DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 74

Réunion du jeudi 8 avril 1999 à 9 heures 30

Présidence de M. Maurice Ligot, vice-président

I. Rapport d'information de M. Gérard Fuchs sur la proposition de directive visant à garantir un minimum d'imposition effective des revenus de l'épargne sous forme d'intérêts à l'intérieur de la Communauté (E 1105)

M. Gérard Fuchs, Rapporteur, a évoqué les effets dommageables d'une absence d'harmonisation de la fiscalité de l'épargne, à une époque où les mouvements internationaux de capitaux portent sur un montant quotidien de 1 100 à 1 200 milliards de dollars - soit cinquante fois plus que le volume des biens réels échangés - où l'euro se met en place et où le marché européen poursuit son unification. Cette situation crée, compte tenu de la diversité des réglementations, des distorsions de concurrence entre les Etats membres, voire des formes de concurrence déloyale ; elle incite l'épargne à se localiser non en fonction des besoins économiques mais des avantages respectifs des systèmes fiscaux ; elle entraîne une perte de recettes publiques au profit des pays à faible fiscalité ou des paradis fiscaux ; elle exerce une pression à la baisse de la fiscalité, qui peut conduire à raréfier les ressources nécessaires au financement des priorités collectives ; elle favorise enfin les revenus du capital par rapport à ceux du travail, qui est moins mobile, ce qui accroît les inégalités et défavorise l'emploi.

Pour remédier à ces difficultés, le Conseil des ministres de l'économie et des finances de l'Union européenne (Conseil Ecofin) a demandé, en décembre 1997, qu'une directive soit élaborée pour garantir un minimum d'imposition des revenus de l'épargne à l'intérieur de la Communauté. Auparavant, la Commission avait élaboré, dès 1989, peu avant la libéralisation des mouvements de capitaux, une proposition de directive instaurant un régime de retenue à la source sur les intérêts, proposition qui n'avait pas abouti faute d'un accord unanime des Etats membres.

Afin de lever les objections qu'avait suscitées le projet de 1989, la présente proposition de directive tend à instaurer un système dit de « coexistence », consistant à permettre aux Etats membres de choisir entre deux régimes : soit une retenue à la source de 20 % sur les revenus des ressortissants communautaires non résidents, soit un échange d'informations entre les Etats membres, qui leur permettrait d'imposer les revenus perçus dans d'autres Etats membres.

Ce dispositif résulte d'un compromis entre les Quinze ; son champ d'application est relativement vaste, puisqu'il couvre l'ensemble des personnes physiques recevant des intérêts pour leur propre compte. Dans un but de simplification, le paiement - ou l'information - est dû par l'agent payeur, qui est défini comme le dernier intermédiaire financier entre l'émetteur des titres et le bénéficiaire final des intérêts ; il lui appartiendra de vérifier si l'intérêt est versé à une personne physique et de demander à celle-ci une preuve de sa résidence fiscale. Plusieurs dispositions tendent à éviter que l'application du modèle de coexistence ne se traduise par des doubles impositions ; le texte prévoit enfin, pour éviter des risques de délocalisation de l'épargne européenne, le lancement de négociations avec des pays tiers - les principaux partenaires commerciaux de l'Union - et avec les territoires dépendants et associés des Etats membres, afin de les inviter à appliquer des mesures équivalentes.

Sur ce dernier point, le Rapporteur a rappelé que la présidence allemande avait pris des « contacts exploratoires » avec la Suisse, d'une part, le Liechtenstein, Monaco, Saint-Marin et Andorre, d'autre part, et que, selon le rapport fait par le commissaire Mario Monti au Conseil Ecofin du 15 mars dernier, ces pays s'étaient montrés ouverts à la discussion.

Le projet de réforme, qui s'inscrit dans un vaste programme d'harmonisation communautaire, est aujourd'hui admis dans son principe par tous les Etats membres. Des désaccords subsistent toutefois sur certains points : le Luxembourg souhaite, outre un taux de retenue à la source inférieur à 20 %, que la conclusion d'accords avec les pays tiers constitue un préalable à l'adoption de la directive ; le Royaume-Uni demande l'exclusion des euro-obligations, pour ne pas faire perdre à la place de Londres une partie de ses ressources ; les Pays-Bas, le Danemark et la Suède appellent de leurs v_ux la mise en place d'un mécanisme de compensation financière entre Etats pour tenir compte des pertes que certains d'entre eux pourraient subir du fait de l'application de la directive. Par ailleurs, le milieu bancaire et financier redoute le risque de délocalisation de l'épargne vers les pays tiers si le taux de retenue à la source n'est pas réduit et si des accords avec ces pays ne sont pas préalablement conclus ; sont également mises en avant la complexité du dispositif proposé et les charges supplémentaires qui sont susceptibles de peser sur les agents payeurs.

M. Gérard Fuchs a jugé opportun, compte tenu des enjeux que présente ce texte, que l'Assemblée nationale prenne position par la voie d'une résolution, de manière à favoriser son adoption par le Conseil. Il a toutefois souhaité que le dispositif soit amélioré sur plusieurs points : le champ d'application territorial devrait être mieux défini ; le projet devrait spécifier que la conclusion d'accords avec les pays tiers ne saurait constituer un préalable à son adoption, sauf à retarder sans cesse sa mise en _uvre ; un taux de 25 % de retenue à la source permettrait de mieux lutter contre les distorsions de concurrence ; les dates de transposition et d'entrée en vigueur de la directive devraient être repoussées, compte tenu de la durée des négociations en cours ; les effets de la directive devraient être mieux évalués. En outre, plusieurs mesures complémentaires lui paraissent nécessaires à l'avenir, telles que l'extension du champ de la directive à d'autres formes de revenus de l'épargne, l'harmonisation d'autres aspects de la réglementation - le secret bancaire, les procédures de déclaration, les règles de recouvrement ou la lutte contre la fraude - la définition d'un mécanisme de compensation financière entre les Etats, la définition d'un statut de résident communautaire, ainsi que le passage à la règle de la majorité qualifiée en matière fiscale.

La Délégation a examiné le texte de la proposition de résolution présentée par M. Gérard Fuchs.

Les trois premiers considérant ont été adoptés sans modification. Le quatrième d'entre eux, selon lequel l'absence d'harmonisation « instaure une pression à la baisse de la fiscalité, pouvant conduire à réduire les ressources consacrées au financement de certaines priorités collectives » à fait l'objet d'un débat. M. Maurice Ligot s'est opposé à cette assertion, estimant que la baisse de la fiscalité était une bonne chose et qu'une pression fiscale excessive avait des effets négatifs sur l'activité et l'emploi.

Partageant ce point de vue et soulignant l'existence de distorsions dans d'autres domaines que celui de la fiscalité de l'épargne, notamment en matière sociale, M. Pierre Lequiller a demandé la suppression de ce considérant.

M. Jacques Myard s'est opposé au principe même d'une harmonisation de la fiscalité, mesure qui lui paraît relever de l'économie administrée. Rappelant qu'il n'y avait pas d'harmonisation fiscale aux Etats-Unis, il a estimé qu'il appartient aux Etats de prendre leurs responsabilités en ce domaine. Doutant, au surplus, de la possibilité de parvenir à un accord entre les Quinze sur une telle proposition de directive, il a ajouté que la mondialisation aurait pour effet de priver de portée, quant à la délocalisation de l'épargne, les efforts d'harmonisation européenne.

Mme Michèle Rivasi a soutenu la position du Rapporteur, soulignant qu'il convient d'éviter la pression à la baisse de la fiscalité, pour être en mesure de financer les priorités collectives. S'opposer à l'harmonisation de la fiscalité lui paraît donc contraire à l'idée européenne.

M. François Loncle a souligné, dans le même sens, que l'harmonisation fiscale éviterait aux économies des Etats membres de l'Union européenne d'être pénalisées par les déréglementations excessives et désordonnées.

Le Rapporteur a admis que l'on pouvait se prononcer en faveur d'une baisse de la pression fiscale ; mais encore faut-il que cette baisse résulte d'une décision volontaire des Gouvernements ; or, en l'absence d'harmonisation fiscale, ces derniers subissent la pression à la baisse, les capitaux se délocalisant au profit des Etats ayant la fiscalité la plus légère. Si l'on continuait dans cette direction, les Etats membres convergeraient vers une fiscalité de l'épargne à taux zéro, ce qui produirait une perte de recettes, une diminution des moyens d'action collective et une surtaxation des revenus du travail. L'Union européenne doit donc prendre des mesures en ce domaine. Quant à la mondialisation, l'exemple des fonds de pension, qui sont les principaux gestionnaires de capitaux étrangers, montre que ceux-ci privilégient la sécurité et la diversification des placements plutôt que la recherche exclusive de la fiscalité la plus faible.

A l'issue de ce débat, la Délégation a adopté, à l'initiative du Rapporteur, une nouvelle rédaction, qui précise, pour tenir compte des observations présentées, que l'absence d'harmonisation de la fiscalité de l'épargne conduit, quelle que soit la volonté des Etats, à une pression à la baisse de la fiscalité.

Le cinquième et dernier considérant, selon lequel l'absence d'harmonisation de la fiscalité de l'épargne favorise les revenus du capital par rapport à ceux du travail, a également fait l'objet d'un large débat.

M. Maurice Ligot a demandé la suppression de ce considérant, qui ne lui paraît pas correspondre à la réalité.

Mme Michèle Alliot-Marie a fait valoir que l'avantage fiscal relatif qu'il mentionne concernait surtout certains revenus du capital placés à l'extérieur de l'Union européenne. Elle a jugé inapproprié de mettre l'accent sur le déséquilibre entre le traitement fiscal des revenus du capital et ceux du travail, car, dans certains pays dont la fiscalité de l'épargne est faible ou inexistante, celle du travail est également réduite. Elle s'est enfin demandée s'il n'y aurait pas lieu de se pencher sur les délocalisations dues aux disparités qui caractérisent la fiscalité successorale dans les Etats membres.

M. Gabriel Montcharmont a soutenu, à l'inverse, que ce considérant est cohérent avec le premier, qui souligne l'existence de distorsions de concurrence à l'intérieur de la Communauté.

M. Jacques Myard a jugé utopique de prétendre drainer des capitaux par une harmonisation fiscale de l'épargne et souligné que cette proposition de directive suscitait de vives critiques de la part de certains universitaires.

M. Pierre Lequiller a fait part de son désaccord sur une rédaction qui prône une augmentation de la fiscalité de l'épargne pour permettre une diminution de celle du travail, alors qu'il se prononce, lui, pour une réduction du poids des dépenses publiques, qui permettrait une baisse de la pression fiscale globale. Il a cité à ce sujet l'exemple des Etats-Unis, où le travail est faiblement imposé et où le chômage est peu élevé.

Mme Nicole Feidt lui a objecté que certains Etats, comme le Luxembourg, drainaient l'argent d'un grand nombre de pays grâce à une fiscalité légère.

Le Rapporteur a considéré que, si les différences d'imposition de l'épargne entraînaient des pertes de recettes pour les Etats et étaient défavorables à l'emploi, la proposition de directive n'avait d'autre ambition que de constituer une première étape dans un long processus d'harmonisation fiscale, le débat sur la légitimité des fonctions collectives de l'Etat n'étant au demeurant que le reflet de divergences politiques. Sur la proposition de M. Maurice Ligot, et après les observations de Mmes Nicole Feidt, Michèle Rivasi et de M. François Loncle, la Délégation a réservé sa position sur ce considérant.

Elle a abordé l'examen du dispositif de la proposition de résolution.

Après l'adoption des quatre premiers paragraphes du dispositif, Mme Michèle Alliot-Marie s'est opposée au cinquième, qui propose de fixer à 25 % au lieu de 20 % le taux minimum de retenue à la source pour les non-résidents. Elle s'est interrogée sur la position des Etats membres sur le taux proposé, en rappelant que celui-ci représentait, dans plusieurs d'entre eux, un alourdissement de la pression fiscale.

M. François Loncle s'est interrogé sur l'opportunité de demander une augmentation du taux minimum. Le Rapporteur a souligné que si le Luxembourg serait disposé à accepter un taux de 10 %, tous les Etats membres n'avaient pas encore fait connaître leur position.

Après avoir adopté les paragraphes 5, 6 et 7 du dispositif, la Délégation a supprimé, au paragraphe 8, la disposition demandant, si la lutte contre les distorsions de concurrence l'exige, l'extension de l'imposition minimale aux autres formes de revenu de l'épargne. S'agissant des autres dispositions de ce paragraphe, Mme Michèle Alliot-Marie a jugé inappropriée la notion de perte de recettes fiscales entraînée par l'application de la directive, puisque certains Etats membres n'en perçoivent pas actuellement à ce titre. Le mécanisme de compensation envisagé par le Rapporteur lui semble d'autant plus difficile à concevoir que les incidences économiques de la taxation de l'épargne sont impossibles à calculer.

Tout en convenant de la pertinence de ces observations, le Rapporteur a souligné que le mécanisme de compensation financière répondait à une revendication de certains Etats membres. De surcroît, la perspective de l'élaboration d'un dispositif de compensation serait de nature à rassurer les Etats membres qui redoutent la mise en vigueur de ce texte par crainte des pertes économiques qu'ils pourraient subir.

Mme Michèle Alliot-Marie a estimé qu'il serait paradoxal que la France soit obligée de compenser les pertes économiques qu'entraînerait l'application de ce texte pour des Etats comme le Luxembourg. Elle a jugé peu raisonnable la demande relative au passage de l'unanimité à la majorité qualifiée pour les questions fiscales susceptibles d'affecter la concurrence entre les Etats membres, soulignant que la France, compte tenu de sa fiscalité très lourde, serait rapidement mise en difficulté. Dès lors que les différences en matière de protection sociale affectent aussi la concurrence entre les Etats membres et que la mise en place d'une politique sociale harmonisée faciliterait la construction européenne, la proposition de résolution devrait également évoquer cet aspect.

Le Rapporteur, après avoir rappelé qu'un premier projet de directive ayant le même objet avait échoué à cause de la règle de l'unanimité, a craint que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets. Il a souligné la prudence de la rédaction qu'il propose et selon laquelle le passage à la règle de la majorité qualifiée devait être « envisagé » après l'adoption de la directive et pour les seules questions fiscales susceptibles d'affecter la concurrence entre les Etats membres.

M. Pierre Lequiller a exprimé son désaccord avec cette suggestion, dont il a souligné les dangers. Il a évoqué en outre l'existence de divergences entre les Etats membres, plus accentuées encore que dans le domaine fiscal.

M. Maurice Ligot s'est interrogé sur l'opportunité d'insérer pareille suggestion dans une proposition de résolution relative à la fiscalité de l'épargne.

Après avoir supprimé, à l'intiative de Mme Michèle Alliot-Marie, la première disposition du paragraphe 8 qui proposait d'étendre la fixation d'un minimum d'imposition aux autres formes de revenu de l'épargne lorsque la lutte contre les distorsions de concurrence l'exige, la Délégation a modifié, avec l'accord du Rapporteur, la rédaction des deux dispositions suivantes relatives respectivement à l'harmonisation de la fiscalité de l'épargne et au mécanisme de compensation financière.

La Délégation est ensuite revenue au cinquième considérant, précédemment réservé. Celui-ci a été adopté dans une nouvelle rédaction proposée par le Rapporteur et selon laquelle l'absence d'harmonisation favorise les revenus de l'épargne perçus dans certains pays de l'Union européenne par rapport à ceux du travail.

En conclusion de cette discussion, M. Gérard Fuchs, Rapporteur, a estimé que la situation qui prévaut actuellement en matière de fiscalité de l'épargne défavorise l'emploi et considéré que l'examen de cette proposition de résolution met en lumière les différentes conceptions que l'on peut avoir du rôle de l'Etat dans l'économie.

M. Jacques Myard, tout en saluant la qualité du travail accompli par le Rapporteur, s'est insurgé contre la logique d'harmonisation qui l'a inspiré et qui ne peut conduire qu'à l'uniformisation, l'avènement d'une « Europe carcan » mettant en cause l'autonomie des Etats et des collectivités territoriales. Il a jugé préférable de laisser jouer la concurrence dans tous les domaines ; ainsi, pour l'épargne, la fiscalité constitue un facteur de flexibilité, qui sera bientôt perdu, ce qui portera préjudice à la place de Paris.

M. Pierre Lequiller s'est également prononcé contre la proposition de résolution, mais pour des motifs différents : pour lui, l'harmonisation des politiques n'est pas un but en soi, et ce n'est pas en fixant des taux moyens que l'on fera jouer la concurrence, mais en retenant les expériences nationales les plus efficaces. Opposé à l'uniformisation, il reste favorable à des mesures de rapprochement.

M. Gérard Fuchs, tout en affirmant son opposition résolue à un processus d'uniformisation au sein de l'Union européenne, a jugé indispensable l'établissement d'un socle minimal de règles communes afin d'assurer le bon fonctionnement du marché intérieur.

La Délégation a décidé de déposer la proposition de résolution dans le texte suivant.

« L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive du Conseil visant à garantir un minimum d'imposition des revenus de l'épargne sous forme d'intérêts à l'intérieur de la Communauté (COM(98) 295 final (E 1105)),

Vu les conclusions du Conseil Ecofin du 1er décembre 1997,

Considérant que l'absence d'harmonisation de la fiscalité de l'épargne entre les Etats membres de l'Union européenne donne lieu à des distorsions de concurrence entre les Quinze ;

Considérant qu'elle incite l'épargne à se localiser en fonction de la fiscalité des Etats, et non du développement économique ;

Considérant qu'elle entraîne une perte de recettes pour beaucoup d'Etats membres au profit des pays à faible fiscalité ou des paradis fiscaux ;

Considérant qu'elle conduit, quelle que soit la volonté des gouvernements, à une pression à la baisse de la fiscalité, pouvant amener à réduire les ressources consacrées au financement de certaines priorités collectives ;

Considérant qu'elle favorise les revenus de l'épargne perçus dans certains pays de l'Union européenne par rapport à ceux du travail ;

1. Approuve le principe d'un minimum d'imposition effective des revenus de l'épargne versés sous forme d'intérêts à l'intérieur de la Communauté ;

2. Estime nécessaire de poursuivre les négociations engagées avec les pays tiers, afin de conclure dès que possible avec ceux-ci des accords garantissant l'application par eux de mesures équivalentes ;

3. Considère que la progression de ces négociations ou la signature de ces accords ne sauraient constituer un préalable à l'adoption ou à l'entrée en vigueur de la directive ;

4. Demande qu'un article additionnel, plutôt qu'une décision intergouvernementale, prévoie que les Etats membres ayant des territoires dépendants ou associés, ou qui ont des responsabilités particulières ou des prérogatives fiscales sur d'autres territoires, prennent des mesures appropriées pour assurer que ces territoires appliquent des mesures équivalentes ;

5. Propose de fixer à 25 %, au lieu de 20 %, le taux minimum de retenue à la source, afin de mieux lutter contre les distorsions de concurrence ;

6. Demande que la date limite de transposition de la directive soit reportée au 31 décembre 2000 et celle correspondant à son entrée en vigueur au 1er juillet 2001, afin que les Etats, les agents payeurs, les investisseurs et les particuliers puissent s'y préparer ;

7. Souhaite que l'évaluation a priori du dispositif soit complétée et approfondie, qu'une évaluation a posteriori ait lieu dans les deux ans suivant son entrée en vigueur et qu'il soit précisé que la Commission proposera, à la suite de cette dernière évaluation, toutes les améliorations qui lui paraîtront utiles ;

8. Demande que les mesures complémentaires suivantes soient envisagées après l'adoption de la directive :

- prendre les autres mesures d'harmonisation de la fiscalité de l'épargne qui permettraient d'améliorer le fonctionnement du marché intérieur ;

- étudier, si nécessaire, après la réalisation de l'évaluation a posteriori, un mécanisme de compensation financière entre les Etats ;

- définir un statut de résident fiscal communautaire, afin d'éviter des inégalités de traitement selon les nationalités et les complications administratives auxquelles elles donnent lieu ;

- remplacer la règle de l'unanimité par celle de la majorité qualifiée dans les domaines fiscaux susceptibles d'affecter la concurrence entre les Etats membres de l'Union européenne. »

II. Rapport d'information de M. Pierre Lequiller sur les propositions de règlements relatifs à l'application de l'article 85 du Traité instituant la Communauté européenne (E 1166)

M. Pierre Lequiller, Rapporteur, a indiqué que les deux projets de règlement présentés par la Commission ont pour objet de modifier les conditions d'application aux « accords verticaux » des dispositions de l'article 85 du Traité instituant la Communauté européenne, qui interdit les accords entre entreprises ou pratiques concertées susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et ayant pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence.

Il a relevé la situation paradoxale dans laquelle se trouve la Délégation à l'égard de ces textes, qui sont en effet muets sur les données essentielles de la nouvelle politique envisagée par la Commission, puisque l'un traite de la procédure et l'autre est un règlement d'habilitation par lequel le Conseil donne les plus larges pouvoirs à la Commission pour édicter la future réglementation. De surcroît, la Délégation pourrait n'avoir jamais à connaître de cette dernière, le Conseil d'Etat ayant estimé que les dispositions de l'article 88-4 de la Constitution n'étaient pas applicables aux projets d'actes relevant des pouvoirs propres de la Commission.

Le Rapporteur a exposé les raisons pour lesquelles le régime actuel des accords verticaux en droit communautaire semble aujourd'hui, malgré des aspects positifs, condamné. Au nombre des aspects positifs, il a mentionné la sécurité juridique et la cohérence assurées par les « règlements par catégorie » - qui couvrent les accords de distribution exclusive, les accords d'achat exclusif et les accords de franchise - et par la possibilité de décisions individuelles d'exemption. Il a montré que le dispositif actuel traduit une approche fragmentaire et limitée de la question, la Commission ne pouvant édicter de règlements d'exemption qu'à l'égard de certaines catégories d'accords, qui ne représentent plus aujourd'hui qu'une faible partie des accords verticaux. Le régime en vigueur se caractérise aussi par un formalisme excessif, dans la mesure où il oblige les entreprises à respecter un grand nombre de règles de forme. Enfin, l'évolution du secteur de la distribution, caractérisée par la concentration croissante et le passage de relations d'indépendance et de concurrence à des rapports fondés sur la coopération, a aggravé ces défauts.

M. Pierre Lequiller a présenté les principes de la nouvelle politique que la Commission a entrepris de définir pour les accords verticaux.

Tout d'abord, la procédure proposée serait plus simple et plus efficace : le champ de l'obligation de notification à laquelle sont soumis aujourd'hui un très grand nombre d'accords serait réduit ; les retraits d'exemption seraient prononcés par les autorités nationales compétentes en matière de concurrence pour les accords dont les effets se produisent sur le territoire d'un seul Etat membre ; la réforme traite enfin le phénomène des effets cumulatifs, c'est-à-dire de l'incidence sur le jeu de la concurrence d'une accumulation d'accords verticaux.

En second lieu, le régime proposé est moins formaliste. Ainsi, le pouvoir reconnu à la Commission de fixer par voie réglementaire les conditions d'exemption des accords verticaux est nettement élargi. Sur le fondement de l'habilitation qui lui sera conférée, la Commission envisage d'élaborer un seul règlement d'exemption générale, le secteur de la distribution de véhicules automobiles devant toutefois continuer à faire l'objet d'un règlement spécifique. Par ailleurs, conformément au souci de mettre fin au formalisme du dispositif actuel, le futur règlement d'exemption définira seulement les clauses interdites -  ou « clauses noires » -  alors que les règlements en vigueur procèdent également à une énumération limitative des clauses autorisées ou obligatoires, dites « clauses blanches ».

Le Rapporteur a estimé que la nouvelle politique proposée réalise un compromis équilibré entre sécurité juridique et réalisme économique. La démarche de la Commission est fondée sur une réflexion sur la finalité et les effets des accords verticaux, dont il résulte que c'est le contexte du marché qui est l'élément déterminant de leur caractère nocif ou non pour la concurrence ; le critère à retenir pour l'apprécier est donc la structure du marché concerné et, plus précisément, le « pouvoir de marché » détenu par les parties à l'accord. Pour apprécier le pouvoir de marché, la Commission a estimé que le seul indicateur possible est la part de marché détenue par les parties.

Ayant fait état des critiques formulées par certains professionnels à l'égard du choix de ce critère, le Rapporteur a expliqué que celui-ci permettrait de créer une zone de sécurité juridique en distinguant les accords présumés licites - ceux passés par les entreprises détenant une part de marché inférieure au seuil - de ceux qui justifient une vigilance particulière. Il a insisté sur le fait que le seuil de part de marché crée une présomption de légalité en deçà, mais pas une présomption d'illégalité au-delà. Quant au niveau du seuil, qui relève du pouvoir réglementaire de la Commission, il serait probablement fixé à 30 % de part de marché, ce qui devrait être favorable à la grande majorité des entreprises intervenant à un stade ou un autre d'un circuit de distribution.

Le futur règlement d'exemption générale, qui sera applicable à tous les types d'accords verticaux, concernant aussi bien les biens (finals ou intermédiaires) que les services, comportera une liste des « clauses noires » interdites, dont le contenu fait actuellement l'objet de discussions entre la Commission et les Etats membres. Il fixera un seuil défini en termes de parts de marché : pour les entreprises qui se trouvent au-dessous du seuil, les accords comportant des restrictions verticales seront présumés licites et bénéficieront automatiquement de l'exemption sans avoir besoin d'être notifiés ; l'exemption pourra toutefois être retirée par la Commission ou, dans certains cas, par les autorités nationales de concurrence s'il apparaît qu'ils comportent des effets anticoncurrentiels, notamment en cas d'effets cumulatifs résultant de l'accumulation d'accords verticaux dans un secteur donné. Pour les entreprises qui se trouvent au-dessus du seuil, les accords comportant des restrictions verticales devront être notifiés ; en fonction de l'ensemble des caractéristiques de l'espèce, la Commission prendra à leur égard soit une décision d'attestation négative - c'est-à-dire constatant qu'ils ne tombent pas sous le coup de l'interdiction prévue à l'article 85 paragraphe 1 du Traité - soit une décision d'exemption individuelle, si les conditions prévues par l'article 85 paragraphe 3 sont remplies, soit une décision d'interdiction dans le cas contraire.

En conclusion, le Rapporteur a souligné que, malgré les incertitudes qui demeurent sur certains points et les difficultés inhérentes à la mise en _uvre de toute réforme, la nouvelle politique proposée en matière de restrictions verticales lui semble de nature à assurer le respect des règles de concurrence sans imposer de contraintes excessives aux entreprises et contribuer ainsi à l'amélioration de l'efficacité économique des producteurs et distributeurs européens.

M. Jacques Myard a vivement regretté la très large délégation opérée par la proposition de directive au profit de la Commission : pour lui, le Conseil « abdique » totalement en renonçant à sa faculté de statuer sur le futur règlement général.

En réponse à une demande de précision de Mme Michèle Rivasi, le Rapporteur a insisté sur le changement de logique que traduit la nouvelle politique proposée par la Commission pour les accords verticaux, en se félicitant, pour les entreprises, de la simplification et de l'allégement du dispositif. Il a également rappelé que le secteur de la distribution des véhicules automobiles n'était pas couvert par le projet de règlement.

Comme le Rapporteur, M. Maurice Ligot a exprimé le souhait que le Gouvernement transmette à la Délégation au titre de l'article 88-4 de la Constitution le projet de règlement général qui sera élaboré par la Commission en vertu de l'habilitation accordée par le Conseil. Après avoir rappelé que les projets de règlements de la Commission, ne faisant pas l'objet d'une transmission formelle au Conseil des ministres, ne sont pas considérés par le Conseil d'Etat comme des propositions d'actes communautaires soumis à la procédure de l'article 88-4 de la Constitution, il a souligné que la révision constitutionnelle donnait la faculté au Gouvernement de soumettre aux assemblées tout projet ou proposition d'acte, ainsi que tout document émanant d'une institution de l'Union européenne.

A l'issue de cette discussion, la Délégation a adopté le rapport de M. Pierre Lequiller.

III. Examen de propositions d'actes communautaires (nos E 1198, E 1224, E 1231 et E 1232)

Abordant l'examen de la proposition de règlement instituant un office européen d'enquêtes antifraude (E 1198), M. Maurice Ligot, vice-président, a précisé que la question de la lutte contre la fraude au détriment du budget communautaire s'est posée avec force à l'occasion de la récente démission de la Commission européenne. Cette proposition de règlement institue un organe de lutte contre la fraude (OLAF), qui effectuera des enquêtes, tant à l'intérieur des Etats membres qu'au sein des institutions communautaires. Le Parlement européen et le Conseil ayant exprimé des réserves sur le texte initial de la Commission, celle-ci en a présenté une version modifiée, dans laquelle l'OLAF est maintenu au sein de la Commission, son indépendance étant garantie par le statut et les pouvoirs de son directeur et par la mise en place d'un comité de surveillance, composé d'experts indépendants, chargé de superviser les travaux. Les enquêtes que diligentera l'OLAF peuvent être ouvertes à l'initiative de son directeur ou à la demande des Etats membres et des institutions. Lors des enquêtes internes, les agents de l'OLAF disposeront d'un très large accès aux locaux et documents.

Après avoir souligné que le Conseil et le Parlement européen avaient favorablement accueilli la nouvelle rédaction du texte, M. Maurice Ligot a estimé qu'il permettrait de combler les faiblesses observées dans le fonctionnement de l'unité de la Commission chargée de coordonner la lutte contre la fraude (UCLAF) et de diligenter des enquêtes au sein des institutions européennes. Après avoir approuvé le principe d'une « tolérance zéro » à l'égard de la fraude au budget communautaire, il s'est félicité du fait que la Commission, à partir d'un texte de circonstance, inspiré par le souci de regagner la confiance du Parlement européen, ait finalement élaboré un dispositif de nature à instaurer une coopération interinstitutionnelle fructueuse et à améliorer le dispositif de lutte contre la fraude.

M. Jacques Myard, après avoir évoqué le rôle de la Cour des comptes des Communautés européennes dans la lutte contre la fraude aux financements communautaires et exprimé ses réticences sur les propositions d'actes communautaires fondées sur l'article 235 du Traité C.E., s'est interrogé sur les compétences des agents de l'OLAF pour la réalisation des enquêtes administratives au sein des Etats membres.

M. Maurice Ligot a précisé que si le Traité d'Amsterdam entrait en vigueur avant l'adoption de ce projet de règlement, celui-ci serait fondé sur le nouvel article 280 du Traité C.E. qui prévoit l'application de la procédure de codécision aux mesures de lutte contre la fraude et contre toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de la Communauté. S'agissant des compétences des agents de l'OLAF dans le cadre de leurs enquêtes externes, elles ne sont pas modifiées par le projet et s'exercent conformément aux textes communautaires qui confient des pouvoirs d'enquête à la Commission.

La Délégation a considéré que ce texte n'appelait pas de sa part un examen plus approfondi.

Elle a pris la même décision pour la proposition de règlement prévoyant l'admission en exonération de droits de douane de certains produits entrant dans la composition de médicaments à compter du 1er juillet 1999. Cette proposition, conforme à l'Accord de Marrakech concluant le cycle d'Uruguay du GATT, tend à aligner la situation de l'Union européenne sur celle d'autres pays de l'OMC (E 1224).

Elle a également approuvé deux propositions de suspension tarifaire, l'une relative à des produits destinés à être incorporés dans les plates-formes de forage, qui répond à une demande de la Grande-Bretagne (E 1231), l'autre portant, à la demande de l'Allemagne, sur la paraffine brute destinée à subir une cristallisation fractionnée (E 1232). La Commission européenne a précisé que des mesures de contrôle douanier seraient prises pour vérifier que les produits ainsi importés sans droit de douane correspondent bien aux exigences des règlements.