nationale

 

DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 52

Réunion du jeudi 1er octobre 1998 à 9 heures 30

Présidence de M. Henri Nallet, Président

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1er octobre 1998

    Rapport d'information sur la proposition de directive (E 1011), relative à l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information (M. Jacques Myard, Rapporteur)

M. Jacques Myard a rappelé que le droit d'auteur et les droits voisins (droits des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes) sont régis par des conventions internationales, dont la plus ancienne et la plus importante est la Convention de Berne du 9 septembre 1886. Ces Conventions ont été complétées par deux traités signés le 20 décembre 1996 dans le cadre de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), afin d'adapter les droits des auteurs au nouvel environnement numérique. Les « traités OMPI », dont l'un tend à protéger le droit d'auteur et l'autre les droits voisins, n'ont pas encore été ratifiés par les pays signataires ; ils constituent globalement un compromis plus favorable aux auteurs et créateurs qu'aux utilisateurs.

Le Rapporteur s'est donc tout d'abord interrogé sur le bien fondé de l'intervention d'une directive communautaire, d'autant plus que, selon lui, la propriété intellectuelle, comme le régime de la propriété en général, doivent rester de la compétence des Etats et que le fondement juridique du texte, à savoir l'établissement du marché intérieur par la suppression des entraves à la libre circulation des marchandises, la libre prestation de services et la suppression des distorsions de concurrence, n'est guère convaincant.

Présentant le contenu de la proposition de directive, M. Jacques Myard a considéré que si l'exploitation en réseau des oeuvres comporte effectivement des risques nouveaux de piratage et de contrefaçon, les dispositions de la directive ne permettent pas d'y faire face. Pour lui, en effet, aucun concept juridique nouveau ne paraît nécessaire pour renforcer la protection des fournisseurs de contenus sur Internet, tandis que, s'agissant des droits de reproduction et de communication au public, la proposition de directive ne fait que reprendre le droit découlant des Conventions internationales. De même, il lui paraît inutile de redéfinir le droit de distribution et l'épuisement communautaire de ce droit, leur régime étant fixé par une jurisprudence constante de la Cour de justice.

De surcroît, la proposition lui paraît comporter l'inconvénient de fragiliser les ayant-droits en introduisant des exceptions nombreuses et mal définies au droit exclusif des auteurs et des interprètes d'autoriser la reproduction et la communication de leurs oeuvres. Ces exceptions seront facultatives pour les Etats membres. Est toutefois obligatoire l'exception prévue en faveur des opérateurs de télécommunication pour les reproductions - dites techniques - nécessaires à la transmission en réseau. Le rapporteur s'est élevé contre le principe même de toute exception aux droits exclusifs des auteurs et des artistes en raison de l'exacerbation des risques de piratage dans un environnement qui permet de produire des milliers d'exemplaires, quasi-instantanément, de tout document écrit, sonore ou visuel.

Le rapporteur s'est ensuite étonné des silences de la proposition sur des questions qui, à l'inverse, nécessiteraient une initiative législative. Il s'agit de l'exception pour copie à usage privé, qui, compte tenu des risques encourus, devrait être purement et simplement supprimée dans l'environnement numérique. Il s'agit aussi des questions relatives à la responsabilité des émissions sur Internet, en particulier en cas de diffusion d'oeuvres non autorisée et de la détermination de la loi applicable.

Pour lui, les véritables solutions susceptibles d'assurer une réelle protection des auteurs sur Internet sont à rechercher dans l'instauration de techniques fiables de marquage et d'identification des oeuvres permettant aux organismes de gestion des droits d'assurer le contrôle de leur utilisation. Malheureusement, sur ce point aussi, le texte est très décevant, puisqu'il ne fait pas allusion aux progrès liés à l'identification numérique et que les dispositions consacrées aux mesures techniques de protection des contenus et à l'interdiction de leur violation ne désignent pas clairement les actes de contrefaçon contre lesquels on voudrait se prémunir.

En conclusion, le rapporteur a indiqué qu'il soumettrait à la Délégation une proposition de résolution destinée à corriger les défauts de la proposition de directive et à renforcer les droits des créateurs.

La Délégation a décidé de poursuivre l'examen du rapport et de la proposition de résolution lors de sa prochaine séance.