Première communication devant la commission des affaires culturelles, familiales et sociales Mme Odette GRZEGRZULKA, rapporteure, Introduction Pour assurer le suivi des " grandes " lois examinées, avant leur adoption, par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, il a été décidé d’adopter une démarche progressive et pragmatique d’examen successif des problèmes techniques rencontrés par ordre d’urgence et d’importance. La présente communication sera ainsi consacrée à la mise en place sur le terrain du dispositif CMU. Une deuxième communication traitera, dans le courant du mois de juin, des questions liées au financement de la CMU et au " panier de soins " de ses bénéficiaires. Une communication future pourrait ensuite étudier l’importance de l’effet de seuil créé par le plafond de ressources de la CMU et les solutions étudiées ou mises en œuvre pour l’atténuer. I.- La rançon du succès Jamais une loi n’a connu une application aussi concrète et massive si peu de temps après son adoption par le Parlement. A. Un succès manifeste 1) Une loi attendue
2) Des statistiques édifiantes Pour accélérer la mise en route de la CMU, la loi avait prévu que tous les titulaires de l’aide médicale au 31 décembre 1999 bénéficieraient au 1er janvier 2000 de plein droit de la couverture complémentaire CMU jusqu’au 30 juin 2000 au moins. Par ailleurs, la loi prévoyait également l’attribution automatique de cette même couverture pour tous les bénéficiaires du revenu minimum d’insertion (RMI), ces derniers remplissant de facto les conditions d’attribution de la CMU. Il y a donc eu basculement automatique de ces personnes qui représentaient au 18 février 2000 près de 3 140 000 bénéficiaires. Il faut y ajouter pour la CNAMTS à la date du 23 février dernier 132 000 autres dossiers acceptés de couverture complémentaire n’ayant pas fait l’objet d’un basculement sur un total de 226 000 demandes dont 72 000 étaient encore en instance, soit un taux d’acceptation provisoire de 58,4%. Ainsi, au 23 février 2000, pour la seule CNAMTS, la couverture complémentaire CMU a été accordée à 3 272 000 personnes. 3) Une campagne d’information largement diffusée Le succès de la campagne télévisée nationale et du numéro vert grand public (0 800 555 222) ouvert dès le 15 décembre 1999 a été indubitable : en janvier 2000, jusqu’à 5000 appels par jour ont ainsi été enregistrés. Dix millions de brochures ont été diffusés en deux vagues : deux millions en décembre 1999 et 8 millions en janvier 2000 aux DDASS, DRASS, CCAS, organismes complémentaires, conseils régionaux et conseils généraux, établissements de soins, associations caritatives nationales et structures publiques compétentes pour le RMI ou la lutte contre l’exclusion. 4) Un transfert réussi des fichiers départementaux de l’aide médicale A de rares exceptions près, ce transfert s’est bien déroulé car il avait été anticipé pour un grand nombre de caisses qui géraient déjà l’aide médicale départementale pour le compte des conseils généraux ainsi que l’aide médicale d’Etat. Les seules difficultés dans ce transfert ont donc été rencontrées par les caisses qui n’avaient pas reçu cette ou ces délégations. Dans ces cas, le basculement des fichiers a pu s’effectuer sans prendre en compte l’ensemble des bénéficiaires d’une même famille car le fichier transmis considérait le foyer des bénéficiaires dans sa globalité sans identifier chacun d’entre eux, ainsi que le signale dans ses réponses au rapporteur, le président de l’association des directeurs de CPAM. Il a donc fallu procéder à des manipulations visant à " redresser " le fichier en question. 5) Le bon fonctionnement des transferts de dossiers entre régimes La Caisse nationale d’assurance maladie des professions indépendantes, la CANAM, note dans sa réponse au questionnaire que lui a adressé le rapporteur, qu’aucune difficulté n’est à signaler dans les transferts de dossiers entre régimes, au demeurant peu nombreux, en dépit de l’absence de procédure d’échanges informatisés et de l’utilisation de supports papier. Le même constat est fait par la Mutualité sociale agricole (MSA). B. Mise en place du dispositif : un succès qui dépasse les prévisions 1) Une élaboration tardive des décrets et des guides Les trois premiers décrets pris pour application de la loi créant la CMU ont été pris le 1er décembre 1999 ; le premier est relatif à la protection complémentaire en matière de santé, où sont définies, en particulier, la notion de foyer, l’importance de la majoration du plafond de ressources, en-deça duquel le droit à la CMU est ouvert, selon la taille du foyer ou encore la nature des ressources qui ne doivent pas être prises en compte dans le calcul de ce plafond ; le deuxième concerne la condition de résidence et le dernier fixe à 42 000 francs le plafonds de ressources annuelles pour une personne seule. Leur ont succédé jusqu’au 23 décembre dernier sept autres décrets. Le guide relais à destination était certes disponible sur le site internet du ministère de l’emploi et de la solidarité dès le 15 décembre 1999 mais il n’a été diffusé sur support papier qu’en 80 0000 exemplaires et seulement le 7 février 2000, sans être préalablement réactualisé. Ces retards ont eu de multiples conséquences : 2) Des caisses primaires d’assurance maladie débordées par l’afflux des demandeurs L’organisation de l’accueil des bénéficiaires potentiels de la CMU et le traitement de leurs demandes s’est avéré extrêmement difficile dans les CPAM vite submergées. Se sont rapidement posés avec acuité des problèmes d’effectifs et d’organisation. Le ministère de la solidarité et de l’emploi a autorisé le recrutement de 1400 agents alors que la CNAMTS souhaitait la création de 3000 postes équivalent temps plein. A la fin de l’année 1999, 900 personnes en contrat à durée déterminée et 500 autres en contrat à durée déterminée ont été embauchées. Ces efforts se révélant insuffisants, 600 postes supplémentaires ont été crées dont 500 emplois-jeunes dans le courant du mois de janvier 2000 principalement affectés en région parisienne. Cependant à ce jour, ainsi qu’a pu le constater le rapporteur en visitant un centre dans le 18ème arrondissement de Paris, la convention entre l’Etat et la CNAMTS sur ces emplois-jeunes n’a toujours pas été signée. Un renfort de 2000 mois de contrats à durée déterminée devrait par ailleurs, selon la CNAMTS, permettre de résorber une partie des retards cumulés. Le redéploiement des personnels pour faire face aux besoins de mise en place de la CMU s’est effectué aux dépens des autres missions des caisses, dans un contexte déjà tendu avec, en particulier, l’épidémie de grippe, l’informatisation des caisses et des professionnels de santé, et les retards cumulés préexistant dans le traitement des feuilles de soins. Certaines caisses ont ainsi été amenées à des fermetures partielles dans l’accueil du public. Cette situation s’est d’autant plus aggravée que les publics concernés par la CMU se sont massivement présentés dans les caisses. Selon l’Observatoire CMU mis en place par la CNAMTS, les demandes de renseignements et les dépôts des dossiers ont fait l’objet de visites dans les caisses dans 60% des cas, le téléphone et le courrier ne représentant respectivement que 29 % et 11 % des demandes entre le 28 janvier et le 18 février 2000. De plus, les basculements automatiques des bénéficiaires de l’aide médicale et du RMI n’ont pas empêché les intéressés de se présenter dans les caisses pour obtenir des informations : selon l’Observatoire, la réponse à ces demandes d’information a représenté sur la même période précitée 21 % des contacts enregistrés. Durées moyennes du traitement des demandes dans les CPAM
Cette situation ne s’est heureusement pas produite dans les caisses locales de la MSA et de la CANAM en raison essentiellement d’un afflux moindre des demandes. La CANAM estime ainsi, dans sa réponse au questionnaire, que l’accueil des demandeurs fonctionne " de manière optimale ". Des " formateurs relais " y ont été formés dès novembre 1999, ce qui a permis de former d’autres agents et de sensibiliser l’ensemble du personnel. La MSA bénéficiait pour sa part d’une organisation spécifique qui s’est révélée bien adaptée à la CMU avec l’existence de centres de proximité, de permanences administratives et de permanences sociales. En dépit des difficultés des CPAM, la durée de traitement des dossiers est restée correcte. Le délai de deux mois fixé par la loi, au-delà duquel le silence de la caisse saisie vaut acceptation, n’a semble-t-il jamais été dépassé. Durées moyennes de réponse à une demande à partir de la transmission d’un dossier complet
En tout état de cause, il convient de saluer l’engagement des personnels qui ont su, en un temps limité, adapter leurs missions et adopter une culture nouvelle pour laquelle ils n’étaient initialement pas formés. Il leur a fallu, en effet, apprendre un tout nouveau métier, plus proche de celui des travailleurs sociaux : être à l’écoute, aider au remplissage des dossiers mais aussi calculer les ressources ouvrant droit à la CMU. Le rapporteur a pu constater, sur le terrain, que nombre des agents impliqués ont su trouver dans ces nouvelles tâches un enthousiasme et un intérêt très forts. 3) Des demandes d’information insuffisamment satisfaites Les documents d’information ont été semble-t-il distribués " au compte-gouttes " et les ruptures de stocks ont été fréquentes. Ainsi qu’a pu le constater sur le terrain le rapporteur, le dépliant a rarement été disponible dans les caisses d’assurance maladie pour les assurés. Aucune information spécifique en direction des professionnels de santé n’avait été prévue à l’origine. Devant les nombreuses interrogations émanant de ces professionnels, qui s’adressaient aux caisses d’assurance maladie, augmentant d’autant la charge de travail d’information de celles-ci, a été créé à leur intention le 24 janvier 2000 un " numéro indigo " (0 825 000 724). II.- Une loi insuffisamment relayée sur le terrain A. les services déconcentrés de l’Etat ne jouent pas assez le rôle d’animateurs du dispositif La circulaire du 4 octobre 1999 du ministère de l’emploi et de la solidarité a confié au préfet de département le soin " de mobiliser les acteurs pertinents, professionnels sanitaires et sociaux, services publics et associatifs accueillant et informant les bénéficiaires de la CMU ". A cet effet, il a été demandé au préfet de constituer un groupe de travail " associant les représentants des trois régimes d’assurance maladie et de la branche famille, du conseil général, des CCAS, des établissements de santé et des associations ". Ces groupes ont pour la plus grande partie d’entre eux été mis en place tardivement et ont été peu fréquemment réunis. En Ile-de-France, seul un département - celui des Hauts-de-Seine - a mis en place des réunions régulières de suivi. On peut regretter, par ailleurs, que les organismes complémentaires n’aient pas été associés à ces groupes. Il en a résulté une absence de dynamique locale pour coordonner la mise en place entre l’ensemble des acteurs participant au dispositif. De plus, rares sont les départements où les services de l’Etat ont pris l’initiative de lancer des campagnes de communication locales relayant la campagne nationale. Par ailleurs, ainsi que le note la CANAM dans sa réponse au questionnaire, les services sociaux jouent davantage un rôle d’aiguillage vers les caisses d’assurance maladie que de conseil aux demandeurs de CMU. B. les élus sont peu impliqués Force est de constater, hélas, la faible implication des élus, nationaux et locaux, dans le soutien au lancement et à la mise en place de la loi sur le terrain. On avait pu assister, pourtant, en 1988 à une forte mobilisation des élus nationaux autour de la loi créant le RMI. Tel n’a pas été le cas pour la CMU alors que cette loi nécessite un effort particulier d’explication et d’engagement de tous. Au sein de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, seuls douze commissaires sur 145 ont répondu au questionnaire du rapporteur sur la mise en place de la CMU dans leur circonscription. On peut regretter également l’inaction, les réactions tardives et faibles des départements dans le redéploiement de leurs moyens financiers et humains consacrés hier à l’aide sociale : comment sont utilisés les 5 % restant des contingents communautaires ? Que font les départements qui faisaient hier mieux que la CMU en terme de plafond de revenus ? Dans les départements des Hauts-de-Seine et de Paris, ces questions ne sont pas encore tranchées mais on semble s’acheminer vers le maintien des droits acquis sous forme de " chèques mutuelle " seulement pour les anciens bénéficiaires de l’aide médicale qui n’ont pas eu droit à la CMU en raison du dépassement du seuil de ressources. C. la participation des associations est encore limitée Dans les grandes villes, les associations semblent jouer un rôle utile dans l’accompagnement des demandeurs. Ailleurs, elles paraissent rencontrer des difficultés par manque de moyens, voire d’informations. A cet égard, la diffusion insuffisante et tardive des guides relais a constitué un obstacle majeur à une implication plus forte des associations. Certaines se sont par ailleurs heurtées à un retard dans la procédure d’agrément par le préfet qui conditionne la reconnaissance de leur qualité d’accompagnateur. Il existe cependant des exemples de coopérations réussies entre les caisses d’assurance maladie et des associations dont les bénévoles ont été formés par des agents des caisses ; dans certaines grandes associations à Paris, des permanences sont même assurées par des représentants des CPAM. D. les centres communaux d’action sociale (CCAS) tardent à s’engager Il convient de rappeler que les CCAS procédaient hier à la constitution des dossiers de demande d’aide médicale départementale pour laquelle ils recevaient une rémunération des conseils généraux. La situation est contrastée avec la CMU : des CCAS jouent bien le rôle d’accompagnateurs des demandeurs de CMU que leur confie la loi en leur qualité de services sociaux ; le personnel de ces centres a parfois été formé au traitement des dossiers CMU par les CPAM. D’autres centres, qui représentent apparemment la plus grande partie d’entre eux, se sont totalement désengagés du dispositif et réclament pour intervenir des aides financières. Ils se contentent pour la plupart de renvoyer les personnes vers les caisses. Un membre de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales signale ainsi que dans le département des Deux Sèvres, un CCAS a déclaré par écrit au préfet qu’il ne considère pas que l’aide au remplissage des dossiers de demande de CMU fasse partie de ses missions. Dans le même département, un grand nombre de CCAS ont décidé, en conseil d’administration, dès le 1er janvier 2000, d’affecter leur personnel hier compétents pour l’aide médicale à d’autres missions. Ce désengagement massif des CCAS est vivement regrettable car les CCAS ont une expérience irremplaçable dans l’accueil, le conseil et l’accompagnement des personnes démunies et une connaissance approfondie des populations concernées qui, même en milieu rural, ont le " réflexe " de s’adresser à eux pour connaître leurs droits et se faire aider dans leurs démarches. Pourtant, lors de l’élaboration de la loi, les représentants des CCAS avaient demandé avec insistance d’être reconnus en qualité d’accompagnateurs des personnes demandant à bénéficier de la CMU. III.- Un partenariat à améliorer A. le basculement automatique provisoire de tous les bénéficiaires de l’aide médicale dans " l’option a " Bien que la loi prévoyait que les bénéficiaires de la CMU disposent dès le départ du choix de l’organisme gestionnaire de leur couverture complémentaire (la caisse d’assurance maladie dont ils relèvent selon " l’option a " ou l’un des organismes complémentaires inscrits sur la liste préfectorale selon " l’option b "), l’autorité réglementaire a décidé, par soucis d’accélérer les procédures, dans la circulaire du 4 octobre 1999, de ne pas proposer provisoirement d’option à ces personnes ; celles-ci devraient normalement être recontactées à partir du printemps prochain par leur caisse pour exercer leur choix. B. les difficultés pour les bénéficiaires d’exercer leur choix de protection complémentaire de manière libre et éclairée Plus de huit bénéficiaires de la couverture complémentaire CMU sur dix ont aujourd’hui choisi leur caisse d’assurance maladie comme gestionnaire de cette couverture CMU. Si l’on exclut le cas précité des anciens bénéficiaires de l’aide médicale départementale qui n’ont pu exprimé leur choix, différentes raisons expliquent la faible mutualisation des bénéficiaires de la CMU : Des négociations entre la CNAMTS et les fédérations d’organismes complémentaires ont certes permis de mettre au point des modalités de paiement des prestations en tiers-payant, conformément à l’article L. 851-3 du code de la sécurité sociale qui prévoit l’instauration d’un interlocuteur unique pour les professionnels et les établissements de santé veillant à l’ensemble de la procédure de dispense d’avance des frais, tant pour l’option conventionnelle du médecin référent que pour la CMU. Dès la fin de 1999, une procédure transitoire (" procédure A ") permet en théorie la liquidation a priori par l’organisme d’assurance maladie de la part des honoraires restant à payer au titre de l’organisme complémentaire, à charge pour le premier de se faire rembourser par le second. Au cours du deuxième trimestre 2000, une seconde procédure (" procédure B "), devrait être mise en place et permettre la liquidation par l’organisme complémentaire sous sa responsabilité de la part qui lui revient. Dans les deux cas, un paiement unique est adressé aux professionnels de santé et assorti d’un relevé de prestations commun à l’organisme d’assurance maladie et aux organismes complémentaires. Si l’accord formalisant ces procédures a bien été signé, ne sont pas encore conclus une convention type et un cahier des conditions techniques pour l’échange informatique des données. De plus, les CPAM doivent conclure au niveau local avec chacun des organismes complémentaires souhaitant mettre en œuvre ce dispositif de tiers-payant une convention particulière qui définit notamment le montant des avances de trésorerie accordées par les organismes complémentaires à la caisse qui fait l’avance des frais. Autant de procédures lourdes et complexes car les avances sont calculées par foyer et non par nombre de bénéficiaires. De plus, une grande fédération de mutuelles, face aux incertitudes présentes, a demandé à ses adhérentes de ne signer aucun accord local. Il en résulte des dysfonctionnements majeurs qui aboutissent au remboursement du professionnel de santé en deux fois pour la part correspondant au régime de base et pour celle correspondant au régime complémentaire. Un directeur de CPAM écrit ainsi à l’un des membres de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, " qu’une concertation préalable avec les caisses d’assurance maladie aurait permis, quitte à décaler la mise en œuvre (de la CMU) de quelques mois, de travailler de façon beaucoup plus satisfaisante tant pour les bénéficiaires et les professionnels de santé que pour les caisses ". On peut se demander si face à ces difficultés techniques, certaines caisses d’assurance maladie ne sont pas tentées de promouvoir le choix de la caisse comme gestionnaire de la couverture complémentaire CMU au nom de la rapidité d’application du tiers-payant et par souci d’éviter les complications précitées. Il reste que pour toutes les raisons évoquées, le choix du bénéficiaire de la CMU ne peut, en l’état actuel, s’exercer véritablement de manière libre et éclairé ce qui fait dire à de nombreux interlocuteurs du rapporteur que cette liberté est " factice ". Pour le président de la Fédération des mutuelles de France, l’accès des bénéficiaires de la CMU à leur droit d’adhérer à une mutuelle est " insignifiant ". Cette situation est tout à fait regrettable car l’intention du législateur était bien de mettre en place une couverture complémentaire CMU certes gratuite mais proche du droit commun en offrant la possibilité aux publics concernés d’adhérer à une mutuelle ou une société de prévoyance ou de souscrire un contrat d’assurance, à l’instar du reste de la population, afin de sortir d’une logique d’assistanat et de droit d’exception. Le choix de la caisse d’assurance maladie, dans cet esprit, ne devait constituer qu’une sécurité pour que le dispositif fonctionne en cas de carence des organismes complémentaires. De nombreux organismes complémentaires ont pourtant essayé de vanter les mérites d’une adhésion ou d’une souscription auprès d’eux en développant des campagnes de communication propres : numéros verts, brochures, offres de formation gratuite des partenaires relais, contacts avec les CPAM et les autres partenaires sociaux… C. la mise en cause de l’application du principe de neutralité par certaines caisses d’assurance maladie
Force est de constater que le protocole signé entre la CNAMTS et les organismes complémentaires en février 1999 n’est pas respecté. Il reconnaissait " qu’il appartient aux organismes complémentaires de proposer aux bénéficiaires la protection complémentaire associée à la CMU. Les caisses d’assurance maladie, en application du principe de subsidiarité, n’offrent une telle prestation qu’en cas de carence constatée des organismes complémentaires ". En préambule, le même texte affirmait " qu’il n’entre pas dans la vocation naturelle des organismes gestionnaires des régimes obligatoires ou complémentaires de se concurrencer sur leur terrain respectif, pour la couverture du risque maladie. "
Les relations entre les organismes complémentaires et les CPAM sont extrêmement contrastées ; l’esprit de coopération qui peut se développer entre eux semble fortement dépendre de la personnalité du directeur de la caisse ou des volontés exprimées par son conseil d’administration. Les représentants des Mutuelles de France, rencontrés en assemblée générale par le rapporteur le 2 mars 2000, font ainsi état de comportements inquiétants de la part de certaines CPAM. Dans les Bouches-du-Rhône et en Seine et Marne, certains mutualistes bénéficiaires de la CMU ont été basculés automatiquement dans la CPAM dont ils relèvent pour leur couverture complémentaire alors que leur mutuelle était inscrite sur la liste préfectorale. Des dossiers de demande de CMU de mutualistes rentrant dans les conditions d’attribution de la couverture complémentaire CMU déposés au début du mois de janvier 2000 auprès d’une CPAM des Alpes maritimes n’auraient pas été traités à la date du 2 mars dernier. En Seine-et-Marne, un directeur de CPAM refuse de recevoir l’Union des mutuelles de ce département qui souhaitait mettre en place des collaborations avec la caisse. Dans le Lot, une CPAM a refusé de diffuser la liste des organismes complémentaires participant à la CMU, refus qui a été signalé à la DDRASS. Dans l’Allier, un directeur de CPAM a déclaré publiquement en conseil d’administration, parlant des mutualistes bénéficiaires de la CMU qui ont été basculés pour leur couverture complémentaire CMU dans la caisse jusqu’à l’été 2000, qu’il " fera tout pour les garder ". Il semble ainsi que l’obligation légale d’après laquelle le bénéficiaire de la CMU, assuré ou mutualiste avant son entrée dans le dispositif CMU, doit conserver sa mutuelle ou son assurance dès lors que celle-ci est inscrite sur la liste des organismes complémentaires, n’est pas respectée. Dans sa réponse au questionnaire du rapporteur, la Fédération française des sociétés d’assurance déclare ainsi que " le faible nombre de dossiers de bénéficiaires dans cette situation adressés par les CPAM aux membres de la fédération incite à penser qu’une certaine disparité de traitement doit exister, plutôt au profit de celle-ci ". IV.- Des inquiétudes fortes A. le phénomène d’engorgement des caisses d’assurance maladie n’est pas terminé La période de " surchauffe " des caisses d’assurance maladie confrontées à la mise en place de la CMU n’est pas terminée. On peut craindre en effet de nouveaux phénomènes d’engorgement sous l’effet de plusieurs échéances à venir :
Par ailleurs, les difficultés liées à la gestion du " panier de biens et services ", qui pose de nombreux problèmes d’interprétation ou de compréhension de la part des assurés vont nécessairement représenter pour les caisses un coût non négligeable en termes de temps consacré à cette gestion et à l’information aux assurés, d’autant plus que le contenu de ce panier de soins est difficile à leur expliquer. B. les organismes complémentaires risquent de se désengager - En dépit de leur volonté de participer au dispositif, fin janvier 2000 on pouvait recenser au niveau national 289 organismes complémentaires ; le sentiment général est celui de la déception et des espoirs déçus à l’exemple des Mutuelles de France rencontrées en assemblée générale qui ont exprimé le sentiment que leurs efforts ne sont pas récompensés. - En dépit de leur participation financière au fonds de financement dont le coût a déjà été répercuté, dans la plupart des cas, sur le montant des cotisations des mutualistes ou des assurés qui ont augmenté en moyenne de 4,75%. - En dépit de l’avantage prévu pour " l’option b " dans la loi consistant à offrir un tarif spécial aux bénéficiaires de la CMU ayant choisi cette option l’année suivant leur sortie du dispositif. - En dépit du réexamen de la situation des anciens bénéficiaires de l’aide médicale départementale. Il n’est pas sûr, en effet, que le courrier des CPAM informant ces personnes de la possibilité de changer d’option soit accompagné de la liste, à cette époque définitive, des organismes complémentaires participant au dispositif dans leur département. Un directeur de DDASS, dans la réponse qu’il adresse à un membre de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, estime ainsi que " le volume de la liste interdit de l’adresser individuellement à chacun des intéressés en même temps que la relance pour l’examen (de leurs) droits ". Dans ces conditions, on peut douter que les intéressés effectuent de leur plein gré une démarche spécifique pour consulter ladite liste ; il est permis de croire que par souci de simplicité, ils préféreront conserver leur CPAM gestionnaire de leur couverture complémentaire. - En dépit surtout de l’esprit de la loi qui était de favoriser la mutualisation des bénéficiaires de la CMU pour éviter de les sortir du droit commun, dans la logique de la recherche d’une véritable insertion de ces personnes. C. Des refus de soins des bénéficiaires de la CMU par certains professionnels de santé sont à craindre De tels refus sont à craindre pour deux raisons principales : V.- Recommandations Il est urgent de prendre dès aujourd’hui des mesures précises pour corriger certains dysfonctionnements, lacunes ou insuffisances du dispositif afin de garantir le succès pérenne de la loi. 1) Des mesures de simplification à adopter Sont hautement souhaitable les simplifications :
2) Des précisions à apporter Des incertitudes devraient être levées s’agissant par exemple, ainsi que le signale la CANAM pour le calcul des ressources, du cas des retraités non salariés : doit-on prendre en compte le montant de la pension des douze derniers mois civils précédents ou celui de l’année civile précédente ? Que faire également lorsque la personne a des revenus professionnels non salariés et des ressources autres : celles-ci doivent-elles être calculées sur les douze mois précédents alors que les revenus professionnels sont ceux de l’année civile précédente ? La CNAMTS s’interroge, quant à elle, sur l’interprétation des textes réglementaires sur les étrangers en situation irrégulière qui relèvent, de par la loi créant la CMU, d’une aide médicale de l’Etat (AME). 3) Donner aux CPAM la possibilité d’anticiper leur calendrier en prévision des prochaines charges de travail Il serait bienvenu d’autoriser les CPAM à réexaminer dès aujourd’hui les dossiers des bénéficiaires de l’aide médicale sans que soient remis en cause les droits qui leur sont reconnus jusqu’au 30 juin 2000 afin que les caisses puissent mieux répartir dans le temps leur charge de travail à venir. 4) Confier aux CCAS, co-financés par les départements et les fonds d’action sociale de la CNAMTS, le soin de monter les dossiers de demande de CMU Des projets de protocoles locaux ont été négociés, notamment en Seine-Saint-Denis, pour rémunérer forfaitairement chaque dossier traité par les CCAS mais n’ont pu être signés devant les refus de financements de la CNAMTS et du ministère. Il est souhaitable que soit conclu un protocole national liant les CCAS et la CNAMTS confiant explicitement aux CCAS une mission de pré-accueil et d’accueil des demandeurs de CMU et prévoyant une rémunération proportionnelle au nombre de dossiers complets transmis aux CPAM, calculée à partir du montant qui leur était alloué en moyenne par les conseils généraux pour le traitement de l’aide médicale. Cette mission devrait comprendre : Cette mission ne serait pas exclusive, les autres accompagnateurs sociaux conservant leur rôle, ainsi que les caisses d’assurance maladie qui garderaient la possibilité de monter les dossiers de demandes de CMU. Le financement pourrait en être partagé entre la CNAMTS, à l’aide de ses fonds d’action sociale, et les conseils généraux qui ont conservé, rappelons-le, au sein de leur dotation générale de décentralisation, 5% des dépenses qu’ils consacraient en 1997 à l’aide médicale. 5) Relancer le partenariat Il pourrait être envisagé d’accompagner la diffusion des listes des organismes complémentaires d’une brochure, agréée par le ministère, expliquant l’intérêt d’y adhérer. Il convient par ailleurs d’engager les parties à respecter le protocole CNAMTS/organismes complémentaires. 6) Soutenir les associations Une procédure d’agrément national des grandes associations pourrait être mise en place afin que l’agrément de leurs antennes locales soit automatique. 7) Prévoir des actions de communication locale ciblée à destinations des populations les plus marginalisées Il est à craindre que les populations les plus fragilisées, en particulier les itinérants et des personnes en milieu rural, aient encore un accès difficile à l’information et n’aient pu être touchées par les campagnes générales et nationales menées jusqu’à aujourd’hui. Le faible nombre de bénéficiaires de la couverture de base CMU tendrait à prouver que tous les bénéficiaires potentiels n’ont pas été touchés. Il faut donc développer des actions de communication spécifiques en direction de ces personnes. Remerciements
Annexe
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