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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 20 janvier 2015

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Lutte contre le djihadisme

M. Gérard Charasse

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Élections législatives en Grèce

M. François Asensi

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes

Enlèvement d’une Française en Centrafrique

M. Michel Voisin

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Valeurs de la République et formation des enseignants

M. Yves Durand

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Lutte contre le terrorisme

M. Guillaume Larrivé

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Protection des valeurs de la République

M. Jean-Pierre Allossery

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux

Transmission des valeurs de la République à l’école

M. Xavier Breton

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Cohésion sociale et réformes économiques

M. Arnaud Richard

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement

Projet de loi Macron

M. Jean-Frédéric Poisson

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Financement du terrorisme

Mme Julie Sommaruga

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Réponse globale aux attentats et aux fractures de la société

M. François de Rugy

M. Manuel Valls, Premier ministre

Moyens de la défense nationale

M. Jean-Claude Bouchet

M. Manuel Valls, Premier ministre

Soutien aux associations

Mme Françoise Dumas

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Réforme de l’éducation prioritaire

Mme Bérengère Poletti

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Avenir des abattoirs AIM

M. Thierry Benoit

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin

2. Adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel

Présentation

M. Hervé Féron, rapporteur de la commission mixte paritaire

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

Discussion générale

Mme Isabelle Attard

Mme Gilda Hobert

Mme Sandrine Doucet

M. Frédéric Reiss

M. Rudy Salles

M. Yves Durand

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

3. Approbation de la convention entre la République française et la Principauté d’Andorre pour éviter les doubles impositions

Présentation

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie

M. François Rochebloine, rapporteur de la commission des affaires étrangères

Discussion générale

M. Jacques Moignard

M. Charles de Courson

M. Pierre Aylagas

Mme Claudine Schmid

Mme Chantal Guittet

M. Thierry Mariani

Mme Françoise Imbert

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État

Discussion des articles

Article unique

Amendement no 1

Explications de vote

Mme Claudine Schmid

M. Charles de Courson

Vote sur l’article unique

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Lutte contre le djihadisme

M. le président. La parole est à M. Gérard Charasse, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Gérard Charasse. Monsieur le ministre des affaires étrangères et du développement international, la France et les Français viennent de vivre une terrible épreuve. Notre pays y a répondu avec un véritable sang-froid et une maîtrise reconnue dont il faut remercier le Président de la République, le Premier ministre, Mme la garde des sceaux ainsi que MM. les ministres de l’intérieur et de la défense. Nos concitoyens, par leur mobilisation, ont montré à la fois leur compassion et leur détermination à défendre un modèle politique et social dont le cœur transcende les familles politiques : je veux parler de la République.

Mais, depuis quelques jours, des manifestations d’hostilité à ce modèle naissent de toutes parts, parfois encouragées par des responsables politiques qui défilaient pourtant avec nous le dimanche 11 janvier : Grozny, Gaza, Istanbul, Alger, Amman, Peshawar, Karachi, Khartoum, Dakar, Bamako, Niamey… La liste est longue où l’hostilité s’incarne. Il y a eu des morts et des appels au meurtre sont prononcés contre nos compatriotes. Le Président de la République l’a dit avec raison : la France n’attaque personne lorsqu’elle défend ses valeurs, mais elle n’accepte aucune intolérance et son drapeau restera celui de la liberté et de la laïcité. (Applaudissements sur divers bancs.)

Ma question est double, monsieur le ministre : Quelles mesures ont été prises pour protéger nos compatriotes face à ces manifestations d’hostilité ? Pouvez-vous nous indiquer, sur le fond, les démarches que vous allez entreprendre pour réexpliquer la position de la France face au terrorisme et au fanatisme religieux contre lesquels elle entend être intraitable, mais aussi à l’endroit de ses propres valeurs qu’elle entend continuer à défendre face au monde entier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs des groupes SRC et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le député, des incidents très graves se sont produits ces derniers jours dans plusieurs pays en réaction à la dernière couverture du journal Charlie Hebdo. Je veux à cet égard être parfaitement clair.

Tout d’abord, la France condamne avec la plus grande fermeté ces appels et ces actes violents. Concrètement, nous mettons tout en œuvre pour protéger nos concitoyens à l’étranger et pour assurer leur sécurité ainsi que celle de nos emprises. Le centre de crise du Quai d’Orsay a pris, sur ma demande, les dispositions nécessaires en ce sens, et je renouvelle l’appel à la prudence et à la vigilance.

Sur le fond, je réaffirme devant vous que la liberté d’expression est un pilier de notre démocratie et qu’il n’est évidemment pas question d’y renoncer. J’ajoute que défendre la liberté d’expression en France ne signifie pas que tout soit possible : la loi est là pour protéger chaque citoyen, et s’il y a insulte ou appel à la haine, la voie des tribunaux est ouverte car c’est à la justice de faire respecter le droit.

Défendre la liberté d’expression, ce n’est pas non plus balayer d’un revers de main les réactions qui peuvent s’exprimer dans le monde. Des sensibilités différentes existent. Mais la limite absolue à ne pas franchir, c’est la violence, qui n’est pas et ne sera jamais une pratique acceptable.

Enfin, défendre la liberté d’expression ne signifie évidemment pas pour la France vouloir insulter l’Islam. Si certains croyaient ou voulaient faire croire au monde que la France serait hostile à une religion, ce serait une imposture. Vis-à-vis de tous les pays musulmans nous menons une politique de dialogue, qui est le contraire même de l’hostilité. Quand nous combattons le djihado-terrorisme et l’islamisme radical, ce sont aussi les Musulmans que nous protégeons puisqu’ils en sont les premières victimes.

Bref, monsieur le député, la France continuera partout de porter un message de fermeté, de tolérance et de paix ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP et sur plusieurs bancs des groupe UMP et UDI.)

Élections législatives en Grèce

M. le président. La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. François Asensi. Monsieur le Premier ministre, partout en Europe la contestation de l’austérité grandit. Un nombre croissant d’intellectuels et d’économistes prestigieux dénoncent l’aveuglement ultralibéral et proposent d’autres solutions.

La Grèce aura connu huit plans d’austérité dévastateurs, mis en œuvre par les conservateurs et les sociaux-libéraux – mais pour quel résultat ? La dette publique a bondi, la richesse nationale a chuté d’un quart, la mortalité infantile a augmenté de 40 %, le chômage a été multiplié par quatre : le prétendu remède est pire que le mal !

À la veille des élections législatives, on cherche, par des pressions inacceptables, à bâillonner le peuple grec : intimidations de la part du Fonds monétaire international, ingérence de l’Union européenne, menaces des marchés. Finance et démocratie ne font pas bon ménage !

Malgré ces pressions, le peuple grec entend choisir son destin. L’alternative à gauche proposée par Syriza est portée par un puissant élan populaire ; nous aussi, nous la soutenons, car elle offre un espoir pour toute l’Europe.

Que propose Syriza ? Le rétablissement du salaire minimum et de la législation du travail ; l’effacement d’une partie de la dette souveraine grecque ; le financement direct auprès de la Banque centrale européenne afin que la Grèce puisse rembourser sa dette et se libérer des marchés financiers.

Monsieur le Premier ministre, si dimanche prochain les électeurs accordent leurs suffrages à Syriza, le gouvernement français soutiendra-t-il les nouvelles orientations économiques choisies par le peuple grec ? Appuiera-t-il la Grèce dans ses négociations avec la zone euro pour refonder une Europe au service de la croissance et de l’emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. Jean-Luc Laurent. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Monsieur le député, comme l’a rappelé le Président de la République le 5 janvier dernier, il appartient au peuple grec de choisir librement, souverainement, démocratiquement ses gouvernants lors des élections législatives anticipées du 25 janvier prochain. (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Quel que soit son choix, celui-ci sera respecté.

J’ai la conviction que l’avenir de la Grèce est dans la zone euro ; c’est d’ailleurs la position de toutes les grandes familles politiques grecques. Il reviendra aux institutions européennes et aux autres États membres de travailler avec le gouvernement que les Grecs se seront choisi à l’issue de ces élections, dans le respect des engagements internationaux pris par la Grèce, afin d’aider ce pays à sortir de la crise.

Le peuple grec a effectivement consenti d’immenses efforts afin de redresser la situation financière provoquée par l’ineptie du système fiscal et l’absence de cadastre, et ces efforts devraient permettre à ce pays de retrouver la croissance. Notre priorité, en Grèce comme dans le reste de la zone euro, est en effet le soutien à la croissance, à l’investissement et à l’emploi, en particulier celui des jeunes.

La stabilité et l’intégrité de la zone euro ne peuvent être remises en cause. Les instruments de cette stabilité existent : ce sont le Mécanisme européen de stabilité et l’Union bancaire.

Je le répète : la priorité que nous défendons, avec la nouvelle commission présidée par M. Juncker, est le soutien à l’investissement, à la croissance et à l’emploi. C’est ce qui permettra à la Grèce de se redresser tout en restant dans la zone euro – et la France sera à ses côtés pour l’y aider. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Enlèvement d’une Française en Centrafrique

M. le président. La parole est à M. Michel Voisin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Michel Voisin. Monsieur le Premier ministre, rien n’est jamais pareil, mais tout recommence. Qui, ici, connaît Thérèse Priest ?

Thérèse Priest est une des deux personnes qui, hier, ont été enlevées à Bangui, en Centrafrique. Cette Française de 67 ans, originaire de Pont-de-Veyle, dans l’Ain, avait fondé avec son mari, il y a une dizaine d’années, une petite ONG pour porter secours aux populations de Centrafrique. Elle avait réussi à entraîner avec elle le médecin de la commune – et Dieu sait qu’en zone rurale, les médecins sont précieux ! Pourtant, chaque année, celui-ci mettait à profit ses vacances pour partir vacciner les populations centrafricaines.

Hier, Thérèse Priest a été enlevée par quatre hommes armés de kalachnikovs ; depuis, une troisième personne a été enlevée. Cela est révoltant. Chez nous, dans l’Ain, l’émotion est grande ; nous nous faisons tous énormément de souci pour elle.

Monsieur le Premier ministre, pourriez-vous nous indiquer quelles mesures ont été prises pour la retrouver ? Je sais que l’ambassade de France et l’archevêché de Bangui ont entrepris des démarches en vue de sa libération. Quelles sont les nouvelles ? (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le député, vous avez relaté avec beaucoup d’émotion ce qui est arrivé. Hier, Mme Priest – une femme admirable, ancienne éducatrice spécialisée, qui a consacré sa vie au service des autres –, a été enlevée par des anti-balaka alors qu’elle devait rentrer en France aujourd’hui même. Une série d’actions ont été immédiatement déclenchées, comme nous le faisons toujours dans les cas d’enlèvements.

D’une part, l’ambassadeur de France en République centrafricaine, qui réalise un travail remarquable, a pris les dispositions nécessaires ; d’autre part, l’évêque de Bangui s’est interposé et un contact est intervenu. J’ai eu moi-même les intéressés au téléphone hier soir et ce matin.

La situation est d’autant plus choquante que cette femme et son mari ont donné le meilleur de leur vie pour le bien des Centrafricains. Chacun aura entendu le soutien que leur apporte l’ensemble de la représentation nationale. Je peux vous garantir qu’au moment même où je vous parle, des démarches sont entreprises pour retrouver notre compatriote. Soyez-en assuré, monsieur le député : nous ne ménagerons pas nos efforts pour la retrouver, et j’espère que nous pourrons bientôt l’accueillir à Paris. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Valeurs de la République et formation des enseignants

M. le président. La parole est à M. Yves Durand, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Yves Durand. Madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, la République, c’est d’abord l’école. La loi de refondation de l’école de la République, votée en juillet 2013, donne à celle-ci une mission claire : « élever le niveau de connaissances, de compétences et de culture de tous les enfants […] [et] recréer une cohésion nationale et un lien civique autour de la promesse républicaine de réussite éducative pour tous. »

C’est dire, madame la ministre, que l’école ne doit pas seulement instruire mais qu’elle doit aussi éduquer. Elle le fera en transmettant les valeurs républicaines, au premier rang desquelles la laïcité. Parce que l’école est le premier espace républicain que l’enfant connaît, c’est aux enseignants que la nation confie cette mission. Et je crois pouvoir dire au nom de tous que leur implication, notamment ces dernières semaines, mérite à la fois notre reconnaissance et notre confiance. Mais il importe que la République leur offre les meilleures conditions pour accomplir leur métier.

C’est d’abord reconnaître que leur métier est un vrai métier, et donc qu’il s’apprend. Dans la loi, nous avons rétabli une formation vraiment professionnelle, initiale et continue. C’est aux nouvelles écoles supérieures du professorat et de l’éducation qui en ont la charge de créer une culture commune à tous les personnels d’éducation pour que chacun d’entre eux participe à la construction du citoyen en devenir dans chaque enfant.

Madame la ministre, quelles dispositions allez-vous prendre pour que les valeurs de la République, notamment la laïcité, s’intègrent concrètement dans la formation initiale et continue des enseignants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Pour ceux qui auraient pu en douter, monsieur le député, les événements de ces derniers jours et les innombrables attentes exprimées par la société à l’égard de l’école éclairent la nature de la mission des enseignants et ses difficultés. En effet, la mission des enseignants s’apprend. Vous avez raison – et je parle de tout ce que vous venez d’indiquer. Transmettre des savoirs, transmettre un savoir-être, apprendre des valeurs aux enfants, cela s’apprend.

M. Alain Marsaud. Bla-bla !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Être le réceptacle des incompréhensions, des imperfections de la société et devoir en permanence y répondre en s’adaptant à ce que voient et entendent les enfants par ailleurs, cela s’apprend. Bien sûr, la formation des enseignants passe pour une évidence aujourd’hui, mais rappelez-vous qu’il n’y a pas si longtemps ce n’était pas le cas, et je vous remercie d’avoir souligné que la loi de refondation de l’école est venue mettre un terme à une tendance qui était extrêmement négative (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP), une tendance à la déshérence de la formation, qu’il s’agisse de la formation initiale, qui avait été tout bonnement supprimée, ou de la formation continue.

M. Claude Goasguen. Ce n’était pas la question !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Nous en pâtissons encore aujourd’hui. Alors, oui, ce gouvernement a remis en place la formation initiale, à travers ces écoles supérieures du professorat et de l’éducation, qui se cherchent encore. Je recevrai tous les directeurs des ESPE jeudi, pour faire en sorte que, dans le tronc commun, on apprenne davantage encore aux enseignants à transmettre ces valeurs.

Mais la formation continue aussi a toute son importance. J’annoncerai des mesures dans les jours qui viennent, pour la renforcer. Beaucoup de besoins se sont exprimés ces derniers jours, à la fois pour assurer cet enseignement laïc du fait religieux, pour assurer cette éducation aux médias et au décryptage de l’information et pour assurer la transmission et l’explication de ce qu’est la laïcité dans les établissements scolaires. Oui, les enseignants ont besoin d’être soutenus ; ils ont besoin d’une formation adaptée à leurs réalités, notamment à partir des besoins qu’ils auront eux-mêmes exprimés. C’est ce que nous ferons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Lutte contre le terrorisme

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Guillaume Larrivé. Monsieur le ministre de l’intérieur, pour gagner la guerre contre le terrorisme, il faut nommer notre ennemi, sans crainte, sans faiblesse. L’islamisme, l’islamisme radical, l’islamisme fanatique, voilà l’ennemi ! Le communautarisme est son allié. Le silence et l’ignorance sont leurs complices.

Pour les vaincre, il faut combattre en utilisant toutes les armes de l’État de droit. Si l’État de droit est faible, il n’est plus l’État, et il n’y a plus de droit. C’est pourquoi nous vous présentons à nouveau des propositions d’action. Elles ne sont pas dictées par l’émotion, mais s’inscrivent dans la continuité des mesures prises sous l’autorité de Nicolas Sarkozy lorsqu’il assumait les plus hautes fonctions de l’État.

Mme Catherine Coutelle. Quelle réussite !

M. Guillaume Larrivé. Vous devez, nous devons lutter plus efficacement et rapidement contre le cyber-djihadisme, c’est-à-dire l’utilisation dévoyée d’internet par des prêcheurs de haine. Nous devons donner aux services de renseignement des moyens juridiques et technologiques adaptés à la menace. Nous devons interdire le retour en France des djihadistes étrangers et binationaux. Nous devons faire condamner les terroristes à des peines d’une très grande fermeté, sans libération anticipée, sans lâcheté. Nous devons isoler, dans les prisons, les détenus radicaux. Nous devons appliquer en urgence les procédures d’expulsion des djihadistes étrangers, qui n’ont pas leur place sur le territoire national. Et nous devrons aussi, mes chers collègues, mettre fin au désarmement pénal engagé contre tout bon sens par la garde des sceaux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et plusieurs bancs du groupe UDI. – Protestations sur les bancs du groupe SRC) qui a commis la grave erreur de supprimer les peines planchers.

Alors, oui, monsieur le ministre de l’intérieur, nous avons un devoir d’unité, mais nous avons plus encore un devoir d’efficacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Claude Goasguen. Où est la garde des sceaux ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, vous évoquez, dans votre question, de nombreux sujets sur lesquels nous devons, si nous voulons maintenir l’unité nationale souhaitée par toutes les formations politiques sur ces bancs, apporter des réponses extrêmement précises. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

D’abord, vous indiquez la nécessité de doter nos services de renseignement de moyens. Vous avez raison. Nos services de renseignement, non seulement la Direction générale de la sécurité intérieure, mais également le Service central du renseignement territorial, ont perdu beaucoup d’emplois, que nous voulons aujourd’hui recréer. Ce sont presque 500 emplois par an depuis le début du quinquennat qui ont été affectés aux forces de sécurité pour leur permettre de remplir leur mission, là où elles en avaient perdu près de 13 000, et il faut bien entendu continuer cet effort – je partage tout à fait votre sentiment. C’est le sens du propos qui a été tenu récemment par le Premier ministre devant l’Assemblée.

Ensuite, vous indiquez la nécessité de faire en sorte qu’il y ait une bonne articulation entre l’administration de la justice et les forces de sécurité.

M. Claude Goasguen. Où est Mme Taubira ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Vous avez raison de le faire. Je veux redire devant la représentation nationale que le parquet antiterroriste, la relation entre la chancellerie et le ministère de l’intérieur, a été absolument exemplaire dans les combats que nous avons dû mener au cours des derniers jours, et je veux de nouveau rendre hommage aux magistrats qui ont fait un excellent travail, en liaison avec les forces de sécurité. Sans ce travail, il n’aurait pas été possible d’obtenir les résultats que nous avons obtenus.

Enfin, vous indiquez qu’il faut prendre des mesures nouvelles. Vous avez raison. Il faut doter nos services de renseignement de moyens juridiques nouveaux pour leur permettre d’être plus efficaces. C’est le sens de la loi sur le renseignement annoncée par le Premier ministre. Vous faites d’autres propositions, sur lesquelles nous avons répondu, parce qu’il faut examiner toutes les propositions, notamment la possibilité d’empêcher le retour des combattants étrangers binationaux. J’ai indiqué que ce ne serait pas conforme à l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme. Par ailleurs, si nous faisions cela, ces combattants iraient vers d’autres pays d’Europe avant que de revenir vers nous. Nous aurions ainsi disséminé la menace sans pouvoir la judiciariser. Je pense que ce n’est pas la solution. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

Protection des valeurs de la République

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Allossery, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Pierre Allossery. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux.

La République fait face à une menace redoutable. Pour surmonter cette crise, la mobilisation de toutes les énergies et de toutes les forces que compte notre pays est indispensable.

M. Claude Goasguen. Bla-bla !

M. Jean-Pierre Allossery. C’est le sens de l’union nationale et de l’esprit du 11 janvier, qui sont au cœur de la réponse que la République apporte aux événements des derniers jours.

Dans cette période, nous devons être fermes et justes. Être ferme, c’est condamner les dérives de ceux qui veulent profiter de ce moment de fragilité pour propager la haine : haine par l’apologie du terrorisme, haine par le racisme ou l’antisémitisme, haine par l’intimidation ou la menace, haine encore par des actes anti-musulmans. Être juste, c’est ne pas renoncer à nos valeurs, celles de l’État de droit, celles de la démocratie, par l’adoption de mesures d’exception.

Madame la ministre, vous avez formulé des propositions fortes pour renforcer les sanctions contre le racisme et l’antisémitisme. Ces propositions complètent et approfondissent le dispositif issu de la loi du 14 novembre 2014 : généralisation, dans le code pénal, de la circonstance aggravante de racisme, inscription des injures et diffamations dans le code pénal, blocage des sites Internet propageant la haine de l’autre – sur le modèle de ce qui se fait en matière de lutte contre la pédopornographie.

Nous ne laisserons pas faire ceux qui veulent diviser la communauté nationale. Nous ne laisserons pas faire ceux qui veulent instiller le poison de la haine et de la violence. Pouvez-vous préciser, madame la garde des sceaux, les intentions du Gouvernement pour protéger le vivre ensemble, pilier de notre pacte républicain ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le député, c’est la nature même de la justice que d’être économe en expressions publiques. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ce laconisme vise à assurer l’efficacité des enquêtes et la solidité des procédures. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Je peux néanmoins vous dire aujourd’hui que la section antiterroriste du parquet de Paris s’est mobilisée vingt-quatre heures sur vingt-quatre dès le mercredi 7 janvier, pendant plusieurs jours, et jusqu’à hier. Par solidarité entre services, c’est la juridiction tout entière qui a fait corps, et qui a fait face.

Dès que les attentats ont été perpétrés, j’ai demandé à tous les parquets, sur tout le territoire, la plus grande vigilance quant aux infractions qui pourraient découler de ces crimes. Très rapidement, les alertes ont montré une augmentation significative des propos et actes racistes et antisémites, des provocations au terrorisme et de l’apologie du terrorisme, des provocations contre les forces de l’ordre, des atteintes aux lieux de culte – principalement musulmans, mais hier, à Nantes, atteinte a été portée au Mémorial de l’esclavage – et des cyberattaques.

J’ai envoyé le 12 janvier une circulaire de politique pénale à tous les procureurs pour leur demander de répondre de manière diligente, ferme et individualisée à tous ces actes. Cent dix-sept enquêtes ont été ouvertes ; soixante-dix-sept personnes ont été jugées en comparution immédiate avec, dans la plupart des cas, un mandat de dépôt et donc un placement en détention provisoire ; vingt-deux personnes sont convoquées devant le tribunal correctionnel. Trente-trois enquêtes ont été ouvertes sur les attaques contre les lieux de culte.

Vous avez dit l’essentiel, monsieur le député, et rappelé quelques mesures. Sous l’autorité du Premier ministre, nous en annoncerons d’autres demain. L’essentiel est que la République ne se laissera pas ébranler. Elle continuera à reposer sur l’État de droit. Elle fera la preuve de son efficacité tout en restant fidèle à ses valeurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Transmission des valeurs de la République à l’école

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Xavier Breton. Madame la ministre de l’éducation nationale, notre pays est confronté à un terrible défi ; nos valeurs essentielles ont été attaquées, et ce sont ces valeurs que nos compatriotes ont défendues par leur mobilisation exceptionnelle. La défense de ces valeurs passe aussi par l’école.

Nous avons tous été très choqués par les incidents qui ont perturbé la minute de silence dans de trop nombreux établissements scolaires. À cette occasion, nous apportons à nouveau tout notre soutien aux enseignants qui ont été confrontés à ces provocations.

M. Éric Straumann. Tout à fait.

M. Xavier Breton. Madame la ministre, la semaine dernière, vous vous êtes engagée ici même à ce que des sanctions soient prises. Pouvez-vous nous indiquer aujourd’hui avec précision les sanctions qui ont été appliquées ? Pouvez-vous, par ailleurs, nous dire quelles suites ont été données à ces incidents, notamment vis-à-vis des parents ? Nous sommes en effet particulièrement attachés à la responsabilité des familles.

Au-delà de ces incidents, la question de la transmission des valeurs de notre pays est posée à notre République. Depuis trop longtemps, les notions d’effort, de mérite et d’autorité ont été dévalorisées, parfois même contestées. Le groupe UMP avait proposé d’inscrire dans la loi de refondation de l’école dite « loi Peillon » les notions de goût de l’effort et de respect de l’autorité, proposition qui fut rejetée.

M. Guy Geoffroy. À tort !

M. Xavier Breton. Ces derniers mois, de trop nombreuses mesures sont allées à l’encontre de ces valeurs : suppression des bourses au mérite, extinction du programme des internats d’excellence, abrogation de la loi visant à lutter contre l’absentéisme scolaire. Tout récemment, encore, l’on a proposé de supprimer les notes, prétendument pour ne pas traumatiser les élèves !

Madame la ministre, quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour promouvoir, auprès de notre jeunesse, les valeurs d’effort, de mérite et d’autorité, et pour assurer la transmission des valeurs essentielles de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, je n’ai pas le cœur à polémiquer. Je pensais que personne, ici, ne l’aurait non plus. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je me bornerai donc à vous répondre sur le fond. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Comme je vous l’ai dit la semaine dernière, un certain nombre d’incidents ont en effet eu lieu dans les établissements scolaires, à l’occasion de la minute de silence ou des discussions engagées après les événements tragiques d’il y a dix jours. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. S’il vous plaît !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Comme je le disais, aucun de ces incidents n’a été laissé sans suites. Des sanctions ont été prises.

M. Guy Geoffroy. Lesquelles ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je me suis d’ailleurs rendue vendredi après-midi dans un lycée à Châteauroux, où un incident grave – une agression – avait eu lieu. Je peux donc me faire l’écho des mesures précises prises par la direction de l’établissement à notre demande. Sanctions disciplinaires, d’abord : un conseil de discipline a été convoqué, en présence des parents. Sanctions judiciaires, ensuite : le dossier a été transmis à la justice, et les trois auteurs de l’agression ont été placés sous contrôle judiciaire. Enfin, bien sûr, des suites éducatives, pédagogiques, seront données : les établissements scolaires en ont besoin, car la vie continue après ces incidents. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Il est important pour l’ensemble des élèves, pour ceux qui sont mis en cause comme pour les autres qui assistent à ces incidents, que des échanges aient lieu, qu’un dialogue soit noué, afin de leur apprendre la vie en commun : je pense que nous serons d’accord sur ce point. Oui, nous devons renforcer les moyens des enseignants et des établissements pour faire respecter les règles, l’autorité : j’annoncerai dans quelques jours des mesures en ce sens. Oui, l’école est un lieu particulier : il s’agit d’y faire respecter les règles, mais aussi d’apprendre aux élèves à vivre ensemble, dans un cadre bien particulier, en laissant de côté les différences et en faisant prévaloir la laïcité. Nous devons donc former les enseignants, leur donner des moyens pour cela. (Applaudissements sur les bancs des groupe SRC et RRDP.)

Cohésion sociale et réformes économiques

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Arnaud Richard. Monsieur le Premier ministre, la cohésion sociale de notre pays est en jeu. Il est vital que la République fédère à nouveau. Il est crucial que nous redonnions des perspectives à celles et ceux qui n’en ont plus. Le peuple de France vient de répondre avec courage et dignité à ces actes barbares. Dans cet hémicycle, nous partageons un même devoir : celui de créer en France la confiance et le progrès. Celles et ceux qui veulent participer au redressement de notre pays doivent aujourd’hui se rassembler autour de l’essentiel.

Une de nos premières urgences, monsieur le Premier ministre, c’est de répondre à l’explosion du chômage et aux drames humains qui y sont liés. Nous n’avons cessé de vous le rappeler depuis deux ans et demi : il est temps que vous lanciez enfin la bataille pour l’emploi. Allez-vous passer aux actes et transformer le crédit d’impôt compétitivité emploi – CICE – en baisse des charges pour que nos entreprises puissent créer à nouveau de l’emploi ? Êtes-vous prêt à relancer l’apprentissage ? Êtes-vous prêt à poser les bases d’une réflexion véritable sur le temps de travail ? Allez-vous réformer le marché du travail et l’indemnisation du chômage ? Êtes-vous prêt à moderniser le dialogue social et à engager une refonte profonde du paritarisme ?

Monsieur le Premier ministre, en cette période, si vous preniez vos responsabilités sur ces sujets, nous serions alors à vos côtés. Ma question est simple et double : le Gouvernement est-il prêt à engager cette série de réformes nécessaires et à proposer à nos partenaires sociaux une nouvelle feuille de route, empreinte de l’esprit du 11 janvier ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le député, je tiens tout d’abord à vous remercier du niveau auquel vous avez posé votre question. Dans la situation actuelle de notre pays, nous sommes en effet tous conscients des besoins de cohésion sociale que vous avez soulignés, même si, vous l’avez remarqué, le Gouvernement n’a pas attendu ces dernières semaines pour agir, qu’il s’agisse des politiques économiques ou du soutien à la croissance. Nous allons d’ailleurs bientôt débattre dans cet hémicycle du projet de loi défendu par le ministre Emmanuel Macron autour duquel s’est engagé un dialogue très fructueux avec les parlementaires.

Vous avez également souligné la nécessaire modernisation de notre dialogue social. Nous avons sollicité les partenaires sociaux, qui s’étaient engagés il y a plusieurs mois à initier une réflexion sur des sujets essentiels touchant à la fois à la représentation des salariés dans les entreprises et à l’amélioration de la qualité d’échange et de dialogue entre les organisations patronales et syndicales.

M. Sylvain Berrios. N’hésitez pas à être précis !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Ce dialogue n’a pas encore abouti, même si des progrès substantiels ont été accomplis ces dernières semaines. Nous avons confiance dans ce dialogue. Le Président de la République l’a rappelé, l’économie est, avec la sécurité, une condition de la cohésion de notre pays.

M. Marc Le Fur. C’est du bla-bla !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Une nouvelle réunion se tiendra jeudi. Nous espérons et nous croyons qu’elle permettra de conclure, ce qui sera un élément supplémentaire de progrès sur la voie de la cohésion sociale,…

M. Sylvain Berrios. L’espoir fait vivre !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. …mais nous sommes aussi ouverts à d’autres pistes.

Projet de loi Macron

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Frédéric Poisson. S’il est encore loisible à l’opposition de poser des questions qui déplaisent au Gouvernement, je voudrais interroger M. le ministre de l’économie. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le ministre, nous avons passé plus de quatre-vingts heures la semaine dernière à débattre d’un projet de loi que tout le monde appelle désormais de votre propre nom, ce qui est sans doute plus facile, car on peinerait à trouver un titre qui le résumât pleinement. Le titre de ce projet de loi a d’ailleurs été modifié à deux heures cinquante-cinq du matin dans la nuit de dimanche à lundi…

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. De profundis !

M. Jean-Frédéric Poisson. …la mention de l’égalité des chances y a été ajoutée, ce qui permet sans doute de le rendre plus digeste à un certain nombre de membres de votre majorité.

Votre texte présente deux caractéristiques : premièrement, c’est un patchwork ; deuxièmement, c’est un trompe l’œil.

M. Jacques Myard. C’est la Samaritaine !

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est un patchwork car, dans les 110 ou 115 articles que comprend désormais le projet de loi, on trouve tout, un peu comme dans une foire à la brocante : des modifications à la marge de quelques ordonnances prises il y a à peine six mois – c’est dire la constance dont fait preuve le gouvernement dont vous faites partie – jusqu’aux articles réformant en profondeur des professions qui n’ont rien demandé à personne, qui rendent aux Français un service de qualité et qu’il ne convient pas, dans le contexte actuel, de réformer comme vous le faites, sans connaître l’impact des décisions que vous prenez. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

En second lieu, c’est un trompe l’œil. Que personne ne s’attende, dans cet hémicycle comme en dehors de celui-ci, à ce que les mesures prévues par les 106 articles initiaux de votre projet de loi aient un quelconque impact significatif sur la croissance et l’activité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)



Les entreprises attendent des mesures de simplification, de réduction de certains coûts et d’assouplissement, qui ne se trouvent pas dans votre texte. Monsieur le ministre, allez-vous tirer toutes les conséquences de ce que vous nous avez dit cette semaine et modifier à une prochaine occasion la politique économique de votre gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Monsieur le député, vous l’avez vous-même rappelé, les quatre-vingt-deux heures de débat, auquel vous avez pris part avec constance, comme beaucoup de vos collègues – je remercie d’ailleurs tout particulièrement M. Ferrand et M. Brottes pour leur rôle actif – ont permis d’améliorer ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Plus de 400 amendements ont été retenus et celles et ceux qui ont participé avec constance à ce débat ont pu voir qu’il y avait une cohérence, comme l’ont montré les nombreux rapporteurs qui ont travaillé sur ce texte. Cette cohérence consiste précisément à revisiter, parce que notre économie l’exige, beaucoup de domaines qui sont parfois trop souvent captifs de leur clientèle et de leur précaution – cela vaut d’ailleurs également pour notre ministère. Ouvrir les professions réglementées pour accroître la liberté d’accès pour les jeunes, c’est une bonne chose. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Nicolas Dhuicq. N’importe quoi !

M. Emmanuel Macron, ministre. Ouvrir le secteur des transports pour permettre la création de lignes d’autocar et, partant, de milliers d’emplois, c’est une bonne chose. Élargir les possibilités d’intervention de l’Autorité de la concurrence dans le domaine du grand commerce, c’est une bonne chose. Ouvrir, là où c’est possible, les commerces le dimanche, dans des conditions préservant le droit et assurant une plus grande justice sociale – ce texte l’a largement améliorée –, c’est une bonne chose.

M. Jacques Myard. La boîte de Pandore !

M. Emmanuel Macron, ministre. Oui, réformer les prud’hommes, les professions réglementées, le monopole bancaire pour permettre le prêt inter-entreprises, ce sont des nouveautés prévues par ce texte.

M. Christian Jacob. Et réformer le socialisme ?

M. Emmanuel Macron, ministre. S’il ne s’agit que de réformes marginales, monsieur le député, pourquoi ne les avez-vous pas faites avant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Pourquoi ont-elles été si difficiles à faire ? Pourquoi avez-vous reculé plusieurs fois devant la réforme des prud’hommes ? Pourquoi avez-vous refusé à maintes reprises d’engager les réformes prévues par ce texte ? Parce que c’est difficile à faire. Quant à nous, nous allons le faire pour l’économie française. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Financement du terrorisme

M. le président. La parole est à Mme Julie Sommaruga, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Julie Sommaruga. Ma question s’adresse au ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le ministre, les 7, 8 et 9 janvier derniers, la France a vécu des drames qui nous ont tous bouleversés. Des terroristes ont sauvagement et lâchement assassiné dix-sept personnes. Parmi ces victimes figurait Clarissa Jean-Philippe, une policière municipale de Montrouge, dans ma circonscription.

Ces terroristes ont endeuillé la France. Ils étaient visiblement formés et armés. Cela signifie que des filières les ont endoctrinés et leur ont appris le maniement des armes, mais aussi que des filières leur ont apporté un financement.

Le 3 décembre dernier, l’Assemblée nationale avait déjà mis en place une commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes.

Nous sommes, plus que jamais, déterminés à poursuivre la lutte contre toutes les formes de terrorisme. Il faut traiter le mal à sa source. Tout acte terroriste nécessite des moyens matériels et financiers. La France doit pouvoir identifier, tracer et geler les flux financiers alimentant le terrorisme.

Nous savons que ces filières peuvent être internationales : il faut donc renforcer la coopération avec tous nos alliés, au sein de l’Union européenne comme dans le reste du monde.

Mais la source de financement peut aussi être locale et provenir du banditisme. La police et la gendarmerie démantèlent d’ailleurs, peu à peu, des réseaux liés au terrorisme, mais il s’agit là d’un travail de fourmi.

La France a été meurtrie par les récents événements qu’elle a vécus. Nous sommes et serons intraitables vis-à-vis de toutes les formes de terrorisme. Toutes les forces de la République doivent concourir à les éradiquer.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer ce qui est fait afin de lutter contre le financement du terrorisme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Madame la députée Julie Sommaruga, lutter contre le terrorisme, c’est lutter contre toutes les formes de terrorisme et contre toutes les modalités d’appui à ce dernier, et donc d’abord et avant tout, contre son financement.

On sait que le terrorisme nécessite des déplacements, des caches, des logements, des voitures et des armes. Comment tout cela est-il payé ? Avec quoi ? Par qui ? D’où vient l’argent ? La réponse à ces questions est fondamentale : il en va de l’efficacité dans la lutte contre le terrorisme.

Il faut agir à trois niveaux. D’abord au niveau national : depuis juillet 2013, et parce que l’Assemblée nationale a, à une très large majorité, adopté un certain nombre de dispositions, nous disposons de l’arsenal juridique nécessaire.

M. Alain Marsaud. Ah bon ? Quelles dispositions ?

M. Michel Sapin, ministre. Tracfin, service qui dépend du ministère des finances, accomplit un travail considérable pour repérer les circuits financiers clandestins. Il a d’ailleurs permis, par le passé, d’éviter un certain nombre d’actions qui se seraient révélées dommageables.

Il faut également agir au niveau européen. J’ai demandé à mes collègues ministres des finances que, lors du prochain conseil européen « Affaires économiques et financières » qui aura lieu à Bruxelles mardi 27 janvier, nous abordions la question de la meilleure coopération possible entre nos administrations. Il faut de la transparence, des échanges automatiques d’information, et du repérage. En effet, les noms peuvent changer, et des sociétés-écrans être utilisées pour dissimuler des mouvements de capitaux. Nous allons donc travailler ensemble, au niveau européen, à améliorer encore notre coopération.

Enfin, il faut agir au plan international. Il faut repérer les déplacements des individus, mais il faut faire de même des mouvements de capitaux, alors même qu’ils relèvent du virtuel, les fonds transitant d’une place à l’autre. C’est donc le monde entier qui doit se mobiliser pour lutter contre ces systèmes de financement opaques.

J’ai eu, au cours de ces derniers jours, des contacts avec les ministres des finances du Japon et de l’Indonésie. Comme l’ensemble des membres du G20, ils se sont montré sensibles à cette question. Nous allons renforcer au niveau du G20 l’ensemble des moyens nécessaires à la lutte contre le financement du terrorisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Réponse globale aux attentats et aux fractures de la société

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. Monsieur le Premier ministre, faire vivre l’esprit du 11 janvier suppose de la lucidité à l’égard des contradictions qui traversent notre société comme le monde. Ces contradictions ont vu, par exemple, les représentants de certains pays défiler dans les rues de Paris puis, de retour chez eux, y interdire la diffusion de Charlie Hebdo.

Ces contradictions ont également vu des pays exprimer leur solidarité tout en continuant sur leur sol à condamner les tenants de la liberté d’expression. Je pense douloureusement, en cet instant, au jeune blogueur saoudien Raif Badawi, dont le martyre doit tous nous révolter. (Applaudissements sur de très nombreux bancs.)



Ces contradictions n’épargnent pas la société française. À Nantes, où 75 000 personnes avaient manifesté leur attachement aux valeurs de la République, le Mémorial de l’abolition de l’esclavage a été profané par des messages à caractère raciste.

Ne nous berçons pas d’illusions : la question, ce n’est pas un face-à-face entre « eux » – une communauté fantasmée ou des individus perdus, sans repères ni avenir – et « nous ». La question c’est « nous », ce « nous » collectif qui trop souvent ferme les yeux sur les atteintes à la dignité et à la liberté des femmes ; qui tolère, pour finalement s’en accommoder, des inégalités sociales et relégations territoriales de plus en plus criantes. Ce « nous » aspire à concilier la sécurité de tous et les libertés individuelles.

Être responsables, ce n’est pas faire croire que nous résoudrons toutes ces contradictions, mais réussir à les surmonter. C’est tenir la promesse républicaine de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité. Il convient de réaffirmer le rôle protecteur et régulateur de l’État et des collectivités locales, en ce qui concerne notamment la sécurité, la justice, l’école et la politique de la ville.

Vous pouvez, monsieur le Premier ministre, compter sur nous dans cette tâche à laquelle les élus écologistes souhaitent prendre toute leur part. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Mesdames et messieurs les députés, monsieur le président François de Rugy, oui, il faut faire preuve de lucidité. Ce mot est d’ailleurs celui qu’ont utilisé de nombreux orateurs ici la semaine dernière, notamment Barbara Pompili.

Lucidité d’abord quant au degré de menace auquel nous faisons face. Je l’ai rappelé ce matin lors de mes vœux à la presse ministérielle, je le répète ici, comme je l’ai fait il y a une semaine : cette menace est réelle. Vous la connaissez. Elle est d’un niveau très élevé et ne concerne pas seulement la France mais de nombreux autres pays européens. Vous avez évidemment tous à l’esprit les événements de la semaine dernière en Belgique.

Nous devons répondre à cette menace avec beaucoup de force et de détermination, en consultant, bien sûr, le Parlement. Bernard Cazeneuve sera auditionné demain par la commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes présidée par Éric Ciotti et dont le rapporteur est Patrick Mennucci, afin précisément de travailler sur des mesures que nous présenterons et détaillerons demain. Je ne reviens pas aujourd’hui, vous pouvez le comprendre, sur ces mesures concernant le soutien aux services de renseignement et la sécurité. Le Président de la République, pour sa part, réunit un conseil de défense. Quant à notre action diplomatique internationale, Laurent Fabius a déjà eu l’occasion de vous la rappeler.

La lucidité s’impose également sur les fractures de notre société. Je n’y reviens pas : vous l’avez dit et je reprends vos mots, ces fractures sont évidentes. Oui, il nous faut lutter contre l’antisémitisme et le racisme. Au-delà de la laïcité, vous avez ajouté un autre élément important : la lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes, combat qui ne se limite pas, bien sûr, à notre pays.

S’il nous faut être lucides sur ces fractures de notre société, il nous faut aussi dire les choses clairement. Nous allons adopter toute une série de dispositifs, car nous savons qu’il faut agir – et pour ce qui est de la sécurité de nos concitoyens, nous l’avons déjà fait. Mais sur bien d’autres sujets, au-delà de ce qui a déjà été engagé, il nous faudra, aussi, du temps. Pour ce qui concerne l’école, les quartiers, le sentiment de relégation ou de ségrégation, dire qu’il serait possible de résoudre les problèmes en quelques jours ou en quelques semaines n’aurait aucun sens. Si nous parlions ainsi, nous ne répondrions d’ailleurs pas à l’exigence exprimée par les Français. Dans certains domaines, ce sera, en effet, l’affaire d’une génération.

Mais il faut bien sûr agir. C’est tout le sens de la réunion de travail que nous aurons avec les ministres et les secrétaires d’État sur ces questions fondamentales de l’école, des valeurs de la République et de la laïcité, la ministre de l’éducation nationale y est revenue il y a un instant.

Il nous faut également faire preuve de lucidité quant au message à adresser à nos concitoyens en matière de laïcité, d’autorité, de respect des règles, mais aussi de droits et de devoirs, pour reprendre les mots du Président de la République.

Au fond, le choc, le traumatisme, la douleur, que le pays a subis il y a une dizaine de jours nous obligent sans doute tous à revoir non seulement nos politiques publiques mais aussi, et dans bien des domaines, nos discours.

Enfin, notre lucidité doit s’exercer sur la manière dont nous nous adressons les uns aux autres. Cet état d’esprit du 11 janvier nous oblige les uns et les autres. Il ne s’agit pas de nier les différences. Et M. Poisson a eu raison de poser une question relative à la politique économique. C’est ainsi que vit la démocratie.

M. Jean-Patrick Gille. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. On a voulu attaquer la démocratie, la liberté de pensée et la liberté de la presse. La meilleure réponse à cette attaque n’est autre que la démocratie elle-même. Il faut faire vivre le débat, mais dans la dignité. Celui-ci doit être à la hauteur du message que les Français ont adressé. Le débat existe, il n’est pas question de le nier, mais il faut, tout simplement, se placer au bon niveau et prendre assez de hauteur.

M. Jean-Paul Bacquet. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous devons être capables de répondre non seulement au choc que nous venons de subir mais aussi à la crise que nous traversons, crise économique, crise sociale mais aussi crise d’identité et crise de confiance.

Si, sans nier nos différences, nous en sommes capables tous ensemble, en nous hissant au niveau de dignité et d’exigence demandé par les Français, alors je pense que nous aurons fait du bien à notre pays et que nous aurons répondu à l’attente de nos compatriotes. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Moyens de la défense nationale

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Bouchet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Claude Bouchet. Monsieur le Premier ministre, les actes terroristes inqualifiables que notre pays a subis il y a dix jours vous ont conduit à activer le plan Vigipirate « alerte attentat ». Toutes nos forces sont mobilisées. Cela rassure et réconforte nos concitoyens.

Aux côtés des forces de police et de gendarmerie, les armées assurent un rôle majeur dans ce déploiement. Déjà présents sur les théâtres extérieurs, nos soldats – 10 000 hommes – sont déployés sur le sol national. C’est leur devoir, ils le savent et l’assurent avec tout le professionnalisme qui les caractérise.

Nos armées sont particulièrement sollicitées. Le Président de la République a annoncé lors de ses vœux aux armées qu’il fallait revoir le rythme envisagé de la déflation des effectifs. Je rappelle que la loi de programmation militaire prévoit plus de 30 000 suppressions de postes d’ici à 2019, et que le groupe UMP s’était opposé à cette réduction des effectifs.

Monsieur le Premier ministre, mes questions sont simples.

L’actualité dramatique de ces derniers jours ne doit-elle pas nous pousser à cesser définitivement de procéder à une telle diminution des effectifs afin de maintenir les capacités opérationnelles de nos armées ?

Par ailleurs, il semble que ces propositions se fassent à budget constant, à budget contraint devrait-on dire. Faire du budget de la défense une variable d’ajustement en cette période de troubles et de dangers ne serait pas compris par nos concitoyens, qui attendent maintenant des réponses fortes et claires.

En un mot, comme le disait le général de Gaulle, « Valeur militaire, vertu des armes, services des soldats »… « De tout temps, la France a su fournir ces richesses à foison. Mais il y faut une âme, une volonté, une action nationale, c’est-à-dire une politique ». (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous avez raison, monsieur le député, d’évoquer l’esprit du général de Gaulle dans cet hémicycle. Il doit évidemment nous animer et nous inspirer, notamment devant des défis aussi graves.

Comme Jean-Yves Le Drian, qui est en déplacement aujourd’hui, a eu l’occasion de le souligner dès la semaine dernière, en répondant notamment à vos questions sur notre engagement en Irak, les événements tragiques de la semaine du 7 janvier et la forte contribution que les forces armées ont apportée sans délai aux forces de sécurité publique dans ces heures de crise pour la nation ont permis notamment de mobiliser 10 500 militaires en renfort autour des sites sensibles. C’est sans précédent. Nous avons tous des témoignages sur les applaudissements qui ont accueilli l’arrivée de nos soldats devant des synagogues, des écoles confessionnelles, des mosquées, et je veux rendre ici hommage à l’engagement de nos militaires, qui accomplissent pleinement cette mission de sécurité. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Face à cette situation exceptionnelle, le Président de la République a estimé la semaine dernière, lors de ses vœux aux armées, sur le Charles de Gaulle, que le rythme de réduction des effectifs militaires devait être revu et adapté. Dans cette circonstance, le chef de l’État a demandé au ministre de la défense de lui proposer des solutions pour revoir le rythme de la réduction des effectifs du ministère de la défense programmée pour les trois prochaines années et l’adapter à l’environnement auquel nous sommes brutalement confrontés.

Jean-Yves Le Drian travaille avec le chef d’état-major des armées pour déterminer où doit porter notre effort pour que cette baisse programmée d’effectifs, partie intégrante de la loi de programmation militaire – ce n’est pas la première loi de programmation militaire qui prévoit une baisse des effectifs – ne nous empêche pas de répondre à la menace que nous connaissons. Ce sera l’objet du conseil de défense qui se réunira. Le ministre de la défense sera ensuite à votre entière disposition pour répondre à ces questions qui doivent nous rassembler. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Soutien aux associations

M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumas, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Françoise Dumas. Monsieur le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, l’engagement associatif a été labellisé grande cause nationale par le Président de la République en 2014. Il s’agissait déjà d’un choix politique fort, décisif pour la vie associative.

Nous avons, parlementaires et Gouvernement, engagé de nombreux travaux et propositions concrètes pour appréhender les difficultés des associations et y répondre efficacement.

Intérêt général, progrès social, cohésion sociale, les bénévoles et salariés des associations mettent en œuvre l’expression concrète et innovante de notre pacte républicain. Néanmoins, la ressource humaine, ou, plutôt, la richesse humaine, est fragilisée par la crise économique et les transformations qui en résultent pour près de 2 millions de salariés et 20 millions de bénévoles.

Il n’existe pas de crise du bénévolat, mais des mutations notables sont en cours, obligeant les associations à repenser leur fonctionnement, et l’État et les collectivités territoriales à repenser leurs outils.

Ces difficultés n’altèrent pas la volonté de s’engager. Quatre millions de Français se sont rendus dans les rues le 11 janvier dernier, solidaires et unanimes, à l’image d’une communauté nationale prête à défendre jusqu’au bout l’idéal républicain, démocrate et laïque. L’ampleur de cette mobilisation reflète la culture associative de notre pays, citoyenne et civique.

Je sais, monsieur le ministre, que le Président de la République et le Gouvernement sont mobilisés autour de cet enjeu. Il est important d’amener de nouvelles populations vers l’engagement associatif, notamment les jeunes, mais aussi des personnes de tous les âges.

C’est de cette vitalité, de sa capacité à s’inscrire dans une citoyenneté affirmée qu’émergeront de nouvelles solidarités, issues de l’intelligence collective sur tous les territoires. Elles assureront à chacun d’entre nous l’effectivité du troisième pilier de notre pacte républicain, la fraternité, telle qu’elle s’est exprimée le 11 janvier.

Monsieur le ministre, quel bilan tirez-vous de cette année, et quelles perspectives pouvez-vous tracer pour 2015 ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je m’associe naturellement, madame la députée, à votre soutien aux 18 millions de bénévoles qui sont au service de l’intérêt général.

C’est une force militante, ce monde associatif. C’est cela la France, celle qui se mobilise et agit au quotidien pour faciliter la vie de celles et ceux qui en ont besoin, pour inventer des solutions, permettre l’accès au droit, à la culture, au sport, développer le vivre ensemble. Je tiens aussi à souligner l’action des 7 000 associations qui agissent, dans le cadre de la politique de la ville, dans ces quartiers qui souffrent tant.

La loi du 1er juillet 1901 est un autre pilier de notre République, qui fait naturellement partie de notre ADN démocratique.

En 2014, vous l’avez rappelé, l’engagement associatif a reçu le label grande cause nationale. Le Premier ministre a signé le 14 février dernier la charte des engagements réciproques entre l’État, les collectivités locales et le monde associatif. Plusieurs contributions ont été portées à la connaissance de l’exécutif : le rapport d’Yves Blein sur la simplification et celui que vous avez réalisé avec M. Bocquet sur les difficultés du secteur associatif en matière de financement. Un exemple de réponse : la subvention bénéficie aujourd’hui d’un véritable statut.

Nous poursuivrons en rendant concrètes les propositions que vous nous avez faites il y a très peu de temps. Ce sera notamment l’année du développement du service civique tel que cela a été annoncé par le Président de la République ce matin. Il sera aussi demandé aux deux chambres un rapport sur l’engagement. C’est un chantier fort, qui appelle la mobilisation de tous, dans le consensus républicain. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Réforme de l’éducation prioritaire

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Bérengère Poletti. Monsieur le Premier ministre, entre Mme Vallaud-Belkacem ministre de la ville et Mme Vallaud-Belkacem ministre de l’éducation nationale, laquelle faut-il écouter ? La ministre de la ville qui demandait à ses services de « piloter » la ville de Rethel, dans les Ardennes, comme d’autres villes en France, afin que ses quartiers soient reconnus comme prioritaires ? Ou la ministre de l’éducation nationale, qui décide en décembre de faire sortir le collège de cette même ville du réseau d’éducation prioritaire ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jacques Myard. C’est scandaleux !

Mme Bérengère Poletti. Pourtant, les arguments retenus, qui concernent notamment la jeunesse en difficulté, sont les mêmes pour le ministère de la ville et pour le ministère de l’éducation nationale ! Ces trois dernières années, la situation s’est considérablement dégradée : retard scolaire, nombre de familles monoparentales très élevé, nombre important de boursiers, taux d’absentéisme et de chômage des jeunes eux aussi très importants. Ce collège n’est malheureusement pas le seul en France à vivre cette situation ubuesque. Devant cette incohérence, puisque les critères requis se sont aggravés, comment demander à une équipe éducative de s’impliquer dans la politique de la ville, alors qu’on dénie la difficulté de sa tâche dans son établissement scolaire ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Je vous laisse imaginer, mes chers collègues, dans quel état d’esprit sont aujourd’hui les professeurs, les parents d’élèves et les élus locaux, très émus par cette décision totalement incompréhensible. J’ai souhaité, comme beaucoup d’autres élus confrontés à une telle situation en France, rencontrer Mme la ministre de l’éducation nationale et depuis plusieurs semaines déjà, j’attends sa réponse. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Alors que nous sommes tous tellement conscients de l’importance de tenir un discours cohérent vis-à-vis de notre jeunesse, nous vous demandons de bien vouloir revenir sur cette politique aberrante et de ne pas désespérer les jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la députée Bérengère Poletti, M. le Premier ministre nous appelait, il y a un instant, à faire preuve de lucidité à l’égard de nos politiques publiques et à ne pas reconduire, année après année, des dispositifs qui n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. La politique de la ville et l’éducation prioritaire méritaient d’être réinterrogées. Cela faisait même trente ans que cette dernière ne l’avait pas été ! Je l’assume : dans mes fonctions de ministre de la ville puis de l’éducation nationale, j’ai voulu que l’on évalue l’efficacité réelle des moyens apportés aux établissements dans lesquels nous considérons qu’ils concentrent davantage de difficultés sociales que les autres.

M. Dominique Dord. Vous tenez deux discours !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Cela nous a conduits à revoir la cartographie des établissements scolaires. Certains sortent de la carte de l’éducation prioritaire pour permettre à d’autres, bien plus mal lotis, d’y entrer et d’être mieux aidés. Je ne dis pas que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes dans l’établissement dont vous nous parlez, le collège de Rethel, mais, en termes de profil sociologique, il ne va pas aussi mal que les 1 089 établissements que nous avons décidé d’intégrer à la carte de l’éducation prioritaire.

Cela signifie-t-il pour autant que cet établissement disparaît de nos radars ? Je vous ai dit mille fois que non, madame Poletti. Pour les trois ans qui viennent, les moyens de cet établissement, son taux d’encadrement, le nombre d’élèves par classe et la dotation horaire globale seront préservés.

Il est bien naturel que nous réinterrogions nos politiques pour leur donner plus d’efficacité. C’est ce qu’attendent nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Dord. Recevez Bérengère Poletti !

Avenir des abattoirs AIM

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Thierry Benoit. Monsieur le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, nous sommes un certain nombre d’élus à être préoccupés par la situation des Abattoirs industriels de la Manche – AIM –, notamment mes collègues Hervé Morin et Philippe Gosselin. AIM a été placé sous redressement judiciaire le 6 janvier par le tribunal de commerce de Coutances, puisque, le 23 décembre, l’entreprise a annoncé qu’elle n’était pas en mesure de verser l’intégralité des salaires à l’ensemble de ses employés. Les repreneurs potentiels ont jusqu’au 29 janvier pour déposer une offre de reprise. Il y a urgence, puisque 600 emplois sont menacés, sur les sites d’Antrain en Ille-et-Vilaine et de Sainte-Cécile dans la Manche, et que deux filières sont touchées, la filière d’abattage de bovins et la filière porcine.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous détailler la stratégie du Gouvernement sur ce dossier ? Quelle coordination est prévue entre les deux régions Normandie et Bretagne, ainsi qu’entre le conseil général de la Manche et celui de l’Ille-et-Vilaine ? Quelle sera la stratégie d’accompagnement de la puissance publique pour soutenir les repreneurs potentiels, afin que ceux-ci présentent des offres de reprise attrayantes, de nature à sécuriser et pérenniser l’activité sur site, avec des sites d’abattage en connexion avec leur environnement agricole et agroalimentaire ? Enfin, monsieur le ministre, quels moyens d’action le Gouvernement entend-il mettre en œuvre pour anticiper et prévenir ces crises à répétition dans le secteur de l’agroalimentaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. Nicolas Dupont-Aignan et M. Jean Lassalle. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, vous avez évoqué deux sujets. S’agissant de l’anticipation des crises, permettez-moi de vous rappeler que, lorsque nous sommes arrivés aux affaires en 2012, les crises, les fermetures, les liquidations et les redressements judiciaires étaient nombreux. Je suis très satisfait de voir que, dans un certain nombre de grands dossiers, en particulier celui de Doux, on est aujourd’hui en mesure de proposer des contrats à durée indéterminée, alors qu’en 2012, l’entreprise était en liquidation. La situation était la même pour Cecab ou Tilly-Sabco à Guerlesquin.

S’agissant des abattoirs AIM, nous sommes évidemment mobilisés et nous le serons pour coordonner une action permettant de trouver des repreneurs pour les deux abattoirs, en lien avec les deux régions. Une réunion avec les salariés a lieu cet après-midi au ministère de l’emploi, à laquelle participent des membres des cabinets du ministre de l’économie, du ministre de l’agriculture et du ministre de l’emploi. Des solutions ont été trouvées pour maintenir l’activité et assurer surtout le versement des salaires, ce qui n’était pas acquis à la fin de l’année dernière. La date butoir pour le dépôt des offres de reprise a été fixée au 29 janvier. D’ici là, nous travaillons pour trouver des offres qui permettent de relancer une activité dans les domaines porcin, pour la Manche, et bovin, pour l’Ille-et-Vilaine, puisque les abattoirs ont deux spécialités différentes.

Nous sommes là, à l’écoute. Une réunion plus large se tiendra, dès que les offres auront été déposées et que nous disposerons d’une plus grande visibilité. Nous nous efforçons de mobiliser tous les moyens disponibles, notamment la BPI ou d’autres sortes d’avances, de façon à garantir la crédibilité de ces offres et surtout, comme vous l’avez parfaitement dit, à garder des outils de transformation et préserver l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)

Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente

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Adaptation au droit de l’Union européenne

dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel

Commission mixte paritaire

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel (n2497).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Féron, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Hervé Féron, rapporteur de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame la ministre de la culture et de la communication, chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour procéder à la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel.

Ce texte, dont le Parlement a été saisi au mois d’octobre dernier, vise à mettre notre droit interne en conformité avec trois directives communautaires, relatives respectivement à la durée de protection des droits voisins, aux utilisations des œuvres orphelines et à la restitution des biens culturels sortis illicitement du territoire d’un État membre.

Comme nous avons déjà examiné en détail les dispositions de ce projet de loi en novembre dernier, je me permettrai de n’en faire qu’un rappel sommaire pour vous parler ensuite des modifications apportées par le Sénat ainsi que des conclusions de la commission mixte paritaire convoquée par le Gouvernement dans le but de trouver un accord sur les articles restant en discussion.

Ce projet de loi, vous vous en rappelez, est porteur d’avancées significatives sur plusieurs points.

La première directive qu’il transpose, celle du 27 septembre 2011, porte en effet de cinquante à soixante-dix ans la durée de protection des droits des artistes-interprètes et des producteurs de disques. En assurant à ces derniers une rémunération plus durable, l’Union européenne prend acte des défis particuliers auxquels est confronté le secteur de la musique – le piratage électronique et la diffusion en ligne – et nous aligne sur les durées de protection des droits qui ont cours à l’étranger, notamment aux États-Unis.

Le projet de loi transpose en deuxième lieu la directive du 25 octobre 2012, qui vise à permettre l’utilisation de certaines œuvres dites orphelines, c’est-à-dire n’étant pas encore tombées dans le domaine public mais dont il n’est pas possible d’identifier ou de trouver les auteurs ou les ayants droit. Désormais, bibliothèques, musées, établissements d’enseignement pourront reproduire des œuvres orphelines et les mettre à la disposition du public dans toute l’Union européenne, dans un but exclusivement non lucratif.

Enfin, la troisième directive transposée, celle du 15 mai 2014, concerne les trésors nationaux d’intérêt artistique, historique ou archéologique ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre à partir du 1er janvier 1993. Les modifications apportées par le projet de loi de transposition sont essentiellement d’ordre procédural et visent à améliorer le dispositif actuel, qui a été mis en place par la directive du 15 mars 1993 et dont l’efficacité s’est avérée jusqu’à présent limitée.

À l’issue d’une lecture de ce projet de loi dans chaque assemblée, la procédure accélérée ayant été engagée, le Gouvernement a fait le choix de provoquer la semaine dernière la réunion d’une commission mixte paritaire afin de trouver un texte commun sur les deux articles restant en discussion : l’article 2, qui transpose la directive prolongeant la durée des droits voisins au droit d’auteur, et l’article 4, qui transpose la directive relative à l’exploitation par certains organismes et sous certaines conditions des œuvres orphelines.

L’urgence qu’il y a à transposer la première directive, ce que notre pays aurait dû faire avant le 1er novembre 2013, justifie pleinement ce choix du Gouvernement. Les députés et les sénateurs réunis au sein de la commission mixte paritaire ont cependant exprimé à nouveau leurs regrets quant au caractère tardif du dépôt du projet de loi de transposition, car cela a contraint les parlementaires à examiner en urgence des dispositifs d’une assez grande complexité et a, en outre, induit un effet rétroactif bien regrettable. Cela étant dit, je ne peux que me réjouir de l’issue favorable des travaux de la commission mixte paritaire qui s’est réunie jeudi dernier.

Pour ce qui est de l’article 2, l’accord a été très rapidement obtenu, les députés approuvant les deux modifications introduites par le Sénat en première lecture.

En premier lieu, le Sénat avait supprimé une mention non conforme à la directive concernant l’assiette de calcul de la rémunération annuelle supplémentaire des artistes-interprètes : conformément au considérant 13 de la directive, les recettes issues de la location des œuvres ne seront pas incluses dans cette assiette. Par ailleurs, le Sénat avait ouvert la possibilité pour les sociétés de perception et de répartition des droits agissant pour le compte des artistes-interprètes de demander au producteur l’état des recettes provenant de l’exploitation du phonogramme. Cet ajout conforte les droits des artistes-interprètes en facilitant le calcul et donc le versement effectif de la rémunération annuelle supplémentaire à laquelle la loi leur donne droit en application de la directive. Ces deux modifications améliorant substantiellement le texte, il nous est apparu qu’il fallait les approuver l’une et l’autre.

En revanche, s’agissant de l’article 4, qui transpose la directive relative à l’exploitation sous conditions des œuvres orphelines, le consensus n’a pas été aussi facile à trouver. En effet, le Sénat a souhaité en première lecture revenir sur l’adoption par notre assemblée d’un amendement présenté par notre collègue Isabelle Attard et visant à restreindre à cinq ans la durée pendant laquelle les organismes exploitant les œuvres orphelines pourront répercuter leurs frais sur les utilisateurs.

Pour justifier cette suppression, le Sénat a fait valoir deux arguments. Le premier était un argument de forme : la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture aurait laissé une place à l’ambiguïté. Nous avons résolu ce problème facilement en modifiant simplement la construction de la phrase. Le second argument portait quant à lui sur le fond : la rapporteure a fait valoir que la restriction apportée par l’Assemblée nationale pourrait s’avérer contre-productive car elle incitait les bibliothèques à répercuter plus lourdement leurs coûts les premières années pour s’assurer de couvrir l’intégralité de leurs frais.

Bien conscients de ce danger, le président de la commission, Patrick Bloche, et moi-même avons néanmoins insisté auprès de nos collègues sénateurs sur la nécessité de borner dans le temps la participation financière demandée aux lecteurs, afin d’éviter le risque de laisser perdurer un système de facturation après épuisement du délai d’amortissement effectif des frais de numérisation et de mise à disposition, ce qui pénaliserait ces derniers. Pour que l’amortissement financier ne soit pas étendu outre-mesure par les organismes concernés, et dans l’objectif d’aboutir à une écriture de compromis, nous sommes finalement convenus que la durée de répercussion des coûts ne pourrait excéder sept ans. La rapporteure était a priori plus favorable à sept ans et demi, avant que je ne lui rappelle que sept ans était l’âge de sagesse et que le Gouvernement s’en était remis à la sagesse de l’Assemblée sur l’amendement de Mme Attard : l’argument était donc imparable ! (Sourires.)

Nous avions très peu de temps et très peu de marge d’intervention sur ce texte. Si malgré cela il y a eu débat sur l’article 4, ce n’est pas un hasard. Députés et sénateurs ont débattu de façon toujours constructive sur ce texte mais, naturellement, et comme toujours sur ces sujets, le soutien à la création s’oppose à la démocratisation culturelle. Compte tenu de l’importance des enjeux soulevés par le numérique, il faudra que nous reprenions cette discussion et que nous nous penchions plus particulièrement sur les bibliothèques, qui sont par essence le secteur le plus silencieux de la culture.

Nous sommes donc aujourd’hui prêts à voter ce texte, qui non seulement mettra notre droit interne en conformité avec ces trois directives européennes mais fera aussi réellement progresser les droits des artistes-interprètes, le droit d’auteur, les droits des utilisateurs à accéder aux œuvres orphelines, le soutien à la création et la démocratisation culturelle.

Tout cela, madame la ministre, a un lien direct avec le droit d’expression qu’il nous faut défendre plus que jamais après les événements violents, barbares et cruels que nous venons de vivre. « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi » ; ces termes sont ceux de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen discutée par l’Assemblée nationale au cours des séances des 20, 21, 23, 24 et 26 août 1789.

Madame la ministre, députés français, nous sommes fiers de travailler au sein de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et, ainsi, de faire vivre les valeurs de la République, parmi lesquelles figure la laïcité, inscrite dans le préambule de notre Constitution. Voltaire disait : « Le fanatisme est un monstre qui ose se dire le fils de la religion ». Ces valeurs sont aussi la liberté, l’égalité, la fraternité. Ce socle républicain garantit en France cette démocratisation culturelle, cette exception culturelle française, cette liberté d’expression pour lesquelles les citoyens de France, d’Europe et du monde ont défilé main dans la main le 11 janvier 2015. Cette phrase d’Albert Camus doit nous donner de la force : « Au milieu de l’hiver, j’apprenais qu’il y avait en moi un été invincible. » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur de la commission mixte paritaire, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi transposant trois directives importantes pour le monde artistique et littéraire arrive au terme de son parcours législatif.

Permettez-moi de saluer à cette tribune le travail conduit par la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et la commission de la culture, de l’éducation et de la communication de la Haute Assemblée. En dépit de l’engagement de la procédure accélérée, le Parlement a pris le temps qu’il fallait pour enrichir le texte. Je voudrais remercier ici M. le rapporteur Hervé Féron, ainsi que la rapporteure au Sénat, Mme Colette Mélot. Vous avez su, l’un comme l’autre, travailler à l’écriture d’un texte fidèle aux directives tout en apportant au texte initial les améliorations et précisions qui étaient nécessaires.

Au fond, les débats que vous avez eus en commission mixte paritaire reflètent parfaitement le travail consensuel qui a prévalu sur le texte. Vous me permettrez à ce stade de l’examen de ce texte, d’être courte dans mon propos.

Deux articles restaient en discussion avant la réunion de la commission mixte paritaire : l’article 2 sur les droits voisins et l’article 4 relatif aux œuvres orphelines.

Concernant le premier, le Sénat a, à juste titre, proposé une écriture plus proche de celle de la directive, incluant les recettes issues de la location des œuvres dans l’assiette de la rémunération annuelle supplémentaire des artistes-interprètes. Il a également ouvert la possibilité pour les sociétés de perception et de répartition des droits agissant pour le compte des artistes-interprètes de demander au producteur l’état des recettes provenant de l’exploitation du phonogramme, confortant ainsi les droits des artistes-interprètes. Ces modifications étaient utiles et méritaient d’être retenues.

À l’article 4, le Sénat est revenu sur l’adoption par l’Assemblée nationale d’un amendement de la députée Isabelle Attard, que nous avions examiné en première lecture dans cet hémicycle. Cet amendement restreignait à cinq ans la durée pendant laquelle les organismes exploitant les œuvres orphelines pourraient répercuter leurs frais sur les utilisateurs. Les sénateurs ont souhaité revenir sur cette limitation à cinq ans, malgré les réserves exprimées par le Gouvernement.

J’avais appelé de mes vœux une écriture de compromis entre Assemblée et Sénat. C’est ce qui a été réalisé en commission mixte paritaire. Je veux ici remercier le président Bloche d’être parvenu à une solution raisonnable, limitant la durée de compensation des frais à sept ans au lieu de cinq.

Vous l’aurez compris, le Gouvernement est naturellement en parfait accord avec le texte issu de vos travaux et souhaite que ce texte puisse être adopté en l’état. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, chers collègues, comme nous l’avons dit lors des débats en commission et en séance, le groupe écologiste votera ce projet de loi, qui adapte à notre législation des directives européennes dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel.

Comme vous le rappeliez, madame la ministre, monsieur le rapporteur, un amendement de notre groupe a été adopté en CMP. Cela s’est fait après, certes, une petite bataille avec les sénateurs. Cependant, nous avons pu bénéficier durant les débats d’un large consensus, qui traversait tous les bancs de cet hémicycle, visant à ne pas voir durer trop longtemps l’amortissement des frais de numérisation afin que le plus grand nombre puisse avoir accès aux œuvres orphelines. Je remercie ici l’ensemble de mes collègues, sénateurs ou députés, ainsi que la ministre. Il est dommage qu’un seul amendement de notre groupe ait été adopté, mais nous avons bien conscience d’en avoir proposé certains qui n’avaient qu’un lien ténu avec le sujet...

Nous avons par ailleurs noté, madame la ministre, votre intérêt philosophique pour la défense et la promotion du domaine public. Le projet de loi Patrimoine que vous présenterez au printemps sera effectivement le véhicule législatif adéquat pour promouvoir ce bien commun de l’humanité que sont toutes les œuvres artistiques librement consultables et réutilisables.

La tendance législative internationale est à l’allongement des durées de protection des droits d’auteur. En France, cette durée est passée de cinq ans après le décès de l’auteur, au XVIIIsiècle, à cinquante ans au XIXsiècle, et enfin soixante-dix ans depuis 1997.

Un argument parfois avancé pour justifier de ce mouvement est celui de l’allongement de l’espérance de vie. Il n’est pourtant pas recevable, car cette durée ne court qu’à compter du décès de l’auteur. La durée de protection moyenne des œuvres s’allonge déjà automatiquement avec l’espérance de vie. Les intermédiaires, notamment les producteurs et les distributeurs, sont évidemment à la manœuvre pour inciter les législateurs du monde entier à allonger la durée de protection exclusive. Ils négocient des cessions de droit avec les auteurs, et se constituent ainsi des catalogues considérables d’œuvres. Certains réclament même que les droits patrimoniaux des auteurs deviennent perpétuels.

Essayons d’imaginer ensemble un monde régi par de telles lois. Nous sommes en 2025. La Joconde n’est plus visible au musée du Louvre. En effet, l’association des descendants de Léonard de Vinci a finalement demandé le retrait de l’œuvre. Le musée en reste bien le seul et unique propriétaire, mais les nombreuses photos réalisées par les visiteurs et publiées sur internet constituaient autant de violations du droit d’auteur des ayants droit. Tous les sites reproduisant des images de Mona Lisa doivent d’ailleurs être filtrés administrativement. C’est ainsi que des millions de citoyens ont appris combien ce filtrage gouvernemental est facile à contourner.

Les auteurs des images animées du célèbre clin d’œil de Mona Lisa sont poursuivis en justice pour avoir détourné la volonté initiale de l’artiste. Tous les personnages de fiction – tous les romans, pièces de théâtre, films, dessins animés – sont protégés par le droit patrimonial des auteurs, ou le plus souvent de leurs descendants. Chaque auteur doit, avant de publier une œuvre, se faire conseiller par un cabinet de juristes spécialisés. En effet, écrire un western ou un polar implique maintenant qu’aucun personnage ne ressemble à un personnage déjà créé par le passé. Au nom de la protection des créateurs passés, c’est le travail des créateurs actuels et futurs qui est rendu impossible.

Après ce bref exercice de prospective, vous comprenez aisément que le droit d’auteur doit impérativement avoir une durée limitée. Elle est aujourd’hui de soixante-dix ans après le décès. Je pense que c’est trop, mais c’est un point à discuter, en s’appuyant sur des études scientifiques.

Cette durée est même bien plus longue pour les œuvres des auteurs morts pour la France, ce qui est le cas d’Antoine de Saint-Exupéry et Jean Zay. J’évoque ce dernier non seulement parce que sa plaque se trouve à quelques mètres de moi dans cet hémicycle, à la place occupée aujourd’hui par Jean-Louis Roumegas, mais aussi parce que, comme pour la ministre Najat Vallaud-Belkacem, qui le déclarait récemment dans L’Obs, Jean Zay, ministre de l’éducation nationale sous le Front Populaire, est un exemple éclairant pour moi.

Or, chers collègues, quand avez-vous vu pour la dernière fois un livre de Jean Zay dans une librairie ? Un ministre aussi important, aussi novateur, ne mériterait-il pas d’être diffusé aussi largement que possible ? Si nous en avions eu le courage collectivement, ses œuvres auraient pu entrer dans le domaine public voici trois semaines. Les artistes auraient pu s’approprier librement ses écrits, et les représenter, les adapter, les mettre en valeur. Il nous faudra malheureusement attendre encore bien des années avant que cela ne soit possible. Est-ce ainsi que nous voulons célébrer les meilleurs d’entre nous ?

Il en va de même pour Le Petit Prince. Vous avez peut-être vu, comme moi, la bande-annonce d’un dessin animé qui reprend l’œuvre de Saint-Exupéry. Trouvez-vous normal que les auteurs de ce film puissent le diffuser librement partout dans le monde, mais doivent, pour la France et la France seulement, demander une autorisation à des ayants droit qui n’ont jamais connu l’auteur, plus de soixante-dix ans après son décès ?

Fort heureusement, ce mois de janvier est l’occasion de célébrer les œuvres devenues libres, celles qui sont entrées – qui se sont « élevées » devrions-nous dire – dans le domaine public. De nombreux événements ont été organisés partout en France, notamment un Festival du domaine public. Je vous invite, si ce n’est pas encore fait, à regarder si certains événements se déroulent dans votre circonscription. C’est une bonne occasion de redécouvrir des auteurs et des œuvres injustement tombées dans l’oubli.

En conclusion, chers collègues, madame la ministre, je vous donne rendez-vous au printemps pour reprendre ces débats, qui s’annoncent passionnants. J’espère que nous saurons collectivement prendre du recul par rapport à quelques intérêts particuliers, pour servir au mieux l’intérêt général. Les évolutions que nous proposerons iront d’ailleurs dans le même sens que le rapport sur l’harmonisation du droit d’auteur en Europe que vient de déposer l’eurodéputée Julia Reda au Parlement européen : mieux prendre en compte les droits du public, sécuriser le domaine public pour sécuriser les nouveaux créateurs, et enfin assurer les revenus des créateurs pour ne pas laisser le fruit de leur création aux mains de quelques-uns. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Gilda Hobert.

Mme Gilda Hobert. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la lecture d’un texte issu de la commission mixte paritaire ne laisse guère de suspense quant à son adoption. Cependant, le consensus qui a su se dégager offre une résonance toute particulière en ce début d’année si singulier, qui marque un avant et un après.

Je veux bien entendu parler des événements tragiques des 7 et 9 janvier, et plus précisément de la barbarie qui a frappé Charlie Hebdo, journal satirique, parfois insolent et féroce mais avant tout journal libre, parce que notre Constitution assure la liberté d’expression. Ainsi, l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, intégrée dans le préambule de la Constitution de 1958, ne dispose-t-il pas que tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement ?

Or, en ce début d’année tragique, en tentant de mettre à bas ce que nous avons de plus précieux, la liberté d’expression, c’est à notre culture que des obscurantistes fanatiques se sont attaqués. Il est aujourd’hui difficile de parler de culture sans avoir une pensée émue pour ces journalistes, ces caricaturistes, ces libres penseurs. Car leur liberté, c’est aussi la nôtre : celle qui nous permet de donner un peu de légèreté à une réalité parfois douloureuse, ou celle qui, au contraire, nous permet d’exprimer des critiques, voire de réveiller les consciences.

Le slogan « Je suis Charlie » n’exprimait pas seulement un lien affectif envers un journal et ses auteurs, mais surtout un attachement au droit le plus absolu que chaque citoyen possède en démocratie, à savoir la liberté : la liberté de lire, la liberté de penser, la liberté de dire, la liberté de créer. Aussi, préserver la création artistique et la diffusion des idées est un devoir fondamental qui doit, plus que jamais, commander notre action politique.

Madame la ministre, comme vous l’avez dit le 14 janvier dernier, « la culture est le sacré d’une société laïque et, partout où elle est menacée, c’est par la culture qu’il nous faut répondre ». Justement, le texte qui nous est soumis aujourd’hui vise à assurer une meilleure préservation et un meilleur accès à la culture. Il a en effet pour objet d’adapter des dispositions du droit communautaire au droit français en matière de propriété littéraire et artistique et de patrimoine culturel.

En premier lieu, il aligne sur les droits d’auteur la durée de protection des droits voisins, c’est-à-dire des droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle. Cette protection sera donc portée à soixante-dix ans contre cinquante auparavant.

Je reprendrai cependant ici une remarque d’Isabelle Attard en première lecture, notamment et surtout parce qu’elle faisait référence à une grande figure du radicalisme, Jean Zay, ancien ministre de l’éducation nationale, assassiné par la milice en 1944 et qui fera son entrée cette année au Panthéon. Isabelle Attard évoquait le fait, qu’en droit français, il existe deux exceptions à la durée de protection des droits d’auteur. Par esprit de concision, je n’évoquerai que la seconde, qui allonge le délai de protection des droits afférents aux auteurs morts pour la France.

Ainsi, les œuvres de Jean Zay, mort pour la France le 6 août 1944, n’entreront dans le domaine public qu’en 2045. À l’heure où notre société a besoin de disposer de tous les moyens pour retrouver un esprit d’union nationale, de concorde, de cohésion et de fraternité, il serait opportun de remettre en question cette prorogation de trente ans des droits des auteurs morts pour la France. En effet, une œuvre qui tombe dans le domaine public entre de facto dans le patrimoine commun et dans l’histoire de l’humanité.

En ce qui concerne les droits voisins, dont le projet de loi traite spécifiquement, les dispositions adoptées en commission mixte paritaire font preuve de réalisme puisqu’elles tiennent compte de l’allongement de la durée de vie des personnes. En effet, les droits voisins constituent l’unique ressource financière de nombreux artistes-interprètes. Leur assurer une certaine pérennité de revenus, c’est aussi garantir leur capacité à créer encore.

Je reviens cependant sur une critique déjà émise par le groupe RRDP en première lecture : il faut veiller à ne pas faire du système de la rente et des ayants droit un système qui ne bénéficie qu’aux grands acteurs du secteur, ceux qui ont moins de difficultés à produire et à se produire. Légiférer en faveur de dispositions culturelles égalitaires, ce n’est pas forcément légiférer en faveur de dispositions culturelles identiques pour tous ; c’est aussi s’armer de dispositions qui aident les créateurs qui en ont le plus besoin. Le groupe RRDP souhaite donc, madame la ministre, que des mesures soient prises dans un texte ultérieur afin d’assurer la diversité que toute politique culturelle se doit de mettre en œuvre dans un pays démocratique tel que le nôtre.

Je souhaite ici ouvrir une parenthèse sur les suites que le Gouvernement entend donner à l’évolution de la situation des intermittents. Qu’ils soient artistes ou techniciens, les intermittents sont un maillon essentiel de la création et de la diffusion de la culture et l’État doit intervenir pour leur assurer un régime viable et pérenne.

Mais j’en reviens au texte qui nous occupe, et qui constitue une avancée indéniable en matière d’accès à la culture. En effet, il vise à permettre à un certain nombre d’organismes de numériser et de mettre à la disposition du public des œuvres orphelines, dont les titulaires des droits d’auteur ou des droits voisins n’ont pas été retrouvés en dépit de recherches poussées.

Ces œuvres pourront être mises à la disposition du public dans les musées, les services d’archives, les institutions dépositaires du patrimoine cinématographique ou sonore, les établissements d’enseignement et les organismes publics de radiodiffusion. Le texte, qui modifie ainsi dans son article 4, alinéa 10, l’article L. 135-2 du code la propriété intellectuelle, permet l’accès quasi gratuit aux œuvres orphelines. En effet, les institutions qui les diffuseront, dans le cadre de leurs missions culturelles, éducatives et de recherche, et à condition de ne poursuivre aucun but lucratif, ne pourront percevoir, le cas échéant et pour une durée ne pouvant excéder sept ans, que les recettes couvrant les frais découlant directement de la numérisation et de leur mise à disposition.

La numérisation des œuvres permet une diffusion à la fois simple et rapide. Il était important de pouvoir assurer au public leur libre consultation, et ce gratuitement. Le groupe RRDP accueille donc très favorablement les dispositions adoptées dans le projet de loi. Un point d’équilibre a su être trouvé, car si l’organisme public chargé de l’exploitation des œuvres orphelines ne pourra pas en tirer profit, il pourra néanmoins amortir les coûts engagés pour leur diffusion.

Dernier progrès, le texte améliore la restitution des biens culturels d’un État membre de l’Union européenne considérés comme trésors nationaux et ayant quitté le territoire national de façon illicite. Désormais, l’action en restitution se prescrira après un délai de trois ans au lieu d’un, le délai courant à partir de la date à laquelle l’autorité centrale de l’État requérant aura eu connaissance du lieu où se trouvait le bien culturel et de l’identité de son possesseur ou détenteur.

En outre, la directive européenne transposée dans le projet de loi prévoit désormais qu’il appartient au possesseur de l’œuvre supposée dérobée d’apporter la preuve que celle-ci a été acquise de façon légale. S’il prouve le caractère licite de la sortie du bien culturel du territoire de l’État membre requérant, il aura droit à une indemnité. Cette solution est des plus équilibrées.

Alignement de la durée de protection des droits voisins sur celle des droits d’auteur, facilitation de la mise à disposition du public des œuvres orphelines, amélioration des dispositions légales permettant, au sein de l’Union européenne, la restitution de biens culturels considérés comme trésors nationaux : à en juger par ce texte ambitieux, une politique culturelle est en train d’émerger en Europe.

Répétons-le : la culture est le meilleur rempart contre la barbarie et contre le fanatisme. C’est donc la meilleure arme pacifique et non violente contre ces temps troubles qui bousculent nos vies et nos consciences. Ainsi que l’écrivait Voltaire en 1794 dans son Dictionnaire philosophique portatif, il n’est d’autre remède à cette maladie épidémique qu’est le fanatisme que l’esprit philosophique, qui, répandu de proche en proche, adoucit enfin les mœurs des hommes, et qui prévient les accès du mal ». (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Doucet.

Mme Sandrine Doucet. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous voici face à la procédure institutionnelle de lecture des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel.

Ce projet de loi a pour objectif de transposer en droit français trois directives : la directive du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2011, relative à la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins, la directive du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012, sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines, et la directive du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014, relative à la restitution des biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre.

À nouveau, je me permettrai, et plus que de raison, d’appeler votre attention sur le contexte. En première lecture, j’avais évoqué les éléments de ce texte qui, tout en paraissant nous éloigner du sujet, parlaient en fin de compte de notre esprit, du ciment européen. Je revendique cette inspiration : c’est bien de cela dont nous parlons depuis deux mois, et à présent plus encore.

L’anniversaire de la chute du mur de Berlin nous a donné l’occasion de revoir les images très émouvantes de Mstislav Rostropovitch jouant devant le mur, rappelant la culture et les arts européens, ainsi que la vie de son interprète qui avait connu gloire ou disgrâce selon les moments de l’histoire. Nous avions aussi évoqué Stefan Zweig, qui, dans son dernier écrit testamentaire, Le Monde d’hier, disait depuis le Brésil sa tristesse de voir disparaître une richesse commune, une richesse à laquelle il a contribué.

Mais ce qui nous tient à cœur aujourd’hui, et ce qui nous conduira à adopter ce projet de loi, c’est ce qui a trait à la liberté d’expression. Ces adaptations sont là pour prolonger, dans le cadre des œuvres orphelines, un patrimoine d’expressions. Nous nous inscrivons dans l’esprit de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ».

Il s’agit bien ici de protéger et de perpétuer les différentes expressions artistiques et culturelles dans le secteur musical, en allongeant de cinquante à soixante-dix ans la durée de protection des droits voisins, en prenant en compte l’intérêt d’amortissement des autres titulaires de droits voisins que sont les producteurs de disques et en permettant aux bibliothèques accessibles au public de numériser et de mettre à la disposition du public, sur Internet, des œuvres appartenant à leurs collections, considérées comme orphelines, dont les titulaires de droits d’auteur ou de droits voisins n’ont pas été retrouvés malgré des recherches diligentes. Cette possibilité est également ouverte aux musées, aux services d’archives, aux institutions dépositaires du patrimoine cinématographique ou sonore, aux établissements d’enseignement et aux organismes publics de radio. Il s’agit aussi d’améliorer la restitution de biens culturels considérés comme « trésors nationaux » par les États membres et ayant quitté leur territoire illicitement.

L’accord trouvé avec le Sénat, grâce au travail du rapporteur et du président de notre commission, a permis de mettre en conformité l’article 2 du projet de loi avec la directive européenne. Des discussions tout aussi constructives ont eu lieu sur l’article 4. Ce fut salutaire, car il s’agissait des conditions de mise à disposition au public des œuvres orphelines après leur numérisation. C’est bien une culture accessible à tous que nous évoquons ici.

Après un exercice de rédaction permettant de lever toute ambiguïté sur le sens du texte issu de l’Assemblée, un compromis a été trouvé en CMP sur le délai laissé aux bibliothèques et à tout détenteur d’œuvres orphelines pour amortir le coût de la numérisation. Le délai de sept ans qui a été acté permet largement l’amortissement, l’évolution continue des technologies permettant un gain de temps et d’argent. Comme vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, ce délai est aussi celui de la sagesse, de la raison et de la réflexion. Nous ne pouvons donc que saluer le résultat de la commission mixte paritaire.

Même si la CMP n’a pas eu à traiter des derniers articles du projet de loi, je me permets de revenir sur la notion de trésor national, en ces temps où, à juste titre, nous en avons appelé à nos valeurs et à notre culture pour nous rassurer quand les hommes font tant de mal. La dernière partie du texte nous conduit à modifier notre définition de trésor national pour prendre en compte tous les biens culturels relevant du domaine public mentionnés dans le code général de la propriété des personnes publiques, mais aussi les archives publiques.

En termes opérationnels, l’application de la notion de trésor national à l’ensemble des archives publiques est un facteur d’efficacité de la procédure de protection instituée à leur bénéfice, en application de la directive. Une meilleure protection de ces biens précieux en assure, à juste titre, une meilleure connaissance, une meilleure diffusion. Les archives publiques ont encore des ressources éclairant les fondements de notre démocratie. Si la loi vient ici les protéger, leur souffle, leur sens, doivent traverser les frontières et parcourir l’Europe, parcourir le monde. C’est bien cette harmonisation européenne que nous construisons ici.

Quelques années avant de réaliser, en 1830, La Liberté guidant le peuple, tableau maintes fois cité ces jours derniers, Eugène Delacroix a peint La Grèce sur les ruines de Missolonghi, une œuvre que les Bordelais connaissent bien puisqu’elle est accrochée au musée des beaux-arts de Bordeaux. Nous tenons à conserver ces toiles dans nos musées, mais nous voulons aussi que leur message intemporel d’émancipation et de liberté soit diffusé au-delà de nos frontières, dans ces moments particulièrement difficiles.

L’adoption de ce texte lève tout obstacle à la transposition de ces directives. Il est plus que temps de se mettre en harmonie avec l’Europe, à travers les directives, et d’être force de proposition et de mémoire pour toutes nos valeurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous arrivons au bout du parcours législatif de ce texte de transposition. C’est heureux, même si, rappelons-le une dernière fois, le délai de transposition de la directive relative à la durée de protection du droit d’auteur s’est éteint au 1er novembre 2013, tandis que celui de la directive relative aux œuvres orphelines expirait le 29 octobre dernier.

Comme l’a souligné le rapporteur, ces méthodes sont regrettables. Mais il faut admettre qu’en vertu du principe de subsidiarité, certaines compétences partagées sont traitées de manière plus pertinente au niveau européen qu’au niveau national !

Ce ne serait pas un problème si, en leur imposant des délais insoutenables qui leur forcent la main, le Gouvernement ne contribuait pas à déposséder les parlementaires de ces sujets. Non seulement ce retard a sérieusement dégradé les conditions d’examen du texte mais il a eu pour effet d’imposer la rétroactivité de certaines mesures, ce qui fait peser un double risque financier sur la France : de lourdes pénalités pour défaut de transposition et surtout, après l’adoption de la directive relative aux droits voisins, un risque de demandes de dédommagement pour l’exploitation des catalogues non protégés pendant la période courant du 1er novembre 2013 à la date de la promulgation de la loi.

Je ferai deux observations s’agissant de cette directive qui allonge de cinquante à soixante-dix ans la durée de protection des droits voisins des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes. Saluons d’abord le fait que Mme la ministre ait tenu à nous rassurer sur certains points lors de l’examen en séance publique, notamment quant à la possibilité pour les artistes et producteurs de renégocier leur contrat au-delà des cinquante premières années de la nouvelle durée de protection. Il nous a en effet été confirmé que cette possibilité ne saurait s’accompagner d’une obligation de conclure la renégociation qui aura été demandée par l’artiste.

En revanche, une inquiétude subsiste sur le périmètre du versement de la rémunération annuelle supplémentaire de 20 % des recettes nettes perçues par le producteur au bénéfice des artistes ayant cédé leurs droits contre une rémunération forfaitaire. Je l’ai déjà évoqué en première lecture, il me semble que ce texte ne transpose pas exactement les dispositions de la directive qui ne prévoit cette rémunération additionnelle qu’en cas de paiement unique. Étant donné le modèle de rémunération des artistes français, le projet de loi élargit considérablement le nombre de bénéficiaires.

Madame la ministre, nous allons, avec cette question, au-devant d’une dénonciation de la convention collective de l’édition phonographique et, par conséquent, de sérieux contentieux, sans parler de la menace qui pèserait sur l’équilibre financier des producteurs.

Concernant la directive 2012/28/UE relative aux œuvres orphelines, nous nous réjouissons de cette transposition qui traite d’un sujet que nous avions déjà mis à l’ordre du jour à l’occasion de la proposition de loi déposée par MM. Gaymard et Legendre, devenue la loi du 1er mars 2012 relative à l’exploitation numérique des œuvres indisponibles.

Après les débats en CMP, le groupe UMP relève le bien-fondé de l’amendement initialement proposé par Isabelle Attard et salue le fait qu’une durée de compromis de sept ans ait été retenue, concernant la possibilité pour les organismes bénéficiaires comme les bibliothèques, d’exploiter financièrement les œuvres orphelines en vue de couvrir les coûts de numérisation.

Nos doutes quant à un recours massif aux possibilités ouvertes par la directive restent présents, même si nous pensons qu’elle va globalement dans le bon sens.

Quant à la directive 2014/60/UE, qui constitue une refonte de la directive de 1993 relative à la restitution des biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre, espérons qu’elle permettra de lutter plus efficacement contre le trafic des biens culturels dans notre espace européen. Nous saluons donc les outils proposés, qu’il s’agisse de l’élargissement du champ des biens culturels concernés ou de l’allongement des délais qui encadrent l’action de l’État membre requérant.

Le groupe UMP votera par conséquent ce texte de transposition. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Mme la présidente. La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ne nous y trompons pas, le projet de loi soumis aujourd’hui à l’examen de l’Assemblée nationale revêt bel et bien une importance stratégique. Sa technicité ne doit pas nous faire perdre de vue l’objectif essentiel qu’il poursuit : l’accès le plus large possible à la culture.

Soulignons à cet égard à quel point il est vital de poursuivre sans relâche cet objectif, en particulier lorsque la démocratie, la République, le vivre-ensemble sont attaqués, car la culture nous élève et nous rassemble. Nous avons tous conscience que la culture constitue un vecteur d’émancipation personnelle et collective, un pilier de notre cohésion sociale, une véritable ouverture sur le monde comme œuvre, création et émotion.

La culture est également un secteur d’excellence vital pour la croissance, l’innovation et l’emploi puisque les secteurs européens de la culture et de la création représentent 4,5 % du PIB de l’Union européenne et emploient 8,5 millions de personnes.

Si nous regrettons qu’une véritable culture européenne peine encore à émerger, nous considérons que la préservation de la diversité culturelle des États membres de l’Union européenne, la promotion de son patrimoine culturel commun, de son histoire commune, sont des objectifs que nous devons poursuivre car ils contribuent à améliorer l’attractivité et le dynamisme de l’Europe. Ce défi est d’autant plus immense que l’Europe de la culture est également confrontée à la mondialisation et au passage au numérique.

Notre groupe tient à saluer les apports importants de ce projet de loi qui, en premier lieu, renforce la défense des droits voisins des artistes-interprètes et des producteurs du seul secteur de la musique en allongeant leur durée de protection de cinquante à soixante-dix ans.

Nous saluons à cet égard l’adoption par notre assemblée d’un amendement visant à rendre le texte plus conforme à la directive. L’article 1er de celle-ci confère en effet à l’artiste le droit, à l’issue de la période initiale de protection de cinquante ans, de résilier le contrat qui le lie à un producteur dès lors que celui-ci n’a pas, dans un délai d’un an à compter de la notification par l’artiste de son intention de résilier ce contrat, accompli les deux actes d’exploitation imposés par la directive : l’offre à la vente d’exemplaires du phonogramme en quantité suffisante et la mise à la disposition du public pour un accès à la demande.

La rédaction finale est plus fidèle à l’esprit de la directive et nous saluons cette avancée.

Nous nous réjouissons également que la commission mixte paritaire soit parvenue à un accord sur la rédaction de l’article 2 relatif aux droits voisins. Le Sénat a supprimé une mention non conforme à la directive, incluant les recettes issues de la location des œuvres dans l’assiette de la rémunération annuelle supplémentaire des artistes-interprètes et ouvert la possibilité pour les sociétés de perception et de répartition des droits agissant pour le compte des artistes-interprètes de demander au producteur l’état des recettes provenant de l’exploitation du phonogramme, confortant ainsi les droits des artistes-interprètes.

Cette rédaction, que la commission mixte paritaire a retenue, est donc conforme à l’esprit de nos travaux.

En outre, ce projet de loi vise à permettre la numérisation et la mise à disposition du public des œuvres considérées comme orphelines, objectif qui s’inscrit dans le cadre de la stratégie numérique pour l’Europe de la Commission européenne, laquelle vise à rendre plus accessibles les œuvres littéraires et artistiques au nom de la nécessité de promouvoir la libre circulation des connaissances et des innovations dans le marché intérieur.

Il est heureux que ce projet de loi, dans sa version issue de la commission mixte paritaire, instaure un équilibre satisfaisant entre la sécurité juridique des autorisations d’exploitation d’œuvres orphelines ou partiellement orphelines et le droit de la propriété littéraire et artistique qui ne doit pas être fragilisé. Cet équilibre permettra, nous n’en doutons pas, de faciliter l’accès à la culture du plus grand nombre.

Enfin, ce texte garantit la restitution au profit d’un autre État membre de tout bien culturel considéré comme un trésor national de valeur artistique, historique ou archéologique, ayant quitté illicitement son territoire après le 1er janvier 1993.

Il s’agit de lutter plus efficacement contre le trafic international de biens culturels et d’assurer une protection juridique à l’ensemble du patrimoine culturel mobilier que la France tient à protéger.

Les modifications apportées aux dispositions en vigueur reposent sur quatre principes essentiels : l’élargissement de la portée du dispositif de protection à tous les biens culturels reconnus trésors nationaux, au sens de l’article 36 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, l’allongement de deux à six mois du délai permettant aux autorités de l’État membre requérant de vérifier la nature du bien culturel trouvé dans un autre État membre, l’extension de un à trois ans du délai permettant l’exercice de l’action en restitution et la clarification du point de départ de ce délai, enfin la précision que la charge de la preuve de l’exercice de la diligence requise repose sur le possesseur.

Protection de la création, accès à la culture dans le respect des droits d’auteur, défense des patrimoines nationaux, tels sont les trois piliers de ce projet de loi.

Soulignons par ailleurs que ce texte est examiné dans un cadre particulièrement contraint. En premier lieu, l’adaptation au droit européen implique une retranscription fidèle et précise de dispositions que le législateur national ne peut pas modifier substantiellement.

Par ailleurs, la procédure d’adaptation de notre droit interne au droit européen impose au législateur national de répondre à des délais précis.

Le retard pris dans la transposition de la directive 2011/77/UE, qui devait l’être au plus tard le 1ernovembre 2013, place la France sous la menace du déclenchement par la Commission européenne d’une procédure d’infraction et par conséquent, sous la menace d’une amende. Nous regrettons, collectivement d’ailleurs, que le dépôt de ce projet de loi de transposition intervienne si tardivement, ce qui nous contraint à examiner en urgence des dispositions très complexes.

Ce retard a des conséquences en matière de sécurité juridique puisque certaines mesures seront rétroactives pour la période courant entre le 1ernovembre 2013 et la date de la promulgation de la loi. Ce n’est pas une manière satisfaisante de légiférer et nous tenions à le souligner.

Néanmoins, les avancées permises par ce projet de loi et l’esprit de responsabilité qui doit prévaloir pour transposer en urgence trois directives européennes conduiront notre groupe à voter ce texte. (Applaudissements sur tous les bancs)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Durand, dernier orateur inscrit.

M. Yves Durand. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, étant le dernier orateur inscrit dans ce débat, je serai très bref car tous les aspects techniques de ce texte issu des travaux fructueux de la commission mixte paritaire ont déjà été présentés. Je me réjouis de la réussite de cette CMP qui s’est déroulée dans un climat extrêmement consensuel, ce qui a permis de traiter les deux problèmes qui subsistaient, au demeurant loin d’être mineurs.

Je me réjouis également qu’avant même la CMP, ce texte ait fait l’unanimité dans notre assemblée. J’y vois plus qu’un symbole dans la période que nous vivons. Au-delà des aspects très techniques, rappelés par les uns et les autres, nous décidons par notre vote, aujourd’hui, de réaffirmer la liberté d’expression et la protection des artistes sans laquelle il ne peut y avoir de liberté d’expression, et de permettre au plus grand nombre d’accéder à des œuvres qui, menacées de disparition, pourront désormais entrer dans le patrimoine culturel universel. Surtout, il était extrêmement important, après les événements que notre pays a connus, de réaffirmer l’importance de la culture et le nécessaire accès de tous à ce qui en fait l’essence, c’est-à-dire les œuvres culturelles.

Le fait de devoir transposer une directive européenne dans ce texte n’est pas une contrainte, contrairement à ce que l’on pourrait penser, mais un signe et un message d’espoir. C’est vrai, M. Rudy Salles l’a dit, nous n’avons pas encore réussi à créer une culture européenne. Elle reste balbutiante et aura peut-être encore du mal à émerger dans les prochaines générations, mais nous faisons naître par ce texte de transposition un espace culturel de liberté. C’est aujourd’hui un message que notre Parlement, unanime, lance à l’Europe et au monde.

Pour toutes ces raisons, je me réjouis de l’unanimité qui entoure le vote de ce projet de loi. (Applaudissements sur tous les bancs)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

Approbation de la convention entre la République française et la Principauté d’Andorre pour éviter les doubles impositions

Nouvelle lecture

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu (nos 2488, 2500).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie.

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je suis devant vous pour vous présenter à nouveau le projet de convention fiscale entre la France et Andorre signée le 2 avril 2013. Comme vous le savez, après le rejet du texte au Sénat, le 18 décembre 2014, puis l’échec de la commission mixte paritaire le 15 janvier dernier, votre Assemblée est amenée à se prononcer à nouveau sur ce texte, en nouvelle lecture.

Toutefois, le Gouvernement considère que les raisons qui ont motivé ce rejet, explicitées en détail lors du débat qui s’est déroulé ici même comme au Sénat, ne sont pas justifiées. En effet, c’est une clause de l’article 25 de la convention prévoyant que la France conserve la possibilité d’imposer ses ressortissants résidant à Andorre qui provoque une inquiétude.

M. François Rochebloine, rapporteur de la commission des affaires étrangères. C’est exact.

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. Comme je l’ai déjà exposé devant vous, il s’agit d’une disposition à caractère totalement ponctuel dans le temps et dans l’espace. Tout d’abord, elle répond aux circonstances d’une négociation passée. À l’époque, en raison de l’absence de fiscalité directe à Andorre, il apparaissait nécessaire de prendre toutes les garanties possibles.

De plus, cette disposition ne concerne que la convention franco-andorrane. Elle ne saurait donc toucher aucun autre pays – notre intention n’est d’ailleurs pas de la reproduire où que ce soit – puisque les conventions négociées ultérieurement et, pour certaines, déjà ratifiées par le Parlement, ne contiennent pas une telle clause.

Enfin, elle est absolument sans effet sur le plan fiscal. Une telle disposition, dans une convention, n’institue en rien une imposition. Je l’ai déjà dit : la seule manière d’instituer un impôt, quel qu’il soit, est de passer par une loi votée ici, par le Parlement, c’est-à-dire par vous-mêmes, comme vous le savez.

En rejetant cette convention, je souligne qu’au lieu de défendre leurs intérêts, on pénaliserait les entreprises et les particuliers qui attendent d’en bénéficier, notamment nos compatriotes vivant à l’étranger.

Le Parlement d’Andorre a ratifié à l’unanimité ce projet de convention voici un an déjà. Cet État attend désormais que nous lui confirmions la ratification de notre côté, ce qui permettra l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions.

Je vous ai déjà présenté ces arguments en première lecture, tout comme je m’étais engagée avec force devant vous, au nom du Gouvernement, à vous assurer que la ratification de cette convention ne pourrait en aucun cas constituer une possible base juridique à la création d’un nouvel impôt fondé sur la nationalité. Je vous le redis aujourd’hui avec autant de force !

Un échec de la ratification du côté français nous conduirait à engager un nouveau processus de négociation et de signature qui repousserait l’entrée en vigueur de la convention dans un délai qui risquerait d’être très long, si l’on en juge par le nombre d’années que nous avons mis à négocier cette convention. Ce serait contraire à l’objectif que nous partageons tous ici, qui consiste à simplifier la vie des particuliers et des entreprises concernés et, naturellement, à renforcer nos relations avec Andorre tout en fermant la porte à la fraude et à l’évasion.

En outre, dans le contexte évolutif que nous connaissons, il n’est pas réaliste de croire que nous pourrions figer l’équilibre du texte. L’Espagne a elle aussi signé avec Andorre une convention fiscale le 8 janvier dernier. Dès lors, si la négociation était rouverte avec la France, les travaux ne sauraient porter que sur un seul point ; chacune des deux parties serait forcément conduite à évoquer d’autres changements, et tous ces nouveaux sujets de débat prendraient du temps.

Sur le fond, sans revenir en détail sur les nombreuses explications qui vous ont déjà été données, je vous rappelle brièvement les raisons pour lesquelles la signature avec Andorre d’une convention fiscale visant à éviter les doubles impositions est désormais possible et nécessaire.

Il est vrai que jusqu’en 2010, année où elle s’est dotée d’un cadre fiscal, la Principauté d’Andorre n’appliquait aucune fiscalité directe, ni sur le revenu des personnes physiques, ni sur les bénéfices commerciaux. C’est à la fin 2010 qu’elle a donc institué une imposition sur les bénéfices des sociétés, les revenus des activités économiques et ceux des non-résidents. Cette législation s’est appliquée à compter du 1er janvier 2012. En outre, un impôt sur les revenus des personnes physiques a été adopté en avril 2014 et s’applique depuis le 1er janvier 2015. Par ailleurs, une loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée, dont le taux est fixé à 4,5 %, est entrée en vigueur le 1er janvier 2013.

Parallèlement, Andorre a connu des évolutions décisives en matière de transparence et de coopération fiscale, et vous savez que c’était pour la France une condition sine qua non à satisfaire avant d’envisager la signature d’une convention.

C’est dans ce contexte que la convention fiscale entre la France et Andorre permettra aux deux États, compte tenu de leur proximité, de disposer d’un cadre adapté pour éviter les doubles impositions, afin que ces dernières n’entravent pas les relations économiques et ne pénalisent pas les entreprises et les particuliers qui se trouvent dans des situations transfrontalières.

À cet égard, les stipulations de la convention reprennent de manière générale les principes de l’OCDE, comme on l’a déjà dit, en intégrant les adaptations rendues nécessaires par les particularités des législations de chaque État. Elles permettent de clarifier, par des règles précises agréées par les deux parties, la répartition des droits d’imposer entre les deux États, ainsi que les mécanismes permettant d’éliminer des doubles impositions. D’autre part, les retenues à la source portant sur les redevances, intérêts et dividendes sont limitées à des taux variant entre 5 % et 15 %. Enfin, au cas où un contribuable se trouverait en situation de double imposition, la convention prévoit la mise en œuvre d’une procédure amiable bilatérale de règlement du différend.

Si la nouvelle convention fiscale franco-andorrane vise à éviter les doubles impositions, elle comporte aussi un arsenal très complet de stipulations visant à empêcher les montages d’évasion fiscale et les situations d’absence d’impôt. Comme vous le savez, la France est en pointe dans les travaux internationaux sur ces sujets et, pour le Gouvernement, il est prioritaire de lutter contre les abus de ce type.

Je voudrais pour finir revenir sur une particularité de ce texte. Comme vous l’avez relevé, la clause sur l’échange de renseignements y est remplacée par une référence à l’accord franco-andorran dédié du 22 septembre 2009. Cet accord se fonde sur un modèle défini en 2002 au niveau international, dans le cadre des travaux du Forum mondial sur la transparence et l’échange d’informations. Il est dédié au seul volet de l’assistance administrative sur demande. Dans ce domaine, il permet une coopération fiscale identique au standard de l’OCDE, en excluant explicitement le secret bancaire. Les deux parties ont fait le choix pragmatique de conserver le mécanisme déjà en place, par souci de simplicité.

En clair, la convention fiscale qui vous est soumise répond aux avancées indéniables d’Andorre en matière de fiscalité et de transparence. Dans un contexte d’étroite proximité entre ce pays et la France, elle a vocation à constituer à l’avenir un cadre essentiel des relations économiques, tant pour les particuliers que pour les entreprises qui sont en relation avec Andorre, notamment les Français de l’étranger qui ont fait le choix de s’y installer.

Les inquiétudes étant désormais levées, je reviens sur l’importance qu’il y a à ratifier dans les meilleurs délais cette convention qui apportera une sécurité juridique aux personnes et aux entreprises qui vivent et travaillent en lien avec Andorre. Pour ces raisons, le Gouvernement est convaincu que son entrée en vigueur rapide relève de l’intérêt des deux États.

Mesdames et messieurs les députés, je vous fais confiance, je fais confiance à votre sens du réalisme et à votre volonté d’avancer pour que ce texte soit ratifié le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Rochebloine, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

M. François Rochebloine, rapporteur de la commission des affaires étrangères. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes à nouveau réunis pour examiner, en nouvelle lecture, le projet de loi de ratification de la convention fiscale entre la France et la Principauté d’Andorre. Comme j’ai déjà eu l’occasion de vous l’exposer, cette convention vient couronner tout un processus de réformes de la fiscalité de notre partenaire andorran, qui faisait encore, en 2009, partie des juridictions non coopératives.

Depuis, la Principauté d’Andorre s’est dotée d’un système fiscal moderne et renoncera définitivement au secret bancaire en 2018, lorsqu’elle mettra en œuvre l’échange automatique de données. La France a accompagné et encouragé ces réformes qui se traduisent par l’apparition de situations de double imposition, lesquelles pénalisent le développement économique de la Principauté.

Prenant acte de ces évolutions, l’Assemblée nationale a, en première lecture, voté en faveur de cette convention, qui a cependant été rejetée par le Sénat. Pourquoi ? Parce que l’une de ses clauses, le d du 1. de l’article 25, comporterait les prémices d’une imposition sur la nationalité des Français de l’étranger.

En réalité, je l’ai déjà dit et Mme la secrétaire d’État vient de le rappeler, cette clause est absolument dépourvue d’effet : elle ne pourrait trouver à s’appliquer que si nous votions une réforme d’ampleur de notre législation fiscale. Nous aurions alors tout loisir d’en débattre…

En dépit de cette assurance, nos collègues sénateurs veulent que le Gouvernement négocie avec Andorre un avenant en vue de supprimer cette clause. Ce processus, qui serait complexe et chronophage, ne me semble ni justifié, ni opportun au regard des enjeux et il serait dommage d’envoyer un si mauvais signal aux Andorrans.

Je vous invite donc une nouvelle fois, mes chers collègues, à soutenir la ratification rapide de cette convention, dans notre intérêt et celui de notre partenaire andorran qui, je le rappelle, souhaitait pouvoir l’appliquer dès le 1er janvier de cette année, ce qu’il n’a malheureusement pas pu faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jacques Moignard.

M. Jacques Moignard. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voilà de nouveau réunis en séance publique pour discuter, en nouvelle lecture, du projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la Principauté d’Andorre en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu.

Discuté et adopté par notre assemblée le 8 décembre dernier, le texte a été examiné et rejeté par le Sénat le 18 décembre. Le 15 janvier, la commission mixte paritaire qui s’était réunie pour trouver un compromis a abouti à un échec.

Comme nous l’évoquions en décembre, la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales est importante, non seulement pour la protection des budgets nationaux mais aussi pour la confiance des citoyens dans l’équité et l’efficacité des systèmes fiscaux. La nécessité d’éliminer la double imposition transfrontalière se justifie par le fait qu’il est vain que deux pays soumettent à l’impôt un même élément de revenu ou de propriété pour la même période et pour le même contribuable, donc pour un revenu d’être imposé deux fois.

Jusqu’à l’an dernier, la France et la Principauté d’Andorre n’étaient liées par aucune convention d’élimination des doubles impositions et de lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, alors même que la Principauté d’Andorre sollicitait depuis très longtemps la conclusion d’une telle convention, en mettant notamment en avant l’imposition à la source trop lourde des débiteurs français bénéficiant de prestations rendues par des prestataires andorrans.

La convention fiscale entre la France et la Principauté d’Andorre a alors été signée à Paris le 2 avril 2013. Les raisons qui ont conduit à cette signature sont au nombre de trois.

La première est le constat de l’effort constant de la Principauté en matière de transparence fiscale. En effet, après la signature, en 2009 et 2010, de vingt accords relatifs à l’échange de renseignements en matière fiscale, avec notamment la France, l’Espagne, le Danemark et l’Allemagne, Andorre a été retirée, avec Monaco et le Liechtenstein, de la liste grise des juridictions non coopératives établie par l’OCDE.

Le 5 novembre 2013, la Principauté d’Andorre a signé la convention multilatérale de l’OCDE portant sur l’assistance mutuelle dans la lutte contre la fraude fiscale internationale, devenant ainsi le soixantième signataire de ce texte. Cette convention concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale renforce la coopération entre les administrations des pays signataires qui s’engagent à échanger leurs informations ou à organiser des contrôles simultanés.

Rappelons qu’en 2004, Andorre avait conclu avec l’Union européenne un accord prévoyant des mesures en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiements d’intérêts. En vertu de cet accord, la Principauté pratique une retenue à la source non libératoire de 35 % sur les revenus d’intérêts dont le bénéficiaire effectif est un résident personne physique d’un État membre de l’Union et rétrocède 75 % du montant de cette retenue à la source à l’État de résidence de la personne.

Actuellement, la Commission européenne mène des négociations en vue de la révision de cet accord afin de tenir compte de la révision en cours de la directive sur la fiscalité de l’épargne, révision dont l’objet est d’étendre le champ des revenus couverts à certains produits d’assurance-vie et de couvrir les risques de contournement de la directive actuelle via l’interposition d’entités.

Le mandat de négociation prévoit également d’insérer dans l’accord entre Andorre et l’Union européenne une clause d’échange d’informations sur demande conforme au standard international et d’explorer la possibilité de mettre en place un échange automatique d’informations.

La deuxième raison poussant à la signature de la convention est la modernisation du cadre fiscal de la Principauté. En effet, si l’organisation fiscale d’Andorre se distinguait jusqu’à la fin 2010 par le fait qu’il n’existait pas de système d’imposition directe sur le revenu des personnes physiques, sur les bénéfices commerciaux ni sur le patrimoine, elle s’est depuis dotée d’un cadre fiscal plus moderne en introduisant une fiscalité directe sur les bénéfices des sociétés, les revenus des activités économiques et l’ensemble des revenus des non-résidents. Cette législation est appliquée depuis le 1er janvier 2012. Par ailleurs, une loi relative à la TVA, d’un taux de 4,5 %, est entrée en vigueur le 1er janvier 2013, et Andorre prévoit d’introduire prochainement un impôt sur les revenus des personnes physiques.

La dernière raison, et non des moindres, tient aux échanges économiques franco-andorrans. Les principaux partenaires commerciaux d’Andorre sont les États membres de l’Union européenne, avec lesquels la Principauté réalise plus de 95 % de ses exportations. Parmi eux, la France figure en très bonne position puisqu’elle est son deuxième fournisseur de marchandises et son deuxième client, après l’Espagne. Certes, nos exportations ne représentent plus que la moitié de celles de l’Espagne, alors que nos deux pays étaient à égalité au cours de la dernière décennie. Cette convention devrait favoriser le retour à un équilibre.

Dès lors, cette convention ne pourra être que bénéfique pour nos deux pays. Elle le sera d’abord sur le plan économique et financier. Le risque de double imposition ne constituant plus une source d’incertitude pour les investisseurs, rassurés par ailleurs par des clauses anti-abus visant à prévenir le risque de non-imposition, la convention contribue à augmenter le potentiel d’investissements croisés entre la France et la Principauté. En outre, elle traduit le renforcement de la coopération fiscale entre les deux États.

Ensuite, la convention renforce la sécurité juridique des personnes morales et physiques en posant des règles claires applicables aux opérations impliquant des résidents des deux États. Puis elle définit les modalités de répartition des droits d’imposition des revenus entre les deux États contractants et les conditions dans lesquelles s’effectuera l’élimination des doubles impositions supportées par les résidents.

La convention prévoit notamment la limitation de l’imposition à la source en fixant des taux d’imposition de 5 % sur les revenus passifs – dividendes, intérêts et redevances. Elle instaure également des mécanismes visant à interdire l’usage abusif des stipulations conventionnelles et à éviter les situations de double exonération.

Enfin, cette convention bénéficiera d’une organisation efficace de la part de l’administration fiscale puisque c’est la direction générale des finances publiques, la DGFIP, qui est responsable de l’application des conventions fiscales conclues par la France.

Les modalités administratives d’application de la présente convention seront identiques à celles applicables à l’ensemble des conventions fiscales conclues par la France. Ainsi, les personnes résidentes de France pourront, en ce qui concerne l’impôt sur le revenu et sur les sociétés, bénéficier des crédits d’impôt auxquels elles auront droit en application de cette convention.

La direction des résidents à l’étranger et des services généraux, la DRESG, direction à compétence nationale de la DGFIP, sera compétente pour recevoir les déclarations des personnes résidentes de la Principauté. Quant au contrôle des déclarations, il sera effectué par le service de la DGFIP territorialement compétent, à savoir la DRESG pour les résidents de la Principauté.

Enfin, une évaluation de l’effectivité de l’échange de renseignements sera présentée chaque année lors de la préparation du projet de loi de finances.

Par conséquent, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste réaffirme, comme il le fit le 8 décembre, son soutien à ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Rochebloine, rapporteur. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, des liens particuliers unissent la France et l’Andorre depuis plus de sept siècles. Le maintien de l’institution de la co-principauté du Président de la République française sur l’Andorre atteste de cette relation unique entre nos deux pays. Selon ce régime, le Président de la République française est toujours, de manière indivisible avec l’évêque d’Urgell, le chef de l’État andorran.

Garant de l’indépendance de la Principauté, du bon fonctionnement de ses institutions et du respect de sa Constitution, le co-prince français a également toujours représenté un élément d’équilibre face à l’importance du rôle de l’Espagne, au plan économique notamment.

Toutefois, l’évolution économique depuis le début des années 2000 a été particulièrement défavorable à la France. En effet, alors que la France et l’Espagne étaient quasiment à égalité en tant que principaux fournisseurs de la Principauté à cette époque, l’écart n’a, depuis lors, cessé de se creuser.

M. François Rochebloine, rapporteur. C’est vrai !

M. Charles de Courson. L’Espagne est à présent, et de loin, le principal partenaire de l’Andorre, avec 63 % de ses importations et 62 % de ses exportations. La France ne vient qu’en second, très loin derrière. En effet, notre pays ne représente plus actuellement que 16 % des importations et 20 % des exportations. Il apparaît donc aujourd’hui essentiel de renforcer la présence de la France en Andorre en favorisant l’ouverture de l’économie andorrane aux entreprises françaises.

La convention que nous sommes aujourd’hui appelés à approuver constitue indéniablement un pas important vers une plus grande coopération économique entre la France et l’Andorre, et nous soutenons cet objectif. Je tiens à ce titre à saluer le travail de notre collègue François Rochebloine en tant que rapporteur sur ce texte.

Mme Chantal Guittet. Très bien !

M. Charles de Courson. En évitant les doubles impositions supportées par les résidents, cette convention permettra de sécuriser les investissements des entreprises françaises en Andorre. Elle permettra en outre de renforcer la coopération fiscale entre nos deux États et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu.

L’Andorre a en effet longtemps été considérée comme un paradis fiscal, principalement en raison du secret bancaire très large qui y était en vigueur. Son secteur financier a d’ailleurs connu une période particulièrement prospère, avec notamment entre 2004 et 2008 un doublement des dépôts bancaires, qui sont alors passés de 6,9 à 12,5 milliards d’euros ! Cette situation laissait supposer que le risque de fraude et d’évasion fiscales était bien réel, bien que par nature difficile à évaluer.

En outre, la fiscalité andorrane a longtemps fait figure d’exception, étant donné qu’Andorre ne levait pas d’impôts sur les revenus et les bénéfices. C’est pourquoi la Principauté avait été identifiée dès l’année 2000 par l’OCDE comme une « juridiction non coopérative ». Elle avait ensuite été placée, en 2009, sur la liste grise – c’est déjà mieux – des États non coopératifs accusés de favoriser par leur opacité la dissimulation d’avoirs aux administrations fiscales nationales.

Pour sortir de cette liste grise, la Principauté s’est engagée dans un processus d’homologation fiscale et d’ouverture économique. La France a accompagné ces efforts depuis le début. Ainsi, en septembre 2009, dès la modification de sa législation fiscale, nous avons conclu avec Andorre un accord d’échanges de renseignements fiscaux. Préalable indispensable à la négociation d’une convention de non double imposition, la France a également encouragé l’Andorre à se doter d’un système fiscal moderne.

À compter de 2010, l’Andorre a ainsi commencé à mettre en place un régime fiscal euro-compatible, tout en maintenant de faibles taux d’imposition. Un impôt sur les revenus des non-résidents, un impôt sur les sociétés, un impôt sur les revenus des activités économiques ainsi qu’un impôt équivalent à notre système de TVA ont été mis en place. Un impôt sur les revenus des personnes physiques devait également entrer en vigueur au 1er janvier 2015.

Cette convergence des systèmes fiscaux entre la France et l’Andorre a ouvert la voie à la conclusion d’une convention pour éviter les doubles impositions entre nos deux pays.

La France dispose d’ores et déjà d’un large réseau de conventions fiscales à travers le monde. Au total, plus de 130 conventions d’élimination des doubles impositions ont été conclues, avec des partenaires très variés. Toutefois, la France a été le premier pays à négocier et à signer une telle convention avec l’Andorre, le 2 avril 2013, au terme de seize mois de négociations.

M. François Rochebloine, rapporteur. 2011 ! Il faut le rappeler !

M. Charles de Courson. Depuis, l’Andorre a conclu une convention fiscale avec le Luxembourg, le 2 juin 2014, et en négocie trois autres avec la Belgique, l’Espagne et le Portugal.

Mes chers collègues, la convention soumise à notre approbation est le fruit d’un processus voulu et encouragé par la France. Elle a été bâtie, dans ses grandes lignes, conformément au modèle de l’OCDE. En outre, il a été procédé à des aménagements liés aux spécificités de la législation des deux États. Ainsi, la convention tient compte de la structure du système fiscal andorran, caractérisé par l’absence de fiscalité dans certains domaines, notamment en ce qui concerne la notion de résident andorran.

Les clauses anti-abus ont également été renforcées à la demande de la France afin d’éviter que les bénéficiaires ne fassent un usage abusif de la convention, dont résulteraient des situations de non-imposition ou le développement de schémas d’optimisation.

Le groupe UDI attache une importance toute particulière aux initiatives visant à lutter plus efficacement contre la fraude fiscale et ces éléments sont à nos yeux de nature à garantir un équilibre satisfaisant.

M. François Rochebloine, rapporteur. Très bien !

M. Charles de Courson. Nous avions toutefois tenu, en première lecture, à interroger le Gouvernement sur la clause prévue par le d du 1. de l’article 25 de la convention, selon lequel la France peut imposer les personnes physiques de nationalité française résidentes d’Andorre comme si la présente convention n’existait pas. Lorsque la législation fiscale française permet l’application de la présente disposition, les autorités compétentes des États contractants régleraient d’un commun accord la mise en œuvre de cette dernière. Fermez le ban ! Nous avions donc interrogé Mme la secrétaire d’État sur l’objectif que vise le Gouvernement en introduisant une telle disposition, de crainte qu’il n’ait l’intention d’imiter le système fiscal américain en taxant les non-résidents sur l’ensemble de leurs revenus et de leur patrimoine.

Comme le souligne notre excellent collègue François Rochebloine dans son rapport, « la convention avec l’Andorre laisse la porte ouverte à une évolution de la fiscalité française qui aurait pour objet d’imposer les personnes de nationalité française sur ce seul critère, quel que soit le lieu de leur résidence fiscale et de la source de leurs revenus ». L’insertion de cette clause particulière dans la convention a suscité de nombreuses interrogations, notamment de la part de notre collègue du groupe UDI Meyer Habib. Toutefois, Mme la secrétaire d’État avait déclaré qu’il ne faudrait absolument pas voir dans cette clause, due à un contexte particulier dans le temps et dans l’espace, un quelconque début de mise en œuvre d’un impôt sur la nationalité.

M. François Rochebloine, rapporteur. Absolument ! Et nous faisons confiance à Mme la secrétaire d’État !

Mme Claudine Schmid. Aux écrits, surtout !

M. Charles de Courson. Si j’avais de l’humour, je vous demanderais, madame la secrétaire d’État, pourquoi dès lors vous aviez inséré une telle clause. C’est la vraie question…

Mme Chantal Guittet. Mais vous n’avez pas d’humour… (Sourires.)

M. Charles de Courson. Mais les députés du groupe UDI ont voté le texte lors de son examen en commission. Mme la secrétaire d’État ayant renouvelé son engagement aujourd’hui, nous soutiendrons à nouveau la ratification de cette convention. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Rochebloine, rapporteur. Merci !

Mme Chantal Guittet. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Aylagas.

M. Pierre Aylagas. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous voici réunis pour une nouvelle lecture du projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le gouvernement de la République française et celui de la Principauté d’Andorre en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôt sur le revenu, après l’approbation de l’Assemblée nationale le 8 décembre dernier, le rejet du Sénat le 18 décembre et l’échec de la commission mixte paritaire réunie le 15 janvier à élaborer un texte commun. Quelle perte de temps, non pas en termes de travail parlementaire, qui est toujours nécessaire, mais au regard de ce qui apparaît somme toute comme un frein à un accord attendu par tous, côté français et andorran, et qui en outre est tout à fait similaire aux conventions fiscales bilatérales qui lient la France avec une centaine de pays ! C’est à partir du vécu que j’entends développer mon propos.

Je l’ai dit ici même le 8 décembre dernier et je le répète, la France et Andorre, les Français et les Andorrans ont tout à gagner à la mise en place de la convention. En tant que président du groupe d’amitié France-Andorre de l’Assemblée nationale, j’ai reçu la semaine dernière M. Saboya, ministre des affaires étrangères d’Andorre. Le sujet de la convention a bien évidemment été abordé. Alors même que nous vivons une période nécessitant la plus grande coopération et la plus grande transparence entre États, comment pouvons-nous ralentir ainsi un processus qui les favorise et s’inscrit en outre dans les efforts déployés par la Principauté d’Andorre, considérée jusqu’en 2009 comme un paradis fiscal, afin d’améliorer la transparence des flux financiers ? Quel signal envoyons-nous à ce pays voisin avec lequel nous entretenons des liens d’une incroyable proximité géographique, institutionnelle, historique et quotidienne ?

En effet, il s’agit véritablement d’un pays proche. Nichée au creux des Pyrénées, la Principauté d’Andorre l’est aussi au cœur de la vie quotidienne de milliers de nos compatriotes, qu’ils y soient résidents ou qu’ils s’y rendent fréquemment comme voisins immédiats. Je les connais bien, nos compatriotes qui ont ce lien fort avec Andorre, j’en suis un moi-même, élu du département voisin des Pyrénées-Orientales ! Je connais bien les attentes de part et d’autre de la frontière. Toutes convergent vers une coopération améliorée et renforcée et visent à tout mettre en œuvre afin que la France retrouve une place essentielle dans les relations avec Andorre après l’avoir négligée pendant trop longtemps, ce dont nos compatriotes ont pâti. Ce manque, car c’est bien ce dont il s’agit, m’est régulièrement signalé. Encore au mois d’octobre dernier, j’ai mesuré lors d’une mission de notre groupe d’amitié en Andorre à quel point il se fait sentir.

Je ne parle pas seulement de nos interlocuteurs institutionnels : je parle aussi et surtout de celles et ceux qui vivent en Andorre, y investissent ou y travaillent. Je parle aussi et surtout des acteurs socio-professionnels qui m’ont fait part de leur impatience de voir aboutir un cadre bilatéral commun enfin stable pour les uns et les autres. Tous, Français comme Andorrans, ont insisté sur cette nécessité en témoignant concrètement de leurs difficultés et de leur expérience. Après tout, ce sont eux qui sont le mieux placés pour indiquer les manques et les possibilités d’y remédier en vue d’une coopération renforcée. Ils l’ont fait en insistant sur les opportunités exceptionnelles qui sont à portée de main et que nous pouvons saisir grâce aux changements opérés au cours des dernières années en termes de transparence fiscale et économique dans la Principauté. Ils l’ont fait en signalant que le déséquilibre de nos échanges en faveur de l’Espagne et au détriment de la France doit non seulement être comblé, mais aussi inversé pour peu que le cadre juridique franco-andorran le permette !

N’oublions pas en effet que l’absence de convention fiscale bilatérale porte préjudice aux relations commerciales entre la France et Andorre. Saisissons donc l’occasion qui nous est donnée de relancer et conforter nos relations afin de nous positionner en partenaire privilégié ! Accompagner l’effort de transparence d’Andorre, aider à la clarté et la sécurisation de nos investissements communs et de l’activité socio-professionnelle de milliers de nos ressortissants en favorisant plus encore son développement, tels sont les enjeux à la fois simples et essentiels dont il est question. Une convention comme celle-là, nous en avons de nombreuses, avec tant de pays ! Comment la refuser à Andorre ? Voilà qui serait à la fois une grande incohérence mais aussi une grande injustice pour ce pays frère !

Dans quelques semaines auront lieu des élections générales en Andorre. Sans entrer bien entendu dans aucune considération partisane à propos du choix souverain des Andorrans, il serait bon de donner le signal fort de notre confiance dans les démarches de transparence entreprises depuis des années par la Principauté. Voilà aussi pourquoi l’approbation de la convention revêt une portée fondamentale à l’intention de tous ceux, sur place ou tout à côté, qui ont à cœur de normaliser les échanges entre nos deux pays. Elle constitue également la garantie d’un engagement fort pour une collaboration fiable et transparente de nos relations et pour son développement. Je voterai donc le présent projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Chantal Guittet. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Schmid.

Mme Claudine Schmid. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer en nouvelle lecture après l’échec de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant ratification de la convention fiscale passée avec la Principauté d’Andorre. Nous avons assisté jeudi passé à une commission mixte paritaire assez inhabituelle. En effet, nous n’étions pas appelés à trouver un accord sur le texte du projet de loi : si un désaccord persistait entre députés et sénateurs, il portait sur le texte de la convention, que nous ne sommes pas habilités à modifier. L’échec ne pouvait donc qu’être constaté. Il serait d’ailleurs opportun, avant l’ouverture de toute négociation bilatérale susceptible d’influer sur la situation des Français expatriés en matière de convention fiscale, de Sécurité sociale ou de droit de la famille par exemple, de consulter les parlementaires représentant les Français de l’étranger, comme l’étaient les conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger conformément à la circulaire du 5 avril 2006.

M. Pierre-Yves Le Borgn’. Très bien !

Mme Claudine Schmid. La commission mixte paritaire était d’autant plus inhabituelle qu’aucun parlementaire socialiste, hormis le rapporteur occasionnel, nommé pour la circonstance, n’a pris la parole pour défendre le texte. Seuls les parlementaires de droite ont parlé. Je comprends le malaise des membres du groupe SRC face au texte à nouveau soumis à ratification.

Lors du débat dans cet hémicycle le 8 décembre passé, j’ai exposé au nom du groupe UMP la raison d’être de la convention visant à éviter la double imposition signée entre la France et la Principauté d’Andorre et notre souhait de la voir entrer en vigueur au plus vite. Je n’y reviendrai pas, mes propos sont maintenus. Le point qui fait débat est le d du 1. de l’article 25, permettant à la France de taxer ses nationaux résidant à Andorre comme si la convention n’existait pas. Vous avez assuré verbalement que le gouvernement dont vous êtes membre, madame la secrétaire d’État, n’en a pas l’intention. Dès lors, pourquoi ne pas entamer des négociations afin de revoir la rédaction de la convention, ou lui adosser un avenant annulant cet alinéa contesté et contestable ?

Mme Chantal Guittet. C’est trop long !

Mme Claudine Schmid. La convention ne peut entrer en vigueur avant le 1erjanvier 2016, délai qui laisse le temps aux négociateurs pour ce faire. Je ne comprends pas que l’on dise que la négociation serait trop longue.

J’ai déjà expliqué les raisons pour lesquelles nous ne pouvons acquiescer à vos propos déniant votre intention de lier fiscalité et nationalité, madame la secrétaire d’État. Je les rappellerai sans les détailler : le c du 1. de l’article 25 prévoit l’imposition par la France des revenus n’entrant pas dans les dispositions législatives andorranes, l’introduction par les autorités d’Andorre d’un impôt sur le revenu, qui n’est pas prise en compte, le fait qu’aucune modification du texte ne soit envisagée, ou encore les déclarations du candidat Hollande confirmées par M. Michel Sapin devenu ministre en juin 2012. J’y ajoute aujourd’hui votre absence de réponse à la question que je vous ai posée lors de la première lecture du texte le 8 décembre dernier en vue de savoir si des négociations sont en cours avec d’autres États afin de modifier des conventions visant à éviter la double imposition. Y avait-il une raison pour ne pas informer la représentation nationale qu’une révision complète de la convention de non double imposition signée en 1964 avec la Belgique était en cours ?

Lors du deuxième tour des négociations, au début du mois d’octobre 2014, avez-vous introduit un article similaire par la forme ou le fond à ce 1. de l’article 25 ? Le troisième tour est prévu au mois de juin 2015, vous devriez donc être en mesure de nous informer sur ce point précis. Je note d’ailleurs qu’il est aussi question de nationalité, certes en termes différents, à l’article 24 de la convention fiscale signée ce 15 janvier par M. le ministre des finances avec la République de Singapour. J’ajoute pour conclure que l’alinéa contesté est source d’insécurité juridique pour les résidents d’Andorre et ouvre la voie à l’introduction d’une rédaction similaire dans les conventions futures.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP demande la suppression du d du 1. de l’article 25, par la modification du texte ou par un avenant, dès lors que la clause est dépourvue d’effet d’après Mme la secrétaire d’État et M. le rapporteur. Contrairement à nos collègues de l’UDI, nous nous fions aux écrits. Dès sa suppression, le groupe UMP votera la ratification de la convention.

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Guittet.

Mme Chantal Guittet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, je veux d’abord insister sur la nécessité des conventions fiscales, qui permettent à ceux qui partagent leur vie entre plusieurs pays, entre plusieurs cultures, de ne pas subir de discriminations fiscales arbitraires ni de double imposition.

Ces conventions sont d’indispensables outils de régulation de notre monde ; elles sont établies sur des bases bilatérales, qui construisent autant de situations qu’il y a de relations entre deux pays. Au vu de l’importance prise par la fiscalité internationale dans un monde globalisé, il est nécessaire autant aux particuliers qu’aux entreprises de savoir à quelle fiscalité ils vont être soumis.

La France est l’un des États qui possèdent le réseau conventionnel le plus étendu, avec plus de 133 conventions fiscales internationales couvrant l’ensemble de la planète. Conformément à la législation communautaire, elle a signé des conventions avec tous les États de l’Union européenne, mais également avec quatorze autres États européens, l’ensemble de l’Amérique du nord, dix États d’Amérique du sud et douze du Moyen-Orient. Vous le voyez, les conventions sont donc très nombreuses.

Celle-ci s’inscrit dans le cadre des efforts déployés par la principauté andorrane, qui était considérée jusqu’en 2009 comme un paradis fiscal. Elle a souhaité sortir de la liste grise établie par l’OCDE et a donc amélioré la transparence des flux financiers : elle a levé son secret bancaire, signé dix-neuf accords d’échange d’informations fiscales et passé avec succès la première partie de la revue par les pairs prévue par l’OCDE sur l’effectivité de l’échange de renseignements. Enfin, elle a signé avec la France, en avril 2013, sa première convention fiscale. D’autres suivront sans doute.

Je n’irai pas, comme nos collègues de l’UMP, crier à l’imposition à la nationalité : cette accusation me paraît très exagérée et peu réaliste. Vous l’avez rappelé, la clause controversée serait sans effet juridique : elle ne permettrait à la France de taxer les Français d’Andorre en raison de leur nationalité que si le code général des impôts était modifié en ce sens, ce à quoi bon nombre d’entre nous ne manqueraient pas de s’opposer. Elle nous obligerait alors à renégocier l’ensemble de nos conventions fiscales bilatérales avec plus d’une centaine de pays.

Mais même s’il n’y a pas péril en la demeure, il semble néanmoins indispensable que cette clause, dont l’existence prête à confusion, ne soit plus utilisée à l’avenir dans une convention fiscale bilatérale. Elle ne peut en effet être supprimée à l’initiative des parlementaires, puisque lorsqu’il s’agit de ratifier un accord international, nous n’avons pas la possibilité de l’amender et devons voter en bloc l’approbation ou le rejet. Il reviendrait donc au Gouvernement de se rapprocher des autorités andorranes pour corriger ce point.

Vous avez insisté, madame la secrétaire d’État, sur le fait qu’il n’y avait aucun risque. Je souhaite que vous entendiez le message et vous demande de vous engager à assortir la convention d’une déclaration interprétative permettant de lever tous les risques liés à cette clause controversée.

N’oublions cependant pas qu’il est indispensable de parvenir au plus vite à la ratification de la convention fiscale bilatérale. À court terme, l’absence de conventions nuit aux relations commerciales entre la France et l’Andorre.

M. François Rochebloine, rapporteur. Absolument !

Mme Chantal Guittet. Seule une telle convention permet de prévenir les phénomènes de double imposition et de sécuriser les investissements français en Andorre. Il serait dommage de freiner ce processus.

M. Philippe Baumel. Tout à fait ! Très juste !

Mme Chantal Guittet. S’il est urgent de négocier certaines conventions fiscales, il est aussi important de travailler à une harmonisation fiscale au sein de l’Union européenne. Comment, en effet, s’indigner d’une délocalisation alors que l’on prône la liberté de circulation et d’installation en Europe ? Comment garantir la liberté de circulation en Europe sans que celle-ci soit confondue avec la recherche d’une optimisation fiscale ? M. Juncker s’est engagé à lutter contre l’évasion fiscale. Il a même déclaré que le rapprochement et la coordination des politiques fiscales était une nécessité absolue. Je souhaite donc, madame la secrétaire d’État, que le Gouvernement exerce une forte pression sur la Commission européenne pour que ce chantier avance le plus vite possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Madame la secrétaire d’État, madame la présidente, chers collègues, nous examinons aujourd’hui le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord du 2 avril 2013 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la Principauté d’Andorre en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu.

En effet, ce n’est qu’en 2013 que la Principauté d’Andorre a décidé de mettre en place un système fiscal moderne, avec un impôt sur le revenu. La mise en place d’une convention fiscale est donc parfaitement justifiée aujourd’hui. L’objet d’une telle convention est en effet de définir la résidence fiscale, de fixer les règles permettant de déterminer le lieu d’imposition des revenus perçus dans un État par une personne ou par une entreprise résidant dans un autre État, mais également d’établir des règles permettant d’éliminer toute double imposition.

Aussi ce texte a-t-il pour vocation de simplifier nos relations fiscales avec la Principauté d’Andorre. Force est de constater que sur l’essentiel, la présente convention est plutôt traditionnelle, et qu’elle est conforme au modèle de l’OCDE. La clause d’élimination des doubles impositions contient les mêmes dispositions que celles qui figurent dans la plupart des autres conventions fiscales signées par la France.

Cependant, le diable se cache souvent dans les détails, et comme l’a observé Claudine Schmid, une lecture plus précise de cette convention permet de constater qu’une clause inopportune s’est glissée en catimini au d du 1. de l’article 25. Celle-ci a bien sûr retenu toute l’attention des parlementaires de l’UMP.

Quel est le problème posé par cette clause ? Cette dernière spécifie que la France peut imposer les personnes physiques de nationalité française résidentes d’Andorre comme si la convention n’existait pas. Ayant siégé vingt ans à la commission des lois, j’avoue trouver cette disposition quelque peu originale : en clair, nous sommes en train de voter un texte dont on pourra faire comme s’il n’existait pas ! C’est une première…

Bref, cette disposition permettant à la France de taxer ses nationaux résidents d’Andorre sans tenir compte des dispositions de la convention, on comprend que notre gouvernement se réserve le droit de lier l’impôt à la nationalité. En outre, elle ouvre la voie à une éventuelle évolution de la fiscalité française, puisque cette clause pourrait être proposée à l’ensemble des partenaires avec lesquels la France négocie des conventions fiscales.

Cet embryon d’impôt sur la nationalité se moque donc des principes sur lesquels notre système fiscal est fondé. Évidemment, je suis pour ma part formellement opposé, tant sur le fond que sur la forme, à la création d’un impôt sur la nationalité. Au-delà du fait que ce principe ne fait pas partie de nos traditions, l’impôt ne peut et ne doit pas être la contrepartie de la nationalité. Je suis formellement convaincu que l’impôt doit reposer sur la règle historique du « consommateur payeur » : on contribue pour les services dont on bénéficie. Il m’apparaît logique que les étrangers qui résident en France s’acquittent de l’impôt sur notre territoire, et que les Français établis hors de France soient imposés dans le pays où ils profitent des services publics là où il y en a.

Permettez-moi donc de m’inquiéter fortement qu’au détour d’une obscure stipulation conventionnelle, l’on introduise pareille brèche dans les principes fondateurs de notre système fiscal.

Certes, cette forme de taxation ne sera applicable que lorsqu’une disposition de droit interne permettra d’imposer les personnes sur le fondement de la nationalité. Certes, l’article 4 de notre code général des impôts fixe les critères de l’imposition en France des personnes physiques sans faire référence à la nationalité française. Certes, le principe de nationalité est dérogatoire par rapport à toutes les conventions fiscales signées par la France, et il l’est également par rapport au modèle de l’OCDE, qui est fondé sur le principe de résidence. Certes enfin, le Gouvernement se montre rassurant, et vous avez voulu l’être à cette tribune, madame la secrétaire d’État, en indiquant que l’introduction en droit interne d’un critère de nationalité n’était en aucun cas à l’ordre du jour et qu’aucun projet de ce type n’existait.

Au regard de ces éléments, il est cependant légitime de s’interroger sur les raisons de l’existence et du maintien d’une telle clause.

M. François Rochebloine, rapporteur. Les négociations ont commencé en 2011 !

M. Thierry Mariani. Le Gouvernement refuse d’ouvrir des négociations pour la supprimer. Ce serait pourtant si simple, alors que nous entretenons des relations si étroites avec la Principauté d’Andorre !

Les paroles s’envolent, mais les écrits restent. Qu’adviendra-t-il donc de cette clause lorsqu’elle sera entre les mains d’un autre gouvernement, ou même d’un prochain ministre ? Je vous fais pleinement confiance quant à vos intentions, madame la secrétaire d’État, je connais votre honnêteté. Mais vous êtes assez expérimentée pour savoir que les gouvernements se succèdent, qu’ils ne mènent pas toujours la même politique et que dans quelques mois, le plus tard possible espérons-le, votre successeur peut faire l’exact contraire de ce que vous dites aujourd’hui !

Le sujet était pourtant suffisamment sérieux pour mériter un examen attentif et démocratique, et non une simple procédure accélérée. Les Français de l’étranger ne sont pas des Français à part, mais des Français à part entière : ils doivent être traités de la même façon que leurs compatriotes.

Comme l’a dit Claudine Schmid au nom du groupe UMP, nous ne voterons pas ce texte à la légère. Cela reviendrait en effet à ouvrir la boîte de Pandore : quoi qu’en dise le Gouvernement, nul ne peut lire dans le futur, et nul ne sait l’application qui pourra être faite d’une telle clause par la suite. C’est cette incertitude qui m’amène à penser que cette mesure doit être renégociée, ou au moins modifiée. En effet, elle n’a pas à s’appliquer aujourd’hui, et sa suppression éviterait qu’elle soit utilisée par un gouvernement futur qui pourrait souhaiter la mettre en œuvre.

Vous comprendrez donc que nous soyons, Alain Marsaud, Claudine Schmid et moi-même, particulièrement attentifs à cette clause. Nous n’oublions pas que du temps où vous siégiez dans l’opposition, une personne que j’aurai l’obligeance de ne pas nommer, qui présidait alors la commission des finances au nom du groupe socialiste, n’avait de cesse de créer un impôt spécifique sur les Français de l’étranger. Je constate que ce n’est pas à l’ordre du jour pour l’instant. Mais si votre bonne foi n’est pas en cause, pourquoi ne pas repousser ce texte d’un ou deux mois et supprimer cette disposition ? Pardonnez-moi d’insister, mais cela éviterait tout malentendu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Imbert, dernière oratrice inscrite.

Mme Françoise Imbert. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui pour approuver en dernière lecture la convention fiscale négociée et signée par la France avec la Principauté d’Andorre le 2 avril 2013. La signature d’une convention fiscale avec Andorre me semble être naturelle. C’est une excellente chose pour nos deux pays.

Que connaissons-nous d’Andorre, ce si petit État, avec ses 76 000 habitants ou résidents, enclavé dans les Pyrénées ? Députée de la Haute-Garonne, département proche de la Principauté, je sais que l’Andorre est principalement connue pour ses attraits touristiques, ses supermarchés bon marché, son essence à un prix imbattable et ses superbes pistes de ski.

Et pourtant, la souveraineté sur cet État est partagée entre le Président de la République française et l’évêque de la ville d’Urgell, en Catalogne. C’est dire si nos deux États sont proches, et cela depuis longtemps.

En 2009, l’Andorre figurait parmi les paradis fiscaux de la zone grise établie par l’OCDE à la demande du G20. Or, l’existence de ces zones grises, ces territoires fiscalement opaques accueillant ceux qui cherchent à se soustraire à leurs obligations à l’égard de la collectivité nationale, est depuis longtemps combattue par la France comme par la plupart des grands États.

Depuis 2010, la France, comme ses partenaires du G20 et de l’Union européenne, a entrepris de réduire les espaces de non droit fiscal. Elle a donc conditionné la signature de cette convention, qui s’applique à l’impôt sur le revenu et à l’impôt sur les sociétés et ses contributions, à des évolutions de la législation fiscale andorrane. Celles-ci ont toutes eu lieu : l’Andorre s’est engagée dans un processus de normalisation fiscale. Elle s’est ainsi engagée, par exemple, à mettre en œuvre l’échange automatique de données avant fin 2018. À cette date, la Principauté aura donc définitivement mis fin au secret bancaire.

Je peux comprendre l’inquiétude que soulève chez certains de nos collègues parlementaires la clause introduite par le Gouvernement à l’article 25 de la convention, qui prévoit notamment que la France peut imposer les personnes physiques de nationalité française résidentes d’Andorre comme si la présente convention n’existait pas.

Il me semble néanmoins, chers collègues, que l’Andorre a fait siennes les règles du jeu de la fiscalité internationale et que nous devons à notre tour tenir compte d’évolutions que nous avons encouragées.

M. Philippe Baumel. Très bien !

Mme Françoise Imbert. Elles se traduisent plus particulièrement par l’apparition de situations de doubles impositions qui pénalisent le développement économique de la Principauté.

Certains veulent voir dans cette clause les prémices d’une imposition sur la nationalité des Français de l’étranger, mais qui ne pourrait trouver à s’appliquer que si nous votions une réforme d’ampleur de notre législation fiscale. Or cette réforme n’est pas à l’ordre du jour.

Ne nourrissons donc pas de craintes sans fondement sur une convention au demeurant bien claire, qui nous permettra sans nul doute de continuer à entretenir d’excellentes relations avec un partenaire andorran certes bien petit, mais qui n’en est pas pour autant négligeable.

Il est désormais temps de conclure une convention fiscale et de répondre ainsi à une demande répétée de la principauté d’Andorre. Il est dans l’intérêt de la France d’y renforcer notre présence. Aussi, mes chers collègues, je vous invite à adopter cette convention.

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. Je suis ici devant vous pour défendre cette convention. J’ai entendu les craintes que vous nourrissiez, notamment sur l’article 25, mais je redis que cette inquiétude n’est pas fondée : il n’y a pas de risque de création d’impôt sur la nationalité.

Vous dites qu’une modification ou un avenant pourrait intervenir très vite. Si tel était le cas, nous l’aurions fait ! Mais Andorre a déjà ratifié cette convention. Monsieur de Courson a dressé l’historique : les négociations relatives à la convention ont commencé en 2011, mais on a commencé à travailler sur le sujet bien avant. On compte plus de dix années de travail sur cette convention !

Comme je vous l’ait dit, l’Espagne a signé à son tour avec Andorre une convention fiscale, plus large, le 8 janvier dernier. Il est évident que si l’on rouvrait le sujet aujourd’hui, on repartirait pour un certain nombre d’années. Le Gouvernement ne le souhaite pas.

M. Philippe Baumel. Très bien !

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. Comme beaucoup l’ont dit, ce qui est en jeu, ce sont nos relations avec Andorre, le développement économique que nous souhaitons poursuivre avec cette principauté. Aujourd’hui, tant les entreprises que les citoyens attendent, en manifestant une certaine impatience, que l’on ratifie cette convention.

M. François Rochebloine, rapporteur. On a déjà perdu du temps !

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. Comme le dit le rapporteur, nous avons déjà perdu beaucoup trop de temps. La convention aurait pu être appliquée au 1erjanvier 2015, si nous l’avions ratifiée en son temps. Au lieu de cela, nous avons accordé toute sa place au débat, ce qui est très bien, en expliquant à plusieurs reprises que si le Gouvernement avait proposé cette clause à l’origine, cela était dû au fait qu’à l’époque, Andorre n’avait pas mis en place de fiscalité.

Mme Claudine Schmid. Depuis, elle l’a fait !

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. Il s’agissait donc d’une clause de précaution. Maintenant que la convention a été ratifiée par Andorre et que la négociation est terminée, il serait préjudiciable pour nos échanges de rouvrir la discussion. Si on relançait le débat à ce stade, je vous garantis qu’il faudrait de nombreuses années pour le conclure.

Mme Claudine Schmid. C’est faux !

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. J’ai une petite habitude des négociations internationales, notamment s’agissant d’accords de libre-échange ou de conventions fiscales, et je peux vous dire que cela nécessite un certain nombre d’années. Le Gouvernement réaffirme donc qu’il n’y a pas d’inquiétudes à avoir et, en conséquence, vous redemande de ratifier la convention.

Madame Schmid, vous regrettiez tout à l’heure, et à raison, que les représentants des Français de l’étranger ne soient pas suffisamment associés à ce type de travaux. Je voudrais vous dire que Christian Eckert a déjà mis en place un groupe de travail, réunissant les parlementaires élus par les Français de l’étranger, consacré à l’ensemble des questions liées à la fiscalité, ce qui inclut les conventions fiscales.

Mme Claudine Schmid. On n’a pas eu de réponse !

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. Ce travail a commencé et est appelé à se poursuivre.

Vous avez aussi fait référence à la convention avec la Belgique. Or, celle-ci ne comporte pas de clause semblable. Vous voyez bien que la France, que le Gouvernement n’a absolument pas l’intention de généraliser une clause très spécifique, liée à un contexte particulier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique du projet de loi.

Article unique

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marsaud, pour soutenir l’amendement n1.

M. Alain Marsaud. Madame le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs, je soupçonne – puisque nous sommes en ce moment dans l’ère du soupçon – l’administration française, et, pour les dire les choses plus précisément, Bercy…

Mme Chantal Guittet. C’est un complot !

M. Alain Marsaud. …de vouloir céder à ce que j’appelle la « tentation américaine ».

Mme Chantal Guittet. C’est très sarkozyste !

M. Alain Marsaud. C’est à la mode, c’est très tendance. De quoi s’agit-il ? On a bien vu comment un certain nombre de gens de Bercy, en particulier un ancien ministre que je ne nommerai pas, étaient tentés par ce que sont en train de mettre en place aujourd’hui les États-Unis, c’est-à-dire tout simplement l’impôt sur la nationalité. Le gouvernement américain a décidé de taxer ses concitoyens où qu’ils soient, à charge pour eux d’apporter la preuve qu’ils sont déjà taxés dans le pays dans lequel ils vivent et exercent leur profession. Je crois que c’est très dangereux.

Madame la secrétaire d’État, je vous crois sur parole, mais vous devriez tendre l’oreille : je vous assure que cette tentation existe au sein du ministère dont je parle. Ce texte en est la manifestation, pour ne pas dire la preuve.

Vous parlez d’urgence, à propos de la mise en œuvre de cette convention. Mais je n’ai pas entendu que les citoyens d’Andorre, pauvres gens comme chefs d’entreprise, soient montés sur les toits de l’évêché d’Urgell ou d’ailleurs pour nous demander de signer au plus vite cette convention et manifester le besoin de son application. Personne ne la réclame, et il n’y a pas certainement pas de caractère d’urgence.

M. Philippe Baumel. Mais si !

M. Alain Marsaud. Cela vous laisse très largement le temps de modifier cette convention, ce qui fera plaisir à tout le monde, y compris d’ailleurs à nos amis centristes dont je vois bien la gêne qu’ils éprouvent aujourd’hui, et notamment celle du rapporteur, qui aurait bien aimé nous suivre.

M. François Rochebloine, rapporteur. Pas du tout !

M. Alain Marsaud. Bien sûr, madame le secrétaire d’État, nous défendons les intérêts de nos compatriotes vivant à l’étranger, nous, les députés des Français établis hors de France. J’espère qu’il en sera de même de notre collègue situé sur les bancs d’en face. En effet, les Français vivant à l’étranger sont inquiets quant à la possibilité d’être bientôt taxés, et ils nous font part de cette inquiétude. De fait, vous êtes toujours à la recherche d’un impôt supplémentaire : c’est une maladie socialiste ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Philippe Baumel. Ce n’est pas sérieux !

M. Alain Marsaud. Mais vous n’êtes pas les seuls à l’avoir contractée : elle est en effet également répartie, hélas.

Madame le secrétaire d’État, je vous crois pleinement lorsque vous affirmez que vous n’allez pas instituer l’impôt sur la nationalité durant les deux ans qui vous restent. Mais je ne suis pas sûr que vos successeurs partageront cet avis, qu’ils appartiennent à une majorité de droite, comme nous l’espérons, ou de gauche : ils pourront éprouver une tentation différente, surtout à Bercy, dont nous connaissons le caractère de dangerosité. C’est la raison pour laquelle je vous demande d’adopter cet amendement et de supprimer l’article.

Mme la présidente. La parole est à M. François Rochebloine, rapporteur de la commission des affaires étrangères, pour donner l’avis de la commission.

M. François Rochebloine, rapporteur. Cet amendement n’a pas été examiné, puisque l’on vient de nous le remettre. Il a pour objet, en réalité, de remettre en cause la convention.

M. Philippe Baumel. Absolument !

M. François Rochebloine, rapporteur. Je crois que le débat a suffisamment eu lieu,…

M. Philippe Baumel. Oui !

M. François Rochebloine, rapporteur. …en commission, en séance publique, puis à nouveau en commission. Cela a également été le cas en CMP, même si je n’étais pas présent. En effet, et il s’agit d’une première, le rapporteur du texte n’a pu y assister, faute pour l’UMP de lui avoir laissé une place… Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour le souligner. Je n’ai pu assister à la CMP, c’est un fait.

Mais peu importe : un débat a eu lieu à nouveau en commission ce matin, et cet après-midi en séance publique. Et nous allons être obligés de recommencer plus tard, car nos collègues sénateurs vont sans doute à nouveau rejeter le texte, ce qui nous vaudra à nouveau une discussion en commission et, in fine, ici même.

Je crois donc que l’on a suffisamment perdu de temps. Comme vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État, cette convention aurait pu s’appliquer au 1er janvier de cette année. Je rappelle à notre bien-aimé Thierry Mariani qu’il était, au moment des discussions de 2011, membre du gouvernement. Il nous disait ce matin en commission qu’il était défavorable à la ratification de la convention, mais que quand on appartient à un gouvernement, on doit le soutenir. Or, c’est ce gouvernement, que par ailleurs je soutenais, qui a accepté la convention.

M. Thierry Mariani. Mais il n’a pas présenté de projet de loi !

M. François Rochebloine, rapporteur. Oui, mais les négociations avaient eu lieu, et je crois que cette convention était attendue. On regrette assez, en commission, d’adopter des conventions avec beaucoup de retard. On s’en plaint tous. En l’occurrence, on a perdu suffisamment de temps. C’est pourquoi j’invite nos collègues à rejeter cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. Le Gouvernement donne naturellement un avis défavorable à cet amendement. D’abord, je veux redire que la clause sur la nationalité figurant à l’article 25 est inapplicable. Ce n’est pas un précédent, mais une spécificité liée à un contexte, à un moment donné. Renégocier, je le répète, prendrait plusieurs années – je vous le garantis, même si vous ne voulez pas l’entendre – et serait préjudiciable à nos concitoyens.

Par ailleurs, je veux vous assurer qu’il n’y a pas de grand complot de la part de Bercy. Enfin, la Franco-Américaine que je suis, pragmatique et cherchant l’efficacité et l’action, a envie de vous redire que ce que les Français nous demandent, aujourd’hui, c’est de passer vite aux actes. Passons donc aux actes, concrétisons la volonté de tous ceux qui ont travaillé sur ces questions jusqu’à aujourd’hui.

J’émets donc un avis défavorable et je vous redemande de soutenir le Gouvernement, afin que l’on puisse avancer et se dire que l’on a accompli quelque chose de plus. Je crois qu’aujourd’hui, nous devons travailler plus vite. Nous cherchons à simplifier, à être dans l’action et à travailler plus vite. C’est peut-être en le montrant aujourd’hui que nous pourrons entrer dans une nouvelle ère.

M. François Rochebloine, rapporteur. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Je voudrais répondre sur plusieurs points.

Premièrement, madame la secrétaire d’État, y a-t-il urgence ? Étant responsable, au sein d’un parti d’opposition, des Français de l’étranger, j’ai appelé ce matin mes correspondants en Andorre. Je leur ai demandé s’il y avait le feu : visiblement, ils parviennent jusqu’à présent à survivre sans cette ratification ! Peut-être y a-t-il urgence à Bercy, ou ailleurs, mais je peux vous rassurer que tel n’est pas le cas pour le moment chez les Français d’Andorre.

Deuxièmement, peut-on renégocier ? Vous avez l’expérience des négociations internationales, et moi aussi. J’ai été ministre deux ans. Je me souviens comment, en une nuit, on a pu modifier les clés de répartition du financement du tunnel Lyon-Turin, ce qui représentait, soit dit en passant, plusieurs milliards. Je pense donc que supprimer une phrase que chacun juge inutile nécessiterait peu de temps de négociations. D’autant que le Président de la République française est en même temps co-prince de la Principauté d’Andorre : nous négocierions donc, pour ainsi dire, pour moitié avec nous-mêmes ! Et tout le monde est d’accord pour reconnaître que cette phrase ne sert à rien… Ne voyez dans mes propos aucune attaque personnelle, car je suis sûr de votre bonne foi. Mais justement, il est tout de même extraordinaire que vous présentiez aux parlementaires une clause que vous dites inapplicable en l’état ! Nous devrions voter un texte inapplicable ! C’est Ubu !

Troisièmement, pour répondre à M. le rapporteur, il est vrai que ce texte a été négocié sous l’ancienne majorité, mais cette dernière n’a pas présenté de projet de loi, justement parce qu’entre-temps, vous l’avez dit, Andorre a mis en place un système d’imposition. Or, à l’époque des négociations, du moins dans un premier temps, ce système d’imposition n’existait pas. Cette évolution nécessiterait une renégociations, qui à mon avis prendrait très peu de temps.

Les Français de l’étranger sont attentifs à ces sujets. Au sein des partis politiques, il y a toujours des gens pour suggérer de leur faire payer des impôts. Vous savez, madame la secrétaire d’État, que les Français de l’étranger ne bénéficient d’aucune prestation sociale. C’est normal, et ils ne le réclament d’ailleurs pas, puisqu’ils ne paient pas d’impôt sur le sol national. Vous savez également que leur système scolaire leur coûte très cher, contrairement aux Français de métropole. Il serait donc très injuste qu’un impôt sur la nationalité vienne un jour à s’appliquer.

Ce débat n’aurait pas lieu et aucune crainte ne se manifesterait si l’on prenait un tout petit peu de temps pour supprimer cette phrase qui, vous l’avez dit vous-même, est inapplicable. Voilà pourquoi je maintiens cet amendement de suppression, qui est en réalité un appel à relancer les négociations avant de revenir ici voter le texte dans la joie et l’allégresse d’ici un mois, ce qui me semble tout à fait possible.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le groupe UDI n’est pas favorable à l’amendement de suppression du texte, puisque le seul débat porte sur la possibilité ouverte par le d du 1. de l’article 25.

Mme Claudine Schmid et M. Alain Marsaud. Oui !

M. Charles de Courson. À l’époque de la négociation, je vous rappelle que l’État andorran n’avait toujours pas créé d’impôt sur le revenu. Depuis le 1er janvier, c’est chose faite.

M. François Rochebloine, rapporteur. Voilà ! Tout simplement !

M. Charles de Courson. Madame la secrétaire d’État, je vais vous suggérer une solution : une fois que nous aurons ratifié la convention, il vous suffira d’adresser une lettre à l’État andorran, expliquant que puisque l’assemblée andorrane a créé un impôt sur le revenu, l’État français n’appliquera pas cette disposition de l’article 25. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez ? Cela permettrait au groupe UMP de voter en faveur du texte.

Il ne faut pas généraliser l’air de la méfiance. Si Mme la secrétaire d’État s’engageait à envoyer aux responsables andorrans une lettre expliquant que, comme ils ont accompli un véritable effort en instituant un impôt sur le revenu, l’État français n’appliquera pas la disposition en question. C’est en effet l’État français qui était demandeur, car il n’y avait pas d’impôt sur le revenu en Andorre ! À partir du moment où cet impôt a été créé, il suffit que le gouvernement français précise sa position sur cet article et annonce qu’il ne l’appliquera pas.

Madame la secrétaire d’État, cette idée fait-elle florès au sein du Gouvernement ?

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Le Borgn’.

M. Pierre-Yves Le Borgn’. Je n’avais pas prévu de m’exprimer puisque ce matin, lors de la réunion de la commission des affaires étrangères, j’ai choisi de m’abstenir, marquant ainsi une différence avec mon groupe politique pour la première fois depuis mon élection.

M. Thierry Mariani. C’est un homme prudent !

M. François Rochebloine, rapporteur. C’est le regroupement des Français de l’étranger, nuance !

M. Pierre-Yves Le Borgn’. Cependant, je pense qu’il est important de ne pas faire de la question qui nous occupe aujourd’hui un débat politique hors de proportion, dès lors que Mme la secrétaire d’État a de nouveau rappelé les circonstances de la négociation des années 2009-2011, quand l’Andorre était encore loin d’avoir un impôt sur le revenu, et a indiqué très clairement qu’il n’était aucunement dans l’intention du Gouvernement de lier le paiement de l’impôt à la nationalité, frappant ainsi les Français de l’étranger. La raison pour laquelle je me suis abstenu en commission est que je suis farouchement hostile, en tant que député des Français de l’étranger, au paiement d’un impôt en fonction de la nationalité. Ils ne sont pas des exilés fiscaux mais des femmes et des hommes qui, où qu’ils se trouvent, payent l’impôt dans leur pays de résidence.

Chantal Guittet, dans son intervention, vous a interpellée, madame la secrétaire d’État, quant à l’opportunité d’une déclaration interprétative. C’est aussi ce qu’a demandé, d’une autre manière, Charles de Courson. Il me semble que ce serait probablement la réponse aux questions soulevées ce soir et la solution pour que cette convention fiscale tant attendue puisse entrer en vigueur.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. Je comprends l’idée qu’une lettre interprétative permettrait de faire l’unanimité et il est vrai que dans un premier temps, j’aurais envie de dire que cela ne mange pas de pain. Mais qu’écrirait-on en fait : que le Parlement n’aurait plus jamais la liberté de décider quelque chose en cette matière ? C’est pourtant bien au Parlement que se décide ce genre de dispositions !

Dès ma première explication, ici même, il y a déjà plusieurs mois, il a été clair que rien de nouveau ne se ferait en matière d’imposition sans que les assemblées ne le décident d’elles-mêmes. Dès lors, je ne vois pas pourquoi écrire une lettre interprétative. Cela part d’une bonne intention, mais ce courrier remettrait en cause la liberté du Parlement de faire différemment. On peut en discuter ad vitam aeternam et se répandre en paroles, mais de toute façon, ce que craignent certains ne s’appliquera pas.

Oui, monsieur Mariani, je peux comprendre qu’on trouve un peu particulier ce type de clause, mais c’est ainsi qu’a été pensée la convention – à une époque où je n’étais pas aux responsabilités. Je redis qu’elle répondait à un contexte particulier.

M. Thierry Mariani. Qui a changé !

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. Certes, monsieur Mariani, mais on sait tous qu’il faut tout faire, quand c’est possible, pour ne pas rouvrir ce type de négociations.

(L’amendement n1 n’est pas adopté.)

Explications de vote

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Claudine Schmid, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Claudine Schmid. Nous ne sommes pas satisfaits par les explications données par Mme la secrétaire d’État. Selon elle, il faudrait énormément de temps pour négocier un avenant. Or, pour un cas et un pays que je connais bien, il n’a fallu que quelques jours pour enlever une clause de la convention sur les droits de succession qui avait été refusée par le parlement suisse et pour l’inclure dans la convention sur la non double imposition. Cela a été extrêmement vite.

En tant que législateurs et membres de l’UMP, nous ne pouvons pas voter un texte inapplicable et que même vous, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, avez jugé tel.

M. François Rochebloine, rapporteur. Je n’ai pas dit ça !

Mme Claudine Schmid. Le groupe UMP regrette d’être le seul à voter contre ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Charles de Courson. Madame la secrétaire d’État, malgré votre réponse, nous voterons le texte. Mais permettez-moi de vous dire que votre argument n’est pas bon parce que, in fine, c’est de toute façon la souveraineté parlementaire qui prévaudra. Si vous écriviez une lettre indiquant que l’État renonce à utiliser cette clause puisqu’il y a un impôt sur le revenu en Andorre depuis le 1erjanvier, cela n’empêcherait pas une majorité d’adopter un jour un texte contraire ! Mais je trouve qu’une telle lettre crédibiliserait vos déclarations. Ce n’est pas que cela ne mange pas de pain : cela aurait un sens ! Je trouve que vous manquez un peu d’ouverture en la matière. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Thierry Mariani. Mais vous allez tout de même le voter !

M. Charles de Courson. Vous êtes trop sous l’influence de ceux qui vous recommandent de ne pas bouger, jamais. Par exemple, on nous a expliqué pendant des années qu’il était impossible d’amender un texte en voie de ratification. Moi, j’ai fait passer un amendement de cette sorte ! C’est d’ailleurs suite à cela qu’on a modifié le règlement de l’Assemblée – quel pays de fous ! – pour empêcher les députés de déposer des amendements visant à poser des réserves d’interprétation, qui sont possibles dans toutes les grandes démocraties. Il est regrettable qu’ici, nous n’ayons le choix qu’entre dire « oui » ou « non », un point c’est tout. Ce n’est pas une démocratie, c’est un système typiquement VRépublique où le gouvernement peut tout faire et où les majorités se couchent systématiquement !

Mme la présidente. Pour la bonne compréhension de chacun, je rappelle que M. de Courson fait allusion à l’article 128 de notre règlement, que le Conseil constitutionnel a interprété comme interdisant le type d’amendement qu’il a évoqué.

Vote sur l’article unique

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique du projet de loi.

(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

4

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, demain, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Débat sur la fin de vie.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures trente-cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly