DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 80

Réunion du jeudi 3 juin 1999 à 9 heures 30

Présidence de M. Alain Barrau

I. Audition de M. Jean-Claude Trichet, gouverneur de la Banque de France, sur l'activité de la Banque centrale européenne (B.C.E.)

M. Jean-Claude Trichet a évoqué successivement la situation actuelle de l'euro, le contrôle démocratique de la Banque centrale européenne et le Conseil de l'euro.

Sur le premier point, il a souligné que le choix d'un « euro large », englobant onze Etats membres, avait conduit à intégrer des monnaies historiquement moins stables que le deutschemark, le franc français ou le florin et donc disposant de taux d'intérêt beaucoup plus élevés. Contrairement à ce qui avait été initialement envisagé par les observateurs et par les marchés, les taux d'intérêt ne sont pas remontés à un niveau moyen pondéré européen au moment de la création de l'euro : la Banque de France et le Gouvernement ont fait prévaloir l'alignement sur les taux les plus bas. C'est ainsi que les banques centrales ont pu baisser leurs taux, les marchés ayant, après un temps d'attente, validé cette orientation.

Les épargnants du monde entier ont validé la thèse selon laquelle l'euro avait le plein héritage de la solidité des meilleures monnaies européennes et donc des taux d'intérêt aussi bas.

S'agissant de la situation sur les marchés de change et de taux, aujourd'hui, le bas niveau des taux d'intérêt à long terme dans la zone euro (inférieurs de 1,3 point par rapport aux taux américains pour les emprunts à dix ans) montre que le sentiment qui domine est la confiance dans l'euro. La Banque centrale européenne s'attache à gérer l'euro dans le cadre d'une stratégie permettant de conserver cette crédibilité monétaire. Ainsi, M. Wim Duisenberg, Président de la Banque centrale européenne, a exprimé le sentiment de tous en disant, le 2 juin dernier, que, « s'agissant des évolutions de taux de change, le Conseil des gouverneurs a noté que, entre le début de la phase III et le 1er juin, l'euro s'était apprécié de 7,7 %, en termes effectifs nominaux. Par rapport au dollar, le taux de change a reculé de 1,18 environ à 1,04 durant la même période. Le taux de change effectif actuel correspond globalement à ceux observés à l'été 1997 et à l'automne 1998. De l'avis du Conseil des gouverneurs, ce sont les décalages conjoncturels entre la zone euro et les Etats-Unis qui constituent le facteur économique majeur à l'origine de ces évolutions de court terme, mais ceux-ci devraient s'atténuer au cours de l'année et ultérieurement. L'euro est une monnaie reposant fermement sur la stabilité interne des prix et dispose donc d'un net potentiel de hausse de sa valeur externe. Depuis le début de la phase III de l'UEM, l'euro est devenu la deuxième plus importante monnaie internationale du monde et la politique de l'Eurosystème permettra de sauvegarder son pouvoir d'achat interne, confortant ainsi le rôle international de l'euro. Comme nous l'avons déjà mentionné, le niveau des taux d'intérêt nominaux à long terme se situe à un point bas historique, qui reflète la confiance des investisseurs internationaux dans l'euro. ».

Abordant le deuxième point de son exposé, M. Jean-Claude Trichet a indiqué que le SEBC, contrairement à une idée parfois exprimée, n'est pas moins démocratique que le système américain de Réserve fédérale. La Banque centrale européenne est plus proche du Parlement européen que la Réserve fédérale ne l'est du Congrès américain ; son président se rend statutairement quatre fois par an devant le Parlement européen, alors que le président de la Réserve fédérale ne le fait statutairement que deux fois par an devant le Congrès. A niveau national, le gouverneur de la Banque de France se rend en moyenne six ou sept fois par an devant les commissions compétentes du Parlement français. La différence d'impression réside probablement dans la culture de communication des Etats-Unis, où les interventions du président de la Réserve fédérale sont systématiquement télévisées.

Le SEBC est mieux relié que le système de la Réserve fédérale aux institutions exécutives. En effet, l'administration américaine ne peut assister au conseil d'administration de la Réserve fédérale, alors que le président du Conseil de l'Union européenne et un représentant de la Commission européenne assistent aux réunions du Conseil des gouverneurs de la BCE. La situation est la même en France, où le Gouvernement est invité aux réunions du Conseil de politique monétaire. L'indépendance du SEBC garantie par le Traité n'empêche donc pas les contacts étroits.

Le Système européen des banques centrales instauré par le Traité de Maastricht a créé un cadre fédéral largement déconcentré. C'est le Conseil des gouverneurs de la BCE, composé des six membres du directoire et des onze gouverneurs des banques centrales nationales des Etats membres participant à l'euro, qui détermine les concepts et les orientations de stratégie monétaire et qui prend les décisions de taux d'intérêt. Ces décisions sont mises en _uvre par les banques centrales nationales, chacune sur leur propre place bancaire. Au sein du Conseil, chacun des gouverneurs, comme chaque membre du directoire de la Banque centrale européenne, dispose d'une voix. L'Union européenne n'est pas une construction politique fédérale, comme celle qui existe aux Etats-Unis ; le SEBC, dans ses relations avec les institutions politiques, a dû épouser cette structure politique complexe où chaque pays reste un Etat souverain. Dans ce cadre, le Président de la BCE est l'interlocuteur du Parlement européen et de l'exécutif européen, lequel est plus complexe qu'un exécutif national, dans la mesure où existent à la fois la Présidence de l'Union européenne et la Commission européenne. Les gouverneurs des banques centrales nationales sont, quant à eux, chargés des relations avec les autorités politiques nationales, parlement et gouvernement, dans le cadre des lois nationales qui les régissent.

Dans ce contexte, l'Euro 11 joue un rôle fondamental : il est une sorte de « ministre collectif des finances » de la zone euro. Ainsi, l'engagement renouvelé des ministres, au début de cette année, de respecter le pacte de stabilité et de croissance a permis à la BCE d'abaisser le taux d'intérêt de 3 % à 2,5 % en avril dernier.

L'exposé du gouverneur de la Banque de France a été suivi d'un large débat.

M. Pierre Brana s'est demandé si l'appellation de Banque « centrale » européenne n'avait pas été mal interprétée par l'opinion publique et si un autre vocable ne devrait pas être utilisé pour désigner cette institution. Il a également souhaité savoir dans quelle mesure la crise du Kosovo a pesé sur le cours de l'euro.

M. Didier Boulaud a demandé si l'évolution de l'euro par rapport au dollar est comparable à celle de l'euro avec la livre sterling et le yen.

M. Gérard Fuchs s'est interrogé lui aussi sur l'impact de la crise au Kosovo et des dépenses militaires sur l'évolution de l'euro. Ayant rappelé le pronostic initial d'un euro fort, il a souligné que les banques centrales des pays tiers auraient dû, dans cette optique, acquérir cette nouvelle monnaie et convertir en euro une bonne part de leurs réserves. L'évolution escomptée ne s'étant pas produite, ces achats d'euro n'ont pas eu l'ampleur qu'on pouvait attendre. Toutefois, les émissions d'emprunts internationaux libellés en euro sont largement pratiquées et confirment le succès du lancement de l'euro.

Approuvant l'analyse présentée par M. Jean-Claude Trichet sur les causes de la dépréciation relative de l'euro par rapport au dollar, il a relevé les risques que pouvait receler cette évolution si elle venait à persister.

Evoquant le contrôle démocratique sur la Banque centrale européenne, il a considéré que les membres du directoire de la BCE jouissaient d'une plus grande indépendance que le président et le vice-président de la Banque fédérale américaine. Il a donc demandé au gouverneur de la Banque de France de préciser le degré de transparence dont fait preuve le président de la Banque centrale européenne à l'égard du Parlement européen, avant de s'interroger sur la possibilité de prévoir, lors d'une modification des traités en vigueur, une responsabilité personnelle du Président de la Banque centrale européenne.

M. Gérard Fuchs a enfin constaté que, en application du traité, la BCE est en charge de la politique monétaire mais n'exerce pas de responsabilité en matière de contrôle prudentiel, qui reste de la compétence des Etats. Il s'est demandé si cette situation, dans laquelle la BCE n'exerce que la moitié des pouvoirs généralement confiés à une banque centrale, ne comportait pas de risques pour le système bancaire.

Le Président Alain Barrau a regretté que l'information sur l'intérêt de l'utilisation de l'euro ne soit pas plus développée à l'égard des opérateurs privés. Il a demandé au gouverneur de la Banque de France de faire le point sur l'utilisation de l'euro comme monnaie de réserve. Il lui a demandé des précisions sur le fonctionnement du Conseil de l'euro et les rencontres régulières des ministres de l'économie et des finances des onze Etats membres de la zone euro. Evoquant la souplesse budgétaire accordée récemment à l'Italie, il s'est interrogé sur les incidences de cette décision, qui ne lui paraissent pas devoir être surestimées.

M. Maurice Ligot a posé des questions sur la fréquence des relations entre les banques centrales nationales et la Banque centrale européenne dans le système décentralisé de l'euro, sur l'affaiblissement relatif de l'euro et les sorties de capitaux, enfin sur les regroupements bancaires et leur impact sur l'économie française.

Mme Nicole Catala s'est demandée si le problème particulier que pose l'Italie n'était pas inscrit dans la décision indulgente dont elle a bénéficié au moment de la sélection des pays participant à l'euro, les critères de convergence ayant été évalués en tendance. Elle a demandé au gouverneur de la Banque de France d'évaluer les incidences sur les placements en Europe du projet de directive sur la taxation minimale des revenus de l'épargne. S'agissant de l'Euro 11, elle a estimé qu'il s'agit d'une sorte de ministre collectif de l'économie et des finances de la zone euro, l'économie ne pouvant être séparée des finances.

En réponse aux intervenants, M. Jean-Claude Trichet a apporté les précisions suivantes :

- aux termes du traité instituant la Communauté européenne, le système européen de banques centrales est dirigé par les organes de décision de la Banque centrale européenne, qui associe les onze gouverneurs des banques centrales et les six membres du directoire de la BCE ; la métaphore de l'« équipe monétaire d'Europe » est la plus appropriée pour rendre compte du SEBC ;

- la crise du Kosovo pourrait peut-être expliquer en partie la volatilité, à court terme, de l'euro, sans avoir probablement d'incidence durable sur son niveau ;

- l'évolution du yen par rapport à l'euro et au dollar est influencée par les évolutions de l'économie réelle du Japon depuis le dégonflement de la « bulle financière » ;

- le succès des emprunts internationaux libellés en euro témoigne de la confiance des épargnants et du potentiel d'appréciation de la monnaie européenne. C'est cette confiance qui constitue d'ailleurs le fondement essentiel de la valeur d'une monnaie ; il est trop tôt pour avancer des chiffres sur l'utilisation de l'euro comme monnaie de réserve, ce processus se développant progressivement ; des premières données pourront être recueillies en fin d'année ;

- on n'a pas enregistré, du jour au lendemain, d'amples mouvements de capitaux vers la zone euro, l'évolution en ce sens se produisant de manière progressive, au fur et à mesure que l'euro s'affirmera ; il occupera alors toute sa place dans les emprunts internationaux et les réserves des banques centrales ;

- les sorties de capitaux résultent sans doute de l'insuffisance d'occasions d'investissements physiques compétitifs en Europe, pourtant indispensables pour soutenir la croissance et réduire le chômage ; les autorités monétaires ont insisté fréquemment sur la nécessité d'entreprendre des réformes structurelles et de supprimer les contraintes structurelles qui freinent la croissance et l'emploi en Europe ;

- la question du contrôle démocratique de la Banque centrale européenne est parfois évoquée : on ne peut soutenir, pourtant, que la Banque centrale française et la Banque centrale européenne soient moins démocratiques que la Réserve fédérale américaine. Le fait que le Sénat américain soit appelé à confirmer les nominations faites par l'exécutif s'applique à toutes les nominations sans exception, y compris celles des membres de l'administration elle-même ; c'est donc une différence entre les démocraties américaine et européenne qui n'est pas pertinente dans la comparaison entre les banques centrales ; par ailleurs, M. Wim Duisemberg est statutairement entendu plus fréquemment par le Parlement européen que ne l'est M. Alan Greenspan par le Congrès ;

- s'agissant du contrôle prudentiel sur les banques commerciales européennes, le système décentralisé qui est en vigueur de par la décision prise par les démocraties européennes lors de la négociation du Traité de Maastricht, permet un meilleur contrôle des banques commerciales, qui ont toutes leur compte à la banque centrale nationale. Chaque banque centrale nationale exerce la surveillance prudentielle des banques commerciales du pays et joue à leur égard le rôle de soutien - si nécessaire - à ses risques, étant précisé que les règles prudentielles ont été unifiées dans le cadre des travaux du comité des règlements internationaux de Bâle et des directives communautaires. Si un établissement est confronté à une difficulté de grande ampleur qui mettrait en cause l'efficacité de la politique monétaire unique, le conseil des gouverneurs peut, en statuant à la majorité des deux-tiers, sur la proposition du directoire de la BCE, prendre les mesures qui s'imposent et mettre en _uvre une mutualisation des risques ;

- l'Euro 11, qui se comporte effectivement comme un « ministre collectif de l'économie et des finances », reflète une dynamique de groupe complexe : la confiance mutuelle et la fréquence des rencontres sont décisives pour conforter ce collège ;

- les regroupements bancaires, à l'égard desquels la Banque de France est neutre, ne sont pas de nature à bouleverser la distribution du crédit ;

- l'Italie n'a pas du tout fait l'objet d'une indulgence particulière au moment de l'entrée dans l'euro ; elle a réalisé un effort gigantesque de réduction du déficit budgétaire, qu'elle s'efforce à présent d'assimiler ; ses difficultés actuelles sont sans doute en partie liées à cet effort ;

- le projet de directive européenne sur la taxation de l'épargne a été élaboré grâce aux efforts remarquables du commissaire européen Mario Monti. Il pose le problème de la coexistence des différences entre dépenses publiques, déficits et fiscalités des capitaux, des entreprises et des personnes, dans un monde où les consommateurs et les industriels ont acquis une liberté totale : on crée des emplois dans les économies où on réussit à séduire les consommateurs, ceux-ci achetant les produits qui ont le meilleur rapport qualité-prix ; les industriels localisent l'emploi là où les coûts sont les plus bas, afin de satisfaire la demande du consommateur ; les ménages constituent donc l'agent actif de la localisation des emplois ; les Français, qui sont particulièrement attachés à la recherche du meilleur rapport qualité-prix, comme le montre le développement de la grande distribution, devraient en être particulièrement conscients. La politique dite de « désinflation compétitive » a largement porté ses fruits, puisque les exportations françaises sont élevées et que nous avons un fort excédent de transactions courantes. Toutefois, il faut rester très vigilant : si les coûts et la fiscalité sont moins favorables ici que là, la règle d'or du meilleur rapport qualité-prix dans un marché ouvert l'emportera et aura les effets que l'on sait sur la croissance et l'emploi.

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II. Rapport d'information sur l'avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2000 (Rapporteur : M. Gérard Fuchs)

M. Gérard Fuchs a indiqué, à titre liminaire, que l'avant-projet de budget communautaire pour l'exercice 2000 s'inscrit dans les nouvelles perspectives financières laborieusement définies par le Conseil européen de Berlin des 24 et 25 mars dernier et formalisées dans l'accord interinstitutionnel conclu le 6 mai dernier par la Commission, le Conseil et le Parlement européen. Il a souligné que ce budget serait exécuté, pour moitié, lors de la présidence française de l'Union européenne, au second semestre de l'an 2000.

Evoquant la conclusion des négociations sur l'Agenda 2000, le Rapporteur a souligné que la programmation financière arrêtée pour la période 2000-2006 est en retrait par rapport aux propositions de la Commission. Avec une enveloppe globale - hors élargissement - de 641,5 milliards d'euros, le total des crédits pour paiements, exprimé en pourcentage du P.N.B. communautaire, est ramené de 1,13 % en 2000 à 0,97 % en 2006, conformément à l'objectif de maintien des dépenses de l'Union à politiques inchangées sous le plafond des ressources propres de 1,27 %. Ces nouvelles perspectives ne portent pas atteinte à la conduite des politiques communautaires existantes et notamment de la politique agricole commune : la proposition d'un cofinancement national des aides directes n'a pas été retenue, le principe et les modalités de calcul de la ligne directrice agricole sont maintenus, mais la rubrique 1 des perspectives financières inclut désormais les mesures vétérinaires et phytosanitaires, ainsi que les dépenses structurelles consacrées au développement rural. Tout en notant l'augmentation au cours de la prochaine programmation des dotations de la rubrique 3, relative aux politiques internes, M. Gérard Fuchs a regretté que, contrairement aux v_ux exprimés par l'Assemblée nationale dans sa résolution sur le renouvellement du cadre budgétaire de l'Union, aucun financement en faveur de politiques nouvelles, notamment dans le secteur spatial et des biotechnologies, n'ait été prévu par le Conseil européen. S'agissant des crédits consacrés à l'élargissement, de l'ordre de 80 milliards d'euros pour la période 2000-2006, les montants proposés par la Commission n'ont pas été diminués et sont garantis par la formalisation, dans l'accord interinstitutionnel, du principe de leur « étanchéité » par rapport aux autres rubriques des perspectives financières.

Le Rapporteur a ensuite évoqué deux modifications obtenues par le Parlement européen à la suite des conclusions du Conseil européen de Berlin, à savoir, l'augmentation de 1,5 milliard d'euros des crédits destinés aux politiques internes et le renforcement de l'instrument de flexibilité, qui, bien que strictement encadré et très en retrait par rapport aux propositions de la Commission, permettra de faire face à des dépenses imprévues et éventuellement d'amorcer une régulation conjoncturelle, quoique dans des limites très modestes, puisqu'il ne porte que sur 200 millions d'euros.

Deux points des conclusions du Conseil européen de Berlin relatifs à la modification du système des ressources propres doivent en outre retenir l'attention : le « chèque » britannique a été maintenu, mais sa clé de financement a été modifiée au profit de l'Allemagne, des Pays-Bas, de l'Autriche et de la Suède, qui avaient réclamé au cours des négociations sur « Agenda 2000 » un allégement de leurs contributions nettes ; tout en maintenant les ressources propres traditionnelles, le Conseil européen a recommandé de porter de 10 à 25 % la part des droits de douane et agricoles conservée par les Etats membres au titre de leurs frais de perception, ce qui bénéficiera surtout aux Pays-Bas.

Abordant l'avant-projet de budget communautaire pour l'exercice 2000, M. Gérard Fuchs a précisé que, par rapport au budget voté pour 1999, les crédits pour engagements - qui s'élèvent à 92,7 milliards d'euros - baissent de 4,4 %, en raison de la « surbudgétisation » exceptionnelle à laquelle avait donné lieu l'exercice 1999 afin de respecter les engagements pris à Edimbourg en 1992. Les crédits pour paiements, qui s'établissent à 89,6 milliards d'euros augmentent, en revanche, de 4,7 % ; cette progression, qui résulte pour une bonne part de la nécessité de liquider les engagements contractés lors de la précédente programmation, est largement supérieure à celle que pourraient connaître les dépenses nationales et entraînera une augmentation sensible de la contribution française au financement de l'Union.

S'interrogeant sur les lieux d'économie possible, le Rapporteur a exprimé des réserves sur la possibilité de réduire les dotations de la rubrique agricole, préférant attendre la lettre rectificative à l'avant-projet de budget que présentera la Commission à l'automne et dans laquelle elle actualisera les dépenses de ce secteur au regard de l'évolution des marchés agricoles. De même, les dotations de la rubrique 5, consacrée aux dépenses administratives, ne pourront pas être réduites si l'on entend faire droit aux demandes de créations de postes que présentera sans doute la prochaine Commission, pour éviter le reproche de sous-traiter sans contrôle la gestion de certaines interventions.

A l'inverse, le Rapporteur s'est prononcé en faveur d'une diminution des crédits de paiement consacrés aux actions structurelles qui, sans mettre en cause les réalisations prévues, tiendrait compte des délais de mise en _uvre des nouveaux programmes et de la possible sous-exécution des crédits d'engagement inscrits dans le budget communautaire pour 1999. Des efforts dans le même sens pourraient être envisagés à la rubrique 4, consacrée aux actions extérieures, des financements supplémentaires devant être dégagés, en tout état de cause, au profit des Balkans.

Abordant l'examen du texte de la proposition de résolution élaboré par le Rapporteur, la Délégation a adopté les points 1 à 5 dans le texte du Rapporteur. Sur le point 6, qui envisage de tenir compte, dans la détermination des crédits de paiement de la rubrique 2 pour le prochain exercice, d'une possible sous-exécution des crédits d'engagement en matière d'actions structurelles en 1999, M. Pierre Brana a jugé préférable d'éviter de donner trop de marge de man_uvre à l'autorité budgétaire, ce avec quoi Mme Michèle Alliot-Marie a marqué son accord, soulignant que la France est le pays qui a le plus de retard dans la consommation de ces crédits. M. Camille Darsières ayant demandé la suppression de ce paragraphe, M. Gérard Fuchs a jugé souhaitable que la Délégation prenne en compte la sous-utilisation effective des crédits d'engagement inscrits dans le budget communautaire pour 1999 ou les retards susceptibles d'affecter la mise en _uvre des nouvelles actions structurelles, afin d'éviter une réduction forfaitaire sur l'ensemble des rubriques, que le Conseil pourrait être tenté d'effectuer dans le souci d'aligner la progression des crédits de paiement du budget européen sur celle du budget national.

Mme Alliot-Marie ayant admis qu'il convenait de tenir compte de la propension des ministres du budget à réduire d'emblée les crédits de façon forfaitaire, quitte à engranger par la suite les économies retirées d'une éventuelle sous-exécution, le Président Alain Barrau, tout en marquant son accord avec la position du Rapporteur, a rappelé la volonté politique d'utiliser au mieux les crédits d'engagement inscrits pour 1999 et de mettre en _uvre au plus tôt les nouveaux programmes.

Après avoir modifié le point 6 pour tenir compte de ces observations, la Délégation a adopté le point 7, qui souligne la nécessité de procéder à une évaluation plus réaliste des besoins de crédits de paiement pour les rubriques 2 et 4 relatives respectivement aux fonds structurels et aux politiques externes. Après les interventions du Président Alain Barrau, de Mmes Michèle Alliot-Marie et Nicole Feidt, de MM. Didier Boulaud et Camille Darsières la Délégation a adopté les points 8 à 10.

Ayant supprimé le point de la proposition de résolution qui estimait souhaitable, au regard des dysfonctionnements observés dans la gestion de la Commission, d'accepter des créations de postes dans cette institution, la Délégation a adopté le dernier point, qui demande l'ajustement des crédits de paiement conformément aux orientations définies dans la présente résolution.

La Délégation a donc adopté la proposition de résolution dans le texte suivant :

« L'Assemblée nationale,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu l'avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2000 (n° E 1253),

Vu les résultats du Conseil européen qui s'est réuni à Berlin les 24 et 25 mars dernier,

Rappelant que l'accord interinstitutionnel conclu le 6 mai 1999 entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire précise le nouveau cadre financier de l'Union européenne ;

1. Considère que la Commission a proposé dans son avant-projet de budget communautaire pour l'exercice 2000 une progression des crédits pour paiements largement supérieure à celle qu'enregistreront les dépenses nationales ;

2. Constate que cette augmentation est, pour une bonne part, justifiée par la nécessité de liquider les engagements contractés lors de la précédente programmation financière établie par le Conseil européen à Edimbourg les 11 et 12 décembre 1992 ;

3. Souligne que cette progression laisse une marge très réduite sous le plafond des perspectives financières, alors que de nombreux facteurs aux incidences budgétaires encore inconnues, tels que les conséquences du conflit au Kosovo, risquent de modifier significativement le budget communautaire pour l'exercice 2000 ;

4. Estime par conséquent souhaitable, afin d'éviter une révision des perspectives financières, de réduire certains crédits de paiement dans les premières étapes de la procédure budgétaire ;

5. Observe qu'au sein de la rubrique 1, l'évaluation des besoins agricoles pour l'exercice 2000 a conduit la Commission à fixer les dépenses de marché au niveau du sous-plafond prévu dans les perspectives financières ; estime par conséquent qu'une éventuelle révision à la baisse des dotations ne pourra intervenir qu'au moment de la lettre rectificative que présentera la Commission, conformément à l'accord interinstitutionnel du 6 mai 1999 ;

6. Tout en souhaitant la liquidation complète des engagements contractés lors de la précédente programmation en matière d'actions structurelles, demande que la détermination des crédits de paiement prévus à cet effet tienne compte de l'éventuelle sous-exécution de crédits d'engagement en 1999 ;

7. Souligne, au regard des lenteurs qui caractérisent souvent le démarrage des programmes communautaires, particulièrement dans les rubriques 2 et 4 du budget, la nécessité de procéder à une évaluation plus réaliste des besoins en crédits de paiement qui, sans nuire à la mise en _uvre de ces actions, évite un appel inutile des contributions nationales ;

8. Constate avec satisfaction la progression des crédits proposée par la Commission en faveur des politiques internes et particulièrement des réseaux transeuropéens ;

9. Réitère son regret de ne pas voir les perspectives financières pour 2000-2006 prévoir le financement de politiques nouvelles, particulièrement dans les secteurs de l'espace et des biotechnologies, et rappelle son souhait de voir un groupe de travail chargé de présenter des propositions en ce sens être rapidement créé ;

10. Approuve l'engagement pris par le Conseil et le Parlement européen dans une déclaration annexée à l'accord interinstitutionnel du 6 mai 1999 d'assurer, y compris par une révision des perspectives financières, le financement des besoins liés à la situation dans les Balkans ;

11. Considère en conclusion que l'avant-projet de budget communautaire pour l'exercice 2000 ne s'inscrira dans l'esprit des perspectives financières arrêtées pour la période 2000-2006 qu'à condition que les crédits de paiement qu'il prévoit soient ajustés conformément aux orientations définies dans la présente résolution. »

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