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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2016-2017

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 25 octobre 2016

Présidence de Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017 (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017 (nos 4072, 4151, 4150).

Motion de renvoi en commission

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Les Républicains une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Jean Leonetti.

M. Jean Leonetti. Monsieur le président, madame la ministre des affaires sociales et de la santé, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, vous nous présentez aujourd’hui le dernier projet de loi de financement de la Sécurité sociale de la législature.

Il porte malheureusement la double marque de l’autosatisfaction et de l’insincérité. Oui, il est insincère car, monsieur le secrétaire d’État, si vos chiffres ne sont pas faux, vos prévisions le sont. Les comptes avantageusement présentés ne parviennent cependant pas à masquer l’échec de ce gouvernement en matière de santé, dans une stratégie politique faite de dogmatisme, d’immobilisme et d’augmentation de la fiscalité.

Depuis 2012, le Gouvernement a clairement choisi l’augmentation des recettes, par une hausse massive des prélèvements sur les entreprises et les ménages – à hauteur de 50 milliards d’euros –, plutôt que la diminution des dépenses. La fin de cette législature, comme toutes les fins de législature gérées par les socialistes, se caractérise par des annonces tonitruantes et quelques lots de consolation. Or ceux-ci ne consolent personne et les promesses d’équilibre ne sont pas crédibles.

M. Bernard Perrut. Très bien !

M. Jean Leonetti. En effet, vous oubliez – et l’oubli est de taille – de comptabiliser les 3,8 milliards d’euros de déficit du Fonds de solidarité vieillesse, ce qui fait passer le déficit prévisionnel pour 2017 de 400 millions à 4,2 milliards d’euros. Vos prévisions optimistes sont d’ailleurs contestées par la Cour des comptes, qui n’envisage un retour éventuel à l’équilibre qu’en 2020, et cela en supposant que l’économie et les finances se portent bien. Vous le voyez, monsieur le secrétaire d’État, nous contestons non pas vos chiffres, mais la malencontreuse formule qui laisse espérer le comblement du trou de la Sécurité sociale. Cela nous permet d’ailleurs de rappeler que ce trou de la Sécu est en fait le résultat de la dette sociale cumulée, laquelle est supérieure à 150 milliards d’euros.

Dans ce domaine, comme dans d’autres d’ailleurs, le Gouvernement ne devrait pas verser dans le triomphalisme, parce que cela contrasterait avec la situation vécue par les professionnels de santé sur le terrain et par nos concitoyens. Néanmoins, puisque « ça va mieux », pour reprendre une expression présidentielle, voyons plus en détail à quel prix et avec quelles recettes cette amélioration comptable a été obtenue.

S’agissant de la branche famille, la recette – aux deux sens du terme – est simple : c’est l’impôt ; la cible en sont les familles des classes moyennes. Aux baisses successives du plafond du quotient familial – soit 1 milliard d’euros en 2014 – et à la réforme de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE, s’est ajoutée la mise sous condition de ressources des allocations familiales, pour ne citer que les mesures les plus lourdes.

Les économies faites sur le dos des familles se comptent donc en milliards ; le montant global est probablement supérieur à 4 milliards d’euros.

M. Bernard Accoyer. Un massacre !

M. Jean Leonetti. Ce n’est pas le Gouvernement qui a obtenu l’équilibre des comptes, ce sont les familles qui ont payé pour qu’il soit atteint. Les mesures que j’évoquais ne sont pas seulement financières, elles ont aussi une forte valeur symbolique.

M. Bernard Accoyer. Eh oui !

M. Jean Leonetti. Depuis 1945, nous avions admis le principe d’une solidarité entre les familles avec enfants et celles qui n’en avaient pas, en considérant que les premières préservaient les retraites des dernières. Cette solidarité faisait partie de notre pacte social et républicain.

M. Bernard Accoyer. C’est fini !

M. Jean Leonetti. Désormais, la rupture avec ce principe est consommée. Il est vrai que la baisse récente de la natalité est peut-être seulement conjoncturelle et que ses causes possibles sont multiples. Cependant, il convient de rappeler que c’est la politique familiale menée depuis 1945 qui a fait de la France un pays à forte natalité. Dans ce domaine, la comparaison avec l’Allemagne est d’ailleurs éclairante, et ce pays nous envie. Les Allemands nous envient si peu de choses que nous aurions dû préserver cet élément de notre pacte social.

M. Bernard Accoyer. Tout à fait !

M. Jean Leonetti. Pour ce qui est de la branche vieillesse, la recette est l’immobilisme. Pourquoi s’occuper des retraites, puisque la droite républicaine et le centre, lorsqu’ils sont au pouvoir, gèrent ce dossier délicat ? Il suffit d’attendre l’alternance, de se réjouir de l’équilibre obtenu et de ne rien changer à ce que l’on a antérieurement combattu avec âpreté.

Mme Bérengère Poletti. Bravo !

M. Jean Leonetti. Quelle serait la situation sans la réforme des retraites conduite en 2010 ? Au lieu d’afficher un excédent de 1,6 milliard d’euros pour 2017, vous accuseriez un déficit de près de 6 milliards d’euros.

Mais l’équilibre n’est pas définitivement acquis. La Cour des comptes vous alerte sur la rechute possible de la branche vieillesse dans dix ans, d’autant que vous avez ajouté le fameux compte pénibilité, d’une rare complexité, qui nécessitera un financement supplémentaire. Qu’importe ! C’est dans dix ans, la législature à sa fin et l’alternance prochaine est probable.

Concernant la branche maladie, la recette est l’idéologie et, si j’osais, je dirais que le remède est le médicament, à hauteur de 1,4 milliard puis de 1,7 milliard d’euros. L’industrie du médicament est une économie dynamique et exportatrice – il n’y en a pas beaucoup dans notre pays.

M. Bernard Accoyer. C’est un bouc émissaire !

M. Jean Leonetti. Elle ne peut être, année après année, la variable d’ajustement d’une politique déficitaire, sans que cela ne remette en cause notre compétitivité dans ce domaine.

M. Bernard Accoyer. Il faut bien insister sur ce point ! J’ai essayé d’en parler à Mme la ministre, mais elle ne m’a pas écouté cet après-midi.

M. Jean Leonetti. C’est aussi par idéologie que vous avez exclu l’hospitalisation privée des groupements de territoire dans le cadre des missions du service public et inutilement généralisé le tiers payant.

M. Bernard Accoyer. Tout à fait !

M. Jean Leonetti. Au-delà de la contrainte administrative qu’une telle mesure représente, imposer aux médecins, contre leur avis, le tiers payant généralisé est irresponsable dans le contexte actuel et ils l’ont ressenti comme un signe de profond mépris.

M. Bernard Accoyer. Tout à fait !

M. Jean Leonetti. Pour 2017, l’objectif national des dépenses d’assurance maladie – l’ONDAM – est de 2,1 %, ce qui est intenable à la fois pour l’hospitalisation privée et pour l’hospitalisation publique.

Monsieur le secrétaire d’État, puisque vous vous êtes étonné de notre position sur le sujet, je me permets de vous rappeler que, lorsque nous proposions un taux situé entre 2,4 % et 2,7 %, vous répondiez, sur les bancs de l’opposition, que c’était très insuffisant. Permettez-moi aussi de vous rappeler que le niveau de l’ONDAM dépend de la capacité à effectuer des économies en engageant des réformes structurelles, ce que avez renoncé à faire depuis 2012 – j’y reviendrai.

Les nouvelles dépenses sont évaluées à 1,1 milliard d’euros : hausse des tarifs médicaux, revalorisation du point d’indice des fonctionnaires hospitaliers et suppression de la journée de carence. Comment, dans ce contexte et, je le répète, sans réforme, respecter un ONDAM à 2,1 % ?

Vous défendez souvent l’idée selon laquelle l’équilibre financier obtenu par ces artifices n’a en rien affecté l’accès aux soins des usagers.

M. Philip Cordery, rapporteur de la commission des affaires sociales et M. Michel Issindou. C’est vrai !

M. Jean Leonetti. Or la Cour des comptes vous alerte, au contraire, sur l’érosion de la protection sociale, qui compromet l’égal accès aux soins.

M. Bernard Accoyer. Absolument !

M. Jean Leonetti. Les usagers ne s’y trompent pas : si, selon les résultats d’un sondage, 85 % d’entre eux plébiscitent la qualité de la médecine française, la crainte principale de près d’un Français sur deux est de ne plus avoir accès aux soins comme par le passé.

Si le reste à charge est en France un des plus bas d’Europe – 8,4 % –, ce chiffre masque d’importantes disparités entre ceux qui bénéficient de la gratuité grâce au dispositif des affections de longue durée – ALD –, à la couverture maladie universelle – CMU – ou à l’aide médicale de l’État – AME – et ceux pour lesquels la contribution ne cesse d’augmenter pour compenser la gratuité des soins des autres.

Dans le domaine médico-social, votre projet est peu lisible et manque d’avancées significatives. Le financement reste organisé autour de la Caisse nationale de solidarité et d’autonomie, la CNSA – nous l’avons mise en place, vous l’avez combattue puis vous l’avez utilisée –, et des départements, dont vous n’avez cessé de diminuer significativement les dotations. Le Gouvernement n’a vraiment pas de quoi exprimer de l’autosatisfaction dans ce domaine non plus.

Vous devriez avoir le triomphe modeste, car l’équilibre a été obtenu au prix d’un profond malaise des professions médicales et d’un matraquage fiscal sans précédent des familles françaises.

Pour être juste, je reconnais que vous avez poursuivi un certain nombre de réformes qui avaient été initiées avant 2012 : la réforme hospitalière, le virage de l’ambulatoire, la pertinence des actes et la télémédecine, pour ne citer que ces mesures, ont été timidement poursuivis. Il est dommage que vous ne soyez pas allés plus loin et que ces réformes ne portent pas aujourd’hui les fruits que l’on aurait pu espérer si une politique volontariste avait été menée.

En matière de prévention, madame la ministre, vous avez eu la franchise de dire que vous avez poursuivi la politique antérieure et nous vous soutenons dans la lutte contre le tabagisme, quoiqu’elle soit encore très insuffisante, puisque nous restons dans ce domaine le plus mauvais élève en Europe.

Vous avez défendu l’hôpital public dans les paroles mais pas dans les actes, car vous avez dénaturé la notion de groupement hospitalier de territoire – GHT – créée par la loi Bachelot, qui permettait à certains hôpitaux, du secteur public comme du secteur privé, de se regrouper et de mutualiser leurs moyens sur la base d’un projet médical, en fonction des besoins de la population d’un territoire. Vous préférez que les GHT soient imposés par les agences régionales de santé – ARS –, avant même la conception d’un projet médical. Or c’est bien sur un projet médical que doivent être fondés les GHT.

M. Jean-Pierre Door et M. Bernard Accoyer. Eh oui !

M. Jean Leonetti. Vous avez créé l’outil sans projet, pour pouvoir dire que vous avez fait cette réforme. Certes, elle est faite, mais elle n’est pas opérationnelle – et elle n’est pas près de l’être. Vous n’avez pas non plus défendu la médecine de ville.

Pour les territoires, le pacte territoire-santé n’a pas l’efficacité que vous prétendez : si les maisons de santé se multiplient grâce à des initiatives de terrain, elles ne sont pas situées dans les zones désertifiées. En outre, si ce mode de fonctionnement plus moderne de la médecine est bénéfique aux malades et aux acteurs de santé, le dispositif n’est pas nouveau et il ne saurait constituer l’unique réponse à la faible densité médicale de certains territoires français.

Pour amplifier l’incitation à l’installation en zone dense, vous avez fait des propositions, dont certaines vont dans le bon sens – je pense, par exemple, à l’idée de faciliter la participation des médecins n’ayant pas encore soutenu leur thèse à l’organisation des soins. Il faut aller plus loin. Les médecins sortant de la faculté ne s’installent pas dans certaines zones, diffèrent le moment de l’installation ou l’évitent. Il est désormais nécessaire de faire bénéficier des médecins qui s’installent dans les zones non denses d’une tarification plus attractive et de permettre aux médecins en formation d’effectuer systématiquement un stage obligatoire en médecine libérale.

Un amendement a pour objectif d’entraver la liberté d’installation des médecins par un déconventionnement sélectif. Même si l’on peut comprendre l’impatience légitime de certains élus qui voient  l’offre de santé disparaître dans leur territoire, je ne peux qu’être opposé à cet amendement dont on devine les effets pervers. En effet, soit les médecins renonceront à s’installer, soit ils auront une autre spécialité, soit ils se déconventionneront, ce qui sera encore pire, parce qu’à toutes les difficultés du territoire s’ajoutera alors celle de trouver un médecin conventionné. Vous vous êtes opposée à cet amendement, madame la ministre, et nous serons à vos côtés dans ce combat.

Si nous voulons avancer sans coup de rabot conjoncturel, si nous voulons mener une politique de santé cohérente et prédictive, il faut procéder à des réformes structurelles auxquelles vous avez toujours renoncé. Ces réformes concernent tout d’abord l’organisation des soins et la modernisation d’une politique de santé qui doit s’adapter à son temps. Trois mots-clés : décloisonner, moderniser, simplifier.

Décloisonner, c’est mettre fin à des conflits inutiles, que vous avez souvent laissés s’entretenir, entre les médecins et les malades ou l’hôpital public et la médecine libérale. Moderniser, c’est innover dans les comportements et la pratique des métiers, sortir du quantitatif pour tenter une évaluation qualitative, notamment de la pertinence des actes. Simplifier, c’est éviter les strates supplémentaires qui engendrent des dépenses inutiles. Je pense aux agences régionales de santé des grandes régions : comment, à la suite de la réforme territoriale, les ARS pourront-elles gérer des territoires grands comme des petits pays ? Simplifier, c’est aussi réduire les agences, comment le propose Bernard Accoyer, à moins de dix, et éviter que les médecins traitants ne passe le tiers de leur temps à des tâches purement administratives.

Il est donc nécessaire, dans ce cadre, de sortir de l’hospitalo-centrisme, qui dénature la mission de l’hôpital. Aujourd’hui, l’hôpital est le premier et le dernier recours. Il fait tout, partout et toujours : belle mission mais mission impossible. Il doit recouvrer sa mission d’excellence. Comment se fait-il donc que 25 % des postes des praticiens hospitaliers ne soient pas pourvus ? La médecine hospitalière n’est plus attractive : elle est trop peu rémunérée en début de carrière et sa pénibilité est trop grande. Il est donc nécessaire de laisser le choix de la contractualisation possible, limitée dans le temps, pour inciter les jeunes médecins à embrasser la carrière hospitalière.

La télémédecine devrait, quant à elle, être aujourd’hui sortie, comme dans de nombreux pays européens, de la phase d’expérimentation et être tarifée. L’e-médecine doit accélérer la démocratie sanitaire et le droit des malades.

Enfin, les professions de santé doivent évoluer. Nous sommes favorables, dans un climat de dialogue, aux délégations et aux transferts de compétence. Nous sommes par exemple favorables aux nouvelles responsabilités que le projet de loi envisage de confier aux pharmaciens en matière de vaccination. Toutefois, là encore, il faut aller plus loin. Les infirmiers, nous le savons, peuvent désormais assumer plus de responsabilités et être, sur le plan technique ou en matière de prévention, des relais efficaces de la politique de santé.

Dans ce PLFSS, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, certaines choses sont bonnes et d’autres sont nouvelles. Malheureusement, les choses bonnes ne sont pas nouvelles et les choses nouvelles ne sont pas bonnes. Nous pourrions, j’en suis sûr, avancer ensemble, améliorer l’efficience de notre système de santé, à condition de sortir du dogmatisme qui a présidé à toutes vos décisions.

Vous voudriez laisser penser, je le vois bien, qu’il y a les bons, ceux qui préservent les avantages sociaux et les malades – vous –, et la droite, qui viendrait éroder le système social et mettre en danger les malades.

M. Philip Cordery, rapporteur. Vous l’avez déjà fait !

M. Jean Leonetti. Le thème : « Au secours, la droite revient ! » ne fonctionne pas. Il ne fonctionne pas parce que la Sécurité sociale, monsieur le rapporteur, ce n’est pas vous, parce que la loi sur le handicap, ce n’est pas vous, parce que le financement de la dépendance, ce n’est pas vous, parce que le plan Alzheimer, ce n’est pas vous, parce que le plan cancer, ce n’est pas vous, parce que le plan pour le développement des soins palliatifs, ce n’est pas vous. Aucun de nos concitoyens ne se trompera sur l’action de la droite et du centre qui, lorsqu’ils seront au pouvoir, promouvront à la fois une médecine performante, une qualité de soins élevée et une solidarité accrue.

M. Alain Marty. Très bien !

M. Jean Leonetti. Nous devons rétablir la confiance, aujourd’hui rompue, avec les professionnels de santé, sortir de l’approche purement punitive à l’égard des cliniques privées, donner plus d’autonomie à l’hôpital et faire de la santé un levier de nouvelle croissance pour la France. Je suis, avec mes collègues, de ceux qui croient en notre système de santé protecteur et performant et qui veulent le préserver. Pour cela, il faut avoir le courage de la réforme. Vous ne l’avez pas eu ; nous l’aurons.

C’est la raison pour laquelle je vous propose d’adopter cette motion de renvoi en commission, afin d’avancer sur ces éléments indispensables. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le député, je demanderai évidemment aux parlementaires de rejeter cette motion, après vous avoir brièvement répondu.

Vous avez passé en revue l’ensemble du texte : nous aurons l’occasion de revenir, lors de son examen, sur les différents points que vous avez évoqués. Vous avez parfaitement résumé le dogmatisme de votre démarche avec cette excellente formule : « les choses bonnes ne sont pas nouvelles et les choses nouvelles ne sont pas bonnes ». C’est exactement la caractéristique de votre discours : tout ce qui est bien vous est imputable, tandis que rien de ce que nous avons fait ne mérite d’être mis en avant.

M. Jean Leonetti. Vous n’avez rien inventé !

Mme Marisol Touraine, ministre. Comme les groupements hospitaliers de territoire constituent une bonne réforme, il convient d’en chercher les antécédents.

M. Jean Leonetti. Est-ce vous qui avez inventé les groupements hospitaliers ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Lorsque, dans le cadre de la politique de prévention, nous mettons en place des politiques de lutte contre le tabagisme ou contre l’alcoolisme ou lorsque nous réformons les mécanismes de dépistage, il ne faut évidemment ni voter les dispositifs ni en parler.

M. Alain Marty. Dites la vérité !

Mme Marisol Touraine, ministre. Lorsque nous engageons des politiques résolues de rétablissement des comptes, vous prétendez évidemment soit que les comptes sont malmenés, pour ne pas employer de formule plus vigoureuse, soit que c’est grâce à vous s’ils sont rétablis.

M. Jean Leonetti. Qui a fait la réforme des retraites ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Non, monsieur le député, la réalité est plus simple. Moi, je n’affirme pas que toute la politique qui a été menée avant notre arrivée est à jeter et que tout ce qui a été fait depuis 2012 est bon. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Xavier Breton. S’il y a une personne qui ne peut pas dire cela, c’est bien vous. Lors des questions au Gouvernement, vous avez tenu des propos inadmissibles !

Mme Marisol Touraine, ministre. Puis-je répondre à M. Leonetti, monsieur le député ?

M. le président. Je vous prie, mes chers collègues, de laisser madame la ministre s’exprimer. Un représentant de chaque groupe pourra ensuite prendre la parole.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je suis étonnée de constater votre sectarisme. Oui, je regrette que l’opposition ne se réjouisse pas avec enthousiasme du rétablissement des comptes.

M. Jean Leonetti. Il n’y en a pas ! Il est factice !

Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le député, vous-même qui aspirez à gouverner demain, vous serez bien heureux, si vous deviez par malheur retrouver la voie du Gouvernement et du pouvoir, de trouver des comptes mis en ordre.

M. Jean Leonetti. Les Français seront surtout heureux d’en avoir fini avec le matraquage fiscal !

Mme Marisol Touraine, ministre. Vous pourrez mettre en place, dans une maison qui aura été remise en ordre, les politiques que vous définirez. Compte tenu de ce que vous préconisez, je ne souhaite évidemment pas la réalisation de ce scénario. Je regrette, je le répète, la formule selon laquelle tout ce qui a été fait depuis 2012 est à jeter et que tout ce qui permet de concourir au rétablissement des comptes ou à l’amélioration de l’accès aux soins, notamment, sans oublier la politique familiale, vous serait dû.

Je ferai, monsieur le député, une dernière remarque, qui concerne ce discours lancinant selon lequel nous en voudrions aux classes moyennes pour avoir remis en cause la politique familiale à leur détriment. Je le répéterai autant de fois qu’il sera nécessaire : il n’est pas possible d’affirmer que nous nous en sommes pris aux classes moyennes parce que nous avons modulé les allocations familiales au-dessus de 6 000 euros nets de revenu par mois, à moins, évidemment, d’avoir une vision très déformée de la réalité des revenus dans notre pays. C’est là un point de désaccord. Je ne cesserai d’affirmer que la politique familiale…

M. Xavier Breton. Antifamiliale !

Mme Marisol Touraine, ministre. …que nous avons engagée est juste car elle nous permet de redistribuer des ressources en direction des familles les plus modestes.

Nous poursuivrons ce débat dans les jours qui viennent : je souhaite auparavant le rejet de cette motion. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.

La parole est à M. Michel Issindou, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Michel Issindou. J’ai eu un sentiment curieux en entendant M. Leonetti, qui nous demande de ne pas faire de triomphalisme et d’avoir le succès modeste, alors même que telle a été notre attitude : nous avons simplement constaté l’état des comptes. Que dit M. Leonetti ? Que c’était mieux avant que nous n’arrivions, c’est-à-dire durant les dix années où la droite était au pouvoir, et que ce sera de nouveau tellement mieux après notre départ.

M. Denis Jacquat. Oui !

M. Michel Issindou. Pourtant, je ne crois pas que vous ayez trouvé le début d’une solution aux problèmes qui se posent en matière de santé. M. Leonetti a cité tout ce que vous avez fait. Heureusement que vous avez travaillé durant dix années ! Nous n’en avons pas moins trouvé à notre arrivée des comptes dans un état épouvantable : plus de 17 milliards de déficit !

M. Denis Jacquat. Hollande est 4 % !

M. Michel Issindou. Nous sommes fiers d’avoir rétabli les comptes et cette fierté devrait être collective.

M. Alain Marty. 4 % !

M. Michel Issindou. Elle n’est pas de droite ou de gauche. Si nous avons aujourd’hui rétabli les comptes, c’est parce que nous avons mené une politique à la fois ambitieuse et sérieuse. Nous n’avons dégradé ni la santé de nos concitoyens ni leur accès à la santé.

Mme Bérengère Poletti. Et les déserts médicaux ?

M. Michel Issindou. Nous leur avons donné au contraire des droits nouveaux, notamment en matière de santé et de retraite. Les grandes réformes auxquelles nous avons procédé concernent quasiment les quatre piliers de la Sécurité sociale.

Nous avons en revanche entendu les mesures que vous préconisez : un peu moins pour l’hôpital public et un peu plus pour l’industrie pharmaceutique.

M. Jean Leonetti. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Michel Issindou. Ce ne sont pas nos choix. La suppression de l’AME apparaît également en filigrane.

Mme Isabelle Le Callennec. Ça, c’est sûr !

M. Michel Issindou. J’ai également retenu les quatre mots qui résument votre projet. Je les trouve, permettez-moi de vous le dire, quelque peu ringards : décloisonner, moderniser, simplifier et faire évoluer. Vous avez lancé quatre généralités qui recueillent un accord unanime. En revanche, nous n’avons pas vu émerger le début d’un programme.

Pour toutes ces bonnes raisons, il est temps d’examiner le texte et de rejeter le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Francis Vercamer. L’UDI ne conteste pas la réduction du déficit, le retour à l’équilibre que vous évoquez depuis plusieurs semaines avec un grand triomphalisme, alors que devriez faire preuve de plus de modestie. Ce que nous contestons, c’est la manière dont vous y êtes arrivés et l’impact que votre politique a eu, notamment en termes d’accès aux soins – je pense, entre autres, aux déserts médicaux.

C’est surtout le financement de la protection sociale qui exige le renvoi en commission du texte. Je me rappelle ce que le Président de la République – le vôtre, le nôtre, celui qui, peut-être plus pour très longtemps, est encore en fonction et qui vous donne votre ligne de conduite – avait, il y a quelque temps, affirmé : le financement de la protection sociale ne devait plus reposer uniquement sur les salaires et le travail et il fallait assurer une meilleure compétitivité des entreprises. C’est pourquoi je pensais que le Gouvernement proposerait, dans le cadre de ce dernier PLFSS du quinquennat, un financement différent de la protection sociale, et transférerait des charges pesant actuellement sur les salaires vers d’autres ressources – transfert qui avait été réalisé sous le précédent quinquennat et que vous vous êtes empressés de supprimer, le Président de la République reconnaissant du reste bientôt que cela avait peut-être été une erreur.

Si chacun reconnaît que le financement de la protection sociale doit être adossé à d’autres ressources que les salaires, pourquoi ce PLFSS, qui est le dernier du quinquennat d’un Président de la République qui estime qu’il faut retourner en arrière, ne contient-il pas des éléments de financement de la protection sociale qui ne pèsent pas sur la compétitivité ? C’est la raison pour laquelle le groupe UDI votera la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Dominique Orliac. Les députés radicaux de gauche et apparentés ne voteront évidemment pas la motion de renvoi en commission. Il y a un temps pour le travail en commission et un temps pour le débat dans l’hémicycle. Nous avons déjà passé plusieurs heures en commission pour discuter du texte. Il nous est arrivé de soutenir les mêmes amendements. Ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale renforce l’égal et juste accès aux soins et vise à améliorer et à réorganiser la prise en charge de nos concitoyens. Pour abonder en ce sens, nous avons déposé plusieurs amendements qui amélioreront le texte. Nous voulons pouvoir en débattre et les voter. C’est pourquoi notre groupe ne votera pas cette motion de renvoi en commission. Il est désormais temps de passer à un débat aussi large que possible.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour le groupe Les Républicains.

M. Bernard Accoyer. Madame la ministre, permettez-moi tout d’abord de vous demander de respecter les députés de l’opposition. Cet après-midi, vous avez insulté notre collègue Jean-Pierre Door en répondant à sa question, le traitant de député piteux. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. Je vous demande, mes chers collègues, d’écouter l’orateur.

M. Bernard Accoyer. Lors de la motion de rejet préalable, vous avez ostensiblement tourné les talons, probablement pour ne pas entendre ce que j’avais à vous dire sur les choix politiciens et sectaires qui ont été les vôtres s’agissant du groupement hospitalier de territoire de Haute-Savoie.

À l’instant, vous vous êtes adressée à Jean Leonetti, l’un des députés les plus brillants de notre assemblée en matière de santé,…

M. Michel Issindou. Juste après vous, bien sûr ! (Sourires.)

M. Bernard Accoyer. …sur un ton méprisant que chacun a pu constater. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Oh ! C’est vrai que vous êtes un habitué ! En matière d’irrespect, vous êtes un champion !

M. Bernard Accoyer. Et pourtant, madame la ministre, votre bilan n’est pas brillant, contrairement à ce que vous affirmez. On sait ce qu’il en est du pseudo-retour à l’équilibre. Le déficit du Fonds de solidarité vieillesse – le FSV – est soigneusement écarté de vos calculs. Plus grave encore est le mal pernicieux que vous avez instillé pendant cinq ans… Mais je constate que je fais rire Mme la commissaire du Gouvernement.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous êtes si peu respectueux…

M. Philip Cordery, rapporteur. C’est incroyable ! Inadmissible ! Honteux !

M. Bernard Accoyer. Pendant cinq ans, disais-je, vous avez instillé un mal pernicieux dans toutes les branches.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires sociales. Vous avez toujours les mots justes !

M. Bernard Accoyer. Vous avez ponctionné la branche famille de 5 milliards d’euros. Résultat : la natalité est en berne.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Ce n’est pas vrai !

M. Bernard Accoyer. Quant à la branche vieillesse, permettez-moi de vous rafraîchir la mémoire, madame la ministre.

M. Philip Cordery, rapporteur. Puisque vous savez tout…

M. Bernard Accoyer. Ceux qui ont siégé sur les bancs de la gauche se souviennent qu’en 1983, l’abaissement de l’âge de la retraite à 60 ans a été voté en sachant que les pensions ne pourraient pas être payées vingt ans plus tard. Voilà la démagogie et l’irresponsabilité de la gauche, une gauche qui a toujours conduit, pour toutes les réformes de structure, une opposition méthodique.

Je peux en donner quelques exemples : la réforme Balladur, qui a sauvé les retraites ; la réforme Fillon, qui en a fait autant en 2004 ; la réforme Woerth en 2010. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Nous nous souvenons, madame la ministre, de votre attitude lors de la discussion de cette réforme en 2010 : une attitude d’opposition systématique et violente,…

M. Gérard Sebaoun. Pas comme la vôtre !

M. Bernard Accoyer. …que les murs de notre assemblée se rappellent encore. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Philip Cordery, rapporteur. La violence est dans vos propos, monsieur Accoyer !

M. le président. Merci de conclure, monsieur le président Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Madame la ministre, aucune de vos réformes n’est allée dans le bon sens.

S’agissant de la branche maladie, vous vous en êtes pris à l’hospitalisation privée et aux médicaments à des niveaux qui n’avaient jamais été observés jusque-là, mettant en péril la survie même de l’hospitalisation privée et de l’industrie du médicament en France, ainsi que l’accès à l’innovation pour les malades.

M. le président. Merci, mon cher collègue… Nous avons bien compris votre explication de vote.

M. Philip Cordery, rapporteur. Vous parlez depuis trois minutes ! Cela suffit largement !

M. Bernard Accoyer. Enfin, l’adoption du tiers payant généralisé, dont aucun professionnel ne voulait, est inacceptable et dangereuse. Cette mesure sera abrogée. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Madame la ministre, vous présentez ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017 comme la réalisation de la promesse, faite par le Gouvernement il y a cinq ans, de ramener à l’équilibre les comptes de la Sécurité sociale.

Je vous donne acte que le déficit du régime général s’est considérablement réduit. Trois branches sur quatre seraient à l’équilibre en 2017 : celles des retraites, de la famille et des accidents du travail. Seule la branche maladie serait encore en déficit, à hauteur de 2,6 milliards d’euros, expliquant un solde négatif de 400 millions d’euros pour l’ensemble du régime général de la Sécurité sociale.

C’est une évolution indiscutable dont je pourrais me réjouir si ces chiffres reflétaient la « réalité vraie », car je partage, comme nous tous sans doute ici, le souci d’une dépense publique raisonnable et équilibrée. Mais votre affirmation est trompeuse, pour ne pas dire mensongère. En effet, dans votre présentation, vous omettez volontairement de parler du FSV, le Fonds de solidarité vieillesse qui prend en charge des dépenses de solidarité envers les personnes âgées, comme le minimum vieillesse, et dont le déficit est estimé à 3,8 milliards d’euros pour 2017.

Ainsi, le trou de la Sécurité sociale ne sera pas réduit à 400 millions d’euros en 2017 ; il atteindra, une fois ajoutés les 3,8 milliards de déficit du FSV, 4,2 milliards d’euros. C’est certes mieux que les 7,1 milliards d’euros de déficit global du régime général et du FSV en 2016 ; c’est cependant un peu plus que « l’épaisseur du trait », pour reprendre l’expression que vous avez employée, madame la ministre.

Mais au-delà de cette bataille de chiffres, qu’en est-il de notre protection sociale ? Quelles sont les conséquences de vos choix pour les assurés sociaux ?

M. Philip Cordery, rapporteur. Au revoir, monsieur Accoyer !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Tiens, M. Accoyer nous tourne les talons !

Mme Jacqueline Fraysse. S’agissant de la branche famille, son déficit actuel de 1,5 milliard d’euros serait totalement résorbé en 2017. Ce retour à l’équilibre serait entièrement supporté par les familles,…

M. Jean Leonetti. Cette fois-ci, ce n’est pas nous qui le disons !

Mme Jacqueline Fraysse. …puisqu’il est essentiellement dû, outre le gel de la revalorisation des prestations familiales en 2014 et 2015, aux effets de la modulation des allocations familiales instaurée en 2015.

M. Xavier Breton. Écoutez, chers collègues de la majorité ! C’est intéressant !

Mme Jacqueline Fraysse. Vous aviez présenté cette mesure comme un geste de justice sociale ; mon groupe l’avait fortement combattue, en soulignant qu’il s’agissait avant tout d’économiser de l’argent sur le dos des Français.

M. Gilles Lurton. Exactement !

Mme Jacqueline Fraysse. L’histoire nous donne hélas raison, puisque 15 % des familles ont vu leurs allocations diminuer, et que les économies réalisées – 865 millions d’euros par an – n’ont pas été redistribuées vers les ménages plus modestes, mais ont servi à combler le déficit.

M. Jean Leonetti. La vérité vous fait mal, madame la ministre !

Mme Jacqueline Fraysse. Quant à l’excédent de la branche vieillesse, il est principalement dû aux conséquences du recul de l’âge de la retraite de 60 à 62 ans, décidé par la droite en 2010 et amplifié par votre réforme de 2014, qui a allongé la durée de cotisation donnant droit à une retraite à taux plein. Là encore, ce sont les Français qui subissent lourdement le poids de ce fameux retour à l’équilibre.

S’agissant de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, qui devrait être excédentaire de 700 millions d’euros en 2017, l’amélioration est due à la sous-déclaration notoire des accidents du travail. Quant aux maladies professionnelles, bon nombre d’entre elles ne sont pas reconnues comme telles et sont donc prises en charge par l’assurance maladie.

Concernant enfin la branche maladie, on peut s’attendre au pire, puisqu’elle doit économiser 4 milliards d’euros afin, d’une part, de ramener son déficit à 2,6 milliards d’euros contre 4,1 milliards l’an dernier et, d’autre part, de participer au financement du mal nommé « pacte de responsabilité », pour lequel l’assurance maladie a été mise à contribution à hauteur de 10 milliards d’euros – dont 3 milliards supportés par les seuls hôpitaux – pour la période 2015-2017.

D’ailleurs, avec un objectif national des dépenses d’assurance maladie – ONDAM – fixé à 2,1 % pour 2017, vous reconnaissez vous-même, madame la ministre, qu’il s’agit d’un « objectif historiquement bas au regard des taux de progression réalisés dans le passé » – je cite le dossier de presse accompagnant le PLFSS. De surcroît, le comité d’alerte veillant au respect des dépenses de l’ONDAM affirme que ce dernier est « minoré plus qu’à l’accoutumée » pour financer, hors ONDAM, d’autres dépenses relevant pourtant de l’assurance maladie mais qui, de ce fait, ne lui seront pas imputées, participant ainsi fictivement à la réduction de son déficit.

Le cas le plus significatif est celui de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, qui va être ponctionnée de 230 millions d’euros pour financer les établissements médico-sociaux, alors que cette dépense était auparavant prise en charge par l’assurance maladie.

Mme Bérengère Poletti. Exactement !

Mme Jacqueline Fraysse. Ce sont donc en réalité 230 millions d’euros de perte sèche pour les personnes âgées et handicapées. Tout cela n’est que la simple vérité.

Outre ces jeux d’écriture et ces ponctions inacceptables, encore une fois supportées par nos concitoyens les plus fragilisés, les hôpitaux seront de nouveau fortement mis à contribution. Il leur sera demandé en 2017 plus d’efforts encore qu’en 2016, avec notamment une réduction de dépenses de 845 millions d’euros venant s’ajouter aux 690 millions d’économies exigés en 2016. Pour y parvenir, le ministère compte principalement sur le développement des groupements hospitaliers de territoire, qui visent essentiellement à rationaliser – c’est-à-dire à réduire – les achats ainsi que la prescription de médicaments de la « liste en sus ». Finalement, les GHT ne sont pas mis en place pour faciliter le parcours des patients et l’organisation des soins.

Mme Isabelle Le Callennec. Mais pour faire des économies !

Mme Jacqueline Fraysse. Ils n’existent que pour améliorer la comptabilité et économiser 845 millions d’euros.

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales. C’est un procès d’intention !

Mme Jacqueline Fraysse. Non, monsieur le rapporteur, ce n’est pas un procès d’intention : je ne fais que décrire la réalité !

Mme Bérengère Poletti. La réalité est difficile à regarder, n’est-ce pas ?

M. le président. Mes chers collègues, veuillez écouter l’oratrice !

Mme Jacqueline Fraysse. Je n’ai pas l’habitude de parler en l’air. J’ai étudié ce texte. Les chiffres que je vous donne sont les vôtres : je n’invente rien.

M. Jean Leonetti. Nous sommes d’accord !

M. Gilles Lurton. C’est toujours intéressant d’écouter Mme Fraysse !

Mme Jacqueline Fraysse. Par ailleurs, le Gouvernement compte sur le développement de la chirurgie ambulatoire pour générer 160 millions d’euros d’économies. Cela aussi, c’est dans le texte !

Mme Isabelle Le Callennec. Tout à fait !

Mme Jacqueline Fraysse. Enfin, pour parachever ce plan d’économies inédit, vous avez programmé la suppression de milliers de postes sur trois ans, en 2015, 2016 et 2017.

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est faux !

Mme Jacqueline Fraysse. À terme, 22 000 emplois hospitaliers seront supprimés.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Où avez-vous vu cela ?

Mme Jacqueline Fraysse. Ce sont les chiffres que vous nous avez donnés !

M. Jean Leonetti. L’information est masquée, mais elle est réelle !

Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agit donc là d’une dégradation programmée sans précédent de l’hôpital public, qui porte atteinte à l’accès aux soins dans toutes ses dimensions, en termes financiers comme en termes d’équilibre territorial.

M. Xavier Breton. Bien sûr !

Mme Jacqueline Fraysse. Comment voulez-vous lutter contre les déserts médicaux si vous dégradez ou fermez même les services des hôpitaux dont les médecins ont absolument besoin pour travailler sérieusement ? Ces choix sont désastreux.

Je note que la Fédération hospitalière de France ne cesse de vous alerter sur le fait que les hôpitaux et les établissements médico-sociaux sont engagés dans un plan d’économies inédit par son ampleur – 1 milliard d’euros en 2016 – et ses conséquences.

Quant au président de la Cour des comptes, l’ancien député socialiste Didier Migaud, il a lui-même publiquement exprimé ses doutes. Je le cite : « le retour à l’équilibre doit […] demeurer une priorité », mais l’assurance maladie doit aussi « mieux remplir sa mission d’accès aux soins ».

Mme Isabelle Le Callennec. Très bien !

Mme Jacqueline Fraysse. Si le diagnostic de la Cour des comptes montre la montée en puissance des prises en charge à 100 % pour les affections de longue durée, il souligne parallèlement le fait que l’accès aux soins est de plus en plus difficile pour une majorité de Français,…

M. Xavier Breton. Bien sûr !

Mme Jacqueline Fraysse. …et non plus seulement pour les plus modestes, en raison notamment des dépassements d’honoraires. Comme le montre également le rapport de la Cour des comptes, la diminution du reste à charge des dépenses de santé, que vous mettez en avant, masque en réalité la baisse régulière depuis quinze ans du taux de remboursement hors affections de longue durée, particulièrement en ce qui concerne les soins dentaires et l’ophtalmologie.

Aujourd’hui, selon l’INSEE, 9 millions de personnes vivent dans la précarité. Notre pays compte plus de 6,6 millions de chômeurs, et 36 % de la population renonce encore à se faire soigner. Dans ce contexte de paupérisation, alors que vous avez défendu une loi dite de « modernisation de notre système de santé » visant à lutter contre le renoncement aux soins, vous conduisez les hôpitaux publics au bord du gouffre en exigeant l’impossible, à savoir qu’ils réalisent 1,5 milliard d’euros d’économies supplémentaires.

Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que les personnels hospitaliers, y compris les médecins dans la dernière période, se sont massivement mobilisés. Leurs conditions de travail ne cessent de se dégrader : 30 % des postes sont vacants, tandis que les GHT, imposés autoritairement et souvent dans l’incohérence – j’en ai un bel exemple dans ma circonscription –, sont trop souvent décriés et pèsent sur la qualité de prise en charge des patients.

Nous ne pensons pas, madame la ministre que ce PLFSS « sauve » la Sécurité sociale. Au contraire, nous pensons qu’il entérine des restrictions budgétaires au détriment des retraités, des familles, des accidentés du travail, des malades, au prix de la démolition progressive du service hospitalier public.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ce n’est pas vrai !

Mme Jacqueline Fraysse. Une fois de plus, vous ne proposez aucune recette nouvelle pour financer la protection sociale, dans un pays où il y a pourtant beaucoup d’argent. Une fois de plus, ce sont les plus modestes qui sont sollicités et non pas ceux qui disposent d’importants moyens.

Ainsi, par exemple, vous avez instauré une taxe de 0,3 % prélevée sur toutes les retraites. Pourquoi ne prélevez-vous pas les mêmes 0,3 % sur le revenu des actionnaires ? Ce ne serait que justice et cela rapporterait 600 millions d’euros qui seraient bien utiles pour financer, par exemple, les dépenses liées au vieillissement.

M. Gérard Charasse. Tout à fait !

Mme Jacqueline Fraysse. Valérie Rabault, rapporteure générale socialiste du projet de loi finances pour 2017 a déposé et fait adopter en commission des affaires sociales un amendement visant à introduire dans ce PLFSS la possibilité que les retraités les plus modestes, appauvris par une série de mesures prises au début de ce quinquennat en matière d’impôt sur le revenu, soient exonérés de la CSG.

M. Denys Robiliard. Très bien !

Mme Jacqueline Fraysse. Cette disposition permet à 480 000 ménages retraités très modestes de ne plus payer la CSG et de gagner ainsi 45 euros par mois en moyenne. C’est une mesure positive, qui contribue à réparer un peu l’injustice sociale dont ils sont victimes. Elle devrait coûter 260 millions d’euros, et le Gouvernement semble y être favorable. J’espère que vous le confirmerez, madame la ministre.

Afin d’aller jusqu’au bout de sa démarche, Mme Rabault propose un amendement complémentaire ayant pour objectif que 430 000 retraités modestes supplémentaires bénéficient d’une CSG à taux réduit. Cette seconde mesure est également pertinente au regard de la situation de ces personnes. Elle entraînerait un manque à gagner pour la Sécurité sociale de 470 millions d’euros. Je souhaite que le Gouvernement soutienne cette mesure de justice.

Comment pourriez-vous en effet justifier le refus de rendre à ces milliers de retraités modestes un peu du pouvoir d’achat dont ils ont été privés ? Cette proposition est légitime et je veux croire que vous la soutiendrez. J’ajoute que notre amendement, évoqué plus haut, qui vise à taxer les dividendes des actionnaires au même niveau que ce que l’on applique à tous les retraités rapporterait 600 millions d’euros, ce qui serait largement suffisant pour financer cette dépense utile – et même nécessaire – en faveur des retraités les plus modestes de notre pays.

S’agissant toujours des recettes que la Sécurité sociale pourrait recouvrer, je voudrais évoquer la lutte contre le travail illégal et la fraude sociale, lesquels représentent entre 20 et 25 milliards d’euros par an. Le PLFSS envisage – à juste titre – de lutter plus efficacement contre ces phénomènes. Toutefois, nous nous interrogeons quant aux moyens dont disposeront réellement les URSSAF pour être à la hauteur de ce défi, dès lors que le dernier projet de loi de finances du quinquennat poursuit la politique consistant à supprimer des milliers de postes d’agents de la fonction publique, alors même que l’État ne parvient d’ores et déjà – et encore, à grand-peine – à recouvrer que 190 millions par an environ.

M. le président. Veuillez conclure, madame Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Je termine, monsieur le président.

Je tiens tout de même, si vous me le permettez, à ne pas passer sous silence les quelques mesures positives que contient ce PLFS (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain),…

M. Michel Issindou. En quelques secondes…

M. Philip Cordery, rapporteur. Heureusement que le président de séance vous a laissé parler plus longtemps !

Mme Jacqueline Fraysse. …telles que l’expérimentation concernant la prise en charge de la souffrance psychique chez les jeunes, celle des victimes du terrorisme, ou encore l’amélioration du recouvrement des pensions alimentaires non payées.

M. le président. Merci.

Mme Jacqueline Fraysse. Je tenais à le dire avant de conclure. Mais ces mesures, dont l’utilité est incontestable, apparaissent bien modestes – pour ne pas dire dérisoires – au regard des effets dévastateurs et très concrets qu’aura ce PLFSS qui poursuit les restrictions budgétaires, au détriment de la réponse aux besoins de la population, et qui remet en cause le caractère solidaire de notre système de santé.

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous abordons l’examen du cinquième et dernier PLFSS…

Mme Isabelle Le Callennec. En effet, ce sera votre dernier !

M. Michel Issindou. …de la législature. Notre majorité le défendra avec fierté – mais sans autosatisfaction –, car il est celui du retour à l’équilibre des comptes sociaux.

Il aura fallu cinq ans de volontarisme politique pour effacer l’ardoise que nous avons trouvée en 2012 – le déficit s’élevait alors à 17,5 milliards d’euros. Ce travail rigoureux de remise à niveau n’a en rien altéré notre modèle social, bien au contraire. De nouveaux droits ont été donnés à ceux qui en avaient le plus besoin et des injustices ont été corrigées ; voilà le résultat de l’action du Gouvernement, soutenue par notre majorité.

À titre d’illustration, dans la branche maladie, nous avons mis en place le tiers payant, qui permet de se soigner sans avancer les frais. Nous avons mis en œuvre la protection universelle maladie, élargi l’accès à la couverture maladie universelle complémentaire – la CMU-C – et aidé à l’acquisition d’une complémentaire santé. Ce dernier PLFSS devrait de plus permettre un accès plus facile aux prothèses dentaires, dont les coûts sont trop élevés. Ce sont autant d’avancées indéniables qui vont améliorer la santé de tous les Français.

Je ne ferai qu’évoquer la branche famille et le médico-social : les rapporteurs s’en chargeront tout au long des débats. Là aussi, à chaque PLFSS, et grâce à la grande réforme de l’adaptation de la société au vieillissement, nous avons à la fois amélioré l’offre d’accueil des jeunes enfants et permis aux plus âgés, à l’autre bout de la chaîne, de vieillir dans la dignité.

Ces avancées accumulées au cours des cinq dernières années ont conforté le modèle social auquel nos concitoyens sont viscéralement attachés. Nous avons démontré qu’il était possible de rétablir les comptes tout en donnant des droits nouveaux et en corrigeant des injustices accumulées au fil du temps. Rigueur et ambition font parfois bon ménage. Ce bilan est le nôtre et je veux corriger quelques contrevérités entendues ici ou là – le plus souvent à ma droite.

M. Dominique Tian. Et très à gauche aussi !

M. Jean Leonetti. L’oratrice précédente dit la même chose que nous !

M. Michel Issindou. Je comprends qu’il puisse être difficile pour l’opposition d’accepter ce très bon bilan. Mais les chiffres et les actes sont là, têtus, incontestables lorsqu’ils sont certifiés par la Cour des comptes. Alors que vous devriez vous réjouir des résultats, vous contestez année après année l’insincérité des prévisions budgétaires, un ONDAM irréaliste, ou que sais-je encore, pour trouver de bons arguments. Or, ces arguments, vous ne les avez pas : chaque année vous êtes démentis, car les résultats sont là, parfois même meilleurs que les prévisions initiales.

M. Philip Cordery, rapporteur. Exactement !

M. Michel Issindou. Et lorsque, contraints de reconnaître la réalité des chiffres, vous êtes à bout d’arguments, vous affirmez avec beaucoup d’aplomb que c’est la réforme des retraites de 2010 qui a sauvé non seulement la branche vieillesse, mais la Sécurité sociale dans son ensemble.

Mme Bérengère Poletti. C’est le cas, en effet !

M. Philippe Vitel. Les chiffres le montrent !

M. Michel Issindou. Oui, monsieur Breton,…

M. Dominique Tian. Il n’est plus là !

M. Michel Issindou. …la réforme de 2010, dont nous avons combattu beaucoup de mesures injustes – je pense notamment à l’invalidité habillée en pénibilité –, a apporté sa contribution, à hauteur de 11 milliards d’euros : les chiffres sont là, je le reconnais. C’est bien, mais ce sont surtout les 39 milliards d’euros que nous avons apportés entre 2012 et 2017 qui ont permis le rétablissement : 17 milliards d’euros d’économies sur l’assurance maladie ; 6 milliards d’euros avec la réforme des retraites de 2014 ; 3,5 milliards d’euros sur la branche famille auxquels il faut ajouter 10 milliards d’euros de recettes nouvelles. On était donc loin du compte : les 11 milliards étaient largement insuffisants pour permettre le retour à l’équilibre. Ce sont votre réforme et beaucoup d’autres qui ont permis de l’atteindre.

M. Jean Leonetti. Vous auriez dû la supprimer et revenir à la retraite à 60 ans…

M. le président. Monsieur Leonetti, on vous a écouté tout à l’heure. C’est au tour de M. Issindou de s’exprimer.

M. Michel Issindou. Je voudrais conclure en évoquant les retraites, monsieur Leonetti, et votre volonté obsessionnelle de procéder à une nouvelle réforme portant à 65 ans – voire plus – l’âge légal de départ à la retraite. J’avoue ne pas comprendre votre précipitation à vouloir réformer la branche vieillesse, laquelle, selon le Conseil d’orientation des retraites – le COR – et le comité de suivi des retraites, est revenue à l’équilibre. Cette réforme ne s’impose vraiment pas, dans la mesure où la réforme de 2014 prend progressivement en compte l’allongement de la durée de vie. Les jeunes générations auront besoin de quarante-trois annuités et partiront plus tardivement à la retraite à partir de 2035.

Pourquoi donc vouloir réformer si vite ? Voulez-vous punir les Français d’une faute quelconque ?

M. Jean Leonetti. Ils sont déjà suffisamment punis !

M. Michel Issindou. Voulez-vous les contraindre à travailler plus longtemps ? Constituer des réserves ? Je ne doute pas que les débats à venir dans les prochaines heures apporteront les réponses et satisferont ma curiosité du moment. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, ce cinquième PLFSS annonce la fin de règne du gouvernement socialiste. Alors qu’il aurait pu être original, constructif, ambitieux, il ne nous apporte pas d’éléments dignes de satisfaire les professionnels de santé, libéraux et hospitaliers, les acteurs de l’industrie pharmaceutique, les établissements privés, les partenaires sociaux – en un mot, les Français.

Que dire d’un PLFSS qui, dans son annexe 9, confirme l’avis défavorable de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, de la Caisse nationale de l’assurance vieillesse, de la Commission des comptes de la Sécurité sociale, du Haut conseil pour les finances publiques ? Et que dire de l’avis plus que réservé : très dubitatif, de la Cour des comptes ? Cerise sur le gâteau, madame la ministre, le comité d’alerte de l’ONDAM vous a attribué un carton jaune, même si cela ne vous plaît pas de l’entendre dire.

Madame la ministre, tous les chiffres sont manipulés et l’ensemble est travesti.

M. Michel Issindou. Oh !

M. Jean-Pierre Door. Avez-vous sauvé la Sécurité sociale, comme vous le déclamez ? Sur ce point, on ne saurait vous suivre car le texte nous livre des prévisions pour 2017 parfaitement contestables, et d’ailleurs contestées par la Cour des comptes et par la Commission des comptes de la Sécurité sociale.

M. Denys Robiliard. Des comptes à dormir debout !

M. Jean-Pierre Door. Si l’on inclut le Fonds de solidarité vieillesse, le déficit pour 2016 est encore de 7,1 milliards d’euros et, pour 2017, il croîtrait à 10,3 milliards d’euros, avant la prise en compte de mesures nouvelles que vous estimez à environ 4 milliards d’euros.

Les mesures en question risquent d’ailleurs d’être aléatoires, variables puisque ce ne sont que des mesures de rabot sur la maîtrise médicalisée, le médicament en particulier, la promotion des génériques et l’efficacité de la dépense hospitalière. Les mesures d’économie sont toutes assez utopiques ; personne ici ne l’ignore. N’oublions pas, mes chers collègues, dans le sauvetage de la Sécurité sociale, que la dette sociale, logée dans l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale – l’ACOSS – et la Caisse d’amortissement de la dette sociale – la CADES –, s’élève à 152 milliards d’euros, dont le service aura coûté cette année plus de 16 milliards d’euros à la seule CADES. N’oublions pas non plus qu’elle était de 148 milliards d’euros en 2011.

Le plus grave est de vouloir nous faire croire, contre toute évidence, que ça va mieux. Vous jouez à fond sur la politique des vases communicants entre recettes publiques générales et ressources propres à la Sécurité sociale, de sorte que prendre en compte le seul déficit de la Sécurité sociale n’a guère de sens. Cela s’appelle de la tuyauterie. Qui plus est, vous n’engagez toujours pas les réformes de fond tant attendues.

Avec ce PLFSS, vous confirmez vos annonces selon lesquelles le trou de la Sécu aura disparu en 2017. Vous dites que, de 17,4 milliards d’euros en 2011, le déficit passe à 3,2 milliards d’euros en 2016 et sera de 400 millions en 2017.

M. Michel Issindou. En effet !

M. Jean-Pierre Door. Vous dites dans tous les médias que, alors que la droite aurait creusé le déficit, la gauche a sauvé la Sécu, mais vous omettez de signaler qu’une bonne partie de ce sauvetage n’est que le résultat de la réforme des retraites en 2010,…

M. Michel Issindou. Ça recommence ! Non, elle n’a procuré que 10 milliards sur les 40 qui étaient nécessaires !

M. Jean-Pierre Door. …vivement combattue sur les bancs de la gauche. Vous omettez aussi de parler des séquelles de la crise financière de 2008, que nous avons surmontée avec difficulté, mais avec courage.

L’amélioration des comptes a été obtenue au prix d’un matraquage fiscal sans précédent qui a touché les ménages et les entreprises pour plus de 50 milliards d’euros – impôts, taxes et cotisations confondus. Ce sont les assurés, les allocataires, les familles, les retraités, les cotisants et les industries de santé qui ont réalisé cet effort, et ont donc payé le redressement des comptes.

Une autre observation concerne vos prévisions pour 2017, très entachées d’aléas importants concernant aussi bien l’hypothèse retenue pour le taux de croissance – 1,5 % – que celle de 2,7 % avancée pour la croissance de la masse salariale, à propos desquelles la Cour des comptes reste dubitative. À l’opposé de la prévision ministérielle, on verrait, au lieu d’une réduction à 400 millions d’euros, le déficit du régime général rebondir, avec le FSV, à 6,8 milliards – et ce, bien entendu, malgré les nouvelles mesures.

Or, loin d’être nouvelles, ces mesures, que vous ciblez à 4 milliards d’euros, sont toujours de la même veine que les années précédentes : une maîtrise médicalisée à 1 milliard d’euros, une maîtrise hospitalière à 850 millions et la mise en danger de notre belle industrie pharmaceutique par une ponction de près de 1,7 milliard d’euros. Ces mesures s’apparentent à des rustines, alors que les réformes de structure tant attendues restent encore dans le placard.

« Aux incertitudes économiques s’ajoutent celles portant sur les économies de dépenses d’assurance maladie, eu égard aux biais importants de construction de l’ONDAM, au caractère imprécis des mesures du plan ONDAM 2015-2017, à la dynamique non maîtrisée des dépenses de soins de ville et aux nombreuses dépenses supplémentaire qui s’additionnent et devront notamment être financées à partir de 2017. ». Ces propos de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, me semblent assez clairs. Or, contrairement aux préconisations de la Cour, le Gouvernement décide un relâchement de l’ONDAM de 1,75 % à 2,1 %, soit 650 millions supplémentaires. On comprend mieux la réaction pessimiste des sages du Comité d’alerte, qui s’alarment à propos de ce PLFSS, contestant surtout les méthodes comptables retenues pour l’élaboration de ce budget. Nous aurons l’occasion d’y revenir demain dans le cours du débat.

En conclusion, vous faites de ce PLFSS un outil électoral dans la situation médiocre que traversent le Gouvernement et le Parti socialiste. Une sortie que vous annonciez flamboyante se révèle en réalité marquée de nombreux obstacles et de fortes oppositions. Les Français ne sont pas aveugles et ils supportent de moins en moins les gouvernants qui leur cachent l’état réel du pays. Les professionnels de santé ne vous suivent pas et demeurent vent debout contre le tiers payant généralisé.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Les médecins ! Pas tous les professionnels de santé !

M. Jean-Pierre Door. Les plus jeunes, je le rappelle, ont appris avec ahurissement que certains parlementaires souhaitaient brider par voie d’amendement leur liberté d’installation – mais, sur ce point, madame la ministre, je vous fais confiance. À cela s’ajoutent les fortes oppositions à ce projet de la part des conseils d’administration institutionnels.

Bien entendu, notre groupe s’opposera également à ce dernier PLFSS de la législature. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Jean Leonetti. Eh oui ! C’est très électoral, tout ça !

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avec ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale se termine un cycle qui aura permis au Gouvernement et à la majorité de mettre en œuvre leurs priorités pour la protection sociale des Français. La Sécurité sociale est sauvée, nous dit-on, puisque les comptes seront « presque » à l’équilibre en 2017, à 400 millions d’euros près – c’est en tout cas la présentation qui nous a été faite le mois dernier.

Or, comme souvent, le diable est dans les détails et, ici, tout est dans ce « presque » – mot qui distingue un objectif atteint d’un objectif manqué. La semaine dernière, l’atterrisseur Schiaparelli n’était qu’à 4 kilomètres d’un atterrissage « presque » réussi sur Mars, quand la suite des opérations s’est révélée singulièrement plus compliquée. (Sourires.) Je n’irai pas jusqu’à dire que le Gouvernement s’est « crashé » sur la réalité de notre Sécurité sociale, mais il est certain que, derrière le tableau quelque peu triomphaliste qui nous a été dressé se cache une réalité beaucoup plus nuancée. Ce projet de loi sera vraisemblablement adopté, mais les lendemains seront sans doute difficiles.

Difficiles, parce qu’aucune des grandes questions qui se posent à notre protection sociale n’a trouvé de réponse depuis cinq ans. Difficiles, parce que, dans le domaine de la santé, l’ensemble des professionnels partagent un même scepticisme à l’égard des choix opérés, notamment sur le plan budgétaire, pour assurer à nos concitoyens l’accès aux soins. Difficiles, parce que les Français eux-mêmes ne partagent pas l’optimisme du message du Gouvernement sur la Sécurité sociale. Selon une enquête parue la semaine dernière, en effet, 84 % des personnes interrogées ne croient pas au retour à l’équilibre des comptes de la Sécurité sociale, alors même qu’elles sont 96 % à estimer que le retour des finances sociales à l’équilibre est un objectif important, voire prioritaire. Nos compatriotes sont donc lucides et ont bien conscience qu’en ce qui concerne la Sécurité sociale, l’avenir est aux efforts : beaucoup – sinon tout – reste à faire.

Les Français ne sont pas dupes de ce projet de loi en trompe-l’œil, qui joue sur la confusion de ce qu’on en perçoit. Vous prévoyez ainsi une réduction du déficit de 3 milliards d’euros pour 2017, soit une prévision de déficit de 400 millions d’euros pour le régime général, mais cette présentation ne concerne que le déficit du régime général et occulte le maintien d’un déficit élevé du Fonds de solidarité vieillesse en 2017 – il atteindra en effet 3,8 milliards d’euros. La réalité est donc bien une prévision minimale de déficit de 4,2 milliards d’euros en 2017, loin de l’équilibre annoncé.

Par ailleurs, cette prévision repose sur des hypothèses économiques qui manquent de réalisme. Le Haut conseil des finances publiques a ainsi rendu un avis particulièrement sceptique sur les prévisions de croissance retenues par le Gouvernement. De plus, l’INSEE a révisé à la baisse sa prévision de croissance pour 2016, la portant à 1,3 % au lieu du chiffre de 1,5 % initialement envisagé, ce qui laisse augurer une croissance également ralentie en 2017. De la même manière qu’il souligne que le scénario de croissance pour 2017 s’écarte du principe de prudence, le Haut conseil des finances publiques précise qu’en matière d’emplois et de masse salariale, les prévisions du Gouvernement sont « élevées », laissant ainsi planer un doute sérieux sur les recettes.

Non seulement, donc, ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale est en déficit mais ce déséquilibre est également cause d’instabilité.

Cela est d’autant plus vrai que les chiffres présentés dans le détail du texte cachent mal une diminution artificielle des dépenses, relevée par le Comité d’alerte sur l’évolution des dépenses de l’assurance maladie. Le Gouvernement a en effet choisi de faire supporter par d’autres sources de financement des dépenses entrant habituellement dans le cadre de l’ONDAM. C’est le cas notamment de la participation de celui-ci au financement des établissements médico-sociaux, qui sera assurée en 2017 par une ponction de 230 millions d’euros dans les réserves de la Caisse nationale de solidarité et d’autonomie.

Ce recours aux tours de passe-passe budgétaires ne manque pas, d’ailleurs, de susciter réactions et débats, comme lorsque, dans une logique similaire, vous réduisez la participation de l’ONDAM au financement du Fonds de modernisation des établissements de santé pour puiser dans les réserves de l’Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier, à hauteur de 150 millions d’euros, et du Fonds pour l’emploi hospitalier, à hauteur de 50 millions d’euros. On serait tenté de dire que le Comité d’alerte émet une réserve de méthode lorsque vous faites des réserves votre méthode pour contenir la progression de l’ONDAM.

À cela s’ajoute l’annulation des crédits dédiés, dans le cadre de l’ONDAM, au secteur hospitalier, qui vient alourdir d’autant le déficit de ce dernier, à hauteur de 550 millions d’euros.

Les hôpitaux, en particulier les hôpitaux publics, voient du reste le resserrement des dépenses de l’ONDAM s’opérer à leurs dépens, alors même qu’ils devront assumer l’augmentation des charges inhérentes à l’augmentation du point d’indice des fonctionnaires et à la mise en œuvre des protocoles relatifs aux urgences et aux internes. Ces dépenses supplémentaires représentent pour les hôpitaux une augmentation de 2,9 % de leurs charges, alors même que l’ONDAM hospitalier ne progresse que de 2 %. Votre politique entraîne ainsi une baisse de 25 % des investissements dans l’hôpital public, alors que les besoins de modernisation et d’adaptation sont criants.

On le voit, la situation des finances de l’assurance maladie laisse présager un avenir incertain aux comptes de la Sécurité sociale.

En fait, ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017 ne répond à aucune des grandes questions posées à notre protection sociale. Il peut difficilement en être autrement, dès lors qu’il s’inscrit dans la même logique que les budgets qui l’ont précédé depuis quatre ans.

Ainsi, il ne répond pas aux grands enjeux de la branche vieillesse, dont l’équilibre financier affiché aujourd’hui résulte de la réforme votée en 2010. Les mesures qui permettraient de garantir la pérennité de cet équilibre dans les années à venir restent à mettre en œuvre, qu’il s’agisse du recul de l’âge légal de départ en retraite ou de l’extinction progressive d’un certain nombre de régimes spéciaux au profit du seul régime général. Le groupe UDI proposera, dans le cadre de l’examen de ce PLFSS, diverses mesures en ce sens.

De la même manière, ce PLFSS ne répond pas davantage que les précédents aux grands enjeux du financement de notre protection sociale. C’est pourtant là une question essentielle pour ce qui est d’assurer de façon pérenne la protection de nos concitoyens et la compétitivité de nos entreprises.

Vous poursuivez certes la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité, ainsi que l’application du CICE. Si cette disposition va dans le bon sens, elle laisse toutefois entière la question de la structuration même du financement de notre protection sociale. Pour notre groupe, les recettes qui assurent le financement de notre protection sociale pèsent principalement – et pèsent trop – sur le travail.

Nous proposerons donc, cette année encore, de remplacer le dispositif du CICE par une baisse massive des cotisations sociales familiales. Cette baisse serait compensée par l’augmentation du taux normal de TVA dans le cadre d’une « TVA compétitivité » dont nous avons présenté les grands équilibres dans le cadre de l’examen de la première partie du projet de loi de finances. Les recettes ainsi obtenues seraient également réparties entre une baisse des charges patronales et des charges salariales.

Ce sont, enfin, les grands enjeux de la branche maladie qui ne trouvent pas de réponses tangibles dans ce PLFSS. Je ne reviendrai pas sur les difficultés budgétaires du secteur hospitalier, que je viens d’aborder : elles ne font que souligner l’impossibilité de maîtriser sur le long terme la dépense hospitalière sans engager une restructuration de l’offre qui n’a que trop tardé. L’avenir nous dira si la mise en œuvre des groupements hospitaliers de territoire – les GHT – aura permis de créer des synergies capables d’allier la qualité de l’offre de soins à l’efficience de l’organisation territoriale des établissements de santé.

La volonté affichée de réduire le déficit de l’assurance maladie repose, une nouvelle fois, sur un lourd tribut acquitté par le secteur du médicament, sollicité à hauteur de 1,4 milliard d’euros en 2017. Le médicament, qui est ainsi à nouveau dans la ligne de mire du Gouvernement, supporte chaque année près de 50 % des économies demandées à l’assurance maladie, alors qu’il ne représente que 15 % des dépenses de santé. Cette politique est préjudiciable à tout un secteur industriel et constitue un frein à l’innovation pharmaceutique.

Elle contribue également à fragiliser, notamment à travers la baisse des prix des médicaments, tout le réseau des pharmacies d’officine, qui connaît actuellement un véritable mouvement de restructuration. Près d’un millier de pharmacies d’officine a en effet disparu depuis près de dix ans. En 2015, une pharmacie fermait tous les deux jours, contre une tous les trois jours en 2014. Cette tendance s’affirme, tandis que le nombre de pharmaciens tend à augmenter légèrement.

Il convient donc de revaloriser le rôle et les missions du pharmacien d’officine, professionnel de santé qui s’inscrit dans l’offre de soins de premier recours. Ce rôle de premier recours s’illustre d’autant plus dans les territoires ruraux ou périurbains où l’offre de médecins est insuffisante. Sans remplacer le médecin, le pharmacien contribue en effet, dans ces territoires, comme d’autres membres des professions paramédicales, à l’accès aux soins d’une population de plus en plus nombreuse.

Conscients de l’importance du pharmacien d’officine, nous aurions souhaité présenter, dans le cadre de ce PLFSS, nos propositions pour le soutenir dans ses missions, notamment dans le cadre d’expérimentations sur la pharmacie clinique ou la vaccination, mais nos amendements n’ont malheureusement pas franchi l’obstacle de la recevabilité financière. C’est toutefois dans cette logique que nous soutiendrons, comme nous l’avons fait en commission, les propositions qui iront dans le sens d’un rôle plus affirmé du pharmacien dans le cadre de la couverture vaccinale.

Le problème de l’accès aux soins est évidemment posé par celui des déserts médicaux. Nous ne pouvons pas laisser se développer davantage sur notre territoire des périmètres où la présence médicale n’est plus assurée. Il s’agit là d’une rupture inacceptable de l’égalité d’accès aux soins de tous nos concitoyens.

Par ailleurs, la présence du médecin dans les territoires conditionne, en raison même de son rôle de prescripteur, la présence de tout un réseau de professionnels de santé. Ne pas répondre à la désertification médicale, c’est donc prendre le risque que celle-ci s’étende aux autres professions de santé qui assurent, aux côtés du généraliste, la diversité de l’offre de soins. Nous ne pouvons donc que déplorer l’insuffisance des résultats obtenus dans le cadre des politiques incitatives mises en œuvre par ce gouvernement.

Nous comprenons l’attachement des professionnels de santé à la liberté d’installation. Mais, si ce principe est essentiel, il doit aussi pouvoir se concilier avec celui, non moins impératif, d’un égal accès aux soins. Le groupe UDI est donc favorable à un ensemble de mesures qui abordent de manière globale la répartition de l’offre de soins, en prenant en compte l’évolution de la démographie médicale dans les territoires.

En conclusion, vous l’aurez compris, le groupe UDI ne peut accueillir favorablement ce PLFSS pour 2017. Ce texte entérine en effet des choix effectués au cours des quatre dernières années et qui, selon nous, n’assurent en rien les équilibres financiers de notre protection sociale sur le long terme, ne garantissent nullement l’équité de nos régimes de retraite, ne renforcent pas le soutien que notre société doit apporter aux familles et ne contribuent pas à la construction d’une offre de soins de qualité, répartie en fonction des besoins de santé sur le territoire national.

Tout au long de ces cinq années, notre groupe a formulé des propositions pour la Sécurité sociale, auxquelles vous avez refusé de donner suite, alors même que certaines d’entre elles auraient pu, au moins, faire l’objet d’expérimentations.

Madame la ministre, la Sécurité sociale n’est pas un sujet idéologique ou partisan. C’est un enjeu de société, auquel on ne peut répondre que par un débat de société et par une volonté de dépasser les clivages. Ce gouvernement peut, bien sûr, considérer que, sur la Sécurité sociale, il a raison seul. Plus qu’une erreur de méthode, c’est selon nous une erreur de fond et d’analyse, qui justifie que le groupe UDI vote contre ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac.

Mme Dominique Orliac. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, avec ce texte proposé par le Gouvernement, le déficit cumulé du régime général et du FSV devrait atteindre 4,2 milliards d’euros en 2017. Trois branches sur quatre – retraite, famille et accidents du travail – seraient à l’équilibre et le régime général de la Sécurité sociale devrait bientôt présenter un solde négatif de « seulement » 400 millions d’euros, lié au déficit de la seule branche maladie.

Le taux de progression de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie a été relevé à 2,1 % pour l’année 2017. Cet objectif, l’un des plus bas que nous ayons connus, reste extrêmement exigeant : respecter ce taux tout en réalisant un niveau d’économies élevé implique de demander plus de 4 milliards d’euros.

Si l’opposition se plaît à tirer à boulets rouges sur le PLFSS pour 2017, il convient de rappeler que l’ONDAM a connu une évolution particulièrement contenue depuis 2012 : en effet, l’ONDAM le plus fort de ce quinquennat est inférieur à l’ONDAM le plus faible du quinquennat précédent, comme l’a rappelé notre collègue Michel Issindou en commission des affaires sociales.

M. Michel Issindou. En effet !

Mme Dominique Orliac. De plus, et pour la quatrième année consécutive, l’ONDAM de ville est supérieur à l’ONDAM hospitalier, ce dernier ne progressant que de 2 %. Les économies réalisées sur l’hôpital nous semblent préjudiciables et, si l’on peut se féliciter d’un taux de l’ONDAM historiquement bas permettant de pérenniser notre système de santé, gardons à l’esprit que le Comité d’alerte sur l’évolution des dépenses de l’assurance maladie, dans son avis rendu le 12 octobre dernier, a rappelé qu’en dépit des mesures d’économies annoncées par le Gouvernement, le respect de l’ONDAM en 2017 sera soumis à de très fortes tensions et appellera certainement un pilotage infra-annuel renforcé.

Ces tensions pourraient être encore accrues si les dépenses de 2016 devaient se révéler supérieures aux prévisions actuelles – c’est fort possible –, créant un effet de base défavorable pour 2017. De plus, il faut souligner que ce taux aura des conséquences dans les territoires, particulièrement les territoires ruraux – je ne citerai que la rationalisation des transports avec, de ce fait, le risque de renoncement aux soins.

Ce taux bas de l’ONDAM a également des conséquences sur la branche maladie, la plus déficitaire des quatre branches de la Sécurité sociale. À ce titre, les économies réalisées sur l’industrie du médicament sont désastreuses. En effet, la majoration des économies portant sur le médicament, qui dure depuis plusieurs années, se poursuit. Sur les 10 milliards d’euros d’économies réalisés par le Gouvernement ces trois dernières années, 5 milliards d’euros proviennent des contributions des industriels du médicament.

Certes, ces économies ciblées représentent près de la moitié des économies de ce PLFSS. Il faut malheureusement constater que cette année, comme depuis le début du quinquennat, les coupes sont drastiques. Depuis 2012, nous envoyons un signal négatif à l’industrie pharmaceutique qui, pourtant, participe singulièrement aux investissements industriels et à l’innovation dont notre pays a le plus grand besoin.

Alors que l’industrie du médicament est entrée en récession en 2012, la perte de brevets, la perte de l’influence de l’industrie française au niveau international – le marché pharmaceutique français représente aujourd’hui 3,4 % de la production mondiale, contre 5 % il y a quatre ans –, le déclin des exportations, l’assèchement des capacités françaises d’innovation ou encore la forte diminution des investissements productifs font que nous serons bientôt distancés par nos voisins européens en matière de recherche, de brevets et d’attractivité industrielle. Cela peut satisfaire les lobbies anti-labos qui montrent du doigt les gros laboratoires étrangers – à juste titre, reconnaissons-le –, lesquels font de gros bénéfices.

Mme Bérengère Poletti. Eh oui !

Mme Dominique Orliac. Mais il faut parler de l’industrie purement française, génératrice d’emplois et de brevets, et pourtant en forte baisse et surtout non rentable. Cela n’est pas satisfaisant !

Enfin, ce PLFSS ne mentionne plus la médication officinale – il n’existe même plus de ligne budgétaire – permettant au pharmacien d’officine de présenter des médicaments en accès direct au public, tout en conseillant ce dernier. Il faut intégrer cette médication officinale dans un parcours de soins, d’autant plus qu’elle n’entraîne pas de surconsommation de médicaments, comme on peut le constater dans de nombreux pays européens. En 2015, la médication officinale représentait 15,4 % du marché hexagonal, contre 32,4 % du marché européen en moyenne.

Tous les pays européens, sauf la France, ont adopté des mesures politiques et administratives plaçant l’automédication au cœur de la politique de santé et du parcours de soins. Elles reposent sur l’augmentation du nombre de médicaments disponibles sans ordonnance et le renforcement de l’information délivrée aux patients par le pharmacien d’officine, dont le rôle doit être renforcé à l’avenir au sein du système de santé.

Cela étant rappelé, notre groupe a déposé deux amendements portant article additionnel après l’article 11, visant à alléger l’imposition à la contribution sociale généralisée des personnes retraitées dont les pensions sont comprises entre 1 206 et 1 465 euros nets mensuels.

En effet, en augmentant le seuil du revenu fiscal de référence – RFR – qui détermine l’éligibilité d’un retraité au taux nul de CSG, ces amendements visent à compenser une partie des majorations successives du RFR dues à la mise en œuvre de différentes mesures fiscales adoptées depuis 2009, comme la suppression de la demi-part des veuves, celle des « vieux parents » ou encore la fiscalisation de la majoration de pension pour charges de famille. Ces mesures antérieures ont conduit à gonfler artificiellement le RFR des personnes retraitées, sans que leur pension réelle n’ait pour autant augmenté. La majorité a pris ses responsabilités en annulant chaque année depuis 2014 les effets de ce gonflement artificiel ou comptable du RFR des personnes retraitées sur leur imposition locale.

Le groupe RRDP présente ces dispositions parce qu’elles s’inscrivent dans son action constante depuis le début de cette législature en faveur des retraités bénéficiant d’une petite retraite. Il a ainsi réussi, lors de la réforme des retraites discutée à l’Assemblée nationale à l’automne 2013, à exempter du report de la revalorisation des pensions les retraités vivant sous le seuil de pauvreté, ou encore à exempter du report de la revalorisation des pensions, en plus des bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, les retraités dont les pensions sont exonérées de la contribution sociale généralisée.

En effet, pour les députés du groupe des radicaux de gauche et apparentés, les retraités dont les revenus sont inférieurs au seuil de pauvreté doivent bénéficier d’une attention toute particulière de la part de l’État, étant donné le caractère très modeste de leurs ressources qui les fragilise et affecte leurs conditions de vie. Ces amendements sont certes importants en termes de coût budgétaire, mais ils auront pour les retraités les plus en difficulté un impact bénéfique sur leur consommation et donc sur l’économie réelle.

Concernant le secteur du bâtiment, les alinéas 5 à 7 de l’article 6 prévoient de plafonner l’aide à la création d’activité dans les bassins d’emploi à redynamiser et de placer sous condition de ressources l’exonération totale des cotisations sociales accordée aux chômeurs et créateurs d’entreprise à compter du 1er janvier 2017. Ces dispositions étant contraires à l’objectif poursuivi par ces mesures, nous avons déposé un amendement de suppression. En outre, notre groupe a souhaité pérenniser le dispositif de paiement anticipé des cotisations sociales par les caisses congés intempéries, qui assurent le versement des indemnités de congés payés.

J’aimerais également évoquer les articles 16 et 17 du texte. Madame la ministre, le groupe RRDP comprend totalement votre volonté de lutter contre le tabagisme et vous soutient pleinement sur ce sujet. Toutefois, lors des discussions sur la loi de modernisation de notre système de santé, notre groupe avait fait savoir que, si nous soutenions les mesures issues de la directive anti-tabac de l’Union européenne – et non le paquet neutre –, nous estimions qu’il fallait trouver un équilibre. En effet, s’il importe de renforcer les politiques publiques contre le tabagisme, les entreprises françaises visées, dans la mesure où elles acquittent déjà leurs impôts en France, devraient être exonérées de cette nouvelle taxe. Tel est d’ailleurs le sens d’un amendement que nous avons déposé.

Il nous semble étrange que de nouvelles taxes sur le tabac soient intégrées à ce PLFSS. Dès lors, l’article 16, relatif à l’instauration d’un fonds pour la lutte contre la prévalence tabagique, me semble fort utile et s’inscrit dans des politiques publiques volontaristes visant à lutter contre le fléau du tabagisme. C’est la raison pour laquelle je présenterai un amendement visant à aménager ces dispositions.

En revanche, une large majorité de notre groupe n’est pas satisfaite par l’article 17, qui impose à nouveau l’industrie du tabac – le tabac à rouler, pour être précis. Beaucoup d’entre nous n’y sommes pas favorables car ces dispositions s’opposent aux déclarations et promesses faites lors de l’adoption du paquet neutre. Rappelons à ce titre les déclarations de Michel Sapin, ministre de l’économie et des finances, lors de l’émission Le Grand Jury sur LCI, le 22 septembre : « Il n’est pas question d’augmenter les taxes. Aujourd’hui il y a déjà quelque chose de très important, qui est mal vu par les buralistes et qui est le paquet neutre. Il faut que nous le mettions en œuvre dans les meilleures conditions possible. Ce n’est pas simple. » Il a également rappelé que le tabac rapportait à l’État de nombreux milliards.

M. Gérard Charasse. Eh oui !

Mme Dominique Orliac. Par ailleurs, mon collègue Joël Giraud présentera des amendements à l’article 33 visant à constituer de manière progressive un régime unique ouvert à l’ensemble des entrepreneurs, des artisans, des commerçants et à certains professionnels libéraux le souhaitant. En effet, il nous semble judicieux d’éviter de faire basculer dans le régime social des indépendants – le RSI – les moniteurs de ski débutant leur activité saisonnière, par exemple, en maintenant leur affiliation à leur caisse actuelle.

J’aimerais également évoquer l’article 43 de ce PLFSS, qui vise à assurer une protection maternité aux femmes médecins. Je regrette que cette protection soit limitée aux médecins des secteurs 1 et 2 éligibles à l’option pratique tarifaire maîtrisée. En effet, la protection maternité et, plus largement, notre système de solidarité nationale ne sauraient induire une rupture d’égalité contraire à la loi en incitant à un choix de conventionnement limitant les honoraires des professionnels de santé. Il convient donc de supprimer le caractère particulièrement discriminant de cette mesure en l’étendant à l’ensemble des professions libérales. Notre groupe a proposé un amendement en ce sens, afin d’ôter le caractère discriminant de cette bonne mesure, que nous soutenons par ailleurs pleinement.

Je veux également rappeler que la majorité du groupe RRDP est opposée à l’amendement n154 présenté par la commission des affaires sociales à la suite de l’adoption en commission du même amendement portant article additionnel après l’article 43, qui vise à étendre aux médecins libéraux un dispositif de régulation à l’installation. Il y a des mesures beaucoup plus pertinentes à mettre en œuvre que de s’en prendre à la liberté d’installation.

Vous avez d’ailleurs été très claire, madame la ministre, sur le sujet de la dynamique incitative qu’il convient de préférer à la coercition. Les mesures mises en place portent leurs fruits, ainsi que vous l’avez rappelé ; il faudra donc amplifier cette dynamique et mettre en place de nouvelles mesures favorisant l’installation et facilitant l’exercice professionnel, particulièrement en ce qui concerne les remplacements. Tout est question d’organisation.

Lors de votre audition en commission des affaires sociales, madame la ministre, j’ai rappelé que la majorité avait créé de nouveaux droits pour les patients. Tout en tentant de raboter le déficit de la Sécurité sociale, le PLFSS pour 2017 présente des avancées, de nouvelles protections, notamment des mesures assurant l’accès aux médicaments innovants.

La création d’une agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires est également soutenue par notre groupe, tout comme les dispositions de l’article 39, visant à prolonger le dispositif de la protection universelle maladie. Celui-ci prévoit que les salariés justifiant de contrats courts pourront rester rattachés à leur caisse d’origine, au sein du régime général ou du régime des salariés agricoles. Nous présenterons quelques amendements afin d’aménager cette mesure.

De plus, nous soutenons les dispositions de l’article 40 visant à prévenir l’aggravation du mal-être et la survenue de troubles mentaux chez les jeunes en améliorant la prise en charge de la souffrance psychique. L’adoption de plusieurs de nos amendements en commission est un signal très positif.

Enfin, je constate avec satisfaction que l’article 47 a pour objet de développer la télémédecine en prorogeant d’un an la durée de l’expérimentation et en l’ouvrant à l’ensemble du territoire national. La télémédecine constitue une chance pour nos territoires ruraux car elle permet de pallier les déficiences de l’offre de soins et favorise l’accès aux soins. Elle s’inscrit dès lors dans l’objectif de l’égal accès de tous aux soins dans l’ensemble du territoire national.

Pour conclure, vous l’aurez compris, le groupe des radicaux de gauche et apparentés soutiendra plusieurs propositions. Les débats en commission ont été plutôt courts mais nous avons déposé un nombre significatif d’amendements pour la séance. Nous attendons donc de voir la direction que prendra ce PLFSS lors de nos débats au sein de cet hémicycle, en espérant voir adopter de grandes réformes structurelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Laclais.

Mme Bernadette Laclais. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale dont nous avons commencé l’examen cet après-midi est sans aucun doute un bel exemple de ce que vous avez défendu depuis 2012, madame la ministre, et de ces réussites que nous ne devons pas avoir peur de mettre en avant.

Ce budget de la Sécurité sociale pour l’an prochain s’inscrit dans une dynamique similaire à celle de ses prédécesseurs : tout en ne sacrifiant rien, il vise à redresser des finances publiques très dégradées, parvenant même à introduire de nouveaux droits pour nos concitoyens.

Notre système de santé, nous le savons, est parmi les meilleurs au monde, en raison tant de l’excellence des soins et des professionnels, que de la qualité de la prise en charge et de la permanence des soins. Aujourd’hui, l’enjeu politique se dessine clairement : avec la primaire de la droite, chacun peut se faire une idée de ce que sera notre Sécurité sociale demain si un tel candidat accédait au pouvoir.

M. Jean Leonetti. Ne faites pas peur !

Mme Bernadette Laclais. Davantage de dépenses à la charge de nos concitoyens, davantage de dépassements d’honoraires, davantage d’inégalités sociales et territoriales dans l’accès aux soins.

M. Philippe Vitel. C’est reconnaître que ce sera bien mieux !

Mme Bernadette Laclais. Au vu des innombrables discussions sur le trou de la Sécu, s’il est un aspect de ce projet de loi qui peut parler à tout le monde, c’est bien le retour à l’équilibre du régime général, prévu pour l’an prochain. La trajectoire positive du Fonds de solidarité vieillesse dans les prochaines années est un élément complémentaire indiquant que nos finances sociales sont indéniablement sur la bonne voie.

Sans cesse calomniée par la droite pour ses prétendues prévisions non réalisées,…

M. Jean Leonetti. Ne dites pas des choses pareilles !

Mme Bernadette Laclais. …la gauche aura ainsi réussi le pari de boucher le fameux trou de la Sécu, dont tout le monde parle. Le déficit, ne l’oublions pas, s’élevait pour le régime général à plus de 17 milliards d’euros à la fin de 2011. Sans revenir sur le détail des chiffres, rappelons que l’engagement à rétablir les comptes sociaux comme les orientations stratégiques des politiques de santé ont permis, année après année, de diminuer ce déficit : ramené à un peu moins de 10 milliards en 2014, il atteint à peine plus de 3 milliards d’euros en 2016.

M. Yannick Moreau. Ça va mieux !

Mme Bernadette Laclais. Qu’en sera-t-il alors l’an prochain ? Les recettes de l’ensemble des régimes de Sécurité sociale, hors FSV, s’élèveront à 487,1 milliards pour 487,4 milliards d’euros de dépenses, soit un déficit correspondant à 0,1 % des dépenses du régime général – un résultat inédit depuis 2002.

Dans le détail, l’amélioration concernera toutes les branches de la Sécurité sociale. Le déficit de l’assurance maladie poursuivra sa réduction en 2017, avec un objectif national de dépenses d’assurance maladie de 2,1 %, le quatrième taux le plus bas depuis la création de cet indicateur en 1997. Les dépenses de la branche maladie augmenteront donc l’an prochain à un rythme sensiblement inférieur à celui des recettes sociales.

Ne nous y trompons pas : si l’ONDAM a été relevé pour 2017, ce n’est en rien pour des raisons clientélistes, comme nous l’avons si souvent entendu ces derniers jours. Il s’agit de prendre en charge des dépenses nouvelles, qui complètent les dispositifs actuels, notamment l’entrée en vigueur de la nouvelle convention médicale incluant une revalorisation des honoraires des médecins généralistes ou la revalorisation du point d’indice dans la fonction publique.

Enfin, afin de couper court aux attaques infondées selon lesquelles ces prévisions ne se réaliseraient pas, rappelons que, depuis 2012, les résultats de la commission des comptes de la Sécurité sociale ont été chaque fois en deçà des prévisions initiales.

Au-delà de ces chiffres, je tiens à revenir sur deux points illustrant les actions du Gouvernement et des députés de la majorité.

Le premier vise à rappeler qu’améliorer le sort des Français, notamment de ceux qui vivent les situations les plus complexes, est une affaire de patience. Le grand soir législatif n’existe pas mais, loi après loi, le changement est réel. La semaine dernière, nous avons voté l’acte II de la loi montagne. Au-delà du rare exemple d’union que nous avons su donner autour de la thématique des montagnes et des montagnards, ce texte a contribué à améliorer la situation de nombreuses professions.

Les saisonniers en font partie : ils sont en France plusieurs millions, à enchaîner des contrats dans l’agriculture, le tourisme, le BTP, les transports. Des avancées ont été obtenues pour eux dans la loi travail, d’autres dans la loi montagne. Notre PLFSS pour 2017 s’inscrit dans cet objectif de progrès, ce dont je vous remercie, madame la ministre.

L’enjeu, à l’article 39, est de faciliter la gestion des droits sociaux des saisonniers, qui dépendent tantôt du régime général, tantôt du RSI, tantôt de la mutualité sociale agricole – la MSA –, et qui doivent actuellement changer de régime à chaque contrat. Ce dispositif, d’une complexité sans nom, n’apporte rien, ni au saisonnier, qui doit à chaque contrat refaire son dossier d’affiliation, ni aux gestionnaires des régimes, qui refont eux aussi les dossiers. Pourtant, la nécessité d’une caisse pivot est soulignée depuis plus de vingt ans, comme l’atteste le rapport de M. Gaymard en 1994.

Nous savons que nous pourrions économiser plusieurs millions d’euros de frais de gestion en évitant ces nombreux changements de régimes. Limiter les mutations interrégimes permettra de réaliser un progrès considérable, d’autant plus efficace que nous fixerons de longs délais de maintien dans le régime initial. La proposition garantit aussi aux travailleurs saisonniers le maintien des prestations et des prises en charge, y compris lors de changements de régime : cette assurance, elle-même un progrès, sera appréciée par ces salariés, qui sont parfois les plus précaires de notre pays.

Je salue, madame la ministre, votre pragmatisme et votre écoute sur cette question, pour laquelle, je l’avoue, je me suis montrée très insistante.

Dans le même ordre d’idées, l’extension des possibilités de retraite progressive aux salariés ayant plusieurs employeurs est une mesure de justice sociale en faveur des salariés aux carrières moins linéaires que d’autres, une situation qui risque de se rencontrer de plus en plus souvent dans le futur.

Le second point sur lequel je souhaiterais insister est celui des déserts médicaux, qui deviennent une réalité pour bon nombre de territoires ruraux, de montagne, mais aussi urbains. La démographie médicale est une question capitale pour notre pays : alors que le nombre de médecins généralistes diminue pour des raisons de spécialisation et de vieillissement des professionnels de santé, la population vieillit et demande plus de soins. Aujourd’hui, la densité moyenne est de 334 praticiens pour 100 000 habitants, mais cette densité est une moyenne. La réalité de l’offre de soins sur les territoires montre une grande disparité entre les départements : 798 médecins pour 100 000 habitants à Paris, mais 180 seulement dans le département de l’Eure.

Il existe donc bien une fracture médicale, qui oppose les villes aux campagnes. En 2015, le Conseil national de l’ordre des médecins a recensé 192 zones sinistrées, qui concernent 2,5 millions de Français. Cette situation est encore plus frappante pour les habitants de territoires comme les zones de montagne, que je connais bien. Or l’État doit garantir une proximité des soins et une réponse aux urgences médicales sur l’ensemble du territoire national. C’est une question d’égalité entre les citoyens.

Depuis 2012, de nombreuses mesures ont été prises pour inciter les médecins à s’installer dans les secteurs en tension : citons notamment, dans le cadre du pacte territoire-santé, l’augmentation des contrats d’engagement de service public, le développement des contrats de praticien de médecine ambulatoire et la création de maisons de santé dans ces zones – 708 en 2015.

Ces mesures incitatives portent leurs fruits, mais la situation, nous le savons, reste tendue. Dans ce contexte, il semble qu’il faille se garder des fausses bonnes solutions et des mesures coercitives car nous risquerions alors de voir se développer rapidement une médecine à deux vitesses, où, sans pour autant régler le problème des déserts médicaux, nous conduirions certains patients à ne plus pouvoir se faire rembourser les actes médicaux qui leur sont prodigués.

Il faut plutôt renforcer les mesures incitatives à l’installation et trouver un équilibre entre le principe de libre installation et l’impératif d’égalité devant l’offre de soins sur l’ensemble de notre territoire. Je veux prendre pour exemple une mesure pour laquelle je me suis particulièrement engagée, et où votre écoute, madame la ministre, a été déterminante : la création d’une garantie de revenus, notamment dans les zones de montagne, afin de donner une nouvelle attractivité aux zones touristiques isolées à fortes variations de population, comme les stations de montagne.

Voilà un exemple à suivre, pour garantir le maintien de l’offre de soins sur une base contractuelle et non coercitive. Si nous ne devons pas nous exonérer d’une réflexion, fût-elle complexe, il faut en revanche refuser de céder à une simplicité de l’instant, dont les conséquences seraient désastreuses pour l’avenir et qui ne ferait, une fois de plus, que dresser les zones urbaines contre les zones rurales et de montagne. Essayons de surmonter nos handicaps plutôt que de prendre chez Paul pour couvrir Jean.

Je pourrais également citer le travail que vous avez accompli, madame la ministre, pour organiser et prendre en compte les temps de trajet des infirmières libérales dans les zones de montagne. De tels exemples peuvent servir de base de réflexion, afin de ne pas nous contenter d’une mesure apparemment intéressante mais qui ne fournira pas de solution pour installer des médecins dans les zones de montagne.

Le débat, j’en suis persuadée, nous permettra d’améliorer encore ce texte, comme ce fut le cas en commission, notamment avec les mesures relatives aux retraités aux revenus modestes. Je peux d’ores et déjà vous assurer, madame la ministre, du soutien du groupe socialiste, écologiste et républicain, ainsi que des députés apparentés, qui voteront ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Michel Issindou. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, chers collègues, pour le dernier PLFSS de cette législature, vous nous annoncez la disparition du trou de la Sécu, et vous vous auto-félicitez. Dépenser et promettre toujours plus pour réduire les déficits, quel tour de passe-passe incroyable ! On aimerait tellement vous croire…

À l’approche d’élections nationales, vous cédez à la facilité et tenez un discours démagogique. Votre optimisme démesuré, madame la ministre, ne nous fera pourtant pas oublier la dette sociale cumulée, qui s’élevait à plus de 156 milliards d’euros en 2015.

M. Yannick Moreau. Elle a raison !

Mme Bérengère Poletti. Il ne nous fera pas oublier non plus le déficit, pour 2017, qui atteint 4,2 milliards d’euros, Fonds de solidarité vieillesse compris. Le FSV ? Ah oui, c’est la caisse qui a bénéficié de votre détournement de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie pendant plusieurs années ! La CASA ? Ah oui, c’est la taxe que vous avez inventée à la charge des retraités imposables ! Plus de 1 milliard d’euros ont été détournés de leur objectif initial… En outre, cette année, plus de 200 millions d’euros ont été repris à la Caisse nationale de solidarité et d’autonomie.

Si quelques chiffres sont encourageants cette année, c’est pour beaucoup grâce à l’effort budgétaire réalisé sur le dos des Français, des familles et des retraités. C’est aussi grâce aux réformes courageuses du précédent quinquennat, notamment la réforme des retraites de 2010, qui vous sert bien aujourd’hui.

M. Guillaume Chevrollier. Absolument !

Mme Bérengère Poletti. Sans cette réforme structurelle courageuse, vous devriez annoncer aujourd’hui un déficit de plus de 8 milliards d’euros. La Commission des comptes de la Sécurité sociale estime en effet à 6 milliards d’euros les économies liées au report de 60 à 62 ans de l’âge de la retraite. Et l’on sait que les surcoûts liés aux mesures d’assouplissement des conditions de départ anticipé, que vous avez votées en 2012 et 2014, représentent 3,2 milliards d’euros de charges supplémentaires.

Aujourd’hui, les professionnels du monde médical et paramédical, qu’ils exercent à l’hôpital ou en libéral, sont très inquiets, pour ne pas dire angoissés. De nombreux hôpitaux sont en grande difficulté ; les inégalités entre assurés sociaux augmentent. Voilà la réalité de cette fin de législature.

En nous proposant une réforme importante du RSI, vous vous apprêtez, madame la ministre, à replonger les professionnels dépendant de ces caisses dans la tourmente : non seulement ces derniers n’ont pas été consultés, mais encore les systèmes d’information ne sont pas prêts. Cette réforme mérite une expérimentation et une évaluation préalables.

Madame la ministre, vous prétendez marier deux dispositifs dans un système unique d’une extrême complexité, avec un directeur commun, contre l’avis des personnels, avec des services informatiques à fusionner de toute urgence et un copilotage qui reste à imaginer. Les choses vont beaucoup trop vite : encore une fois, nous courons le risque de mettre les artisans et commerçants dans des situations dramatiques. Il faudra au moins prendre le temps de cette consultation et retarder la mise en place d’une réforme, quelle qu’elle soit.

Comme l’année dernière, madame la ministre, vous recherchez des économies sur le dos des territoires pauvres. Le mécanisme des bassins d’emplois à redynamiser – BER – a donné de bons résultats dans le département des Ardennes. Pourquoi vouloir abîmer ce qui fonctionne et chercher des moyens dans des territoires en grande difficulté ?

Et l’on ne peut pas parler de saupoudrage, puisque l’exonération liée aux BER est utilisée dans les Ardennes par 1 118 établissements, pour plus de 4 000 salariés ardennais, travaillant principalement dans des TPE et PME de moins de 50 salariés. Sur 60,4 millions d’euros d’exonérations de charges sociales depuis 2007, 12,2 millions ont contribué au développement d’entreprises déjà implantées et 48,2 millions ont favorisé l’emploi en lien avec la création et la reprise d’entreprise. L’impact du BER sur l’économie des communes éligibles est ainsi significatif.

Madame la ministre, ne remettez pas en cause un bilan satisfaisant localement, avec plus de 2 800 emplois créés ou maintenus en six ans, malgré la crise.

Enfin, comme chaque année, la commission a abordé le sujet de la démographie médicale : pas de clivage politique sur ce sujet, mais des approches de vues différentes selon que l’on habite une zone sur-dense ou sous-dense ; selon, aussi, la profession des parlementaires ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Elle a raison !

Mme Bérengère Poletti. Rappelez-vous, madame la ministre, vous étiez députée lorsque Roselyne Bachelot, alors ministre de la santé, avait introduit un article similaire dans le PLFSS pour 2008. Vous êtes constante dans vos idées, puisque vous étiez déjà contre à cette époque.

Vous n’imaginez pourtant pas à quel point ce sujet mobilise les habitants de mon département. En effet, dans les Ardennes, on compte 83 médecins libéraux pour 100 000 habitants, alors que la moyenne nationale est de 92 médecins – un chiffre à rapporter à une espérance de vie plus faible d’un an dans le département. Nous subissons surtout une répartition très inégale, avec des secteurs en grande souffrance et des médecins en plein burn out, ou qui n’en sont pas loin :…

M. Gérard Sebaoun. Ça, c’est vrai !

Mme Bérengère Poletti. …grandes difficultés pour accéder aux spécialistes ; grandes difficultés pour attirer des spécialistes à l’hôpital ; grandes difficultés pour créer des maisons de santé pluridisciplinaires.

Au regard de toutes ces difficultés, il serait honteux de continuer à conventionner des médecins dans des endroits où l’on sait pertinemment qu’ils sont déjà trop nombreux, au nom du sacro-saint principe de la liberté d’installation, qui n’est même pas remis en cause par cet amendement. D’autres solutions doivent tout de même être recherchées.

Enfin, madame la ministre, vous ouvrez la possibilité pour les femmes médecins de bénéficier d’une couverture supplémentaire pour leur congé maternité. Ce droit doit être ouvert à toutes les femmes. Il est choquant de faire ainsi une discrimination entre professionnels libéraux – même s’il se dit que vous souhaiteriez vous servir de cette assurance maternité pour inciter les femmes médecins à s’installer en secteur 1. Tout cela est parfaitement scandaleux. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi de déposer un amendement visant à étendre la mesure à l’ensemble des professions médicales et paramédicales libérales. Celui-ci est malheureusement passé au filtre de l’article 40 de la Constitution ; j’ai donc proposé, à titre de repli, une demande de rapport afin de pouvoir débattre de ce sujet avec vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Yannick Moreau et M. Dominique Tian. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard.

M. Jacques Bompard. Madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, la protection sociale française est prisonnière d’une construction idéologique qui dessert le bien commun. Loin d’apporter le nécessaire soutien de l’État aux familles, le présent projet de loi de financement de la Sécurité sociale dévoile une nouvelle fois l’assemblage hétéroclite de l’intrusion universelle de l’État, de la gabegie et de la culture de mort. Je suis intervenu sur la quasi-totalité des PLFSS de la législature et le constat a le mérite de la continuité : le Gouvernement aura constamment servi les argentiers et leurs relais idéologiques, au détriment du bien commun et des Français.

Les chiffres sont comme toujours accablants : le maquillage budgétaire tient encore au massacre du monde hospitalier, qui voit la tarification des actes médicaux diminuer tous les ans, à la créativité fiscale et à la restriction des libertés d’installation. Vous osez vous féliciter des progrès de la branche famille, qui ne sont dus qu’à l’odieuse modulation des allocations familiales. Votre empressement à taxer les plateformes de l’économie collaborative jette les Français dans un parfait étonnement : ceux qui trouvaient là une manière de contourner la lâcheté politique comprennent que celle-ci se défend bien pour préserver ses prébendes.

Vous prétendrez que vous avez effectué quelques efforts. Je vous répondrai que le courage exige le rétablissement immédiat des comptes de la Sécurité sociale. Les solutions, chacun les connaît : mettre fin au laxisme dans les abus des transferts sociaux, inverser les flux migratoires, araser les régimes dérogatoires, majoritairement inadaptés à l’équité la plus évidente.

Vous promouvez dans les médias, à grand renfort de communicants coûteux, vos odes féministes. À quoi tient votre féminisme ? À permettre à l’État de s’emparer des petites filles en contournant l’autorité parentale et à chercher à augmenter le nombre d’avortements ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Gérard Sebaoun. Oh !

Mme Véronique Massonneau. Ce n’est pas possible !

Mme Audrey Linkenheld. N’importe quoi !

M. Jacques Bompard. En revanche, quand on sort de l’idéologie, les femmes sont trahies. Les aides à domiciles s’inquiètent de vos manigances. Le nouveau calcul afférent à l’impôt à la source, sous couvert d’individualisation, est un nouveau coup – et coût – porté aux familles. Les promesses de soutien massif aux crèches sont oubliées. Qu’en conclure ? Simplement que vous draguez des officines dépassées, par intérêt électoral, en sacrifiant le réel intérêt des femmes.

Il est vrai que les Français connaissent parfaitement vos ficelles. Jérôme Cahuzac les a d’ailleurs exposées lors de son procès, en rappelant les liens entre l’industrie pharmaceutique et les partis politiques. À ce titre, à l’article 49, les constructions baroques sur le Fonds de financement de l’innovation thérapeutique laissent songeur. Préparer les dépenses sociales à venir est certes louable mais l’outil proposé semble parfaitement perméable à des interactions douteuses.

Je reviens un instant sur l’article 50. Je suis extrêmement inquiet de la disposition qu’il contient et des conséquences qu’elle aura sur le travail des pharmaciens. Nous savons que, cet été, le ministère est vertement intervenu pour contrer la clause de conscience dans la profession. Les pharmaciens ne faisaient pourtant que demander la liberté de ne pas administrer des médicaments qu’ils jugent mortifères, c’est-à-dire appliquer le serment de Galien. Évidemment, vous leur avez opposé un refus. Je mène actuellement une série d’auditions à l’Assemblée à ce sujet ; elles sont accablantes pour votre ministère et vos méthodes.

Combien de suicides à cause du scandale du RSI, le régime social des indépendants ? Combien d’enfants perdus à cause de la propagation de la culture de mort ? Combien d’enfances contraintes du fait de la guerre faite aux familles de la classe moyenne ? Combien de décès et de souffrances insupportables à cause de la désertification médicale que subissent nos territoires ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Christian Hutin. Ce n’est pas possible !

Mme Audrey Linkenheld. C’est nous que vous faites souffrir !

M. Jacques Bompard. Eh oui ! L’idéologie a des conséquences concrètes qui dépassent le velours de vos cénacles.

M. Christian Hutin. L’idéologie incarnée est la tribune !

M. Michel Issindou. Oui, c’est un expert en la matière !

M. Jacques Bompard. Ce dernier PLFSS se résume en trois points : promotion de la culture de mort, intrusion de l’État partout où il ne devrait pas être, perpétuation des gabegies. Ce quinquennat aura eu le mérite de ne jamais déroger à ces trois piliers.

M. Christian Hutin. C’est honteux !

M. Gérard Sebaoun. Quelle horreur !

M. Jacques Bompard. Je veux bien vous affronter dans un débat, jeune homme ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je consacrerai la première partie de mon intervention à la branche accidents du travail et maladies professionnelles, en l’absence de mon collègue Ballay, qui a travaillé sur ce sujet pour notre groupe.

Cette branche affiche 12,6 milliards d’euros de recettes et un excédent de 700 millions d’euros. Les deux amendements que le rapporteur, notre collègue Viala, a déposés à l’article 36 m’ont beaucoup surpris, je voudrais le lui dire d’emblée ; ils visent en effet à diminuer, voire, pire, à supprimer le versement de 1 milliard d’euros à la branche maladie. C’est pour le moins inconséquent, voire irresponsable.

Ce versement est inscrit au PLFSS depuis 1997. Il tient compte des dépenses supportées par la branche maladie au titre de la sous-déclaration estimée des accidents du travail et des maladies professionnelles. Le montant de 1 milliard est le fruit des travaux d’une commission experte, dont le dernier rapport, trisannuel, remonte à 2014 et est disponible, pour qui veut le consulter, sur internet. La sous-déclaration y est évaluée dans une fourchette de 695 millions à 1,3 milliard d’euros. L’évolution de cette sous-déclaration, mesurée par les commissions successives, est d’ailleurs la suivante : de 137 millions en 1997 à 299 millions en 1992, soit une augmentation de 118 % ; puis, sous les deux législatures de droite, de 299 millions en 2002 à 790 millions en 2012, soit une augmentation de 164 % ; enfin de 790 millions à 1 milliard depuis 2012, soit une augmentation de 27 %.

M. Yannick Moreau. Que c’est laborieux !

M. Gérard Sebaoun. Au sein de cette sous-déclaration, les affections périarticulaires et celles du rachis lombaire en lien avec le travail occasionnent pour l’assurance maladie une dépense estimée entre 80 et 100 millions. La dépense est de 100 millions pour les accidents du travail. Elle est de 280 à 729 millions – l’estimation est très difficile, il suffit de lire le rapport pour le comprendre – pour les cancers professionnels, dont le nombre explose. Elle est de 200 à 350 millions pour l’asthme, en forte augmentation, et les broncho-pneumopathies chroniques obstructives.

La santé au travail connaît et connaîtra des bouleversements liés à l’évolution des techniques, des organisations, à la révolution numérique, à la longévité des individus, avec la permanence de risques déjà identifiés et l’émergence de risques nouveaux.

Par exemple, les maladies psychiques liées se développent mais leur reconnaissance reste infinitésimale et très contrainte par le système complémentaire des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles, les CRRMP. Le rapport entre le nombre de maladies professionnelles d’origine psychique reconnues par les CRRMP et les estimations les plus réalistes atteint ainsi 1 pour 1 000. D’un côté, 315 maladies professionnelles reconnues en 2014, dont 243 dépressions, 39 troubles anxieux et seulement 33 stress post-traumatiques ; de l’autre, 400 000 cas d’épuisement professionnel, selon l’évaluation extrêmement sérieuse de l’IRDES, l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé.

J’en viens à trois sujets qui ont fait l’objet d’amendements.

J’en avais déposé un, portant article additionnel après l’article 39, qui visait à permettre aux infirmiers et infirmières de vacciner plus largement, sans prescription médicale. Actuellement, cette capacité, régie par l’article L. 4311-1 du code de la santé publique, se résume à la vaccination antigrippale au bénéfice des personnes de plus de 65 ans ou atteintes d’une affection de longue durée – un arrêté de juin 2011 précise quelles personnes peuvent en bénéficier. Hélas ! mon amendement a été déclaré irrecevable par la commission des finances, au titre de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances. Il ne créerait pourtant aucune charge pour la Sécurité sociale en l’état du droit existant, puisque la vaccination n’est pas remboursée en l’absence de prescription médicale. On marche sur la tête ! Les remboursements du vaccin et de l’acte infirmier sont codifiés par la Sécurité sociale. Dès lors, une extension du droit à vacciner les adultes constitue au pire un simple transfert de charges, au mieux une source d’économie, puisque le coût unitaire d’une vaccination par une infirmière serait moindre. On pourrait ainsi améliorer la couverture vaccinale de certaines maladies qui n’ont pas disparu, comme la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite – heureusement, cette dernière n’est actuellement plus présente sur notre territoire –, pour lesquelles des revaccinations sont préconisées à 25 ans, 45 ans, 65 ans et, au-delà, tous les dix ans. Grâce au maillage territorial des infirmiers et infirmières, on pourrait peut-être améliorer la couverture vaccinale de notre pays. Au-delà du triste sort de cet amendement, madame la ministre, la profession attend surtout votre réponse sur cette question sensible.

J’ai déposé un autre amendement, recevable quant à lui, après l’article 44, qui traite d’un sujet tout aussi grave et sensible, la mort subite, dans le droit fil de nos récents débats sur la place du défibrillateur cardiaque dans la chaîne de l’urgence vitale. Grâce à un travail efficace entre l’Assemblée et le Gouvernement – je veux remercier à ce propos Jean-Pierre Decool –, nous avons voté à l’unanimité une mesure utile. À cette occasion, j’ai relayé certaines difficultés soulevées par les experts.

L’article 44 nous propose de reconnaître le transport des nourrissons décédés de cause médicalement inexpliquée comme un transport sanitaire vers les centres experts. C’est là une réelle avancée.

Dans le même temps, la mort subite touche environ un millier de sportifs par an, dont la moitié sur les stades ; dans la quasi-totalité des cas, ce sont les SMUR, les services mobiles d’urgence et de réanimation, qui interviennent. L’amendement vise à expérimenter le transport sanitaire de ces victimes, car elles doivent pouvoir faire l’objet d’une autopsie associant examen anatomo-pathologique, toxicologique et génétique, si possible dans des centres experts. C’est l’une des clés du dépistage des familles à très haut risque de mort subite.

J’en appelle aussi, madame la ministre, au renouveau nécessaire de l’autopsie, tombée en désuétude dans nos hôpitaux – je ne fais là que reprendre les conclusions d’un rapport de l’Académie de médecine publié en 2015.

J’en arrive au dernier point que je voulais examiner avec vous : la discussion d’un amendement adopté en commission et déjà évoqué par plusieurs orateurs, qui tend à instaurer un conventionnement sélectif des médecins dans des zones excédentaires en offres de soins – ces zones restant du reste à définir. Il ambitionne d’être une mesure incitative à l’installation dans des zones sous-dotées. C’est peu de dire que cet amendement a suscité depuis sa publication de vives réactions dans Landerneau.

M. Arnaud Richard. Ailleurs aussi !

M. Gérard Sebaoun. Et ce n’est pas l’origine bretonne d’Annie Le Houerou qui en est la cause ! (Sourires.)

Il est très excessif d’affirmer que cet amendement mettrait fin à la liberté d’installation. Ce n’est pas le sujet, la réalité est plus prosaïque : l’amendement serait à mon avis totalement inopérant ; son adoption n’aurait aucun effet sur le flux des nouveaux entrants, particulièrement les généralistes, vers les déserts médicaux en zone rurale, périurbaine ou urbaine.

Pour mieux appréhender les difficultés et améliorer l’attractivité à l’installation, il faut s’arrêter un instant sur les chiffres de l’atlas annuel publié par le Conseil national de l’Ordre des médecins.

Les taux de médecins généralistes actifs varient beaucoup d’une région à l’autre : de 107 pour 100 000 habitants en région Centre – la moins dotée du pays – à 153 pour 100 000 habitants en Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Toutefois, à l’intérieur de chacune de ces régions, il existe des disparités départementales parfois considérables – chacun ici le sait, puisqu’il regarde en général très attentivement la situation dans sa région, dans son département et, in fine, dans sa circonscription.

Prenons quelques exemples. L’élu valdoisien que je suis s’inquiète de la pénurie de médecins dans certaines communes du département et, désormais, au cœur de certains quartiers. En Île-de-France, ce sont les Yvelines qui souffrent le plus, avec une population qui a crû de plus de 3 % entre 2007 et 2016, alors que, dans le même temps, le nombre de médecins actifs chutait de 12 points. En Île-de-France encore, le nombre de généralistes est passé de près de 19 000 en 2007 à un peu plus de 15 000 aujourd’hui ; il sera, selon les projections, d’un peu de 12 000 à l’horizon 2025.

En Bretagne, chère Annie Le Houerou, les chiffres sont heureusement plus encourageants, avec environ 4 500 généralistes en 2007, à peu près le même nombre en 2016 et une projection qui reste à 4 500. On observe néanmoins un contraste entre l’Ille-et-Vilaine, qui attire toujours les médecins,…

Mme Isabelle Le Callennec. Pas dans tout le département !

M. Gérard Sebaoun. …et les Côtes-d’Armor, qui décrochent déjà de sept points – vous connaissez mieux que moi la situation.

On retrouve cependant, sur l’ensemble des territoires, des traits communs parmi les nouveaux inscrits : le choix majoritaire d’une activité libérale, la féminisation du métier, un âge moyen au-delà de la trentaine, un exercice en groupe prédominant et, pour suivre mon exemple, le choix de la médecine générale toujours majoritaire en Bretagne, ce qui n’est plus le cas en Île-de-France.

Au-delà de la vérité des chiffres, la réalité de l’exercice médical a changé et les jeunes générations ne se reconnaissent plus depuis longtemps dans l’image d’Épinal du médecin d’antan, omniscient et disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans chaque bourg de France. Les éléments qui guident leur installation aujourd’hui sont bien documentés. Ces jeunes médecins, bien formés, privilégient la qualité de vie, l’épanouissement personnel et familial, suivant en cela les aspirations du reste de la population. La place du conjoint et sa capacité à trouver un emploi sont également des facteurs essentiels. Les jeunes médecins veulent exercer la médecine différemment et ambitionnent de travailler moins, même si je suis convaincu qu’ils travailleront beaucoup. Dans l’exercice en groupe, ils voient un facteur d’amélioration de leurs conditions travail, en termes d’organisation et de permanence des soins. Ils se disent prêts à assurer des gardes, ils veulent une mutualisation des coûts, des locaux adaptés et des outils efficaces.

M. Yannick Moreau. Ils veulent d’abord travailler et gagner leur vie !

M. Gérard Sebaoun. Surtout, ils veulent enfin pouvoir programmer quelques jours de congés et en profiter. L’amendement sur les remplaçants, madame la ministre, va dans le bon sens à cet égard.

Les jeunes médecins mettent également en avant la présence de professionnels de santé dans leur environnement – je n’entre pas dans les détails – et, dans un périmètre suffisant, d’un établissement de santé disposant d’un plateau technique complet, voire d’un SMUR.

Leur choix dépend également de leur bonne connaissance de leur futur lieu d’exercice et de leur lieu de formation. Les caractéristiques géographiques, climatiques et touristiques, ainsi que les commodités de la vie quotidienne, sont aussi des éléments du choix.

Vous l’avez compris, mes chers collègues, je vous invite à repousser l’amendement de ma collègue Le Houerou, pour qui j’ai beaucoup d’amitié, mais dont je ne partage pas la proposition en ce domaine, car celle-ci me paraît inutile : s’ingénier à repérer des territoires microscopiques de grandes métropoles qui concentrent des spécialistes ne ramènera aucun généraliste ni aucun spécialiste dans une zone sous-dotée.

Mme Isabelle Le Callennec. Et les patients, que vont-ils devenir ?

M. le président. Merci, monsieur Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Pire, cela risque de pousser certains à s’installer hors convention, au détriment des patients.

Le cahier des charges, madame la ministre, est particulièrement lourd. Il l’était hier, il l’est aujourd’hui et le sera demain, si l’on se fie aux projections pour 2025-2030. Sachons, sur ce sujet, faire preuve et d’humilité et de responsabilité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Michel Issindou. Très bien !

Mme Michèle Delaunay, rapporteure de la commission des affaires sociales. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, la République Française « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère […], la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ». C’est en ces termes que le Conseil national de la Résistance posait les bases d’une politique familiale dans son décret du 4 octobre 1945.

Certes, cette politique est née juste après la Deuxième Guerre mondiale, à un moment où la situation de notre pays exigeait une relance de la natalité. Certes aussi, notre population a évolué depuis lors et, au fil des décennies, la composition des familles s’est beaucoup diversifiée ; d’un ministère « de la famille » nous sommes passés à un ministère « des familles », ce qui illustre parfaitement ces évolutions.

Il n’en reste pas moins que notre responsabilité vis-à-vis des familles est de compenser l’arrivée d’un enfant dans un foyer. C’est en tout cas un fondement de notre politique familiale, et j’aurais souhaité qu’il soit préservé. Cela n’a pas été le cas sous le présent quinquennat. Je respecte vos choix mais je les regrette profondément et, si vous le voulez bien, je concentrerai mon intervention sur la politique familiale.

Ce PLFSS prévoit, dans son article 27, la création d’une Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires, conséquence de la décision que nous avions prise en 2015 en créant la garantie contre les impayés de pension alimentaire, la GIPA. À l’heure où l’on rencontre de plus en plus de familles monoparentales, des mamans, le plus souvent, se trouvent totalement démunies face à un ex-conjoint qui n’assume pas la charge des enfants. Dans ce cas, une compensation financière nous paraît effectivement indispensable : il revient très justement aux caisses d’allocations familiales, les CAF, de gérer ces impayés.

Je veux simplement vous alerter sur le travail supplémentaire que générera pour les CAF, très volontaires pour le faire. L’excellent rapport de nos collègues Vercamer…

M. Arnaud Richard. Excellent Vercamer !

M. Gilles Lurton. …et Hutin sur les conditions d’exercice des caisses d’allocations familiales a bien montré que, malgré la qualité du travail accompli par les personnels, la situation demeure très tendue dans certains départements.

M. Christian Hutin. Merci, monsieur Lurton !

M. Gilles Lurton. De même, les mutualités sociales agricoles, qui devront assumer cette gestion pour les familles d’agriculteurs, s’inquiètent déjà des moyens dont elles disposeront, d’autant qu’elles sont fortement incitées par le Gouvernement à réduire leurs frais de fonctionnement.

S’il fallait un seul exemple pour montrer combien la situation demeure tendue, je mentionnerais votre décision de placer sur un livret l’argent de l’allocation de rentrée scolaire des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance, de façon qu’ils touchent cet argent quand ils auront atteint l’âge de 18 ans. Vous le savez, la rentrée 2016 a vu la première application de cette mesure prise dans le cadre de la proposition de loi relative à la protection de l’enfant, et je crois savoir que cela n’a pas été aussi simple que vous l’espériez.

Mais revenons-en à votre politique familiale. Lors de sa déclaration face à l’Assemblée consultative provisoire, le 2 mars 1945, Charles de Gaulle déclarait : « De quelque façon que nous organisions le travail, nos rapports sociaux, notre sécurité même, s’il est acquis que décidément le peuple français ne se multiplie pas, alors la France ne peut plus rien être qu’une grande lumière qui s’éteint. » Et c’est bien cela qui nous préoccupe aujourd’hui : la chute de notre taux de natalité.

Avec les abaissements successifs du quotient familial – plus de 1,7 milliard d’euros retirés aux familles –, avec la fiscalisation des majorations de pension pour les familles nombreuses, avec la hausse des droits de mutation, avec la modulation à la baisse des allocations familiales, avec la division par deux de la prime de naissance et son versement deux mois après la naissance de l’enfant pour de basses raisons de trésorerie, avec la diminution de 50 % de la prestation d’accueil jeune enfant, avec la baisse du complément de libre choix d’activité, c’est en milliards d’euros que se comptent les économies qui auront été faites sur le dos des familles, sans compter le véritable matraquage fiscal imposé aux classes moyennes, premières victimes de votre politique, je vous le confirme.

M. Yannick Moreau. Eh oui !

M. Arnaud Richard. Ce sont les vaches à lait !

M. Gilles Lurton. La baisse des prestations a touché principalement les familles issues des classes moyennes ou considérées comme pauvres.

Mme Véronique Besse. Eh oui !

M. Bernard Perrut. C’est vrai !

M. Gilles Lurton. Ce n’est pas moi qui le dis mais l’Union nationale des associations familiales, qui estime à 160 000 le nombre de familles vivant sous le seuil de pauvreté.

M. Yannick Moreau. Il a raison !

M. Gilles Lurton. C’est dire aussi combien votre politique de prétendue redistribution envers les plus pauvres est également un échec.

En matière de garde d’enfants, les résultats ne sont guère plus réjouissants. Entre 2013 et 2015, 17 960 places en crèche ont été créées, soit moins de 20 % de ce que vous aviez prévu. Pendant ce temps, le nombre d’enfants gardés par une assistante maternelle a reculé de 16 500 places. Les perspectives pour 2017 sont plus graves encore, avec l’arrivée à l’âge de deux ans des enfants qui seront touchés par la mauvaise réforme du congé parental – j’y reviendrai en défendant mes amendements.

J’aurais également souhaité vous parler des familles avec enfants handicapés, qui ne trouvent pas de places d’accueil adaptées aux spécificités du handicap de l’enfant : jamais elles ne se sont senties aussi abandonnées.

Mais le temps qui m’est imparti m’oblige à conclure, pour confirmer à Mme la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes – qui n’est plus sur nos bancs ce soir – que sa politique ne correspond pas à notre vision des familles. Les conséquences de cette politique se font déjà sentir sur la natalité. Non, madame la ministre, ce n’est pas à la politique familiale d’assurer la redistribution des richesses, mais bien à l’impôt. Et puisqu’il s’agit de votre dernier projet de loi de financement de la Sécurité sociale, je forme le vœu que vos successeurs fassent clairement le choix de revenir à une véritable politique de compensation de l’arrivée d’enfants dans un foyer. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Besse.

Mme Véronique Besse. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, comme à chaque début de session, j’aurais souhaité voter le projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

M. Michel Issindou. Et vous n’allez pas le faire ? Oh ! Quel dommage !

Mme Véronique Besse. J’aurais souhaité que les conditions d’un retour à l’équilibre soient remplies. Or force est de constater que nous en sommes loin, ce qui obligera beaucoup d’entre nous à voter, à nouveau et à raison, contre ce budget.

M. Bernard Perrut. Eh oui, hélas !

Mme Véronique Besse. La Sécurité sociale est dans un état financier déplorable, c’est peu de le dire. Une partie de la responsabilité en revient certes à une conjoncture difficile. Mais ce déficit illustre aussi le manque de décisions structurelles du Gouvernement. Pire, ce dernier se targue du contraire : à vous écouter, le budget serait contrôlé et le déficit bientôt équilibré. Quelle arrogance, lorsqu’on connaît la réalité et les efforts consentis par les Français !

Avant toute chose, il faut savoir que les chiffres annoncés dans ce projet de loi de financement sont maquillés, vous le savez bien, madame la ministre. Sans aucun scrupule, vous affirmez qu’en 2017, le « trou de la Sécu » aura disparu. Vous évaluez le déficit de 2017 à 400 millions d’euros, sur un budget de 500 milliards. En réalité, c’est l’arbre qui cache la forêt.

Car le calcul que vous nous présentez fait fi du déficit du Fonds de solidarité vieillesse, qui s’élèvera, selon les prévisions, à 3,8 milliards d’euros.

M. Yannick Moreau. Eh oui ! Elle raison !

Mme Véronique Besse. Cela nous amène, pour 2017, à un déficit non de 400 millions d’euros mais de 4,2 milliards.

M. Bernard Perrut. C’est autre chose !

Mme Véronique Besse. Malgré vos efforts et les tentatives de colmatage, il faut reconnaître, madame la ministre, que nous sommes toujours bien loin de l’équilibre, d’autant que ces prévisions sont conditionnées à des hypothèses de croissance optimiste. Cela a incité la Cour des comptes à qualifier de « très aléatoire » le retour à l’équilibre, même en 2019.

Par ailleurs, ce projet de loi est destructeur. Il s’agit simplement de regarder la réalité en face. Parmi les échecs, celui de la branche famille est notable. Une fois de plus, la famille ne sera pas ménagée par votre gouvernement. Certes, pour cette branche, vous évoquez un budget pratiquement à l’équilibre en 2016 et vous prévoyez un budget à l’équilibre en 2017, mais à quel prix ! La famille est devenue un simple élément comptable. Jamais les familles n’auront été autant malmenées, déstabilisées et isolées que sous ce quinquennat, alors qu’elles constituent les forces vives et l’avenir de notre nation.

Un mot pourrait résumer le quinquennat de François Hollande : matraquage. En 2013, 700 millions d’économies ont été réalisés. Bravo ! La raison ? La baisse du quotient familial : certaines familles ne sont plus aidées. En 2014, 1 milliard d’économies. Encore bravo ! Mais la raison ? Une nouvelle baisse du quotient familial : de nouvelles familles sont ainsi laissées sur le bord de la route, le plus souvent parmi les classes moyennes.

M. Yannick Moreau. C’est vrai !

Mme Véronique Besse. On peut également évoquer la réforme de la prestation d’accueil du jeune enfant, qui a généré 690 millions d’économie :…

M. Bernard Perrut. Eh oui !

Mme Véronique Besse. …désormais, un nouveau-né n’est pas accueilli de la même manière par la communauté nationale s’il est né dans une famille plutôt que dans une autre.

Parlons encore de la modulation des allocations familiales, qui débouche sur 860 millions d’euros d’économies ! Là encore, ce sont les familles qui trinquent : vous avez fait le choix de « taper » dans leur portefeuille au lieu de les soutenir. C’est une façon très étonnante de préparer l’avenir.

Dernier point : la lutte contre la fraude, notamment le travail illégal. Vous avez l’habitude de dire, madame la ministre, je vous cite : « Les réformes structurelles, moi, je ne me contente pas d’en parler, je les fais. » Dont acte. En l’occurrence, nous ne pouvons nous satisfaire de l’article 14, qui a vocation à organiser la lutte contre la fraude et le travail illégal. Cet article prévoit la mise en place de procédures et la clarification de textes qui se superposent. Fort bien, mais avec quels moyens ? L’enjeu est là et vous n’y répondez pas. Nous sommes face à un nouvel écran de fumée. Vous vous bornez à des annonces et à des intentions, comme à l’accoutumée.

Plus généralement, les priorités et l’action du Gouvernement sont en total décalage avec les besoins de notre pays et les attentes des Français. D’un côté, le projet de loi manque d’ambition faute de répondre, par exemple, aux enjeux du vieillissement, notamment de la perte d’autonomie ; de l’autre, certes en dehors de ce projet de loi, les montants des dépenses incontrôlées explosent : plus de 1 milliard d’euros pour l’aide médicale d’État, par exemple, sans compter des inepties telles que la salle de shoot récemment inaugurée à Paris.

Jusqu’au bout, les Français auront été sollicités, utilisés, pressurés pour mettre en place des réformes inefficaces et parfois même dangereuses. La France a pourtant besoin d’audace et d’une politique volontariste en faveur des familles, qui sont au cœur de tous les enjeux d’avenir. Les familles, ce sont les actifs, les créateurs de richesse, les personnes qui font vivre nos communes au sein des entreprises, des associations, des écoles. Ce sont aussi, évidemment les enfants. Les familles, ce sont les Français d’aujourd’hui et de demain.

La France a aussi besoin de justice. La lutte contre les fraudes fiscale, sociale et familiale doit être à la hauteur de leur coût pour chacun des Français, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. La France a enfin besoin de solidarité, notamment envers les plus fragiles : nos anciens, les personnes handicapées, les personnes sans emploi. Or, sur tous ces enjeux majeurs, force est de constater que l’action du Gouvernement est un échec. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains sur et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Décidément, Mme Besse prépare sa candidature aux législatives !

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Huillier.

Mme Joëlle Huillier. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, c’est le cinquième projet de loi de financement de la Sécurité sociale présenté par cette majorité. Depuis 2012, le bilan est globalement bon, exceptionnel même si l’on se remémore l’état inquiétant dans lequel nous avions alors trouvé les comptes sociaux. Souvenez-vous du trou – que dis-je, du gouffre financier ! – hérité de nos prédécesseurs : 17 milliards d’euros de déficit, toutes les branches déficitaires ou presque, et une dette sociale astronomique qui n’en finissait pas de grimper.

Aujourd’hui, qu’en est-il ? Fin 2015, le déficit était réduit de moitié et la commission des comptes de la Sécurité sociale nous annonce des chiffres meilleurs que prévu pour 2016, de sorte que les trois quarts du déficit auront été résorbés d’ici la fin de cette année. Cette réduction constante a aussi permis, dès 2015, une diminution de la dette. Mieux, deux branches sur quatre – accidents du travail et maladies professionnelles, et vieillesse – sont désormais excédentaires, tandis que la branche famille n’est plus très loin de l’équilibre et que le déficit de l’assurance maladie poursuit sa réduction, même s’il reste encore trop important.

Je ne veux pas occulter la situation du Fonds de solidarité vieillesse, dont les comptes restent trop dégradés. Je souhaite que le retour à l’équilibre du régime général des retraites permette d’organiser son redressement progressif. Des premières mesures sont d’ailleurs proposées dans ce texte.

Quoi qu’il en soit, les résultats sont là et la perspective d’un quasi-retour à l’équilibre de la Sécurité sociale à fin 2017 devrait tous nous réjouir. En effet, nous n’avions pas connu cette situation depuis 2001, sous le gouvernement Jospin. De là à dire que la gauche résorbe toujours les déficits laissés par la droite, il n’y a qu’un pas qu’il serait aisé de franchir…

M. Michel Issindou. C’est vrai !

Mme Joëlle Huillier. Mais l’objectivité commande aussi de dire que ces bons chiffres résultent des réformes successives accomplies depuis 2010 par la droite puis par la gauche.

M. Denis Jacquat. Très bien !

Mme Joëlle Huillier. Cependant, il existe une différence fondamentale entre les deux politiques qui ont été menées. Nous considérons, pour notre part, qu’il ne peut y avoir d’efficacité économique et financière durable sans la justice.

Alors que la droite a imposé le recul de l’âge de départ à la retraite, nous avons allongé la durée d’assurance et relevé les cotisations, mais nous avons aussi rétabli le droit de partir à 60 ans pour 500 000 travailleurs qui avaient commencé tôt et pris en compte la pénibilité et les carrières heurtées par la maladie, la maternité ou le chômage.

M. Gérard Sebaoun. Tout à fait !

Mme Joëlle Huillier. Alors que la droite a fait payer les patients par des déremboursements massifs et des franchises médicales, nous avons demandé un effort aux industriels sur les prix des médicaments et des dispositifs médicaux, et engagé le virage ambulatoire à l’hôpital.

Alors que la droite voulait augmenter la TVA, qui pèse sur toutes les familles, nous avons modulé les allocations familiales pour que les foyers les plus aisés perçoivent un peu moins et les parents isolés et les familles nombreuses modestes un peu plus.

Voilà pour le bilan de la politique, efficace et juste, que nous avons menée depuis bientôt cinq ans en matière de couverture des risques sociaux. Je veux maintenant aborder l’avenir, en concentrant mon propos sur le secteur médico-social.

Je me réjouis, madame la ministre, des 590 millions d’euros supplémentaires prévus pour la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées. Depuis 2012, les moyens auront ainsi augmenté de plus de 18 %, pour atteindre 21,5 milliards d’euros en 2017. Je regrette toutefois qu’une partie provienne d’une ponction sur les réserves de la CNSA,…

Mme Isabelle Le Callennec. Absolument !

Mme Joëlle Huillier. …dont ce n’est pas la vocation,…

Mme Isabelle Le Callennec. Non !

Mme Joëlle Huillier. …j’y reviendrai.

J’approuve aussi la prolongation de l’expérimentation du parcours de soins des personnes âgées et suis favorable à ce que ce soit aussi le cas, comme le recommande la Haute autorité de santé, pour le dispositif destiné aux personnes âgées en risque de perte d’autonomie – le PAERPA –, dont le déploiement a véritablement commencé cette année. Il conviendrait d’harmoniser les dates de fin des deux expérimentations, afin de bénéficier d’une évaluation globale et cohérente.

Dans le domaine médico-social, ce projet de loi vise surtout à compléter la réforme de la tarification des établissements, attendue depuis longtemps, introduite par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 et la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement – dite « loi ASV » –, et mise en œuvre progressivement. Je rappelle que cette réforme vise à renforcer l’autonomie et la responsabilité des gestionnaires d’établissement, à travers la généralisation des CPOM – les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens – et à tenir davantage compte des besoins et du degré de dépendance des résidents, à travers des financements forfaitaires, pour en finir avec une certaine logique inflationniste des tarifs.

Le projet de loi propose plusieurs ajustements à ce nouveau cadre contractuel, dont certains ont suscité l’inquiétude des acteurs du secteur, notamment associatifs. Je ne reprendrai pas l’ensemble des points – nous le ferons lors de la discussion des articles – mais j’insisterai sur deux ou trois d’entre eux.

Le texte vise d’abord à modifier le régime de caducité des autorisations de création d’établissement – le délai est de trois ans aujourd’hui –, en prenant comme référence non plus la date de commencement des travaux mais celle de l’ouverture au public. Certes, l’objectif est d’éviter la mobilisation de crédits pour des travaux qui ne déboucheraient pas sur l’ouverture effective de places. Pour autant, il convient de laisser un délai assez large pour ne pas aboutir à l’effet inverse, qui serait de tuer les projets dans l’œuf. Pourriez-vous préciser, madame la ministre, quel délai vous envisagez de fixer dans le futur décret ?

Le projet de loi prévoit aussi la possibilité d’ajuster, au fur et à mesure, le niveau des financements complémentaires au forfait soins des établissements accueillant des personnes âgées. Dans la mesure où le CPOM est conclu pour cinq ans et où le dialogue entre l’ARS et les structures n’est pas annuel, cette disposition engendre pour ces dernières de l’incertitude sur les montants dont elles bénéficieront.

Enfin, le texte prévoit la possibilité d’inscrire dans le CPOM l’autorisation des frais de siège. Je souhaiterais que l’on aille plus loin et que cette inscription soit systématique. En effet, son caractère aléatoire entraîne des disparités entre départements ; des représentants de gestionnaires d’établissements m’ont fait part de difficultés à ce sujet, remontant du terrain.

Au-delà de ces questions, ô combien techniques ! et néanmoins passionnantes, je souhaite aborder un point que j’ai déjà évoqué en commission, lors de l’audition des ministres, voilà quinze jours. Depuis juin, j’ai l’honneur de représenter notre assemblée au conseil d’administration de la CNSA. Or ses différentes composantes, comme l’ensemble des acteurs du secteur médico-social, s’interrogent et s’inquiètent sur l’utilisation des réserves de la caisse.

Ces réserves, qui atteignent aujourd’hui 744 millions d’euros, sont essentiellement constituées des ressources de la CASA, la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, payée par les retraités pour financer le maintien à domicile et la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées. Ces dernières années, les réserves ont été mises plusieurs fois à contribution pour financer les dépenses des établissements et services ou pour aider les départements en difficulté. En 2017, 230 millions d’euros seraient à nouveau prélevés pour financer les dépenses de fonctionnement des établissements. C’est problématique car la vocation des réserves n’est pas de compenser ou de remplacer d’autres crédits, ceux de l’assurance maladie ou des conseils départementaux. Par ailleurs, dans le cadre du projet de loi de finances, 50 millions d’euros supplémentaires seraient prélevés sur les réserves et fléchés vers le nouveau Fonds d’appui aux politiques d’insertion des départements. C’est un transfert contre-nature, d’autant moins acceptable que certains départements n’utilisent pas comme il le faudrait l’argent destiné à financer la revalorisation de l’APA, l’aide personnalisée d’autonomie.

Je m’inquiète en outre des conséquences des dispositions prévues à l’article 20, selon lesquelles la répartition de l’affectation des recettes de la CNSA entre ses sections budgétaires relèverait désormais d’un arrêté ministériel. Le risque d’un déshabillage en cours d’année des sections dévolues au financement de l’APA ou à la modernisation des services à domicile, sans l’avis du conseil de la caisse, est réel.

La présidente de la CNSA vous a proposé, en mai dernier, d’utiliser ces réserves pour soutenir les investissements dans les établissements, au-delà des 310 millions d’euros déjà prévus sur trois ans, afin de limiter les effets sur le reste à charge des résidents.

Ces réserves pourraient aussi permettre de soutenir les structures d’aide à domicile, dont certaines rencontrent de grandes difficultés. Depuis 2012, 105 millions d’euros ont été débloqués, sous la forme de quatre fonds de restructuration successifs. La proposition du Gouvernement de créer en 2017 un Fonds d’appui aux bonnes pratiques, doté de 50 millions d’euros, est une nouvelle avancée, mais les réserves de la CNSA doivent permettre d’aller plus loin encore, certains services étant pratiquement en dépôt de bilan.

Enfin, les réserves pourraient financer le soutien des proches aidants, notamment dans le cadre du développement des « villages répit familles », que nous avons voulu favoriser dans la loi ASV, mais dont les projets sont bloqués sur le terrain, faute de financement des ARS. Encore faudrait-il que les réserves n’aient pas été totalement épuisées auparavant.

J’en terminerai en me réjouissant de la mise en application rapide de la loi ASV, votée en fin d’année dernière. Selon le récapitulatif dressé par notre rapporteur Philip Cordery, beaucoup de décrets ont déjà été publiés, notamment sur des sujets aussi importants que la revalorisation de l’APA, la réforme de l’aide à domicile, le socle commun de prestations des EHPAD – les établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes –, les conférences de financeurs ou les conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie. La majeure partie des autres décrets ou arrêtés étant en cours d’examen au Conseil d’État, la loi devrait être entièrement appliquée d’ici la fin de l’année. Je veux remercier le Gouvernement d’avoir tenu son engagement en la matière.

Madame la ministre, mes chers collègues, telles sont les réflexions dont je voulais vous faire part, sur un projet de loi de financement qui a le double mérite, comme les précédents, d’améliorer la situation des comptes sociaux et de maintenir un niveau de protection sociale très élevé pour les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Michel Issindou. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, chers collègues, l’Ordre national des pharmaciens a appelé notre attention sur deux points : la déstabilisation du maillage officinal qu’ont entraîné les nécessaires créations des maisons de santé pluridisciplinaires ; le souhait de cette profession de pouvoir participer à une meilleure couverture vaccinale des Français, dans le cadre d’une expérimentation. En commission, l’amendement concernant une expérimentation pour le vaccin contre la grippe a été adopté. Leurs remarques et leurs propositions sont intéressantes. Madame la ministre, qu’en pensez-vous ?

Les pensions de réversion occupent une place importante dans notre système de retraite. Elles bénéficient à 4,4 millions de personnes – près du quart du nombre total des retraités –, dont 90 % environ sont des femmes. L’hétérogénéité considérable des règles de réversion, selon les régimes de retraite, est à l’origine de nombreuses disparités de situation. Ces règles n’ont pratiquement pas évolué, alors même que les transformations de l’emploi et de la vie du couple modifient fortement le contexte social. Ces constats soulèvent la question d’une modernisation et d’une harmonisation, à terme, des dispositifs de réversion, pour les rendre plus cohérents, plus justes et plus soutenables. Madame la ministre, que prévoyez-vous ?

La Caisse autonome nationale de Sécurité sociale dans les mines rencontre de grandes difficultés. Dans le cadre de ses restructurations, les droits des derniers assurés sont, selon la Cour des comptes, garantis par la loi. Pouvez-vous rassurer les affiliés concernés quant au maintien de leurs droits spécifiques ?

Concernant la lutte contre le tabagisme, je note que vous continuez d’instaurer des taxes, ce qui ressemble plus à une recherche de recettes qu’à une politique de lutte contre cette addiction. Cette mesure accentuera les achats illicites dans les régions frontalières. Dans ce domaine, c’est la prévention qui doit être notre fil conducteur. À cet égard, je serais heureux de connaître votre opinion sur le tabagisme chez les lycéens.

Le reste à charge des personnes âgées dépendantes résidant en établissement n’a malheureusement pas été traité dans la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement. On estime à environ 600 000 le nombre de personnes âgées vivant dans les EHPAD. Pour elles et leurs familles, ce reste à charge de plus en plus important devient de moins en moins supportable financièrement. Ne pensez-vous pas que la mise en place d’une cotisation spécifique perte d’autonomie doive être à nouveau examinée, le plus rapidement possible ?

Enfin, madame la ministre, je voudrais appeler votre attention sur un amendement adopté en commission après un long débat et qui, à mon avis, doit être examiné en séance publique avec beaucoup de prudence. Il vise à instaurer une mesure de régulation de l’installation des jeunes médecins. Nous savons fort bien qu’une solution miracle n’existe pas et que contraindre les nouveaux médecins sur le choix de leur lieu d’installation est une mauvaise solution. Les pays européens ayant mis en place ce type de contraintes, pesant sur le choix de la spécialité ou du lieu d’exercice, sont aussi ceux où les étudiants ont fui la médecine ambulatoire. N’oublions pas non plus que le choix du lieu d’exercice prend en compte d’autres paramètres que le seul choix professionnel !

Je comprends parfaitement les raisons qui ont conduit à présenter cet amendement. Je sais la détresse des élus et des patients confrontés à l’impossibilité de trouver des médecins dans certaines zones de France, soit parce qu’il n’y en a pas, soit parce qu’ils sont surchargés. Pour autant, il faut le rappeler, les jeunes généralistes sont très attachés à la liberté d’installation. Comme je l’ai dit en commission, la solution ne pourra venir que de l’application d’un ensemble de mesures, prises en concertation avec les professionnels de santé, les patients et les collectivités locales. Aussi, madame la ministre, je tiens à vous remercier pour votre sagesse à l’égard de cet amendement.

Enfin, je rappellerai à certains de mes collègues, mais surtout au Gouvernement, les conclusions du dossier mensuel du COR d’octobre 2016 ayant pour titre « Report de l’âge de la retraite : effets macroéconomiques ». Il y est indiqué que l’âge effectif de départ à la retraite constitue l’un des déterminants de l’équilibre financier du système de retraite. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je voudrais aborder simplement deux points dans mon intervention : d’une part, la branche famille, à travers la question des pensions alimentaires, qui mérite d’être développée ; d’autre part, si j’en ai le temps, les déserts médicaux, problème soulevé par l’amendement de Mme Le Houerou.

Sur les pensions alimentaires d’abord, je suis satisfait par ce projet de loi, particulièrement son article 27. Il complète la garantie des impayés de pensions alimentaires. Il permet une intermédiation en cas de violences, sous le contrôle du juge. Il crée une agence de recouvrement ; si j’ai bien compris ce qu’a dit le directeur de la Caisse nationale des allocations familiales lors de son audition, cela se fera à partir des plates-formes mutualisées existant d’ores et déjà, ce qui signifie que le savoir acquis par les CAF et mutualisé pourra être utilisé.

Et puis, il y a l’innovation du titre exécutoire, qui pourra accompagner les accords amiables des parents. Cela me paraît une très bonne solution.

J’avoue toutefois regretter que le projet de loi restreigne cette solution aux concubins et aux pacsés ayant dissous leur PACS, alors que cela aurait pu être étendu à tous les accords amiables, y compris ceux entre parents ayant été mariés, y compris s’ils interviennent après une décision juridictionnelle. Quand des parents ont été en désaccord à un moment et ont fait trancher leur litige par un juge, si leur situation évolue – parce qu’un enfant change de résidence ou que ses besoins évoluent, parce que les revenus des parents changent ou qu’ils se mettent d’accord sur une autre solution –, il me semble dommage qu’ils ne puissent pas bénéficier du titre exécutoire, au motif qu’une décision judiciaire est intervenue antérieurement.

J’entends bien que ce n’est pas une réforme du code civil, mais ce titre exécutoire est tellement lié à la garantie des impayés de pensions alimentaires et à l’allocation de soutien familial qu’il me semble légitime de légiférer à ce sujet dans le cadre du PLFSS.

Je comprends la volonté de faire monter le système en puissance et de ne pas noyer sous les demandes le réseau des caisses d’allocations familiales, mais ce n’est pas parce que des parents se seront mis d’accord sur le principe et le montant d’une contribution de l’un d’entre eux à l’entretien et à l’éducation des enfants qu’ils iront ipso facto chercher un titre exécutoire. Ce n’est même pas très naturel puisque l’accord, quand il est conclu, ne suppose pas la contrainte.

Je pense donc que nous aurions pu aller plus loin. J’ai présenté des amendements en ce sens en commission et je me propose de récidiver en séance ; évidemment, vous en disposerez.

Sur les déserts médicaux, j’ai bien entendu ce que vous avez dit, madame la ministre, et je note l’importance de l’effort qui a été fourni : passer de 150 à 1 200 maisons de santé pluridisciplinaires, ce n’est pas rien ; c’est pratiquement dix fois plus. Avoir atteint 1 800 contrats d’engagement de service public, ce n’est pas rien. Avoir atteint 650 contrats de praticien territorial de médecine générale, ce n’est pas rien non plus.

Je suis cependant très inquiet, je vous l’avoue, par la répartition des médecins sur le sol français. Élu du Centre-Val-de-Loire, je suis particulièrement inquiet puisque c’est la région où la densité de médecins est la moins élevé de France, et la situation s’aggrave : en 2007, nous avions 3 251 médecins généralistes ; en 2025, selon l’atlas dressé par le Conseil national de l’Ordre, il n’y en aura plus que 2 455, soit une baisse de 25 %.

Quand je regarde la pyramide des âges des praticiens à l’échelle du pays, je suis aussi extrêmement inquiet puisque de très nombreux praticiens atteignent l’âge de la retraite tandis que ceux qui suivent seront beaucoup moins nombreux. Nous payons les conséquences de la politique du numerus clausus. Les mesures incitatives qui ont été prises pour assurer une meilleure répartition sont très importantes, mais d’autres dispositions sont nécessaires, nous en discuterons à l’occasion de l’examen de l’amendement de Mme Le Houerou.

Enfin, je suis évidemment sensible au risque d’une médecine à deux vitesses, mais c’est déjà en partie le cas. Je ne pense pas que la proposition de Mme Le Houerou soit de nature à aggraver la situation. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en engageant le débat sur le dernier projet de loi de financement de la Sécurité sociale de la législature, nous sommes les uns et les autres, comme chaque année, soucieux de l’avenir de notre système de protection sociale.

Ce projet est sans surprise, ou presque, puisque, selon vous, madame la ministre, le « trou de la Sécu » a disparu. Vous annoncez un régime pratiquement à l’équilibre en 2017 ; nous pourrions nous en réjouir, mais cette vision n’est pas exacte.

Bien évidemment, il y a des améliorations,…

M. Michel Issindou. Ah !

M. Bernard Perrut. …et il faut les saluer,…

M. Gérard Sebaoun. Bien !

M. Bernard Perrut. …avec un déficit ramené à 400 millions, mais n’oublions pas que la branche famille reste en déficit de 2,6 milliards d’euros et que celui du Fonds de solidarité vieillesse – qui verse le minimum vieillesse et compense les cotisations sociales des chômeurs – s’élève à 3,8 milliards d’euros.

En réalité, le déficit global de la Sécurité sociale devrait atteindre 4,2 milliards d’euros en 2017 et la Cour des comptes juge très aléatoire le retour à l’équilibre en 2019, pourtant annoncé pour acquis par le Gouvernement.

En outre, on ne peut oublier que, si la situation des comptes sociaux s’améliore, la dette sociale cumulée s’élevait en 2015 à 156,4 milliards d’euros, soit 50 milliards de plus pendant cette législature.

Depuis 2012, vous avez choisi de privilégier la hausse des recettes plutôt que les économies indispensables sur les dépenses. Les ménages et les entreprises en savent quelque chose, avec 50 milliards d’euros supplémentaires de taxes, impôts et cotisations confondus. Ce sont donc les assurés, les allocataires, les retraités qui ont réalisé cet effort de redressement.

Vous n’avez pas épargné les familles, avec les baisses successives du plafond du quotient familial, 1 milliard d’économies en 2014, de la prestation d’accueil du jeune enfant, 650 millions en 2016, des allocations familiales, 860 millions d’euros par an, ou encore la fiscalisation des majorations de retraites versées aux parents ayant élevé au moins trois enfants. C’est donc en milliards que se comptent les économies effectuées sur le dos des familles sous ce quinquennat. Quelle confiance peuvent-elles désormais avoir envers l’État, elles qui comptaient depuis 1946 sur le soutien de la solidarité nationale pour leurs enfants ?

Quand vous évoquez la branche vieillesse, excédentaire de 1,6 milliard d’euros en 2017, reconnaissez que les réformes des retraites successives de ces dernières années y sont pour quelque chose ! La remise à niveau de la branche vieillesse est en effet due, avant tout, à la réforme structurelle de 2010, avec le report progressif de l’âge légal de la retraite.

Est-il bien crédible, madame la ministre, d’asseoir vos prévisions de recettes sur une croissance supposée de 1,5 %, quand les économistes évoquent un taux de 1,2 % au plus ? Votre optimisme vous honore mais ne rend pas sincère votre budget, à l’image de celui de la nation, tout aussi insincère.

Restons donc prudents ! Que seront la croissance et le taux de chômage ? C’est pourquoi des réformes courageuses et responsables se préparent sur nos bancs. Que les Français le sachent !

M. Michel Issindou. On attend de voir !

M. Bernard Perrut. Vous connaissez comme nous, madame la ministre, le malaise qui s’installe dans le monde de la santé et dans tous les secteurs – médecins libéraux, paramédicaux et professionnels de santé de nos hôpitaux comme de nos cliniques – et même parmi les patients, inquiets de l’érosion rampante de la protection sociale, qui compromet l’égal accès aux soins.

De nombreuses inégalités demeurent et beaucoup déplorent que les restes à charge soient de plus en plus importants. Plutôt que de faire des économies, vous tapez sur l’industrie du médicament, au détriment de l’emploi, de la recherche et de l’accès des patients aux innovations. La situation tendue que connaissent les comptes des hôpitaux justifie des efforts, qui passent notamment, à mon sens, par le bon usage des soins et le développement de l’ambulatoire. Vouloir financer les médicaments innovants à partir d’un fonds abondé par des crédits du FSV, qui est en déficit, relève d’un artifice inacceptable.

Les tensions sur les comptes des établissements de santé sont de plus en plus fortes, et le respect de l’objectif de dépenses, l’ONDAM, sans réforme structurelle, devient de plus en plus difficile. Que penser de vos astuces budgétaires, avec des prélèvements sur d’autres fonds – 200 millions d’euros –, qui conduisent à une présentation insincère de la construction de l’ONDAM, dénoncée par le comité d’alerte, le 12 octobre ?

Les débats en commission nous ont donné l’occasion, madame la ministre, de vous parler de la nécessité d’améliorer certains remboursements dentaires. Et que penser des frais d’optique, qui mériteraient d’être mieux pris en charge ?

Êtes-vous prête à des réformes de structure pour l’hospitalisation, avec la volonté de rechercher la synergie entre secteur public et secteur privé ? Nous avons eu l’occasion de demander la convergence tarifaire entre les deux secteurs. Veillons à ne jamais en arriver à la perte de la liberté de choix, à la hausse du coût des soins et à l’apparition de listes d’attente !

Nous avons aussi évoqué, à travers plusieurs amendements, les cotisations sociales des agriculteurs, celles des entreprises artisanales accueillant des apprentis en CDI, ou encore celles des chômeurs créateurs d’entreprises.

En conclusion, madame la ministre, l’examen de ce dernier projet de loi de financement de la Sécurité sociale nous laisse un goût amer. Des réformes s’imposent pour préparer l’avenir et sauver notre régime social. Elles n’ont pas été faites et seront donc à faire lors du prochain quinquennat. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, chers collègues, le PLFSS pour 2017, dernier du quinquennat, poursuit le cap du redressement de la situation financière de la Sécurité sociale tout en la modernisant pour répondre aux besoins nouveaux de notre société, notamment à ceux des plus vulnérables.

Malgré un contexte difficile, rappelé par de nombreux orateurs, les différents PLFSS de cette législature ont su préserver et améliorer notre modèle social. En 2017, de nouvelles mesures d’accès aux droits entreront en vigueur, comme la mise en place d’expérimentations pour améliorer le repérage de la souffrance psychique chez les jeunes, la mise en œuvre, après la Conférence nationale de santé, d’une protection maternité pour les médecins exerçant en libéral, ou encore l’extension de la retraite progressive aux salariés ayant plusieurs employeurs, qui assure l’égalité de traitement.

Je pourrais en citer d’autres, mais je voudrais m’arrêter un instant sur le secteur médico-social.

Pour les personnes handicapées, plusieurs initiatives, marquant des avancées, ont été prises durant ces cinq ans.

Je tiens à saluer le développement, dans le prolongement des deux conférences nationales du handicap de 2014 et 2016, du troisième plan autisme, avec l’affectation de 205 millions d’euros et la mise en place d’un fonds destiné à prévenir les départs non souhaités en Belgique.

De nouveaux dispositifs ont été déployés avec les unités d’enseignement en milieu scolaire ou les pôles de compétences et de prestations externalisées.

Avec la mission Desaulle, qui fait suite au rapport « Zéro sans solution » de Denis Piveteau, le projet « Une réponse accompagnée pour tous » s’applique déjà dans plusieurs départements et doit entraîner une réorganisation profonde de l’orientation et de l’accompagnement des personnes.

Pour les personnes âgées, je veux souligner toutes les mesures permettant de renforcer la prévention de la perte d’autonomie, ainsi que les aides au maintien à domicile, qui contribuent à répondre aux besoins des personnes et des établissements dans le secteur médico-social. L’ensemble de ces dispositions permet d’accompagner la transformation de l’offre au service de l’inclusion des personnes dans la cité et la société, conformément aux recommandations des conventions internationales.

Dans le prolongement de ces avancées, je souhaite à nouveau soulever deux points spécifiques, déjà évoqués l’an dernier.

Tout d’abord, le déploiement attendu des CPOM sur l’ensemble de notre territoire répond à une demande très concrète. C’est un bon outil qui a fait ses preuves : loin de figer les choses, il facilite la prévision pluriannuelle et une gestion plus souple des équipements et de leur transformation. Ces contrats méritent d’être généralisés car ils permettent d’engager un dialogue de gestion responsable. Le présent PLFSS permettra de franchir une nouvelle étape.

Ensuite, madame la ministre, j’évoque depuis plusieurs années devant vous la question délicate de la fongibilité des enveloppes médico-sociales. Plusieurs enquêtes et rapports, notamment de la MECSS – la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la Sécurité sociale –, ont mis en évidence que les modes de financement actuels, en incitant à la verticalité, n’encouragent pas la fluidité des parcours. Nous devons favoriser la transversalité. La loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement a permis d’y répondre partiellement. Le secteur médico-social s’en félicite mais attend que nous allions plus loin.

Ces deux points – CPOM et fongibilité des enveloppes – constituent des leviers de la mise en œuvre des parcours sans rupture et d’une nouvelle approche d’une politique globale de l’autonomie. Notre pays a longtemps imaginé les accompagnements de manière séquentielle, cloisonnée, secteur par secteur.

Le rôle de la CNSA, que notre collègue Joëlle Huillier vient de rappeler fort justement, est essentiel sur ces questions. Je voudrais à mon tour appeler votre attention, madame la ministre, sur la question récurrente des réserves, qui doit être prise en compte.

Nous devons également nous interroger sur la mise en place convergente des politiques sanitaire, sociale et médico-sociale. Depuis quelques années, les politiques médico-sociales reposent sur une approche moins quantitative, pour privilégier une démarche qualitative, centrée sur la notion de parcours de vie et de soins.

Mes chers collègues, ce PLFSS s’inscrit dans une politique volontariste pour améliorer l’accès de tous aux droits et aux soins. Je tiens à remercier tout particulièrement Mme la ministre, ainsi que ses collègues qui ont travaillé à ses côtés, pour avoir su répondre, au fil de ces années, aux attentes légitimes de nos concitoyens, afin de conforter une protection sociale juste, pérenne et accessible et d’ouvrir des droits nouveaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 23 octobre 2012, il y a quatre ans presque jour pour jour, madame la ministre, à cette tribune, vous insistiez sur l’honneur qui était le vôtre de présenter le premier projet de loi de financement de la Sécurité sociale de gauche depuis dix ans. Vous proclamiez haut et fort votre « ambition de réhabiliter les mots mêmes de "protection sociale", dévoyés », selon vos dires « par cinq années de discours caricaturaux sur l’assistanat ». Vous déclariez alors : « Les efforts porteront sur le système, et non sur les assurés. Les Français ont besoin de protection, et non d’incertitudes. » Vous dissertiez sur l’« inexorable délitement du lien social », le « repli sur soi », la « peur du déclassement [des] classes moyennes », l’« accroissement des inégalités, au premier rang desquelles les inégalités de santé ».

Mais quel est votre bilan, quatre ans après ? Bien évidemment, aucune réforme structurelle n’est survenue. Bien sûr, il y a l’illusion de l’amélioration des comptes sociaux, mais à quel prix ? Au prix, madame la ministre, de tours de vis répétés, chaque année, sur l’assurance maladie, d’économies sur la pertinence des soins, d’une frénésie de l’ambulatoire, d’une obsession des marges de l’industrie pharmaceutique, au détriment de sa capacité d’investissement dans la recherche et l’innovation.

La prévention, elle, est passée en pertes et profits, au fil de grands discours jamais suivis de concret. Aujourd’hui plus que jamais, force est de constater que les addictions explosent. Quant aux grandes envolées sur la lutte contre la désertification, elles n’ont jamais dépassé le stade de l’incantation, aucune évolution positive ne pouvant être constatée. En de très nombreux endroits du territoire, une aggravation manifeste de la situation a même été constatée.

En dépit de votre vision « hospitalocentrée », l’hôpital public continue de voir son déficit exploser, malgré de gros efforts de productivité, avec une hausse de 60 % entre 2014 et 2015. L’hospitalisation privée continue de se voir imposer de nouvelles contraintes réglementaires très coûteuses et jamais compensées, et supporte, année après année, une pression économique de plus en plus énorme. Quant aux praticiens libéraux, ils continuent, année après année, à faire les frais des plans d’économies conjoncturels successifs du Gouvernement.

Mais tout cela ne vous empêche pas de continuer à théâtraliser vos interventions : « En 2017, le "trou de la Sécu" aura disparu », avez-vous déclaré – plus exactement, le déficit sera ramené à 400 millions d’euros. Votre ami Didier Migaud est circonspect quant à vos prophéties, qu’il qualifie d’« incertaines ». Comme il a raison ! Après 3,2 milliards d’économie en 2014, 3,2 milliards en 2015, 3,4 milliards en 2016, ce sont 4,1 milliards d’effort qui seront encore demandés cette année aux professionnels de santé, aux patients, une fois de plus les premiers sacrifiés, et à l’industrie pharmaceutique, comme de coutume.

Ce n’est pas l’annonce d’une augmentation de la consultation de 23 à 25 euros qui redonnera le sourire aux généralistes, madame la ministre, alors que vous vous opposez toujours à ne pas prendre en considération la technicité et la difficulté de certaines de leurs consultations.

Ce PLFSS est, de plus, construit à partir d’une insincérité totale : une croissance supposée à 1,5 %, malgré le consensus des économistes et le FMI – le Fonds monétaire international –, qui s’accordent sur 1,2 %, mon ami Bernard Perrut vient d’y insister.

La branche vieillesse est annoncée excédentaire de 1,6 milliard en 2017. Mis à part quelques pansements votés en 2014, c’est là le résultat de la très bonne réforme d’Éric Woerth de 2010, que vous aviez alors tant décriée et surtout que vous n’aviez pas votée.

M. Bernard Perrut. Tout à fait !

M. Philippe Vitel. Quant à la famille, vous n’avez eu de cesse, depuis quatre ans, de la fragiliser. Ce ne sont pas les 200 millions de bonus annoncés pour 2017 qui compenseront les coups de rabot des années précédentes, à hauteur de 5 milliards d’euros. Cela nous amène à penser que la branche famille continue pour vous d’être en voie de marginalisation parmi les risques sociaux.

Voilà, mes chers collègues, les quelques réflexions que m’inspire ce PLFSS. Au fil de l’examen des articles, nous aurons bien sûr l’occasion de dénoncer trop de mesures qui, faute d’un vrai courage réformateur, se contentent de chercher, çà et là, des boucs émissaires. Madame la ministre, nous connaissons d’avance vos réponses, car nous sommes tous les témoins, depuis tant d’années, de votre autosatisfaction permanente et de votre déni de toutes réalités. Nous savons d’avance aussi que, dans votre esprit, l’opposition a toujours tort, dès lors qu’elle est minoritaire. C’est donc au nom de notre honneur et de notre fierté que nous ne voterons pas ce budget. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Monsieur le président, madame la ministre, il y a quelques années, la Sécurité sociale, c’était le cauchemar des déficits, le tonneau des Danaïdes et une politique de déremboursement toujours plus dure. Désormais, la Sécurité sociale a un avenir durable : là où une certaine idéologie voulait liquider un régime par répartition qu’elle condamne, nous lui avons redonné des perspectives. Nous avons renforcé la légitimité de ce modèle en réussissant conjointement à réduire l’ardoise – elle a été ramenée de 17 milliards d’euros à 400 millions aujourd’hui, cela a déjà été rappelé – et à faciliter l’accès aux soins.

Pour la quatrième année consécutive, en effet, le reste à charge des ménages dans la consommation de soins et de biens médicaux a diminué – la baisse atteint 0,8 point sur quatre ans –, pour s’établir à 8,4 % en 2015, nous plaçant en tête des pays de l’Union européenne où le reste à charge est le plus bas. C’est une réussite, qu’on le veuille ou non, si l’on en juge par l’attitude de certains personnages de droite.

Mme Isabelle Le Callennec. Personnages !

M. Dominique Tian. Collègues plutôt ?

M. Michel Liebgott. Une partie de l’opposition s’arroge une part de la responsabilité du succès, comme nous venons de l’entendre à propos des retraites, quand l’autre se livre à une critique molle, j’en veux pour preuve la vacuité des programmes des différents candidats en la matière ou les vieilles recettes idéologiques qui ressurgissent : les déremboursements et les franchises, qui n’ont pourtant désormais plus aucune utilité, si ce n’est de grever le budget des plus fragiles.

Le PLFSS 2017 s’inscrit donc dans la dynamique des quatre qui l’ont précédé. Je m’arrêterai sur les axes principaux et les mesures phares qui l’accompagnent.

Tout d’abord, ce texte crée l’Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires, qui permettra un recouvrement plus rapide, qu’il s’agisse d’ex-conjoints anciennement mariés, pacsés ou en concubinage. Elle servira aussi d’intermédiaire en cas de violences ou de menaces de violences de la part du débiteur.

Par ailleurs, la protection des indépendants est améliorée : le recouvrement de leurs cotisations et de leurs contributions par le RSI continue à être réformé et simplifié. Les cotisations d’assurance maladie et maternité pour les travailleurs indépendants à très faibles revenus sont allégées.

Nous élargissons également le dispositif de la retraite progressive aux salariés ayant plusieurs employeurs, comme les assistantes maternelles ou les salariés du secteur des services à la personne.

Nous allons redonner, par voie d’amendement, le bénéfice du taux zéro de CSG à des centaines de milliers de retraités à faibles revenus, afin de compenser les effets de plusieurs réformes fiscales liées au revenu fiscal de référence.

C’est ensuite la poursuite des réformes de structure, qui permettront de dégager des financements pour l’investissement : d’une part, les mesures d’efficience comme le virage ambulatoire – critiqué par certains, mais qui n’est pas en soi une mauvaise chose – ou le développement des génériques ; d’autre part, les mesures de régulation, qu’il s’agisse des mécanismes de régulation des prix des médicaments innovants ou de la réforme du financement des hôpitaux, qui met fin à la T2A, la tarification à l’activité.

C’est également la prévention, plusieurs orateurs l’ont déjà longuement souligné, avec notamment la politique de lutte contre le tabagisme : ce texte crée un fonds, abondé par la hausse de la fiscalité sur le tabac à rouler et par la taxe sur le chiffre d’affaires des fournisseurs de tabac.

C’est enfin la démocratisation sanitaire, inaugurée dans la loi santé de 2016. Nous instaurons ainsi un Fonds national pour la démocratie sanitaire, qui assurera le financement de l’instance de représentation des patients dans notre système de soins, ainsi qu’un droit à la formation pour les représentants d’usagers.

Je conclurai sur un point qui concerne ma région, déjà évoqué tout à l’heure par Denis Jacquat : je me réjouis de l’inscription de la subvention d’équilibre à la caisse autonome de Sécurité sociale des mineurs. Nous devons enfin penser aussi bien aux mineurs qu’à leurs veuves, qui doivent pouvoir bénéficier d’une prise en charge totale, jusqu’au dernier vivant. Le Président de la République et le Gouvernement en avaient pris l’engagement ; il est aujourd’hui tenu. Les mineurs et toute la population de ces territoires, qui ont beaucoup donné à la France, leur en savent gré. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Claude Greff.

Mme Claude Greff. Madame la ministre, c’est votre dernier PLFSS, nous n’en sommes pas mécontents. Vous n’êtes plus aujourd’hui une ministre des affaires sociales et de la santé mais tout simplement une femme socialiste en campagne. Les millions pleuvent sur la Touraine, où votre générosité n’a pas d’égal.

M. Denys Robiliard. Vive la Touraine !

Mme Claude Greff. Personne n’est dupe de votre attitude en Indre-et-Loire, qui s’explique tout bonnement par votre candidature prochaine aux prochaines législatives.

M. Gérard Sebaoun. Vous êtes gagnée par l’angoisse ?

Mme Claude Greff. Gageons que c’est bien l’intérêt général pour les patients qui guidera nos débats cette semaine, et non la somme des intérêts particuliers pour certains membres de votre majorité, qui a manifestement bien du mal à se retrouver autour d’une ligne claire, susceptible de concilier redressement des comptes publics et protection sociale équitable pour les Français.

Pour votre dernier PLFSS, vous avez été heureuse de nous dire, dans le Journal du dimanche du 28 août, que tout allait bien, voire mieux, et que votre bilan, « C’est du concret ! » Je ne pense pas comme vous, madame Touraine, et j’ose dire la vérité aux Français. Non, vous n’avez pas sauvé le système social, et le trou de la Sécurité sociale n’aura pas disparu en 2017. Les Français en paient aujourd’hui le prix fort, avec l’augmentation de la CSG et des cotisations, et les diminutions des remboursements, entre autres.

Le bilan n’est pas aussi beau que vous le prétendez, et ce n’est pas le maquillage séduisant d’une situation catastrophique pour la santé des Français qui trompera les parlementaires. La trajectoire budgétaire que vous présentez pour la Sécurité sociale en est le meilleur exemple : c’est en réalité un gigantesque tour de passe-passe.

La loi de finances de 2016 efface 270 millions d’euros de cotisations sociales des médecins et auxiliaires médicaux du secteur 1, au nom d’une prétendue simplification : baisse de 9,8 à 6 %, avec toujours 0,1 % pris en charge par les médecins. Ce tour de passe-passe permet de tenir le 1,75 % de l’ONDAM.

Vous avez créé par idéologie, pour les patients, le contrat d’accès aux soins, dit « responsable » – alors que, tout le monde s’en rend compte, il n’en est rien –, et le tiers payant généralisé, sur lequel nous reviendrons dans le cadre de l’alternance.

Votre fameuse grande loi et la négociation conventionnelle sont emblématiques de vos échecs. Chacun peut constater la triple dégradation : dans l’accès aux soins, sous le double angle qualitatif et financier, avec l’explosion du reste à charge ; l’absence de politique de santé publique, avec des pans entiers de population oubliés ; la dilution de l’excellence médicale, scientifique et industrielle française, avec l’absence d’ambition de ce gouvernement.

Votre loi, madame la ministre, illustre en fait votre mépris des demandes, des attentes et des besoins de la population, et souligne l’oubli des promesses de votre candidat de 2012. Vous avez oublié la jeunesse, la psychiatrie, le médico-social, la médecine scolaire, la médecine pénitentiaire, les droits des usagers – qui ne sont nullement renforcés – et surtout la prévention.

Les mesures de simplification et d’harmonisation se résument à des directives, à la création de comités et à la ratification d’ordonnances, tout cela sans résultat économique solide, et rien pour la prévention.

Je me dois aussi de vous rappeler que le premier motif de renoncement aux soins est le temps nécessaire pour obtenir un rendez-vous chez un praticien, pas forcément le manque d’argent.

Nous attendons toujours vos résultats concrets en matière de désertification médicale.

Depuis janvier 2015, tant la presse que des rapports mettent en évidence vos échecs et votre dédain face aux professionnels. Depuis cette date, j’ai étudié, mois après mois, vos actions et ce qui vous caractérise. D’abord, vous n’écoutez personne,…

M. Denys Robiliard. C’est vous qui n’écoutez pas !

Mme Claude Greff. …ni les professionnels ni les parlementaires qui vous alertent. En septembre 2015, la Cour des comptes critique le renvoi du retour à l’équilibre des comptes sociaux, prévu en 2017, à une date ultérieure non précisée, mais pas avant 2021. Bref, vous ne prenez en considération aucune recommandation. En décembre 2015, vous avez donné des instructions aux ARS : fermer environ soixante services pour activité insuffisante d’ici 2021 – de quoi contenter les hôpitaux… En janvier 2016, l’Ordre des médecins, opposé à votre « loi Touraine », a formulé des propositions dans un Livre blanc, mais vous ne l’avez pas écouté. Toujours en janvier 2016, Claude Évin a expliqué que la loi santé était un échec total en matière d’alcool et le Conseil constitutionnel a censuré une partie du tiers payant – en 2014, vous affirmiez qu’avec l’instauration du tiers payant généralisé, les Français n’allaient plus payer chez le médecin, alors on a tout de même perdu trois ans. La Cour des comptes a mentionné que l’HAD – hospitalisation à domicile – était sous-utilisée et rappelé la circulaire de décembre 2012. Nous n’oublions pas l’échec, en février 2016, de la grande conférence nationale de santé, boycottée par certains médecins et dont rien n’est sorti. En mars 2016, les GHT n’étaient toujours pas en place. En juin 2016, la revue Que Choisir révélait, dans une enquête, que l’accès aux soins n’était absolument pas respecté.

M. Michel Issindou. Quelle litanie !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Quel rythme ! Parlez donc normalement !

Mme Claude Greff. Dans le domaine de la santé et de l’accès aux soins, votre politique n’a satisfait personne, que l’on fût professionnel de santé, assuré, malade, parent de malade, industriel du médicament, chercheur, etc. Bref, nous sommes tous perdants. Et les infirmières ne sont pas en reste car l’amendement voté par la commission des affaires sociales, qui autorise, à titre expérimental, les pharmaciens à pratiquer des vaccinations contre la grippe marque un début de démantèlement des compétences propres aux infirmiers.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Les pharmaciens se souviennent de votre intervention à Nantes !

Mme Claude Greff. Et pourquoi pas, demain, les pansements et d’autres actes ? Pourquoi ne pas utiliser les 100 000 infirmières libérales présentes sur le terrain ? La piqûre de vaccination, qui franchit la barrière cutanée, est un geste invasif et, à ce titre, très réglementé.

M. Christian Hutin. Oui !

Mme Claude Greff. C’est en développant la prévention et les missions de santé publique du médecin traitant qu’on parviendra à améliorer la couverture vaccinale. Vous feriez mieux de travailler sur la défiance des Français face à la vaccination, plutôt que de vous attaquer aux infirmières. Je ne voterai donc pas cet amendement et j’invite mes collègues à en faire tout autant.

Des réformes nécessaires et attendues ont été annoncées, mais ne sont toujours pas mises en application, et les résultats économiques solides se font toujours attendre. Oui, je vous le dis, madame la ministre : tout ça pour ça, vous nous avez fait perdre beaucoup de temps ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’était extraordinaire !

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Bulteau.

Mme Sylviane Bulteau. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017 est marqué par le retour à l’équilibre de ses comptes, sans aucun déremboursement ni nouvelle franchise.

De plus, ce PLFSS consacre l’ouverture de nouveaux droits pour les Français, notamment les travailleurs indépendants. La création du RSI, en 2006, et surtout la mise en place de l’interlocuteur social unique, en 2008, ont conduit, comme vous le savez, à une « catastrophe industrielle », pour reprendre les termes utilisés par la Cour des comptes. Après la remise du rapport Verdier-Bulteau, des mesures ont été prises par le RSI lui-même comme par le Gouvernement. D’autres enfin ont été votées dans la loi de finances et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016. J’ai eu l’occasion, à de nombreuses reprises, en commission et en séance publique, d’en développer le contenu ; je n’y reviens pas car je tiens surtout ici à présenter les mesures nouvelles pour les travailleurs indépendants contenues dans ce PLFSS.

Nous l’avions dit l’an passé, il n’y aura pas de grand soir du RSI, mais bien une nécessaire réforme dans la durée, afin de ne pas gripper une nouvelle fois une mécanique encore fragile.

Ainsi est affirmé le principe de la responsabilité conjointe des deux réseaux, RSI et URSSAF-ACOSS – Union de recouvrement des cotisations de la Sécurité sociale et d’allocations familiales – Agence centrale des organismes de Sécurité sociale –, dans la mise en œuvre du recouvrement de l’ensemble des cotisations sociales. Le secrétaire d’État Christian Eckert en a parlé ; je n’y reviens pas.

Nous proposons par ailleurs des amendements relatifs au RSI.

Nous suggérons d’abord, avec l’accord du Gouvernement – cette mesure a été validée en commission des affaires sociales –, d’améliorer les droits des travailleurs indépendants au regard du bénéfice de la pension d’invalidité.

Nous demandons ensuite aux ministres chargés de la Sécurité sociale et du budget la remise par l’ACOSS d’un rapport relatif au découplage des systèmes d’information utilisés pour le recouvrement respectivement des cotisations des travailleurs salariés et des cotisations personnelles des travailleurs indépendants.

Nous proposons aussi le report, de juillet à octobre 2017, de la liquidation unique de la retraite de base pour les ressortissants des régimes alignés.

Nous avions d’autres propositions : sur la validation de trimestres supplémentaires, sur l’assouplissement de la règle du prorata temporis pour les seuils de chiffres d’affaires, ou encore sur la suppression de la condition d’être à jour des cotisations pour les prestations maternité. Nous regrettons très vivement qu’elles aient été déclarées irrecevables au titre de l’article 40.

Je voudrais maintenant évoquer brièvement la commission d’enquête parlementaire sur la fibromyalgie, que j’ai eu l’honneur de présider et qui vient d’achever ses travaux, avec la remise du rapport de notre collègue Patrice Carvalho. Ce rapport, dont je tiens à préciser qu’il a été voté à l’unanimité des groupes politiques représentés, formule vingt propositions, qui doivent désormais trouver leur chemin. La volonté politique d’avancer sur le sujet ne doit pas faire défaut. Il faut une reconnaissance des malades ainsi que des moyens pour une meilleure prise en charge de la douleur. Des amendements en ce sens ont été déposés et doivent être discutés. Je souhaite vivement une oreille attentive du Gouvernement à ce propos.

Pour terminer, je souhaite affirmer que l’accès à la santé pour tous est une priorité de votre Gouvernement comme de notre majorité. Les mesures que vous avez évoquées dans votre intervention, madame la ministre, le prouvent.

Mais, hélas ! force est de constater que beaucoup de Français n’ont pas aujourd’hui de médecin traitant. Dans les quartiers et les villages, malgré les aides de l’État, des départements, des régions et des communes, il n’y a que peu, voire pas d’installations. Que vont devenir les personnes âgées, les familles avec enfants, les personnes handicapées, bref, tous ceux qui ont une santé plus fragile que les autres ? Les maires tirent régulièrement la sonnette d’alarme.

L’amendement avec lequel vous n’êtes pas d’accord, madame la ministre, ne signifie pas la fin de la médecine libérale. Je pense même que sa mise en œuvre ne résoudrait pas vraiment le problème de fond. C’est surtout un cri de détresse des élus, qui se font l’écho du drame en cours sur nos territoires. Dans ma propre commune, 10 % des 53 000 habitants n’ont plus de médecin traitant. Leurs impôts, taxes et cotisations diverses financent la solidarité nationale, qui finance elle-même les études de médecine, les maisons de santé, la Sécurité sociale et les aides à l’installation. Mais, hélas ! le service rendu n’est pas au rendez-vous. D’autres professions médicales libérales, qui rendent un service public – les pharmaciens, les infirmiers libéraux, les kinésithérapeutes –, sont contraintes dans leur installation. Nous estimons que, pour les médecins, un peu de donnant-donnant ne serait pas scandaleux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Madame la ministre, madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, alors que nous examinons le dernier projet de loi de financement de la Sécurité sociale de la législature, vous annoncez, madame la ministre, un quasi-retour à l’équilibre des comptes. Rappelons tout de même, au risque de blesser votre autosatisfaction, que la dette sociale française excède toujours 150 milliards d’euros et est détenue à plus de 90 % par des investisseurs étrangers !

M. Bernard Perrut. Tout à fait !

Mme Isabelle Le Callennec. Le régime général, ce sont les branches maladie, retraite, famille et accidents du travail.

La branche retraite dégagerait cette année un excédent de 1,6 milliard. Reconnaissez enfin, madame la ministre, que c’est le fruit des réformes courageuses engagées par vos prédécesseurs François Fillon, en 2003, puis Eric Woerth, en 2010 ! Les Français doivent savoir que vous vous y étiez personnellement opposée, à grand renfort d’appel à manifestation.

Vous vous vantez d’un retour à l’équilibre de la branche famille mais oubliez, là encore, de rappeler qu’il s’est fait depuis 2012 sur le dos des classes moyennes : baisse du plafond du quotient familial, modulation de l’allocation de base, baisse du complément de libre choix d’activité, fiscalisation des majorations de retraite.

Vous nous annoncez enfin un déficit de l’assurance maladie de 2,6 milliards en 2017. Toutefois, un, M. Sapin table sur un taux de croissance de 1,5 %, bien peu réaliste,…

M. Gérard Sebaoun. Oh !

Mme Isabelle Le Callennec. …et, deux, vous transférez, par des jeux d’écriture opaques, des déficits de la Sécurité sociale vers le budget de l’État. De plus, la baisse annoncée des dépenses risque de mettre à mal l’égal accès à des soins de qualité partout sur le territoire.

Nous allons débattre en séance de soixante articles et plus de 900 amendements. Personnellement, je voterai ceux qui me paraissent aller dans le bon sens, mais, avec le groupe Les Républicains, nous saurons nous opposer à d’autres. Je ne citerai à ce stade qu’un exemple : la remise en cause du bénéfice de l’aide à la création d’entreprise ou l’exonération de charges applicables aux bassins d’emploi à redynamiser.

J’aurai aussi l’occasion de vous interroger, madame la ministre, sur nombre d’amendements votés en commission par votre majorité, qui créent de la dépense supplémentaire, dont on nous dit qu’elle sera gagée sur les ressources du Fonds d’intervention régional, le FIR. Or à l’article 5, il est prévu de réduire celles-ci de 100 millions d’euros. N’y a-t-il pas là contradiction ?

Nombre d’enveloppes budgétaires prétendument excédentaires devront, cette année encore, rendre des crédits : Fonds pour l’emploi hospitalier, ou FEH, Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés, ou FMESPP, dotations régionales des établissements médico-sociaux, cela a déjà été rappelé. Nous devrions vraiment nous interroger sur cette non-consommation, au lieu d’opérer ces transferts tous les ans quasi mécaniquement. Mauvaise anticipation des besoins ? Dossiers complexes à monter ? Absence de pilotage ? Quand Bercy se frotte les mains, la ministre de la santé devrait au contraire veiller au grain. Et que dire du milliard d’euros de la branche accidents du travail et maladies professionnelles reversé au budget général ? J’ai bien compris qu’il couvrait les dépenses estimées des sous-déclarations d’AT-MP. Chacun sait les besoins de prise en charge et la nécessité de prévenir ces accidents et maladies – je pense en particulier aux troubles musculo-squelettiques. Je voudrais être certaine que ce milliard reversé au régime général profite bien aux victimes des accidents et des maladies professionnelles, ainsi qu’aux actions de prévention.

M. Gérard Sebaoun. C’est très insuffisant !

Mme Isabelle Le Callennec. Enfin ce PLFSS sera aussi l’occasion de mettre en garde le Gouvernement sur au moins trois points.

Le RSI d’abord, avec la création d’une nouvelle organisation du recouvrement des cotisations sociales des travailleurs indépendants. La coresponsabilité du RSI et de l’ACOSS, et le directeur national unique, ne garantissent absolument pas une gouvernance efficiente. En réfutant le principe selon lequel il n’y a qu’un seul pilote dans l’avion, le Gouvernement s’expose à voir les difficultés perdurer.

La nouvelle économie ensuite, avec l’encadrement de nouvelles activités lucratives émergeant grâce au développement des plateformes. Le législateur doit répondre à une question difficile : faut-il considérer cette activité comme complémentaire bien ou professionnelle, et par conséquent assujettie à charges sociales et déclaration de travailleur indépendant ? Incontestablement – Christian Eckert l’a rappelé –, les seuils de 23 000 euros pour la location de meublés et 3 860 euros pour les biens meubles sont inadaptés, et la notion même de seuil va favoriser la non-déclaration.

Le tabac enfin, avec la création d’une contribution sur le chiffre d’affaires des fournisseurs. Cette mesure, avec l’augmentation de la taxe sur le tabac à rouler, inquiète les buralistes. Vous estimez que les fournisseurs répercuteront la taxation sur les fabricants de tabac ; les buralistes sont convaincus que ce sont eux qui en feront les frais. Personnellement, j’ai toujours soutenu les actions qui ont prouvé leur efficacité à faire baisser la consommation de tabac, notamment chez les jeunes. Il semblerait que l’augmentation du prix en soit une, mais chacun sait qu’elle génère un report des achats sur internet ou aux frontières, faute de législation européenne harmonisée. Les buralistes, dont chacun reconnaît qu’ils jouent un rôle de lien social, notamment en milieu rural, sont donc fondés à demander que ces mesures, si elles sont adoptées, soient accompagnées de compensations, dans le cadre du contrat d’avenir en cours de négociation avec le secrétaire d’État au budget.

Voilà, chers collègues, les points sur lesquels je souhaitais insister, dans le temps court qui m’était imparti. Le débat s’ouvre. Puisse-t-il être quelque peu constructif, à défaut d’être consensuel – ce que, manifestement, il ne sera pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Renaud Gauquelin.

M. Renaud Gauquelin. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, des avancées majeures ont en effet eu lieu ces quatre dernières années, pour mieux protéger les Français, d’abord ceux qui se trouvent plongés dans des difficultés, passagères ou durables, mais aussi l’ensemble de nos concitoyens.

Les chiffres sont éloquents : le déficit de la Sécurité sociale est à son plus bas niveau depuis quinze ans. La branche vieillesse est excédentaire, ce qui permettra de ne pas repousser l’âge de la retraite, à court ou moyen terme. Déficitaire de 2009 à 2012, la branche accidents du travail et maladies professionnelles est constamment excédentaire depuis 2013. La branche famille, quant à elle, est à l’équilibre pour la première fois depuis longtemps, alors que, par exemple, l’allocation de rentrée scolaire a augmenté de 25 % sous ce quinquennat. Enfin, mes chers collègues, le trou du régime général de la Sécurité sociale, dont on entend parler depuis des décennies, a été divisé par quatre en quatre ans. L’équilibre espéré depuis vingt ans est devant nous : il sera atteint en 2017.

Tout cela est moralement digne à l’égard des générations suivantes, mais aussi indispensable pour assurer durablement notre équilibre social et sociétal, ainsi que pour l’améliorer dans les années à venir, ce qui est indispensable. En effet, les inégalités persistantes sont insupportables.

Tout d’abord, trop de jeunes sont démunis de soins, trop de retraités sont pauvres. Les inégalités entre les territoires de notre République, au XXIsiècle, sont tout aussi intolérables. Les banlieues, les zones rurales et périurbaines – pas toutes, mais beaucoup d’entre elles – sont en retrait. Nous possédons des atouts forts pour poursuivre les réformes nécessaires, en préservant l’équilibre budgétaire, qui est tout aussi indispensable.

En effet, sous l’impulsion de Marisol Touraine et de son équipe, plusieurs grandes évolutions se sont produites, souvent ignorées du grand public. Rappelons simplement quelques-uns de nos atouts pour l’avenir : la multiplication des contrats d’objectifs avec les médecins de ville, à l’exemple du CAPI, le contrat d’amélioration des pratiques individuelles ; la signature récente de la convention médicale ; le resserrement considérable des contrôles contre les fraudes, imputables aux malades mais aussi à certains praticiens médicaux et paramédicaux ; la prise en charge, enfin, à partir de 2017, des congés de maternité pour les femmes médecins ; et puis – fait très important dont on ne parle pas souvent –, le partenariat public-privé entre les hôpitaux et les cliniques, enfin rendu possible et désormais intégré dans l’exercice quotidien des praticiens.

Mes chers collègues, la médecine, la chirurgie et la recherche évoluent rapidement, et cela va continuer. Ce phénomène aura un coût, que le bien-être de nos concitoyens justifie amplement.

D’abord, je le répète, il faudra lutter contre les inégalités. À cet égard, dès cette année, les mesures – attendues et espérées – adoptées en matière de soins d’optique, après les indispensables négociations avec les audioprothésistes et les praticiens de l’art dentaire, seront bénéfiques à des millions de nos concitoyens. Elles ne feront pas qu’améliorer leur santé au sens strict ; elles favoriseront leur insertion professionnelle et permettront à certains de retrouver une vie sociale, de rompre leur isolement.

Concernant les inégalités territoriales, la multiplication des maisons médicales, ces dernières années, fut un outil précieux. Des échanges apaisés et fructueux doivent être poursuivis avec détermination avec les jeunes praticiens et les internes afin de lutter contre les déserts médicaux. Place au dialogue ! La médecine libérale privée, ne l’oublions pas, répond à un service public, un service pour tous les publics.

Certains médicaments émergents, comme les traitements ciblés issus des biotechnologies dans les domaines de l’hépatologie, de la cancérologie ou de la pédo-cancérologie – pour nos enfants –, voient le jour. Quelle époque nous vivons ! La volonté des groupes pharmaceutiques de dégager des bénéfices, pour réinvestir dans la recherche, peut se comprendre. Cependant, l’égale accessibilité à ces nouveaux traitements, leur remboursement égal pour tous, doivent l’emporter sur tout le reste. C’est d’ailleurs, mes chers collègues, ce que prévoit clairement ce PLFSS.

On peut également penser que la médecine génétique explosera à l’avenir, avec des espoirs thérapeutiques, mais aussi avec un paravent éthique, qui sera source de réflexion collective.

Nous assistons aussi au progrès extraordinaire des télémédecines, de la robotisation de la chirurgie. Cette diffusion du savoir profite à celles et ceux, Français ou citoyens du monde, qui sont éloignés, par l’argent ou par la distance, des avancées médicales technologiques.

Pour conclure, je prendrai un exemple concret, qu’il est temps, en ce mois d’octobre, d’évoquer. Une femme sur dix a eu, a ou aura un cancer du sein. Le taux de survie est passé, en une génération, de 50 % à 86 %, et, à l’avenir, cette proportion devra encore croître. Nous pourrons le faire grâce à des progrès diagnostiques et thérapeutiques très récents, fondés sur des signatures génomiques. Les tests permettent de préciser beaucoup plus finement les indications de chimiothérapie : on pourra peut-être ainsi épargner chaque année à 5 000 femmes une chimiothérapie, qui, dans leur cas précis, ne serait plus utile, selon les données scientifiques actuelles.

Les Françaises, chers collègues, sont parmi les rares femmes au monde à bénéficier, grâce à une décision récente de Mme la ministre de la santé – qu’elle en soit vivement remerciée –, de la prise en charge de ces tests diagnostics coûteux, qui révolutionneront l’approche thérapeutique du cancer du sein.

M. le président. Merci mon cher collègue.

M. Renaud Gauquelin. Sans déremboursement, sans augmentation des franchises médicales, le ministère de la santé et le Gouvernement ont finalement réduit le déficit de la Sécurité sociale de plus de 80 % en quatre ans : c’est du jamais vu. Cela rend possible des prises en charge aussi fondamentales que celles que je viens d’évoquer. Je vous demande d’être tous solidaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous examinons ce soir le cinquième et dernier PLFSS de cette législature. De l’avis général, madame la ministre, ce texte, qui est en quelque sorte votre testament,…

M. Christian Hutin. Mais non !

M. Dominique Tian. …ne contient malheureusement pas grand-chose. Ceux qui attendaient une rupture de votre part seront bien déçus.

Depuis plusieurs semaines, vous annoncez à grand renfort de publicité une amélioration des comptes sociaux. Isabelle Le Callennec vous a rappelé que la dette sociale cumulée s’élève à 152 milliards d’euros. Dans ces conditions, parler d’un équilibre ou d’une amélioration paraît un peu présomptueux. Et nous ne pouvons que regretter les choix ayant conduit à cette amélioration : hausse des cotisations de retraite depuis cinq ans, coups de rabot successifs sur les branches maladie et famille, sans aucune vision d’ensemble.

Non seulement votre projet de loi de financement de la Sécurité sociale ne traduit aucune ambition, mais il est insincère. En effet il est bâti sur une hypothèse de croissance de 1,5 %, alors que la plupart des économistes estiment qu’elle sera au mieux de 1,2 %.

Nous ne pouvons passer sous silence le fait que le retour à l’équilibre de la branche vieillesse n’est dû qu’à d’importantes hausses de cotisations. Nous subirons même, en 2017, une cinquième hausse de cotisations consécutive depuis 2012. Comme cela a déjà été rappelé, la branche vieillesse bénéficie surtout des effets de la réforme conduite par nos soins en 2010, qui a relevé l’âge d’ouverture des droits à la retraite de 60 à 62 ans.

C’est sur la branche maladie que se concentrent désormais les déficits. Vous avez, madame la ministre, reçu un carton jaune de la part du comité d’alerte de l’ONDAM, qui critique les méthodes comptables retenues pour élaborer votre budget. C’est la première fois, en cinq ans, que ce comité émet des réserves sur la méthode et la présentation d’une partie significative des économies annoncées.

M. Bernard Perrut. Tout à fait !

M. Dominique Tian. Cette année encore, vous demanderez un effort historique non seulement aux industries du médicament mais aussi aux cliniques privées. Je voudrais insister sur la nouvelle baisse du prix de journée du secteur hospitalier privé, qui atteint 2 % cette année : les tarifs du privé s’en trouvent ramenés sous de leur niveau de 2004, alors qu’ils sont déjà inférieurs de 22 % à ceux du public. Nous assistons là à une politique gouvernementale de destruction lente de l’hospitalisation privée, qui menace la pérennité d’un secteur d’excellence et met en péril de nombreux établissements. Il en va de même pour l’industrie du médicament.

Autre motif d’inquiétude que vous passez sous silence, madame la ministre : le montant de la dette sociale, dont il a été question il y a quelques instants. Cette dette s’élève à 152 milliards d’euros fin 2016. Cela signifie que vous avez renoncé, pendant cinq ans, à conduire les réformes nécessaires. Les générations futures devront payer ce laxisme généralisé.

L’article 9 du texte prévoit une réorganisation du RSI, ce que je juge totalement incompréhensible. Vous écrivez, à la page 42 de l’annexe 3 B au PLFSS : « Les actions et mesures engagées ces dernières années par les pouvoirs publics, le RSI et la branche recouvrement du régime général ont permis de rétablir une gestion normalisée du RSI. » Pourquoi, madame la ministre, vous lancez-vous dans cette réforme à marche forcée – puisque vous indiquez une échéance extrêmement brève, au début de l’année 2017 –, alors même qu’elle est qualifiée de « catastrophe industrielle » et que les commerçants, les artisans et tous les bénéficiaires du RSI s’en inquiètent beaucoup ? Lors des discussions en commission, certains ont d’ailleurs demandé, m’a-t-il semblé, que l’adhésion des professions libérales à ce régime soit retardée d’un an, à cause de l’impréparation de ce texte. Le monde artisanal se pose des questions très précises et craint une nouvelle catastrophe.

L’article 10 nous a beaucoup étonnés car il porte sur l’économie collaborative, qui correspond plutôt à votre philosophie. De quoi s’agit-il ? Aux termes de cet article, les personnes louant, par exemple, leur voiture – voire leur camping-car ou leur bateau –, dont ils n’usent pas quotidiennement, devront s’affilier au RSI à partir de 3 860 euros de recette ou de chiffre d’affaires par an, c’est-à-dire presque rien. Vous exigez d’eux non seulement qu’ils s’affilient au RSI, mais aussi qu’ils deviennent des professionnels, alors que ces mécanismes de location de particulier à particulier correspondent aux besoins d’une économie moderne. Nous en avons beaucoup parlé en commission. Je pense que c’est très grave, car le statut général de la fonction publique interdit aux fonctionnaires d’exercer une autre activité professionnelle. Vous les mettrez donc dans une situation compliquée, de même que nombre de retraités. Pourquoi en faire des professionnels, dans la mesure où il s’agit de revenus d’appoint ? Pourquoi les soumettre à un seuil aussi bas que 3 860 euros par an ? Je crois savoir que ce seuil sera bientôt doublé, mais je ne vois pas comment nous pourrions nous satisfaire du principe même. C’est un problème juridique qui se pose : pourquoi considérer comme des professionnels des particuliers procédant à de petites locations, pour se procurer un complément de revenus ? Nous aurons d’importants débats à ce sujet car une vive inquiétude se fait jour.

Madame la ministre, pendant ces cinq années, vous n’avez pris aucune mesure d’ampleur pour assurer l’équilibre des comptes. De ce point de vue, malheureusement, ce projet de loi de financement nous déçoit, même si nous n’en attendions pas grand-chose. C’est aujourd’hui l’heure des bilans mais ce sera à nous, demain, d’effectuer le travail de redressement des comptes, comme cela a été fait dans la plupart des autres pays européens.

M. Bernard Perrut. Tout à fait !

M. Dominique Tian. Je ne prendrai que l’exemple de l’Allemagne, dont les comptes sociaux sont équilibrés. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Vous vous en doutez, madame la ministre, comme chaque année, je m’exprimerai en tant que président du groupe d’études sur l’amiante. Dès la publication de ce projet de loi de financement, je me suis précipité dessus. Son article 36 concerne l’amiante – l’exposé des motifs se trouve à la page 100. Je tiens à dire que nous en sommes satisfaits.

Deux problèmes différents se posent.

D’une part, il est indispensable que le FIVA, le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, continue à verser ses indemnités. De ce point de vue, les 400 millions d’euros prévus au budget sont particulièrement satisfaisants. D’autres produits sont attendus, dont une dotation de l’État. Le fait que l’État participe est essentiel – cela n’a pas été le cas pendant un certain nombre d’années – et le reste à payer nous semble satisfaisant.

D’autre part, de moins en moins de personnes – et c’est heureux – sont concernées par le Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante. Les prestations baissent de 1,5 % mais les crédits totaux du Fonds restent supérieurs à 628 millions d’euros. Nous nous réjouissons que 28 millions d’euros supplémentaires soient abondés au budget.

Les victimes de l’amiante ne vont pas pour autant chanter le Magnificat. C’est plutôt le Requiem qui serait de circonstance… Je suis très sérieux. Ceux qui, comme moi, font de la politique et participent à toutes les assemblées générales, savent combien il est triste et poignant, d’année en année, d’apprendre que de nouvelles victimes sont disparues. Comment s’en réjouir ? Ce dont je me réjouis, en revanche, c’est que l’État ait pris ses responsabilités. Dans ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale, 1 milliard est débloqué ; une telle somme, ce n’est pas rien. Les choses sont claires, je tiens à le dire : mon travail est de vérifier que ces montants sont bien présents, que l’État assume ses responsabilités.

Il est vrai que le procès attendu de l’amiante n’a toujours pas eu lieu, mais c’est une question qui ne concerne pas le PLFSS. Quoi qu’il en soit, je répète que l’action de Mme la ministre en faveur des victimes de l’amiante, à travers tous ses budgets, a été sérieuse, responsable et raisonnable.

Par ailleurs, dans son propos liminaire, je l’ai noté, Mme la ministre a parlé de conquête par la volonté politique. D’un point de vue militaire, la conquête consiste à gagner quelque chose, et je sais que vous avez démarré votre carrière, madame la ministre, au secrétariat général de la défense nationale. (Sourires.)

M. Dominique Tian. Ça se voit !

M. Christian Hutin. L’expression n’est pas forcément militaire mais votre réussite – à laquelle je m’associe, puisque nous nous connaissons depuis dix ans et que j’ai voté en faveur de vos cinq PLFSS – est d’être parvenue, fait assez exceptionnel, à apporter du bienfait à certains sans ne rien prendre aux autres, par le biais de la Sécurité sociale. En l’occurrence, il n’y a pas de franchise : on gagne dans le domaine social comme dans le domaine moral. L’exposé des motifs de l’ordonnance de 1945 instituant la Sécurité sociale contient ces deux conditions, respectivement d’ordre social et moral. Nous avons rempli la condition morale, la première année de cette législature, en influant sur le FIVA, très rapidement, en trois semaines, pour que les veuves ne soient plus obligées à rembourser ce qu’elles avaient touché. Souvenez-vous que les huissiers de justice allaient chercher l’argent chez les veuves pour se faire rembourser les frais funéraires ! Quant à la condition sociale, conformément à l’exposé des motifs de l’ordonnance de 1945, il consiste à défendre le plus pauvre, le plus faible ; or l’ouvrier est toujours en situation d’infériorité quand son avenir n’est pas certain, sa famille pas protégée. Et vous avez obtenu cette conquête, sans retirer quoi que ce soit à qui que ce soit, patients ou professionnels de santé. Voilà qui est assez exceptionnel !

Je terminerai sur une note un peu plus personnelle car ce sont mes Cinq dernières minutes, et pas celles d’un commissaire célèbre. (Sourires.) Ce n’est pas votre papa, madame la ministre, qui me dira le contraire : pour un linguiste ou un psychologue, la conquête comporte aussi un aspect affectif – et n’y voyez pas une allusion à la conquête affective !

M. Dominique Tian. C’est l’adagio ! (Sourires.)

M. Christian Hutin. En tout cas, l’ensemble des relations que j’ai eues avec vous, vos collaborateurs et les services de votre ministère, en particulier s’agissant des victimes de l’amiante et de leurs difficultés, ont été assez exceptionnelles. Je voulais vous en remercier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Costes.

M. Jean-Louis Costes. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017 ne présente rien de révolutionnaire, comme nous avons tous pu le constater. Il a juste le mérite d’essayer de sauver les apparences en cette dernière année de mandat. Quelle joie pour nous tous d’apprendre, madame la ministre, que vous allez cette année résorber le « trou de la Sécu » ! C’est du moins ce que vous tentez de nous faire croire avec un déficit annoncé de seulement 400 millions d’euros. Encore une promesse socialiste qui ne sera bien évidemment pas tenue, d’autant que vos projections omettent d’intégrer le déficit de 3,8 milliards d’euros du Fonds de solidarité vieillesse, ce que de nombreux orateurs vous ont rappelé ce soir. Au-delà de cette remarque liminaire, permettez-moi de revenir sur quelques points particuliers.

Tout d’abord, concernant le poste médicaments, ce PLFSS fixe, cette année encore, des objectifs d’évolution des dépenses particulièrement exigeants au regard des innovations thérapeutiques sur le point d’être mises à disposition des patients : pour la troisième année consécutive, les économies demandées au secteur atteignent près de la moitié des économies de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie. Avec de telles exigences, vous mettez en danger des activités économiques essentielles dans notre pays, entraînant la baisse des investissements industriels, l’érosion de la place de la France dans la recherche pharmaceutique mondiale et la suppression de postes dans les entreprises pharmaceutiques. Je donnerai deux chiffres : 1 560 postes supprimés en 2015, presque 2 000 postes en 2016.

En deuxième lieu, je ferai une remarque concernant la création d’une nouvelle taxe sur les fournisseurs agréés de tabac. Si je comprends bien la nécessité de lutter contre le tabagisme en France, permettez-moi, madame la ministre, de douter de la réelle répercussion de cette taxe sur les grands fabricants, qui sont pourtant la cible première de cette mesure. Dans les faits, nous le savons tous, cette nouvelle taxe ne sera répercutée que sur nos petits fabricants français,…

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Mais non !

M. Jean-Louis Costes. …qui paient pourtant déjà leurs impôts en France et contribuent à l’activité économique de nos territoires. Je regrette donc que la mise en œuvre de cette nouvelle taxe ne les épargne pas. Au contraire, elle met aujourd’hui en péril des emplois dans nos départements.

Par ailleurs, si M. le rapporteur pour les recettes et l’équilibre général propose d’élargir le dispositif d’aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise, l’ACCRE, aux personnes physiques reprenant une entreprise dans un quartier prioritaire de la ville, je préconise, quant à moi, de l’élargir également aux créateurs d’entreprise s’implantant en zone de revitalisation rurale. Au regard des difficultés que connaissent nos territoires, un coup de pouce aux entrepreneurs qui font le choix des ZRR me paraît particulièrement important car il permettrait d’augmenter l’attractivité de ces territoires. Oui, il y a des quartiers urbains difficiles, mais il y a aussi, ne l’oublions pas, de nombreuses zones rurales en difficulté. Je demande, avec ce dispositif, un traitement identique pour l’ensemble des territoires fragiles.

Autre point important qui me tient à cœur : la lutte contre la désertification médicale.

Au cours de nos débats en commission, plusieurs idées ont été mises sur la table et je m’en réjouis. La lutte contre la désertification médicale doit à mon sens passer par plusieurs aspects, à commencer par le désengorgement des cabinets médicaux. En effet, il faut parfois des semaines, sur nos territoires ruraux, pour obtenir un rendez-vous chez un médecin. Les propositions qui visent à élargir aux infirmiers ou aux pharmaciens la possibilité de vacciner me paraissent un premier pas vers ce désengorgement. Il me semble essentiel que nous réfléchissons sérieusement à cette question.

Plus largement, la lutte contre la désertification médicale doit passer par une répartition plus responsable des médecins sur le territoire. Il est inacceptable que certaines zones soient sur-dotées alors que la population des territoires ruraux n’arrive même plus à trouver un médecin acceptant de la recevoir, tant les agendas sont surchargés. L’accès à un médecin est pourtant un besoin prioritaire à satisfaire pour l’ensemble des citoyens. Au-delà des corporatismes, cette discussion mérite un véritable débat, au nom de l’intérêt général.

Enfin, à l’occasion de ce PLFSS, je voudrais insister sur la nécessité d’accompagner financièrement les établissements hospitaliers de proximité. Malgré l’augmentation des crédits du Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés, il reste encore beaucoup de travail à accomplir dans la gestion et l’attribution de ces sommes car, dans les faits, les ARS rechignent à dégager des moyens d’investissement pour nos hôpitaux, qui en ont pourtant bien besoin. De même, ces établissements manquent considérablement de moyens, notamment pour financer les besoins en personnel. Il devient indispensable de se pencher sur la question ; il y va de l’efficacité de nos services de soins.

Voilà les quelques éléments que je souhaitais, pour ma part, mettre en évidence à l’occasion de l’examen de ce texte ; j’espère qu’ils seront entendus. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous nous retrouvons pour débattre du projet de loi de finances de la Sécurité sociale pour 2017, dernier de la législature. Ce texte vient mettre un point final à la volonté ambitieuse, impulsée par Marisol Touraine en 2012, de rééquilibrer les comptes d’une Sécurité sociale largement déficitaire et dont l’avenir était alors incertain. L’ensemble des parlementaires de gauche ont souhaité et accompagné, depuis maintenant cinq ans, cette ambition gouvernementale, pour que le résultat soit au rendez-vous, et il l’est.

Les chiffres sont éloquents et ne devraient donner lieu à aucune bataille politicienne.

M. Michel Issindou. Très bien !

Mme Véronique Massonneau. Je ne vais pas y revenir, de nombreux collègues les ont déjà cités. Le constat est clair et sans appel : la gauche a permis le retour à l’équilibre de la Sécurité sociale. Mais nous ne saurions résumer la Sécurité sociale aux chiffres, si positifs soient-ils, car elle ne peut pas et ne doit pas se réduire à de simples exercices comptables. Ces derniers sont nécessaires pour assurer la pérennité du système, mais ils sont un moyen et non une fin.

La Sécurité sociale, c’est avant tout une fierté française, une belle avancée sociale et politique d’après-guerre, qui constitue le patrimoine de ceux qui n’en ont pas. On nous parle beaucoup, en ce moment, de l’identité nationale : la Sécurité sociale est au cœur de l’identité nationale. Tout l’intérêt de ce système réside précisément dans sa capacité à regarder avec honnêteté la réalité quotidienne des Françaises et des Français. Il s’agit de protéger, autant que faire se peut, chacune et chacun des accidents de la vie, d’assurer dignité et accompagnement aux personnes âgées. Avec ce régime, nous sommes protégés en cas de catastrophe, de maladie. Chacun est aidé individuellement, mais aussi au sein de sa famille, avec les prestations familiales. Grâce à ce système, les hôpitaux sont aujourd’hui mieux équipés et plus performants. Il me tenait à cœur de rappeler toutes ces considérations politiques et sociales, qui guident mon action depuis 2012.

Je pense donc nécessaire de revenir, à mon tour, sur certaines avancées du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017.

Ce texte prévoit notamment : l’extension de la retraite progressive aux salariés ayant plusieurs employeurs ; de nouvelles mesures pour lutter contre le travail illégal – par exemple s’agissant des travailleurs détachés – ; des efforts supplémentaires en faveur du Fonds de solidarité vieillesse ; la création de l’Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires, qui garantira le paiement des prestations en temps et en heure ; l’amélioration des soins dentaires par le lancement d’un plan pluriannuel pour l’accessibilité à ces soins, permettant de diminuer le reste à charge incombant aux patients ; le renforcement des droits des salariés précaires, grâce auquel les saisonniers, en particulier, pourront bénéficier d’une couverture maladie continue ; le financement de nouvelles mesures pour le renforcement de la prévention. Je note en particulier, en matière de lutte contre le VIH, la diffusion dans les CEGIDD – les centres gratuits d’information, dépistage et diagnostic – des autotests, des traitements post-exposition à ce virus ainsi qu’à l’hépatite B et des traitements pré-exposition au VIH. Je n’oublie pas la généralisation du dépistage organisé du cancer du col de l’utérus et la mise en place d’expérimentations, dont celle portant sur la prise en charge de la souffrance psychique des enfants à partir de 11 ans.

En examinant ce texte, nous devons avoir à l’esprit les mesures qu’il contient, tout en mesurant le chemin parcouru depuis 2012. Notre majorité a su protéger et faire évoluer notre modèle social, en garantir le financement, le tout sans infliger à la société française l’austérité que d’autres ont dû subir. Alors soyons fiers du travail accompli et continuons à agir, au travers de ce texte utile et équilibré ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La discussion générale est close.

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Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Suite du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 26 octobre 2016, à une heure dix.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly