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N° 1349

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 juin 2023.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale
et du contrÔLE BUDGÉTAIRE

sur le Printemps de l’évaluation 2023

L’évaluation des politiques publiques 2023

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Éric COQUEREL,
Président de la commission des finances,
de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

Fiches relatives aux thématiques d’évaluation  des rapporteurs spéciaux

La délivrance des titres d’identité et ses indicateurs de performanceAdministration générale et territoriale de l’État (M. Charles de Courson)

Les dispositifs de soutien à la rénovation énergétique de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH)Cohésion des territoires (M. François Jolivet)

Des écoles nationales supérieures d’architecture naviguant à vue et à la croisée des cheminsCulture : Création ; Transmission des savoirs et démocratisation de la culture (M. Alexandre Holroyd)

Le plan d’action « sécurité cathédrales » – Culture : Patrimoine (M. Philippe Lottiaux)

Le plan FamilleDéfense : Budget opérationnel de la défense (M. Emeric Salmon)

Le coût et l’organisation de la Présidence française de l’Union européenne : un bilan mitigéDirection de l’action du Gouvernement ; Publications officielles et information administrative (Mme Marie-Christine Dalloz)

Les modalités du financement des transports en France : transports en commun et collectifsÉcologie, développement et mobilité durables : Infrastructures et services de transports ; Charges de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État ; Contrôle et exploitation aériens (Mmes Christine Arrighi et Eva Sas)

Le financement et l’efficacité des dispositifs de soutien à l’investissement dans l’énergie et à la limitation des charges énergétiques des entreprises et des ménagesÉcologie, développement et mobilité durables : Énergie, climat et après-mines ; Service public de l’énergie ; Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale (MM. David Amiel et Emmanuel Lacresse)

L’évaluation du système dual en matière de sûreté nucléaire, garanti par l’indépendance entre la fonction de régulateur assurée par l’ASN et celle d’expertise assurée par l’IRSNÉcologie, développement et mobilité durables : Paysage, eau et biodiversité ; Prévention des risques ; Expertise, information géographique et météorologie ; Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et des mobilités durables (Mme Alma Dufour et M. Sébastien Rome)

Le déficit commercial de l’industrieÉconomie : Commerce extérieur (M. Franck Allisio)

L’accès aux données privées une nouvelle ressource pour l’Insee ?Économie : Statistiques et études économiques ; Stratégies économiques ; Accords monétaires internationaux (M. Michel Sala)

Les obligations assimilables du Trésor indexées sur l’inflationEngagements financiers de l’État (M. Kévin Mauvieux)

Médecine scolaire et santé à l’école Enseignement scolaire  (M. Robin Reda)

La mise en œuvre du droit à l’erreur par la direction générale des finances publiquesGestion des finances publiques (M. Louis Margueritte)

L’orientation directive des demandeurs d’asile : le bilan favorable des deux premières années de mise en œuvreImmigration, asile et intégration (Mme Stella Dupont et M. Mathieu Lefèvre) :

La planification de la construction des prisons : une inexorable procrastinationJustice (M. Patrick Hetzel)

L’évaluation des dispositifs d’ingénierie proposés aux collectivités territoriales ultramarinesOutre-mer (M. Christian Baptiste et Mme Karine Lebon)

La restauration étudianteRecherche et enseignement supérieur : Enseignement supérieur et vie étudiante (M. Thomas Cazenave)

La recherche polaireRecherche et enseignement supérieur : Recherche (M. Mickaël Bouloux)

L’investissement du bloc communal à l’épreuve de la crise, évolutions et perspectivesRelations avec les collectivités territoriales ; Avances aux collectivités territoriales (Mme Marina Ferrari et M. Joël Giraud)

Le coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulièreSanté (Mme Véronique Louwagie)

L’adéquation des moyens des services départementaux d’incendie et de secours à leurs missions et aux défis à venirSécurités : Sécurité civile (M. Florian Chauche)

La contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et de la stratégie de prévention et de protection de l’enfanceSolidarité, insertion et égalité des chances (Mme Perrine Goulet)

Le Plan 5 000 équipements sportifs de proximitéSport, jeunesse et vie associative (M. Benjamin Dirx)

La mise en œuvre du programme de rénovation des cités administratives et des sites multi-occupants par la direction de l’immobilier de l’ÉtatTransformation et fonction publiques ; Crédits non répartis (Mme Sophie Errante)

Annexe 1 : Les CEPP du Printemps de l’évaluation 2023

Annexe 2 : Les thèmes d’évaluation du Printemps de l’évaluation 2023

Annexe 3 : Les propositions de résolution discutées lors du Printemps de l’évaluation 2023

 


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INTRODUCTION

Le Printemps de l’évaluation 2023, premier exercice de ce type sous la XVIème législature, s’est inscrit dans la lignée des travaux qu’avait menés la commission des finances de l’Assemblée nationale sous la XVème législature, tout en s’efforçant de renouveler l’exercice.

Tirant les enseignements des précédents Printemps de l’évaluation, le bureau de la commission des finances a retenu plusieurs propositions d’évolution qui lui avaient été présentées conjointement par le président et le rapporteur général de la commission des finances.

Pour assurer un caractère dynamique à la discussion, ses principes d’organisation ont été revus, afin de mieux distinguer une séquence consacrée à la discussion de l’exécution budgétaire stricto sensu d’une part, et une séquence consacrée à l’évaluation des politiques publiques d’autre part.

Pour répondre aux difficultés posées par la multiplicité des thèmes d’évaluation, le bureau de la commission des finances a choisi de ne retenir qu’un nombre restreint de rapports spéciaux faisant l’objet d’un thème d’évaluation sur un sujet d’actualité. Pour éviter toute forme de déséquilibre dans cette sélection des thèmes d’évaluation du printemps, une clef de répartition a assuré le fait que tous les groupes aient des rapporteurs spéciaux présentant des thèmes d’évaluation.

Ce sont ainsi 21 commissions d’évaluation des politiques publiques (CEPP) qui se sont tenues, au cours de 22 réunions de commission, entre le mardi 9 mai et le mercredi 7 juin 2023, pour une durée totale de 42 heures et 17 minutes et une durée moyenne par CEPP d’un peu plus de 2 heures. Ces durées sont très significatives, et nettement supérieures à celles des précédents Printemps de l’évaluation (voir annexe 1 au présent rapport).

Ces commissions d’évaluation des politiques publiques ont permis d’auditionner 25 ministres, tant sur l’exécution budgétaire 2022 que sur les thèmes d’évaluation retenus par les rapporteurs spéciaux.

L’analyse de l’exécution budgétaire conduite par l’ensemble des rapporteurs spéciaux de la commission des finances a fait l’objet de fiches d’exécution, qui ont permis aux commissaires d’engager un dialogue approfondi avec les ministres auditionnés. Ces fiches sont toutes réunies dans le tome 2 du rapport de M. le rapporteur général sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour l’année 2022 ([1]). Avec les comptes rendus des auditions des ministres, elles permettent d’embrasser d’un seul regard les grandes questions posées par l’exécution budgétaire 2022 (reports massifs de crédits non consommés, abondements massifs en cours d’exécution, mais aussi sous-exécutions récurrentes).

Les thèmes d’évaluation ont donné lieu, dans chaque cas, à la présentation par le ou les rapporteurs spéciaux d’un rapport d’information en application de l’article 146, alinéa 3, du Règlement de l’Assemblée nationale, lequel a également été débattu en présence du ministre compétent, qui a pu être interpellé et exposer le point de vue de l’exécutif sur les questions soulevées. Tous ces rapports d’information ont été publiés et constituent des documents de référence pour éclairer le débat public sur des thèmes dont la variété rend bien compte du vaste champ de compétence de la commission des finances.

Dans un cas, le travail du rapporteur spécial s’est articulé avec la demande formulée par la commission des finances d’une étude à une autorité publique indépendante. En l’espèce, le Haut Conseil à l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur a transmis en avril 2023 à la commission des finances l’étude ainsi demandée sur les écoles nationales supérieures d’architecture. Il s’agissait de la première mise en œuvre d’une faculté nouvelle ouverte par la réforme de la loi organique relative aux lois de finances du 28 décembre 2021. L’étude a été jointe au rapport d’information de la commission.

L’ensemble de la documentation produite à l’occasion du Printemps de l’évaluation est donc particulièrement riche.

Le présent rapport, en regroupant l’ensemble des fiches de présentation synthétique des thématiques d’évaluation retenues par les rapporteurs spéciaux qui ont été examinées par la commission des finances, parachève cette documentation et prépare sur de nombreux points l’examen de la prochaine loi de finances, conformément au principe de chaînage vertueux, inscrit à l’article 41 de la LOLF, qui lie la discussion de la loi de règlement N-1 et la préparation du projet de loi de finances N+1.

Il se dégage des travaux d’évaluation des rapporteurs spéciaux menés lors de ce Printemps de l’évaluation quelques grandes lignes de force.

L’une de ces lignes de force est la situation inquiétante dans laquelle se trouvent un certain nombre de politiques publiques auxquelles se sont intéressés les rapporteurs spéciaux.

Que ce soit la médecine scolaire, qui souffre d’un manque cruel de personnels et de moyens pour remplir effectivement les missions qui lui incombent ([2]), les écoles nationales d’architecture, qui peinent à remplir leur mission dans des conditions satisfaisantes pour les étudiants ([3]) les services départementaux d’incendie et de secours, qui ont un grand besoin de voir leurs effectifs et leurs matériels renforcés avec la multiplication des situations d’intervention (feux, catastrophes naturelles, mais aussi assistance aux personnes) ([4]), la construction de places de prison, qui souffre de retards de calendrier chroniques ([5]), les délais dans lesquels les demandes de titres d’identité sont traitées, qui peinent à être réduits ([6]), la recherche polaire, placée à la fois dans un équilibre financier précaire et dans des conflictualités administratives avec les TAAF ([7]), les transports collectifs, placés face à des enjeux de financement de moyen et long terme qui sont pour l’heure mal appréhendés ([8]), les situations ne laissent pas d’inquiéter.

Une autre ligne de force est le fait que les rapports permettent de dégager des propositions que l’exécutif gagnerait à écouter et mettre en œuvre.

Le développement d’une plate-forme favorisant le recours à l’ingénierie par les collectivités ultramarines, en Guyane et en Martinique, est une piste méritant d’être généralisée ([9]). En matière de statistiques, l’enjeu fondamental est l’accès aux données privées par les services de statistique publique et au premier chef par l’INSEE ([10]). Créer une contribution directe des compagnies d’assurance au financement des SDIS valorisant le bénéfice que tirent les compagnies d’assurance de l’activité de secours aux personnes et aux biens menée par les sapeurs-pompiers constitue une idée intéressante dans le cadre du dérèglement climatique ([11]). Tirer les enseignements du caractère tardif de la mise en place du secrétariat général de la Présidence française de l’Union européenne lors de la prochaine Présidence française pourrait s’avérer utile ([12]). Pour le programme Petites villes de demain, si des crédits d’ingénierie ont permis de lancer la préfiguration des opérations et de monter des projets, un prolongement du dispositif est nécessaire pour que les opérations débutent effectivement ([13]).

Une troisième ligne de force est le fait que certains choix politiques peuvent se révéler peu évidents, voire contestables.

Le développement des obligations assimilables du Trésor indexées sur l’inflation, à compter de 1998, après avoir permis pendant une décennie de refinancer l’endettement à moindre coût, se révèle, dans la situation d’inflation forte que nous traversons, une source d’alourdissement brutal et imprévu de la charge de la dette ([14]). La tentative de transfert des compétences de l’IRSN à l’Autorité de sûreté nucléaire, par le Gouvernement, au printemps, questionne au vu des problématiques auxquelles sont confrontées ces deux institutions, et l’enjeu semble bien plutôt celui de l’articulation pertinente et efficace de leur action ([15]).

Chacun pourra prolonger cette énumération trop rapide en examinant les analyses et les recommandations formulées par les rapporteurs spéciaux, qui illustrent la richesse du travail de contrôle parlementaire mené par la commission des finances.

Il convient d’ajouter que le Printemps de l’évaluation 2023 a renoué avec une faculté qui avait été mise en œuvre lors des Printemps de l’évaluation 2018 et 2019, puis abandonnée lors des Printemps de l’évaluation ultérieurs : l’inscription à l’ordre du jour de la séance publique de propositions de résolution déposées par des rapporteurs spéciaux pour tirer les enseignements de leurs travaux d’évaluation.

En l’espèce, sur proposition du bureau de la commission des finances, ce sont une proposition de résolution de M. Alexandre Holroyd et une proposition de résolution de Mme Véronique Louwagie qui ont ainsi pu être débattues en séance publique le mercredi 7 juin 2023 (voir l’annexe 3 au présent rapport).

Il faut donc se réjouir que la nouvelle législature ait donné au Printemps de l’évaluation un nouveau souffle et que soit ainsi consacrée l’inscription de ce temps fort dans notre débat parlementaire, non seulement en commission mais également en séance publique.


Fiches relatives aux thématiques d’évaluation
des rapporteurs spéciaux

La délivrance des titres d’identité et ses indicateurs de performanceAdministration générale et territoriale de l’État (M. Charles de Courson)

Il faut actuellement attendre 67 jours, en moyenne, pour obtenir un rendez-vous en mairie afin de pouvoir déposer une demande d’établissement ou de renouvellement d’une carte nationale d’identité (CNI) ou d’un passeport. Une fois ce rendez-vous obtenu, il faut encore patienter 26,5 jours pour recevoir son titre. Ainsi, les délais d’obtention de ces documents d’identité atteignent actuellement plus de quatre mois.

La délivrance des titres d’identité connaît depuis le début de l’année 2022 une crise sans précédent qui suscite de la colère et de l’incompréhension chez les Français, parfois empêchés dans leurs projets de séjour à l’étranger ou, plus généralement, gênés dans leurs démarches administratives.

Cette « crise » des titres a contraint le Gouvernement à mettre en place un plan d’urgence national qui a connu plusieurs évolutions depuis sa première version en mai 2022. Le rapporteur spécial a donc souhaité consacrer ses travaux de suivi et de contrôle de l’exécution des crédits de la mission Administration générale et territoriale de l’État (AGTE) à l’évaluation de la délivrance des titres, principalement les CNI et les passeports mais aussi les titres de séjour, quoique la problématique de ces derniers soit différente.

Le programme 354 Administration territoriale de l’État porte, en effet, les crédits et les emplois des préfectures et donc des centres d’expertise et de ressources des titres (CERT). Il a également pour opérateur l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS).

Il ressort des travaux du rapporteur spécial que l’allongement constaté, depuis plus d’un an, des délais de délivrance résulte mécaniquement d’une hausse du nombre des demandes de titre suite à la fin de la crise sanitaire (I). Toutefois, cette situation ne saurait être imputable à ce seul phénomène mais trouve également son origine dans un défaut de conception du système de délivrance mis en place depuis 2017 (II).

  1.   la dÉlivrance des cartes d’identitÉ et des passeports connaît une vÉritable crise depuis l’an dernier

● Des délais qui s’allongent, principalement pour le dépôt des demandes

Pour l’usager, le temps d’attente pour obtenir une CNI ou un passeport – qu’il s’agisse d’une première demande ou d’un renouvellement – comprend deux délais : celui pour obtenir un rendez-vous dans une mairie équipée d’un dispositif de recueil afin de déposer son dossier et celui pour recevoir son titre, ce dernier comprenant l’instruction de la demande par l’administration, la production du document d’identité et son acheminement en mairie pour être récupéré par le demandeur.

Le délai moyen pour obtenir un rendez-vous était de 11,5 jours ouvrés fin 2018. Après avoir chuté au cours de la crise sanitaire jusqu’à 8,6 jours, il a atteint 27,1 jours en janvier 2022 puis 65,6 jours en avril 2022 à l’approche du premier été sans restrictions sur les séjours à l’étranger. Depuis cette période, le temps d’attente pour pouvoir déposer son dossier demeure supérieur à trois mois en moyenne.

Ces délais sont très inégaux d’une commune à une autre. Par exemple, le temps d’obtention d’un rendez-vous dans le département de la Marne en mai 2022 variait de 0 (aucune prise de rendez-vous nécessaire) à 126 jours.

Une fois le dossier complet en mairie, le délai de réception était de 29 jours en 2022 contre 15,8 en 2018 avec, là encore, des disparités selon les régions.

Le rapporteur spécial constate que seule la période d’instruction en CERT fait l’objet d’un indicateur de performance (18 jours pour les passeports et 21 jours pour les CNI en 2022 contre respectivement 5,7 et 7,5 en 2020). Il recommande que soit mesurée la totalité des délais auxquels sont confrontés les usagers et que ces données figurent dans les projets annuels de performance (PAP).

D’après le ministère de l’intérieur et des outre-mer, l’allongement considérable de ces délais est principalement dû à un effet de rattrapage post-crise sanitaire. En effet, 6,6 millions de demandes de CNI et 5,4 millions de passeports ont été déposées en 2022 contre respectivement 4,2 et 2,3 millions en 2020. Ce phénomène serait aggravé par un effet saisonnier lié à l’approche des vacances estivales, l’attraction pour le nouveau modèle de CNI ainsi que par une anticipation trop précoce des demandes de renouvellement entretenue par la crainte des retards.

● Des mesures conjoncturelles qui peinent à résoudre le problème

À partir du mois de mai 2022, le Gouvernement a mis en place un plan d’urgence visant à résoudre cette crise des titres d’identité. Un premier volet a consisté à accroître l’offre de rendez-vous en optimisant l’accueil des usagers (diffusion de bonnes pratiques, dialogue entre les préfets et les maires) et en augmentant le nombre de dispositifs de recueil (DR), soit de manière temporaire (30 centres temporaires d’accueil communaux déployés), soit de façon pérenne (plan 500 dispositifs de recueil (DR) supplémentaires).

En mars 2023, le ministère de l’intérieur a mis en place un « contrat urgence titres » (CUT) dans le cadre de l’Engagement national pour les titres d’identité par lesquels les communes volontaires s’engagent à augmenter significativement le nombre de rendez-vous ouverts moyennant une compensation financière supplémentaire (cf. II). À partir de cette année également, les communes sont financièrement incitées à recourir à des plateformes de prises de rendez-vous interopérables pour éviter les doublons.

Un second volet repose sur l’accélération de l’instruction des demandes via la promotion de l’utilisation du site de pré-demande en ligne sur le portail de l’ANTS, la suspension provisoire de certains motifs de renouvellement (comme les changements d’adresse), le renforcement temporaire des effectifs des CERT ou encore l’installation d’équipements supplémentaires pour renforcer les lignes de production à l’Imprimerie nationale.

Le rapporteur spécial considère qu’il est difficile d’évaluer l’impact réel de ces actions dans la mesure où la lente décrue des délais au second semestre 2022 peut également être due à un ralentissement saisonnier des demandes. De plus, le temps d’attente est reparti à la hausse dès le début de l’année 2023.

  1.    le système actuel de dÉlivrance des titres est responsable de l’allongement des dÉlais et appelle à Être rÉformÉ

● La délivrance des CNI et des passeports repose sur le volontariat des communes

Le rapporteur spécial rappelle que les délais de délivrance étaient déjà élevés avant la crise actuelle et qu’ils tendaient à se dégrader avant même le début de la pandémie de Covid-19. D’après lui, l’effet de rattrapage est un facteur aggravant mais qui ne fait qu’accentuer une situation déjà problématique.

Les maux actuels sont la conséquence d’un « déterritorialisation » des demandes de titres d’identité qui a débuté avec l’arrivée des premiers passeports biométriques (à partir de 2008) avant d’être étendue aux CNI en 2017, corollaire du plan « préfectures nouvelle génération » (PPNG) qui a supprimé les anciens services « titres » des préfectures et a créé des CERT au niveau régional.

En effet, la nécessité de recueillir les empreintes digitales et la dématérialisation de la transmission des demandes a conduit l’État à déployer des DR dans des communes volontaires, chaque usager étant libre de déposer son dossier où il l’entend. Au 1er mars 2023, 4 812 DR étaient installés dans 2 617 communes.

● À défaut de pouvoir réformer en profondeur le système actuel, il convient de mieux indemniser les communes et d’encadrer davantage l’offre de rendez-vous

Le rapporteur spécial estime qu’il serait idéalement souhaitable de « re-territorialiser » les demandes de CNI et de passeport. Néanmoins, des mesures structurelles peuvent être prises sans remettre en cause le système d’actuel.

Premièrement, le rapporteur spécial recommande de rendre la délivrance des titres plus incitative financièrement pour les communes. Les mairies équipées de DR bénéficient actuellement d’une dotation pour les titres sécurisés (DTS). Depuis la dernière loi de finances, ce mécanisme de compensation financière comprend une part forfaitaire fixée à 9 000 euros par DR et une part variable, fonction du nombre de demandes enregistrées pouvant aller jusqu’à 12 500 euros au-delà de 4 000 dossiers traités par an. Elle peut être majorée de 500 euros si la commune s’est inscrite à un module dématérialisé et interopérable de prise de rendez-vous. Au total, la DTS peut donc désormais atteindre 22 000 euros par DR.

Si le rapporteur spécial estime que cette réforme va dans le bon sens, il recommande de transformer la DTS en dotation strictement proportionnelle au nombre de recueils, sans système de paliers. Il appelle le Gouvernement à mieux prendre en considération le coût budgétaire des DR pour les communes, qui lui semble mal évalué.

Le rapporteur spécial recommande également d’accroître les droits de timbre sur la délivrance des titres d’identité afin de compenser une augmentation de la DTS. Il pourrait être mis fin à la gratuité de la CNI tandis que le tarif des passeports (86 euros dans le cas général) et du renouvellement d’une CNI perdue (25 euros) pourrait être augmenté.

Enfin, le rapporteur spécial recommande de mieux contrôler l’offre de rendez-vous. Il s’étonne de l’absence de caractère contraignant dans les conventions de mise à disposition des DR entre le maire et le représentant de l’État. Il préconise l’instauration d’un système de malus en cas de sous-utilisation d’un DR.

Le cas particulier des titres de séjour

Le rapporteur spécial a également souhaité étudier la question de la délivrance des titres de séjour qui est aussi un document d’identité pour les étrangers en France. Cette problématique est différente de celle des CNI et des passeports dans la mesure où elle ne fait pas intervenir les communes et implique les services dits « étrangers » des préfectures.

En revanche, la question de l’obtention des rendez-vous intéresse également ce sujet. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, le rapporteur spécial a été à l’initiative de l’adoption d’un amendement qui obligera désormais l’indicateur de performance mesurant le délai de délivrance des titres de séjour à inclure le temps d’attente du rendez-vous.

Contrairement aux CNI et aux passeports, le dépôt d’une telle demande ne nécessite pas systématiquement un accueil physique, c’est même le cas dans 70 % des dossiers, du fait du déploiement de l’administration numérique des étrangers en France (ANEF).

Le rapporteur spécial observe que si la dématérialisation a permis de réduire les files d’attente aux guichets, elle a créé d’autres problèmes liés à la difficulté d’obtenir un créneau et en ce qui concerne l’accompagnement numérique des demandeurs.

Quant au délai de traitement après dépôt de la demande, il atteint actuellement 74 jours ouvrés contre une soixantaine entre 2017 et 2021 tout en faisant apparaître de très fortes disparités départementales (de 23 jours dans l’Ardèche à 175 jours en Savoie).


Les dispositifs de soutien à la rénovation énergétique de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH)Cohésion des territoires (M. François Jolivet)

L’action de l’ANAH pour la rénovation énergétique des logements des particuliers constitue une nécessité pour la transition écologique de la France. Les objectifs sont connus (rénovation de l’ensemble des passoires thermiques à l’horizon 2030, rénovation au niveau « bâtiment basse consommation » à l’horizon 2050). Ambitieux, ces objectifs doivent s’articuler aux enjeux de pouvoir d’achat des Français confrontés à une augmentation de leur facture énergétique.

              Depuis maintenant 2020 et la suppression du crédit d’impôt transition énergétique (CITE), la mise en œuvre des différents dispositifs MaPrimeRénov’ (MPR) ([16]) poursuit un objectif clair : la massification des aides à la rénovation énergétique et le fléchage des crédits vers les classes moyennes et populaires, en vue d’accélérer fortement les travaux de rénovation énergétique.

              Alors que ce premier objectif est atteint (I), tout l’enjeu pour l’ANAH est aujourd’hui d’accompagner au mieux les propriétaires dans leurs projets (II) tout en s’assurant de l’efficacité des aides en matière de baisse de la consommation d’énergie (III).

  1.   Un premier bilan DU dispositif

Une action efficace

Le financement budgétaire est aujourd’hui à la hauteur des enjeux : l’ANAH dispose d’une enveloppe de près de 3,5 milliards d’euros pour la rénovation énergétique en 2023, soit un niveau sensiblement supérieur à celui de 2022 (2,8 milliards d’euros en 2021). Ce financement permet de répondre aux demandes : une aide MPR a été accordée à 605 669 dossiers en 2022 soit une multiplication par quatre depuis 2020.

Contrairement au CITE, le dispositif MPR par geste est davantage centré sur les classes populaires et moyennes : les sept premiers déciles représentent 85 % des logements aidés et 90 % des financements MPR par geste en 2021. MPR Sérénité est quant à lui réservé aux ménages aux revenus modestes.

Selon les calculs réalisés par le Service des données et études statistiques (SDES) rattaché au Commissariat général au développement durable (CGDD), les gestes réalisés par MPR ont permis de réaliser 1,997 TWh d’économie d’énergie en 2021.

Des limites exogènes au déploiement des aides : l’absence de solidarité à l’échelle de l’îlot pour le diagnostic de performance énergétique (DPE), les pénuries dans le bâtiment, les difficultés de financement, etc.

L’augmentation des dotations budgétaires accordées à l’ANAH pour MPR ne permettrait pas aujourd’hui d’accélérer le rythme des rénovations alors qu’on observe des phénomènes de pénurie de main-d’œuvre et d’entreprises dans le secteur du bâtiment. Moins de 63 000 entreprises dans le bâtiment sont aujourd’hui qualifiées RGE (« reconnues garant de l’environnement »). Par ailleurs, une hausse trop forte des forfaits d’aides pourrait conduire à une explosion des fraudes et des malfaçons.

La question du financement des travaux constitue un handicap majeur. La question du reste à charge doit être abordée en ayant une meilleure vision du cumul de l’ensemble des aides à disposition (MPR, aides des collectivités territoriales, certificat d’économie d’énergie, etc.). Mais des sources de financement novatrices doivent être développées au-delà de l’éco-PTZ et de l’avance de trésorerie proposée par l’ANAH : une partie de l’épargne réglementée (LDDS, compte épargne logement, plan épargne logement) à disposition des établissements bancaires devrait être fléchée vers des prêts avantageux pour la rénovation énergétique des logements de particuliers, avec un système d’hypothèque sur les biens financés, comme pour les prêts immobiliers classiques.

La rénovation des copropriétés tarde à décoller (25 938 logements aidés dans le cadre de « MPR Copropriété » en 2022). Alors qu’est espérée une montée en compétences des syndics sur le sujet, l’absence de solidarité à l’échelle de l’îlot concernant le diagnostic de performance énergétique rend tout simplement impossible l’engagement de travaux coûteux qui n’intéressent pas à la même enseigne l’ensemble des copropriétaires.

  1.   mieux rÉpondre aux usagers tout en limitant les risques de fraude

Accélérer le règlement des dossiers en souffrance

Les dossiers problématiques médiatisés actuellement ne doivent pas cacher la réalité d’une gestion efficace au regard de la masse des dossiers traités. Le délai moyen d’instruction des dossiers complets et ne nécessitant aucun contrôle renforcé est d’environ deux semaines pour une demande de subvention et d’environ trois semaines pour en obtenir le paiement, conformément aux engagements de l’agence. Ce fonctionnement permet de traiter un volume de dossiers conséquent, soit jusqu’à 25 000 décisions par semaine.

Mais des cas problématiques existent et doivent être traités. Il convient de ne pas confondre différents types de situations :             

i) une minorité de dossiers problématiques (environ 5 000) pour lesquels des erreurs techniques et informatiques qui incombent à l’ANAH peuvent exister et conduire à un blocage des demandes d’aides. Une réponse plus rapide doit indéniablement être apportée aujourd’hui ;             

ii) les dossiers qui font l’objet de contrôles renforcés en cas de suspicion de fraude, ces contrôles allongeant les délais de traitement des demandes de plusieurs semaines : les entreprises ne disposant pas d’une assise financière suffisante pour supporter ces délais peuvent être en difficulté lorsqu’elles ont avancé le montant des aides aux demandeurs.             

L’ANAH a déployé des personnels pour traiter les dossiers les plus problématiques. Des améliorations continues au processus de demande ont été apportées, notamment depuis la décision de la Défenseure des droits du 14 octobre 2022, qui relevait un certain nombre de limites et de dysfonctionnements de la plateforme internet : création d’un dossier de régularisation (septembre-octobre 2021), possibilité d’annuler une demande (mai 2022), prise en compte des avis de dégrèvement d’imposition depuis le 1er janvier 2023, amélioration de la motivation des décisions de rejet ou de retrait d’une aide, etc.

Renforcer l’accompagnement dans les territoires via une décentralisation du dispositif France Rénov

L’accompagnement des ménages s’engageant dans un parcours de rénovation est indispensable. Le conseil de premier niveau est assuré par près de 2 340 conseillers France Rénov’ et une accélération des ouvertures des guichets physiques France Rénov’ est prévue. L’instruction des aides MPR par geste étant centralisée et entièrement numérique, un accompagnement humain est crucial alors qu’une grande partie des bénéficiaires des aides de l’ANAH sont des séniors (40 % des bénéficiaires des aides MPR par geste ont plus de 60 ans). Le conseil de second niveau, opérationnel et technique (conseil vis-à-vis des artisans à sélectionner, compréhension des devis, etc.), est assuré par les opérateurs « Mon Accompagnateur Rénov’ », dont le nombre doit être augmenté. Cet accompagnement opérationnel, aujourd’hui obligatoire dans le cas du recours à MPR Sérénité, doit être facilité et accessible.

Le rapporteur plaide à terme pour la décentralisation du dispositif France Rénov’ : les collectivités territoriales, à travers les opérations programmées de l’amélioration de l’habitat (OPAH) qui doivent être généralisées sur tout le territoire, sont les acteurs les mieux placés pour animer la politique de rénovation des particuliers : connaissance de l’habitat local, capacité à aller vers les personnes habitant les logements énergivores, connaissance du tissu économique local, etc. Il s’agit d’abaisser le centre de gravité de l’action publique au plus près des besoins du terrain.

Mieux lutter contre la fraude

Derrière le concept de fraudes coexistent différentes réalités : fraudes par détournement (usurpation d’identité, fraude interne par un agent de l’ANAH, fraude à l’éligibilité portant sur les travaux réalisés, les personnes et les entreprises, etc.), malfaçons, démarchage agressif, défaut de conseil, etc. Seul le premier type correspond véritablement à une fraude contrôlée par l’ANAH.

Les contrôles réalisés par l’ANAH (contrôles sur pièce et sur place) sont aujourd’hui nombreux et de trois types : contrôles de premier niveau, contrôles de deuxième niveau, contrôles sur place réalisés par le bureau Veritas Exploitation. 18 % des contrôles sur place révèlent un dossier non conforme et 12 % de contrôles ne peuvent être effectués en raison de l’absence de réponse à la demande de contrôle. Il est crucial de maintenir un haut niveau de contrôles sur place et les entreprises du bâtiment ont une responsabilité pour fluidifier ces contrôles. Des partages d’information avec les services effectuant les contrôles sur place relatifs aux certificats d’économie d’énergie (CEE) sont à renforcer. Une méthodologie de contrôle commune est à construire, quelles que soient les différences de temporalité des contrôles portant sur ces deux dispositifs : les travaux réalisés sont souvent identiques.

Les montants des forfaits par geste ont fortement évolué ces dernières années, avec des augmentations et des baisses en fonction des risques de fraude identifiés et des priorités politiques. Ces modulations importantes créent des effets d’aubaine suscitant la vocation d’acteurs peu scrupuleux et souvent incompétents. On peut également s’interroger sur la manière dont la responsabilisation des mandataires est envisagée par certains acteurs : les entreprises qui font les travaux elles-mêmes sont-elles les mieux placées pour gérer les demandes de subventions de la part des particuliers et encaisser les aides de l’ANAH ?

  1.   amÉliorer l’efficacitÉ des aides

Préciser les priorités des politiques publiques

La lutte à tout prix contre la production de gaz à effet de serre peut conduire à des absurdités : l’installation d’une pompe à chaleur dans une passoire thermique sans initier un parcours de rénovation revient à chauffer un logement avec des grille-pains ! Les ménages peuvent alors voir leur facture énergétique exploser après avoir bénéficié d’une aide de l’État pour changer de mode de chauffage.

La territorialisation des aides et leur modulation géographique ne doivent pas être un tabou : certains territoires comme la Bretagne ont davantage bénéficié des aides MPR que certains territoires de montagne où la part de logements énergivores est importante.

Le soutien aux gestes simples ne doit pas être supprimé mais doit s’inscrire dorénavant dans un « parcours de gestes »

Un consensus politique et technique se dégage aujourd’hui pour basculer progressivement d’un système d’aide principalement fondé sur les gestes simples vers la rénovation globale plus efficace en matière de gains énergétiques.

Mais il n’est pas possible de conditionner du jour au lendemain les aides MPR à une rénovation globale. Certains gestes sont contraints par la réglementation. Un ménage modeste qui se chauffe aujourd’hui au fioul doit être amené à changer de mode de chauffage : il faut nécessairement l’accompagner pour ce qui s’apparente parfois à un geste d’urgence ([17]). Le manque d’artisans qualifiés peut aussi conduire à reporter des projets de rénovation globale.

Il faut donc faire en sorte que les gestes simples s’inscrivent dans un « parcours de gestes » lorsqu’une rénovation globale n’est pas envisageable, quelle qu’en soit la raison : cela permettrait d’établir un parcours séquencé et cohérent. Des aides bonifiées subordonnées à la réalisation de gestes ultérieurs à moyen terme pourraient ainsi être envisagées.

Les principales recommandations du rapporteur spécial :

– Lever les différents freins à la rénovation : imposer la solidarité à l’échelle de l’îlot des diagnostics de performance énergétique (DPE) dans les copropriétés, flécher une partie de l’épargne réglementée (PEL, CEL, LDDS) à disposition des établissements bancaires sur les projets de rénovation énergétique des particuliers.

– Décentraliser la politique d’accompagnement des particuliers assuré par le service public « France Rénov’ ».

– Accélérer le traitement des dossiers problématiques et fluidifier les contrôles sur place.

– Améliorer la coordination de la lutte contre les fraudes concernant les CEE et MPR en priorisant le partage d’informations entre acteurs.

– Limiter le soutien aux gestes ne prenant en compte que la production de gaz à effet de serre et pouvant conduire à augmenter la facture énergétique des particuliers.

– Créer un « parcours de gestes » permettant aux ménages qui n’ont pas la possibilité de réaliser une rénovation globale de leur logement d’obtenir un accompagnement et des financements sur plusieurs mois ou plusieurs années, conditionnés à un parcours de rénovation efficace et séquencé.


Des écoles nationales supérieures d’architecture naviguant à vue et à la croisée des cheminsCulture : Création ; Transmission des savoirs et démocratisation de la culture (M. Alexandre Holroyd)

  1.   PANORAMA DES ÉCOLES NATIONALES SUPÉRIEURES D’ARCHITECTURE (ENSA) : ORGANISATION, EFFECTIFS ET FINANCEMENT

Les 20 ENSA, clé de voûte de la formation en architecture

– La formation initiale en architecture se partage entre 20 ENSA et 3 autres écoles (dont 2 privées, l’une d’entre elles n’étant pas reconnue) et s’organise autour du schéma licence – master – doctorat,

– Les ENSA sont un acteur prépondérant de la formation initiale et de la recherche en architecture mais un acteur parmi d’autres de la formation continue en architecture,

– Les ENSA sont placées sous la tutelle conjointe du ministère de la culture et du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR),

– Seules 4 ENSA sur 20 participent aux établissements publics expérimentaux (EPE).

Des effectifs stables depuis 20 ans

– Les ENSA accueillent 20 000 étudiants (dont à peine 1 % en alternance),

– L’insertion professionnelle des diplômés est très satisfaisante mais aussi très mal connue sur le moyen et long terme,

– Les effectifs accueillis en formation continue sont très limités.

Le financement des ENSA repose très largement sur des concours publics

– Un financement assuré de manière prépondérante par le ministère de la culture, à hauteur de 221 millions d’euros (hors grands travaux) / 233,6 millions d’euros (grands travaux inclus) en 2023,

– Les autres ministères apportent des concours mineurs aux ENSA et les collectivités territoriales apportent des concours notables mais imparfaitement connus,

– Les ressources propres sont limitées (15 % en moyenne) et essentiellement assises sur des droits d’inscription stables, faibles et similaires pour tous les étudiants qu’ils soient Français, ressortissants de l’Union européenne ou extracommunautaires, à la différence de ce qui est pratiqué dans les établissements sous tutelle unique du MESR.

  1.   L’IndÉniable EFFORT BUDGÉTAIRE ACCOMPLI DEPUIS 2018 EN FAVEUR DES ENSA N’A PAS PERMIS DE RÉPONDRE À DES FAIBLESSES PERSISTANTES

Un effort budgétaire certain a été accompli depuis 2018

– Cet effort a porté sur les ressources humaines et le fonctionnement courant des ENSA.

– Un effort d’investissement immobilier élevé (88 millions d’euros) a également été accompli à la faveur notamment du plan de relance,

– La dépense du ministère de la culture par étudiant en ENSA (11 300 euros hors grands travaux) est désormais proche – mais toujours inférieure – de celle observée dans l’enseignement supérieur et les crédits (hors titre 2) accordés en 2023 sont supérieurs de 20 % aux crédits exécutés en 2022.

Cet effort budgétaire n’a cependant pas permis de répondre à certaines faiblesses persistantes

– La tutelle du ministère de la culture présente des carences manifestes et celle du MESR, lorsqu’elle est perceptible, reste centrée sur les questions pédagogiques,

– Les moyens administratifs et immobiliers des ENSA demeurent sous tension,

– L’application d’un « numerus clausus » implicite aux effectifs étudiants depuis 20 ans interroge,

– Des fragilités financières persistantes affectent les ENSA :

– Ces faiblesses témoignent d’un regrettable manque antérieur d’attention aux ENSA.

  1.   recomMandations du rapporteur spécial : DONNER UN CAP AUX ENSA, RÉNOVER EN PROFONDEUR LES CONDITIONS D’EXERCICE DE LEUR TUTELLE ET REDÉFINIR LEUR MODÈLE FINANCIER

Donner un cap aux ENSA :

– Définir une trajectoire pluriannuelle en termes de ressources et de moyens pour remettre à niveau les ENSA :

– Envisager, dans un second temps, une évolution des compétences, de l’organisation et des effectifs étudiants des ENSA :

Rénover les conditions d’exercice de la tutelle

Rénover le modèle financier des ENSA pour diversifier et accroître leurs ressources

Le rapport comporte en annexe une étude sur les ENSA établie par le Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur sur le fondement de l’article 57 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances modifié par la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. Le Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur est la première autorité publique indépendante à apporter dans ce cadre son concours aux travaux d’évaluation du Parlement.


Le plan d’action « sécurité cathédrales » – Culture : Patrimoine (M. Philippe Lottiaux)

Le 15 avril 2019, un incendie se déclarait dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, causant de graves dommages dont l’effondrement de la flèche. Cet incendie a mis en lumière la vulnérabilité des cathédrales et, plus largement, du patrimoine culturel.

En réponse, le ministère de la culture a initié, dès octobre 2019, un plan d’action « sécurité cathédrales » destiné aux 87 cathédrales (et deux autres lieux de culte classés) appartenant à l’État et relèvent du ministère de la Culture, avec pour objectif premier de renforcer sensiblement la sécurité des sites tout en promouvant une vision nouvelle : au-delà de la sécurité des personnes, le plan entend également assurer la sécurité des biens patrimoniaux.

Trois ans plus tard, le ministère de la culture a réalisé un premier bilan de ce plan et en a présenté un deuxième volet visant à poursuivre et étendre les mesures initialement prises en y consacrant 12 millions d’euros supplémentaires en 2023.

Au regard de la sensibilité de cette question pour nos concitoyens, de l’enjeu patrimonial et des crédits mis en œuvre, le rapporteur spécial a souhaité évaluer l’efficacité de ce plan et de son déploiement. Si ce plan constitue une avancée incontestable dans la protection du patrimoine culturel appartenant à l’État (I), différentes difficultés subsistent et la question peut aujourd’hui se poser de son extension (II).

  1.   le plan « sÉcuritÉ cathÉdrales » : une avancÉe incontestable pour la protection des cathÉdrales appartenant À l’État

● Le plan marque une avancée incontestable en matière de sécurité

Il revient à l’État de financer les travaux d’entretien, de réparation et de restauration des cathédrales dont il est propriétaire, et dont le clergé est affectataire. Si les impératifs de sécurité étaient dans ce cadre pris en compte, ce qu’illustre notamment la création de la « mission Sécurité, Sûreté et Audit » (MISSA) du ministère de la Culture en 1996, les travaux en ce domaine étaient parfois repoussés au profit de travaux urgents de rénovation. De fait, en 2019, seulement 22 des 87 cathédrales étaient considérées en bon état ([18]).

L’incendie de la cathédrale Notre-Dame, pourtant considérée comme la plus « sûre » au regard des règles de sécurité incendie, a été un révélateur et a conduit le ministère à lancer un vaste plan « sécurité cathédrales ». Ce plan finalisé en 2020 et élaboré par la MISSA en concertation avec les acteurs concernés comportait, à l’issue d’un audit initié dès octobre 2019, 47 mesures autour de 8 axes : limiter les risques d’éclosion, réduire les risques de développement et de propagation, faciliter l’action des sapeurs-pompiers, entretenir des relations privilégiées avec les services de secours, encadrer les conditions d’exploitation des sites, réduire les conséquences d’un sinistre notamment par la mise en place d’un plan de sauvegarde des biens culturels, renforcer la formation des intervenants et mettre en place des mesures organisationnelles.

Alors que les travaux de sécurité représentaient auparavant une part assez restreinte des quelque 40 millions d’euros annuels consacrés aux cathédrales ([19]), ce sont 24 millions d’euros en AE et 16 millions d’euros en CP qui ont été spécifiquement inscrits à ce titre en 2021 et 2022, auxquels se sont ajoutés 7,4 millions d’euros issus du plan de relance. En 2023, 12 millions d’euros, en sus de l’enveloppe « classique » de 40 millions d’euros, ont été annoncés dans le cadre du 2e volet du plan.

Répartis entre les Directions régionales des affaires culturelles (DRAC) en fonction des conclusions des visites et du niveau de sécurité, ces crédits ont permis de nombreuses interventions : éradication des installations électriques « sauvages », réorganisation du stockage de matériel inflammable, recoupement des combles, colonnes sèches, pass permettant aux secours d’accéder à l’ensemble des locaux. L’ensemble de ces travaux présente un bilan très positif. Ainsi, 15 cathédrales avaient un avis défavorable à l’exploitation en 2020, elles n’étaient plus que 4 en 2023. Parallèlement, 20 cathédrales ont désormais un niveau de sécurité « de référence », au-delà du seuil réglementaire.

● Un changement de paradigme dans la protection du patrimoine culturel

Jusqu’alors, la sécurité incendie des bâtiments patrimoniaux se concentrait sur la sécurité des personnes. Le plan apporte une dimension nouvelle en mettant l’accent également sur la sécurité des biens, à la fois des monuments en eux-mêmes mais aussi des œuvres, en formalisant l’exigence des plans de sauvegarde des biens culturels (PSBC). Cette exigence s’est traduite en pratique puisque si seulement 13 cathédrales en étaient dotées en 2019, elles sont désormais au nombre de 66.

● Une amplification bienvenue

En avril 2023, le ministère de la culture a annoncé une prolongation et une amplification du plan avec 11 nouvelles mesures, telles que la généralisation du recours aux caméras thermiques et l’amélioration de la sécurité pendant les travaux, ces derniers étant une des premières causes des départs de feu. Ces mesures sont financées par une enveloppe dédiée de 12 millions d’euros en 2023.

  1.   MalgrÉ ces efforts, des DIFFICULTÉS subsistent et LA QUESTION DE L’EXTENSION DU PLAN se pose

● Les architectes des bâtiments de France (ABF), des acteurs clés à revaloriser

Les ABF assument les fonctions de responsable unique de sécurité (RUS), et de fait la responsabilité civile et pénale en cas de sinistre. Or, à ce jour, il n’y a pas de système d’assurance personnelle prévu, ce qui suscite des inquiétudes dans la profession. En outre, l’éloignement territorial de certaines cathédrales par rapport au siège de l’UDAP rend parfois difficile leur intervention pour effectuer les procédures de levée de doute. Ces tâches sont donc de plus en plus souvent externalisées, ce qui engendre des coûts supplémentaires.

Les ABF peinent à répondre à l’accroissement des sollicitations. Pour y faire face, le deuxième volet du plan prévoit le financement d’experts externes pour les accompagner, à raison de 2,5 jours par mois par cathédrale. Cette réponse partielle ne résout cependant pas entièrement le besoin en moyens humains supplémentaires. Enfin, les responsabilités fortes des ABF et les contraintes qui en découlent – notamment les astreintes – nécessiteraient d’être mieux prises en compte statutairement.

● Un nouvel enjeu nécessitant d’importants investissements pour les SDIS

La protection efficace des cathédrales peut impliquer l’acquisition de matériel spécifique, et onéreux, pour les services départementaux d’intervention et de secours (SDIS), par exemple des berces containers ([20]), des échelles adaptées… À ce stade, seuls les SDIS de l’Oise et de Gironde en possèdent. Or, au regard de la situation financière des SDIS, la capacité de procéder à l’acquisition de ces équipements est plus qu’incertaine.

● La sûreté et la surveillance, des difficultés non résolues

La meilleure prévention du monde n’est que de peu d’effet si des personnes mal intentionnées peuvent s’introduire et agir à leur guise dans les cathédrales. Affectataire, le clergé est responsable de l’ouverture, de la fermeture et de la surveillance des sites. La situation est contrastée selon les monuments : dans les moins touristiques, hors des cultes, cette surveillance repose parfois sur des salariés, généralement sur des bénévoles (association des amis, association diocésaine…) qui ne sont pas nécessairement formés, voire est inexistante faute de bénévoles en nombre suffisant.

Si le recours aux caméras de surveillance ([21]) s’accroît, le visionnage des images en temps réel est rarement effectué. Or, les risques d’intrusion et de dégradation augmentent. Une présence humaine accrue, qui servirait à la fois d’accueil, voire de guide, et de surveillance, serait nécessaire dans nombre de cathédrales, ce que les moyens du clergé ne permettent pas forcément. Le recours à des jeunes en service civique pourrait être une piste, ce qui nécessiterait d’étendre le dispositif aux associations cultuelles.

 La question de l’extension aux « anciennes » cathédrales, appartenant aux collectivités territoriales, se pose aujourd’hui

Aujourd’hui, 96 « anciennes » cathédrales, et non des moindres (cathédrales de Laon, Lisieux…) appartiennent aux collectivités (dans la quasi-totalité des cas les communes) et sont de fait exclues de ce plan. Pour la plupart, ces cathédrales sont issues de la nationalisation de 1789 mais n’ont pas été reprises dans la carte des cathédrales concordataire de 1802.

Certes, ces monuments sont soumis, en tant qu’établissements accueillant du public, aux visites périodiques des SDIS. Néanmoins, en termes de sécurité incendie, elles demeurent souvent au niveau « réglementaire » de base alors même que la philosophie, justifiée, du plan pour les cathédrales appartenant à l’État est d’aller au-delà. Les problématiques de sécurité étant rigoureusement identiques, quel que soit le propriétaire du monument, une différence de traitement peut apparaître illogique et incompréhensible pour le public.

Il ressort des résultats d’une enquête menée par le rapporteur ([22]) auprès des collectivités propriétaires, que celles-ci, limitées dans leur budget, doivent souvent arbitrer entre différentes priorités. Elles ne sont toujours pas en mesure de mener des travaux approfondis de sécurisation, et, pour elles, il n’y a généralement pas eu d’« avant » et d’ « après » Notre-Dame. Outre les difficultés budgétaires se posent parfois des difficultés techniques, avec des besoins d’accompagnement que les DRAC ne peuvent pas toujours assurer. Les PSBC sont par ailleurs très rares.

La diffusion aux collectivités des « bonnes pratiques » du plan et la création d’une ligne spécifique de crédits d’État pour permettre la mise en sécurité de ces monuments selon les mêmes critères, avec la pérennisation à cette fin de l’enveloppe des 12 millions d’euros en 2023, serait donc particulièrement pertinente, voire nécessaire.

Les principales recommandations du rapporteur spécial :

– Réfléchir à un système d’assurance, potentiellement ad hoc, plus sécurisant pour les ABF ;

– prendre en compte les contraintes (astreintes) et responsabilités des ABF qui assument les fonctions de RUS ;

– instaurer une cellule d’échange entre les différents acteurs au niveau local pour mieux assurer la conservation des cathédrales, comme le demandent les ABF ;

– uniformiser la formation sur la sécurité incendie des personnes chargées de la surveillance (clergé, bénévoles, Centre des monuments nationaux) ;

– accompagner les affectataires pour permettre un renforcement de la présence humaine, en dehors des moments de culte, lorsque cela est nécessaire (service civique par exemple) ;

– étendre le plan sécurité cathédrales aux « anciennes » cathédrales appartenant aux collectivités :

– en mettant en place une ligne de crédits spécifiques à cette fin, avec un taux de subvention majoré par rapport aux 40 % généralement alloués par l’État ;

– en menant avec les collectivités concernées un diagnostic approfondi de l’état sanitaire et de la sécurité des cathédrales leur appartenant ;

– en dotant les DRAC de moyens humains d’accompagnement technique pour les programmes de travaux et leur échelonnement dans le temps.


Le plan FamilleDéfense : Budget opérationnel de la défense (M. Emeric Salmon)

Le 31 octobre 2017, le lancement d’un plan Famille est annoncé par Mme Florence Parly, alors ministre des Armées. Ce « plan d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires » constitue une rupture dans l’ampleur de l’accompagnement social des militaires, dimension de la politique de la défense pendant trop longtemps délaissée. Pour illustrer les difficultés auxquelles étaient confrontés les militaires avant la mise en œuvre du plan Famille, le rapporteur spécial souhaite mentionner les importants dysfonctionnements du logiciel de paiement du personnel du ministère, dit logiciel Louvois ([23]), qui entraînaient parfois le non-versement des soldes, ce qui affectait indirectement les conjoints de militaires.

Un effort budgétaire significatif, à hauteur de 540 millions d’euros déployés entre 2018 et 2025, doit permettre d’améliorer concrètement les conditions de vie et de travail des militaires. Ce plan s’inscrit pleinement dans l’objectif de faire de la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 une politique à « hauteur d’homme » ([24]). Après plus d’une décennie de coupes budgétaires, les armées bénéficient enfin d’un ensemble de mesures visant à retrouver un juste équilibre entre les sujétions inhérentes à la condition militaire et la préservation de la vie familiale du personnel.

Début février 2023, le ministre des Armées a officiellement annoncé sa volonté de poursuivre la dynamique engagée avec le plan Famille 1 ([25]) au travers d’un deuxième plan, dit plan Famille 2. Ce nouveau volet est doté d’un budget de 750 millions d’euros sur les années 2024 à 2030 et constitue une inflexion par rapport à la première séquence initiée en 2018, notamment par son recentrage sur le niveau local et sur les mesures visant à améliorer le quotidien des familles.

Aux yeux du rapporteur spécial, le moment était opportun pour conduire une évaluation approfondie du premier plan Famille et de la bonne transition vers le second plan récemment annoncé.


  1.   le plan famille 1 : des mesures trÈs attendues par des armÉes À bout de souffle

 Un accompagnement social préexistant au plan Famille 1 mais très insuffisant

Alors que les contraintes opérationnelles ne faiblissent pas – voir s’intensifient au regard du retour de la haute intensité –, les sujétions de la condition militaire pèsent lourdement sur le quotidien des militaires et de leurs familles. Les militaires, à l’image du reste de la société, aspirent à un meilleur équilibre entre les sujétions qui s’imposent à eux et la préservation de leur vie familiale. En dépit des aides ponctuelles apportées pour compenser les contraintes militaires, l’institution ne parvient plus à attirer les talents ni à les retenir.

 Un pilotage efficace des mesures du plan Famille 1 malgré son apparente complexité

La mise en œuvre des mesures du plan Famille implique de nombreux acteurs, relevant tant du secrétariat général pour l’administration que de l’État-major des armées. Cette architecture qui apparaît assez complexe, s’avère dans les faits relativement efficace grâce à la bonne coordination de l’ensemble des acteurs. Il convient de souligner que la souplesse du pilotage a permis de faire évoluer les mesures initiales en fonction des besoins des militaires. En 2022, le plan Famille compte ainsi environ un tiers d’actions de plus que lors de son lancement fin 2017.

Sur le plan budgétaire, 283,1 millions d’euros ont été consommés entre 2018 et 2022 pour financer les différentes actions du plan, sur un total de 301,4 millions d’euros initialement programmés.

 Des réelles avancées qui étaient devenues impératives

Le plan Famille 1 a permis une amélioration sensible de la vie en unité, notamment grâce au déploiement du wifi gratuit dans plus de 2 600 bâtiments en métropole, en outre-mer et à l’étranger au sein des forces en présence. De nombreuses mesures ont apporté un réel soutien à la vie familiale des militaires, en particulier dans les domaines de l’aide à la parentalité (places en crèches), de l’emploi des conjoints (rôle des services de Défense mobilité), du logement ou de la gestion des ressources humaines par le ministère (plus grande prévisibilité des mutations et de la durée d’affectation du militaire).

  1.   Des difficultÉs peu nombreuses mais bien identifiÉes

 Une communication parfois défaillante et un pilotage laissant peu de marge de manœuvre au niveau local

La communication au sujet des mesures du plan Famille 1 est perfectible. La stratégie employée jusqu’ici ne permet pas d’atteindre efficacement les familles et les jeunes militaires, qui ne fréquentent qu’assez peu les canaux classiques de communication (Intradef notamment). En conséquence, certaines avancées ne sont pas identifiées par les militaires comme relevant du plan Famille, ce qui a pu créer une forme de déception par rapport aux annonces très fortes présentées au moment du lancement.

Par ailleurs, la marge de manœuvre laissée au niveau local dans le cadre du plan Famille 1 s’avère très restreinte. L’essentiel des actions conduites le sont au niveau central, souvent à partir de marchés nationaux, dans une logique de standardisation et de mutualisation. Pourtant, les besoins exprimés par les militaires sont parfois très différents selon l’offre locale de services (en matière de crèches par exemple). Le pilotage centralisé du plan Famille 1 n’a donc pas été gage de son efficacité.

 Un bilan globalement positif qui ne doit pas occulter de moindres réussites

Un certain nombre de mesures n’ont pas eu – jusqu’ici – les résultats escomptés en matière d’amélioration des conditions de vie des militaires. Sans pouvoir parler d’échecs, les actions visant à compenser les contraintes liées à la mobilité du militaire constituent de moindres succès. À titre d’exemple, il faut relever que :

– les actions ayant trait à l’enjeu du suivi médical ne permettent pas d’empêcher les ruptures de soins liées à la mobilité du militaire ;

– les besoins en logement et en hébergement sont tels que les programmes de construction ou d’acquisition demeurent insuffisants, a fortiori dans les zones de forte tension immobilière ;

– les effectifs qui se consacrent à la mise en place concrète des mesures sont parfois insuffisants, notamment dans les métiers du soutien comme les gérants de foyers et le personnel chargé de l’entretien courant des infrastructures.

 Des résultats ambivalents en termes d’attractivité et de fidélisation

S’agissant de la principale finalité du plan Famille, c’est-à-dire le renforcement de l’attractivité et de la fidélisation dans les carrières militaires, peu de résultats concluants peuvent être relevés. L’évolution de la durée moyenne de services des militaires sous-contrat a progressé, sans toutefois atteindre des niveaux qui permettraient aux armées de conserver les compétences. Le taux de renouvellement du premier contrat des militaires du rang connaît une trajectoire similaire. Les difficultés de fidélisation concernent les spécialisations en concurrence directe avec le secteur privé, comme l’énergie atomique ou les systèmes d’information. Il s’agit pourtant de spécialités dont le caractère est stratégique.

En fin de compte, la remontée des effectifs prévue dans le cadre de la LPM 2019-2025 se heurte à l’incapacité du ministère des Armées à recruter du personnel en nombre suffisant et à éviter les départs.

  1.   Le plan famille 2 : un changement de mÉthode qui devra faire ses preuves

 Un pilotage rénové et sans doute plus efficace que celui du plan Famille 1

Le plan Famille 2 sera recentré sur les territoires afin d’impliquer davantage les collectivités territoriales dans la mise en œuvre de certaines mesures. À ce titre, il sera demandé au commandement local d’assurer un dialogue structuré avec les collectivités territoriales pour améliorer l’accueil et l’intégration des familles et des militaires dans le bassin de vie.

Dans cette même logique, est annoncé un « effort de subsidiarité » ([26]) qui se traduira notamment par :

– des moyens supplémentaires mis à disposition du commandement des unités opérationnelles pour faciliter l’organisation d’activités sociales, communautaires et culturelles ;

– des crédits portés par le commandement local consacrés au financement de projets de rénovation et d’aménagement d’espaces à l’usage des familles situés dans les enceintes militaires ou en dehors, notamment d’espaces de coworking pour les conjoints, de lieux de convivialité ou encore d’espaces adaptés à la garde de jeunes enfants.

Le rapporteur spécial salue ce changement de méthode qui devrait permettre une utilisation plus efficace des crédits et la mise en œuvre de mesures répondant concrètement aux besoins exprimés par les militaires. Cette logique de subsidiarité appelle toutefois à une certaine vigilance pour maintenir une forme de cohérence dans l’ensemble des mesures mises en place visant à améliorer la condition du personnel.

 Un plan recentré bénéficiant d’un réel effort budgétaire et d’une nouvelle stratégie de communication

750 millions d’euros seront déployés sur les années 2024 à 2030 pour la mise en œuvre du plan Famille 2. À la différence du plan Famille 1, ce nouveau plan distinguera le volet « militaire et sa famille » du volet « quotidien du militaire en emprise militaire ». Aux yeux du rapporteur spécial, il s’agit d’une clarification bienvenue. Les mesures qui seront exclues du plan Famille 2 devront toutefois être poursuivies avec la même intensité.

Pour répondre aux difficultés liées à la communication, le ministère des Armées déploie un nouvel outil, dénommé « Famille des armées », dans le cadre du plan Famille 2. Il s’agit d’un réseau social ministériel sécurisé composé des communautés locales, au niveau des régiments et des bases des armées. Son déploiement sera conduit progressivement sur les régiments et les bases jusqu’en 2025.

 Des mesures s’inscrivant dans la continuité du plan Famille 1

Les mesures annoncées vont toutes – par nature – dans le sens d’une amélioration du quotidien des familles de militaires. S’il est encore trop tôt pour évaluer la pertinence des actions annoncées, le rapporteur spécial souhaite attirer l’attention de la commission sur deux questions :

– la poursuite du déploiement du wifi, qui constitue une mesure fortement plébiscitée par les militaires, pourrait être recentrée sur les zones prioritaires (zones blanches notamment) et s’accompagner d’éventuels ajustements (prise en charge de forfaits téléphoniques lorsque cette solution est plus pertinente) ;

– la question du suivi médical demeure une problématique majeure. Il conviendrait de surmonter l’impossibilité d’élaborer des listes de praticiens potentiellement disponibles et de demander aux praticiens de réserver des places au profit de la communauté militaire, au nom du principe d’équité dans l’accès aux soins (article L. 1110-3 du code de la santé publique).


Le coût et l’organisation de la Présidence française de l’Union européenne : un bilan mitigéDirection de l’action du Gouvernement ; Publications officielles et information administrative (Mme Marie-Christine Dalloz)

La France a assuré la présidence du Conseil de l’Union européenne du 1er janvier au 30 juin 2022. Pour atteindre les priorités fixées par le Président de la République, 416 événements ont été organisés sous la supervision du Secrétariat général de la présidence française du Conseil de l’Union européenne (SGPFUE). Cet organe éphémère, dont la création a été décidée au cours de l’automne 2019, avait pour mission de coordonner l’organisation des réunions devant se tenir dans le cadre de la PFUE.

D’un point de vue budgétaire, le SGPFUE, en tant que responsable du programme 359 Présidence française du Conseil de l’Union européenne en 2022, avait pour mission de gérer le budget alloué à cet événement, dont l’enveloppe prévisionnelle s’élevait à 150 millions d’euros. Ce montant a été estimé d’après une programmation budgétaire n’ayant pas été déterminée en fonction du programme détaillé de la présidence, en raison de la tardiveté de l’annonce des priorités politiques par rapport aux échéances budgétaires.

Compte tenu de l’importance du budget alloué à la PFUE et des écueils relevés par la Cour des comptes à propos de la précédente présidence française, au second semestre 2008, le rapporteur a estimé nécessaire de s’intéresser aux modalités d’organisation déployées pour cet événement (I) ainsi qu’à l’allocation des crédits inscrits sur le programme 359 Présidence française de l’Union européenne en 2022 (II). Le rapporteur s’est en outre intéressé au dispositif de performance qui, bien qu’amélioré par rapport à celui de 2008, demeure encore perfectible (III).

  1.   Une organisation rodée malgré la mise en place tardive du secrétariat général

Le SGPFUE a constitué la cheville ouvrière de l’organisation

 Le SGPFUE avait pour mission d’assurer la coordination des réunions organisées dans le cadre de la PFUE dans le temps imparti et dans le respect de l’enveloppe budgétaire allouée. Il a assuré un pilotage resserré des équipes dans les ministères afin de contraindre les dépenses.

 Cependant, sa nomination n’a eu lieu qu’à compter du 10 septembre 2020, ce qui ne lui a pas permis de participer pleinement à l’élaboration du budget avec les ministères. Le rapporteur recommande dès lors de procéder à la nomination du SGPFUE au moins deux ans avant le début du semestre de la présidence française.

Les ministères ont été pleinement intégrés au processus budgétaire.

 Les ministères ont été sollicités par la direction du budget dès le mois de février 2020 : la synthèse de leurs demandes atteignait alors 172,7 millions d’euros, dont 35 millions d’euros pour la Présidence de la République. Le cabinet du Premier ministre a ensuite arbitré une enveloppe globale de 150 millions d’euros. Finalement, les crédits disponibles avant le calcul de la réserve de précaution se sont élevés à 145,5 millions d’euros en AE et en CP.

 En cours de gestion, les ministères étaient largement impliqués puisque les responsables des unités opérationnelles ministérielles bénéficiaient d’une délégation de gestion et qu’ils étaient les ordonnateurs de leurs crédits respectifs. Ils ont été sollicités à intervalles réguliers par le SGPFUE afin d’établir des comptes rendus de gestion.

Les services du Premier ministre ont assuré un soutien opérationnel.

 La direction des services administratifs et financiers a été un appui sur un certain nombre de sujets : budget, transport, calcul des émissions carbone. Le DSAF ayant été nommé responsable du programme 359 au moment de la dissolution du SGPFUE, ses services en ont repris la gestion.

 Le service d’information du Gouvernement a apporté son expertise dans la mise en œuvre des actions de communication et a mis en place un baromètre d’opinion afin de mesurer la perception de la PFUE par les Français.

  1.   Une enveloppe budgétaire sous-exécutée malgré une programmation dense

La programmation s’est révélée excessive.

 Bien que les événements aient pu avoir lieu sur l’ensemble du territoire, leur grand nombre a eu pour effet d’affecter la lisibilité de la communication. En effet, 416 événements ont été organisés dans le cadre de la PFUE. Le rapporteur regrette l’annonce tardive des priorités politiques retenues, alors qu’une annonce plus précoce aurait permis de limiter le nombre d’événements ou de les rassembler par thématique.

 Sur les exercices 2021 et 2022, les crédits consommés sur l’action 1 s’élèvent à 32,2 millions d’euros correspondant à l’organisation de 38 événements : 8 manifestations en présence du Président de la République et 30 réunions ministérielles informelles. S’il ne s’agit pas du volet de la présidence le plus important financièrement, les crédits alloués pour chaque événement sont plus importants compte tenu de l’ampleur des manifestations : le coût de l’organisation du sommet des chefs d’État et de gouvernement qui s’est tenu à Versailles les 10 et 11 mars 2022 s’est élevé à 5,5 millions d’euros, auxquels s’ajoute un transfert de 1,5 million d’euros vers la mission Culture au titre de la compensation de la perte de recettes ainsi que des coûts afférents à la préparation de l’événement.

 Sur la même période, les crédits consommés sur l’action 2 s’élèvent à 51,1 millions d’euros pour l’organisation de 378 événements. L’événement le plus onéreux est le sommet de l’océan qui s’est tenu à Brest du 9 au 11 février 2022 pour un coût de 4,7 millions d’euros.

Les dépenses ont parfois revêtu un caractère somptuaire au regard de la période de crise.

– Le coût total du projet de décoration des bâtiments du Conseil a atteint à 1 060 540 euros, soit 1 % des crédits exécutés sur le programme pour une installation temporaire. En effet, à l’issue de la présidence, les principales œuvres ont été recyclées car leur taille ne permettait pas de les réemployer, certaines œuvres ont été acquises par le Mobilier national et d’autres ont été rendues à leur créateur.

– Les dépenses de communication au sens strict s’élèvent à 3,5 millions d’euros. Parmi ces dépenses, le montant alloué à l’illumination de la tour Eiffel était de 739 380 euros, financés à partir des crédits du programme 359 alors que ce poste de dépenses avait été pris en charge par le mécénat en 2008. Pour les dépenses de communication, le rapporteur incite à recourir au mécénat dans un cadre conforme aux lignes directrices du Secrétariat général du Conseil.

– Plus de 1,2 million d’euros ont été dépensés pour des objets promotionnels et cadeaux protocolaires destinés à un public très varié (ministres, collaborateurs, hauts fonctionnaires, journalistes). Le rapporteur invite à avoir une réflexion sur les catégories de bénéficiaires afin de réduire les coûts de ce poste de dépenses.

La sous-exécution significative a révélé une enveloppe budgétaire mal calibrée.

 Sur la période 2021-2022, les crédits alloués au programme 359 ont été significativement sous‑exécutés : – 32,4 % en autorisations d’engagement et – 32,9 % en crédits de paiement.

 La mise en place d’une réserve spéciale correspondant à 10 % des crédits disponibles sur les deux années après application de la réserve légale de précaution, soit 14,4 millions d’euros, a contribué à accentuer la sous-exécution budgétaire. Le rapporteur considère que les proportions décidées pour cette réserve auraient pu être plus adaptées en abaissant le taux à 5 %.

 L’Union européenne a contribué au financement de la PFUE en prenant en charge le financement de certains événements, comme le sommet avec l’Union africaine, et en subventionnant d’autres manifestations. Les institutions européennes ont concouru au financement de certains événements pour un montant de subventions global de 1,1 million d’euros.

 Un certain nombre de missions, à l’instar du transport, du dessin de l’emblème de la PFUE et de l’interprétation des réunions, ont pu être internalisées, ce qui a été source d’économies.

  1.   Un dispositif de performance perfectible

Le dispositif de performance a été enrichi par rapport à 2008

 Par rapport à 2008, le dispositif de performance a été enrichi. Le programme 359 comportait ainsi deux objectifs : exercer une présidence durable de l’Union européenne et réussir l’organisation de la présidence.

 En émettant 41 138 tonnes équivalent CO2 (tCO2e), c’est-à-dire moins que la cible estimée à 72 000 tCO2e pour 2022, l’objectif d’exercer une présidence durable a été atteint. Ces émissions ont été compensées par l’achat de crédits carbone dans le cadre d’une convention avec l’Office national des forêts et d’un marché avec une société.

 L’objectif relatif à la réussite de l’organisation de la présidence a été évalué grâce à deux indicateurs : la satisfaction par participant et le coût moyen par participant. La satisfaction globale a été établie par une note de 4,2 sur 5, soit un résultat inférieur à la cible fixée à 4,5 et à la note de 2008 qui s’élevait à 4,3 sur 5. Le coût moyen par participant, pour les réunions ministérielles informelles et les conférences ministérielles s’élève à 1 909 euros, légèrement inférieur à la cible qui était fixée à 2 000 euros.

Néanmoins, l’absence d’un objectif de performance relatif à l’impact politique de la PFUE demeure préjudiciable.

 Si le bilan de la PFUE semble être positif compte tenu de l’adoption d’un grand nombre de textes, aucun indicateur n’a permis de quantifier ce bilan.

 Le rapporteur estime pourtant nécessaire la mise en place d’un indicateur de performance mesurant l’efficience des négociations menées dans le cadre d’un tel événement. Pour ce faire, il propose de se fonder sur les priorités politiques annoncées au lancement de la PFUE afin de calculer leur taux de mise en œuvre à l’issue du semestre.

 Les dépenses de communication au sens strict ont représenté 3,5 millions d’euros et les crédits dépensés dans le cadre du programme 359 ont atteint 100 millions d’euros pour cette PFUE. Pour autant, dans son rapport final, le SGPFUE constate que la présidence n’est pas un objet politique en soi pour un grand nombre de Français. Le rapporteur recommande la mise en place d’un indicateur mesurant le degré de connaissance de la PFUE par les Français et la perception qu’ils en ont.

Les principales recommandations du rapporteur spécial :

– Procéder à la nomination du SGPFUE au moins deux ans avant le début du semestre de la présidence française.

– Réduire les dépenses de communication en développant le recours au mécénat dans un cadre conforme aux lignes directrices du Secrétariat général du Conseil.

– Diminuer le nombre de bénéficiaires des objets promotionnels.

– Limiter la réserve spéciale des crédits à 5 % du budget de la PFUE.

– Mettre en place un objectif de performance relatif à l’impact politique de la PFUE qui mesurerait le taux de priorités politiques satisfaites et la perception des Français.


Les modalités du financement des transports en France : transports en commun et collectifsÉcologie, développement et mobilité durables : Infrastructures et services de transports ; Charges de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État ; Contrôle et exploitation aériens (Mmes Christine Arrighi et Eva Sas)

Les rapporteures spéciales, dans la lignée des travaux qu’elles avaient conduits à l’automne, ont souhaité examiner la question des besoins de financement de certains transports à faible impact environnemental : les transports collectifs en milieu urbain ou péri-urbain et les trains d’équilibre du territoire.

À l’heure de l’urgence climatique que nul ne peut désormais ignorer, les transports, qui représentent 30 % des émissions de gaz à effet de serre de la France, sont un levier d’action majeur. Un choc d’offre est donc nécessaire, ce qui suppose dans un premier temps des financements importants. Ce choc d’offre créera ensuite un accroissement de la demande, en stimulant le report modal : avant de construire un pont, on ne regarde pas combien de personnes traversent une rivière à la nage.

Les rapporteures spéciales se sont ainsi intéressées à trois transports utiles pour limiter l’impact environnemental du secteur : les transports collectifs urbains gérés par les autorités organisatrices de la mobilité (AOM), parmi lesquelles Île-de-France Mobilités (IDFM), les trains d’équilibre du territoire (TET), dont les trains de nuit, et enfin les RER métropolitains.

  1.   Les AOM sont confrontÉes À une crise deS ressources et une explosion deS dÉpenses qui metTENT en pÉril LEUR fonctionnement

 Les recettes variées des AOM

– Les AOM disposent de ressources diversifiées, la principale d’entre elles étant le versement mobilité (VM). Hors Île-de-France, le versement mobilité a représenté 42 % des recettes des AOM locales en 2020, pour un produit total de 4,04 milliards d’euros. Il s’est avéré relativement résilient face à la crise sanitaire, même si une baisse de 6 % a été observée entre 2019 et 2020. Les AOM ont de surcroît reçu diverses aides et compensations de l’État pendant la crise sanitaire, sans toutefois qu’elles couvrent les pertes de recettes enregistrées dans la période.

– Cependant, le versement mobilité bénéficie avant tout aux AOM concentrant sur leur territoire l’activité économique et l’implantation des entreprises. De ce fait, des AOM plus rurales peuvent se retrouver démunies pour financer une offre de transports collectifs à la hauteur des enjeux climatiques, ce qui ne permet pas d’encourager les habitants à utiliser les transports collectifs.

– Des financements sont apportés par l’État par le biais des appels à projets. Depuis 2008, 389 projets ont ainsi été subventionnés pour un montant de 2,7 milliards d’euros. Des soutiens exceptionnels sont aussi accordés ponctuellement, par exemple pour le plan Marseille en grand. Enfin, la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) finance également des projets dédiés aux mobilités. Toutefois, ces soutiens sont centrés sur l’investissement, non sur le fonctionnement des transports collectifs.

 La crise de financement des AOM résulte de diverses causes, dont certaines sont des choix politiques

– Les recettes tarifaires ont été fortement affectées par la crise sanitaire. Les AOM auraient ainsi perdu un total de 484 millions d’euros à ce titre en 2020 par rapport à 2019.

– Parallèlement à ces chocs à la baisse sur les recettes des AOM, celles-ci sont confrontées à des chocs à la hausse qui engendrent une augmentation de leurs dépenses. L’augmentation des péages ferroviaires et l’inflation liée à la crise énergétique augmentent leurs dépenses de fonctionnement, tandis que les besoins d’investissements importants liés aux zones à faibles émissions mobilités (ZFE-m) et au nécessaire report modal afin de lutter contre le dérèglement climatique accroissent leurs dépenses d’investissement dans un premier temps, puis à terme leurs dépenses de fonctionnement pour financer l’exploitation de l’offre nouvelle de transports.

– Les péages ferroviaires sont dus à SNCF Réseau pour toute circulation d’un train. Le contrat de performance conclu par l’État avec le gestionnaire d’infrastructures prévoit une augmentation très importante de ces péages dans les prochaines années, afin que les coûts de gestion de l’infrastructure soient assurés par les usagers des trains, non par les contribuables. En 2026, les redevances devraient ainsi être supérieures de 28 % à celles de 2019.

– De telles hausses des péages entraîneront inévitablement une augmentation des tarifs pour les usagers, nuisant par-là même au report modal vers le train, pourtant l’un des transports au plus faible impact environnemental. Il s’agit d’un choix politique que les rapporteures spéciales contestent et qui est doublement incompréhensible :

Il est incompréhensible que le développement du report modal vers le transport ferroviaire, qui bénéficiera à toutes et tous grâce aux externalités positives sur l’environnement, ne soit pas financé par la puissance publique ;

Il est incompréhensible que les infrastructures de transport ferroviaire doivent être financées par leurs usagers, alors que les routes hors autoroutes, qui permettent un transport bien plus nuisible à l’environnement, sont financées par le contribuable, et que le transport aérien, dévastateur pour notre planète, est financé indirectement via les nombreux avantages fiscaux dont il bénéficie.

– Des solutions de financement alternatives existent pourtant : avant tout l’augmentation du taux du versement mobilité et l’instauration pour les régions de la faculté de le lever, mais aussi la baisse du taux de TVA sur les transports collectifs ferroviaires et routiers financée par une TVA à taux normal sur le transport par avion, ou encore la hausse de la taxe de séjour sur les hôtels de luxe.

  1.   Pour Île-de-France mobilitÉs, le Grand Paris express engendre des besoins de financement trÈs importants

– Le versement mobilité devrait représenter 48 % des recettes de fonctionnement d’IDFM en 2023, devant les recettes tarifaires (33 %) et les contributions statutaires des collectivités membres (12 %).

– IDFM doit faire face à l’impact de la hausse du coût de l’énergie (750 millions d’euros en 2023) aux financements de l’offre supplémentaire des Jeux olympiques et paralympiques (200 millions d’euros) et, surtout, au coût d’exploitation à venir du Grand Paris express, estimé entre 900 millions d’euros et 1 milliard d’euros par an.

– IDFM a également lancé un ambitieux programme d’investissements de 28 milliards d’euros sur la période 2024-2031, dont 17 milliards d’euros pour le renouvellement du matériel roulant. Tout en sachant que la mise en accessibilité de l’ensemble du métro coûterait plusieurs dizaines de milliards d’euros et se heurterait sans doute à des impossibilités techniques, il serait par ailleurs souhaitable d’augmenter les investissements en faveur de l’accessibilité du réseau.

– Les rapporteures spéciales sont conscientes de la situation déplorable des transports en Île-de-France actuellement. Pour financer les investissements nécessaires à leur amélioration, elles privilégient des pistes alternatives à l’augmentation du tarif des usagers dans une période où les ménages franciliens sont confrontés, pour nombre d’entre eux, à une baisse de leur pouvoir d’achat. L’augmentation du taux du versement mobilité, de la taxe de séjour et des tarifs de transport pour les touristes, ainsi que la mise à contribution du secteur aérien et la captation d’une partie des plus-values foncières générées par les nouvelles gares sont des pistes à explorer.

  1.   Les trains d’Équilibre du territoire : aprÈs les discours, place aux actes et aux financements

– Le réseau des TET comprend 12 lignes, dont 4 lignes de nuit ; l’État en est l’autorité organisatrice. Ils transportent chaque année près de 9 millions de passagers.

– La relance des trains de nuit apparaît aux rapporteures spéciales comme une priorité. Véritables alternatives à l’avion, ils sont aussi un enjeu d’aménagement du territoire.

– Malgré les discours volontaristes du Gouvernement, les financements restent pour l’heure absents. Un rapport administratif avait estimé le montant nécessaire à 1,45 milliard d’euros. Le Gouvernement a annoncé sa volonté d’investir 800 millions d’euros, mais ni la budgétisation ni le financement de ces crédits ne sont encore connus.

– Outre les problèmes financiers, le développement des trains de nuit se heurte aussi à la concurrence avec les travaux de régénération et de modernisation du réseau ferroviaire, absolument indispensables, qui prennent place généralement la nuit, et dont l’importance croîtra – fort heureusement – dans les années à venir, du moins si les annonces du Gouvernement en la matière sont concrétisées.

– La qualité de service de ces trains devra aussi être fortement améliorée pour les rendre attractifs, alors qu’en 2022 le train reliant Paris à Lourdes n’a été à l’heure que 3 fois sur 4.

  1.   Les RER mÉtropolitains : une bonne idÉe, des financements À trouver

– Les RER métropolitains sont des outils d’aménagement du territoire indispensables dans de nombreuses agglomérations, notamment pour renforcer l’acceptabilité sociale des nécessaires ZFE-m.

– La Société du Grand Paris devrait être mobilisée pour apporter son expertise technique.

– Le coût de chaque projet est estimé à environ 1 milliard d’euros d’investissements pour la mise en place. Les rapporteures spéciales appellent cependant à ne pas reproduire l’erreur commise en Île-de-France de ne pas se soucier du financement des coûts d’exploitation au moment de la planification du réseau. Il faut dès à présent évaluer le coût d’exploitation prévisionnel et les recettes et contributions qui permettront de le prendre en charge.


Le financement et l’efficacité des dispositifs de soutien à l’investissement dans l’énergie et à la limitation des charges énergétiques des entreprises et des ménagesÉcologie, développement et mobilité durables : Énergie, climat et après-mines ; Service public de l’énergie ; Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale (MM. David Amiel et Emmanuel Lacresse)

Les travaux de rénovation énergétique ont pris une ampleur inédite en France depuis 2020 et le lancement du dispositif MaPrimeRénov’, porté par le programme 174 Énergie, climat et après-mines. MaPrimeRénov’ a ainsi rencontré un réel succès auprès des Français et permis des gains significatifs à hauteur d’1,4 million de tonnes de CO2 par an. Toutefois, le service public de la rénovation de l’habitat doit encore se structurer afin de contribuer de façon décisive à l’objectif de baisse des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050.

Le soutien à la transition énergétique repose également sur la production massive d’énergies renouvelables : le programme 345 Service public de l’énergie est le support de cette politique publique dont le fonctionnement a été profondément modifié à la suite de la hausse des prix du gaz naturel et de l’électricité. Si les consommateurs finals ont pu être protégés d’une augmentation insoutenable de leurs factures d’énergie, des négociations sont désormais en cours afin de réformer l’organisation du marché européen de l’électricité et l’adapter aux enjeux de transition et de résilience.

Ainsi, les rapporteurs spéciaux ont décidé d’étudier en premier lieu la montée en charge du service public de la rénovation de l’habitat autour du dispositif MaPrimeRénov’ et les options disponibles afin de favoriser la massification des travaux (I). Dans un second temps, ils se sont intéressés à des aspects complémentaires de la transition énergétique : l’efficacité des dispositifs de soutien aux consommateurs finals dans un contexte d’inflation des coûts de l’énergie et les modalités de révision du soutien à l’investissement dans les énergies renouvelables (II).

  1.   La montÉe en charge du service public de la rÉnovation de l’habitat autour du dispositif maprimerÉnov’ doit reposer sur une stratÉgie de planification

 MaPrimeRénov’ doit continuer à être améliorée

 Créé par l’article 15 de la loi de finances pour 2020 et géré par l’Agence nationale de l’habitat (Anah), le dispositif MaPrimeRénov’ (MPR) est aujourd’hui la principale aide au financement des travaux de rénovation énergétique de l’habitat privé. Il fait l’objet d’un engagement budgétaire significatif de l’État : 2,5 milliards d’euros en CP ont été ouverts à ce titre en 2022, pour une consommation à hauteur de 2,1 milliards d’euros (83,7 %). Les résultats sont massifs : entre sa création et le premier trimestre 2023, 1,52 million de dossiers ont été acceptés et 3,5 milliards d’euros de primes soldées. MaPrimeRénov a permis de faire entrer la rénovation énergétique dans les mœurs, avec une augmentation très importante du nombre de bénéficiaires et de l’efficacité des gestes.

– Le dispositif MPR doit continuer à être fiabilisé. La fraude qui consiste à usurper les identités de demandeurs ou d’entreprises s’est développée ; des contrôles renforcés ont été mis en œuvre par l’Anah et les délais d’engagement et de paiement ont été allongés en conséquence. Les délais d’instruction des demandes demeurent un sujet d’attention. En outre, la qualité du diagnostic de performance énergétique (DPE) et des travaux réalisés est indispensable. Des initiatives, dont il conviendra de mesurer l’effectivité, ont été récemment lancées sur ces thèmes.

– L’accompagnement des ménages doit être renforcé. Le lancement de France Rénov’ vise à simplifier le parcours des usagers et à créer un service public de la rénovation de l’habitat avec une couverture nationale (554 espaces conseil pour 2 337 conseillers). En effet, les aides à la rénovation énergétique, simples dans leur fonctionnement, sont inscrites dans un processus complexe : c’est l’objet du dispositif MonAccompagnateurRénov’ (MAR), entré en vigueur au 1er janvier 2023, qui fournit un conseil aux ménages sur le diagnostic préalable aux travaux et le plan de financement afin de mobiliser l’ensemble des aides disponibles. Les moyens consacrés à MonAccompagnateurRénov’ devront être renforcés, notamment pour inciter les professionnels les plus qualifiés à y participer et pour répondre aux défis liés aux différents types de bâtis.

– Le dispositif doit davantage inciter à recourir à des rénovations performantes. En 2022, sur les 670 000 rénovations aidées, 10 % peuvent être considérées comme des rénovations globales (dont environ 50 % en copropriétés). Le paramétrage de MaPrimeRénov’ devrait évoluer pour encourager davantage les multi-gestes : il faudra le faire selon un calendrier clair pour permettre à la filière de se structurer en fonction de besoins prévisibles.

 De nouveaux instruments nécessaires pour trouver une solution financière à chaque ménage

– Les aides budgétaires, malgré les élargissements des dernières années, restent ciblées vers les ménages très modestes et modestes, qui représentent 84 % du montant total des primes accordées. Il apparaît donc nécessaire de compléter les dispositifs de subventions publiques directes en réduisant le reste à charge, notamment pour les catégories intermédiaires. À ce titre, le secteur bancaire doit se mobiliser bien davantage. Le prêt avance rénovation, dont le principe consiste à emprunter afin de financer des travaux de rénovation énergétique mais à ne rembourser – principal comme intérêt – qu’au moment de la mutation du bien, pourrait s’avérer un instrument efficace en généralisant son usage et en ciblant les primo-accédants. Les sociétés de tiers financement ont aussi un rôle jouer : une expérimentation est ainsi en cours jusqu’à fin 2023 concernant la distribution de l’éco-PTZ « Performance Globale et Copropriétés ».

– Une planification pluriannuelle du soutien à la rénovation énergétique, tant en matière de subventions publiques directes que d’aides à l’émergence de dispositifs innovants, devrait être effectuée pour donner de la visibilité aux ménages, aux professionnels et s’assurer que des solutions adéquates sont à leur disposition.

 De nouveaux instruments nécessaires pour répondre à la diversité des territoires

– MaPrimeRénov’ est une aide avant tout conçue pour la rénovation du logement individuel. Elle reste encore trop peu utilisée dans les copropriétés du parc privé. En 2022, sur les 670 000 logements dont les travaux de rénovation énergétique ont bénéficié d’une aide MaPrimeRénov’ (individuelle, copropriété et sérénité), seulement 25 938 l’ont été dans le cadre d’une rénovation à l’échelle de leur copropriété, pour un total de 523 copropriétés concernées.

– Les modalités de décision des copropriétés devront être simplifiées. Un « fonds tours » pourrait être envisagé pour répondre aux difficultés spécifiques des très grandes copropriétés. Surtout, il conviendra de mettre en place, particulièrement dans les zones denses, une planification territoriale, quartier par quartier, qui traitera les questions relatives aux économies d’énergie, à la décarbonation et à l’adaptation au réchauffement climatique. Cette démarche suppose une réflexion sur la gouvernance, la réglementation, la décentralisation, qui va bien au-delà de cette évaluation. À ce titre, le plan « Action Cœur de Ville » ou le programme « Quartiers Résilients » de l’ANRU pourraient fournir des illustrations pertinentes en termes de coordination des financements et des acteurs impliqués.

Principales recommandations des rapporteurs spéciaux :

– Poursuivre les efforts en matière de réduction des délais d’instruction et de paiement, de lutte contre la fraude, de mesure des gains d’efficacité énergétique et de décarbonation.

– Renforcer l’accompagnement des ménages et l’incitation aux rénovations performantes.

– Au-delà des subventions budgétaires directes, généraliser l’accès au prêt avance rénovation (PAR) et mobiliser davantage le secteur bancaire.

– Poursuivre les réflexions afin de simplifier la prise de décision dans les copropriétés pour accélérer les travaux de rénovation énergétique, notamment en envisageant la constitution d’un « fonds tours », et étudier les instruments d’une planification territoriale de la rénovation énergétique par quartier dans les zones urbaines denses.

– Établir une planification pluriannuelle du financement de la rénovation énergétique des logements.

  1.   le contexte de prix ÉlevÉs de l’Énergie, amortis pour les consommateurs finals grÂce À des dispositifs efficaces, invite À rÉformer le soutien À la production d’Énergies renouvelables

 Des mesures exceptionnelles de protection des consommateurs ont été introduites en réponse à la crise énergétique depuis 2021

– Alors qu’à l’été 2021 les prix de gros du gaz fluctuaient autour de 25 €/mégawattheure (MWh) et ceux de l’électricité autour de 50 €/MWh, les prix de gros du gaz à terme pour 2023 dépassaient 300 €/MWh et ceux de l’électricité le seuil des 1 100 €/MWh à la fin août 2022. De nombreux dispositifs de soutien, portés par l’action 17 du programme 345, ont été mis en œuvre afin d’amortir le coût de cette forte inflation pour les consommateurs finals, tant les ménages que les entreprises.

– Le « bouclier tarifaire » sur le gaz naturel a permis de geler les tarifs réglementés de vente du gaz (TRVg) à leur niveau TTC d’octobre 2021 jusqu’au 31 décembre 2022. La LFI pour 2023 a prolongé le « bouclier gaz » en limitant la hausse des TRVg à 15 % TTC pour la période du 1er janvier 2023 au 30 juin 2023 et en précisant les modalités de continuité du bouclier pour le second semestre 2023 à la suite de l’extinction des TRVg. Le « bouclier tarifaire » électricité correspond à la somme de trois mesures : une baisse de l’accise sur l’électricité (ex-TICFE) à son niveau plancher (soit 1 ou 0,50 €/MWh selon les catégories), un rehaussement exceptionnel de 20 TWh de la quantité d’accès régulé à l’électricité nucléaire d’origine historique (ARENH) cédée par EDF en 2022, enfin un blocage de la hausse des tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVe) à 4 % TTC en 2022 puis à 15 % TTC à partir du 1er février 2023.

– Un « amortisseur » a été introduit par la LFI pour 2023 pour les consommateurs professionnels n’étant pas éligibles au bouclier tarifaire électricité. En outre, le « sur-amortisseur TPE » assure à toutes les TPE et assimilées un plafond du prix hors taxe et hors acheminement à 230 €/MWh sur l’année 2023. L’ensemble de ces dispositifs font l’objet d’une compensation par l’État des pertes que les fournisseurs subissent, au titre des charges de services public de l’énergie (CSPE).

 Grâce à un engagement budgétaire massif de l’État, les dispositifs mis en place ont permis de limiter l’impact de la hausse des prix de l’énergie

– Les dispositifs mis en œuvre ont permis de protéger les consommateurs de hausses majeures de leurs factures d’énergie. Ainsi, les TRVe auraient dû augmenter de + 99 % au 1er février 2023 sans bouclier sur l’électricité. En 2023, 6,2 millions de sites sont compensés en moyenne chaque mois par le bouclier gaz, 166 TWh d’électricité sont couverts par le bouclier électricité et 55 TWh par les amortisseurs électricité. Les fournisseurs d’énergie font néanmoins état de certaines difficultés d’application, liées à la complexité des règles et à la multiplicité des guichets d’aide.

– L’efficacité des mesures a pour contrepartie un coût budgétaire significatif pour l’État, compensé partiellement par les recettes perçues au titre des CSPE négatives (cf. annexe) : le montant total, réévalué à la baisse par rapport au PLF pour 2023, est estimé à près de 39 milliards d’euros sur la période 2022-2024, dont 25 milliards pour le bouclier électricité et 10 milliards pour le bouclier gaz.

– Les prix de l’électricité et du gaz pour la France actuellement observés sur les marchés ont fortement diminué depuis l’été 2022 mais restent supérieurs à leur niveau d’avant-crise : les prix du gaz pour 2024 se sont stabilisés entre 50 et 60 €/MWh, tandis que les prix de l’électricité pour 2024 fluctuent autour de 200 €/MWh. Aujourd’hui, l’estimation du coût des boucliers par rapport à l’estimation sous-jacente au PLF pour 2023 est en baisse de l’ordre de 15 milliards d’euros (diminution de 5 milliards d’euros sur l’électricité et de 10 milliards d’euros sur le gaz).

 Une révision à venir des modalités du soutien à l’investissement dans les énergies renouvelables

 Afin d’encourager la production d’énergies renouvelables dans le cadre aujourd’hui déterminé par la directive 2019/944 du 5 juin 2019 et de garantir aux producteurs, sur le long terme, une rémunération supérieure à la valeur de marché de l’énergie produite, l’État a mis en place les contrats d’obligation d’achat et de complément de rémunération, dont le coût budgétaire est imputé sur le programme 345. Aujourd’hui, l’impact de la variation des prix de l’énergie sur les CSPE invite à faire plus largement du programme 345 le support budgétaire de la stratégie de résilience énergétique française grâce à la diversification des sources de production.

– À ce titre, les rapporteurs spéciaux se sont intéressés à la gestion par EDF-OA des contrats d’obligation d’achat (environ 483 000) et des contrats de complément de rémunération (environ 1 087). Depuis 2021, alors que la quasi-totalité des contrats ont vu leur prix garanti devenir inférieur aux prix de marché, les producteurs ont dû rembourser les sommes perçues en plus de celles accordées lors de la définition du contrat : 52,2 TWh sont concernés en 2022, pour un solde en faveur des finances publiques de 4,3 milliards d’euros. En 2022, 711 producteurs ont souhaité se retirer de ce mécanisme, pour un manque à gagner d’environ 560 millions d’euros au titre des OA et de 30 millions d’euros pour les CR. Cette dynamique s’est ensuite arrêtée avec la diminution des prix spot et l’introduction par la LFI pour 2023 de la contribution sur la rente infra-marginale.

– Enfin, la crise actuelle des prix de l’énergie a mis en évidence les limites de l’organisation du marché européen de l’électricité. Pour la France, les objectifs principaux de la réforme européenne du marché de l’électricité sont de faire bénéficier tous les consommateurs français de la compétitivité du parc de production, dans la perspective de la sortie de l’ARENH au 31 décembre 2025, et d’inciter les producteurs à investir dans des moyens décarbonés. Le sujet principal de discussion entre États membres concerne les outils de long terme auxquels devront être soumis les moyens de production, c’est-à-dire les contrats de long terme (Power Purchase Agreements – PPA) et les contrats pour différence (Contracts for Différence ­– CFD). Ces derniers permettront notamment une redistribution aux consommateurs en cas de prix de marché élevés.

 

Les principales recommandations des rapporteurs spéciaux :

– Maintenir les dispositifs de soutien aux consommateurs pour l’électricité tant que l’incertitude demeure sur le retour en service complet du parc nucléaire, avec une priorité donnée dans l’industrie aux consommateurs exposés à la concurrence internationale.

– Engager une réflexion pour faire du programme 345 le support budgétaire de la stratégie de résilience énergétique française, en y rassemblant notamment les crédits de la recherche pour l’hydrogène et le nucléaire, afin de fournir une vue globale du soutien de l’État à la transition du secteur de la production énergétique.

– Dans le cadre de la réforme en cours des règles européennes du marché de l’énergie :

- maintenir le régime des tarifs réglementés des particuliers et obtenir un tarif de gros pour les contrats de long terme ;

- prévoir que les capacités de production existantes, en particulier nucléaires, puissent être mises sous CFD, en isolant, dans un régime de financement dédié par l’État, l’investissement dans la recherche dans le nouveau nucléaire et dans la construction des EPR pour éviter un niveau de prix trop différent du niveau actuel de l’ARENH.


ANNEXE

Coût estimé (en comptabilité budgétaire) des dispositifs d’aide aux consommateurs finals face à la hausse des prix de l’énergie

(en millions d’euros)

 

2022

2023

2024

TOTAL

Montant au titre de l’année

Montant payé en 2022

Montant au titre de l’année

Estimation du montant à payer en 2023

Évaluation PLF 2023

Estimation du montant à payer en 2024

Bouclier électricité individuel

– 165 (*)

131

23 937

21 646

27 000

1 995

23 772

Bouclier électricité collectif

360

 

720

720

19 900

360

1 080

Bouclier gaz individuel

3 549

580

1 867

4 680

156

5 416

Bouclier gaz collectif

3 384

592

1 233

3 980

45

4 617

Mesure électromobilité

 

 

50

25

25

50

Amortisseur électricité

 

 

3 667

3 361

3 000

306

3 667

Dont suramortisseur TPE

 

 

605

555

 

50

605

Mesure TPE complémentaire (guichet ASP)

 

 

170

156

 

14

170

TOTAL dispositifs d’aide

7 128

1 303

31 644

34 569

49 900

2 900

38 772

Reliquats de charges 2022 à payer en 2023

 

 

 

2 100

3 100

 

 

Recettes CSPE (**)

 

 

 

– 15 000

– 32 000

 

 

TOTAL à payer

 

 

 

21 669

21 000

 

 

Source : direction générale de l’énergie et du climat (DGEC).

 

(*) Ce montant total de – 165 millions d’euros de compensations de charges de service public se décompose en :

 

(**) La délibération de la CRE attendue en juillet 2023 permettra de connaître le montant définitif des CSPE pour 2022, de réévaluer le montant attendu pour 2023 et de donner une première estimation du montant pour 2024.


L’évaluation du système dual en matière de sûreté nucléaire, garanti par l’indépendance entre la fonction de régulateur assurée par l’ASN et celle d’expertise assurée par l’IRSNÉcologie, développement et mobilité durables : Paysage, eau et biodiversité ; Prévention des risques ; Expertise, information géographique et météorologie ; Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et des mobilités durables (Mme Alma Dufour et M. Sébastien Rome)

Le 8 février 2023, la ministre de la transition énergétique annonçait dans un communiqué de presse le transfert des compétences d’expertise et de recherche de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) vers l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Le 25 février 2023, moins d’un mois après l’annonce de ce chantier d’ampleur, le Gouvernement a déposé, lors de l’examen du projet de loi de relance du nucléaire par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, deux amendements proposant ce transfert.

Au-delà de la question de la méthode employée par le Gouvernement, consistant à faire passer sa réforme par voie d’amendement sans consultation préalable des différentes parties concernées et des parlementaires, ce qui n’est pas de nature à renforcer la confiance, pourtant essentielle, de nos concitoyens dans le système de contrôle de la sûreté de nos installations nucléaires, ce transfert de compétences pose de véritables questions de fond.

En effet, après l’annonce de la relance du nucléaire civil en France et face aux nombreux enjeux du parc nucléaire français, un tel chantier mobilisera des énergies et des moyens considérables alors que ceux-ci pourraient être employés sur les activités de contrôle et d’expertise, ayant vocation à augmenter considérablement dans les années à venir.

Si ce projet a finalement été écarté par le Parlement au terme de l’examen du projet de loi de relance du nucléaire, le ministère de la transition énergétique a indiqué que le Gouvernement entendait poursuivre ses réflexions.

Aussi, les rapporteurs spéciaux ont souhaité évaluer le contrôle de la sûreté nucléaire en France, et plus spécifiquement la répartition des missions entre l’ASN et l’IRSN.

  1.   le contrôle de la sûreté nucléaire repose sur la séparation entre une autorité de contrôle et un organisme principal d’expertise, dont les missions sont clairement réparties

● L’ASN est l’autorité décisionnaire en matière de contrôle de la sûreté nucléaire

Fruit d’une évolution historique accompagnant le développement de l’industrie nucléaire en France, l’ASN, autorité administrative indépendante (AAI), a été créée en 2006 afin de contrôler les activités nucléaires civiles et la radioprotection.

Dotée d’environ 450 agents de droit public répartis entre le siège parisien et onze divisions territoriales, l’ASN exerce cinq missions principales : la réglementation ; la délivrance de décisions individuelles concernant les installations nucléaires et le nucléaire de proximité (création, démantèlement, etc.) ; le contrôle du respect des règles auxquels sont soumises ces installations, sous la responsabilité première de l’exploitant ; l’information du public ; l’assistance au Gouvernement en cas de crise.

Pour l’exercice de ses missions de contrôle et de décision, l’ASN peut avoir recours à ses propres capacités d’expertise, notamment s’agissant des équipements sous pression et des questions environnementales. Pour les dossiers les plus complexes en revanche, l’ASN a principalement recours aux services de l’IRSN. Cette assistance peut prendre différentes formes, principalement des avis, des rapports ou des notes techniques, la participation à des groupes de travail organisés par l’ASN ou encore des formations destinées à son personnel. En 2022, l’IRSN a adressé à l’ASN 489 livrables, dont 239 avis techniques.

 L’IRSN est le principal organisme d’appui technique en matière de sûreté nucléaire, exerçant des missions d’expertise et de recherche

Créé en 2001, l’IRSN est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), placé sous la tutelle conjointe des ministres chargés de l’environnement, de la défense, de l’énergie, de la recherche et de la santé. Il emploie 1 770 agents, quasi exclusivement des salariés de droit privé, répartis entre le siège et huit sites en région.

L’IRSN exerce quatre grandes missions : l’expertise de sûreté, de surveillance radiologique et en radioprotection (réalisation d’analyses, de dosages, d’examens en laboratoire, etc.) ; la recherche, « orientée » car elle a pour objectif de développer les connaissances et techniques au service de l’expertise (cette recherche orientée s’élève à 40 % du budget de l’Institut) ; l’assistance aux pouvoirs publics en cas d’accident ou d’incident impliquant des sources de rayonnement ionisant ; l’information du public.

L’ASN est le commanditaire principal de l’expertise de l’IRSN, avec 82,7 millions d’euros consacrés à l’Autorité sur les 110,3 millions d’euros de dépenses d’appui technique de l’Institut aux autorités de l’État en 2022. Cet appui à l’ASN, qui mobilise environ 430 ETP de l’IRSN, représente de l’ordre de 25 % des activités de ce dernier.

Son statut d’EPIC permet également à l’IRSN de réaliser certains actes commerciaux, comme la vente de prestations en dosimétrie ou encore de licences de codes de calculs à des exploitants d’installations nucléaires.

  1.   Le contrôle de la sûreté nucléaire est aujourd’hui un processus bien organisé et efficace, même s’il connaît certaines complexités budgétaires et administratives

 L’ASN et l’IRSN entretiennent un dialogue constant à toutes les étapes de l’inspection des installations nucléaires

Une convention cadre pluriannuelle conclue entre l’ASN et l’IRSN règles les modalités de l’appui technique de l’Institut à l’Autorité. Cette convention est déclinée chaque année dans des protocoles d’application qui définissent le programme de travail des deux entités ainsi que les moyens mis en œuvre pour sa réalisation.

Lors de la réalisation d’une inspection de l’ASN qui engage l’expertise de l’IRSN, ce dernier est associé à toutes les étapes de la procédure : sollicité dès la préparation de l’inspection, l’IRSN reçoit la saisine et définit une stratégie d’expertise en sollicitant les différents spécialistes concernés puis en centralisant leurs contributions ; il informe l’ASN de l’avancement de l’expertise, en lien avec l’exploitant ; puis il rédige un rapport d’expertise avec des recommandations adressées à l’exploitant, qui sera ensuite transmis à l’ASN.

Le dialogue est constant entre l’ASN et l’IRSN et s’accomplit dans de bonnes conditions. Notre système de contrôle ne repose pas sur une séparation hermétique entre le décideur et l’expert, mais sur une organisation qui permet d’assurer un véritable continuum entre expertise et prise de décision, tout en assurant une répartition claire des responsabilités de chacun et en évitant toute confusion.

 Le contrôle de la sûreté nucléaire présente des complexités budgétaires et administratives, qu’il est parfaitement possible de corriger

Le financement de la sûreté nucléaire est assuré par de multiples canaux, ce qui affaiblit sa lisibilité et in fine son contrôle démocratique.

Ainsi, le budget de l’ASN, de 68,3 millions d’euros en 2022, repose sur quatre programmes (principalement le 181 pour les emplois et dépenses de personnel, mais aussi les programmes supports 217, 218 et 354) complétés par des fonds de concours et l’attribution de produits.

Le budget de l’IRSN, quant à lui, d’un total de 276,4 millions d’euros en 2022, est alimenté par deux programmes (le 190 pour le civil et le 212 pour la défense), le produit d’une taxe affectée acquittée par les exploitants des installations nucléaires de base (INB), et des ressources propres (notamment des cofinancements de recherche et le produit de prestations commerciales).

Aussi, la connaissance du montant global du budget consacré à la sûreté nucléaire en France est un exercice complexe, en raison notamment de l’absence d’un périmètre de référence (nucléaire civil ou militaire, incluant ou non la radioprotection, etc.) et du caractère mutualisé de certains programmes. Les rapporteurs spéciaux proposent donc de créer une annexe au projet de loi de finances retraçant l’ensemble de l’effort financier consacré à la sûreté nucléaire.

Le contrôle de la sûreté nucléaire fait également face à certaines rigidités administratives, notamment en cas de crise, comme le soulignent les différents exercices menés avec l’ASN et l’IRSN. Les rapporteurs spéciaux proposent ainsi une meilleure clarification des compétences entre les deux organismes, ainsi que la mise en place d’un centre de crise commun.

  1.   Face aux nombreux enjeux auxquels devra faire face notre parc nucléaire, il faut renforcer les moyens de l’ASN et de l’IRSN sans bouleverser l’organisation du système de contrôle de la sûreté

 Il est urgent de renforcer les moyens de l’ASN et de l’IRSN pour leur permettre d’absorber la forte charge de travail à venir

Face aux enjeux liés à la relance du nucléaire civil, au vieillissement du parc français ainsi qu’à son adaptation au changement climatique, la charge d’activité en matière de contrôle et d’expertise de la sûreté nucléaire est appelée à augmenter fortement dans les années à venir.

Aussi, il est urgent de renforcer des moyens financiers et humains de l’ASN et de l’IRSN : les rapporteurs spéciaux proposent donc d’augmenter les ressources de l’IRSN par une hausse de la dotation du programme 190 et de la taxe affectée par les exploitants des INB, ainsi que de poursuivre la hausse des ETP pour l’Autorité et l’Institut.

Un effort d’attractivité de leurs métiers doit également être engagé, en particulier s’agissant de la rémunération des agents, dans un contexte de forte concurrence avec les industriels privés. Les rapporteurs spéciaux sont d’avis d’augmenter la rémunération des agents de l’ASN et de l’IRSN et de l’aligner sur celle pratiquée dans le secteur privé, afin d’attirer des profils dont les compétences sont par définition rares.

 Face aux menaces qu’il fait planer sur un système de contrôle ayant fait ses preuves, le projet de transfert de compétences du Gouvernement doit être abandonné

Le projet du Gouvernement de transférer les compétences d’expertise et de recherche dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection de l’IRSN vers l’ASN et sa mise en œuvre par voie d’amendement a pris l’ensemble des acteurs de la sûreté nucléaire ainsi que les parlementaires par surprise.

Au-delà de la brutalité de la méthode employée, ce projet présente plusieurs problèmes de fond, qui militent pour son abandon.

Tout d’abord, ce projet désorganisera sur plusieurs années le fonctionnement de deux organismes qui ont appris au fil des années à travailler en bonne intelligence, alors que la qualité des échanges entre les équipes a été soulignée par l’ensemble des personnes auditionnées.

Ensuite, ce transfert privera la recherche en sûreté nucléaire des financements issus des partenariats, permis par le statut d’EPIC de l’IRSN. Ces partenariats sont essentiels afin d’alimenter la recherche, qui elle-même servira ensuite à l’expertise. Si la recherche devait être centralisée auprès de l’ASN, son statut d’AAI rendra la conclusion de ces partenariats beaucoup plus complexe, voire impossible pour certains.

Enfin, ce projet risque de menacer l’attractivité des métiers du contrôle et de l’expertise de la sûreté nucléaire sur un marché du travail déjà très concurrentiel, en créant de l’incertitude et un manque de visibilité sur les parcours professionnels chez de potentiels futurs agents. S’agissant spécifiquement de l’IRSN, ce projet privera les agents de la souplesse permise par le statut d’EPIC, notamment en matière de recrutement et de rémunération.

Aussi, les rapporteurs spéciaux recommandent vivement l’abandon de ce projet, afin de concentrer les forces en présence sur l’importante charge de travail dans les années à venir plutôt que sur la mise en place d’une nouvelle architecture incertaine du contrôle de la sûreté nucléaire.

Les principales recommandations des rapporteurs spéciaux :

– Créer une annexe au projet de loi de finances retraçant l’ensemble de l’effort financier consacré à la sûreté nucléaire en France ;

– Clarifier la répartition des compétences en matière de gestion de crise entre l’ASN et l’IRSN, et étudier la mise en place d’un centre de crise commun entre les deux organismes. Les modalités d’organisation de ce centre devront faire l’objet d’échanges entre le Gouvernement, l’ASN et l’IRSN afin de disposer de la structure la plus efficace pour clarifier la chaîne de réponse en cas de situation d’urgence ;

– Évaluer le dispositif de l’ASN permettant de signaler des irrégularités rencontrées dans les installations nucléaires, afin de s’assurer de sa connaissance par les agents et salariés du secteur et connaître les suites concrètes données à ces signalements. À la lumière des résultats de cette évaluation, la création d’un régime juridique spécifique aux lanceurs d’alerte dans le domaine du nucléaire pourrait être souhaitable ;

– Augmenter les ressources de l’IRSN pour garantir sa soutenabilité sur le long terme, par une hausse de la subvention portée par le programme 190 ainsi qu’une hausse du produit de la taxe affectée acquittée par les exploitants des INB ;

– Poursuivre l’effort d’augmentation des moyens humains pour l’ASN et l’IRSN afin de leur permettre de disposer de suffisamment d’agents face à la hausse de la charge de travail dans les années à venir ;

– Augmenter la rémunération des agents de l’ASN et de l’IRSN et l’aligner sur celle pratiquée dans le secteur privé, afin de garantir l’attractivité de leurs métiers dans un contexte de forte concurrence sur le marché du travail ;

– Abandonner le projet de transfert des compétences d’expertise et de recherche de l’IRSN vers l’ASN, afin de concentrer les forces en présence sur l’importante charge de travail dans les années à venir plutôt que sur la mise en place d’une nouvelle architecture incertaine du contrôle de la sûreté nucléaire.


Le déficit commercial de l’industrieÉconomie : Commerce extérieur (M. Franck Allisio)

En 2022, le solde commercial des biens est négatif à hauteur 164 milliards d’euros. Si l’accroissement de 78 milliards d’euros de ce déficit s’explique à hauteur de 86 % par l’augmentation du coût de l’énergie, il n’en demeure pas moins que le déficit commercial des produits manufacturés (hors énergie et produits agricoles) atteint 78,5 milliards.

Cette situation est le résultat de deux décennies de dégradation de la compétitivité-prix et hors-prix de l’industrie française par rapport à nos partenaires européens. La part de marché des exportations françaises dans les exportations de la zone euro est passée de 17,9 % en 2000 à 12,4 % en 2022.

La création de la Team France Export (2018) vise à unifier et simplifier les dispositifs de soutien à l’export pilotés par Business France, Bpifrance Assurance export, les chambres de commerce et d’industrie ainsi que les conseils régionaux. Le renouveau récent de la politique industrielle marque, par ailleurs, une prise de conscience des pouvoirs publics dans ce domaine. Des mesures ont été adoptées pour améliorer la compétitivité-prix de notre économie, réduire les impôts de production et investir dans l’innovation, via le plan France 2030 (54 milliards d’euros).

Dans ce contexte, le rapporteur spécial a souhaité évaluer les dispositifs de soutien à l’export industriel et les raisons pour lesquelles le déficit commercial de la France s’est accru depuis le début des années 2000. Le soutien à la compétitivité-prix a corrigé partiellement les écarts avec nos partenaires européens sans parvenir à enrayer durablement la dynamique de perte de parts de marché de l’industrie française à l’export (I). La création de la Team France Export a permis d’unifier efficacement le soutien public à l’export et mériterait d’être renforcée. (II) Le rapporteur spécial propose de confier à la Team France Export un rôle d’accompagnement des entreprises lauréates des investissements prévus dans le cadre du plan France 2030 et de renforcer son rôle au service des PME exportatrices (III).

  1.   Une balance commerciale durablement dÉficitaire

 La France connaît une dégradation continue du solde commercial de son industrie depuis 2000

Le solde de la balance commerciale des biens connaît une dégradation constante depuis 2000. Il est négatif depuis 2004 et la France n’a pas connu un déficit commercial inférieur à 40 milliards d’euros depuis 2006. Cette courbe épouse celle de la désindustrialisation : la part de l’industrie française dans la valeur ajoutée industrielle de la zone euro est passée de 17,8 % en 2000 à 13,3 % en 2022.

Cette dégradation couplée de la balance commerciale des biens et de la production industrielle, particulièrement marquée en France, s’explique notamment par la détérioration de sa compétitivité. Les parts de marché des exportations françaises dans les exportations mondiales de biens ont été divisées par deux depuis 2000 (de 5,1 % à 2,3 %). Les choix d’internationalisation des entreprises s’opèrent davantage via la délocalisation : le poids des ventes des filiales industrielles à l’étranger représente 2,5 à 3 fois la valeur ajoutée industrielle de la France contre 1,3 fois en Allemagne. Enfin, la France a nettement moins d’entreprises exportatrices (144 400 en 2022) que l’Allemagne (261 760) et l’Italie (191 380).

 Le soutien à la compétitivité prix n’a pas enrayé durablement les pertes de parts de marché de la France à l’export

Si les politiques de soutien à la compétitivité-prix ont permis d’améliorer le taux de marge des entreprises industrielles, elles n’ont pas enrayé les pertes de parts de marché des exportateurs français au sein de la zone euro qui ont chuté de 0,9 point depuis 2019.

La France souffre également d’une compétitivité hors-prix défavorable. L’institut Rexecode, auditionné par le rapporteur spécial, réalise chaque année une enquête sur la compétitivité hors-prix des exportations françaises auprès de 500 importateurs européens. Si les produits français sont jugés de bonne qualité, ils pâtissent d’un rapport qualité prix défavorable. Auditionnée par le rapporteur spécial, Bpifrance a également souligné que les PME françaises connaissaient un déficit significatif de compétitivité hors-prix et de digitalisation. Ainsi, la France reste en 11e position dans le classement de l’European innovation scoreboard établi par la Commission européenne. Cet indicateur évalue les capacités d’innovation des différents pays européens.

 L’année 2022 est marquée par une hausse des exports contrebalancée par une hausse plus importante des importations

En 2022, les exportations françaises de biens ont progressé de 18,5 % en valeur tandis que les importations de biens ont augmenté de 29,1 %. La France est notamment affectée par la dégradation du solde de certains secteurs comme l’automobile (dont le déficit augmente d’1,9 milliard d’euros et atteint -19,9 milliards d’euros). Certains secteurs clé, comme l’aéronautique, n’ont pas encore retrouvé leur niveau d’exportations de 2019.

  1.   La team France export : une structure de soutien À l’export qui mÉriterait d’Être renforcÉe

 La mise en place de la Team France Export a concrétisé le guichet unique des dispositifs de soutien à l’export

              Les accords stratégiques conclus par Business France avec CCI France et Bpifrance ont permis la mise en place de 222 conseillers et chargés d’affaires internationaux de la Team France Export implantés au sein des CCI régionales et des directions régionales de Bpifrance.

Cette coordination articulée entre les différents acteurs a conduit à un déploiement satisfaisant du plan de relance export. Doté de 247 millions d’euros, le plan a conduit au développement d’une offre d’information digitalisée, au déploiement de 19 300 chèques relance export (33 millions d’euros) finançant à hauteur de 50 % des frais d’achat de prestations de projection à l’export, au financement de 1 905 chèques VIE (volontariat international économique) prenant en charge 5 000 euros pour l’envoi en mission d’un VIE par une PME-ETI ainsi qu’au renforcement de l’assurance-prospection et de l’assurance prospection-accompagnement visant à avancer les frais des PME qui engagent des démarches de prospection à l’international.

Durant les deux années de crise, la mise en place de dispositifs de réassurance publique Cap Francexport et Cap Francexport + a par ailleurs permis de prendre le relais des assureurs-crédit à l’export privés qui se désengageaient. Le bilan des garanties publiques à l’export gérées par Bpifrance atteste de la reprise des exportations. Au titre de l’assurance-crédit et de l’assurance-crédit-investissement, 30,3 milliards d’euros de contrats ont ainsi été pris en garantie en 2022, soit près du double de l’année précédente.

Le rapporteur spécial regrette néanmoins qu’un plafond de 97,5 millions d’euros de couverture du déficit ait été fixé pour l’assurance prospection car ce produit s’adresse en priorité aux PME qui engagent des dépenses de prospection à l’international. Cette procédure est structurellement déficitaire puisqu’il s’agit, pour Bpifrance, d’accorder une avance remboursable visant à financer les dépenses de prospection des marchés à l’export engagées par les entreprises. Si le succès de la prospection n’est pas avéré, l’État prend en charge une partie de cette avance. Le déficit de la procédure d’assurance prospection a, dès lors, été plafonné à 97,5 millions d’euros. Il conviendrait d’augmenter ce plafond de déficit pour soutenir davantage les PME qui engagent des dépenses de prospection en vue d’exporter.

 Un portage budgétaire insuffisamment ambitieux

Sur l’année 2022, 277 millions d’euros en AE et 272 millions d’euros ont été dépensés au service du commerce extérieur (subventions aux opérateurs, plan de relance export et fonds d’aide publique au développement qui soutiennent les entreprises qui s’engagent dans des projets d’infrastructures dans les pays en développement). Ce montant paraît limité par rapport à l’enjeu. La subvention pour charges de service public versée à Business France a notamment diminué de 10 millions d’euros entre 2018 et 2022. La taxe pour frais de chambre affectée aux CCI a également diminué de 1,3 milliard à 525 millions d’euros entre 2012 et 2023.

Le rapporteur spécial se félicite que la subvention accordée à Business France ait été augmentée de 15,6 millions d’euros lors de la dernière loi de finances. Il convient à tout le moins de maintenir la subvention de Business France comme telle pour permettre à la Team France Export d’assumer son rôle dans l’accompagnement à l’export des entreprises lauréates des crédits du plan d’investissement France 2030.

  1.   Vers une stratÉgie plus intégrÉe entre l’action de la Team France Export et le plan d’investissement France 2030 pilotÉ par le SGPI

 Les liens entre le SGPI et Business France devraient être renforcés afin d’accompagner les entreprises lauréates des crédits du plan d’investissement France 2030 à l’export

Bpifrance s’est vu confier 17,8 milliards d’euros du plan d’investissement France 2030, dont 3,8 milliards d’euros en soutien aux écosystèmes d’innovation, 11 milliards d’euros sur le volet dirigé visant à porter à maturation des innovations dans des secteurs stratégiques et 3 milliards d’euros de fonds de French Tech et de fonds d’amorçage.

La Team France Export est trop peu associée au déploiement de ces investissements. Il conviendrait que les acteurs de la Team France Export puissent apporter des plans d’accompagnement à l’export aux entreprises lauréates de ces investissements. À ce titre, Business France développe un programme visant à proposer à 1 000 entreprises lauréates des crédits du plan d’investissement France 2030 un conseiller international dédié, un plan d’accompagnement à l’export et une prise en charge d’une partie du coût de ce plan export. Il paraît fondamental que la Team France Export et le Secrétariat général pour l’investissement puissent renforcer leurs liens dans ce cadre. Un budget spécifique pourrait être envisagé.

 Renforcer le rôle de la Team France Export auprès des PME

Le réseau des PME exportatrices reste insuffisant en France. Afin de favoriser les PME primo-exportatrices, il pourrait être envisagé d’augmenter le plafond de la garantie apportée dans le cadre de la procédure d’assurance-prospection, actuellement fixé à 97,5 millions d’euros. Celle-ci est naturellement déficitaire dès lors qu’il s’agit d’avancer des dépenses de prospection.

              On peut également envisager de renforcer le rôle de la Team France Export pour promouvoir l’esprit de filière et la solidarité entre PME, ETI et grands groupes dans la conquête de parts de marché à l’export. La Team France Export pourrait être davantage associée à la mise en œuvre des contrats stratégiques de filière pour diffuser une culture de conquête collective des parts de marché à l’export et soutenir la constitution de réseaux d’entreprises établissant des stratégies collectives en ce sens.

Les principales recommandations du rapporteur spécial :

– Confier à la Team France Export la mission d’accompagner prioritairement les entreprises lauréates des crédits du plan d’investissement France 2030 à l’export et envisager un budget spécifique pour ces actions

– Créer un indicateur mesurant les performances de l’accompagnement export dont bénéficient les entreprises lauréates du plan d’investissement France 2030

– Augmenter le plafond du déficit associé à la garantie apportée dans le cadre de l’assurance prospection pour permettre à Bpifrance d’accorder cette avance sur les dépenses de prospection à davantage de PME

– Renforcer le rôle de la Team France Export pour promouvoir l’esprit de filière dans les conquêtes de part de marché à l’export dans le cadre des contrats stratégiques de filières

– Soutenir le développement de réseaux privés d’entreprises qui structurent des stratégies de conquête de parts de marché à l’export sur le modèle des réseaux d’entreprises italiens

– Renforcer les dispositifs de formation des chefs d’entreprise de PME pour concevoir des stratégies à l’export et diffuser la connaissance des garanties publiques à l’export


L’accès aux données privées une nouvelle ressource pour l’Insee ?Économie : Statistiques et études économiques ; Stratégies économiques ; Accords monétaires internationaux (M. Michel Sala)

La crise de la Covid 19 a exacerbé les limites de l’accès aux données par l’Insee ; coupé de ses ressources traditionnelles, il a su innover en développant de nouveaux partenariats avec des acteurs de la société civile et en diversifiant ses sources.

Vingt années après les prémices de l’ouverture des données de l’Insee, l’extension de l’open data, désormais partie intégrante de la culture de l’institution, tend à s’étendre à de nouvelles frontières sans que le cadre normatif ou la doctrine de diffusion des données privées à destination des acteurs publics ne soient établis.

Le rapporteur spécial a décidé de s’intéresser à la manière dont l’Insee rend disponible les données dans le cadre de la politique d’open data ainsi qu’aux modalités d’accès aux données de nature privée. Une partie de l’avenir de la statistique publique se situe en effet, désormais, dans l’exploitation des données privées.

Le rapport d’information montre que si l’Insee s’impose comme un acteur de référence dans la production statistique (I) il n’en demeure pas moins corseté par un cadre normatif complexe et concurrencé par des acteurs privés disposant de nombreuses données (II). Un tel constat impose aujourd’hui de réfléchir aux moyens de fluidifier et d’intensifier les flux de données, notamment privées, au service de la statistique publique (III).

  1.   Un acteur de rÉfÉrence de la production statistique, garant de la bonne information publique et recueillant de trÈs nombreuses donnÉeS.

 L’Insee bénéficie d’un cadre normatif ancien et exigeant entourant son activité statistique.

 Le texte de référence applicable aujourd’hui encore à l’Insee a été promulgué en 1951 et détermine les modalités de réalisation des enquêtes statistiques. Surtout, il assujettit l’Institut à un respect absolu du principe de secret statistique.

 L’Insee réalise, selon des rythmes déterminés, mensuel pour certains indices et annuel pour des études et des recensements, des travaux dont la qualité assure la bonne information des décideurs et du public.

 Les productions de l’Insee sont adossées à des données particulièrement éclectiques, que ce soit des données en provenance d’enquêtes par échantillonnage, des données administratives ou encore des données de nature privée.

 L’open data a eu pour effet d’ouvrir les bases de données au public, poussant l’Insee à approfondir sa pédagogie et son accessibilité.

 L’open data a eu pour effet une ouverture large et gratuite des données produites par l’Institut. Pour certaines d’entre elles, auparavant revendues aux diffuseurs et utilisateurs de données, la fin des redevances a eu pour effet de diminuer les recettes perçues par l’Institut. C’est près de 11 millions d’euros issus de la revente de données qui ont dû être compensés chaque année par l’État.

 Par ailleurs, cette politique d’ouverture des données a fait évoluer les pratiques de l’Insee. Désormais, l’enjeu n’est plus tant à l’ouverture qu’à la recherche d’une qualité optimale de données disponibles.

 Aujourd’hui, la France apparaît en tête des classements européens en matière d’ouverture des données publiques, ce qui constitue une véritable réussite nationale.

  1.   L’Insee est corseté par un cadre juridique peu lisible et ENTOURÉ d’acteurs privés titulaires d’une masse croissante de DONNÉES.

 L’activité statistique de l’Insee est aujourd’hui limitée par un cadre normatif ancien, peu lisible.

 Le rapporteur spécial constate que le cadre applicable à la statistique publique est affecté de lourdeurs – ce qui conduit à brider l’utilisation de certaines data. Cela peut concerner, de manière paradoxale, des données administratives, mais également et majoritairement, des données de nature privée. Cela constitue un obstacle majeur à l’innovation et à la transformation de la production statistique.

 Par ailleurs, la discussion des textes Data Act et Data Governance Act en 2022 au niveau européen ainsi que la révision en cours du règlement n° 223/2009 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2009 sont source d’incertitudes pour les services statistiques et l’Insee et ne semblent pas répondre aux évolutions nécessaires à une exploitation pérenne et facilité des données privées à des fins statistiques.

 Au surplus, l’Institut apparaît concurrencé tant du point de vue de l’exploitation que de l’accès aux données par des acteurs privés.

 Cette concurrence tient tout d’abord à la massification de la donnée disponible. Les Big Tech apparaissent en effet comme les mieux placées pour exploiter les données dont le taux de croissance annuel moyen est d’environ 26 %.

 Cette concurrence revêt ensuite une incidence économique, dans la mesure où la donnée constitue une manne financière forte sur l’ensemble de sa chaîne d’utilisation (donnée matière première, donnée comme levier de gain de productivité et donnée comme actif stratégique sur un marché).

 Le rapporteur spécial note enfin que le cadre applicable aux données privées est aujourd’hui particulièrement protecteur pour les entreprises, empêchant un accaparement vertical en l’absence d’une notion juridique claire, fondée par exemple sur la notion de « donnée d’intérêt général ».

  1.   Afin de conforter la qualité de l’information statistique l’insee s’oriente vers la donnée privée, à la faveur d’une démarche partenariale.

 Le rapporteur spécial s’est intéressé aux partenariats entre l’Insee et des acteurs privés ayant permis de mobiliser des données d’une nouvelle nature à des fins de statistique publique.

– À cet égard, le rapporteur spécial relève que le partenariat établi avec les établissements bancaires, notamment avec La Banque Postale, apparaît comme un modèle de réussite en matière de mise à disposition des données et appelle à démultiplier cette pratique.

– En revanche, le partenariat avec les acteurs de la téléphonie mobile appelle un constat plus nuancé. Toutefois, il atteste de l’intérêt d’avoir recours à des données de nature nouvelle pour la production statistique.

 Le rapporteur spécial souhaite permettre des flux de données plus intenses et récurrents en faveur des services statistiques et de l’Insee.

Les principales recommandations du rapporteur spécial :

– Modifier la rédaction actuelle de l’article 3 bis de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 afin d’élargir l’accès des administrations publiques aux données privées.

– Expérimenter, à travers la donnée environnementale, la notion de « donnée d’intérêt général ».

– Recenser avec les acteurs concernés les données qui pourraient être communiquées dans le cadre de conventions de gré à gré.

– Proposer aux acteurs privés concernés par les échanges de données des garanties renforcées en matière de sécurité.

– Prévoir un dispositif de réquisition des données privées, lorsqu’un besoin d’intérêt général est établi.

– Sanctionner les refus systématiques et injustifiés d’accès aux données privées.

– Uniformiser la notion de secret statistique afin de renforcer la sécurité juridique des services statistiques.

– Développer la démarche de labellisation de séries statistiques produites par d’autres personnes que l’Insee et les services statistiques ministériels.

– Favoriser des concertations afin d’anticiper les besoins en matière de protection des données personnelles.


Les obligations assimilables du Trésor indexées sur l’inflationEngagements financiers de l’État (M. Kévin Mauvieux)

414 % : c’est la hausse en 2022 du coût pour l’État – et donc pour le contribuable – de la dette indexée sur l’inflation. La charge d’indexation du capital des obligations assimilables du Trésor indexées sur l’inflation française (OATi) et en zone euro (OAT€i) s’est établie à un niveau record de 15,5 milliards d’euros. Elle a constitué l’essentiel de la hausse de la charge totale de la dette de l’État en 2022, qui atteint 50,7 milliards d’euros. Au total, la mission Engagements financiers de l’État constitue le deuxième poste de dépense du budget général.

De tels pourcentages d’évolution demeurent rares en exécution budgétaire et les montants en jeu sont considérables en comparaison avec la plupart des politiques publiques. Pourtant, si l’ensemble des données relatives à l’encours de dette indexée et aux montants émis est publié par l’Agence France Trésor, il n’existe pas de réelle évaluation du bilan financier de long terme des OAT indexées. Le rapporteur spécial a donc souhaité, dans la continuité des constats qu’il a formulés dans le cadre du PLF pour 2023, se saisir de cette question au cours du printemps de l’évaluation.

Au regard des caractéristiques des titres indexés, il s’avère que ceux-ci apportent des gains théoriques et difficilement quantifiables au budget de l’État, en contrepartie de risques importants et avérés (I). Au regard de ces risques et de la situation constatée, le rapporteur spécial appelle à revoir la stratégie d’endettement de la France en mettant fin, à terme, à l’indexation de titres de dette sur l’inflation (II).

  1.   Les OAT indexÉes : Des gains thÉoriques, mais des risques avÉRÉs

 L’État émet depuis 1998 de la dette indexée sur l’inflation.

– Il s’agit d’une exception au principe général de non-indexation des prix et des contrats, qui profite aux investisseurs en leur permettant de se prémunir contre le risque d’une inflation plus élevée que prévu.

– Le capital des OAT indexées évolue chaque année en fonction de l’inflation constatée. En contrepartie, leur taux de coupon (intérêts annuels) est réduit.

– L’encours de dette indexée de l’État a progressé depuis 1998 et s’établit aujourd’hui à 262 milliards d’euros, soit 11,5 % de l’encours total de dette.

– La dette peut être indexée sur l’inflation française (OATi : 31 % du total) mais aussi, depuis 2001, sur l’inflation de la zone euro (OAT€i : 69 % du total).


 Les raisons invoquées pour l’émission d’OAT indexées tiennent à des gains avant tout théoriques.

– Les OAT indexées permettent théoriquement d’éviter à l’État de s’acquitter d’une prime de risque intégrée dans le taux de marché des OAT nominales. En contrepartie, l’État supporte luimême le risque lié à l’inflation.

– La diversification des canaux de financement peut permettre de diminuer la demande de l’État sur le marché des OAT nominales et ainsi de bénéficier de meilleures conditions de financement, mais cet effet demeure difficilement quantifiable.

 Les risques de la dette indexée sont en revanche avérés.

– En cas d’inflation soutenue, les OAT indexées sont à l’origine d’un effet direct à la hausse sur la charge de la dette via la provision pour indexation de leur capital. Une variation durable de 1 point du taux d’inflation entraîne, compte tenu de l’encours actuel, une variation de l’ordre de 2,5 milliards d’euros de la charge d’indexation annuelle.

– Le risque budgétaire représenté par les OAT€i est plus important que celui associé aux OATi en cas de choc asymétrique d’inflation, moindre en France qu’en zone euro, car la hausse de la charge de la dette n’est alors pas compensée par une hausse des recettes fiscales. Or, les OAT€i sont majoritaires (69 %).

– Les OAT indexées présentent par ailleurs des risques similaires à ceux des OAT nominales (effet « taux » et effet « volume »).

  1.   Tirer les Leçons de 2022 : mettre fin à l’indexation de la dette

 Le choc d’inflation de 2022 a conduit à un bond exceptionnel et imprévu de la charge de la dette indexée.

– Sous l’effet d’une inflation soutenue, la provision pour charge d’indexation du capital des OAT indexées s’est établie à 15,5 milliards d’euros en 2022. C’est 12,5 milliards d’euros de plus qu’en 2021, soit + 414 %, et 10,7 milliards d’euros de plus qu’anticipé en loi de finances initiale.

– Le coût des OAT indexées devrait s’établir à un niveau encore élevé en 2023 sous l’effet d’une inflation toujours soutenue et des règles de traitement comptable de la provision pour charge d’indexation.

– Au total, en 2023, le programme d’indexation devrait, sur toute sa durée d’existence, avoir représenté un coût budgétaire net pour l’État.


 Un risque désormais accru par la volatilité de l’inflation.

– Le choc d’inflation a culminé à l’automne 2022 (10,8 % en zone euro en octobre 2022), mais il n’est pas pour autant résorbé. La hausse des prix mesurée par les indices de référence des OAT indexées continue à un rythme soutenu (7 % en avril pour la zone euro et 5,8 % pour la France).

– La volatilité des prix devrait encore s’accentuer dans les années à venir, du fait notamment de la transition écologique, ce qui tend à renforcer le risque budgétaire représenté par la dette indexée.

 Face à ces constats, le Gouvernement ne peut pas maintenir inchangée sa stratégie d’endettement et devrait engager la mise en extinction de la dette indexée.

– Le Gouvernement britannique a engagé en 2018 une réduction de la part des émissions de dette indexée, qui est passée d’un quart environ du total en 2017 à un dixième en 2022. L’encours de dette indexée a donc commencé à diminuer au Royaume-Uni.

– En France, la stratégie de financement de l’État pourrait, à court terme, être adaptée pour mieux correspondre aux besoins de l’État et aux risques avérés. La cible d’émissions de dette indexée pourrait, comme au Royaume-Uni, être abaissée.

– Parallèlement à ces nouvelles orientations stratégiques, un objectif législatif d’extinction, à terme, du programme d’indexation devrait être fixé au regard des risques et du coût des OATi et des OAT€i.

Les recommandations du rapporteur spécial :

– Procéder à une évaluation, communiquée au Parlement, des impacts financiers sur le budget de l’État, à court, moyen et long termes, de l’encours de dette indexée sur l’inflation ainsi que du flux d’émissions.

– À court terme et en fonction des résultats de l’évaluation de l’impact financier de la dette indexée, réviser les programmes de financement indicatifs annuels afin, le cas échéant, de fixer une cible et des modalités d’émission de dette indexée correspondant mieux aux besoins de l’État et aux risques financiers avérés.

– Renforcer l’information du Parlement en prévoyant, au sein du rapport sur la dette des administrations publiques présenté par le Gouvernement en application du II de l’article 48 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, une actualisation annuelle de l’impact financier de la dette indexée.

– Au regard des risques que fait peser l’encours de dette indexée sur le budget de l’État et à l’issue de l’évaluation de ses impacts financiers, fixer un objectif législatif d’extinction, à terme, du programme d’indexation. Inscrite dans le cadre d’un désendettement plus général, cette extinction aurait un caractère progressif, afin d’assurer la liquidité des OATi et OAT€i existantes.

Médecine scolaire et santé à l’école Enseignement scolaire
(M. Robin Reda)

Grâce à l’accès à l’ensemble des enfants scolarisés de 3 à 16 ans et aux liens étroits entretenus entre les personnels de santé scolaire (médecins, infirmiers, psychologues de l’éducation nationale et assistants de service social) et les équipes pédagogiques (enseignants et personnels de vie scolaire), la politique de santé scolaire est amenée à jouer un rôle essentiel dans le repérage et la prise en charge des difficultés, des troubles et des souffrances des élèves. Pourtant, malgré des objectifs ambitieux et des personnels fortement impliqués auprès des élèves, la politique de santé scolaire ne parvient pas à pleinement réaliser ses missions.

  1.   La santÉ À l’École : une approche essentielle pour rÉpondre aux besoins des ÉlÈves

Les besoins des élèves sont grandissants

Les élèves rencontrent divers problèmes de santé qui peuvent entraver leur épanouissement et leur réussite à l’école : troubles sensoriels, troubles neuro-développementaux, pathologies chroniques et handicaps, violences intrafamiliales morales, physiques ou sexuelles, addictions, maladies sexuellement transmissibles et grossesses précoces.

Les personnels de l’éducation nationale sont ainsi en lien avec des élèves soumis à des problématiques diverses qui engendrent des difficultés scolaires, de l’absentéisme et du décrochage scolaire.

Des personnels médico-sociaux de l’éducation nationale présents pour répondre à ces besoins

La politique de santé scolaire repose sur une approche de santé globale et pluridisciplinaire, en lien avec les équipes pédagogiques. Instaurée après la Libération, elle a longtemps oscillé entre un rattachement à l’éducation nationale et au ministère de la santé. Ces hésitations historiques pèsent encore beaucoup sur l’organisation des services de santé scolaire et sur la répartition des missions entre les différentes catégories de personnels médico-sociaux.

Aujourd’hui, les missions de l’éducation nationale en matière de santé relèvent de trois grandes orientations :

– la prévention et le repérage précoce des troubles susceptibles d’entraver les apprentissages et l’accueil des élèves à leur demande ;

– l’accompagnement des élèves à besoins particuliers, et notamment des élèves en situation de handicap, dans l’accès à la scolarité au travers d’une individualisation de plus en plus importante des parcours ;

– les actions collectives d’éducation à la santé et de promotion de la santé.

Ces missions sont exercées par les médecins, les personnels infirmiers de l’éducation nationale, les personnels de service social et les psychologues de l’éducation nationale.

Si la vocation de l’école n’est pas de devenir un lieu de soin mais de rester avant tout tournée vers la pédagogie et les enseignements, mettre l’accent sur la santé et le bien-être des élèves contribue à garantir l’accès de chacun à la scolarité, à améliorer le climat scolaire, et à renforcer l’attractivité du métier des enseignants, qui peuvent bénéficier du soutien d’autres adultes formés et compétents pour accompagner les élèves à besoins particuliers.

Les services de santé scolaire sont de plus en plus sollicités pour accompagner les élèves et les enseignants

L’importance des services de santé scolaire est renforcée aujourd’hui sous l’effet de trois facteurs :

– la montée en puissance de l’école inclusive, qui implique une individualisation accrue des parcours scolaires des élèves ;

– la crise sanitaire, qui a fortement mobilisé les personnels pour accompagner la mise en œuvre des protocoles ayant permis de maintenir les écoles ouvertes ;

– les difficultés psychiques que connaissent de plus en plus les élèves de tout âge, qui doivent être accompagnés au mieux vers les solutions existant à l’extérieur de l’école.

  1.   La performance de la politique de santÉ scolaire n’est pas À la hauteur des enjeux

Le constat : malgré les moyens alloués, les objectifs assignés à la politique de santé scolaire ne sont pas atteints

Il est difficile de déterminer avec précision les moyens alloués chaque année à la santé scolaire car les documents budgétaires annexés aux projets de loi de finances ou aux projets de loi de règlement n’isolent pas ces données. Toutefois, au regard des travaux menés par la Cour des comptes sur l’année 2018 ([27]) et des données recueillies par le rapporteur spécial, chaque année, près de 1,3 milliard d’euros sont consacrés à la politique de santé scolaire.

L’éducation nationale rémunère environ 900 médecins, près de 8 000 infirmiers, plus de 3 000 assistants sociaux et 7 000 psychologues ([28]). Les médecins scolaires sont généralement affectés dans le premier degré scolaire, là où les infirmiers et les assistants sociaux travaillent plutôt dans le second degré scolaire. Les psychologues sont quant à eux répartis à parts égales dans les premier et second degrés. Ils sont rattachés aux réseaux d’aides spécialisées aux enfants en difficulté (RASED) et aux centres d’information et d’orientation (CIO).

Malgré la forte implication de ces différentes catégories de personnels, la politique de santé scolaire ne parvient pas à atteindre les objectifs qui lui sont assignés. L’évaluation de la performance de cette politique publique est d’autant plus difficile qu’elle ne fait l’objet que de peu d’indicateurs et de statistiques sur le travail fourni par les personnels.

Le marqueur le plus significatif, bien que partiel, d’une performance plutôt dégradée est la non-réalisation systématique des dépistages médicaux et infirmiers obligatoires au cours de la sixième année et de la douzième année de l’enfant. Si le bilan infirmier de la douzième année connaît un taux de réalisation autour de 60 %, la visite médicale obligatoire de la sixième année n’est réalisée que pour 20 % des élèves ([29]).

Par ailleurs, les représentants des personnels de santé scolaire font face à une grande difficulté à orienter les élèves dont les problématiques ont été repérées au sein de l’école vers des professionnels compétents extérieurs à l’éducation nationale (médecin traitant, ophtalmologiste, orthophoniste, pédopsychiatre, psychologue, etc.) afin que les enfants puissent être pleinement pris en charge et suivi dans le cadre de la médecine de ville. Les personnels de santé scolaire comme les personnels enseignants se heurtent dès lors à la question plus large des déserts médicaux, et ne peuvent en conséquence proposer que des solutions palliatives et insatisfaisantes aux difficultés rencontrées par les élèves.

Les causes : un manque de personnels et un pilotage défaillant

Depuis plusieurs années, les services de santé scolaire connaissent des difficultés de recrutement marquées et pérennes. C’est particulièrement le cas pour les médecins, dont le nombre a diminué de 20 % en dix ans. Malgré les postes ouverts, le nombre de candidats se présentant au concours reste faible (0,6 candidat par poste) et le taux de couverture des postes ouverts par les admis est tout juste supérieur à 50 % en 2021 ([30]).

Ces difficultés de recrutement résultent de plusieurs facteurs. C’est d’abord le fruit d’une démographie médicale en baisse sur l’ensemble du territoire national, quelles que soient la spécialité et les conditions d’exercice retenues, et d’une désaffection de longue date des étudiants en santé pour les disciplines relevant de la médecine de prévention. C’est ensuite le résultat d’un niveau de rémunération trop faible par rapport à d’autres médecins fonctionnaires, et de conditions de travail qui se sont dégradées.

Concernant les autres professions rattachées à la santé scolaire, les difficultés de recrutement existent dans une moindre mesure. En revanche, le manque de médecins scolaires implique, en premier lieu pour les personnels infirmiers, l’absence d’interlocuteur susceptible d’examiner et d’orienter les élèves dont les difficultés ont été repérées.

Par ailleurs, le pilotage de la politique de santé scolaire est défaillant sur plusieurs aspects. L’administration centrale du ministère de l’éducation nationale ne dispose pas de données consolidées et complètes ni sur le travail fourni par les différents personnels médico-sociaux, ni sur les problématiques de santé identifiées chez les élèves.

En outre, les quatre professions impliquées dans la politique de santé scolaire relèvent d’autorités hiérarchiques et fonctionnelles différentes, mais aussi de lignes budgétaires réparties sur plusieurs programmes de la mission Enseignement scolaire. Cela conduit à un manque de lisibilité des moyens qui leur sont consacrés et à un pilotage ne permettant pas d’instituer une collaboration systématique de ces différents métiers. Si la collaboration existe en pratique entre les personnels médico-sociaux, elle reste dépendante des relations interpersonnelles qu’ils peuvent ou non entretenir.

Les propositions du rapporteur pour améliorer la situation de la médecine scolaire

– Faire évoluer le statut et la rémunération des médecins scolaires pour qu’ils deviennent de véritables médecins de santé publique, et traduire dans la rémunération des infirmiers scolaires l’élargissement de leurs missions face au manque de médecins et leur implication, dans le premier degré, auprès des enfants en situation de handicap et à besoins particuliers.

– Faire connaître les missions des personnels médico-sociaux auprès des enseignants et des personnels de vie scolaire pour qu’ils puissent trouver des relais en cas de difficultés avec un élève et développer des modes de prise en charge tels que la téléconsultation afin de pouvoir répondre de manière plus immédiate aux besoins des élèves.

– Mettre l’accent sur la santé psychique des élèves à tous les âges, en renforçant l’attractivité du métier de psychologue, en recentrant leurs missions sur le soutien psychologique et en faisant évoluer les centres d’information et d’orientation vers des structures consacrées au bien-être des élèves.

– Favoriser, grâce à l’évolution des systèmes d’information et au développement du dossier médical partagé, une meilleure communication des informations entre la médecine de ville, la médecine de protection infantile et maternelle (PMI) et la médecine scolaire afin d’orienter en priorité les dépistages obligatoires vers les élèves qui en ont le plus besoin.

– Sensibiliser les directeurs académiques à la question de la santé scolaire afin de s’assurer d’un pilotage resserré des moyens budgétaires et humains qui sont alloués à ces services.

– Organiser une meilleure coordination institutionnelle des différentes catégories de personnels et resserrer le pilotage de leur travail pour éviter l’isolement face aux cas les plus complexes et mieux répartir leurs affectations entre le premier degré et le second degré.

– Améliorer la coordination entre les services du ministère de l’éducation nationale et les services du ministère de la santé au niveau local et développer des liens entre la médecine scolaire et les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) pour permettre l’orientation des élèves repérés à l’école vers des parcours de soin efficaces.


La mise en œuvre du droit à l’erreur par la direction générale des finances publiquesGestion des finances publiques (M. Louis Margueritte)

L’article 2 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance consacre le droit à l’erreur. Son plein effet en matière fiscale est assuré par les articles 5 et 9 de celle-ci, qui lui donnent la forme d’une réduction, en cas de dépôt d’une déclaration rectificative, de l’intérêt de retard dû.

Le rapporteur spécial a souhaité en examiner les modalités de mise en œuvre par la direction générale des finances publiques (DGFiP) et en tenter un premier bilan.

Le droit à l’erreur constitue une réelle incitation au civisme fiscal (I) et fait l’objet d’une bonne appropriation par les agents et une partie des contribuables (II), même si la remontée des taux peut inciter à réexaminer le niveau de l’intérêt de retard et celui des réductions consenties (III).

  1.   une incitation au civisme fiscal

 Le principe du droit à l’erreur et sa déclinaison en matière fiscale

– L’article2 de la loi pour un État au service d’une société de confiance pose le principe général selon lequel les usagers de bonne foi qui corrigent leurs erreurs ne peuvent pas faire l’objet d’une sanction, que ces derniers aient corrigé leur situation de leur propre initiative ou à l’invitation de l’administration.

– Le droit fiscal assurait déjà la reconnaissance d’une forme de droit à l’erreur au profit des contribuables de bonne foi, les inexactitudes ou omissions non délibérées n’étant passibles que de l’intérêt de retard, qui est le « prix du temps », non une sanction.

– Afin d’inciter à la régularisation, la loi pour un État au service d’une société de confiance prévoit une réduction du taux de l’intérêt de retard dans deux cas :


 Des conditions et des modalités simples

– Le taux réduit de l’intérêt de retard s’applique aux redevables qui ont déposé leur déclaration initiale dans les délais et se sont acquittés de leurs droits. Il est subordonné au respect des conditions suivantes :

– L’usager qui souhaite corriger ses déclarations peut le faire par les différents canaux de déclaration ou de contact avec les services fiscaux à sa disposition : correction en ligne, messagerie sécurisée et courriel, appel téléphonique, guichet. Il n’y a pas de modalités de saisine particulière, les dispositions relatives au droit à l’erreur étant en général applicables de plein droit et appliquées d’office aux usagers par les services dès lors que leurs démarches remplissent les conditions y ouvrant droit. Dans le cas des régularisations en cours de contrôle, le bénéfice des dispositions de la loi est subordonné à une demande formelle de l’usager.

 Ce que le droit à l’erreur n’est pas

– Le droit à l’erreur n’est pas le droit :

 Une bonne appropriation par les agents de la DGFiP

– Une instruction du 1er mars 2019 et une note cadre du 7 mars 2019 relative à la mise en œuvre de la loi pour un État au service d’une société de confiance ont été diffusées, la note étant accompagnée de fiches techniques et présentée aux personnels au niveau déconcentré.

– Le droit à l’erreur est intégré dans les modules de formation de la DGFiP, notamment dans le cadre de la formation continue avec des e-formations dédiées (l’une généraliste, l’autre spécifiquement centrée sur le contrôle fiscal).

– La notoriété du droit à l’erreur parmi les agents est excellente : en 2020, 98 % le connaissaient en 2020 (92 % en 2019) et 79 % des agents déclaraient avoir été informés ou formés sur les modalités de mise en œuvre de ce droit (56 % en 2019).

 Des actions de communication et d’information du contribuable

– Depuis la mi-juin 2019, l’ensemble des courriels en masse – courriels envoyés par la direction générale des finances publiques à un public spécifique sur un sujet déterminé – porte une mention informant l’usager destinataire de son droit à l’erreur, assortie d’un lien vers la plateforme Services Publics+ où sont répertoriées les principales erreurs et les manières de les éviter.

– La DGFiP a entrepris depuis 2019 de signaler l’existence du droit à l’erreur sur les différents documents et formulaires destinés aux usagers. La mention en est faite sur les déclarations ou la notice de celles-ci, ainsi que sur les avis d’imposition. Les avis d’imposition sont accompagnés d’un dépliant reprenant les erreurs les plus courantes et précisant comment les éviter.

– Le parcours de la déclaration de revenus en ligne est jalonné d’informations relatives au droit à l’erreur et d’indications pour éviter les erreurs les plus fréquentes.

– De nombreuses publications de la DGFiP sur les réseaux sociaux ont porté sur le droit à l’erreur.

– Des marges de progression subsistent toutefois : seuls 57 % des usagers particuliers ayant eu au moins un contact avec la DGFiP en 2022 et 76 % des usagers professionnels sauraient ce qu’est le droit à l’erreur.

  1.   des taux à rÉviser ?

 Un taux de l’intérêt de retard très réduit

– Lors de son instauration par la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières, le taux de l’intérêt de retard s’établissait à 0,75 % par mois, soit 9 % par an.

– La loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 a abaissé ce taux à 0,4 % par mois, soit 4,8 % par an.

– La loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 l’a encore réduit de moitié, à 0,2 % par mois, soit 2,4 % par an, pour les intérêts courants à compter du 1er janvier 2018 afin de mieux prendre en compte un contexte de taux bas, qu’il s’agisse du taux d’inflation ou des taux d’intérêt du marché.


 Un caractère incitatif susceptible d’être accentué

– Dans un contexte de hausse significative de l’inflation, un relèvement du taux paraîtrait adapté. D’une part, il permettrait une meilleure réparation du préjudice subi par le trésor en raison du retard de paiement. D’autre part, il rendrait plus substantielle et attractive la réduction consentie.

Les principales recommandations du rapporteur spécial

– Renforcer la communication relative au droit à l’erreur et valoriser le civisme fiscal.

– Envisager un relèvement du taux de l’intérêt de retard, éventuellement accompagné d’une hausse de la réduction à laquelle donne droit le dépôt d’une déclaration rectificative spontanée.

– Améliorer le suivi des déclarations rectificatives pour identifier les principales erreurs rectifiées et déterminer si des simplifications ou de nouvelles actions d’information seraient nécessaires.


L’orientation directive des demandeurs d’asile : le bilan favorable des deux premières années de mise en œuvreImmigration, asile et intégration (Mme Stella Dupont et M. Mathieu Lefèvre) :

  1.   l’ORIENTATION DIRECTIVE DES DEMANDEURS D’ASILE : CADRE JURIDIQUE ET CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE SUR LA PÉRIODE 2021‑2023

L’orientation directive des demandeurs d’asile vise à répartir sur le territoire métropolitain l’accueil des primo-demandeurs d’asile en besoin d’hébergement afin de corriger certains déséquilibres géographiques enregistrés lors du dépôt des demandes d’asile, et notamment une forte concentration en Île-de-France.

Le principe de l’orientation directive est prévu par le droit de l’Union européenne et éprouvé dans plusieurs pays,

En application de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, l’orientation directive repose sur :

– la création d’un schéma national et de schémas régionaux d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés ;

– la détermination de la région de résidence des demandeurs d’asile et le contrôle de leurs déplacements hors de cette région ;

– la subordination du maintien des conditions matérielles d’accueil à l’acceptation d’une proposition d’orientation directive.

La mise en œuvre de l’orientation directive pour la période 2021-2023 vise à rééquilibrer la prise en charge des demandeurs d’asile sur l’ensemble du territoire métropolitain              .

  1.   LE BILAN DES DEUX PREMIÈRES ANNÉES DE MISE EN ŒUVRE DE L’ORIENTATION DIRECTIVE DES DEMANDEURS D’ASILE est FAVORABLE en dépit de CERTAINES FRAGILITÉS ET TENSIONS

En Île de France :

– la réduction de la part des demandeurs d’asile franciliens dans le flux des primo‐demandeurs d’asile en France ;

– l’amélioration de la proportion des demandeurs d’asile hébergés ;

– la réduction du nombre de campements et de nuitées hôtelières.

En région :

– dans un contexte pourtant difficile, un nombre de décisions d’affectation et une répartition géographique proches des prévisions ;

– des orientations réalisées sous la forme d’une orientation avec hébergement.

– le taux de refus de l’orientation directive au départ de l’Île-de-France est proche de 25 % ;

– le taux de non présentation en région est inférieur à 15 % ;

– des variations importantes sont constatées selon la nationalité des demandeurs d’asile et, de manière limitée, selon la zone géographique d’affectation.

– une demande d’asile soutenue, notamment en Île-de-France ;

– des difficultés de sortie du dispositif national d’accueil : l’accroissement des populations en présence indue dans le dispositif national d’accueil ;

– une instrumentalisation politique pouvant conduire à des actes de violence envers des élus,

– les autres questions : les tensions sur les pôles régionaux Dublin, une question sanitaire et la question des élèves allophones.

  1.   Des ajustements à envisager

Les propositions communes des rapporteurs spéciaux :

– associer le ministère de l’Éducation nationale ;

– améliorer l’information, l’accompagnement et la sécurité des maires en s’appuyant notamment sur le nouveau Centre d’analyse et de lutte contre les atteintes faites aux élus dont la création a été annoncée en mai 2023 ;

– affiner les outils d’évaluation.

– affiner le suivi de l’orientation directive ;

– assouplir les conditions d’organisation du transport des demandeurs d’asile en prévoyant notamment des accords avec les réseaux de bus.

Propositions propres à Mme Stella Dupont :

– enrichir l’algorithme utilisé pour déterminer la région d’affectation d’un demandeur d’asile afin que cet outil tienne compte de la présence d’attaches particulières de l’intéressé dans une région ;

– aménager l’implantation territoriale de l’OFII pour tenir compte du déploiement de l’orientation directive.

Les propositions communes des rapporteurs spéciaux :

– poursuivre la création de places dans le dispositif national d’accueil, notamment en Centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) ;

 aménager la loi Solidarité et renouvellement urbain pour inciter les collectivités territoriales à favoriser l’implantation de lieux d’accueil des demandeurs d’asile ;

– favoriser l’accès au marché du travail de certains demandeurs d’asile dans les limites prévues par le projet de loi pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration ([31]).

Les propositions propres à Mme Stella Dupont :

 supprimer la possibilité d’une orientation directive sans hébergement ainsi que le contrôle des déplacements des demandeurs d’asile hors de leur région de résidence ;

– inciter financièrement les collectivités territoriales à favoriser l’implantation de lieux d’accueil des demandeurs d’asile ;

– favoriser l’hébergement citoyen des bénéficiaires de la protection internationale avec financement de la coordination, de la formation des bénévoles et de l’accompagnement social.

La proposition propre à M. Mathieu Lefèvre :

– réduire les possibilités de maintien en présence indue dans le dispositif national d’accueil.

La planification de la construction des prisons : une inexorable procrastinationJustice (M. Patrick Hetzel)

En mai 2023, le centre pénitentiaire de Gradignan a temporairement suspendu ses admissions en raison de l’encombrement de ses cellules. Cet établissement, comme cinq autres prisons françaises, présente un taux d’occupation supérieur à 200 %.

Cet exemple paroxystique illustre l’incapacité du ministère de la justice à résorber la surpopulation carcérale et à garantir aux personnes placées sous-main de justice des conditions dignes de détention. À cet égard, dès le début des années 2000, un rapport publié par le Sénat qualifiait les prisons françaises « d’humiliation pour la République » ([32]).

Pourtant, de nombreux programmes immobiliers lancés depuis la fin des années 1980 ont permis de créer des places de détention nouvelles. Ces plans n’ont toutefois jamais atteint les objectifs qui leur avaient été assignés.

Le programme « 15 000 », annoncé en 2018, visait à créer 7 000 places nettes en 2022 auxquelles s’ajouteront 8 000 places nettes en 2027. Au 31 décembre 2022, seules 2 441 nouvelles places avaient effectivement été mises en service. Ce nouvel échec s’explique à la fois par des facteurs structurels, communs à l’ensemble des programmes immobiliers pénitentiaires, et par des faiblesses propres à ce nouveau programme.

Dans ce contexte, le rapporteur spécial a souhaité évaluer le plan « 15 000 » et plus largement les programmes de construction de prisons. Ses travaux montrent que les programmes immobiliers pénitentiaires n’ont jamais été en mesure de répondre aux enjeux de surpopulation carcérale (I) et que le programme 15 000, qui connaît d’importants retards de mise en œuvre, apparaît d’ores et déjà sous-dimensionné (II).

  1.   Une politique immobiliÈre pÉnitentiaire en incapacitÉ de rÉpondre aux enjeux de surpopulation carcÉrale

Une succession de programmes immobiliers n’ayant pas atteint leurs objectifs

Le nombre de personnes écrouées détenues ([33]), qui s’élevait à 45 420 en 1990, a fortement progressé pour atteindre 51 441 personnes en 2000 et enfin 72 351 personnes en mars 2023 (+ 59 %). Cette progression a conduit le ministère de la justice à déployer des efforts croissants pour moderniser et étendre son parc pénitentiaire. La capacité opérationnelle des prisons françaises, qui s’établissait à 36 615 places en 1990, a ainsi été portée à 49 294 places en 2000 puis à 60 949 places en 2023 (+ 66 %).

Cependant, la densité carcérale s’est durablement maintenue à un niveau supérieur à 100 % et atteignait plus particulièrement 140,7 % en maison d’arrêt en mars 2023, contre 118,7 % pour l’ensemble des établissements.

Entre 1987 et 2016, six programmes immobiliers ont été successivement lancés et devaient permettre d’ouvrir 33 000 places supplémentaires. Avec 28 000 places effectivement ouvertes sur cette période, le résultat de ces plans s’est révélé plus en retrait et les délais de construction ont, de manière générale, été considérablement rallongés par rapport aux calendriers initialement prévus.

Les outils à disposition de l’administration pénitentiaire pour mener ses opérations immobilières ont évolué avec le temps : depuis le début des années 2000, elle bénéficie du concours de l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ), qui a pour mission de réaliser les études préalables ainsi que les opérations de construction et de réhabilitation des projets immobiliers d’ampleur du ministère de la justice.

S’agissant des modes de dévolution des marchés, l’administration pénitentiaire a progressivement eu recours à des prestataires privés. Les opérations de construction lancées entre 2002 et 2011 ont pris la forme de marchés de partenariat, permettant de confier à un interlocuteur unique le financement, la construction, l’entretien, la maintenance d’un établissement ([34]) en échange du versement annuel d’un loyer. Ces modes de gestion, générant une forte contrainte budgétaire sur l’administration pénitentiaire, ont néanmoins été abandonnés dans le cadre du plan « 15 000 » pour privilégier le recours à des contrats de conception-réalisation.

Le programme « 15 000 » : un nouveau plan orienté vers la diversification des établissements et la préparation de la sortie

Le programme « 15 000 » a été défini dans le cadre de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. D’un coût prévisionnel de 4,5 milliards d’euros, il se décompose en deux tranches : la première concerne l’ouverture de 7 000 places nettes sur la période 2018-2022 et la seconde porte sur la mise en service de 8 000 places nettes supplémentaires d’ici 2027. Ces places nouvelles doivent permettre de tendre vers un taux d’encellulement individuel de 80 % en 2027.

Ce plan est par ailleurs orienté prioritairement vers la construction de places en maison d’arrêt et en structure d’accompagnement vers la sortie (SAS). Il prévoit également la construction de prisons expérimentales dites InSERRE (innover par des structures expérimentales de responsabilisation et de réinsertion par l’emploi).

Du point de vue géographique, les besoins de construction ont été identifiés sur la base de projections départementales de populations détenues en maison d’arrêt ou quartier maison d’arrêt. Dans ce cadre, l’Île-de-France, les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur, l’Occitanie, la Guadeloupe et la Guyane ont été identifiées comme des régions prioritaires.

  1.   le programme « 15 000 » : un plan connaissant des retards importants et qui apparaÎt d’ores et dÉjà sous-dimensionnÉ

En 2022, seules 2 441 places nettes livrées sur les 7 000 prévues

À la fin de l’année 2022, 11 établissements avaient été livrés, regroupant 2 441 places nettes ([35]) et 17 établissements étaient en travaux. Sur les 7 000 places annoncées en 2018, seules 35 % avaient effectivement été mises en service.

Parmi ces places, 2 081 relevaient de programmes de construction annoncés en 2012 ou 2014. 1 127 places nettes ont par ailleurs été livrées dès l’année 2017 et ont donc été mises en service bien avant l’annonce du plan « 15 000 ».

Des retards sont par ailleurs à prévoir sur la seconde tranche d’exécution du programme. Sur les 13 415 places restant à ouvrir, la majorité (7 360) sont attendues pour 2027. Tout porte donc à croire que ce délai ne sera pas tenu et qu’un reliquat significatif de places sera livré d’ici 2029 ou 2030.

Au-delà des opérations immobilières, la mise en œuvre du plan « 15 000 » se conjugue avec des difficultés importantes de recrutement. Le schéma d’emplois de l’administration pénitentiaire, dynamique depuis 2018, est régulièrement sous-exécuté. Ce résultat est principalement imputable au déficit d’attractivité du corps des personnels de surveillance pénitentiaire, dont le schéma d’emploi a été exécuté à hauteur de – 126 ETP en 2022, contre une prévision de + 179 ETP.

En dépit de la hausse du nombre de places et du développement des alternatives à l’incarcération, un droit à l’encellulement individuel insusceptible d’être respecté à horizon 2027

Dans le cadre de son rapport relatif à l’encellulement individuel remis au Parlement en octobre 2022, le Gouvernement affirme que le plan « 15 000 » permettra d’atteindre un taux d’encellulement individuel de 80 % en 2027. Cette prévision se base sur le nombre de places supplémentaires attendu d’ici cette date et sur les effets produits par les réformes pénales menées depuis 2018 pour favoriser un plus grand recours aux aménagements de peine et aux alternatives à l’incarcération.

Les projections du ministère montrent que le nombre de détenus atteindra près de 75 000 en 2027, ce qui correspondra au nombre de places opérationnelles. La dynamique de croissance du nombre de détenus, le fait que leur répartition géographique diffère de celle des places disponibles et les éventuels retards d’exécution des projets immobiliers en cours démontrent à l’inverse que le plan « 15 000 » est d’ores et déjà sous-dimensionné.

Des facteurs d’explication multiples

Pour l’ensemble des programmes immobiliers pénitentiaires, la cause principale imputable aux retards de réalisation des projets trouve son origine dans les difficultés de recherche foncière que rencontre l’administration pénitentiaire.

Ces freins ont principalement trait au droit de l’urbanisme et de l’environnement, ainsi qu’à l’opposition de certains élus locaux ou riverains aux projets de construction. Ces résistances se traduisent notamment par la multiplication de recours contentieux susceptibles de rallonger les délais nécessaires à l’acquisition et à la conception des prisons.

Le rapporteur spécial considère que ces justifications demeurent partielles et que l’administration pénitentiaire a une vision trop restrictive des lieux pouvant accueillir des places supplémentaires. Les résistances rencontrées par l’administration pénitentiaire s’expliquent en partie par le choix de rapprocher les prisons des centres villes et des périphéries urbaines, qui soulève des enjeux sécuritaires, économiques et sociaux pour les collectivités locales et leurs habitants. Par ailleurs, certains projets d’implantation ont été rejetés pour le moment par le ministère de la justice, en dépit de l’adhésion des élus locaux : ce fut notamment le cas pour l’extension du centre de détention d’Oermingem, à Grasse ou encore à Châtillon-sur-Seine.

Le plan « 15 000 » a également été retardé par la crise sanitaire, qui a limité la disponibilité des ouvriers, et les pénuries de matériaux générées par la guerre en Ukraine.

Les retards sont enfin imputables aux difficultés rencontrées par l’administration pénitentiaire pour piloter son programme immobilier : les contrôles réalisés par le service de contrôle budgétaire et comptable ministériel montrent que le coût des opérations de construction est en forte augmentation par rapport à la prévision initiale. À ce titre, 3,6 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 888 millions d’euros en crédits de paiement ont d’ores et déjà été consommés sur la période 2017-2022.

D’autre part les commandes formulées par le ministère à l’APIJ ne sont pas suffisamment formalisées et ne définissent pas explicitement pour chaque projet un délai de réalisation et une cible de coût.

Les principales recommandations du rapporteur spécial :

– Concevoir dès à présent une extension du plan « 15 000 » afin de mettre en service des places de prison supplémentaires à horizon 2030 ;

– Favoriser l’adhésion des élus locaux à l’implantation d’établissements pénitentiaires sur leur territoire, notamment en modifiant les modalités de calcul de la dotation de solidarité urbaine et en comptabilisant les places de détention au titre de la loi SRU ;

– Améliorer le pilotage budgétaire des programmes immobiliers de l’administration pénitentiaire et présenter dans les documents budgétaires un échéancier d’ouverture des crédits actualisé en fonction de l’avancée des projets ;

– Renforcer la formalisation des commandes passées par l’administration pénitentiaire auprès de l’APIJ en définissant des cibles claires et renforcer l’évaluation par la performance des programmes immobiliers du ministère de la justice.

L’évaluation des dispositifs d’ingénierie proposés aux collectivités territoriales ultramarinesOutre-mer (M. Christian Baptiste et Mme Karine Lebon)

Le déficit en capacités d’ingénierie des collectivités territoriales ultramarines est une difficulté récurrente qui s’ajoute aux fragilités structurelles de ces territoires (éloignement, économies peu perméables à leur environnement régional, cherté de la vie, rareté du foncier, etc). Les conséquences de ce déficit sur le retard à engager et faire aboutir les projets, malgré des financements de l’État en hausse depuis la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique (EROM), donnent également à ce sujet un caractère prioritaire. Pour toutes les personnes auditionnées par les rapporteurs spéciaux, une meilleure capacité en ingénierie contribuerait à une meilleure exécution des crédits de l’État au sens du document de politique transversale Outre-mer (I).

Les rapporteurs spéciaux proposent une évaluation des dispositifs mis en œuvre par l’État, notamment sur la mission Outre-mer, pour surmonter les difficultés constatées. Ils constatent une offre fournie, diversifiée, parfois difficile à appréhender pour les collectivités (II).

Le besoin de renforcement de l’aide en ingénierie fait consensus (direction générale des Outre-mer, préfectures ultramarines, opérateurs de l’État, associations des maires…). Les rapporteurs spéciaux appellent à une meilleure coordination de ces dispositifs, à la généralisation des « plateformes » sur chaque territoire et à la mise en place de dispositifs d’accompagnement sur un temps plus long, sans entraver la capacité décisionnaire des collectivités. (III)

  1.   LE DÉCALAGE ENTRE DES ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L’ÉTAT À LA HAUSSE ET DES CONDITIONS NON PROPICES AU NIVEAU LOCAL À UNE CONSOMMATION DE MÊME NIVEAU

 Depuis la loi EROM (2017), une progression de l’engagement financier de l’État, en particulier en faveur de l’investissement public en Outre-mer

– Dans un objectif de convergence des territoires et départements ultramarins avec les départements hexagonaux, le renforcement de l’engagement de l’État en faveur des Outre-mer s’est traduit au cours des dernières années par un appui renforcé aux dépenses d’investissement des collectivités ultramarines. Cet effort a notamment été porté par les contrats de convergence et de transformation. L’effort budgétaire de l’État en faveur des Outre-mer est passé (en CP) de 16,35 milliards en 2018 à 21,7 milliards en 2023.

– Les dépenses d’intervention représentent aujourd’hui près de la moitié des dépenses budgétaires de l’État en faveur des Outre-mer. Ces dépenses d’intervention, outre leur fréquent caractère pluriannuel, se traduisent le plus souvent sur le terrain par des cofinancements entre l’État, la collectivité ou d’autres partenaires ou opérateurs, et donnent dans tous les cas un rôle essentiel aux collectivités dans l’exécution des crédits.

 Les difficultés d’engagement et d’exécution

– Le programme Conditions de vie Outre-mer de la mission Outre-mer, dont plus de la moitié des crédits représente des dépenses d’intervention, a longtemps souffert de difficultés d’exécution, en particulier de la ligne budgétaire unique (logement) et des crédits des contrats de convergence et de transformation. Malgré certaines améliorations, son exécution présente toujours des fragilités. Le niveau important des restes à payer du programme (2 milliards d’euros) traduit notamment des difficultés d’exécution sur le terrain, certains projets ne dépassant pas le stade de l’engagement juridique.

– Le taux très moyen d’exécution des contrats de convergence et de transformation 2019-2022, dont beaucoup d’actions impliquaient pour leur développement une capacité en ingénierie importante de la part des collectivités territoriales, plaide aussi pour un renforcement de l’ingénierie.

 Les fragilités structurelles des collectivités ultramarines

Pour les personnes auditionnées par les rapporteurs spéciaux, les difficultés des collectivités ultramarines en matière d’ingénierie sont notamment la conséquence :

– de faiblesses en interne du point de vue des ressources humaines (faible taux d’encadrement, enjeu de la formation du personnel aux compétences techniques), de difficultés financières pour certaines collectivités, mais aussi de facteurs qui s’imposent à elles (problème de la « taille critique » pour les collectivités de petite taille, turn-over du personnel) ;

– de la difficulté pour certaines collectivités de mener un travail de prospective et d’une offre en ingénierie privée (bureaux d’étude) souvent moins développée ou moins performante que dans l’Hexagone.

  1.   UNE OFFRE MULTIFORME D’AIDE À L’INGÉNIERIE, QU’IL S’AGISSE DES SERVICES DÉCONCENTRÉS DE L’ÉTAT OU D’OPÉRATEURS PUBLICS

 Les moyens déployés par les services déconcentrés de l’État

– Si les directions de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL) ont longtemps exercé seules le rôle d’accompagnement à l’ingénierie, celui-ci est désormais partagé avec d’autres acteurs, le plus souvent rattachés au secrétariat général pour les affaires régionales (SGAR). À titre d’exemple, en Guadeloupe, la cellule ingénierie du SGAR complète l’offre de services de la DEAL et préfigure une future agence guadeloupéenne d’ingénierie territoriale.

– Deux territoires ont bénéficié de moyens privilégiés pour établir des plateformes d’appui aux collectivités territoriales, Mayotte (en 2019) et la Guyane (en 2020). La PACT (plateforme d’appui aux collectivités territoriales) de Guyane monte en puissance en proposant un accompagnement à chacune des étapes de la réalisation d’un projet d’investissement par la maîtrise d’ouvrage publique, tant au niveau de la préfecture que des sous-préfectures.

 L’AFD et le déploiement du fonds Outre-mer

– Le fonds Outre-mer 5.0 (FOM 5.0) a été lancé en 2019 dans un contexte de redimensionnement du dispositif d’appui-conseil de l’Agence française de développement (AFD), tant en termes de moyens alloués que de champ d’intervention. En 2021, il est devenu fonds Outre-mer (FOM), doté de 30 millions d’euros en AE sur 2021 et 2022. 9,4 millions d’euros ont été ouverts en 2023.

– L’instruction des demandes prend en compte les priorités définies par le comité de pilotage, après une formalisation des demandes avec l’agence locale de l’AFD et en lien avec la préfecture du territoire.

– Le FOM vise en priorité l’assistance technique à maîtrise d’ouvrage pour la mise en œuvre des projets de collectivités dans le cadre de leurs programmations pluriannuelles d’investissement et les actions de renforcement de leurs capacités en ingénierie.

 L’ANCT : les programmes territorialisés et une offre en ingénierie

Si l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ne dispose pas d’antennes dans les Outre-mer, son appui de proximité repose sur les délégués territoriaux de l’agence que sont les préfets et leurs services.

Les actions de l’ANCT dans les territoires ultra-marins reposent principalement :

– sur la déclinaison des programmes territorialisés (Petites villes de demain…) dans des conditions privilégiées ;

– sur une offre d’ingénierie dite sur mesure. L’ANCT intervient en subsidiarité de l’ingénierie locale : le préfet, délégué territorial de l’agence, peut solliciter le niveau central de l’agence dès lors que l’ingénierie disponible localement ne répond pas au besoin exprimé par une collectivité. L’ANCT peut alors mobiliser son accord-cadre d’ingénierie, ou subventionner la collectivité qui identifiera elle-même le prestataire qui lui convient.

 Le Cerema

– Le Cerema, dont les implantations couvrent tant l’Hexagone que les Outre-mer, propose avant tout une expertise technique (infrastructures, environnement et risques, mobilités, mer et littoral…). Il s’agit du « premier établissement à pilotage partagé entre l’État et les collectivités territoriales », évolution mise en œuvre par l’article 159 de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique dite 3DS.

– Les collectivités d’Outre-mer exerçant les compétences régionales et départementales ont toutes adhéré au Cerema, ainsi que la plupart des groupements de collectivités et environ 12 % des communes ultramarines.

– Implanté en Outre-mer depuis 2021, le Cerema constate une demande croissante des collectivités territoriales, notamment sur les projets d’infrastructures (transports…). Cette demande impose, selon les rapporteurs spéciaux, de revoir à la hausse le nombre d’emplois et la subvention pour charges publiques du Cerema.

  1.   L’URGENCE D’APPROFONDIR LES DISPOSITIFS EXISTANTS ET DE PENSER AU LONG TERME, POUR ATTEINDRE L’OBJECTIF DE CONVERGENCE ET GARANTIR UN EMPLOI EFFICIENT DES DENIERS PUBLICS

Pour les rapporteurs spéciaux, les difficultés d’engagement et d’exécution ne doivent pas remettre en question le montant des crédits portés par certaines actions de la mission Outre-mer : c’est un renforcement de l’accompagnement des collectivités pour que les dispositifs soient connus et correctement utilisés qu’il convient d’engager.

 Améliorer la lisibilité des dispositifs aujourd’hui éclatés et généraliser les plateformes

– Le manque de lisibilité et de visibilité a été mis en avant par de nombreuses personnes auditionnées. Les rapporteurs spéciaux saluent le fait que l’ANCT ait engagé un recensement, indispensable, de tous les dispositifs applicables. Ce recensement viendra enrichir le site « Aides territoires ».

– Les rapporteurs spéciaux appellent à une généralisation des plateformes d’appui aux collectivités territoriales, organisées par les services déconcentrés de l’État, qui sont pour l’instant limitées aux territoires de la Guyane et de Mayotte et qui ont fait la preuve de leur efficacité.

 La formation : favoriser la montée en compétences des agents territoriaux

– Pour les rapporteurs spéciaux, le renforcement des compétences internes est incontournable, car le seul renforcement de la coordination des dispositifs au sein des plateformes existantes et futures ne peut suffire. Ils appellent notamment à une densification de l’encadrement intermédiaire. Ils rappellent toutefois les différentes fragilités structurelles et les paramètres extérieurs qui s’imposent aux collectivités territoriales. Ils appellent à des mesures incitatives pour faciliter l’accueil des agents publics sur les territoires ultramarins rencontrant des problèmes d’attractivité.

– L’offre de formation existe (programmes du CNFPT, y compris offre « sur mesure » à la demande des collectivités territoriales, webinaires organisés par certaines préfectures, l’AFD et l’ANCT etc) : il est impératif de mieux la faire connaître.

 Consolider toute la chaîne d’ingénierie et les dispositifs d’accompagnement sur le long terme

– Pour les rapporteurs spéciaux, il est indispensable de renforcer l’ingénierie « amont », qui permet aux collectivités de solliciter précisément certaines aides en ingénierie, par exemple pour une aide à la maîtrise d’œuvre. Ces carences en ingénierie « amont » privent souvent les collectivités de la possibilité de s’inscrire dans des dispositifs permettant de trouver un cadre et un accompagnement financier pour faire émerger ou concrétiser les projets qu’elles voudraient porter.

– Il est nécessaire de proposer des dispositifs accompagnant les collectivités sur une durée plus longue. Les rapporteurs spéciaux espèrent que la prochaine révision de l’accord-cadre d’appui à l’ingénierie de l’ANCT, d’ici fin 2024, sera l’occasion de faire évoluer certains aspects de l’accompagnement assuré par l’agence, notamment en termes de durée.

– Pour répondre en partie aux difficultés de recrutement des collectivités territoriales, les rapporteurs spéciaux considèrent comme prioritaire de réfléchir à un dispositif particulier facilitant le retour des forces vives des Outre-mer dans leur territoire d’origine.

Les principales recommandations des rapporteurs spéciaux

– Généraliser les plateformes d’ingénierie d’appui aux collectivités territoriales, sur le modèle de celles mises en place en Guyane et à Mayotte, tout en respectant les particularités des territoires, et doter ces plateformes des moyens humains et financiers correspondants. Proposer dans un second temps une offre de guichet unique pour les collectivités territoriales.

– Mettre en œuvre des mesures incitatives pour faciliter l’installation des agents publics dans les territoires ultramarins rencontrant des problèmes d’attractivité.

– Réfléchir aux moyens de compléter l’offre du site Aides Territoires par des fonctionnalités de suivi des financements au profit des collectivités.

– Encourager le recours aux programmes du CNFPT, dont l’offre de formation recouvre notamment des dispositifs sur-mesure conçus avec les collectivités territoriales.

– À l’occasion de la prochaine révision de l’accord-cadre d’appui à l’ingénierie de l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), prévoir un accompagnement au-delà des phases d’études préalables et intégrer les phases de conception et de finalisation des projets, en coordination avec les autres dispositifs d’ingénierie publics.

– En concertation avec les collectivités territoriales, saisir l’opportunité de la préparation des prochains contrats de convergence et de transformation pour y intégrer une dimension « ingénierie ».

– Réfléchir à un dispositif particulier facilitant le retour des forces vives des Outre-mer dans leur territoire d’origine.

La restauration étudianteRecherche et enseignement supérieur : Enseignement supérieur et vie étudiante (M. Thomas Cazenave)

Garantir l’accès des étudiants à une alimentation saine est un objectif majeur de la politique publique de soutien à la vie étudiante. Face aux difficultés financières auxquelles fait face une partie des étudiants, l’État et les opérateurs de l’enseignement supérieur agissent pour proposer aux étudiants des services de restauration collective à tarif modéré, mais aussi pour soutenir leur pouvoir d’achat afin que les dépenses d’alimentation ne constituent pas les variables d’ajustement de budgets souvent limités.

  1.   La prÉcaritÉ alimentaire des Étudiants : une rÉalitÉ difficile À apprÉhender

Les étudiants ne constituent pas une population homogène d’un point de vue économique et social. Selon qu’ils sont soutenus ou non par leur famille, qu’ils sont titulaires d’une bourse sur critères sociaux ou qu’ils exercent, en parallèle de leurs études, une activité rémunérée, leur niveau de ressources est très variable.

Parmi les principaux facteurs de fragilité financière des étudiants, on trouve le fait de résider en dehors du foyer familial (on parle alors d’étudiants « décohabitants »), le fait de réaliser ses études en Île-de-France, où le coût du logement est plus élevé que dans les autres régions françaises, ou encore le fait d’être un étudiant étranger. De manière générale, on peut considérer qu’environ un quart des étudiants rencontre d’importantes difficultés financières pouvant les conduire à restreindre leurs dépenses d’alimentation.

L’alimentation constitue en effet le deuxième poste de dépenses des étudiants, après le logement. Lorsque les étudiants font face à des difficultés financières, ponctuelles ou structurelles, ils tendent en premier lieu à réduire leurs dépenses d’alimentation, car il s’agit de dépenses moins contraintes que le paiement d’un loyer ou d’un titre de transport. En conséquence, les étudiants précaires sont souvent amenés à réduire leur nombre de repas, ou la quantité et la qualité des aliments qu’ils achètent.

Par ailleurs, dans le contexte de la crise sanitaire, et face au retour de l’inflation, on constate que les étudiants les plus précaires se tournent de plus en plus vers les réseaux d’aide alimentaire.

  1.   Les Étudiants restent fortement soutenus par l’État et les opÉrateurs de l’enseignement supÉrieur dans leurs dÉpenses d’alimentation

La précarité alimentaire d’une partie des étudiants est une problématique largement identifiée par les pouvoirs publics qui, au travers des services de restauration étudiante et des aides financières habituelles ou exceptionnelles, soutiennent fortement leurs dépenses d’alimentation.

 Les services de restauration étudiante gérés par les CROUS, source première de soutien à l’alimentation des étudiants

Le réseau des œuvres universitaires et scolaires, constitués d’un centre national (CNOUS) et de 26 centres régionaux (CROUS) a pour mission de contribuer à l’amélioration des conditions de vie des étudiants. Les services de restauration du réseau des œuvres universitaires et scolaires sont uniques en Europe, par leur caractère universel et par la modicité des tarifs pratiqués. La France est le seul pays européen proposant, à l’échelle nationale, un tarif social à l’intégralité des étudiants. Si certaines universités ou certaines régions allemandes et italiennes portent individuellement des mesures d’aide à l’alimentation des étudiants, ces subventions sont généralement ciblées sur un plat unique et non sur l’intégralité d’un repas équilibré de qualité.

Les étudiants choisissent en effet de se restaurer dans les points de vente gérés par les CROUS en raison de l’offre de repas complets et équilibrés à tarif très abordable : le tarif social, qui concerne l’ensemble des étudiants, quelles que soient leurs ressources, est fixé à 3,30 euros, et le tarif très social à 1 euro est réservé aux étudiants boursiers et aux étudiants considérés comme précaires par les services sociaux des CROUS. En 2022, le réseau des CROUS a servi plus de 35 millions de repas, dont 18,7 millions de repas au tarif de 1 euro, et 16,36 millions de repas au tarif de 3,30 euros.

L’État compense intégralement, par le biais de la subvention pour charges de service public allouée au réseau, le différentiel entre le tarif social et le tarif très social : cette enveloppe s’élevait à 49,5 millions d’euros en 2021, 50 millions d’euros en 2022, et 51 millions d’euros en 2023.

Les CROUS disposent de plus de 700 implantations, offrant 900 points de vente, dans 221 villes étudiantes réparties sur tout le territoire français.

Par ailleurs, afin de répondre aux besoins du plus grand nombre d’étudiants possible, les CROUS développent une politique de conventionnement avec les collectivités territoriales, les établissements hospitaliers ou encore des structures associatives, pour proposer un lieu de restauration collective aux étudiants qui ne sont pas desservis par une structure gérée directement par le réseau. En 2022, le réseau des CROUS disposait ainsi d’une convention d’agrément avec 171 points de restauration qui ont bénéficié, en contrepartie de la fourniture d’un repas à tarif social aux étudiants, d’un financement à hauteur de 5,5 millions d’euros.

La restauration universitaire, qu’elle soit gérée en direct par le réseau des CROUS, ou agréée dans le cadre de la stratégie de conventionnement, répond à des enjeux essentiels de lutte contre la précarité alimentaire des étudiants. Pour les étudiants qui bénéficient des repas à 1 euro, cela peut représenter une aide moyenne potentielle de 200 euros par mois.

 L’État soutient également le pouvoir d’achat des étudiants au travers de nombreuses aides financières

Les bourses sur critères sociaux constituent un levier majeur de soutien aux dépenses d’alimentation des étudiants, et plus largement d’amélioration de leurs conditions de vie. Leur montant a été revalorisé de 3,3 % entre 2019 et 2022, puis de 4 % à partir de la rentrée universitaire 2022. En 2022, le financement des bourses sur critères sociaux représente 2,17 milliards d’euros.

Les étudiants bénéficient aussi d’aides d’urgence en cas de difficulté financière. Le budget moyen annuel s’élève à 48,5 millions d’euros. Ce budget a bénéficié d’un abondement de 10 millions d’euros en 2020 et d’un abondement de 15 millions d’euros en 2021 pour soutenir plus encore le pouvoir d’achat des étudiants. L’accès à ces aides, d’un montant de 200 à 500 euros par mois, a également été simplifié.

Les recettes en provenance de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) ont été mobilisées durant la crise sanitaire pour financer des actions de soutien en faveur de tous les étudiants (chèques alimentaires, bons d’achat pour du matériel informatique, etc.). Cela a représenté un coût de 38 millions d’euros pour les établissements d’enseignement supérieur et de 10 millions d’euros pour les CROUS entre le 17 mars 2020 et le 10 septembre 2021.

Les étudiants ont également bénéficié de plusieurs aides exceptionnelles depuis 2020. En mai 2020, une aide financière de 200 euros a été créée au bénéfice des étudiants ultramarins restés en métropole et des étudiants ayant perdu leur emploi pendant le premier confinement. Ensuite, une aide exceptionnelle de solidarité de 150 euros, versée en décembre 2020, a concerné l’ensemble des étudiants boursiers sur critères sociaux, soit plus de 750 000 bénéficiaires, pour un coût de 113,6 millions d’euros.

En décembre 2021, les étudiants boursiers ont reçu une indemnité inflation de 100 euros, pour un coût total de 62 millions d’euros. Enfin, une aide financière exceptionnelle de 100 euros, avec 50 euros supplémentaires par enfant du bénéficiaire de l’aide, a été versée à la rentrée 2022, pour un coût total de 60 millions d’euros.

Par ailleurs, à partir du 1er juillet 2022, les aides personnalisées au logement, dont bénéficie une grande partie des étudiants, ont été revalorisées à hauteur de 3,5 % ([36]). Pour les étudiants résidant dans les logements universitaires gérés par les CROUS, les loyers sont gelés depuis 2020. C’est également le cas des frais d’inscription à l’université dont le montant n’a pas progressé depuis 2019.

Par ailleurs, dans un objectif de lutte contre la précarité menstruelle, plus de 822 distributeurs de protections hygiéniques gratuites ont été installés en février 2022 dans les résidences universitaires des CROUS, les services de santé universitaires et sur les campus.

Au total, en loi de finances initiale pour 2023, ce sont 3,13 milliards d’euros qui sont alloués à la vie étudiante par le biais d’aides directes et indirectes, en augmentation de 5,7 % comparé à l’année 2022.

 L’émergence de nouveaux acteurs de l’aide alimentaire, soutenus par les pouvoirs publics, pour venir en aide aux Étudiants les plus en difficulté

La crise sanitaire puis le contexte inflationniste ont conduit à l’émergence de nouveaux acteurs de l’aide alimentaire, en parallèle des grandes associations traditionnelles – Banque alimentaire, Secours populaire, Croix rouge française, Restaurants du Cœur – qui ont vu leur fréquentation augmenter.

Des associations ont été également créées par et pour les étudiants. Le rapporteur spécial salue les initiatives prises par des associations telles que COP1 – Solidarités étudiantes et Linkee, qui distribuent des paniers alimentaires aux étudiants, ou encore la FAGE qui a mis en place des épiceries sociales dans le cadre de ses AGORAé.

Les financements publics représentent environ un tiers des ressources des associations d’aide alimentaire en France. Ainsi, en loi de finances initiale pour 2022, plus de 56 millions d’euros étaient inscrits au bénéfice de l’aide alimentaire ; ils ont été abondés en cours d’exécution 2022 à hauteur de 80 millions d’euros.

En fin d’année 2022, le Gouvernement a par ailleurs annoncé la création d’un Fonds pour une aide alimentaire durable, doté de 60 millions d’euros, afin de soutenir l’achat de produits frais durables et sous label de qualité pour les 4 millions de bénéficiaires de l’action des associations, et d’une enveloppe exceptionnelle de 10 millions d’euros, soit le financement de 300 000 colis alimentaires, afin de soutenir les associations qui agissent en faveur des étudiants les plus précaires.

  1.   Les propositions du rapporteur spÉcial pour permettre À tous les Étudiants de bien s’alimenter

 Garantir l’accès de tous les étudiants à un service de restauration à tarif modéré

Le rapporteur spécial recommande au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et au réseau des œuvres universitaires et scolaires de poursuivre les démarches, déjà largement engagées, visant à garantir l’accès de tous les étudiants à une restauration à tarif modéré. Aujourd’hui, 160 000 à 180 000 étudiants, soit 6 % du nombre total d’étudiants en France, n’auraient pas accès à une structure de restauration à proximité de leur lieu d’études.

Grâce à l’article 194 de la loi de finances initiale pour 2023 ([37]), les personnes publiques avec lesquelles les CROUS conventionnent peuvent accéder à la centrale d’achat très performante du CNOUS, en contrepartie de l’accueil d’étudiants au sein de leurs structures de restauration collective. Les crédits alloués à la stratégie de conventionnement des CROUS sont également en progression (+ 4 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2023).

La loi du 13 avril 2023 ([38]) prévoit que tous les étudiants peuvent bénéficier d’une offre de restauration à tarif modéré à proximité de leur lieu d’études, et qu’une aide financière est proposée aux étudiants n’ayant pas accès à une structure de restauration universitaire, pour leur permettre d’acquitter, en tout ou partie, le prix d’un repas consommé ou acheté auprès d’organismes conventionnés présents sur le territoire considéré.

Le rapporteur spécial souhaite que l’adoption de cette loi permette d’accélérer les démarches de conventionnement afin de garantir l’accès de tous les étudiants à une structure de restauration collective. L’attribution d’une aide financière doit rester exceptionnelle, car elle ne garantit pas la qualité du repas vers lequel les étudiants s’orientent.

 Consolider le modèle économique du réseau des œuvres universitaires et scolaires

Le financement des deux activités marchandes des CROUS, la restauration et l’hébergement, a été considérablement fragilisé dans le contexte de la crise sanitaire et sous l’effet des mesures de soutien au pouvoir d’achat des étudiants. Le gel des loyers des résidences universitaires et la mise en place des repas à 1 euro ont en effet eu pour conséquence de réduire les revenus d’activité du réseau. L’activité de restauration est par ailleurs structurellement déficitaire en raison d’un tarif de vente des repas très inférieur au coût de production (entre 8 et 9 euros par repas). L’activité d’hébergement, auparavant excédentaire, est, depuis 2022, elle aussi déficitaire en raison du gel des loyers des résidences universitaires et de l’augmentation du coût des fluides énergétiques.

Par ailleurs, le réseau des œuvres universitaires et scolaires est aujourd’hui en difficulté pour atteindre, sans augmentation de ses ressources, les objectifs fixés par la loi EGALIM ([39]) et la loi Climat et résilience ([40]), qui imposent, dans l’élaboration des repas des structures de restauration collective, une part croissante de produits durables et de qualité, et de produits d’origine biologique.

Le rapporteur spécial recommande qu’une réflexion sur le modèle économique du réseau des œuvres universitaires et scolaires soit engagée par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et le ministère de l’économie et des finances. Les mesures de soutien au pouvoir d’achat des étudiants ont entamé les revenus d’activité du réseau, et il apparaît nécessaire que l’État prenne en charge une part plus importante du financement structurel de ses activités marchandes, par le biais d’une augmentation de la subvention pour charges de service public qui lui est allouée chaque année.

 Poursuivre la réforme des bourses afin de remédier de manière plus pérenne à la précarité alimentaire des étudiants

Plus que par l’extension du dispositif des repas à 1 euro, c’est par une réforme structurelle du système de bourses sur critères sociaux que passe l’amélioration des conditions de vie des étudiants. Le système actuel, bien qu’efficace dans sa globalité, souffre de certains écueils tels que sa complexité et ou ses effets de seuil.

Au mois de mars 2023, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a présenté le premier volet de la réforme du système de bourses, qui se traduit par une revalorisation des bourses à hauteur de 37 euros par mois pour tous les échelons, par une augmentation des plafonds de ressources qui conditionnent l’attribution des bourses, à hauteur de 6 %, afin de rendre éligibles 35 000 étudiants supplémentaires. Par ailleurs, les effets de seuil ont été neutralisés pour qu’aucun étudiant ne voie le montant de sa bourse diminuer d’un montant supérieur à l’augmentation du revenu de ses parents.

La réforme du système de bourses sur critères sociaux ainsi engagée doit se poursuivre à la rentrée universitaire 2023. Le rapporteur spécial souhaite vivement que le soutien financier de l’État aux étudiants soit renforcé et garantisse l’accès de tous les étudiants à l’enseignement supérieur et permette d’améliorer, de manière structurelle, leurs conditions de vie.

La recherche polaireRecherche et enseignement supérieur : Recherche (M. Mickaël Bouloux)

Trop méconnue, la recherche polaire est fondamentale pour comprendre le réchauffement climatique. Elle présente également de nombreux autres enjeux surprenants. Cette recherche polaire passe par l’Institut Paul-Émile Victor (IPEV), dont les personnels effectuent un travail remarquable malgré des moyens insuffisants, particulièrement faibles par rapport à ceux des autres nations, ce qui a pu mettre en péril leur sécurité. À ce manque de moyens, qui est le premier et principal problème, s’en ajoute un second, lié à la répartition floue des compétences entre l’IPEV et les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), qui sape le moral des personnels sur le terrain et perturbe le bon déroulement des activités de recherche.

Ayant dressé ce constat, le rapporteur spécial soutient un renforcement des moyens consacrés à la recherche polaire. Si l’augmentation de la subvention à l’IPEV semble indispensable, la rénovation des stations Dumont-d’Urville et Concordia et l’acquisition d’un navire brise-glace le sont tout autant. Pour autant, les montants concernés demeurent modestes (moins d’un milliard d’euros au total d’ici à 2030) au regard de l’importance des enjeux et des bénéfices à attendre d’un investissement dans la recherche polaire. Plutôt que de s’en remettre au mirage du privé comme solution au désinvestissement de l’État, il convient de porter une véritable ambition transpartisane et de long terme pour la recherche polaire.

  1.   La recherche polaire se situe au cœur d’enjeux majeurs et diversifiÉs

– La recherche polaire joue un rôle majeur dans l’appréhension du changement climatique, que l’étude des calottes glaciaires a permis d’identifier. Les changements climatiques peuvent d’autant mieux être étudiés aux pôles qu’ils y sont exacerbés.

– La recherche polaire couvre également d’autres domaines très divers. Diverses catastrophes naturelles y sont surveillées, les sciences humaines et sociales y sont étudiées, la résilience de l’homme face à des conditions extrêmes similaires à celles de l’espace peut y être évaluée.

– La recherche polaire favorise enfin la coopération entre nations. Au-delà des rapprochements entre chercheurs de différentes nationalités sur le terrain, les enjeux des pôles, communs à toute l’humanité, justifient une gouvernance unique par son caractère multilatéral.

  1.   Une pluralitÉ de financements et d’acteurs dont la rÉpartition des compÉtences suscite parfois des incomprÉhensions

 L’IPEV : une agence de moyens essentielle

 L’Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV) est l’agence de moyens permettant la mise en œuvre des projets de recherche polaire. Il ne s’agit ainsi pas d’un organisme de recherche. Son rôle consiste à coordonner les missions de recherche et veiller à ce qu’elles se déroulent correctement, grâce à son appui logistique et à son expertise technique.

 L’IPEV souffre d’un sous-financement chronique. Sa principale ressource est la subvention pour charges de service public (SCSP) qu’il reçoit, inférieure à 15 millions d’euros chaque année. Ce montant, qui était déjà insuffisant, l’est d’autant plus que l’Institut est confronté à des surcoûts importants du fait d’un cumul de crises. Les contraintes de la crise sanitaire puis la crise énergétique ont cumulé leurs effets, ce qui a justifié, à l’initiative du rapporteur spécial, une dotation exceptionnelle de 3 millions d’euros pour 2023. Cette dotation était indispensable mais doit être pérennisée.

 L’IPEV souffre également d’un déficit de personnels. Malgré les augmentations du plafond d’emplois qui lui ont été accordées ces dernières années, la situation demeure tendue. Ces sous-effectifs ont affecté la qualité des conditions de travail des personnels, même si les renforcements d’emplois sous plafond de ces dernières années ont amélioré la situation. Surtout, ces sous-effectifs ont pu menacer la sécurité sur le terrain des personnels de l’IPEV et des scientifiques.

 La relation TAAF – IPEV entre doublons et incompréhensions

– En plus du sous-financement de l’IPEV, qui est le principal problème, l’Institut souffre aussi de la relation difficile qu’il entretient avec les TAAF. Ces dernières sont en effet chargées du maintien de la sécurité et du respect de l’ordre public. Les personnels de l’IPEV et les chercheurs ont exprimé le sentiment que les TAAF pratiquent une forme d’ingérence dans leurs activités de recherche au nom de leur mission de sécurité, ce qui se traduit au quotidien par de multiples tensions et des querelles sur des sujets de logistique et l’organisation des activités de recherche.

– À ce titre, les textes régissant les relations entre les TAAF et l’IPEV gagneraient à être clarifiés.

 Le financement sur projets de la recherche polaire

– La recherche polaire bénéficie également de financements via les appels à projets de l’Agence nationale de la recherche et du plan Investir pour la France de 2030, pour un total de 61 millions d’euros depuis 2017.

 La coopération européenne et internationale en matière de recherche polaire

 L’IPEV conduit des partenariats avec de nombreux pays. Il gère notamment, conjointement avec l’Allemagne, la station de recherche AWIPEV en Norvège.

– De plus, plusieurs projets soutenus par l’IPEV bénéficient de financements européens, pour un montant compris entre 200 000 et 1 million d’euros par an.

– Enfin, l’Union européenne finance des projets de recherche arctique, pour des sommes qui auraient représenté environ 200 millions d’euros sur la période 2013-2020. La transparence et la lisibilité de ces financements gagneraient à être améliorées.

– L’invasion de l’Ukraine par la Russie a cependant complexifié la coopération internationale. Certains projets de recherche impliquant la Russie ont dû être annulés, tandis que les instances de coopération internationale sont entravées dans leur fonctionnement quotidien.

  1.   Redonner un nouveau souffle À la recherche polaire : des urgences et des besoins À long terme

 Les besoins globaux

 Par rapport à d’autres pays, les moyens consacrés par la France à la recherche polaire sont particulièrement faibles. Les moins de 20 millions d’euros de subvention à l’IPEV peuvent par exemple être comparés aux 160 millions d’euros consacrés par l’Allemagne pour l’homologue allemand de l’IPEV, le gouvernement allemand ayant de surcroît annoncé investir dans un nouveau brise-glace pour près d’un milliard d’euros.

 Si les personnels de l’IPEV parviennent à maintenir le rang de la France pour la recherche polaire malgré ce manque de moyens, il s’agit là d’un miracle qui ne s’éternisera pas. Il y a donc urgence à donner des moyens suffisants, dans la durée, à la recherche polaire.

 Donner de la visibilité à la recherche polaire

 Au regard de l’importance des enjeux qui y sont attachés, le rapporteur spécial considère qu’il faut accroître la visibilité de la recherche polaire. Il développe pour ce faire plusieurs propositions dans son rapport :

 Les stations : une rénovation urgente

 La station Dumont-d’Urville est située sur les côtes du continent antarctique. Elle permet de conduire des recherches sur la biodiversité et de mener des observations de l’atmosphère. Elle est une base logistique pour la station Concordia, implantée à l’intérieur du continent.

 De nombreux rapports ont mis en évidence la nécessité de rénover la station Dumont-d’Urville, l’un d’entre eux la qualifiant même de « suite désorganisée de bâtiments délabrés ». Si cette expression ne semble heureusement plus d’actualité, des besoins importants demeurent, évalués entre 70 et 130 millions d’euros. Sa reconstruction pourrait être envisagée, notamment pour diminuer son empreinte écologique.

 La station Concordia est gérée conjointement par l’IPEV et son homologue italien. Située à près de 1 000 kilomètres des côtes, elle bénéficie d’une situation géographique unique qui la rend adaptée pour des travaux d’astronomie et pour évaluer la survie de l’homme en milieu extrême, dans des conditions qui se rapprochent de potentielles missions spatiales vers Mars.

 Une rénovation de la station Concordia est nécessaire ; elle a été chiffrée à 34 millions d’euros sur 10 ans, dont 15 millions d’euros pour la France. L’opportunité de maintenir la station ouverte sur le long terme est cependant questionnée par le ministère chargé de la recherche.


 La flotte : un manque de moyens pour la recherche polaire

 L’Astrolabe est l’unique brise-glace public français. Il n’est toutefois pas affecté à des missions scientifiques mais à des missions logistiques, les équipements scientifiques déployés à bord étant insuffisants. Cette absence de brise-glace scientifique a comme conséquence que les chercheurs français doivent s’associer à des projets émanant d’autres nations.

 Il existe un brise-glace privé, le Commandant Charcot. Il ressort cependant des analyses du rapporteur spécial que ce brise-glace, dont l’impact environnemental n’est pas négligeable, n’est pas du tout adapté aux chercheurs, qu’il accueille de manière marginale. Le rapporteur spécial expose ainsi que ce navire, doté de la climatisation pour aller au pôle Nord, compterait autant de chercheurs que de jacuzzis. Il s’agirait d’un écoblanchiment davantage que d’une solution pour relancer la recherche polaire française, qui a besoin d’un brise-glace public.


L’investissement du bloc communal à l’épreuve de la crise, évolutions et perspectivesRelations avec les collectivités territoriales ; Avances aux collectivités territoriales (Mme Marina Ferrari et M. Joël Giraud)

La crise énergétique qui s’est accompagnée d’une forte inflation a touché directement les collectivités locales et plus particulièrement les communes dont les dépenses d’énergie représentent une part de leurs dépenses supérieure à celle des autres collectivités (4 % de leurs dépenses réelles de fonctionnement contre 0,5 % pour les départements et les régions). Toutefois, grâce à un soutien important de l’État à travers plusieurs dispositifs exceptionnels, les surcoûts engendrés par la crise semblent n’avoir pas eu une incidence trop marquée sur l’investissement du bloc communal, bien que demeurent des disparités notables entre collectivités.

              Au sein de l’investissement du bloc communal, les rapporteurs spéciaux ont tenu à évaluer plus spécifiquement le programme Petites villes de demain (PVD), lancé en 2020 pour six ans sous l’égide de l’ANCT. Imaginé comme le pendant du programme Action cœur de ville (ACV), il est tourné vers les communes de moins de 20 000 habitants exerçant des fonctions de centralité afin d’accompagner leurs démarches de revitalisation. Alors que la phase d’ingénierie du programme s’achève et que débute la phase opérationnelle, ce premier bilan d’étape souligne l’utilité du dispositif dont se sont saisis les élus locaux. Ces derniers ont néanmoins pu faire part aux rapporteurs spéciaux de certaines inquiétudes quant à la concrétisation du programme PVD.

              Ainsi, alors que l’investissement du bloc communal semble avoir bien résisté aux crises successives (I), le programme PVD a permis de soutenir plus spécifiquement l’investissement des petites villes avec un succès qui doit encore se concrétiser dans la phase opérationnelle du dispositif (II).

  1.   La rÉsilience de l’investissement du bloc communal face À la crise

Une incidence modérée de la crise énergétique et inflationniste sur l’investissement du bloc communal

– Les dépenses d’investissement du bloc communal se situaient en 2022 à un niveau proche de celui de 2019 (à 36 milliards d’euros en 2022 contre 36,4 milliards d’euros en 2019), celles-ci s’affichant même en progression de près de 10 % entre 2021 et 2022 (+ 3,2 milliards d’euros). Toutefois, il faut considérer ce niveau d’investissement retrouvé en 2022 à l’aune de la forte inflation qu’ont subie les collectivités territoriales (+ 5,2 % en 2022) et qui traduit in fine une contraction des dépenses d’investissement du bloc communal.

– L’incertitude causée par les crises successives a pu avoir un effet négatif sur l’investissement local dont une partie a été reportée de 2020 et 2021 vers 2022 en raison de la crise sanitaire. La hausse des prix de l’énergie qui a pesé sur les dépenses de fonctionnement des communes ne semble pas avoir eu d’incidence significative sur la réalisation des investissements locaux.

– Cette situation globale masque toutefois des disparités individuelles. En 2022, plus de 4 800 communes ont affiché une épargne nette négative : l’excédent issu de leur fonctionnement courant ne leur a pas permis de rembourser leur dette. Ces communes n’ont alors pu financer leurs investissements que par des ressources externes (emprunt ou subventions).

L’État s’est porté au secours de l’investissement local par un soutien financier inédit

– L’État a engagé un dispositif de soutien ambitieux aux collectivités face à la hausse des dépenses d’énergie : baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), bouclier tarifaire permettant de plafonner les dépenses d’électricité des collectivités territoriales, amortisseur électricité et filet de sécurité lancé en 2022 puis reconduit en 2023.

– Par ailleurs, l’État a maintenu en 2023 le niveau historique de 2 milliards d’euros de dotations de soutien à l’investissement local atteint en 2022 qui se décompose entre DETR (1,046 milliard d’euros), DSIL (570 millions d’euros), DSID (212 millions d’euros) et DPV (150 millions d’euros).

– En outre, un fonds vert pour l’accélération de la transition écologique des territoires a été créé et doté de 2 milliards d’euros. Celui-ci connaît un succès important auprès des collectivités qui ont formulé des demandes dépassant déjà la dotation prévue par la loi de finances pour 2023.

– Enfin, les finances des collectivités du bloc communal ont plus largement pu bénéficier d’une hausse inédite de leur DGF de 320 millions d’euros.

L’investissement local demeure toutefois soumis à des incertitudes

– Malgré une situation financière des communes globalement meilleure en 2022 qu’en 2019 (l’épargne brute des communes a crû de 3,9 % sur la période, atteignant 13,46 milliards d’euros), beaucoup de communes font valoir leur inquiétude quant à la poursuite de l’inflation et à la hausse des taux d’intérêt qui risquent d’entamer leur capacité d’investissement à terme.

– Les instruments mis en place pour le soutien de l’investissement local ne sont pas tous pleinement fonctionnels : le fonds vert demeure orienté majoritairement vers des projets avec une forte rentabilité (rénovation de l’éclairage public notamment) et le filet de sécurité est encore trop peu sollicité du fait de critères trop restrictifs. Les crédits non mobilisés de ce dernier pourraient d’ailleurs être redirigés au bénéfice des collectivités qui voient leurs factures de gaz augmenter fortement du fait de la crise énergétique.

– Par ailleurs, il faut anticiper les besoins importants en investissement, notamment en faveur de la transition écologique. Selon l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE), les collectivités territoriales doivent plus que doubler leurs investissements annuels en faveur du climat pour respecter les engagements de la France en matière de neutralité carbone.

Les principales recommandations des rapporteurs spéciaux :

– Réalimenter le fonds vert largement plébiscité par les collectivités territoriales en mettant l’accent sur les projets favorables à la transition écologique qui ne présentent pas une rentabilité financière élevée.

– Réintégrer dans l’assiette du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) les dépenses d’agencement et d’aménagement de terrains. Cette exclusion issue de la réforme portant automatisation du FCTVA freine certains investissements indispensables aux communes.

– Maintenir ou augmenter en 2024 l’effort consenti par le Gouvernement au bénéfice de la DGF du bloc communal en 2023 (+ 320 millions d’euros).

– Revoir la notion d’achèvement des travaux au sens fiscal, différente de celle de l’urbanisme, qui nuit à la prévision budgétaire et qui pourrait pénaliser les collectivités dans leur perception de la taxe d’aménagement.

– Neutraliser l’effet sur la DGF communale des attributions de compensation relatives aux transferts et détransferts de compétences aux communes par l’intercommunalité dont elles sont membres.

– Poursuivre le verdissement des dotations en élargissant la dotation de biodiversité aux séries environnementales et de protection des forêts, aux zones humides protégées et à tout indicateur valorisant le rôle de puits de carbone des communes.

Le coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulièreSanté (Mme Véronique Louwagie)

En 2021, la rapporteure spéciale conduisait une première étude visant à évaluer le coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière. Comptabilisant pas moins de onze dispositifs différents concourant à cette offre de soins, le rapport concluait à un coût total pouvant être estimé, au minimum, à 1,5 milliard d’euros en 2019. Les travaux de la rapporteure spéciale s’étaient toutefois heurtés à la difficulté d’évaluer avec précision les dépenses associées à certains des dispositifs identifiés. Ces derniers, au nombre de cinq, n’avaient en effet pas été intégrés à l’estimation retenue.

Au regard de la croissance significative du nombre de bénéficiaires de l’AME et, surtout, de l’absence d’engagement d’une véritable réforme pour maîtriser un coût global en hausse continue, l’estimation réalisée en 2021 se devait d’être réévaluée. Ce nouvel exercice d’évaluation constitue donc un effort de transparence sur un sujet qui, selon la rapporteure spéciale, constitue un angle mort tant de la politique de l’immigration que de la politique de santé publique.

  1.   le coÛt rÉél de l’ame S’ÉlÈve À plus de 1,2 milliard d’euros en 2022

● Le nombre de bénéficiaires de l’AME est en croissance continue

L’AME constitue le dispositif central de l’offre de soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière. Au 30 septembre 2022, le nombre de bénéficiaires de l’AME de droit commun s’élevait à 403 144, soit une hausse de 5,9 % par rapport à 2021, de 20,5 % par rapport à 2019 et de 123,4 % par rapport à 2003 ([41]).

● Le coût réel de l’AME est nettement supérieur à la seule dépense retracée sur la mission Santé

En tenant compte des frais de gestion du dispositif et des créances irrécouvrables des hôpitaux laissées par des étrangers en situation irrégulière ([42]), le coût réel de l’AME s’élève environ à 1,2 milliard d’euros en 2022. En l’absence de réforme, ce montant devrait continuer de croître dans les prochaines années.


● Une possible sous-évaluation de la dépense d’AME de l’ordre de 580 millions d’euros environ sur trois ans.

Depuis fin 2019, la Caisse nationale d’assurance maladie a intensifié les contrôles opérés sur les dossiers des bénéficiaires du dispositif du maintien des droits expirés ([43]). 22,5 % des dossiers clôturés à la suite de ces contrôles ont concerné des étrangers n’ayant pas été en mesure d’attester de la régularité de leur situation, ce qui représente 197 512 personnes qui, en raison de leur situation irrégulière, auraient dû être soignées au titre de l’AME entre fin 2019 et début 2023. Sur la même période, en tenant compte du coût moyen d’un bénéficiaire de l’AME, on peut estimer qu’une dépense de l’ordre de 580 millions d’euros a été prise en charge par l’assurance maladie, alors qu’elle aurait dû l’être par l’État au titre de l’AME.

  1.   onze dispositifS diffÉrents pour un coÛt total estimÉ, au minimum, À 1,7 milliard d’euros EN 2022

● Les soins prodigués aux étrangers en situation irrégulière ne se limitent pas à l’AME et au dispositif du maintien des droits expirés

À côté de l’AME et du maintien des droits expirés, il existe au moins neuf autres dispositifs déjà identifiés dans l’étude conduite en 2021. Il s’agit des soins dispensés à Mayotte, des soins prodigués dans les centres de rétention administrative, de la mission d’intérêt général dédiée à la précarité, des permanences d’accès aux soins de santé, de l’admission au séjour pour soins, des soins en détention, des équipes mobiles psychiatrie précarité, des SAMU sociaux et de dépenses fiscales. Au total, le coût agrégé de l’ensemble de ces dispositifs dépasserait 1,7 milliard d’euros en 2022.

● L’exemple de la procédure d’admission au séjour pour soins : un dispositif largement détourné de son objectif initial

Les titres de séjour pour soins devraient être octroyés uniquement dans une visée humanitaire pour répondre à des situations exceptionnelles et graves. Néanmoins, les conditions d’accès à ce dispositif ne sont pas opérantes :

– le critère de la résidence habituelle en France : 13,3 % des demandes sont déposées par des étrangers dont l’entrée sur le territoire français remonte à moins de douze mois. La non-application de cette condition favorise la migration pour soins ;

 le critère de l’exceptionnelle gravité : le dernier rapport au Parlement de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) évoque la « banalisation » de ce critère ([44]). À titre exemple, même s’il s’agit de cas minoritaires, des titres de séjours sont octroyés pour des demandes de procréation médicalement assistée ;

– le critère de l’existence du soin dans le pays d’origine : il est permis de s’étonner du fait que, chaque année, l’OFII enregistre des demandes émanant de ressortissants des États-Unis, du Canada ou encore de la Suisse qui disposent pourtant d’un éventail de soins particulièrement étendu. Entre 2017 et 2022, 5 598 ressortissants de pays du G20 ont déposé une demande de titre de séjour pour soins.

Le coût total de ce dispositif est difficile à évaluer. La rapporteure spéciale déplore le manque de transparence sur ce sujet mais considère qu’un faisceau d’indices permet de supposer que ces dépenses sont très élevées. Les pathologies soignées au titre de cette procédure sont par principe graves et de longues durées. L’OFII constate également l’arrivée d’étrangers venant se faire soigner en France pour des thérapies innovantes et parfois très onéreuses.

  1.   dES DISPOSITIFS EN ATTENTE D’une vÉritable rÉforme

Au terme de ses travaux, la rapporteure spéciale souhaite formuler un certain nombre de recommandations qui, si elles sont mises en œuvre, permettraient de maîtriser plus efficacement le coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière.

 Un prérequis à toute démarche de réforme : disposer de statistiques plus fines sur les étrangers en situation irrégulière et leur consommation de soins

 Diligenter un travail interministériel ou solliciter des corps d’inspection pour affiner l’évaluation du nombre d’étrangers en situation irrégulière présents sur le territoire français (en métropole et outre-mer) : sans une évaluation plus fiable du nombre d’étrangers en situation irrégulière, la dépense de soins engagée au profit de ce public ne peut pas être pilotée efficacement.

 Autoriser le ministre chargé de la santé à recueillir des données anonymisées à visée statistique sur la nationalité des demandeurs et des bénéficiaires de l’AME ainsi que sur les pathologies soignées : ces données permettraient d’affiner les connaissances en matière de filières de migration pour soins et seraient utiles en termes de santé publique.

– Autoriser l’agence de la biomédecine à connaître et enregistrer le statut administratif des étrangers sollicitant ou bénéficiant d’une greffe : cette mesure permettrait de déterminer si les étrangers en situation irrégulière font peser, ou non, certaines tensions sur ce maillon du système de soins français.

● Réformer l’AME : un levier essentiel pour endiguer la hausse du coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière

 Recentrer l’AME sur les soins urgents ou, à défaut, redéfinir le panier de soins pour en exclure certains gestes médicaux (intervention pour oreilles décollées, pose d’un anneau gastrique et autres interventions liées à l’obésité).

● Réformer la procédure d’admission au séjour pour soins afin de rendre ce dispositif socialement acceptable

– Subordonner l’accès à cette procédure à une résidence antérieure minimale de deux ans sur le territoire français ;

– mieux définir la notion de « conséquences d’une exceptionnelle gravité » ([45]) en précisant que le pronostic vital du demandeur doit être engagé à court terme ;

– substituer au critère actuel d’accès aux soins effectifs dans le pays d’origine celui, plus restrictif et plus précis, d’absence de traitement dans le pays d’origine.

● Réformer la protection santé des demandeurs d’asile provenant de pays d’origine sûrs

– exclure les demandeurs d’asile provenant de pays d’origine sûrs de la procédure d’admission au séjour pour soins ;

– exclure les demandeurs d’asile provenant de pays d’origine sûrs du maintien des droits expirés et maintenir les intéressés dans l’AME de droit commun.

 


L’adéquation des moyens des services départementaux d’incendie et de secours à leurs missions et aux défis à venirSécurités : Sécurité civile (M. Florian Chauche)

Les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) représentent la majorité des dépenses publiques de sécurité civile, soit 5,4 milliards d’euros en 2021 ([46]), l’État contribuant pour sa part à hauteur de 1,3 milliard d’euros au titre de l’ensemble des programmes budgétaires figurant dans le document de politique transversale « Sécurité civile » annexé au projet de loi de finances pour 2022.

              Alors que les dépenses des SDIS, quasi-exclusivement financées par les collectivités territoriales, s’inscrivent dans une tendance haussière depuis leur création, leur modèle de financement atteint ses limites. De fait, la multiplication des missions des SDIS entraîne une sur-sollicitation des forces de sécurité civile limitant drastiquement leur marge de manœuvre. Dans ce contexte, la saison des feux 2022, exceptionnelle par son ampleur, a rappelé aux SDIS les défis que pose le changement climatique pour lesquels nos forces d’intervention ne sont pas encore prêtes. Dès lors, le mode de financement des SDIS doit être repensé, non seulement pour assurer leur bon fonctionnement mais aussi pour anticiper les crises à venir.

              L’augmentation des dépenses des SDIS, renforcée à terme par le changement climatique (I) et les dysfonctionnements actuels du modèle de sécurité civile (II) impliquent donc une remise à plat du financement des services départementaux d’incendie et de secours (III).

  1.   Des dÉpenses en progression amenÉes À s’aggraver avec le changement climatique

Les dépenses des SDIS s’affichent en hausse constante

Les SDIS affichent une progression totale de leurs dépenses de 66,5 % entre 2002 et 2021 et, plus particulièrement, de 11 % entre 2016 et 2021.

Les dépenses de fonctionnement des SDIS sont constituées en majorité de frais de personnel (83 % en moyenne). Entre 2002 et 2021, les charges de personnel des SDIS ont augmenté de 108 %. Cette hausse est imputable à une augmentation des effectifs permanents (sapeurs-pompiers professionnels et personnels administratifs et techniques spécialisés) sur le début de la période puis à une progression soutenue de leur rémunération. La hausse des effectifs découle notamment du processus de départementalisation mais également de facteurs externes comme l’application de la réglementation relative à la réduction du temps de travail. L’augmentation notable des rémunérations traduit la reconnaissance et la valorisation de la dangerosité du métier de sapeur‑pompier.

La mise à niveau des équipements des SDIS a entraîné une augmentation des dépenses d’investissement significative depuis 2016 (+ 34 % entre 2016 et 2021 hors remboursement de la dette). Ces investissements sont quasi exclusivement constitués de dépenses d’équipement (construction, véhicules et matériel d’incendie et de secours principalement). Les SDIS ont eu recours à l’emprunt pour financer ces investissements mais sont parvenues à maîtriser leur encours de dette et affichent une capacité d’autofinancement satisfaisante.

Dans ce bilan national, il convient toutefois de souligner une forte disparité géographique qui se traduit par une surreprésentation des SDIS du pourtour méditerranéen appartenant à l’Entente Valabre, un établissement public qui réunit 31 membres (15 départements, 15 SDIS et la collectivité territoriale de Corse) à la pointe de la compétence en matière de sécurité civile en France et en Europe.

Le changement climatique induit une augmentation significative des dépenses des SDIS

L’Institut de l’Économie pour le Climat (I4CE) estime que le changement climatique aura une incidence significative sur les dépenses globales engagées par les acteurs publics et privés de la sécurité civile. Son hypothèse – qualifiée de conservatrice – prévoit une hausse d’au moins 115 millions d’euros par an des besoins de financement.

S’il est très difficile de tracer des prévisions fines quant aux effets du changement climatique sur la sécurité civile, ceux-ci sont déjà visibles après la saison des feux 2022 qui a témoigné d’une large augmentation des surfaces sensibles aux feux de forêt et d’une mobilisation sans précédent des forces et des moyens de la sécurité civile.

En outre, dans son rapport d’octobre 2022 « Le financement des services d’incendie et de secours : réalisations – défis – perspectives » ([47]), l’Inspection générale de l’administration (IGA) note que le seul maintien à niveau des moyens de la sécurité civile nécessitera un effort financier supplémentaire. Cet état de fait témoigne du sous-investissement en matière d’équipements de lutte contre les incendies qui a marqué la dernière décennie.

  1.   un modÈle de sÉcuritÉ civile en grande difficultÉ

Une sur-sollicitation des SDIS qui mène à une perte de sens pour les sapeurs-pompiers

Les SDIS ont connu une hausse du nombre de leurs interventions depuis une quinzaine d’années : entre 2005 et 2021, le nombre d’interventions des SDIS a crû de 29,7 %. Cette augmentation est principalement portée par les opérations de secours à personne qui constituent en 2021 près de 80 % des interventions. Cette évolution se traduit par une sur-sollicitation exprimée par les sapeurs-pompiers et observable par un allongement du délai moyen d’intervention. En effet, si le temps de traitement de l’appel reste stable, celui du délai moyen d’arrivée des secours a connu, depuis 2016, un allongement d’environ 2 minutes. Il s’agit là d’une moyenne qui masque des disparités importantes en fonction des territoires. En outre, l’arrivée des secours ne correspond pas nécessairement à l’arrivée des moyens adéquats pour résoudre le problème.

Si le secours à personne (SAP) fait partie intégrante des missions d’urgence des SDIS, ces derniers sont sollicités pour des interventions qui, en pratique, n’en relèvent pas, à l’image des interventions « d’aide à la personne » ou des carences ambulancières. Ces dernières ont par ailleurs connu une revalorisation de leur indemnisation qui demeure toutefois bien inférieure au service rendu. Ces opérations qui n’appartiennent pas au cœur des missions d’urgence des SDIS représentent aujourd’hui plus d’une intervention sur cinq : il s’agit là d’un dévoiement des missions des sapeurs-pompiers qui constitue un problème prioritaire pour votre rapporteur.

Cette situation conduit à une perte de sens pour les sapeurs-pompiers professionnels et à une crise de vocation pour les sapeurs-pompiers volontaires. Globalement, cela se traduit par une moindre attractivité de la profession.

L’inadéquation du modèle aux enjeux à venir

À court terme, les sapeurs-pompiers font part de leur inquiétude au sujet de la période des Jeux olympiques et paralympiques 2024. Les forces de sécurité civile seront très mobilisées pour cet événement qui se déroulera par ailleurs au cœur de la saison des feux 2024. De nombreux sapeurs‑pompiers volontaires pourraient en outre être amenés à assumer des activités professionnelles pendant la période des Jeux et ne seront donc pas disponibles, ce qui risque d’accroître encore le manque de moyens humains pour cet évènement international.

Plus généralement, les moyens des SDIS apparaissent inadaptés pour affronter les prochaines saisons des feux. À titre d’exemple, si le parc de véhicules des SDIS a grandi, le nombre de camion‑citerne feux de forêt (CCF) a lui diminué, passant de 5 117 en 2002 à 3 845 en 2020 alors même que les CCF sont essentiels dans la lutte contre les feux de forêt.

Cette inadaptation est très différenciée selon les territoires. Les SDIS habitués aux épisodes de feux de forêt intenses sur le pourtour méditerranéen ont développé un niveau de formation et de pratiques en pointe par rapport à d’autres départements jusqu’ici plutôt épargnés par les incendies. Ainsi, 45 % du parc national de CCF est regroupé dans seulement 16 départements.

  1.   UN FINANCEMENT DES SDIS À REPENSER

Le financement partagé entre départements et bloc communal doit être remis à jour

Les départements sont les financeurs majoritaires des SDIS, leurs contributions représentant désormais près de 55 % des ressources des SDIS. La contribution des communes et des intercommunalités étant, en vertu de la loi, gelée dans la limite de l’augmentation de l’indice des prix à la consommation, les départements assument la plus grande partie de la hausse les dépenses des SDIS depuis l’exercice 2003. Ainsi, les contributions du bloc communal au financement des SDIS représentent moins de 2 % de ses dépenses quand elles s’élèvent à environ 5 % des dépenses des départements.

Les contributions des collectivités territoriales sont entourées d’une certaine complexité et suivent des règles qui ne sont pas toujours en lien avec des critères pertinents. Les critères de répartition de la contribution aux SDIS entre communes du même bloc communal, déterminés par le conseil d’administration de chaque SDIS, sont très variables d’un SDIS à l’autre. Certaines répartitions sont figées depuis plusieurs années sans prendre en compte l’évolution de la population ou du potentiel financier de la commune.

La contribution des départements est financée par une fraction de la taxe sur les conventions d’assurances (TSCA) transférée par l’État mais s’élève en réalité à un niveau supérieur à cette fraction. Le montant de TSCA versé à chaque département repose sur des critères qui apparaissent aujourd’hui obsolètes (nombre d’immatriculations dans le département au 31 décembre 2003). Il manque par ailleurs de lisibilité, de nombreux acteurs éprouvant de grandes difficultés à connaître son niveau. Votre rapporteur spécial prône donc une mise à jour de la clef de répartition entre départements ainsi qu’une plus grande transparence quant aux montants versés.

Pour faire face à la hausse prévisible des dépenses des SDIS, l’État doit renforcer son soutien financier

L’État soutient le financement des SDIS par différents vecteurs, en particulier via le programme budgétaire 161 et à travers certaines dépenses exceptionnelles annoncées après la catastrophe qu’a été la saison des feux 2022 (notamment le pacte capacitaire à hauteur de 150 millions d’euros).

Toutefois, ce soutien demeure insuffisant et le rapport de l’inspection générale de l’administration (IGA) d’octobre 2022 le rappelle : le financement des SDIS est « à bout de souffle ». Dès lors votre rapporteur spécial formule plusieurs recommandations ci-après pour garantir la soutenabilité financière des SDIS pour les années à venir.

Les principales recommandations des rapporteurs spéciaux :

– Augmenter la fraction de TSCA reversée aux départements par l’État et engager à cette occasion des mécanismes de péréquation qui tiennent compte des risques respectifs, en matière de sécurité civile, des départements bénéficiaires.

– Renforcer la lisibilité et actualiser le mode de calcul du montant de TSCA versé aux départements pour le financement des SDIS afin qu’il se fonde sur des critères transparents et mis à jour.

– Créer une contribution directe des compagnies d’assurance au financement des SDIS valorisant le bénéfice que tirent les compagnies d’assurance de l’activité de secours aux personnes et aux biens menée par les sapeurs-pompiers.

– Engager une réflexion sur les conditions du dégel de la contribution du bloc communal au financement des SDIS. Le taux d’évolution de celle-ci pourrait être lié au taux d’évolution de la contribution du département.

– Instituer une contribution additionnelle à la taxe de séjour pour les collectivités touristiques qui connaissent une augmentation significative des interventions des SDIS du fait de l’afflux de touristes. Celle-ci pourrait s’accompagner d’une augmentation du tarif plafond de la taxe de séjour pour les palaces et les hôtels cinq étoiles.

– Revaloriser le montant des indemnités de carences ambulancières à hauteur de leur coût réel afin de favoriser la limitation de ce type d’intervention ne relevant pas des missions des sapeurs-pompiers.

– Mieux organiser la mutualisation des moyens et des achats des SDIS afin de permettre des économies d’échelle.

La contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et de la stratégie de prévention et de protection de l’enfanceSolidarité, insertion et égalité des chances (Mme Perrine Goulet)

L’État a mis en place deux contrats avec les départements dans le champ des politiques de solidarité en 2019 et 2020 : les CALPAE (Conventions d’appui à la lutte contre la pauvreté et d’accès à l’emploi) et les CDPPE (Contrats départementaux de prévention et de protection de l’enfance). Ces deux contrats constituent respectivement les volets territorialisés de la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et de la Stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance.

 Les CALPAE couvrent la période 2019-2022 pour les 99 départements signataires. Elles ont été prolongées d’un an en 2023 (six mois pour les départements ayant initialement contractualisé en année glissante de juillet à juin) avant la mise en œuvre prévue en 2024 des futurs pactes locaux de solidarité. Les CDPPE couvrent une période de trois ans après la signature du contrat (29 départements engagés en 2020, 95 départements en 2022). Les CALPAE comme les CDPPE font l’objet d’avenants annuels précisant le niveau d’engagement de l’État au regard du rapport d’exécution de l’année précédente.

 Les CALPAE sont bipartites (préfet-département), avec la cosignature des 21 métropoles dans les territoires concernés et, jusqu’en 2022, de quelques régions, tandis que les CDPPE sont tripartites (préfet-département-agence régionale de santé). Les deux contrats reposent sur un niveau de financement équivalent de la part de l’État et du département (au niveau de l’action pour les CALPAE et au niveau global des contrats pour les CDPPE). Les CALPAE ont représenté une enveloppe de 225 millions d’euros ouverte en LFI 2022 sur l’action 19 du programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes pour un montant délégué en 2022 atteignant 149 millions d’euros. Le financement de l’État des CDPPE repose sur les crédits de l’action 17 du programme 304 (131 millions d’euros en 2022), de l’ONDAM (14 millions d’euros en 2022) et du Fonds d’intervention régional – FIR – (49 millions d’euros mobilisés en 2022) à disposition des agences régionales de santé (ARS).

 Les CALPAE sont aujourd’hui fondés sur plusieurs objectifs socles dont les cibles, qui varient selon les territoires, doivent suivre une progression d’une année à l’autre : accompagnement des bénéficiaires du RSA, déploiement de la garantie d’activité, couverture intégrale du territoire par les premiers accueils sociaux inconditionnels de proximité, généralisation des référents de parcours, plans de formation des travailleurs sociaux et des professionnels de la petite enfance, mise en œuvre de maraudes mixtes et soutien à la mobilité des demandeurs d’emploi dans plusieurs départements. Ils incluent des actions d’initiative départementale. Les CDPPE se déclinent en 29 objectifs dont 5, financés par le FIR, sont aujourd’hui obligatoires : 20 % d’entretiens prénataux précoces au niveau national, doublement des visites à domicile de sages-femmes avant et après la naissance de l’enfant, 15 % de consultations par des puéricultrices à domicile jusqu’aux 2 ans de l’enfant au niveau national, 20 % de consultations infantiles en PMI correspondant à des examens de santé obligatoire du jeune enfant au niveau national, augmentation des bilans de santé à l’école pour les enfants de 3 à 4 ans selon le référentiel défini par le carnet de santé.

  1.   les calpae : Un effet moteur indÉniable pour les dÉpartements

 Une coordination entre acteurs pertinente et utile

 De l’avis de l’ensemble des acteurs concernés, les CALPAE ont permis d’enclencher des coopérations utiles entre les départements et les directions départementales de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS), mais également avec d’autres acteurs publics comme les caisses d’allocations familiales et Pôle emploi. Les défis du territoire ont fait l’objet de diagnostics partagés.

 Le partage des rôles entre les commissaires à la lutte contre la pauvreté sous l’autorité du préfet de région (CLP) et les DDETS n’est pas toujours évident aux yeux des départements. Certains départements ont dû faire appel à la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et à la délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté (DIPLP) pour éclairer les circulaires de mise en œuvre.

 Des résultats positifs enregistrés

– Le soutien budgétaire de l’État pour les CALPAE a permis aux départements d’améliorer la performance de leur action via la refonte des procédures internes et la transformation des systèmes d’information.

– Les actions mises en œuvre dans le cadre CALPAE ont enregistré des résultats satisfaisants notamment en ce qui concerne l’accompagnement des bénéficiaires du RSA : 57 % de nouveaux entrants au RSA ont été accompagnés en moins d’un mois en 2021 contre 46 % en 2019. Par ailleurs, 95 % de la population française était couverte par un premier accueil social inconditionnel accessible à moins de 30 minutes en 2021. 14 500 personnes ont été accompagnées par des plateformes de mobilité à des fins d’insertion professionnelle Des progrès importants sont aussi à noter concernant la lutte contre les sorties sèches de l’ASE (objectif sorti des CALPAE et intégré aux CDPPE en 2022) : le nombre de jeunes pris en charge dans le cadre du référentiel est passé de 50 % en 2019 à 75 % en 2021. La politique de formation des travailleurs sociaux s’est à l’inverse heurtée aux réticences des personnels concernés. Les référentiels correspondants aux référents de parcours n’ont pas été interprétés de façon identique dans tous les départements.

– Le rapport d’évaluation de l’IGAS de 2021 remarquait que 48 % des actions inscrites dans les CALPAE les premières années relevaient d’actions nouvelles (contre 36 % d’actions renforcées et seulement 10 % d’actions valorisées).

  1.   les cDPPE : une rÉalitÉ plus hÉtÉrogÈne

 Une vraie impulsion pour le déploiement de nouvelles actions malgré les difficultés conjoncturelles

– Les départements ont développé de nouvelles actions qui n’auraient pas vu le jour sans les financements de l’État, dans des champs parfois désinvestis et sinistrés (souffrance psychologique, protection de l’enfance). Les départements se sont également emparés de la possibilité de déployer des actions facultatives dans le domaine du soutien à la parentalité en direction des familles vulnérables. Ainsi le niveau faible des financements de l’État rapporté aux dépenses des départements, notamment dans le champ de la PMI, n’a pas constitué une limite à la mise en œuvre des contrats.

– Les indicateurs relatifs aux objectifs obligatoires ont plutôt baissé depuis 2019 mais ces résultats décevants sont à replacer dans le contexte de la crise sanitaire et des difficultés de recrutement dans le champ médico-social : il est trop tôt pour dresser le bilan des CDPPE.

 Les relations difficiles entre les ARS et les départements

 Les ARS comme les départements ont témoigné de la difficulté de leurs relations mutuelles, qui dépasse d’ailleurs le cadre des CDPPE. Les départements jugent l’action des ARS parfois infantilisante et dépourvue de respect à l’égard de leur autonomie de gestion. Certaines actions, pour lesquelles les départements étaient incités à s’engager, ne correspondraient pas toujours aux réalités du territoire. Inversement, plusieurs départements n’auraient pas joué le jeu de la coconstruction des actions mises en œuvre. La rapporteure a également pris connaissance de fiches actions de certains CDPPE relevant des missions fondamentales des départements, qui ne devraient pas bénéficier d’un soutien financier de l’État.

 Des administrations d’État inégalement capables d’assurer le suivi des CDPPE

– Contrairement à la lutte contre la pauvreté, qui fait l’objet d’une politique publique d’État depuis de nombreuses années, la protection maternelle et infantile (PMI), tout comme l’aide sociale à l’enfance (ASE), a été entièrement décentralisée aux départements en 1983. Certaines DDETS se trouvent dans l’incapacité de suivre convenablement l’action des départements, faute d’effectifs humains suffisants et compétents pour appréhender les enjeux de la petite enfance. Par ailleurs, la gestion en silos des actions par les DDETS d’un côté et les ARS de l’autre ont limité les échanges entre ces deux acteurs et le pilotage global des contrats.

  1.   Des dÉfis communs aux deux contrats

 Un suivi de l’exécution complexe et lourd pour les départements sans contrôle effectif de la part de l’État

– L’ensemble des départements rencontrés ont fait valoir les difficultés du suivi des deux contrats représentant un coût humain et financier important (jusqu’à 0,5 ETP) au regard des financements modestes de l’État, d’autant plus lourd que le département est faiblement doté. Les indicateurs sont jugés trop nombreux. Les changements de référentiel – la définition d’un nouvel entrant au RSA a ainsi été modifiée en cours d’exécution des CALPAE – ont complexifié le suivi pour les départements et parfois occasionné des dépenses supplémentaires d’adaptation des systèmes d’information. Certains indicateurs ont fait l’objet d’une interprétation différente selon les territoires, rendant impossible l’agrégation des données au niveau national.

– Cette lourdeur est paradoxale tant le contrôle de l’État est faible, qu’il s’agisse des dépenses des départements ou des indicateurs qui sont renseignés. Les données transmises par les départements sont purement déclaratives. Les départements peuvent valoriser les crédits d’actions qu’ils finançaient déjà auparavant. L’effet levier des crédits de l’État, à savoir leur capacité à générer des dépenses supplémentaires pour les départements, ne fait l’objet d’aucune estimation au niveau local.

– Un meilleur pilotage des données concernant le suivi des politiques sociales est également nécessaire : les valeurs des indicateurs sont remontées directement des départements à la DGCS sans passer par les DDETS qui ne bénéficient d’aucun retour de la DGCS. De leur côté, les collectivités territoriales (départements et métropoles) regrettent l’absence de partage des données territoriales par les opérateurs et administrations d’État (CAF, CARSAT, Pôle emploi) sur les politiques couvertes par les contrats.

 Le pilotage financier : une délégation des crédits plus rapide, une indispensable pluriannualité et une fongibilité des crédits à renforcer

– Dans le cas des CALPAE, le calendrier annuel de conventionnement débute par un dialogue de gestion en début d’année pour faire le bilan de l’exécution de l’année passée. Les avenants annuels sont finalisés à la fin du printemps et souvent adoptés par les conseils départementaux à l’automne : les crédits de l’État ne sont ainsi délégués qu’à l’automne, parfois même en décembre, ce qui fragilise la mise en œuvre des actions.

 L’absence de visibilité pluriannuelle sur les financements fragilise aussi la mise en œuvre d’actions qui s’inscrivent dans le temps long, aussi bien lorsqu’il s’agit de partenariats avec des associations que du recrutement nécessaire d’effectifs supplémentaires. Ce problème est spécifique pour les crédits budgétaires du programme 304.

– Les départements regrettent le caractère contraint des objectifs nationaux, ne correspondant pas toujours aux réalités des territoires et aux priorités du département, faute d’un diagnostic partagé en amont entre les services de l’État et les départements. Une plus grande fongibilité des crédits entre les actions est attendue et une plus grande transparence dans l’utilisation des crédits à disposition des CLP est souhaitée.

 Des interrogations sur la gouvernance

Pour les CDPPE comme pour les CALPAE, des interrogations ont émergé sur l’opportunité ou non de revoir la gouvernance des contrats :

Les principales recommandations des rapporteurs spéciaux :

– Donner plus de marges de manœuvre aux départements dans le choix des objectifs devant être poursuivis et rendre davantage fongible les enveloppes budgétaires à disposition des départements ;

– Pluriannualiser les financements de l’État (pactes de solidarité, crédits budgétaires du programme 304 sur les CDPPE) ;

– Limiter le nombre d’indicateurs qui doivent être définis clairement par les référentiels et les stabiliser sur toute la durée des contrats ;

– Permettre un meilleur partage des données à disposition des administrations à destination des départements tout en s’assurant de la fiabilité et de la complétude des données transmises par les départements comme par l’État ;

– S’assurer que les dépenses des départements inscrites dans les contrats ne financent que des nouvelles actions ;

– Renforcer les moyens à disposition des administrations déconcentrées (DDETS) notamment dans le champ de la PMI et de l’ASE, et limiter les dépenses d’ingénierie nécessaires pour le suivi des contrats pour les départements les moins dotés.

Le Plan 5 000 équipements sportifs de proximitéSport, jeunesse et vie associative (M. Benjamin Dirx)

Annoncé par le Président de la République le 14 octobre 2021, le plan « 5 000 terrains de sport » ([48]) a comme objectif d’accompagner le développement de 5 000 équipements sportifs de proximité d’ici 2024. Une enveloppe de 200 millions d’euros sur la période 20222023 ([49]) a ainsi été votée ([50]) pour ce programme, dont le déploiement a été confié à l’Agence nationale du Sport.

De nombreux porteurs de projets (collectivités, associations à vocation sportive, fédérations sportives…) peuvent déposer un dossier afin d’obtenir une aide au financement pour la construction, la requalification ([51]), la couverture ou encore l’éclairage d’un équipement léger (terrains de sports extérieurs comme les plateaux multisports, terrains de baskets 3x3, terrains de padel, blocs d’escalade…) pouvant aller de 50 % à 80 % du coût total de l’opération.

Afin d’œuvrer au plus proche des territoires, une large majorité des crédits est gérée au niveau déconcentré. Sur les 96 millions d’euros d’autorisations d’engagement ouvertes en 2022, 81 millions l’ont été au titre du volet régional, délégués aux préfets de région, et 15 millions au titre du volet national, gérés par l’Agence.

Plébiscité et salué par l’ensemble des acteurs, le plan 5 000 terrains de sport a été un succès en 2022 (I). Sa mise en œuvre en 2023 doit cependant être adaptée afin de remédier aux difficultés qui ont pu être constatées (II) et sa poursuite en 2024 apparaît comme un impératif (III).

  1.   Un grand succès dans la mise en Œuvre du plan en 2022

La première campagne du plan 5 000 a fonctionné de janvier à septembre 2022 et a permis le financement de plus de 2 100 équipements.

Plus de 2 100 équipements variés ont été financés en 2022

En 2022, 1 260 dossiers représentant 2 129 équipements ([52]), de 50 types différents, ont été financés. Plus de 1 000 équipements ont été construits et une centaine requalifiée.

Principaux équipements financés en 2022

Équipement financé

Nombre

Plateaux multisports

701

Pumptracks

171

Terrains de basket 3x3

156

Skate-parks

138

Pistes de padel

121

Source : Commission des finances, à partir des données transmises par l’Agence nationale du Sport

Le taux moyen de subvention en 2022 était de 62 %, et la subvention moyenne par équipement de 40 596 euros (min : 8 000 euros ; max : 499 999 euros).

Des projets principalement portés par les collectivités territoriales, qui ont bénéficié à toutes les régions mais exclusivement aux territoires carencés

En 2022, 95 % des projets sont portés par des collectivités territoriales et 5 % par des associations sportives.

principales régions ayant bénéficié du plan 5 000 Équipements

Région

Montant attribué

Nombre d’équipements financés

Île-de-France

17 930 894 €

350

Nouvelle-Aquitaine

7 167 000 €

254

Auvergne-Rhône-Alpes

9 916 445 €

228

Occitanie

7 102 998 €

218

Hauts-de-France

7 377 444 €

202

Pays de la Loire

5 049 000 €

171

Source : Commission des finances, à partir des données transmises par l’Agence nationale du Sport

Note de lecture : les équipements des projets portés par les fédérations sont imputés au département siège de la fédération. Cela concerne particulièrement des équipements mobiles (bassins, terrains de squash, terrains de basket…) qui ne sont pas installés dans un territoire fixe.

Seuls les territoires carencés étaient éligibles. Les 2 129 équipements financés se situent ainsi soit en quartier prioritaire de la ville (QPV) ou à proximité immédiate, soit en zone rurale carencée ([53]), soit en outre-mer.


Répartition des équipements par territoires carencés

(en unité ; en pourcentage)

Source : Commission des finances, à partir des données transmises par l’Agence nationale du Sport

  1.   La nécessité de remédier aux difficultés rencontrées par les collectivités

Revoir les conditions de conventionnement avec les associations pour les petites collectivités

Afin qu’un financement soit octroyé dans le cadre du plan 5 000 équipements, une convention d’utilisation et d’animation de l’équipement sportif doit être signée par le porteur de projet et a minima une association sportive, afin d’assurer l’animation et la gestion de l’équipement. Cette règle, dont la philosophie est compréhensible, présente cependant deux effets de bord.

En premier lieu, elle est susceptible de constituer une difficulté pour les petites communes se trouvant sur des territoires où les associations sont peu nombreuses et peu diversifiées. Le porteur de projet est dès lors contraint de s’appuyer sur la seule association existante de la commune, qui souhaitera plus généralement la création d’un terrain multisport plutôt que celle d’un équipement favorisant une pratique émergente. Cette contrainte explique, avec notamment les carences d’équipements dans les petites communes et la problématique d’ingénierie (cf infra.), la surreprésentation des équipements multisports dans les plus petites communes.


RéPARTITION DES éQUIPEMENTS DU PLAN 5 000 TERRAINS DE SPORT
SELON LA TAILLE DES COMMUNES (VOLET RéGIONAL DU PLAN) en 2022

(en pourcentage)

Source : Commission des finances à partir des données transmises par l’Agence nationale du sport

En deuxième lieu, lorsque des collectivités déposent un dossier pour la construction d’un équipement considéré comme structurant pour certaines fédérations (pistes de padel ou de BMX par exemple), ces dernières ne sont parfois prévenues qu’à la toute fin du processus de financement. Or, dans une logique d’efficience et de bonne répartition de ces équipements sur les territoires, il serait souhaitable que les porteurs de projet consultent ces fédérations bien en amont et coconstruisent la demande.

Afin de remédier à cette situation, le rapporteur spécial propose une évolution de la condition de conventionnement obligatoire entre le porteur de projet et une association. Pour certains types d’équipements (terrains multisports), le seul conventionnement avec un établissement scolaire pourrait suffire alors que pour d’autres types d’équipements (padel, futsal), la consultation et le conventionnement avec une fédération (au niveau départemental, régional ou national) devraient être nécessaires.

La problématique d’accès au foncier

L’attention du rapporteur spécial a été attirée sur le manque de disponibilité du foncier, notamment dans les zones urbaines denses. Afin d’y remédier, le rapporteur spécial suggère qu’une réflexion soit lancée sur l’adaptation aux équipements sportifs de l’objectif de zéro artificialisation nette des sols – un équipement sportif ne pouvant être considéré comme un logement ou comme une autre construction entraînant des activités polluantes.

Certaines collectivités ne disposent pas de l’ingénierie nécessaire

Certaines collectivités, du fait notamment de leur taille, ne disposent pas au sein de leurs services de l’ingénierie nécessaire pour correctement construire un dossier de demande de financement. Le rapporteur spécial propose que, de la même manière que les fédérations peuvent bénéficier d’un financement pour un ETP chargé de coordonner de ce plan, les petites communes puissent bénéficier d’une aide financière pour recourir à un cabinet d’ingénierie.

L’outre-mer fait face à des contraintes spécifiques

Outre des difficultés d’ingénierie particulièrement importantes, les territoires d’outre-mer font face à des contraintes particulières (conditions météorologiques, accélération du choc climatique dans les environnements insulaires, baisse précoce de la luminosité dans certaines parties du globe comme en Guadeloupe, etc.), qui dégradent leurs installations sportives ou qui limitent leurs utilisations.

Les territoires d’outre-mer sont ainsi ceux ayant le moins bénéficié du plan (12 équipements financés à Wallis-et-Futuna, 6 en Guadeloupe, 4 en Nouvelle-Calédonie et un seul en Polynésie française) alors même que le subventionnement proposé était de 100 % du coût de l’équipement.

Pour certains territoires d’outre-mer, cette situation appelle des opérations de couverture et d’éclairage plutôt que de construction de nouveaux équipements, et de rénovation des équipements existants. Le rapporteur spécial recommande dès lors de réfléchir à une adaptation du plan 5 000 pour les territoires d’outre-mer, en permettant par exemple, selon les territoires, de rendre éligibles les demandes de rénovation.

  1.   Il est impératif de poursuivre le plan en 2024

Les demandes pour 2023 sont déjà très importantes

Elles excèdent pour la plupart déjà largement les enveloppes disponibles. À titre d’exemple, la région Grand Est enregistre à ce jour 17 millions d’euros de demandes de subvention, alors que son enveloppe annuelle s’élève à 6,6 millions d’euros. Les acteurs se sont désormais pleinement approprié le plan – et le rapporteur spécial juge regrettable que leurs besoins d’équipements sportifs ne puissent être satisfaits faute de crédits disponibles, en particulier l’année des jeux olympiques.

Il est nécessaire de poursuivre le plan 5 000 terrains de sport en 2024

À la suite de l’ensemble des auditions et prenant en compte l’ensemble des éléments transmis par les collectivités, les associations d’élus, les fédérations et les associations sportives, le rapporteur spécial a identifié quatre besoins principaux : un besoin en matière de rénovation (notamment énergétique) des équipements existants, un besoin spécifique concernant les piscines et les centres aquatiques, un besoin concernant la création de nouveaux équipements structurants (type gymnases) et un besoin de construction de nouveaux équipements de proximité.

Le rapporteur préconise qu’en parallèle de plans spécifiques pour les trois premiers besoins, le plan 5 000 terrains de sport soit poursuivi en 2024. Le rapporteur spécial propose que des crédits, dont le montant sera déterminé en fonction de la campagne 2023, soient inscrits à cet effet en projet de loi de finances pour 2024.

Afin de poursuivre le déploiement de ce plan après 2023, le rapporteur spécial insiste enfin sur la nécessité de recenser sur une plateforme commune, l’ensemble des équipements sportifs existant sur le territoire français.


La mise en œuvre du programme de rénovation des cités administratives et des sites multi-occupants par la direction de l’immobilier de l’ÉtatTransformation et fonction publiques ; Crédits non répartis (Mme Sophie Errante)

Près de 94 millions de mètres carrés sont occupés par l’État et ses opérateurs en France et à l’étranger : la gestion de ce patrimoine immobilier est matérialisée par la politique immobilière de l’État (PIE), dont l’objectif est de valoriser les actifs, d’entretenir et d’adapter ce parc immobilier aux besoins en évolution des services publics. La direction de l’immobilier de l’État (DIE), créée en septembre 2016 en substitution du service France Domaine et rattachée à la direction générale des finances publiques (DGFiP), représente l’État propriétaire et a pour mission de définir et de s’assurer de la mise en œuvre de la PIE.

Le programme budgétaire 348, créé par la loi de finances initiale pour 2018 avec une enveloppe budgétaire fermée d’un milliard d’euros et placé sous la responsabilité de la DIE, a pour objectif le financement interministériel de la rénovation des cités administratives et de sites occupés par plusieurs administrations de l’État et ses opérateurs. La rapporteure spéciale a souhaité évaluer sa mise en œuvre alors que la quasi-totalité des projets sont aujourd’hui en cours, afin de déterminer si ce programme ambitieux traduit bien la volonté de faire de l’immobilier un véritable levier de transformation de l’action publique.

Ainsi, la rapporteure spéciale a décidé de conduire une évaluation de ce programme en cours de réalisation, qui porte des travaux de restructuration immobilière et de rénovation énergétique, afin d’identifier les difficultés rencontrées et de faire un premier bilan d’étape sur la réalisation des objectifs fixés (I). Le constat ainsi dressé appelle à une réflexion plus large sur la stratégie immobilière de l’État, dans un contexte où le parc immobilier de l’État doit contribuer à répondre aux défis de la transition écologique (II).

  1.   Le programme de rÉnovation des citÉs administratives porte les enjeux de l’immobilier public de demain

 Un programme de construction ambitieux visant à moderniser une partie du parc immobilier de l’État

 Le programme 348 cible l’investissement immobilier autour de trois priorités : offrir aux services de l’État des locaux mieux adaptés à leurs missions de service public, accélérer la transition énergétique du parc immobilier de l’État et enfin poursuivre une logique de mutualisation des implantations immobilières, sources d’économies énergétiques et budgétaires.

– Les porteurs de projets sont accompagnés par les services de la DIE pendant tout le processus de mise en concurrence et de sélection des entreprises. La rapporteure relève l’intérêt du recours par certains projets de la procédure contractuelle de marché global de performance (MGP). En effet, les maîtres d’ouvrage s’approprient le sujet de la performance dès la préparation du contrat, selon une approche par objectif et non par itération des travaux à réaliser. En outre, les MGP prévoient une prise en charge de l’exploitation-maintenance dès les premières années après la livraison.

– Le pilotage des 37 projets de cités relève de la responsabilité des préfets de département qui assurent la fonction de maître d’ouvrage. Le comité de pilotage, où la DIE est représentée, rassemble l’ensemble des acteurs concernés concourant à la bonne mise en œuvre du projet. Le comité budgétaire se réunit deux fois par an sous la responsabilité de la DIE. La DIE accompagne par un appui juridique et technique les porteurs de projet, avec l’objectif constant de maîtriser le calendrier, l’enveloppe financière allouée et la performance énergétique.

 Malgré des retards notables sur le calendrier initial du programme, la quasi-totalité des travaux sont désormais lancés

– La livraison de l’ensemble des projets du programme 348, lors de son lancement, était fixée au plus tard pour le 31 décembre 2023. Sur les 39 projets initiaux, deux ont été définitivement arrêtés pour des raisons opérationnelles (Brest et Melun, en raison de dérives budgétaires et calendaires), trois verront leur livraison décalée courant 2025 compte tenu de délais d’études supplémentaires (Orléans, Grenoble, Toulon), tandis que quatre doivent voir leurs marchés notifiés en 2023 (Bourges, Dijon, Soisson et Toulon).

– La rénovation des cités administratives dans le cadre du programme 348 portait dès l’origine une ambition de densification des cités, prise en compte dans la performance des projets retenus, avec des services nouveaux (crèches, salles de sport, etc.) et une meilleure utilisation des restaurants inter-administratifs. Les opérations ont ainsi intégré des objectifs d’aménagement des espaces de travail favorables à une plus grande flexibilité, induite notamment par le développement du télétravail, l’essor du numérique et le renforcement des pratiques de travail collectif.

– Les travaux portés contribuent à une amélioration significative de la performance immobilière, tout en améliorant les conditions de travail des agents. La densification des cités s’accompagne d’une libération de nombreux sites de l’État pour un total d’environ 243 000 m² (241 bâtiments) : hors montant des cessions ou valorisations des sites, l’économie générée a été estimée en 2020 à 39 millions d’euros par an. À ce titre, le chantier de construction de la cité administrative de Nantes visité par la rapporteure spéciale illustre ce que peut être une administration moderne et en quoi la mise en œuvre de la nouvelle politique immobilière contribue à la qualité de la marque employeur de l’État.


 Des points de vigilance persistants sur l’atteinte des objectifs du programme au regard du contexte de hausse des coûts

– La ressource cumulée sur la période 2018-2022 est de 1,07 milliard d’euros : 874,02 millions d’euros ont été engagés au 31 décembre 2022. Aussi bien en ce qui concerne le rythme d’avancement que sur les décaissements, les incertitudes qui pesaient sur le programme se sont peu à peu levées au fur et à mesure des notifications de marché de travaux. Toutefois, quelques projets commencent à rencontrer des difficultés liées à des appels d’offres infructueux, à des défaillances de la part d’entreprises titulaires de marchés de travaux ou de leurs sous-traitants, ou encore à l’effet de la hausse des coûts des matériaux. La DIE veille depuis le démarrage des opérations à maintenir l’enveloppe fermée de 1 milliard d’euros allouée au programme, malgré l’augmentation des prix causée par la reprise économique en sortie de crise sanitaire puis par la guerre en Ukraine. Pour les projets ayant déjà notifié leurs marchés de travaux, toute demande d’abondement au titre des aléas est étudiée en vérifiant l’impact des modifications des programmes des travaux sur les objectifs de densification et de performance énergétique.

– Trois indicateurs de performance sont actuellement suivis : l’économie d’énergie, la réduction des surfaces et le coût de l’énergie économisée. Le coût de l’énergie économisée (€/kWh économisé) correspond à un indicateur d’efficience des projets sélectionnés. Toutefois, comme le relève la Cour des comptes, aucun indicateur d’avancement n’est proposé par la DIE pour suivre les économies d’énergie en cours de réalisation. Si la DIE confirme son pilotage des projets en tenant compte des gains énergétiques pérennes actualisés à chaque mise à jour des fiches navettes par les porteurs de projets, la transparence de ce pilotage pourrait être améliorée.

– Le programme de rénovation des cités administratives devra être poursuivi par une meilleure gestion sur le volet exploitation-maintenance, afin que les gains affichés soient valorisés sur le long terme grâce à la montée en compétence des équipes locales en charge de la gestion des cités ou au recours à des structures adaptées, telles que l’AGILE (Agence de l’immobilier de l’État).

  1.   Penser une stratÉgie immobiliÈre de l’État adaptÉe aux dÉfis de la transition environnementale

 Un patrimoine immobilier de l’État singulier à plusieurs titres et financé par une pluralité de vecteurs budgétaires

 Le patrimoine immobilier de l’État en France se distingue par plusieurs caractéristiques vis-à-vis des autres pays européens : son envergure (94 millions de m², pour près de 192 000 bâtiments), son hétérogénéité (bureaux, institutions, monuments, logements, locaux d’enseignement, etc.), son implantation géographique (20 % des bâtiments sont situés en Île-de-France) et sa valeur (estimée à 70 milliards d’euros à la fin de l’année 2021).

– Au sein de la politique immobilière de l’État, il convient de distinguer l’État propriétaire, représenté au niveau national par le ministre chargé de domaine, c’est-à-dire le ministre délégué chargé des comptes publics, assisté par la DIE, et l’État occupant, à savoir les services de l’État et ses opérateurs. La conférence nationale de l’immobilier public (CNIP), dont la DIE est chargée d’assurer le pilotage, est une instance consultative qui fixe le cadre interministériel et arrête les orientations de la PIE, sans préjudice du pouvoir de décision du ministre. La DIE et la direction du budget organisent les conférences immobilières dans le cadre du cycle budgétaire, qui permettent d’établir et d’échanger sur un panorama de l’immobilier de l’État et de ses opérateurs. Pour autant, la DIE n’a pas de réelle visibilité sur les débats budgétaires entre les conférences immobilières et les arbitrages définitifs pour les programmes dont elle n’a pas la responsabilité.

– Les dépenses d’investissement immobilier sont financées par plusieurs vecteurs budgétaires principaux : le compte d’affectation spéciale (CAS) Gestion du parc immobilier de l’État, consacré au financement des opérations immobilières structurantes des ministères et des dépenses d’entretien du parc propriété de l’État, le programme budgétaire 348 et surtout les 47 programmes budgétaires des ministères. Cet éclatement des budgets immobiliers entraîne plusieurs conséquences négatives soulignées par les personnes interrogées par la rapporteure : dans le cadre de la prise en gestion des sites multi-occupants, il favorise une dilution des responsabilités et une moindre maîtrise des délais de signatures des conventions.

 Afin de conduire la transition écologique et préparer l’immobilier public de demain, la nécessité d’une perspective budgétaire pluriannuelle

– La rénovation énergétique du parc immobilier de l’État est un axe prioritaire du dispositif Services publics écoresponsables (SPE), porté par la circulaire du 25 février 2020, ainsi que du plan de sobriété énergétique. En ce qui concerne les rénovations, la DIE pilote l’intégration d’une programmation pluriannuelle des rénovations lourdes dans les schémas pluriannuels de stratégie immobilière et schémas directeurs immobiliers régionaux. Les travaux à gain rapide s’appuient notamment sur l’appel à projets « Résilience 2 », dédié à l’efficacité énergétique des bâtiments de l’État et doté de 150 millions d’euros pour financer les travaux qui permettent des rapides économies d’énergie des bâtiments avec 1 200 projets retenus, ainsi que sur les fonds du Plan de relance – en 2021, 4 217 projets de rénovation ont été entrepris avec ces crédits.

 Afin d’atteindre les objectifs fixés en matière de transition environnementale, la rénovation de l’immobilier public est un levier essentiel : toutefois, les budgets alloués aujourd’hui à l’immobilier par les ministères sont insuffisants pour satisfaire ces exigences. Il conviendrait de poursuivre les efforts budgétaires en ce sens selon une trajectoire pluriannuelle, établie sous l’égide du secrétariat général à la planification écologique (SGPE) sur le fondement d’une estimation précise des besoins d’investissement annuels au regard des objectifs.

 La gouvernance actuelle de la politique immobilière de l’État doit être adaptée au défi de la transition environnementale

 La mise en œuvre d’une stratégie immobilière d’État au service de la transition environnementale suppose une plus grande unité, en évitant la parcellisation des stratégies immobilières par ministères. Ces derniers doivent impérativement conserver une autonomie d’action afin de mettre en cohérence l’immobilier qu’ils occupent avec les missions qui leur sont confiées, mais en respectant les grandes orientations fixées au plan interministériel. Cette révision de l’organisation passerait également par une plus grande unification budgétaire, afin de disposer d’un vecteur financier dédié qui assurerait une unité de mise en œuvre de la stratégie immobilière de l’État et une priorité donnée aux sujets environnementaux.

 L’AGILE, société anonyme dont le capital est entièrement détenu par l’État, apporte son savoir-faire à la DIE en matière d’opérations de gestion et de valorisation immobilière du patrimoine public. Dans le cadre du programme 348, elle est ainsi intervenue auprès des gestionnaires de site afin de leur apporter sa compétence en matière de conduite de projets immobiliers et de prise de gestion de sites, d’autant plus cruciale au regard de la baisse des effectifs spécialisés sur le terrain. La rapporteure estime pertinent de poursuivre le développement de l’AGILE, à la fois en renforçant ses prestations d’assistance aux administrations dans leurs réflexions de stratégie immobilière, mais également en engageant une réflexion sur l’accélération des activités foncières de l’agence à travers la poursuite des transferts d’actifs du patrimoine de l’État.

 Enfin, il conviendrait de mettre en place un dispositif renforcé de validation des opérations immobilières avec une évolution de la labellisation, dans son contenu et ses méthodes, mais surtout dans son périmètre (en intégrant l’immobilier spécifique) et dans son caractère opposable.

Les principales recommandations de la rapporteure spéciale :

 Ajouter au programme 348 un indicateur de performances permettant de mesurer les économies d’énergie en cours de réalisation.

– Valoriser les travaux de rénovation en assurant dès leur achèvement une gestion renforcée de l’entretien-maintenance, soit par la montée en compétence des équipes locales, soit par le recours à des structures spécialisées telles que l’AGILE.

 Faire du programme 348 le programme référent afin de mener la transition environnementale des bâtiments de l’État.

 Engager une réflexion sur l’évolution de la gouvernance de la politique immobilière de l’État, notamment sur la place de la stratégie interministérielle et des activités foncières de l’AGILE.

– Compléter le dispositif de labellisation des opérations immobilières afin de l’adapter aux nouveaux enjeux de l’immobilier public.

 


ANNEXE 1

Acteurs de la politique immobilière de l’État

 

 

Source : site internet de la DIE.

Sources de financement des dépenses d’investissement en 2021

 

Source : commission des finances.

ANNEXE 2

Présentation du projet immobilier de la cité administrative de Nantes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Annexe 1 :
Les CEPP du Printemps de l’évaluation 2023

Année

Nombre de réunions

Durée totale des réunions

2018

18

34 heures 30

2019

11

36 heures 35

2020

4

13 heures 11

2021

13

28 heures 35

2023

22

42 heures 17


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Annexe 2 :
Les thèmes d’évaluation du Printemps de l’évaluation 2023

Rapport spécial

Rapporteur

Thème d’évaluation

 rapport

Administration générale et territoriale de l’État

Charles de COURSON

La délivrance des titres d’identité et ses indicateurs de performance

1281

Cohésion des territoires : Logement et hébergement d’urgence

François JOLIVET

Les dispositifs de soutien à la rénovation énergétique de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH)

1242

Culture : Création ; Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

Alexandre HOLROYD

Des écoles nationales supérieures d’architecture naviguant à vue et à la croisée des chemins

1236

Culture : Patrimoines

Philippe LOTTIAUX

Le plan d’action « sécurité cathédrales »

1237

Défense : Budget opérationnel de la défense

Emeric SALMON

Le plan Famille

1328

Direction de l’action du Gouvernement ; Publications officielles et information administrative

Marie-Christine DALLOZ

Le coût et l’organisation de la Présidence française de l’Union européenne : un bilan mitigé

1286

Écologie, développement et mobilité durables : Infrastructures et services de transports ; Charges de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État ; Contrôle et exploitation aériens

Christine ARRIGHI

Eva SAS

Les modalités du financement des transports en France : transports en commun et collectifs

1304

Écologie, développement et mobilité durables : Énergie, climat et après-mines ; Service public de l’énergie ; Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale

David AMIEL

Emmanuel LACRESSE

Le financement et l’efficacité de dispositifs de soutien à l’investissement et à la limitation des charges des entreprises et des ménages

1305

Écologie, développement et mobilité durables : Paysage, eau et biodiversité ; Prévention des risques ; Expertise, information géographique et météorologie ; Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et des mobilités durables ; Fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires

Alma DUFOUR

Sébastien ROME

L’évaluation du système dual en matière de sûreté nucléaire, garanti par l’indépendance entre la fonction de régulateur assurée par l’ASN et celle d’expertise assurée par l’IRSN

1306

Commerce extérieur (Économie)

Franck ALLISIO

Le déficit commercial de l’industrie

1313

Économie : Statistiques et études économiques ; Stratégies économiques ; Accords monétaires internationaux

Michel SALA

L’accès aux données privées une nouvelle ressource pour l’Insee ?  

1312

Engagements financiers de l’État

Kevin MAUVIEUX

Les obligations assimilables du Trésor indexées sur l’inflation

1314

Enseignement scolaire

Robin REDA

Médecine scolaire et santé à l’école

1228

Gestion des finances publiques

Louis MARGUERITTE

La mise en œuvre du droit à l’erreur par la direction générale des finances publiques

1289

Immigration, asile et intégration

Stella DUPONT

Mathieu LEFEVRE

L’orientation directive des demandeurs d’asile :  le bilan favorable des deux premières années de mise en œuvre

1265

Justice

Patrick HETZEL

La planification de la construction des prisons : une inexorable procrastination

1283

Outre‑mer

Christian BAPTISTE

Karine LEBON

L’évaluation des dispositifs d’ingénierie proposés aux collectivités territoriales

1323

Recherche et enseignement supérieur : Enseignement supérieur et vie étudiante

Thomas CAZENAVE

La restauration étudiante

1316

Recherche et enseignement supérieur : Recherche

Mickaël BOULOUX

La recherche polaire

1315

Relations avec les collectivités territoriales ; Avances aux collectivités territoriales

Marina FERRARI

Joël GIRAUD

L’investissement du bloc communal à l’épreuve de la crise, évolutions et perspectives

1280

Santé 

Véronique LOUWAGIE

Le coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière

1244

Sécurités : Sécurité civile

Florian CHAUCHE

L’adéquation des moyens des services départementaux d’incendie et de secours à leurs missions et aux défis à venir

1264

Solidarité, insertion et égalité des chances

Perrine GOULET

La contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et de la stratégie de prévention et de protection de l’enfance 

1298

Sport, jeunesse et vie associative

Benjamin DIRX

Le Plan 5 000 équipements sportifs de proximité

1241

Transformation et fonction publiques ; Crédits non répartis

Sophie ERRANTE

La mise en œuvre du programme de rénovation des cités administratives et des sites multi-occupants par la direction de l’immobilier de l’État

1288


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Annexe 3 :
Les propositions de résolution discutées lors du Printemps de l’évaluation 2023

Proposition de résolution de M. Alexandre Holroyd relative à la définition d’un cap au bénéfice des écoles nationales supérieures d’architecture (n° 1238), adoptée par l’Assemblée nationale le 7 juin 2023.

Proposition de résolution de Mme Véronique Louwagie relative au dérapage du coût pour l’État de la couverture santé des étrangers en situation irrégulière et des demandeurs d’asile provenant de pays d’origine sûrs et au nombre d’étrangers en situation irrégulière (n° 1245), rejetée par l’Assemblée nationale le 7 juin 2023.

 

 


([1]) M. Jean-René Cazeneuve, Rapport sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2022, n° 1271, tome II, 24 mai 2023, Assemblée nationale, XVIe législature.

([2]) M. Robin Reda, Rapport d’information sur la médecine scolaire et la santé à l’école, n° 1228, 11 mai 2023, Assemblée nationale, XVIe législature.

([3]) M. Alexandre Holroyd, Rapport d’information sur les écoles nationales supérieures d’architecture, n° 1236, 15 mai 2023, Assemblée nationale, XVIe législature.

([4]) M. Florian Chauche, Rapport d’information sur l’évaluation de l’adéquation des moyens des services départementaux d’incendie et de secours à leurs missions et aux défis à venir, n° 1264, 24 mai 2023, Assemblée nationale, XVIe législature.

([5]) M. Patrick Hetzel, Rapport d’information sur la planification de la construction des prisons : une inexorable procrastination, n° 1283, 25 mai 2023, Assemblée nationale, XVIe législature.

([6]) M. Charles de Courson, Rapport d’information sur la délivrance des titres d’identité et ses indicateurs de performance, n° 1281, 24 mai 2023, Assemblée nationale, XVIe législature.

([7]) M. Mickaël Bouloux, Rapport d’information sur la recherche polaire, n° 1315, 2 juin 2023, Assemblée nationale, XVIe législature.

([8]) Mme Christine Arrighi et Eva Sas, Rapport d’information sur les modalités du financement des transports en France : transports en commun et collectifs, n° 1304, 1er juin 2023, Assemblée nationale, XVIe législature.

([9]) M. Christian Baptiste et Mme Karine Lebon, Rapport d’information sur l’évaluation des dispositifs d’ingénierie proposés aux collectivités territoriales ultramarines, n° 1323, 5 juin 2023, Assemblée nationale, XVIe législature.

([10]) M. Michel Sala, Rapport d’information sur l’accès aux données privées : une nouvelle ressource pour l’Institut national de la statistique et des études économiques, n° 1312, 1er juin 2023, Assemblée nationale, XVIe législature.

([11]) M. Florian Chauche, Rapport d’information sur l’évaluation de l’adéquation des moyens des services départementaux d’incendie et de secours à leurs missions et aux défis à venir, n° 1264, 24 mai 2023, Assemblée nationale, XVIe législature.

([12]) Mme Marie-Christine Dalloz, Rapport d’information sur l’organisation et le coût de la présidence française de l’Union européenne : un bilan mitigé, n° 1286, 30 mai 2023, Assemblée nationale, XVIe législature.

([13]) Mme Marina Ferrari et M. Joël Giraud, Rapport d’information sur l’investissement du bloc communal à l’épreuve de la crise, évolutions et perspectives. Focus sur les contrats Petites villes de demain, n° 1280, 25 mai 2023, Assemblée nationale, XVIe législature.

([14]) M. Kévin Mauvieux, Rapport d’information sur les obligations assimilables du Trésor indexées sur l’indice des prix à la consommation en France (OATi) et sur l’indice des prix de la zone euro (OAT€i), n° 1314, 1er juin 2023, Assemblée nationale, XVIe législature.

([15]) Mme Alma Dufour et M. Sébastien Rome, Rapport d’information sur l’évaluation du système dual en matière de sûreté nucléaire, garanti par l’indépendance entre la fonction de régulateur assurée par l’Autorité de sûreté nucléaire et celle d’expertise assurée par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, n° 1306, 1er juin 2023, Assemblée nationale, XVIe législature.

([16]) Dans les dispositifs MaPrimeRénov’, le rapporteur inclut le dispositif principal MPR par geste mais également « MPR Sérénité » ayant succédé au programme Habiter mieux Sérénité, et « MPR Copropriété » ayant succédé à Habiter mieux copropriétés.

([17]) Cf. décret n° 2022-8 du 5 janvier 2022 relatif au résultat minimal de performance environnementale concernant l’installation d’un équipement de chauffage ou de production d’eau chaude sanitaire dans un bâtiment.

([18]) Assemblée nationale, commission des finances, rapport de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2018 (n° 1947), annexe 12, Culture- Patrimoines, M. Gilles Carrez, page 20. Disponible en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_fin/l15b1990-a12_rapport-fond#_Toc256000010, page 23.

([19]) Entre 2007 et 2018. Idem, page 20.

([20]) Containers permettant de stocker les biens culturels dans les premiers instants d’une intervention, dont le coût est d’environ 40 000 euros l’unité de type CETRAN selon les données fournies par le SDIS de l’Oise.

([21]) Financées grâce aux crédits du ministère de l’Intérieur pour la protection des lieux à caractère religieux.

([22]) À laquelle ont répondu 19 communes sur les 96 collectivités territoriales interrogées, soit un taux de réponse de 19,8 %.

([23]) Logiciel unique à vocation interarmées de la solde.

([24]) Cette expression est reprise du dossier de presse de la LPM 2019-2025, qualifiée de LPM « à hauteur d’homme ».

([25]) Le plan Famille initié en 2018 sera qualifié de « plan Famille 1 » pour faciliter la distinction avec le second volet annoncé en février 2023.

([26]) Plan Famille 2, les principales mesures, ministère des armées, page 2.

([27]) Cour des comptes, Rapport remis à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, en application du 2° de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, « Les médecins et les personnels de santé scolaire », avril 2020.

([28]) Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), Panorama statistique des personnels de l’enseignement scolaire 2021-2022.

([29]) Cour des comptes, op. cit.

([30]) DEPP, op. cit.

([31]) Mme Stella Dupont considère cependant que l’accès au marché du travail de certains demandeurs d’asile ne constitue qu’un premier pas et qu’un accès plus large pourrait être envisagé.

([32]) MM. Jean-Jacques Hyest et Guy-Pierre Cabanel, rapport de la commission d’enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, 28 juin 2000.

([33]) La catégorie des personnes écrouées regroupe les personnes détenues ainsi que les personnes condamnées réalisant leur peine en détention à domicile sous surveillance électronique et les personnes en placement à l’extérieur sans hébergement.

([34]) Ces marchés de partenariat se déclinent sous deux formes : les autorisations d’occupation temporaire-location avec option d’achat (AOT-LOA) et les partenariats public-privé.

([35]) Plus spécifiquement, 3 951 places brutes ont été ouvertes et 1 510 places ont été fermées.

([36]) Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

([37]) Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

([38]) Loi n° 2023-265 du 13 avril 2023 visant à favoriser l’accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré.

([39]) Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

([40]) Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

([41]) Les premières données disponibles sur le nombre de bénéficiaires de l’AME datent de 2003.

([42]) Les créances irrécouvrables mentionnées font référence aux dépenses de soins qui ne sont pas imputées par les hôpitaux à l’AME alors qu’elles ont bénéficié à des étrangers en situation irrégulière.

([43]) Le dispositif du maintien des droits expirés permet à des étrangers de continuer à bénéficier de droits à l’assurance maladie pendant une durée de 6 mois suivant l’expiration du document autorisant leur séjour sur le territoire français.

([44]) Rapport au parlement, Office français de l’immigration et l’intégration, 2021.

([45]) Article L. 425-9 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

([46]) Dont 4,51 milliards d’euros de dépenses de fonctionnement et 0,89 milliard d’euros de dépenses d’investissement selon la DGFiP, hors brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) et bataillon des marins-pompiers de Marseille (BMPM).

([47]) P. Sauzey, P. Jannin, T. Montbabut, Le financement des services d’incendie et de secours : réalisations – défis – perspectives, Inspection générale de l’administration, octobre 2022.

([48]) Anciennement appelé « Plan 5 000 équipements sportifs de proximité ».

([49]) Initialement annoncé sur la période 2022 – 2024, le plan a finalement vocation à être mis en œuvre sur deux années, 2022 et 2023.

([50]) Les crédits ont été ouverts par un amendement au projet de loi de finances pour 2022.

([51]) C’est-à-dire la transformation d’un équipement sportif non utilisé en un équipement sportif de proximité.

([52]) Il est possible d’avoir plusieurs équipements par projets.

([53]) Zones de revitalisation rurale (« ZRR »), dans une commune appartenant à une intercommunalité couverte par un contrat de ruralité 2021-2026, ou dans un bassin de vie comprenant au moins 50 % de population en ZRR.