DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 92

Réunion du jeudi 25 novembre 1999 à 10 heures

Présidence de M. Alain Barrau

Le Président Alain Barrau a souhaité la bienvenue à une délégation de la commission pour l'intégration européenne de la Chambre des députés de la République tchèque, conduite par M. Jaroslav Zvĕřina, président de cette commission. La délégation était composée en outre de Mme Olga Sehnalová, Vice-Présidente, M. Pavel Svoboda, Vice-Président, et M. Pavel Suchánek. Elle était accompagnée par M. Petr Janyśka, ambassadeur de la République tchèque à Paris.

I. Echange de vues sur les travaux de la Délégation

· Le Président Alain Barrau a indiqué que la proposition de résolution déposée par la Délégation sur les lignes directrices pour l'emploi (n° 1942) avait été adoptée sans modification par la Commission des Affaires culturelles, familiales et sociales et que le Président Le Garrec avait souhaité que la Commission qu'il préside et la Délégation puissent effectuer une réflexion commune sur les problèmes de l'emploi dans la perspective du Conseil européen extraordinaire de Lisbonne qui aura lieu en mars 2000.

· Il a informé la Délégation que serait prochainement mis en place, à l'initiative de M. Jean-Marie Bockel, un groupe de travail composé de députés français et allemands, chargé d'élaborer une approche commune sur les principaux thèmes susceptibles d'être abordés durant les présidences portugaise et française. Du côté français, il a été prévu que ce travail serait mené dans le cadre de la Délégation, qui devra donc désigner en son sein les membres qui participeront à ce groupe de travail. Il a par ailleurs informé la Délégation de son intention de préparer dans les prochains mois un rapport destiné à présenter des propositions dans la perspective de la présidence française.

· Le Président Alain Barrau s'est réjoui du succès du colloque qui s'est tenu à l'Assemblée nationale, le 24 novembre, sur la reconstruction dans les Balkans. Organisé à l'initiative de la délégation du Bureau en charge des affaires internationales présidée par M. Raymond Forni, et de la Délégation pour l'Union européenne, ce colloque, qui était placé sous le haut patronage du Président de l'Assemblée nationale, a permis une fructueuse confrontation des points de vue entre parlementaires des Balkans, députés des pays membres de l'Union européenne et des pays candidats et représentants des organismes intervenant sur le terrain (Banque mondiale, Fonds monétaire international, Commission européenne).

· Il a indiqué que le Président de la Commission des Affaires étrangères avait proposé à M. Jean-Louis Bianco, par ailleurs membre de la Délégation, d'élaborer un rapport sur la réforme des institutions européennes, thème sur lequel M. Gérard Fuchs a exprimé le souhait de travailler au titre de la Délégation. Il a donc suggéré que les deux rapporteurs - si M. Jean-Louis Bianco venait à être officiellement désigné - puissent, selon des modalités à définir, mener une réflexion en commun sur ce sujet. Après que M. François Loncle eut exprimé sa préférence pour une dualité de rapports, M. Pierre Lellouche a souhaité que, dans cette hypothèse, l'un des deux rapports soit confié à un député de l'opposition, avant de souhaiter que la Délégation travaille, en liaison avec la commission de la défense, sur les questions politico-militaires liées à la situation dans les Balkans.

· En réponse à une question de M. Pierre Lellouche sur les modalités de la participation des parlementaires à la Conférence ministérielle de l'OMC à Seattle, le Président Alain Barrau a précisé que la composition de la délégation avait été fixée par le Gouvernement, qui a désigné à ce jour dix députés et six sénateurs représentant les différents groupes politiques de l'Assemblée nationale et du Sénat. Parmi les députés, quatre sont membres de la Délégation pour l'Union européenne.

Dès le 9 décembre prochain, la Délégation entendra MM. François Huwart et Pascal Lamy sur les résultats de cette Conférence.

M. François Loncle a souhaité connaître les critères de choix qui ont guidé le Gouvernement dans les désignations auxquelles il a procédé. Pour lui, ce choix procède davantage de l'arbitraire que de la prise en considération des équilibres politiques et du travail effectué par les uns ou les autres sur les sujets figurant à l'ordre du jour à Seattle. M. Pierre Lellouche, soutenu par M. Jacques Myard, s'est associé pleinement à ces propos, qualifiant pour sa part d'inacceptable le mode de désignation qui avait été retenu. Pour lui, c'est le Président de l'Assemblée nationale, préalablement saisi par le Gouvernement, qui aurait dû effectuer ces désignations. Après que M. Gérard Fuchs eut convenu de l'existence, en l'espèce, d'un problème de relations interinstitutionnelles auquel il conviendrait de remédier à l'avenir, le Président Alain Barrau a souligné la place très importante des parlementaires dans la délégation française à Seattle : plus nombreuse que celle de leurs homologues des autres pays européens, leur délégation sera également nettement plus étoffée que lors de la conférence de Marrakech. Il reste que l'essentiel est que l'Assemblée nationale ait, par ses travaux, exercé une influence et mis en place un dispositif de veille qui s'exercera tout au long des négociations.

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II. Décision relative au dépôt d'une proposition de résolution sur l'ouverture européenne du marché de l'art (E 641) (M. Pierre Lellouche, Rapporteur)

M. Pierre Lellouche, Rapporteur, a rappelé que, si la libéralisation du marché de l'art était conforme à l'esprit de la construction européenne, elle n'en présentait pas moins des aspects préoccupants. La domination croissante des Etats-Unis et du Royaume-Uni sur ce marché atteste à la fois une plus forte attractivité de la place américaine par rapport à l'Union européenne et de la place britannique vis-à-vis des autres Etats membres. En outre, la France se trouve dans une situation difficile, dans la mesure où le montant de ses ventes d'_uvres d'art a diminué de 24 % entre 1993/1994 et 1996/1997 et où le solde entre ses exportations et ses importations d'objets d'art se traduit par une hémorragie que l'on peut estimer à deux milliards de francs par an environ.

Dans ce contexte, l'examen de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au droit de suite au profit de l'auteur d'une _uvre d'art originale, qui vise à harmoniser et à généraliser ce droit dans la Communauté, pourrait être l'occasion de remédier, au moins en partie, à ces difficultés.

Ce texte n'a pu être adopté au Conseil « Marché intérieur » du 28 octobre dernier en raison de l'opposition du Royaume-Uni, du Luxembourg, de l'Autriche, du Danemark et des Pays-Bas, mais une majorité qualifiée pourrait être trouvée lors du Conseil « Marché intérieur » du 7 décembre prochain, compte tenu de nouvelles concessions, en particulier sur le niveau des taux applicables au droit de suite. Ce droit constitue une mesure d'équité à l'égard des auteurs d'_uvres graphiques et plastiques qui, contrairement aux créateurs d'_uvres littéraires et musicales, ne bénéficient pas de droits d'auteur. Il paraît donc nécessaire d'harmoniser les diverses réglementations des Etats membres régissant ce droit pour éviter les distorsions de concurrence auxquelles elles donnent lieu. Toutefois, si le droit était fixé à un niveau trop élevé, il pourrait entraver la compétitivité du marché de l'art au sein de la Communauté, d'autant plus qu'il s'ajoute aux autres handicaps fiscaux et réglementaires qui pèsent sur le marché européen en général et sur le marché français en particulier.

La proposition de résolution soumise à la Délégation tend à remédier à cet inconvénient et à améliorer la rédaction du projet de directive. Tout en approuvant le principe général de ce texte, la proposition de résolution invite en effet les autorités compétentes à apporter les modifications suivantes à la version soumise au Conseil « Marché intérieur » du 21 juin 1999 : revoir le barème du droit, de sorte que le montant du droit de suite, quelle que soit la valeur d'une _uvre, ne soit pas supérieur au coût de délocalisation de cette _uvre sur le principal marché concurrent, à savoir la place de New York ; ramener la durée du droit de suite de 70 à 20 ans après la mort de l'auteur ; permettre aux Etats membres qui le souhaitent d'affecter, après la mort de l'auteur, le produit du droit de suite à un fonds d'encouragement du marché de l'art.

La proposition suggère également de prévoir que la Commission publiera une liste complète des pays tiers dont les ressortissants pourront bénéficier du droit de suite prévu par la directive, de réduire de trois à deux ans la durée pendant laquelle les bénéficiaires du droit de suite pourront demander aux opérateurs du marché toute information nécessaire à la liquidation de ce droit, d'indiquer que la Commission fera une première évaluation de la directive deux ans après la date limite de sa transposition et de ramener le délai de cette transposition de quatre à un an à compter du début de l'année suivant celle de son adoption. Elle propose par ailleurs de joindre, en annexe de la directive, une déclaration du Conseil de l'Union européenne invitant la Commission à engager des discussions avec les pays tiers qui n'ont pas institué le droit de suite pour les inciter à en instaurer un.

Le Rapporteur a ajouté qu'il serait souhaitable que le Gouvernement demande aux autres Etats membres que la question de la suppression de la TVA communautaire à l'importation sur les _uvres d'art soit inscrite à un prochain Conseil Ecofin, et retienne cette réforme parmi les priorités de la présidence française de l'Union européenne. De même a-t-il estimé opportun que le Gouvernement suggère au Conseil d'améliorer le dispositif de protection des « trésors nationaux ». A cet effet, il pourrait lui être proposé de demander à la Commission d'élaborer un projet de règlement qui, remplaçant la directive de 1993 relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire des Etats membres, définirait la notion de « trésors nationaux » et prévoirait un système de restitution simple et efficace. La Commission pourrait, en outre, avoir mandat de négocier au nom de l'Union européenne, avec les Etats-Unis et le Japon, des accords bilatéraux de restitution des objets d'art sortis frauduleusement du territoire de la Communauté. Enfin, le Gouvernement pourrait proposer, dans le cadre de l'UNESCO, qu'une évaluation précise soit faite de la convention Unidroit du 24 juin 1995 sur les biens culturels volés ou illicitement exportés, afin d'en améliorer le dispositif, après consultation des professionnels et des musées, et de permettre sa ratification par les principaux pays concernés par le marché de l'art.

Partageant l'opinion du Rapporteur, Mme Nicole Ameline a souligné que les opérateurs français du marché de l'art n'étaient guère en mesure de se défendre face à leurs concurrents anglo-saxons, en raison d'une accumulation des contraintes, notamment fiscales, qui les pénalisent. Elle s'est interrogée sur la proposition du Rapporteur selon laquelle le montant du droit de suite devrait, quelle que soit la valeur de l'_uvre, être inférieur au coût de la délocalisation de cette _uvre sur le marché de New-York. Tout en comprenant la philosophie de cette proposition, elle s'est demandée s'il ne serait pas préférable de mettre en place un barème fixe, dégressif, permettant de déterminer le montant du droit avec une plus grande précision.

M. Jacques Myard a estimé que si les objectifs du Rapporteur étaient tout à fait louables, la méthode qu'il avait retenue, qui est celle de l'harmonisation communautaire, allait à leur encontre : le droit de suite est un problème de caractère interne, qui doit être résolu dans le cadre national, au moyen d'une proposition de loi et non d'une directive contraire aux intérêts de la France. Il en va de même pour la TVA sur les importations d'_uvres d'art.

M. Gérard Fuchs a estimé que la proposition de résolution était inspirée par une doctrine - qu'il récuse - selon laquelle l'alignement sur le moins disant fiscal constituerait le meilleur remède aux risques de délocalisation. Cette doctrine ne peut entraîner qu'une régression, tant du point de vue de l'équité fiscale que des avancées sociales. La bonne solution consiste à promouvoir une harmonisation communautaire à un niveau satisfaisant, l'Union européenne étant de surcroît plus forte, face à ses partenaires, que les Etats membres agissant chacun de leur côté. En l'espèce, la nécessité de réunir une majorité qualifiée devra conduire à élaborer un compromis.

Faisant référence à l'exposé des motifs de la proposition de résolution, M. Pierre Brana a estimé que d'autres facteurs que la fiscalité expliquaient la délocalisation du marché de l'art au profit des pays anglo-saxons. Il en est ainsi des traditions et des aspects psychologiques : ici, l'acquisition d'une _uvre d'art reste discrète ou même cachée, alors qu'elle est considérée là-bas comme un acte civique. S'il existe des collections de grande qualité en France, il manque un esprit de collectionneur dans les couches moyennes de la population, notamment chez les cadres ; un développement de cet esprit permettrait d'encourager la création artistique. Après avoir regretté que l'achat d'_uvres d'art réponde aujourd'hui davantage à des objectifs de spéculation qu'à un souci de connaissance et de curiosité intellectuelle, il s'est prononcé pour la suppression totale du droit de suite, lequel ne frappe qu'une faible proportion d'_uvres d'art. De surcroît, ce droit est systématiquement ignoré des conventions bilatérales tendant à faciliter les investissements réciproques, alors que le droit d'auteur y est mentionné.

Exprimant son accord avec les propositions du Rapporteur, M. Pierre Lequiller a également convenu que des facteurs psychologiques pénalisaient - en plus de la fiscalité - l'achat d'_uvres d'art en France, alors même qu'il concourt à la défense du patrimoine. D'une manière générale, la législation en vigueur est insuffisante pour protéger notre patrimoine mobilier, comme le montre le véritable pillage du contenu des châteaux.

Favorable à une harmonisation communautaire du droit de suite, Mme Nicole Feidt s'est dite soucieuse de ne pas remettre en question le dispositif applicable à la TVA. Comme M. Gérard Fuchs, elle a estimé que la France avait tout intérêt à favoriser une réglementation communautaire plutôt qu'à laisser les Etats membres agir en ordre dispersé.

En réponse aux intervenants, M. Pierre Lellouche a apporté les précisions suivantes :

- le droit de suite constitue un facteur supplémentaire de délocalisation du marché de l'art, qui s'ajoute à une fiscalité déjà prohibitive. Ce droit a été institué en France en 1920 pour protéger les artistes et leurs descendants ; il ne profite en réalité qu'à un petit nombre de familles. Il ne correspond plus aux besoins et n'existe pas aux Etats-Unis ;

- on ne saurait affirmer qu'il n'y a pas de grandes collections d'_uvres d'art en France, mais ces patrimoines partent à l'étranger pour des raisons fiscales, la menace périodique de leur assujettissement à l'impôt sur la fortune encourageant encore ces délocalisations. Cette hémorragie est dommageable à l'intérêt public, puisque 30 à 40 % des objets des musées nationaux proviennent, par voie de dation, de collections privées ;

- pour réanimer le marché de l'art, il conviendrait de défiscaliser l'achat d'objets d'art, d'aider les fondations et de valoriser les donateurs d'_uvres d'art.

Abordant l'examen du dispositif de la proposition de résolution, la Délégation a supprimé la disposition demandant que la durée du droit de suite soit ramenée de 70 à 20 ans, le Président ayant estimé que cette suggestion était sans rapport avec la réglementation communautaire qui constitue l'objet de la résolution. Elle a en revanche maintenu l'alinéa relatif au barème du droit de suite, malgré l'avis contraire de M. Gérard Fuchs et de Mme Nicole Feidt.

Les conditions dans lesquelles la Délégation pourrait approfondir sa réflexion sur ces questions a fait l'objet d'un débat, à l'initiative de M. François Loncle, qui a suggéré que la Délégation procède à l'audition de la ministre de la culture et du président de la commission des affaires étrangères. Après les observations de MM. Didier Boulaud et Jean-Bernard Raimond, de Mme Nicole Feidt et du Rapporteur, le Président Alain Barrau a rappelé le caractère approfondi du débat qui avait eu lieu lors de la présentation du rapport, ainsi que les contraintes de délai qui pèsent sur les travaux de la Délégation. Le Rapporteur a souligné en outre que la ministre s'était déjà exprimée sur ces questions lors du colloque du 2 novembre et qu'elle avait demandé à un cabinet d'audit d'apprécier l'impact du droit de suite.

S'agissant de la TVA à l'importation, le Président Alain Barrau, après avoir rappelé que la Grande-Bretagne avait bénéficié en la matière d'une dérogation jusqu'au 30 juin 1999, a fait part des résultats d'une étude de la Commission relative à l'incidence de cette fiscalité sur les délocalisations des _uvres d'art au profit du marché américain. Cette étude démontre que l'impact de cette taxe est minime, et que les ressources qu'elle permet de recueillir sont très faibles (40 millions de F pour un marché de deux milliards). C'est pourquoi la Délégation, tout en maintenant l'alinéa demandant que la suppression de la TVA à l'importation des _uvres d'art soit inscrite à l'ordre du jour du Conseil, a précisé que cette question devrait être un point de discussion - et non une priorité - de la prochaine présidence française de l'Union.

S'agissant de la protection des « trésors nationaux », le Président Alain Barrau et Mme Nicole Feidt ont rappelé qu'un rapport avait été demandé au sénateur Serge Lagauche pour procéder à une refonte de la législation française en vigueur. La Délégation a adopté le dispositif proposé par le Rapporteur, tout en précisant, dans l'alinéa relatif à la Convention Unidroit du 24 juin 1995 sur les biens culturels volés ou illicitement exportés, que la France restait très attachée à ce texte.

A l'issue de ce débat, la Délégation a adopté la proposition de résolution dans le texte suivant :

« L'Assemblée nationale,

-  Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au droit de suite au profit de l'auteur d'une _uvre d'art originale (COM(96)97 final / E 641) et ses versions modifiées du 12 mars 1998 et du 21 juin 1999,

Considérant que la disparité des réglementations des Etats membres en matière de droit de suite crée des distorsions de concurrence préjudiciables au marché de l'art européen ;

Considérant que les droits de suite applicables dans l'Union européenne freinent la compétitivité de celle-ci par rapport aux pays tiers qui ne disposent pas de tels droits, et, en particulier, par rapport aux Etats-Unis ;

Considérant, cependant, que l'existence d'un droit de suite ne saurait être remis en cause, dans la mesure où il correspond à une mesure d'équité à l'égard des auteurs d'_uvres graphiques et plastiques, qui, contrairement aux auteurs d'_uvres littéraires et musicales, ne bénéficient pas de droits d'auteur ;

Considérant qu'il pourrait être utile, afin de stimuler le marché de l'art, de consacrer, après la mort de l'auteur, tout ou partie des recettes du droit de suite au financement d'un fonds d'encouragement à la création artistique ;

Considérant que la proposition de directive relative au droit de suite doit prendre en compte l'ensemble de ces éléments, lesquels peuvent conduire à suggérer une modification des règles internationales régissant ce droit ;

Considérant, par ailleurs, qu'il est souhaitable de saisir l'occasion de l'examen de cette proposition de directive pour améliorer, plus largement, le contexte fiscal et réglementaire du marché de l'art communautaire ;

Considérant que la TVA à l'importation applicable aux _uvres d'art constitue une importante barrière douanière à l'entrée des objets d'art dans la Communauté et que, de ce fait, elle freine le fonctionnement du marché de l'art européen et, dans un contexte marqué par la mondialisation des échanges et l'accroissement des exportations d'_uvres vers les pays tiers, contribue à appauvrir les patrimoines nationaux en général et le patrimoine français en particulier ;

Considérant que le flou entourant la notion de « trésors nationaux » peut constituer une entrave à la libre circulation des biens culturels et, partant, au bon fonctionnement du marché de l'art communautaire ;

Considérant, que le mécanisme de restitution des biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un Etat membre, prévu par la directive 93/7/CEE du Conseil du 15 mars 1993, s'est révélé peu efficace ;

Considérant, enfin, qu'en l'état du droit et de la coopération douanière et judiciaire internationale, il est très difficile, voire impossible, d'obtenir la restitution d'objets exportés frauduleusement vers les pays tiers ;

S'agissant de la proposition de directive relative au droit de suite au profit de l'auteur d'une _uvre d'art originale

Approuve le principe général de la directive, visant à instaurer un régime communautaire du droit de suite ;

Estime cependant nécessaire d'apporter à la version soumise au Conseil « Marché intérieur » du 21 juin 1999 les modifications ou compléments suivants :

- revoir le barème du droit, de sorte que, quelle que soit la valeur d'une _uvre, le montant du droit de suite ne soit pas supérieur au coût de délocalisation de cette _uvre sur le principal marché concurrent qu'est la place de New York ;

- permettre aux Etats membres qui le souhaitent d'affecter, après la mort de l'auteur, le produit du droit de suite à un fonds d'encouragement du marché de l'art ;

- joindre, en annexe à la directive, une déclaration du Conseil de l'Union européenne invitant la Commission à engager des discussions avec les pays tiers qui n'ont pas de droit de suite dans leur législation pour les inviter à en instaurer un ;

- prévoir que la Commission publiera une liste complète des pays tiers dont les ressortissants pourront bénéficier du droit de suite prévu par la directive ;

- retenir une durée de deux ans, au lieu de trois, à partir du 1er janvier de l'année suivant la date à laquelle la revente d'une _uvre a eu lieu, pour permettre aux bénéficiaires du droit de suite d'exiger de tout marchand, agent commercial, directeur des ventes ou organisateur de ventes publiques, toute information nécessaire à la liquidation des sommes dues au titre de ce droit ;

- prévoir que la Commission fera une évaluation quatre ans après la date limite de transposition de la directive et que celle-ci portera notamment sur le développement économique du marché de l'art et l'évolution des patrimoines nationaux ;

- ramener le délai de transposition de la directive de quatre ans à partir du début de l'année suivant celle au cours de laquelle la directive a été adoptée à un an suivant la date de cette adoption ;

S'agissant de la TVA à l'importation

Demande au Gouvernement qu'il propose aux autres Etats membres que la question de la suppression de la TVA communautaire à l'importation sur les _uvres d'art soit inscrite à un prochain Conseil Ecofin ;

Souhaite que le Gouvernement retienne cette réforme comme l'un des points importants de la prochaine présidence française de l'Union européenne ;

S'agissant de la protection des « trésors nationaux »

Invite le Gouvernement à suggérer au Conseil de demander à la Commission d'élaborer un projet de règlement qui, remplaçant la directive 93/7/CE relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire des Etats membres, définirait la notion de « trésors nationaux » et prévoirait un dispositif de restitution simple, rapide et efficace ;

Demande au Gouvernement d'inviter le Conseil à donner mandat à la Commission pour négocier au nom de l'Union européenne, avec les Etats-Unis et le Japon, des accords bilatéraux de restitution des objets d'art sortis frauduleusement du territoire de la Communauté ;

Souhaite que le Gouvernement propose, dans le cadre de l'UNESCO, qu'une évaluation précise soit faite de la convention Unidroit du 24 juin 1995 sur les biens culturels volés ou illicitement exportés, à laquelle la France est très attachée, afin d'en améliorer au besoin, après consultation des professionnels et des musées, la rédaction ou les conditions d'application, et de permettre sa ratification par les principaux pays concernés par le marché de l'art. »

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III. Rapport d'information de M. Alain Barrau sur le sport et l'Union européenne

Présentant brièvement les grandes lignes de son rapport, le Président Alain Barrau a relevé que l'action de l'Union européenne dans le domaine du sport repose aujourd'hui sur un paradoxe : aucune disposition des traités communautaires ne régit le sport, tandis que cette activité se trouve indirectement régie par plusieurs aspects du droit communautaire en raison des aspects économiques, financiers et culturels qu'elle revêt. La méconnaissance de la spécificité du sport a entraîné des conséquences négatives, comme l'a montré, par exemple, l'arrêt Bosman, rendu en 1995 par la Cour de justice des Communautés européennes. En appliquant à la lettre les dispositions en vigueur sur la libre circulation des travailleurs, cette jurisprudence a accru les difficultés de clubs sportifs modestes et méconnus des exigences spécifiques des formations sportives.

Dans une perspective récente, l'Union européenne a montré une volonté d'agir dans le domaine du sport, comme en témoignent à la fois la déclaration sur le sport annexée au Traité d'Amsterdam et les conclusions du Conseil européen de Vienne. Les ministres des sports des Etats membres se sont attachés à promouvoir l'idée d'une « exception sportive », semblable à l'exception culturelle qui avait été admise en 1993 lors des négociations commerciales multilatérales. La ministre française, Mme Marie-George Buffet, a participé activement à ce mouvement, qui pourrait déboucher sur l'avènement d'un modèle sportif européen.

Le chemin à parcourir sera long, car l'action européenne dans le domaine du sport reste marquée par le droit communautaire de la concurrence, le marché unique ou la directive « Télévision sans frontières ». Divers arrêts laissent toutefois entrevoir une possibilité d'évolution de la jurisprudence. Des dérogations sont ainsi admises dans certains cas au principe de liberté de circulation ou de libre établissement pour des raisons tenant à la sécurité, à des considérations morales ou d'ordre public. La coopération européenne peut s'avérer également fructueuse pour lutter contre le hooliganisme, les services judiciaires, policiers et douaniers des Etats membres ayant d'ailleurs déjà été amenés à coordonner leur action à cet effet.

Une politique communautaire devrait en outre être définie à l'égard du dopage : le Conseil européen, la Commission et les Etats membres sont en effet résolus à lutter contre ce phénomène d'une gravité exceptionnelle, qui n'a fait l'objet d'une prise de conscience que tardivement. Il suscite des réactions salutaires, tant de la part des pouvoirs publics que du mouvement sportif, et devrait déboucher sur des règles nouvelles. La Convention du Conseil de l'Europe sur le dopage, adoptée il y a dix ans, devrait enfin être appliquée. La création récente de l'Agence mondiale anti-dopage est également le signe d'une évolution décisive.

Le Conseil européen d'Helsinki pourrait donner une impulsion nouvelle à cette action communautaire, avant qu'une disposition spécifique soit éventuellement introduite dans le traité à la faveur d'une prochaine révision. Cette suggestion suscite toutefois des réserves, comme celles exprimées par M. Jean-Claude Lefort.

M. Pierre Brana a suggéré à la Délégation, qui l'a suivi, d'insister dans les conclusions sur l'importance de la lutte contre la violence lors des manifestations sportives, phénomène qui pose de redoutables problèmes aux organisateurs, dont la responsabilité est engagée.

La Délégation a décidé la publication du rapport et adopté - contre l'avis de M. Jacques Myard qui, tout en soulignant la qualité du rapport, a exprimé un désaccord de principe à l'égard d'un accroissement des compétences de l'Union européenne - les conclusions qui l'assortissent.

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IV. Entretien avec une délégation de la Commission pour l'intégration européenne de la Chambre des députés de la République tchèque.

M. Jaroslav Zvĕřina, Président de la Commission pour l'intégration européenne de la Chambre des députés tchèque, a jugé très instructifs les travaux qui venaient de se dérouler au sein de la Délégation. Après avoir fait état de la complexité de la procédure de reprise de l'acquis communautaire dans son pays, il a fait part du débat sur les solutions qui pourraient être mises en _uvre pour la simplifier.

Il a demandé si des procédures particulières avaient été instituées en France pour transposer le droit communautaire dans la législation nationale. Il a interrogé les membres de la Délégation sur leur appréciation à l'égard du processus de réforme des institutions européennes. Ont-ils le sentiment que ces réformes pourront être achevées avant l'élargissement ?

Le Président Alain Barrau a indiqué que la transposition des directives communautaires était effectuée selon la procédure législative ordinaire, qui donnait lieu au dépôt d'un projet de loi, à son examen par la commission permanente compétente puis à sa discussion et son adoption en séance publique. Cette discussion est facilitée par le fait que la Délégation examine, en amont de leur adoption par le Conseil de l'Union européenne, les projets de directives communautaires comportant des dispositions de nature législative. Le Parlement discute actuellement de la transposition de la directive relative à l'électricité : le projet de loi adopté en première lecture par l'Assemblée nationale au début de l'année a été modifié par le Sénat à l'automne. La commission mixte paritaire n'ayant pu parvenir à un texte commun aux deux assemblées, une nouvelle lecture du texte sera effectuée dans chacune des assemblées, à la suite de laquelle l'Assemblée nationale aura le dernier mot.

S'agissant de la réforme des institutions européennes, la position de la France est bien connue et fait l'objet d'un consensus entre les deux branches de l'Exécutif : l'Union européenne ne fonctionne pas bien à quinze ; ce constat suffit à justifier une réforme, qui devrait aboutir sous la présidence française. L'étendue de la réforme est un sujet de discussion, de même que son contenu. Certains groupes politiques souhaiteraient donner plus de place à la souveraineté des Etats ; d'autres voudraient que la réforme soit de grande ampleur et s'oriente vers une « constitutionnalisation » des traités, voire s'engage dans la voie d'une Europe fédérale. A titre personnel, le Président Alain Barrau s'est prononcé en faveur d'une troisième solution, qui lui paraît faire l'objet d'un accord majoritaire : il s'agit de traiter les trois questions laissées en suspens par la précédente conférence intergouvernementale : l'extension du recours à la majorité qualifiée, la repondération des voix au sein du Conseil, la limitation du nombre de commissaires. En tout état de cause, l'exigence d'une réforme institutionnelle ne constituera pas une cause de retard au processus d'élargissement.

Le Conseil européen d'Helsinki est appelé à redéfinir la procédure d'élargissement, la Commission européenne ayant suggéré que tous les Etats candidats soient placés sur la même ligne, le processus d'adhésion étant alors différencié en fonction des progrès des candidats au regard des critères d'adhésion définis par le Conseil européen de Copenhague en 1993.

Pour M. Jacques Myard, le Parlement français n'est plus qu'un musée de la démocratie : il ne dispose que d'un pouvoir purement consultatif à l'égard des projets de textes communautaires, tandis que ceux-ci l'emportent sur toute règle interne, quelle que soit sa place dans la hiérarchie des normes. S'étant délivrés du centralisme démocratique, les pays d'Europe centrale feront bientôt l'expérience du centralisme technocratique bruxellois. Il a souhaité que l'élargissement soit réalisé aussi rapidement que possible, afin de restaurer la liberté, le bon sens et la rationalité dans une construction européenne qui se fourvoie. Si l'Union européenne répond à un besoin incontestable, elle doit consister à mettre en commun l'exercice de certaines compétences, notamment dans le domaine de la sécurité collective, les pouvoirs pris aux Etats devant leur être rendus.

Le Président Alain Barrau a précisé que l'intervention de M. Jacques Myard était caractéristique des positions d'un mouvement minoritaire que l'on nomme « souverainiste », quoique cette expression puisse paraître abusive, car les tenants de l'intégration communautaire ne sont pas des adversaires de la souveraineté de l'Etat.

Pour M. Jean-Bernard Raimond, on ne saurait retenir aucun aspect de l'intervention de M. Jacques Myard, marquée par un extrémisme au demeurant non dépourvu d'humour. S'agissant de la réforme institutionnelle, le point le plus important est la définition d'une nouvelle pondération des voix au sein du Conseil de l'Union européenne. Le seul objectif de la réforme est de permettre aux Etats candidats d'intégrer une Union européenne qui soit en état de fonctionner convenablement. Il a souhaité connaître l'opinion des parlementaires tchèques sur la proposition de la Commission européenne consistant à renoncer à la distinction de deux groupes d'Etats candidats, et sur les critiques qu'elle porte sur les retards de la République tchèque dans sa préparation à l'adhésion.

M. François Loncle a souligné que les positions inlassablement défendues par M. Jacques Myard étaient minoritaires. Il s'est dit pour sa part heureux d'assumer pleinement la construction européenne, qui permet à l'histoire de rejoindre la géographie. Les Présidents de la République successifs ont assuré en ce domaine une grande continuité. L'Union européenne, en dépit de ses défauts, est une réussite. En offrant aux peuples de l'Europe centrale une référence crédible, elle a joué un rôle important dans les événements de 1989, l'effondrement du mur de Berlin et les changements politiques qui l'ont accompagné. L'élargissement de l'Union permettrait de réconcilier l'Europe avec son histoire. C'est dans cette perspective que la réforme institutionnelle doit créer les conditions de fonctionnement satisfaisantes d'une Union composée de 20 ou 25 Etats membres.

Le Président Jaroslav Zvĕřina a remercié les membres de la Délégation pour le climat d'ouverture et de franchise qui caractérisait le débat. Il a souligné que l'adhésion à l'Union européenne constituait pour la République tchèque, à la suite de son entrée dans l'OTAN, une priorité absolue, et même la seule priorité politique. Pour lui, l'Union européenne est une grande réussite de l'histoire politique.

Répondant aux questions posées par les membres de la Délégation, il a souligné que les responsables tchèques suivaient la préparation du Conseil européen d'Helsinki avec des sentiments mélangés : s'ils jugent positif qu'un plus grand nombre de candidats participent au processus d'intégration, ils se demandent si celui-ci ne va pas s'en trouver ralenti et si la charge plus grande qu'il entraînera pour l'Union européenne ne risque pas d'en diluer les effets. La Commission européenne n'a pas tort de dire que le rythme d'intégration de l'acquis communautaire par la République tchèque n'est pas assez rapide, même si celui-ci reste soutenu. Les responsables tchèques eux-mêmes pensaient que le rythme serait plus rapide. Il est d'ailleurs comparable à celui des autres pays du premier groupe, comme la Hongrie, la Pologne ou la Slovénie. La République tchèque a récemment célébré le dixième anniversaire de la chute du régime précédent : beaucoup de choses ont été faites en dix ans, plus qu'on aurait pu l'imaginer à l'époque.

Ayant observé, lors de la COSAC d'Helsinki, une certaine tension entre les représentants des parlements nationaux et ceux du Parlement européen, M. Jaroslav Zvĕřina a demandé comment s'organisaient les rapports entre le Parlement français et le Parlement européen, et quels travaux ils conduisaient en commun.

Le Président Alain Barrau a indiqué que la Délégation avait travaillé à plusieurs reprises avec les rapporteurs ou les commissions du Parlement européen à l'occasion de grandes réformes communautaires, qu'il s'agisse de celles liées à l'Agenda 2000, des projets de modification des directives sur les chemins de fer ou de la réforme institutionnelle. Par ailleurs, les membres du Parlement européen élus en France sont parfois invités à participer aux réunions de la Délégation. La méfiance antérieure entre Parlement européen et parlements nationaux fait place à des relations de travail confiantes.

La COSAC, qui se réunit une fois par semestre dans le pays exerçant la présidence de l'Union, permet un large échange de vue associant parlements nationaux et Parlement européen, les représentants des Parlements des pays candidats y étant d'ailleurs invités depuis la COSAC de Luxembourg en 1997. La légère tension qu'on a pu observer à Helsinki était liée à une difficulté mineure, finalement résolue. Parlements nationaux et Parlement européen n'ont pas la même fonction et n'occupent pas la même place dans l'Union européenne. Les parlements nationaux exercent une fonction de législation et de contrôle de l'action du Gouvernement, alors que la compétence du Parlement européen consiste à exercer un droit d'amendement sur les textes communautaires, à voter certaines dépenses et à contrôler la Commission.