15 juin 1998

ASSEMBLÉE NATIONALE

DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 45

Réunion du jeudi 11 juin 1998 à 9 heures 30

Présidence de M. Henri Nallet, Président

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I. Compte rendu de la XVIIIe Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC) (Rapporteurs : MM. Alain Barrau et Maurice Ligot)

M. Alain Barrau a indiqué que la XVIIIe Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires des parlements de l'Union européenne, qui s'est tenue à Londres les 18 et 19 mai, avait accueilli, comme l'avait fait la COSAC de Luxembourg, des représentants des parlements des pays candidats à l'adhésion (pays d'Europe centrale et orientale et Chypre). L'ordre du jour comportait les points suivants : l'Union économique et monétaire ; l'examen par les parlements nationaux des questions relevant du troisième pilier ; l'élargissement de l'Union européenne ; la modification du règlement de la COSAC et la représentation de celle-ci à des manifestations extérieures.

La COSAC a entendu des interventions de plusieurs personnalités : Melle Judith Mayhew, présidente de la « Policy and Resources Commitee » de la City de Londres, sur le rôle économique et financier de la City ; Mme Helen Liddell, secrétaire chargée des affaires économiques au Département du Trésor, sur l'Union économique et monétaire ; Lord Richard, lord du sceau privé, leader de la Chambre des Lords, suppléant M. Robin Cook, sur la présidence britannique de l'Union européenne.

A propos de l'Union économique et monétaire, le « Conseil de l'euro » et le contrôle parlementaire ont été évoqués. Sur le premier point, la question s'est posée de savoir si cette instance pourrait contrebalancer l'indépendance de la Banque centrale européenne. C'est le point de vue que nous avons défendu, avec le soutien des représentants espagnols, italiens et suédois, alors que les Allemands n'en sont pas convaincus. S'agissant du contrôle parlementaire, l'Assemblée nationale a proposé, en votant l'amendement de M. Giscard d'Estaing à la résolution adoptée le 22 avril, l'instauration d'un comité parlementaire de l'euro, sur lequel le Parlement européen s'est montré réservé. Pour M. Donnelly, membre britannique du Parlement européen, c'est au représentant de chacun des gouvernements de la zone euro qu'il appartient de répondre de ses actions devant son parlement national, qui vote l'impôt et contrôle la politique budgétaire. En revanche, c'est au Parlement européen qu'il revient de surveiller le directoire de la B.C.E. Toutefois, le Parlement européen propose la réunion, deux fois par an, d'un « forum économique » informel, associant des membres des parlements nationaux, qui pourrait examiner le rapport annuel de la B.C.E. et le rapport économique de la Commission.

La réunion de la COSAC a par ailleurs permis de mesurer l'évolution de la position britannique sur l'euro, qui traduit une tonalité beaucoup plus positive : la Grande-Bretagne entend désormais intégrer rapidement l'Union monétaire.

Le débat sur le troisième pilier est apparu plus consensuel. Il a mis en évidence la diversité des pratiques et traditions nationales, mais aussi une insatisfaction générale quant au contrôle parlementaire des questions de circulation des personnes et de justice. M. Maurice Ligot, en particulier, a regretté les insuffisances du système français, tandis que les délégués scandinaves ont émis leurs critiques traditionnelles sur le manque de transparence de l'Union européenne.

Le débat sur l'élargissement s'est révélé assez favorable aux conceptions de la France. Comme l'a souligné M. Maurice Ligot, ce débat a fait apparaître à la fois des convergences - sur la nécessité de l'élargissement et sur les réformes institutionnelles préalables - et des divergences, qui ont porté sur la différenciation entre les PECO, les conséquences de la réforme des fonds structurels sur les pays les plus pauvres de l'Union européenne actuelle et les moyens financiers. Par ailleurs, nos critiques sur le rôle excessif de la Commission dans certaines négociations, illustré par le projet de « nouveau marché transatlantique », ont été largement soutenues.

Les deux propositions, assez secondaires, de réforme du règlement de la COSAC qui ont été présentées n'ont pu aboutir, faute de consensus. La prochaine COSAC se tiendra à Vienne et devrait être centrée sur la question de l'emploi, dans la perspective du Conseil européen de décembre.

M. Maurice Ligot, approuvant ces analyses, a souligné l'intérêt de la proposition de M. Donnelly, consistant à organiser la réunion d'un forum économique informel associant des membres des parlements nationaux et du Parlement européen pour examiner les travaux de la B.C.E. et le rapport économique de la Commission.

Pour lui, le débat sur l'élargissement a mis en évidence l'inquiétude des pays méditerranéens de l'Union, notamment de l'Italie, qui craignent que les nouvelles adhésions de pays de l'est européen ne fassent oublier les problèmes de l'Europe du sud et les relations avec les pays tiers méditerranéens.

Les questions relatives au règlement de la COSAC ne lui paraissent pas devoir être sous-estimées. Alors qu'à Dublin, la France avait obtenu, avec le soutien de la présidence irlandaise, l'accord unanime sur une déclaration relative au renforcement du rôle de la COSAC, qui est d'ailleurs reprise dans un protocole annexé au Traité d'Amsterdam, il n'a pas été possible à Londres, faute de consensus, de modifier le règlement sur deux points précis : l'organisation de réunions des présidents d'organes spécialisés ; la représentation de la COSAC à des manifestations extérieures. Le débat a été éludé, mais il apparaît que certaines délégations ont insisté sur le fait que la COSAC doit demeurer un forum informel, aussi peu institutionnalisé que possible, et refusé tout ce qui pourrait conduire à son renforcement.

M. Alain Barrau a souligné que la Présidence britannique est passée très vite sur le mode de fonctionnement de la COSAC, dont les enjeux lui paraissaient secondaires. Il conviendrait de définir une ligne politique plus précise pour reprendre ce sujet. Il a indiqué que les contacts institutionnels entre le Parlement européen et les parlements belges, italiens et français avaient été évoqués et que les représentants portugais et allemands semblaient prêts à s'y associer.

M. Jacques Myard a jugé ce débat à la fois clair - parce que les parlementaires courent après la possibilité d'exercer une influence sur le cours des choses - et surréaliste parce que, selon lui, « tout cela ne compte pas ». La réponse fournie récemment par MM. Tietmeyer et Duisenberg sur ce sujet est dépourvue d'ambiguïté. Tant que les Parlements ne reprendront pas en mains et ne sanctionneront pas ce système technocratique qu'est le directoire de la Banque centrale européenne, ils ne compteront pas et seront ravalés au rang de simples chambres d'enregistrement, caricatures de parlements nationaux.

Mme Nicole Catala a demandé si M. Donnelly avait fait ces propositions à titre personnel ou au nom du Parlement européen et dans quelle mesure elles se différenciaient de l'amendement du Président Giscard d'Estaing, adopté par l'Assemblée nationale.

M. Alain Barrau a indiqué que le débat s'était engagé à la COSAC à partir de cette disposition de la résolution adoptée par l'Assemblée nationale et que l'ensemble des délégations ont souhaité ou admis un contrôle parlementaire sur les activités de la B.C.E., même celles qui sont les plus favorables à l'indépendance de celle-ci. La Commission économique et monétaire du Parlement européen, dont M. Von Wogau est le Président et M. Donnelly le Rapporteur, a proposé d'inviter des représentants des commissions des finances des parlements nationaux pour entendre, deux fois par an, le Président de la B.C.E. sur la politique monétaire européenne. Cette proposition tend à promouvoir une forme de contrôle parlementaire dont le Parlement européen serait le maître d'oeuvre, alors que la résolution adoptée par l'Assemblée nationale, si elle ne néglige pas le rôle du Parlement européen, prévoit aussi la possibilité pour les commissions compétentes des parlements nationaux d'entendre le Président de la B.C.E.

En tout état de cause, le Président et le Directoire de la B.C.E. ne seraient pas quittes à l'égard des parlements nationaux en venant s'exprimer devant le Parlement européen.

Le Président Henri Nallet a déclaré que cette discussion soulevait deux questions dont l'une - le contrôle politique de la B.C.E. - est déjà réglée et l'autre - les rapports entre les parlements nationaux et le Parlement européen sur ce sujet - reste d'actualité. Il a proposé que la Délégation invite à l'automne le Président de la Commission économique et monétaire du Parlement européen à venir s'exprimer sur cette question, ainsi que le membre français du directoire de la B.C.E., M. Christian Noyer.

M. Alain Barrau a souhaité également que la Délégation invite M. Duisenberg à l'occasion d'une audition conjointe avec la Commission des finances.

M. Gérard Fuchs a jugé la proposition de M. Donnelly intéressante et non contradictoire avec la position de l'Assemblée nationale, avant d'observer que le Traité reconnaissait un droit de regard au seul Parlement européen, lequel s'était saisi de cette ouverture pour organiser les auditions du Président de la B.C.E. Souhaitant que la Délégation puisse, quant à elle, entendre le vice-président français de la B.C.E., il a évoqué l'intérêt que présenterait un développement du contrôle de l'activité de la B.C.E. par les assemblées élues.

Mme Nicole Catala a évoqué la situation paradoxale dans laquelle on se trouve aujourd'hui : la Délégation s'est battue pendant plusieurs années pour un renforcement de la COSAC sans rencontrer beaucoup d'écho, alors que la proposition de M. Donnelly ou l'amendement de M. Giscard d'Estaing débouchent sur la mise en place d'une conférence de même nature sous une appellation différente.

Elle a par ailleurs observé que la préoccupation nouvelle des Etats membres d'instaurer un contrôle politique sur la B.C.E. - après avoir établi son indépendance par rapport au pouvoir politique et avoir doté leurs banques centrales d'un statut d'indépendance - constituait un surprenant retournement de situation.

M. Alain Barrau a rapproché de cette question le scepticisme qui prévalait avant la création du Conseil de l'euro, lequel a, malgré tout, vu le jour et commencé à se réunir. La question est donc de savoir comment saisir l'opportunité offerte par les travaux du Parlement européen, sans méconnaître la portée de la résolution votée par l'Assemblée nationale, selon laquelle les dirigeants de la B.C.E. doivent informer la représentation nationale, à travers sa Commission des finances et sa Délégation pour l'Union européenne. Il lui paraît souhaitable de prendre une initiative en ce sens auprès du Président de la Banque centrale européenne.

M. Gérard Fuchs a estimé que le débat sur l'indépendance de la B.C.E. est dépassé et qu'il convient désormais de passer à une autre étape, la bataille pour le contrôle démocratique de la B.C.E.

M. Jacques Myard a jugé peu réaliste la mise en place d'un tel organisme de contrôle, qui serait une structure technocratique, coupée des réalités et dont la création nécessiterait l'unanimité des Etats membres. Ce qui est regrettable, pour lui, c'est d'avoir accepté de se mettre dans une situation aussi « aberrante ».

Mme Nicole Catala a fait valoir que le Conseil de l'euro reprend une proposition faite par la Délégation, dans un rapport publié dès 1995, à savoir celle de Conseils de ministres ad hoc, dont la composition varie en fonction des Etats membres participants à l'activité considérée.

M. Maurice Ligot a jugé intéressante la proposition du Parlement européen, tout en redoutant une dispersion des parlements nationaux, qui les affaiblirait. Pour lui, il eut été préférable de concevoir un lieu unique où Parlement européen et parlements nationaux pourraient procéder à l'audition du Président et du Directoire de la Banque centrale européenne et exercer un contrôle sur leur activité.

Il lui a paru enfin nécessaire de veiller au sort de la COSAC, à laquelle un protocole annexé au Traité d'Amsterdam confère des prérogatives nouvelles.

M. Jacques Myard a estimé que la COSAC préfigurait la future chambre haute du Parlement de l'Europe, avant de souligner que l'actuel Parlement européen n'est pas fait pour exercer la tâche de contrôle de la B.C.E.

Après avoir indiqué, sur ce point, que certaines délégations avaient même lancé le mot de « Sénat », M. Maurice Ligot a estimé que la création d'une deuxième chambre éviterait une dispersion du contrôle parlementaire. Il a noté, comme Mme Nicole Catala, une évolution intéressante, l'idée de faire de la COSAC une deuxième chambre ne suscitant plus la même hostilité. Il a par ailleurs souligné, pour s'en féliciter, que la nécessité d'une réforme institutionnelle préalable à l'élargissement était aujourd'hui largement admise.

Le Président Henri Nallet a souhaité que la Délégation examine à l'automne l'état de la réflexion sur le contrôle démocratique de la B.C.E. avant de procéder à l'audition du Président et du rapporteur de la Commission économique et monétaire du Parlement européen et à celle du vice-président de la Banque centrale européenne. M. Gérard Fuchs a accepté de prendre en charge ce rapport d'information.

Il a également proposé que la Délégation prépare le débat de ratification du Traité en réfléchissant au rôle de la COSAC et à la place des Parlements nationaux dans la construction européenne. En réponse à M. Jacques Myard qui a souhaité que l'opposition soit associée à la préparation de ce rapport d'information, le Président Henri Nallet a proposé à la Délégation, qui l'a suivi, de procéder à la désignation des rapporteurs lors de la prochaine réunion.

II. Examen de la proposition d'acte communautaire E 998

Sur le rapport du Président Henri Nallet, la Délégation a procédé à un nouvel examen du document E 998 (proposition de directive du Conseil concernant la commercialisation des matériels de multiplication des plantes ornementales).

Destiné à encadrer la commercialisation de ces matériels sous le double aspect du contrôle sanitaire et de la qualité, ce texte a fait l'objet, le 26 février dernier, d'un premier examen par la Délégation, qui a décidé de réserver sa position dans l'attente des résultats de la concertation engagée le 16 février 1998 entre le Ministère de l'agriculture et les organisations professionnelles.

Un compromis de la Présidence britannique propose de différencier le régime de ces matériels selon qu'ils sont destinés aux professionnels ou aux amateurs, proposition qui a obtenu l'accord de la plupart des délégations. S'agissant de l'extension du champ d'application de la proposition de directive à tous les genres et espèces de plantes ornementales, la Commission examinera la possibilité d'établir une liste de genres ou d'espèces exclus du champ d'application de la directive. Le compromis proposé par la Présidence devrait faire l'objet d'un large accord et être adopté par le COREPER du 12 juin et par le Conseil « agriculture » du 23 juin.

En réponse à MM. Jacques Myard et François Guillaume, le Président Henri Nallet a souligné que cette directive était nécessaire pour égaliser les conditions de concurrence en termes de qualité et de sécurité et qu'elle ne supprimait pas le passeport vert.

La Délégation, suivant son Rapporteur, a accepté de lever la réserve d'examen parlementaire sur ce texte.

III. Communication du Président sur le mode d'élection des membres du Parlement européen

Le Président Henri Nallet a proposé à la Délégation de travailler sur le mode d'élection des membres du Parlement européen dans les Quinze Etats membres. Le projet de loi relatif à l'élection des représentants français au Parlement européen, déposé hier sur le bureau de l'Assemblée nationale, sera examiné par la Commission des lois. Il soulève des questions sur lesquelles la Délégation pourrait utilement informer l'Assemblée : l'état des législations dans les autres Etats membres, les projets d'harmonisation européenne, le fonctionnement du Parlement européen et le rôle des représentants français.

A Mme Nicole Catala, qui regrettait que ce débat intervienne trop tard, les choix du Gouvernement étant déjà arrêtés, le Président Henri Nallet a rappelé que le rapport d'information sur cette question, confié en mars 1997 à trois membres de la précédente Délégation, n'avait pu être conduit à son terme en raison de la dissolution de l'Assemblée nationale.

Après les interventions de Mmes Michèle Rivasi et Nicole Ameline et de M. Jacques Myard, la Délégation a chargé le Président Henri Nallet de lui présenter un rapport d'information sur le mode d'élection des membres du Parlement européen.

IV. Informations relatives à la Délégation

La Délégation a nommé rapporteurs d'information :

- le Président Henri Nallet, sur le mode d'élection des membres du Parlement européen ;

- M. Gérard Fuchs, sur le contrôle démocratique de la Banque centrale européenne.