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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2015-2016

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 02 février 2016

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Politique agricole

M. Jean-Pierre Vigier

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Grâce présidentielle

Mme Jacqueline Maquet

Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État chargée des droits des femmes

Éducation nationale

M. Stéphane Demilly

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche

Affichage publicitaire

Mme Michèle Bonneton

Mme Martine Pinville, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

Chiffres de la délinquance

M. Frédéric Cuvillier

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Lutte contre le chômage

M. Thierry Mariani

M. Manuel Valls, Premier ministre

Devenir des pêcheurs guadeloupéens

M. Ary Chalus

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Annonces du Président de la République

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Virus zika

M. Serge Letchimy

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Chiens errants en Martinique

M. Bruno Nestor Azerot

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Politique agricole

Mme Marianne Dubois

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Aéroport de Notre-Dame-des-Landes

Mme Marie-Françoise Clergeau

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Lutte contre le chômage

Mme Laure de La Raudière

M. Manuel Valls, Premier ministre

Remorquage du Modern-Express

M. Jean-Pierre Dufau

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Réforme de la profession de coiffeur

M. Patrick Hetzel

Mme Martine Pinville, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. David Habib

2. Économie bleue

Présentation

M. Arnaud Leroy, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Mme Annick Le Loch, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques

Discussion générale

M. Christophe Priou

M. Stéphane Demilly

M. François-Michel Lambert

M. Olivier Falorni

M. Patrice Carvalho

M. Christophe Bouillon

M. Yannick Moreau

Mme Huguette Bello

Mme Catherine Troallic

M. Laurent Furst

M. Serge Letchimy

Mme Viviane Le Dissez

M. Gwenegan Bui

M. Jean Lassalle

M. Arnaud Leroy, rapporteur

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État

Discussion des articles

Article 1er

M. Gilles Lurton

Amendements nos 85 rectifié , 84 rectifié , 221

Après l’article 1er

Amendements nos 115 , 141 rectifié , 62 rectifié , 116

Article 1er bis

Amendement no 31

Après l’article 1er bis

Amendements nos 126 rectifié , 133 , 136 rectifié , 138

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 127 , 123 , 238

Article 1er ter

Amendements nos 2 , 150

Après l’article 1er ter

Amendements nos 156 , 157

Article 2

M. Gilles Lurton

Amendements nos 63 , 95 , 98

Amendements nos 99, 32, 102 , 100

Article 2 bis

Amendements nos 101 , 4 , 158, 159 (deuxième rectification)

Article 2 ter

Amendements nos 5, 83

Après l’article 2 ter

Amendements nos 103 , 160 , 231 (sous-amendement)

Article 3A

Amendements nos 6 , 7 , 8, 9, 33

Article 3B

Amendements nos 10 , 11

Article 3

M. Gilles Lurton

Mme Valérie Fourneyron

Amendements nos 12 , 13 , 14 , 172 , 240 (sous-amendement)

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 173 , 222 (sous-amendement) , 239 (sous-amendement) , 105

Article 3 bis

Mme Marie-Hélène Fabre

Après l’article 3 bis

Amendements nos 73 , 166 rectifié , 74 , 69

M. le président

Amendements nos 68 , 70

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Politique agricole

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour le groupe Les Républicains.

M. Jean-Pierre Vigier. Monsieur le Premier ministre, nos agriculteurs sont à nouveau dans la rue. Et pour cause : vous les mettez à la rue ! Vous les oubliez, vous les abandonnez, vous les ignorez. Vous n’écoutez pas leurs cris d’alerte et de souffrance. Ils traversent une grave crise, une crise structurelle, qui a trop duré. Or ils sont une force vive de notre pays : ils travaillent notre terre, ils nous nourrissent, ils entretiennent nos espaces. Ce sont des chefs d’entreprise qui créent de l’emploi.

Comment pouvez-vous les laisser de côté ? Comment votre majorité peut-elle refuser de discuter d’une proposition de loi présentant des solutions concrètes pour nos agriculteurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Jean Glavany. Il n’y a rien dans votre proposition de loi !

M. Jean-Pierre Vigier. Comment votre majorité peut-elle, en commission des affaires économiques, rejeter article par article notre proposition, qui est l’aboutissement d’un important travail en lien avec nos agriculteurs ?

M. Jean Glavany. Eh bien alors ! Avez-vous vraiment accompli un travail si important pour aboutir à un résultat aussi nul ?

M. Jean-Pierre Vigier. Il est grand temps de redonner leur fierté à nos agriculteurs. Il est grand temps de retrouver une agriculture compétitive, performante et innovante. Il est grand temps que nos agriculteurs vivent du fruit de leur travail et obtiennent des prix rémunérateurs.

Monsieur le Premier ministre, à quand une véritable politique agricole française ? Il est grand temps d’agir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. (Protestations et huées sur les bancs du groupe Les Républicains. – Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. La question s’adressait au Premier ministre !

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, vous avez conclu votre question en affirmant qu’il est temps de mener une politique agricole nationale. J’ai déjà entendu cette affirmation dans la bouche d’un certain nombre de personnalités politiques, sur divers bancs. Pensez-vous que nous puissions nous passer de l’Europe, qui consacre 9 milliards d’euros d’aides à notre agriculture ? (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Sylvain Berrios. On pourrait très bien se passer de vous !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Lorsque vous étiez majoritaires, vous pensiez que l’on pouvait réduire le budget européen pour l’agriculture : c’est votre responsabilité, et vous devrez vous expliquer devant les agriculteurs.

Quant à la proposition de loi que vous avez défendue en commission, elle témoigne de votre volonté de trouver des solutions : nous sommes prêts à en discuter. Cependant, pour l’essentiel, cette proposition de loi vise à opérer des baisses de charges, et vous savez très bien que telles qu’elles sont ciblées, celles-ci seraient impossibles à mettre en œuvre compte tenu du droit européen actuel – que vous avez vous-mêmes négocié à l’échelle européenne ! (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Vous dites que ces baisses de charges sont gagées, car ce sont des dépenses budgétaires.

M. Christian Jacob. Nous les avons gagées : nous ne pouvions pas faire autrement !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous les avez gagées – c’est votre droit – par une augmentation de la TVA et de la CSG. C’est sur ce point que nous divergeons !

Je vous rappelle, monsieur le député, que contrairement à ce que vous dites, cette majorité a pris des décisions afin que l’agriculture bénéficie de plus de 1,8 milliard d’euros de baisses de charges, avec le pacte de responsabilité – ce que votre majorité n’avait jamais fait !

Sur ce sujet, pour être cohérent et donner de l’espoir aux agriculteurs, il faut trouver de vraies solutions, et non pas faire de fausses promesses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Grâce présidentielle

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Maquet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Jacqueline Maquet. Monsieur le Premier ministre, ce dimanche, en application de l’article 17 de la Constitution, le Président de la République a décidé d’accorder une remise de peine à Jacqueline Sauvage. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, du groupe écologiste, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.)

Cette grâce va permettre à Jacqueline Sauvage de présenter immédiatement une demande de libération conditionnelle. Au nom des nombreux citoyens et des parlementaires qui se sont mobilisés pour obtenir cette libération, je veux saluer la décision du Président de la République. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) C’est un soulagement pour Jacqueline Sauvage et pour ses filles, elles aussi victimes de la brutalité de leur père.

Condamnée à dix ans de prison pour avoir tué son mari violent, Jacqueline Sauvage est devenue un symbole, le symbole des femmes victimes de violences conjugales. Ces femmes, nous ne devons jamais l’oublier, sont très nombreuses en France et dans le monde. Au XXIsiècle, en France, une femme décède tous les trois jours des coups de son conjoint violent.

Dès 2012, en mettant l’égalité entre les femmes et les hommes au cœur de son action, notre majorité a pris le problème à bras-le-corps. La loi du 4 août 2014, notamment, comporte des avancées majeures : éviction du conjoint violent du domicile, création de 1 650 places d’hébergement d’urgence d’ici à 2017 et meilleure prise en compte des violences conjugales par les forces de sécurité lors des dépôts de plainte.

Monsieur le Premier ministre, le combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes semblait aller dans le sens de l’histoire et devoir progresser inexorablement. On voit bien que la réalité est plus complexe. Sur les violences, sur le droit à disposer de son corps, sur la liberté de mouvement ou de mariage, sur l’accès aux responsabilités, nombreux sont ceux qui pensent, au fond, que l’homme a le droit de choisir pour la femme. Notre majorité refuse cette logique et la combat de toutes ses forces. Pouvez-vous nous redire le sens de l’engagement historique de la gauche sur cette question ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des droits des femmes.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État chargée des droits des femmes. Madame la députée, le Président de la République, en application de l’article 17 de la Constitution, a décidé, face à une situation humaine exceptionnelle et dans le respect de l’autorité judiciaire, d’accorder une remise gracieuse de peine à Mme Jacqueline Sauvage. Après quarante-sept ans de violences et d’horreur, celle-ci pourra donc revenir vers les siens dans quelques semaines.

Cette situation met effectivement en lumière les violences insupportables que subissent les femmes, aujourd’hui encore, et elle illustre l’emprise qui peut exister dans les violences conjugales, emprise qui isole les victimes.

Contre l’isolement, contre ce tabou qui règne encore face aux violences, nous agissons avec détermination : depuis 2012, des lois ont été votées et plusieurs plans mis en œuvre ; il importe de rendre visibles les dispositifs déployés sur tout le territoire, afin d’améliorer la première prise en charge des femmes victimes de violences. Nous avons, à cet égard, renforcé le 3919, le numéro national d’écoute et d’orientation vers des dispositifs d’accompagnement et de prise en charge.

Nous formons aussi les professionnels qui sont au contact des femmes victimes de violences : professionnels de police, de gendarmerie et de justice, avocats, travailleurs sociaux et professionnels de santé ; avec la mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains, la MIPROF, nous les formons à mieux accueillir les femmes concernées.

La parole se libère de plus en plus, et il ne peut y avoir aucune tolérance face à ces violences. Dans quinze jours, madame la députée, je serai sur le terrain, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur – PACA –, comme je le suis dans toutes les régions pour vérifier la mise en œuvre effective des dispositions votées par votre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Éducation nationale

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Stéphane Demilly. Madame la ministre de l’éducation nationale, alors que votre réforme « Collège 2016 » monopolise le débat, je souhaite que nous prenions du recul pour observer le système éducatif français dans son ensemble.

La question n’est plus de savoir si la énième réforme d’un énième ministre de l’éducation est bonne ou mauvaise ; elle est de savoir quel gouvernement aura l’audace de déconnecter le temps des nécessaires réformes du temps politique.

M. Yannick Favennec. Très bien !

M. Stéphane Demilly. Nos enfants grandissent dans une société qui n’a plus les mêmes repères que ceux qui prévalaient lorsque les fondements de notre système scolaire ont été posés. Le XXIe siècle n’est pas simplement celui des TBI, les tableaux blancs interactifs, ou des tablettes numériques. C’est celui d’un monde dont la complexité a changé, avec des rapports de force différents, où l’autorité de l’enseignant est souvent malmenée, la laïcité mise à mal, et où les enfants ont accès à des sources d’information infinies.

Notre école n’a pas pris la mesure de ce XXIe siècle-là ; les savoirs fondamentaux ne sauraient armer suffisamment nos enfants pour aller à sa rencontre. Le « savoir être » et le « bien vivre ensemble », dont trop de jeunes n’ont jamais entendu parler, doivent guider la philosophie éducative de nos écoles.

La question du rétablissement du service national – qui revient dans nos débats à chaque fois que l’unité nationale est mise à mal – ne se poserait pas si chaque enfant pouvait retrouver les valeurs de notre République tout au long de son parcours scolaire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Le service national pour tous, celui qui redonne des repères, des codes et le sens du vivre ensemble, existe déjà, mes chers collègues : il s’appelle tout simplement l’éducation nationale. Ne pensez-vous pas, madame la ministre, qu’il est grand temps de lui redonner sa place au cœur de notre société ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. Philippe Vitel. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, votre question, large, concerne au fond la transmission, par l’école, des valeurs de la République. Vous avez raison, l’école a aussi – et peut-être même, historiquement, d’abord – le rôle de former de futurs citoyens. De ce point de vue, jamais, depuis très longtemps, l’éducation nationale n’a fait autant pour assurer cette mission essentielle qui est de développer, au sein de notre jeunesse, le sentiment d’appartenance à la République.

Ainsi, les nouveaux socles de compétences,…

M. Maurice Leroy. D’incompétence, plutôt !

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État. …qui entreront en vigueur à la rentrée prochaine, concernent tous les élèves de six à quinze ans ; ils doivent permettre, bien sûr, la poursuite d’études, la construction d’un avenir personnel et professionnel, mais aussi et surtout préparer à l’exercice de la citoyenneté, bref, apprendre aux élèves à devenir des citoyens : c’est dans ce cadre qu’ils assureront la transmission des valeurs fondamentales et des principes inscrits dans la Constitution.

Je pense aussi à la mobilisation pour les valeurs de la République à l’école suite aux attentats de janvier 2015 : 1 325 réunions ont ainsi été organisées, réunissant 81 000 participants, et un plan exceptionnel de formation des enseignants a été mis en œuvre, les 1 200 premiers formateurs ayant été formés en mars et en avril. Plusieurs dizaines de milliers d’enseignants seront ainsi formés dans les mois qui viennent.

Je pense enfin à la réserve citoyenne de l’éducation nationale. Elle compte à ce jour 4 500 réservistes, et les interventions en classe ont commencé dans de nombreux établissements.

Je vous sais par ailleurs sensible, monsieur le député, au renforcement de l’autorité des maîtres et des rites républicains. La laïcité est ainsi célébrée tous les 9 décembre, avec l’organisation, dès le mois de septembre, d’une cérémonie de remise des brevets des collèges.

Bref, la mobilisation de l’école et des enseignants est entière pour former nos jeunes aux valeurs de la République. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Affichage publicitaire

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour le groupe écologiste.

Mme Michèle Bonneton. Madame la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, le projet de décret relatif à la publicité extérieure, aux enseignes et aux pré-enseignes est actuellement en consultation publique sur le site internet de votre ministère. Ce projet de décret fait suite à la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

Ce projet prévoit que cinquante-quatre stades pourraient afficher de la publicité extérieure, ce qui porterait atteinte à leur qualité architecturale. La raison évoquée ? Dégager, notamment, des financements en vue de l’Euro 2016. Or seuls dix stades sont concernés par cet événement !

Ce projet de décret prévoit, sous couvert de simplification, d’étendre la mise en place de panneaux publicitaires – y compris lumineux et ancrés dans le sol – à plus de 1 000 communes de moins de 10 000 habitants.

L’installation de panneaux lumineux publicitaires énergivores et perturbateurs pour la faune nocturne ne serait cohérente ni avec la COP21 ni avec le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

Ce décret aurait pour conséquences de revenir sur les quelques avancées en matière de publicité extérieure issues du Grenelle de l’environnement et de défigurer un peu plus nos entrées de ville, ce qui serait néfaste pour le tourisme comme pour le commerce de proximité. En effet, les commerçants concernés n’ont pas les moyens financiers nécessaires à de telles opérations publicitaires.

Madame la ministre, vous avez choisi de mettre en consultation, jusqu’au 9 février, ce projet de décret. Je vous en remercie. Peut-on cependant espérer que l’avis de la société civile et des associations permettra, si telle est leur demande, de revenir sur les mesures concernant la publicité dans les communes de moins de 10 000 habitants situées dans des aires urbaines, même si celles-ci comptent moins de 100 000 habitants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire.

Mme Martine Pinville, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire. Madame la députée, vous m’interrogez sur le décret d’application de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques relatif à la publicité dans les grands stades. Cette mesure est l’occasion d’accorder aux communes qui disposent de grands stades la possibilité de percevoir des recettes publicitaires issues de la stricte emprise de ces stades pour financer les travaux de mise aux normes – puis l’entretien – de ces infrastructures, notamment en vue de l’Euro 2016.

La représentation nationale a souhaité élargir cette mesure, initialement prévue pour les grands stades de plus de 30 000 places assises, aux équipements sportifs de 15 000 places. Dès lors, ce décret est également l’occasion de clarifier des points juridiques ambigus de la récente réglementation relative à la publicité extérieure, aux enseignes et aux pré-enseignes.

L’entrée en vigueur des dispositions de la loi dite Grenelle 2, son décret d’application du 30 janvier 2012, ainsi que les règlements locaux de publicité ont un fort impact sur l’activité des entreprises du secteur de la publicité extérieure.

L’ensemble de ces entreprises, et notamment les PME régionales, voient leurs possibilités d’expression contraintes, alors que l’affichage constitue l’un des leviers à leur disposition en vue de promouvoir leurs activités.

Par ailleurs, depuis le 13 juillet dernier, les pré-enseignes dérogatoires, dont le nombre était évalué à 600 000 sur l’ensemble du territoire, ne sont plus autorisées, sauf si elles concernent quelques activités très résiduelles. Cette interdiction a eu un effet protecteur immédiat sur les paysages.

Les intentions du Gouvernement, soucieux de la préservation de l’environnement et de la qualité paysagère, sont uniquement, dans l’esprit de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, d’offrir de nouvelles possibilités de financement aux collectivités territoriales et d’assurer la sécurité juridique des entreprises du secteur. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Chiffres de la délinquance

M. le président. La parole est à M. Frédéric Cuvillier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Frédéric Cuvillier. Monsieur le ministre de l’intérieur, vous avez rendu publique, il y a quelques jours, l’évolution des chiffres de la délinquance pour 2015. Vous avez, à cette occasion, salué le travail des policiers et gendarmes. Comme vous l’avez dit, ils ont su faire face – malgré la succession de crises et d’actes d’une exceptionnelle gravité que notre pays a connus – sans « lâcher le terrain ». Permettez-moi d’associer à votre hommage celui de la représentation nationale pour leur action et leur courage.

Je salue également, monsieur le ministre, votre action et votre méthode qui, je le sais, inspirent confiance, respect, voire fierté dans les rangs des forces de l’ordre et de secours.

Un député du groupe Les républicains. Fayot !

M. Frédéric Cuvillier. Vous vous êtes en effet engagé, s’agissant des données statistiques relatives à la délinquance, dans une démarche de transparence, de fiabilité et d’indépendance, contrairement à ce à quoi l’ancienne majorité nous avait habitués. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Christian Jacob. Vous n’avez pas le sentiment d’en faire un peu trop ?

M. Frédéric Cuvillier. Mais vous le soulignez régulièrement, monsieur le ministre, ces chiffres masquent autant de réalités humaines douloureuses, qui nous obligent. Votre mobilisation est inédite et constante.

Conformément aux engagements pris par le Président de la République et par le Premier ministre, les moyens humains, matériels et technologiques des forces de l’ordre sont considérablement renforcés. En témoignent la création, chaque année depuis 2012, de 500 postes supplémentaires – alors que 13 000 avaient été supprimés entre 2007 et 2012 – ainsi que l’augmentation de 13,4 % des moyens de la police et la gendarmerie, moyens qui avaient, eux aussi, diminué de 17 % entre 2007 et 2012.

M. Jean Glavany. Eh oui !

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Fayot ! Fayot !

M. Frédéric Cuvillier. Vous avez créé les zones de sécurité prioritaires, les ZSP, pour démanteler les réseaux délinquants.

Monsieur le ministre, au-delà de l’évolution des statistiques, les formes de la délinquance sont de plus en plus sophistiquées, comme les disparités territoriales qui la caractérisent. Je vous remercie donc de bien vouloir confirmer les efforts engagés et de préciser vos priorités. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Christian Jacob. Ministre des pompes cirées !

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, voici quelques éléments de réponse à votre question.

D’abord, comme l’avait souhaité le Premier ministre Manuel Valls, lorsqu’il était ministre de l’intérieur, au terme d’une mission de l’inspection générale de l’administration, un service de statistiques ministérielles, confié à l’INSEE, a vu le jour. Il permet de disposer de statistiques mensuelles réellement fiables, à l’instar de ce qui existe en matière de déficits budgétaires ou de chiffres du chômage.

Nous pouvons donc, désormais, renouer avec la tradition qui consiste à donner, en chaque début d’année, les chiffres de l’évolution de la délinquance pour les douze mois écoulés. Que donnent ces chiffres pour 2015 ?

Ils montrent une diminution des atteintes aux biens, et notamment des cambriolages, de 0,9 % : cette situation contraste avec l’augmentation de 18 % qui avait été constatée entre 2007 et 2012.

M. Christian Jacob. Vous ne voulez pas arrêter la démagogie ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Cette baisse de 0,9 % mérite d’être confirmée et amplifiée, mais cela traduit l’inversion d’une tendance constatée depuis de très nombreuses années.

M. Dominique Dord. C’est l’inversion de la courbe ? (Sourires.)

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Cette baisse des atteintes aux biens traduit des réalités qui méritent d’être précisées : une diminution de l’ordre de 13,4 % des vols avec violence, de 9 % des vols avec arme – ce qui constitue un très bon résultat – et de 10 % des cambriolages dans les exploitations agricoles.

Tel est le résultat de la mise en œuvre par Manuel Valls, lors de son séjour place Beauvau, de plans de lutte contre les cambriolages, notamment dans les exploitations agricoles. Ces plans ont été poursuivis par mes soins dans les mois qui ont suivi mon entrée en fonction.

Nous allons profiter des mois qui viennent pour amplifier encore ces résultats et faire en sorte qu’ils nous permettent de disposer d’un vrai bilan en matière de lutte contre la délinquance. Cela permettra à l’opposition de vociférer davantage encore à l’occasion des prochaines élections. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Lutte contre le chômage

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour le groupe Les Républicains.

M. Thierry Mariani. Monsieur le Premier ministre, la saison des Molières approche, et je crois qu’en matière de distinctions théâtrales, avec un scénario bien ficelé et plein de rebondissements comme celui que nous présente votre gouvernement, c’est le Molière du meilleur scénario que celui-ci mérite ! En effet, chaque jour une nouvelle annonce, chaque jour un ministre progressiste qui propose une mesure, chaque jour des suggestions... Regardons les deux derniers actes : à l’approche d’une renégociation des règles d’indemnisation du chômage, Mme El Khomri et M. Sapin nous parlent de dégressivité des allocations-chômage, et, à l’acte précédent, Emmanuel Macron annonçait à Davos la fin des 35 heures grâce au projet de réforme du temps de travail et, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, ses propositions qui animent le débat, la presse, sont immédiatement enterrées – regardez par exemple le rapport Badinter qui a littéralement enterré la réforme du droit du travail.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical et citoyen. Bravo !

M. Thierry Mariani. Dès lors, monsieur le Premier ministre, les annonces de vos ministres sont démenties, et les propositions de l’opposition restent à ce jour sans suite : je pense, par exemple, à celle des régions qui demandent à prendre en charge l’accompagnement dans la recherche d’emploi.

Au final, notre pays détient, vous le savez, un triste record : trois millions cinq cent quatre-vingt-dix mille chômeurs. Alors que la plupart des pays européens voient leur chômage reculer, la courbe est loin de s’inverser en France.

Au-delà des effets d’annonce, des coups de communication, des propositions peu orthodoxes de certains ministres, la comédie jouée par votre gouvernement laisse les Français de marbre. Que faites-vous réellement pour lutter contre le chômage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Mariani, vous avez raison : nous vivons depuis de nombreuses années avec un chômage à un niveau insupportable, chômage marqué par une grande précarité, et de longue durée notamment pour les personnes peu qualifiées. Nous devons nous attaquer pleinement à ce défi considérable pour notre société. Je sais bien que tout ce qui a été fait par le passé n’a pas été parfait et que ce que chacun propose pour l’avenir n’est pas particulièrement clair. Mais, au-delà de ces remarques, ce qui importe au Gouvernement et au Président de la République,…

M. Christian Jacob. C’est la courbe du chômage !

M. Manuel Valls, Premier ministre. ...c’est l’engagement pour l’emploi et contre le chômage. Les partenaires sociaux ont une responsabilité, notamment dans le cadre de la négociation de l’UNEDIC, et le Gouvernement invite chacun à prendre pleinement ses responsabilités…

M. Christian Jacob. Il faudrait que le Gouvernement prenne les siennes !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …pour tout faire afin de réduire le déficit de l’UNEDIC et aussi permettre le retour à l’emploi. Voilà ce qui est aujourd’hui de la responsabilité des partenaires sociaux. La ministre du travail l’a parfaitement rappelé : si, par malheur, cette négociation n’aboutissait pas, l’État prendrait pleinement ses responsabilités.

J’ai rencontré ce matin avec plusieurs membres du Gouvernement, d’abord à Matignon et, ensuite, lors d’un déjeuner à l’Élysée, l’ensemble des présidents de région. Je me suis donc entretenu, juste avant de venir à l’Assemblée nationale, avec le président des régions de France, M. Philippe Richert, car nous sommes en train d’élaborer pour les prochaines semaines un document conjoint qui prévoit de donner davantage de responsabilités aux régions dans le cadre de la législation actuelle, c’est-à-dire de la loi NOTRe, voire, s’il faut aller plus loin, dans le cadre d’une nouvelle législation. Il s’agit de permettre aux régions d’assumer et d’assurer pleinement leurs responsabilités dans le domaine du développement économique, de la formation, de l’accompagnement des chômeurs et de l’apprentissage. J’ai redit que nous devions être à l’écoute de l’ensemble des régions car, au-delà des couleurs politiques, nous avons une responsabilité, celle de tout faire pour lutter contre le chômage.

Dès lors, monsieur le député, au-delà des phrases, au-delà des commentaires, au-delà du cinéma, moi, ce qui m’intéresse, c’est la réalité, l’engagement de tous (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains), c’est d’entendre les messages des électeurs, et les présidents des régions l’ont parfaitement compris, c’est de tout faire pour nous engager dans cette bataille pour l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Devenir des pêcheurs guadeloupéens

M. le président. La parole est à M. Ary Chalus, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Ary Chalus. Monsieur le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, la flotte guadeloupéenne constitue la plus importante dans les régions ultrapériphériques françaises et l’une des plus qualifiée de la Caraïbe. Mais ce secteur souffre du vieillissement de la population de pêcheurs et de la flotte, sans oublier l’impact de la pollution au chlordécone. Nous misons considérablement sur l’émergence de la croissance bleue pour contribuer à la souveraineté alimentaire et pour maintenir, voire renforcer, le niveau de l’emploi dans ce secteur que nous considérons stratégique pour notre archipel.

Je ne peux donc qu’exprimer ma satisfaction au sujet du plan pêche élaboré conjointement par l’État, le conseil régional et le conseil départemental, plan qui permettra de soutenir près de 160 pêcheurs guadeloupéens confrontés depuis des années à la pollution du milieu marin par le chlordécone, à l’extension des zones de restriction de la pêche, à la prolifération des espèces invasives, tels les algues sargasses ou le poisson-lion, et à la pêche informelle et illégale. Certains pêcheurs renonceront à la pêche commerciale, d’autres rejoindront les brigades bleues, qui auront des missions de pêche scientifique ou de prélèvement d’espèces invasives, d’autres bénéficieront de fonds européens pour diversifier leur activité principale, d’autres enfin pourront solliciter le fonds d’investissement qui sera mis en place pour moderniser leur bateau et faire évoluer la nature de la pêche qu’ils pratiquent. Je salue l’action de la ministre des outre-mer qui a su répondre à l’attente exprimée par ces professionnels en définissant avec nous ce plan global qui se met en place en Guadeloupe.

Mais je tiens à appeler l’attention sur la situation des matelots, qui n’ont pas encore trouvé leur place dans ce plan. Je ne peux me résoudre à les laisser sans solution quand les marins-pêcheurs qui les emploient auront renoncé à la pêche commerciale. Monsieur le secrétaire d’État, dans un cadre qui nous resterait à définir ensemble, la situation de ces matelots pourrait-elle également être traitée par le plan afin qu’ils puissent, eux aussi, intégrer s’ils le souhaitent les brigades bleues en cours de constitution ? (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. François Rochebloine. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député, vous avez rappelé la mobilisation du Gouvernement mais aussi celle du conseil régional, du conseil départemental, sans compter celle du comité des pêches, pour répondre à une situation si particulière et si grave, à savoir que la pollution au chlordécone entraîne l’impossibilité de pêcher dans certaines zones pour des centaines d’années. Cela signifie que des pêcheurs se trouvent aujourd’hui dans l’impossibilité de continuer leur travail.

Nous avons œuvré ensemble et trouvé des solutions à travers ce plan, solutions que vous avez rappelées. Il s’agit, d’une part, d’offrir aux pêcheurs les plus âgés la possibilité, en accord avec l’ENIM – l’Établissement national des invalides de la marine, qui gère le régime spécial de sécurité sociale –, de partir à la retraite et de continuer une petite activité, d’autre part, pour d’autres, de travailler dans le cadre des brigades bleues, c’est-à-dire de pouvoir avoir une activité dans les zones où la pêche est aujourd’hui interdite pour éliminer certains poissons afin d’éviter notamment une contamination de proximité. Cette action, qui nous mobilise fortement, est aussi relayée par l’utilisation du Fonds social européen.

Au vu des résultats, la situation me semble aujourd’hui satisfaisante, mais vous appelez mon attention sur la situation particulière des matelots, c’est-à-dire des salariés de ces bateaux, situation qui serait actuellement sans réponse. Je vous le dis clairement : c’est la volonté du Gouvernement, en accord avec vous, que de ne laisser personne sur le bord du chemin et de continuer ensemble à travailler pour que chacun obtienne une solution, y compris ceux sur qui vous avez particulièrement appelé mon attention. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Annonces du Président de la République

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour le groupe Les Républicains.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le Premier ministre, le mois de janvier étant traditionnellement consacré aux vœux, le chef de l’État n’a pas failli à cette tradition : cette année, nous pouvons constater que la facture est particulièrement lourde et salée. Elle engage la France non seulement pour l’exercice 2016, mais aussi pour la prochaine mandature, jusqu’en 2019 ou 2020, ce qui est pour le moins surprenant.

En effet, le plan d’urgence pour l’emploi annoncé le 18 janvier s’élève à 2 milliards d’euros ; l’actualisation de la loi de programmation militaire à 7 milliards d’euros de 2016 à 2019, dont 2,2 milliards sur l’exercice 2016 ; la généralisation du service civique, annoncée lors des vœux à la jeunesse et aux forces de l’engagement, à plus de 1 milliard d’euros (« Ben voyons ! » sur les bancs du groupe Les Républicains), dont 150 millions d’euros a minima pour 2016 ; l’aide aux éleveurs, à 290 millions d’euros immédiatement, du moins faut-il l’espérer.

Le Président a également annoncé une aide de 1 milliard d’euros au profit de la Tunisie, qui devrait être décaissée sur cinq ans. Quant aux financements alloués à l’action de la France pour le climat, la fourchette se situe entre 3 et 5 milliards d’euros d’ici à 2020. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Voilà le résultat non exhaustif des vœux du Président – de chers vœux ! Mais, fort naturellement, janvier est fini : peut-être allons-nous enfin connaître précisément le véritable coût de ces annonces. Je rappelle, monsieur le Premier ministre, que votre gouvernement a inscrit dans le projet de loi de finances pour 2016 une réduction des dépenses pour un total de 16 milliards d’euros (« Aïe, aïe, aïe ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Or les dépenses nouvelles annoncées atteindront entre 5 et 7 milliards d’euros. Paradoxalement, vous avez rappelé l’objectif de 50 milliards d’euros d’économies sur la période 2015-2017. Où est la vérité ? Comment peut-on sérieusement faire autant d’annonces de dépenses nouvelles en assurant tenir le cap du déficit ? Plus généralement, quelle sera la crédibilité de la signature de la France après vous, au niveau national comme international ? (Applaudissements et « Bravo ! » sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Madame la députée, vous êtes, il faut le dire, assidue à nos débats budgétaires. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) C’est pourquoi votre question m’étonne. Comment pouvez-vous chercher à instiller le doute (Mêmes mouvements) sur des dépenses que le Parlement a votées, clairement votées – même si vous ne les avez pas approuvées personnellement.

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. C’est vous qui avez voté ce budget ! C’est la gauche !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous parlez de la loi de programmation militaire, mais toutes les dépenses relatives à cette loi ont été intégrées dans le budget pour l’année 2016. Vous parlez des mesures en faveur de la lutte contre le terrorisme : toutes ces dépenses ont été introduites lors de nos débats budgétaires.

M. Jacques Myard. Non !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous parlez du service civique, mais les dépenses relatives au service civique ont été incluses dans nos projections budgétaires et le Parlement les a votées. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mais vous avez raison sur un point, madame Dalloz, parce que vous ne pouvez pas avoir tort sur tout : le Président de la République a annoncé que 2 milliards d’euros seraient engagés en 2016 pour le plan pour l’emploi, s’agissant de la formation et de l’encouragement à l’embauche dans les PME.

Comme nous l’avons toujours fait, nous vous donnerons dans les prochaines semaines le détail du financement de ces mesures. Nous l’avons fait l’année dernière pour le plan de lutte contre le terrorisme. Nous l’avons fait régulièrement, en cours d’année, en dégageant des économies, sans influence sur notre trajectoire budgétaire.

Mme Marie-Christine Dalloz. Assez, ce n’est pas possible !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Voilà, madame Dalloz, la réalité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Virus zika

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Serge Letchimy. Madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, de très nombreux pays se trouvent aujourd’hui confrontés à un fléau sanitaire qui prend de l’ampleur : le virus zika, transmis par le moustique Aedes aegypti, touche massivement l’Amérique du Sud. Au Brésil, 1,5 million de cas ont déjà été recensés, alors que l’épidémie s’étend également en Guyane et dans les Antilles.

L’Organisation mondiale de la santé – OMS – a récemment reconnu dans l’épidémie une urgence de santé publique de portée mondiale. Au-delà des manifestations de type grippal causées par le virus, la relation de cause à effet entre les femmes enceintes porteuses et l’augmentation des cas de microcéphalie chez les nouveaux-nés est fortement suspectée. Il n’existe à ce jour ni traitement ni vaccin permettant de lutter contre cette épidémie.

Sur la base des avis formulés par le Haut Conseil de la santé publique, les pouvoirs publics ont réagi, par des mesures à la fois d’information et de prévention renforcée, qui doivent être mises en œuvre pour protéger les populations. Mais nos principaux efforts doivent aussi se concentrer sur l’éradication des foyers de moustiques tigre par le biais d’une forte mobilisation locale, afin d’éviter une propagation de type pandémique.

Cette mobilisation impose de renforcer les moyens sur le terrain, et d’en coordonner les acteurs – collectivités locales et pouvoirs sanitaires locaux. Ce travail est engagé, mais il doit être amplifié. Il faut garder à l’esprit qu’au-delà des conséquences sanitaires directes pour la population, des répercussions économiques et sociales sont à attendre et à prévenir.

Aussi, madame la ministre, quels sont les moyens et les mesures de renforcement de l’action locale que le Gouvernement compte mettre en œuvre pour lutter contre cette nouvelle épidémie ? Pouvez-vous nous préciser où en sont aujourd’hui les recherches d’un vaccin, afin de traiter l’épidémie de manière pérenne ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le député, comme vous l’avez indiqué, l’Organisation mondiale de la santé a annoncé hier que l’épidémie du virus zika constituait une urgence de santé publique de portée internationale. Cela permettra concrètement d’accélérer la recherche pour trouver un vaccin.

En effet, comme vous l’avez mentionné, face à zika, nous n’avons aujourd’hui ni vaccin ni traitement. La France s’est mobilisée dès le mois de décembre dernier puisque des territoires français ont été touchés, alors que l’épidémie frappait déjà massivement l’Amérique latine. Si cette épidémie concerne désormais la Guyane et la Martinique, d’autres cas ont été recensés en Guadeloupe et à Saint-Martin.

Nous avons donc engagé des actions fortes et précises. Tout d’abord, nous voulons mieux informer et protéger les personnes, notamment les femmes, qui habitent dans les territoires français touchés par l’épidémie. C’est la première exigence. Nous avons donc mis en place un suivi et une prise en charge spécifique pour les femmes enceintes, en lien avec les professionnels de santé.

Par ailleurs, j’ai lancé une mission de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires – l’EPRUS – pour identifier les besoins complémentaires des hôpitaux et des médecins sur place.

Comme vous l’avez indiqué, monsieur le député, nous renforçons, avec les collectivités locales, la lutte antivectorielle, pour éradiquer les foyers de moustiques porteurs de la maladie.

Enfin, je recevrai demain en mon ministère des élus – dont vous-même, monsieur le député – afin d’évoquer ces enjeux.

Nous recommandons aux femmes enceintes de ne pas se rendre dans les territoires, français ou étrangers, touchés par l’épidémie. Cette recommandation est également faite par de très nombreux pays du monde. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme Catherine Coutelle. Très bien !

Chiens errants en Martinique

M. le président. La parole est à M. Bruno Nestor Azerot, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Bruno Nestor Azerot. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture.

Monsieur le ministre, de nombreux éleveurs d’outre-mer, notamment de Martinique, sont désespérés, car ils voient leurs troupeaux détruits et attaqués par des meutes de chiens errants et divagants dans les élevages. La semaine dernière encore, dans un élevage ovin en Martinique, une attaque a causé de très nombreuses pertes à des exploitations, qui ne sont pas indemnisées.

Cette situation est catastrophique, et caractéristique de l’outre-mer, puisque l’an dernier, rien qu’en Martinique, ce sont près de 600 animaux qui ont été attaqués, tués ou estropiés, ce qui a causé des pertes énormes et irréparables aux petits éleveurs – qui ne les déclarent même plus.

Dans chacun des départements ou collectivités d’outre-mer, des démarches ont été engagées afin de sensibiliser les exploitants et de trouver des solutions en liaison avec les autorités, les maires, qui ont la responsabilité de ces questions, mais pas les moyens d’y répondre, et les associations de protection des animaux.

Toutefois, la situation reste inchangée, et aucune réponse publique ne vient. Le risque est grand que les éleveurs y apportent eux-mêmes une réponse, à la limite de la légalité, pour protéger leur élevage ou se protéger eux-mêmes.

Monsieur le ministre, que pouvez-vous faire pour que soit défini outre-mer un cadre spécifique d’intervention afin que les troupeaux soient protégés, que soient prévues des indemnités pour les éleveurs et que soient mises en œuvre les procédures légales adéquates ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, vous évoquez dans votre question le problème des chiens errants et divagants, qui causent des dégâts dans les troupeaux des éleveurs de Martinique.

Je veux d’abord vous rappeler que du point de vue légal, la lutte contre les chiens errants, ou tout animal domestique errant, est régie par l’article L. 211-24 du code rural, qui attribue aux maires et aux intercommunalités la responsabilité de cette tâche, à charge pour elles de repérer, d’identifier et d’enfermer ces animaux, le tout dans le cadre de protocoles d’accord avec les associations et les vétérinaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. Alain Marty. Alors ça, bravo !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Eh bien, je vois que je suis largement applaudi par le côté droit de l’hémicycle ! (Sourires.)

Cela étant rappelé, il semble nécessaire, compte tenu de l’acuité du sujet, de revoir la manière dont on le traite. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.– Sourires.)

D’ores et déjà, à la suite de votre question, une lettre sera envoyée au préfet de Martinique (« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains) pour demander qu’une réunion soit organisée afin d’évaluer les moyens des mairies et de la préfecture. Il ne s’agit certes pas d’un problème de rage, mais nous devons cependant nous organiser de manière collective ; ce n’est qu’ensuite que l’État pourra apporter les solutions que vous avez suggérées, en particulier afin de remédier aux pertes consécutives à ces attaques. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Politique agricole

M. le président. La parole est à Mme Marianne Dubois, pour le groupe Les Républicains.

Mme Marianne Dubois. Ma question s’adresse au Premier ministre ; j’y associe mon collègue Jean-Pierre Door.

La crise agricole, d’une ampleur inédite, s’enracine, avec comme fertilisants l’accumulation de mauvaises nouvelles. Toutes les filières sont touchées et aucun département n’est épargné – je pense notamment au Loiret, très mobilisé aujourd’hui.

Certes, des mesures ont été prises, mais ce ne sont pas les millions d’euros, ni les reports divers et variés qui feront l’avenir de notre agriculture ! Nous avons besoin de la mobilisation de l’ensemble du Gouvernement.

Permettez-moi donc de faire quelques suggestions avant le remaniement ministériel annoncé.

Nous aurions besoin d’un ministre, très volontaire, des affaires européennes à Bruxelles, pour en finir avec le dumping social et tendre enfin vers une harmonisation européenne. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.– Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Nous aurions besoin d’un ministre des affaires étrangères habile afin de retrouver nos marchés à l’export, notamment en Russie. (Mêmes mouvements.)

M. Bernard Roman. Incroyable !

Mme Marianne Dubois. Nous aurions besoin d’un ministre des finances efficace qui active les leviers permettant de redonner de la compétitivité au secteur agricole et qui fasse bénéficier celui-ci du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et de la baisse des charges. (Mêmes mouvements.)

Nous aurions besoin d’un ministre de l’économie courageux, qui se penche efficacement sur les clauses de renégociation et sur les relations entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs. (Mêmes mouvements.)

Enfin, nous aurions besoin d’un vrai ministre de l’agriculture … (« Eh oui ! » et vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.– Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Bernard Roman. Quelle opposition constructive !

Mme Marianne Dubois. …qui simplifierait les transpositions de règles communautaires, ainsi que les normes et mesures ayant un impact négatif. Surtout, nous aurions besoin d’un ministre à temps plein, qui ne se consacrerait qu’à ses dossiers et à la valorisation des produits français !

M. Marc Dolez. C’est lamentable !

Mme Marianne Dubois. Mon propos est amer, et je n’ai pas l’habitude de poser des questions sur ce ton, mais nos campagnes désespérées le méritent !

Monsieur le Premier ministre, combien de croix blanches faudra-t-il encore sur le parvis de la basilique de Sainte-Anne-d’Auray pour que vous preniez enfin la mesure de la situation ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Madame la députée, vous n’avez pas l’habitude de poser ce type de questions ? Eh bien, je vais quand même vous répondre.

En effet, nous aurions eu besoin d’un ministre européen qui ne cède pas lorsque l’on a décidé d’abandonner les quotas laitiers ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.– Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Nous aurions eu besoin d’un ministre de l’agriculture qui défende il y a quelques années un budget de l’agriculture tel que cela aurait permis aux agriculteurs de toucher aujourd’hui légitimement des aides pour rétribuer leur travail ! (Mêmes mouvements.)

M. Dominique Dord. Quatre ans que vous êtes au pouvoir !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Nous aurions eu besoin d’un ministre des finances qui ne fasse pas voter, avec le soutien de la majorité de l’époque, une loi de modernisation de l’économie dont la conséquence est que nous sommes obligés aujourd’hui de subir la loi de la grande distribution ! (Mêmes mouvements.)

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Quatre ans !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Alors, madame la députée, avant de poser ce type de questions, ayez en tête ce que vous avez fait ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. Chers collègues, s’il vous plaît !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Il ne faut pas raconter d’histoires aux agriculteurs !

Il y a aujourd’hui une crise, qui découle de la situation du marché à l’échelle européenne et internationale.

Pour ce qui est de la Russie, nous avons bien sûr travaillé pour lever l’embargo.

M. Sylvain Berrios. Ah oui ? Vous avez écrit une lettre ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Mais je veux citer un chiffre qui vient d’être publié aujourd’hui par FranceAgriMer : la valeur ajoutée dégagée par la filière porcine à l’export est de 70 centimes par kilo en Espagne, de 55 centimes par kilo en l’Allemagne, de 50 centimes par kilo aux Pays-Bas et de 30 centimes par kilo en France. Si nous avions eu il y a quelques années un ministre de l’agriculture capable de structurer cette filière, nous n’en serions pas là ! (Les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen se lèvent et applaudissent.– Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe écologiste.– Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Aéroport de Notre-Dame-des-Landes

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Lundi 25 janvier, le tribunal de grande instance de Nantes a validé l’expulsion des derniers habitants opposés au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

M. Jean Glavany. Très bien !

Mme Marie-Françoise Clergeau. Il a notamment reconnu que les conditions légales des demandes d’expulsion ont été jugées remplies dans tous les dossiers et a rejeté les demandes de transmission de questions prioritaires de constitutionnalité jugées dépourvues de sérieux. La situation individuelle de chacun a été étudiée. J’en veux pour preuve que le tribunal, tenant compte des revenus modestes des habitants concernés, n’a pas assorti sa décision d’astreintes financières. Les opposants disposent désormais de deux mois pour évacuer les lieux, soit jusqu’au 26 mars.

Ce jugement vient confirmer le respect des procédures et de l’État de droit par les partisans du projet. Il est donc normal d’en attendre autant des opposants déboutés par la justice judiciaire en janvier après l’avoir été par la justice administrative en juillet dernier. Par ailleurs, les derniers occupants bénéficient des indemnisations légales. Comme vous l’avez dit la semaine dernière devant cette assemblée, monsieur le Premier ministre, le projet doit avancer. Nous avons néanmoins appris dimanche qu’un énième rapport a été demandé après des dizaines d’expertises et de très nombreuses heures de débat et de concertation.

M. Jean-Paul Bacquet. Nous n’avons pas besoin d’un rapport !

Mme Marie-Françoise Clergeau. Pouvez-vous préciser le calendrier d’action du Gouvernement jusqu’au 26 mars, date à laquelle l’évacuation devra avoir eu lieu ? Quel peut être ensuite le calendrier raisonnable et réaliste de l’engagement du chantier ? Comment garantirez-vous la sécurité de tous, en particulier des riverains du site qui subissent l’État de non-droit ? Les habitants du Grand Ouest attendent de sortir enfin de la zone grise de la décision publique et d’obtenir des réponses et des actes en conséquence. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Vous avez très bien résumé la situation, madame la députée. Les procédures judiciaires sont en cours.

M. Marc Le Fur. Il faudrait qu’elles s’achèvent !

Mme Ségolène Royal, ministre. J’ai en effet demandé à mon inspection générale, en accord avec le Premier ministre, de faire en sorte que tout soit mis à plat, car il y a encore des procès d’intention selon lesquels il existerait des solutions alternatives. J’ajoute, pour être tout à fait claire, que des contentieux européens subsistent. La Commission européenne a mis la France en demeure de respecter un certain nombre de conditions auxquelles certains élus locaux n’ont toujours pas satisfait. Le travail continue donc. Il faut maintenant en appeler à la sérénité, au respect mutuel et attendre que les procédures légales s’achèvent afin de trouver la solution conciliant le développement économique par les infrastructures et le respect des règles afférentes à la protection de l’environnement.

Lutte contre le chômage

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour le groupe Les Républicains.

Mme Laure de La Raudière. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. En 2015, nous avons été champions en Europe dans au moins un domaine : la hausse du chômage. En un an, on comptait en France 100 000 chômeurs supplémentaires, au contraire de nos voisins : 100 000 chômeurs en moins en Allemagne, 200 000 en moins au Royaume-Uni, 300 000 en moins en Espagne et plus de 500 000 en Italie ! Mais que faites-vous donc ?

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Rien !

Mme Laure de La Raudière. Vous maîtrisez l’art des grandes annonces et celui de caresser dans le sens du poil les grands patrons et les créateurs de start-up, monsieur le Premier ministre, mais vous ne prenez que des demi-mesures, toujours en urgence, quand le mal économique est déjà fait. Comme en beaucoup de matières, votre politique relève d’un cynisme absolu, loin d’une politique d’action et de résultats. Toute réforme structurelle relève du mirage. Prenons à titre d’exemple le temps de travail. Le ministre de l’économie l’a évoqué mais vous-même et Mme la ministre du travail avez fermé le ban à tout changement de la durée du temps de travail et de la rémunération des heures supplémentaires.

S’agissant de la réforme du code du travail, vous initiez des réflexions et encore des réflexions, mais avez d’ores et déjà annoncé que vous ne toucherez ni au contrat de travail ni aux modalités de licenciement économique. Le développement de l’apprentissage, vous n’avez plus que ce mot à la bouche : tant mieux ! Mais sur ce point aussi vous échouez, car les entrées en apprentissage ont baissé de 10,7 % depuis 2012.

Vous êtes dans l’impasse, plombé par les incohérences politiques de votre majorité et de vos ministres. Pourtant, nous n’avons pas tout essayé. Si vous acceptiez de donner davantage de responsabilités au terrain et de liberté aux chefs d’entreprise et aux salariés, si vous acceptiez de supprimer ces normes qui pénalisent l’embauche et notre économie, vous obtiendriez enfin des résultats ! Il est encore temps de revoir votre copie en profondeur, mais aurez-vous simplement le courage de le faire ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la députée, j’ai eu l’occasion d’évoquer il y a un instant, en répondant à d’autres questions, le courage des réformes par le passé. Ce que je sais, et je reprends vos termes, c’est que tout n’a pas été fait. Tout doit être tenté pour l’emploi et pour lutter contre le chômage, et d’abord en soutenant notre économie. Tel est le sens du pacte de responsabilité, de la baisse du coût du travail et du soutien aux entreprises. Tel est aussi le sens de la réforme du code de travail que nous engageons. Nous avons commencé par les principes en demandant un rapport à Robert Badinter. Un travail suivra.

Mme Laure de La Raudière. Encore un rapport !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous m’interrogez sur le sens de ces réformes, madame la députée. Myriam El Khomri aura l’occasion de présenter devant le Parlement, et d’abord à l’Assemblée, un projet de loi réformant le code du travail, et tout particulièrement l’organisation du temps du travail.

M. Yves Censi. Nous voilà rassurés !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je vous rejoins sur un point : nous devons privilégier la négociation au sein de l’entreprise, au plus près de la réalité que vivent les entrepreneurs et les salariés. Nous proposerons notamment que l’on s’engage sur la voie du référendum en cas de difficulté. Quant aux principes, si ce sont eux qui font la marque d’une réforme, Robert Badinter et sa commission ont bien posé les problèmes et ont rappelé deux principes que je me permets d’évoquer. Il peut exister un désaccord entre nous et, au fond, il est tout à fait noble que la confrontation qui en résulte ait lieu ici, à l’Assemblée nationale, ou devant le pays.

Le premier principe, c’est qu’il faut qu’il y ait une durée légale, ou normale, du temps de travail. Actuellement, la loi la fixe à trente-cinq heures et c’est le cas depuis 1999. Entre 2002 et 2012, vous n’avez pas remis en cause la durée légale du temps de travail, que je sache, mesdames, messieurs les députés de l’opposition ! Vous proposez d’y procéder par la suite, c’est votre responsabilité et c’est ainsi que le débat démocratique doit s’organiser, mais nous ne remettons pas en cause le principe de la durée légale du temps de travail.

Un député du groupe Les Républicains. Et Macron ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le deuxième principe, celui relatif aux heures supplémentaires, fera lui aussi l’objet de discussions. Robert Badinter rappelle, et telle est également la position du Gouvernement, que toute heure supplémentaire doit être payée comme une heure supplémentaire.

Mme Valérie Boyer. C’est incroyable !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le débat sur le niveau des heures supplémentaires s’engagera avec les partenaires sociaux et dans le cadre de l’examen du projet de loi. Il faut mener des réformes respectueuses des principes, des réformes qui ne soient pas des proclamations mais qui soient utiles à l’économie, c’est-à-dire qui donnent plus de liberté aux entrepreneurs et davantage de protection aux salariés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Remorquage du Modern-Express

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Pierre Dufau. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Comme nos compatriotes, les élus et les pouvoirs publics ont suivi avec la plus grande attention les opérations de sauvetage du Modern-Express, dans le golfe de Gascogne, avec la crainte que le cargo ne vienne s’échouer sur les côtes aquitaines et les plages landaises.

Face à cette catastrophe annoncée, je veux saluer, avec l’ensemble de mes collègues, l’organisation et la maîtrise dont ont fait preuve les autorités françaises, sous la responsabilité du préfet maritime. Les enseignements du naufrage du Prestige ont été tirés. En effet, malgré une houle importante, de 5 à 7 mètres, et un vent soutenu, l’équipage a été sauvé par hélitreuillage.

Le bateau a été entouré de cinq bâtiments et des mesures préventives contre la pollution ont été diligentées à terre par Mme la préfète des Landes, avec les élus, les pompiers, la protection civile et les employés communaux.

Lundi matin, une légère accalmie a permis aux quatre voltigeurs néerlandais spécialisés de relier, par câble, le Modern-Express au remorqueur Centaurus. Une opération très délicate, qui a réussi. J’imagine que le tractage en haute mer vers le port de Bilbao ne sera pas davantage une sinécure, mais gardons confiance !

M. Yves Censi. Est-ce une question au Gouvernement ou une déclaration ?

M. Jean-Pierre Dufau. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous préciser le déroulé des opérations conduites par les services de l’État face aux risques encourus, et indiquer les dispositions prévues pour le traitement à court terme du navire ?

Cet épisode ne doit-il pas accélérer la réflexion de l’État et des élus régionaux pour positionner à La Rochelle, dans les meilleurs délais, un remorqueur de haute mer…

M. Olivier Falorni. Très bien !

M. Jean-Pierre Dufau. …destiné à surveiller le golfe de Gascogne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le président, monsieur le député, chacun a à l’esprit les images impressionnantes de ce bateau à la dérive, à 40 kilomètres à peine des côtes, à quelques heures, donc, d’un naufrage annoncé sur les plages landaises qui vous sont chères comme elles me le sont.

Il s’est agi de sauver dans un premier temps, par hélitreuillage, les marins qui se trouvaient à bord. Puis une première tentative de remorquage du bateau a échoué, en raison de conditions marines très difficiles. Mais à l’heure où nous parlons, le bateau est acheminé vers le port de Bilbao, qu’il atteindra demain.

Je remercie les autorités espagnoles qui ont accepté cette coopération. Ces jours derniers, Ségolène Royal et moi-même avons suivi les opérations, en liaison avec le préfet maritime et la préfète des Landes. Comme vous, je veux remercier la marine nationale ainsi que la société spécialisée qui est intervenue. Le risque de pollution était réel.

La question que vous posez sur le prépositionnement d’un remorqueur à La Rochelle a surgi dans le débat. M. Mariani, qui n’est plus là, distribuait des prix tout à l’heure : je ne sais lequel il mérite pour avoir supprimé cette mesure en 2011 ! Le retour d’expérience nous dira si ce prépositionnement doit être à nouveau envisagé.

M. François Fillon. Qu’en pense le ministre du budget ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Ce n’est pas parce que les choses se sont bien passées qu’il ne faut pas aller jusqu’au bout de la réflexion ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Réforme de la profession de coiffeur

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour le groupe Les Républicains.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie. L’activité des entreprises de l’artisanat et du commerce de proximité s’est dégradée, et le président de l’UPA, l’Union professionnelle artisanale, vient d’alerter le Président de la République sur l’inquiétude qui règne parmi les professionnels. Les commerçants et les artisans, maillon essentiel de notre économie, connaissent d’importantes difficultés et demandent des allégements de charges. En lieu et place, le Gouvernement les attaque en remettant en cause leurs qualifications professionnelles, comme c’est le cas pour les coiffeurs !

En effet, le ministre de l’économie a déclaré qu’il souhaitait supprimer l’obligation de détenir un brevet professionnel pour ouvrir un salon de coiffure. La profession de coiffeur est pourtant exigeante, complexe ; elle s’apprend. Il paraît dangereux de rabaisser le niveau de qualification, tant pour la sécurité de nos concitoyens que pour la santé économique de ce secteur. Le brevet professionnel est un gage de sérieux, qu’il faut maintenir. Je ne pense pas qu’abaisser le niveau de qualification soit le bon levier à actionner pour relancer l’économie !

M. Marcel Rogemont. Cessez de couper les cheveux en quatre !

M. Patrick Hetzel. Aujourd’hui, le secteur de la coiffure emploie 168 000 actifs, dégage 6,2 milliards de chiffre d’affaires et forme 21 000 apprentis. M. le ministre de l’économie veut libérer les énergies. Mais la suppression du brevet professionnel s’apparente plus à de la démagogie qu’à une volonté de s’attaquer aux vrais problèmes. Il est d’ailleurs paradoxal que le Gouvernement, qui explique mettre l’accent sur l’école et se dit attaché aux qualifications, laisse entendre que ces formations ne sont pas nécessaires. Pouvez-vous rassurer les professionnels de la coiffure ainsi que nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire.

Mme Martine Pinville, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire. Monsieur le député, vous m’interrogez sur les qualifications professionnelles requises dans le secteur de la coiffure. Il n’a jamais été question de les supprimer ! (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

J’ai rencontré récemment le président de l’Union nationale des entreprises de coiffure et nous avons évoqué ensemble cette question. Il s’agit de clarifier la question des qualifications requises pour pouvoir s’installer. Les exigences ne sont pas les mêmes selon que l’on souhaite ouvrir un salon de coiffure ou travailler à domicile. Il existe un manque de visibilité. Mais bien évidemment, les qualifications sont toujours nécessaires !

D’autre part, je suis intervenue la semaine dernière devant les membres de la fédération française du bâtiment. À cette occasion, j’ai pu échanger avec eux sur la question du maintien des qualifications professionnelles requises pour l’installation à son compte. Nous sommes en cours de discussion, mais je tiens à dire que le Gouvernement est attaché à la qualification et à l’offre de formation pour les jeunes, que ce soit à l’école ou dans le cadre de l’apprentissage. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. David Habib.)

Présidence de M. David Habib

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Économie bleue

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi de MM. Bruno Le Roux, Arnaud Leroy et Jean-Paul Chanteguet et plusieurs de leurs collègues pour l’économie bleue (nos 2964, 3178, 3170).

Présentation

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Arnaud Leroy, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, chers collègues, nous nous retrouvons en ce 2 février pour examiner en première lecture la proposition de loi relative à l’économie bleue. Cela fait bien longtemps, trop longtemps, qu’un texte dédié à la mer n’a pas été débattu dans cette noble enceinte.

Cette proposition s’inscrit dans l’action du Gouvernement en faveur du fait maritime, initiée par votre prédécesseur M. Cuvillier, et réaffirmée lors du dernier comité interministériel de la mer, ainsi que par vous-même, monsieur le secrétaire d’État.

À l’heure où la France, par l’action de son Gouvernement, cherche des solutions d’avenir, des pistes pour tirer profit de sa géographie, de sa présence sur tous les océans, de ses compétences et de son envie d’entreprendre, il est opportun, voire impérieux, de réfléchir sérieusement au potentiel des secteurs qui composent l’économie maritime. C’est toute l’ambition de ce texte.

Rappelons que l’économie bleue emploie plus de 340 000 personnes dans notre pays et représente un chiffre d’affaires de plus de 70 milliards dans notre économie.

Ce texte, dont je suis fier d’être à l’origine, est le fruit d’un long travail, commencé dès 2013, et accentué au travers des ateliers de la croissance bleue qui ont réuni l’ensemble des acteurs : l’administration, les professionnels, les partenaires sociaux, les ONG.

J’assume ma volonté d’écrire une loi utile, qui simplifie notre économie et lui permette surtout d’être plus performante et réactive dans ce monde ultra-concurrentiel qu’est le milieu maritime.

Ce texte sur l’économie bleue n’est qu’une étape supplémentaire.

En premier lieu, nous devrons apprendre à réagir plus vite pour saisir les opportunités mais aussi éviter de nous faire distancer par nos concurrents. Voilà l’enjeu auquel nous devons faire face aujourd’hui.

Dans ce contexte, la question portuaire est un sujet d’intérêt majeur pour notre pays. Les politiques ont leur part de responsabilité dans la faiblesse portuaire française. Nous ne pouvons laisser accroire que les dockers seraient seuls en cause. Voilà une belle illustration de paresse intellectuelle.

Nous sommes collectivement responsables, y compris nous, les politiques, de cet état de fait. En effet, qui décide des investissements et arbitre les choix stratégiques ? À qui doit-on jeter la pierre lorsque l’on constate, notamment dans le domaine des dessertes, qu’au Havre, premier port Français, le ferroviaire, vital pour un port moderne, pèse moins de 5 % des volumes acheminés, alors que cette part varie entre 25 et 35 % chez nos concurrents du Range nord européen ?

Nous avons besoin d’un grand plan national, « un plan Marshall portuaire », une véritable stratégie nationale, à discuter avec l’ensemble des professionnels et usagers du secteur, des élus régionaux et locaux. Il faudra du courage pour repenser le modèle économique portuaire français, qui est essoufflé. C’est un chantier de dix à quinze ans que nous devrons mener pour relever l’ensemble des défis posés.

Dans cette perspective, je salue la mise en place des missions sur les axes portuaires que vous venez de lancer, monsieur le secrétaire d’État, mais le temps presse.

Grâce à leur bilan carbone très compétitif, le transport maritime et les ports sont de précieux alliés dans un monde de plus en plus soucieux d’agir pour le climat. Le monde maritime ne peut, et ne doit pas, rester en dehors du mouvement en faveur du climat, notre bien commun.

Sans des ports performants, nous nous priverons d’appuis vitaux dans la réindustrialisation de notre pays. Une filière industrielle liée au maritime cherche actuellement son chemin : l’éolien marin. Monsieur le secrétaire d’État, je vous le dis tout de go, nous sommes en train de rater le train de l’histoire.

Une histoire avec deux chapitres, la production électrique pour la France et le développement d’une filière export. La seconde n’ira pas très loin sans la première, car les clients potentiels cherchent des démonstrateurs, ce qui, pour trop longtemps encore, manquera au large des côtes françaises.

M. Philippe Le Ray. Très bien !

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Le récent projet de PPE – programmation pluriannuelle de l’énergie – inquiète aussi nombre de professionnels faute de dégager la moindre ambition pour ce secteur. Je m’en suis d’ailleurs ouvert à la ministre de l’écologie à la fin de l’année dernière.

Rappelons également le potentiel de cette filière pour les reconversions de marins, notamment à bord des navires de manutention qui seront basés sur nos côtes.

Le travail de modernisation de notre flotte de commerce suit son cours. Cette proposition y apporte sa pierre par d’importantes simplifications administratives, avec comme boussole l’emploi et la compétitivité.

C’est le sens que j’entends donner à la création du « rôle d’entreprise », un outil de management important pour l’employabilité du marin français. Je demande sur ce point un engagement fort des armateurs, un code de bonne conduite élaboré avec les partenaires sociaux afin que nous travaillions en confiance. C’est aussi le sens de l’évolution de la loi de 1992 que j’appelle de mes vœux depuis trois ans.

Sur ce dernier point, ayons l’humilité et l’intelligence de nous tourner vers les enseignements de l’histoire. Souvenons-nous du cri de détresse lancé par Clemenceau face au manque de navires-citernes durant la Première guerre mondiale pour alimenter en essence nos troupes mécanisées, au « pool maritime » de Jean Monnet pour transporter les céréales durant la Seconde guerre mondiale afin de nourrir les Français.

La prévention et la lutte contre le terrorisme à bord des navires à passagers ainsi que la sûreté portuaire trouvent aussi des réponses dans ce texte car la menace existe également en mer.

Comme dans toute entreprise, les hommes sont primordiaux. J’avais, dès 2013, alerté sur le besoin de garder un « pool » minimum de 20 000 marins actifs en France. Il y va de notre intérêt national au regard de l’irrigation de nombreux secteurs d’activité par les anciens navigants, y compris dans l’administration.

La régulation de l’emploi maritime doit être traitée au niveau européen, c’est pourquoi je soutiens le besoin d’une nouvelle directive « manning ». Des dizaines de milliers d’emplois, présents et futurs, sont concernés à travers notre continent, car la disparition des marins européens ne sera pas sans conséquence sur la présence des centres de décisions des compagnies maritimes en Europe.

Une question agite aussi les professionnels, celle de l’enseignement maritime. Après quelques années de mise en œuvre et l’arrivée sous peu d’un nouveau directeur, un point d’étape de la nouvelle École nationale supérieure maritime – ENSM – est nécessaire. Il faut évaluer pour corriger et progresser.

Un autre enjeu est celui de la plaisance, filière d’excellence. Présente en force sur l’ensemble de nos façades maritimes, elle fait notre fierté à l’export.

La France a une vocation touristique, le nautisme et les activités balnéaires en sont parties prenantes : affirmons ces atouts. Un chapitre de la proposition de loi sera ainsi consacré au nautisme.

La pêche est un métier en pleine évolution, que nous devons accompagner, notamment par le développement du pescatourisme, un savoir-faire qu’il faut transmettre. Tel est le sens des avancées en faveur du statut de société de pêche artisanale et du travail réalisé autour du crédit maritime, qui, espérons-le, prendra toute sa part dans le besoin de financement pour le renouvellement de la flottille.

Enfin, la reconnaissance d’un statut du marin à la pêche, associé à la signature, en décembre, de la première convention collective du secteur, est une avancée pour laquelle je félicite les partenaires sociaux.

Pour faire face au défi alimentaire, la France doit aussi pouvoir s’appuyer sur une filière aquacole dynamique et respectueuse du milieu. Nous avons travaillé en ce sens.

D’une manière générale, j’ai cherché à limiter au maximum les conflits d’usage sur l’espace maritime. Comme les professionnels de la mer, j’ai conscience de la fragilité du milieu et j’en ai tenu compte dans mes travaux, mais je distingue dans notre pays une forte demande de confiance et de responsabilisation.

Sur le plan environnemental, je me réjouis que la question des océans ait été abordée à la COP21 et je serai attentif au rapport spécial du groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

Quant à la recherche liée au maritime, elle demeure cruciale, notamment pour la préservation et l’exploitation raisonnée des océans. C’est pourquoi je souhaite que nous réfléchissions activement à la coordination et aux priorités de la recherche océanographique française. C’est à mon sens l’un des préalables à la mise en œuvre de la stratégie nationale d’exploration des grands fonds marins décidée en octobre dernier.

Après des réformes d’organisation issues du Grenelle de la mer, notre administration maritime doit aussi évoluer pour sortir du « tout contrôle », et apprendre « la présomption de confiance » envers les acteurs du secteur, de l’ostréiculteur à l’armateur de Very Large Crude Carrier – VLCC. L’administration, par sa mission, son expertise, ses fonctionnaires, est partie prenante de l’équation pour une économie maritime performante. Je sais qu’elle sera au rendez-vous. Il faudra aussi et surtout renoncer à ce mal français qu’est la surtransposition.

Par respect de la Constitution, je n’ai pu aborder la question du portage et de l’affirmation d’une politique publique de la mer offensive. L’interministériel fait cruellement défaut aujourd’hui lorsqu’il faut prendre une décision. Cette situation est intenable, surtout lorsque le Président de la République et le Gouvernement ont clairement affiché leurs ambitions pour l’économie bleue. Nous devons y remédier au plus vite et au niveau approprié.

Enfin, les élus, nationaux comme locaux, doivent aussi être acteurs de cette ambition maritime de la France. Le rôle du conseil national de la mer et des littoraux – CNMN –, dont je salue la présidente Karine Claireaux pour son soutien sans faille, doit être réaffirmé comme principal lieu de débat sur les sujets maritimes au sein de la République.

Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, mesdames et messieurs les députés, la proposition de loi relative à l’économie bleue que nous examinons aujourd’hui est le fruit d’un travail important réalisé par le rapporteur depuis plusieurs mois, et qui s’inscrit dans une dynamique plus générale impulsée par le Gouvernement pour une politique maritime ambitieuse au service de notre pays.

Les événements de ces derniers jours concernant le cargo Modern Express ont porté l’attention sur la mer, formidable vecteur de croissance et de potentialités nouvelles mais aussi espace fragile, nécessitant des règles modernes et adaptées au service des hommes et des femmes qui composent la communauté des marins et des gens de mer. Je veux d’ailleurs, comme je l’ai fait lors des questions d’actualité, profiter de cette tribune pour saluer l’action professionnelle et courageuse de nos services dans le traitement de l’événement de mer du Modern Express et vous assurer de la détermination du Gouvernement pour continuer à prendre toutes les dispositions et actions nécessaires afin de protéger notre environnement marin et littoral.

La croissance bleue que d’aucuns appellent de leurs vœux est, à l’évidence, un formidable vivier de création de valeur, d’emploi et d’attractivité. Reste à lui donner corps et à rendre tangibles et concrètes ces orientations en accompagnant ce potentiel tout en veillant à ne pas affaiblir le modèle social auquel nos marins sont légitimement attachés et à assurer la nécessaire protection de notre environnement.

C’est dans cet esprit d’équilibre que le Gouvernement conduit une politique maritime ambitieuse et intégrée, prenant en compte toutes les composantes de l’économie maritime. Concrètement, le dernier comité interministériel de la mer, tenu sous la présidence du Premier ministre, a permis d’avancer et de tracer une feuille de route sur plusieurs sujets importants rappelés par le rapporteur : le renforcement de la compétitivité des grands ports maritimes ; le renouvellement de la flotte de commerce pour s’adapter aux conditions du marché mondial ; un soutien renforcé au secteur de la pêche maritime, pour préparer l’avenir et installer des jeunes ; l’affirmation d’une ambition aquacole pour la France ; une ambition réaffirmée sur les grands fonds marins ; le renforcement de nos capacités de contrôle pour protéger l’environnement marin ; ou encore, et c’est un point majeur, des dispositions permettant de valoriser le potentiel considérable des espaces maritimes ultramarins, qui forment, ne l’oublions pas, l’essentiel des espaces placés sous souveraineté ou juridiction française.

Comme l’a réaffirmé le Président de la République lors de son déplacement au Havre en octobre dernier, notre espace maritime représente une force considérable si nous savons le mettre au service de l’emploi, de l’activité, du développement durable, du respect de l’environnement, des énergies nouvelles. La mer, dans cette perspective de croissance bleue, est donc à la fois une ressource, un investissement et un domaine à protéger.

Nombre de ces éléments trouvent logiquement une déclinaison législative dans le texte proposé par Arnaud Leroy, dont je veux saluer ici l’engagement et la maîtrise au service de ces sujets de l’économie bleue, qui intéressent de plus en plus nos concitoyens. La proposition de loi, ambitieuse dans son objet, couvre un large champ, avec des propositions concernant les gens de mer, les ports, la flotte de commerce, la pêche maritime, l’aquaculture, les énergies marines renouvelables, ou encore la modernisation de nos services.

Les échanges très constructifs qui se sont tenus en commission en octobre dernier ont permis de progresser sur nombre de ces points. Des avancées importantes ont été introduites dans le texte qui vous est soumis, concernant notamment la francisation et le jaugeage des navires, ainsi que le rôle d’équipage, outil remontant au début de notre marine et bien connu des marins mais qui, au fil du temps, avait perdu en cohérence et en efficacité. Derrière ces sujets, ce sont d’importantes modernisations administratives qui sont à l’œuvre. Je vous demande donc d’appuyer la démarche de la proposition de loi.

Ce texte comporte aussi des dispositions visant à poursuivre la modernisation de la gouvernance de nos ports, sans bouleverser toutefois les équilibres issus de la dernière réforme portuaire. Je suis d’ailleurs heureux de vous annoncer que le Premier ministre vient de mandater six parlementaires en mission, répartis également entre majorité et opposition, pour élaborer au cours des six prochains mois des propositions concrètes en faveur du développement des axes situés dans l’hinterland de nos trois principales places portuaires : Le Havre, Marseille et Dunkerque. Dans le prolongement des projets stratégiques adoptés par les plus grands ports français, il s’agit de poursuivre le développement de la massification des flux, nécessaire pour que nos ports trouvent une place de premier plan dans le commerce mondial.

Permettez-moi d’insister sur cet aspect. Il serait très réducteur de n’envisager la question que sous l’angle du rapport des ports avec la mer. Car c’est le rapport des ports avec la terre, avec l’hinterland, qui est un des problèmes majeurs de la France. Nous devons garder à l’esprit la question des transports et de la massification. Depuis des décennies, on a trop souvent considéré les ports comme s’ils étaient des culs-de-sac, si vous me passez l’expression, et cette approche n’a pas permis leur développement. Pour s’en convaincre, il n’est que de considérer l’essor de certains ports de pays voisins. C’est tout l’enjeu des investissements importants que notre pays va effectuer.

D’autres dispositions visent à moderniser le régime d’emploi de nos marins et gens de mer. J’y suis favorable si elles permettent de donner un signal positif en termes d’emploi, ce qui ne doit toutefois pas conduire à dégrader le modèle social dont bénéficient nos marins. Il s’agit d’un point de vigilance essentiel à mes yeux.

Je relève également toutes les dispositions visant à moderniser notre droit à la lumière des nouveaux usages et des nouvelles pratiques. Il s’agit souvent d’évolutions nécessaires à propos desquelles le législateur se trouve légitimement interpellé.

Je n’oublie pas pour autant les usages dits traditionnels du milieu marin, au premier rang desquels les secteurs de la pêche et de l’aquaculture, qui participent de l’identité de nos territoires et de nos ports.

En matière de pêche, nous connaissons une période de transition avec les réformes importantes menées depuis 2012 au niveau européen. Nous en sommes à la phase de mise en œuvre concrète et opérationnelle de la réforme de la politique commune de la pêche dans toutes ses composantes : interdiction des rejets, nouvelle organisation commune des marchés, adoption du programme opérationnel du FEAMP – fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche –, qui fixe la stratégie d’intervention des fonds publics jusqu’en 2020.

Cette période de transition se déroule dans une conjoncture globalement favorable pour la pêche. Les chiffres des criées pour 2015 confirment une forme d’embellie pour le secteur. La valorisation des productions est en hausse, en lien avec une amélioration globale de l’état des stocks dans les eaux européennes de l’Atlantique. Les mesures de gestion actuelles, associées aux efforts constants des professionnels de la pêche, portent ainsi leur fruit.

Des efforts restent néanmoins à accomplir en faveur de certains stocks importants pour nos littoraux – je pense notamment à la sole et au bar. La profession a démontré qu’elle savait faire preuve de responsabilité et s’impliquer dans la mise en œuvre de mesures de gestion pour reconstituer ces stocks. J’en ai été le témoin lorsqu’il a fallu prendre certaines décisions difficiles. Je crois que nous devons porter une image renouvelée du secteur de la pêche, celle d’un secteur responsable, durable, qui embauche et crée des emplois.

Comme le rapporteur, je crois aussi au développement d’une aquaculture durable pour notre pays. C’est d’ailleurs une piste forte dégagée par le Premier ministre durant le comité interministériel de la mer. La proposition de loi comporte un certain nombre de dispositions favorables. Il faut désormais mettre en œuvre de manière concrète ces engagements, dans le respect de l’environnement, pour une aquaculture de qualité. Faut-il rappeler que nous importons plus de 50 % des produits aquacoles que nous consommons et que la marge de progression est considérable ? L’objectif est de conforter les sites existants, mais aussi de favoriser les implantations nouvelles par le biais de sites pilotes propices.

Les nombreux amendements déposés à l’occasion de ce débat sont le signe d’un profond intérêt de la représentation nationale pour l’économie bleue considérée au sens large, ce dont je me félicite.

Je lis beaucoup de commentaires qui en appellent à une grande loi, à une grande ambition, considérant parfois que les propositions, prises séparément, ne sont pas à la hauteur de cette ambition. Pourtant, là aussi, « il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour ». Ce ne sont pas les déclarations d’ambition pour la mer qui changeront la réalité, ce sont les mesures pour la mer ! Je préfère donc que l’on aborde la discussion en examinant les dispositifs qui répondront aux exigences que le Gouvernement partage avec le rapporteur, et non en s’en tenant au déclaratif.

Votre présentation, monsieur le rapporteur, évoque la question institutionnelle. Celle-ci n’est pas nouvelle, j’en veux pour preuve une anecdote qui pourra nourrir notre réflexion. À quelqu’un qui lui suggérait de créer un ministère de la mer, le général de Gaulle répondit : « Et pourquoi pas un ministère de la terre ? » Vous le voyez, la question est ancienne. Mais elle est légitime et elle reste d’actualité !

Je souhaite que nos débats répondent à des attentes. Je ne voudrais pas qu’ils constituent une forme de discussion en appel ou de deuxième lecture de textes que nous avons déjà examinés dans cet hémicycle, telles la loi relative à la transition énergétique ou la loi relative à la biodiversité. Nous devons nous concentrer sur le sujet du texte, qui marquera notre ambition. Connaissant la valeur des intervenants, je suis certain que la qualité du débat sera au rendez-vous. Ainsi, tous ceux qui attendent un texte prolongeant l’ambition du Gouvernement pour la croissance bleue constateront que nous avons accompli un travail sérieux et franchi une étape importante dans le retour de la France vers ce qui aurait toujours dû être son avenir : la mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Le Loch, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques.

Mme Annick Le Loch, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la commission des affaires économiques s’est saisie pour avis de cette proposition de loi pour l’économie bleue, dont l’ambition est de soutenir et de développer l’économie maritime. Le texte fait suite au rapport d’Arnaud Leroy sur la compétitivité des services et transports maritimes, remis au Premier ministre en novembre 2013.

Les travaux de la commission des affaires économiques et de la commission du développement durable ont conduit à l’adoption d’un texte équilibré entre protection de l’environnement, exploitation durable de la ressource et dynamique et rayonnement des activités économiques liées au secteur maritime et aquacole.

Le secteur de la pêche et de l’aquaculture génère chaque année environ 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires. Il est porteur d’une économie nourricière, bien sûr, mais aussi pourvoyeuse d’emplois directs et indirects sur les quelque 7 200 kilomètres de côtes françaises. Le rayonnement maritime de la France est conditionné au renforcement de sa compétitivité et de sa structuration. Cela passe par des dispositifs de simplification des procédures administratives et de l’employabilité des gens de mer, de rénovation de la gouvernance des ports et de renforcement de l’attractivité du pavillon français.

La commission des affaires économiques s’est saisie de huit articles qui visent plus spécifiquement le secteur aquacole, les entreprises maritimes et les investissements en mer.

En ce qui concerne le secteur aquacole, en particulier conchylicole, la production française bénéficie d’une position de leader sur le marché de l’huître, avec 85 % de la production européenne, mais la profession, presque absente du code rural et de la pêche maritime et du code de l’environnement, souffre d’un manque de reconnaissance. Avec cette proposition de loi, l’apport du secteur aquacole à l’économie se trouvera codifié.

Le texte répond également aux enjeux d’un secteur soumis à de fortes exigences en matière de qualité des eaux et des produits. Le défi sanitaire et environnemental est crucial pour la profession, soumise à des crises récurrentes de mortalité des naissains. Sécurité des élevages et protection des consommateurs, tels sont les maîtres-mots. À cet égard, nous proposerons un amendement prévoyant que les schémas régionaux de développement de l’aquaculture marine recensent les possibilités d’installation de fermes aquacoles en milieu fermé. Ces fermes permettent en effet de limiter les pollutions liées à l’aquaculture marine.

Les entreprises maritimes, quant à elles, seront soutenues. La pêche maritime emploie 17 000 marins et ce sont 460 000 tonnes de poisson qui sont débarquées chaque année. Je l’ai dit, les retombées économiques indirectes du secteur sont nombreuses. La balance commerciale est pourtant très déficitaire, le déséquilibre dépassant 70 % pour le poisson.

Pour cette raison, la proposition de loi contient des éléments susceptibles de renforcer les entreprises de pêche afin notamment de favoriser le renouvellement de la flotte qui, nous le savons, monsieur le secrétaire d’État, est aussi pour vous une priorité.

D’autant que d’ici trois ans, de très nombreux patrons pêcheurs artisans vont quitter le métier pour partir à la retraite. Dans le quartier maritime du Guilvinec, par exemple, on parle de la moitié des artisans pêcheurs. La transmission des entreprises et du renouvellement des hommes restent donc des enjeux très prégnants.

Les entreprises de pêche artisanale voient leur statut renforcé, grâce à l’adoption d’un amendement de notre commission qui tend à maintenir la limite de deux navires imposée pour pouvoir en bénéficier. Certes, ces sociétés doivent être soutenues et accompagnées, mais sans pour autant dévoyer le statut ni prendre le risque de créer les conditions d’une concurrence déloyale entre entreprises de pêche.

Par souci de clarification et de valorisation du métier de marin pêcheur, nous avons par ailleurs déposé un amendement qui vise à distinguer le statut de marin de commerce de celui de marin pêcheur.

M. Gilbert Le Bris. C’est indispensable !

Mme Annick Le Loch, rapporteure pour avis. Tous sont des gens de mers, mais leurs spécificités sont réelles.

La proposition de loi prévoit par ailleurs de nombreux éléments de simplification : sociale pour les pêcheurs à pieds, professionnelle pour les comités de pêche et les organisations de producteurs, judiciaire pour les gardes-jurés, entreprenariale.

L’article 22, qui entend mieux informer le consommateur sur l’origine des produits aquatiques, prévoit qu’il sera fait mention de leur pays d’origine dans les restaurants et les points de vente à emporter, et un autre amendement, adopté à notre initiative, vise à étendre ce dispositif à la restauration collective. Nous vous proposerons toutefois de rendre cet affichage facultatif afin de ne pas alourdir les contraintes des professionnels de la restauration.

Enfin, la proposition de loi prévoit de favoriser la diversification des activités, notamment par le pescatourisme, et des revenus des pêcheurs. Enfin, elle stimulera les investissements en mer grâce au développement de projets d’énergies marines renouvelables.

Cette proposition de loi, enrichie des travaux de nos deux commissions, envoie un signal fort à une profession qui, depuis plusieurs années, n’avait fait l’objet d’aucun texte législatif. Elle adapte avec acuité le droit maritime aux enjeux environnementaux et économiques contemporains. À ce titre, j’émets un avis favorable à son adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Christophe Priou.

M. Christophe Priou. M. le secrétaire d’État a parlé tout à l’heure d’amour et de preuve d’amour, mais nous pourrions aussi citer Georges Clemenceau pour qui « le plus beau moment de l’amour, c’est quand on monte l’escalier »… Nous aurions aimé gravir la passerelle du paquebot France, dans les prochaines semaines, à l’occasion de la discussion de ce texte, avec vous tous et surtout Arnaud Leroy, collègue compétent, courtois, et habité par la chose maritime, mais on ne peut guère changer les choses ni les réformer à un an d’une élection présidentielle…

Le titre de la proposition de loi, l’ « économie bleue », est ambitieux et fait suite au travail qui avait été réalisé sur la « croissance bleue ». Il est plutôt pompeux, au même titre que ceux d’autres textes récemment examinés, qu’il s’agisse du projet de loi « pour une République numérique » ou de la loi « portant nouvelle organisation territoriale de la République. Cette dernière a d’ailleurs suscité beaucoup de critiques, tant à gauche qu’à droite, eu égard, notamment, au refus d’accorder aux régions le droit d’expérimenter la gestion des grands ports maritimes.

Nous étions hier à Saint-Nazaire, aux chantiers navals STX, pour fêter, en compagnie du ministre de l’économie Emmanuel Macron, un bel événement : la confirmation par le croisiériste MSC de sa commande de deux nouveaux paquebots. Autour de la table du déjeuner républicain se trouvaient Johanna Rolland, maire de Nantes, Philippe Grosvalet, président socialiste du conseil départemental de Loire-Atlantique, David Samzun, maire socialiste de Saint-Nazaire, ainsi que de nombreux sénateurs et députés, dont Bruno Retailleau, président de la région Pays de la Loire et président du groupe Les Républicains au Sénat. Or tous ont unanimement dénoncé auprès du ministre le manque de vision stratégique dont l’État fait preuve vis-à-vis des grands ports maritimes.

À l’exception du Havre, me rétorquera-t-on… Pourtant, selon son député-maire, Édouard Philippe, qui figurait également parmi les invités, Le Havre n’est pas mieux traité que les autres ports en termes de stratégie de développement. Il existe certes le projet de canal Seine-Nord mais, outre que celui-ci n’est pas financé, on peut craindre qu’en définitive, les grands ports du Nord n’en profitent plus que Le Havre.

Au sujet de l’hinterland, je vous ai par ailleurs trouvé optimiste, monsieur le secrétaire d’État – mais peut-être est-ce parce que nous n’avons pas, aujourd’hui, posé de question d’actualité sur les grands projets structurants. Savez-vous qu’il est impossible, aujourd’hui, de réaliser un tel projet en France ? Prenons l’exemple de l’aéroport du Grand Ouest, auquel tous les participants au déjeuner d’hier se sont déclarés favorables. La semaine dernière, le Premier ministre a affirmé qu’il verrait le jour. Mais demandez à Jean-Paul Chanteguet, qui se trouvait hier dans l’Ille-et-Vilaine profonde, ce qu’en pensent les élus locaux, agacés par les revirements observés dans ce dossier, et que les derniers propos de Mme Royal semblent confirmer.

Le projet de Sivens a été abandonné, tout comme celui de l’autoroute A 381. De même, la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ne sera certainement pas entamée avant la prochaine élection présidentielle. Je crois que même si nous voulons des infrastructures, et cette volonté existe, nous aurons du mal à les réaliser.

Mon propos se voulant polémique et politique, je voudrais vous citer quelques extraits d’un livre qui vient de paraître. Jean-Marie Biette, journaliste à Ouest-France, a écrit un livre au titre évocateur, « La mer est l’avenir de la France », sujet sur lequel il a interrogé notre rapporteur Arnaud Leroy. En voici quelques extraits.

« Cherchez l’erreur : quel est le pays détenteur du deuxième patrimoine maritime mondial, juste derrière les États-Unis, la seule Nation présente sur tous les océans du globe, à ne pas encore juger utile d’avoir une politique maritime digne de ce nom, sans parler d’un grand ministère dédié qui fut pourtant annoncé par le candidat Hollande ? La France, pardi ! »

« À force de nier sa géographie, à coups de reniement et de Trafalgar politiques, la France semble avoir, pour le moment, partiellement manqué son destin naturel de leader océanique de l’Europe. Gouvernée par des " terriens " qui oublient l’essentiel de leurs promesses maritimes de campagne, la France ne sait pas encore accompagner son secteur privé, pourtant très en pointe dans le domaine. Et ce, alors qu’avec un chiffre d’affaires de 69 milliards d’euros l’économie maritime représente plus de 300 000 emplois directs. Deux fois plus que le secteur aéronautique ! Pis encore, si l’on compare le budget du CNES – Centre national d’études spatiales – à celui de l’IFREMER – Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer –, on constate que la France consacre six fois plus d’argent à la recherche spatiale qu’à la recherche sur les océans. Et pourtant, le chiffre d’affaires du maritime est dix fois plus important que celui du spatial. »

« Et quand on étudie ce qui a été présenté par le Gouvernement sur les investissements d’avenir à partir du rapport de Louis Gallois, on constate qu’ont été prévus un volet santé, un volet économie numérique, un volet urbanisme… mais nulle trace de volet maritime clairement dédié ! »

« De même pour le rapport de l’économiste Jean Pisani-Ferry commandé par François Hollande, alors fraîchement élu à l’Élysée. Son objectif était pourtant de cerner les priorités pour relancer le pays. Mais, une fois encore, la mer n’en était pas une. »

« Pourtant, la mondialisation est d’évidence une « maritimisation », puisque près de 90 % des échanges de marchandises se font par la mer. Avant d’arriver dans notre pays, 50 % de ces mêmes biens sont débarqués dans un port étranger. »

« De nombreux acteurs économiques, nationaux ou locaux, refusent ce qui n’est pas pour eux une fatalité. Ils attendent désormais des décisions énergiques, un plan volontariste, afin de tirer durablement le meilleur profit, dans le respect de l’environnement, des atouts de la France et des immenses ressources dont regorge notre patrimoine maritime. »

« Manuel Valls n’en a pas soufflé mot durant sa déclaration de politique générale, avant de se rattraper aux Assises de l’économie de la mer, organisées à Nantes, en décembre 2014 en partenariat avec le Cluster maritime français. Pourtant, en dépit de l’absence d’une volonté gouvernementale avérée et durable, la France a des entreprises leaders mondiales dans la détection, la prospection, le sismique ou encore l’extraction d’hydrocarbures, de minerais, de terres rares, nichées au fond des océans, en haute mer, ou bordant ce que l’on appelle improprement – et avec une condescendance toute métropolitaine – les " confettis " de la République. »

« Pour assurer la sécurité de tous ces territoires maritimes français et de leurs richesses convoitées, nous avons besoin d’une marine encore plus puissante et présente. Mais cet arbitrage ne dépend-il pas de cette vision maritime que nos gouvernants ont tant de mal à avoir, même à l’aube de ce XXIème siècle qui sera sans doute le plus maritime de l’histoire de l’humanité ? »

Mme Huguette Bello. C’est vrai !

M. Christophe Priou. « Les exemples très différents du contrôle des pêches en Guyane ou à Clipperton sont, à ce titre, éloquents : notre marine ne dispose que de deux malheureux patrouilleurs pour une zone de 200 000 kilomètres carrés dans les eaux guyanaises. Cela revient à vouloir surveiller la France avec deux voitures de police à peine ! Et le ratio est pis encore pour Clipperton ou dans les Terres australes et antarctiques françaises. »

« Dans son dernier discours de Président de la République, le 1er février 1969 à Brest, le Général de Gaulle a pourtant fixé clairement le cap : " L’activité des hommes se tournera de plus en plus vers la recherche de l’exploitation de la mer. Et, naturellement, les ambitions des États chercheront à dominer la mer pour en contrôler les ressources " ».

« L’homme du 18 juin appelait-il de ses vœux un plan maritime volontariste, à l’image de ceux qui ont donné naissance à l’aéronautique ou au nucléaire ? En tout cas, ses successeurs à l’Élysée n’en ont fait aucun cas, sauf en belles paroles suivies de bien peu d’actes. En 2009, au Havre, Nicolas Sarkozy appelait à réparer un " oubli historique, celui de la vocation maritime de la France ". Le 1er avril 2011, à Boulogne, le candidat François Hollande évoquait la mer comme un " un potentiel majeur pour l’avenir de la France ", réitérant une promesse " forte ", celle de la création d’un grand ministère de la Mer. On sait ce qu’il en est advenu. »

« Est-il déjà trop tard ? La France a-t-elle définitivement manqué sa vocation maritime ? Sans doute pas, mais il y a urgence à agir concrètement et à cesser de remplir les armoires de la République de nouveaux rapports sur la question. L’un des derniers en date, " La France face à la nouvelle géopolitique des océans ", réalisé par André Trillard et des sénateurs de tout bord politique, résume parfaitement l’enjeu national, le choix entre un repli frileux synonyme de déclin ou un cap volontaire vers le large : " L’importance économique, diplomatique, écologique croissante des espaces maritimes dans la mondialisation fait plus que jamais de la mer un enjeu politique grâce auquel un État peut rayonner et affiner sa puissance sur la scène internationale ". On ne saurait être plus clair. »

« La mer, sur laquelle s’effectue l’essentiel du commerce mondial, recouvre 70 % de la surface de la planète. Elle contient des réserves d’hydrocarbures, de ressources minérales et d’énergies renouvelables, de trésors biologiques inconnus, vitaux pour l’économie de demain. Ce basculement de la terre vers la mer a des conséquences stratégiques majeures. Ce constat, les professionnels et industriels regroupés dans le Cluster maritime français ne cessent de le répéter. »

« Leur appel sera-t-il enfin entendu à l’Élysée ? À la barre du pays, le Corrézien d’adoption François Hollande saura-t-il se souvenir de son enfance normande ? Aura-t-il l’audace et le courage politique de modifier durablement le cap ? L’enjeu est de taille, car la France sera maritime ou ne sera presque plus rien dans le concert des nations. » Le Président de la République nous annoncera sans doute dans quelques mois que pour répondre à cette attente, il lui faudrait un deuxième quinquennat…

J’en reviens à la proposition de loi, troisième texte de la législature consacré aux activités maritimes. Il vient en effet après l’adoption, au mois de mai 2015, du projet de loi sur les activités privées de protection de navires et celle, en juin, de la proposition de loi tendant à consolider et clarifier l’organisation de la manutention dans les ports maritimes. Un collègue s’était étonné que nous votions contre ce dernier texte, au prétexte qu’il permettrait d’obtenir – pour ne pas dire d’acheter – la paix sociale. Mais à quoi sert la paix sociale dans un désert portuaire ?

Que l’on ait jugé nécessaire de proposer ce troisième texte sur le sujet en l’espace de quelques mois signifie, au mieux, que les deux précédents étaient inutiles ou insuffisants ; au pire, qu’ils étaient nuisibles.

Au-delà des questions légitimes que l’on peut se poser sur l’articulation entre cette proposition de loi et les initiatives qui l’ont précédé, le fait de placer en son centre la compétitivité des entreprises maritimes françaises et l’employabilité des gens de mer, tous secteurs confondus, nous paraît une bonne chose.

Nous avions déjà pointé, lors de l’examen de la proposition de loi relative aux ports, la nécessité de remédier au déficit de pouvoir d’attraction des ports français, inférieurs en performance et en productivité à nos principaux concurrents et qui subissent des coûts d’immobilisation plus importants et un climat social dégradé.

Le vrai sujet était et reste le suivant : quelle est la stratégie portuaire de notre pays ? Quels sont les moyens à mettre en œuvre pour renforcer la compétitivité de nos ports vis-à-vis de la concurrence internationale ? Notre seul souci est de savoir si ce troisième texte répond enfin à cette préoccupation majeure.

Au fond, cette proposition de loi, par le nombre de sujets dont elle traite et l’absence de mesures de grande envergure, s’apparente plus à un catalogue de mesures administratives – que mes collègues et moi-même avons tenté d’améliorer – qu’à un grand texte capable de refonder la politique maritime de notre pays.

M. le président. Veuillez conclure !

M. Christophe Priou. Et même si plusieurs dispositions vont dans le bon sens, il s’agit, encore une fois, d’une occasion manquée. Pour ces raisons, en l’état actuel du texte, le groupe Les Républicains s’abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly.

M. Stéphane Demilly. « Homme libre, toujours tu chériras la mer ! » écrivait Charles Baudelaire au début de son poème L’homme et la mer. Il y décrivait une lutte entre l’homme et la mer, tels deux êtres qui s’affrontent métaphoriquement : « Et cependant voilà des siècles innombrables Que vous vous combattez sans pitié ni remord, Tellement vous aimez le carnage et la mort, Ô lutteurs éternels, ô frères implacables ! »

Permettez-moi, mes chers collègues, d’adapter cette métaphore à la relation que l’humanité a nouée avec les océans. Une relation qui, au fil des siècles, a pris une dimension industrielle pour nourrir la planète et développer nos économies.

Cette dimension a déjà conduit les États à prendre certaines mesures spécifiques. Mais il faudra mettre en œuvre des dispositions radicales si nous voulons préserver nos richesses naturelles, assurer la survie des espèces et ne pas faire de nos océans de vastes friches industrielles.

Or de telles dispositions, pour avoir du sens et une portée réellement efficace, ne peuvent être adoptées qu’à l’échelle internationale.

La France a, bien entendu, une responsabilité importante à prendre en la matière. C’est notamment dans cet état d’esprit que la question des océans a été ajoutée – tardivement et trop timidement – aux débats de la COP21. Il faudra très vite et très sérieusement réinscrire ce sujet à l’agenda environnemental international.

Les évolutions relatives à la qualité des eaux prévues à l’article 18, bien qu’assez minces, ont le mérite d’aller dans le bon sens, en prenant en compte la protection des ressources conchylicoles dans les programmes d’action pour les zones humides, mais aussi en renforçant les schémas régionaux de développement de l’aquaculture marine et en prévoyant une compatibilité entre les documents de planification, les projets de l’État et ceux des collectivités locales ou de leurs groupements.

Avec près de 11 millions de kilomètres carrés, soit quatre fois la mer Méditerranée, et vingt fois la superficie de notre territoire terrestre, la France est le second pays au monde en termes de surface maritime, ce qui représente une formidable force économique, que nous devons principalement à la diversité géographique de nos territoires d’outre-mer.

Le secteur maritime français représente ainsi près de 310 000 emplois directs, hors tourisme, un million d’emplois indirects, et 65 milliards d’euros de chiffre d’affaires, sans compter les activités littorales. C’est autant que l’automobile et deux fois plus que le secteur aéronautique, auquel je suis attaché. Les enjeux sont donc considérables. La France doit être au rendez-vous.

Malheureusement, depuis le début de la législature, peu de propositions, d’actions ou de décisions ont directement concerné le domaine maritime, alors que le Grenelle de la mer, de 2009 à 2012, avait réussi à dégager de nombreuses propositions, regroupées dans le Livre bleu des engagements du Grenelle de la Mer.

Nous relèverons simplement le Comité interministériel de la mer, qui s’est tenu le 22 octobre à Boulogne-sur-Mer, et qui devait aider à générer une véritable croissance bleue.

Aujourd’hui, la mer constitue certainement l’un des meilleurs potentiels d’activité économique et d’attractivité de notre territoire. L’émergence d’une véritable croissance bleue est donc absolument primordiale pour notre avenir. En effet, loin d’être anodine, cette notion recouvre de nombreux sujets : l’énergie bleue, le tourisme maritime, les ressources minérales marines, les biotechnologies bleues, l’aquaculture, le transport maritime, l’activité portuaire, la pêche ou encore la construction navale. C’est pourquoi le groupe UDI a toujours œuvré en faveur d’une politique maritime ambitieuse.

En 2014, le port du Havre a obtenu le titre de « meilleur port européen », pour la quatrième année consécutive, devançant ainsi Hambourg, Rotterdam ou Anvers. Nous nous devons de conserver ce savoir-faire essentiel pour l’économie de notre pays.

Alors qu’ils constituent un atout formidable pour la France, nos ports décrochent progressivement au profit de ceux de l’Europe du nord, de Barcelone, de Gênes et d’autres encore, qui pénètrent nos territoires et deviennent les ports de références pour nos entreprises. Le renforcement de la compétitivité de nos grands ports maritimes doit faire l’objet d’une stratégie dont l’investissement est l’un des éléments clés.

Pour relancer la croissance des ports français, confrontés à la concurrence exacerbée des ports européens et étrangers, un travail collectif est à mener avec les nouveaux conseils régionaux, que la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République a dotés de compétences renforcées.

Le groupe UDI a toujours rappelé la nécessité de connecter davantage nos territoires à un grand port maritime en assurant de nombreuses dessertes. À l’heure de la globalisation, les ports ont assurément un rôle à jouer dans le désenclavement de nos territoires, qui ont aussi le droit de profiter des transformations mondiales que connaissent les grandes métropoles.

Le très beau projet du canal Seine-Nord Europe, que je soutiens activement avec mon collègue Rémi Pauvros ici présent, s’inscrit dans cette logique et permettra de donner une impulsion majeure au transport fluvial.

La France, avec 73 millions de tonnes transportées en 2009, ne se trouve qu’au quatrième rang des pays européens en termes de trafic fluvial, loin derrière les Pays-Bas, avec 345 millions de tonnes, l’Allemagne, avec 246 millions de tonnes, ou la Belgique, avec 131 millions de tonnes.

Le Conseil d’analyse économique estime par ailleurs que le transport d’une tonne de marchandises sur un kilomètre par voie maritime n’émet que 19 grammes de CO2, soit cinquante fois moins que le transport par voie aérienne et douze fois moins que le transport par la route. Nos ports peuvent ainsi participer efficacement à la lutte contre le changement climatique, à condition de bénéficier de dessertes massifiées.

Les sept grands ports maritimes français définis par la réforme portuaire de 2008 – Marseille, Le Havre, Dunkerque, Nantes-Saint-Nazaire, Bordeaux, La Rochelle et Rouen – méritent la plus grande attention des services de l’État et doivent faire l’objet d’un véritable travail partenarial avec les nouveaux exécutifs régionaux.

La proposition de loi telle qu’amendée en commission du développement durable, apporte en ce sens des avancées intéressantes concernant la gouvernance des ports français.

Il en va ainsi du renforcement de la représentation et du rôle de la région au sein du conseil de surveillance et du conseil de développement des grands ports maritimes, mais aussi de la création d’une commission en charge des investissements au sein du conseil de développement pour chaque grand port maritime.

Nous sommes néanmoins loin du grand texte sur l’économie maritime que nous pouvions attendre. Alors qu’elle devrait réserver une place majeure aux ports, la proposition de loi se cantonne à des ajustements nécessaires, sans avoir l’ambition de faire de la France le premier pays en termes de transport maritime. Malgré cette réserve, d’autres mesures du texte nous paraissent aller dans le bon sens. Nous tenons à les saluer.

La disposition permettant aux navires battant pavillon français d’être affectés à une flotte stratégique en fait partie. La flotte stratégique dont dispose notre pays n’est pas à la hauteur des enjeux actuels. Il est donc primordial de renforcer le soutien à notre marine nationale, lors des opérations extérieures.

Nous nous satisfaisons également de voir qu’il est prévu d’étendre le recours aux sociétés privées de protection des navires, compte tenu de la menace terroriste.

La question de la sécurité maritime revêt plusieurs dimensions. Dans un contexte géopolitique tendu, et compte tenu de la multiplication des actes de piraterie, les armateurs ont besoin de protéger leurs navires, leurs chargements, leurs équipages et leurs passagers.

L’article 19 va également dans le bon sens en encourageant les projets d’énergie marine renouvelable. Alors que nous avons récemment adopté la loi sur la transition énergétique, il est primordial de renforcer ce type d’initiatives, notamment dans les territoires ultramarins.

Lors des débats, notre groupe avait d’ailleurs fait adopter un amendement visant à élaborer une véritable stratégie nationale de développement de la filière énergie thermique des mers en Polynésie française. Nous regrettons que l’outre-mer soit relativement absente de ce texte.

Notre groupe représentant les députés de Polynésie et de Nouvelle-Calédonie, nous considérons que nos territoires ultramarins auraient mérité un volet plus conséquent sur la protection des eaux, notamment pour éviter le blanchissement des coraux, mais aussi sur le renforcement de l’énergie durable, comme l’énergie thermique des mers.

En janvier 2014, la Commission européenne avait également lancé un plan d’action spécifique au développement des énergies renouvelables marines. D’après plusieurs études, le secteur de l’éolien en mer dégagerait un potentiel d’emplois supplémentaires de 131 000 travailleurs d’ici à 2020.

Le groupe UDI restera néanmoins vigilant sur l’application de ces mesures, l’implantation d’éoliennes offshore devant être correctement encadrée, en concertation avec les populations associées.

Concernant la traçabilité géographique des produits issus de la mer, étendue à la restauration collective, nous ne pouvons que soutenir les dispositions prises à l’article 22. Si les débats sont souvent virulents concernant les produits carnés, il est rare que des dispositions concrètes soient prises pour les produits de la mer. Nous proposerons donc, par voie d’amendement, d’aller plus loin dans ce sens.

Enfin, l’article 23 qui propose la création d’un code de la mer, dans un souci de simplification et de clarification, est une mesure sur laquelle il est essentiel d’avancer, et ce, quel que soit le devenir de la proposition de loi.

Celle-ci a du moins le mérite d’aborder des sujets trop souvent oubliés dans les débats politiques. Aujourd’hui, on l’a dit, 80 % du commerce mondial s’opère par voie maritime. Pourtant, malgré de nombreux atouts, la performance et la productivité de nos ports sont désormais inférieures à celles qu’affichent nos principaux concurrents.

Face à ce constat, nous devons mener une politique maritime d’envergure, à la hauteur du potentiel inestimable dont nous disposons. Notre action doit aussi se construire autour d’une politique européenne plus ambitieuse.

Les secteurs de la pêche, des transports, du tourisme, de la biotechnologie et des énergies renouvelables en mer représentent 5 millions d’emplois dans l’Union européenne. Ils pourraient employer 7 millions de personnes en 2020.

C’est pour cette raison que nous appelons le Gouvernement à jouer un rôle moteur afin de bâtir, au sein de l’Union européenne, avec les autres pays côtiers, une politique maritime commune plus audacieuse, dans le prolongement de la politique maritime intégrée.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe UDI apportera son soutien à la proposition de loi. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer cette initiative parlementaire importante et très attendue.

Depuis 2013 et la remise d’un rapport sur la compétitivité de la flotte de commerce et des services maritimes en France, un long travail parlementaire de qualité a été réalisé – on ne l’a pas suffisamment dit, je le fais à présent –, où tous les acteurs du monde maritime, ont été consultés et écoutés. Cet immense travail se concrétise aujourd’hui avec la proposition de loi sur l’économie bleue. Il convient de féliciter Arnaud Leroy pour la réalisation de cette œuvre de longue haleine.

En premier lieu, je salue la dimension transversale du texte. Il était important de réformer l’activité maritime au sens large, sans se cantonner à une simple réforme du transport maritime. À ce titre, la proposition de loi témoigne de la même audace que la loi Macron, qui s’intéressait aux opportunités économiques de la France de façon horizontale.

Je veux aussi souligner l’effort que représente ce texte en termes de compétitivité économique et d’attractivité pour notre pays. La France possède le deuxième domaine maritime mondial et de formidables opportunités économiques. Elle dispose de filières de formation des marins reconnues dans le monde entier et de puissantes entreprises d’armement. Pourtant, la complexité des textes et des procédures décourage parfois les opérateurs et les investisseurs potentiels. Elle nous laisse en proie à une concurrence fortement mondialisée par la singularité de l’activité maritime.

C’est donc un enjeu majeur que de conjuguer nos avantages naturels et industriels avec une législation adaptée, qui nous permette une exploitation économique optimale. En cas de succès dans cette démarche, nous pourrons raisonnablement espérer que la croissance bleue dynamise la croissance économique tout entière, dans le respect des critères du développement durable.

Le rapport d’Arnaud Leroy a souligné l’effacement maritime français. Des centaines d’emplois sont détruits chaque année, et le nombre de navires de commerce a drastiquement chuté ces dernières années. Comme dans bon nombre de secteurs, il est temps de procéder à un choc de simplification.

À cet égard, le groupe écologiste salue les dispositions du texte qui visent à simplifier le jaugeage et à regrouper sous un document unique l’acte de francisation et d’immatriculation des navires. Ces mesures fortes, significatives, largement défendues par les professionnels concernés, auront très prochainement un impact économique certain.

Dans le même esprit, il semble primordial d’œuvrer à l’attractivité du pavillon français. La série de mesures proposées, afin de permettre l’ouverture du registre international français à un plus grand nombre d’acteurs, nous paraît aller dans le bon sens.

Je veux également évoquer la gouvernance portuaire. C’est une question épineuse, tant la concurrence des grands ports de la mer du Nord ou de ceux de la Méditerranée est forte. Nos grands ports maritimes éprouvent toutes les difficultés à attirer les entreprises malgré leur position géographique très enviable.

Nous souhaitons que la compétitivité de ces grands ports maritimes fasse l’objet d’avancées législatives et réglementaires structurelles dans les meilleurs délais. Toutefois, les mesures visant à réformer leur gouvernance, notamment en y associant plus étroitement les conseils régionaux comme le prévoit l’article 3 B, vont dans le bon sens et nous semblent nécessaires pour une gestion plus adaptée aux enjeux actuels.

Je salue l’initiative du Gouvernement qui a créé trois missions sur les axes portuaires de Dunkerque, du Havre et de Marseille. Je le remercie de la confiance qu’il m’a témoignée en me proposant d’animer la mission sur l’avenir du port de Marseille, en lien avec l’axe Rhône-Saône.

Néanmoins, il y a des points sur lesquels le groupe écologiste et moi-même appelons chacun d’entre vous à la vigilance.

Le texte ne s’intéresse pas assez à la protection des milieux marins, ce qui appelle certaines critiques. Il est illusoire de vouloir promouvoir l’exploitation des espaces marins sans s’intéresser à la préservation des océans, de la mer et des littoraux. Comme l’a indiqué le Président de la République, notre espace maritime est « une force considérable, si nous savons l’utiliser, si nous savons la mettre au service de l’emploi, de l’activité, du développement durable, du respect de l’environnement, de ces énergies nouvelles que nous pouvons trouver dans la mer, des ressources qui peuvent également y être puisées sans prélèvement excessif. »

Il paraît donc nécessaire de trouver un équilibre entre compétitivité économique et protection de l’environnement, comme l’illustrent la question brûlante des boues rouges de Gardanne et, plus généralement, les problèmes de pollution aux interfaces entre mer et terre.

Par ailleurs, le titre de proposition ne nous semble pas des plus adaptés. Tel qu’il émerge du texte, le concept d’« économie bleue », ne correspond pas exactement à la notion développée par Gunter Pauli, qui s’apparentait plutôt à un modèle économique de régénération. Nous préconiserons de nommer les choses clairement, en parlant de « mer » et d’ « océan ».

Par ailleurs, ce texte aurait pu être l’occasion d’aborder la question des subventions allouées aux pêcheurs. Rappelons que la Cour des comptes évoquait, dans son rapport annuel de 2010, un secteur « sous perfusion financière ». Si personne ne nie la nécessité de soutenir la pêche, une plus grande transparence paraît nécessaire, à plusieurs égards, s’agissant des conditions de versement des subventions. Cela permettrait une rationalisation des dépenses publiques.

Il n’est en effet pas concevable que l’argent public favorise la surpêche et d’autres comportements anti-environnementaux, comme c’est trop souvent le cas actuellement, ni que soit ignorée la préservation des écosystèmes marins. En outre, il est temps de mettre en lumière le fait que les pêcheurs industriels sont beaucoup « mieux aidés » que les artisans pêcheurs, notamment en ce qui concerne l’achat de carburant. Aussi puissant que paraît le milieu marin, il doit être abordé avec retenue. Le groupe écologiste a donc déposé un amendement destiné à remédier à cette opacité des subventions, afin que notre politique d’aide au secteur soit repensée.

Il est également indispensable de s’intéresser aux hydrocarbures car, sur cet enjeu avant tout environnemental, le texte ne prévoit rien. Le groupe écologiste a donc déposé un amendement visant à interdire l’exploration et l’exploitation en mer des mines d’hydrocarbures. Je vous invite à soutenir cette initiative, alors que Mme la ministre de l’écologie a clairement affirmé que nous devions tourner le dos à cette source d’énergie. Il s’agit là de nous protéger d’expériences maladroites, voire dangereuses, dont les nuisances ont été révélées au grand jour, notamment en Guyane.

Dans une logique similaire, le chalutage en eau profonde nous semble un non-sens, et nous déplorons que le texte n’en prévoie pas l’interdiction. Le groupe écologiste a donc déposé un amendement en ce sens.

Malgré les quelques critiques et les pistes d’améliorations que je viens d’évoquer, le groupe écologiste et moi-même saluons l’avancée majeure pour l’efficience que constitue le texte en discussion.

Permettez-moi, en ce jour de visite d’État du Président de la République de Cuba, de nous rappeler à la modestie face à la mer, en citant Ernest Hemingway qui, dans Le vieil homme et la mer – récit mettant en scène un modeste pêcheur cubain – écrivait : « Il embrassa la mer d’un regard et se rendit compte de l’infinie solitude où il se trouvait. » (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme Huguette Bello. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Olivier Falorni.

M. Olivier Falorni. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission du développement durable, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, plus de trois mois après son examen en commission, la proposition de loi de loi de notre collègue Arnaud Leroy, pour une « économie bleue », poursuit sa navigation parlementaire et nous réunit en séance publique. Les mesures contenues dans le texte sont attendues par les acteurs socio-professionnels concernés. Elles sont, dans l’ensemble, plutôt consensuelles et il serait étonnant qu’elles ne rencontrent pas un large assentiment sur tous les bancs de notre hémicycle. Bien évidemment, ce consensus ne s’est pas créé ex nihilo ; il ne surgit pas du fond des eaux, comme le regret souriant provenant « des balcons du ciel, en robes surannées », selon le mot de Charles Baudelaire.

En matière d’affaires maritimes comme dans tant d’autres, compte tenu de la complexité des sociétés contemporaines, un consensus est le fruit d’un travail de fond. Nous devons cet ouvrage à un effort remarquable de notre rapporteur, Arnaud Leroy. Au nom des députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, permettez-moi de vous adresser, cher collègue, mes sincères félicitations. Vous avez relevé un défi qui n’est pas banal. Votre rapport d’octobre 2013 sur la compétitivité des transports et des services maritimes français force le respect et fait désormais autorité pour tous ceux qui s’intéressent à ces questions. La longue liste des personnes auditionnées au cours de votre mission témoigne des dizaines d’heures d’auditions que vous avez tenues. Une lecture, même rapide, de ces textes permet de prendre conscience de la complexité technique et juridique des enjeux qu’il a fallu apprivoiser pour aboutir à une proposition de loi à la fois ambitieuse et solide juridiquement, à même de redonner du souffle à la politique maritime de la France.

Quelles que puissent être les positions et les observations de chacune et chacun d’entre nous sur les mesures proposées, nous ne pouvons donc qu’être unanimes sur la quantité et, surtout, sur la qualité du travail effectué. L’effort est d’autant plus remarquable que cette proposition de loi concerne l’activité maritime dans une acception étendue : elle traite des transports, mais aussi des autres secteurs d’activité relatifs à la mer, qui sont étroitement liés.

De multiples acteurs socio-professionnels sont concernés par les dispositions du texte, notamment les armateurs, les syndicats, les pêcheurs, les ostréiculteurs, les conchyliculteurs et exploitants en aquaculture, les professionnels de la plaisance, les spécialistes des énergies marines renouvelables, ou encore les exploitants de plages privées. Pour chacun d’entre eux, l’objectif est principalement la simplification, la clarification et parfois aussi le financement des activités concernées.

Le pari consistait en la maïeutique d’un équilibre entre les besoins de l’activité économique et les impératifs écologiques, les exigences du développement durable et de la protection de l’environnement, afin de tenter de mieux limiter et de réguler les inéluctables conflits d’usage. L’enjeu est de taille : en France, l’économie maritime représente plus de 300 000 emplois directs, et 60 à 70 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel. Si tous les espaces littoraux sont par définition impliqués, pour certaines régions, elle représente des pans entiers et essentiels de leur activité, en termes d’emplois, de croissance, d’aménagement et de vitalité du territoire, mais aussi d’histoire, de tradition, de savoir-faire et d’identité. Cette identité est d’ailleurs parfois bousculée dans le texte. Si le monde maritime n’est pas le plus naturellement enclin au changement, nous avons, en France, un formidable potentiel en termes de croissance bleue, et certaines habitudes ou blocages sont autant de facteurs limitants.

Pour valoriser nos atouts, nous avons le devoir de regarder lucidement comment nous pouvons ensemble tous gagner en productivité et en compétitivité, tout en respectant les institutions et en améliorant les conditions de travail et la qualité de vie des hommes et des femmes dont la mer est le quotidien.

Le titre Ier comporte ainsi plusieurs dispositions pour renforcer durablement la compétitivité des entreprises d’armement maritime et la protection des marins. Parmi les articles de simplification, citons l’article 1er, pour le jaugeage des navires, l’article 2, pour l’embauche des marins avec « un état des services » comprenant la liste des périodes embarquées, afin de renouveler les brevets, et qui pourra être établi pour un ou plusieurs navires d’un même armateur. D’autres articles ont été adoptés en commission pour la radiation d’office du pavillon français et la délivrance d’un document unique pour l’acte de francisation et l’acte d’immatriculation, relevant de deux administrations différentes – les douanes et l’administration des transports – qu’il convient d’associer plus étroitement.

Je vous propose de soutenir un amendement, cosigné par plusieurs collègues, portant article additionnel après l’article 3 bis, qui me semble utile. Les associations qui accueillent les équipages des navires en escale dans les ports fournissent des prestations et des services adaptés à leurs besoins. Il s’agit là d’une longue tradition maritime d’accueil des marins en escale et de mise à leur disposition de moyens et services. L’article 3 de la convention sur le bien-être des gens de mer, intégrée à la convention internationale du travail maritime, ratifiée en 2013, place à notre charge une obligation en la matière en disposant que « tout membre s’engage à veiller à ce que des moyens et services de bien-être soient fournis dans les ports appropriés du pays à tous les gens de mer […] ». Or, le système actuel, qui repose sur une contribution volontaire des armateurs, ne me semble pas satisfaisant. Nous proposons de créer un droit de port dévolu au financement des foyers d’accueil pour le bien-être des marins.

S’agissant de la gouvernance des ports, le chapitre II contient des mesures d’adaptation au nouveau cadre des grandes régions. Le chapitre III contient des dispositions pour la protection et l’employabilité des gens de mer. L’article 6 renforce le droit des autorités à demander la présentation de la liste d’équipage, tandis que l’article 7 permet aux fonctionnaires des affaires maritimes de procéder au contrôle de l’application des dispositions « pays d’accueil » pour faciliter les échanges entre les services.

Il est de notre devoir de veiller de près au phénomène du dumping social, de veiller à réguler la concurrence entre travailleurs relevant notamment de régimes de protection sociale et disposant de conditions de travail, de libertés syndicales et de minimums salariaux souvent très différents. Ce phénomène, issu de la globalisation des échanges, de la mobilité du facteur travail, touche des pans entiers de notre économie, mais il impacte presque mécaniquement les transports internationaux et, en particulier, les transports maritimes. Il n’est pas question de détériorer ou de fragiliser les conditions de travail ou les règles régissant certaines professions.

Lutter contre ce phénomène, c’est aussi préserver des bassins d’emplois indispensables à la vitalité de nos territoires littoraux. Nous devons être plus exigeants, car la menace est une réalité. Pour préserver la puissance maritime française, nous devons être en mesure de faire respecter les règles. Tel est l’objet de l’article 7.

Le chapitre IV comprend des mesures utiles pour renforcer l’attractivité du pavillon français. Ainsi, l’article 12 autorise les ferries et les navires de croisière à organiser des jeux de casinos, réservés pour l’instant à leurs concurrents. C’est un débat parfois houleux, et je peux comprendre certaines craintes – des contrôles forts et une stricte régulation doivent évidemment être mis en place –, mais le temps de la prohibition me semble désormais révolu.

Le titre II comprend des mesures relatives aux pêches maritimes et aux cultures marines, et donc à la conchyliculture. Les huîtres et les moules sont « les abeilles des océans », a-t-on coutume de dire. La préservation de la qualité des eaux et la conservation des zones conchylicoles, comme des zones humides, au titre de leur biodiversité, doivent nous garder des épisodes de forte mortalité que nous connaissons depuis des années, notamment en Charente-Maritime.

M. Yannick Moreau. Il a raison !

M. Olivier Falorni. L’article 18 reconnaît la singularité des zones conchylicoles. En modifiant le code de l’environnement, cet article permet, pour la première fois, la mise en œuvre de programmes d’actions pour préserver le milieu de tout contaminant. Le titre III comporte diverses dispositions sur l’assurabilité des projets d’énergie marines renouvelables, ou encore sur l’autorisation donnée aux entreprises ayant une activité internationale d’établir leur comptabilité en devises.

L’article 22 dispose que les restaurateurs affichent sur leurs cartes le pays d’origine ou la zone de pêche des produits aquatiques distribués. Nous y tenons beaucoup : c’est une demande constante des députés du groupe RRDP pour l’ensemble des produits que nous consommons. Les consommateurs et notre production française ont tout à y gagner, y compris pour les produits transformés ; nous ne devons pas céder aux industriels qui refusent cette information aux consommateurs.

Globalement, ce texte comporte de nombreuses mesures favorables. Certaines suscitent le débat et nourrissent des craintes que je peux comprendre, mais nous le soutenons avec confiance, car il donnera un nouvel élan à notre puissance maritime.

En ces temps solennels de défense de la liberté, nourrissons-nous, à l’occasion de ce débat, de Baudelaire, qui invite l’homme libre à chérir la mer, une « mer fascinante par son infinitude », une « mer à notre image, miroir où l’homme regarde son double comme un frère à la fois jumeau et ennemi, comme l’infini toujours possible de sa liberté ». Cette mer, « la mer toujours recommencée », comme l’écrivait Paul Valéry, est notre atout, notre avenir. Tel est le sens de ce texte, et c’est pourquoi nous le voterons. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme Huguette Bello. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, les occasions sont rares dans cet hémicycle de traiter des enjeux de l’économie de la mer, qui représente pourtant un atout majeur pour notre pays et un formidable levier de croissance et d’emplois.

Notre pays dispose en effet du deuxième domaine maritime mondial. Cela nous invite à conduire une politique maritime non seulement ambitieuse, mais également responsable, notamment en matière de gestion durable des ressources. Le 19 janvier dernier, WWF France a publié un rapport très préoccupant sur l’état du bassin méditerranéen. Ce rapport a mis le doigt sur les dégâts occasionnés par l’intensification du tourisme, de la pêche, de l’aquaculture et des activités minières. Dans un proche avenir, 40 % de la surface de la Méditerranée sera concernée par les explorations d’hydrocarbures. Le trafic maritime devrait y être multiplié par deux d’ici à 2030. Près de 500 millions de touristes se masseront sur ses rives et 5 000 kilomètres de littoral auront probablement été bétonnés d’ici dix ans.

Certes, la Méditerranée ne représente qu’1 % de la surface des océans, mais nous savons déjà combien les écosystèmes océaniques sont dégradés. Prenons l’exemple de ce septième continent fait de déchets plastiques, ou encore de cette immense zone morte de 22 000 kilomètres carrés au large du golfe du Mexique, où la vie marine a totalement disparu, faute d’oxygène, à cause des pollutions d’origine agricole qui viennent se déverser dans le golfe ; on pourrait évoquer également les marées noires et l’état parfois préoccupant de certains stocks de poissons.

Promouvoir une économie bleue à même de soutenir durablement nos économies nationales suppose, nous le savons tous, de réconcilier à l’avenir croissance économique et gestion durable et d’adopter une vision transversale des enjeux. Or le texte soumis à notre examen ne répond pas à cette préoccupation. Si notre rapporteur n’est probablement pas insensible à la cause environnementale, la proposition de loi dont nous allons débattre aiguise davantage les contradictions qu’elle ne les surmonte.

Si votre texte passe en revue un grand nombre de sujets, monsieur le rapporteur, il vise avant tout à répondre aux besoins « en termes de simplification, de clarification et de financement ». Son objectif assumé est de renforcer la compétitivité des exploitations maritimes. Nous y retrouvons notamment les préconisations du rapport sur la compétitivité des services et transports maritimes remis au Premier ministre en novembre 2013. Ce texte ne propose aucun infléchissement de la politique maritime française. Il s’inscrit dans la continuité de la course à la compétitivité, au détriment des gens de mer et de la prise en compte sérieuse des enjeux environnementaux.

La France doit valoriser « ses atouts pour faire face à une concurrence internationale qui devient de plus en plus rude », dites-vous. Si l’avenir de la mer n’est pas un long fleuve tranquille, il ne saurait cependant à nos yeux s’accommoder des logiques de privatisation et de financiarisation aujourd’hui à l’œuvre. Nous savons tous que la marine marchande française, par exemple, est menacée de disparition dans le contexte d’une concurrence internationale exacerbée qui l’entraîne depuis des décennies dans une spirale de dégradation de l’emploi des marins français. Pour sortir de celle-ci, doit-on continuer de brader l’attractivité du pavillon français sur l’autel du dumping social ou au contraire œuvrer à la conquête, au plan international, d’un haut niveau de sécurité et de normes sociales ? Devons-nous, comme vous le proposez, élargir le registre international français à la grande pêche pour renforcer la compétitivité de la flotte française dans les zones de pêche au thon tropical, ou devons-nous au contraire renoncer à ce registre d’immatriculation déclaré pavillon de complaisance par la Fédération internationale des ouvriers du transport ?

De même, concernant l’aquaculture, comment ne pas partager le souci qui est le vôtre de voir cette filière se développer ? Faut-il pour autant, au motif de renforcer la capacité exportatrice de la France, faire fi des graves questions que soulèvent la pollution des océans et la destruction des milieux quand on sait combien les côtes d’Écosse ou de Norvège ont souffert du développement d’une aquaculture uniquement soucieuse de compétitivité ?

Nous reviendrons sur toutes ces questions au cours de nos débats. À ce stade de nos discussions, nous ne pouvons cependant que faire l’amer constat de divergences profondes. Votre proposition de loi ne s’attache nullement, selon nous, à inventer la politique maritime de demain, qui devrait conjuguer efficacité économique, respect des hommes et protection de l’environnement. Elle vise uniquement et pour l’essentiel à adapter notre cadre normatif à la satisfaction des appétits privés. Dans ces circonstances, notre vote sera fonction du sort réservé à nos amendements.

M. le président. La parole est à M. Christophe Bouillon.

M. Christophe Bouillon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier Arnaud Leroy de cette proposition de loi pour l’économie bleue.

J’ouvrirai mon propos, si vous le permettez, en citant une personne qui, sans être poète, connaît très bien la mer et les océans : Olivier de Kersauson. Pour ce marin averti : « Prendre la mer, c’est tout sauf une fuite, c’est au contraire une discipline et une contrainte. Décider d’aller chevaucher les vagues, c’est une conquête, et pour conquérir, il faut partir. C’est l’extraordinaire tentation de l’immensité. La mer, c’est le cœur du monde. »

La mer, c’est aussi un cœur pour notre territoire. Est-il nécessaire de rappeler que notre pays dispose d’un littoral d’une longueur de 7 200 kilomètres de côtes et d’une zone économique exclusive de 11 millions de kilomètres carrés, à laquelle viennent s’ajouter 579 000 kilomètres carrés d’extension du plateau continental au large des Antilles, de la Nouvelle-Calédonie, de la Guyane et des îles Kerguelen ? La France est en effet le deuxième domaine maritime mondial après les États-Unis.

Fils et petit-fils de marin, j’ajouterai à cela que la mer est aussi un cœur pour nos concitoyens, et pour un grand nombre des marins et de leur famille qui en font partie. La mer, et plus largement l’économie maritime, représente plus de 310 000 emplois directs, 60 à 70 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel. En 2013, la pêche et l’aquaculture françaises ont généré 1,1 milliard d’euros de chiffre d’affaires, 23 000 emplois directs développant chacun trois à quatre emplois à terre ; c’est dire le rôle essentiel de ce secteur dans notre économie !

Il est important à ce stade de notre débat de saluer le travail décisif effectué par le rapporteur, qui grâce à un ensemble important de consultations et d’auditions a pu construire une proposition de loi dotée d’outils concrets et opérationnels au bénéfice d’une politique maritime forte et ambitieuse pour notre pays, comme vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État.

Les acteurs impliqués dans les activités liées à la mer – je pense en particulier aux armateurs, aux syndicats, aux pêcheurs, aux exploitants en aquaculture, aux spécialistes des énergies marines renouvelables – ont ainsi pu exprimer leur sentiment et leurs attentes sur un tel texte. Ces attentes ont été discutées, entendues et intégrées à nos réflexions communes.

La croissance bleue, si l’on se réfère aux différentes thématiques abordées dans la proposition de loi d’Arnaud Leroy, est un formidable vivier d’emplois et un levier d’attractivité qui permet notamment le renforcement de la compétitivité des grands ports maritimes français et leur offre de nouvelles perspectives de développement. L’investissement est ici l’un des éléments clés de la réussite.

Il en va de même au sujet de l’attractivité du pavillon français. Les mesures de simplification pertinentes proposées par le texte examiné aujourd’hui vont sans nul doute permettre d’y voir plus clair dans les méandres de la réglementation actuelle.

Plusieurs dispositions dans le texte visent à augmenter l’employabilité des gens de mer et à revoir leur protection sociale en évitant, bien entendu, tout retour en arrière. Les marins et les travailleurs de la mer sont des personnels particulièrement vulnérables au dumping social. Ne rien faire en la matière reviendrait finalement à laisser disparaître cette filière. Les évolutions du code des transports proposées ont pour ambition la protection et la promotion de nos atouts.

Enfin, il faut souligner que la proposition de loi fait l’objet d’un titre consacré au soutien renforcé au secteur de la pêche maritime et des cultures maritimes. La pêche française est riche de sa diversité. En revanche, la flotte de pêche française décline et doit également faire face à un vieillissement des navires. Le secteur de l’aquaculture, bien que performant à l’échelle européenne, peut être mis davantage en valeur pour accroître son développement et répondre plus encore à la demande mondiale. Tous les articles de ce titre ont pour ambition de maintenir une économie maritime durable, compétitive et structurée. Il s’agit d’un signal fort envoyé aux acteurs de ces filières.

Les énergies marines renouvelables – par exemple l’éolien marin, l’énergie thermique des mers, l’hydrolien, la force des marées par les vagues – offrent un potentiel fort qu’il s’agit de développer. L’importance du domaine maritime français offre des perspectives prospères à ces énergies, qui elles-mêmes favorisent l’émergence de nouveaux métiers.

À ce jour, l’installation de trois parcs éoliens a déjà été prévue sur la façade maritime de la Manche en Seine-Maritime, notamment. Si la Haute-Normandie était jusque très récemment la première région de France pour les énergies marines, la nouvelle région Normandie profitera du développement de l’éolien marin. La construction et l’installation de ces trois fermes éoliennes nécessitent en effet la structuration de toute une filière encore aujourd’hui en devenir et la création de milliers d’emplois au sein d’usines en cours d’implantation. Il est donc important de saluer la proposition faite dans le texte d’alléger les conditions assurantielles des énergies marines renouvelables : cela suscitera un engagement croissant de co-assureurs pour ce type de projets dans le futur.

Il était urgent de s’atteler à de telles réformes. La concurrence internationale en la matière exige de nous que nous gardions le cap pour préparer l’avenir et installer les jeunes.

Je conclurai mon intervention en reprenant le propos de notre secrétaire d’État au sujet de l’ambition que sert ce texte, de l’ambition de la politique française en la matière. Jacques de Bourbon Busset disait : « Il faut être ambitieux, mais il ne faut pas se tromper d’ambition. » Avec cette loi, nous ne nous trompons pas d’ambition. Avec cette loi, nous avons l’ambition commune de faire évoluer notre politique maritime, en faveur d’une économie bleue et pour une croissance bleue. Si on y ajoute le blanc de l’écume de mer et le rouge de la passion, nous servirons ce pays. En votant ce texte, en effet, nous servirons la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Moreau.

M. Yannick Moreau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, pêche artisanale de qualité, construction en aval de plaisance avec le leader mondial Bénéteau, énergies marines renouvelables, aquaculture, ostréiculture, mytiliculture, sauniers, biotechnologies marines, tourisme littoral, course en solitaire autour du globe sans escale du Vendée Globe : je suis élu d’un département, la Vendée, qui concentre tous les défis, tous les enjeux et toutes les opportunités de croissance de notre économie maritime. C’est dire le plaisir, mon cher collègue Arnaud Leroy, monsieur le secrétaire d’État, que j’ai à débattre avec vous aujourd’hui de l’avenir de notre économie maritime.

L’actualité rappelle d’ailleurs l’existence de l’économie de la mer à ceux de nos collègues qui n’auraient pas la chance de la voir tous les jours. Je ne peux pas, en tant qu’élu du littoral, élu vendéen d’une côte si durement frappée dans le passé, ignorer le fait – un soulagement – que les sauveteurs, parmi lesquels la marine nationale, que je salue, viennent de mettre hors d’état de nuire le navire roulier en perdition Modern Express. Rien que cette affaire – opportune, presque providentielle pour notre débat – mérite réflexion : le navire est panaméen, armé de marins philippins, exploité par un armateur ayant son siège à Hong Kong. Nous sommes là au cœur du sujet, mes chers collègues.

Et nous en sommes arrivés là à la fois pour des raisons qui nous dépassent – la mondialisation des transports maritimes – et pour des raisons qui sont de notre responsabilité, une responsabilité d’ailleurs partagée. Où est l’ambition maritime de la France depuis des dizaines d’années ? Où est notre prise de conscience partagée que la France est une puissance maritime ? Où sont les moyens que se donne notre pays pour assumer son rang de puissance maritime ?

Autant le dire, la gauche a trop souvent dans le passé critiqué les projets de loi parce qu’ils étaient portés par la droite ; j’éviterai de tomber dans le même écueil de manière inversée. Je me félicite au contraire de ce texte, de ce débat, de ce qu’une telle urgence soit posée aujourd’hui.

L’auteur de la proposition de loi, notre collègue Leroy, a fait un travail en concertation avec les professionnels et répond à un certain nombre de leurs attentes évidentes. C’est la bonne méthodologie. La mer n’est pas de gauche ou de droite ; elle est bleue. Est-ce à cause de cette bonne méthode que je ne peux que déplorer, en revanche, que la proposition de loi d’origine, cohérente et volontariste, ait été dépecée de nombre de ses dispositions pertinentes par l’action conjointe du Gouvernement et de la commission du développement durable, qui se sont rangés à l’avis de l’administration ? Ne soyez pas surpris qu’en conséquence, bien que je regarde le texte avec bienveillance, un certain nombre de collègues et moi-même demanderons par voie d’amendement de rétablir le texte initial. Puisse notre conscience de parlementaire se libérer des consignes de vote. J’appelle donc tant les collègues du groupe d’Arnaud Leroy que ceux de mon propre groupe à penser bleu un instant en rétablissant les articles que nous sommes prêts à défendre au nom de l’intérêt maritime.

Il y a toutefois un « mais » : cette loi n’est pas la loi Macron de la mer, elle n’est pas le plan Marshall des océans. Le résultat n’est pas à la hauteur de l’ambition maritime que nous portons tous collectivement pour la France. Ce texte ne reflète pas notre ambition de faire de la mer l’avenir de la terre.

Tout d’abord, un certain nombre de sujets majeurs sont éludés ; ayant déjà eu l’occasion de le dire en commission, je ne m’étendrai pas trop longtemps sur le sujet. Concernant la pêche, en particulier, rien n’est dit des difficultés que rencontrent nos marins pêcheurs du fait du caractère illisible des TAC – totaux admissibles de capture – et quotas annuels.

Rien n’est dit non plus concernant la gouvernance de la mer, qui relève d’un secrétariat d’État lui-même placé sous la tutelle pesante du ministère de l’écologie – je vois qu’Olivier Falorni me comprend. (Sourires.) Rien n’est dit non plus des moyens que l’État consacrera à l’affirmation de notre souveraineté sur les 11 millions de kilomètres carrés de notre espace maritime.

Les pêcheurs ne sont pas des prédateurs : ils sont avant tout des entrepreneurs qui font vivre nos ports et notre économie maritime littorale.

Ce texte recèle un deuxième écueil, car il n’ose pas toucher au grand totem de l’économie de la mer, à savoir le statut des marins – notamment les questions liées à la protection sociale. Il n’ose pas toucher à la question du service minimum dans les transports maritimes, non plus qu’au RIF, encore trop souvent considéré comme un pavillon de complaisance. Il n’ose pas, enfin – et c’est peut-être le plus grave pour l’emploi et l’économie maritimes –, toucher au coût du travail par le moyen d’exonérations de charges sociales. Vous avez pourtant rappelé dans votre rapport, monsieur le rapporteur, que le pavillon français est 40 % plus cher que le pavillon danois ou italien !

Mes chers collègues, pour conclure, je vous invite à oser regarder l’avenir de la France en bleu. À l’heure où tout devient vert, sauf les feux de la croissance et de l’emploi, regardons l’avenir de la France en bleu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, après deux débats sur le domaine maritime de la France, qui ont eu lieu en juin 2013 et en janvier 2015, à l’initiative, respectivement, des groupes de la Gauche démocrate et républicaine et de l’Union des démocrates et indépendants, l’Assemblée nationale examine aujourd’hui le premier texte – et sans doute le seul – de cette législature consacré à l’activité maritime. Il s’agit d’une étape importante, qui propose d’affirmer une ambition et de lancer une politique durable à la mesure du potentiel de l’immense surface maritime dont la France est dotée.

À force de le répéter, nous savons qu’il s’agit du deuxième domaine maritime mondial, et que grâce aux outre-mer, la France est présente sur quatre océans. Mais il convient encore de noter que ce domaine vient de s’agrandir, grâce à l’extension de plus de 500 000 kilomètres carrés du plateau continental au large des Antilles, de la Nouvelle-Calédonie, de la Guyane et des Kerguelen.

L’examen de cette proposition de loi intervient au moment où le grand port maritime de la Réunion écrit une nouvelle page de son histoire avec, d’une part, la livraison, après vingt mois de travaux seulement, de nouvelles infrastructures modernisées et plus performantes – quai d’accostage plus long, darse plus profonde, nouveaux portiques –, et, d’autre part, la décision de la troisième compagnie maritime mondiale de renforcer sa présence à la Réunion. Grâce à la CMA-CGM, Port-Réunion, le quatrième port à conteneurs de France, est le nouveau hub de transbordement de l’océan Indien, par lequel transiteront de nouvelles liaisons internationales qui desserviront l’Asie, l’Afrique, l’Australie, l’Inde, le Moyen-Orient.

Au-delà de la gouvernance, le défi pour nous est surtout d’articuler ce carrefour maritime avec la zone arrière portuaire qui doit accueillir et permettre le développement d’activités à forte valeur ajoutée. Je dois rappeler, à cet égard, que l’engagement de l’État, d’ici 2017, pour l’avenir de cette zone, est très attendu par tous les acteurs.

Développer l’économie bleue, c’est évidemment soutenir la pêche et l’aquaculture. Les outre-mer, qui représentent 97 % de la zone économique exclusive française, ne font pas exception au paradoxe national : l’autosuffisance alimentaire en produits de la mer n’est que de 20 %. À La Réunion aussi, le recours aux importations est considérable et représente plus de 60 millions d’euros par an. Cette situation, qui se détériore d’année en année, n’a toujours pas convaincu les autorités européennes de lever les blocages qui entravent littéralement le développement de cette filière.

Alors même qu’elle a reconnu que les ressources halieutiques de nos territoires sont abondantes, l’Europe continue à interdire, et ce depuis plus de dix ans, les aides à la construction des navires dans les régions ultrapériphériques françaises. À cause de cette application uniforme de la politique commune de la pêche, ignorant la géographie et singulièrement l’hémisphère sud, nous ne disposons toujours pas d’une flotte de pêche conforme à nos potentialités. Nous souhaitons, monsieur le secrétaire d’État, que les conclusions du rapport de Pierre Desprot et Jean-Michel Suche sur le nécessaire renouvellement de la flotte de pêche française, ainsi que la prochaine initiative du Parlement européen en faveur de règles différenciées, constituent les leviers du changement pour les outre-mer.

L’économie bleue, c’est aussi les énergies renouvelables. Ce secteur est appelé à connaître un développement considérable : sans doute le texte aurait pu aller au-delà de la question assurantielle. Combiner les enjeux maritimes et la protection de l’environnement offre des perspectives prometteuses à plus d’un titre : en tant que régulateur, l’océan joue un rôle essentiel dans la lutte contre le changement climatique. Il est aussi une source d’énergies non polluantes. Là encore, les expériences menées dans les outre-mer pourraient contribuer de manière décisive à la transition énergétique, pour peu que les conditions soient davantage incitatives. L’exploitation expérimentale de l’énergie thermique des mers menée actuellement en Martinique, ou encore le projet innovant de climatisation par eau de mer des profondeurs – appelé SWAC, pour Sea Water Air Conditioning – en cours à la Réunion le montrent très amplement.

Même s’ils dépassent le cadre de ce texte, l’enseignement et la recherche sont incontournables, car il n’y aura pas de développement maritime sans politique d’enseignement et de recherche ambitieuse. Première puissance maritime au sein de l’Europe, la France bénéficie à l’échelle internationale d’une incontestable reconnaissance scientifique grâce à des instituts réputés – je pense à l’IFREMER – et à des outils exceptionnels – je pense au Marion-Dufresne, basé dans les Terres australes et antarctiques françaises, et qui est – rappelons-le – le seul navire de recherche européen. La France est donc sans doute la mieux placée pour proposer le lancement d’un grand plan européen de recherches et d’investigations sur les mers et les océans.

Par ailleurs, la formation aux métiers de la mer est essentielle. Le temps est venu de dessiner, en liaison avec les collectivités locales, la carte des lycées maritimes. L’inauguration, en septembre dernier à Saint-Malo, du beau lycée maritime Florence Arthaud, est de bon augure. Cela m’encourage à plaider une fois de plus pour l’ouverture d’un établissement similaire à La Réunion.

Vous l’avez compris, je voterai en faveur de ce texte que nous propose notre collègue Arnaud Leroy, parce que je suis convaincue qu’il contribuera à favoriser nos retrouvailles avec le grand large. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troallic.

Mme Catherine Troallic. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, chers collègues, cette proposition de loi s’inscrit résolument dans la volonté du Gouvernement de construire une politique maritime nationale d’envergure, et de faire de la France une grande porte d’entrée maritime de l’Europe. Élue de la circonscription de Seine-Maritime où se situe Port 2000, premier port français pour le commerce extérieur et le trafic de conteneurs, je ne peux que me réjouir de cette initiative.

Je souhaite également saluer Arnaud Leroy, rapporteur de ce texte, pour le travail collaboratif et participatif qu’il a mené avec l’ensemble des acteurs du monde maritime et portuaire. Des heures d’auditions fort utiles ont en effet été réalisées, et ont permis à chacun d’exprimer ses attentes et de faire part de ses interrogations. La France, avec ses outre-mer, est présente sur quatre océans et possède la deuxième surface maritime du monde – cela a été rappelé. Cela représente 300 000 emplois directs, près d’un million d’emplois indirects, et 65 milliards d’euros de chiffre d’affaires, sans les activités littorales.

La mer est donc une ressource majeure pour l’avenir, la croissance et l’emploi en France. Lors de sa venue au Havre pour l’inauguration du porte-conteneur Bougainville de la CMA-CGM, le 6 octobre dernier, le Président de la République a d’ailleurs rappelé – nous avons les mêmes sources, monsieur le secrétaire d’État – que notre espace maritime est une force considérable, si nous savons la mettre au service de l’emploi, de l’activité, du développement durable et du respect de l’environnement.

Le comité interministériel de la mer du 22 octobre dernier a été l’occasion pour le Premier ministre et pour vous-même de rappeler cette ambition en annonçant des mesures concrètes et opérationnelles pour renforcer les outils des ports maritimes, afin qu’ils puissent faire face à la concurrence des autres ports européens. Je tiens également, monsieur le secrétaire d’État, à saluer votre engagement et celui du Gouvernement pour le développement de l’axe Seine, qui est un des piliers d’une politique maritime nationale. Je salue votre ambition de faire de cette zone d’excellence économique et logistique une zone de dimension mondiale.

En ce sens, la mission parlementaire décidée par le Premier ministre et confiée à notre collègue Valérie Fourneyron – que je salue – sur l’avenir des ports du Havre et de Rouen, du groupement d’intérêt économique HAROPA – pour Le Havre, Rouen, Paris – avec l’axe Seine, est une très bonne chose. Cette mission se situe dans la continuité des engagements du Gouvernement en faveur du développement de l’axe Seine. À ce sujet, il faut également souligner l’engagement financier de l’Europe, de l’État et de la région Haute-Normandie – au moyen des contrats de plans État-région, les CPER, et des contrats de plan interrégionaux État-régions, les CPIER, pour les années 2015 à 2020. Il faut aussi souligner la forte mobilisation de l’ensemble des acteurs concernés.

J’appelle à nouveau votre attention sur l’urgente nécessité du suivi et du soutien de l’axe Seine, ainsi que de la mise en place rapide des outils, d’ores et déjà identifiés, qui permettront son développement : je pense notamment – vous le savez, monsieur le secrétaire d’État –à la modernisation de la ligne Serqueux-Gisors, dont l’enquête publique va enfin démarrer à partir du mois d’avril prochain. Ces outils sont indispensables pour qu’au Havre, nous puissions regarder l’avenir, non à l’échelle de dix ou vingt ans, mais bien celui de demain, sereinement, afin que les inquiétudes légitimes suscitées par le futur canal Seine-Nord appartiennent au passé.

Cette proposition de loi s’inscrit donc bel et bien dans la volonté de bâtir une politique maritime nationale d’envergure. Elle propose des nombreuses avancées importantes pour les gens de mer, visant à augmenter leur employabilité et à revoir leur protection sociale. Elles sont importantes également pour l’attractivité des bâtiments battant pavillon français, pour les énergies nouvelles, la pêche, les élevages marins, la conchyliculture, les cultures marines et la gouvernance des ports.

Je regrette néanmoins que la proposition, faite par M. le rapporteur, de créer un conseil des investisseurs publics et privés, qui aurait donné un avis conforme aux projets stratégiques des grands ports maritimes, n’ait pas été retenue, car cela allait dans le sens d’une amélioration de la compétitivité des ports. C’est pourquoi je défendrai deux amendements visant à donner plus de poids aux investisseurs privés, sans diminuer celui du secteur public qui restera, en fin de compte, le décisionnaire dans le projet stratégique. Sur ce sujet, mon avis s’est nourri de l’expérience de mon territoire, de la consultation de nombreux acteurs portuaires et maritimes, mais aussi d’une réflexion issue des difficultés rencontrées par la plateforme multimodale du Havre, aujourd’hui en redressement judiciaire.

Pour conclure, ce texte représente la première pierre de la construction d’une politique maritime ambitieuse, un premier pas vers une politique globalisée, intégrée et volontaire à la hauteur de l’enjeu et du potentiel maritime de la France. C’est un vœu auquel nous sommes nombreux à aspirer, un défi maritime français à relever dès aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme Huguette Bello. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Laurent Furst.

M. Laurent Furst. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame et monsieur les rapporteurs, chers collègues, certains – y compris au sein de mon groupe – pourraient se demander pourquoi un député alsacien souhaite s’exprimer au sujet de l’économie bleue. (Sourires.) Il est vrai que ma circonscription est l’une des plus éloignées des côtes maritimes de notre pays !

J’ai souhaité m’exprimer car je crois que l’économie, trop souvent considérée comme la logistique des ambitions françaises et des rêves de notre société, deviendra une question centrale au regard des faiblesses de notre nation en la matière. Une nation est prospère quand elle a envie de l’être, c’est-à-dire avant tout quand elle se dote d’un cadre juridique et social propre au développement du tissu économique. Or l’économie bleue, c’est avant tout une affaire d’entreprises, petites et grandes, dans des secteurs divers mais qui contribuent tous à la prospérité du pays.

L’histoire de France nous apprend également que pour un certain nombre de domaines d’activité, le libéralisme économique, le laisser-faire ne suffit pas : il convient alors de fixer des objectifs, d’organiser les moyens, et de structurer les filières. Au point de vue philosophique, je suis assez libéral, mais je crois qu’une forme de colbertisme doit prévaloir dans un certain nombre de domaines, parmi lesquels les énergies renouvelables, la filière bois – dont on parle beaucoup trop peu –, la filière agroalimentaire et – bien sûr – les métiers de la mer.

J’ai la conviction que la mer présente de nombreuses opportunités pour créer de la richesse et des emplois ; mais pour y parvenir, il faut avoir une vision d’ensemble du sujet, et une ambition structurée.

Ayant cette conviction profondément ancrée en moi, je ne pouvais que me réjouir du principe même de ce texte, et je ne doute d’ailleurs ni de la sincérité, ni de la qualité de l’engagement de son auteur. Cela dit, si certains aspects vont évidemment dans le bon sens, l’ambition me paraît manquer de souffle. Il y a défaut d’audace et, vous excuserez cette mauvaise image, le texte me semble davantage relever du cabotage côtier que d’une volonté de gagner le grand large.

Pourtant la France, deuxième potentiel maritime du monde, a des opportunités considérables en matière de pêche, de production énergétique, de transports et de métaux rares. Dans chacun de ces domaines, elle a une double opportunité : celle des ressources à notre portée, mais aussi celle du développement des industries destinées à capter et à transformer tout ce que la mer peut nous donner. Sur ces deux aspects, les champs de développement sont quasiment infinis, et le potentiel économique est immense. L’« économie bleue » doit être non seulement un beau titre, mais une ambition globale, une ambition nationale.

La France peut, dans ce vaste domaine, jouer un rôle majeur. Je ne dis pas que nous n’avons rien fait, mais il reste tant à faire… Nous avons, dans ce pays, des talents, le potentiel et même les moyens financiers : reste à fixer un cap, à choisir un capitaine.

Malheureusement, j’ai le profond regret de voir que la France n’a pas de vraie ambition en la matière, même si, ponctuellement, des initiatives intéressantes peuvent être relevées. Nous devrions partager une vision commune, et la partager au service de la prospérité de toute la nation, sans pour autant abîmer, bien sûr, le formidable potentiel environnemental que représentent les 11 millions de kilomètres carrés sous administration de notre nation. Au fond, je déplore l’absence, en France, d’un ministère de la mer et – c’est ce « et » qui est important – de l’économie maritime, afin de tendre vers cet objectif.

Je veux évoquer un deuxième sujet, celui des terres australes et antarctiques françaises, auxquelles j’ajouterai l’îlot de Clipperton dans le Pacifique. Le droit international reconnaît à la France plus de 2,5 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive autour de ces îlots et terres inhabitées. Ces îles constituent le bien commun de toute notre nation, même si elles sont parfois loin des yeux et du cœur de nos concitoyens. Elles présentent des richesses halieutiques : je pense en particulier à la légine, aux Kerguelen, et au thon à Clipperton ; elles offrent aussi des richesses en matière d’hydrocarbures, au large des îles éparses du canal du Mozambique. Il y a enfin, peut-être, au fond de l’océan, les richesses de demain, les nodules polymétalliques et terres rares qui pourraient faire la prospérité de notre nation. À titre personnel, je regrette que nous soyons peut-être prêts à céder aux revendications de cogestion de Maurice pour l’îlot de Tromelin. La revendication de Madagascar pour les îles du canal du Mozambique ne cesse également de se renforcer sans que la France affirme une position forte. Les grandes nations sont celles qui défendent leurs îles.

M. le président. Merci de conclure.

M. Laurent Furst. Les États-Unis, le Japon, la Chine et la Russie le font. La France, jouera-t-elle en deuxième division ? L’heure n’est pas venue, je l’espère, des petits arrangements et des petites faiblesses que nous regretterions demain.

Je veux conclure en rappelant un dernier principe : l’importance de disposer d’une marine nationale moderne et équipée, au format suffisant pour défendre nos intérêts partout où cela est nécessaire. Sans marine puissante, il serait aléatoire d’espérer renforcer la prospérité de notre nation en matière d’économie bleue.

M. le président. Merci, monsieur Furst…

M. Laurent Furst. Il y aurait encore tant à dire, mais je m’arrête ici, pour respecter le temps que le président m’a accordé, non sans remercier le rapporteur pour son excellent travail.

M. le président. Vous avez dépassé le temps qui vous a été accordé, monsieur Furst, mais par votre propre groupe…

La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. On l’a dit et répété, la France est la deuxième puissance maritime du monde ; et, Huguette Bello l’a rappelé avec brio, 97 % des surfaces maritimes françaises se trouvent dans l’outre-mer. Ces données montrent l’importance stratégique et le rayonnement de notre pays dans le monde. La France, dit un adage, est le seul pays où le soleil ne se couche jamais : de fait, son territoire s’étend sur quatre océans.

Autant de réalités essentielles pour les outre-mer, bien entendu. La Martinique, à elle seule, occupe une surface de 1 100 kilomètres carrés, et sa zone économique exclusive – ZEE – fait 47 000 kilomètres carrés. C’est dire combien les développements stratégiques sont importants sur nos territoires.

Je remercie le rapporteur, Arnaud Leroy, qui nous a ouvert la porte – puisque le texte initial, disons-le clairement, ne contenait pas grand-chose sur les outre-mer. J’espère donc, monsieur le secrétaire d’État, que vous ouvrirez les fenêtres et toutes les autres portes à votre tour, en acceptant nos amendements.

J’aborderai quatre points. Le premier est celui des ports de plaisance, enjeu fondamental puisque la plupart d’entre eux sont soumis à la concurrence, à La Réunion comme dans les Caraïbes. Les outre-mer sont attractifs de ce point de vue, puisqu’ils bénéficient d’infrastructures terrestres de qualité, d’une offre de soins performante et d’un niveau de sécurité reconnu. Toutefois des difficultés majeures freinent la dynamique de la plaisance dans le cadre de l’économie bleue : poids des procédures administratives et de la fiscalité, ou charges qui neutralisent la compétitivité par rapport aux îles voisines.

Je propose d’ailleurs une réflexion sur le sujet, par le biais d’un rapport remis au Parlement. J’espère obtenir satisfaction mais, si ce n’est pas possible, une mission de l’inspection générale des finances pourrait peut-être venir sur place pour constater les difficultés auxquelles nos régions sont confrontées. La Martinique, par exemple, dispose d’un potentiel de 5 000 places dans ses ports de plaisance, contre seulement 1 800 places offertes – bien loin, par conséquent, de l’objectif que l’on pourrait atteindre.

La deuxième question est celle de la pêche, vitale pour nos territoires. Or l’organisation de la politique en ce domaine est incroyablement inadaptée, certaines spécificités n’étant pas prises en compte, qu’il s’agisse des embarcations, des techniques, des coutumes ou des ressources halieutiques. Aussi défendrai-je un amendement d’appel tendant à la définition d’objectifs spécifiques aux outre-mer, en matière de politique de la pêche maritime et d’aquaculture, au sein du code rural et de la pêche maritime, en complément des objectifs nationaux, afin de valoriser la production locale.

Cela passe aussi par des adaptations pour ainsi dire mécaniques, qui ne relèvent pas de la loi. Je suggère donc une expertise précise sur la taille des bateaux, les catégories de pêche, la jauge et le renouvellement de la flotte. Sur ce dernier point, Huguette Bello l’a dit, l’application de l’article 349 du traité de Lisbonne génère des aberrations, puisqu’elle conduit à ne pas renouveler la flotte antillaise – non plus que la réunionnaise – sous prétexte de surpêche. Les zones côtières étant par ailleurs polluées par le chlordécone, la pêche y est souvent impossible, et l’on n’a donc pas non plus les moyens de renouveler la flotte pour la pêche au large. Bref, la situation est absurde.

Troisième point : la protection sociale des marins. Je souhaite que le rapport demandé à l’article 9 bis intègre les problèmes et les adaptations nécessaires à ce régime et tienne compte des particularités de nos pays.

Le quatrième point est la gestion des ressources halieutiques, laquelle ne peut être que partagée et non isolée, cela va de soi ; d’où notre proposition d’associer les conseils régionaux, le département de Mayotte et les collectivités de Martinique et de Guyane aux discussions qui traitent de la gestion et de l’évaluation des ressources partagées au sein des organismes internationaux et régionaux des bassins océaniques d’implantation des territoires ultramarins. Il est fondamental de donner à ces instances des pouvoirs de négociation. Je propose même d’aller un peu plus loin, à travers un amendement aux termes duquel seraient également associés à l’expertise les comités régionaux de pêche et les instituts scientifiques de recherche compétents.

Autre enjeu majeur : l’implication plus forte des collectivités dans la gestion et la gouvernance des ZEE, selon la suggestion du rapport sénatorial de Serge Larcher. Il s’agit non pas de remplacer l’État dans ce rôle, mais de mener un travail conséquent pour impliquer les collectivités dans l’économie bleue.

Pour conclure, cette économie bleue est un enjeu d’avenir, qui intéresse non seulement la petite Caraïbe et ses 45 millions d’habitants, mais aussi la grande, jusqu’aux frontières de l’Amérique du Sud et de l’Amérique centrale. Au-delà même des politiques d’organisation, ces zones frontalières constituent des bassins d’approvisionnement en matières premières pour nos pays, pour peu que les transports soient adaptés.

Je remercie donc le rapporteur, M. Arnaud Leroy, et forme le vœu que ce texte donne une dynamique aux pays d’outre-mer. Je souhaite aussi qu’il ne soit qu’un premier pas dans l’émergence du nouveau modèle économique et de la nouvelle croissance dont nos pays ont besoin,…

M. le président. Merci.

M. Serge Letchimy. …modèle qui ne reposerait plus seulement sur l’importation massive et la consommation, mais aussi sur la production, afin de créer le maximum d’activité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à Mme Viviane Le Dissez.

Mme Viviane Le Dissez. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, nous entamons donc l’examen de la proposition de loi relative à l’économie bleue, texte rapporté par M. Arnaud Leroy. Comme les orateurs précédents l’ont rappelé, il est rare de voir l’économie maritime au cœur d’un texte législatif. Je veux aussi souligner la détermination des parlementaires de la majorité pour définir les actions prioritaires en faveur de la croissance bleue, vecteur d’emplois et d’innovation pour notre pays.

Qu’il s’agisse de l’aquaculture, de la conchyliculture, de la pêche, du transport maritime, de l’employabilité des gens de mer, de l’activité portuaire, de la sécurité maritime, des énergies marines renouvelables – et je ne saurai oublier, sur ce point, le projet de parc éolien dans la baie de Saint-Brieuc – ou tout simplement du territoire concerné – le deuxième du monde –, l’activité maritime occupe une grande place dans l’économie de notre pays ; elle concerne 340 000 emplois directs, dont près de 60 000 en Bretagne.

Le présent texte porte l’ambition de mieux organiser et de développer ce secteur dont le potentiel est immense et qui est susceptible de devenir l’un des grands moteurs de l’économie française. Cette ambition requiert avant tout une modernisation et une simplification de nos différents codes et de nos procédures administratives, souvent lourdes et complexes.

La simplification des procédures, qui revêt plusieurs formes – allégement de la procédure de jaugeage, création d’un document d’identification unique ou réforme du rôle d’équipage via la création du permis d’armement –, est l’une des conditions de l’attractivité du pavillon français. Elle s’accompagne d’une rénovation profonde et nécessaire des choix de gouvernance des ports. À cet égard, l’évolution des missions des conseils de développement et de la composition des conseils de surveillance sanctifie la place de la région dans les enjeux de gouvernance et de développement de l’activité portuaire.

Le chapitre III du titre Ier, relatif aux conditions d’employabilité des gens de mer, propose des mesures concrètes de lutte contre la concurrence déloyale et renforce la protection de ces derniers.

La seconde partie du texte tend à mieux définir l’aquaculture et la conchyliculture, à en renforcer la visibilité en France et à reconnaître, dans le cadre de la loi, ce secteur d’activité à part entière. L’article 15 élargit également la définition de la société de pêche artisanale.

Il faut que ce domaine évolue et se développe dans le respect de l’environnement et des usages sur les littoraux. De ce point de vue, la gestion intégrée des zones côtières me paraît un cadre intéressant pour la planification de l’espace maritime et un bon outil pour accompagner les acteurs de la filière dans le respect de l’environnement.

Nous pouvons donc nous réjouir des dispositions visant à assurer les projets d’énergies maritimes renouvelables – conditions de l’investissement dans le secteur – ; à renforcer la protection des ressources conchylicoles en termes de qualité de l’eau ; à mieux prendre en compte et à prévenir, enfin, les risques de submersion marine. Soulignons surtout la création d’un fonds d’indemnisation des pertes – liées, entre autres, aux incidents environnementaux – pour le secteur de la pêche.

Fidèle aux engagements du Président de la République, cette proposition de loi ouvre de nouvelles possibilités. Elle est donc une chance pour l’économie de notre pays, et elle répond à la volonté de mettre en place une stratégie nationale de la mer et des littoraux, comme le Conseil national de la mer et des littoraux – CNML – l’avait énoncé dans son état des lieux de 2014.

Dans la continuité de ce texte, il y a lieu d’organiser une réelle économie circulaire des filières en lien avec la mer et le littoral : je pense notamment à la responsabilité élargie du producteur – REP – pour les professionnels des navires de plaisance. Peut-être un décret est-il à venir en ce domaine ? Ses dispositions ne doivent pas avoir d’impact, en tout état de cause, sur les moyens déjà votés pour le Conservatoire du littoral.

Gageons que ce texte constituera un pas important, au regard de notre place maritime sur la planète bleue, car l’océan est source de multiples richesses qu’il convient de mettre en valeur, tout en respectant les écosystèmes marins et côtiers.

La mariculture offre de larges possibilités dans tous les domaines de la production alimentaire, dans la recherche et dans le développement, ainsi que dans le domaine des énergies renouvelables, du tourisme et, surtout, des perspectives d’emplois durables sur nos territoires.

Parce qu’elle répond à toutes ces attentes, je voterai cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Gwenegan Bui.

M. Gwenegan Bui. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la France est un grand pays, mais un grand pays qui n’a jamais su conjuguer ses deux atouts : sa puissance continentale et son domaine maritime.

Non seulement il n’a jamais su marier ces deux atouts, mais, bien souvent, ceux-ci se sont trouvés en opposition. D’autant qu’à chaque épisode de son histoire où la France a tourné son regard et orienté son appareil productif vers la mer, ce fut un échec. Et pourtant, que de potentiels !

C’est pour cette raison que je remercie notre rapporteur de son opiniâtreté : sans lui, nous n’aurions pas pu mettre en place cette première brique de l’édifice maritime européen et français.

Au contact des plus grandes routes maritimes nous regardons, du haut de nos falaises bretonnes, passer des bateaux venus du monde entier : ils finissent généralement par accoster dans les ports anglais, belges, néerlandais ou allemands, bien plus rarement dans les ports français. Marginalisés en raison de l’absence de véritables ports de commerce de dimension mondiale, nous restons trop à l’écart des flux maritimes mondiaux actuels.

A l’heure où des pans entiers de notre économie traditionnelle se fracassent devant la mondialisation – je pense bien sûr à notre agriculture, mais aussi à la pêche – et face au progrès technique et numérique – je pense aux transports, aux taxis et à l’industrie –, nous devons chercher de nouveaux leviers de croissance.

Or la mer offre un champ de développement économique qui reste encore sous-exploité. Tout nous invite à investir dans cet espace infini : énergies marines, ressources halieutiques, transports, biotechnologies bleues, bioressources, aquaculture, algoculture, pisciculture, et j’en oublie.

Face à ce panel d’activités, la mer ne peut pas, et ne doit pas être qu’un simple lieu de villégiature pour touristes et pour vacanciers. Elle est l’avenir économique, social et écologique de notre pays dont la géographie et le destin sont intimement liés à la mer.

Je me félicite qu’en optant pour la procédure accélérée, le Gouvernement ait saisi tout l’enjeu de cette proposition de loi qui, au-delà des mesures de simplification et de modernisation de l’ensemble du dispositif législatif encadrant les activités maritimes, réoriente la stratégie de l’État, quasi exclusivement terrienne jusqu’à présent, vers des dynamiques économiques tournées vers la mer.

Ce sont ces dynamiques que nous devons construire. Je prendrai simplement deux exemples pour illustrer la nécessité pour l’État de concentrer ses efforts sur le développement des activités maritimes.

Le premier concerne la création d’une filière française de gaz naturel liquéfié – qu’on appelle aussi GNL – dans le secteur du transport maritime. Bien que le fioul lourd et le gazole aient atteint des niveaux de prix très bas ces derniers mois, la fin des réserves de pétrole dans quelques décennies n’est pas une lubie.

Et les effets favorables, à court terme, de cette chute des cours ne doivent pas nous détourner des enjeux énergétiques et écologiques de long terme. Au contraire, elle doit nous inciter à investir rapidement dans les énergies d’avenir pour le transport maritime, comme le GNL. Car si nous réussissons, grâce à ce choix de propulsion, cette mutation technologique, nous bénéficierons alors d’un avantage comparable au leadership que nous avons acquis avec Airbus. Je m’explique.

Le GNL, un temps exploré en France par la compagnie bretonne Brittany Ferries, et le chantier naval STX France, en vue de construire un ferry fonctionnant uniquement au GNL, est considéré comme le carburant d’avenir du transport maritime.

Il représente en effet 30 % des échanges gaziers mondiaux, et progresse de 7 % par an. C’est surtout l’archétype du carburant « vert » pour le transport maritime. Pour quelles raisons ? D’abord parce qu’il élimine les émissions de soufre et d’oxyde d’azote et réduit les émissions de CO2 d’environ 20 %. Ensuite parce que son efficacité aussi bien énergétique qu’écologique est très bonne. Il nécessite néanmoins des équipements et des technologies adaptés tant sur les navires que dans les ports. Des savoir-faire uniques et d’importantes infrastructures en termes d’approvisionnement, de stockage, de construction navale sont ainsi nécessaires pour répondre à cet enjeu écologique majeur.

Dans ce domaine, si nous voulons peu à peu nous extraire de notre dépendance technologique en matière de construction navale – notamment vis-à-vis des pays du nord de l’Europe, aujourd’hui plus compétitifs que nous – ainsi que de notre dépendance énergétique vis-à-vis des pays producteurs de pétrole, il nous faudra soutenir massivement l’ensemble des maillons de la chaîne du transport maritime pour construire cette filière : ports, entreprises gazières et industries de construction navale.

Cette proposition de loi, qui renforce l’attractivité et la compétitivité de nos grands ports maritimes, de nos armateurs et de nos chantiers navals, doit éclairer le Gouvernement et permettre à nos entreprises d’être soutenues dans la création de cette filière GNL en France. Elle constituera un avantage décisif pour nos ports, tout autant qu’un élément de d’attractivité et de compétitivité, pour prendre des termes à la mode.

Mon deuxième exemple a trait aux biotechnologies marines. Bien que notre situation géographique aurait dû nous conduire, depuis des années, à développer l’ensemble des potentiels maritimes, la place de ces biotechnologies n’est pas à la hauteur de nos ambitions. Pourquoi ? Parce que nous n’en sommes qu’à la préhistoire de la découverte de nouvelles molécules et de nouvelles bactéries. Parce que les domaines d’application sont multiples : dans la santé, les industries agro-alimentaires, la cosmétique ou le remplacement de produits chimiques. Tout cela est devant nous.

Mais je profite de cette proposition de loi pour attirer l’attention du Gouvernement sur les difficultés de ce secteur : difficultés à grandir, à prospérer comme à trouver des partenaires, à lever des fonds ou à accéder à la mer. Ce texte sera également l’occasion de lever ces blocages.

À cette fin, nous avons déposé avec Jean-Luc Bleunven des amendements pour faciliter le pompage de la mer et l’algoculture. En effet, les nombreux pôles de compétitivité qui existent en France, en Île-de-France, à Lille, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur ou en Bretagne n’offrent pas à la France une place compétitive. Il faut se le dire. Ni les outils de financement d’ailleurs, comme le Programme d’investissements d’avenir, le PIA, ou la Banque publique d’investissement, la BPI qui, de ce point de vue, ne donnent pas satisfaction : nous devons passer la vitesse supérieure.

À l’heure où certains veulent rétrécir l’image de la France à un pays étriqué, recroquevillé sur ses frontières et peureux. À l’heure où certains voient l’ouverture comme une menace, l’autre comme un ennemi et l’échange comme une contrainte, la mer peut nous réconcilier avec nous-mêmes. Elle nous force à travailler avec les autres. Elle oblige à la réflexion. Elle propose un avenir : mais c’est à nous de le conquérir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je réponds volontiers à l’invitation, qui nous a été lancée par le rapporteur, de nous orienter vers les possibilités anciennes, nouvelles et futures qu’offre la mer.

Tout d’abord, je me demande comment nous avons pu, de gouvernement en gouvernement, nous laisser enfermer par des contraintes européennes qui nous cadenassent aujourd’hui littéralement, qu’il s’agisse de l’agriculture ou des activités maritimes.

Et je n’ai jamais compris pourquoi nous n’avions pas, depuis un demi-siècle au moins, engagé de grand projet en faveur de nos territoires ultramarins. En effet, nous considérons trop souvent ces territoires de France comme des ressources en devenir pour notre pays et nous les laissons aussi trop souvent dans un état de sous-développement qui n’est pas digne de notre histoire.

J’aborderai deux sujets, et d’abord celui des sept millions de poids lourds qui traversent la France tous les ans. J’ai d’ailleurs fait l’objet de certaines critiques à une époque alors que je ne voulais que construire un tunnel dans les Pyrénées. Sept millions de poids lourds ! Nos autoroutes et nos routes sont devenues une muraille d’acier ininterrompue. Et pourtant, notre pays est bordé de mers et d’océans : il faut parcourir 5 000 kilomètres pour aller du port de Rotterdam à celui de Bilbao, et 5 500 kilomètres de plus pour gagner, depuis celui-ci, le port de Marseille. Bien sûr, il faut faire un crochet, mais le trajet cumulé représente 10 000 kilomètres.

Aujourd’hui, au moment où nous venons, avec un faste mérité, de clore la COP21, ne serait-il pas possible, notamment dans le cadre de cette proposition de loi, de s’interroger sur la manière dont nous pourrions transporter différemment des marchandises qui n’ont d’ailleurs, la plupart du temps, rien à faire sur notre territoire dont elles changent totalement l’aspect ? Nous éprouverions un sentiment d’apaisement à les voir s’en éloigner.

Les autoroutes de la mer représentent une très grande chance pour demain, mais elles sont trop peu expérimentées. De même, la catastrophe maritime que nous avons évitée de peu ces jours-ci témoigne du grand désordre qui doit régner dans le pourtour de notre territoire maritime.

Deuxième exemple : au moment où nous cherchons à relancer notre économie et où nous sommes obligés de ne pas faire de peine à l’Europe, pas plus qu’à la Chine, à la Russie, aux États-Unis, ou au monde entier, pourquoi ne pas aller dans le sens que nous avons nous-mêmes choisi et que le Président de la République a défini ? Je veux parler des énergies nouvelles.

L’extraordinaire capacité énergétique de la mer – les expériences qui ont été tentées ici ou là et celle, formidable, qui l’est actuellement par l’Australie afin d’utiliser l’énergie des vagues en témoignent – pourrait nous ouvrir bien des perspectives.

Nous sommes, bien entendu, trop étroitement enchaînés par la communauté mondiale et l’Europe d’un côté, et, de l’autre, par le pétrole, qui n’est plus qu’une source de guerres féroces et qui nous ramène à l’époque des guerres de religion que nous n’aurions jamais dû oublier.

Il y aurait là, sans faire de peine à personne, de grandes opportunités pour un pays qui a largement les moyens de s’engager dans cette politique nouvelle.

M. le président. La discussion générale est close.

La parole à M. le rapporteur.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Monsieur Priou, je suis d’accord avec vous sur deux choses. Premièrement, le livre de Jean-Marie Biette est très bien écrit et il est intéressant pour quiconque s’intéresse à la mer. Deuxièmement, je partage totalement vos propos relatifs à la question du prochain siècle : cela revient à s’interroger sur le fait de savoir si ce même siècle sera ou non maritime.

Monsieur Demilly, vous avez parlé des outre-mer et du blanchissement des coraux. La porte est ouverte pour travailler avec les élus de ces territoires afin d’aboutir, notamment au Sénat, sur ces questions. Il faut néanmoins garder à l’esprit que, ainsi que nous l’avons découvert, notamment avec Serge Letchimy, beaucoup de dispositions ressortent soit du code des outre-mer, soit du domaine réglementaire. Il faut donc faire attention à ce point.

Quoi qu’il en soit sachez que j’ai ouvert la porte – cela a été dit par Serge Letchimy – puisque j’ai saisi officiellement la délégation aux outre-mer afin que nous puissions avancer dans la reconnaissance de la contribution des outre-mer à l’espace maritime national, de leur problématique particulière et de leur impact sur l’économie maritime au sens large.

Monsieur Lambert, j’ai entendu les critiques que vous avez formulées à l’encontre de la dimension productiviste de cette proposition de loi : j’en assume une grande partie. Il s’agit d’un choix. Il faut d’ailleurs veiller à ne pas tomber dans l’excès inverse : à vouloir trop protéger, sur-protéger et vitrifier, nous ne pourrons plus rien faire.

Mon but est de trouver un chemin de crête qui nous permette à la fois de nous développer, de créer des emplois, de jouer le jeu des biotechnologies et de construire un futur, tout en préservant au maximum notre environnement pour les générations futures. Je suis tout autant attaché au développement durable que ceux qui se revendiquent écologistes.

Il faut donc opérer un choix – qui se matérialise par le chemin de crête dont je viens de parler – que j’assume totalement. Il faut pouvoir avancer sur ses deux jambes.

Nous avons également évoqué les puits d’hydrocarbures, notamment dans les grands fonds. Premier élément de réponse : j’attends avec impatience la réforme du code minier, qui nous est annoncée depuis quasiment une décennie. Je militerai pour qu’y soit intégré un titre ou un chapitre ayant trait aux activités minières maritimes. Vous savez que la question de l’exploitation des sables se pose, tout comme les questions liées aux hydrocarbures.

S’agissant de la sécurité, nous avons transposé une directive récente sur les installations off-shore : une partie des craintes qui ont été exprimées à ce sujet se trouve d’ores et déjà satisfaite par cette transposition, qui a eu lieu il y a quelques mois.

Monsieur Moreau, vous avez raison : la Vendée est un très beau département. Vous estimez que cette proposition de loi manque d’ambition et de souffle – cela a également été dit par M. Laurent Furst. Mais à force de déclarations romanesques, ce qui est le cas en l’espèce, on descend rarement dans la salle des machines ou dans la soute pour faire avancer le navire.

Je reconnais que ce n’est pas un texte facile, qu’il est aride, mais on a ainsi pris la dimension du problème. Depuis très longtemps, l’on n’a pas traité de la chose maritime dans ce pays d’une manière aussi approfondie. Il faut faire du réglage fin avant de partir pour une course au large, et c’est le cas avec ce texte. Cela étant, je n’ai pas l’ambition d’être à l’origine d’une révolution maritime. Je serais partie prenante aux côtés de ceux qui voudraient engager une telle révolution, mais il faut faire les choses dans l’ordre.

Il faut aussi regarder ce que l’on peut faire avec les moyens du bord. Vous votez comme moi les budgets, monsieur Moreau, et vous connaissez les contraintes en la matière. C’est aussi pourquoi nous avons traité du domaine portuaire : il s’agit d’ouvrir plus d’espace aux investisseurs privés. Il faut également faire le travail en amont avant d’aller courir au large. Fervent supporter du Vendée Globe, vous savez qu’il faut une préparation en amont avant de partir à l’aventure.

Sur la question du gaz naturel liquéfié, je partage totalement l’avis de M. Bui sur l’importance de ce carburant du futur, de même que sur l’algoculture et les biotechnologies, et j’espère que nous aboutirons, notamment s’agissant de la prise d’eau de mer pour faire fonctionner certaines installations.

Madame Bello, je vous remercie d’apporter votre soutien au texte. C’est important. Vous avez de la chance d’être dans un territoire où l’on tente des choses – je pense notamment à la réfrigération à l’aéroport de La Réunion. Ce sont de tels champs d’expérimentation qu’il faut mettre en valeur pour répondre aux sceptiques, et ils sont nombreux dans notre pays comme vous le savez. Il faut profiter de tous les terrains d’expérimentation, que ce soit en Normandie sur la question des grenouilles, chez vous à La Réunion ou ailleurs, pour démontrer que cela marche et entraîner un grand nombre de sociétés, donc d’emplois, vers ces secteurs.

J’espère, mes chers collègues, que nous allons vivre une période fructueuse lors de l’examen des articles.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Je voudrais tout d’abord remercier chacun pour la qualité du débat, et dire aussi qu’il y a parfois confrontation entre une bonne idée et la réalité.

Ainsi, monsieur Lassalle, il est vrai que l’idée de remplacer un mur de camions par les autoroutes de la mer ne peut que trouver un assentiment unanime ici et auprès de nombreux Français, et c’est d’ailleurs en train d’être tenté. Nous avions ainsi mis en place une autoroute de la mer entre Nantes et Giron, mais je rappelle que le modèle n’a fonctionné que tant qu’il y avait des aides européennes et qu’après, on nous a expliqué que c’était impossible dans une économie concurrentielle. Ce n’est pas suffisant pour nous faire renoncer à cette idée forte, et nous avons remis en place une autre autoroute entre Nantes et Vigo avec un autre modèle, mais qui fonctionne, lui aussi, avec des aides européennes. Par conséquent, c’est une bonne idée, on agit, mais chacun doit prendre en compte la réalité.

M. Carvalho et vous-même avez évoqué la question européenne : nous serions prisonniers des contraintes de la politique communautaire en matière de pêche. Ce secteur a connu des années dramatiques, d’où un grand mouvement de protestation, qui a d’ailleurs abouti à des difficultés – chacun se souvient de ce qui s’est passé à Rennes en 1994. À l’origine de la crise qui touchait les pêcheurs, il y avait bien souvent – c’était avant l’euro – la concurrence par les prix du poisson à travers la dévaluation des monnaies.

M. Jean Lassalle. Exact !

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Quand les pêcheurs apprenaient en se levant le matin que les Espagnols avaient dévalué la peseta, ils savaient qu’il allait se passer la même chose que dans un certain nombre d’industries. Il faut toujours le rappeler pour se souvenir que l’un des grands acquis de l’Europe, c’est que nous ne sommes plus aujourd’hui soumis à la dévaluation compétitive. Il faut en tenir compte dans notre débat pour ne pas envisager des solutions dont l’histoire a montré qu’elles n’étaient pas si positives.

Monsieur Priou, vous avez évoqué la nécessité d’établir une cohérence dans la politique suivie car nous ne serions pas capables de choisir entre le bleu et le vert, et notre organisation institutionnelle nous mettrait de fait dans la difficulté. C’est méconnaître les exigences d’aujourd’hui, y compris par rapport à l’Europe. Comme l’a dit le rapporteur, nous sommes sur la ligne de crête, mais je pense que l’on peut traiter de la politique commune de la pêche et du développement du report modal. J’ajoute que quelques semaines après le succès de la COP et compte tenu des orientations choisies de par le monde, je ne vois pas comment on pourrait entrer dans un débat sur l’économie maritime en oubliant que la mer ne nous appartient pas et qu’il y a à cet égard une exigence partagée.

Vous avez cité plusieurs exemples pour illustrer votre propos. Je vais vous en donner un autre et j’espère que vous serez à nos côtés le moment venu : Mme Troallic a rappelé l’importance de Serqueux-Gisors en raison de la nécessité absolue à laquelle il répond. Je note au passage que nous avons tous deux les mêmes lectures puisque quand j’ai écrit dans mon rapport que la déficience des ports venait de leur situation en cul-de-sac, j’avais pioché dans le même ouvrage que vous. J’en reviens au dossier Serqueux-Gisors : ce sera une ligne de chemin de fer pour obtenir justement la massification des flux. Le Gouvernement l’a décidé, c’est une priorité et le dossier est financé. Mais, alors que je lance l’enquête publique, certains élus franciliens se mobilisent contre cette ligne en raison des difficultés de cohabitation entre les habitants et le passage du train, mais pour ramener vers Paris la marchandise transitant par les ports, il faut bien à un moment donné se rapprocher de la capitale. J’espère que vous serez à mes côtés dans ce débat lancé par un certain nombre d’élus qui siègent sur vos bancs. Il ne s’agit pas de grands principes : on est bien dans la salle des machines, il s’agit de savoir comment faire et le Gouvernement est au rendez-vous. Cette question est majeure, de même que celle du canal Seine-Nord Europe.

Il ne faut pas avoir peur de ce canal contrairement à ce que prétendent certains, notamment du côté du Havre. C’est une vraie chance et nous allons le mener à bien. J’entends dire que le Gouvernement serait quelque peu hésitant, mais les financements européens obtenus pour ce canal, à savoir 40 % du total – d’autres ont négocié avant moi, mais la concrétisation est due à l’action du Premier ministre –, permettront de finaliser ce projet, avec la publication d’une ordonnance sur le mode de fonctionnement de la société à constituer.

Tous ces dossiers avancent donc vite, conformément à la volonté du Gouvernement.

Certains intervenants sont passés rapidement sur ce que nous avons fait, notamment dans le cadre du CIMER – comité interministériel à la mer. Il s’agit parfois d’éléments très techniques – je pense à l’exonération sur les plus-values de cession que nous avons fait voter l’année dernière, très technique certes, mais essentielle. Nous reparlerons par ailleurs de l’autoliquidation de la TVA. Voilà des mesures très concrètes. Ce n’est peut-être pas de la poésie maritime, mais il s’agit de mettre en place très concrètement ce que doit être l’économie maritime, ce que dit le Gouvernement et, surtout, ce qu’il fait.

Je tiens aussi à rappeler les résultats obtenus s’agissant du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche – FEAMP : le volume de financement a pratiquement augmenté de 58 %, et j’espère que nous pourrons rapidement concrétiser les postes de dépense avec les régions. C’est une réalité porteuse, mais qui nécessite des adaptations législatives dont nous allons débattre.

L’ambition est bien aujourd’hui au rendez-vous. Il y a déjà un acquis, et des expérimentations qui sont parfois difficiles. Ainsi, la situation de la plate-forme multimodale du Havre est tout à fait inacceptable. C’est la première fois que je m’exprime publiquement sur cette question : je n’accepte pas l’idée que cette plate-forme, financée avec beaucoup d’argent public, ne fonctionne pas parce que son économie ne permettrait pas de donner satisfaction à ses utilisateurs. Une mission de concertation est engagée, mais je dis très clairement aux acteurs concernés, que ce soit le grand port maritime, la CMA CGM – dont je salue l’engagement dans cette affaire – ou encore la SNCF avec qui je m’en suis entretenu directement, qu’il est inenvisageable de constater dans quelques semaines un échec définitif. Le Gouvernement veut que la plate-forme mutimodale fonctionne car cela n’aurait pas de sens de débattre de l’économie maritime, d’évoquer la massification et les liens entre les territoires et les ports tout en constatant qu’on ne serait pas capables d’aboutir parce qu’il y aurait des résistances ici ou là, ou encore une absence de vision à long terme. Le discours du Gouvernement est, je le répète, extrêmement clair sur cette question.

J’en termine en évoquant à nouveau les missions temporaires que le Premier ministre vient de confier à plusieurs parlementaires de l’opposition et de la majorité. La députée Valérie Fourneyron et le sénateur Charles Revet vont s’occuper de la mission sur le devenir des ports du Havre et de Rouen en lien avec l’axe Seine, une question centrale. Les sénateurs Jérôme Bignon et René Vandierendonck vont, quant à eux, traiter du devenir du port de Dunkerque en lien avec les territoires du nord de la France, notamment avec l’émergence du canal Seine-Nord Europe. Le député François-Michel Lambert et de la sénatrice Élisabeth Lamure travailleront sur le devenir du port de Marseille-Fos en lien avec l’axe Rhône-Saône.

M. Xavier Breton. Très important !

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Le Premier ministre a indiqué dans les lettres de mission que dès la tenue, au mois de mars, du Conseil supérieur de l’attractivité, on ferait le point sur l’avancement de ces travaux dont l’échéance est prévue pour le mois de juin. Il s’agit à la fois de questions très pratiques et du choix d’une vision. J’espère qu’au cours de nos débats, nous garderons tous à l’esprit cette ambition commune que je vous remercie d’avoir nourri par la qualité de vos interventions. J’ajoute que je suis bien conscient de la spécificité des questions maritimes de l’outre-mer et qu’un certain nombre d’amendements ont été déposés à cet effet. Il faut améliorer l’efficacité de nos démarches auprès de Bruxelles pour prendre en compte cette spécificité,…

M. Xavier Breton. Il y a du travail !

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. … je pense par exemple au renouvellement de la flotte. Il y a là un effort à faire, mais sachez que le Gouvernement a bien à l’esprit la spécificité de l’outre-mer, y compris s’agissant de questions parfois difficiles – je pense à celle à laquelle j’ai répondu cet après-midi lors des questions d’actualité.

Mme Huguette Bello. Très bien !

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Nous pouvons maintenant aborder l’examen des articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Article 1er

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, inscrit sur l’article 1er.

M. Gilles Lurton. Avec un domaine maritime de 11 millions de kilomètres carrés, la France dispose avec son outre-mer du deuxième espace maritime après les États-Unis. C’est un atout majeur pour notre pays, un véritable potentiel de développement pour la construction navale, le transport de marchandises par la mer, le développement des énergies nouvelles, de l’algoculture et des biotechnologies, sans oublier le secteur de la pêche et de la formation maritime – j’ai la fierté de vivre dans une ville…

M. Yannick Moreau. Saint-Malo !

M. Gilles Lurton. …où un nouveau lycée maritime, le lycée Florence-Arthaud, vient d’être construit.

Ce domaine maritime est aussi un atout majeur qui, comme cela a été rappelé, représente actuellement un chiffre d’affaires de 69 milliards d’euros et plus de 300 000 emplois directs. La Bretagne, à elle seule, en compte 60 000.

Enfin, ce domaine maritime est un atout dont nous ne sommes pas conscients et dont nous ne savons pas pleinement profiter, faute d’une véritable politique de la mer.

Je salue à ce titre le travail effectué par Arnaud Leroy à travers cette proposition de loi pour l’économie bleue, qui sera sans doute le seul texte sur la mer de ce quinquennat.

Mais nous devons aller plus loin et considérer la mer comme un vecteur de développement de toutes les politiques économiques de notre pays. Avec le titre Ier, nous examinerons une série de mesures de simplification visant à renforcer la compétitivité de nos entreprises d’armement maritime. Je partage les dispositions de l’article 1er sur le jaugeage des navires : nous avons absolument besoin de sauvegarder des emplois dans un domaine en forte régression depuis plusieurs années. Il faut rappeler qu’entre 2006 et 2012, 4 000 emplois ont été supprimés dans le transport maritime et fluvial. Le nombre de navires de commerce battant pavillon français a également fortement diminué, avec une flotte de transport qui est passée de 219 à 179 navires. Nous devons pourtant être conscients que ces navires de commerce sont générateurs d’emplois à terre et que leur diminution entraîne de facto une régression non seulement des emplois de marins, mais également de tous les emplois à terre. Le secteur de la construction navale, notamment, a perdu plus de 7 000 emplois ces dernières années. C’est dire l’importance de l’emploi dans notre économie.

M. Xavier Breton. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, pour soutenir l’amendement n85 rectifié.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de simplification.

(L’amendement n85 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, pour soutenir l’amendement n84 rectifié.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Il s’agit également d’un amendement de simplification.

(L’amendement n84 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n221.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Cet amendement vise, d’une part, à améliorer la lisibilité du texte et, d’autre part, à étendre le jaugeage par déclaration aux navires de plaisance à usage professionnel dont la longueur est inférieure à 24 mètres. Il s’inscrit donc à nouveau dans cette démarche de simplification qu’évoquait à l’instant M. Lurton.

(L’amendement n221, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 1er, amendé, est adopté.)

Après l’article 1er

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, pour soutenir l’amendement n115.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Cet amendement vise à moderniser le régime de francisation des navires en supprimant l’agrément spécial pour affrètement coque nue et en introduisant le gel de francisation.

Il poursuit ainsi un triple objectif. Premièrement, il ajoute une condition à la francisation d’un navire, qui permet de s’assurer que la gestion d’un navire, effectuée par un gérant non propriétaire, est réalisée depuis la France. Deuxièmement, il élargit les conditions de la francisation à l’affréteur coque nue et supprime l’agrément spécial pour affrètement coque nue, auparavant obligatoire. Troisièmement, il étend à l’ensemble des navires la possibilité de bénéficier du gel de francisation.

Cet amendement a été accepté par la commission.

(L’amendement n115, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, pour soutenir l’amendement n141 rectifié.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Cet amendement vise à permettre aux sociétés qui assurent, depuis la France, la gestion nautique et commerciale de navires armés au commerce ou à la plaisance appartenant à des armateurs leur ayant confié cette responsabilité de bénéficier de la procédure de francisation.

(L’amendement n141 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement n62 rectifié.

Mme Colette Capdevielle. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. L’objectif de cet amendement me semble satisfait par l’amendement n141 rectifié. En conséquence, j’en demande le retrait.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Même avis.

(L’amendement n62 rectifié est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, pour soutenir l’amendement n116.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Cet amendement modernise le droit de passeport sur deux points. Tout d’abord, il limite l’obligation d’avoir à bord un passeport aux navires de plaisance et de sport détenus ou utilisés par des personnes physiques ou morales ayant leur résidence principale ou leur siège social en France. En effet, le droit de passeport n’est payé que pour ces navires.

Ensuite, il améliore la rédaction de l’article 238 du code des douanes relatif au droit de passeport, pour en faire un instrument plus efficace dans la lutte contre l’évasion fiscale.

(L’amendement n116, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Article 1er bis

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n31.

M. Gilles Lurton. L’alinéa 2 de l’article 1er bis prévoit qu’un navire ne remplissant pas l’une des conditions requises pour obtenir la francisation mentionnée aux articles 219 ou 219 bis du code des douanes est radié d’office du registre du pavillon français par l’autorité compétente.

Cet amendement vise à permettre aux propriétaires de navires de bénéficier d’un délai raisonnable pour régulariser leur situation. C’est pourquoi il est proposé d’ajouter à l’alinéa 2 « après un premier rappel de la part de cette dernière non suivi d’effet au bout de deux mois ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Il appartient au propriétaire de s’assurer qu’il remplit les conditions de francisation de façon constante. Avis défavorable.

(L’amendement n31 n’est pas adopté.)

(L’article 1er bis est adopté.)

Après l’article 1er bis

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, pour soutenir l’amendement n126 rectifié.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Cet amendement, une des mesures de simplification administrative que j’avais proposées dès 2013, actualise le contenu de l’acte de vente d’un navire en modernisant le vocabulaire employé pour le faire correspondre à la réalité des pratiques et en actualisant la liste des informations demandées.

(L’amendement n126 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, pour soutenir l’amendement n133.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Nous en arrivons à une série d’amendements relatifs aux hypothèques maritimes.

Cet amendement vise à moderniser le régime de celles-ci, en prenant en compte l’heure et la minute de l’inscription de l’hypothèque pour fixer le rang des créanciers.

(L’amendement n133, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, pour soutenir l’amendement n136 rectifié.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Il s’agit, là encore, d’un amendement de modernisation des hypothèques maritimes.

(L’amendement n136 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, pour soutenir l’amendement n138.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Cet amendement, plus complexe, vise également la réforme des hypothèques maritimes. Il s’agit d’aligner la pratique française sur celle de nos voisins luxembourgeois, belges, allemands ou britanniques. Nous proposons de créer un système forfaitaire pour les hypothèques maritimes, avec un plancher et un plafond, qui s’approche des pratiques actuelles de nos concurrents européens, notamment en ce qui concerne les valeurs retenues.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Le Gouvernement ne peut soutenir cette modification. Compte tenu des garanties apportées par la prise des hypothèques, il ne semble pas opportun de modifier le mode de calcul de celles-ci en passant, comme l’a indiqué le rapporteur, d’un système proportionnel à un dispositif forfaitaire.

En effet, la relation proportionnelle entre un droit hypothécaire et le montant de la créance à laquelle il se rapporte est justifiée et égalitaire. C’est d’ailleurs sur ce principe que fonctionnent aujourd’hui les hypothèques immobilières que chacun connaît. La valeur de l’hypothèque est ainsi liée à celle du bien : dans le secteur immobilier, un autre domaine soumis au marché, personne n’imaginerait instaurer un montant forfaitaire d’hypothèque, de telle sorte que le montant payé serait identique pour une hypothèque sur un bien à 100 000 euros ou sur un bien à 10 millions d’euros.

Si l’on peut en comprendre l’intérêt sur le plan économique, un tel dispositif paraît difficilement intelligible, alors que l’hypothèque aujourd’hui représente seulement 0,5 % de la valeur du navire et qu’elle est de plus en plus utilisée par les acteurs dans le monde maritime.

Disons-le clairement : l’amendement entraînerait une baisse des sommes collectées pour le budget de l’État, de manière incidente et mécanique, alors qu’aujourd’hui la remise représente 1 million d’euros. Des registres proches de la France pratiquent des droits d’enregistrement supérieurs. C’est notamment le cas du Danemark, de la Belgique et des Pays-Bas.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Yannick Moreau.

M. Yannick Moreau. Cet amendement ne pose pas de difficulté particulière. Il s’agit d’une mesure de bon sens, que nous soutiendrons.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Nous avons évoqué tout à l’heure la nécessité d’opérer des réglages fins – le fine tuning de nos amis britanniques – sur ces questions, notamment sur celle de l’hypothèque maritime. La comparaison avec le marché de l’immobilier est certes possible, mais nous parlons ici d’un actif industriel, confronté à une vraie concurrence à l’échelle internationale et à la possibilité pour des sociétés enregistrées sur notre territoire de battre pavillon autre que français.

Notre ambition doit donc être cohérente. Nous avons longuement discuté avec les douanes des ajustements nécessaires s’agissant de la réforme des hypothèques. Celui-là, malgré son coût, en est un important. Quant à l’analogie entre les pratiques maritimes et les pratiques à terre, on ne peut pas comparer le régime des hypothèques immobilières pour les particuliers avec un régime d’hypothèques créé pour des professionnels.

Je serais donc d’avis de nous en remettre à la sagesse de l’Assemblée pour trancher cette question, qui participe au demeurant à l’économie générale des services maritimes dans notre pays. Alors que nous essayons d’attirer vers la France, que des courtiers maritimes vendent et achètent des navires, selon la spécificité du métier d’armateur, nous sommes placés devant un choix. C’est pourquoi je maintiendrai mon amendement.

M. Yannick Moreau et M. Gilles Lurton. Il a raison !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. La comparaison avec le domaine immobilier ne vaut pas nécessairement pour le marché des particuliers : les immeubles industriels sont généralement financés par un système d’emprunt, qu’il s’agisse d’un crédit-bail ou d’une hypothèque garantissant le prêteur. Cela vaut pour tous les biens de ce secteur industriel. Aujourd’hui, l’hypothèque considérée est naturellement fonction de la valeur du bien. Pourquoi introduire une exception à ce qui vaut aujourd’hui dans le domaine économique ? Le sujet me semble donc mal choisi.

Lorsque le Gouvernement exonère la plus-value sur la cession des navires, il récompense une opération où celui qui vend un bateau pour en acheter un autre contribue à l’activité économique. Au contraire, une telle réforme du régime des hypothèques maritimes, en tant qu’elle conduirait à diminuer les charges au profit des seuls propriétaires des bateaux, poserait problème à l’État.

J’invite donc l’ensemble des députés à considérer que cet amendement ne va globalement pas dans le sens de la relance de l’activité mais qu’il améliorerait surtout la situation financière des propriétaires, et à voter contre.

M. le président. La parole est à M. Sébastien Denaja.

M. Sébastien Denaja. Si je comprends l’intention visée par le rapporteur, il me semble que les arguments avancés par le secrétaire d’État sont empreints de sagesse.

De plus, il paraît gênant que l’article fixe des bornes. Renvoyer à un décret le soin de fixer la borne inférieure et le plafond aurait donné davantage de souplesse au dispositif. Sans une telle évolution, il serait difficile de ne pas se ranger aux arguments de sagesse du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, je vous demande une courte suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures quatre.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Après discussion avec le Gouvernement, je reconnais que mon étude d’impact est un peu « légère ». Je vais donc demander un complément d’information, incluant des comparaisons avec ce que font nos concurrents européens.

Je retire l’amendement au bénéfice d’un travail en commun d’ici à l’examen du texte au Sénat. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Xavier Breton. Pour une fois que nous allions voter avec vous !

(L’amendement n138 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, pour soutenir l’amendement n127.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Il s’agit de la mise à jour d’une référence.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Favorable.

(L’amendement n127 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, pour soutenir l’amendement n123.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Il est de précision.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Favorable.

(L’amendement n123 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, rapporteur, pour soutenir l’amendement n238.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Favorable.

(L’amendement n238 est adopté.)

Article 1er ter

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, pour soutenir l’amendement n2.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Rédactionnel !

(L’amendement n2, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, pour soutenir l’amendement n150.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Cet amendement vise à étendre le champ couvert par le document unique créé par l’article 1er ter. Il serait en effet souhaitable que celui-ci concerne, non seulement l’acte de francisation et le certificat d’immatriculation, mais aussi le titre de navigation.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Le Gouvernement n’est pas persuadé de l’utilité d’un tel amendement. C’est un objectif de simplification qui est ici visé : une réforme du rôle d’équipage afin de moderniser des procédures devenues obsolètes et de plus en plus complexes. Il s’agit d’une réforme majeure, bien mise en œuvre par la proposition de loi. Toutefois, il ne nous paraît pas opportun de fusionner, au titre de la simplification, le permis d’armement avec l’acte de francisation et le certificat d’immatriculation, car ces documents ne sont pas délivrés dans le même temps. Le permis d’armement nécessitera des vérifications préalables concernant les règles sociales applicables dans l’entreprise ; or il est nécessaire pour un armateur, ne serait-ce que pour des raisons d’assurance, de disposer dès que possible de l’acte de francisation et du certificat d’immatriculation. De plus, il est nécessaire de pouvoir suspendre le permis d’armement sans suspendre pour autant l’acte de francisation.

On veut donc simplifier deux démarches qui ne se font pas au même moment et n’ont pas le même objectif. Surtout, cela risquerait de poser des difficultés aux armateurs, puisque le permis d’armement nécessitant des investigations, les difficultés pour obtenir l’un soulèveraient, en pratique, des difficultés pour obtenir l’autre. Il me semble qu’il s’agit d’une fausse simplification !

Telle est, en tout cas, l’appréciation de l’administration. Le Gouvernement, au bénéfice de ces explications et sous réserve que vous arriviez à le convaincre d’ici à l’examen du texte au Sénat, suggère donc le retrait de l’amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Je le retire.

(L’amendement n150 est retiré.)

(L’article 1er ter, amendé, est adopté.)

Après l’article 1er ter

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, pour soutenir l’amendement n156.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Favorable.

(L’amendement n156 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, pour soutenir l’amendement n157.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Cet amendement tend à alléger les tâches administratives des capitaines à bord, en supprimant le journal de mer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Favorable.

(L’amendement n157 est adopté.)

Article 2

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, inscrit sur l’article.

M. Gilles Lurton. L’article 2 crée un « permis d’armement » qui fusionne le rôle d’équipage et le permis de circulation. L’objectif est de créer un seul et unique document, qui reprendrait à la fois la fonction que le rôle d’équipage remplissait pour le régime social des marins et la liste des périodes embarquées. C’est une bonne mesure de simplification, mais il aurait fallu aller plus loin, car avec ce permis d’armement le marin continue de voir son activité gérée en fonction du navire sur lequel il navigue. Or de plus en plus de marins ne sont pas rattachés à un seul navire, mais sont conduits à naviguer sur différents navires, suivant les demandes des armateurs ; de plus en plus d’entreprises possèdent en effet plusieurs navires et le marin est conduit à être mobile d’un navire à l’autre. J’ai d’ailleurs eu l’occasion, monsieur le secrétaire d’État, de vous interroger récemment sur la situation de marins français naviguant sur des compagnies françaises que leurs armateurs affectent sur des compagnies étrangères et sur les conditions de leur protection sociale dans ce cadre.

Les entreprises souhaitent pouvoir gérer leurs marins de façon globale, et c’est d’ailleurs ce que préconisait le rapport « Osons la mer » que vous avez, monsieur le rapporteur, remis en 2013 à la demande du Premier ministre Jean-Marc Ayrault. La proposition formulée à l’article 2 est en nette régression par rapport à votre préconisation d’aller vers un rôle d’entreprise établi pour tous les navires appartenant à un armateur, et non plus navire par navire.

M. le président. Nous en venons aux amendements.

La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement n63.

Mme Colette Capdevielle. Cet amendement propose de rétablir l’article 2 dans sa version initiale, laquelle prévoyait la création d’un « rôle d’entreprise » afin de faire évoluer le rôle dont la seule forme légale est aujourd’hui le « rôle d’équipage ».

Le rôle « collectif » me paraît en effet bien trop restrictif, car il introduit la notion de catégorie de navire. L’évolution prévue par le texte initial permettait un rattachement plus direct à l’entreprise et une amélioration de l’employabilité des gens de mer. En outre, dans la suite du texte, certaines dispositions font indirectement référence au « rôle d’entreprise » : c’est le cas à l’article 9 bis et à l’article 10 ; cela démontre la volonté du rédacteur de la proposition de loi de faire évoluer le rôle, aujourd’hui trop restrictif. Dans un souci de cohérence, il convient donc de rétablir l’article 2 dans sa version initiale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Leroy, rapporteur. J’entends votre demande, Mme Capdevielle – et je vous remercie d’avoir prêté attention au texte initial. Toutefois, je demanderai le retrait de l’amendement. Je vais vous expliquer pourquoi.

La création du rôle d’entreprise ne permettait pas de se libérer complètement de la pesanteur du rôle d’équipage. Nous avons donc décidé, dans un souci de clarification administrative, de créer, via un autre dispositif mis en place par les articles 2, 2 bis et 2 ter, deux documents distincts : le permis d’armement, qui remplace le rôle d’équipage, et la carte de circulation, cette dernière ne traitant que des sujets régaliens et étant délivrée par navire. L’état des services reprend la fonction que jouait le rôle d’équipage pour l’Établissement national des invalides de la marine, l’ENIM. Il peut être délivré pour plusieurs navires d’une même entreprise.

Votre amendement est donc satisfait d’un certain point de vue, car le caractère collectif du rôle d’entreprise, dont vous demandez le rétablissement, a été conservé à travers l’état des services.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Même avis : demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho. Nous ne voterons pas cet amendement, dont l’objet est de rétablir l’article 2 dans sa rédaction initiale.

Si la nouvelle architecture de l’article 2, comme de nombreuses autres dispositions du texte, est difficile à décrypter, sa rédaction répond toutefois à des préoccupations exprimées lors des consultations menées par le rapporteur. Ces consultations ont conduit, d’une part, à fusionner le rôle d’équipage et le permis de circulation en un « permis d’armement », d’autre part à créer un « état des services », qui reprendra la fonction que le rôle remplissait pour l’établissement public national chargé de la gestion du régime spécial de sécurité sociale des marins. Je ne sais si cette nouvelle rédaction répond pleinement aux attentes des organisations syndicales et dissipe toutes les inquiétudes – j’en doute. Ce que je sais, en revanche, c’est qu’aussi bien la Fédération nationale des syndicats maritimes CGT que l’Union fédérale maritime CFDT avaient exprimé de vives réserves concernant notamment les incidences de la création du rôle d’entreprise sur le plan de carrière et les pensions des marins. Je pense que nous devons y être attentifs.

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Je retire l’amendement.

(L’amendement n63 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, pour soutenir l’amendement n95.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Favorable.

(L’amendement n95 est adopté.)

M. le président. L’amendement n98 est lui aussi de précision, monsieur Leroy ?

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Oui, monsieur le président.

(L’amendement n98, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Les amendements suivants, nos 99, 32 et 102, sont eux aussi de cohérence ou de précision juridique.

(Les amendements nos 99, 32 et 102, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, pour soutenir l’amendement n100.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Il s’agit d’une mise en conformité avec une décision du Conseil constitutionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Favorable.

(L’amendement n100 est adopté.)

(L’article 2, amendé, est adopté.)

Article 2 bis

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, rapporteur, pour soutenir l’amendement n101.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. C’est un amendement de conséquence.

(L’amendement n101, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, rapporteur, pour soutenir l’amendement n4.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Il est rédactionnel.

(L’amendement n4, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 158 et 159 deuxième rectification, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Arnaud Leroy, rapporteur, pour les soutenir.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Ce sont des amendements de conséquence.

(Les amendements nos 158 et 159 deuxième rectification, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 2 bis, amendé, est adopté.)

Article 2 ter

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 5 et 83, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Arnaud Leroy, rapporteur, pour les soutenir.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Ils sont rédactionnels.

(Les amendements nos 5 et 83, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 2 ter, amendé, est adopté.)

Après l’article 2 ter

M. le président. Je suis saisi de deux amendements portant article additionnel après l’article 2 ter.

La parole est à M. Arnaud Leroy, rapporteur, pour soutenir l’amendement n103.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Il propose une entrée en vigueur différée du permis d’armement.

(L’amendement n103, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n160 qui fait l’objet d’un sous-amendement n231.

La parole est à M. Arnaud Leroy, rapporteur, pour soutenir l’amendement.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Il propose une extension à l’outre-mer du chapitre I.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir le sous-amendement n231.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Cet article prévoit la délivrance d’un document unique faisant figurer d’une part l’acte de francisation qui relève des compétences de l’État, d’autre part le certificat d’immatriculation qui relève des compétences des collectivités. L’élaboration d’un document unique par deux autorités différentes ne semble pas pertinente. Le sous-amendement n231 corrige ce problème. Sous réserve de son adoption, le Gouvernement émet un avis favorable à l’amendement n160.

(Le sous-amendement n231, accepté par la commission, est adopté.)

(L’amendement n160, sous-amendé, est adopté.)

Article 3A

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, rapporteur, pour soutenir l’amendement n6.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Il est rédactionnel.

(L’amendement n6, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, rapporteur, pour soutenir l’amendement n7.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. C’est un amendement de précision.

(L’amendement n7, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 8, 9 et 33, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Arnaud Leroy, rapporteur, pour les soutenir.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Ils sont rédactionnels.

(Les amendements nos 8, 9 et 33, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 3A, amendé, est adopté.)

Article 3B

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, rapporteur, pour soutenir l’amendement n10.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Il est rédactionnel.

(L’amendement n10, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, rapporteur, pour soutenir l’amendement n11.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. C’est un amendement de correction.

(L’amendement n11, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 3B, amendé, est adopté.)

Article 3

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article.

La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. L’article 3 ouvre le chapitre II relatif à la gouvernance des ports. Comme je l’ai dit lors de l’examen de l’article 1er, le secteur maritime est pourvoyeur d’emplois. Nos ports, les grands comme les plus modestes qu’il ne faut pas oublier, doivent être soutenus si nous voulons mettre notre espace maritime au service de l’emploi et de la compétitivité. Je rappelle que le transport maritime et fluvial de passagers et de marchandises occupe plus de 45 000 personnes et la construction et la réparation navales 39 000, en plus des travaux maritimes et fluviaux, des services parapétroliers et paragaziers, des activités offshore, de la pêche, de la plaisance et de toute l’économie qui en résulte. Si nous voulons préserver tout cela, il faut au moins maintenir si ce n’est augmenter la compétitivité de nos ports.

La vraie question consiste à déterminer la stratégie portuaire que nous voulons pour notre pays. Les plus grands ports sont concurrencés par d’autres grands ports européens car l’accès par mer à nos ports nationaux est souvent difficile. Il doit être modernisé et bénéficier d’importants et coûteux travaux de déroctage. Les plus petits ont également un rôle à jouer dans le développement de notre politique maritime. Eux aussi doivent bénéficier d’investissements similaires et il ne faut pas les oublier. Outre l’accès par mer, il faut également améliorer la desserte de nos ports par l’hinterland. Pour être compétitifs, nos ports doivent aussi être faciles d’accès pour le transport des marchandises vers et depuis l’arrière-pays. Toutes les régions doivent donc se sentir concernées, y compris les régions les plus éloignées de la mer. J’appelle donc de mes vœux une politique de la mer transversale à toutes les politiques économiques de notre pays. Je n’en perçois pas toujours l’impulsion politique.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Fourneyron.

Mme Valérie Fourneyron. Cet article traite de la gouvernance des ports. Il faut se souvenir qu’entre 1965 et juillet 2008, pendant plus de quarante ans, aucune évolution de l’organisation de la gouvernance des ports n’a eu lieu. La réforme votée en 2008 est encore assez récente. Un équilibre a alors été trouvé entre le conseil de surveillance, le directoire, le conseil de développement et le comité d’audit. En outre, M. le secrétaire d’État renforce la stratégie de coordination interportuaire entre ports de la même façade maritime par les missions qu’il vient de mettre en place sur les axes fluviaux. Sur celui de la Seine, on mesure toute la pertinence du GIE HAROPA, support d’une stratégie et d’un contrat interrégional de la vallée de la Seine. On voit bien la pertinence de la stabilité obtenue entre les différentes instances de gouvernance mais aussi de la perspective de l’axe fluvial qui doit être développé au service de la compétitivité de nos ports.

Dans ce cadre, il est sans aucun doute pertinent d’accorder plus de place à la collectivité régionale au sein du conseil de surveillance au regard de la place que prennent nos régions dans le développement économique et dans la contractualisation des investissements avec l’État. Faire remonter le comité d’audit au niveau législatif est sans aucun doute également pertinent et ménager une place pour les investissements au sein du conseil de développement aussi. Néanmoins, nous devons être attentifs à franchir les étapes les unes après les autres sans modifier trop brutalement l’équilibre au sein de nos instances de gouvernance portuaire actuelles. N’allons pas nous imaginer que l’évolution de la gouvernance améliorera à elle seule la compétitivité de nos ports dont les enjeux, me semble-t-il, sont bel et bien ailleurs !

M. le président. Nous en venons à l’examen des amendements.

La parole est à M. Arnaud Leroy, rapporteur, pour soutenir l’amendement n12.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. C’est un amendement de rectification.

(L’amendement n12, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, rapporteur, pour soutenir l’amendement n13.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Il est rédactionnel.

(L’amendement n13, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, rapporteur, pour soutenir l’amendement n14.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. C’est un amendement de cohérence.

(L’amendement n14, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n172 qui fait l’objet d’un sous-amendement n240.

La parole est à Mme Catherine Troallic, pour soutenir l’amendement.

Mme Catherine Troallic. Cet amendement confère à la commission des investissements le pouvoir de rendre un avis conforme sur les projets d’investissement publics dans des infrastructures portuaires d’intérêt général et propose par ailleurs d’inclure cet avis conforme dans le projet stratégique lors de son élaboration. Je propose également, afin de lever certaines inquiétudes, que le conseil de développement, après avis de la commission des investissements dans son champ de compétence, émette un avis consultatif sur l’ensemble du projet stratégique et dispose de la faculté de lui demander une nouvelle délibération s’il l’estime utile.

Cet amendement vise à donner plus de poids aux investissements privés sans réduire le pouvoir du secteur public qui restera le décisionnaire final du plan stratégique. Par ailleurs, nos concurrents nordiques ont adopté une démarche du même ordre. À Anvers, le port a modifié ses statuts depuis le 1erjanvier 2016. L’entreprise municipale est devenue une société anonyme toujours entièrement publique mais dont le conseil d’administration est ouvert à des représentants du secteur privé.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir le sous-amendement n240.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Il s’agit d’un débat de fond. L’amendement qui vient d’être présenté prévoit un avis conforme de la commission des investissements, ce qui peut évidemment provoquer un blocage du fonctionnement des institutions. Rien de tel n’a été initialement prévu. Certes, on conçoit que des élus souhaitent donner leur avis sur les projets de développement. C’est pourquoi le Gouvernement a travaillé à l’élaboration d’une solution consensuelle et propose donc d’inscrire la demande des investisseurs à l’article 3 prévoyant le processus d’avis rendu par la commission des investissements.

Le sous-amendement n240 propose de compléter l’article en précisant que la nature et le niveau des projets d’investissements soumis à l’avis de la commission sont fixés par décret simple. Nous devons être très attentifs à ne pas inventer un système susceptible de bloquer le fonctionnement des institutions portuaires. Un blocage peut survenir pour des raisons parfois complexes et chacun ici a l’expérience de la politique locale et des projets concurrents. Il est difficile de penser sans angélisme que rien de tel ne peut se produire. Je laisse chacun imaginer les situations susceptibles de survenir en cas d’événements tels que ceux que j’ai cités un peu spontanément en répondant à la discussion générale.

Ce qui est proposé n’est donc pas raisonnable. Les élus peuvent certes donner leur avis, évidemment susceptible de changer la donne, mais imaginer sur la base de l’amendement qui vient d’être présenté un système de contre-pouvoir s’opposant à ce que prévoit la loi me semble déraisonnable. Le Gouvernement comprend l’aspiration des auteurs de l’amendement mais souhaite conserver la nécessaire souplesse des institutions actuelles. Je suggère donc que le sous-amendement présenté par le Gouvernement soit accepté afin que l’amendement lui-même soit ensuite voté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Je compléterai d’abord les propos de notre collègue Valérie Fourneyron avant de donner l’avis de la commission sur l’amendement et le sous-amendement. Il est bon de rappeler que rien n’a changé pendant quarante ans. La réforme de 2008 elle-même a évolué entre son origine et son point d’aboutissement. Je renvoie chacun aux débats de l’époque, notamment aux prises de position de l’un de nos collègues assez célèbre en matière portuaire, l’ancien sénateur maire de Dunkerque Michel Delebarre. Je partage la philosophie de l’amendement qui vise à éviter ce que nous avons vécu et vivons actuellement à propos de la plate-forme multimodale. Je partage aussi la crainte de M. le secrétaire d’État qu’un blocage ne survienne. Il ne faut pas renverser du jour au lendemain les rapports de force dans les conseils portuaires, quels qu’ils soient.

Je fais pour ma part le pari de l’intelligence sur ce sujet. Nous avons entendu la demande de fluidité, de dialogue, de coconstruction et de consensus de la majorité des membres des conseils de développement des grands ports maritimes français. Nous avons aussi entendu l’administration et ses représentants. Je vous demande donc, madame Troallic, ainsi qu’à tous nos collègues signataires de l’amendement, de le retirer au bénéfice de l’amendement n173 que vous vous apprêtez à soutenir. Nous pourrons ainsi avancer et sortir par le haut du problème de l’avis conforme. En outre, je présenterai moi-même un sous-amendement à l’amendement n173. À défaut de retrait, l’avis de la commission est donc défavorable.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à dix-neuf heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à Mme Catherine Troallic.

Mme Catherine Troallic. J’ai bien entendu les inquiétudes que l’amendement n172 pouvait susciter quant à un possible blocage. Je le retire donc.

(L’amendement n172 est retiré.)

M. le président. Je vous invite, madame Troallic, à soutenir l’amendement n173, qui fait l’objet de deux sous-amendements, nos 222 et 239.

Mme Catherine Troallic. Cet amendement vise à rendre obligatoire la consultation de la commission des investissements du conseil de développement, qui devra se faire dans un délai suffisant pour que celle-ci puisse statuer en toute connaissance de cause. Dans un souci de transparence, l’amendement prévoit que l’avis est annexé au projet stratégique du port et publié au recueil des actes administratifs du département.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, rapporteur, pour soutenir le sous-amendement n222.

M. Arnaud Leroy. Dans un souci d’équilibre, ce sous-amendement vise à retirer au président du conseil régional ou à son délégué une prérogative que leur donne l’amendement, la voix de partage sur certaines délibérations.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir le sous-amendement n239.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Je ne reprends pas la défense que j’ai faite du sous-amendement n240.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Doucet.

Mme Sandrine Doucet. J’avais défendu en commission un amendement de suppression de l’article 3, qui prévoyait un avis conforme dans sa rédaction initiale, puis retiré l’amendement au bénéfice d’une nouvelle rédaction que proposait le rapporteur.

Je crains que l’amendement n173 ne complexifie les choses et rende illisible la politique stratégique des ports. Par ailleurs, le rôle des autorités publiques en matière stratégique portuaire a été mis en avant lors de discussions au niveau européen, au mois d’octobre.

Pourquoi la commission doit-elle comprendre des investisseurs privés, pourquoi soumettre obligatoirement le projet stratégique à l’avis de la commission ? Il nous semble dommageable d’adopter cet amendement, même sous-amendé : l’article 3, dans sa rédaction actuelle, préserve les équilibres et donne à la région un rôle prépondérant, une position que nous avons défendue.

(Le sous-amendement n222, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(Le sous-amendement n239, accepté par la commission, est adopté.)

(L’amendement n173, sous-amendé, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté et l’amendement n15 tombe.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, rapporteur, pour soutenir l’amendement n105.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Amendement de cohérence.

(L’amendement n105, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 3, amendé, est adopté.)

Article 3 bis

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Fabre, inscrite sur l’article.

Mme Marie-Hélène Fabre. Comme vous le savez, la France a ratifié en 2013 la convention du travail maritime de 2006 de l’Organisation internationale du travail, l’OIT. Cette convention stipule que « tout membre doit promouvoir la mise en place d’installations de bien-être dans les ports appropriés du pays et déterminer, après consultation des organisations d’armateurs et de gens de mer intéressées, quels sont les ports appropriés. » Ces lieux de bien-être, les Seamen’s clubs, sont des repères importants pour les marins en escale. Ils leur offrent des moyens de communication avec leur famille – internet, téléphone – et la possibilité de se distraire et de se détendre.

Le conseil général de l’environnement et du développement durable – CGEDD – a rendu un rapport très instructif en avril sur le devenir de ces clubs marins. Il met en lumière la nécessaire adaptation de la gestion de ces lieux d’escale, du fait des mutations techniques et industrielles du transport maritime mondial.

Ces clubs sont gérés par des associations loi de 1901, qui fonctionnent sur la base du bénévolat et avec des budgets relativement contraints. Or les bénévoles de ces clubs vieillissent, s’épuisent et il apparaît de plus en plus compliqué d’assurer la pérennité de ces institutions. Par ailleurs, il est plus facile aux marins de joindre leur famille, du fait de la généralisation des téléphones portables et des connexions satellites à bord. Les Seamen’s clubs doivent donc évoluer, en s’orientant vers l’animation et les services de confort.

Pour remédier à l’épuisement du modèle actuel et permettre l’essor de nouvelles pratiques, il paraît opportun de permettre à ces clubs de recruter des salariés. Des financements sont nécessaires ; il serait intéressant de modifier le code des transports, ce qui permettrait aux collectivités qui le souhaitent de pouvoir solliciter les armateurs des navires en escale dans les ports.

(L’article 3 bis est adopté.)

Après l’article 3 bis

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement n73.

Mme Colette Capdevielle. Il existe quatre conseils maritimes de façade : Manche Est/mer du Nord, Nord Atlantique/Manche Ouest, Méditerranée et Sud Atlantique. Ces conseils sont composés de 80 membres, répartis en 5 collèges.

Toutefois, les différentes parties prenantes des ports de commerce décentralisés, comme celui de Bayonne, ne sont pas nommément associées. Cet amendement prévoit de les ajouter à la liste des membres du conseil, afin de renforcer la coordination maritime et ce, à l’échelle des grandes façades, notamment la façade atlantique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Cet amendement est satisfait puisqu’un arrêté du 27 septembre 2011 sur la composition des conseils maritimes de façade prévoit que les collèges comprennent les collectivités. Je demande le retrait de cet amendement, à défaut de quoi l’avis sera défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Monsieur le secrétaire d’État, vous évoquez les collectivités, alors que je parle des ports décentralisés, dont certains sont gérés par des chambres de commerce et d’industrie – CCI. Je maintiens cet amendement, qui, en ajoutant à la liste des membres du conseil les ports décentralisés, comme celui Bayonne, permet de renforcer la coordination maritime à l’échelle de la façade.

M. le président. La parole est à M. Sébastien Denaja.

M. Sébastien Denaja. La distinction que ma collègue vient de faire entre port décentralisé et collectivité me semble fondée sur le plan juridique. Et quand bien même la disposition serait satisfaite par une disposition de nature réglementaire, il ne serait pas inopportun de consacrer cette disposition au plan législatif !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Devant la puissance de l’argumentation, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée ! (Sourires.)

(L’amendement n73 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy, rapporteur, pour soutenir l’amendement n166 rectifié.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. L’autoliquidation de la TVA pour les PME et les TPE est un sujet récurrent lorsque l’on vient à parler de compétitivité portuaire. Nous avions commencé à en débattre dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016. Il mérite ce soir toute notre attention car il est lié à l’attractivité des ports français.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Nous n’avons de désaccord ni sur l’objectif ni sur le fond. Le Premier ministre lui-même s’est exprimé lors du Comité interministériel de la mer – CIMer – sur la possibilité d’accroître la compétitivité grâce à la généralisation de l’autoliquidation de la TVA. Mais, vous le savez, cela suppose d’éviter les « imperfections » dans la gestion de la TVA, donc des investigations complémentaires. Aussi, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, à défaut de quoi l’avis sera défavorable.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Je maintiens l’amendement.

(L’amendement n166 rectifié est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement n74.

Mme Colette Capdevielle. Le rapport de la sénatrice Odette Herviaux a permis d’identifier plusieurs enjeux de coopération afin, notamment, de mieux coordonner les grands ports avec les autres : le développement du cabotage, la mutualisation d’expertise, la mutualisation de services, les échanges d’information sur les trafics, les projets d’investissements et l’élaboration de positions communes par façade sur les enjeux nationaux et européens, la mutualisation de communications et de promotion.

Cet amendement vise ainsi à préciser et compléter la liste des enjeux figurant au sein du document de coordination.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Je vous invite à retirer votre amendement, madame Capdevielle, pour une raison simple. Sa rédaction conduirait à réduire les sujets dont on peut traiter dans le document de coordination. En effet, il fixe un objectif unique à cette mutualisation – l’élaboration de positions communes par façade sur les enjeux nationaux et européens. Il limite par ailleurs la réflexion sur la mutualisation à deux sujets, les moyens d’expertise et de service.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. J’invite également Mme Capdevielle à retirer son amendement, sinon avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Je retire mon amendement.

(L’amendement n74 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement n69.

Mme Colette Capdevielle. Cet amendement devrait vous satisfaire, monsieur le président. Les associations de protection de l’environnement ne sont pas représentées au sein des conseils portuaires, à l’exception notable de deux ports, Cherbourg et Caen.

Le rapport de la sénatrice Odette Herviaux atteste que cette absence peut rendre plus difficile la prise en compte des questions liées à l’environnement dans les politiques portuaires.

Or, cette question est particulièrement prégnante dans les ports ayant une activité industrielle ou de stockage de produits pétroliers ou gaziers, comme Bayonne ou Caen, ainsi que ceux confrontés aux besoins de dragage.

Cet amendement tend par conséquent à ce que les problématiques du développement durable soient mieux prises en compte dans les enjeux débattus au sein du conseil portuaire.

M. le président. Vous n’aviez pas besoin de deux minutes, madame, pour que je saisisse le sens de cet amendement. Je suppose que M. le secrétaire d’État sera d’accord avec moi, mais c’est un débat très aquitain.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Je suis favorable à l’amendement car c’est en discutant sereinement et en consultant les acteurs du terrain que l’on trouve des solutions, comme en témoigne la problématique du dragage. Nous pourrons ainsi espérer mieux prendre en compte les données environnementales et, surtout, dégonfler certains fantasmes, ce qui nous permettra d’avancer plus vite.

Mme Colette Capdevielle. C’est cela.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Pour répondre à votre attente, monsieur le président, je rends un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Yannick Moreau.

M. Yannick Moreau. Je ne sais pas qui d’entre nous a l’expérience des conseils portuaires, mais si l’on veut être certain d’échouer, il faut adopter cet amendement ! Vous aurez compris que je ne le voterai pas. Les conseils portuaires obéissent à une alchimie complexe qu’il ne faut pas déséquilibrer.

M. le président. La parole est à M. Gwenegan Bui.

M. Gwenegan Bui. Je ne suis pas du tout d’accord avec M. Moreau. À raisonner ainsi, les gens finissent par croire qu’on leur cache tout et qu’on ne leur dit rien. Dès lors que les associations environnementales ne sont pas conviées autour de la table, vous pouvez être assurés de vous retrouver face à un blocage à la moindre mesure qui concernera le dragage ou l’environnement dans les ports.

Il vaut mieux aujourd’hui, permettre que se tienne une discussion éclairée et objective en assurant la représentation des associations de protection de l’environnement au conseil portuaire.

M. le président. Je ne suis pas certain que Mme Capdevielle visait exclusivement les problèmes de dragage...

(L’amendement n69 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement n68.

Mme Colette Capdevielle. Pour revenir à l’amendement précédent, il faut reconnaître que le travail en concertation avec les associations permet de mettre fin à de nombreuses inquiétudes et interrogations. Nous avons pu le constater au port de Bayonne.

S’agissant de ce conseil portuaire, les milieux associatifs, professionnels et sociaux ainsi que les collectivités locales concernées sont associés à la stratégie de développement du port, en particulier à la politique tarifaire et foncière.

Le rapport de la sénatrice Odette Herviaux relève que la plupart des conseils portuaires – Lorient, Brest, Calais, Saint-Malo – comptent plus d’une quarantaine de membres.

C’est beaucoup, c’est vrai, et il est plus difficile d’élaborer dans ces conditions une véritable stratégie.

Selon le rapport, « Le conseil portuaire n’est pas un lieu de construction d’arbitrages, il n’est pas un lieu où se forme un consensus. C’est un lieu d’information et de validation formelle ».

Dans un souci d’efficacité, cet amendement tend à constituer des commissions spécialisées sur des enjeux limités. À ce titre, il prévoit a minima la création d’une commission de l’exploitation et des tarifs réunissant les acteurs portuaires et d’une commission du développement associant les chargeurs, les armateurs et les professionnels portuaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Avis favorable. Il me semble important de souligner la qualité du rapport d’Odette Herviaux. Nous n’avons peut-être pas tiré encore tous les enseignements de son travail et je suis ravi que l’on puisse, au travers de ce texte, appliquer certaines de ses propositions, en particulier celle d’associer davantage les parties prenantes portuaires. Les ports se sentent parfois déconsidérés par rapport aux grands ports maritimes français alors qu’ils jouent, dans certaines régions, un rôle moteur.

Il est heureux également que les processus décisionnels évoluent.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Sagesse.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. La place des collectivités locales au sein de ces commissions est-elle maintenue ?

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Bien sûr. Ce sont des commissions spécialisées. Le nombre des membres en serait réduit mais les collectivités seraient toujours présentes.

(L’amendement n68 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement n70.

Mme Colette Capdevielle. Cet amendement tend à créer un comité stratégique territorial du port qui regroupe toutes les collectivités concernées. M. Lurton en sera rassuré.

Le port de Bayonne est l’exemple d’une bonne pratique qu’il convient de généraliser. Le conseil régional a institué un comité qui regroupe, à ses côtés, les deux départements, les Landes et les Pyrénées-Atlantiques, les deux agglomérations et les quatre communes concernées.

En l’absence d’une telle gouvernance ouverte, il apparaît que certaines collectivités ne se retrouvent pas dans les orientations proposées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Je souscris à cette analyse, appuyée par l’expérience du port de Bayonne. Elle relève de la même philosophie que celle qui m’a amené à proposer, à l’article 3, de renforcer la représentation, au sein du conseil de développement, de la région dans laquelle se trouve le siège du port.

Il est important qu’un comité stratégique existe. C’est ce qui a permis, au niveau du port de Bayonne, de débattre de la ligne ferroviaire, laquelle permet aujourd’hui au port de survivre. Ces confrontations d’idées sont importantes, ne serait-ce que pour les choix d’urbanisme ou d’infrastructure qui s’en dégagent. Aujourd’hui, beaucoup de décisions peuvent être prises sans concertation ni consultation des EPCI, des départements, des bassins ou des pays.

Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement, sur cet amendement « bayonnais » ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. La tentation est toujours grande d’inscrire des bonnes pratiques encore incertaines dans la loi. N’oubliez pas que nous n’avons pas encore tiré toutes les conséquences de l’application de l’article 22 de la loi NOTRe. Il me paraît fort délicat de préjuger d’une pratique qui relève de la délibération collective des élus et en est encore au stade de l’expertise. Même si vous êtes fiers du résultat obtenu à Bayonne, vous ne pouvez pas en déduire aussi facilement que vous avez trouvé la solution et l’imposer au reste de la France en l’inscrivant dans la loi. Cette démarche me semble assez hardie.

Je ne porte pas de jugement sur le fond de l’amendement mais je vous invite tout de même à le retirer.

D’ailleurs, l’une des difficultés de ce texte, que nous retrouverons plus tard avec la loi relative à la biodiversité, est de vouloir régler tous les problèmes alors que certains relèvent d’autres textes. Il faut savoir choisir. En l’espèce, cette question relève de la loi NOTRe et elle est encore en cours de discussion. Peut-être faudra-t-il un jour trancher mais c’est encore trop tôt pour le décider.

M. le président. La parole est à M. Sébastien Denaja.

M. Sébastien Denaja. Je suis d’accord avec M. le secrétaire d’État sur l’existence d’interférences avec la loi NOTRe. De surcroît, l’exemple de Bayonne n’est pas unique et nous pouvons tirer de l’expérience méditerranéenne la leçon de la souplesse, pour laisser à chaque collectivité territoriale la liberté de s’organiser. En Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, cette grande région dirigée par Carole Delga, nous avons tout autant que nos amis d’Aquitaine, la capacité de trouver des solutions adaptées qui permettent, selon des modes d’organisation différents, d’associer les collectivités territoriales intéressées à l’avenir de nos zones portuaires.

En ce domaine, le législateur ne saurait prétendre imposer des pratiques, fussent-elles bonnes. Il faut laisser une certaine souplesse aux régions, comme ailleurs, pour s’organiser en bonne intelligence avec les collectivités territoriales concernées.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Sans vilain jeu de mot, à force de proposer des amendements « bayonnais », Mme Capdevielle pourrait se retrouver bâillonnée.

J’approuve cet amendement plutôt rassurant. Si j’ai posé cette question à propos de l’amendement précédent, c’est justement parce qu’il est essentiel que les collectivités locales soient pleinement associées à cette gestion.

Le port de Saint-Malo, ainsi, se trouve en pleine ville et toutes les décisions doivent être prises en concertation avec les collectivités locales. Il faut les rassurer sur ce point.

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Cet amendement n’est nullement en contradiction avec les dispositions de la loi NOTRe. Il ne fait que s’inspirer d’un exemple de bonne gouvernance qui montre que l’on fonctionne mieux si toutes les collectivités sont associées. Lorsqu’une collectivité, par exemple le département ou un établissement public de coopération intercommunale, ne participe pas à la gouvernance, cela peut soulever des difficultés pour la gestion du port.

Par conséquent, je maintiens mon amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. J’entends les arguments du ministre. Si, à la suite de l’intéressante discussion que nous avons eue en commission à ce sujet, j’ai émis un avis favorable à l’amendement, j’aimerais aussi avoir plus de précisions quant au calendrier d’application de la disposition de la loi NOTRe concernant le transfert de la gestion des ports.

J’entends aussi les propos de M. Denaja sur la nécessaire flexibilité. Cela étant, l’article additionnel proposé n’est pas prescriptif.

M. Sébastien Denaja. Il est tout de même écrit : « se réunissent ».

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Soit, mais la rédaction reste légère : elle ne fixe pas ce que l’on doit faire. Dans mes consultations – et je pense que Mme Herviaux pourrait également en témoigner –, j’ai entendu beaucoup de gens regretter que l’on « zappe », si vous me passez l’expression, les collectivités locales dans ce domaine.

Le secrétaire d’État a néanmoins raison de rappeler que certaines dispositions peuvent entrer en concurrence avec celles de la loi NOTRe. Je vous invite donc, madame Capdevielle, à retirer votre amendement. Quelques mois s’écouleront avant le passage du texte au Sénat, ce qui nous laissera le temps d’examiner le calendrier d’application de la loi NOTRe. Je ne doute pas que le sujet intéressera aussi notre collègue sénatrice Odette Herviaux !

M. le président. Retirez-vous votre amendement, madame Capdevielle ?

Mme Colette Capdevielle. Je le retire.

M. le président. Le Béarnais que je suis vous entend, ma chère collègue.

(L’amendement n70 est retiré.)

M. Gilles Lurton. Et voilà, Mme Capdevielle est bâillonnée !

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Ce serait impensable dans votre groupe, n’est-ce pas, monsieur Lurton ?

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion de la proposition de loi pour l’économie bleue.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly