les tranches de l’impôt sur le revenu, ce qui prépare la fusion avec l’impôt sur le revenu. Des taux réduits de CSG seraient créés en fonction du quotient familial, exactement alignés sur les tranches de l’impôt sur le revenu. Cela aurait l’avantage de doper le pouvoir d’achat, à un moment où le pays en a plus que tout besoin.

Est-ce que c’est faisable juridiquement ? C’est la première question. On en a beaucoup débattu, ces dernières années, dans cet hémicycle. La réponse est oui. Je viens de le dire : nous venons d’adopter un amendement qui améliore une CSG qui est déjà progressive, celle qui s’applique aux retraités. La condition, c’est de prendre en compte le revenu fiscal de référence et le quotient familial pour déterminer les tranches.

La deuxième question est la suivante : est-ce faisable politiquement ? C’est peut-être celle qui nous a fait hésiter ces dernières années, puisqu’on avait envisagé une réforme qui se faisait à coût constant. La difficulté, c’est que pour baisser les taux de CSG sur les plus modestes, il fallait mettre à contribution les classes moyennes, ce que nous avons refusé de faire, et nous avons eu raison, mais, puisqu’un mouvement massif de baisse des impôts est engagé – 46 milliards sont programmés dans les trois ans qui viennent : 5 pour les ménages, 41 pour les entreprises –, nous proposons ici de reprendre une partie de ces baisses prévues pour les entreprises, par exemple toutes celles dont la banque, la finance et l’assurance doivent bénéficier et de l’utiliser pour une baisse de la CSG. À partir du moment où cela s’inscrit dans un mouvement, il n’y a plus à compenser sur les classes moyennes, et c’est donc politiquement faisable.

Est-ce possible financièrement ? Ce que nous proposons est intégralement financé. Il faut renoncer à la baisse de la C3S et limiter celle de l’impôt sur les sociétés aux entreprises qui réinvestissent leurs bénéfices. Dans ces conditions, cela ne coûte pas un euro, cela ne creuse pas d’un euro le déficit, cela dégage du pouvoir d’achat, et nous avons cette grande réforme fiscale que l’on souhaite tous.

Nous en avions déjà débattu, monsieur le secrétaire d’État, et nous avions dit que nous prendrions l’été pour réfléchir. Je crois que le temps de la décision est venu. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Pascal Cherki. Lumineux ! Imparable !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. M. Jean-Marc Germain a de la suite dans les idées.

M. Charles de La Verpillière. Ce sont les frondeurs !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il nous présente le même amendement qu’à l’occasion du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale. Je voudrais simplement faire deux observations.

La première, cher collègue, c’est que vous avez écarté d’un revers de main la question de la constitutionnalité, au motif de l’existence – bien réelle – d’un taux réduit de CSG – en fait, un taux nul et un taux réduit – pour les revenus de remplacement.

Deuxième observation : selon vous, les coûts entraînés par votre proposition, qui est gagée par une hausse des droits d’accise sur le tabac, pourraient être équilibrés par la réduction d’un certain nombre d’éléments du pacte de responsabilité.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ce pacte, proposé par le Gouvernement, est destiné à améliorer la compétitivité des entreprises. C’est pourquoi, étant donné ce que nous savons des intentions du Gouvernement, la commission a rejeté votre amendement.

M. Bernard Accoyer. Eh oui, c’est le problème !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cet amendement est connu : des amendements proches ont déjà été déposés, et les arguments pour et contre un tel dispositif ont souvent été échangés. J’en rappellerai quelques-uns.

Gérard Bapt a évoqué la question de la constitutionnalité de ce dispositif, qui a déjà été posée. Je ne pense pas que le contenu de cet amendement lève cette difficulté. Cela dit, nul ici n’est habilité à se prononcer à la place du Conseil constitutionnel.

Deuxième remarque : votre amendement pose un certain nombre de difficultés techniques. Certes, ces difficultés ne constituent pas l’argument principal contre votre amendement, auquel je viendrai progressivement. Si, comme vous le proposez, nous rendons la CSG progressive en fonction du revenu, il y aura beaucoup de régularisations au moment où le revenu annuel sera connu. De là découle un certain nombre d’inconvénients techniques, pratiques, car il faudra procéder à un ajustement en fonction du revenu annuel.

Nous avons déjà rencontré cette difficulté dans d’autres domaines. Nous la rencontrerons peut-être sur un autre sujet auquel le Gouvernement travaille en ce moment, à savoir le RSA activité et la prime pour l’emploi, ou encore à propos d’autres projets de réforme, dont il est peut-être prématuré de parler.

Le troisième élément est probablement le plus important. Vous avez dit vous-même, monsieur Germain, en présentant cet amendement, qu’une réforme sans perdant a forcément un coût. Je résume votre propos, mais je ne pense pas le caricaturer. Ce coût, en l’occurrence, serait massif. Une autre solution serait de procéder par transferts de charges, afin que le coût de la réforme soit nul. C’est d’ailleurs un peu ce que nous avons fait tout à l’heure : en changeant le critère, d’une certaine manière, nous avons fait des transferts.

Cela m’amène à ma conclusion : vous voulez une réforme à coût nul, mais vous refusez d’envisager des transferts importants – ce n’est pas un reproche, c’est un constat. Ainsi, cette réforme a besoin de financement. Selon l’usage, vous avez gagé cet amendement sur les droits d’accise sur le tabac. En le présentant, vous avez indiqué comment vous souhaiteriez qu’il fût financé, à savoir par une diminution des allégements sur la C3S – la contribution sociale de solidarité des sociétés – ainsi que d’autres allégements de charges pour les entreprises. C’est en tout cas ce que j’ai retenu de votre présentation.

Le Gouvernement ne peut donc pas être favorable à cette démarche.

M. Pascal Cherki. Oh !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne pense pas que cela vous surprenne beaucoup, monsieur Cherki !

M. Pascal Cherki. Cela ne me surprend pas, cela m’émeut !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement a adopté une démarche pluriannuelle d’allégement de cotisations et d’impôt pour les entreprises. Le but de cette démarche est connu : redonner à notre économie la compétitivité qu’elle a perdue. Le Gouvernement ne souhaite donc pas revenir sur les dispositions concernant la C3S, le crédit d’impôt compétitivité emploi – qui n’est pas visé directement par votre amendement, mais l’est peut-être de façon implicite – ou d’autres allégements de cotisations pour l’année 2015, qui ont déjà été votés. Je vous rappelle que ces allégements ont été adoptés l’été dernier dans le cadre du projet de loi rectificative de financement de la Sécurité sociale.

Chacun mesurera la portée, l’importance, la pertinence des raisons qui conduisent le Gouvernement à être défavorable à votre amendement.

Mme la présidente. Sur l’amendement n789, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Laurent Baumel.

M. Charles de La Verpillière. Les frondeurs sont là !

M. Laurent Baumel. Il y a quelques jours, nous avons discuté, dans cet hémicycle, d’une baisse de l’impôt sur le revenu. Cette mesure permettra en effet de rendre du pouvoir d’achat à nombre de nos concitoyens, notamment les plus modestes. Nous avons voté cette mesure…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pas vous !

M. Laurent Baumel. Si, monsieur le secrétaire d’État, j’ai voté cette mesure : j’ai voté pour l’article 2 du projet de loi de finances pour 2015.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Oui, mais vous n’avez pas voté le projet de loi de finances lui-même !

M. Laurent Baumel. J’avais conscience, en votant pour cette mesure, que nous nous éloignions de la véritable réforme structurelle de la fiscalité que nous avons annoncée lors de la campagne électorale, et dont la France a besoin. Aujourd’hui, en effet, compte tenu du poids des impôts proportionnels et des impôts dégressifs comme la TVA, notre système fiscal reste injuste. En fin de compte, il n’est pas redistributif.

À l’heure actuelle, en France, le premier impôt sur le revenu, c’est la CSG, qui est proportionnelle. L’amendement présenté par notre collègue Jean-Marc Germain vise précisément à introduire un élément de justice sociale dans notre système fiscal, ce qui est absolument indispensable. C’était un engagement de notre campagne, c’est une idée ancienne que nous avons défendue ensemble, monsieur le ministre, en d’autres temps. Grâce à cet amendement, nous pouvons concrétiser des idées que nous avons défendues de longue date.

Vous l’avez dit avec honnêteté : les objections habituelles, qu’elles soient d’ordre constitutionnel ou technique, peuvent être levées grâce au dispositif qui nous est proposé. Il tient compte de ces difficultés. Il s’agit donc vraiment d’un choix politique.

Je comprends bien que le financement de ce dispositif pose problème. Comme vous, nous ne voulons pas que cette réforme entraîne des transferts trop élevés entre les classes moyennes et les classes populaires, ou des ménages plus modestes. Il est vrai qu’elle ne pourra être financée que si nous modifions l’équilibre des dépenses fiscales, entre ce qui est accordé aux ménages et ce qui est accordé aux entreprises. En tout état de cause, je crois qu’un effort du Gouvernement dans ce domaine serait de nature à remettre le quinquennat actuel sur les rails.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à dix-neuf heures trente.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen de l’amendement n789 après l’article 7. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. L’amendement n789 reprend l’un des engagements du Président de la République, qui visait à rapprocher et à fusionner à terme les deux impôts sur le revenu. C’est un point important car, contrairement aux autres pays, la France dispose de deux impôts sur le revenu : la CSG et l’impôt sur le revenu, qui représentent en moyenne respectivement 8 % et 4 % de l’ensemble des revenus des ménages. Au total, ils représentent donc 12 % des revenus, ce qui équivaut à peu près au montant de l’impôt sur le revenu dans tous les autres pays.

Nous avons donc besoin de construire ce que certains d’entre nous ont appelé un impôt citoyen sur le revenu, qui soit progressif. Je rappelle que tous les Français paient un impôt sur le revenu car ils paient la CSG. Or, celle-ci n’est pas progressive, ce qui explique le caractère peu redistributif de notre impôt sur le revenu par rapport à tous les autres pays.

Cet objectif peut être atteint de deux façons. Premièrement, transformer progressivement l’impôt sur le revenu, le prélever à la source et, à terme, le fusionner avec la CSG. Ces deux impôts sont prélevés différemment ; l’assiette de la CSG est large tandis que celle de l’impôt sur le revenu est étroite et complètement mitée. Deuxièmement, rendre progressive la CSG, qui est un impôt sur le revenu. C’est possible, y compris en intégrant le quotient familial et le revenu de référence – on l’a vu à l’occasion de l’examen de l’article 7.

Certes, cela ne peut se faire que dans un contexte où il est possible d’alléger globalement la CSG. En l’occurrence, nous avons prévu 41 milliards d’euros d’allégements de charges sur les entreprises, lesquelles en bénéficieront dès cette année à hauteur de 12 milliards d’euros. De plus, dans la conjoncture actuelle de la France et de l’Europe, caractérisée par un effondrement de la demande, tout ce qui permet de diminuer les allégements de charges sur les entreprises – mesure qui n’aura des effets qu’à très long terme – et de diminuer les charges pesant sur les ménages – mesure qui leur redonnera immédiatement du pouvoir d’achat et augmentera la demande – est favorable à une reprise de la croissance.

Cette mesure est donc à la fois pertinente sur le plan macroéconomique et parfaitement cohérente avec notre objectif de long terme. Aider les entreprises aujourd’hui, c’est effectivement permettre que la demande redémarre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. Je souhaite expliquer pourquoi les trois députés du Mouvement républicain et citoyen du groupe SRC, Mme Bechtel, M. Hutin et moi-même, approuvons cet amendement que M. Germain et plusieurs collègues nous soumettent. C’est une question de cohérence par rapport à un engagement s’inscrivant dans la logique du discours du Bourget, que nous avons particulièrement approuvé.

En effet, dans un pays qui s’interroge avec inquiétude sur le contenu de la citoyenneté, l’appartenance à la nation, les droits et les devoirs, il nous semble important de refonder l’impôt républicain, qui est le socle de l’appartenance à la nation car il n’y a pas de droits sans devoirs. Il est nécessaire de conduire une réforme fiscale prévoyant une refonte de l’impôt sur le revenu et une CSG progressive – tel est l’objet du présent amendement. C’est ainsi que notre vote doit être compris.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. La commission des finances n’a pas eu l’occasion d’examiner cet amendement, qui n’avait pas été déposé dans le cadre de l’examen du PLFSS. Mais elle a eu l’occasion d’en débattre dans le cadre de l’examen d’autres textes et l’a à chaque fois rejeté.

J’écarte le débat sur les principes politiques et les interrogations d’ordre financier sur la baisse des prélèvements obligatoires qui pourrait être compensée par des annulations d’allégements de charges sociales et fiscales sur les entreprises.

M. Bernard Accoyer. Que reste-t-il, alors ?

M. Dominique Lefebvre. Je reste sur les aspects très opérationnels de la constitutionnalité de cet amendement et sur les conditions de sa mise en œuvre. Nous avons examiné la question de la fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSG dans le cadre du groupe de travail sur la fiscalité des ménages.

Nos collègues disent bien qu’il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’objectif de fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSG. J’invite vraiment tous les membres de cette assemblée à relire dans le détail l’excellent rapport remis en février 2012 à l’Assemblée nationale à la suite de l’adoption d’une disposition à l’unanimité, rapport qui analysait les conditions d’une fusion éventuelle de l’impôt sur le revenu et la CSG.

Contrairement à ce que pensent les auteurs de cet amendement, exactement les mêmes questions se posent sur la seule progressivité de la CSG. En effet, il s’agit d’abord de mettre en progressivité un impôt prélevé à la source, ce qui suppose de prendre en compte l’ensemble des revenus des foyers fiscaux et leur composition familiale.

De ce fait, la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur l’impôt sur le revenu est aujourd’hui assez stable et diffère de celle appliquée à la CSG, comme le montre le rapport remis au Parlement. Fusionner ces deux impôts suppose de rapprocher les deux approches très différentes du Conseil constitutionnel sur l’application du principe d’égalité.

Pour avoir travaillé un peu sur le sujet et pour avoir été à l’origine de la création de la CSG… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Claude Greff. Quel homme !

M. Dominique Lefebvre. J’étais au banc, derrière M. Rocard, quand nous l’avons créée et je rappelle que, dès le départ, elle s’est heurtée à des problèmes de constitutionnalité, qui avaient conduit à l’époque à proposer une assiette de 95 % des salaires bruts, ce qui avait valu à ce dispositif le qualificatif d’usine à gaz.

Je suis absolument certain aujourd’hui que le dispositif proposé se heurte à un problème de constitutionnalité. Par ailleurs, se pose également la question de la lisibilité de l’impôt. Le système de prélèvement à la source que vous envisagez implique un mécanisme de régularisation a posteriori, l’année suivante, qui est complètement incompréhensible pour le contribuable. Il y a des raisons opérationnelles et juridiques de rejeter cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je reviens sur les propos de M. Muet. Nous ne sommes pas dans le registre de la macroéconomie. Expliquez aux ménages des déciles supérieurs que l’impôt sur le revenu représente en moyenne 4 % de l’ensemble des revenus ! En réalité, l’impôt est en France payé par une très petite partie de la population, qui contribue à une très grande part des recettes de l’impôt sur le revenu. La contribution des trois derniers déciles équivaut à environ 60 % à 65 % des recettes de cet impôt.

Dans le cadre du projet de loi de finances examiné la semaine dernière, vous avez supprimé la première tranche à 5,5 % – les revenus ne sont désormais imposés qu’à partir de la tranche supérieure à 15 % – car vous avez pris conscience des conséquences des mesures prises ces dernières années sur le consentement de nos concitoyens à l’impôt.

Mme Bérengère Poletti. Les classes moyennes sont les premières touchées !

Mme Marie-Christine Dalloz. Les classes moyennes ont été fortement touchées. Aujourd’hui, vous dites qu’il faut aller vers une CSG progressive car l’impôt sur le revenu représente en moyenne 4 % de l’ensemble des revenus. Mais, en réalité, en plus de la rupture du consentement à l’impôt, vous allez rompre le consentement à la CSG, qui est aujourd’hui implicite car elle est admise par tout le monde.

Mme Bérengère Poletti. Vous allez achever les classes moyennes !

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous auriez dû, la semaine dernière, voter pour l’amendement que nous avons proposé ! Il visait à élargir l’assiette de l’impôt sur le revenu et à fixer des taux très bas, pour que chacun contribue à due proportion de ses revenus et que tous consentent à l’impôt sur le revenu.

M. Jean-Luc Laurent. Non, il faut une réforme fiscale globale et progressive !

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Cet amendement vise à instaurer la CSG progressive.

M. Jean-Luc Laurent. Vous avez tout compris !

M. Bernard Accoyer. Outre que ce débat aurait davantage sa place dans le cadre du projet de loi de finances, cette initiative traduit une intention de Saint-Barthélemy fiscale des classes moyennes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Luc Laurent. N’importe quoi !

M. Bernard Accoyer. La majorité est profondément divisée entre les collectivistes (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.), qui s’appellent désormais les frondeurs, et la gauche sociale-démocrate qui essaie, tant bien que mal, d’abord de tenir des discours et ensuite d’engager des réformes dont le pays a évidemment un besoin pressant.

Il s’agit, mes chers collègues, d’une crise politique grave. Quarante-huit signataires ont cosigné cet amendement : cela montre à quel point la majorité elle-même est désormais menacée. Les frondeurs ont tout simplement l’obsession de taxer toujours plus les classes moyennes et les entreprises, comme en témoigne la solution proposée par M. Germain pour compenser le coût de cette mesure. En résumé, cette approche revient à écraser toujours davantage d’impôts les Français.

M. Jean-Luc Laurent. C’est faux !

M. Bernard Accoyer. Le groupe UMP est résolument contre la CSG progressive, pour le pouvoir d’achat des classes moyennes et des familles et pour la compétitivité des entreprises, c’est-à-dire l’emploi. Aussi, le groupe UMP va prendre ses responsabilités. Le nombre de signataires de l’amendement s’élevant à quarante-huit, il faut dégager ce soir une majorité pour épargner aux Français l’instauration de la CSG progressive, qui serait un véritable tsunami fiscal pour les classes moyennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Vous vous rappelez sans doute que notre groupe a déjà déposé des amendements très proches et je tiens à en expliquer les raisons. La fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu était l’un des engagements de la campagne de 2012, qui avait du sens.

M. Jean-Luc Laurent. Exactement !

M. Jean-Louis Roumegas. Il servait la justice, et ceci pour deux raisons. Premièrement, sur l’ensemble des prélèvements directs, le prélèvement progressif et juste est minoritaire. La majorité des prélèvements directs n’est pas progressive et juste. Deuxièmement, rendre la CSG progressive revient aussi à introduire de la justice dans les prélèvements sur tous les types de revenus, non pas seulement les revenus du travail.

Pour ces deux raisons, je pense que c’est une mesure essentielle, qui sert la justice et améliore le pouvoir d’achat des plus modestes. Nous l’avons toujours défendu, donc nous le voterons ce soir.

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Nous sommes assez surpris de participer au congrès du parti socialiste sans avoir pris notre carte ! (Sourires.)

On assiste en effet à un débat entre certains élus du parti socialiste favorables à la progressivité de la CSG et ceux qui y sont opposés, dont le secrétaire d’État a été le porte-parole. Notre groupe considère aussi qu’il faut une réforme fiscale.

Sur le fond, on peut toujours réfléchir à une réforme de la fiscalité en France, au rôle de la CSG et de l’ensemble des impositions, qu’elles soient locales ou nationales.



Enfin, je voudrais rappeler à monsieur Muet, dont le discours sur la demande date à mon avis de 1940, que nous vivons aujourd’hui dans une société mondialisée dans laquelle la consommation est internationale. Quand vous augmentez le pouvoir d’achat des Français, cela ne développe absolument pas la compétitivité de la France ni celle de ses entreprises, dans la mesure où une grande partie des biens consommés provient de l’importation.



Le groupe UDI s’opposera donc à cet amendement.(Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n789.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants87
Nombre de suffrages exprimés87
Majorité absolue44
Pour l’adoption21
contre66

(L’amendement n789 n’est pas adopté.)

Article 8

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Orliac, inscrite sur l’article.

Mme Dominique Orliac. Je souhaiterais remercier le Gouvernement.

Mon intervention porte en fait sur un amendement que nous examinerons ultérieurement, après l’article 8. Le groupe RRDP avait déposé un amendement similaire à celui déposé par le Gouvernement, aujourd’hui, qui concerne le régime social des indépendants, mais son examen avait été rendu impossible du fait de l’article 40, alors même qu’il ne nous semblait pas créateur de charges.

Je voudrais donc remercier le Gouvernement d’avoir repris notre amendement, qui vise à modifier les règles d’affiliation des travailleurs indépendants. Cette modification sera offerte aux pluriactifs bénéficiant du RSI et d’autres régimes, en équité avec les bénéficiaires du nouveau régime micro-social – ce qui me semble important –, comme aux travailleurs indépendants qui bénéficient eux, du RSA, qui vont pouvoir opter pour le paiement des cotisations minimales.

Ces travailleurs indépendants en étaient, jusqu’à aujourd’hui, dispensés, et ils vont désormais pouvoir opter pour ce paiement des cotisations minimales et tirer profit, en contrepartie, d’une meilleure protection sociale.

Cet amendement tire également la conséquence de la sortie des régimes micro-fiscaux pour les micro-entrepreneurs qui bénéficiaient de l’aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise, l’ACCRE. Je voudrais donc, monsieur le ministre, vous remercier.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n368.

M. Dominique Tian. Cet amendement pourrait sembler rédactionnel, mais il est assez fondamental, me semble-t-il. En effet, il propose, à la fin de l’alinéa 3, de substituer au mot : « occasionnel », le mot « accessoire », et de procéder de la même façon, par coordination, à la seconde phrase de l’alinéa 5.

Il me paraît en effet tout à nécessaire, au regard du code du travail notamment, de préciser la qualification de l’activité occasionnelle, accessoire ou secondaire.

Ainsi, le caractère occasionnel de l’activité, précisé à l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale, est déterminé en fonction de deux conditions cumulatives : le temps consacré à l’activité et les revenus tirés de cette activité par le collaborateur.

Le caractère accessoire de l’activité en cause pourrait donc se déduire plus facilement de la constatation d’au moins une activité exercée à titre principal par ailleurs ou d’une comparaison avec le montant des revenus tirés de cette autre activité. C’est pourquoi je vous propose d’adopter cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Monsieur Tian, vous remplacez activité occasionnelle par activité accessoire.

M. Dominique Tian. C’est bien cela.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il me semble, cher collègue, que ce changement compliquerait inutilement la qualification de la situation.

En effet, le mot accessoire contient l’idée que la rémunération doit représenter une certaine part de la rémunération principale. Cela compliquerait donc beaucoup le travail des organismes ayant recours à ce type de contrat.

Afin de ne pas compliquer les démarches administratives pour les personnes concernées, je vous demande, monsieur Tian, de retirer votre amendement.

Celui toucherait en effet un public très large, qu’il s’agisse de l’expert payé par l’administration pour une expertise ponctuelle, du médecin accueillant des stagiaires en médecine, ou encore du médecin participant à la permanence des soins. Et ce public doit pouvoir recourir à ces activités occasionnelles qui ne sont pas accessoires – par exemple lorsqu’il s’agit d’accueillir des stagiaires étudiants en médecine générale – avec le moins de soucis administratifs possible.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

Mme la présidente. Monsieur Tian, maintenez-vous votre amendement ?

M. Dominique Tian. Oui.

(L’amendement n368 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Les amendements nos 850, 851 et 901 de M. Gérard Bapt, sont rédactionnels

(Les amendements no850, 851 et 901, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n959.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il s’agit d’une mesure de coordination entre le code rural et de la pêche maritime et le code de la sécurité sociale. L’amendement vise à permettre l’affiliation au régime de protection sociale agricole des personnes salariées et assimilées des professions agricoles qui contribuent à l’exercice d’une mission occasionnelle de service public.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement mais il me semble qu’il s’agit d’une mesure de coordination et de cohérence tout à fait logique. À titre personnel, j’émets donc un avis favorable.

(L’amendement n959 est adopté.)

(L’article 8, amendé, est adopté.)

Mme la présidente. La suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 est renvoyée à la prochaine séance.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.

La séance est levée.

(La séance est levée à 19 heures 55.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly