DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 68

Réunion du jeudi 18 février 1999 à 9 heures 30

Présidence de M. Henri Nallet

Décision relative au dépôt d'une proposition de résolution sur :

    · l'établissement de nouvelles perspectives financières pour la période 2000-2006 [COM(1998) 164 final/E 1049]

    · le projet d'accord interinstitutionnel sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire [SEC(1998) 698 final / E  1128]

Le Président Henri Nallet a souhaité la bienvenue à la délégation de la commission des affaires de l'Union européenne du Bundestag, conduite par son Président, M. Friedbert Pflüger (CDU) et composée en outre de Mme Hedi Wegener (SPD), MM. Norbert Wieczorek (SPD), Christian Sterzing (Verts), Ernst Burgbacher (FDP) et Manfred Müller (PDS). Ayant rappelé qu'une première réunion commune avait eu lieu à Bonn le 25 mars 1998, il a exprimé sa satisfaction de pouvoir échanger des points de vue avec ses collègues du Bundestag sur un des grands dossiers d'« Agenda 2000 » en cours de négociation. Le Président Friedbert Pflüger s'est réjoui de cette forme de dialogue entre parlementaires français et allemands et a souligné que la Commission pour les affaires de l'Union européenne du Bundestag effectuait à cette occasion son premier déplacement à l'étranger de la nouvelle législature. Ayant souligné qu'un consensus fort unissait les partis politiques allemands sur l'Union européenne, il s'est dit convaincu que la France et l'Allemagne continueront de jouer un grand rôle dans la construction européenne, en particulier dans la négociation d'« Agenda 2000 », dont il souhaite vivement l'aboutissement au Conseil européen de Berlin les 24 et 25 mars prochain.

La Délégation a examiné le texte de la proposition de résolution que M. Gérard Fuchs, Rapporteur d'information sur le renouvellement du cadre financier de l'Union européenne, lui avait soumis en conclusion du rapport qu'il a présenté lors de la précédente réunion.

Après avoir adopté, à l'initiative de Mme Béatrice Marre, MM. Maurice Ligot et François Guillaume, des modifications rédactionnelles aux considérants, la Délégation a examiné le Titre premier de la proposition de résolution, consacré à la discipline budgétaire et au cadre financier. Elle a adopté sans modification les points 1 (conditions d'examen des propositions de la Commission européenne) et 2 (perspectives du financement de l'Union européenne), avant de simplifier la rédaction du point 3 à la demande de Mme Béatrice Marre et du Président Henri Nallet, qui a estimé peu souhaitable de faire référence, dans le texte même de la résolution, au traitement du « problème des déséquilibres budgétaires que connaissent certains Etats membres ».

Le point 4 a été complété à l'initiative du Président Henri Nallet et de Mme Béatrice Marre par un soutien explicite à la solution alternative que vient de proposer la France pour stabiliser les dépenses agricoles. M. Gérard Fuchs, Rapporteur, a rappelé l'opposition de la Délégation au cofinancement des dépenses agricoles, auquel il préfère le principe d'une réduction progressive des aides directes versées aux agriculteurs, en fonction des gains de productivité et en épargnant les petites exploitations, cette solution lui paraissant de nature à permettre une stabilisation des dépenses consacrées à la PAC. Il a donc suggéré à la Délégation, qui l'a suivi, de soutenir la proposition présentée en ce sens par le Président de la République et le Premier ministre. La Délégation a en revanche supprimé un paragraphe relatif à une éventuelle réorientation des dépenses liée à la question des soldes budgétaires.

Le point 5, selon lequel les perspectives financières prévoient une progression réelle des dépenses communautaires qui ne traduit pas la rigueur budgétaire à laquelle elles prétendent, a donné lieu à des modifications suggérées par M. François Guillaume, qui a souhaité préciser qu'il s'agit d'une stabilisation globale des dépenses, afin de ne pas empêcher d'utiles redéploiements, et par Mme Béatrice Marre, qui a jugé peu souhaitable de lier la question abordée dans ce paragraphe avec celle des contributions nettes.

Au point 7, M.  François Guillaume, Mme Nicole Ameline et le Président Henri Nallet ont insisté, contre l'avis de Mme Béatrice Marre, qui aurait souhaité une formulation plus souple, sur le fait que l'inscription sous la ligne directrice agricole de mesures en faveur du développement rural devait être subordonnée au maintien de la classification de celles-ci parmi les dépenses obligatoires.

Après un débat auquel ont participé, outre le Rapporteur et le Président, Mmes Béatrice Marre et Nicole Ameline, MM. Yves Dauge et Maurice Ligot, la Délégation a supprimé deux paragraphes relatifs respectivement à la réduction progressive des aides directes aux agriculteurs - cette question ayant été intégrée au paragraphe 4 - et au refus de la réforme de l'OCM du lait, qui figure dans une autre proposition de résolution de la Délégation.

La Délégation a approuvé sans modifications les points 8 (approbation de la pratique des lettres rectificatives pour l'actualisation des dépenses agricoles), 9 (nécessité d'un effort équilibré de stabilisation des dépenses communautaires) et 10 (maintien du statut privilégié de la dépense structurelle).

A propos des points 11 et 12 (suppression du report automatique pour les actions structurelles et création de réserves alimentées par une fraction des crédits non dépensés), Mme Nicole Ameline a rappelé que la sous-exécution des crédits des fonds structurels tient largement à la complexité des procédures, dont elle a déploré le caractère excessivement technocratique, avant de souhaiter une simplification des programmes. Mme Béatrice Marre ayant jugé préférable de proposer la réaffectation des fonds non utilisés à des politiques nouvelles plutôt que leur suppression, le Rapporteur a fait observer que cette suggestion était satisfaite par l'idée de création de réserves. Après avoir rejeté un amendement de Mme Béatrice Marre tendant à établir un lien de conditionnalité entre les points 11 et 12, la Délégation a adopté successivement ces deux points, en intégrant dans le second un amendement du Rapporteur précisant que la régulation conjoncturelle permise par ces réserves favoriserait la croissance et l'emploi.

Elle a ensuite adopté les points 13 (priorité donnée aux réseaux transeuropéens et à la recherche) et 14 (mise en _uvre de politiques communautaires de l'espace, de l'environnement et des biotechnologies), rejetant des amendements de Mme Béatrice Marre incluant dans ces priorités la politique de l'emploi, dont le Rapporteur a précisé qu'elle se situait sur un autre plan, distinct des questions évoquées dans ces paragraphes.

Au point 15 (budgétisation du FED), la Délégation a adopté, compte tenu de modifications proposées par le Rapporteur, un amendement, présenté par M. Yves Dauge, proposant une rédaction plus précise. Elle a adopté les points relatifs au renforcement de l'aide publique communautaire aux Etats de la deuxième vague d'adhésions (18) et à l'assimilation des plafonds de crédits de préadhésion à des objectifs de dépenses (19), en décidant de les insérer après les points relatifs respectivement aux instruments de préadhésion (16) et à l'application de dispositifs spécifiques pour les nouveaux Etats membres en matière agricole et structurelle (17). Elle a adopté sans modifications le point 20 (flexibilité des dépenses entre les rubriques 3 et 4 et entre les exercices budgétaires).

Examinant le titre II de la proposition de résolution, relatif à la procédure budgétaire communautaire, la Délégation a adopté les points 21 et 22, relatifs à la classification des crédits entre dépenses obligatoires et non obligatoires.

Au titre III, relatif au système des ressources propres, elle a supprimé, à l'initiative de Mme Béatrice Marre, un paragraphe relatif au plafond des ressources propres avant d'adopter le point 23 proposant une réforme du financement de l'Union, le point 24 soulignant que cette réforme, accompagnée d'une meilleure évaluation statistique du P.N.B., rendrait plus juste le prélèvement européen, ce point ayant été modifié à l'initiative de M. Didier Boulaud qui a jugé préférable de ne pas évoquer dans le texte de la résolution les conséquences de cette réforme sur la contribution nette de l'Allemagne.

Au point 25 (suppression progressive de la correction au profit du Royaume-Uni), Mme Béatrice Marre s'est interrogée sur la pertinence d'une référence explicite au Royaume-Uni, compte de la position prise par la Délégation au point précédent. M. Maurice Ligot a souligné qu'il y avait une différence de nature entre les deux questions. M. François Loncle a également stigmatisé cette « exception » britannique, élément d'une Europe à la carte qu'il réprouve. A l'issue de ce débat, la Délégation, suivant son Rapporteur, a adopté une rédaction selon laquelle la correction dont bénéficie le Royaume-Uni a désormais perdu une grande part de sa raison d'être.

Le point 26 (création de nouvelles ressources propres pour financer les politiques nouvelles) a suscité l'opposition de M. Maurice Ligot, qui a estimé que cette proposition changerait radicalement le mode de financement des Communautés et, par là même, l'équilibre des pouvoirs au détriment des Etats, et celle de Mme Nicole Ameline, qui a rejeté toute anticipation d'un impôt européen et souhaité que soit réaffirmée au contraire la volonté de stabilisation des dépenses communautaires, par des redéploiements internes et la réalisation d'économies de gestion. M. François Loncle a émis la crainte qu'un nouvel accroissement des prélèvements obligatoires n'entraîne des réactions de rejet à l'égard de l'Europe. Après une discussion à laquelle ont participé Mme Béatrice Marre, le Rapporteur, le Président Henri Nallet, MM. Yves Dauge et Didier Boulaud, la Délégation a adopté un amendement du Rapporteur précisant que cette création de ressources nouvelles pour l'Union ne devra pas aggraver les prélèvements sur les citoyens.

A l'issue de ce débat, l'ensemble de la proposition de résolution a été adopté dans le texte suivant :

« L'Assemblée nationale

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur l'établissement de nouvelles perspectives financières pour la période 2000-2006 (document E 1049),

- Vu le document de travail de la Commission relatif à l'accord interinstitutionel sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure (document E 1128),

- Vu le rapport de la Commission sur le fonctionnement du système des ressources propres (COM [1998] 560 final du 7 octobre 1998), transmis à la Délégation pour l'Union européenne en application de la loi n° 90-385 du 10 mai 1990,

- Considérant que le rôle d'un budget européen est de mettre en _uvre des politiques publiques dans les domaines où l'action communautaire est plus efficace que des actions nationales séparées ;

- Considérant que les choix budgétaires qui seront faits à l'occasion du renouvellement du cadre financier de l'Union doivent, à la fois, assurer la pérennité des deux principales politiques communautaires que sont la politique agricole commune (PAC) et la politique structurelle en faveur de la cohésion économique et sociale, assumer les conséquences du pas décisif qu'a été l'introduction de la monnaie unique, permettre d'accompagner le processus d'élargissement et assurer la mise en _uvre d'actions nouvelles ;

- Rappelant que l'Union européenne ne saurait s'exonérer de l'effort d'encadrement de la dépense publique que consentent de leur côté ses Etats membres ;

- Soulignant qu'il est économiquement et politiquement irrecevable de faire des soldes budgétaires des Etats membres un indicateur suffisant d'évaluation de l'avantage résultant de leur participation à l'Union européenne ;

1. Se félicite des conditions dans lesquelles les propositions de la Commission relatives au renouvellement du cadre financier de l'Union européenne après 1999 ont été soumises à l'examen de l'Assemblée nationale ; demande qu'il lui soit rendu compte dans les plus brefs délais des résultats des négociations engagées au Conseil sur ce sujet ;

2. Regrette la logique de reconduction qu'a privilégiée la Commission dans ses propositions sur le renouvellement du cadre financier de l'Union européenne et demande que le Conseil assortisse ses décisions de la mise en place d'un groupe de travail chargé de lui soumettre, avant la fin de l'année 1999, un rapport présentant des propositions de mise en _uvre de politiques et actions communautaires nouvelles et de création de nouvelles ressources propres pour assurer le financement de l'Union ;

3. Insiste sur le fait que les solutions que le Conseil proposera doivent respecter le principe de solidarité qui sous-tend la construction communautaire et assurer la pérennité des politiques communes ;

4. S'oppose, par conséquent, à la mise en place d'un mécanisme généralisé d'écrêtement des soldes budgétaires négatifs jugés excessifs ou d'un dispositif de cofinancement des aides directes versées au titre de la PAC ; soutient la proposition alternative que vient de formuler la France pour stabiliser les dépenses agricoles ;

I - Sur la discipline budgétaire et les propositions relatives à l'établissement de nouvelles perspectives financières

5. Constate que les propositions de la Commission pour l'établissement des prochaines perspectives financières prévoient une progression réelle des dépenses communautaires au bénéfice des Quinze, qui ne traduit pas la rigueur budgétaire à laquelle elle prétend ; soutient, par conséquent, le Gouvernement dans sa demande d'une stabilisation globale des dépenses concernant les actuels Etats membres dans le cadre des politiques existantes ;

6. Partage le souci manifesté par le Conseil de distinguer clairement, dans les prochaines perspectives financières, les dotations réservées au processus d'élargissement ; estime à cet égard justifiée l'élaboration de perspectives financières distinctes pour les nouveaux Etats membres ; se prononce, dans le même esprit, en faveur de la création, au sein des perspectives financières à Quinze, d'une septième rubrique regroupant l'ensemble des dotations consacrées à la préadhésion et non susceptible d'être impliquée dans une révision des perspectives financières ;

7. Se félicite du maintien du principe et des modalités de calcul de la ligne directrice agricole ; approuve l'inscription sous celle-ci des mesures relatives au développement rural et des mesures vétérinaires et phytosanitaires, à condition que leurs dotations soient considérées comme des dépenses obligatoires ;

8. Soutient la proposition de la Commission d'inscrire dans le prochain accord interinstitutionnel la pratique de la présentation d'une lettre rectificative tardive, qui a été établie lors de la procédure budgétaire communautaire pour 1998 et qui permet une actualisation des prévisions de dépenses agricoles ;

9. Considère que la PAC ne doit pas devenir la principale variable d'ajustement financier des négociations poursuivies dans le cadre d'« Agenda 2000 » et appelle à ce que la stabilisation des dépenses communautaires se traduise par un effort équilibré entre les différentes rubriques du budget, à l'exception des dépenses consacrées à l'élargissement ;

10. Demande le maintien dans le prochain accord interinstitutionnel de l'engagement des deux branches de l'autorité budgétaire quant au respect des dotations prévues dans les perspectives financières pour les fonds structurels et le fonds de cohésion ;

11. Marque son accord avec la proposition de la Commission de ne pas reconduire dans le prochain accord interinstitutionnel la disposition prévoyant, pour les crédits d'engagement consacrés aux actions structurelles, le transfert systématique, par relèvement du plafond de la rubrique des perspectives financières, des montants non exécutés au cours d'un exercice sur les années ultérieures, dans la mesure où cette disposition a amplifié la sous-exécution constatée dans ce secteur lors de la précédente programmation budgétaire ;

12. Demande la création de réserves susceptibles d'assurer une régulation conjoncturelle favorable à la croissance et l'emploi et de soutenir un Etat subissant un choc asymétrique, qui seraient alimentées par une partie des crédits non dépensés lors d'exercices budgétaires antérieurs ;

13. Souhaite que soient clairement identifiées, au sein de la rubrique des perspectives financières consacrée aux politiques internes, les priorités que constituent les réseaux transeuropéens ainsi que la recherche et le développement ;

14. Estime nécessaire la mise en _uvre rapide par l'Union européenne de politiques communautaires dans des domaines comme l'espace (observation de la Terre, télécommunications...), l'environnement, les biotechnologies ;

15. Se prononce, afin de parachever l'unité du budget communautaire, en faveur d'une budgétisation du Fonds européen de développement ; demande que, en tout état de cause, le montant de l'aide de l'Union européenne aux pays du groupe Afrique, Caraïbes, Pacifique, soit renforcé afin que l'ensemble de l'Union européenne apporte un soutien à la hauteur des enjeux du nouveau partenariat qu'elle propose ;

16. Insiste sur la nécessité de mettre en place des instruments communautaires de préadhésion les plus efficaces possible ;

17. Admet la pertinence des propositions de la Commission visant, durant une période transitoire, une extension progressive de la PAC aux nouveaux Etats membres et la limitation à 4 % de leur P.N.B. des transferts dont ils pourront bénéficier au titre des actions structurelles ; s'interroge toutefois sur l'acceptabilité politique de ces dispositifs et estime souhaitable qu'à la fin de la prochaine programmation financière les dotations prévues pour les nouveaux Etats membres au titre de la rubrique 2 du budget communautaire atteignent effectivement 4 % de leur P.N.B. ;

18. Estime cependant que, pour être significatives, les dotations que la Commission propose de consacrer au processus d'élargissement sont loin de correspondre à l'ampleur des besoins des Etats candidats et qu'il incombera dès lors au secteur privé de contribuer au rattrapage de ceux-ci ; demande un renforcement de l'aide publique communautaire prévue pour les Etats candidats de la deuxième vague d'adhésions afin d'éviter que le fossé ne se creuse avec les Etats retenus pour une première vague, vers lesquels les financements privés tendront à se diriger naturellement ;

19. Estime souhaitable, afin de traduire la priorité politique que constitue l'élargissement, que les plafonds des crédits d'engagement consacrés à la préadhésion soient, à l'instar du dispositif qui prévaut aujourd'hui pour les actions structurelles, considérés comme des objectifs de dépenses par les deux branches de l'autorité budgétaire communautaire ;

20. Approuve les propositions de la Commission quant à la mise en _uvre d'une flexibilité entre les rubriques 3 et 4 et entre exercices budgétaires ;

II - Sur la procédure budgétaire communautaire

21. Conteste la classification des crédits existants entre dépenses obligatoires et non obligatoires à laquelle a procédé la Commission dans son projet d'accord interinstitutionnel ;

22. Considère que la classification des lignes budgétaires nouvelles doit recueillir l'accord des deux branches de l'autorité budgétaire communautaire ;

III - Sur le système des ressources propres de la Communauté

23. Se prononce en faveur d'une réforme du financement de l'Union, visant à faire disparaître la ressource T.V.A. au profit de la ressource fondée sur le P.N.B., avec maintien des ressources propres traditionnelles qui correspondent à la mise en _uvre de politiques communes et doivent naturellement bénéficier à la Communauté européenne ;

24. Souligne que cette réforme, qui devrait être accompagnée d'un perfectionnement de l'évaluation statistique du P.N.B., améliorerait la justice du prélèvement européen ;

25. Estime que la correction budgétaire dont bénéficie le Royaume-Uni depuis 1984 a désormais perdu une grande part de sa raison d'être ; demande par conséquent sa suppression progressive ; exige, en tout état de cause, une révision de son assiette afin que ne puissent être incluses dans son calcul les dépenses consacrées aux futurs nouveaux Etats membres ;

26. Considère enfin que la mise en _uvre souhaitable de nouvelles politiques communes impliquera de réexaminer la possibilité de créer de nouvelles ressources propres de l'Union à prélèvement constant pour les citoyens. »

Le Président Friedbert Pflüger a salué la qualité du travail réalisé par le Rapporteur et s'est réjoui d'avoir assisté à la discussion du texte qu'il a soumis à la Délégation. Il a remercié celle-ci d'avoir évoqué la question de la contribution allemande au budget communautaire. Relevant les propos tenus par les membres de la Délégation sur le souci de la neutralité, pour le citoyen, du financement de nouvelles dépenses communautaires, il a noté que cet état d'esprit était tout à fait partagé par les membres du Bundestag. Abordant les points de désaccord qui subsistent entre les partenaires européens sur les différents aspects d'« Agenda 2000 », il a rappelé le souhait du Conseil européen de Vienne des 11 et 12 décembre dernier, qu'aucun sujet - la correction britannique, l'avenir du fonds de cohésion ou le cofinancement de la PAC - ne soit considéré comme un tabou. S'agissant du cofinancement des aides agricoles, il a précisé que celui-ci ne correspondait pas un choix idéologique mais devait s'entendre dans la perspective de l'élargissement de l'Union.

M. Norbert Wieczorek, après avoir rappelé que le Bundestag élabore actuellement des résolutions sur les questions relatives à «Agenda 2000 », a souligné l'importance du Conseil européen de Berlin des 24 et 25 mars prochain qui, après le Conseil européen informel du 26 février, au cours duquel devrait commencer à s'esquisser un compromis, devra parvenir à un accord global sur « Agenda 2000 ». A défaut d'un tel accord, l'Union subirait une crise grave, susceptible de perturber, par une réaction de méfiance à l'égard de la monnaie européenne, les équilibres économiques. Pour lui, il est faux de penser qu'un tel échec pourrait être réparé lors du Conseil européen suivant qui se déroulera à Cologne en juin prochain.

Revenant sur le dernier point de la proposition de résolution examinée par la Délégation, il a jugé inopportun de rouvrir, à l'occasion des négociations sur « Agenda 2000 », les discussions sur la nature de l'Union européenne, alors que celle-ci s'est toujours développée de façon pragmatique ; il a considéré comme illusoire la possibilité d'introduire de nouvelles ressources propres sans imposer de charges supplémentaires aux citoyens.

La réflexion sur les questions de dégressivité et de cofinancement des aides directes doit être poursuivie. Le cofinancement sera un aiguillon pour accroître la vigilance du Gouvernement sur les conditions de leur octroi et n'entraînera pas une renationalisation de la PAC, puisque les réglementations agricoles et le montant des aides seront toujours fixés par la Communauté. M. Norbert Wieczorek a également plaidé pour un renforcement de l'intervention des fonds structurels dans le développement rural avant de souligner que les pays candidats doivent se préparer à appliquer la PAC et, dans cette perspective, réformer leurs structures agricoles, souvent obsolètes.

M. Ernst Burgbacher a jugé particulièrement intéressantes la discussion de la Délégation et la façon dont elle aborde les questions relatives à « Agenda 2000 ». S'agissant de la réforme de la PAC, il a précisé que les propositions de la Commission porteraient un grave préjudice aux petites exploitations, particulièrement en Bavière, et qu'elles ont par conséquent suscité de vives réactions dans les milieux agricoles. Il a ensuite souhaité connaître la position de la Délégation sur l'avenir du fonds de cohésion et sur le maintien à 1,27 % du P.N.B. du plafond des ressources propres, notamment dans la perspective de la création de nouvelles recettes, avant de considérer qu'il n'est sans doute pas opportun d'entamer aujourd'hui des nouveaux débats sur l'avenir de l'Union.

Le Président Friedbert Pflüger a, à son tour, souligné la nécessité de parvenir à un accord global lors du Conseil européen de Berlin. Il a mis en garde contre la tentation de compliquer la tâche de la présidence allemande en s'éloignant de la recherche du compromis et en « plaçant la barre plus haut ». En cas d'échec en mars, un accord ne pourra certainement pas être trouvé en juin prochain ni sans doute au cours des deux prochaines présidences, ce qui portera également préjudice à la réforme institutionnelle et au processus d'élargissement, alors que celui-ci est très attendu par les Etats candidats, lesquels ne pourront maintenir leurs efforts de rattrapage si la perspective de leur adhésion s'éloigne.

Le Président Henri Nallet a réaffirmé la détermination du Gouvernement et du chef de l'Etat à parvenir à un accord politique sur « Agenda 2000 » lors du Conseil européen de Berlin. Un échec étayerait les arguments des « eurosceptiques » et ouvrirait une crise politique, ce qui, notamment dans la perspective des élections européennes, n'est pas souhaitable, même si l'expérience montre que l'Union saurait sans doute la surmonter.  De surcroît, la France, qui est acquise à l'idée que la présidence, lorsqu'elle est assumée par un grand pays, ne doit pas se solder par un échec, est solidaire de l'Allemagne, le couple franco-allemand restant le moteur la construction européenne.

Le Président Friedbert Pflüger, évoquant les propos du Premier Ministre et du Ministre de l'agriculture selon lesquels un accord sur « Agenda 2000 » ne saurait être réalisé à tout prix, a craint que l'on essaie de tirer profit du souci de l'Allemagne de conclure en mars prochain pour arracher un compromis qui lui serait défavorable.

Le Président Henri Nallet, après avoir écarté cette crainte du côté français, a considéré que l'Allemagne et la France pourraient plus aisément parvenir à un accord sur la réforme de la politique régionale et le renouvellement du cadre financier de l'Union que sur la réforme de la PAC. Les deux pays ne divergent pas sur les finalités de la réforme - préparer l'élargissement et les négociations de l'O.M.C., permettre une réduction de la contribution allemande au budget communautaire - mais sur les moyens d'y parvenir. Un accord qui serait fondé sur la réduction des dépenses et donc des contributions nationales et sur l'augmentation du découplage des aides directes, calculées différemment pour ne pas être en contradiction avec l'O.M.C., reste à portée de main. Tel est l'état d'esprit du Gouvernement. Il est toutefois urgent que les experts allemands et français échangent leurs évaluations. En fin de compte, même si les intérêts agricoles de l'Allemagne et de la France ne sont pas identiques, l'essentiel est que ces deux pays parviennent ensemble à réduire le coût de la PAC.

Mme Béatrice Marre a confirmé que le cofinancement des aides directes, compte tenu des risques qu'il comporte, ne peut constituer une solution adéquate. Mais la France est acquise au principe d'une réduction des dépenses agricoles ; elle tient, comme l'Allemagne, à préserver les petites exploitations. Il convient donc de s'attacher à déterminer le niveau de réduction des dépenses et à en examiner les moyens techniques. L'élargissement ne permettra pas de maintenir une PAC inchangée et le développement rural doit être mieux pris en considération. Mme Béatrice Marre a assuré ses collègues allemands de la volonté du Premier ministre et du Ministre de l'agriculture de parvenir à un accord sur le nouveau cadre budgétaire.

M. Maurice Ligot a considéré lui aussi que l'absence d'accord avant la campagne pour l'élection des membres du Parlement européen susciterait des difficultés durables. Mais les baisses de prix proposées ne lui semblent pas acceptables, en particulier pour les éleveurs de bovins, qui ont déjà supporté la crise de la « vache folle ». Le revenu des agriculteurs doit être constitué par le résultat de leur travail. La compensation des baisses de prix par des aides directes pose le problème du cofinancement, lequel signifierait un désengagement communautaire sur une politique commune fondamentale, qui existe depuis le Traité de Rome. Ce dispositif serait mal compris et augurerait mal de l'avenir de l'Europe.

M. Norbert Wieczorek a réaffirmé que le cofinancement ne signifiait pas une liberté de comportement des Etats membres susceptible d'engendrer des distorsions, le montant des financements respectifs de la Communauté et des Etats devant relever de la compétence communautaire.

Le Président Friedbert Pflüger a insisté sur le fait que le cofinancement ne constituerait pas un démantèlement de la PAC et qu'il entraînerait pour les agriculteurs allemands aussi une réduction du niveau des aides.

Pour M. Gérard Fuchs, la France reconnaît l'existence de la contrainte politique allemande, mais il y a plusieurs voies pour la satisfaire : renforcer la contribution des fonds structurels en faveur des Länder de l'Est ; remplacer la recette T.V.A. par la recette P.N.B. ; réformer la PAC, qui n'est que l'un des éléments de l'ajustement à réaliser. Selon des statistiques émanant de la Commission européenne et du Gouvernement français, un cofinancement général de 25 % bénéficierait à l'Allemagne mais pénaliserait très fortement les pays éligibles au fonds de cohésion (Grèce, Espagne, Portugal et Irlande). Une exonération du cofinancement limitée aux pays les plus pauvres ne bénéficierait pas sensiblement à l'Allemagne mais poserait des problèmes politiques pour la France. Telles sont les raisons pour lesquelles celle-ci propose la dégressivité des aides et non le cofinancement.

Mme Béatrice Marre a souhaité que l'on ne bute pas sur les mots et que l'on s'entende sur les mécanismes réels : à terme, le cofinancement signifierait pour la France le démantèlement de la PAC.

Le Président Henri Nallet a souhaité que l'on réfléchisse à la nature et au financement des différentes aides agricoles, qui sont de trois types : les aides compensatrices de baisses de prix, qui constituent le dispositif principal depuis la réforme de 1992 et qui feront l'objet des prochaines négociations de l'O.M.C. ; les aides au revenu, qui sont découplées du volume de la production et pour lesquelles se pose la question d'un éventuel cofinancement ; les aides à l'environnement, à la situation de l'exploitation ou au développement rural, complètement déconnectées de la production et qui sont appelées à se développer. La question centrale est de distinguer ce qui constitue le fondement de la PAC, qui doit faire l'objet d'une solidarité financière, et ce qui peut faire l'objet d'autres formes de financement. Cette distinction pourrait contribuer à débloquer la situation. Il n'en reste pas moins que la compensation des baisses de prix des céréales reste le c_ur du problème.

M. Norbert Wieczorek, approuvant ces propos, a précisé que le prochain « Conseil agriculture » devra déterminer celles des aides directes qui continueront à être financées par le budget communautaire. Les prochaines négociations de l'OMC et les futurs élargissements rendent nécessaire une réforme de la PAC ; il faut admettre que, pendant une période transitoire, les coûts vont augmenter, sous l'effet conjugué des compensations des baisses de prix et du versement d'aides au revenu.

Le Président Friedbert Pflüger s'est félicité que le Président Henri Nallet ne rejette pas définitivement toute notion de cofinancement pour certaines des aides, notamment celles destinées au développement rural.

M. Gérard Fuchs a rappelé que le bénéfice du fonds de cohésion était appelé à être supprimé pour les pays qui y sont actuellement éligibles, selon un rythme à déterminer. Le plafond des ressources propres de 1,27 % permettra sans doute de financer les politiques communes existantes, compte tenu de l'élargissement ; il devra néanmoins être dépassé si l'on veut que l'Union européenne envisage de nouvelles politiques communes, comme l'observation spatiale, la défense, les télécommunications, l'environnement. « Agenda 2000 » limite son horizon à sept ans, mais il n'est pas irréaliste de penser, à terme de 10 ou 15 ans, que le budget communautaire puisse représenter 2,5 ou 3 % du P.N.B., avec une réduction à due concurrence des budgets nationaux de telle sorte qu'il n'y ait pas d'aggravation de la pression fiscale. Le débat sur la nature de l'Europe ne peut plus être évité ; le référendum sur le Traité de Maastricht a montré que les citoyens voulaient en savoir plus sur ce point. Le parti auquel il appartient s'est prononcé en faveur d'une « fédération d'Etats nations ». Enfin, il faudra procéder, avant les prochains élargissements, à une réforme institutionnelle permettant à l'Union européenne de prendre des décisions et de conduire des politiques communes. Cette question doit être résolue à Quinze, même si l'on souhaite un élargissement rapide.

Le Président Henri Nallet a remercié ses collègues du Bundestag et a souhaité que cet utile échange de vues puisse bénéficier aux négociateurs des deux pays.

Le Président Friedbert Pflüger a souhaité que d'autres occasions de travail conjoint aussi fructueuses puissent se présenter.