DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 53

Réunion du jeudi 8 octobre 1998 à 9 heures 30

Présidence de M. Alain Barrau, Vice-Président

__________

12 octobre 1998

1. Rapport d'information sur les projets d'actes relevant des titres V et VI du Traité sur l'Union européenne (Mme Nicole Ameline, Rapporteur)

Mme Nicole Ameline a indiqué que les onze textes qu'elle allait présenter reflètent bien l'enjeu de la coopération dans le domaine de la justice et des affaires intérieures, à savoir doter la police et la justice de moyens au moins aussi performants que ceux de la criminalité organisée qui, outre des technologies de pointe, utilise les frontières pour échapper à la répression. Il convient donc de favoriser l'échange d'informations et la conduite des enquêtes et des poursuites au-delà du cadre national. Pour illustrer son propos, le Rapporteur a cité l'exemple de la « Bande à Bonnot » qui, au début du siècle, se déplaçant à bord d'automobiles volées, échappait aisément à la police à cheval.

Évoquant la convention relative aux décisions de déchéance du droit de conduire (UE 126, 128 et 143), adoptée par le Conseil le 18 juin après sept années de négociation, elle a souligné qu'elle permettra de rendre exécutoires dans toute l'Union les décisions de retrait du permis de conduire, alors que, jusqu'à présent, les conducteurs condamnés bénéficiaient d'une quasi-impunité en rentrant dans leur pays de résidence.

Elle a fait ressortir la portée du projet de convention sur l'entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l'Union européenne (UE 127,129, 137, 138 et 139), qui renforce le principe, déjà établi par des conventions antérieures, selon lequel les demandes d'entraides et les échanges spontanés d'information ont lieu directement entre les autorités judiciaires. Elle a regretté qu'une possibilité de dérogation ait été admise au bénéfice du Royaume-Uni et de l'Irlande, lesquels ont souhaité rester en marge de cette procédure, de la même façon qu'ils ont obtenu des clauses d'« opting out » dans d'autres domaines. Elle a précisé que le champ d'application du texte était très large et novateur et devrait donner aux magistrats de nouveaux moyens d'investigation à l'étranger, afin de lutter contre le grand banditisme et la criminalité organisée. La principale question non résolue concerne la possibilité, pour les magistrats, de faire procéder à l'interception des télécommunications par satellite (téléphones portables). L'enjeu des négociations en cours est de simplifier et accélérer la procédure qui consistera à demander aux autorités d'un Etat membre sur le territoire duquel se trouve la station terrestre d'interception, l'autorisation d'écouter une « personne cible », y compris dans le cas où celle-ci se trouve sur le territoire d'un troisième Etat membre ou se déplace d'un territoire à l'autre. La difficulté consiste à concilier le souci d'efficacité avec la volonté des Etats de maîtriser l'information et à définir une procédure juridique simple pour accéder à l'interception tout en protégeant les citoyens.

Elle a approuvé le projet de convention portant création du système « Eurodac » pour la comparaison des empreintes digitales des demandeurs d'asile (UE 130 et 131), qui a pour objet d'améliorer l'application de la Convention de Dublin relative à la détermination de l'Etat membre responsable d'une demande d'asile, entrée en vigueur au 1er septembre 1997. Le système Eurodac permettra de vérifier rapidement si une personne a déjà présenté une demande d'asile, ce qui permettra d'éviter à la fois que plusieurs Etats se livrent au traitement de la même demande et qu'un demandeur d'asile soit renvoyé d'un Etat à l'autre. La question la plus difficile a été extraite de la négociation pour faire l'objet d'un protocole séparé : il s'agit de la saisie et de la conservation des empreintes digitales des immigrants illégaux. Deux Etats membres confrontés à un afflux d'immigrants - l'Allemagne et l'Autriche - ont souhaité que le système informatique centralisé soit utilisé également pour la saisie et la conservation des empreintes digitales des immigrants en situation irrégulière sans qu'il y ait lieu, de surcroît, de distinguer, comme le fait notre droit, selon que l'irrégularité est constatée à la frontière extérieure - et conduit à un refoulement - ou sur le territoire d'un Etat membre, l'irrégularité étant dans ce dernier cas seulement constitutive d'une infraction. Cette proposition a suscité des réactions diverses. Le Conseil l'a donc dissociée afin de la soumettre à une négociation distincte et de ne pas retarder l'entrée en vigueur de la convention. Mme Nicole Ameline a estimé qu'un fichier comportant les empreintes digitales des étrangers en situation irrégulière dans l'Union pourrait renforcer les moyens des administrations pour lutter contre l'immigration irrégulière et notamment les filières organisées à cette fin ; toutefois la fusion des deux fichiers lui paraît présenter l'inconvénient de mêler deux catégories de personnes et deux politiques que notre pays a distinguées.

Elle a mentionné l'accord de principe intervenu au Conseil sur le projet d'action commune relative à l'incrimination de la participation à une organisation criminelle (UE 132 et 133). Cette action commune devrait permettre d'incriminer les personnes qui contribuent au fonctionnement d'une organisation criminelle sans commettre elles-mêmes d'infraction.

Elle s'est félicitée de la signature, après une négociation longue et difficile, de la convention concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale (UE 134, 135 et 136). Cette convention établit des règles de compétence judiciaire internationale qui devraient faciliter le règlement des problèmes - parfois dramatiques - résultant du divorce de personnes de nationalité différente.

L'action commune sur la coopération pour l'identification, le dépistage, le gel et la confiscation des produits du crime (UE 140, 141, 147 et 148) a fait l'objet d'un accord politique, accompagné d'une réserve parlementaire des Pays-Bas, le 25 septembre 1998. Tout en faisant ressortir les aspects positifs du texte, le Rapporteur a regretté, comme le Parlement européen, la formulation très imprécise de l'action, qui n'excède guère la portée d'une déclaration d'intention et regretté qu'aucune harmonisation des législations nationales ne soit prévue.

Mme Nicole Ameline a approuvé le projet d'action commune relative à l'échange d'informations entre les polices sur la fraude aux cartes de paiement (UE 142, 144 et 151), précisant qu'il s'agit d'établir un réseau de « points de contacts » pour structurer l'échange d'information entre les polices nationales.

Elle a évoqué la décision n° 1/98, relative à la Convention de Dublin (UE 145 et 146), adoptée le 30 juin, qui précise et conforte la base juridique nécessaire à l'échange d'empreintes des demandeurs d'asile, de façon bilatérale, entre les administrations nationales compétentes.

Elle s'est félicitée de l'adoption, le 29 juin, de l'action commune relative au Réseau judiciaire européen (UE 149 et 150). Ce réseau se compose de « points de contacts » nationaux, juges et procureurs, dont le rôle consiste à donner les informations appropriées à leurs homologues et de faciliter la coopération judiciaire en simplifiant les procédures. La réunion constituante de ce réseau a eu lieu le 25 septembre.

Pour le Rapporteur, la proposition d'action commune concernant la protection temporaire des personnes déplacées (UE 152) suscite davantage d'interrogations. Le principe de ce texte peut être approuvé : il s'agit, lorsque certains Etats membres doivent faire face à un afflux massif de personnes déplacées - ainsi lors du conflit yougoslave - d'établir un régime de protection au bénéfice de ces personnes, pour une durée maximale de cinq ans. Ce statut confère un certain nombre de droits pour le bénéficiaire, sans toutefois priver, théoriquement du moins, les administrations nationales de leur pouvoir d'appréciation pour délivrer le document de séjour qui permettra au bénéficiaire de demeurer sur le territoire d'un Etat membre. Le texte prévoit aussi une solidarité financière, les crédits nécessaires étant inscrits au budget de la Communauté, au profit des Etats membres qui ont accueilli les personnes déplacées. Toutefois, le Rapporteur a souhaité que les critères d'octroi de ce statut soient précisés et que soit exclue toute idée d'imposer aux Etats membres des « quotas » de personnes déplacées.

Le Rapporteur a enfin présenté le projet d'action commune relative à la corruption dans le secteur privé (UE 153), indiquant que ce texte devrait avoir des répercussions significatives sur le droit de la plupart des Etats membres dans la mesure où il organise une responsabilité pénale des personnes morales pour défaut de contrôle des actes commis par des personnes placées sous leur autorité.

L'exposé du Rapporteur a donné lieu à un large débat.

M. Alain Barrau a salué la qualité du travail de Mme Nicole Ameline et a approuvé - faute d'application de l'article 88-4 de la Constitution aux textes relevant du IIIème pilier - la méthode consistant à rassembler sous forme de conclusions au rapport d'information sur les actes et les projets d'actes de l'Union les principales observations de la Délégation.

Abordant le projet de convention relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l'Union, M. Pierre Brana a souhaité savoir à partir de quelle date les interceptions des communications par satellite pourraient s'effectuer sur tout le territoire européen.

Mme Nicole Ameline a indiqué, en réponse, que le problème soulevé était plus juridique que technique, les autorités judiciaires n'ayant accès aux installations permettant l'interception des communications par téléphones portables qu'au prix de demandes d'entraide multiples et complexes. L'esprit du texte proposé est de faciliter l'accès à ces stations d'interception le plus rapidement possible.

S'agissant des documents relatifs à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale, M. Pierre Brana a souhaité savoir si la France allait faire usage de la clause lui permettant d'appliquer cette convention dès avant la fin du processus de ratification, tandis que M. Alain Barrau a souhaité connaître l'état d'avancement du processus de ratification.

Mme Nicole Ameline a précisé que la France n'a pas encore ratifié cette convention, récemment signée. Elle a regretté que la France, qui montre beaucoup d'allant dans les négociations, prenne souvent du retard dans la ratification. Elle a souhaité que notre pays puisse être en ce domaine un exemple de célérité.

Dans les conclusions relatives au projet de convention portant création du système « Eurodac » (UE 130 et 131), la Délégation a souhaité une adoption rapide de la convention, en négociation depuis trois années. Estimant que la gestion du système Eurodac ne devait pas être confiée à la Commission européenne mais à un Etat membre, Mme Béatrice Marre s'est demandé comment le choix de l'Etat membre gestionnaire d'Eurodac serait effectué. Elle a souligné, comme M. Gérard Fuchs, qu'il n'était pas souhaitable de charger la Commission de missions techniques supplémentaires.

M. Jean-Marie Bockel a demandé si la France était désireuse de se voir confier la gestion d'Eurodac.

M. Jacques Myard, jugeant que la gestion d'Eurodac ne relevait pas de la Commission européenne , a souhaité qu'elle soit confiée à un Etat membre dans des conditions analogues à celles du système Schengen, dont chacun se félicite du bon fonctionnement. Cette observation a été approuvée par la Délégation, après que Mme Nicole Ameline eût précisé que la France, sans être candidate à la gestion d'Eurodac, ne souhaitait pas confier ce système à la Commission, qui ne possède pas l'expertise nécessaire.

MM. Pierre Brana, Gérard Fuchs et Alain Barrau ont exprimé leur accord avec le Rapporteur pour s'opposer au mélange des genres que constituerait la création d'un fichier unique incluant les empreintes des demandeurs d'asile et celles des immigrants illégaux. M. Maurice Ligot, approuvé par MM. François Loncle et Jacques Myard, a estimé au contraire qu'un fichier unique serait un gage d'efficacité dans la lutte contre l'immigration illégale.

M. Gérard Fuchs a souligné que la même efficacité pouvait être atteinte en autorisant une connexion entre les fichiers dans certaines circonstances.

A l'issue de ce débat, la Délégation, à l'initiative de M. Alain Barrau, a modifié le dispositif des conclusions afin de demander que le souci d'efficacité soit concilié avec celui de maintenir la distinction entre la politique d'asile et celle de l'immigration.

S'agissant de la proposition d'action commune relative à la protection temporaire des personnes déplacées, M. Pierre Brana a fait observer que la fixation d'une durée maximale de cinq ans pour le régime de protection temporaire n'était pas nécessairement adaptée. Il a souligné que dans certaines situations - par exemple à la suite du conflit yougoslave - les personnes déplacées ne peuvent revenir dans leur pays à l'issue de cinq années. Elles en sont empêchées soit par le Gouvernement (Croatie), soit par les populations locales (Bosnie). Aussi, devrait-il être possible d'allonger cette durée en cas d'impossibilité matérielle du retour.

M. Jacques Myard a constaté que la coopération dans le cadre du troisième pilier fonctionnait fort bien et démontrait ainsi l'inutilité de communautariser ces domaines. Il a souligné que la coopération intergouvernementale autorise plus de souplesse dans la négociation, permet de faire valoir des réserves - comme celle formulée par M. Brana - ce qui deviendra impossible lorsque l'on négociera des directives au lieu de conventions et d'actions communes : on se trouvera alors dans un véritable carcan.

Après avoir adopté les conclusions du Rapporteur sur ce texte, puis sur le projet d'action commune relative à la corruption dans le secteur privé, la Délégation les a complétées par une conclusion de caractère général invitant le Gouvernement à accélérer la procédure de ratification des conventions qu'il a signées.

La Délégation a donc adopté les conclusions suivantes :

« La Délégation (...),

I. Sur le projet de convention portant création du système « Eurodac » pour la comparaison des empreintes digitales des demandeurs d'asile (documents UE 130 et 131),

Considérant qu'il convient de faciliter et d'accélérer le traitement, par les Etats membres, des demandes d'asile ainsi que le prévoit la Convention de Dublin de 1990,

Considérant que le système Eurodac est à même de faciliter ce traitement pour les administrations nationales compétentes,

Considérant que la compétence de l'Union, comme celle de la Communauté après l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam pour édicter des mesures en matière d'asile, n'impose pas que l'ensemble des tâches qui en découlent soient gérées par la Commission européenne,

1. Soutient une adoption rapide de la convention, en négociation depuis trois années ;

2. Souhaite que la gestion du système Eurodac soit confiée - selon une formule comparable à celle du système d'information Schengen - à un Etat membre qui fait face à un nombre élevé de demandes d'asile, afin qu'elle bénéficie de l'expertise technique et de l'expérience acquises ;

3. Estime que la proposition de certains Etats membres tendant à conserver et échanger les empreintes des immigrants illégaux suscite l'intérêt dans la mesure où elle renforcerait les moyens de lutte contre l'immigration illégale ;

4. Rappelle que la suggestion consistant à créer un stockage de renseignements et d'empreintes sur les étrangers en situation irrégulière doit s'accompagner d'une réflexion très approfondie sur la notion d'« immigrant clandestin », et probablement son harmonisation au plan européen, sur la nature du signalement qui sera introduit dans la base de données, sur l'autorité nationale qui permettra le signalement ; estime que cette réflexion ne doit pas retarder l'entrée en vigueur de la convention Eurodac ;

5. Constate que cette suggestion ne présente qu'un avantage très relatif dans la mesure où les renseignements et empreintes ne pourraient alors être utilisés que lorsque la personne effectue une demande d'asile ;

6. Estime donc que cette suggestion devrait faire l'objet d'un protocole annexe ou d'un projet de convention, lequel permettrait aux administrations chargées de la lutte contre l'immigration d'échanger les empreintes des étrangers en situation irrégulière dans le cas, notamment, où ceux-ci refusent de décliner leur identité ; souhaite que le souci d'efficacité soit concilié avec le maintien de la distinction entre politique d'asile et politique d'immigration.

II. Sur la proposition modifiée d'action commune concernant la protection temporaire des personnes déplacées et la proposition d'action commune relative à la solidarité dans l'accueil et le séjour des personnes déplacées (document UE 152),

Considérant que les situations d'afflux important de personnes déplacées fuyant leur pays d'origine vers les pays membres de l'Union appellent une solidarité et une action au plan européen,

1. Soutient les deux propositions ;

2. Observe que la Commission européenne anticipe l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam qui comportera la base juridique appropriée pour ces deux propositions ;

3. Demande une définition plus précise des situations pouvant justifier l'adoption de la protection temporaire, qui doit être réservée à des situations réellement exceptionnelles ;

4. S'interroge sur les risques liés à l'affirmation par l'Union de l'existence d'un tel statut, au vu des nombreuses situations de violation des droits de l'homme dans les différentes parties du monde ;

5. Considère que la solidarité financière devra s'exercer, par le moyen du budget communautaire, en faveur des Etats membres ayant accueilli un afflux massif de réfugiés, mais que doivent être exclues des mesures tendant à imposer à un Etat membre d'accueillir ces personnes sur son territoire.

III. Sur le projet d'action commune relative à la corruption dans le secteur privé (document UE 153),

1. Estime que cette question aurait justifié la négociation d'une convention ;

2. Soutient néanmoins le projet d'action commune ;

3. Demande au Gouvernement de faire en sorte que soit privilégié un champ d'application large de l'action commune, ce qui impose la suppression des mentions restreignant la pénalisation de la corruption dans les articles 2 paragraphe 2 et 3 paragraphe 2.

IV. Demande au Gouvernement de procéder rapidement à l'élaboration des projets de loi de ratification des conventions adoptées dans le domaine de la justice et des affaires intérieures.

2. Suite de l'examen du rapport d'information sur la proposition de directive (E 1011) relative à l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information (M. Jacques Myard, Rapporteur)

M. Jacques Myard a rappelé les grandes lignes de la proposition de directive, qu'il a exposées lors de la précédente réunion : le nouvel environnement numérique, qui permet la transmission quasi instantanée d'informations d'un point à l'autre du monde, met en péril les droits des auteurs et des artistes-interprètes sur leurs oeuvres (droit de reproduction et droit de communication) ; les exceptions à ces droits devraient être aussi limitées que possible, alors que la proposition de directive présente l'inconvénient de ne pas répondre à cette préoccupation. Il a notamment reproché au texte de ne pas prévoir la disparition de l'exception relative à la copie privée, cette exception ne lui paraissant pas pouvoir subsister dans l'environnement numérique, sauf à vider de son sens le dispositif de protection des auteurs et créateurs. Il a également regretté que la proposition de directive ne prenne pas en considération, pour organiser la protection des auteurs, les techniques performantes d'identification des oeuvres.

La Délégation a abordé l'examen de la proposition de résolution dont le Rapporteur a rappelé le contenu. Le point 1 du dispositif qu'il propose consiste à « s'interroger sur l'opportunité d'harmoniser ces aspects du droit d'auteur et des droits voisins par le biais d'une directive, alors que deux Traités OMPI portant sur les mêmes questions vont être intégrés dans le droit des Etats membres ».

Exprimant un point de vue différent de celui du Rapporteur, M. Gérard Fuchs a fait ressortir le bien-fondé de l'harmonisation communautaire des droits d'auteurs et des droits voisins, les Etats membres ayant tout intérêt à présenter un front uni lors des prochaines négociations dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), lesquelles porteront aussi, de toute évidence, sur la propriété intellectuelle.

Il a souhaité le maintien de l'exception dont bénéficient les bibliothèques, les enseignants et les chercheurs, qui lui paraît nécessaire pour démocratiser l'accès à la connaissance que permet l'utilisation des nouvelles technologies.

M. Alain Barrau a souhaité que la Délégation approuve le principe d'une intervention communautaire, dans l'intérêt même des auteurs. Ayant fait approuver une modification en ce sens du dispositif de la proposition de résolution, il a également suggéré une modification de sa présentation afin d'en souligner la cohérence.

M. Jacques Myard a considéré qu'il y avait un équilibre à trouver entre la défense des droits des créateurs, vis-à-vis desquels les dangers de piratage augmentent, et la défense des usagers d'Internet ; mais il s'est demandé qui devait payer les droits d'accès. Une redevance spécifique ou une forme de licence légale pourrait être envisagée. Pour lui, la solution à cette question est suspendue à la suppression de la copie à usage privé des oeuvres dans l'environnement numérique comme elle a été interdite pour les logiciels. Il lui paraît donc nécessaire qu'une négociation soit entreprise à cet effet.

M. Gérard Fuchs a estimé que, dans l'attente des résultats de celle-ci, il fallait maintenir les actuelles exceptions en faveur de certains usagers.

Mme Nicole Catala a estimé, à l'inverse, que si l'on autorise aujourd'hui des exceptions dans l'attente des négociations sur la copie privée, on affaiblit par avance l'espoir de voir disparaître l'exception pour copie à usage privé dans l'univers numérique.

La Délégation s'est prononcée pour la suppression des exceptions facultatives au droit de reproduction en faveur des établissements accessibles au public, tout en demandant au Gouvernement d'engager des négociations en vue de la disparition de la copie privée et de l'introduction de nouveaux droits facilitant l'accès au réseau de certaines catégories d'utilisateurs. Approuvant les observations du Rapporteur, la Délégation a également estimé qu'il n'y avait pas lieu d'accorder une exception obligatoire pour les copies provisoires à caractère technique nécessaires à la transmission en réseau. Elle a retenu la proposition du Rapporteur - qui a estimé que les transporteurs ne pouvaient s'exonérer de toute responsabilité à l'égard de ce qui est transmis - relative à la définition de l'« acte de communication au public », qui résulte de la mise à disposition initiale de l'oeuvre englobant la fourniture des moyens techniques utilisés pour sa transmission.

La Délégation a enfin approuvé, après une observation en ce sens de Mme Nicole Catala, le souhait du Rapporteur de voir adopter rapidement, par voie de conventions internationales, les règles relatives à la responsabilité des émissions sur Internet.

La Délégation a adopté la proposition de résolution suivante :

L'Assemblée nationale, (...)

Considérant que l'émergence de la société de l'information en Europe est indissociable d'un niveau de protection élevé et harmonisé des droits des auteurs et des artistes-interprètes dont les oeuvres sont exploitées sur les réseaux ;

Considérant que si l'environnement numérique ne nécessite pas l'introduction de nouveaux concepts juridiques pour protéger le droit d'auteur, il requiert une adaptation et une précision des règles actuelles conçues dans un environnement analogique ;

Considérant qu'à cette fin, le 20 décembre 1996, deux traités ont été adoptés dans le cadre de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle afin de procéder à cette adaptation et à cette harmonisation au niveau mondial ;

Considérant que la proposition de directive prétend introduire dans le droit communautaire certaines de ces nouvelles dispositions internationales ;

Considérant qu'en fait, nombre des dispositions de la proposition de directive apparaissent soit surabondantes par rapport aux textes des Traités OMPI, soit source de conflits et d'insécurité :

1. Approuve la nécessité d'harmoniser le droit d'auteur et les droits voisins dans l'environnement numérique à l'intérieur de la Communauté européenne dans le sens d'un niveau de protection élevé ;

2. Invite néanmoins le gouvernement :

- à soutenir fermement le principe selon lequel les droits de reproduction et de communication au public des titulaires des droits ne saurait souffrir aucune exception ;

- à oeuvrer afin que les copies à caractère technique et transitoire fassent l'objet d'une autorisation préalable des auteurs et interprètes ;

- à engager avec tous les acteurs concernés, une réflexion sur la nécessité de faire disparaître la copie privée dans l'univers numérique et la nécessité d'élaborer, en contrepartie, un droit nouveau, strictement encadré, pour certaines catégories d'utilisateurs des réseaux : enseignants, étudiants, chercheurs, bibliothèques ;

- à faire préciser qu'il ne peut y avoir d'exception facultative au droit de reproduction en faveur des « établissements accessibles au public » (bibliothèques, établissements de recherche ou d'enseignement) en raison des dangers de piratage;

- à faire préciser que l'acte de communication au public est la mise à disposition initiale de l'oeuvre qui englobe la fourniture des moyens techniques utilisés pour sa transmission ;

- à faire préciser que la diffusion des oeuvres et interprétations sur Internet est soumise au droit exclusif de communication au public ;

- à faire clarifier l'article 6 sur les mesures techniques tendant à contourner les protections ;

- à favoriser la présentation et l'adoption, dans les meilleurs délais, d'un Traité international dans le cadre de l'OMPI sur la responsabilité des émissions sur Internet et sur la détermination de la loi applicable.

3. Décision relative au dépôt d'une proposition de résolution sur les recommandations de la Banque centrale européenne en vue de règlements du Conseil (E 1145) (M. Gérard Fuchs, Rapporteur)

M. Gérard Fuchs a indiqué qu'il soumettait à la Délégation une proposition de résolution sur les trois recommandations de la BCE en vue de règlements du Conseil sur la collecte d'informations statistiques, les réserves obligatoires et les sanctions encourues par les établissements de crédit en cas de méconnaissance de ces règlements. Il a rappelé que le Traité prévoyait l'adoption par le Conseil de ces trois textes et reconnaissait un droit d'initiative à la BCE en ce domaine.

Estimant que seules les banques centrales nationales sont en mesure de détecter les infractions à ces règlements, M. Gérard Fuchs a souligné qu'elles étaient les mieux placées pour mettre en oeuvre les procédures prévues ; le rôle de la BCE, qui n'a ni les moyens ni la prétention de gérer les procédures d'infraction, doit être centré sur la décision de sanction. Il a regretté que les textes en vigueur n'organisent pas une telle répartition des tâches.

Par ailleurs, les projets de règlements contenus dans le document (n° 1145) ne s'appliqueront qu'aux Etats membres de la zone euro. Dans ces conditions, la question se pose de savoir si ces textes doivent relever du Conseil Ecofin, qui réunit les Quinze Etats membres, ou du « Conseil de l'euro », qui regroupe les Onze. Les dispositions en vigueur sont contradictoires, comme le révèle la lecture - complexe - des dispositions de l'article 109 K, paragraphe 5, du traité CE - cohérentes avec l'article 43 des statuts du SEBC - et de celles, en sens inverse, de l'article 108 A du même traité, qui renvoient elles-mêmes à l'article 106, paragraphe 6.

M. Gérard Fuchs a donc jugé nécessaire que l'Assemblée nationale se prononce clairement sur l'interprétation du traité qu'elle souhaite faire prévaloir.

Rappelant les éléments du débat qui avait eu lieu à la Délégation le 24 septembre, M. Alain Barrau a approuvé le dispositif proposé par le Rapporteur, en particulier son paragraphe 4, qui permet à l'Assemblée d'exprimer un choix clair sur les compétences du « Conseil de l'euro » par rapport à celles du Conseil de l'Union européenne et de conforter, face à celui-ci, seul mentionné dans le traité, la place du « Conseil de l'euro ».

M. Gérard Fuchs a précisé que ce dispositif n'empêchait pas que les décisions relatives à la constitution de réserves obligatoires et aux sanctions de la BCE puissent être préparées techniquement à Quinze.

La Délégation a adopté la proposition de résolution présentée par le Rapporteur.

« L'Assemblée nationale (...),

Considérant que l'article 106, paragraphe 6, du Traité instituant la Communauté européenne stipule que « le Conseil, statuant à la majorité qualifiée soit sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen et de la BCE, soit sur recommandation de la BCE et après consultation du Parlement européen et de la Commission, arrête les dispositions visées aux articles 4, 5.4, 19.2, 20, 28.1, 29.2, 30.4 et 34.3 des statuts du SEBC » ;

Considérant que l'article 108 A, paragraphe 3, du Traité instituant la Communauté européenne stipule que « dans les limites et selon les conditions arrêtées par le Conseil conformément à la procédure prévue à l'article 106, paragraphe 6 [du Traité], la BCE est habilitée à infliger aux entreprises des amendes et des astreintes en cas de non-respect de ses règlements et de ses décisions » ; considérant que cette stipulation est reprise à l'article 34, paragraphe 3, des statuts du Système européen de banques centrales (SEBC) et de la BCE, contenus dans le protocole n° 3 annexé au Traité de Maastricht ;

Considérant que les articles 5.4 et 19 des statuts du SEBC et de la BCE permettent au Conseil de l'Union européenne de réglementer respectivement la collecte d'informations statistiques nécessaires aux missions du SEBC et la constitution de réserves obligatoires par les établissements de crédits ;

Considérant que l'article 109 K, paragraphe 5, du Traité instituant la Communauté européenne stipule que « les droits de vote des Etats membres faisant l'objet d'une dérogation sont suspendus pour les décisions du Conseil » visées à l'article 109 K, paragraphe 3 du Traité et que l'article 43 des statuts du SEBC exclut cet Etat membre et sa banque centrale nationale des droits et obligations dans le cadre du SEBC ;

Considérant que les dispositions de l'article 106, paragraphe 6, du Traité instituant la Communauté européenne ne figurent pas au nombre de celles mentionnées à l'article 109 K, paragraphe 3 de ce traité ;

Considérant, cependant, que l'article 105, paragraphe 2, relatif à la politique monétaire, et l'article 108 A, paragraphe 3, relatif aux sanctions de la BCE, du Traité instituant la Communauté européenne sont mentionnés à l'article 109 K, paragraphe 3, de ce traité ; que, par conséquent, les droits de vote du Danemark, de la Grèce, du Royaume-Uni et de la Suède sont suspendus pour l'élaboration des deux recommandations de la BCE relatives à la constitution de réserves obligatoires et aux sanctions de la BCE ;

1. Estime acceptables, eu égard à la situation actuelle, les taux de réserves obligatoires que la BCE envisage de fixer entre 1,5 % et 2,5 % des dépôts qu'elle mentionne ; tient comme un engagement de la BCE son communiqué du 8 juillet 1998 en faveur d'une rémunération des réserves au taux appliqué par le SEBC à ses opérations principales de refinancement ;

2. Admet que la nature des sanctions proposées par la BCE et les garanties juridiques qu'elle prévoit sont conformes aux principes régissant les procédures analogues existant aujourd'hui en droit interne ;

3. Insiste sur le fait que, conformément au principe de subsidiarité, les banques centrales nationales doivent demeurer les acteurs de l'instruction des poursuites et de la mise en oeuvre de ces sanctions ;

4. Souligne qu'en application de l'article 109 K, paragraphes 3 et 5, du Traité instituant la Communauté européenne et de l'article 43, paragraphe 1, des statuts du SEBC et de la BCE, il appartient aux seuls Etats membres de l'Union européenne participant à l'euro de prendre les décisions relatives à la constitution de réserves obligatoires et aux sanctions que la BCE peut imposer en cas de non-respect de ses règlements, et compte que le Gouvernement veille à la bonne application de ce principe. »

4. Examen de la proposition d'acte communautaire n° E 1142

La Délégation a examiné le document E 1142, qui prévoit l'indemnisation de certains producteurs de lait ou de produits laitiers ayant subi des restrictions temporaires dans l'exercice de leur activité et n'ayant pu être indemnisés au titre du règlement n° 2187/93.

Après en avoir exposé le contenu et la portée, M. Alain Barrau a proposé à la Délégation, qui l'a suivi, de ne pas soulever d'objection à l'égard de ce texte.