Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2016-2017

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 27 octobre 2016

SOMMAIRE

Présidence de M. Marc Le Fur

1. Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017 (suite)

Troisième partie (suite)

Article 11

M. Frédéric Lefebvre

Amendements nos 877, 881, 878, 879, 880

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics

Après l’article 11

Amendements nos 121 , 17 , 250 , 284 , 339 , 355 rectifié , 815 rectifié , 919 , 924 , 356 rectifié , 890 rectifié , 174 , 563

Article 12

Amendements nos 59 , 730, 734, 736

Après l’article 12

Amendements nos 272 , 357 , 450

Article 13

Amendements nos 737, 738, 739 , 213 rectifié

M. Arnaud Viala, rapporteur de la commission des affaires sociales

Article 14

Amendements nos 834 , 910 (sous-amendement) , 743 , 904 , 600 rectifié , 74 rectifié , 754 rectifié, 751, 752 , 903 , 753 , 902

Après l’article 14

Amendements nos 358 , 359 , 72 , 73 , 256 , 258

Rappel au règlement

M. Gilles Lurton

M. Christian Eckert, secrétaire d’État

M. Gilles Lurton

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 257 , 674 rectifié , 742 , 255 rectifié , 71 , 835

Article 15

M. Jean Lassalle

Amendements nos 837 , 61 , 905

Article 18 (appelé par priorité)

M. Dominique Tian

M. Jean-Pierre Door

M. Jean Lassalle

M. Francis Vercamer

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

M. Bernard Accoyer

M. Gérard Bapt, rapporteur

Amendement no 426

Mme Michèle Delaunay, rapporteure de la commission des affaires sociales

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Amendements nos 915 , 425, 427, 422 , 76 , 58 , 180 , 203 , 759, 550 , 60 , 181

Après l’article 18 (amendements appelés par priorité)

Amendements nos 475 , 650 , 88 , 362

Article 16

M. Jean-Louis Costes

M. Jean-Pierre Door

Amendements nos 52 , 215 , 360 rectifié , 733 , 633 rectifié , 758 rectifié , 816 rectifié

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017 (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017 (nos 4072, 4151, 4150).

Troisième partie (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la troisième partie du projet de loi, s’arrêtant à l’article 11.

Article 11

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, inscrit sur l’article 11.

M. Frédéric Lefebvre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les rapporteurs, nombre de mes collègues élus des Français de l’étranger qui ont déposé des amendements étant absents, je voudrais aussi m’exprimer en leur nom. Certains, comme M. Le Borgn’ – alors même qu’il est membre de la majorité –, me l’ont demandé expressément. Je pense à Claudine Schmid et aux signataires des amendements que j’ai déposés, comme Thierry Mariani et Alain Marsaud, ou encore à M. Coronado.

Nous voulons tous profiter de cette discussion pour vous interroger une nouvelle fois, monsieur le secrétaire d’État, sur l’assujettissement des Français de l’étranger à la CSG, et verser au dossier un certain nombre d’éléments juridiques de nature à le faire évoluer.

J’en profite pour dire que nous prenons l’engagement qu’après les élections présidentielle et législative nous reviendrons sur cette législation parfaitement inique et qui a déjà valu à la France de multiples condamnations, notamment au niveau européen. Comme cela est parfaitement expliqué par mon collègue M. Le Borgn’, la France a déjà perdu quatre fois devant la Cour de justice de l’Union européenne.

Le bricolage consistant à affecter le produit des contributions au Fonds de solidarité vieillesse est voué lui aussi à être condamné, en raison du principe, que je veux réaffirmer ici avec beaucoup de force, selon lequel la France ne peut pas soumettre aux prélèvements sociaux quelqu’un relevant du régime de sécurité sociale d’un autre pays. Notre pays sera donc de nouveau condamné, comme il l’est systématiquement pour ce motif. Il est d’autant plus important de prendre date ici, avec l’ensemble de mes collègues, que le Gouvernement a trouvé un subterfuge pour essayer d’échapper à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.

Je développerai tout à l’heure la seconde partie de mon raisonnement, puisque j’atteins la limite de mon temps de parole.

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements rédactionnels, nos 877, 881, 878, 879 et 880 de M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les recettes et l’équilibre général.

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales. Ils sont défendus.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. Favorable.

(Les amendements nos 877, 881, 878, 879 et 880 sont successivement adoptés.)

(L’article 11, amendé, est adopté.)

Après l’article 11

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 11.

La parole est à M. Jean-Louis Roumégas, pour soutenir l’amendement n121.

M. Jean-Louis Roumégas. Je vous propose de créer une taxe additionnelle sur l’huile de palme. Certains diront que je reviens à la charge une fois de plus sur la question de l’huile de palme, mais en apportant peut-être des arguments nouveaux.

Les raisons principales, que vous connaissez, sont d’ordre environnemental. La production de cette huile extrêmement utilisée est cause de déforestation partout dans le monde. En dépit des engagements de lutter contre la déforestation pris au moment de la COP21, cette huile est extrêmement utilisée par les industriels en raison de son faible coût – c’est la moins chère des huiles – et ses qualités de conservation. En revanche, elle pose des problèmes sur le plan environnemental et sur le plan sanitaire. On connaît les problèmes de santé engendrés par la surconsommation des acides gras saturés contenus dans cette huile.

Dernier argument : on ne comprend pas pourquoi l’huile d’olive, produite dans le sud de la France, est taxée à 18,96 euros pour 100 kilogrammes alors que l’huile de palme, produite dans les conditions que l’on sait, n’est taxée qu’à 10 euros. Cette différence de traitement est incompréhensible. La taxe spéciale que je propose de créer rétablirait un peu d’équilibre ; la concurrence serait plus loyale et inciterait les industriels à se tourner vers des huiles moins nocives pour l’environnement et pour la santé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Une telle disposition a déjà été défendue à plusieurs reprises. Vos arguments relatifs à la déforestation sont à considérer, monsieur Roumégas, mais je vous ferai remarquer que la culture de l’avocat ou du cacao contribue aussi à la déforestation. Cette argumentation vaut aussi pour les risques sanitaires induits par une surconsommation.

Cela dit, vous savez que la commission des finances, notamment notre collègue Razzy Hammadi, a travaillé sur les problèmes de taxation des corps gras, de manière à harmoniser l’ensemble des prélèvements. Par ailleurs, l’Europe a passé avec les principaux producteurs d’huile de palme des accords visant à introduire des critères environnementaux et sociaux. Ces accords sont, au moins pour partie, déjà respectés.

Si vous ne retirez pas votre amendement au vu de ces arguments, je proposerai à l’Assemblée de repousser une nouvelle fois ce que l’on appelle la « taxe Nutella ».

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le sujet est connu et a été largement débattu. C’est légitime et un certain nombre d’arguments sont audibles. Néanmoins, le Gouvernement ne souhaite pas créer de nouvelles taxes sur les produits alimentaires – on aura probablement le même débat sur le chocolat, la margarine, les huiles et les boissons sucrées.

Le Gouvernement souhaite s’en tenir à l’état du droit existant. Il est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumégas.

M. Jean-Louis Roumégas. Je ne retirerai pas mon amendement. Je regrette l’absence de réponse de la part et du Gouvernement et du rapporteur quant à la raison de la différence de taxation. Pourquoi l’huile d’olive ou l’huile d’arachide sont-elles taxées respectivement à 18,896 et 17,13 euros alors que l’huile de palme n’est taxée qu’à 10,371 euros ? Cette différence de traitement n’a aucune justification, si ce n’est satisfaire certains lobbies industriels.

Pensons simplement à la production européenne, du point de vue économique : on subventionne des cultures qui sont cause de déforestation dans des pays lointains, au détriment des productions de corps gras locaux ou au moins européens.

(L’amendement n121 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 17, 250 et 284, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 17 et 250 sont identiques.

La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement n17.

M. Frédéric Lefebvre. On vient d’évoquer, s’agissant de la question de la CSG et de la condamnation de la France, la situation des résidents européens. Je voudrais évoquer maintenant la discrimination injustifiée entre les affiliés d’un régime de sécurité sociale d’un État membre de l’Union européenne et les affiliés d’un régime de sécurité sociale d’un pays tiers quant à l’application du règlement n1408/71, remplacé par le règlement n883/2004. Il s’agit d’une violation manifeste de l’article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, lequel interdit toutes les restrictions aux mouvements de capitaux non seulement entre les États membres, mais aussi entre les États membres et les pays tiers. De manière plus concrète, c’est un frein à l’investissement de ces personnes en France.

Si l’on applique le droit communautaire stricto sensu, deux réserves auraient pu permettre de justifier une restriction : soit la clause de gel, soit la clause de sauvegarde. Cependant, s’agissant de la clause de gel, les investissements immobiliers de type patrimonial ne constituent pas à l’évidence des investissements directs au sens du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

S’agissant de la clause de sauvegarde, aux termes de l’article 65, l’article 63 ne porte pas atteinte au droit qu’ont les États membres de prévoir des distinctions entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans une situation comparable. La Cour de justice de l’Union européenne a clairement exclu que la clause de sauvegarde puisse être interprétée comme autorisant automatiquement toute différence de traitement fondée sur la résidence.

Le Gouvernement et votre administration n’ont, à l’occasion de ces procédures, développé aucun argument valable de nature à changer cette jurisprudence. Au contraire, les deux types d’affiliés se trouvent objectivement dans la même situation puisqu’ils cotisent à deux régimes de sécurité sociale.

Je rappelle ce que j’ai déjà souvent dit dans cet hémicycle : le Conseil d’État a jugé la différence de traitement entre les résidents de l’Union européenne et les résidents d’États tiers au regard du taux d’imposition des plus-values immobilières contraire au principe de libre circulation des capitaux. Cela m’a même valu d’obtenir qu’un de mes amendements soit enfin accepté par M. le secrétaire d’État. Il est vrai qu’il n’avait pas le choix puisqu’il était bien obligé de tenir compte de l’arrêt du Conseil d’État.

Vous aurez beau vous acharner, les juges vous donneront tort dans ce dossier. Ce qui est dramatique, c’est que vous le savez fort bien et que, pendant ce temps, nos compatriotes doivent payer deux fois leur protection sociale.

M. le président. La parole est à M. Meyer Habib, pour soutenir l’amendement n250.

M. Meyer Habib. Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis 2013 j’interpelle le Gouvernement, avec mes collègues élus des Français de l’étranger, de droite comme de gauche – fait notable – sur la question de la CSG à laquelle sont assujettis de façon injuste et invraisemblable nos compatriotes résidant à l’étranger.

L’immense majorité des Français de l’étranger ne sont ni des exilés fiscaux ni des rentiers, monsieur le secrétaire d’État. Votre gouvernement a été condamné à deux reprises, la première fois par la Cour de justice de l’Union européenne, par l’arrêt de Ruyter de février 2015 et la seconde fois par le Conseil d’État. Ces décisions sont sans équivoque. Le Gouvernement doit supprimer l’assujettissement des non résidents aux prélèvements sociaux sur le capital. On ne peut pas être prélevé une première fois sur le territoire de résidence et une seconde fois en France, par le biais de l’administration fiscale.

À la suite de cette condamnation, l’administration fiscale avait accepté de restituer aux seuls contribuables résidant dans un État membre les prélèvements sociaux, la CSG et la contribution pour le remboursement de la dette sociale – la CRDS –, introduisant ainsi une discrimination entre résidents et non résidents de l’Union européenne, soit une rupture de l’égalité devant la loi fiscale.

Aujourd’hui, votre gouvernement refuse de rembourser le prélèvement social au motif qu’il n’abonde pas directement le budget de la Sécurité sociale mais est affecté à un fonds de solidarité. Ce joli tour de passe-passe ne trompe personne et les Français de l’étranger, qui sont près de trois millions, s’en souviendront, monsieur le secrétaire d’État. Ce prélèvement doit être évidemment considéré comme relevant de l’une des branches de la Sécurité sociale et une personne couverte par une assurance sociale dans un État étranger ne peut donc y être soumise.

Un peu d’honnêteté sur cette question, monsieur le secrétaire d’État : l’affectation de ces recettes à des prestations sociales non contributives comme le Fonds de solidarité vieillesse, décidée l’an dernier, n’est pas un argument pertinent : c’est du maquillage. Votre gouvernement le sait parfaitement et joue la montre.

M. Frédéric Lefebvre. Et il sera de nouveau condamné !

M. Meyer Habib. À l’évidence : la Cour de justice de l’Union européenne condamnera une nouvelle fois la France. En tout état de cause, vous vous obstinez à percevoir des sommes indues, dans un souci purement budgétaire.

Encore une fois, il n’est pas trop tard pour changer d’avis et accepter que les Français soient traités de la même façon, où qu’ils se trouvent.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumégas, pour soutenir l’amendement n284.

M. Jean-Louis Roumégas. Les députés des Français de l’étranger, quelle que soit leur couleur politique, s’accordent à dénoncer cette injustice de manière unanime : il faut les entendre.

La France ne peut pas continuer à être en contradiction avec le droit européen. C’est d’ailleurs contraire à notre Constitution. La jurisprudence est claire : on ne peut pas soumettre à des cotisations sociales des Français résidant à l’étranger qui cotisent par ailleurs et bénéficient d’une autre protection sociale. Ils ne bénéficient pas, de ce fait, d’une protection sociale au titre d’un régime obligatoire en France.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Monsieur Meyer Habib, il ne s’agit pas de mauvaise foi. Il y a un principe que nous avons évoqué hier à propos de l’économie collaborative : tout revenu produit sur le territoire national doit faire l’objet de dispositions fiscales et sociales. En l’occurrence, c’est le prélèvement de cotisations au profit de la Sécurité sociale.

Second point : ne parlez pas d’artifice concernant le FSV, qui fait partie intégrante de la Sécurité sociale. D’ailleurs, vos amis sur ces bancs nous l’ont suffisamment rappelé au cours du débat, puisqu’ils nous reprochent de l’avoir oublié dans le calcul du déficit de la Sécurité sociale.

Vous proposez de supprimer les prélèvements sociaux. Sur le principe, vous savez bien que nous ne reviendrons pas en arrière…

M. Frédéric Lefebvre. Rassurez-vous, nous, nous allons revenir en arrière ! Nous ferons respecter le droit et l’équité.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il s’agit d’un point de droit. Je ne sais pas si vous vous rendez compte, monsieur Lefebvre, qu’en ce moment l’Europe est refondée.

M. Frédéric Lefebvre. Elle vient de condamner la France ! Soyez sérieux.

M. Gérard Bapt, rapporteur. La Wallonie a montré la voie. Je suis désolé que M. Roumégas ne sache pas le voir lui non plus.

En ce qui concerne les conséquences à tirer de l’arrêt de Ruyter, je répète que la Cour de justice de l’Union européenne a certes jugé la législation française contraire au principe de la liberté de circulation, mais n’a pas exclu l’assujettissement des personnes concernées aux prélèvements sur le capital. C’est l’affectation du produit de ces prélèvements à des organismes contributifs de type assurantiel qui a été annulée.

Le Gouvernement a donc choisi d’affecter ces prélèvements à des organismes non contributifs, c’est-à-dire pour l’essentiel à la première section d’un FSV rénové. Vous ne semblez pas convaincu par cette solution,…

M. Meyer Habib. Évidemment que non !

M. Frédéric Lefebvre. Pas plus que tous les professionnels !

M. Gérard Bapt, rapporteur. …mais que proposez-vous à la place, sinon faire perdre des recettes majeures à la Sécurité sociale,…

M. Meyer Habib. Vous ne semblez pas convaincu non plus !

M. Gérard Bapt, rapporteur. …ce que vous faites, du reste, tout au long de ce débat.

Dans ce cas, il faudra peut-être, comme le propose l’un des candidats majeurs à la primaire de la droite et du centre, diminuer de trois points les dépenses de santé prises en charge par l’assurance maladie. Mais comme nous ne voulons pas d’une telle mesure, nous persistons. Votre amendement n’aurait d’autre effet que de priver la Sécurité sociale de plusieurs centaines de millions d’euros. C’est pourquoi je donne de nouveau un avis défavorable sur ces amendements.

M. Meyer Habib. Vous n’avez répondu à propos du caractère discriminatoire de cette disposition !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce sujet connu soulève plusieurs questions importantes et légitimes.

En ce qui concerne le fait que les Français résidant dans un État de l’Union européenne puissent être traités différemment de ceux qui résident en dehors de celle-ci, on est en train de découvrir l’eau tiède : c’est une évidence.

Le traité sur l’Union européenne comporte des règles régissant les relations fiscales et sociales à l’intérieur de l’Union, mais il est bien évident qu’elles ne sont pas transposables de façon automatique à la situation de Français résidant hors de l’Union européenne. Je ne comprends pas cet argument.

Le cas échéant, bien entendu, le Conseil constitutionnel ou toute autre juridiction pourra nous départager. En tout cas, la Cour de justice de l’Union européenne ne va pas statuer sur le cas des Français résidant hors de l’Union : un arrêt de cette Cour ne peut s’imposer à nous sur une telle question.

Au sujet de l’arrêt de Ruyter et de ses conséquences, je rappelle que M. de Ruyter était un ressortissant néerlandais, comme son nom le suggère, qui résidait en France et a engagé une procédure au début des années 2000. Il est maintenant décédé : paix à son âme.

Ce ne sont donc pas les modifications introduites en 2012 qui sont à l’origine de l’arrêt : M. de Ruyter contestait le versement de contributions sociales pour un tout autre motif.

Certes, reconnaissons que la mise en place de cette contribution sur les revenus du patrimoine a accentué le problème, puisque le champ s’en est trouvé élargi, mais elle n’est en aucun cas à l’origine de la question qui, je le répète, date du début des années 2000.

L’arrêt de Ruyter s’impose à nous et nous en avons tiré les conséquences. La première est que nous avons remboursé les contributions perçues qui n’étaient pas prescrites. J’ai même à l’époque accepté que nous allions au-delà du délai de prescription, car cela me paraissait aller de soi.

S’ouvrent alors une discussion et des contentieux sur le non-remboursement d’une partie de ces contributions. En effet, la part correspondant au prélèvement de solidarité de 2 % n’est pas remboursée.

À l’issue des contentieux ouverts sur ce point, le Conseil d’État, dans sa décision du 19 juillet 2016, a confirmé la position de l’administration, tant sur les modalités de remboursement des prélèvements sociaux que sur la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016, laquelle a modifié l’affectation des sommes prélevées. Ainsi, la contribution de solidarité de 2 % n’est pas remboursable aux non-résidents, « dès lors qu’elle est spécifiquement affectée au financement d’une prestation qui ne relève pas de l’article 4 du règlement […] du Conseil du 14 juin 1971 ».

Ce prélèvement n’entre donc pas dans le champ d’application de ce règlement. Il existe une décision du Conseil d’État, et celle-ci doit s’interpréter comme nous interdisant même de procéder au remboursement.

Nous avons d’ores et déjà tiré les conséquences des décisions rendues puisque nous avons affecté le produit des contributions à un régime non contributif, ce qui était bien le cœur du contentieux. Ce n’est pas du « bricolage », monsieur Lefebvre,…

M. Frédéric Lefebvre. Bien sûr que si !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …c’est une décision du Parlement, que vous le vouliez ou non, prise, il est vrai, sur proposition du Gouvernement.

M. Frédéric Lefebvre. Sur proposition de l’administration !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Écoutez, les relations entre le Gouvernement et son administration ne regardent que le Gouvernement !

M. Frédéric Lefebvre. Une administration qui s’enferre dans son erreur !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’ai un cabinet, j’ai une administration, et ma conception des relations entre le pouvoir exécutif et l’administration n’est pas la vôtre : le passé nous l’a démontré et nous aurons l’occasion, certainement, d’en reparler au sujet d’un certain nombre d’affaires !

M. Thierry Mariani. Qu’est-ce que cela veut dire ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’administration fournit un certain nombre d’analyses et de préconisations. Elles sont instruites par le cabinet et c’est le ministre qui tranche.

Mme Bernadette Laclais. Très bien !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. N’essayez pas d’enfoncer des coins quand où il n’y a pas lieu de le faire. J’ai confiance en mon administration…

M. Frédéric Lefebvre. Ce gouvernement n’a pas assez de force pour revenir sur la position de l’administration !

M. le président. Nous écoutons M. le secrétaire d’État, mon cher collègue !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur le député, je connais votre ténacité ; vous connaissez la mienne, et j’ai tout mon temps.

Ce sont des questions juridiques qui seront examinées par les juridictions, c’est pourquoi, monsieur le président, je prends un peu de temps pour les détailler : le débat parlementaire permet d’éclairer nos intentions pour la résolution des contentieux.

Nous avons affecté le produit de ces contributions à un fonds non contributif. C’est notre position, que certains contestent – c’est leur droit. Le cas échéant, il y aura de nouveaux arrêts.

M. Frédéric Lefebvre. Il y aura condamnation !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ne préjugez pas des condamnations. Vous nous avez dit souvent que le prélèvement de 2 % devrait être remboursé : le Conseil d’État vient de confirmer qu’il nous est même interdit de le faire. Vous nous avez dit souvent que nous serions condamnés : le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative, vient de rendre sa décision. Vous la contestez, c’est votre droit. Moi, je l’applique : en tant que pouvoir exécutif, j’applique la décision du Conseil d’État. Je ferais autrement que je serais fautif.

Il est légitime de soulever régulièrement ces questions. Elles avancent sur le plan administratif. J’indique qu’il n’est pas simple de procéder au remboursement.

M. Frédéric Lefebvre. Il aurait mieux valu éviter d’être condamné !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je le dis parce que je suis souvent sollicité sur ce point. Mme Schmid, en particulier, m’interroge régulièrement. Nous avons en effet un certain nombre de dossiers en cours. Les Français résidant hors de l’Union nous font des demandes qui sont évidemment rejetées sur les arguments que je viens de développer.

M. Frédéric Lefebvre. Ils sont contraires au droit !

M. le président. Monsieur Lefebvre, nous écoutons M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur Lefebvre, c’est votre point de vue. Vous pouvez contester celui du Gouvernement : il y a des procédures pour cela, faites-le ! Le Conseil d’État nous a donné raison : nous appliquons ses décisions.

Nous traitons tous les dossiers. Leur nombre est important et nous nous attachons à les traiter dans un délai de six mois. Nous essayons de raccourcir ces délais et avons affecté spécialement du personnel à cette tâche. Le montant des remboursements déjà effectués est aujourd’hui de l’ordre de 130 millions d’euros. Il reste un stock qui commence à diminuer. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

Je donnerai ensuite la parole à MM. Mariani et Marsaud, afin que tous les députés des Français établis hors de France présents ici puissent s’exprimer.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Oh ! Nous n’allons pas recommencer ce débat !

M. Dominique Tian. Monsieur Bapt, nous avons chaque année le même débat, qui suscite le malaise chez les membres de la commission des affaires sociales, puisque beaucoup d’entre eux ont le sentiment que ces sommes sont prélevées illégalement.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est faux !

M. Dominique Tian. Il est très difficile de demander à une commission de l’Assemblée nationale de voter des dispositions illégales. Or des décisions de justice rendues avec constance depuis un certain nombre d’années montrent que l’État français est condamné à rembourser ces sommes.

Monsieur le secrétaire d’État, vous ne nous rassurez pas en disant qu’on ne taxait pas de la bonne manière mais qu’en affectant les cotisations à un organisme non contributif, vous réglez le problème. C’est un exercice de tuyauterie pour essayer de récupérer plusieurs centaines de millions d’euros, mais est-il légal et moral de procéder ainsi ? À l’Assemblée nationale, nous n’avons pas le droit de prendre des décisions qui seront ensuite battues en brèche par la Cour de justice de l’Union européenne.

La cour administrative d’appel de Marseille, le 25 mars 2016, vous a encore précisé que le remboursement des prélèvements bénéficie aux personnes vivant hors de l’espace européen. Ce sont des décisions de justice constantes qui suscitent notre malaise. Nous ne sommes pas ici pour faire payer des gens qui n’ont pas à payer. Sous prétexte de récupérer quelques centaines de millions d’euros, vous nous mettez dans une situation pénible.

Je dirai enfin, au nom des Républicains, que l’ensemble des candidats à la primaire ont indiqué qu’ils reviendraient sur ce dispositif et qu’ils n’essaieraient pas de faire contribuer des gens qui n’ont pas à le faire.

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’est le seul point sur lequel ils sont d’accord !

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Il s’agit d’un débat quelque peu convenu, monsieur le secrétaire d’État, puisque c’est la cinquième fois que nous l’avons.

M. Michel Issindou. Ça, c’est vrai !

M. Thierry Mariani. Je me souviens que c’est en juillet 2012 que M. Cahuzac a fait voter la disposition en question. Cinq ans après, au-delà de tout débat juridique, tirons donc le bilan.

Monsieur le secrétaire d’État, j’ignore si ces prélèvements sont justifiés ou non, s’ils sont justes ou injustes, mais je constate qu’ils sont totalement contre-productifs. Je vous parle d’expérience, en tant que député des Français établis en Asie et dans le Pacifique. Depuis cinq ans, je visite les salons de l’Expatrié. Avant, on proposait aux expatriés d’investir : vivant dans des pays incertains, ils investissaient dans la pierre pour percevoir un loyer. Avant, je voyais des programmes dans le sud de la France ou à Paris. Aujourd’hui, il n’y a plus un programme en France, sauf les résidences étudiantes. Pourquoi ? Parce qu’on dit aux expatriés que, s’ils investissent en France, ils seront surfiscalisés à cause de leur statut de non-résident, alors qu’ils pourraient tirer un revenu supérieur d’un investissement à Singapour ou à Hong Kong.

Pardonnez-moi, mais c’est complètement stupide. Aujourd’hui, si je suis un Français vivant à l’étranger, mon propre pays est le dernier endroit où je dois investir, parce que c’est là que je suis le plus pénalisé.

M. Meyer Habib. Eh oui ! C’est un vrai problème !

M. Thierry Mariani. On peut toujours discuter pendant des heures pour savoir si cela est légal ou non ; il n’en reste pas moins que cette situation est complètement aberrante. Quel que soit le Gouvernement, nous avons besoin de faire entrer de l’argent en France, pour investir dans la pierre, pour construire, et l’on dit aux deux millions de Français de l’étranger : « Vous voulez investir dans votre pays ? Vous serez surfiscalisés ! » C’est débile ! Comment peut-on en arriver à une mesure pareille ?

Je conclus en disant que c’est assez emblématique de votre bilan. À quoi se réduiront ces cinq années pour les Français de l’étranger, monsieur le secrétaire d’État ? À une surfiscalité qui les pénalise… s’ils investissent dans leur propre pays !

M. Frédéric Lefebvre. Eh oui ! Pour investir en France, il est préférable d’être étranger !

M. Thierry Mariani. En même temps, pour la première fois, le montant des bourses – donc les aides en faveur de la scolarité – diminue.

M. le président. Merci de conclure.

M. Thierry Mariani. Je ne sais pas quelle est votre vision des Français de l’étranger mais, sur le plan de la fiscalité et de l’enseignement, ces cinq années ont été calamiteuses.

M. le président. La parole est à M. Alain Marsaud.

M. Alain Marsaud. En cette fin de législature, monsieur le secrétaire d’État, on aurait pu espérer pouvoir vous convaincre – nous essayons depuis tant d’années, vainement.

J’illustrerais ainsi votre propos : vous êtes en train de faire payer le gaz à des gens qui se chauffent avec l’électricité. Voilà ce que sont en train de vivre nos compatriotes qui vivent à l’étranger. Élu des Français vivant en Afrique et au Moyen-Orient, je suis en total accord avec M. Thierry Mariani : nos compatriotes qui, il fut un temps, étaient incités à investir en France, investissent désormais ailleurs…

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ce n’est pas nouveau !

M. Alain Marsaud. …et c’est une catastrophe.

M. Frédéric Lefebvre. Le régime pour les étrangers est plus favorable !

M. Alain Marsaud. Plus encore : vous avez évoqué des problèmes de procédure et des décisions de justice. Sans vous accuser personnellement, monsieur le secrétaire d’État, je pense que la gauche n’aime pas les Français de l’étranger. Elle l’a montré lorsqu’elle a fait sauter la prise en charge de l’éducation et elle le montre à nouveau en voulant les surfiscaliser. Une telle surfiscalisation montre que vous prenez nos compatriotes pour des privilégiés. Vous vous êtes sans doute dit que ce sont les derniers moutons à tondre !

M. Michel Issindou. Oh là là !

(Les amendements identiques nos 17 et 250 ne sont pas adoptés, non plus que l’amendement n284.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement n339.

M. Frédéric Lefebvre. Tout vient d’être dit sur cette question. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Michèle Delaunay, rapporteure de la commission des affaires sociales. Ne le répétez donc pas !

M. Frédéric Lefebvre. M. le secrétaire d’État, et c’est terrible, sait d’ailleurs parfaitement ce qu’il est en train de faire, tout comme l’administration qui est derrière lui puisque, depuis quelques années, elle agit de la même manière avec tous les ministres.

On se fiche comme de l’an quarante de la situation de nos compatriotes, et voici à quel point c’est le cas du Gouvernement – je prends à témoin le rapporteur Bapt. Si l’on suit le raisonnement du Gouvernement, et que l’on considère que la CSG et la CRDS sont non pas des cotisations sociales mais des impôts, il faut alors faire respecter les conventions de non-double imposition. Or, depuis le débat de l’année dernière – M. Bapt s’en souvient très bien –, le Gouvernement n’a pas bougé le petit doigt. Il n’a jamais fait savoir à aucun des pays ayant signé ces conventions qu’il considérait ces contributions comme un impôt et donc que nos compatriotes avaient droit de les déduire. Pourquoi ne le faites-vous pas, monsieur le secrétaire d’État ? Je le répète, le Gouvernement s’en fiche !

Lorsque, pour la première fois, aux États-Unis, une Tax Court n’est pas allée dans le sens de la position gouvernementale française, je l’ai fait savoir à votre cabinet et à votre administration. En l’occurrence, la même chose s’est produite dans une cour d’appel. Eh bien, là encore, le Gouvernement s’en fiche, ce n’est pas son problème !

Mes collègues Thierry Mariani et Alain Marsaud ont très bien évoqué la question des investissements des Français établis hors de France. Eh bien, quant à moi, je souhaiterais que nous puissions débattre ici, d’une façon détaillée, en comparaison, des conditions faites par la France aux investisseurs étrangers.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ceux du Qatar, par exemple ?

M. Frédéric Lefebvre. Le Qatar et d’autres pays. Pourquoi ces investisseurs sont-ils plus avantagés que nos compatriotes Français de l’étranger ? Pourquoi voulez-vous surfiscaliser les Français alors que vous acceptez de défiscaliser des étrangers investissant en France ?

M. le président. Je vous remercie.

M. Frédéric Lefebvre. Aujourd’hui, il y a deux poids, deux mesures. Vous vous fichez de ceux de nos compatriotes qui vivent loin de la France !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. M. Lefebvre l’a dit : le débat sur la double imposition a déjà eu lieu l’année dernière et je crois qu’il a été évoqué en commission des finances.

M. Frédéric Lefebvre. Évoqué, oui, mais le Gouvernement ne fait rien !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ces remarques et ces quolibets qui fusent en permanence sont un peu irritants,…

M. Frédéric Lefebvre. Les vérités sont irritantes ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …même si ce n’est pas grave et que nous en avons l’habitude.

Sur la forme, monsieur Lefebvre, vous permettrez au secrétaire d’État et au Gouvernement, que je représente, d’avoir sa liberté de pensée. Cessez de répéter toutes les deux phrases que je sais « parfaitement » telle ou telle chose. Ce n’est pas à vous d’analyser ce que je sais ou ce que j’ignore ! Je parle sans notes, je connais parfaitement ce sujet, libre à moi d’en faire l’analyse ! Je n’ai pas l’habitude de suivre comme un mouton une position de l’administration et je n’ai pas non plus l’habitude de taire ce que je pense – il me semble que c’est assez connu. (Sourires.)

Sur le fond, en ce qui concerne les investissements, monsieur Mariani, vous considérez que les situations sont inégales, mais enfin, un Français résidant en France qui investit dans l’immobilier paie l’impôt et des contributions sociales.

M. Thierry Mariani. En effet !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pourquoi les conditions seraient-elles différentes pour un Français résidant à l’étranger investissant en France ? Là aussi, pour le coup, il y aurait inégalité ! Des conventions, en effet, évitent la non-double imposition…

M. Frédéric Lefebvre. Faites-les respecter !

M. le président. Monsieur Lefebvre…

M. Thierry Mariani. La surtaxe est de 15 % !

M. le président. Vous aurez la parole tout à l’heure, monsieur Mariani.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il n’y a pas de surtaxe ! Les Français résidant en France paient aussi les contributions sociales, et pas les seuls résidents à l’étranger. L’ensemble des Français les paie pour toutes les propriétés.

M. Frédéric Lefebvre. Vous avez été condamnés par le Conseil d’État !

M. le président. M. le secrétaire d’État a seul la parole, monsieur Lefebvre ! Je donnerai ensuite la parole à M. Mariani, puis, nous passerons au vote.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur Mariani, soyons clairs : un Français résidant en France paie la contribution.

M. Thierry Mariani. Un expatrié la paie aussi !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il paie la même contribution, pas plus ! Il paie exactement la même chose. C’est bien là le fond du débat, monsieur Mariani.

M. Frédéric Lefebvre. Monsieur Mariani a raison, et vous avez été condamné par le Conseil d’État pour ce motif !

Mme Bernadette Laclais. Vous êtes pénibles !

M. le président. Monsieur Lefebvre, on écoute M. le secrétaire d’État !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Tout le monde aura compris que M. Lefebvre cherche constamment l’incident.

M. Frédéric Lefebvre. Pas du tout !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Parmi les règles en vigueur dans cet hémicycle, monsieur Lefebvre, il y a celle qui veut que chacun parle, écoute, répond à son tour.

Vous l’avez compris, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Parfait !

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, brièvement, puis nous passons au vote.

M. Thierry Mariani. Cela ne relève pas de votre ministère, monsieur le secrétaire d’État, mais savez-vous que, pour un expatrié, le seul fait de conserver un petit bien en France l’exclut du bénéfice des bourses françaises ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est un autre sujet !

M. Thierry Mariani. Certes, mais cela les concerne ! Voyez-vous, il y a trois choses qu’un expatrié n’ignore jamais : ce que lui coûte l’école de ses enfants – parfois plus de 10 000 euros –, ce que lui coûte sa santé et ce qu’il paie pour sa retraite. Jusqu’à présent, un expatrié pouvait bénéficier d’une bourse s’il avait un bien familial de 200 000 euros au fin fond du Vaucluse. Aujourd’hui, compte tenu des critères que vous avez votés, c’est exclu.

Je n’entrerai pas dans un débat juridique – Frédéric Lefebvre connaît le sujet mieux que moi –, mais je vous assure que ces nouvelles dispositions pénalisent aujourd’hui les expatriés.

Enfin, un investisseur Français de l’étranger est moins bien traité que certains investisseurs étrangers – et le Qatar n’est pas seul en cause.

(L’amendement n339 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de six amendements, nos 355 rectifié, 815 rectifié, 919, 924, 356 rectifié et 890 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 355 rectifié et 815 rectifié sont identiques, de même que les amendements nos 919 et 924 et les amendements nos 356 rectifié et 890 rectifié.

La parole est à M. Paul Giacobbi, pour soutenir l’amendement n35 rectifié.

M. Paul Giacobbi. Mon excellent collègue, président du groupe RRDP, ancien professeur et malgré tout ami Roger-Gérard Schwartzenberg milite avec nous pour une réduction des charges pesant sur les retraites modestes.

En l’occurrence, il s’agit de revenir sur un effet induit de différentes mesures fiscales qui, depuis 2009, ont conduit à augmenter le revenu fiscal de référence : suppression de la demi-part des veuves, des « vieux parents » et fiscalisation de la majoration de pension pour charges de famille. Pour les intéressés – je ne voudrais pas dire les bénéficiaires, j’allais presque dire les victimes de ces mesures –, le revenu fiscal de référence augmente sans qu’il en soit évidemment de même pour la pension.

La majorité a pris des mesures annulant, depuis 2014, les effets de cette majoration du revenu fiscal de référence en matière d’imposition locale pour les personnes retraitées. Cet amendement et ceux qui suivront visent à en faire de même en matière de CSG. Il s’agit de viser un niveau de pension modeste – même si ce n’est pas le plus bas possible – s’étendant de 1 206 à 1 465 euros. Il est généralement reconnu – vous-même l’avez fait, monsieur le secrétaire d’État – que l’augmentation du revenu fiscal de référence a évidemment entraîné une hausse de la CSG pour 600 000 à 1 million de retraités.

Je ne parlerai pas beaucoup de cet amendement-ci puisque le groupe radical est raisonnable et qu’il sait pondérer sa radicalité par sa sagesse. (Sourires.) Il le retire donc et se replie sur l’amendement n924 qui dit exactement la même chose mais pour moins d’avantages, donc plus d’économies.

(L’amendement n355 rectifié est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement n815 rectifié.

Mme Valérie Rabault. Je remercie Mme Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales, d’avoir réuni la commission à propos de cette série d’amendements afin que nous puissions trouver un point d’équilibre satisfaisant sur le plan budgétaire et quant aux réponses que nous souhaitons apporter à l’ensemble des Français retraités.

Nous utilisons le revenu fiscal de référence dans bien des domaines. Il dépend du revenu dont on dispose, mais aussi des niches dont on peut bénéficier. Chaque changement des modalités de calcul a des conséquences sur l’éligibilité de nos concitoyens retraités au taux nul ou au taux réduit de CSG, lesquels dépendent d’un seuil. Si le revenu fiscal de référence est inférieur à 10 633 euros et que vous êtes célibataire, vous pouvez bénéficier du taux nul de CSG ; dès qu’il se situe au-dessus, ce n’est plus le cas. Le revenu fiscal de référence peut passer au-dessus soit parce que vous gagnez plus soit parce que son mode de calcul a changé – sans que votre revenu ait augmenté.

C’est bien une telle situation que ces amendements visent à corriger : le mode de calcul du revenu fiscal de référence ayant changé pour différentes raisons qui ont été exposées précédemment, nous avons souhaité rehausser le seuil à partir duquel il est possible de bénéficier du taux nul ou du taux réduit de CSG.

Monsieur le président, je retire cet amendement au bénéfice de l’amendement n919, qui résulte d’un recalibrage par la commission.

(L’amendement n815 rectifié est retiré.)

M. le président. Je vous invite donc à présenter cet amendement n919, madame Rabault.

Mme Valérie Rabault. Avec M. le rapporteur Gérard Bapt – qui s’exprimera lui aussi, bien entendu –, nous avons rehaussé de 3 % le seuil du revenu fiscal de référence pour le bénéfice du taux nul et pour celui du taux réduit de CSG.

Cela permet à 550 000 retraités français supplémentaires de bénéficier du taux nul ou du taux réduit de CSG. Cela représente un coût pour les finances publiques de 280 millions d’euros, qui sera compensé à la Sécurité sociale. En loi de finances, nous avons en effet voté des dispositions qui permettent de récupérer la quasi-totalité de ce montant.

Par ailleurs, nous souhaiterions que M. le secrétaire d’État nous donne son avis sur la date d’entrée en vigueur de la mesure, sachant que les systèmes informatiques auront besoin de temps pour prendre en compte ce changement.

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour soutenir l’amendement n924, identique à l’amendement n919.

M. Paul Giacobbi. Il est défendu. C’est un amendement de repli, mais mon groupe se ralliera à la solution consensuelle qui émerge aujourd’hui.

M. le président. Nous en arrivons, dans cette discussion commune, aux amendements identiques nos 356 rectifié et 890 rectifié.

La parole est à M. Paul Giacobbi, pour soutenir l’amendement n356 rectifié.

M. Paul Giacobbi. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement n890 rectifié.

Mme Valérie Rabault. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements, étant entendu que les amendements nos 355 rectifié et 815 rectifié ont été retirés ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. L’amendement n919 a été voté à l’unanimité par la commission des affaires sociales, qui a délibéré de nouveau sur ce sujet.

Je confirme ce que vient de dire Mme la rapporteure générale de la commission des finances : pour un coût de 280 millions d’euros, qui sont compensés à la Sécurité sociale par le budget de l’État, la commission des finances ayant dégagé des ressources suffisantes pour gager cet amendement, ce sont 290 000 ménages de retraités qui vont bénéficier du taux nul de CSG, soit un gain de 46 euros par mois, et 260 000 ménages qui vont bénéficier du taux réduit, soit un gain de 38 euros par mois. Il s’agit là d’un gain substantiel et je me félicite que nous aboutissions à un point d’équilibre : cette mesure est positive pour les retraités et supportable par les finances publiques.

Voilà pourquoi la commission des affaires sociales a adopté cet amendement n919.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La CSG sur les revenus n’est pas la même pour tout le monde, contrairement à une idée reçue. Elle est de 7,5 % sur la plupart des revenus des salariés, augmentée de 0,5 % pour la CRDS. Mais les revenus dits de remplacement sont taxés à des taux différents, pour des raisons historiques qui remontent à la création de la CSG.

Les revenus de remplacement sont principalement les retraites, dont il a été question ce matin, mais aussi les pensions d’invalidité et les indemnités chômage. L’amendement que vous vous apprêtez à voter concerne donc non pas seulement les pensions de retraite, mais aussi les pensions d’invalidité et les indemnités chômage – il faut bien avoir cela à l’esprit. La question des indemnités journalières est un peu différente, puisque celles-ci ont un taux unique, à 6,2 %.

La rapporteure générale a bien exposé la situation : actuellement, le taux nul de CSG s’applique pour un revenu fiscal de référence inférieur à 10 676 euros ; il est ensuite de 3,8 % jusqu’à 13 956 euros, et de 6,6 % au-delà – augmenté, pour les deux dernières catégories, de 0,5 % de CRDS et, pour la dernière, de 0,3 % au titre de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA.

J’appelle votre attention sur le fait que nous parlons ici du revenu fiscal de référence, après les abattements de 10 % sur l’ensemble des pensions et de 2 000 euros environ pour les personnes de plus de 65 ans. Si l’on parle du montant net des pensions, le taux nul s’applique jusqu’à 1 250 euros net de pension par mois – je vous laisse faire le calcul pour les autres catégories. Pour arriver à un revenu fiscal de référence de 10 676 euros, on retranche 10 %, puis 2 000 euros à 14 000 euros. Et il s’agit de 10 676 euros par part : c’est donc le double pour un couple de retraités.

Pourquoi un tel amendement aujourd’hui ? Quelles mesures ont déjà été prises par le passé ? En 2014, nous avons relevé de 4 % le seuil d’exonération – ce taux était supérieur à l’augmentation de l’inflation et de la fiscalisation. Nous avons également rétabli la demi-part des veuves, que la droite avait supprimée. Par ailleurs, l’introduction d’une majoration des pensions de 10 % pour les personnes ayant élevé trois enfants a permis à des personnes de changer de catégorie. Par parenthèse, je vous signale que des changements de catégorie ont lieu tous les ans, et que cela concerne des centaines de milliers de contribuables.

Mme Valérie Rabault. Bien sûr !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Et cela va continuer car, d’une année à l’autre, les revenus annexes et les montants de pension peuvent varier, en fonction de l’âge du bénéficiaire, mais aussi de la dégressivité ou de la progressivité de sa pension. Chaque année, des contribuables qui étaient jusque-là assujettis à la CSG en sont exonérés, et inversement. Cela concerne, je le répète, plusieurs centaines de milliers de retraités. C’est la règle : on s’indexe sur le revenu fiscal de référence.

Nous avons introduit une autre réforme. Auparavant, ces catégories étaient fixées par le montant de l’impôt qui était payé. Nous sommes revenus au montant du revenu fiscal de référence, parce que, par des crédits d’impôt, certains contribuables un peu plus aisés pouvaient annuler leur impôt et avoir un taux de CSG réduit, alors que d’autres contribuables, aux revenus plus modestes, ne pouvaient bénéficier d’aucun crédit d’impôt – au titre de services à la personne ou d’investissement immobilier, par exemple. Nous avions corrigé cette situation, qui nous semblait choquante.

Cela étant dit, le Gouvernement sera favorable à l’amendement n919. Il demande le retrait des autres amendements et, à défaut, il s’y montrera défavorable.

Je ferai encore deux remarques. Vous m’avez dit, monsieur le rapporteur, que cette somme devrait être compensée à la Sécurité sociale.

Mme Valérie Rabault. Nous vous avons un peu titillé !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Soit ! Dans sa générosité, le Gouvernement compensera en effet cette somme, mais j’insiste, une fois encore, sur le fait que toutes les mesures qui sont décidées par votre assemblée sont compensées par le budget de l’État.

Il est vrai que le déficit de la Sécurité sociale a été quasiment résorbé dans les quatre branches, mais il faut bien avoir conscience que c’est toujours le budget de l’État qui compense : on en est aujourd’hui à plus de 13 milliards de compensation par an. Il ne faut donc pas s’étonner que le budget de l’État se réduise moins vite et moins facilement que celui de la Sécurité sociale.

Quoi qu’il en soit, le Gouvernement s’engage à compenser cette somme et nous modifierons, au cours de la navette parlementaire, l’article du projet de loi de finances relatif aux relations entre l’État et la Sécurité sociale pour assurer cette compensation, que la rapporteure générale a évaluée à 280 millions d’euros – somme que le Gouvernement confirme.

J’en viens à ma seconde remarque. Je vous avais prévenus, et Mme la rapporteure générale a bien voulu le rappeler, qu’il ne serait pas facile techniquement, compte tenu du nombre de contribuables concernés et des multiples caisses de retraite impliquées, de mettre en œuvre cette réforme dans les délais que vous prévoyez. Il ne faut pas croire qu’il suffit d’appuyer sur un bouton pour tout modifier.

Je ne peux pas vous garantir, à cet instant, même si j’ai bon espoir, que les mesures pourront être appliquées dès le 1er  janvier 2017. Si, au cours de la navette parlementaire, cette disposition devait encore être modifiée, il est très clair, en tout cas, que nous ne pourrions pas l’appliquer. Cela impliquerait de procéder à des régularisations et à des rappels tous les mois, ce qui brouillerait totalement la lisibilité de la décision que vous vous apprêtez à approuver.

Je n’exclus donc pas, au cours de la navette, de vous proposer des aménagements qui permettraient de faire toutes les modifications en une fois : certaines seront dues à l’amendement, s’il est adopté – ce que je pressens – et d’autres au mouvement habituel des revenus des contribuables sur l’année précédente, qui peut avoir une influence sur leur revenu fiscal de référence.

J’ai pris un peu de temps pour détailler cette question, monsieur le président, mais c’est une question importante et il fallait que les choses soient claires.

En ce qui concerne l’impact sur le solde général, puisque nous avons introduit des mesures qui apportent de nouvelles recettes – je pense notamment au doublement de la taxe sur les transactions financières –, on peut penser que cette mesure ne dégradera pas sensiblement le solde général du déficit public. Nous ferons une récapitulation à l’issue de nos travaux.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Cette mesure est évidemment très intéressante, mais il faut aussi expliquer pourquoi on en débat aujourd’hui. Si Mme Rabault a défendu cette mesure, au sujet de laquelle M. le secrétaire d’État a exprimé quelques réticences, c’est parce que plus d’un million de retraités ont cessé de bénéficier, ces dernières années, du taux nul ou du taux réduit de CSG. C’est vous qui l’avez décidé ; c’est vous qui l’avez voté. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Denys Robiliard. Et la demi-part des veuves ?

M. Dominique Tian. Un million de retraités a vu son pouvoir d’achat diminuer et, à quelques mois des élections, vous adoptez cette mesure pour essayer de vous rattraper : on le voit bien. Le seul problème, madame Rabault – et M. le secrétaire d’État le sait –, c’est que le financement de cette mesure est très incertain. Vous voulez la financer en mettant fin au régime social et fiscal des actions gratuites, que vous avez mis en place l’année dernière. C’est tout de même assez étonnant !

L’année dernière, M. Emmanuel Macron était venu défendre cette mesure, en nous expliquant qu’elle allait renforcer l’attractivité de la France et pousser les entreprises étrangères à venir s’installer sur la place de Paris. J’assistais hier à une réunion de la place financière de Paris, qui indiquait que la remise en cause de cette mesure était très mal ressentie par les investisseurs étrangers qui souhaitaient venir en France, et qu’elle était stupide, dans le contexte actuel. Alors que, du fait du Brexit, les Anglais voient un certain nombre de leurs banques se délocaliser et que la place de Paris pourrait être attractive, on revient sur une mesure de la loi Macron qui était très bien ressentie par les investisseurs étrangers.

Vous donnez deux signaux négatifs. D’abord, vous alourdissez la fiscalité française, au moment où c’est le plus idiot de le faire, puisqu’on est en concurrence avec d’autres places, comme celle de Francfort ; ensuite, et surtout, vous perpétuez cette incertitude juridique et fiscale, qui est typiquement française. Nous avons voté l’année dernière la loi Macron, qui a rendu la France attractive sur le plan international et, un an plus tard, vous en adoptez la contre-mesure exacte. C’est totalement idiot.

Vous réintroduisez l’exonération de CSG pour les retraités, alors que c’est vous qui l’avez supprimée : tant mieux, même si l’on voit bien que vous voulez en faire un marqueur de gauche. Mais sachez que le moyen de financement que vous avez choisi n’est pas le bon, puisqu’il nuit à l’attractivité économique de la France. Nous sommes favorables à la mesure, qui est intéressante, mais pas au mode de financement que vous proposez.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault.

Mme Valérie Rabault. Monsieur Tian, je ne peux pas vous laisser dire cela. La suppression de la demi-part des veuves, c’est vous qui l’avez votée.

M. Régis Juanico. En 2008 !

Mme Valérie Rabault. C’est vous qui l’avez votée, et ceux qui font le service après-vente de votre mesure, c’est nous ! Vous avez changé le revenu fiscal de référence, en votant la suppression de la demi-part des veuves, et vous n’avez rien fait pour les personnes qui ont perdu l’éligibilité à l’exonération de taxe d’habitation ; vous n’avez rien fait pour les personnes qui ont perdu l’éligibilité à l’exonération de la taxe foncière ; vous n’avez rien fait pour les retraités qui ont perdu le bénéfice du taux nul de CSG ou du taux réduit.

C’est nous qui faisons le service après-vente de vos mesures, alors ne prétendez pas, s’il vous plaît, inverser les causalités !

M. Dominique Tian. Vous y revenez seulement au bout de cinq ans !

Mme Valérie Rabault. Vous savez bien que nous avons fait les choses de manière progressive. Je répète que c’est nous qui faisons le service après-vente de vos mesures, qui étaient incomplètes et qui ont été adoptées sans appréciation d’ensemble de leurs effets secondaires.

S’agissant de la distribution des actions gratuites, vous aurez noté que nous maintenons, pour toutes les PME qui n’ont pas distribué de dividendes, le bénéfice d’un régime fiscal très avantageux applicable à la fois aux cotisations patronales et salariales. Quand un entrepreneur prend des risques en créant par exemple une société et n’a pas les moyens, au départ, de rémunérer un ingénieur ou un technicien à sa valeur de marché, il peut lui distribuer des actions gratuites. Ainsi, le salarié bénéficiera non seulement des succès de l’entreprise, mais également du maintien de la fiscalité plus avantageuse sur les actions gratuites.

Si vous souhaitez, monsieur Tian, que l’ensemble des Français paient les impôts de certains cadres dirigeants de grandes sociétés, alors même qu’aucune prise de risque ne le justifie, sachez que c’est contraire à nos principes – d’où le dispositif que nous avons voté la semaine dernière. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

(Les amendements identiques nos 919 et 924, modifiés par la suppression du gage, sont adoptés et les amendements nos 356 rectifié et 890 rectifié tombent.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 174 et 563.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n174.

M. Dominique Tian. Le présent amendement vise à étendre le bénéfice de l’application temporaire d’un forfait social réduit – 8 % au lieu de 20 % –, prévue par la loi Macron, aux entreprises de moins de cinquante salariés mettant pour la première fois en place un plan d’épargne salariale, qu’il s’agisse d’un plan d’épargne d’entreprise de droit commun– PEE – ou d’un plan d’épargne pour la retraite collectif – PERCO.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement n563.

Mme Isabelle Le Callennec. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. L’article L. 137-16 du code de la Sécurité sociale prévoit déjà l’application d’un taux réduit de forfait social aux sommes versées par les employeurs au titre de la participation ou de l’intéressement, lorsque l’entreprise n’est pas tenue de mettre en place un tel accord, notamment si elle compte moins de cinquante salariés et lorsque l’accord est le premier qu’elle conclut ou le premier depuis au moins cinq ans. Les présents amendements visent à étendre ce régime de faveur aux plans d’épargne collective mis en place pour la première fois. Ils ont sans doute un coût important, que vous n’évaluez pas. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Quand vous êtes arrivés aux affaires, l’une de vos premières mesures a été d’augmenter le taux du forfait social de 8 % à 20 % et les conséquences dans les entreprises ont été immédiatement perceptibles. Ces amendements visent à élargir aux entreprises citées le bénéfice du taux de forfait social réduit. Si nous voulons renforcer le lien entre les entreprises et les salariés, il faut associer ces derniers par l’intéressement et la participation aux résultats de l’entreprise, qu’ils soient bons ou mauvais.

Avec la loi travail, vous semblez vouloir inciter les entreprises à signer des accords. Pour cela, il convient de renforcer le lien entre les entreprises et les salariés, et l’application du taux du forfait social à 8 % y aurait contribué.

(Les amendements identiques nos 174 et 563 ne sont pas adoptés.)

Article 12

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n59.

M. Dominique Tian. Le Gouvernement a présenté, il y a deux jours, un plan de simplification des formalités administratives pour les cotisants. Je propose de préciser à l’article 12 que les déclarations pourront être envoyées de manière dématérialisée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je fais remarquer à M. Tian que, dans sa rédaction actuelle, son amendement aurait pour effet de créer une obligation d’envoyer les déclarations de manière dématérialisée, ce qui risque d’introduire plus de confusion que de simplification. Avis défavorable.

(L’amendement n59, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Bapt, les amendements nos 730, 734 et 736 sont rédactionnels, me semble-t-il.

M. Gérard Bapt, rapporteur. En effet, monsieur le président.

(Les amendements nos 730, 734 et 736, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 12, amendé, est adopté.)

Après l’article 12

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 272, 357 et 450, portant article additionnel après l’article 12.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n272.

M. Dominique Tian. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour soutenir l’amendement n357.

M. Paul Giacobbi. Il l’est également.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n450.

M. Gilles Lurton. Défendu.

(Les amendements identiques nos 272, 357 et 450, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Article 13

M. le président. Je suis saisi de trois amendements rédactionnels, nos 737, 738 et 739, de M. Bapt.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ils sont défendus, monsieur le président.

(Les amendements nos 737, 738 et 739, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Viala, pour soutenir l’amendement n213 rectifié.

M. Arnaud Viala, rapporteur de la commission des affaires sociales. Il est défendu.

(L’amendement n213 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 13, amendé, est adopté.)

Article 14

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n834, qui fait l’objet d’un sous-amendement n910.

La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pour des motifs de sécurité juridique et d’efficacité du dispositif proposé, il paraît opportun de préciser que la mesure conservatoire de recouvrement s’applique aux constats de travail dissimulé dressés par les inspecteurs du recouvrement mais aussi à ceux transmis par les agents issus d’un autre corps de contrôle, comme l’inspection du travail. Il convient également de préciser que cette mesure couvre l’ensemble des dettes du cotisant fraudeur évaluées à l’occasion du constat de travail dissimulé. Bien entendu, ces dispositions permettront d’améliorer la lutte contre la fraude, notamment dans le cadre de travail dissimulé.

M. le président. La parole est à M. Bapt, pour soutenir le sous-amendement n910, à l’amendement n834 et donner l’avis de la commission sur l’amendement.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Le sous-amendement est rédactionnel.

La commission est favorable à l’amendement n834, car il importe de repérer la fraude, quel que soit le corps de contrôle chargé d’établir le constat. Cette disposition renforcera donc la lutte contre la fraude.

(Le sous-amendement n910, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’amendement n834, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Bapt, pour soutenir l’amendement n743.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il est rédactionnel.

(L’amendement n743, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n904.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il vise à alléger le formalisme sans restreindre les droits du cotisant, en supprimant les éléments de formalisme contraignants pour l’organisme comme pour le cotisant, dans la mesure où ces derniers ne lui apportent pas de garantie supplémentaire. Ainsi, la remise en main propre du document informatif et surtout l’obligation pour le cotisant de le signer ne semblent pas justifiées et sont donc supprimées.

(L’amendement n904, accepté par la commission, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 600 rectifié et 74 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n600 rectifié.

M. Francis Vercamer. Il vise à moduler les sanctions prévues en matière de travail dissimulé, lorsque la bonne foi de l’employeur est établie. En effet, la requalification du travail indépendant en travail salarié s’accompagne de sanctions sévères, que l’URSSAF n’a pas la possibilité de moduler en fonction de la gravité de l’irrégularité constatée. Ces irrégularités pouvant être de nature différente, il devrait être possible d’adapter la sanction à la nature de la fraude.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n74 rectifié.

M. Dominique Tian. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous souhaitez remettre en cause l’automaticité des annulations en introduisant le principe d’une modulation, dans le cadre de la requalification de faux travailleurs indépendants. Néanmoins, plusieurs éléments s’opposent à l’adoption de ce dispositif. D’une part, la dissimulation d’emplois salariés est un délit prévu par le code du travail et ne doit être banalisée sous aucune de ses formes. D’autre part, le dispositif que vous proposez introduirait une confusion des rôles, parce que ce n’est pas aux agents des URSSAF de déterminer si un employeur mérite ou non d’être exempté de l’annulation. Une telle responsabilité reviendrait à faire peser le soupçon sur certaines décisions des agents de l’URSSAF.

Enfin, ces annulations, qu’il revient au juge de prononcer, sont très rares et les sanctions sont moins importantes que nous pourrions le penser. Selon l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale – l’ACOSS –, en 2015, 2 300 annulations ont été prononcées, pour un montant total de 28 millions d’euros, soit une annulation moyenne de 12 000 euros par entreprise. Il convient donc de maintenir le dispositif actuel. La commission a émis un avis défavorable sur votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je m’étonne de cet amendement, car j’ai connu M. Tian beaucoup plus vigoureux dans la lutte contre la fraude. Je me souviens de ses attaques enflammées contre les profiteurs et les fraudeurs en matière de prestations et de droits sociaux. Mais il ne s’agit pas de la même fraude, puisque le présent amendement vise à lutter contre le travail dissimulé. Je sais bien que c’est dans l’air du temps : certains candidats à la primaire de la droite proposent quasiment de supprimer les contrôles fiscaux et de restreindre à un an seulement le délai de reprise. C’est comme cela que l’on luttera contre la fraude ?

Cet amendement est vraiment révélateur de la déviance d’un certain côté de l’hémicycle, qui veut tout tolérer et ne plus rien contrôler. Ils sont favorables aux peines planchers pour certains mais défavorables aux sanctions appliquées aux employeurs qui pratiquent le travail dissimilé. Il y a de bonnes raisons pour repousser cet amendement.

M. Michel Issindou. C’est ce que nous ferons !

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je vois que l’on répond à M. Tian, alors qu’il s’agit de mon amendement ! Je précise que cette disposition s’inspire du rapport issu de la conduite par Bernard Gérard et Marc Goua, lequel est, jusqu’à nouvel ordre, plutôt de gauche que de droite. Arrêtez donc de dire qu’elle est défendue par la droite !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne vois pas M. Goua dans l’hémicycle !

M. Francis Vercamer. Ces députés, l’un de droite et l’autre de gauche, ont proposé de moduler la sanction, lorsque la bonne foi de l’employeur est établie.

(Les amendements nos 600 rectifié et 74 rectifié, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Monsieur Bapt, les amendements nos 754 rectifié, 751 sont des amendements de coordination et l’amendement n752 est rédactionnel, n’est-ce pas ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Tout à fait, monsieur le président.

(Les amendements nos 754 rectifié, 751 et 752, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n903.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Afin de renforcer les droits des cotisants, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 a posé le principe de la motivation des mises en demeure émises par les URSSAF. Pour des raisons de cohérence et d’équité, il est proposé de rendre applicable cette mesure de sécurisation juridique pour les cotisants aux mises en demeure émises par les caisses de la mutualité sociale agricole, la MSA. Cette mesure me semble de bon aloi et devrait être approuvée à l’unanimité par le Parlement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Favorable, puisque l’amendement vise à préciser et donc à mieux faire respecter les droits du cotisant.

(L’amendement n903 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Bapt, pour soutenir l’amendement n753.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Amendement rédactionnel, monsieur le président.

(L’amendement n753, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n902.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cet amendement vise à préciser les modalités d’application de la réduction du délai de prescription des mises en demeure pour celles qui ont été notifiées avant l’entrée en vigueur de la présente loi. Il serait presque possible de soutenir qu’il s’agit d’un amendement de coordination.

(L’amendement n902, accepté par la commission, est adopté.)

(L’article 14, amendé, est adopté.)

Après l’article 14

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 14.

La parole est à M. Paul Giacobbi, pour soutenir l’amendement n358.

M. Paul Giacobbi. Il est défendu.

(L’amendement n358, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour soutenir l’amendement n359.

M. Paul Giacobbi. Il est défendu.

(L’amendement n359, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n72.

M. Dominique Tian. Il est défendu.

(L’amendement n72, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 73 et 256.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n73.

M. Dominique Tian. Cet amendement, qui est suggéré par des entreprises, vise à supprimer les coefficients multiplicateurs lorsque les redressements concernent les entreprises de moins de onze salariés.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n256.

M. Gilles Lurton. J’ai signé cet amendement que M. Gérard a l’habitude de déposer chaque année et qui est identique à celui qu’a défendu M. Tian.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Défavorable.

La commission a déjà repoussé cet amendement l’an dernier. Non seulement le mécanisme est déjà proportionnel mais la réforme de l’année dernière sur la base du rapport cité a déjà conduit à une baisse de 80 % à 90 % du montant du redressement. Il semble d’ailleurs plus facile de couvrir tous ses salariés lorsqu’ils sont dix que lorsqu’ils sont mille.

Les auteurs de ces amendements prétendent enfin indemniser les petites entreprises pour la mise en place de la complémentaire santé, qui a constitué un progrès pour des milliers de salariés. Or, même si les difficultés ont été bien réelles, on ne dédommage pas des problèmes ponctuels par une baisse de recettes permanente.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le redressement proportionnel est déjà un outil favorable aux cotisants, puisque les coefficients multiplicateurs, qui ne sont pas des sanctions, ne s’appliquent que lorsqu’ils sont plus favorables aux cotisants que les modalités de redressement classiques. Cet amendement irait à contresens : son adoption ne serait donc pas dans l’intérêt des cotisants. Avis défavorable.

(Les amendements identiques nos 73 et 256 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n258.

M. Gilles Lurton. Je comprends mieux pourquoi on refuse tous les rapports qui sont demandés dans l’hémicycle. Ce n’est pas seulement parce qu’ils représentent une charge de travail supplémentaire tout en étant parfois très peu lus. C’est surtout parce que leurs conclusions ne sont jamais suivies, même lorsqu’elles sont bonnes. Cet amendement reprend une proposition du rapport de MM. Gérard et Goua, Pour un nouveau mode de relations Urssaf/Entreprises, et ses auteurs le déposent à chaque PLFSS. Son objectif est d’améliorer le processus de décision de la commission de recours amiable – CRA. Après une étude très approfondie, MM. Gérard et Goua ont estimé que cette mesure devait être prise. C’est la raison pour laquelle je vous propose de voter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Monsieur Lurton, vous faites une interprétation un peu abusive du rapport que vous citez. Du reste, M. Goua n’a ni cosigné cet amendement ni signé un amendement identique à celui-ci.

Mme Isabelle Le Callennec. Vous l’avez intimidé !

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission avait déjà repoussé l’année dernière cet amendement qui vise à bloquer la machine car, s’il était adopté, les commissions de recours amiable seraient débordées. Mieux vaut rester simple ! Plus rapidement la décision de la CRA sera rendue, plus rapidement sera saisi le juge du tribunal des affaires de sécurité sociale – TASS –, qui est le seul compétent pour juger ces affaires sur le fond. J’émets donc de nouveau un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même si l’avis du Gouvernement est défavorable sur la base de ce qu’a dit le rapporteur, je tiens à observer, monsieur Lurton, que vous soulevez une vraie question. Lorsque des parlementaires rendent un rapport, le Gouvernement peut évidemment examiner leurs propositions. Doit-il pour autant en reprendre l’ensemble ?

Mme Isabelle Le Callennec. Il pourrait en reprendre au moins quelques-unes, lorsqu’elles sont bonnes !

M. Gilles Lurton. D’autant que ces parlementaires ont travaillé sur le sujet !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je nie d’autant moins le travail de MM. Goua et Gérard que j’ai effectué un déplacement à leurs côtés et que j’ai longuement discuté avec eux de tous ces sujets. Nous avons d’ailleurs repris l’année dernière un grand nombre de leurs propositions dans les modifications que nous avons introduites dans la loi de financement de la Sécurité sociale. Toutefois, ce n’est pas parce que des mesures figurent dans un rapport parlementaire que le Gouvernement doit toutes les faire siennes, fussent-elles proposées par deux députés appartenant chacun à un côté de l’hémicycle. Il convient de laisser sa part au débat.

Je me permets d’ajouter que ce n’est pas non plus parce que des propositions figurent dans des rapports souvent non parlementaires que le Gouvernement est engagé par elles. J’ai encore lu plusieurs articles de presse sur la proposition de taxer les propriétaires de leurs résidences principales. Il est vrai qu’un organisme non gouvernemental a évoqué cette question, mais j’ai déjà affirmé un nombre incalculable de fois – M. de Courson le sait, il était présent le soir même – qu’il n’est pas question de reprendre cette proposition.

Hier soir, M. Tian a même parlé au nom de M. Terrasse, ce qui m’a fait sourire.

Mme Isabelle Le Callennec. M. Terrasse a bien rendu un rapport sur une question évoquée hier au soir à l’article 9 !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Si M. Terrasse a bien déposé un amendement après avoir rendu un rapport, dont nous nous sommes d’ailleurs d’autant plus inspirés que nous y avons travaillé ensemble dans le cadre de nombreux échanges, laissez en revanche les parlementaires auteurs de rapports soutenir ou ne pas soutenir les propositions qu’ils ont pu formuler. Je le répète : ce n’est pas parce que nous en avons repris un grand nombre que nous devons les reprendre toutes. Celle-ci ne nous paraît pas opportune.

(L’amendement n258 n’est pas adopté.)

M. le président. Avant de donner la parole à M. Lurton pour soutenir l’amendement n257, j’informe l’Assemblée qu’en application de l’article 95 du règlement, le Gouvernement demande que soient examinés par priorité, immédiatement après l’article 15, l’article 18 ainsi que les amendements portant article additionnel après l’article 18. (Exclamations sur divers bancs.)

Mme Isabelle Le Callennec. Vous désorganisez tout !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour un rappel au règlement.

M. Gilles Lurton. Monsieur le président, je tiens à faire un rappel au règlement, au titre de l’article 58 du règlement, relatif au fonctionnement des travaux. Nous nous demandons en effet ce qui justifie cette inversion de l’examen des articles. Nous souhaitons que le texte soit examiné dans l’ordre prévu.

M. le président. Le Gouvernement a la faculté de demander l’examen par priorité d’articles sans avoir à se justifier.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mesdames et messieurs les députés, je comprends les difficultés des parlementaires, lesquels doivent également comprendre celles des ministres, qui doivent, pour des raisons d’organisation…

Mme Isabelle Le Callennec. Quelles difficultés ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Madame la députée, les ministres ont eux aussi des engagements.

M. Dominique Tian. Ils savent tout de même que le PLFSS est en cours d’examen !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ils ne peuvent pas toujours prévoir la longueur des débats. Vous auriez peut-être été choqués que la ministre de la santé ne soit pas là lors de l’examen des amendements relatifs à la question des médicaments,…

M. Jean-Louis Dumont. Elle était bien absente hier au soir ! Quel mépris envers le Parlement !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …question sur laquelle je suis moins apte à défendre les positions du Gouvernement.

Mme Isabelle Le Callennec. La question du tabac est-elle moins importante ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je m’absenterai pour laisser la ministre de la santé donner les positions du Gouvernement sur des questions centrées sur la santé. C’est habituellement le ministre le plus concerné par les questions qui sont abordées – je n’ose dire le plus compétent – qui vient devant vous.

Mme Isabelle Le Callennec. Vous auriez pu nous prévenir, ne serait-ce qu’hier soir, à une heure du matin !

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Monsieur le président, nous sommes prévenus au dernier moment et donc mis devant le fait accompli. C’est pourquoi je demande une suspension de séance de trente minutes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La suspension de séance est de droit. Toutefois, dix minutes devraient suffire, monsieur Lurton !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures cinquante-cinq, est reprise à onze heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n257.

M. Gilles Lurton. Il est défendu.

(L’amendement n257, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n674 rectifié.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, vous vous souvenez tous de l’article 23 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015, qui a modifié les modalités de recouvrement des cotisations sociales dues au titre des indemnités de congés payés.

Il existe en France quatre catégories de caisses de congés payés : celle des intermittents du spectacle ; celles du transport et de la manutention, qui font l’objet du présent amendement ; celles du bâtiment ; celles des dockers. Après de nombreux débats, la caisse des intermittents du spectacle a été écartée du nouveau dispositif de recouvrement des cotisations sociales. En revanche, les caisses des dockers et du bâtiment ont souhaité le maintien des dispositions adoptées.

Restent donc les caisses du transport et de la manutention, qui font l’objet de l’amendement n674 rectifié. Dans ce secteur professionnel, la mobilité importante des salariés et leur rattachement à de très nombreux employeurs confèrent aux caisses de congés payés un rôle particulier justifiant que soient exclus du nouveau dispositif les employeurs affiliés aux caisses de congés payés assurant le service mentionné à l’article D. 1325-2 du code des transports.

Par ailleurs, les caisses de congés payés du transport et de la manutention se sont engagées auprès du ministère du travail à mettre prochainement en œuvre un contrat d’objectifs et de progrès ayant pour finalité de garantir leur stabilité financière. L’un des quatre objectifs consiste à maîtriser le taux de cotisation appelé auprès des employeurs, notamment en améliorant la rentabilité de leurs produits financiers. Or l’anticipation du paiement des cotisations sociales conduirait les caisses de congés payés du transport et de la manutention à perdre une part importante de leur trésorerie, réduite en volume après l’avoir été dans les taux de rendement, ce qui obérerait leur capacité à respecter leurs engagements et hypothéquerait leur pérennité.

L’objet de l’amendement n674 rectifié est simple : il s’agit de répondre à la demande des caisses de congés payés du transport et de la manutention d’être traitées comme la caisse des intermittents du spectacle.

Je rappelle que les caisses de congés payés n’ont pas seulement pour objet de verser des indemnités de congés payés : elles aident aussi les salariés dans le calcul de leurs droits. Leur action sociale est loin d’être négligeable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. J’ai rencontré, avec M. de Courson, les gestionnaires de ces caisses. Effectivement, il ne faut pas méconnaître les engagements qu’elles prennent en matière de rationalisation des coûts d’exploitation, ni ceux qu’elles doivent continuer à assumer en matière d’action sociale. Cependant, la référence à la caisse de congés payés des intermittents du spectacle n’est pas opérante, car on connaît le contexte très particulier dans lequel les décisions concernant cette caisse ont été prises.

Je ne vous cache pas, monsieur de Courson, que je n’arrive pas à comprendre comment votre amendement, dont vous évaluez le coût à 200 millions d’euros, n’aurait aucune incidence sur le solde des comptes sociaux et n’aggraverait pas le déficit de la Sécurité sociale. Cette question ne concerne pas uniquement le fonctionnement des caisses de congés payés : elle a également un impact sur le solde de notre budget. C’est l’évaluation du coût de cet amendement qui justifie l’avis défavorable que lui donne notre commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il y a deux ans, on nous avait annoncé que l’article 23 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 était une catastrophe, qu’il allait tout bouleverser, tout détruire… Or cet article a été mis en œuvre et, à notre connaissance, il n’y a pas eu de catastrophe ni de difficulté particulière. Les droits des salariés, notamment de ceux du secteur des transports, n’ont pas changé. Il n’y a donc pas lieu de revenir en arrière. S’il devait y avoir des difficultés particulières, nous pourrions évidemment toujours les traiter, mais le catastrophisme ambiant de 2014 a fait pschitt ! Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Les caisses de congés payés du transport et de la manutention sont gérées par les partenaires sociaux, qui demandent l’adoption de cet amendement. Pourquoi avoir accepté cette disposition pour les intermittents du spectacle si vous la refusez pour les autres caisses qui la demandent,…

M. Francis Vercamer. C’est vrai !

M. Charles de Courson. …sachant que les caisses du bâtiment et des dockers sont favorables au statu quo ? Respectons les partenaires sociaux !

M. le rapporteur souligne que cet amendement coûterait 200 millions d’euros. C’est vrai, mais il s’agit d’une dépense ponctuelle, puisque le fameux article 23 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 consistait à accélérer le versement des cotisations. Ainsi, un retour au dispositif antérieur entraînerait un différentiel ponctuel de 200 millions d’euros, car les caisses de congés payés du transport et de la manutention fixent des taux de cotisation assez élevés.

En effet, en raison des spécificités de leur travail, les salariés de ce secteur ont beaucoup de congés payés ou encore de modes de récupération. C’est cela qui explique les taux élevés. Il faut respecter les partenaires sociaux qui, je le répète, sont demandeurs. Laissons-les gérer leurs affaires !

(L’amendement n674 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement n742.

M. François Pupponi. Le présent amendement a trait à la dette sociale de l’agriculture corse – et nous reparlerons de l’île tout à l’heure. L’an passé, des amendements ont été votés prévoyant un plan de résorption des dettes. À la suite d’une inspection, il a été décidé de créer un nouveau dispositif en vue de les apurer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission a considéré qu’en recommandant de solder définitivement les vieilles dettes accumulées par les exploitants corses, cet amendement visait à se concentrer sur les dossiers les plus importants, après avoir apuré les petits dossiers concernant l’agriculture corse. Elle a donc donné un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il s’agit, suite aux conclusions du rapport auquel il a été fait allusion, de modifier certaines dates, fixées et votées l’année dernière, afin de poursuivre le plan de résorption des petites dettes. Le Gouvernement est favorable à votre amendement, monsieur Pupponi.

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Je me réjouis que des dispositions concernant la Corse puissent intéresser les députés qui ne sont pas des élus de l’île,…

M. Dominique Tian. La Corse, c’est la France !

M. Paul Giacobbi. …en particulier M. Pupponi. (Sourires.)

Un député du groupe Les Républicains. C’est l’intergroupe corse !

M. Paul Giacobbi. Il n’y a pas d’intergroupe corse, tout au plus une amitié entre certains députés, de tous bords, au demeurant. Je tiens donc à remercier le Gouvernement ainsi que M. Pupponi.

Permettez-moi de faire remarquer qu’il ne s’agit pas d’exonérer ou d’accorder un quelconque avantage, mais d’inciter à régler ses dettes, ce qui est le plus sûr moyen de s’enrichir, comme chacun sait, et de sortir d’une situation inextricable. Les gouvernements successifs ont essayé de lui trouver une solution et, aujourd’hui, celle-ci est en train de se solder, ce qui est une excellente nouvelle.

Et voici M. Gandolfi-Scheit, autre membre du supposé intergroupe, qui entre dans l’hémicycle ; je ne doute pas qu’il ait lui aussi une opinion favorable. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, pendant dix ans, du temps du BAPSA, le budget annexe des prestations sociales agricoles, j’en étais le rapporteur. Je procédais à cinq contrôles de caisses par an, aux quatre coins de la France, et, deux années de suite, je me suis rendu en Corse. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) J’y ai découvert une situation épouvantable. Tout d’abord, je me suis rendu compte que le président de la caisse ne payait pas ses cotisations – il faut bien qu’une telle présidence serve à quelque chose.

M. Bernard Accoyer. Gardez le secret sur son identité, par charité !

M. Charles de Courson. Mon cher collègue, j’assume totalement. On ne peut pas couvrir de telles situations. Car qui paie ? Le reste des Français, le reste des agriculteurs de France. Il faut un peu de sérieux dans cette affaire.

Les cotisations sociales étaient fort peu recouvrées. Il faut dire que le président lui-même, un gros viticulteur de la plaine d’Aléria, donnait l’exemple. C’est public, mes chers collègues : tout cela figure dans des rapports de la Cour des comptes. Il a fallu suspendre le conseil d’administration et nommer un administrateur provisoire, qui a fait l’objet de toutes les menaces possibles et imaginables. Le directeur de la caisse s’est suicidé ; c’était une telle pétaudière qu’il avait quelques regrets, je suppose.

Mes chers collègues, je suis républicain,…

M. Michel Issindou. À la bonne heure ! C’est bien le moins !

M. Charles de Courson. …et ma famille l’est depuis le XIXe siècle. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Michel Issindou. Nous le sommes tous !

M. Charles de Courson. Et on est en droit de l’attendre de tous. Peut-on traiter ainsi les affaires de la Mutualité sociale agricole, en prévoyant des dispositifs particuliers pour la Corse ? Pourquoi pas pour la Meuse ou les Ardennes ? (Exclamations.)

M. Gérard Bapt, rapporteur. Dans les Ardennes, on a créé un BER, un bassin d’emploi à redynamiser !

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, je ne peux pas être d’accord avec cette logique. Peut-on accepter que certains ne paient pas leurs cotisations, le président en tête ? Avec un tel dispositif, on justifie une telle situation de fait. Je rappelle que l’article de la loi de finances rectificative de 2015 prévoyait même des annulations de dette. Je ne peux pas participer à cela, je ne peux pas cautionner une telle disposition, qui ruine la crédibilité de l’État. Je ne suis pas d’accord. Que chaque caisse adopte des mesures pour des gens en difficulté, cela peut se concevoir – les crédits que la caisse centrale délègue à cet effet ne sont d’ailleurs pas très élevés. Mais il ne faut pas instaurer de disposition dérogatoire ; sinon, chaque caisse viendra demander la sienne. Pourquoi, alors, ne pas voter une mesure dérogatoire pour les éleveurs ? On ne peut pas légiférer ainsi, ce n’est pas possible.

M. François Pupponi. Monsieur le président !

M. le président. Mes chers collègues, nous n’allons pas exagérément prolonger le débat, les choses sont claires. Je vais mettre aux voix cet amendement.

M. Bernard Accoyer. Quelle sagesse !

M. François Pupponi. Mais nous avons entendu des attaques graves !

(L’amendement n742 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 255 rectifié et 71, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n255 rectifié.

M. Gilles Lurton. Cet amendement étend la possibilité donnée aux URSSAF de moduler les redressements opérés en matière de protection sociale complémentaire, aux contrôles en cours au 1er janvier 2016 et dont les sommes dues n’ont pas un caractère définitif. Je ne reviens pas sur le rapport qui est à l’origine de cet amendement et je respecte pleinement le droit du Gouvernement de ne pas suivre les conclusions d’un rapport. Je demande toutefois que soit respecté le droit des parlementaires de déposer des amendements visant à respecter les conclusions des rapports qu’ils ont rédigés.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n71.

M. Dominique Tian. M. Lurton a raison : lorsque le Gouvernement et la commission sont défavorables à un rapport parlementaire, on lui fait un mauvais procès. Rappelez-vous que cela vous a coûté cher, hier soir, s’agissant de l’économie collaborative.

M. Philippe Vitel. Eh oui !

M. Dominique Tian. Alors que le beau travail de M. Terrasse apportait des solutions, vous vous êtes obstinés à en trouver d’autres et vous avez été battus. Vous pouvez continuer ainsi, mais il est excessif d’affirmer que le rapport cosigné par notre collègue Gérard n’a servi à rien.

Intitulé « Pour un nouveau mode de relations URSSAF/Entreprises », il contient un certain nombre de possibilités d’amélioration, notamment la modulation des redressements opérés. Tout le monde y est favorable : les professionnels comme l’URSSAF vous disent que c’est la bonne formule et le rapport parlementaire rédigé par un député de droite et un député de gauche conclut la même chose. Je ne vois donc pas pourquoi vous vous obstineriez à prétendre le contraire.

Il est assez désagréable de s’entendre dire que les rapports parlementaires ne servent à rien. Cela revient à dire que le Parlement ne sert à rien, que les députés ne servent à rien,…

M. Bernard Accoyer. Que l’Assemblée ne sert à rien !

M. Dominique Tian. Voilà, vous voyez vers quoi cela nous mène : l’Assemblée ne sert à rien, et peut-être le Gouvernement non plus.

Nous disposons d’un rapport parlementaire émanant de la droite et de la gauche qui est arrivé à une conclusion unanime : allons-y !

M. Bernard Accoyer. C’est clair !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Monsieur Tian, je ferai la même remarque que tout à l’heure. Vous interprétez abusivement le rapport invoqué. Je vous indique au passage que M. Goua n’est pas signataire de cet amendement.

M. Dominique Tian. On ne sait pas ce qu’il y en pense !

M. Gilles Lurton. Il ne peut pas être signataire !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il ne serait peut-être pas d’accord pour dire que votre amendement est issu du rapport. D’ailleurs, dans l’exposé sommaire, vous écrivez qu’il s’inscrit « dans la continuité du rapport », ce qui constitue tout de même une différence.

De plus, cet amendement ne présente aucun intérêt, la rétroactivité pour 2015 n’existant pas ; de toute façon, ces contrôles portent sur moins d’une année. Qu’adviendra-t-il par ailleurs des contrôles engagés le 2 janvier 2016 ? Je pense que les cas doivent être rarissimes ; le principe de la rétroactivité que vous appelez de vos vœux est difficilement compréhensible et introduira de la confusion. Or, dans ce domaine, après ce que l’on a connu, je ne pense pas que l’on ait intérêt à introduire à nouveau de la confusion.

L’avis de la commission est donc défavorable.

(Les amendements no255 rectifié et 71, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n835.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le présent amendement a pour objet d’autoriser l’URSSAF à continuer d’utiliser les autorisations de prélèvement dont elle dispose, nonobstant la migration vers le modèle dit « SEPA » – Single Euro Payments Area –, nouveau format des prélèvements. Si cet amendement n’était pas adopté, l’ACOSS devrait redemander des autorisations de prélèvement à l’ensemble des cotisants, puisque l’on a changé de modèle de prélèvement pour se mettre en conformité avec le modèle SEPA.

Cette mesure n’aura aucune incidence financière. Au contraire, elle permettra d’éviter un certain nombre de démarches superfétatoires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement limitera le nombre de contentieux inutiles et par là même contribuera à faire des économies. La commission a donné un avis favorable.

(L’amendement n835 est adopté.)

Article 15

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle, inscrit sur l’article.

M. Jean Lassalle. Monsieur le président, mes chers collègues, nous en arrivons au sujet des médicaments et plus particulièrement des contrôles diligentés par les URSSAF et les caisses de la Mutualité sociale agricole.

Je ressens de plus en plus fortement, au point de ne pas pouvoir m’empêcher de le dire, que notre société est trop fondée sur le contrôle, la méfiance, alors que l’on devrait enseigner à se faire confiance. Je vois les difficultés extrêmes dans lesquelles se débattent un certain nombre de mes compatriotes lorsqu’il s’agit de remplir tel ou tel formulaire, de répondre à telle ou telle question. Il n’y a plus d’assistantes sociales. Seuls les départements en embauchent quelques-unes, mais pour combien de temps ? On ne le sait pas, avec le RSA – le revenu de solidarité active –, auquel ils doivent faire face. Il n’y a pratiquement plus aucun conseiller nulle part. En revanche, des contrôleurs, il y en a, et à foison. Je vois, dans ma permanence parlementaire, le temps que nous devons passer – et si c’est le cas dans la mienne, cela doit l’être aussi dans les vôtres, mes chers collègues – à aider nos compatriotes à essayer d’éclaircir des dossiers, des demandes, parce qu’ils ne parviennent pas à le faire eux-mêmes.

Je veux insister sur le sentiment de paupérisation que j’ai constaté, hier après-midi encore, en me rendant à la manifestation des policiers. J’ai été très impressionné. J’ai vu une manifestation qui n’était plus encadrée par les syndicats, les policiers manifestant librement, et, parmi eux, des mères de famille de toutes conditions, des sapeurs-pompiers. J’ai trouvé une France complètement « à la ramasse », une France « à la rue », une France très loin de ce que nous faisons ici aujourd’hui. Nous travaillons certes à améliorer son sort, mais nous travaillons certainement trop lentement.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n837.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Par cet amendement, il s’agit d’étendre la liste des agents de contrôle habilités à contrôler les travailleurs détachés en France. C’est un amendement de précision, utile pour la lutte contre les excès, les abus ou les infractions aux règles relatives au travail détaché.

(L’amendement n837, accepté par la commission, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 61 et 905, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n61.

M. Dominique Tian. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n905.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cet amendement, qui tend à corriger une erreur rédactionnelle, a le même objet que celui de M. Tian. Je lui propose donc de le retirer au profit de celui du Gouvernement, qui est mieux écrit.

M. Jean-Louis Dumont. Provocateur !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Monsieur Tian, alors que votre amendement tend à substituer, à la première phrase de l’alinéa 4, aux mots : « salarié concerné », les mots : « personne concernée », celui du Gouvernement propose quant à lui de substituer, au mot : « salarié », le mot : « travailleur ».

M. Michel Issindou. Cela n’a rien à voir ! C’est beaucoup mieux !

M. Gérard Bapt, rapporteur. L’objectif étant le même, vous ne manquerez pas d’être, pour une fois, satisfait.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Puisque l’amendement du Gouvernement est mieux rédigé – il écrit forcément mieux que moi –, je retire bien volontiers le mien. (Sourires.)

(L’amendement n61 est retiré.)

(L’amendement n905 est adopté.)

(L’article 15, amendé, est adopté.)

Article 18 (appelé par priorité)

M. le président. Je rappelle qu’à la demande du Gouvernement, nous allons examiner par priorité l’article 18 et les amendements portant article additionnel après l’article 18.

Plusieurs orateurs sont inscrits sur cet article.

La parole est à M. Dominique Tian

M. Dominique Tian. Le médicament est, une nouvelle fois, la principale variable d’ajustement des dépenses de l’assurance maladie : en cinq ans, ce sont plus de 7 milliards d’euros qui ont été prélevés sur cette filière. L’industrie du médicament représente pourtant dans notre pays plus de 100 000 emplois, pour un chiffre d’affaires de 53 milliards d’euros, dont 48 % à l’exportation, et un apport positif de plus de 7 milliards d’euros à notre balance commerciale.

L’ensemble des laboratoires ne cessent d’appeler notre attention sur le fait qu’en France, l’innovation, la recherche et le développement – la R&D – sont mis à mal par les prélèvements continuels opérés sur cette variable d’ajustement, et que cela pose un véritable problème économique.

Le groupe Les Républicains, dont nombre d’orateurs s’exprimeront, ne cesse de vous engager à prendre garde à cette variable d’ajustement, sur laquelle vous tirez trop. Les économies à réaliser par le système de santé doivent également porter sur les gaspillages, la fraude et le fonctionnement de la Sécurité sociale, qui pourrait comporter d’autres variables d’ajustement.

Je note du reste qu’en cinq ans, madame la ministre, vous n’avez conduit aucune réforme capable d’aligner le système de sécurité sociale de la France sur ceux d’autres pays. En Allemagne, notamment, les comptes de l’assurance maladie sont positifs, alors qu’ils sont toujours déficitaires en France. Ce n’est pas à chaque fois le médicament qui doit payer le prix du manque de courage du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dior… Pardon, à M. Jean-Pierre Door ! (Rires.)

M. Jean-Pierre Door. Je n’ai pas cette chance, monsieur le président.

M. Bernard Accoyer. Quelle présidence haute couture !

M. Jean-Pierre Door. Je ne doute pas que Mme la ministre apprécie Christian Dior, mais je ne suis pour ma part que Jean-Pierre Door. (Sourires.)

Madame la ministre, après quatre années de régulation comptable et malgré le retour de l’innovation, le médicament est à nouveau contraint de supporter près de 50 % des mesures d’économie. L’industrie pharmaceutique est ainsi devenue la martingale de la majorité. Le médicament est donc la principale variable d’ajustement, mais à quel prix ! Comme le rappelait M. Tian, ce sont la baisse des investissements industriels, réduits de 4,5 % ces trois dernières années, le recul de la France dans la recherche pharmaceutique mondiale et la stagnation de l’activité de production. Alors que notre région compte de gros laboratoires, onze PSE – plans de sauvegarde de l’emploi – ont été lancés depuis le début de l’année ; 1 953 postes ont été supprimés en 2016, 1 560 en 2015, et un total de 10 000 emplois ont disparu au cours des six dernières années.



Ce projet de loi de financement fixe une nouvelle fois des objectifs d’évolution des dépenses irréalistes au regard des innovations thérapeutiques sans précédent qui se font jour.



Au moment de l’examen du dernier PLFSS de cette mandature, il faudrait commencer à s’interroger et cesser de détruire un outil économique fantastique dont nous disposons sur notre territoire. Nous verrons, lors de l’examen des amendements, ce qu’il convient de faire.

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Dans son intervention très brillante et très juste, M. Tian a remarquablement formulé ce que je m’apprêtais à dire. Je serais donc bref. Sur le médicament, dans le contexte anxiogène qui gagne une part importante de notre population, je sens monter encore l’angoisse devant le fait que certains médicaments ne soient plus remboursés, et cela sans explication préalable. Le médecin peut certes l’expliquer un peu et le pharmacien dit ce qu’il peut,…

M. Gérard Bapt, rapporteur. Quelle formule ! Il y a des pharmaciens dans l’hémicycle !

M. Jean Lassalle. …mais il n’y a pas eu de sensibilisation. Je pense en particulier aux personnes suivant des thérapies très lourdes et dont les proches apprennent qu’un médicament ne sera plus remboursé : c’est pour eux un choc considérable – par exemple dans le cas de la maladie d’Alzheimer, dont on sait à quel point elle touche les proches des malades. Il convient certes de redresser les comptes, mais il faudrait vraiment expliquer en profondeur – nous avons aujourd’hui les moyens de le faire –, ou bien procéder autrement que nous ne le faisons.

La politique menée à l’égard des laboratoires, évoquée par notre collègue, est catastrophique pour notre pays. Nous avons déjà beaucoup perdu. Nous n’avons plus d’industrie et l’agriculteur regarde la corde tous les matins pour savoir s’il va se la passer au cou…

M. le président. Merci, monsieur Lassalle.

Mme Michèle Delaunay, rapporteure de la commission des affaires sociales. Oui, ça commence à bien faire !

Une députée du groupe socialiste, écologiste et républicain. Il va nous arracher des larmes !

M. Jean Lassalle. La France possède de grands laboratoires, qui fonctionnaient jusqu’ici assez bien, et voilà que certains sont sur le point de fermer.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. La filière du médicament aura en effet été mise à mal dans les cinq derniers PLFSS. Chaque année, la moitié ou presque des économies sont réalisées au détriment du médicament et de son réseau. Cette politique est désastreuse à plus d’un titre.

D’abord, elle touche l’industrie et l’innovation pharmaceutiques. Les industries quittent la France et l’innovation s’en ressent. Dans le domaine pharmaceutique, où elle était l’un des leaders mondiaux, la France descend dans la hiérarchie des entreprises innovantes.

La deuxième conséquence touche évidemment le réseau : deux pharmacies ferment chaque jour en France et nous connaîtrons bientôt un désert pharmaceutique, accentué par un désert médical, avec un impact sur l’accès aux soins dans les zones les plus reculées de notre pays.

M. Jean Lassalle. C’est tragique !

M. Francis Vercamer. Alors que le secteur présente en France une situation exceptionnelle, avec des officines situées sur tout le territoire national selon une répartition géographique très intelligente, la fragilisation du réseau entraîne la fermeture de pharmacies qui fonctionnaient dans certains villages ou dans des banlieues et zones périurbaines.

Malheureusement, ces difficultés touchent maintenant aussi le réseau de distribution, c’est-à-dire la répartition. Les grossistes, qui se situent entre le fabricant et le pharmacien, sont en effet en grande difficulté.

Il y a là un vrai souci et il est temps, madame la ministre, que le Gouvernement réagisse à propos du réseau pharmaceutique et du médicament.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur Vercamer, la pharmacie est un sujet que je connais un peu. Au congrès national des pharmaciens, auquel j’ai assisté le week-end dernier, à Nantes, il a été expliqué que, pour l’essentiel, les fermetures des pharmacies correspondent à des restructurations et à des regroupements. Il n’a en effet pas échappé la représentation nationale que la rémunération des pharmaciens est en train de changer…

M. Dominique Tian. La faute à qui ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. …et que ceux-ci sont obligés de se regrouper pour assumer les nouvelles missions qui leur seront confiées.

M. Dominique Tian. Vous les avez ruinés !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Certaines fermetures sont certes liées à des problèmes économiques, mais le phénomène est très faible, marginal.

M. Francis Vercamer. Et l’accès aux soins ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. La plupart du temps, j’insiste, il s’agit de restructurations destinées à répondre aux défis de santé publique que nous rencontrons.

M. Jean Lassalle. Et quelle est la différence ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est très important, monsieur Lassalle – mais, étant donné que vous ne participez pas à tous nos débats, vous n’avez pas forcément suivi l’évolution de cette question.

M. Bernard Accoyer. Il suivait à la télévision !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Pour ce qui est du prix des médicaments et des innovations, la question est simple : dans les années à venir, il faudra regarder les patients les yeux dans les yeux et leur dire si nous, les politiques, sommes capables d’assurer l’accès complet à tous ces traitements pour tous.

M. Jean Lassalle. Demain, ce seront nous, les malades !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. L’autre option consiste, comme dans certains pays anglo-saxons, à « trier » les malades : lorsque la survie d’un patient est de cinq mois, on y considère que cela ne vaut pas la peine de lui donner accès à l’innovation, voilà la réalité !

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Absolument !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Le défi devant lequel nous nous trouvons, à gauche comme à droite, est donc de savoir si nous serons capables, pour des innovations concernant des niches très étroites, de soigner tous les patients. La régulation mise en place par Mme la ministre, notamment depuis que le Sovaldi nous est, en quelque sorte, tombé dessus, permettra de dire à tous les patients français qui se situent dans des niches de traitement que nous pourrons les soigner. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. L’article 18, qui traite de la régulation des dépenses de médicament, est certainement l’un des plus importants de ce PLFSS. Il souligne, madame la ministre, la gravité des fautes que vous avez commises durant le temps où vous avez assumé vos responsabilités. Je vais l’expliquer très simplement.

Ce sont en effet 7 milliards d’euros qui auront été prélevés sur l’industrie pharmaceutique, du fait de votre politique consistant à baisser les prix en tournant le dos à l’innovation, à cette révolution fabuleuse des nouveaux médicaments, des biothérapies, de l’immunothérapie des cancers et des thérapies ciblées, qui constituent des progrès exaltant…

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Bernard Accoyer. …et auraient dû vous conduire, madame la ministre, à entreprendre les réformes de structure réalisées par tous les autres pays modernes.

Ces malades, qui étaient condamnés – et qui, souvent, le sont encore –, devaient passer des séjours très longs, très coûteux et très douloureux à l’hôpital ; ils subissaient de longs arrêts de travail et coûtaient très cher, notamment sur le plan hospitalier. Il faut donc anticiper les économies que ces nouveaux médicaments font réaliser dans le domaine de l’hospitalisation. Mais non, vous tournez le dos à ces réformes, car elles sont lourdes et difficiles, vous refuser de les conduire. C’est là votre faute : vous menacez tout l’avenir de l’assurance maladie et l’accès à l’innovation. Vous êtes aussi en train – c’est moins douloureux, mais cela aura des conséquences sociales – d’étrangler, de tuer l’industrie pharmaceutique, la recherche et l’innovation en France. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Joëlle Huillier. Vous exagérez !

M. Philip Cordery, rapporteur de la commission des affaires sociales. Quelle violence !

M. Bernard Accoyer. Tel est le résultat de votre politique. C’est pour cette raison que nous nous opposerons à cet article, qui tourne le dos à une vraie politique de convention du médicament, laquelle supposerait de conclure des contrats de plusieurs années, de définir des cibles, de maîtriser certaines maladies spécifiques et de vider, ce faisant, les services hospitaliers. Avec les économies ainsi réalisées, on pourrait financer l’innovation.

M. Michel Issindou. Quand ils sont dans l’opposition, ils savent ce qu’il faut faire !

M. Bernard Accoyer. C’est en effet ce qu’on fait tous les pays modernes au monde dont le gouvernement fait preuve d’un minimum de courage.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Monsieur Accoyer, ce qui est excessif ne compte pas.

M. Bernard Accoyer. Ce qui est insignifiant non plus !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Une réforme de structure a été mise en place par Mme la ministre pour la maîtrise du coût des médicaments, avec le dispositif W. Elle n’a pas eu pour effet, comme vous l’affirmez, de limiter l’accès à l’innovation,…

M. Bernard Accoyer. Bien sûr que si !

M. Gérard Bapt, rapporteur. …mais au contraire de faire en sorte que notre pays puisse aujourd’hui s’enorgueillir d’avoir permis au plus grand nombre de malades, notamment à ceux qui étaient concernés de la manière la plus urgente par l’hépatite C, de bénéficier d’un traitement radical, d’un traitement de rupture. Une amie personnelle, qui n’en est qu’au stade F2 de la maladie – c’est-à-dire, pour les spécialistes, celui du malade asymptomatique, présentant seulement des signes biologiques –, a ainsi pu avoir accès, le mois dernier, à ce traitement.

M. Bernard Accoyer. Pourquoi n’y a-t-elle pas eu accès avant ?

M. le président. Seul le rapporteur a la parole, monsieur Accoyer !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Monsieur Accoyer, pour un ancien président de l’Assemblée nationale, vous ne donnez pas l’exemple !

M. Bernard Accoyer. Quand vous parlez fort, au moins, on vous entend !

M. Philip Cordery, rapporteur. Toujours aussi violent dans vos propos, monsieur Accoyer !

M. le président. Écoutons M. Bapt !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cette amie m’appelle la semaine dernière, folle de joie : alors que, depuis des années, son taux de transaminases était élevé, celui-ci s’est effondré en quinze jours, retrouvant son niveau normal – cela permettra du reste de raccourcir la durée du traitement et donc d’en limiter le coût.

Vous affirmez que nous limitons l’accès aux soins avec les mesures que nous avons adoptées, notamment la régulation de l’évolution du coût. Or c’est tout le contraire : lorsque, grâce à l’innovation, de nouvelles cures radicales apparaîtront, la régulation permettra d’en faire bénéficier d’autres patients. C’est notamment le cas pour un cancer très grave : le mélanosarcome. Par conséquent, des réformes de structure permettant l’accès aux soins, nous en menons.

Concernant le problème particulier de l’hépatite C, le prix du médicament était très élevé parce que le laboratoire concerné, profitant d’une situation de monopole pendant quelques mois, s’est permis d’imposer ses tarifs. Désormais, le CEPS – Comité économique des produits de santé – peut diminuer les prix en faisant jouer la concurrence.

Je rappelle que le laboratoire concerné n’a pas supporté les dépenses de recherche et développement puisqu’il a acquis un autre laboratoire, lui permettant en particulier de mettre rapidement son Sovaldi sur le marché. Ce n’est pourtant pas aux assurés sociaux de supporter la charge d’une mise aux enchères d’un laboratoire. Gilead, après avoir acheté un laboratoire en faisant monter les enchères, a justifié son prix en prétendant amortir les coûts d’investissement. Ce n’est pas tout à fait exact : nous devons prendre en considération non pas la mise aux enchères, mais l’accès aux soins et le coût de production réel – celui-ci a d’ailleurs été dénoncé récemment par l’association Médecins du monde.

M. Alain Ballay. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay, rapporteure de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie, pour soutenir l’amendement n426.

Mme Michèle Delaunay, rapporteure de la commission des affaires sociales. Amendement purement rédactionnel.

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Favorable.

(L’amendement n426 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n915.

Mme Marisol Touraine, ministre. La présentation de cet amendement me donne l’occasion de vous préciser les grands principes et les grandes orientations de la politique du médicament menée depuis quatre ans, que l’on retrouve dans ce PLFSS.

Mais auparavant, sachez, monsieur Door, que je préfère, sans le moindre doute, avoir affaire à vous qu’à Dior, contrairement à ce que vous avez dit ! (Sourires et applaudissements.)

M. Jean-Pierre Door. Je n’en doute pas !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je me réjouis donc, monsieur le député, de vous retrouver pour poursuivre le débat engagé depuis de très nombreuses années – et pas seulement depuis quatre ans –, avec vous, dans cet hémicycle.

Revenons à des choses non pas plus sérieuses mais plus en lien avec le texte dont nous débattons. La politique menée depuis quatre ans repose sur deux principes : la régulation et l’innovation. C’est cela que je me suis attaché à suivre et à mettre en œuvre depuis quatre ans.

L’innovation est absolument fondamentale. Après des années au cours desquelles elle a été peu au rendez-vous à l’échelle mondiale, nous faisons aujourd’hui face à une explosion – au sens positif – d’innovations, pas seulement médicamenteuses et thérapeutiques, comme celles qui suscitent le débat que nous avons maintenant, mais également sociales et organisationnelles. Ma priorité et ma volonté ont été de donner à cette innovation les moyens de se déployer.

Quelle était la situation du médicament dans notre pays ? Jusque dans les années 2010, la politique n’était pas favorable à l’innovation, en particulier pour le médicament. Pourquoi ? La France pratiquait des prix très élevés, comparés à ce qui existait et existe encore, à certains égards, à l’étranger : les anticancéreux étaient jusqu’à 10 % plus chers que dans les autres pays de l’OCDE – l’Organisation de coopération et de développement économiques. Le recours aux médicaments génériques était très faible, ou du moins plus faible. La consommation de médicaments était, par personne, plus élevée que dans les autres pays. La conséquence de cette situation était très simple et très claire : les dépenses en médicaments étaient significativement plus élevées qu’ailleurs. Il était donc nécessaire de préciser des mécanismes de régulation et d’indiquer selon quels principes celle-ci pouvait être mise en place.

Cela me permet d’ailleurs de répondre à une observation formulée par M. Door dans son intervention. Ce n’est pas la part de la France dans la production de médicaments qui a baissé mais la part de la France dans la consommation mondiale. Celle-ci ne baisse pas mais, d’autres pays se mettant à consommer beaucoup plus – en particulier la Chine –, les volumes mondiaux ont augmenté et la part de la France s’est mécaniquement réduite.

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas vrai !

Mme Marisol Touraine, ministre. La part de la France dans la production mondiale n’a pas baissé, ce n’est pas exact.

Quels sont les principes guidant notre politique en matière de régulation ?

Le premier principe est celui de la visibilité : les industriels occupant une place économique majeure dans le système de santé, ils doivent absolument avoir de la visibilité sur les règles qui leur seront appliquées. La stabilité est au rendez-vous : je veux vous rappeler, mesdames et messieurs les députés, que j’ai annoncé, au début de l’année 2014, la stabilité des dépenses remboursées. Cette règle a été rendue publique et communiquée aux industriels, et nous nous y tenons : les dépenses remboursées sont stables.

L’amendement que je vous présente a d’ailleurs pour objet de simplifier le calcul de la contribution des fabricants, en la fondant sur l’évaluation de leur chiffre d’affaires brut et non pas net. Cet amendement ne pénalise pas les finances publiques et donne plus de prévisibilité et de simplicité pour les entreprises. Il me semble donc que nous devrions tous nous retrouver pour voter cet amendement favorable à la stabilité des entreprises.

Après la visibilité et la stabilité de la régulation, le deuxième principe est le choix assumé d’une forte régulation, d’une forte maîtrise du coût des médicaments non innovants, par la mise en avant des génériques. Le rôle des pharmaciens a été majeur. Une nouvelle campagne de communication a été lancée, il y a quelques semaines, afin d’informer les professionnels de santé et l’opinion publique, et de rassurer celle-ci sur la qualité des médicaments génériques. J’assume donc des baisses de prix sur les médicaments non innovants parce que c’est la condition sine qua non pour pouvoir investir des ressources nouvelles en faveur de l’innovation.

Le troisième principe est la mise en place de règles particulières ayant pour objectifs : de favoriser l’innovation, notamment en stabilisant et en encourageant notre dispositif d’autorisation temporaire d’utilisation, l’ATU, unique au monde ; d’anticiper l’innovation, ce qui donne lieu à la mise en œuvre d’un Fonds de financement de l’innovation pharmaceutique, nous l’examinerons dans quelques articles ; enfin, de rendre l’innovation soutenable, à travers des mécanismes de régulation globale spécifique comme les dispositifs désormais célèbres du taux L et du taux W – chacun en reconnaîtra la paternité. Nous avons là des dispositifs permettant de réguler les prix de l’innovation.

Enfin, je ne peux pas laisser dire qu’en France, l’accès aux médicaments, notamment aux médicaments innovants, serait rationné. Dans les congrès internationaux, lorsque l’on rencontre ses homologues – pour ma part, mes homologues ministres – des pays développés, des pays de l’OCDE, à chaque fois, on entend l’admiration, voire l’incrédulité, vis-à-vis de la capacité de la France à prendre en charge à 100 % des médicaments innovants pour les malades de maladies rares, de maladies orphelines, de maladies pour lesquelles des traitements nouveaux arrivent sur le marché. C’est reconnu et célébré mondialement !

C’est la raison pour laquelle nous devons sauvegarder ce modèle : tel est le sens de mon engagement et de mon implication à l’échelle internationale, à la suite du Président de la République, pour faire en sorte que la maîtrise des prix soit non seulement nationale, mais également internationale, car nous ne pourrons pas résister tous seuls. Au niveau national, nous devons évidemment mettre en place ces mécanismes dont nous discutons.

Pour conclure, monsieur Accoyer, vous prétendez qu’il n’y a pas eu de réforme de structure et que c’est pour cela que nous devons mettre à contribution l’industrie du médicament. Or je viens de vous présenter une réforme de structure et, si j’en juge par l’état dans lequel j’ai trouvé les finances de la Sécurité sociale en arrivant en 2012, je me dis que vous avez une bien étrange conception des réformes de structure. Si, pour vous, celles-ci consistent à laisser filer le déficit, alors oui, effectivement, nous n’avons pas la même conception de ce qui permet de sauvegarder, dans la durée et pour l’avenir, notre système de protection sociale.

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre. Pour moi, l’enjeu est de permettre l’accès aux médicaments et aux médicaments innovants à tous ceux qui en ont besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Cet amendement répond aux attentes de l’industrie pharmaceutique sans pénaliser les finances publiques : avis très favorable de la commission.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Comme cet amendement sera adopté, il fera tomber les autres ; il y a donc lieu de répondre de façon exhaustive à tout ce qui vient d’être dit.

Oui, cet amendement sera adopté car il est évidemment indispensable : c’était un vrai délire de fonder ce calcul sur les chiffres d’affaires nets. Ce mécanisme suicidaire, je mesure mes mots, ou du moins de destruction massive de l’industrie pharmaceutique, devait être corrigé. Vous en prenez conscience, nous en prenons acte – il n’arrive pas très souvent, madame la ministre, que je sois en accord avec vous.

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Champagne !

M. Bernard Accoyer. Nous allons limiter les effets d’ores et déjà délétères sur l’industrie pharmaceutique. En l’absence d’accords pluriannuels, avec les mesures adoptées chaque année, avec l’image que la France renvoie désormais aux grands laboratoires internationaux,…

Mme Bernadette Laclais. Elle est très bonne !

M. Bernard Accoyer. …l’industrie pharmaceutique en France désinvestit, comme l’a très bien dit mon collègue Jean-Pierre Door. L’avenir est inquiétant : sur les cent nouvelles molécules en préparation, seules huit seront fabriquées en France.

M. Gérard Sebaoun. Ce n’est pas le sujet !

M. Bernard Accoyer. C’est l’illustration de la rétractation de la place de la France dans l’industrie pharmaceutique et surtout dans l’industrie d’avenir.

Avec la procédure des ATU, l’accès à l’innovation est depuis longtemps intéressant en France ; or vous êtes en train de le casser. Ce n’est pas moi qui le dis, mais les responsables des plus grands services de médecine, en particulier d’oncologie.

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. On ne doit pas connaître les mêmes !

M. Bernard Accoyer. Lorsque vous vous en prenez aux ATU, aux post-ATU, aux médicaments de rétrocession, à la « liste en sus », c’est bien l’accès à l’innovation qui est menacé.

Enfin, pour répondre à notre collègue Gérard Bapt à propos de l’hépatite C, il y a bien eu une restriction de l’accès aux médicaments contre cette maladie en France. Il l’a dit lui-même : des malades largement infectés, présentant des signes biologiques importants, qui étaient donc des porteurs de virus et des diffuseurs de l’infection, ont continué à porter ce virus et à diffuser cette infection.

C’est seulement cette année que l’accès à ce traitement, innovation fabuleuse, est généralisé. Cet élargissement du droit aux soins permet des guérisons…

M. le président. Il faut conclure, monsieur Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Je ne pourrai plus intervenir après, monsieur le président, car l’amendement du Gouvernement sera adopté et fera tomber la série d’amendements identiques qui suit. Je vous demande de me laisser un tout petit peu de temps de parole supplémentaire pour que le débat puisse s’établir.

Il faut quand même que les Français sachent qu’en Allemagne, en Italie, tous les malades infectés ont tout de suite eu accès à ce médicament. Quoi que vous en disiez, madame la ministre, avec le dispositif W, vous avez restreint l’accès à l’innovation.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur Accoyer, vous nous demandez quelle image nous renvoyons aux industries pharmaceutiques. Je vous pose une question symétrique : quelle image avez-vous renvoyée, le 5 juillet 2012 – vous étiez au pouvoir depuis dix ans –, quand Sanofi a lancé un plan social sur les sites de Toulouse et Montpellier ? Ce plan social a d’ailleurs été rejeté cette année par le Conseil d’État, pour une question de forme.

Vous étiez aussi au pouvoir, en 2009-2010, quand Sanofi – toujours notre beau laboratoire pharmaceutique français – a mené une campagne de dénigrement contre un médicament générique équivalent à l’un de ses blockbuster, le Plavix. Dans cette affaire, Sanofi a été condamné à 40 millions d’euros d’amende. Ce genre de pratique explique aussi les difficultés que rencontre l’État pour faire pénétrer les génériques sur notre territoire. Sanofi a fait appel et perdu, puis s’est pourvu en cassation, et la Cour de cassation, il y a quelques semaines, a confirmé l’amende.

Tout cela s’est passé au cours des dix années pendant lesquelles vous étiez à la tête du pays. Ne venez donc pas nous dire qu’au bout de quatre ans et demi, nous sommes responsables vis-à-vis des laboratoires pharmaceutiques. Au contraire, je répète que ces modes de régulation permettront à tous les patients d’accéder à l’innovation.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. M. Accoyer a raison sur un point, concernant l’industrie pharmaceutique : le traitement du cancer représente des sommes considérables. Mais il oublie de préciser que Sanofi, par exemple, était très en retard dans ce domaine. C’est pourquoi il rachète à marche forcée d’autres entreprises de la biotechnologie, pour rester dans la course. On ne peut donc pas, à proprement parler, estimer que ce rattrapage est dû à l’effort d’innovation de Sanofi, mais plutôt à ses rachats, c’est-à-dire à la concentration de l’industrie pharmaceutique pour des raisons financières. Il suffit de regarder l’acquisition d’Allergan, dont le seul objectif était de payer ses impôts en Irlande et non aux États-Unis.

Voilà la réalité de l’industrie pharmaceutique : l’innovation est souvent le fait de petites entreprises, rachetées ensuite à coup de dizaines de milliards de dollars par de grandes entreprises. Sanofi est très en retard, notamment dans le domaine que vous avez indiqué, le traitement du cancer ; c’est pourquoi il rachète de plus petites entités. Sanofi est un grand acteur industriel, il faut le respecter, mais ne dites pas qu’il est très innovant sur ces questions.

M. Bernard Accoyer. Je n’ai pas parlé de Sanofi ! Je n’ai cité aucun nom !

M. Gérard Sebaoun. Comme les autres, il rachète des laboratoires pour rattraper son retard d’innovation. Pour le diabète, il était bon ; pour le cancer, il est mauvais et il essaye de rattraper son retard, voilà la réalité.

(L’amendement n915 est adopté et les amendements nos 56, 75, 182, 241 et 410 tombent.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 425, 427 et 422, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour les soutenir.

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Ces amendements sont rédactionnels.

(Les amendements nos 425, 427 et 422, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n76.

M. Dominique Tian. Défendu.

(L’amendement n76, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 58, 180 et 203.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n58.

M. Bernard Accoyer. Cet amendement vise à prendre en compte la spécificité des médicaments délivrés à l’hôpital. Le taux applicable à l’hôpital, appelé taux Lh, est fixé par ce projet de loi de financement à 2 %. En l’établissant à un tel niveau, vous sous-estimez de façon importante les moyens financiers nécessaires pour accéder à ces nouveaux médicaments, qui, je le répète, sont des progrès remarquables. Ce taux de 2 % paraît donc insuffisant ; nous proposons de le porter à 4 %.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement identique n180.

M. Jean-Pierre Door. Ce PLFSS vise à instituer de nouveaux mécanismes de régulation, dont nous discutons depuis tout à l’heure : les nouvelles règles applicables aux ATU ; la scission du taux L en deux taux, applicables l’un en ville, l’autre à l’hôpital ; la prolongation du dispositif W. Tout cela risque de freiner l’accès aux traitements innovants.

Il y aura des innovations thérapeutiques dans les années à venir, et tant mieux ! Mais cette vague d’innovations arrivant sur le marché appelle un financement approprié et des mesures de régulation adaptées. C’est incompatible avec une enveloppe budgétaire fermée, contrainte. Nous vous proposons donc d’augmenter le taux Lh.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement identique n203.

M. Dominique Tian. Madame la ministre, pouvez-vous faire le point sur la « liste en sus » ? C’est une question très importante, qui concerne les hôpitaux publics. Vous savez que, selon leur santé financière respective, tel établissement pourra délivrer tel médicament, tandis qu’un autre en sera incapable ; cela cause des inégalités sur le territoire. Les industriels négocient cette « liste en sus » avec le ministère de la santé depuis déjà de longs mois, mais les négociations n’ont pas l’air de beaucoup progresser. Pourriez-vous nous donner des informations à ce sujet ? Il s’agit tout de même d’un problème récurrent. La représentation nationale souhaiterait être éclairée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. L’an dernier, messieurs, vous protestiez contre la fixation du taux L à moins 1 %. Or la distinction des taux applicables aux médicaments en ville et à l’hôpital, proposée cette année, permet précisément de relever significativement le taux de progression à l’hôpital – institution la plus concernée par les médicaments innovants. Cela ne vous paraît pas suffisant. Pourtant vous savez pertinemment, comme chacun de nous, qu’il est nécessaire de concilier le dynamisme des dépenses à l’hôpital avec la maîtrise des dépenses de médicaments. La fixation du taux Lh permet de concilier ces deux objectifs. L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est évidemment défavorable à ces amendements.

De quoi s’agit-il ? Je précise que l’enveloppe de dépenses, pour ces médicaments, n’est pas fermée : il ne s’agit en aucun cas de limiter les dépenses à une enveloppe prédéterminée. Simplement, au-delà d’un certain seuil de dépenses, les laboratoires doivent reverser aux caisses de la Sécurité sociale la moitié de la partie du chiffre d’affaires supérieure au chiffre d’affaires de l’année passée, affecté du coefficient Lv ou Lh. Cela ne signifie pas que la dépense cesse d’augmenter ; elle augmente, y compris pour la Sécurité sociale, mais, au-delà d’un certain seuil de dépenses, cette augmentation est moins rapide.

Jusqu’à cette année, le taux L était inférieur à zéro – moins 1 % –, ce qui ne permettait pas de tenir compte du dynamisme spécifique des thérapies innovantes. C’est pourquoi nous proposons de définir un taux spécifique pour les médicaments hospitaliers innovants, fixé à 2 %. Ce taux est plus élevé que celui qui s’appliquera aux médicaments de ville, fixé à 0 %. Il existe bien une différence entre les deux, et aller au-delà ne permettrait pas de maintenir la régulation à un niveau satisfaisant.

Par ailleurs, monsieur Tian, je précise que le décret concernant la « liste en sus » a été publié au printemps dernier. Les médicaments y figurant sont payés, pris en charge, et des mécanismes d’accompagnement permettent aux hôpitaux de les prescrire. Il n’y a là aucune remise en cause de la prescription de médicaments innovants à l’hôpital public, contrairement à ce que vous avez laissé entendre.

(Les amendements identiques nos 58, 180 et 203 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 759 et 550, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour les soutenir.

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Ce sont des amendements de coordination.

(Les amendements nos 759 et 550, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 60 et 181.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n60.

M. Bernard Accoyer. Il s’agit du montant W, dont j’ai discuté il y a quelques instants avec notre rapporteur Gérard Bapt. Il nous expliquait que tout était parfait dans ce domaine. Pourtant, en refusant à une grande partie des malades infectés par le virus de l’hépatite C l’accès à des médicaments innovants, nous faisons nettement moins bien que des pays comparables aux nôtres. Cette année, vous ouvrez à tous les porteurs du virus de l’hépatite C l’accès à un traitement assez miraculeux – le terme peut être employé, s’agissant d’une maladie qui devient chronique plus souvent qu’on ne croit et cause des complications, hélas ! mortelles. Vous présentez cela comme un progrès, et c’en est un, madame la ministre.

Mais vous en profitez pour diminuer le montant W, en le ramenant de 700 à 600 millions d’euros. Où est la logique ? C’est une mesure punitive, bien représentative de la politique que vous menez et que nous dénonçons. Cette politique a donné, quoi que vous en disiez, une image abominable de la France pour l’accueil des travaux de recherche dans nos laboratoires. Vous savez très bien que le nombre de laboratoires de recherche clinique diminue en France, comme d’ailleurs les effectifs consacrés à la recherche et au développement de nouvelles molécules.

Dans quel domaine, madame la ministre, si ce n’est l’innovation en santé, se jouera l’avenir économique et social des pays comme le nôtre ? Nous devons utiliser ce que nous avons de plus fort, de plus important, pour répondre aux préoccupations liées à la santé de tous nos compatriotes, de tous les Européens, et même des habitants de tous les pays du monde. La direction que vous avez choisie est mortifère pour l’un des secteurs industriels les plus prometteurs de notre pays.

Dans ce domaine scientifique d’excellence, nous avions tout pour réussir, pour exporter, pour rayonner, pour rendre notre balance commerciale positive – alors que, vous le savez, elle est négative dans la plupart des domaines. Aux yeux du monde, nous devons être un pays d’excellence thérapeutique et médicale. Je le répète, madame la ministre : votre bilan dans ce domaine – comme pour la politique de santé, l’innovation, le progrès, bref, toute la protection sociale – est calamiteux. (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement identique n181.

M. Jean-Pierre Door. Je serai bref. Nous avons été confrontés, l’an dernier, à des produits innovants et onéreux, qui se sont révélés un véritable succès thérapeutique pour les patients atteints de l’hépatite C. La contribution W avait été fixée à 700 millions l’an dernier ; il est difficile de comprendre pourquoi, cette année, il faudrait la réduire de 100 millions d’euros. Je suis tout à fait d’accord avec Bernard Accoyer : il faut conserver au moins le même montant, à savoir 700 millions d’euros. Par ces amendements identiques, nous vous proposons d’augmenter le montant W pour le porter au même niveau que dans la précédente loi de financement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Je ne peux pas souscrire aux propos que vient de tenir M. Accoyer. La recherche clinique sur les médicaments innovants, notamment dans le domaine de la cancérologie, est simultanée dans tous les pays, ce n’est en aucun cas un enjeu national. Et nous ne sommes pas en reste, car le nombre de centres français de référence susceptible de mener de telles recherches est très élevé. Vos propos ne sont pas recevables, monsieur Accoyer.

J’en reviens aux amendements identiques nos 60 et 181. Vous savez que nous prenons en charge le traitement de l’hépatite C depuis 2014. De très nombreuses personnes atteintes par ce virus ont été soignées depuis trois ans,…

M. Bernard Accoyer. Pas toutes !

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. …mais l’extension de la prise en charge à l’ensemble des patients annoncée cette année justifie évidemment la prorogation du filet de sécurité que constitue le dispositif W. La fixation de son montant à 600 millions d’euros pérennisera ce facteur de sécurité, dont nos comptes ont besoin. L’étude d’impact souligne en outre que ce dispositif ne devrait même pas avoir à se déclencher car il faudrait alors non seulement que ce montant soit dépassé mais que la croissance du chiffre d’affaires des entreprises concernées excède 10 %. L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis. Mais puisqu’on nous jette à la figure régulièrement dans le débat l’exemple allemand, je tiens à rappeler que certaines règles de régulation dans ce pays sont infiniment plus dures que celles que nous mettons en œuvre.

M. Jean-Pierre Allossery. Eh oui !

Mme Marisol Touraine, ministre. Par conséquent, je voudrais savoir si l’opposition nous encourage à mettre en place, par exemple, la mesure dite « jumbo group », qui prévoit que les médicaments princeps soient payés au même prix que les génériques dès lors que ceux-ci existent. Voilà une source d’économies assurément significative, pratiquée en Allemagne, pays modèle… À titre personnel, je considère que cette règle présente un certain intérêt, mais je rappelle que nous ne l’avons pas proposée.

De même, puisqu’il paraît que je suis restrictive en la matière, je rappelle que je me contente de saisir la Haute autorité de santé et de demander à cet organisme indépendant de formuler des observations, parce qu’il arrive que des médicaments aient des effets secondaires – il ne suffit pas qu’un médicament existe pour le faire prescrire à tort et à travers. Or, malheureusement, des exemples encore récents montrent que des prescriptions inconsidérées ont provoqué des retards de développement chez des enfants ou d’autres effets secondaires très préoccupants. Pour en revenir à notre voisin d’Outre-Rhin, j’indique que quand le seuil de régulation est atteint dans les prescriptions, ce sont les médecins eux-mêmes qui doivent reverser ce qui a été prescrit au-delà. Au nom de l’amour immodéré que vous portez à l’Allemagne, souhaitez-vous que nous appliquions ce type de dispositif en France ?

(Les amendements identiques nos 60 et 181 ne sont pas adoptés.)

(L’article 18, amendé, est adopté.)

Après l’article 18 (amendements appelés par priorité)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 18.

J’appelle les amendements identiques nos 475 et 650.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n475.

M. Bernard Accoyer. Cet amendement vise à sauvegarder les entreprises de répartition pharmaceutique, une spécificité française mais aussi un maillon tout à fait indispensable à la distribution du médicament absolument partout dans notre pays, quelles que soient les difficultés éventuelles de cette diffusion. Ces entreprises proposent 6 000 références de médicaments génériques. Nous partageons tous l’objectif d’augmenter leur prescription. Il est donc surprenant que la fiscalité les pénalise, avec une assiette assise sur le progrès de la diffusion. Il faut donc regarder de plus près la question que soulève mon amendement.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement identique n650.

M. Francis Vercamer. J’ai rappelé tout à l’heure que le secteur de la répartition est essentiel dans la distribution du médicament puisque c’est lui qui approvisionne toutes les pharmacies d’officine, en milieu rural comme en milieu périurbain ou urbain. Aujourd’hui, ce secteur est en grande difficulté. S’il disparaissait, il deviendrait très compliqué de distribuer les médicaments à travers toute la France. Or le faible prix des génériques, la contrainte logistique liée à leur dispensation et les règles fiscales – notamment la taxe sur le chiffre d’affaires – pèsent sur ces grossistes-répartiteurs, alors qu’ils sont les seuls acteurs de la chaîne du médicament à ne bénéficier d’aucune mesure d’incitation fiscale, quand bien même ils contribuent pleinement au développement du marché du médicament générique. Ils distribuent en effet 70 % des 840 millions de boites de génériques vendues annuellement et contribuent de ce fait à la maîtrise des dépenses de santé. Voilà pourquoi je souhaite que la vente de ces médicaments soit extraite de l’assiette de la taxe sur leur chiffre d’affaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Exclure les génériques de l’assiette de la contribution sur les ventes en gros vise donc à les en exonérer. J’y suis défavorable car cela n’aurait aucune influence sur le développement des génériques, que nous appelons de nos vœux. Seuls les grossistes-répartiteurs seraient gagnants. De plus, une telle mesure serait coûteuse pour l’assurance maladie.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je trouve qu’il s’agit là d’amendements opportunistes de dernière minute. Quelle est la majorité qui a aidé les répartiteurs pharmaceutiques, mes chers collègues ? Je rappelle que, dans le PLFSS pour 2014, l’article 12 bis a permis de libérer 15 millions d’euros pour la répartition pharmaceutique – je m’en souviens car, malgré nos explications réitérées, vous étiez tous contre, sur les bancs de la droite, et vous en tête, monsieur Accoyer, inspiré par les short liners, disant que c’était une catastrophe, que nous allions mettre 1 200 personnes à la porte. Vous étiez opposés à cette aide de 15 millions d’euros, la première dont ils ont bénéficié.

Vos amendements me font donc singulièrement sourire, et je vois qu’il en est de même sur plusieurs bancs de l’opposition, car certains d’entre vous se souviennent très bien du déballage d’arguments inconcevables. Il s’agit ici encore d’un portage d’amendements pré-rédigés. J’en entends les raisons, mais rappelez-vous de votre vote lors de l’examen du PLFSS pour 2014 et, quand vous comparerez avec votre position actuelle, je pense que vous rirez de vous-mêmes. (Sourires.)

(Les amendements identiques nos 475 et 650 ne sont pas adoptés.)

M. le président. J’appelle maintenant les amendements identiques nos 88 et 362.

La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n88.

M. Gilles Lurton. J’avais déjà eu l’occasion de défendre un amendement similaire l’année dernière. Je rappelle en effet que le législateur a exclu un certain nombre de médicaments, comme les médicaments homéopathiques et les plantes médicinales, du champ d’application des obligations de service public des grossistes-répartiteurs, et que certains laboratoires sont de ce fait contraints d’assumer eux-mêmes cette mission, devant alors développer un système de répartition-distribution ad hoc. Pour minorer le déficit de cette activité, les laboratoires homéopathiques incitent les officines à regrouper leurs commandes en leur accordant des remises. Ils se trouvent ainsi assujettis à la troisième part de la contribution due par les distributeurs en gros, alors même que leur marge ne leur permet pas de compenser leurs coûts de répartition-distribution.

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour soutenir l’amendement n362.

M. Paul Giacobbi. Défendu.

(Les amendements nos 88 et 362, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Article 16

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 16.

La parole est à M. Jean-Louis Costes.

M. Jean-Louis Costes. Vous proposez de mettre en place dans cet article, madame la ministre, une taxe sur les fournisseurs de tabac. Vous dites que seuls les quatre plus grands fabricants internationaux sont principalement concernés, expliquant que cette contribution ne sera probablement pas répercutée sur le prix final mais sans doute prise en compte dans les relations entre les fournisseurs et les fabricants, étant donné l’organisation des marchés.

Vous avez tout de même noté que 2 % de la distribution est assurée par des producteurs français, et c’est à ceux-là que je pense. Ils sont quelques centaines, produisent, fabriquent en France, paient leurs charges patronales chez nous, et emploient des salariés sur place. Or ce sont eux qui seront pénalisés par cette nouvelle taxe.

La solution que je proposais a été rejetée en commission. J’aimerais qu’on en trouve une autre pour que nos petits producteurs français ne soient pas concernés de la même façon que les fabricants internationaux, qui, eux, ne paieront au final pas cette taxe et ne produisent malheureusement rien sur le sol français. Sinon, ce sont les petites entreprises françaises qui seront pénalisées.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. L’article 16 crée une nouvelle taxe, assise sur le chiffre d’affaires des fournisseurs de produits de tabac en vue de rapporter environ 130 millions d’euros. L’objectif est certes louable puisqu’il s’agit de contribuer au financement de la prévention et de la lutte contre le tabagisme, mais je voudrais vous poser deux questions, madame la ministre.

Premièrement, cette nouvelle contribution, jamais expérimentée dans aucun autre pays européen, est-elle compatible ou non avec le droit communautaire, considérant qu’une directive de 2008 ne donne la possibilité aux États membres de créer une taxe sur le chiffre d’affaires seulement si cette nouvelle taxe respecte deux conditions : mise en place pour un but particulier – en l’occurrence la prévention et la lutte contre les méfaits du tabac – et conformité aux règles de taxation communautaire ?

Deuxièmement, une telle taxe sur le chiffre d’affaires serait-elle constitutionnelle ? Ne vaudrait-il pas mieux une taxe sur la marge des entreprises concernées ?

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 52 et 215, tendant à supprimer l’article 16.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n52.

M. Dominique Tian. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement identique n215.

M. Gilles Lurton. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ces amendements ont été rejetés par la commission.

Monsieur Door, vous avez vous-même répondu à votre premier argument,…

M. Dominique Tian. C’est déjà ça ! (Sourires.)

M. Gérard Bapt, rapporteur. …puisqu’il s’agit bien d’un objectif de prévention.

M. Jean-Pierre Door. Mais le but doit être bien ciblé pour respecter la directive !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il est ainsi prévu de financer des mesures récemment annoncées par Mme la ministre concernant notamment l’élargissement de l’accès aux dispositifs de prévention disponibles dans les officines.

Par ailleurs, je suppose que le Conseil d’État a examiné la constitutionnalité de l’article 16.

L’avis est donc défavorable sur ces amendements.

J’ai été sensible, par contre, aux arguments sur la nécessité de ne pas pénaliser les plus petits fournisseurs. J’ai donc proposé au Gouvernement d’instaurer un abattement d’assiette sur les cinq premiers millions d’euros de chiffre d’affaires, qui ne seraient ainsi pas soumis à cette nouvelle contribution.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement s’est naturellement interrogé sur la plupart des points soulevés, notamment sur la compatibilité de cette disposition avec le règlement communautaire et la Constitution.

Une taxe assise sur le chiffre d’affaires des entreprises évoque immédiatement la contribution sociale de solidarité des sociétés – C3S –, qui ne souffre pas d’ambiguïté.

Quant à la destination des fonds, elle est évidente. M. le rapporteur a rappelé que les mesures de prévention et de lutte contre le tabagisme font partie des dépenses générales, auxquelles contribue la nouvelle taxe.

Cette mesure représente un pas de plus dans la lutte contre l’optimisation fiscale car, comme vous le savez, mesdames et messieurs les députés, la quasi-totalité des fabricants, implantés à l’étranger, vendent leurs produits à des distributeurs – leurs propres filiales, la plupart du temps, voire systématiquement –, donc réalisent leurs marges à l’étranger. Par conséquent, les taxer est matériellement impossible. C’est pourquoi, après avoir exploré l’idée que vous proposez, monsieur Door, nous avons choisi de taxer le chiffre d’affaires.

M. Jean-Pierre Door. Le chiffre d’affaires réalisé en France ou partout ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En France, bien entendu. La référence à un distributeur agréé, étroitement surveillé, rend justement le dispositif applicable pour atteindre cet objectif, que M. Door devrait partager – je connais son orientation sur le sujet.

Pour être tout à fait clair, je ne suis pas certain que nous réglions aujourd’hui la question des petits fabricants, ou plutôt des petits distributeurs, que vise cette disposition. La solution du rapporteur soulève en effet des problèmes de constitutionnalité et d’égalité. Il nous faudra trouver des dispositions, peut-être au cours de la navette, pour améliorer l’article et répondre au souci que M. Costes et d’autres députés, en commission, ont exprimé.

J’invite donc l’Assemblée à repousser ces deux amendements car il n’y a véritablement pas lieu de supprimer l’article.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Costes.

M. Jean-Louis Costes. Je remercie M. le secrétaire d’État et M. le rapporteur d’avoir pris en compte mes arguments. Je précise simplement que j’ai déposé un autre amendement, qui reprend le seuil de 19 millions d’euros existant pour la C3S, le seuil de 5 millions d’euros semblant un peu bas. J’entends cependant que les problèmes de constitutionnalité et d’égalité doivent être résolus.

(Les amendements nos 52 et 215, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 360 rectifié, 733, 633 rectifié, 758 rectifié et 816 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 633 rectifié, 758 rectifié et et 816 rectifié sont identiques.

La parole est à M. Paul Giacobbi, pour soutenir l’amendement n360 rectifié.

M. Paul Giacobbi. Cet article vise logiquement à taxer les bénéfices que les multinationales du tabac réalisent en France.

M. Dominique Tian. Non, leur chiffre d’affaires !

M. Paul Giacobbi. Mais, comme souvent, les meilleures intentions peuvent provoquer des difficultés. Destinée à des entreprises qui s’emploient à optimiser leur imposition grâce à leur taille et à leur nature, en localisant leurs bénéfices le plus avantageusement possible, la nouvelle taxe risque de sanctionner certaines petites entreprises françaises du secteur du tabac, dont toute l’activité est localisée en France, où elles paient leurs impôts normalement. Par conséquent, elle inflige en quelque sorte une double peine, ou du moins une taxation supplémentaire à des entreprises qui ne le méritent pas puisque, par nature, par obligation mais aussi par vocation, elles localisent l’intégralité de leurs activités et de leurs impôts en France.

Cet amendement fixe donc un seuil d’abattement, fondé sur la réalité de ces entreprises et dont le montant peut naturellement être débattu. Si l’Assemblée le rejette et n’adopte pas un amendement similaire, notre groupe ne votera pas l’article.

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement n733.

M. Denys Robiliard. Comme vous l’avez souligné, monsieur le secrétaire d’État, il faut veiller aux conséquences de cette nouvelle taxe sur le chiffre d’affaires, qui affectera différemment les distributeurs selon leur taille – pour être précis, à l’heure actuelle, le secteur rassemble un énorme acteur et de toutes petites entreprises, très nombreuses, lesquelles ne pourront évidemment répercuter la taxe ni sur les fabricants ni sur les débitants.

Cet amendement vise donc à introduire un abattement qui convienne à tous : pour la multinationale, il est marginal ; pour les petites entreprises, il assure un traitement égal de tous les acteurs, d’un point de vue constitutionnel.

Reste à convenir de son montant : ma proposition de 19 millions d’euros, qui demeure ouverte à la discussion, peut être très simplement modifiée par voie de sous-amendement.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n633 rectifié.

M. Dominique Tian. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement identique n758 rectifié.

M. Jean-Pierre Door. Cet amendement, dans le droit fil des précédents, vise à permettre au Gouvernement de moduler la contribution en fonction de la taille des distributeurs agréés et par conséquent de leurs chiffres d’affaires, sachant que, parmi plusieurs dizaines de fournisseurs, il y a un ou deux gros et beaucoup de petits.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement identique n816 rectifié.

Mme Véronique Massonneau. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les cinq amendements soumis à discussion commune ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ces amendements, provenant de différents bancs, concourent tous à diminuer la base de la nouvelle contribution d’un abattement, dont le seuil est très disparate : j’avais évoqué 5 millions ; il a été question de 19 millions ; les deux derniers amendements ne déterminent pas de seuil mais donnent la possibilité au Gouvernement de fixer celui-ci par décret.

Écoutons donc le Gouvernement avant de trancher, soit en faveur d’un amendement laissant le Gouvernement décider, soit en faveur d’un sous-amendement à l’amendement de M. Robiliard !

La commission s’en remet donc à la sagesse de l’Assemblée sur ces amendements, qui poursuivent tous le même objectif : discriminer la situation des différents fournisseurs en fonction de leur chiffre d’affaires, en raison de l’incidence que peut avoir cette taxe sur la vie, voire sur l’existence, des plus petites sociétés.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Adopter un amendement poursuivant une intention partagée par le Gouvernement fragiliserait un article qui rencontre plutôt l’assentiment de l’Assemblée. J’invite donc l’Assemblée à n’adopter aucun des amendements.

Un amendement ou un sous-amendement renvoyant à un décret sur la fixation du seuil,…

M. Paul Giacobbi. Très bien !

M. Jean-Pierre Door. C’est le nôtre !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …disposition inhabituelle, risquerait de placer le législateur en situation d’incompétence négative. C’est en effet au Parlement qu’il revient de fixer le montant des droits, taxes et impôts.

Par prudence, mesdames et messieurs les députés, je vous invite donc à adopter cet article en l’état. Vous avez entendu le souci de votre rapporteur, de plusieurs parlementaires et du Gouvernement, de trouver une solution pour les petits distributeurs français, qui sont souvent aussi producteurs. Le but de la disposition étant connu et partagé, le cas de ces entreprises pourra être réglé soit lors de l’examen du texte au Sénat – j’imagine que celui-ci ne laissera pas le texte du présent article inchangé – ou en nouvelle lecture. Le Gouvernement fera des propositions pour trouver une solution équilibrée, ne mettant pas en cause l’ensemble du texte. Il serait dommage qu’une question, certes importante, mais assez marginale en volume par rapport à l’objectif poursuivi, nous conduise à adopter un article risquant ensuite d’être déclaré contraire à certains principes constitutionnels.

La structure du marché de la distribution – le nombre des opérateurs et leur différence de taille ont été évoqués, et je n’en dirai pas plus maintenant – sera bien prise en compte. Le Gouvernement invite donc l’Assemblée à prendre en compte ses arguments et son engagement très ferme à trouver prochainement une solution. Aussi, je vous suggère, mesdames et messieurs les députés, de retirer vos amendements. À défaut, j’en demanderai le rejet.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Ces réponses montrent que la réflexion sur le sujet n’est pas mûre. Si la création du fonds est une bonne chose pour lutter contre la consommation de tabac – à la condition expresse qu’il soit entièrement employé, jusqu’au dernier euro, à la prévention –, les buralistes, dont il faut tout de même parler, craignent que les distributeurs visés par la taxe ne la répercutent sur les fabricants puis ces derniers sur eux.

Lors d’une question d’actualité, monsieur le secrétaire d’État, vous aviez indiqué que vous discutiez avec les buralistes – six réunions s’étaient tenues – et que ce dialogue actif devait se conclure dans les semaines suivantes. Tout en insistant sur la nécessité d’aider un secteur fragile, vous aviez annoncé qu’un accord était possible. Avant d’introduire cette contribution, qui risque de se répercuter et de pénaliser les buralistes, n’est-il pas urgent d’attendre que vous ayez terminé ces négociations ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne suis pas intervenu plus tôt sur ce sujet mais je pense qu’il est effectivement important de faire le point sur les discussions, afin que chacun légifère en connaissance de cause.

J’ai rencontré le président de la Confédération nationale des buralistes de France et son équipe il y a plusieurs mois. La méthode de discussion dont nous sommes convenus a déjà donné lieu à six rencontres. M. Montredon sera reçu demain par mon directeur de cabinet, avant que je ne m’entretienne mercredi avec lui.

Quels sont les points d’accord ? Ils portent d’abord sur l’actuel contrat d’avenir, qui a pourtant été fortement critiqué par plusieurs rapports, dont un de la Cour des comptes. Vous vous plaisez toujours à ériger cette juridiction en référent, mais elle a démoli – je crois que le mot est juste – le contrat d’avenir liant le Gouvernement et les buralistes. Nous ne souhaitons pas remettre en cause le principe d’un accord pluriannuel, qui porte sur de nombreux points : la lutte contre les fraudes ; la participation des buralistes à des mesures de prévention, avec lesquelles ils sont d’accord ; les aides à la diversification de leurs activités, domaine dans lequel ils sont actifs et qui contribuent à diversifier leurs commerces et à les asseoir dans la durée – autres services, comptes Nickel, Française des jeux, Relais colis.

Nous avons travaillé sur la concentration des aides. Je l’ai dit, je le maintiens : il faut concentrer les aides dans les secteurs les plus en difficulté, essentiellement les secteurs ruraux, parfois en voie de désertification, et les secteurs frontaliers, soumis à une concurrence bien connue. Il faut aussi examiner, ou réexaminer, ce que l’on appelle les IFA, les indemnités de fin d’activité : un certain nombre de départs en retraite se font dans des conditions difficiles, la valeur des fonds de commerce ayant parfois chuté fortement, et cela aussi donne lieu à compensation. Il convient donc de recentrer les aides, pour qu’elles ne soient pas données à tout le monde, et d’éviter les effets d’aubaine. J’ai oublié les investissements nécessaires pour assurer la sécurité des buralistes, qui est un souci – de nombreux problèmes sont malheureusement à déplorer. Sur tous ces points, nous travaillons et nous sommes proches de conclure, avec des discussions sur le mode de gestion : certaines choses peuvent être gérées avec une enveloppe annuelle, d’autres sans forcément s’enfermer dans une enveloppe.

Reste un point important : la rémunération des buralistes. Évidemment, les demandes de ceux-ci sont importantes et, évidemment, la rémunération a un impact sur le prix. Or les buralistes sont en général peu, voire pas favorables à des augmentations de prix, car ils craignent que celles-ci ne fassent baisser leur chiffre d’affaires et ne conduisent, en définitive, à une baisse de leur rémunération, en volume. Il faut le dire clairement : ce n’est pas le cas actuellement. Je ne sais pas pour quelle raison – il y en a probablement plusieurs –, mais les ventes dans le circuit légal augmentent, ce qui n’était plus le cas depuis plusieurs années. Ce n’est pas massif, ce n’est pas considérable, mais on observe une certaine inversion de la tendance – sans mauvaise comparaison. Les ventes dans le circuit légal,…

Mme Isabelle Le Callennec. Les ventes ou le chiffre d’affaires ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …donc le chiffre d’affaires aussi, madame la députée, se sont mis à réaugmenter. On entend parfois que c’est dû à l’Euro ou au beau temps – je ne plaisante pas. On entend aussi parfois que c’est en raison des moyens que nous avons mobilisés afin de lutter contre les circuits illégaux : les saisies sont de plus en plus nombreuses, et nous avons pris des textes relatifs à l’interdiction de la vente sur l’internet. Bref, on ne saura peut-être jamais pourquoi, mais en tout cas on note, dans le circuit légal, une remontée des ventes, donc des rémunérations. Et la baisse du nombre de buralistes fait que les revenus moyens des buralistes augmentent de façon substantielle, je pèse mes mots : c’est un des constats des rapports produits par la Cour des comptes et par l’inspection générale des finances, à qui nous avions commandé un travail sur le sujet. La situation est toutefois très inégale, selon les disparités que j’évoquais tout à l’heure.

Il nous reste donc aujourd’hui à discuter du niveau de rémunération, qui devrait immanquablement avoir certaines répercussions, pas forcément immédiates, mais au cours des cinq années du contrat d’avenir. Il faut que nous trouvions un consensus sur ce point, car les buralistes ne peuvent pas réclamer une augmentation de leur rémunération tout en s’opposant à l’augmentation des prix, ils le savent, ils le reconnaissent.

Pour revenir au sujet, cet article entraînera-t-il une baisse de la rémunération unitaire des buralistes ? Non ! Nous faisons le pari, parce que les différents fabricants sont en concurrence, que cette taxe pourra être répercutée sur les marges des fabricants. Les 130 millions d’euros dont il est question étant sans commune mesure avec les marges réalisées par les fabricants avant l’entrée des produits en France, ils doivent pouvoir être absorbés. C’est en tout cas l’hypothèse que nous faisons. Cela nous semble raisonnable, et nous ferons pression en ce sens – car nous disposons tout de même d’un certain pouvoir pour fixer les prix des produits, même si ce n’est pas aussi simple et automatique que ce que l’opinion publique conçoit généralement.

Pardon d’avoir été un peu long mais vous vouliez que nous fassions le point sur cette question. Voilà la situation. Je pense qu’adopter cet article aujourd’hui serait un très bon signal pour tout ce qui concerne la prévention, les recettes, la sécurisation et la lutte contre l’optimisation fiscale. C’est d’ailleurs une question – et même un type d’amendements – qui revient dans nos discussions depuis plusieurs mois, voire plusieurs années.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je voudrais à mon tour, en quelques mots, appeler au retrait de ces amendements ou, à défaut, à leur rejet.

Je veux insister sur la stratégie de santé publique qui a été mise en œuvre. Je ne reviens pas sur l’enjeu que constitue la lutte contre le tabac dans notre pays ; vous le connaissez et vous savez que les efforts qui ont été fournis produisent des résultats, en particulier sur les lycéens, qui ont commencé à fumer moins. Nous avons toutefois besoin d’agir globalement, en utilisant tous les leviers.

La stratégie que j’ai proposée, il y a maintenant deux ans, avec le plan national de réduction du tabagisme, comporte à la fois des mesures de dissuasion, avec le paquet neutre, des mesures d’interdiction de fumer dans des lieux publics, comme les aires de jeux pour enfants…

M. Arnaud Viala, rapporteur. Oh !

Mme Marisol Touraine, ministre. Eh oui : là où il y a des enfants, fumer, ce n’est quand même pas formidable !

M. Arnaud Viala, rapporteur. Et devant les lycées ?

Mme Marisol Touraine, ministre. …et une stratégie de prévention. Je serai explicite : les sommes qui proviendront de la mesure que nous vous demandons d’adopter seront affectées au fonds de prévention contre le tabagisme et nous permettront de financer l’ensemble des mesures de prévention que nous mettons en place, notamment les nouvelles que j’ai annoncées, en particulier la prise en charge forfaitaire de 150 euros, contre 50 euros aujourd’hui, des dispositifs de sevrage tabagique.

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre. Aujourd’hui, vous le savez, ceux qui veulent arrêter de fumer grâce à ces dispositifs de sevrage – patch ou autres – ne peuvent pas bénéficier d’un remboursement classique de la part de la Sécurité sociale, puisque les fabricants ne veulent pas demander d’autorisation de mise sur le marché.

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Et voilà !

Mme Marisol Touraine, ministre. Or on ne peut pas pratiquer le remboursement d’un produit qui n’a pas reçu une autorisation de mise sur le marché. Pour contourner la mauvaise volonté des fabricants – je pèse mes mots –, c’est-à-dire leur refus de demander une autorisation de mise sur le marché, j’ai donc proposé l’instauration d’un forfait. Il est aujourd’hui fixé à 50 euros ; je propose de le porter à 150 euros. Pour financer ces actions-là, nous avons besoin de recettes nouvelles ; c’est précisément l’enjeu de la mesure qui vous est présentée.

Je pourrais évoquer d’autres dispositifs de prévention, mais je voulais rappeler la logique, la cohérence d’ensemble de la politique de lutte contre le tabagisme. Nous avons mis en place le paquet neutre, nous avons pris diverses mesures dans le cadre de la loi de modernisation de notre système de santé. Aujourd’hui, je vous demande, nous vous demandons de nous donner des moyens supplémentaires pour financer des actions de prévention.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay, rapporteure.

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Je voudrais insister sur le point que vient d’exposer excellemment Mme la ministre. Dans la rue, les Français nous demandent : « Mais pourquoi donc ne remboursez-vous pas le sevrage tabagique ? »

M. Gilles Lurton. On vous le demande dans la rue, à vous ?

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Oui, on m’interpelle dans la rue, pour me féliciter de mon action !

M. Dominique Tian. À Bordeaux ?

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Parfaitement – et pourtant le contexte n’est pas celui que je voudrais ! (Rires.)

En tout cas, je souhaiterais que vous, qui êtes vraiment des soutiens de l’industrie pharmaceutique – ce qui ne veut pas dire que nous ne le sommes pas nous aussi –, vous pesiez sur celle-ci afin qu’elle accepte de fixer un tarif Sécurité sociale pour les produits de sevrage, et que nous puissions en rembourser l’achat. Il faut qu’eux aussi y mettent un peu de bonne volonté !



C’est un point essentiel, et je veux que le public le sache, car nous ne pouvons actuellement prendre en charge la totalité du sevrage – en tout cas du sevrage médicamenteux. Je compte donc sur vous.

M. le président. Monsieur Robiliard, retirez-vous votre amendement ?

M. Denys Robiliard. Je le retire.

(L’amendement n733 est retiré.)

M. le président. Et les autres amendements, sont-ils maintenus ou retirés ?

Mme Véronique Massonneau. Je retire l’amendement n816 rectifié.

(L’amendement n816 rectifié est retiré.)

M. le président. Monsieur Giacobbi ?

M. Paul Giacobbi. Je connais un peu M. le secrétaire d’État : quand il dit non, ce n’est pas la peine d’insister, mais quand il dit oui et qu’il s’engage, ce n’est pas la peine de s’inquiéter.

M. Dominique Tian. On peut penser le contraire…

M. Paul Giacobbi. Et puisqu’il s’est engagé, si nous votons cet article, à revenir devant nous pour nous proposer, de préférence dans la loi, un mécanisme d’adaptation qui fasse que cela n’atteigne pas les petites entreprises de production de tabac, je retire l’amendement n360 rectifié.

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Très bien !

(L’amendement n360 rectifié est retiré.)

M. le président. Je donne la parole à M. Door, pour qu’il s’exprime au nom de son groupe sur les deux amendements restant en discussion.

M. Jean-Pierre Door. J’ai cru comprendre, monsieur le secrétaire d’État, que, si vous refusiez l’inscription dans la loi d’un abattement d’un certain montant, vous accepteriez en revanche de discuter sur un éventuel décret. Est-ce bien cela ? Vous allez réfléchir à la possibilité de prendre un décret qui mettrait en application des règles d’abattement ?

Si vous me confirmez cela, je retire l’amendement ; sinon, je le maintiens.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Parfois, je réfléchis en même temps que je parle… (Sourires.)

Je voudrais dire deux choses.

Premièrement, monsieur Giacobbi, pour reprendre une formule célèbre, la confiance n’exclut pas le contrôle. Vous aurez l’occasion de contrôler mes dires, puisque ce texte reviendra devant vous en deuxième lecture.

Ensuite, monsieur Door, que les choses soient claires : je pense – mais peut-être faudra-t-il examiner cela de plus près – que renvoyer la fixation d’un abattement à un décret risquerait de provoquer les foudres du Conseil constitutionnel, pour incompétence négative ; c’est en effet au Parlement, je le répète, de fixer le montant et les modalités de recouvrement de tout ce qui est impôt et taxes.

M. Dominique Tian. Eh bien, faisons-le !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est ce que je pense a priori, mais il faut que nous analysions les choses avec précision. Je vous propose donc de n’adopter aucun amendement, mais de revenir vers vous avec des propositions, au Sénat comme en deuxième lecture.

M. Paul Giacobbi. Voilà qui est très clair !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Prendre une disposition par décret me semblerait contraire aux principes constitutionnels, c’est déjà arrivé. Or je ne souhaiterais pas fragiliser davantage l’article.

M. Paul Giacobbi. Tout à fait !

(Les amendements identiques nos 633 rectifié et 758 rectifié ne sont pas adoptés.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly