N° 1622

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 mai 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE (1)
sur les agissements, l'organisation, le fonctionnement, les objectifs du
groupement de fait dit " DÉPARTEMENT PROTECTION SÉCURITÉ " et les
soutiens dont il bénéficierait

Président

M. Guy HERMIER,

Rapporteur

MBernard GRASSET,

Députés.

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TOME I - PARTIE II

RAPPORT

S O M M A I R E D E L A P A R T I E I I
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II. LE DPS, UN SERVICE D'ORDRE PAS COMME LES AUTRES

a.- le dps dans le discours frontiste ou figures rêvées du dps 3
1. Les missions du DPS : ni garde prétorienne ni police politique mais un service d'ordre classique 4
a) Surveiller pour éviter les débordements 5
b) Protéger les militants contre les incendies et les contre-manifestants 5
c) Des sanctions en cas de manquement aux missions 7
d) Ni police politique ni garde prétorienne ? 7
2. Les membres du DPS : des bénévoles dévoués et honnêtes, moyennement efficaces 9
a) Le bénévolat, trait caractéristique des membres du DPS 9
b) Les membres du DPS : une mosaïque de personnes 11
c) Ni skinheads, ni néo-nazis au DPS 13
3. Le fonctionnement du DPS : une " apparence de structure " 14
a) Les mécanismes de mobilisation des membres du DPS 14
b) Des méthodes d'intervention sur le terrain très classiques 15
c) Il n'y a pas d'entraînement au DPS 17
4. L'équipement des DPS 19
a) Tenues de ville, tenue décontractée, " tenue de nuit "... 19
b) Un équipement exclusivement défensif 21
5. L'interprétation des incidents reprochés au DPS : entre actes individuels, montage médiatique et impératifs de protection 22
b.- la réalité du dps 23
- Les premiers balbutiements : la DOM 24
- 1985-1993 : un DPS très hétérogène 24
- 1993-1998 : adapter le DPS au nouveau statut politique du Front National 26
- 1999 : un DPS à reconstruire 26
1. L'organisation générale du DPS 27
a) Le DPS sur le territoire : organisation hiérarchisée ou réseau hétérogène ? 27
b) La place du DPS dans le parti : un rouage essentiel 29
- L'absence d'autonomie juridique 30
- Une autonomie financière très limitée 30
- L'autonomie fonctionnelle : une élite au sein du Front National 33
c) Le DPS et le président du Front National : un instrument de pouvoir au service d'un homme 35
- " Dépend du Président Seulement " 35
- Un instrument de pouvoir : la mission de renseignement interne du DPS 37
2. Le DPS, un service d'ordre qui a des moyens 40
a) Les moyens humains : une véritable nébuleuse 40
- Le recrutement des membres du DPS 44
- Le profil général des membres du DPS 45
- Les militaires, gendarmes et policiers 46
- Le profil mercenaire 49
- Le profil néo-nazi 53
- Les conséquences de la scission du Front National sur les membres du DPS 56
b) Le DPS et les sociétés de sécurité et de gardiennage privées 57
- Une capillarité naturelle au sein d'un même vivier 58
- Quelques sociétés amies 59
c) Les moyens matériels : un bel attirail ! 62
- Un mot d'ordre : " pas d'armes ! " 62
- Comment être efficace sans entraînement ? 66
 Les tenues 69
3. Des missions officielles aux méthodes d'intervention du DPS : les trois faces du DPS 70
a) Un service d'ordre classique : le DPS, vitrine du Front National 71
b) Un service d'ordre musclé : les unités mobiles d'intervention (UMI) ou groupes-choc, noyau dur du DPS ? 73
 Un goût prononcé pour la violence 74
 Une confusion avec les forces de police savamment entretenue 76
c) Un service d'ordre bien renseigné : la surveillance des opposants 79
II. LE DPS, UN SERVICE D'ORDRE PAS COMME LES AUTRES
S'il est évoqué dans des ouvrages d'analyse généraux sur le Front National ou au travers de témoignages de transfuges, le DPS n'a, jusqu'alors, jamais fait l'objet d'une analyse systématique. Il est temps de se prêter aujourd'hui à ce travail d'analyse, tant la réalité du DPS est brouillée. Car que sait-on du service d'ordre du Front National ?
S'imposent d'abord à chacun des images du DPS : des hommes casqués à Montceau-les-Mines, un policier violenté place de l'Etoile, ou tout simplement des " gros bras " en blazer présents à tous les meetings du Front National. Au-delà de l'inquiétude ou du malaise qu'elles suscitent, ces images sont avant tout porteuses d'interrogations multiples : y a-t-il un ou plusieurs DPS ? Qu'en est-il de l'équipement de ses membres ? Quelle est sa mission ? Etc. C'est donc la signification exacte, la portée réelle de ces images qui disent à la fois beaucoup et pas assez qu'il convient d'examiner.
Au cours des auditions de membres du DPS ou de sympathisants du Front National qu'ils ont menées, les commissaires ont vu se dessiner un autre DPS : le DPS du discours, qui n'a que peu à voir avec le DPS des images que chacun connaît. Il s'agirait, en effet, à entendre ces témoins, d'un service d'ordre somme toute classique, confronté aux difficultés que rencontrent tous les services d'ordre : militants parfois un peu excités, discipline approximative, absence de ressources financières propres, etc., et à d'autres plus spécifiques au Front National résultant du harcèlement dont il ferait l'objet de la part des opposants.
Images violentes, discours angélique : quelle est la réalité du DPS ? Avant d'aborder ce que l'on pourrait appeler l'objet DPS en lui-même, et afin de mieux l'appréhender, votre rapporteur se propose de présenter le discours de ses membres ou des sympathisants du Front National sur le DPS.
a.- le dps dans le discours frontiste ou figures rêvées du dps
L'analyse du discours frontiste sur le DPS repose sur l'examen des auditions de dix témoins dont la Commission a estimé qu'ils étaient liés au DPS. Il s'agit d'abord des responsables nationaux du service d'ordre, anciens ou actuels (MM. Bernard Courcelle, responsable du DPS de 1994 à 1999, et M. Jean-Pierre Chabrut, responsable du DPS en exercice depuis le 1er mars 1999). M. Gérard Le Vert, responsable actuel du DPA au Mouvement National, a été entendu pour ses fonctions passées de chargé de mission auprès de M. Bernard Courcelle. Viennent ensuite des responsables locaux du DPS, responsables régionaux (MM. Eric Staelens, responsable du DPS en Ile-de-France, Jean-Marie Lebraud, responsable du DPS de Bretagne) ou départementaux (M. Patrick Bunel, ancien responsable du DPS dans le Calvados). La Commission a également entendu M. François-Xavier Sidos, ancien conseiller de M. Jean-Marie Le Pen, M. Gilles Soulas, ancien membre du Front National de M. Jean-Marie Le Pen, dont elle pensait qu'il avait dirigé le DPS d'Ile-de-France mais qui a nié toute participation et toute appartenance à ce service. Quant à MM. Nicolas Courcelle et Gilles Kuntz, dirigeants de sociétés de sécurité, ils ont été entendus sur les liens que leurs sociétés pourraient entretenir avec le DPS, qu'ils ont catégoriquement niés.
De ces témoignages ressort non pas une mais au moins deux images du DPS, aux contours souvent flous d'ailleurs. Outre la figure d'un DPS que ses dirigeants essaient de faire fonctionner tant bien que mal, malgré les obstacles qu'il rencontre, une image tout à fait nouvelle du DPS est apparue. Ni substitut aux forces de l'ordre, ni service d'ordre classique, le DPS ne serait en fait qu'une structure lourde et inefficace. Le témoignage de M. Patrick Bunel tend ainsi à accréditer l'image d'un rassemblement de bénévoles " bien gentils ", très dévoués, mais totalement incompétents, voire dangereux pour ceux qu'ils sont censés protéger du fait de leur amateurisme. En un mot, pour reprendre les termes de M. Patrick Bunel, une " organisation "bidon" " à la " réputation surfaite ".
Ces descriptions divergentes ne doivent pas tromper : tout d'abord, il est évident que la commission d'enquête a été utilisée par certains témoins comme un champ de la bataille sans merci que se livrent actuellement les deux fronts nationaux. Le témoignage de M. Patrick Bunel, chargé de la sécurité à Vitrolles et ancien garde du corps de M. Bruno Mégret en est l'illustration la plus claire. Il faut notamment insister sur la médiocrité de ses relations avec l'ancien responsable du DPS, M. Bernard Courcelle. En outre, dans tous les cas, l'objectif est bien de donner l'image d'un service d'ordre bon enfant, inoffensif et victime d'un complot médiatique, bien moins efficace que celui des organisations de gauche et notamment de la CGT ou du parti communiste. En cela, le discours frontiste sur le service d'ordre, qu'il émane de lepénistes ou de mégrétistes, rejoint les thématiques et la rhétorique habituelles du Front National.
1. Les missions du DPS : ni garde prétorienne ni police politique mais un service d'ordre classique
Surveiller et protéger : à entendre les responsables du DPS, les missions de ce service sont sans équivoque et s'inscrivent dans un schéma tout à fait classique de fonctionnement des services d'ordre. " Le service d'ordre assurait, d'une part, l'ordre parmi nos propres militants et, d'autre part, leur sécurité sur les sites des réunions - sécurité incendie, contrôle d'accès, surveillance, évacuation " (M. Bernard Courcelle).
a) Surveiller pour éviter les débordements
J'ai dit que le premier rôle du service d'ordre était d'assurer l'ordre au sein de nos propres militants. Il s'agit d'un service d'ordre interne qui n'a pas vocation à faire de la sécurité extérieure, ni à s'occuper de qui que ce soit sur la voie publique. Il contrôle ses propres militants pour éviter ses propres débordement ". En faisant de la surveillance des militants la fonction première du DPS, M. Bernard Courcelle a souhaité placer l'action du service d'ordre du Front National dans un cadre de référence tout à fait classique. En témoigne le parallèle établi avec les autres partis politiques : " Dans tous les partis politiques, il y a des brebis galeuses que l'on se doit de contrôler ; c'est la moindre des choses de la part de personnes responsables de la sécurité d'une manifestation en liaison avec les forces de l'ordre ". Et l'ancien directeur du service d'ordre du Front National d'aller jusqu'à comparer le DPS aux services d'ordre de certains partis de gauche : " Il est fréquent que les services d'ordre de FO, de la CGT ou du parti communiste contrôlent leurs propres militants ". Il est à cet égard intéressant de noter qu'à chaque fois que les membres du DPS ou du Front National ont souhaité souligner la normalité du DPS, ils ont fait référence aux services d'ordre du PCF ou de la CGT. Sans doute faut-il voir dans cette référence récurrente une marque de " la vieille fascination de la droite nationale pour les dons d'organisation de l'appareil communiste, pour la rigueur militante de ses cadres et la valeur de leur formation idéologique "1.
b) Protéger les militants contre les incendies et les contre-manifestants
Si M. Bernard Courcelle a fait de la surveillance des participants aux réunions politiques et manifestations organisées par le Front National la priorité, il a, dans le même temps, insisté beaucoup plus fortement sur la seconde mission. " La sécurité des militants sur les sites et dans les réunions était, à mes yeux, essentielle ". Sur ce point, les témoignages entendus par la Commission ont été d'une rare unanimité. Deux risques pour la sécurité des militants ont été systématiquement mis en avant :
- Les incendies ainsi que tout incident susceptible d'intervenir dans un établissement accueillant un public nombreux.
Là encore, c'est M. Bernard Courcelle qui a explicité le plus clairement cette mission : " Lorsque je parle de protéger nos militants, cela veut dire leur assurer une sécurité réelle, que ce soit en matière d'évacuation ou d'incendie. Vous savez très bien que dans les meetings, il y a toujours des incidents : des femmes enceintes qui s'évanouissent, des enfants qui se coupent, et parfois des choses plus graves. La première chose est donc de veiller au confort et à la sécurité des personnes qui assistent à ces réunions ". La prééminence de ce souci est telle que la possession d'un brevet de secourisme ou toute compétence en matière d'incendie est un critère de recrutement des membres du DPS. " C'est la raison pour laquelle, parmi les nouveaux volontaires, nous choisissions les personnes qui avaient leur diplôme de secourisme (IGH1, IGH2, ERP1, ERP2) " (M. Bernard Courcelle).
Conséquence naturelle de ce souci de protéger les militants contre les incendies, la formation dans ce domaine est une priorité affichée des responsables du DPS. " Les seules formations qui ont eu lieu étaient relatives à la réglementation des établissements recevant du public. Elles étaient assurées par un ingénieur en sécurité civile, M. Marcel Peuch. [...] J'essayais d'organiser deux ou trois formations par an pour les cadres et les responsables en matière de sécurité incendie et de réglementation. [...] Je les réunissais également lorsqu'il y avait de grosses manifestations à organiser, telles que le 1er mai ou la fête des BBR qui demandent un effectif de 500 personnes pour la sécurité et beaucoup de préparation. M. Peuch se déplaçait également pour assurer des formations à la sécurité incendie sur place pendant les week-ends " (M. Bernard Courcelle). L'actuel responsable du DPS n'a pas remis en cause cette priorité : " on recherche donc tous ceux dont le cursus comprend des diplômes incendie, qu'ils soient pompiers ou autres et qui ont l'habilitation à instruire des gens ". Même M. Patrick Bunel, pourtant très sceptique sur les compétences des membres du DPS, a insisté sur cet aspect : " Des personnes ont été formées en matière de protection contre l'incendie, à organiser l'évacuation des personnes ".
- La présence de contre-manifestants
Pour faire face, le cas échéant au "harcèlement démocratique" de nos adversaires lors de meetings ou de collages, nos DPS apprennent également comment réagir sans panique, mais avec fermeté et détermination à toutes sortes d'attaques... La réputation de notre service d'ordre n'est plus à faire : qui s'y frotte, s'y pique ! " (Français d'abord, la lettre de Jean-Marie Le Pen, n° 242, 1er septembre 1996).
Tous les responsables du DPS entendus ont souligné le risque permanent qu'encourent, selon eux, les militants du Front National du fait de la présence de contre-manifestants aux abords des lieux de réunion ou de manifestation du parti. Ce risque serait d'ailleurs accru par le nombre important de personnes âgées aux réunions du Front National : " En cas d'agressions si les effectifs des forces de l'ordre ne sont pas suffisants - du fait de la mauvaise volonté d'un préfet, d'un directeur départemental de la police ou d'un directeur départemental de la sécurité publique -, et que les contre-manifestants arrivent à s'en prendre physiquement à nous, notre devoir est de protéger nos propres militants. Vous savez notamment qu'il y a de nombreuses personnes âgées au Front National ". Pour appuyer son propos et démentir l'accusation de paranoïa qui lui était objectée, M. Bernard Courcelle a évoqué les personnes tuées dans le cadre de leur action militante pour le Front National : " Ceci ne relève pas d'une paranoïa d'agressions permanentes ; ce sont des faits réels. Il y a quand même eu plus de onze tués parmi les militants du Front National, parfois de façon abjecte et répugnante - à coups de pied dans la tête jusqu'à ce que mort s'ensuive ou à coups de fusils, par exemple ".
Pour autant, les responsables du DPS ont démenti toute velléité de contre-attaque en règle générale : " Nous n'intervenons pas contre les manifestants. Nous sommes là pour assurer la sécurité de nos manifestants. Nous ne sommes pas là pour intervenir contre les gens qui viennent contre-manifester. Si tel était le cas, il y a longtemps que nous aurions été interpellés par les forces de l'ordre " (M. Eric Staelens).
c) Des sanctions en cas de manquement aux missions
Le dispositif de sanction pour manquement à la mission de protection des militants se résume à une seule modalité : l'exclusion du DPS. " Les personnes qui abandonnaient leur poste n'étaient jamais rappelées, bien entendu. Cela est beaucoup trop grave " (M. Bernard Courcelle).
En dépit de la priorité donnée à la mission de surveillance des militants affichée par M. Bernard Courcelle, les membres de la commission d'enquête ont eu l'impression que la mission première, voire exclusive, du service d'ordre était de protéger les militants des opposants au parti. Les éléments recueillis par la Commission sur le dispositif de sanctions en cas de manquement aux missions confirment son impression : si les membres du DPS ont insisté sur les sanctions appliquées à leurs pairs dans le cadre de leur mission de protection des militants, aucun n'a évoqué les sanctions en cas de défaut de surveillance des militants eux-mêmes. Qu'en est-il, par exemple, des sanctions prises contre les gardes qui ont laissé entrer des skinheads aux fêtes " Bleu Blanc Rouge ", dont il a été répété qu'ils n'étaient pas les bienvenus ? On s'interrogera sur la réalité d'une mission dont la violation n'est pas sanctionnée...
d) Ni police politique ni garde prétorienne ?
Interrogés sur d'éventuelles activités de renseignement du DPS, en plus de son rôle de service d'ordre classique, les responsables du DPS ont apporté une réponse nuancée.
S'agissant du renseignement interne, c'est-à-dire ayant pour objectif de fournir des informations sur les militants ou surtout sur les responsables au Président du Front National, les témoignages recueillis tendent à prouver l'existence de ce genre de pratiques, en dépit de leur grande prudence. M. Bernard Courcelle a ainsi évoqué les enquêtes superficielles faites sur les personnes auxquelles on envisageait de confier un poste de responsabilité au sein de l'appareil politique du Front National : " S'agissant des activités de renseignement, pour qui et envers qui ? Lorsqu'on avait l'intention de nommer un responsable départemental ou régional, nous essayions d'avoir des renseignements, par ses amis notamment, nous menions ce que les gendarmes appellent une enquête d'environnement afin de savoir s'il s'agissait d'une personne calme et responsable. Nous demandions également à la personne de nous faire un curriculum vitae ". Il a toutefois nié l'existence de recherches poussées, invoquant notamment l'absence de moyens adéquats : " Mais nous ne faisions pas d'enquêtes approfondies ; nous ne sommes pas une administration et n'avions pas les moyens de faire du renseignement au deuxième ou troisième échelon ".
M. Bernard Courcelle a toutefois reconnu avoir essayé d'obtenir quelques informations sur la mort de M. Jean-Claude Poulet-Dachary, adjoint au maire de Toulon assassiné dans des conditions qui demeurent mystérieuses. Il a ajouté qu'il n'avait pas obtenu beaucoup de résultat mais qu'il ne pensait pas que ce soit les membres du DPS qui aient fait cela.
M. Gérard Le Vert a également reconnu l'existence de pratiques de renseignement interne, tout en niant en avoir été l'exécutant : " Je n'ai jamais fait du renseignement pour le Président, je ne faisais que de la sécurité. Cela étant, je ne prétends pas que cela ne se faisait pas et il est vrai que, dans les fédérations, quand se posait un problème, on pouvait faire remonter les éventuelles difficultés. Mais c'était un domaine qui ne me concernait pas : après avoir abandonné la politique militante, je me limitais à la sécurité ".
S'agissant des activités de fichage et de surveillance de personnes externes au Front National, elles sont généralement niées par les responsables du DPS. Interrogé sur les raisons pour lesquelles le DPS prend de nombreuses photographies, M. Gérard Le Vert a nié l'existence d'un fichier photographique : " Le Front National avait un photographe officiel, salarié par M. Jean-Marie Le Pen je crois, et qui, lui, prenait souvent des photos dans les manifestations, en particulier de M. Jean-Marie Le Pen qui aime bien être photographié. Mais il n'y a jamais eu de fichier photographique au DPS. Je vous l'affirme, jamais ! ". M. Bernard Courcelle a été moins catégorique, soulignant l'intérêt de ces photographies pour identifier les provocateurs qui s'infiltrent dans les manifestations du Front National : " Ponctuellement, oui, des photos sont prises dans des manifestations, mais pas dans le but précis d'espionner. D'identifier, oui, dans certains cas. Et cela nous a été utile, l'année dernière, d'identifier les personnes du Bétar qui nous ont agressés au cours de la manifestation du 1er mai. Nous avons pu donner pas mal de photos à la police ". Il n'a toutefois pas su expliquer comment il se faisait que l'un des membres de la Commission, M. Arthur Paecht, ait été refoulé, avec injures à la clé, de la fête du livre de Toulon par des membres du DPS, après que ceux-ci eurent sorti une photo de lui. " Je ne suis pas du tout au courant de ce genre de pratique. Je n'ai jamais autorisé ce genre d'attitude, je n'ai jamais ordonné de prendre des photos de qui que ce soit. Maintenant, si un responsable politique donne une photo à une personne qu'il connaît en lui donnant l'ordre d'empêcher l'individu en question de rentrer... Ce n'est pas du ressort du DPS. Et je le regrette, car si j'avais été au courant de cette affaire, je n'aurais certainement pas abondé dans ce sens ".
Enfin, interrogé sur la surveillance et la filature dont certains journalistes ont déclaré avoir été victimes devant la Commission, M. Bernard Courcelle a apporté une réponse assez floue, qui, certes, le décharge personnellement, mais qui tend à laisser penser que de telles pratiques ne sont pas exclues : " Pas avec moi. Je n'ai jamais autorisé ce genre de pratiques. Nous ne sommes pas officiers de police judiciaire, nous n'avons pas à faire ce genre d'activités répréhensibles. [...] Si l'on m'avait demandé de faire une chose pareille, j'aurais refusé tout net. Ce n'est pas dans mes principes. Si certains prennent la liberté de faire ce genre de choses, sachez que je n'apprécie pas. J'ai d'ailleurs eu quelques mots avec certaines personnes, même au sein de l'établissement ".
2. Les membres du DPS : des bénévoles dévoués et honnêtes, moyennement efficaces
Bénévolat, dévouement et diversité : telles sont les trois caractéristiques des membres du DPS qui ressortent des témoignages de ses responsables.
a) Le bénévolat, trait caractéristique des membres du DPS
Le DPS est une structure de bénévoles. Tous les responsables du DPS entendus par la Commission ont souligné ce fait, constitutif de la naissance même du DPS, ainsi que l'a rapporté M. Patrick Bunel, qui en fut membre dès sa création en 1984. Cette règle ne supporte que de rares exceptions : seul le directeur national, sa secrétaire et les personnes chargées de la sécurité du siège du Front National, à Saint-Cloud, sont salariés par l'association Front National. " Il n'y a pas de salariés au service d'ordre. Seuls ma secrétaire et moi étions salariés. Les seuls personnels de " sécurité " salariés sont ceux qui assurent l'accueil du siège, en permanence. Cela représente un effectif de cinq personnes " (M. Bernard Courcelle).
Bénévoles, les membres du DPS font-ils l'objet d'une sélection ? Si, en règle générale, les témoins auditionnés ont apporté une réponse positive à cette question, il convient toutefois de noter que les membres de la commission d'enquête ont entendu une version quelque peu divergente de la part de M. Patrick Bunel. Au Président qui lui demandait si n'importe quelle personne souhaitant participer au service d'ordre pouvait le faire, M. Patrick Bunel a apporté la réponse suivante : " C'était un petit peu cela. Si, lors d'un meeting, les organisateurs, face à une forte contre-manifestation, estimaient que la salle allait être submergée, que les gens allaient être frappés, des bénévoles sortaient de la salle. On leur distribuait des insignes DPS et ils venaient à la rescousse, à l'entrée ".
Les autres témoins n'ont toutefois pas validé cette réponse. En effet, deux critères de recrutement ont été généralement mentionnés, sans oublier la formation incendie ou le secourisme :
- l'absence de casier judiciaire. Il semble qu'il s'agisse là d'un critère constant et nécessaire, qui a été cité aussi bien par M. Bernard Courcelle que par son successeur, M. Jean-Pierre Chabrut. " S'agissant du recrutement, nous demandons à toutes les personnes souhaitant faire partie du service d'ordre de nous fournir un extrait de leur casier judiciaire. Si nous ne l'obtenons pas, nous refusons systématiquement la candidature " (M. Bernard Courcelle). " Il faut déjà fournir un casier judiciaire vierge et remplir un questionnaire selon un schéma très classique " (M. Jean-Pierre Chabrut) ;
- en revanche, le deuxième critère de recrutement mentionné, l'appartenance au Front National, semble avoir été plus évolutif. Si M. Bernard Courcelle ne liait pas l'adhésion au DPS à l'appartenance au Front National, tel n'est pas le cas de son successeur : " J'ai donné des directives pour que ce soit des militants de chez nous ! [...] Je viens de publier une note indiquant que les candidats devaient impérativement être militants, sans quoi nous n'avons plus de contrôle possible ".
Passée la barrière du recrutement, les membres du DPS doivent affronter des obstacles qui ne sont pas négligeables : à entendre les responsables du DPS, plus que du bénévolat, l'engagement au DPS ressortit du dévouement, voire d'une véritable vocation. " Nous les prévenons qu'il ne s'agit pas de quelque chose de facile, qu'il n'y a pas de rémunération et qu'une fois qu'ils sont repérés comme membre du Front National, ils doivent s'attendre à des critiques, des menaces et des harcèlements de la part de nos adversaires politiques qui utilisent tous les moyens possibles, allant même jusqu'à uriner dans nos boîtes aux lettres " (M. Bernard Courcelle).
C'est en outre un investissement financier qui n'est pas négligeable : " Tout d'abord, on demandait aux membres - bénévoles - du service d'ordre d'acheter un costume, voire deux vestes, car lorsque l'on prend des _ufs sur la figure, il convient d'être présentable quand les autorités arrivent ! Cela représentait un investissement d'au moins 1 000 francs " (M. Bernard Courcelle). Le coût financier de l'engagement au DPS s'est d'ailleurs accru avec le départ de M. Bernard Courcelle, qui, pour des motifs financiers précisément, ne limitait pas l'accès au DPS aux seuls membres du Front National, au contraire de son successeur : " Je ne voulais donc pas leur demander, en plus, d'acheter une carte à 260 francs
- ou à 100 francs, s'il s'agissait d'une carte privilégiée. Beaucoup d'entre eux avaient peu de moyens, certains étaient même chômeurs ou Rmistes
 " (M. Bernard Courcelle).
De plus, les frais engagés par les membres du DPS à l'occasion de missions (déplacement, repas...) ne semblent pas faire l'objet d'un remboursement systématique . " Quant aux frais, ils étaient remboursés moyennant fiches de frais. Mais nous ne remboursions que les frais de péage et d'essence, sur justificatif, et cela n'a pas toujours été le cas " (M. Gérard Le Vert). Tout au plus les membres du DPS pouvaient-ils compter sur la cérémonie du drapeau, traditionnelle à la fin des réunions politiques du Front National. " Maintenant, il y a les secrétaires départementaux qui peuvent les aider puisque vous savez que chez nous, il existe ce qu'on appelle "le drapeau" : à la fin des meetings on met un drapeau et s'il y a eu des frais de déplacement, les secrétaires départementaux les remboursent, sinon ce sont les militants qui supportent les frais et qui achètent leur cravate : libre à eux de venir ou de ne pas venir " (M. Jean-Pierre Chabrut). D'après ce même dirigeant, il n'existe pas de ligne budgétaire affectée au DPS. Son témoignage concorde avec celui de son prédécesseur, qui se contentait de " réunir toutes les factures, de les vérifier, puis de les donner au trésorier du Front National qui les réglait ".
b) Les membres du DPS : une mosaïque de personnes
· Il n'existe pas de profil type des membres du DPS : " Il s'agit d'une mosaïque de personnes qui viennent de différents corps de métier et ont de 18 à 70 ans " (M. Bernard Courcelle). Même écho de la part de M. Gérard Le Vert qui insiste lui aussi sur la variété du recrutement : " Non, c'est très variable ! On avait aussi bien des garçons de vingt ans que des hommes de soixante. Il y avait de tout ! Quand vous parlez de retraités militaires, il est vrai qu'il y en a un certain nombre au DPS, mais il n'y pas que cela, loin s'en faut ! Le recrutement est très varié ". Quant à M. Jean-Marie Lebraud, s'il admet qu'une forte proportion des membres du DPS est âgée - tout en se hâtant de souligner que " des jeunes viennent nous rejoindre " -, il souligne la diversité des professions représentées au DPS en prenant l'exemple des responsables départementaux. " La personne qui m'a remplacé en Bretagne est un ancien capitaine de corvette à la retraite. Un ouvrier est responsable du département de l'Ille-et-Vilaine, un routier du département du Morbihan, un gardien de la sécurité chez Leclerc des Côtes d'Armor. Les professions sont diverses ".
· Interrogés sur la surreprésentation de certaines professions au sein du DPS, notamment sur le nombre de militaires et de policiers, en activité ou à la retraite, présents dans les rangs de la DPS, les responsables du département ne l'ont pas explicitement reconnue et ont davantage insisté sur leur souhait de ne pas recruter dans ces catégories professionnelles. " Je n'ai jamais souhaité voir des policiers dans les effectifs du DPS : ce n'est pas leur rôle et ils n'ont pas à en faire partie ", a ainsi déclaré M. Gérard Le Vert. Quant à M. Bernard Courcelle, il a distingué deux niveaux dans son propos : le point de vue du professionnel de la sécurité et l'appréciation du militant politique. Pour le premier, le recrutement de militaires était une bonne chose : " Il est vrai que, par leur formation, les anciens militaires, les anciens gendarmes sont habitués à garder un certain sang-froid et savent régler le conflit de bonne façon. Plus il y avait d'anciens militaires et d'anciens gendarmes, plus j'étais satisfait. Ce sont des personnes sur lesquelles on peut compter et qui connaissent la législation, notamment les gendarmes ". En revanche, d'un point de vue politique et médiatique, il a déclaré qu'il déconseillait " aux militaires en activité de faire partie du DPS, car cela risquait de leur poser des problèmes de carrière " et qu'il ne souhaitaitpas non plus recruter des policiers en activité ".
Au total, si l'on tente de rassembler les éléments recueillis au cours des auditions, on doit conclure qu'il n'y a pas de gendarmes en activité au sein du DPS (MM. Gérard Le Vert, Bernard Courcelle) qui compte tout au plus des gendarmes retraités ou réservistes (M. Bernard Courcelle). De manière générale, la présence des militaires au DPS s'observe dans des régions bien délimitées : " on constate que les militaires sont davantage présents dans le Sud de la France, le Sud-Ouest - la région bordelaise - et, parfois, en Alsace-Lorraine " (M. Bernard Courcelle).
· S'agissant ensuite de la participation de membres de sociétés de sécurité et de gardiennage au service d'ordre du Front National, deux types de réponses ont été fournies par l'ensemble des témoins précités :
- le Front National n'a jamais fait appel à des sociétés de sécurité et de gardiennage, notamment pour des raisons financières. MM. Gérard Le Vert et Bernard Courcelle ont été catégoriques sur ce point : " Jamais, nous n'en avons pas les moyens ! Si cela est arrivé, en tout cas, je ne suis pas au courant. Moi, je ne l'ai jamais demandé : nous n'avions pas les moyens de payer des sociétés privées qui sont affreusement chères ! " (M. Gérard Le Vert). De même, pour M. Bernard Courcelle, " Faire appel à des sociétés privées coûte cher ; c'était donc hors de question. Je m'y suis toujours opposé. Certains auraient aimé que l'on procède ainsi, parce que c'était des amis à eux, mais je ne l'ai jamais voulu. De toute façon, le trésorier, et même Jean-Marie Le Pen, s'y seraient opposé ". Du côté des sociétés de sécurité, M. Nicolas Courcelle a également nié l'existence de tout lien entre sa société et le DPS ; quant au responsable de l'autre société de sécurité entendu par la Commission, Normandy, il semblait ignorer totalement le sujet.
- En revanche, des membres de ces sociétés ont pu participer au service d'ordre, à titre individuel. Tous les témoins l'ont reconnu, à commencer par le responsable du Groupe Onze lui-même : " Bien entendu, je sais que parmi les dix ou quinze personnes que je fais travailler régulièrement, certaines ont eu et ont encore des activités militantes et bénévoles au Front National ". Selon M. Bernard Courcelle, ils ont été recrutés comme auxiliaires au DPS à diverses occasions : " Je sais que des personnes qui ont travaillé pour mon frère sont venues nous donner un coup de main, notamment pour la manifestation du 1er mai. Ils se sont présentés et ont été acceptés comme auxiliaires ". De manière étonnante, M. Eric Staelens, pourtant responsable du DPS d'Ile-de-France, a nié cette participation à plusieurs reprises au cours de son audition : je ne connais pas au niveau du DPS Ile-de-France de gens qui appartiennent au Groupe Onze ". Sans doute a-t-il joué sur les mots, ces personnes " n'étant pas au " DPS puisqu'auxiliaires...
c) Ni skinheads, ni néo-nazis au DPS
Soucieux de savoir jusqu'où allait la diversité sociologique des membres du DPS, les commissaires ont interrogé tous les témoins sur la place des skinheads et des extrémistes néo-nazis au sein de cette structure. Car, à l'évidence, les responsables du DPS ont eu affaire à ces mouvances, comme l'a tragiquement montré le meurtre de Brahim Bouarram le 1er mai 1995. Là encore, les témoignages ont été sans équivoque : ni les skinheads ni les néo-nazis ne sont les bienvenus au DPS aux dires de ses responsables. Et, s'il y a eu des liens entre DPS et mouvements néo-nazis, comme dans l'Est de la France, " cela se faisait à titre individuel " (M. Gérard Le Vert).
M. Bernard Courcelle a d'ailleurs rappelé lors de son audition l'action d'exclusion qu'il avait menée à son arrivée à la tête du DPS : " Tout le monde savait, dans mon entourage, qu'il ne fallait pas me parler de ces choses-là. Ma première tâche, lorsque je suis arrivé au DPS, a été d'exclure tous les néo-nazis, ces skinheads imbéciles, ces petites frappes ridicules qui pensaient trouver un écho chez nous, que je n'acceptais pas et que même Jean-Marie Le Pen n'acceptait pas. Je lui en ai d'ailleurs fait part dès nos premiers entretiens. Je me suis fait un plaisir de mettre dehors tous ces petits racistes primaires, ce qui m'a valu des déconvenues, car certains me tendaient des embuscades ". C'est pour des raisons techniques qu'il s'est débarrassé de cette catégorie de personnes : " Certains skinheads sont des jeunes qui sont peu ou pas contrôlables ; de ce fait, ils ne sont pas les bienvenus dans un service d'ordre ". Les mêmes assurances ont été données par M. Jean-Pierre Chabrut, pour des motifs différents toutefois : " le Front National est un mouvement démocrate, donc tous ceux qui ne le sont pas ne nous suivent pas ".
Certains responsables n'ont cependant pas nié qu'il s'agissait d'un problème récurrent. M. Gérard Le Vert l'a souligné à deux reprises : " Pour ce qui est des mouvements néo-nazis de France, nous avons toujours eu - je dis bien toujours - des problèmes avec eux : dans toutes les manifestations, nous les avons eus systématiquement "dans les pattes" et cela s'est toujours mal passé, que ce soit lors des défilés de Jeanne d'Arc ou lors des BBR, avec ceux qu'on appelle les skinheads et les autres. Ce n'est pas récent, cela a toujours été le cas ! ". " Nous nous battons régulièrement contre eux ", a-t-il ajouté.
3. Le fonctionnement du DPS : une " apparence de structure "
C'est avec intérêt que les membres de la commission d'enquête ont appris que, contrairement à la présentation qui en avait été faite jusqu'alors par les médias, contrairement même à l'impression qu'avaient pu laisser les images diffusées à la télévision, le DPS est une structure légère et très peu formelle. Plus encore, ce département n'aurait, selon M. Jean-Marie Lebraud, qu'" une apparence de structure ", contrairement aux services d'ordre des syndicats de gauche, une fois encore utilisés comme références en la matière.
a) Les mécanismes de mobilisation des membres du DPS
La procédure de mobilisation des membres du DPS décrite au cours des auditions est relativement simple : c'est en fonction des besoins liés à telle manifestation ou telle réunion politique que le responsable régional, voire le responsable départemental contactent les personnes recensées sur leur fichier comme membres du DPS régional ou départemental. En cas d'insuffisance des effectifs fournis dans ce cadre, il est fait appel aux régions voisines, procédé cependant peu apprécié car coûteux. " Pour préparer une réunion, une fois que le nombre de personnes nécessaires a été déterminé, le responsable départemental ou régional contacte les personnes nécessaires à la constitution du service d'ordre. S'il ne trouve pas suffisamment de personnes, il fait appel aux membres du DPS de la région voisine. Ce que je souhaitais éviter autant que possible, car cela engendre des frais supplémentaires qui ne leur étaient pas remboursés " (M. Bernard Courcelle). Pour sa part, M. Jean-Marie Lebraud a estimé à " trois ou quatre " le nombre de personnes mobilisables par département, ce qui est cohérent avec le chiffre de 300 personnes sûres actuellement recensées comme membres du DPS, qui a été indiqué à la Commission M. Jean-Pierre Chabrut.
En fait, l'impression qu'ont voulu donner les responsables du DPS est qu'" il n'y a pas d'organisation précise ", pour reprendre la formule utilisée par M. Eric Staelens.
La structure bénévole du DPS est un élément-clé du mécanisme de mobilisation, dans la mesure où elle permet de comprendre les difficultés de ce processus et confère à l'exercice un caractère d'imprécision très marqué, voire une dimension quasi-artisanale. Tous les responsables entendus ont mis en avant ce point, commun à l'organisation de manifestations nationales et de réunions locales. Ainsi en va-t-il de la manifestation du 1er mai traditionnellement organisée par le Front National : " Le DPS était une structure de bénévoles. On ne pouvait jamais savoir à l'avance de combien de personnes on disposerait. Si la manifestation était importante, on essayait d'avoir le maximum de garçons avec nous, mais ce n'était pas toujours évident : on ne savait jamais combien on allait se retrouver pour une manifestation comme le défilé de Jeanne d'Arc, le 1er mai, qui est une manifestation de rue, difficile. Il était impossible de savoir si nous devions compter sur 80, 100 ou 300 personnes. C'était des bénévoles que nous avions dans tous les départements et dans toutes les régions " (M. Gérard Le Vert). Pour les manifestations locales, le même problème se pose, le taux de disponibilité des membres s'établissant à 1/3 : " Mais, pour avoir 20 membres à disposition sur un site, il faut en contacter au moins 60, car ils ne sont pas toujours disponibles : ils ont une vie de famille et travaillent " (M. Bernard Courcelle).
D'après M. Gérard Le Vert, la disponibilité n'est pas le seul facteur de mobilisation. Entre en effet en ligne de compte un élément tout à fait subjectif : la confiance. " Je crois que cela passait surtout par la camaraderie. J'avais des garçons avec qui je m'entendais bien, avec qui je me retrouvais souvent sur le terrain et il est évident que je les privilégiais par rapport à d'autres en fonction, non pas de leur poids ou leur activité dans le civil mais du fait qu'ils étaient originaires de ma région et que nous étions camarades. C'est un peu normal : on s'entoure d'abord de gens en qui l'on a confiance et que l'on connaît. Je suis bourguignon et j'aimais bien travailler avec mes camarades bourguignons : les Bretons, je les connaissais beaucoup moins ! ". M. Eric Staelens n'a pas dit autre chose : " Lors de meetings ou lors de défilés, les militants, que nous connaissions pour certains, et d'autres qui viennent nous donner un coup de main - que nous connaissons aussi parce que l'on ne peut pas faire cela avec n'importe qui - se mettent à disposition du responsable ".
Seule voix dissonante dans cette description, celle de M. Patrick Bunel qui a décrit ... un non-système, bâti sur l'improvisation : au cas où des besoins supérieurs aux prévisions apparaissent pendant une réunion, les badges DPS sont distribués aux militants qui acceptent de donner un coup de main.
b) Des méthodes d'intervention sur le terrain très classiques
· Sur le terrain, le fonctionnement du DPS est, d'après ses responsables, celui d'un service d'ordre classique, que ce soit pour ce qui est des relations avec les autorités administratives ou de l'organisation fonctionnelle.
Lorsque l'on nous demande de mettre en place un service de sécurité, le DPS - donc moi-même - prend en compte les forces de l'ordre. Cela signifie d'abord que j'entre en contact avec la préfecture qui me délivre l'autorisation d'organiser la réunion, ce qui revient à dire qu'il n'y a aucune manifestation sauvage, ensuite qu'on veille à ce que tout se passe bien en matière de sécurité incendie, de secourisme - j'essaie d'avoir des garçons qui sont formés dans ce domaine - et que nous contrôlons l'accès de façon à surveiller les entrées, les invitations etc. : nous observons donc un schéma classique " (M. Jean-Pierre Chabrut) Plus précisément, avant chaque réunion, " un président de séance est nommé, il se met en rapport avec la préfecture ou les services de police compétents pour déterminer les tâches à accomplir " (M. Bernard Courcelle). Dans l'ensemble, les responsables du DPS ont tous mis l'accent sur la courtoisie de leurs relations avec les autorités administratives, même s'ils ont pu regretter leur inaction en certaines occasions.
L'organisation de terrain interne au service d'ordre entre elle aussi dans un schéma tout à fait classique : la référence, par trois intervenants différents, aux schémas d'organisation adoptés par les services d'ordre de la CGT ou du PCF témoigne, une fois encore, de ce " label de normalité " qu'ont voulu s'arroger les membres du DPS :
- " Les bénévoles venaient généralement en voiture individuelle, mais si possible groupés pour limiter les frais, ou avec les bus des fédérations qui montaient sur Paris ou sur Lyon lors des manifestations. Ils avaient bien sûr des consignes. Nous nommions des responsables, des chefs de groupe, comme le font toutes les organisations, notamment syndicales. Il fallait impérativement que nous sécurisions nos manifestations qui sont régulièrement attaquées. Il s'agissait donc d'une sécurité tout à fait normale au vu de ce qui se passait et de qui se passe encore dans les manifestations " (M. Gérard Le Vert).
- " Comme je vous l'ai expliqué, les membres du DPS sont disposés pour assurer la sécurité de tous les militants - incendie, contrôle d'accès, surveillance, etc. Les personnes les plus calmes, les plus aguerries ou qui possèdent une certaine expérience professionnelle - qu'elles soient pompiers, anciens policiers, anciens salariés d'une société de sécurité ou même sportifs - sont positionnées dans les zones les plus difficiles. Cela se passe ainsi dans les services d'ordre, notamment à la C.G.T., qui dispose d'un très beau service d'ordre " (M. Bernard Courcelle) ;
- " Une équipe est à l'intérieur, pour surveiller la salle ; une équipe aux accès qui vérifie les tickets d'entrée, pour les déchirer et les remettre aux personnes, comme dans tout meeting de tout parti politique où l'on paye l'entrée ; une équipe pour l'arrivée du président et une équipe à côté de la scène. Cela fait partie d'un système de sécurité normal et logique, analogue à celui de la CGT ou du PCF ; tous les services d'ordre le font " (M. Eric Staelens).
· Interrogés sur l'existence d'unités d'élite au sein du DPS, qui procéderaient d'un autre type de fonctionnement et sortiraient de ce cadre très classique décrit à l'envi par les témoins auditionnés, les responsables du DPS en ont farouchement nié l'existence.
Les groupes-choc ? " Sachez qu'ils n'existent pas. Il ne s'agit que des délires de ce fameux Dominique publiés par Libération " (M. Bernard Courcelle). M. Eric Staelens a, lui aussi, montré sa surprise s'agissant de l'existence de telles unités : " Il n'y a pas de groupes-choc. Du moins je l'apprends. Les DPS sont tous des bénévoles. Nous assurons la sécurité des manifestations, mais nous ne sommes pas là pour faire partie d'un groupe-choc pour attaquer les opposants. Nous sommes là pour assurer la sécurité des gens présents et non pour faire quoi que ce soit d'autre. [...] Un journaliste peut très bien fabuler et dire qu'il existe des groupes-choc. Il existe effectivement le 11ème Choc, mais c'est un régiment de parachutistes ! Nous ne sommes pas un régiment de parachutistes ". Et M. Eric Staelens d'avancer l'argument décisif pour contester l'existence de ces groupes : " Je pense que si le groupe-choc avait existé, il aurait été arrêté et contrôlé, en quinze ans, par les forces de l'ordre, notamment lors de manifestations ou d'autres choses ".
S'agissant des Unités Mobiles d'Intervention, autre nom - ou autre type de structure ? - de l'élite du DPS, dont la Commission a voulu connaître l'existence, la réalité est plus nuancée. La Commission a entendu deux témoignages divergents.
Selon M. Bernard Courcelle, ces unités ont bel et bien existé, mais à une période antérieure à 1994, date de son arrivée au DPS. La mission des UMI ne s'insérait pas du tout dans le schéma de fonctionnement d'un service d'ordre classique : " Avant mon arrivée, il y a eu des gens qui s'appelaient les UMI parmi les membres du service d'ordre ; il s'agissait des personnes les plus aguerries et qui intervenaient lors des violentes agressions ". Ce ne sont cependant pas des UMI que l'on a pu apercevoir à la télévision, ces unités ayant disparu depuis 1994 : " Par ailleurs, il n'y avait pas d'UMI, je n'ai jamais monté de groupe UMI lorsque j'étais au DPS ".
Le témoignage donné par M. Eric Staelens diverge quelque peu de celui de M. Bernard Courcelle puisqu'il a nié l'existence de ces UMI, sans toutefois préciser la période de référence à laquelle il faisait allusion. On notera toutefois qu'il est membre du DPS depuis quinze ans, soit bien avant l'arrivée de M. Bernard Courcelle à la tête de cette organisation. Il est donc étonnant que cet homme, qui connaît bien le DPS comme il l'a lui-même reconnu, n'ait pas été informé de l'existence de telles unités.
c) Il n'y a pas d'entraînement au DPS
L'entraînement de ses membres ne fait pas partie du fonctionnement du DPS, les seules formations concernant la lutte contre l'incendie, le secourisme et la réglementation des établissements recevant du public. Tel est en substance le message univoque qu'ont délivré les responsables du DPS.
De tels entraînements poseraient d'abord un problème en terme d'image : " Il n'y a pas de formation au combat, au tir, etc. Cela n'existe pas. Je n'en ai jamais ordonné et je les ai toujours déconseillées, sachant que cela serait mal interprété " (M. Bernard Courcelle).
Il serait même impossible d'organiser cet entraînement. Problèmes de moyens matériels d'abord : " En outre, nous n'avions pas les moyens. Il était déjà très difficile d'organiser des réunions d'information pour les cadres " (M. Bernard Courcelle) Car, comme l'a rappelé M. Patrick Bunel, " Des entraînements, [...] cela coûte cher ". Il ne faut pas non plus sous-estimer les problèmes liés à l'incapacité physique des membres du DPS de suivre de tels entraînements. Car, comme l'ont rappelé MM. Jean-Marie Lebraud ou Patrick Bunel, les membres du DPS sont généralement relativement âgés.
Enfin, même s'il observe " si un jour nous sommes légèrement bousculés, cela peut toujours servir ", la présence au DPS de personnes bien entraînées physiquement n'est pas utile, selon M. Jean-Pierre Chabrut. En effet, " c'est le nombre qui fait la force : pour garder une porte, il n'y a pas forcément besoin d'être quatrième dan ".
Certes ! Mais comment expliquer en ce cas la scène qui s'est déroulée à Montceau-les-Mines ? Comment expliquer les incidents, souvent émaillés de violences physiques, dans lesquels le DPS s'est trouvé impliqué ? Comment expliquer tout simplement, si l'on se replace dans la logique du discours des membres du DPS, qu'un parti expose ses militants ou sympathisants à un danger dont il souligne pourtant à l'envi l'ampleur et la récurrence ? Deux explications ont été fournies :
- Chez certains, la connaissance des techniques de maintien de l'ordre est innée : " Les bons éléments ressortent d'eux-mêmes ; ce sont ceux qui gardent la tête froide, qui restent calmes, savent protéger les militants et parer aux plus mauvais coups " (M. Bernard Courcelle).
- Mais, le plus généralement, c'est une question d'habitude. Des hommes casqués qui tiennent la voie publique de manière quasi-professionnelles pendant près de deux heures ? " C'est de l'automatisme ", selon M. Eric Staelens, qui explique qu'" à force de prendre des coups, on se protège ". M. Bernard Courcelle croit également aux vertus de l'expérience : " les personnes sont aguerries puisque nous sommes toujours attaqués lors des manifestations ". La force de l'habitude, en quelque sorte...
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Au total, quel bilan les responsables du DPS tirent-ils de son fonctionnement ? Sur ce point, la Commission ne dispose que du témoignage très tranché, et non dénué d'arrière-pensées, de M. Patrick Bunel, dont elle juge néanmoins utile de présenter des extraits, tant il donne du DPS une image jusqu'alors inédite.
D'après ce témoin, le fonctionnement du DPS est entièrement à revoir, non que ses membres soient trop zélés dans leurs missions, mais au contraire, du fait de leur totale incompétence. " De mon point de vue - qui est celui d'un professionnel - la DPS ne me paraissait guère organisée. Les membres de la DPS regardaient la personnalité invitée, regardaient à l'intérieur au lieu de se polariser sur l'extérieur. C'était très généralement des personnes relativement âgées qui n'auraient pas dû être là et qui étaient plutôt une charge. Parfois, lorsque M. Bruno Mégret et moi-même nous nous précipitions pour entrer ou sortir d'une salle, la présence des DPS se révélait catastrophique. Ils ralentissaient considérablement notre entrée dans la salle. On recevait des pavés ou des bouteilles, parce que nous devions attendre les cinq ou six DPS locaux qui n'avançaient pas ". Pour M. Bunel, l'expression de service d'ordre qualifiant le DPS est même presque usurpée et c'est bien davantage un service de désordre qu'il a décrit : " Le terme de "service d'ordre" est un peu fort, car à de multiples reprises, j'ai vu les pauvres DPS complètement débordés par la foule et absolument pas à la hauteur pour faire respecter l'ordre public. [...] C'est pourquoi la DPS me semblait un peu inappropriée. Ce sont des gens "bien gentils", mais malheureusement non formés à la sécurité. [...] Vu de l'intérieur, la DPS ne me semblait ni bien organisée ni très fiable ".
4. L'équipement des DPS
a) Tenues de ville, tenue décontractée, " tenue de nuit "...
C'est essentiellement le souvenir des images de Montceau-les-Mines qui a motivé les questions relatives à la tenue des membres du DPS, le souci de la commission d'enquête portant notamment sur l'existence éventuelle d'uniformes au DPS. Là encore, les réponses apportées par les responsables du DPS lors de leur audition tendent à accréditer l'image d'un service d'ordre comme les autres.
L'apparence des membres du DPS est une question prise très au sérieux au Front National : il y va en effet de l'image même du parti, le DPS étant considéré comme la " vitrine du Front National " (M. Jean-Pierre Chabrut). C'est dans cette optique qu'il est demandé aux membres du DPS de porter une tenue identique : " je demande à tout le monde d'être habillé d'une certaine façon, de porter la tenue que vous connaissez, qui est celle du DPS, et qui se compose d'un blazer, d'une cravate, de pantalons et de chaussures cirées " (M. Jean-Pierre Chabrut). La tenue qui vient d'être décrite porte plusieurs noms : M. Gérard Le Vert parle de la " tenue d'honneur " ; elle est également appelée " tenue n°1 " (M. Jean-Marie Lebraud).
Cette dernière expression conduit à s'intéresser à l'autre tenue des DPS, celle que portaient notamment les membres du DPS au soir du 25 octobre 1996. Si les témoins entendus par la Commission reconnaissent l'existence d'une tenue n° 2, ils nient en revanche catégoriquement qu'il s'agisse d'un uniforme ou d'une tenue de combat. " Il n'y a jamais eu d'achat d'uniformes " a ainsi déclaré M. Bernard Courcelle. De même, la réaction de M. Gérard Le Vert a été très vive : " Je ne peux pas accepter qu'on dise qu'il y a une tenue de combat ". Pour M. Gilles Soulas, il s'agit tout simplement de vêtements de couleurs sombres : " Qu'appelez-vous un uniforme ? Des tenues sombres ? ".
De quoi se compose donc cette " tenue n° 2 " ? Il existe d'abord une définition négative de cette tenue, comme l'a expliqué M. Bernard Courcelle : " La tenue n° 2, c'est-à-dire qu'ils n'étaient pas en costume ". Il s'agit donc d'une tenue " décontractée : jeans, blouson [...] utilisée en extérieur lorsqu'on ne peut pas être en blazer comme, par exemple, dans les meetings de nuit " (M. Jean-Pierre Chabrut). M. Bernard Courcelle a donné la même explication : " La tenue n° 2 se compose d'un blouson, que je préfère bleu marine - je déteste les "bombers" noirs -, de jeans et de baskets. La tenue n° 2 est portée par les personnes qui sont en surveillance extérieure - parking, jardins publics, etc. ". Selon M. Gérard Le Vert, la tenue n° 2 est une " tenue de nuit ", qu'il a définie ainsi : " Quand je parle d'une "tenue de nuit", je veux simplement dire qu'en raison du froid,
- c'était à la fin de l'automne et il ne faisait pas bien chaud -, nous étions couverts. C'est une tenue qui n'a rien de choquant, d'autant que lorsqu'ils commencent à prendre des _ufs et des pierres, les garçons enfilent leur blouson 
".
Comment se fait-il, dans ces conditions, que les membres de la commission d'enquête et également les contre-manifestants, selon les témoins, aient tous eu l'impression qu'à Montceau-les-Mines, les membres du DPS portaient un uniforme ? En fait, deux éléments les auraient trompés. D'abord, la nuit : pour M. Bernard Courcelle, il convient de ne pas oublier que " la nuit, avec un blouson bleu marine et des jeans, tout le monde se ressemble ". En outre, il a pu arriver que des professionnels des entreprises de sécurité soient venus faire du bénévolat au DPS en tenue de travail : " Vous parlez de la tenue des personnes qui travaillent pour la sécurité et qui, vous pouvez le constater, portent des blousons ou des combinaisons noires ou bleu marine. Les maîtres-chiens également. Certains viennent nous aider bénévolement " (M. Jean-Marie Lebraud). Quant à M. Eric Staelens, il a reconnu que certains membres aient pu porter " des combinaisons de maîtres-chiens éventuellement ".
b) Un équipement exclusivement défensif
La Commission a également interrogé les responsables du DPS sur l'équipement dont disposent les membres du département, alors qu'à maintes reprises, ceux-ci ont été appréhendés avec des armes diverses en leur possession. Les réponses fournies donnent une fois encore le sentiment d'un décalage marqué avec la réalité.
S'agissant d'abord des armes proprement dites, et de tous les objets pouvant devenir une arme par destination, ils sont strictement interdits au DPS :
- " Je ne voulais pas entendre parler d'armes, ni d'objets pouvant être considérés comme armes par destination " (M. Bernard Courcelle) ;
- " S'il [Jean-Marie Le Pen] avait souhaité que nous fussions armés, il est clair que nous aurions dit non : c'est inacceptable ! " (M. Gérard Le Vert) ;
- " Nous interdisons formellement ce genre de choses. Des notes de service le spécifient " (M. Jean-Marie Lebraud).
Comment expliquer dès lors que, malgré ces directives fermes, et récurrentes, des membres du DPS aient pu être trouvés en possession d'armes ? Là encore, c'est l'argument de l'acte individuel qui est invoqué, appuyé d'ailleurs par le système de défense tout aussi connu du " ce n'est pas moi ; c'est lui ". Tel est le sens de la réponse de M. Jean-Marie Lebraud à une question sur la découverte d'un mini-arsenal chez certains membres du DPS de Normandie en 1992 : " Il est vrai que l'on ne peut tout contrôler. En Bretagne, cela n'existe pas ". Tous les responsables entendus nous ont d'ailleurs assuré que la violation de ces directives était sanctionnée par l'exclusion immédiate du service d'ordre.
Si l'on en croit les responsables du DPS, le seul matériel dont disposent les membres du DPS leur sert à se défendre : c'est ainsi qu'il faut expliquer la présence de casques et de boucliers, à Montceau-les-Mines notamment, qui, par leur fonction protectrice, ont l'onction des dirigeants. " Pour ce qui est de l'usage du bouclier, je répète qu'il n'y a eu qu'un seul cas et que je n'en veux pas à ceux qui y ont eu recours, à force de prendre des pavés, de l'avoir fait. Cela étant, cet usage ne fait pas, non plus, partie de mes directives " (M. Jean-Pierre Chabrut). De même, pour M. Gérard Le Vert, " Le casque est une arme défensive et non pas offensive. D'ailleurs, heureusement que nous en avions, car ceux de nos camarades qui n'en portaient pas ont tous été blessés ". Quant à la matraque électrique, qui peut avoir un usage défensif, elle n'est néanmoins pas acceptée : " Nous avons toujours demandé de ne pas amener ce type de matériel qui est en vente libre dans tous les stocks américains " (M. Gérard Le Vert).
En dépit de la tolérance des dirigeants à l'égard de certains matériels dits défensifs, il n'existe pas de fournisseur officiel du DPS. Ses membres seraient même parfois obligés de recourir à des moyens de fortune et de développer des trésors d'ingéniosité : " Pour ce qui est du matériel, nous n'avons pas de fournisseurs. Les casques - nous en avions très peu du reste : quatre ou cinq, je crois - avaient été achetés dans ce qu'on appelle les stocks américains qui vendent, il me semble, les surplus de la gendarmerie belge qui sont en vente libre. Quant aux boucliers, nous les fabriquons nous-mêmes ou ce sont des couvercles de poubelle arrangés " (M. Gérard Le Vert).
S'agissant enfin des matériels de transmission, le DPS se heurte une fois encore à la contrainte budgétaire qui est la sienne : " Les transmissions étaient difficiles parce qu'en ville et dans les grosses manifestations le contact passe très mal. Comme tout le monde, nous avons des portables mais les communications sont très chères. Comme nous n'avons jamais eu les moyens d'acheter des équipements, nous les louions, notamment des talkies-walkies " (M. Gérard Le Vert). Quant aux débordements observés dans ce domaine, qui concernent plus particulièrement la présence de scanners destinés à décrypter les transmissions protégées des forces de l'ordre, ils sont encore une fois le fait d'individus isolés : " On trouve des scanners partout, mais ce n'était pas du matériel officiel DPS : il n'y avait pas de scanners au DPS ! Il pouvait y en avoir à titre individuel, mais comment voulez-vous fouiller chaque voiture ? Imaginez un peu une manifestation comme le défilé de Jeanne d'Arc, pour lequel 250 ou 300 membres du DPS arrivent à bord d'une soixantaine de véhicules : nous ne pouvons pas nous permettre de tout fouiller et nous ne l'avons jamais fait " (M. Gérard Le Vert).
5. L'interprétation des incidents reprochés au DPS : entre actes individuels, montage médiatique et impératifs de protection
Le discours des responsables du DPS tendent systématiquement à mettre en parallèle cette structure avec les services d'ordre des autres formations politiques. C'est pourquoi les incidents qui ont émaillé les interventions du DPS ont été systématiquement minorés :
- " Cela est monté en épingle par les médias [...] pour essayer de dissoudre un service d'ordre " (M. Gilles Soulas). L'argument de l'exploitation médiatique du DPS est revenu fréquemment dans la bouche des responsables du département. Pour M. Patrick Bunel, " les pauvres DPS sont des proies faciles à exploiter sur le plan médiatique " ;
- En outre, ces incidents ne seraient que le résultat des attaques systématiques dont le DPS et le Front National font l'objet. " Le problème, c'est que nous sommes attaqués. Pour ce qui me concerne, depuis que je connais le DPS, j'ai eu de la chance puisque je me suis toujours retrouvé dans des meetings ou des manifestations où les forces de l'ordre faisaient tout à fait bien leur métier et étaient d'une efficacité redoutable en empêchant les manifestants d'approcher. A la dernière manifestation d'Amiens j'ai reçu des _ufs, mais je m'en sors encore bien puisque cela ne coûte que des frais de teinturerie et pas d'hospitalisation " (M. Jean-Pierre Chabrut).
De ce point de vue, ce qui s'est passé à Montceau-les-Mines le 25 octobre 1996 trouve une pleine et entière justification - même s'il est vrai que " l'image n'est pas excellente ", pour reprendre l'expression de M. Jean-Pierre Chabrut. Celui-ci a notamment expliqué que " les casques et les boucliers sont donc encore la meilleure façon de se protéger même si, effectivement, cela fait un peu diabolique et ressemble à la tenue des forces de l'ordre qui, elles-mêmes, n'ont pas trouvé de meilleure façon de se protéger. C'est pourquoi je n'en veux pas à nos militants ". De même, pour M. Gérard Le Vert, " on essaie de se protéger comme on peut ". Le discours est identique chez M. Bernard Courcelle qui évoque les " douze ou vingt, oui. Contre deux cents ou trois cents personnes qui jetaient des cailloux et qui ont cassé un mur de la municipalité pour jeter des parpaings ! ". Pour M. Patrick Bunel, même si elles étaient incompétentes, les personnes présentes à Montceau-les-Mines, " ont fait preuve de courage en défendant les personnes dans la salle et en prêtant main forte ".
- Enfin, quand il a été reconnu par la justice que des membres du DPS avaient commis un acte illégal, c'est l'argument de l'acte isolé qui est invoqué. Tel est notamment le cas pour l'incident d'Ostwald. Selon M. Bernard Courcelle, " Cela n'a rien à voir avec le service d'ordre. Cela a été effectué à titre individuel et ne nous concerne pas. [...] Je suis responsable de ce qui se passe dans le service d'ordre pendant la réunion et si des individus commettent des actes délictueux en dehors, c'est de leur responsabilité propre. ".
b.- la réalité du dps
L'apparition d'une structure identifiée comme service d'ordre est tardive au Front National, sa date même faisant l'objet d'évaluations divergentes. Ce qui est certain, en revanche, c'est qu'avant 1983-1984, aucune structure n'a comme mission exclusive d'assurer l'ordre des réunions du Front National ni la sécurité de son chef. Selon MM. Michaël Darmon et Romain Rosso, cette fonction est, de fait, assurée par M. Roger Holeindre, responsable du Cercle national des combattants (CNC), à partir de la fondation du parti en 1972. Cette situation est somme toute logique pour un parti encore très minoritaire, faiblement implanté et qui rassemble au mieux 2 000 adhérents à l'aube des années 1980.
- Les premiers balbutiements : la DOM
Les premiers succès électoraux du Front National mettent à l'honneur la question de la constitution de son service d'ordre. A compter de l'élection municipale partielle de Dreux, en septembre 1983, et plus encore avec les élections européennes du 17 juin 1984, qui voient le Front National s'implanter durablement et de façon croissante dans la vie politique française, une ébauche de service d'ordre apparaît. Cette période de balbutiements reste aujourd'hui encore floue : selon Le Canard Enchaîné2, faute d'organisation ad hoc, c'est le Front National de la Jeunesse (FNJ) qui, sous la houlette de M. Carl Lang, joue le rôle de service d'ordre dans les années 1983-1984, date qui voit se créer la première structure exclusivement attachée à la sécurité des meetings. " En 1983-1984, la tâche était plus ou moins dévolue au Front National de la Jeunesse, sous les ordres de Carl Lang. Quand la question se pose, au printemps 1984, lors d'une réunion du comité central à Quarré-les-Tombes (Bourgogne), de mettre sur pied une organisation plus solide, un nommé Daniel Godot est pressenti à ce poste. Il a des titres : ex-lieutenant du 1er REP, adjoint de feu Pierre Sergent à la tête de l'OAS métro, plus particulièrement chargé de l'organisation des masses, il n'en a pas moins organisé des actions très dures. Mais, à la demande de Le Pen, c'est finalement à l'ancien chef OAS du maquis Bonaparte, Roger Holeindre, dit Popeye, qu'est confiée la responsabilité de la direction de l'organisation des meetings. Avec de modestes moyens, mais de gros bras, une dizaine d'hommes et un petit car, il court la France, de meeting en meeting, s'évertuant à s'entourer d'un service d'ordre d'hommes formé à "la tenue impeccable", de "militants exemplaires", acceptant d'être "aux ordres durant toute la durée du meeting". " Selon d'autres sources, c'est dès 1983 que la DOM (Défense Organisation des Meetings) apparaît. Quoi qu'il en soit, il est clair, comme M. Yves Bertrand, directeur central des renseignements généraux, l'a souligné devant la Commission, que " la création de l'organisation a correspondu au début de la montée en puissance du Front National ".
Vraisemblablement, le nouveau système mis en place fonctionne mal : M. Roger Holeindre ne parvient pas à monter le service d'ordre qu'il appelle de ses v_ux, faute d'un professionnalisme suffisant de ses membres. En témoigne la note qu'il adresse aux secrétaires fédéraux, le 25 juillet 1985 : " Je passe ma vie à faire des circulaires [...]. Je tiens à rappeler que le mot "directive" est le mot libéral qui veut dire "ordre" ".
- 1985-1993 : un DPS très hétérogène
Au deuxième semestre 1985, c'est donc un autre système qui est adopté, qui se veut plus efficace et surtout mieux à même d'encadrer la montée en puissance du parti, alors que les élections législatives de 1986 se profilent. Les initiales " DPS " apparaissent alors. Que signifient-elles exactement ? Direction protection sécurité ? Division ? Défense ? Département, déjà ? L'incertitude est voulue mais on notera que les membres de longue date ou de la première heure tendent toujours à évoquer la DPS. Selon Le Canard Enchaîné, l'apparition de cette nouvelle structure fait l'objet d'une cérémonie spécifique durant l'été 1986 : " Ces marques distinctives [du DPS] ont été distribuées pour la première fois à tous les responsables régionaux et départementaux au cours d'une "cérémonie officielle" tout à fait confidentielle, "lors d'un rassemblement national organisé à leur intention par le président et en sa présence" dans le courant de l'été 1986. Quelques jours plus tard, les DPS faisaient leur première apparition publique à la fête des BBR ".
Le premier responsable, M. Jean Fort, désigné sans aucune consultation par M. Jean-Marie Le Pen, est encore un ancien de l'OAS : capitaine de réserve - bien qu'il se fasse appeler colonel Janbart -, incarcéré administrativement au camp de Saint-Maurice-l'Ardoise pour ses activités à l'OAS métro, c'est au Front National des Combattants qu'il rencontre M. Jean-Marie Le Pen, alors président de ce mouvement. M. Jean Fort, qui est à la tête du DPS jusqu'en 1993, imprime à cette structure des caractéristiques qu'elle garde aujourd'hui, notamment en ce qui concerne son organisation hiérarchisée.
Le DPS de l'époque est néanmoins caractérisé par sa très grande hétérogénéité et, de ce fait, par une relative difficulté pour ses dirigeants de le modeler comme ils l'entendent. " C'est le temps où le Front National entretient des relations pour le moins ambiguës avec les skinheads et autres extrémistes violents, enrôlés régulièrement pour assurer la sécurité de ses réunions. Les étudiants du GUD (Groupe Union Défense), groupuscule antisémite ultra-radical célèbre pour ses actions d'éclat à la faculté d'Assas à Paris, jouent régulièrement les supplétifs du Front. "3 M. Eric Giacommetti, dans un article paru dans Le Parisien du 11 janvier 1999, qualifie le Front National de l'époque de " mélange hétéroclite composé de skinheads et d'anciens barbouzes sans grande discipline ".
- 1993-1998 : adapter le DPS au nouveau statut politique du Front National
L'arrivée du capitaine Jean-Pierre Fabre à la tête du DPS en 1993 est révélatrice de la conception que M. Jean-Marie Le Pen se fait de son service d'ordre. Il n'est pas douteux en effet que le choix d'un officier de gendarmerie - en disponibilité - marque la volonté de rationaliser, voire de respectabiliser le DPS. Car, comme le rappellent avec justesse MM. Michaël Darmon et Romain Rosso dans leur ouvrage, d'une part, avec la montée en puissance du Front National, son électorat se diversifie (" des enfants, des familles issues de la classe moyenne et de la bourgeoisie côtoient les militants de la première heure " (p. 174)), d'autre part, journalistes, photographes et cameraman commencent à faire les frais des méthodes musclées des DPS, à tel point qu'il devient difficile, voire dangereux de couvrir les réunions du Front National4. " Dès lors, il devient nécessaire de rassurer : plus question de laisser le service d'ordre aux mains d'activistes d'extrême-droite de tout poil. "
Le capitaine Jean-Pierre Fabre ne parvient vraisemblablement pas à remplir à la mission que lui a confiée M. Jean-Marie Le Pen. Au mois de mai 1994, il est, en effet, remplacé par M. Bernard Courcelle, choisi pour son profil de professionnel de la sécurité. Les premiers actes de M. Bernard Courcelle confirment cette volonté de crédibiliser le service d'ordre. Ce dernier entreprend de " nettoyer " le DPS de ses trublions extrémistes. Toute son action à la tête du DPS vise d'ailleurs à présenter le visage d'un service d'ordre comme les autres.
- 1999 : un DPS à reconstruire
Le DPS est touché de plein fouet par la scission du Front National, à commencer par celui qui en était le responsable depuis plus de quatre ans. Ayant annoncé son souhait de se rendre au congrès de Marignane tenu par M. Bruno Mégret les 23 et 24 janvier 1999, M. Bernard Courcelle est mis à pied puis licencié le 8 mars 1999. Après l'intérim assuré par M. Marc Bellier, la direction du DPS est prise en main depuis le 1er mars 1999 par M. Jean-Pierre Chabrut, choisi vraisemblablement, non plus sur des critères professionnels, mais subjectifs. Priorité semble, en effet, désormais donnée à la fidélité au président du Front National. S'il est encore trop tôt pour caractériser le DPS tel qu'issu de la scission, on peut néanmoins estimer, à l'appui notamment des auditions des responsables - anciens et actuels - du DPS et des sympathisants du Front National ou du Mouvement National, que le DPS est numériquement affaibli, et surtout désorganisé puisque la majorité de ses cadres ont rejoint M. Bruno Mégret.
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Ce bref historique, en dépit de quelques points d'incertitude, met en avant trois caractéristiques du DPS :
- le lien avec le président du Front National, dont témoignent notamment les conditions de désignation de ses dirigeants successifs ;
- le lien avec les milieux militaires ou paramilitaires qui se traduit d'abord par le rôle moteur des anciens de l'OAS dans la constitution d'une véritable structure puis par le poids des professionnels de la sécurité ;
- le caractère laborieux de la constitution d'une structure maîtrisée.
Il convient à présent de préciser, à travers une analyse systématique de l'organisation, des moyens et des méthodes d'intervention du DPS, les pistes esquissées par cette approche historique.
1. L'organisation générale du DPS
a) Le DPS sur le territoire : organisation hiérarchisée ou réseau hétérogène ?
· Il est habituel de souligner le caractère extrêmement hiérarchisé de l'organisation territoriale du DPS, qu'aurait renforcé le passage de M. Bernard Courcelle à la tête de cette structure. Jusqu'en 1994 en effet, l'implantation du DPS sur le territoire français est calquée sur le modèle administratif civil : un responsable national, vingt-deux régions et quatre-vingt-quinze départements.
A son arrivée à la direction nationale du DPS, M. Bernard Courcelle ajoute un niveau supplémentaire, la zone, inspiré de la carte administrative militaire ; six responsables zonaux viennent alors s'insérer entre le directeur national et les responsables régionaux. Si l'on peut voir dans cette réforme une trace de la formation militaire de M. Bernard Courcelle, cette explication est néanmoins insuffisante : pourquoi introduire un niveau supplémentaire dans un édifice déjà très marqué par son caractère hiérarchique ? La Commission n'a pas obtenu d'informations précises sur cette question. Elle est donc réduite à formuler un certain nombre d'hypothèses.
Tout d'abord, cette réorganisation peut être appréciée au regard d'un objectif d'efficacité. Mobiliser vite et beaucoup : telles sont les conditions de crédibilité d'un service d'ordre. C'est bien ce renforcement de crédibilité que vise M. Bernard Courcelle lorsqu'il prend en main les rênes de l'organisation. Or, si, sur le papier, le DPS couvre l'ensemble du territoire métropolitain, il existe cependant des creux et des pleins selon les endroits, comme l'a indiqué M. Jean-Marie Delarue, directeur des libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de l'intérieur, lors de son audition. Sur ce point, on peut estimer que la carte de l'implantation du DPS correspond, peu ou prou, à la carte électorale du Front National. " Il est possible de tracer une carte du vote frontiste, majoritairement localisé à l'est d'une ligne Rouen-Perpignan, avec un axe principal Lille-Paris-Lyon-Marseille "5, carte qui correspond, selon M. Pascal Perrineau, auteur de nombreux ouvrages sur la question, aux territoires d'" anomie urbaine ", c'est-à-dire où s'observe une forte rupture des formes traditionnelles de sociabilité citadine.
L'existence d'une telle disparité géographique rend donc très théorique les possibilités de mobilisation effective, même si, sur le papier, il existe partout un responsable régional ou départemental. La création de la zone serait, dans cette perspective, un moyen de pallier ces disparités, dans la mesure où elle permet de mobiliser plus facilement, sans que le responsable national ait à jouer les coordinateurs.
Pour convainquante qu'elle soit, cette hypothèse doit être complétée. En effet, elle serait suffisante si l'organisation du DPS obéissait aux seuls impératifs de sa mission de service d'ordre. La réalité est néanmoins autre, comme votre rapporteur le montrera par la suite. Car, service d'ordre, le DPS joue également un rôle de police politique au service du président du Front National. Dans cette perspective, la restructuration opérée par M. Bernard Courcelle s'insérerait dans un processus de renforcement de la mainmise de M. Jean-Marie Le Pen sur le DPS, selon le principe simple, mais efficace, du " diviser pour mieux régner ". Au regard de la désertion des cadres du DPS vers le Mouvement National au début de 1999, on peut en effet se demander si M. Jean-Marie Le Pen, doutant dès 1994, de la fidélité des responsables régionaux et départementaux, n'aurait pas souhaité reprendre de l'influence sur le DPS en nommant à un niveau supérieur des hommes en lesquels il avait toute confiance.
On peut avancer une dernière hypothèse à la création de ce nouvel échelon hiérarchique : il s'agirait de rendre effectif ce qui n'était auparavant qu'un schéma théorique. Plus que l'ajout d'un niveau de responsabilité, l'action de M. Bernard Courcelle témoignerait donc d'une véritable tentative de reprise en main. Les propos de M. Michel Soudais, journaliste à Politis, tendraient à valider cette hypothèse : " S'agissant du DPS et de ses poupées gigognes, il y a eu, au début, une tentative d'organisation sur le papier. Je peux communiquer à la Commission un vieux document qui prétendait, au début, fixer une organisation extrêmement rigide et militarisée, avec des ordres, un certain nombre de grades, une codification des insignes. Cette organisation a cependant partiellement cédé devant les faits et n'a pu empêcher l'apparition d'un certain amateurisme ". De même, Mme Fiammetta Venner, journaliste à Prochoix, a mis en doute la réalité de l'organisation hiérarchique du DPS : " C'est plutôt de l'extérieur que j'ai perçu la hiérarchie du DPS, c'est-à-dire la répartition en zones, à l'instar d'une petite armée, la hiérarchie entre chefs départementaux, régionaux et nationaux. Au niveau local et à celui d'une petite cellule, ce n'était pas aussi net, mais je ne suis pas restée suffisamment longtemps. Ce type de définition hiérarchique doit transparaître davantage au moment des grandes manifestations, des grands meetings, des BBR ou à l'arrivée de M. Jean-Marie Le Pen dans une ville et doit être davantage perceptible quand on est un garçon. ". Ainsi, M. Bernard Courcelle, s'étant aperçu que l'organisation du DPS n'était que théorique, aurait tenté de lui donner corps.
· Le ministre de l'intérieur a estimé, pour sa part, que le DPS n'était pas " une organisation proprement dite " mais un " réseau multiforme et hétérogène sur tout le territoire national, constitué sous des formes associatives qui en font une réalité complexe ". Il a évoqué, par exemple, le cas du DPS d'Alsace, organisé selon les règles associatives du droit local. Tout comme la plupart des témoins entendus, la Commission estime cependant que, même s'il est vrai que des dysfonctionnements touchant à l'organisation du DPS ont pu exister, l'intention de le structurer le plus strictement possible existe bel et bien, selon un schéma dont l'arrière-plan historique est indéniable. Comment, en effet, ne pas voir dans les échelons infra-départementaux de l'organisation du DPS - section, dizaine, garde - l'évocation claire de la Milice sous le régime de Vichy, qui utilisait exactement les mêmes appellations ?
b) La place du DPS dans le parti : un rouage essentiel
Contrairement à ce qu'ont pu en dire les responsables actuels du DPS, les éléments recueillis par la Commission tendent à prouver que le Département protection et sécurité n'est pas " un service comme un autre, au même titre qu'il existe un service de comptabilité " (M. Jean-Marie Lebraud), ni " un département au même titre qu'un département juridique ou financier " (M. Jean-Pierre Chabrut). Il est vrai pourtant que ni sur le plan juridique, ni, semble-t-il, sur le plan financier - critères qui sont généralement utilisés pour évaluer le degré d'autonomie d'une structure -, le DPS ne se distingue particulièrement des autres services.
- L'absence d'autonomie juridique
Ainsi, contrairement au Service d'Action Civique (SAC), le DPS n'est pas une association ; il n'a aucune existence juridique propre. Il n'existe pas de statut officiel, les missions des responsables ne sont pas diffusées, la liste des membres encore moins. Ce qui peut s'avérer bien commode en cas de démêlé avec la justice...
- Une autonomie financière très limitée
Quant à son autonomie financière, même si elle est nettement plus difficile à évaluer, on peut vraisemblablement conclure qu'elle est faible et qu'il n'existe pas de budget préétabli spécifiquement affecté au DPS. Les éléments recueillis par la Commission sur ce sujet ne sont cependant pas tous concordants.
Selon les responsables anciens ou actuels du DPS, celui-ci ne dispose d'aucune ligne budgétaire propre au sein des comptes du Front National. Le DPS serait vraiment un service d'ordre impécunieux si l'on veut bien croire ce que dit son " pauvre " directeur national, M. Jean-Pierre Chabrut : " Je fais ma demande pour obtenir un stylo ou un crayon au responsable du bureau. "
A en croire le témoignage de M. Bernard Courcelle, seul le trésorier national du parti, auquel sont transmises factures et notes de frais, est en mesure d'évaluer le coût du service d'ordre. On rappellera donc ici que l'association " Front National " est une formation politique dont les comptes sont soumis à l'agrément de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et publiés au Journal officiel6. Pour l'exercice 1997, son actif net s'élevait à 147,2 millions de francs et ses charges à 144,9 millions de francs, avec une perte de 4 millions de francs. Il n'y a évidemment aucune individualisation au sein des comptes publiés des charges afférentes à la sécurité du parti. On peut simplement noter 12,4 millions de francs de salaires et 7,8 millions de francs de frais de voyage et de déplacement.
Les ressources financières du Front National proviennent pour un quart du financement public attribué aux partis politiques en application de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique. En 1997, ce financement s'élevait à 35,6 millions de francs, au titre de la première fraction de l'aide publique versée aux partis ayant présenté des candidats dans au moins 50 circonscriptions et compte tenu du nombre de voix obtenues7. Il bénéficie également notamment des cotisations de ses adhérents (9,1millions de francs), des contributions et " dons " des élus (6,6 millions de francs), des dons " déclarés " des personnes physiques (6,5 millions de francs) et de divers produits d'exploitation, par exemple des ventes lors des manifestations et colloques (74 millions de francs).
Sur les 260 francs d'une cotisation normale8, 100 francs reviennent à la fédération départementale, 100 francs au siège du parti et 60 francs pour l'abonnement à Français d'abord, la lettre de Jean-Marie Le Pen. Pour éviter à ses membres une telle dépense, le DPS n'a pas exigé jusqu'à une époque très récente l'adhésion au Front National pour en faire partie. M. Bernard Courcelle a même avoué que certaines cartes étaient gracieusement offertes à des membres du DPS en situation de particulière impécuniosité. Le reversement de leurs indemnités de fonction par les élus du Front National est quant à lui obligatoire, dans une proportion de 25 % à 50 %. Enfin, il faut aussi mentionner les " dons " qui peuvent être faits de la main à la main.
Un certain nombre de témoins auditionnés, extérieurs au DPS mais néanmoins bien informés, ont confirmé qu'il n'existait pas de système de financement organisé propre au DPS et que celui-ci dépendait totalement du parti dans ce domaine. Tel est le sens des propos de M. Jean-Marie Delarue, directeur des libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de l'intérieur : " Pour le surplus, les déplacements notamment, ce sont les cotisations et autres sources de financement normales du parti qui y pourvoient. A ma connaissance, nulle séparation ne démarque le financement du Front National de celui du DPS. Selon mes informations, la relative impécuniosité du DPS est pour lui un gros problème. Il rencontre souvent des difficultés à se procurer les sources de financement nécessaires, ce qui le maintient concrètement - au-delà de l'organisation hiérarchique - sous la coupe des secrétaires départementaux ou régionaux du Front National. Les subsides fournis à un niveau du DPS dépendent bien souvent des apports fournis par les responsables du Front National au même niveau géographique ". Et M. Jean-Marie Delarue de conclure à la difficulté d'opérer une distinction claire entre DPS et Front National. Le témoignage de M. Renaud Dély, journaliste à Libération dont les enquêtes ont porté tout particulièrement sur les groupes-choc, va dans le même sens : " Lors de mon enquête, je n'ai jamais trouvé de bulletins de paie concernant les membres [des] groupes-choc ".
Il semble toutefois difficile de croire que les membres du DPS ne sont jamais rémunérés pour leurs missions. Tout d'abord, le directeur national du DPS, sa secrétaire ainsi que les personnes affectées à la garde du siège - cinq selon M. Bernard Courcelle - sont rémunérés. M. Michel Soudais, journaliste à Politis, a toutefois " constaté qu'une dizaine [de membres du DPS] sont régulièrement au siège de ce parti. Si ces personnes sont en permanence au siège, je vois mal de quoi elles peuvent vivre ".
M. Jean-Pierre Chabrut a déclaré à la Commission percevoir, en tant que directeur national du DPS, 18 000 francs nets par mois. M. Bernard Courcelle percevait quant à lui précisément 16 957 francs, pour un contrat à durée déterminée puis un contrat à durée indéterminée. M. Jean-Marie Lebraud, responsable de la zone Bretagne, est toutefois lui aussi salarié en tant que responsable de la sécurité des locaux du siège du parti à Saint-Cloud, embauché sur un CDD depuis février 1999. On peut donc constater qu'il existe toujours des moyens pour contourner la règle : tous des bénévoles y compris les responsables. Les frais de déplacement et de restauration sont quant à eux bien remboursés sur justificatifs, visés par le directeur national et transmis au trésorier du parti. Les témoignages de MM. Bernard Courcelle, Gérard Le Vert et Jean-Pierre Chabrut sont ici tout à fait concordants et ne peuvent être contestés.
De plus, divers témoignages tendent à montrer que certains membres du DPS touchent des sommes d'argent en liquide, à l'occasion de missions spécifiques. Toujours selon M. Renaud Dély, " les gratifications en espèces au coup par coup sont fréquentes. L'individu [des groupes-choc du DPS] avec qui j'étais en contact m'a raconté qu'il avait déjà touché une enveloppe de 5 000 francs. [...] Apparemment, M. Bernard Courcelle lui avait fait des promesses de primes et d'emploi qui n'ont pas été tenues. [...] Les membres [des] groupes-choc sont recrutés dans des milieux de "paumés" ; il s'agit donc pour eux de sommes importantes, 1 000 francs, 3 000 francs. [...] Il est en effet très fréquent [...] que les différents groupes du DPS s'affrontent, souvent pour des questions d'argent et de primes promises mais non versées ". Mme Fiammetta Venner, qui a infiltré le DPS d'Ile-de-France, a même observé que " Les DPS ont beaucoup d'argent. Lorsque l'on connaît le Front National de l'intérieur, l'on sait qu'il est peu enclin à donner de l'argent à ses adhérents et à ses militants. C'est un parti qui attend beaucoup de ses militants qu'ils subviennent à leurs besoins. Pourtant, la DPS a beaucoup d'argent, peut trouver une salle assez facilement, des salles d'entraînement alors que cela n'est pas si aisé en banlieue parisienne. J'ignore d'où vient l'argent. Mes enquêtes ne sont pas parvenues à le déterminer ".
Dépourvu de ligne budgétaire propre, le DPS ne semble donc pas pour autant dépourvu de subsides, même si ceux-ci sont aléatoires. Le produit du rituel du " drapeau ", déjà évoqué, peut être utilisé par les secrétaires départementaux pour rembourser les frais de déplacement des militants. Si M. Jean-Pierre Chabrut laisse entendre que ceci est laissé à l'entière discrétion desdits secrétaires, M. Romain Rosso par contre, estime que " le DPS récolte en liquide la moitié du produit de la vente des drapeaux ".
Il est possible également que pour certains, les avantages matériels tirés de la participation au service d'ordre soient différés et indirects. Ainsi, être membre du DPS permet de se faire des relations dans certains milieux, notamment celui des sociétés de gardiennage et de sécurité, et de pouvoir ultérieurement obtenir une mission ou un contrat.
Au total, il semble qu'on puisse conclure à l'existence de fait d'une enveloppe de fonctionnement du DPS, à défaut d'une existence comptable, mais que celle-ci ne peut être distinguée des fonds du parti lui-même. S'il est vraisemblable que beaucoup de membres du DPS, non seulement sont bénévoles, mais en plus assument certains frais, il est tout aussi probable qu'existent des rémunérations ponctuelles, soit tirées des sommes récoltées à l'occasion de la quête par " drapeau " pendant les meetings, soit issues du budget du Front National. La Commission n'est cependant pas en mesure d'étayer ces propos par des chiffres, qui ne semblent connus ni des renseignements généraux, ni des témoins ayant enquêté sur cette structure, ni même des responsables du DPS.
- L'autonomie fonctionnelle : une élite au sein du Front National
Aucune autonomie juridique, une autonomie financière très limitée : assurément, si l'on s'en tient à l'analyse de ces deux critères, la place du DPS au sein du Front National ne présente aucun caractère spécifique. Telle n'est pas la réalité : la Commission a en effet acquis la conviction que le DPS occupe une place à part dans le parti. Cette conviction, que partagent tous les témoins qui se sont exprimés sur le sujet, repose sur plusieurs éléments.
Un élément subjectif tout d'abord : le fait que les membres du DPS se vivent comme occupant, au sein du Front National, une place à part, une place d'élite. Le témoignage de Mme Fiammetta Venner, qui s'est infiltrée pendant plusieurs semaines dans un groupe DPS en Ile-de-France, est, à cet égard, particulièrement intéressant : " Le sentiment d'appartenance à un groupe organisé me paraît un élément à approfondir. On relève dans les entretiens avec les membres du DPS qu'ils ont le sentiment d'appartenir à une classe plus armée, plus organisée et plus apte au "coup de poing" ". Ce groupe à part du reste du Front National aurait même ses propres références, son propre code de valeurs qui déterminent en son sein des hiérarchies implicites. Ainsi, dans le groupe d'Ile-de-France sur lequel Mme Fiammetta Venner a enquêté, la participation passée à l'OAS métro constitue " un gage de respectabilité musclé " ; " Cela confère une légitimité quasiment historique ". Autre référence de ces DPS, le Service d'Action Civique (SAC) : " Ils ont la grande illusion d'être issus du SAC. Or, aucun de ceux que j'ai vus [...] n'en avait fait partie. Mais tous se remémoraient le SAC comme le moment merveilleux auquel ils avaient participé alors que quasiment personne n'en provenait ". Ce décalage entre la réalité et la reconstruction intellectuelle qui en est faite est intéressant : il prouve l'existence d'un groupe spécifique, soudé par ses représentations mentales. M. Patrick Bunel a évoqué la prévalence, au sein des membres du DPS du " mythe du garde du corps " : utilisée par dérision dans la bouche de M. Patrick Bunel, cette expression n'est néanmoins pas dénuée d'intérêt car révélatrice du sentiment d'appartenance à un même groupe.
L'appartenance à une élite est également vécue sur le terrain par les membres du DPS. Selon M. Michaël Darmon, journaliste à France 2 qui les a vus en action notamment à Montceau-les-Mines, " les membres du DPS se vivent comme une élite. Ils se croient les mieux armés pour pouvoir affronter des situations de crise, d'émeutes, d'affrontements que leur action politique suggère. [...] Ils sont choisis pour leur sang froid. Je dirais même que ceux qui étaient ce soir-là à Montceau-les-Mines avaient un comportement sécuritaire, ils étaient investis d'une mission, ils formaient une élite ".
Les faits même confirment ce schéma organisationnel et tendent à prouver que le DPS joue un rôle d'encadrement, son action pouvant être " défensive ou offensive si la situation le requiert " (M. Rémi Barroux). L'incident qui s'est déroulé place de l'Etoile à Paris le 21 octobre 1996 illustre parfaitement cette place tout à fait spécifique. Dans ce cas précis, M. Bruno Gollnisch s'est appuyé sur le DPS non seulement pour organiser la manifestation sauvage mais également pour écarter le fonctionnaire de police qui s'opposait au dépôt de gerbe. C'est véritablement un rôle de bras armé, de garde prétorienne au service du politique que le DPS a joué ce jour-là.
La scission du Front National intervenue à la fin de l'année 1998, si elle provoque un certain désarroi au sein du DPS, accroît paradoxalement le rôle du service d'ordre dans chaque Front National ; Dans un contexte de règlements de comptes politiques, il est essentiel pour chaque chef de pouvoir faire confiance à un service d'ordre dévoué et fidèle. Ce corps d'élite qu'est le DPS voit son rôle renforcé même au sein des réunions politiques internes du parti, où il est chargé d'expulser de la salle les militants ou responsables en désaccord avec la ligne du président du mouvement9. On ne confie pas de telles tâches à des seconds couteaux, mais à des personnes dont on connaît la valeur.
c) Le DPS et le président du Front National : un instrument de pouvoir au service d'un homme
- " Dépend du Président Seulement "
Le DPS présente le paradoxe d'être une structure à la fois autonome vis-à-vis du reste du parti et totalement dépendante du président de celui-ci ; en fait, l'indépendance dont elle jouit au sein du parti n'est que le reflet de sa totale dépendance à l'égard du président du Front National. L'organigramme du Front National10 montre bien ce double statut du DPS : seul le président du Front National a autorité sur le Département protection et sécurité, sur lequel n'ont prise ni le conseil national, ni le comité central, ni le bureau politique, ni le secrétaire général, ni le délégué général. La boutade concernant la signification des initiales " D.P.S. " -"Dépend du président seulement" - n'est donc pas sans lien avec la réalité.
Tous les éléments recueillis par la Commission accréditent cette analyse. Le règlement intérieur du DPS dispose notamment que " cette structure interne est placée directement sous l'autorité du président ". Lors de son audition par la Commission, M. Guy Konopnicki, journaliste à L'Evénement du Jeudi, a également fait mention d'une circulaire interne selon laquelle " les noyaux du DPS, département par département, sont responsables devant le président du parti, et lui seul ".
Les responsables du DPS ont également souligné ce lien de dépendance. Tout d'abord, c'est au président du Front National exclusivement que le responsable national du DPS rend compte. " Je rendais compte à Le Pen uniquement. Il n'y avait aucun intermédiaire entre nous, ce qui est somme toute normal quand il s'agit d'organiser un service d'ordre " (M. Bernard Courcelle). Le directeur national du DPS en titre aujourd'hui a confirmé ces propos : " Je dépends directement du président, M. Jean-Marie Le Pen : "point-barre" comme on dit à l'armée. [...] Je me dois de lui adresser des rapports. Je le fais déjà et je continuerai. C'est normal et j'y tiens : c'est mon chef et dans toute entreprise, on doit rendre compte " (M. Jean-Pierre Chabrut). Les témoignages de MM. Gérard Le Vert et Patrick Bunel sont encore plus radicaux. Il est intéressant de les citer, même si la Commission n'est pas dupe de la propagande et du but politiques que ces personnes, aujourd'hui membres du Mouvement National de M. Bruno Mégret, poursuivent en tenant de tels propos.
Ainsi, à une question du président Guy Hermier lui demandant si le DPS dépendait directement du président du Front National, M. Gérard Le Vert a répondu : " Oui, tout à fait ! Du reste on disait "disponible pour le président seul" ou quelque chose d'approchant, mais c'est Le Pen qui disait cela... ". Il a également précisé que " M. Jean-Marie Le Pen ne s'intéresse qu'à lui... pour sa sécurité ". Quant à M. Patrick Bunel, il a lourdement insisté sur le lien exclusif entre le DPS et M. Jean-Marie Le Pen afin de faire ressortir l'extrême personnalisation du pouvoir au sein du Front National. " Il convient de rappeler que je travaillais pour M. Bruno Mégret et que la DPS était essentiellement réservée à M. Jean-Marie Le Pen. Dès que j'ai travaillé pour M. Bruno Mégret, en 1994, j'ai été complètement exclu, mis à l'écart de tout ce qui se passait au sein de la DPS. Je ne rencontrais les responsables du DPS qu'au cours des manifestations. M. Bernard Courcelle ou d'autres membres de la DPS ne m'ont jamais rien demandé. La DPS était réservée à la sécurité de M. Jean-Marie Le Pen, et ne s'occupait pas du tout de M. Bruno Mégret. Aux manifestations, M. Bruno Mégret arrivait avec moi. Il n'était pas entouré alors que M. Jean-Marie Le Pen l'était par la DPS. [...] Et les DPS étaient toujours inféodés à M. Jean-Marie Le Pen ".
C'est ainsi que s'expliquerait la constitution, dès avant la scission de 1999, d'une structure de fait autour de M. Bruno Mégret, sorte de " DPS bis " créé aux fins de remplir pour le compte de ce dernier les missions d'un DPS sur lequel le délégué général du Front National n'avait pas statutairement prise.
Plus qu'à un service d'ordre, le DPS s'apparenterait donc davantage à une garde prétorienne au service, non pas d'un parti, mais d'un seul homme. Mme Christiane Chombeau, journaliste au Monde, a même souligné que, lorsque le DPS a eu la velléité d'assurer la protection de tous les membres du parti, " le président a rappelé qu'ils étaient là pour obéir et pour assurer la protection des personnes que lui-même désignerait ".
Le rôle joué par M. Jean-Marie Le Pen dans la désignation du directeur national du DPS, qui est son interlocuteur direct, est tout aussi révélateur de cette dénaturation de ce qui devait être initialement un service d'ordre. Le récit que MM. Michaël Darmon et Romain Rosso font de la désignation de M. Bernard Courcelle à la tête du DPS en 1994 est, à cet égard, tout à fait éclairant : c'est à l'initiative du président du Front National qu'à été recruté un homme qui, s'il admet volontiers son adhésion idéologique aux thèses du Front National, se définit néanmoins avant tout comme un professionnel de la sécurité. Et la " professionnalisation " ou du moins la tentative de rationalisation du DPS entreprise par M. Bernard Courcelle s'inscrit directement dans la ligne des objectifs fixés par le président du Front National.
La désignation récente de M. Jean-Pierre Chabrut à la tête du DPS, qui fait suite à l'intérim très court de M. Marc Bellier après la mise à pied de M. Bernard Courcelle, participe de la même logique : le président du Front National recrute celui qu'il juge être l'homme de la situation au regard du contexte global. En 1994, M. Jean-Marie Le Pen recherche un professionnel de la sécurité afin d'organiser le DPS à la mesure du grand parti national qu'il vient de construire. En 1999, en pleine crise, il a besoin d'un homme de confiance, d'un fidèle. M. Guy Konopnicki a très justement mis en exergue la différence de profil entre MM. Bernard Courcelle et Jean-Pierre Chabrut : " Comme il s'agit maintenant de règlements de comptes internes, les hommes qui ont été placés des deux côtés l'ont été en fonction de critères extrêmement politiques et de leur fidélité à chacun des deux chefs. Cela prime maintenant sur toute autre considération ".
Le schéma organisationnel du DPS traduit également l'emprise du président du Front National sur le DPS. L'extrême hiérarchisation qui le caractérise répond en effet davantage à des considérations d'ordre politique qu'à un souci d'efficacité fonctionnelle. Mobiliser vite et beaucoup, certes ! Mais ce schéma frappe surtout en ce qu'il dessine une véritable structure parallèle, rattachée directement au président du Front National. Car, si fonctionnellement, les responsables intermédiaires du DPS - régionaux et départementaux - relèvent des secrétaires régionaux et départementaux, hiérarchiquement, ils dépendent aussi de la hiérarchie du DPS. D'après les éléments recueillis par la Commission, ce double commandement ne va pas sans problèmes relationnels et pratiques sur le terrain.
- Un instrument de pouvoir : la mission de renseignement interne du DPS
En 1992 aurait été créé au sein du DPS un Groupe de Recherche et d'Investigation (GRI), appelé par la suite Cellule Renseignement du DPS. Cette cellule aurait eu essentiellement pour fonction d'informer le président du mouvement, M. Jean-Marie Le Pen, sur l'attitude et le passé des cadres frontistes ainsi que sur les adversaires du Front National.
Si la Commission n'a pas obtenu la preuve de la création de cette cellule, elle a néanmoins rassemblé un certain nombre d'éléments concordants tendant à prouver que le DPS joue un rôle de renseignement interne pour le président du Front National. Cette fonction serait assurée tant par l'intermédiaire de son directeur national qu'au travers de ses échelons locaux, souvent perçus comme des " commissaires politiques " chargés d'informer le président sur la vie interne du mouvement et les éventuelles turpitudes des uns ou des autres. M. Romain Rosso va même jusqu'à décrire un " fonctionnement administratif " : " Du fait de l'organisation régionale et départementale du DPS, les responsables locaux du DPS font des notes sur tout ce qui se passe. Ils font remonter ces notes par la voie hiérarchique ". Cette information a été confirmée par Mme Christiane Chombeau, qui, sans la demander, a reçu une fiche très précise sur un membre du DPS, dans laquelle était récapitulé l'ensemble des condamnations dont il avait été l'objet.
Cette activité est reconnue par des proches ou des membres du Front National eux-mêmes. Dans le second tome de l'ouvrage qu'il a consacré aux Nationalistes en France, M. Roland Gaucher, ancien directeur de National Hebdo et conseiller régional Front National de Franche-Comté à l'époque de la publication de ce livre - en 1997 -, écrit ainsi que " le DPS assume une double mission : fonctionner comme un service d'ordre, assurer la protection des réunions, des fêtes et des meetings, et opérer comme un service de renseignement. Cette organisation est directement rattachée au président du Front, elle est indépendante du secrétariat et de la délégation générales. Ses membres adressent leurs messages à Montretout ou s'y rendent pour y faire part de leurs observations. D'une façon générale, on peut dire que si le DPS opère avec dévouement, compétence et courage dans son rôle de service d'ordre, son travail consiste pour l'essentiel à fournir des renseignements sur tel ou tel membre ou responsable du Front au président de cette organisation " (pp. 191-192). De même, si l'on se reporte aux propos des responsables du Front National, on observera une relative concordance de leurs témoignages11.
Quatre faits donnent la mesure de ce rôle de " police politique " du DPS :
- Au cours de l'année 1996, M. Bernard Courcelle vient à Toulon, en personne, rappeler au maire, nouvellement élu, M. Jean-Marie Le Chevallier, ses obligations à l'égard du parti, ce dernier refusant en effet l'arrivée de cadres envoyés du siège national pour encadrer l'équipe municipale.
- C'est encore M. Bernard Courcelle qui, comme il l'a indiqué lui-même, vient personnellement mener son enquête sur les circonstances de la mort de M. Jean-Claude Poulet-Dachary, adjoint au maire de Toulon. Il faut rappeler en effet que, dans le cadre de l'enquête sur cet assassinat, les gendarmes de la brigade de recherche de Toulon avaient effectué des perquisitions aux domiciles de membres du DPS sans qu'il ait été donné suite à cette piste. Un fichier de sympathisants toulonnais du Front National a notamment été trouvé chez un des gardes DPS.
- Le troisième fait marquant concerne l'internement en hôpital psychiatrique de M. Michel Collinot, membre du bureau politique du Front National. " Le 13 novembre 1996, Collinot, saisi d'un délire paranoïaque, s'enferme dans une chambre de l'auberge du Cheval-Blanc, un établissement situé à Vonas dans l'Ain. Il prévient la presse qu'il détient des "documents explosifs" sur le financement de l'ARC (Association de recherche contre le cancer), et menace de les rendre publics sans l'accord des dirigeants du Front National, accusés de "mollesse" et de "connivence avec un régime corrompu". Menés par M. Christian Launay, responsable DPS de la région, des membres du service d'ordre encerclent, à la nuit tombée, les abords de l'auberge, afin de "protéger" Michel Collinot, qui a déjà eu plusieurs conversations avec des journalistes au téléphone. Bernard Courcelle est à Paris. Alerté, il prend sa voiture et se rend immédiatement sur les lieux. Les DPS appellent ensuite les gendarmes et, en leur présence, procèdent, au milieu de la nuit, à l'"évacuation" de Collinot vers l'hôpital psychiatrique Saint-Georges de Bourg-en-Bresse "12. D'après MM. Michaël Darmon et Romain Rosso, cette opération s'est déroulée en relation avec le secrétaire général du Front National, M. Bruno Gollnish. Si, d'ailleurs, M. Michel Collinot a, par la suite reconnu que ce dernier lui avait " probablement sauvé la vie ", son épouse (décédée en 1997) qui a assisté à la scène a été traumatisée : " Ils l'ont bâillonné, menotté, il s'est débattu mais ils l'ont emmené. [...] En quelques minutes, c'était fini. Je n'ai jamais vu mon mari être traité de la sorte. C'est vrai qu'il était à bout ces derniers temps mais c'est la méthode qui m'a choquée. Même s'ils ont fait ce qu'ils devaient faire "13.
- Un quatrième fait marquant illustre ce rôle de renseignement et de surveillance interne au DPS. Il a été relaté par M. Romain Rosso lors de son audition : " Dans le Gard, quatre membres du DPS - d'environ 60, 70 ans -, anciens légionnaires, ne s'entendaient pas avec le FNJ local. Il se trouve qu'une des réunions FNJ de Nîmes a mal tourné, en ce sens que les jeunes présents ce soir-là ont commencé à célébrer le néonazisme en faisant circuler des tracts et en chantant des chansons du IIIème Reich. Le membre du DPS présent ce soir-là pour assurer la sécurité est frappé par ce qui se passe, ferme les fenêtres pour ne pas que ces chants sortent de la salle, décide d'annuler la réunion, consigne les cassettes, les photos, les tracts et en réfère au secrétaire départemental. Or cette information n'est pas remontée par la voie hiérarchique. Il m'a appelé pour me raconter cette histoire. Il craignait beaucoup les conséquences de sa dénonciation, de son rapport. Il a donc déménagé une première fois. Et à la suite de nos différents contacts - je suis descendu à Nîmes plusieurs fois - il m'a donné quelques éléments faisant état de cet incident. Il a subitement disparu, je n'ai plus eu aucune nouvelle ".
Sans doute la Commission, faute d'être en mesure de présenter des documents écrits, voire un fichier interne, a-t-elle dû procéder selon la méthode du faisceau de preuves, en l'occurrence de témoignages oraux. Le contexte actuel de la scission du Front National et les règlements de compte qui y sont afférents viennent toutefois renforcer sa conviction. Comme l'a fait notamment remarquer M. Didier Cultiaux, directeur général de la police nationale, " les événements récents révèlent l'importance qui s'attache aux enjeux de l'information ". Ce même témoin a d'ailleurs, sur ce point précis, affirmé sa " conviction de citoyen " que le rôle d'information figurait " dans les statuts du DPS et dans la volonté de ses dirigeants, qui souhaitent savoir qui ils recrutent dans leurs propres services et vérifier la fiabilité des personnes embauchées, au regard de leurs buts propres ". Comment ne pas voir dans le spectacle actuel des dissensions, des déballages et des règlements de compte à l'extrême-droite autre chose que la marque d'une mémoire fidèle des différents acteurs en cause ? Selon M. Didier Cultiaux, cela " incite à croire que ces personnes, même si elles se connaissent et ont la mémoire longue, ont dû la rafraîchir à partir de documents en leur possession ".
2. Le DPS, un service d'ordre qui a des moyens
Etant donné son rôle privilégié au sein du Front National, il va de soi que le DPS doit disposer de tous les moyens lui permettant de tenir son rang et de remplir ses missions auprès du président. Au-delà des moyens financiers - pas vraiment autonomes - qui ont déjà été analysés, il convient de s'intéresser ici plus particulièrement à qui sont les membres du DPS, à ce que sont leurs liens avec les sociétés de sécurité et de gardiennage privées et aux entraînements et moyens matériels dont ils bénéficieraient.
Tous ces moyens sont théoriquement strictement réglementés. Afin de pallier d'éventuels débordements des membres du DPS, les premières directives de fonctionnement datées du mois d'avril 1986 fixaient sans équivoque les principes et modalités d'intervention du DPS et constituaient une forme de règlement intérieur. La directive n° 4 du 17 avril 1986 prescrivant l'entraînement physique et technique des membres, ainsi que la formation aux activités de maintien de l'ordre, aux transmissions et procédures radio, à l'entraînement aux liaisons et aux groupements rapides rappelait que " toute activité de membres ou de sections DPS ne doit en aucun cas porter préjudice à la réputation du Front National et contrevenir aux lois. Faute de quoi l'exclusion définitive serait immédiatement prononcée ".
a) Les moyens humains : une véritable nébuleuse
En ce qui concerne les effectifs, un recensement des renseignements généraux de décembre 1998, avant la scission du Front National, aboutit à l'attribution au DPS d'un millier d'éléments plus ou moins stables et à la répartition géographique hétérogène. Dans son édition du 8 mai 1997, National Hebdo avançait le chiffre de 3 000 volontaires dont 1 700 régulièrement sollicités. Ce dernier chiffre était le plus souvent avancé par les responsables frontistes en public. On trouvait dans la presse des chiffres beaucoup plus fantaisistes, allant jusqu'à 9 000 membres !
Strictement hiérarchisé, le DPS a été dirigé successivement par MM. Roger Holeindre (1984-1985), ancien activiste de l'OAS, Jean Fort (1985-1993), ancien activiste favorable à l'Algérie française, Jean-Pierre Fabre (fin 1993), capitaine de gendarmerie en disponibilité, Bernard Courcelle (1er mai 1994 au 21 janvier 1999), ancien officier parachutiste devenu responsable de sécurité privée, Marc Bellier (février 1999), ancien membre du Service d'Action Civique (SAC) et responsable DPS pour la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur et Jean-Pierre Chabrut (depuis mars 1999).

bernard courcelle, un chef très particulier pour le dps

Bernard Courcelle apparaît être un personnage atypique par rapport aux autres cadres du DPS, dans la mesure où il semble davantage être un professionnel de la sécurité qu'un militant indéfectible, même s'il ne cache pas ses sympathies pour les thèses du Front National. En même temps et paradoxalement, sa " carrière " le place au carrefour des différents milieux dans lesquels gravitent les membres du DPS : milieu de la sécurité, milieu militaire, milieu mercenaire.

Il a été choisi personnellement par M. Jean-Marie Le Pen en 1994, alors que celui-ci cherchait quelqu'un pour organiser un service d'ordre à la taille du grand parti d'extrême-droite qu'il appelait de ses v_ux.

Alors qu'il n'a cessé de répéter qu'il voulait " rationaliser " le DPS et éviter qu'il ne porte préjudice à l'image de marque du mouvement, tous les événements graves qui ont attiré l'attention sur le service d'ordre du Front National se sont produits alors qu'il en était le directeur national. Son départ du service d'ordre frontiste marque-t-il la fin d'une époque ?

Un ancien militaire reconverti

Né le 23 octobre 1956 à N'Gaoundere au Cameroun, Bernard Courcelle est un ancien parachutiste d'active du 6ème régiment parachutiste d'infanterie de marine (6ème RPIMa) basé à Mont-de-Marsan. Il a été instructeur parachutiste en 5ème région militaire jusqu'en 1985. Nommé capitaine de réserve le 1er octobre 1988, il a été rayé des cadres de réserve de l'armée le 15 novembre 1994 avec l'honorariat de son grade.

De février 1986 à octobre 1988, il a assuré la sécurité de la division armement de la société Luchaire tout en étant le garde du corps de Daniel Dewavrin qui en était le président du directoire. Cette mission particulière lui a valu d'être habilité confidentiel défense. En 1989, il a assuré la protection de Simone Veil pour les élections européennes14. De 1990 à 1993, il fut chef de la division sécurité du Musée d'Orsay. A ce titre, il a été amené à faciliter quelques visites de Mazarine Pingeot à sa mère, une des conservatrices du musée en charge des sculptures.

Parallèlement mais sans que cela n'ait aucun lien, de 1988 à juillet 1993, Bernard Courcelle fut un informateur15 de la direction de la protection de la sécurité de la défense (DPSD). En raison des contacts qu'il entretenait dans les milieux mercenaires16 (notamment par l'intermédiaire de son beau-frère, Christian Bègue, lieutenant de Bob Denard aux Comores), il a été amené à fournir des informations aux services de renseignement français et a eu quelques contacts par an avec son officier traitant. Il n'a jamais été lui-même officier de réserve affecté à la DPSD et rémunéré par ce service. Par contre, Bernard Courcelle a menti à la Commission quand il a affirmé n'avoir " jamais travaillé " pour la DPSD.

Bernard Courcelle est devenu directeur national du DPS le 1er mai 1994 sur recommandation de son prédécesseur démissionnaire, le capitaine de gendarmerie Jean-Pierre Fabre. Celui-ci aurait eu son nom, aux dires mêmes de Bernard Courcelle, par l'intermédiaire de Charles Pellegrini17. Il s'agit plus d'un professionnel de la sécurité et du renseignement que d'un militant, même s'il n'a jamais caché ses sympathies pour le Front National. Ainsi, il a également été élu conseiller municipal Front National de Stains (Seine-Saint-Denis) en 1995. Il a été licencié du Front National le 8 mars 1999, après un mois de mise à pied, en raison de son quasi-ralliement à Bruno Mégret. Il prétend désormais avoir " tourné la page " et ne plus s'occuper du DPS ou du DPA... si ce n'est en donnant quelques conseils téléphoniques à ceux qui restent ses amis.

Bernard Courcelle et l'affaire tchétchène

Au début de l'année 1993, Bernard Courcelle a appris, par l'intermédiaire de Michel Fradin et de son frère Nicolas Courcelle, dirigeant du Groupe Onze France, société de sécurité privée spécialisée dans le recrutement de mercenaires, qu'un consortium franco-américain avait établi des relations avec les dirigeants de la Tchétchénie, République de l'ex-URSS en guerre contre la Russie pour son indépendance. Il informa le DPSD que ces derniers étaient à la recherche de partenaires pour exploiter, raffiner et transporter du pétrole de cette République. Il était également question d'étudier les conditions dans lesquelles pourrait être assurée la sécurité du Président de la Tchétchénie, le général Doudaïev, et celle des personnels étrangers - environ 400 - qui seraient amenés à travailler en Tchétchénie après la signature du contrat. Le Gouvernement français n'ayant pas souhaité participer à ces contacts, il a été signifié à Bernard Courcelle de ne plus s'occuper de cette affaire. Celui-ci ayant persisté dans ses intentions, la DPSD a alors rompu toute relation avec lui.

Bernard Courcelle a assuré la sécurité du général Doudaïev lors de sa visite au salon du Bourget en juin 1993. Un contrat de sécurité a été signé à cette occasion entre le Gouvernement tchétchène et le Groupe Onze France. Bernard Courcelle s'est alors rendu en Tchétchénie avec son beau-frère Christian Bègue, son frère Nicolas et l'associé de son frère, Thierry Rouffaud, ancien agent de la DGSE marié à une américaine, Carol Ann La Sota alias Diane Roazen. Il aurait alors perçu 20 000 dollars pour ses services.

En 1996, Bernard Courcelle est retourné en Tchétchénie. Il a été mis en cause par un reportage de Stéphane Ravion et Pascal Henry, journalistes à l'agence Capa, diffusé sur Canal + le 14 décembre 1997 et repris par Le Canard enchaîné et Libération. Ces journalistes ont notamment exploité une lettre anonyme dénonçant Bernard Courcelle, qui peut être attribuée à Gilbert Lecavelier, ancien militant d'extrême-droite, en charge du service d'ordre des Jeunesses patriotes et sociales de Roger Holeindre en 1969 et proche de Jean-Marie Le Pen lui-même pour diverses opérations " spéciales ".

Il est avéré que Bernard Courcelle a recruté des mercenaires pour aller en Tchétchénie en utilisant des lignes téléphoniques du Front National et avec l'aide de Franck Duplaquet. François-Xavier Sidos, Thibaut Demay et Hubet Signard dit " de Palissaux " sont mentionnés dans l'enquête journalistique comme personnes à contacter au siège du Front National dans cette opération.

Bernard Courcelle a accompagné une équipe de télévision de la société de production Galaxie, qui réalisait un reportage sur la résistance tchétchène, jusque dans la cachette secrète du général Doudaïev. Souci documentaire en faveur de la cause tchétchène ou simple couverture ? Toujours est-il qu'il a évoqué avec un adjoint du Président Doudaïev, le général Bassaïev, la possibilité de vendre des armes à bas prix à l'armée tchétchène. Il aurait ainsi mis en relation Ilias Akhmadov, dit Mustapha, envoyé du gouvernement tchétchène, avec le mercenaire belge Marty Cappiau qui a installé une société de vente d'armes en Croatie, Joy Slovakia. Bernard Courcelle a bien reconnu avoir " mis en contact des gens "18 et ouvert son carnet d'adresse à cette occasion. Lors de son audition par la Commission, il a de lui-même fait immédiatement le lien entre Joy Slovakia et Marty Cappiau.

Ce trafic d'armes n'a pas abouti : les Tchétchènes ont bien versé un million de dollars en deux fois sur un compte numéroté en Suisse, mais les armes ne leur ont finalement pas été livrées. Bernard Courcelle a-t-il touché une commission dans cette affaire ? Toujours est-il que celle-ci a sans aucun doute terni sa réputation aux yeux de Jean-Marie Le Pen.

Afin de pallier d'éventuels débordements des membres du DPS, les premières directives de fonctionnement datées du mois d'avril 1986 fixaient sans équivoque les principes et modalités d'intervention du DPS et constituaient une forme de règlement intérieur (RI). La directive n° 4 du 17 avril 1986 prescrivant l'entraînement physique et technique des membres, ainsi que la formation aux activités de maintien de l'ordre, aux transmissions et procédures radio, à l'entraînement aux liaisons et aux groupements rapides rappelait que " toute activité de membres ou de sections DPS ne doit en aucun cas porter préjudice à la réputation du Front National et contrevenir aux lois. Faute de quoi l'exclusion définitive serait immédiatement prononcée ".
- Le recrutement des membres du DPS
En ce qui concerne le recrutement, les responsables du DPS entendaient à l'origine se montrer sélectif. Un double filtre est censé prévenir les candidatures douteuses : présentation d'un extrait du casier judiciaire (article 3 du règlement intérieur) et double parrainage par des membres du mouvement se portant garants du postulant (article 4 du règlement intérieur).
Mme Fiammetta Venner, journaliste qui a infiltré le DPS, a bien confirmé qu'un extrait de casier judiciaire vierge lui avait été demandé lorsqu'elle s'est présentée. Il ne lui a par contre pas été posé de questions sur son passé. Si M. Bernard Courcelle est catégorique sur le casier judiciaire vierge (" Si nous ne l'obtenons pas, nous refusons systématiquement la candidature "), la pratique ne semble pas avoir été aussi rigoureuse puisque plusieurs membres du DPS ayant témoigné dans la presse comme Bob ou Dominique, ont indiqué n'avoir pas un tel casier judiciaire mais que les responsables du DPS n'ont pas été trop regardants.
Des dérives ont ainsi été constatées. Par exemple, M. Christian Launay, s'il a dû démissionner de son poste de responsable départemental DPS le 3 janvier 1989 pour avoir accroché un drapeau à croix gammée à la fenêtre de la permanence du Front National de Chalon-sur-Saône lors de la campagne pour les élections cantonales de 1988, a toutefois repris officiellement la tête du DPS bourguignon en 1995, tout en ayant dans l'intervalle conservé ses liens avec la mouvance néo-nazie et le service d'ordre frontiste. Autre exemple, M. Claude Jaffrès demeurait responsable régional Auvergne en décembre 1998 malgré les incidents survenus en marge du congrès de Strasbourg dans la nuit du 29 au 30 mars 1997 à Ostwald, qui lui ont valu d'être condamné par la Cour d'appel de Colmar le 9 avril 1998 à un an d'emprisonnement avec sursis et à la privation de ses droits civiques.
S'agissant de la sélection politique, déjà évoquée on rappellera simplement que, dès septembre 1993, M. Jean-Pierre Fabre décidait que l'adhésion au Front National ne serait plus une condition sine qua non pour l'appartenance au DPS. Cette décision a été implicitement entérinée par M. Bernard Courcelle qui, dans une note du 5 janvier 1996, instituait la possibilité expresse de recourir ponctuellement à des auxiliaires et supplétifs. Ils sont notamment chargés de servir de " tampon " avec leurs congénères skinheads trop remuants, ce qui n'a pas empêché pour autant tout dérapage.
Ces supplétifs sont bien connus du DPS même s'ils n'en font pas " officiellement " partie. Ainsi, après le drame survenu le 1er mai 1995, à Paris, lors de la manifestation traditionnelle organisée par le Front National, M. Bernard Courcelle, directeur national du DPS, a fait procéder à une enquête interne et a décidé de coopérer avec la brigade criminelle. Il a fourni aux enquêteurs des indications, cassettes vidéo et photos qui, ajoutées à celles communiquées par les renseignements généraux, leur ont permis d'identifier l'auteur des faits, Mickaël Fréminet, et les trois individus qui l'accompagnaient. Lors du procès devant la Cour d'assises de Paris, deux de ces complices ont déclaré avoir participé à plusieurs reprises à des services d'ordre du Front National, notamment des surveillances de nuit lors des BBR pour lesquelles un responsable du DPS de Reims aurait fourni à l'un d'entre eux un fusil chargé avec des balles de caoutchouc. Il faut bien noter également qu'ils se trouvaient dans des cars affrétés par le Front National pour aller à Paris.
Ce recours à des supplétifs non membres du Front National a été interdit depuis la scission du mouvement. M. Jean-Pierre Chabrut, actuel directeur national du DPS, a bien insisté sur le fait qu'il avait élaboré des directives imposant l'adhésion au parti pour faire partie du service d'ordre. Les raisons de fidélité politique sont semble-t-il devenues tout à fait essentielles aux yeux de M. Jean-Marie Le Pen.
- Le profil général des membres du DPS
Au cours des années 1994 à 1998, période de référence choisie par les renseignements généraux pour leur analyse en raison de la reprise en main du DPS par M. Bernard Courcelle, il est apparu que l'encadrement du DPS était très stable et n'avait guère varié. Seul le nombre de jeunes skinheads employés au sein du DPS semble avoir diminué au fil des ans en raison des consignes de M. Bernard Courcelle de les écarter, notamment après le meurtre de Brahim Bouarram.
Les jeunes militants du Front National semblent sous-représentés. Les moins de 30 ans ne dépassent pas les 10 % des effectifs du DPS. Outre les consignes précitées, cela tient sans doute au fait que la plupart des jeunes militants frontistes préfèrent rejoindre le Front National de la Jeunesse (FNJ) qui agit de manière autonome par rapport au DPS et dispose de son propre service d'ordre.
A l'inverse, les anciens sont plus nombreux au sein du service d'ordre du Front National que dans ceux des autres formations politiques ou syndicales : plus d'un quart a dépassé la cinquantaine, ce qui peut être mis en rapport avec les " inquiétudes " de M. Patrick Bunel, membre du DPA, sur l'" âge assez avancé " des membres du DPS. L'essentiel des militants se situe donc dans la tranche d'âge 30-49 ans.
Il est difficile de dresser un inventaire détaillé des professions du millier de cadres et de gardes qui composait le service d'ordre frontiste avant la scission du parti. On peut toutefois constater que la majorité des membres du DPS provient des milieux de la sécurité privée (protection des biens, protection des personnes, portiers de boîtes de nuit, vigiles). Près d'un dixième de l'effectif du DPS est composé de petits patrons ou de commerçants ; plusieurs d'entre eux tiennent ou ont tenu bars, restaurants ou hôtels. On peut aussi remarquer la présence d'un petit groupe de salariés de la RATP, très sensibilisés au thème de l'insécurité.
S'il y a de tout au DPS, comme se plaisent à le souligner les responsables du service d'ordre entendus par la Commission, il semble cependant que certains milieux y sont sur-représentés.
- Les militaires, gendarmes et policiers
Un quart des effectifs du DPS, dont le parcours est connu, a servi dans l'armée française, la plupart dans des régiments parachutistes. Cette tendance est traditionnelle à l'extrême-droite où les associations d'anciens parachutistes sont régulièrement sollicitées depuis la guerre d'Indochine pour servir de troupes de choc ; elle a sans doute été amplifiée par la volonté de M. Bernard Courcelle, ancien officier parachutiste devenu directeur national du DPS.
La direction centrale des renseignements généraux a procédé à une analyse détaillée des professions des 79 cadres (de directeur national à responsable départemental) composant le DPS au 1er décembre 1998. Cette étude a permis d'établir que, parmi ceux-ci, on trouvait alors quatre policiers (dont trois révoqués) et dix militaires à la retraite (dont trois officiers et six sous-officiers).
· Les quatre policiers sont : M. Philippe Caplain, gardien de la paix révoqué en 1990, actuellement agent de la RATP et responsable départemental du DPS des Hauts-de-Seine ; M. Alain Camdessoucens, gardien de la paix révoqué le 1er avril 1994, ancien responsable de l'Alsace et du grand Est ayant démissionné de toutes fonctions fin 1994 ; M. Daniel Page, brigadier de police affecté au commissariat de Clermont-Ferrand, responsable départemental du Puy-de-Dôme ; M. Guy Carrère, ancien sous-brigadier, responsable départemental pour l'Isère.
· Les dix militaires sont : M. Bernard Courcelle, ancien officier parachutiste ; M. Patrick Moulin, capitaine de frégate, responsable du DPS de Bretagne ; M. Alain Sogni, colonel en retraite, responsable départemental du Cher ; M. Sylvestre Puertas, retraité de l'armée, responsable de la région Midi-Pyrénées ; M. Philippe Patary, ancien sous-officier, responsable départemental pour les Hautes-Pyrénées ; M. Christian Grenier, ancien sous-officier, responsable régional pour le Nord-Pas-de-Calais ; M. Patrick Blond, agent civil de l'Etat et gardien à l'ETAMAT19 de Brienne-le-Château, responsable régional pour la Champagne-Ardenne ; M. Jean-Louis Moulinier, retraité de l'armée, responsable départemental de la Corrèze ; M. Louis Veres, ancien légionnaire au 2ème REP, responsable départemental de l'Aude ; M. Marc Avize, sous-marinier retraité, responsable départemental des Côtes-d'Armor.
Pour compléter ces éléments, il faut indiquer que le nouveau directeur national du DPS, M. Jean-Pierre Chabrut, est un officier de réserve, avec le grade de commandant, qui a servi au 1er régiment d'infanterie de marine (1er RIMa).
Il faut également relever que, à l'occasion de l'enquête conduite sur le meurtre de Brahim Bouarram à l'issue de la manifestation organisée par le Front National à Paris le 1er mai 1995, la direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD) a eu connaissance qu'un officier de réserve servant en situation d'activité de l'armée de terre, le capitaine Frank Duplaquet, affecté à l'établissement du génie de Nancy, en civil et en situation régulière, était responsable d'une équipe du DPS. De même, M. Gilles Poulet, officier marinier, en retraite depuis 1997, a été observé, en octobre 1995, transportant le cercueil de M. Jean-Claude Poulet-Dachary, adjoint au maire de Toulon. Il était membre du service d'ordre de cette cérémonie. Cependant, son appartenance au DPS n'a jamais été formellement établie. Enfin, M. Bruno Jacquet, adjudant et ancien responsable du DPS pour les Vosges, aurait quitté le service d'ordre du Front National depuis 1996.
· La gendarmerie nationale a recensé quant à elle trois " brebis galeuses " dans ses rangs, liéés de près ou de loin au DPS. Outre M. Gérard Hirel, lieutenant-colonel en retraite (ER) et responsable régional des Pays-de-la-Loire, il faut mentionner le capitaine (ER) Jean-Pierre Fabre et le colonel (ER) Jean-Jacques Gérardin.

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Le capitaine Fabre
Le capitaine Jean-Pierre Fabre a intégré la gendarmerie en 1980. En juillet 1986, alors commandant la compagnie de gendarmerie départementale de Bron, il s'est fait remarquer par un manquement au devoir de réserve en dévoilant des renseignements, dans le cadre d'une affaire judiciaire, à un membre du Front National. Ce manquement a entraîné un retrait de son habilitation d'officier de police judiciaire (OPJ) pendant un an, ainsi qu'un blâme du ministre de la défense.
Le 1er mai 1987, il a été placé, sur sa demande, en congé sans solde pour convenances personnelles. Le 1er janvier 1990, sur sa demande également, il a été rappelé à l'activité et a rejoint le centre de documentation et de pédagogie de la gendarmerie (CDP) à Maisons-Alfort. En 1993, il a demandé à être placé en disponibilité pour une période de 5 ans à compter du 3 mai. En 1998, le capitaine Fabre a demandé une nouvelle période de disponibilité qui lui a été accordée. Le capitaine Fabre, entre ses périodes de congé et d'indisponibilité, aura servi 10 ans sous le statut d'officier de gendarmerie en activité.
Pendant ses périodes de non-activité militaire, il aurait successivement exercé les fonctions de directeur de la sécurité auprès de la société Moët-Henessy, de chargé de mission au sein du groupe d'édition des Presses de la cité puis de la société PHL (M. Philippe Legorjus, ancien membre du GIGN).
A partir de juillet 1993, il a été chargé de la direction nationale du DPS jusqu'en 1994. Cette activité ne peut être antérieure au 3 mai 1993 puisqu'elle est absolument incompatible avec le statut d'officier de gendarmerie en position d'activité.
· Le lieutenant-colonel Hirel
Officier de gendarmerie à la retraite depuis 1986, M. Gérard Hirel a créé, après avoir quitté le service actif, une association dans la mouvance de l'extrême-droite, dénommée Euro défense, association à vocation de défense des libertés, des opprimés, persécutés et victimes de tous ordres.
Il a été responsable du DPS pour la région des Pays-de-la-Loire et chargé de mission à la direction nationale du DPS, jusqu'à son ralliement à M. Bruno Mégret et sa participation au DPA en tant que chargé de mission pour la formation.
Il s'est fait remarquer défavorablement à plusieurs reprises, en mêlant à son nom son ancien grade d'active et son ancienne appartenance à la gendarmerie nationale. Il est notamment intervenu à différentes occasions, soit par des articles de presse, soit par des communications téléphoniques à la suite de certains événements d'ordre public. Il a également eu, en 1997, des relations " difficiles " avec M. Jean-Louis Arajol secrétaire général du syndicat général de la police. Cela a été consigné dans un rapport du 16 juin 1997. A cette occasion, il a été écarté de toute responsabilité au sein des réserves.
· Le colonel Gérardin
Le colonel Jean-Jacques Gérardin a intégré la gendarmerie en 1956. Le 25 juillet 1983, il a été admis à la retraite, sur sa demande, et nommé dans le cadre des officiers de réserve à la même date.
Membre du Front National depuis 1985, il a été secrétaire fédéral de ce parti dans le département du Cher en 1985, membre du cabinet de M. Jean-Marie Le Pen où il a rempli les fonctions de conseiller à la sécurité, conseiller régional des Pays-de-la-Loire et responsable national des élus du Front National. Il aurait récemment quitté le Front National.
Le colonel Gérardin était également le directeur de la publication " Le Glaive " qui est le bulletin d'information du Cercle national des gens d'armes (CNGA), association de type loi de 1901 qu'il préside. Cette publication a ouvert ses colonnes à des personnalités du Front National, tel M. Bruno Mégret. Cette revue a été adressée gratuitement dans de nombreuses unités de gendarmerie mais ne semble pas avoir obtenu de retentissement dans ses rangs.
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Enfin, quelques profils particuliers doivent être signalés. Ils permettent de bien se rendre compte que les membres du DPS sont loin d'être tous des enfants de ch_ur, comme ses responsables ont voulu le faire croire lors de leur audition par la Commission. Les faits n'ont pas été avoués, mais des informations concordantes permettent à la Commission d'en faire état dans son rapport.
- Le profil mercenaire
La présence de nombreux anciens militaires, légionnaires notamment, membres de l'Union nationale des parachutistes (UNP), ainsi que celles d'anciens " soldats perdus " de l'OAS, facilitent une capillarité certaine entre DPS et milieu mercenaire. Le phénomène fonctionne via notamment la fréquentation de sociétés de sécurité amies, dont certaines réputées pour fournir des " gros bras ", comme Serge Leleu, mercenaire dès 1976 au Liban au sein des Phalanges Chrétiennes, membre des groupes-choc en 1995-1996 et lié à l'OST ou à Torann pour le recrutement d'agents à destination de la Birmanie, Igor Peccatte, ancien gérant d'Acting Out International, Pierre Oldoni, employé par la société Ambassy en 1996 et supplétif du DPS ou encore quelques " bénévoles " du Groupe Onze France dirigé par M. Nicolas Courcelle, frère de Bernard, ou de la société Normandy.
Pour se faire une idée de ce qu'on peut entendre par " profil mercenaire ", quelques portraits de mercenaires liés de près au DPS ne sont pas superflus.
· M. François-Xavier Sidos
Fils de M. François Sidos, co-fondateur et président de Jeune Nation, mouvement d'extrême-droite dissous en mai 1958, et neveu de M. Pierre Sidos, actuel président du mouvement antisémite et ultranationaliste l'_uvre Française, M. François-Xavier Sidos, dit " capitaine FX ", a initié son parcours " public " par un engagement, en 1986, en qualité d'" officier " de la garde présidentielle des Comores, dirigée jusqu'à la fin de l'année 1988, par le chef mercenaire français Bob Denard. Il figure à ce titre sur le décret d'interdiction du territoire des Comores du 9 janvier 1990.
Proche de ce dernier, M. François-Xavier Sidos est apparu, lors de l'exil sud africain de Bob Denard (décembre 1989/février 1993), comme un de ses relais privilégiés en France. Il aurait ainsi recruté des gardes du corps pour la famille royale saoudienne et des mercenaires pour la guerilla Karen en Birmanie. Cette symbiose fut publiquement démontrée en 1995 : M. François-Xavier Sidos, alors directeur-adjoint du cabinet de M. Jean-Marie Le Pen et rédacteur en chef adjoint de " La lettre de Jean-Marie Le Pen ", appartenait à l'équipe qui, sous les ordres de Bob Denard, a tenté de perpétrer un coup d'Etat aux Comores. Les 38 mercenaires ont été délogés par l'armée française et rapatriés sur le territoire national. Le 16 octobre 1995 a été ouverte une information judiciaire des chefs d'arrestation et séquestration arbitraire en bande armée, à propos de la rétention du président Djohar, et d'association de malfaiteurs. M. François-Xavier Sidos demeure mis en examen dans cette affaire.
Son activité dans les milieux mercenaires s'est faite dès lors plus discrète. Fin 1996, un rôle d'intermédiaire lui a été attribué dans le recrutement d'éléments d'extrême-droite - dont trois membres du DPS - pour approvisionner la filière mise en place par l'alter ego belge de Bob Denard, Christian Tavernier, en faveur du régime du président Mobutu au Zaïre20. Début septembre 1997, il aurait aussi participé au montage d'une opération similaire au Congo, dirigée au profit du président Denis Sassou N'Guesso, par deux proches de Bob Denard, Jean-Marie Desalles et Emmanuel Pochet. M. François-Xavier Sidos reste actuellement très proche de ce dernier, et fréquente assidûment les figures du réseau Denard, participant vraisemblablement à des missions au Congo et en Guinée équatoriale en septembre 1998.
Fin 1997, à l'occasion de la révélation de l'affaire tchétchène mettant en cause M. Bernard Courcelle, le nom de M. François-Xavier Sidos, présenté comme chef de cabinet de M. Jean-Marie Le Pen, est avancé par M. Stéphane Ravion, journaliste de l'agence Capa, auteur d'un reportage pour Le vrai journal de Canal Plus sur le sujet, comme étant la personne à contacter au siège du Front National dans le cadre de la mission de vente d'armes.
La ligne et le profil baroudeur de M. François-Xavier Sidos lui ont conféré sans aucun doute une certaine aura au sein du Front National, et notamment dans les rangs de son service d'ordre. S'il n'apparaissait pas dans l'organigramme du DPS, il en suivait statutairement les activités depuis 1994. En témoigne un courrier du 28 août 1994 à en-tête du DPS, signé par M. Marc Bellier - alors directeur national adjoint du DPS - et destiné uniquement aux directeurs territoriaux du DPS, ainsi qu'à M. Bernard Courcelle, directeur national, et à M. François-Xavier Sidos, en raison de ses fonctions au cabinet de M. Jean-Marie Le Pen. Ce lien structurel a été vérifié lorsque, le 29 juin 1997, il a présidé, au nom de M. Jean-Marie Le Pen, une réunion festive du DPS en Bretagne. Selon les renseignements généraux, à cette occasion, il aurait abreuvé son auditoire de propos plutôt " musclés ". Notons que cette information est démentie par l'intéressé qui ne se " souvient " pas de cette réunion.
Dans les rangs du service d'ordre frontiste, on prêterait à M. François-Xavier Sidos un intérêt constant pour le DPS. Aujourd'hui encore, certains observateurs privilégiés lui attribuent la volonté d'un " droit de regard " sur la nouvelle structure de sécurité mégrétiste, le Département Protection Assistance (DPA). En effet, rallié au camp mégretiste, dont il est devenu à l'occasion de la scission du Front National un actif propagantiste, M. François-Xavier Sidos a été élu au comité central du FN/MN à l'occasion du congrès de Marignane.

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M. Jean-Claude Sanchez
C'est un détective privé et agent de sécurité à Genève, dont les activités se développent également à l'étranger, notamment en Israël. Adhérent du Front National à partir de 1984, il en a dirigé le DPS de Haute-Savoie de sa création, la même année, à mi-1997.
Très proche de Bob Denard, il a pris une part très active (pour les repérages et le recrutement) à l'opération mercenaire menée par ce dernier en 1995 aux Comores. Sa mise en examen consécutive à cette affaire l'a amené à prendre quelques distances, au moins officielles, avec le service d'ordre frontiste, dont il a laissé la responsabilité, au printemps 1997, à un militant du Front National sans passé sulfureux, M. Bernard Large.
Il faut noter que M. Jean-Claude Sanchez est président de l'Union Nationale des Parachutistes (UNP) en Haute-Savoie depuis 1984.
· M. Gilles Rochard
Il s'est engagé durant quatre ans dans les troupes parachutistes d'infanterie de marine, de 1967 à 1970.
Militant depuis de nombreuses années de l'UNP, il fut l'adjoint de M. Jean-Claude Sanchez à la tête du DPS de Haute-Savoie. Toujours membre du service d'ordre frontiste et de son noyau lepéniste (4 à 5 militants sur 20), il pourrait, en dépit de son profil sulfureux, être nommé responsable de son service d'ordre par la hiérarchie lepéniste locale.
Il fut membre de l'équipe de Bob Denard lors de la tentative de coup d'Etat aux Comores, en 1995. De même, à l'été 1998, il aurait servi en qualité d'instructeur militaire en Guinée équatoriale.

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M. Thibaut Demay
Il fut un permanent du DPS affecté à la garde du siège du Front National à Saint-Cloud et le responsable lorrain du DPS, jusqu'à son ralliement public à M. Bruno Mégret, le 16 janvier 1999.
Selon les renseignements généraux, il n'a pas d'antécédents activistes. Pourtant, début 1996, il est apparu comme auxiliaire de M. Bernard Courcelle, à contacter au " Paquebot ", dans le cadre de l'affaire tchétchène. De même, fin 1996, il aurait fait partie du petit contingent levé par le chef mercenaire belge Christian Tavernier en faveur du président Mobutu au Zaïre.

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M. Jean-Paul Amiot
C'est aussi un ancien militaire d'active, au 3ème RPIMa de 1977 à 1982.
Militant alsacien du DPS, notamment chargé de la protection rapprochée de M. Jean-Marie Le Pen lors de ses déplacements en Alsace, M. Jean-Paul Amiot est considéré comme un mercenaire chevronné. Il serait allé au Zaïre fin 1996 et au Congo en 1997. Il partagerait également certaines activités du Groupe Onze France.
D'autres noms de mercenaires membres du DPS ou liés à lui sont également connus des renseignements généraux : M. Christian Ollivier (DPS Alpes-de-Haute-Provence, en Bosnie en 1992), M. Daniel Martau (DPS Haute-Savoie, aux Comores en 1995), M. Stéphane Simon (DPS de Haute-Savoie, au Zaïre fin 1996), MM. Pierre Oldoni et Erwan Hoizey (anciens du GUD, au Zaïre fin 1996 et au Congo en 1997), MM. Jean-Marc Bodin, Jean-Philippe Tragin, Marc Garibaldi,...
- Le profil néo-nazi
En dépit des orientations strictement légalistes définies pour le DPS par M. Bernard Courcelle et son successeur actuel, la pénurie de cadres et de troupes de qualité, un certain laxisme et le système de cooptation, ont permis la constitution d'îlots activistes et pro-nazis au sein de certains groupes locaux.
Parmi les plus notoires figure le DPS d'Alsace, dont les responsables, néo-nazis orthodoxes au début de la décennie 1990, ont défrayé la chronique par l'expression de leurs menées activistes au sein de l'Heimattreue Vereinigung Elsass (HVE), organisation dissoute le 2 septembre 1993 (en application de la loi du 10 janvier 1936)21. Tel fut le cas de M. Alain Camdessoucens, gardien de la paix, responsable DPS d'Alsace dès 1987, puis responsable régional pour l'Alsace et le Grand Est en 1989, démissionnaire le 1er novembre 1994. On peut aussi citer le DPS du Calvados, autour de MM. Gérard Le Vert, Christian Launay, Philippe Chapron, Jean-Luc Ménard, Pascal Havard, Patrice Halope et Samuel Bellenger.
· M. Gérard Le Vert
Récemment nommé responsable du service d'ordre mégretiste, le DPA, M. Gérard Le Vert dirigeait avec M. Christian Launay, actuel conseiller régional lepéniste de Bourgogne, les opérations du DPS à Montceau-les-Mines, le 25 octobre 1996.
Responsable DPS au sein du mouvement frontiste de Saône-et-Loire depuis 1985, connu pour ses liens avec les milieux néo-nazis, M. Gérard Le Vert aurait fondé, en 1989, un groupe pro-nazi au sein du DPS local, alors même que les responsables hauts-rhinois de cette formation créaient une structure identique, le Cercle Charlemagne, lequel devait devenir Cercle National Socialiste (CNS), puis Heimattreue Vereinigung Elsass (HVE).
Selon les renseignements généraux, M. Gérard Le Vert était en contact avec plusieurs mouvements néo-nazis français, notamment le Parti Nationaliste Français et Européen (PNFE), et participait à des manifestations de nostalgiques du IIIème Reich. Ainsi, à plusieurs reprises (23 juin 1986, 18 et 19 juin 1991 et 1er juillet 1995), il aurait rassemblé plusieurs dizaines de militants dans sa propriété de Saint-Léger-sous-Beuvray, à l'occasion, par exemple, du solstice d'été, pour les " feux de la Saint-Jean ". Devant la Commission M. Gérard Le Vert a dénié tout caractère idéologique à ce type de manifestation et a préféré soutenir qu'il s'agissait seulement de perpétuer des traditions locales. Par ailleurs, le 2 juillet 1995, il aurait mené une quarantaine de militants d'extrême-droite, dont de nombreux skinheads, en " excursion " sur le site archéologique du Mont-Beuvray, dans la Nièvre. M. Gérard Le Vert a été interpellé à cette occasion.
Il a également reconnu avoir participé, les 6 et 7 octobre 1990, à un voyage en Bavière chez l'ancien officier Waffen SS Egon Bartenbach22 et le 2 octobre 1994 aux cérémonies de l'Ulrishberg (Autriche) en mémoire des combattants allemands et autrichiens, mais pour des raisons affectives et familiales, a-t-il déclaré à la Commission. Ne comprenant pas l'allemand, il aurait assisté à une messe et à des discours sans vouloir en connaître le contenu pendant toute une matinée ! Il se souvient bien par contre avoir rencontré à cette occasion M. Jörg Haïder, chef du parti nationaliste autrichien. Par ailleurs, sa voiture a été aperçue le 24 août 1994 lors de la traditionnelle messe en mémoire des soixante-seize miliciens fusillés au Grand-Bornand le 24 août 1944.

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M. Christian Launay
Véritable alter ego de M. Gérard Le Vert au sein du DPS jusqu'en 1998, M. Christian Launay apparaissait comme la deuxième " figure " du DPS bourguignon. Témoin lui aussi de la déviance néo-nazie du service d'ordre frontiste en Saône-et-Loire, ce co-animateur du groupe bourguignon avait contribué aux dérives collectives des militants vers l'ultra-droite, établissant des structures marginales en s'appuyant sur un noyau extrémiste.
Ainsi, comptant plusieurs néo-nazis sur un effectif d'une soixantaine de membres, cette entité semble avoir adopté, à l'initiative des deux activistes, un cérémonial copié sur celui des Sections d'Assaut (SA) des débuts du nazisme - " intronisation " de nouveaux membres, goût prononcé pour le secret et la clandestinité.
L'élection, en mars 1998, de M. Christian Launay au conseil régional de Bourgogne sur la liste Front National n'est sans doute pas étrangère à la " disparition " de ses activités néo-nazies.

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M. Philippe Rosso
Militant néo-nazi proche des milieux skinheads, il s'est signalé pour la première fois, le 13 mai 1988 à Nice, pour avoir saccagé une cabine téléphonique en compagnie de trois autres skinheads. Le 20 août 1989, il a participé à une agression raciste commise dans le vieux Nice par un groupe skin. Le 12 septembre 1989, il a été interpellé dans un appartement parisien d'où avait été tiré un coup de pistolet à grenaille ayant blessé une ressortissante malienne. Plusieurs armes et de la documentation pro-nazie ont alors été saisies.
Il est réapparu en 1993, en relation avec le Front National. Le 1er mai de la même année, il a été interpellé à Paris dans le cadre des incidents ayant émaillé le traditionnel défilé de Jeanne d'Arc. En septembre suivant, il aurait participé à la fête des " Bleu Blanc Rouge ". A la fin de l'année 1997, il a été interpellé à Nice après une tentative de vol par effraction au préjudice d'une société de bureautique. Une perquisition à son domicile a permis la découverte de plusieurs armes.
Actuellement, il militerait au sein du groupe niçois affilié au mouvement Unité Radicale, coalition des formations ultranationalistes (Groupe Union Défense et Renouveau Etudiant) et nationalistes-révolutionnaires (Union des Cercles Résistance et Jeune Résistance). Dirigé par M. Fabrice Robert, ce groupe compterait une vingtaine de militants.
Occasionnellement, il prêterait main forte au Front National, notamment à l'occasion de missions de protection et de sécurité pour le DPS.
De la même façon, on peut citer MM. Robert Ottavioni, rédacteur en chef du bulletin interne du DPS " Le Lien " et membre du DPS de 1993 à 1995, qui est un ancien skinhead, Régis Kerhuel, skinhead havrais, intégré au dispositif DPS lors des BBR de 1997, qui est incarcéré depuis le 12 juin 1998 pour le meurtre d'un Mauricien, James Dindoyal, le 19 juin 1990, Gérard Poitou, proche du Parti nationaliste français et européen (PNFE), incarcéré à la suite d'une agression par arme à feu à caractère raciste, Eric Colin, militant nationaliste-révolutionnaire, Philippe Grosbois, militant de l'_uvre française jusqu'en 1993, Philippe Frizac, proche du GUD et du FNJ, Bruno Busson, militant du GUD et membre violent des jeunesses nationalistes révolutionnaires,...
Ainsi, malgré la volonté affichée et dans une certaine mesure réelle des dirigeants du DPS de ne pas avoir de skinheads dans leur rangs, un certain nombre d'entre eux ont continué à participer aux activités du service d'ordre.
- Les conséquences de la scission du Front National sur les membres du DPS
Conséquence de la scission de fait opérée au sein du Front National au début de l'année 1999, le DPS a subi une crise qui se traduit par une quasi-partition des troupes, bien que la cassure soit loin d'être franche. Le DPS " canal historique " ne conserverait en fait qu'à peine plus de 300 membres23, les autres ayant rallié le camp mégretiste et son nouveau service d'ordre, le DPA (Département Protection Assistance).
Soupçonné de tiédeur et sévèrement réprimandé par M. Jean-Marie Le Pen pour n'avoir pas su empêcher les deux mégrétistes exclus
- M. Hubert Fayard et Mme Nathalie Debaille - d'assister au conseil national réuni le 5 décembre 1998 à la Maison de la Chimie à Paris - cause immédiate de la crise ouverte -, M. Bernard Courcelle, ayant conservé un temps ses attributions, s'est trouvé écarté le 21 janvier 1999, au profit de M. Marc Bellier, ancien directeur central adjoint et responsable de la zone Provence-Alpes-Côte d'Azur et Languedoc-Roussillon. A son tour, celui-ci a été remplacé par M. Jean-Pierre Chabrut en mars 1999, pour des raisons de fidélité politique.
De son côté, M. Bruno Mégret a nommé, dès le 12 janvier 1999, M. Gérard Le Vert, ancien responsable DPS de Saône-et-Loire, directeur national du DPA, nouveau service d'ordre du Mouvement National. Un nouvel organigramme a été défini, dont les premiers éléments sont les suivants : directeur adjoint, M. Claude Cotte ; chargé de mission pour les relations humaines, M. André Pupier, ancien responsable du DPS Rhône-Alpes ; chargé de mission pour la logistique, M. Daniel Falcoz ; chargé de mission pour la formation, M. Gérard Hirel, qui est comme chacun sait, un ancien officier de la gendarmerie.
Alors que trois responsables zonaux sur six et huit responsables régionaux ont basculé dans le camp mégretiste, les hésitations paraissent plus fortes à mesure que l'on descend dans la hiérarchie. C'est ainsi que, parmi les responsables départementaux, beaucoup persistent à ne pas vouloir se prononcer : une vingtaine l'a fait ouvertement pour M. Bruno Mégret, tout comme une quinzaine pour M. Jean-Marie Le Pen, tandis que la majorité reste prudente. A la base, la situation semble encore plus incertaine : les déclarations des hiérarques mégrétistes évoquant le ralliement de 80 % du DPS à leur cause sont sujettes à caution.
Initialement, deux tendances contraires semblaient animer les éléments de base du DPS, rendant la situation difficile à cerner. Par nature acquis aux concepts de chef et d'obéissance, les gardes paraissaient naturellement portés vers un réflexe légaliste. Mais plus exposés que les simples militants frontistes, ils étaient également particulièrement sensibles au népotisme lepéniste dénoncé par les mégretistes. En fait, le ralliement à M. Bruno Mégret de " DPS félons " semble s'effectuer essentiellement sur des critères d'efficacité, l'ancien délégué général du mouvement paraissant à certains mieux armés que le chef historique pour mener le combat de l'extrême-droite tel qu'ils le conçoivent.
Bien avant les déchirements que connaît le DPS, une structure de fait s'était déjà constituée autour de M. Bruno Mégret, aux fins de remplir pour le compte de ce dernier, les missions d'un DPS sur lequel le délégué général du Front National n'avait statutairement et fonctionnellement pas prise.
C'est ainsi que, dès 1996 à Paris, à partir d'éléments du Groupe Union Défense (GUD) de l'université d'Assas, s'est formée une équipe de sécurité s'étoffant après la victoire électorale de Vitrolles. Parmi ceux-ci, MM. Philippe Chapron, Pierre Oldoni, mercenaire au Zaïre en 1996 et leader d'un groupe de supplétifs d'une quarantaine de militants FNJ le 22 avril 1997 à Boulogne-Billancourt, Yvain Pottiez, activiste violent leader du groupuscule Verwolf constitué le 5 décembre 1998 et intérimaire dans les sociétés de sécurité Normandy, Acting Out International (en 1992) et Ambassy (en 1994) ainsi que Patrick Bunel, chargé de mission pour la sécurité à la mairie de Vitrolles et chauffeur-garde du corps de M. Bruno Mégret à l'époque.
Les éléments les plus jeunes et les plus néo-nazis semblent s'être délibérément tournés vers M. Bruno Mégret, qui ne s'est pas fait prier pour les intégrer au sein du DPA.
b) Le DPS et les sociétés de sécurité et de gardiennage privées
Il existe des liens étroits entre les membres du DPS et certaines sociétés de sécurité dirigées par des militants d'extrême-droite. Parmi ces derniers, certains exerceraient d'ailleurs des responsabilités au sein du Front National. Tel est en substance le contenu d'un rapport des renseignements généraux sur les sociétés de sécurité et l'extrême-droite en France. La Commission regrette de ne pas avoir pu en obtenir communication en temps utile pour l'élaboration de son rapport.
- Une capillarité naturelle au sein d'un même vivier
Une certaine capillarité existe de fait " naturellement " entre la mouvance d'extrême-droite et une certaine proportion des professionnels de la sécurité privée qui, au gré d'une adhésion ancienne ou actuelle à ses thèses, voient, dans cette activité, la possibilité de prolonger leurs choix idéologiques en faveur d'un " ordre musclé ". La direction centrale des renseignements généraux a ainsi comptabilisé, sur les 79 cadres du DPS au 1er décembre 1998, 9 agents de sociétés de sécurité. En effet, les services d'ordre mis en place par le DPS au cours des dernières années ont révélé de nombreuses carences, qui résultent de l'inexpérience et du manque de motivation de la majorité des bénévoles utilisés par le DPS. Aussi, tout naturellement, les responsables du DPS se sont tournés vers les sociétés de sécurité amies, afin que celles-ci leur fournissent des véritables professionnels de la sécurité, beaucoup plus efficaces.
Selon M. Jean-Pierre Pochon, directeur des renseignements généraux de la préfecture de police, " toutes ces sociétés amies peuvent, à l'occasion, épauler le DPS en lui fournissant du matériel - matériel radio, scanners pour écouter les fréquences de la police -, et des hommes sûrs, qui ne sont pas des cadres de ces sociétés mais viennent prendre en main les opérations aux côtés de MM. Bernard Courcelle et Eric Staelens. Le travail de ces hommes de main au sein du DPS ne donne lieu à aucune rétribution, à notre connaissance, sauf en cas de mission longue - par exemple la garde du " Paquebot ", le siège du Front National, pendant les campagnes électorales. Ces sociétés y trouvent néanmoins un avantage, car leur contribution au service du DPS leur servira de caution pour décrocher plus facilement des contrats intéressants. [...] Les sociétés de sécurité puisent dans un vivier où se côtoient extrémistes de droite et aventuriers. On y retrouve notamment beaucoup d'anciens militaires, légionnaires et parachutistes, qui se sont professionnellement reconvertis en participant à ces opérations souvent très rémunératrices. Certains de ces hommes de main participent également au service d'ordre mis en place par le DPS. " Il y a bien un lien évident, au niveau des hommes, entre DPS, sociétés de sécurité et activités de mercenariat. L'emploi du temps de ces personnes fonctionne comme des vases communicants. Ainsi que l'a indiqué M. Stéphane Ravion, journaliste à l'agence Capa, " aux anciens mercenaires sans le sous revenant à Paris, on disait : " Embarque-toi dans le DPS, cela te fera toujours un peu d'argent. " "
La direction des renseignements généraux de la préfecture de police a recensé sur Paris et la région parisienne plus de 80 sociétés de sécurité ayant attiré l'attention par leurs liens passés ou actuels avec l'extrême-droite. Il s'agit généralement de sociétés qui ont été prises en main par des éléments connus pour leur activisme, passé ou présent, et qui ont favorisé, voire privilégié, le recrutement, dans ce secteur, de militants d'extrême-droite. Dans certaines de ces sociétés dont ils ont pris la direction, ces éléments d'extrême-droite se sont signalés par l'emploi de méthodes très particulières conformes à leur idéologie, tels que commandos anti-piquets de grève contre des salariés à l'occasion de conflits sociaux, expulsions musclées de squats ou recrutement de mercenaires.
- Quelques sociétés amies
· Le Groupe Onze France, SARL au capital de 50 000 francs, a son siège 9, rue Lantiez, à Paris (17ème). En date du 14 septembre 1998, sa dénomination sociale à été modifiée : le Groupe Onze France se nomme désormais Société Internationale de Logistique et de Sécurité-International Logistics Security (ILS), traduisant la nouvelle vocation que ses dirigeants veulent développer.
Le gérant du Groupe Onze France, M. Nicolas Courcelle, ancien légionnaire parachutiste au 2ème REP puis au 3ème REI et responsable du Front National de la Jeunesse (FNJ) dans les Yvelines au milieu des années quatre-vingt, est le frère de M. Bernard Courcelle, directeur national du DPS du 1er mai 1994 au 21 janvier 1999 et lui-même également professionnel de la sécurité privée.
Chargé de mission en Angola pour le Groupe Onze avec M. Nicolas Courcelle en 1996-1997, M. Jean-Pierre Chabrut, remarqué en 1995 et 1996 au sein du DPS lors de plusieurs manifestations franciliennes du Front National, est devenu le nouveau directeur national du DPS en mars 1999.
Ces dernières années, le Groupe Onze France aurait fournit ponctuellement des agents de protection issus de son personnel au DPS, effectif estimé à 20 personnes par les renseignements généraux. Selon cette même source, démentie par M. Nicolas Courcelle lors de son audition, il aurait participé au recrutement de mercenaires pour le Zaïre en 1996.
· La société Normandy, SA au capital de 250 000 francs, a son siège 48/50, rue de Sèvres, à Boulogne-Billancourt.
Rendue célèbre par une intervention nocturne, le 7 février 1982, contre des grévistes de la fromagerie Besnier à Isigny dans le Calvados, Normandy a été fondée par l'ancien militant OAS - décédé le 29 décembre 1993 - Fernand Loustau. Ses fils, Philippe - actuel directeur général et administrateur de la société - et Axel - administrateur également - comptaient, il y a quelques années, parmi les principaux animateurs de Groupe Union Défense (GUD). Durant la campagne électorale des régionales de 1992, M. Axel Loustau assurait la coordination entre Normandy et le GUD pour la fourniture de renforts au service d'ordre du Front National. A cette occasion, M. Fernand Loustau lui-même a été remarqué à plusieurs reprises, dirigeant les effectifs sur le terrain.
Les liens privilégiés et historiques de la société Normandy avec le Front National et son service d'ordre (chargé de l'organisation d'un dispositif de sécurité pour le Front National lors de la célébration nationaliste parisienne de la fête de Jeanne d'Arc, le 10 mai 1981, l'ancien mercenaire Dominique Erulin était directeur technique de Normandy cette même année) en font, actuellement encore, selon toute vraisemblance, une des principales filières d'approvisionnement, notamment en matériel, du DPS. En effet, lors d'une perquisition au siège de la société le 22 janvier 1997, 32 armes à feu, la plupart en vente libre, ainsi que des manuels de fabrication d'engins explosifs, ont été découverts par la brigade criminelle.
Le fichier de la société a également pu être utilisé au profit du DPS à l'insu de son président actuel, M. Gilles Kuntz. Par exemple, vingt-quatre agents de la société conduits par des militants du GUD se sont rendus en février 1997 à la compagnie papetière de Corbeil-Essonne pour s'opposer à un éventuel coup de force de la CGT. Il faut également souligner que cette société a embauché plusieurs mercenaires, comme Pierre Oldoni, Erwan Hoizey et François Robin, ce dernier étant poursuivi pour homicides avec actes de barbarie (cannibalisme) perpétrés en Birmanie.
· On peut aussi citer la Société de Prestations de Gardiennage et de Maintenance (SPGM), installée à Créteil, qui a pour actionnaire le responsable du DPS pour le département du Val-de-Marne, M. Jean Marquette. Celui-ci détient 210 des 700 parts sociales de la SGPM, actuellement confrontée à d'importantes difficultés financières.
· L'Organisation Gestion Sélection (OGS), située 5, rue Alexandre Parodi, à Paris (10ème), est spécialisée dans le recrutement d'anciens légionnaires et parachutistes. Cette société sert de vivier aux réseaux de mercenaires. Son PDG, M. Gonzague du Cheyron du Pavillon, est un ancien dirigeant de l'OAS, ainsi que M. Daniel Godot, administrateur d'OGS. Elle a pour commissaire aux comptes M. Christian Baeckeroot, cadre frontiste francilien et ancien trésorier du parti de M. Jean-Marie Le Pen.
OGS a recruté, en 1996, des mercenaires pour assurer la sécurité d'infrastructures pétrolières de la société Total en Birmanie. Cela a d'ailleurs abouti à une situation tout à fait originale, puisque, tandis que des personnes étaient recrutées pour protéger les installations de la société Total, d'autres l'étaient aussi pour encadrer la guérilla Karen. En juin 1997, OGS a également accepté un contrat de la direction de l'entreprise Valéo basée à Evreux. Une trentaine de vigiles parmi lesquels figuraient plusieurs membres du DPS composaient cette équipe, dirigée par un membre de réseau de mercenaires, dont la mission consistait à déménager les machines-outils de l'entreprise alors en grève. Une seconde opération, conduite par un membre du DPS, a eu lieu chez Valéo le 29 juillet 1997.
· La société Ambassy, située 84, rue de Wattignies, à Paris (12ème), a pour directeur M. Gilles Sereau, qui dirige également une société de conseil en entreprises, Ambassy Conseil. Il est connu depuis 1977 pour son militantisme d'extrême-droite. Il est également l'associé de M. Gilles Soulas dans la librairie d'extrême-droite L'Aencre. On peut noter que l'épouse de ce dernier était chargée d'organiser les manifestations du Front National. Et M. Bernard Courcelle a indiqué que M. Gilles Soulas était un responsable du DPS d'Ile-de-France avant son arrivée à la tête du DPS. Ce dernier, entendu par la Commission, a cependant nié toute participation au DPS. Il n'en reste pas mois qu'Ambassy a fourni des hommes de main, mercenaires ou militants du GUD, au DPS en période électorale.
· La société Eric SA, installée dans le 17ème arrondissement de Paris, a pour objet les études et installations pour la protection et la sécurité du travail et le conseil en risque-management. Elle a recruté une grande partie de son personnel chez d'anciens militaires, en particulier ceux issus du 2ème REP et du 17ème RGP, et coiffe un réseau de mercenaires actifs dans les milieux d'extrême-droite. Elle a notamment obtenu des contrats de sécurité en Birmanie et en Algérie.

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Les locaux de l'importante société de sécurité Agence Centrale De Services (ACDS), situés à Vert-le-Grand dans l'Essonne, ont reçu, le 11 février 1998, la visite de M. Jean-Marie Le Pen, venu soutenir " une entreprise contrainte à la fermeture à cause de l'insécurité ". L'agence de Vert-le-Grand était dirigée par M. Régis de la Croix Vaubois, conseiller régional Front National de la Nièvre. Selon M. Michel Soudais, journaliste à Politis, " il avait organisé cette visite en accord avec son patron [M. Pierre Morel], qui était également présent ". Cette société, victime de plusieurs vols à main armée depuis décembre 1996, a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire par jugement en date du 3 novembre 1998.
Enfin, on peut relever que quelques sociétés de sécurité sont directement gérées par des militants du Front National et du DPS. Ce fut notamment le cas du Groupe Action Protection, créé pour assurer la protection rapprochée des députés européens du Front National. Une autre société, SAFE Organisation, a également été gérée par des militants du Front National qui l'ont utilisée pour assurer la protection de personnalités du Front National.
En province, M. Jean-Pierre Dellac, ancien chargé de mission à la direction centrale du DPS et responsable de la zone Grand Est, était au mieux avec la société Alpha Sécurité, objet d'une liquidation judiciaire le 27 janvier 1997. Par le biais de cette société, il achetait diverses armes dont le port est interdit (gomme cogne - 6ème catégorie -, fléau japonais
- 7ème catégorie -) pour équiper les membres alsaciens du service d'ordre du Front National.
La gendarmerie nationale a également confirmé l'appartenance au DPS de certaines personnes, régulièrement employées au sein de ces sociétés de sécurité privée. Les informations fournies par la gendarmerie portent sur quelques sociétés du Nord et de l'Est de la France.
c) Les moyens matériels : un bel attirail !
- Un mot d'ordre : " pas d'armes ! "
Service d'ordre d'un parti d'extrême-droite, le DPS compte fort logiquement dans ses rangs bon nombre de passionnés d'armes, souvent inscrits dans des clubs de tir, ce qui les autorise à détenir des armes de 4ème catégorie mais non à les porter lors des activités militantes et des collages d'affiches. Mais il faut pour cela toujours rappeler la consigne : " Pas d'armes ! ". La circulaire interne n° 3 du 15 avril 1986 rappelle ainsi que " toute arme est interdite quelle que soit la tenue ". De même, une note de M. Bernard Courcelle en date du 29 juin 1995 demande aux responsables régionaux de prendre connaissance de la nouvelle réglementation des armes et de faire en sorte que " tous les DPS, quelle que soit leur fonction [appliquent] scrupuleusement le texte afin d'éviter de regrettables incidents pouvant porter préjudice au mouvement ". Enfin, à la veille de la fête des BBR de 1998, la direction du DPS aurait donné verbalement pour consignes aux cadres du DPS de " faire le ménage " à leur domicile pour parer à d'éventuelles perquisitions.
Selon les renseignements généraux de la préfecture de police de Paris, le DPS a pour habitude, lors des manifestations et réunions à risque, de prendre des dispositions afin de stocker à proximité, dans les coffres de voiture par exemple, divers matériels tels que matraques, bombes à gaz lacrymogène ou barres de fer. Parfois également, certains militants portent sur eux, à l'insu semble-t-il des responsables du DPS, des matraques télescopiques ou des poings américains. Toutefois, lors des différents rassemblements ou manifestations du Front National à Paris, les militants du DPS ont toujours pris soin de ne pas exhiber ou utiliser ce matériel à la vue des forces de l'ordre. M. Renaud Dély, journaliste à Libération, confirme ces faits : " Cet individu, membre d'une brigade légère d'intervention, m'a raconté que si la direction du DPS ne leur fournissait pas d'armes à feu, elle fermait les yeux sur celles qui pouvaient circuler ou être détenues par les membres du DPS. "
Mme Fiammetta Venner, journaliste à Prochoix infiltrée au DPS, a indiqué à la Commission ce qu'elle a vu en matière d'armes : " "Le matériel de camping" peut servir d'armes en cas de besoin. On y trouve des gants plombés, assez utiles ; les poings américains sont "limites", mais il y en a ; les râteaux sont efficaces pour rayer des voitures ; on y trouve également des couteaux de peintre, habituellement utilisés par les militants de divers partis pour retirer les affiches qui ne leur plaisent pas. Ils peuvent aussi servir d'objets coupants. Ajoutons une arme dissuasive, dont je ne sais dans quelle mesure elle peut se révéler mortelle : les matraques électriques. Cela ressemble à un bloc en métal, avec deux émetteurs, l'électricité passant entre les deux. On accroche quelqu'un et on lui fait passer un courant électrique. Pour nous amuser, nous le testions. On ressentait un petit choc, parce que le voltage était mis en position faible. Les personnes avec moi n'ont jamais revendiqué d'avoir tué quelqu'un, mais les UMI disent que c'est un bon moyen pour faire évanouir quelques secondes une personne au cours d'une manifestation afin de la mettre dehors. J'ignore les voltages utilisés ".

· 

De nombreux incidents signalés avec port d'armes
De nombreuses interpellations ont eu lieu pour l'utilisation ou le port d'armes de 6ème catégorie - armes blanches ou par destination - témoignant du comportement laxiste de la hiérarchie du DPS concernant la dotation en pistolets G 27 ou G 54, bombes lacrymogènes, manches de pioche, pistolets à décharges électriques et fusils à pompe.
A l'occasion des incidents mentionnées en première partie de ce rapport, des armes ont été trouvées en possession de membres du DPS à de nombreuses reprises. Le détail de ces incidents n'est pas repris ici, seules les armes sont détaillées.
Le 15 janvier 1992 à Nancy, six membres du DPS sont trouvés porteurs de fusils " flashball ", pistolets à grenaille, battes de base-ball, bombes lacrymogènes, poings américains et couteaux.
Le 21 janvier 1992 à Caen, le DPS était doté d'un arsenal de casques, foulards, tenues para-militaires, masques à gaz, bâtons, manches de pioche, bombes lacrymogènes, matraques et pulvérisateurs de gaz lacrymogène à dos avec lance. Par ailleurs, un garde du DPS était en permanence à l'écoute des liaisons-radio des services de police à l'aide d'un scanner (ayant la forme d'un portable avec écouteur discret).
Le 19 février 1992 à Toulouse, deux militants de l'_uvre Française recrutés pour le DPS ont été interpellés alors qu'ils transportaient dans le coffre de leur voiture un revolver à grenaille, un fusil à pompe à canon scié, une carabine de calibre 22 Long Rifle, des munitions, deux poignards, un poing américain et des battes de base-ball aux extrémités entourées de fil de fer barbelé, qu'ils ont brandies lors de la réunion.
Le 14 mars 1993 à Gardanne, 13 membres du DPS ont été interpellés par les forces de l'ordre qui ont saisi matraques et bombes lacrymogènes.
En avril 1993 à Saint-Denis-de-l'Hôtel, le responsable DPS de la région Centre, M. Jean-Marie Petit, a utilisé un fusil de type " Riot Gun " pour tirer en l'air une balle en caoutchouc.
Le 3 juin 1993 à Châtillon, dans le véhicule de M. Philippe Chapron et de trois militants du DPS du Calvados ont été découverts un fléau japonais, un poing américain, un pistolet lance-fusées calibre 12 et des balles en caoutchouc, un sabre d'exercice japonais en bois ainsi que 26 manches de pioche.
Le 15 janvier 1995 à Tours, un militant du DPS a été trouvé porteur d'un couteau, d'un pistolet à gaz et de deux bombes lacrymogènes.
Le 21 février 1995, lors du collage d'affiches à Marseille qui s'est terminé par le meurtre d'Ibrahim Ali Abdallah, les trois personnes condamnées, MM. Robert Lagier, Mario d'Ambrosio et Pierre Giglio, soupçonnées d'être membres du DPS, ont été interpellées en possession d'un pistolet automatique calibre 22 long Rifle et de deux pistolets automatiques de calibre 7.65 mm, armes de 4ème catégorie24.
Le 29 août 1995, à Toulon, suite à l'assassinat de M. Jean-Claude Poulet-Dachary, des perquisitions effectuées chez des membres du DPS ont permis de saisir deux pistolets mitrailleurs, quatre pistolets automatiques, un fusil de guerre, une carabine et soixante cartouches.
Au début de l'année 1996, un garde du Loir-et-Cher, M. Gérard Poitou, a procédé à des essais d'explosifs, à base de chlorate de soude et de sucre glace, placés dans un tube métallique, comptant fabriquer un engin plus performant encore.
Le 25 octobre 1996, à Montceau-les-Mines, d'importantes volutes de fumée blanche ont été remarquées et de fortes détonations entendues par les fonctionnaires des renseignements généraux présents sur place, ce qui laisse planer le doute sur l'utilisation de grenades.
Le 15 novembre 1996 à Mende, le lendemain de la tenue d'un dîner-débat animé par M. Bruno Mégret en présence d'un service DPS constitué de 70 militants, une grenade lacrymogène, un pistolet calibre 12 x 50, un nunchaku et un couteau ont été découverts à proximité du lieu de stationnement de quatre véhicules de la mairie de Vitrolles. La veille, M. Patrick Bunel, directeur de la sécurité de la mairie, a été interpellé alors qu'il tentait de se soustraire à un contrôle d'identité.
Les 29 et 30 mars 1997, pour le congrès du Front National à Strasbourg, le DPS aurait disposé de 500 grenades lacrymogènes (75 ml), 240 bombes de gel lacrymogène (75 ml), 50 bonbonnes au format extincteur (300 ml), 5 grandes bonbonnes de gaz (5 l), le tout non marqué pour éviter une mise en cause d'éventuelle en cas d'incidents.
Le 14 novembre 1997 à Mende, des pistolets gomme cogne 12 mm et des grenades lacrymogènes ont été trouvées à proximité du lieu de stationnement de véhicules appartenant à une équipe du DPS.
Le 9 décembre 1997 à Toulouse, M. Bernard Oge, membre du DPS, a été mis en cause pour détention illégale d'armes et de munitions de 5ème, 6ème et 7ème catégories, ainsi que de scanners radio.
Le 9 février 1998 à Tarbes, deux membres du DPS ont été interpellés devant la préfecture en possession d'armes illégalement détenues, dont un pistolet automatique calibre 22 Long Rifle avec chargeur engagé rempli de 8 cartouches.
Peu avant Noël 1998, MM. Gérard Hirel et Claude Cotte ont adressé aux membres du DPS une correspondance dans laquelle ils conseillaient " d'avertir la police que des trublions peuvent se manifester et qu'ils transportent des armes de 6ème catégorie (matraques, gaz) ", visant ainsi les DPS restés fidèles à M. Jean-Marie Le Pen.
En janvier 1999, M. Jean-Marie Le Pen aurait demandé à M. Bernard Courcelle de transformer le siège du parti à Saint-Cloud en camp retranché. Ordre lui aurait été donné de préparer une équipe de protection à différents points stratégiques et de mettre des hommes armés en faction sur le toit du " Paquebot ". Le 14 janvier 1999, les gardes du DPS affectés au siège se seraient vus demander par M. Jean-Marie Le Pen : " Etes-vous prêts à tirer avec vos armes sur des mégretistes qui tenteraient de pénétrer dans la propriété ? "25. Cette information n'a pas été contestée ni démentie par M. Jean-Marie Le Pen.
Le 23 mars 1999 à Bruxelles, la police belge a découvert dans le coffre de la voiture officielle de M. Jean-Marie Le Pen, un fusil à pompe avec trois cartouches à balle en caoutchouc, 50 cartouches 38 spécial, deux gilets pare-balles, deux grenades lacrymogènes, un " spray " au poivre, une matraque télescopique et un détecteur de radar. Son garde du corps, M. Thierry Légier, portait sur lui un revolver Smith & Wesson 357 Magnum dont le permis était périmé. M. Jean-Marie Le Pen a reconnu, lors d'une conférence de presse, que ce matériel " de protection " appartenait à son " équipe de sécurité ".
· La préparation au tir
La recherche d'armes hors des circuits commerciaux classiques, les entraînements au tir et au paint ball seraient largement pratiqués par les militants du DPS, sous couvert d'entreprises amies tels les établissements Vouzellaud, aux Sables-d'Olonne, dirigés par la famille de M. Guillaume Vouzellaud, directeur national adjoint du FNJ. M. Jean-Pierre Dellac, ancien chargé de mission à la direction nationale, en relation avec les extrémistes du DPS Alsace, semblait, dans un passé récent, jouer un rôle central dans ce domaine. Le paint ball est une pratique qui a été encouragée par le bulletin interne du DPS " Le Lien " n° 1 d'avril-mai 1995.
Certains membres du DPS s'inscrivent sans doute individuellement dans les clubs de tir, démarches effectuées généralement pour obtenir de la Fédération française de tir (FFT) l'autorisation de détenir des armes de 1ère et 4ème catégories. Mais la FFT rappelle régulièrement les divers responsables de clubs à la vigilance quant aux recrutements, sous peine de sanctions. Ce verrouillage semble avoir fonctionné en ce qui concerne un éventuel investissement structurel des sociétés de tir par le DPS. Toutefois, M. Yves Bertrand, directeur central des renseignements généraux, a considéré que " les membres du DPS [...] peuvent même se rendre dans la société de tir où s'entraîne la police nationale ; il suffit pour cela de payer une cotisation. "
Des comportements plus erratiques ont été constatés par les renseignements généraux dans le cas de pratiques du tir " sauvage " par certains adhérents du service d'ordre frontiste, notamment des Alsaciens, qui se livraient régulièrement, en 1998 encore, à des séances dans le massif vosgien. M. Pascal Ceaux, journaliste au Monde, a aussi interrogé " un membre du DPS qui m'a affirmé qu'il organisait, dans sa propriété en Bretagne, des stages de tirs pour tous les membres volontaires du DPS de l'Ouest. "
Comment ne pas relever également que l'actuel directeur national du DPS, M. Jean-Pierre Chabrut, était instructeur de tir pour le centre d'entraînement et de préparations des réserves de l'armée à Satory et que c'est dans ce cadre qu'il est entré en relation avec les responsable du Groupe Onze, comme il l'a lui-même indiqué à la Commission ?
- Comment être efficace sans entraînement ?
Le DPS est apparu à la Commission comme intervenant de manière assez coordonnée, ce qui suppose un entraînement préalable.
· Les sessions de formation pour les cadres
Des réunions de préparation et d'organisation du service d'ordre frontiste se tiennent trois ou quatre fois par an, en plus des réunions préparatoires spécifiques aux deux principales manifestions du Front National qui sont la fête de Jeanne d'Arc, le 1er mai, et celle des " Bleu Blanc Rouge ", fin septembre ou début octobre. Ces rencontres ont le plus souvent lieu dans l'enceinte du château Saint-Louis de Neuvy-sur-Barangeon dans le Cher géré, au nom du Cercle national des combattants (CNC) - association satellite du Front National - par M. Roger Holeindre, vice-président du Front National et premier organisateur, en 1984, du service d'ordre frontiste. Ce château a également pour fonction d'accueillir les sessions de formation des cadets d'Europe - l'association scout de M. Roger Holeindre - et celle du FNJ. Le siège du Front National à Saint-Cloud est également un lieu privilégié pour les réunions nationales du DPS.
Ces sessions permettent à la hiérarchie du DPS de motiver les cadres locaux et de leur fournir une " formation continue ", notamment en matière juridique, d'accueil du public ou d'incendie. Propos militants musclés de motivation et rappel des missions et des consignes du DPS seraient le lot commun de ces réunions, dont l'ouverture a déjà pu être symbolisée par une levée des couleurs commandées, dans l'enceinte de la propriété, par M. Roger Holeindre, en présence des militants vêtus de la tenue n° 1 (chemise bleue, pantalon gris, veste-blazer bleu marine).
A l'échelon central du DPS, aucun entraînement physique ne paraît avoir été organisé depuis 1998 au château de Neuvy-sur-Barangeon, ni dans aucun autre lieu d'ailleurs. Lors d'une réunion organisée le 28 juin 1997 en Bretagne aurait toutefois été évoquée la création de séminaires de formation physique, devant, selon toute vraisemblance, inclure des exercices à caractère paramilitaire. Depuis l'évocation de ce projet, aucune concrétisation n'a été signalée par la police. Par contre, la direction nationale du DPS a organisé des stages de cohésion paint ball, auxquels étaient conviés une trentaine de militants.
· Les entraînements des gardes
Les sorties de terrain peuvent se tenir à l'échelon local sans concertation avec la direction nationale, voire regrouper une poignée d'individus en dehors de leur structure DPS stricto sensu. Par définition, ces activités, organisée en petit comité, en fonction de la disponibilité des membres, voire du charisme du chef local, sont particulièrement difficiles à repérer. Mme Fiammetta Venner a " subi " plusieurs formes de formation et d'entraînement lorsqu'elle a intégré le DPS au titre de son enquête journalistique. Cela permet de se rendre compte de la réalité de l'emprise de la structure DPS sur chacun de ses membres.
Les gardes du DPS effectuent donc plusieurs types de formation.
Une formation militante et idéologique tout d'abord. " On me demandait : "Il y a trop d'étrangers ici ; comment répondrais-tu à une telle affirmation ?"... Non, tu ne devrais pas répondre de telle manière. Au lieu de dire "Il y a trop d'étrangers", il faudrait plutôt dire : "Chacun est différent et les gens sont bien chez eux.". C'est-à-dire un discours assez policé et assez agréable, mais qui ne change rien sur ce que l'on sait déjà du Front National. Tous les militants sont incités à ce type de discours, ce qui ne les empêche pas de craquer dès qu'il y a une occasion publique. " (Mme Fiammetta Venner)
Une formation générale aux manifestations ensuite. " Ils assistent à des sessions de formation sur l'organisation de réunions publiques, sur des notions d'évacuation et de tenue de meeting à grande échelle. Ils sont formés, de façon un peu rudimentaire, à la gestion des foules. " (M. Michaël Darmon) Il s'agit des fameuses sessions de formation contre l'incendie si souvent évoquées par les responsables du DPS.
Puis une formation physique individuelle. " L'entraînement physique [...] s'organise par réseaux de sociabilité. Des gens connus au DPS lancent :" Ce soir, justement je vais faire ceci ou cela, veux-tu venir avec moi ?" C'est à travers ces réseaux de sociabilité que l'on m'a proposé de participer à des collages d'affiches. [...] Là où je suis allée mener mon enquête, le DPS louait des salles d'entraînement à des entreprises du genre "gymnase club" pour la soirée ou pour la nuit. " (Mme Fiammetta Venner)
De véritables entraînements paramilitaires enfin, mais seulement pour les membres des groupes-choc ou des unités mobiles d'intervention (UMI). Pour M. Yves Bertrand, directeur central des renseignements généraux, " les membres des unités mobiles d'intervention [...] subissent même un entraînement bien plus poussé que les simples gardes.[...] Je crois que les UMI ont organisé un entraînement collectif et qu'il s'agit de groupes pointus sur ce plan. " Pour cela, il y a des lieux d'entraînement : " Il existe des châteaux où, de temps en temps, sont organisés des stages de remise à niveau. Il en existe deux ou trois. " (M. Yves Bertrand) " Le témoignage de Bob montre qu'à Toulon, c'est la mairie qui leur prête la salle. " (Mme Fiammetta Venner). M. Thierry Meyssan, représentant du Réseau Voltaire, a évoqué quant à lui la salle de sport du " Paquebot " à Saint-Cloud. Selon ce témoin, des entraînements auraient également lieu en forêt de Fontainebleau voire à l'étranger, notamment dans le cadre des universités d'été de Chrétienté solidarité.
M. Guy Konopnicki a aussi évoqué, dans un cadre un peu plus large, celui du vivier des supplétifs du DPS, les entraînements organisés par le GUD. " Le GUD a repris son entraînement paramilitaire qui semblait interrompu depuis quelque temps, il s'est restructuré. J'ai vu un reportage photo [qui] montre l'entraînement paramilitaire - batte de base-ball, matraque, casque portant la croix celtique, le folklore habituel du GUD -, mais je pense que cela signifie quelque chose, le message étant : "Voyez, nous sommes encore là." [Cela se déroule] dans une usine désaffectée de la banlieue parisienne - lieu, m'a-t-on dit, connu des services de police. "
 Les tenues
Entendant explicitement conférer au DPS le caractère d'une vitrine respectable, ses responsables l'ont doté de tenues réglementaires. C'est ainsi que la " tenue d'honneur " (TH) comporte veste blazer bleu marine, cravate, pantalon gris, écusson DPS, épingles de fonction variant selon le grade, et que la " Tenue Unité Mobile d'Intervention " (TUMI) se caractérise par une tenue sport, non uniformisée.
En fait, la tenue officielle porté par la majorité des membres du DPS est la tenue n° 1 qui se compose d'un blazer bleu marine, d'un pantalon gris, de chaussures noires, d'une cravate à dominante rouge et bleu et d'une chemise blanche. Un écusson DPS est brodé sur le blazer. Pour les BBR ou le défilé du 1er mai26, il y a également un badge avec photographie. Ces éléments sont chargés de la protection de M. Jean-Marie Le Pen, de l'accueil lors des meetings et de l'encadrement des manifestations organisées par le Front National.
La tenue n° 2 est réservée quant à elle aux unités mobiles d'intervention. Elle n'est pas uniformisée et donc moins voyante, dans le sens où elle doit permettre de combattre facilement, c'est-à-dire de neutraliser le cas échéant les éventuels perturbateurs. Elle se compose d'un blouson bombers noir rembourré, d'un jean de couleur noire, de gants noirs, d'un bonnet noir quant il fait froid, ainsi que de rangers ou de chaussures de sport. Pour se reconnaître, les gardes qui portent cette tenue utilisent un signe distinctif discret, par exemple une épingle à tête jaune fixée au niveau de la poitrine.
La tenue n° 2 peut être complétée par un équipement de type maintien de l'ordre qui consiste à entretenir délibérément la confusion avec les forces de l'ordre. Il s'agit de casques bleu clair à visière plexiglas amovible, de boucliers rectangulaires transparents anti-émeute, de matraques et de bombes lacrymogènes à la ceinture. A Montceau-les-Mines où cette tenue a été arborée pour la première fois devant les caméras (elle était déjà apparue au début des années 1990), tant les journalistes présents sur place que les contre-manifestants ont cru avoir affaire à des gendarmes mobiles, tant la ressemblance était frappante. Certes, la nuit, tous les chats sont gris, mais il y a alors justement l'intention de la part des DPS d'être pris pour des policiers et d'entretenir la confusion dans l'esprit de leurs " assaillants ".
Ces trois tenues (n° 1, n° 2 et n° 2 bis si l'on peut dire) sont en fait interchangeables selon les circonstances. Lors des défilés du 1er mai ou des fêtes BBR, on constate à la fois la présence de gardes en tenue n°1 et de gardes des UMI en tenue n° 2. Les gardes des UMI peuvent arborer soit l'une, soit l'autre. Selon M. Renaud Dély, journaliste à Libération, qui était en contact avec un membre des UMI, Dominique : " pour la campagne législative de 1997, sur la région parisienne - il [Dominique] m'a fourni son emploi du temps de l'époque -, il arborait tantôt la tenue n° 1, pour des manifestations anodines, tantôt la tenue n° 2, notamment sur les marchés ou pour les visites de candidats ". De même " le fait de participer à des actions musclées n'empêche pas [les membres des UMI] d'enfiler de temps en temps la tenue n° 1 pour faire de la sécurité dans les meetings ". Enfin, le matériel spécial d'intervention, conservé à l'abri des regards dans les coffres des voitures, est rapidement revêtu pour constituer la tenue n° 2 bis, comme cela s'est produit sur le parking du centre nautique à Montceau-les-Mines.
3. Des missions officielles aux méthodes d'intervention du DPS : les trois faces du DPS
D'après le règlement intérieur du DPS, " la mission de la structure Défense Protection Sécurité du Front National est d'assurer l'ordre en général, de protéger les personnes et les biens, en évitant toute provocation, en agissant avec sang froid, fermeté, courtoise et en bonne coopération avec les pouvoirs publics ".
C'est donc une mission très classique qui est, officiellement, dévolue au DPS. Les faits ont cependant suffisamment prouvé qu'entre les missions théoriques et les pratiques d'intervention réelles, l'écart était trop important pour que l'on puisse se satisfaire de cette approche officielle. Car s'il est vrai que le DPS remplit les missions d'un service d'ordre, les méthodes d'intervention qui sont les siennes ont tout aussi clairement illustré sa capacité à déployer des moyens et à mettre en _uvre des pratiques inhabituelles pour un service d'ordre. Lors de son audition, M. Jean-Pierre Pochon, directeur des renseignements généraux de la préfecture de police, a évoqué la " double image " du DPS : " celle, plutôt rassurante, d'un service d'ordre composé de militants de base, bénévoles, assurant ses missions avec une efficacité très relative à nos yeux ; mais aussi celle plus opaque, d'un service d'ordre recourant à des hommes de main qui sont de véritables "professionnels" de l'action et de la sécurité ".
En fait, au cours des auditions qu'elles a menées, ce sont trois faces du DPS que la Commission a vu se dessiner :
- un service d'ordre classique, en quelque sorte vitrine du parti qu'il sert ;
- un service d'ordre violent, prompt à s'ériger en pseudo-police dont certaines unités formeraient la face obscure du DPS ;
- un service de surveillance et de renseignement sur les activités des opposants du Front National, face souterraine du DPS.
a) Un service d'ordre classique : le DPS, vitrine du Front National
Mission première du DPS, l'encadrement de manifestations politiques occupe la plupart des membres du service d'ordre. Il suit en cela les procédures classiques de prise de contact avec les autorités administratives : dépôt d'une demande en mairie ou en préfecture, négociation de l'itinéraire avec les responsables concernés de la police, contacts avec ceux-ci pendant le déroulement de la manifestation pour vérifier le respect des engagements pris.
A l'intérieur du DPS, les membres responsables de l'organisation de la réunion ou de la manifestation sont invités à participer à une réunion préparatoire lors de laquelle toutes les consignes leur sont données : leur sont notamment présentés le type de mission qu'ils auront à remplir, l'ambiance attendue et les risques éventuels. C'est également à ce moment que leur serait spécifiée l'interdiction d'apporter des armes. Cette ultime réunion se déroule, selon les cas, au siège du Front National, un ou deux jours avant la manifestation - c'est le cas pour les fêtes " Bleu Blanc Rouge " - ou dans les permanences locales quand il s'agit de réunions en province. Pour le 1er mai cependant, cette réunion a lieu le matin du défilé, sur place.
Quand débute la réunion, chaque équipe rejoint la place qui lui a été assignée : scène, accès principal, sorties de secours, extérieurs dans le cas d'une réunion en salle, cordon de protection dans le cas d'une manifestation. Pour les fêtes " Bleu Blanc Rouge " ou le défilé du 1er mai, chacun est même identifié par un badge, en plus des tenues caractéristiques des DPS. Le dispositif déployé à l'occasion de cette réunion festive est également tout à fait classique. Un responsable est en effet désigné pour chacun des secteurs suivants : sécurité interne, sécurité externe, entrée principale, protection du président, poste de commandement, entrée des exposants, équipe de nuit, bus, encadrement des journalistes, podium des leaders, sécurité incendie, parkings. Chacun se voit attribuer une équipe plus ou moins fournie selon l'ampleur de la mission qui lui revient. Un responsable chapeaute enfin l'ensemble de la manifestation.
M. Jean-Pierre Pochon, directeur des renseignements généraux de la préfecture de police, a également précisé que des radios étaient distribuées aux principaux responsables, en général prêtées par des sociétés de sécurité privées. Cet élément de coordination est également présent pour le 1er mai où chaque responsable tient un secteur géographique.
Si l'on tente d'évaluer l'efficacité du DPS dans sa stricte mission de service d'ordre, le bilan paraît mitigé. Sans aller jusqu'à la description très outrancière qu'a faite M. Patrick Bunel de l'action du DPS, M. Jean-Pierre Pochon a souligné la faible efficacité des dispositifs retenus.
Les responsables du DPS semblent tout d'abord confrontés à une difficulté réelle des responsables de " tenir leurs troupes " : entre l'organisation prévue en théorie et son application sur le terrain, il semble que les écarts soient fréquents, du fait d'une assiduité et d'un respect très relatifs des missions qui leur sont assignées par les gardes de base. Citant l'exemple des fêtes " Bleu Blanc Rouge " qui se sont déroulées en 1996, M. Jean-Pierre Pochon a ainsi indiqué à la Commission que, sur les 450 membres qui avaient été recrutés - chiffre record pour Paris -, seule une centaine de militants avait effectivement pris part à l'encadrement de la fête. Plus encore, quand surviennent des incidents, une vingtaine de membres du DPS seulement s'est montrée efficace. Le même constat a pu être fait à l'occasion des défilés du 1er mai, au cours desquels les chefs de secteur géographique ont vu, au fil des heures, les effectifs qu'ils étaient supposés encadrer s'amenuiser petit à petit. On peut cependant supposer que la scission du Front National, si elle a pour conséquence une diminution des effectifs du DPS au profit notamment du DPA, se traduira au moins dans un premier temps par un renouveau de la ferveur militante. Il s'agit en effet désormais autant de maintenir l'ordre de la manifestation que de montrer ses forces. C'est en tout cas l'impression que donnait la fête du 1er mai 1999, durant laquelle le service d'ordre de chacune des factions rivales était très présent.
La seconde difficulté du DPS à assurer son rôle premier est d'ordre qualitative : il semble en effet que, si les DPS sont peu assidus, ils maîtrisent également assez mal les missions qui leur sont dévolues. La présence répétée de skinheads aux dernières fêtes " Bleu Blanc Rouge ", malgré la volonté de M. Bernard Courcelle de les exclure des manifestations du Front National, accréditent notamment cette hypothèse. M. Philippe Massoni, préfet de police, a notamment évoqué les violents incidents qui ont éclaté à ces différentes occasions :
- Lors de la fête des 28 et 29 septembre 1996, lors du concert donné par deux groupes de musique lié à la mouvance skinhead : " Après le départ de la presse et des différents observateurs, les 250 skins présents ont déclenché une série d'altercations, vers 23 heures, puis des rixes, parfois brutales, nécessitant l'intervention du groupe-choc du DPS. Plusieurs skins ont été blessés, ainsi que des membres du DPS qui, surpris alors qu'ils étaient isolés, ont été roués de coups par les skins ".
- Le même type d'incidents s'est répété en 1997 : " Le dimanche 28 septembre 1997, pendant le discours de M. Jean-Marie Le Pen, des éléments du DPS ont discrètement giflé quelques skins qui tentaient de perturber l'orateur. Le groupe skin n'a pas réagi sur le moment, mais il est revenu se poster à l'entrée de la fête et, vers 23 heures, une demi-douzaine de skins ont pris à partie le chef du DPS et l'ont blessé au visage. Le groupe-choc les a alors chargés et mis en déroute ".
- Le scénario s'est encore reproduit en 1998 : " Le samedi 19 septembre 1998, vers 21 heures, 100 à 150 skinheads ont commencé à provoquer des incidents. Jusqu'à minuit, ils ont pu être réglés par une sorte de dialogue engagé avec ces éléments par des membres du DPS. A minuit, une bagarre a nécessité une intervention du DPS pour séparer les belligérants. Le public a été invité à quitter le site ".
Ce témoignage ne souligne pas seulement la relative incapacité du DPS à remplir sa mission de protection. Il met également en lumière l'existence, au-delà du DPS classique, de l'infanterie, d'un autre visage du DPS.
b) Un service d'ordre musclé : les unités mobiles d'intervention (UMI) ou groupes-choc, noyau dur du DPS ?
Cette infanterie est doublée d'un groupe plus opérationnel constitué de "groupes-choc" [...]. Alors que le DPS classique, l'infanterie, s'occupe de quadriller le terrain, le groupe-choc est amené à intervenir là où le besoin s'en fait sentir, ce qui explique qu'ait été reprise pratiquement mot pour mot la terminologie militaire des commandos de recherche et d'action en profondeur (CRAP) " (M. Jean-Pierre Pochon, directeur des renseignements généraux de la préfecture de police).
C'est essentiellement ce deuxième niveau d'intervention du DPS qui a motivé les interrogations de l'opinion publique sur les véritables fonctions du service d'ordre du Front National. Il s'inscrit, en effet, dans une tradition de violence et d'intimidation qui est, aujourd'hui, l'apanage de l'extrême-droite : " montrer sa force, [...] faire usage de provocations, [...] faire peur. Je crois qu'il y a là une stratégie d'intimidation propre à ce type d'organisation " (M. Jean-Marie Delarue, directeur des libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de l'intérieur).
Le DPS a toutefois renouvelé cette tradition dans la mesure où l'exercice de cette violence s'accompagne d'une volonté délibérée de confusion avec les forces de l'ordre.
 Un goût prononcé pour la violence
La question de la violence du service d'ordre du Front National apparaît essentielle pour apprécier le vrai visage du DPS. Le recrutement parfois erratique et le manque de formation, en dépit du professionnalisme revendiqué de ses membres, la fréquente mobilisation d'opposants contre les réunions et manifestations, la présence d'activistes d'extrême-droite décidés à en découdre dans les rangs ou à la périphérie des cortèges frontistes contribuent à conférer une acuité particulière à l'aspect virulent du bras armé du mouvement de M. Jean-Marie Le Pen.
Ainsi, intervenant au nom de M. Jean-Marie Le Pen, M. Bruno Racouchot, alors directeur de son cabinet, aurait développé un discours volontariste, appelant ainsi " à faire peur physiquement... afin de gagner le combat identitaire, vital pour le peuple français ", à l'occasion du congrès national du DPS des 13 et 14 septembre 1997.
Cette violence n'est pas que rhétorique. Elle transparaît dans les relations entre les cadres du Front National eux-mêmes. Ainsi, bien que M. Patrick Bunel ne l'ait pas reconnu, le 24 novembre 1996, au soir du deuxième tour de l'élection municipale de Dreux, une violente altercation l'opposa à M. Bernard Courcelle. M. Patrick Bunel, était, à l'époque, responsable du DPS du Calvados et dirigeait une trentaine de militants du GUD et du FNJ, équipés de cagoules et désireux d'opérer de façon autonome contre d'éventuels opposants. En février 1998, lors du second tour des municipales de Vitrolles, le même Patrick Bunel asséna un violent coup de caméra sur le visage d'un garde DPS, proche de l'ancien cadre OAS, Jean-Jacques Susini.
Cette violence ne manque pas non plus de s'exprimer vis-à-vis des " ennemis " du Front National. Ainsi, le 30 mai 1997, à Mantes-la-Jolie, des membres du DPS dont MM. Bernard Courcelle, Gérard Le Vert et Eric Staelens ont participé à une rixe avec des contre-manifestants alors que M. Jean-Marie Le Pen agressait la candidate socialiste, Mme Annette Peulvast-Bergeal, en tirant son écharpe tricolore. Le 5 novembre 1997, MM. Patrick Bunel et Yvain Pottiez ont participé à un commando armé et cagoulé qui a attaqué un piquet de grève de chauffeurs routiers à Vitrolles.
Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que la provocation, l'intimidation et la violence soient couramment utilisées contre des tiers extérieurs au Front National. En dépit d'instructions officielles prescrivant sans ambiguïté tout écart en la matière - le règlement intérieur imposant de faire montre d'une " force de placidité ", les incidents imputables collectivement au DPS ou à des éléments isolés en son sein ne manquent pas. L'exemple le plus spectaculaire de cette dérive potentielle est fourni par l'organisation du meeting de M. Bruno Gollnisch le 25 octobre 1996 à Montceau-les-Mines. Mais nombreux et récurrents sont les actes qui relèvent d'un mode de fonctionnement violent, à l'égard des opposants du Front National notamment, ou tout simplement des personnes perçues comme hostiles, ou comme de simples obstacles (il suffit de rappeler à cet égard le sort réservé au représentant des forces de l'ordre lors de la manifestation sauvage place de l'Etoile le 21 octobre 1996).
Les procédés utilisés vont de l'intimidation à l'agression physique. Plusieurs témoins auditionnés ont évoqué les pressions exercées à leur encontre. S'ils ne sont généralement pas en mesure de prouver qu'elles émanent du DPS, ils ont exprimé leurs certitudes qu'elles sont liées au Front National. La lettre de menace est visiblement d'utilisation fréquente, tout comme les coups de fil anonymes. Mme Christiane Chombeau, journaliste au Monde, a notamment évoqué les " coups de téléphones bizarres " reçus par ses parents, qui ont cessé immédiatement après qu'elle s'en est plainte auprès de Mme Martine Lehideux, vice-présidente du Front National.
La provocation fait également partie de l'arsenal d'intimidation du DPS. Les journalistes qui suivent les activités du Front National sont ainsi fréquemment pris à partie. C'est encore Mme Christiane Chombeau qui relate l'incident suivant, survenu lors de la fête " Bleu Blanc Rouge ", en 1997 : " Quatre personnes télécommandées par un membre du comité central ont entouré un petit groupe de journalistes dont je faisais partie, manifestement animées de la volonté de provoquer une réaction violente de notre part. Nous nous en sommes immédiatement rendu compte et nous avons essayé de rester calmes. Nous avons dû subir mains aux fesses, crachats, insultes... Ils essayaient surtout de provoquer les garçons en s'en prenant à ma personne. Fort heureusement, ces derniers n'ont pas réagi, car si tel avait été le cas, ils auraient eu droit à un passage à tabac ".
Intimidations, provocations... Les DPS sont, à maintes reprises, passés à l'étape suivante en agressant physiquement des opposants, ou tout simplement des personnes qu'ils jugent hostiles. M. Michel Soudais a ainsi évoqué devant la Commission, l'agression dont avait été victime son collègue de L'Evénement du Jeudi, M. Richard Bellet, lors d'un congrès du Front National à Nice, au printemps 1990. M. Michel Soudais lui-même avait d'ailleurs été agressé par des jeunes vraisemblablement issus du GUD, aux fêtes des " Bleu Blanc Rouge ", le 25 septembre 1993, sous les yeux du DPS qui n'était pas intervenu... L'agression était violente, M. Michel Soudais ayant eu dix jours d'arrêt de travail. Certaines de ces attaques relèvent d'une stratégie préétablie. Selon le témoignage de M. Renaud Dély, journaliste à Libération, les DPS seraient ainsi utilisés pour mener des missions punitives, notamment lorsque des élus ou des candidats du Front National ont été malmenés dans le cadre d'une campagne électorale. Dans ce cas, ils recevaient pour mission de passer à tabac des jeunes soupçonnés d'avoir semé le trouble. Si M. Renaud Dély, sur la base de ces renseignements fournis par un ancien membre du DPS qui a souhaité conserver l'anonymat, a effectivement vérifié que des jeunes avaient été passés à tabac, il n'a cependant pas obtenu d'information sur l'identité des agresseurs. Deux exemples de ces missions punitives ont été cités : la première devait se dérouler à Bourges, après que, au cours de la campagne législative de 1997, le candidat du Front National, M. Jean d'Ogny avait été malmené. Elle aurait été cependant annulée au dernier moment. Le même cas de figure s'étant produit à Rouen, " des membres des groupes-chocs ont été envoyés de Paris quelques semaines plus tard pour "casser", selon leur terminologie, un certain nombre de jeunes soupçonnés, à leurs yeux, d'avoir molesté les élus du Front National ".
 Une confusion avec les forces de police savamment entretenue
Si le goût pour la violence semble largement partagé au DPS, les éléments recueillis par la Commission tendent à prouver que cette tactique du coup de poing est plus spécifiquement dévolue à l'élite du service d'ordre, dont les différentes interventions révèlent un souci permanent de créer la confusion avec les forces de l'ordre. Bien que niée par les membres du DPS, l'existence de ces unités d'élite, composée de membres aguerris et formés, est prouvée par de nombreux indices. Avant d'en évoquer le détail, il convient d'abord de régler un problème sémantique. Groupes-choc, unités mobiles d'intervention, brigades légères d'intervention... les différentes terminologies ne doivent pas tromper : il s'agit dans tous les cas de désigner un groupe d'hommes organisé, dont les méthodes d'intervention traduisent une pratique et une connaissance du maintien de l'ordre ainsi qu'une familiarité avec les règles du monde militaire. Ce groupe, contrairement aux membres de base du DPS, est systématiquement vêtu de la tenue dite n° 2, même si ses membres peuvent être affectés à des tâches de base du service d'ordre et revêtir alors la tenue n° 1.
La date d'apparition de ces unités mobiles d'intervention est incertaine : M. Bernard Courcelle déclare qu'elles sont antérieures à son arrivée au DPS et qu'il n'y en avait pas sous sa direction. D'après certaines informations recueillies par la Commission, c'est pourtant M. Bernard Courcelle lui-même qui les aurait créées. Enfin, auprès de M. Renaud Dély, M. Bernard Courcelle, sans démentir l'existence de ces groupes-choc, en aurait seulement nié l'organisation rigide. Ceci paraît difficile à croire dans la mesure où la création de ces groupes-choc porte la marque de la carrière militaire de M. Bernard Courcelle et où celui-ci a, dès son arrivée au DPS, tout mis en _uvre pour accroître le " professionnalisme " de bénévoles, sans doute dévoués, mais avant tout amateurs et, de ce fait, parfois incontrôlables. Comment croire, dans ces conditions, que seule l'élite du DPS aurait échappé à ce travail de réorganisation ? Comment ne pas voir, en outre, dans ces petits groupes la similitude avec les commandos de recherche et d'action en profondeur (CRAP) qui existent dans l'armée ? Car telle est, à l'évidence, la philosophie qui sous-tend la création de ces groupes : leur organisation, notamment leur caractère secret et leurs méthodes le disent suffisamment.
La mission des unités mobiles d'intervention est beaucoup plus circonscrite que celle du service d'ordre en général. Elles jouent d'abord un rôle de surveillance, au sein des manifestations du Front National elles-mêmes, mais également du côté des contre-manifestants. C'est ainsi que se justifie la tenue civile de certains membres de ces unités : comme l'a souligné M. Jean-Pierre Pochon, " certains portent une tenue civile, pour mieux surveiller les milieux hostiles au Front National. En effet, le DPS envoie en général quelques observateurs dans les manifestations de protestation contre les initiatives du Front National ". Ce témoin a évoqué, à l'appui de ces propos, la surveillance active qu'avaient menée ces groupes lors de la fête des " Bleu Blanc Rouge " de septembre 1998. A cette occasion, une contre-manifestation unitaire fut, en effet, organisée par les mouvements antifascistes, syndicats et partis de gauche, en réplique à la fête du Front National, les manifestants devant emprunter un parcours entre la place de la République et la place de la Bastille. Inquiets de cette contre-manifestation, les responsables du DPS ont alors mis en place un dispositif de surveillance pour contrôler les accès venant de Paris et faire face à d'éventuelles provocations. " On a donc pu observer, tout au long de la journée, les membres du DPS, à bord de véhicules ou de scooters, sillonnant les allées et chemins du bois de Vincennes à la recherche d'agresseurs éventuels, ce qui n'a pas été le cas. "
L'action des unités d'élite du DPS ne se limite pas à la surveillance. A diverses occasions, ces unités sont intervenues physiquement pour neutraliser les éventuels perturbateurs. Ont été citées précédemment les interventions qu'elles ont dû mener à l'occasion des fêtes " Bleu Blanc Rouge " contre les skinheads. Elles sont particulièrement intéressantes dans la mesure où elles illustrent les deux strates d'intervention du DPS : d'un côté, des membres de base totalement débordés par ces groupes violents, de l'autre, l'élite du DPS qui vient à leur rescousse et engage le coup de poing avec ces perturbateurs. Des personnes sans lien avec l'extrême-droite ont également fait les frais des méthodes peu orthodoxes des groupes-choc. C'est, le 15 février 1998, place des Fêtes, à Paris, lors d'une opération de propagande du Front National, cinq éléments d'un groupe-choc qui ont encadré des militants frontistes lors d'une bousculade avec des militants antifascistes. C'est encore, le 1er mai 1998, un échange de coups avec des militants du Bétar. Ces unités sont également citées par M. Renaud Dély comme étant chargées d'expéditions punitives. Cette information n'a pu cependant être étayée par d'autres témoignages concordants ou par des éléments de preuve matériels.
C'est dans leurs activités de maintien de l'ordre que les UMI ont été découvertes par l'opinion publique. Il ne s'agit pas de revenir ici sur le déroulement des événements de Montceau-les-Mines, qui ont fait déjà l'objet d'un développement spécifique dans la première partie de ce rapport. Ces incidents révèlent les équipements utilisés par les membres du DPS
- casques et boucliers -, le professionnalisme dont ils ont fait preuve - deux groupes sont mis en place, l'un contenant l'avancée des manifestants, l'autre détournant la circulation - et montrent qu'il ne s'agissait pas d'une action spontanée, mais bien d'une mission définie par avance. Les responsables locaux et nationaux du DPS n'ont-ils, d'ailleurs, pas eux-mêmes reconnu qu'ils redoutaient les débordements au soir de cette réunion du 25 octobre 1996 ?
Surveillance, " neutralisation " des opposants et maintien de l'ordre : au cours des ces différentes actions, les unités d'élite du DPS ont montré une efficacité d'autant plus remarquable qu'elle tranche avec le relatif amateurisme du DPS dans l'application de sa mission de service d'ordre, qui justifie pourtant son existence. Ce constat est fait par les professionnels de l'ordre public. M. Jean-Pierre Pochon a indiqué par exemple l'efficacité de l'intervention des groupes-choc lors du défilé du 1er mai 1998 : " un groupe a été chargé de contrôler la queue de cortège, où une quarantaine de skinheads s'étaient infiltrés. Dès le départ du cortège de la place du Châtelet, ceux-ci ont été isolés par le DPS. Un peu plus loin, un barrage filtrant avait été mis en place rue de Rivoli, à la hauteur de la rue de l'Echelle, les skinheads étant déviés par cette seconde rue afin d'éviter que la presse ne puisse les filmer à leur passage devant les responsables du Front National. Après cette canalisation des skinheads, le DPS s'est déplacé vers l'avenue de l'Opéra afin d'interdire l'accès aux indésirables pendant le discours de M. Jean-Marie Le Pen ". S'agissant des événements de Montceau-les-Mines, contrairement à ce qu'estime M. Patrick Bunel, le commissaire divisionnaire Christian Bernard a jugé " qu'il existait une véritable coordination laissant penser qu'il ne s'agissait pas d'une improvisation ". Et d'ajouter que les DPS avaient parfaitement su fluidifier le trafic et extraire de sa voiture M. Bruno Gollnisch, " man_uvre qui n'est pas innée ".
Cette remarque du commissaire Christian Bernard conduit à s'interroger sur les facteurs d'efficacité de ces groupes. Sans revenir sur la question de l'entraînement des membres du DPS, évoquée précédemment, il convient d'insister sur la composition socio-professionnelle tout à fait spécifique de ces groupes. D'après les informations recueillies par la Commission, ces groupes-choc, qui regrouperaient une centaine de membres, dont un noyau dur de vingt personnes environ, seraient placés sous la direction de M. Eric Staelens. Ce dernier a cependant nié occuper ce poste, n'ayant même pas connaissance de l'existence de tels groupes. Si ce dirigeant présumé des troupes d'élite du DPS ne semble pas avoir une connaissance particulière du monde militaire ou de la sécurité, tel n'est cependant pas le cas de la plupart des membres de ces groupes. Il existe en effet, deux filières de recrutement privilégiées. Les anciens parachutistes et légionnaires de l'Union nationale des parachutistes (UNP) représentent un premier vivier. Ainsi, jusqu'en 1997, les unités avaient été dirigées, sur le terrain, par un ancien légionnaire de l'UNP, M. Adriano Palomba ; ce dernier aurait d'ailleurs été remercié à la suite des événements du 25 octobre 1996 à Montceau-les-Mines, n'ayant notamment pu empêcher la médiatisation de ces unités supposées agir dans l'ombre. Les UMI puiseraient également dans le vivier des sociétés de gardiennage et de sécurité privées. Là encore, les témoignages sont divergents : les dirigeants de ces sociétés entendus par la Commission ont nié tout lien avec le Front National, tout en admettant qu'à titre individuel, les personnes auxquelles ils recourent pouvaient occuper des fonctions au service d'ordre du Front National. Deux sociétés ont été particulièrement citées à la Commission : la société Normandy et le Groupe Onze France.
c) Un service d'ordre bien renseigné : la surveillance des opposants
Les pratiques de surveillance et de renseignement sur les opposants ou les personnes susceptibles d'entrer, à titre professionnel notamment, en contact avec le Front National et le DPS, sont difficiles à établir avec certitude. Comme l'a expliqué devant la Commission M. Didier Cultiaux, directeur général de la police nationale, cette question pose le problème de l'information ouverte ou fermée : quels éléments relèvent de l'information publique, que les sources en soient journalistiques ou soient fournies par l'observation personnelle et quels autres sont obtenus à partir de surveillances, filatures ou contacts " fortuits " ? Divers éléments nourrissent cependant la présomption des membres de la Commission qu'il existe bel et bien une surveillance de tiers par le Front National.
En premier lieu, il est tentant d'établir un parallélisme entre renseignement interne et renseignement externe : le premier étant plus que probable comme votre rapporteur l'a montré, il n'est pas absurde de penser que cette pratique est étendue, en vertu d'autres objectifs, à des personnes extérieures au Front National.
En deuxième lieu, cette présomption est étayée par la nature du DPS et le profil de certains de ses membres. En effet, le discours des membres du DPS est sous-tendu par une paranoïa de l'agression permanente : " Il faut bien que nous nous défendions ", n'ont cessé de marteler les membres du DPS auditionnés. Autant que " le coup de poing ", autant que l'intimidation, la surveillance des opposants présumés se situe dans la logique de ce discours sécuritaire. Ajoutons à cela le passé assez chargé de certains membres du DPS, qui n'ont pas toujours fait preuve d'un souci excessif du respect des libertés fondamentales ou qui ont pu avoir déjà pratiqué ces activités de renseignement au SAC.
En dernier lieu, c'est encore la méthode du faisceau d'indices qui conduit la Commission à évoquer cette mission du DPS, les témoignages qu'elle a recueillis sur ce sujet ayant été particulièrement nombreux et concordants.
Les moyens utilisés par le DPS pour recueillir des informations sont variés. Filature, ouvertures du courrier... Les techniques de collecte de l'information, que les témoins attribuent, sinon au DPS, du moins au Front National, sont classiques. M. Michel Soudais et Mme Christiane Chombeau ont évoqué des faits troublants et similaires concernant leur courrier. " A la fin de l'été 1997, j'ai pu constater de visu, alors que j'avais déjà remarqué que le courrier arrivait avec quelques jours de retard, que le courrier tombait deux fois dans ma boîte aux lettres, à une demi-heure d'intervalle. J'ai interrogé la factrice qui m'a assuré qu'elle n'était pas passée une demi-heure auparavant. Il s'agit d'une vieille technique : on prend le courrier, on l'inspecte et on le remet dans la boîte au moment où le facteur passe. Ces incidents se sont déroulés à un moment où j'avais déménagé, changé de situation de famille, et où j'étais pigiste ; je travaillais donc pour différents journaux. J'étais également très sollicité à la suite de la publication de mon livre pour donner des conférences, notamment par des associations antiracistes et par des partis politiques (PS, RPR, ...) en manque d'information sur le Front National " (M. Michel Soudais, journaliste à Politis). La même technique aurait été utilisée à l'égard de Mme Christiane Chombeau, journaliste au Monde, qui a en outre reçu des courriers variés émanant de membres de l'extrême-droite à son adresse personnelle, pourtant non diffusée.
La prise de photographies et l'utilisation de caméscopes ont été également fréquemment cités, pratique qui concerne autant les opposants politiques - le MRAP évoque le cas de M. Jean-Jacques Anglade, candidat socialiste à l'élection municipale de Vitrolles - que les associations de militants antifascistes ou les journalistes. Une circulaire interne du Front National de mars 1997, adressée aux secrétaires nationaux de fédération et intitulée " Fédés Infos ", mentionne ainsi les " précautions à prendre face aux contre-manifestants " :
- Vous munir d'un appareil photo pour photographier les meneurs en cas d'incidents.
- Repérer les véhicules des contre-manifestants, avant ou après les incidents, et en noter les numéros de plaque minéralogique.
" - Repérer les élus adverses qui souvent conduisent les contre-manifestants.
- Recueillir les témoignages des riverains, du public et des militants, surtout si certains ont pu identifier les agresseurs.
" - Recueillir tous les documents ayant appelé à la contre-manifestation et identifier les signataires. "
Certes, le DPS n'est mentionné à aucun moment dans cette note. A deux reprises cependant, c'est au service d'ordre qu'a été attribuée la responsabilité de ces activités. D'après M. Michel Soudais, " le DPS filme régulièrement des contre-manifestants et l'on peut voir des personnes dont on sait qu'elles sont proches du DPS dans d'autres manifestations ". Ce témoin a d'ailleurs remarqué que, lors de la manifestation contre les lois Debré, était présent le photographe du Front National, photographe professionnel, qui arbore un badge DPS aux manifestations du parti. Le rôle de ce photographe est également mentionné par M. Renaud Dély, journaliste à Libération, bien que celui-ci n'ait pas précisé son appartenance au DPS. De même, M. Rémi Barroux, membre du collectif Ras l'Front, a fait état devant la Commission d'une lettre officielle du Front National qui avait été envoyée à l'organisation dont il est membre, lettre dans laquelle il était précisé : " Nous avons photographié vos militants, nous saurons nous en servir, le cas échéant ".
Le DPS a-t-il pu, en plus de cette activité photographique et filmographique peu discrète, accéder à des fichiers contenant des informations sur des opposants ou toute autre personne ? Trois éléments peuvent être versés au dossier.
M. Alain Callès (MRAP) a relaté devant la Commission le " pillage " du fichier du Comité national de vigilance contre l'extrême-droite par un homme qui s'y était infiltré. Il semblerait que cette personne se soit fait embaucher par le parti des radicaux de gauche (PRG), dont le siège servait de réunion aux membres du comité, et qu'elle ait eu, par ce biais, accès au fichier des membres. Cette personne, qui assistait aux réunions du comité, a mené ces activités pendant longtemps et serait connue des services de police. Il n'a pas été prouvé cependant que cette personne ait eu un quelconque lien avec le DPS.
Pour sa part, M. André-Michel Ventre, secrétaire général du syndicat des commissaires de police et des hauts fonctionnaires de la police nationale, a évoqué des pratiques mettant en cause la police nationale elle-même. Il faut, toutefois, noter que ce témoin n'a pu livrer ni faits, ni dates, ni noms et a qualifié de " rumeurs " ces éléments : " Des rumeurs sont venues jusqu'à moi et circulent dans les instances syndicales que je dirige ; elles évoquent des demandes de renseignements, par personnes interposées, parvenues sur le bureau de commissaires des renseignements généraux ou de sécurité publique. Non motivées légalement, elles n'ont pas été satisfaites. Lorsque les voies hiérarchiques normales - judiciaires, administratives préfectorales ou administratives centrales - transmettent des demandes, elles respectent des procédures ; à défaut, la demande n'est pas satisfaite et il faut dénoncer à l'autorité hiérarchique la demande non motivée. Par contre, comment obtenir du fonctionnaire ou de sa relation qui a transmis la demande le nom de celui pour qui elle agit ? Je n'ai pas été moi-même directement sollicité, je peux donc difficilement vous répondre ". M. André-Michel Ventre a également précisé qu'il s'agissait de demandes verbales, n'émanant généralement pas de supérieurs hiérarchiques. Cependant, M. André-Michel Ventre n'a pu apporter la preuve du lien entre le DPS et ces demandes de renseignement et s'est contenté de le " supposer ".
Interrogé sur la réalité de ces pratiques, M. Yves Bertrand, directeur central des renseignements généraux, a vivement réagi : " Le DPS demanderait des renseignements ? Cela ne tient pas debout ! Imaginez que le DPS appelle les renseignements généraux pour un passage fichier ! A moins que cela ne se fasse avec des complicités internes. Si on le sait, on leur envoie l'IGPN (Inspection Générale de la Police Nationale) et on révoque le fonctionnaire. C'est de la "tricoche" ! Il faut employer les mots adéquats. M. André-Michel Ventre dit cela ; moi, je n'en ai pas eu connaissance. [...] A la direction centrale des renseignements généraux, il existe un service de documentation des fichiers. Nous imposons aux demandeurs de fournir leur identité et leur qualité. Si une demande de renseignement passe par un circuit de "tricoche", cela se fait donc hors hiérarchie. J'ai moi-même fait révoquer un commissaire et plusieurs inspecteurs qui pratiquaient ce type d'activités pour gagner de l'argent ".
Au total donc, la Commission ne peut qu'exprimer sa plus extrême circonspection sur l'existence de telles pratiques au sein de la police nationale. Elle note toutefois que la commission d'enquête sur les activités du Service d'Action Civique (SAC) avait soulevé le même problème : à l'époque, le secrétaire général du SAC n'avait pas hésité " à recourir aux services de quatre policiers en activité, dont un inspecteur de la DST et un enquêteur des renseignements généraux de la préfecture de police "27.
De même, a été évoqué le rôle que M. Frédéric Jamet aurait joué dans la fourniture de renseignements au Front National, du fait de ses activités professionnelles à la direction des renseignements généraux de la préfecture de police. Il est vrai que le profil de M. Frédéric Jamet est assez particulier. M. Frédéric Jamet est entré comme inspecteur de police, le 1er septembre 1987, à la direction des renseignements généraux de la préfecture de police, après avoir servi à la direction de la police judiciaire de la préfecture de police. Il a d'abord été affecté à la section d'études, de rédaction et de synthèse (SERS) chargée, à l'époque, de la frappe et de la rédaction des notes relatives à l'ordre public établies par les sections de la direction. Le 2 avril 1991, il a été muté, sur sa demande, à la 12ème section de la direction, chargée du traitement de l'immigration clandestine. Interpellé le 3 février 1998 pour sa participation présumée à un vol à main armée commis le 23 décembre 1997 dans les locaux de la société Pétrossian, il a été révoqué de la police nationale par un arrêté ministériel du 22 juillet 1998. Il semblait faire profiter M. Yvan Benedetti, numéro deux de l'_uvre Française, d'informations d'ordre professionnel. M. Frédéric Jamet est un actif militant d'extrême-droite : en 1990, alors en poste à la SERS des renseignements généraux de la préfecture de police de Paris, il est signalé pour ses relations avec le mouvement ultranationaliste l'_uvre Française, dirigé par M. Pierre Sidos, dont il fréquentait les principaux responsables et le siège parisien. Devenu militant du Front National, il fut le suppléant d'un de ses candidats aux législatives de 1997 dans les Hauts-de-Seine. Il a exercé des responsabilités dans les rangs du syndicalisme policier d'extrême-droite : il a été secrétaire national de l'ex-Front National de la Police (FNP), puis dirigeant du Syndicat Professionnel des Policiers de France (SPPF).
Là encore, la Commission n'est pas en mesure d'établir la preuve du lien entre le DPS et M. Frédéric Jamet. Toutefois, sa profession lui donnant accès à des informations confidentielles, on ne peut évidemment exclure sa participation à un travail de renseignement au profit du Front National, et donc, de la structure fonctionnellement en charge de cette tâche, le DPS. Le lien de M. Frédéric Jamet avec l'_uvre Française est cependant établi. Or, selon Mme Fiammeta Venner, journaliste à Prochoix, " la DPS se sert de l'_uvre française pour savoir qui est fréquentable, qui est dangereux à l'entrée d'une BBR ou d'une grande manifestation, qui il n'y faut pas voir... ".
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Beaucoup de grandes organisations politiques et syndicales ont un service d'ordre, sous forme d'un réseau de personnes mobilisées occasionnellement pour encadrer les manifestations, assurer l'entrée des réunions et éviter que l'expression publique et collective d'une opinion ne soit l'occasion d'incidents ou d'infractions.
La Commission a souhaité auditionner les responsables des services d'ordre des principaux partis politiques pour les comparer dans leur structure et leur activité à celui du Front National. L'UDF n'a pas de service d'ordre organisé en tant que tel. Au RPR, le " service de protection " est mobilisé à l'occasion des manifestations, des meetings et des déplacements de personnalités du parti. Il dispose d'un responsable salarié et de deux gardes de nuit pour son siège, rue de Lille à Paris. Le service d'ordre du Parti Socialiste peut compter sur un effectif de 200 à 250 militants mobilisables en cas de besoin. Son responsable, qui n'est pas rémunéré par le parti, est entouré d'une équipe de vingt chefs de groupe régionaux. Il y a également depuis peu de temps des permanents du parti à l'accueil du siège, rue de Solférino à Paris. Enfin, le Parti Communiste dispose quant à lui d'une " équipe d'accueil sécurité " dont les deux responsables sont des membres politiques du comité national du parti.
Aucun de ces services d'ordre ne présente l'aspect structuré et hiérarchisé qui est celui du DPS. Les effectifs en jeu n'ont rien de comparable avec le millier de membres du DPS. Le responsable national fait appel, directement ou par l'intermédiaire des fédérations départementales, aux militants bénévoles sur lesquels il sait pouvoir compter. Le recrutement se fait donc exclusivement sur un critère politique, l'engagement militant. Il n'y a par ailleurs jamais de vérification du casier judiciaire.
Les militants volontaires pour le service d'ordre se contentent d'encadrer le parcours des manifestations, afin que les engagements pris avec les forces de police en ce qui concerne l'itinéraire soient respectés. Pour les réunions organisées par le parti, ils surveillent les parkings, filtrent les entrées et accueillent le public, notamment pour les premiers secours. Il s'agit notamment d'appliquer les consignes de sécurité minimales imposées par exemple par le plan Vigipirate, ce qui implique parfois d'ouvrir des sacs ou de palper à corps.
On ne retrouve dans aucun service d'ordre une tenue spécifique comme la tenue n° 1 du DPS. Les militants portent soit un badge, soit un brassard. Ils ne sont bien évidemment jamais armés, mais, à la différence du DPS, le discours correspond ici à la réalité. La présence de militants pour le service d'ordre doit permettre d'éviter tout incident, mais s'il y en a, il n'existe pas d'équipe spéciale en tenue n° 2 pour les régler : la police est immédiatement avertie. Il n'y a pas non plus en principe de protection particulière pour les dirigeants du parti.
En tout état de cause, il est clair que le DPS qui vient d'être décrit n'a rien à voir avec les services d'ordre " traditionnels ". Il s'agit manifestement d'un service d'ordre pas comme les autres, véritable garde prétorienne pour le Président du Front National.
Puisqu'il ne correspond pas aux critères classiques du service d'ordre, il faut s'interroger sur l'attitude que les pouvoirs publics doivent adopter face au DPS. Tel sera l'objet de la troisième partie de ce rapport.
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1

Jean-Yves Camus, Le Front National, Histoire et analyses, Editions Olivier Laurens, 1996, p. 24.

2

Les Dossiers du Canard Enchaîné, n° 45 - octobre 1992.

3

MM. Michaël Darmon, Romain Rosso, op. cit., p. 174.

4

Les faits exposés en première partie confirment ces propos : cf. I-A.

5

M. Jean-Yves Camus, Le Front National - Histoire et analyses, éditions Olivier Laurens, p. 77.

6

Cf. JO Lois et décrets du 18 novembre 1998, annexe 267, p. CCC 36315.

7

En 1998, le Front National a également bénéficié de la seconde fraction de l'aide publique réservée aux partis représentés au Parlement, suite à l'élection à l'Assemblée nationale de M. Jean-Marie Le Chevallier. Le montant total de l'aide publique fut alors de 41,4 millions de francs. Pour 1999, il s'élève à 41,1 millions de francs, au titre à nouveau de la seule première fraction.

8

Les adhérents " privilégiés " acquittent, pour raisons économiques (chômage, RMI), une cotisation réduite de 100 francs.

9

Ainsi lors du conseil national du Front National du 5 décembre 1998, où M. Bruno Gollnisch donne l'ordre au DPS d'expulser des mégretistes interrompant le discours de M. Jean-Marie Le Pen.

10

Voir annexe n° 2. Cet organigramme, antérieur à la scission du Front National, demeure néanmoins valable.

11

Cf. II-A

12

MM. Michaël Darmon, Romain Rosso, L'après Le Pen, Seuil, 1998, pp. 187-188.

13

Cité par MM Michaël Darmon et Romain Rosso, op. cit., p. 187.

14

MM. Michaël Darmon et Romain Rosso (op. cit.) ont indiqué qu'il avait également assuré la sécurité d'Alain Juppé pour la campagne des élections municipales de 1983.

15

Un informateur n'est pas un honorable correspondant (HC). Il s'agit d'une personne qui peut, par sa position, donner à l'occasion quelques renseignements sur des affaires ou des objectifs précis.

16

Il entretient toujours ses contacts. Ainsi, des informations concordantes le mentionnaient, fin 1996, comme intermédiaire dans le recrutement d'une trentaine de mercenaires français pour servir au Zaïre, dans le camp présidentiel. De la même, dans un entretien accordé au Parisien le 29 avril 1999, il a indiqué que " [son] attention se porte en ce moment vers le Congo, un pays où [il a] gardé beaucoup d'amis ".

17

On peut remarquer que Bernard Courcelle a aussi été lié à l'ex-capitaine Paul Barril.

18

Source : Rivarol, 5 février 1999.

19

Etablissement militaire de munitions appartenant au génie.

20

Lors de son audition par la Commission, M. François-Xavier Sidos a nié avoir eu un quelconque rôle dans cette opération. Il a notamment accusé la presse de " fantasme ". Pourtant, il a lui-même accordé un entretien à Libération qui, le 4 février 1999, lui a attribué ces paroles : " [J'ai] donné un coup de main. Par respect et fidélité pour le Vieux [Bob Denard] ".

21

Tout comme son pendant allemand, le HVD, l'a été par le ministre de l'intérieur du Bad-Würtemberg, le 14 juillet 1993, en raison d'entraînements paramilitaires.

22

Qui était un sous-officier de son père, lui-même officier de la Légion étrangère.

23

Il s'agit d'une fourchette basse, basée sur les serments de fidélité à M. Jean-Marie Le Pen qui ont été retournés par courrier à M. Jean-Pierre Chabrut, directeur national du DPS.

24

Cf. arrêt de la Cour d'assises des Bouches-du-Rhône en date du 22 juin 1998.

25

Source : Interview de M. Bernard Courcelle au Parisien, 29 avril 1999.

26

Ce badge est rouge pour le DPS et bleu pour le DPA.

27

Cf. Doc. AN, n° 955 (VIIème législation), 18 juin 1982, p. 167.