DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 83

Réunion du jeudi 24 juin 1999 à 9 heures 30

Présidence de M. Alain Barrau

I. Echange de vues avec une délégation de l'Assemblée nationale hongroise.

Le Président Alain Barrau a souhaité la bienvenue à une délégation de députés hongrois conduite par M. Joszef Gyimesi et composée de Mme Annamaria Szalai, MM. Laszlo Pallag et Miklos Csapody, membres de la Commission des affaires étrangères et de MM. Sandor Szili, Gyorgy Atyanszky et Peter Madal, membres de la Commission de la défense.

Evoquant les précédentes rencontres entre parlementaires hongrois et membres de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, le Président Alain Barrau a rappelé que celle-ci avait reçu, à l'automne de 1997, le Président de la Commission de l'Assemblée nationale pour l'intégration européenne, M. Viktor Orban, lequel est devenu Premier ministre à la suite des élections de mai 1998. Il a également évoqué les rencontres avec les délégations conduites par M. Mihaly Bihari, vice-président de la commission des lois, en 1997, et par M. Joszef Szajer, président de la commission pour l'intégration européenne, en 1998.

Ayant salué le dynamisme dont a fait preuve la Hongrie pour transformer son système politique, économique et social, il a rappelé que celle-ci fait naturellement partie du premier groupe de pays candidats à l'adhésion et que les négociations avec la Commission ont déjà permis de clore plusieurs dossiers, même si certaines difficultés ne sont pas à exclure lors de l'examen des questions relatives à l'agriculture, à l'environnement et à la libre circulation des personnes en raison des minorités hongroises présentes dans d'autres pays d'Europe centrale. Tout en souhaitant que l'élargissement soit réalisé dans un délai convenable, le Président a jugé préférable de considérer celui-ci comme un processus pragmatique, plutôt que de s'efforcer de fixer une date précise pour les adhésions des pays candidats. Il a souligné que le rapport établi par le Commissariat général du Plan, à la demande de la Délégation, sur les projections macro-économiques et financières de l'élargissement, montrait que, à long terme, des gains pouvaient en être escomptés à l'Est et à l'Ouest.

Evoquant ensuite la situation dans les Balkans, le Président Alain Barrau a salué le soutien de la Hongrie, membre de l'OTAN depuis mars 1999, à l'intervention militaire de l'Alliance atlantique au Kosovo, alors même qu'il existe une importante minorité hongroise en Yougoslavie. Sans minimiser l'urgence de la reconstruction des Balkans, à laquelle la Délégation prête une grande attention, le Président a estimé que celle-ci ne saurait pour autant affecter le processus d'élargissement, même si, à plus long terme, certains pays des Balkans pourraient rejoindre l'Union.

S'agissant enfin de la réforme des institutions de l'Union, parfois interprétée à tort comme une exigence destinée à retarder l'élargissement, le Président a jugé important de remédier aux dysfonctionnements des institutions avant de procéder à l'élargissement, afin que les pays candidats adhèrent à une Union qui soit en ordre de marche.

M. Joszef Gyimesi s'est réjoui de l'occasion donnée aux parlementaires hongrois de s'entretenir avec la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne. Il a souligné que la politique étrangère hongroise avait pour objectif d'avancer sur la voie de l'intégration européenne et qu'une étape importante avait été franchie avec l'adhésion de la Hongrie à l'OTAN en mars dernier : Etat indépendant et démocratique depuis des siècles, la Hongrie a pris sa décision de façon autonome et a choisi librement ses alliés. Le fait d'adhérer à l'OTAN ne se résume pas, pour la Hongrie, à un simple changement d'alliances, mais constitue un évènement capital. Appartenant à l'Europe par sa situation géographique et aussi par son histoire, la Hongrie a demandé depuis plusieurs années son adhésion à l'Union européenne, processus qui suppose bien des mutations, mais qui devrait être achevé en 2002. Pour lui, la fixation d'une date pour l'intégration de la Hongrie à l'Union européenne est importante, car elle renforce la motivation et permet de fixer des étapes intermédiaires.

M. Gyorgy Atyansky a insisté sur le fait que, pendant cinquante ans, la situation de la Hongrie n'a pas été conforme à sa volonté, alors que, aujourd'hui, toutes les composantes du pays souhaitent son adhésion à l'Union européenne, dans les meilleurs délais possibles. L'agriculture, question jugée délicate par certains Etats membres, ne constitue pas une difficulté insurmontable, ni une menace pour l'Union européenne. La date de 2002 pour l'adhésion de la Hongrie est une date réaliste, pour laquelle le pays est préparé et qui ne devrait donc pas être reportée.

M. François Loncle, ayant convenu que l'agriculture hongroise ne constituait pas une difficulté insurmontable dans le processus d'adhésion, a estimé que la Hongrie, du fait de sa préparation, était fort bien placée. Deux questions lui paraissent toutefois se poser, l'une pour les Etats membres, l'autre pour la Hongrie. La première est celle de la réforme des institutions, l'efficacité de celles-ci ayant été affaiblie à mesure que le nombre d'Etats membres s'est accru. Il est souhaitable que les pays candidats adhèrent à une Union capable de fonctionner de manière satisfaisante. La seconde question est celle des contraintes que fait peser sur les pays candidats l'intégration de l'acquis de Schengen, avec la coopération policière, douanière et judiciaire et le renforcement des contrôles aux frontières extérieures. Cependant, la France, comme l'Allemagne, peuvent aider la Hongrie dans ce processus.

M. François Loncle a enfin insisté sur la différence entre l'Union européenne et l'atlantisme : si les Etats membres de l'Union ont des valeurs communes avec les Etats-Unis, ils n'ont pas, en tous domaines, les mêmes intérêts, ceux-ci étant même parfois divergents.

Mme Nicole Ameline a souligné le consensus politique sur l'élargissement, qui représente pour l'Europe à la fois une chance historique, avec la réunification politique du continent européen, une chance économique et une source d'enrichissement culturel. Evoquant la guerre au Kosovo, elle a salué le courage de la Hongrie, qui a notamment ouvert son espace aérien aux avions de l'Alliance.

L'Union européenne n'étant pas seulement un marché, ni une simple zone de libre échange, mais une organisation politique qui doit se renouveler, il convient d'associer les pays candidats à la réflexion en cours. Si la date d'adhésion peut avoir une importance, il est préférable de s'intéresser à la méthode permettant de faire aboutir les négociations, de manière pragmatique.

M. Laszlo Pallag a souligné le consensus de l'opinion hongroise sur l'adhésion et sur la date de celle-ci, qui est importante pour définir les objectifs et rythmer le processus de préparation. L'agriculture hongroise ne représente pas un danger majeur pour l'agriculture européenne et peut permettre de diversifier les produits et les saveurs.

L'importance des minorités hongroises dans les pays voisins, notamment en République tchèque, en Slovaquie, en Roumanie, en Yougoslavie, pose un problème particulier au regard de l'intégration de l'acquis de Schengen ; il est donc souhaitable de trouver le moyen de préserver les liens avec les quelque quatre millions de Hongrois vivant à l'extérieur du pays.

Mme Annamaria Szalai a observé que le rôle joué par la Hongrie dans les opérations de l'Alliance atlantique au Kosovo - rôle délicat en raison de l'importante minorité hongroise en Voïvodine - avait suscité une très large reconnaissance internationale. Il convient aujourd'hui de consolider la paix et d'accélérer le processus d'intégration de la Hongrie à l'Union européenne. La réforme institutionnelle est également un sujet de préoccupation pour les pays candidats, qui souhaitent savoir à quelles structures ils vont adhérer.

La date de 2002, souhaitée par la Hongrie pour son adhésion, est également l'hypothèse de travail de l'Union européenne et n'a pas été remise en cause au Conseil européen de Berlin. Ni la situation des Balkans, ni la réforme institutionnelle ne devraient retarder le processus d'adhésion.

Le Président Alain Barrau s'est félicité du souhait exprimé par la Hongrie de participer au processus de reconstruction des Balkans. S'agissant de l'élargissement, il a jugé préférable de s'attacher au contenu des négociations d'adhésion plutôt qu'à la fixation d'une date, qui est une résultante du processus.

M. Josezf Gyimesi s'est réjoui de cet échange de vues avec les parlementaires français, qui témoigne de larges convergences. Il a demandé à ceux-ci de soutenir les efforts de rattrapage entrepris par la Hongrie, ainsi que son adhésion à l'Union européenne.

II. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Le Président Barrau a présenté la proposition de directive relative à la commercialisation à distance des services financiers auprès des consommateurs (E 1184). Il a rappelé qu'une précédente directive, assurant la protection des consommateurs dans le cadre des contrats à distance, avait exclu les services financiers de son champ d'application, et que la Commission avait jugé nécessaire d'élaborer une nouvelle directive « horizontale » pour les contrats à distance portant sur ces services. A cet effet, le nouveau texte prévoit une harmonisation des règles applicables, ce qui offre l'avantage d'égaliser les conditions de concurrence, mais suscite des réserves dans la mesure où les règles prévues sont moins favorables aux consommateurs que celle du droit positif français. Compte tenu des interrogations que soulève le texte et de l'élaboration probable d'une nouvelle version par la Commission européenne, la Délégation a décidé de maintenir sa réserve d'examen et de se prononcer à un stade ultérieur des négociations.

Sur le rapport de Mme Nicole Ameline, la Délégation a examiné deux textes relevant du IIIe pilier de l'Union européenne, relatif à la justice et aux affaires intérieures. Présentant l'action commune relative à la lutte contre la corruption dans le secteur privé (E 1239), adoptée par le Conseil le 22 décembre 1998 après une longue gestation, relatée par la Délégation dans ses précédents rapports, Mme Nicole Ameline a regretté la portée limitée de ce texte et appelé de ses v_ux l'élaboration de textes plus contraignants sur la base des nouvelles dispositions issues du traité d'Amsterdam.

S'agissant en second lieu de la proposition d'action commune relative à la lutte contre la criminalité grave au détriment de l'environnement (E 1248), elle a indiqué que ce texte, d'origine danoise, était justifié par le caractère transfrontalier de la lutte contre cette forme de criminalité. Après avoir évoqué les actes et les omissions constitutifs d'infractions visés par le texte, elle a souligné qu'il invitait les Etats membres à introduire dans leur droit pénal les incriminations nécessaires, ainsi que la mise en jeu de la responsabilité pénale des personnes morales. Elle a évoqué l'articulation de ce texte avec la Convention du Conseil de l'Europe sur la protection de l'environnement par le droit pénal, signée le 9 septembre 1998. Elle a enfin évoqué le rôle qui serait dévolu à Europol dans la lutte contre cette forme de criminalité, tel qu'il est prévu par la proposition d'action commune.

Compte tenu de ces observations, la Délégation, sans s'opposer à l'adoption du texte, a décidé de poursuivre sa réflexion sur le rôle dévolu à Europol par la proposition d'action commune et sur l'articulation entre celle-ci et la Convention précitée du Conseil de l'Europe.

La Délégation a estimé que n'appelaient pas un examen approfondi les documents E 1251 (conclusion de l'accord entre la Commission européenne et la Nouvelle-Zélande relatif aux mesures sanitaires applicables au commerce d'animaux et de produits animaux), E 1256 (prorogation de l'accord de 1993 entre la Communauté européenne et la Hongrie, relatif à l'établissement réciproque de contingents tarifaires pour certains vins), E 1257 (renouvellement de la garantie budgétaire octroyée par la Communauté européenne à la Banque européenne d'investissement pour les prêts accordés à des Etats tiers.

Présentant les documents E 1259 et E 1265, relatifs à des accords entre la Communauté européenne et, respectivement, le Cambodge et le Laos sur le commerce de produits textiles, le Président Alain Barrau a évoqué le niveau des importations françaises de textile et d'habillement en provenance de pays tiers, avant de suggérer que la Commission européenne établisse un tableau permettant d'apprécier l'ensemble des importations de l'Union dans ces secteurs. Déplorant que ces importations aient pour effet de supprimer un grand nombre d'emplois en France, M. Maurice Ligot a souhaité l'adoption d'un plan textile européen, destiné à réguler les importations et à éviter les distorsions de concurrence résultant des différences de charges pesant sur les entreprises. Compte tenu de ces observations, qui conduisent la Délégation à demander au Gouvernement d'envisager avec ses partenaires et avec la Commission l'élaboration d'un plan textile européen, la levée de la réserve d'examen a été acceptée.

La Délégation a enfin approuvé les documents E 1261 (extension du champ d'application de la Convention OSPAR relative à la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est) et E 1262 (prorogation de l'accord international sur le sucre).

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