DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 93

Réunion du jeudi 2 décembre 1999 à 9 heures

Présidence de M. Gérard Fuchs, Vice-Président.

I. Communication de M. Jean-Bernard Raimond sur le processus d'adhésion des Etats candidats à l'Union européenne

M. Jean-Bernard Raimond a indiqué, à titre liminaire, que le processus d'élargissement obligeait l'Union européenne et les pays candidats à trouver un équilibre entre trois exigences : l'effort considérable demandé aux pays candidats pour préparer leur intégration dans l'Union ; leur vif désir de voir fixer une date aussi proche que possible pour cette adhésion ; enfin, l'application effective de l'acquis communautaire, que l'Union européenne souhaite la plus complète au moment de l'adhésion, afin de limiter au maximum les dispositions transitoires. Il convient dès lors de conjurer le double risque d'un désenchantement des pays candidats si le processus d'élargissement traîne en longueur, et d'un choc en retour si celui-ci est prématuré.

Deux ans après le Conseil européen de Luxembourg, qui avait défini les principes de ce processus d'élargissement, le Conseil européen d'Helsinki est confronté à la nécessité de rassurer des pays candidats - inquiets d'un changement des priorités de l'Union, notamment après le conflit du Kosovo - sans pour autant renoncer aux critères que les candidats doivent satisfaire pour devenir un Etat membre à part entière. Dans cette perspective, la Commission européenne a proposé, dans un volumineux rapport remis au Conseil le 13 octobre, de prendre en compte les évolutions intervenues depuis Luxembourg et de tirer les leçons de l'expérience des premières négociations.

C'est pourquoi le Rapporteur, après avoir établi un bilan du processus d'élargissement au cours des deux dernières années, a exposé les propositions de la Commission européenne, avant de suggérer certaines clarifications.

Même si le plus difficile reste à faire, le processus d'élargissement a progressé sensiblement depuis deux ans. Ainsi, l'Union européenne a défini, lors du Conseil européen de Berlin, le montant de son assistance financière aux pays candidats pour la période 2000-2006 ; les dépenses liées à la préadhésion et à l'adhésion s'élèvent respectivement à 21,84 milliards et à 58,07 milliards d'euros et représentent un total de 79,91 milliards d'euros, soit 11,37 % de l'ensemble des crédits d'engagement prévus pour toute la période. L'Union a prévu de doubler les aides de préadhésion par rapport à la période antérieure, d'intégrer de nouveaux Etats membres à partir de 2002 et de maintenir l'étanchéité des nouvelles rubriques 7 (dépenses de préadhésion) et 8 (dépenses d'adhésion), dont les crédits ne peuvent être utilisés à d'autres fins.

En second lieu, les négociations avec les Etats de la première vague couvrent désormais plus de la moitié de l'acquis, puisqu'elles s'étendent à 22 chapitres sur 31, dont plusieurs ont pu être provisoirement clos. Avec les Etats de la deuxième vague, la phase collective de criblage de l'acquis est achevée.

Tous les candidats ont fait des efforts considérables d'adaptation, même si le degré d'avancement varie selon les pays. Dans ses rapports sur l'état d'avancement des pays candidats au regard des critères de Copenhague, la Commission note qu'ils satisfont tous au critère politique, à l'exception de la Turquie. Toutefois, demeurent préoccupants le traitement des minorités linguistiques en Lettonie et en Estonie, celui des minorités tziganes dans plusieurs pays, de même que le sort des cent mille enfants orphelins en Roumanie, ainsi que les phénomènes de corruption dans tous les pays. Elle souligne également que la lenteur de l'alignement législatif dans certains pays, comme la Pologne ou la République tchèque, n'est pas cohérente avec leur aspiration politique à une adhésion rapide à l'Union européenne.

De surcroît, le processus d'élargissement devra surmonter quatre obstacles.

L'Union européenne doit accomplir sa réforme institutionnelle avant l'élargissement. Faut-il se lancer dans une réforme profonde ou se concentrer, comme le souhaite le Gouvernement, sur les trois questions laissées en suspens par le traité d'Amsterdam ? Le Rapporteur s'est prononcé en faveur de cette seconde voie, tout en insistant sur la « repondération » des voix au sein du Conseil, qui lui paraît fondamentale.

Les négociations avec les Etats de la première vague n'ont pas encore abordé les chapitres les plus difficiles de l'acquis. Des difficultés sont apparues pour l'ouverture du chapitre sur l'énergie, en raison des exigences de l'Autriche demandant que les centrales nucléaires des pays candidats satisfassent aux plus hauts standards de sécurité possibles. Par ailleurs, l'analyse de la Commission sur des chapitres non encore ouverts montre tout le chemin qu'il reste à parcourir : aucun des pays candidats n'est encore très avancé dans la transposition de la législation communautaire en matière d'environnement et n'affiche de progrès sensibles dans la réforme structurelle de l'agriculture.

Une autre difficulté provient du fait que tous les candidats craignent l'incidence de la politique de stabilisation des Balkans sur le processus d'élargissement. Ces craintes devraient être apaisées : d'une part, le principe d'étanchéité des crédits de préadhésion défini à Berlin au profit des Etats candidats leur garantit que l'effort communautaire en faveur des Balkans ne sera pas financé à leur détriment ; d'autre part, les perspectives d'adhésion des pays balkaniques sont à si long terme qu'elles ne peuvent ralentir les négociations en cours ni en retarder l'aboutissement. Comme l'a rappelé le Président de la Commission européenne, M. Romano Prodi, lors de son discours d'investiture devant le Parlement européen, il faut distinguer trois groupes : les pays pour lesquels l'adhésion est une perspective relativement proche, même si de longues périodes transitoires devront leur être accordées ; ceux pour lesquels l'adhésion constitue une perspective à long terme, en particulier les pays balkaniques, qui doivent se réconcilier définitivement entre pays voisins avant de pouvoir entrer dans l'Union ; enfin les pays pour lesquels il n'existe pas de perspective raisonnable d'adhésion, notamment la Russie et l'Ukraine, avec lesquels l'Union doit conclure des partenariats stratégiques.

Dernière incertitude, la Conférence européenne n'a pas encore trouvé sa place dans le processus d'élargissement, à la suite du refus de la Turquie d'y participer.

Abordant les propositions de la Commission, le Rapporteur a indiqué que plusieurs d'entre elles répondent en grande partie aux attentes des pays candidats :

- l'engagement de l'Union européenne de se tenir prête à décider d'un premier élargissement à partir de 2002 : la Commission recommande que la réforme institutionnelle préalable à l'élargissement entre en vigueur à cette date, pour que l'Union puisse être en mesure de décider à partir de 2002 l'adhésion des candidats qui rempliront tous les critères prévus ; ce calendrier suppose que la réforme institutionnelle soit achevée sous la présidence française, le calendrier de la ratification devant ensuite s'étendre sur près de deux ans ;

- l'ouverture des négociations d'adhésion avec les pays du deuxième groupe : compte tenu des évolutions positives constatées en Slovaquie, Lettonie et Lituanie et des impératifs géopolitiques de l'Europe au lendemain du conflit au Kosovo, la Commission propose d'abandonner la distinction des pays candidats en deux groupes et d'ouvrir les négociations d'adhésion en 2000 avec les six candidats du deuxième groupe, à savoir Bulgarie, Lettonie, Lituanie, Roumanie, Slovaquie et Malte. Cependant l'ouverture des négociations avec la Bulgarie et la Roumanie serait soumise à des conditions supplémentaires : la Bulgarie devrait fixer, avant la fin de 1999, des dates acceptables pour la fermeture des unités 1 à 4 de la centrale nucléaire de Kozloduy et confirmer ses progrès dans le processus de réforme économique ; la Roumanie devrait lancer une réforme structurelle de ses centres de l'enfance avant la fin de 1999 et faire l'objet d'une évaluation supplémentaire de la situation économique, dans l'attente de l'application de mesures macro-économiques ;

- le sort de la Turquie : la Commission propose de reconnaître à ce pays un plein statut de candidat, mais de n'ouvrir les négociations que lorsque les critères politiques seront remplis. Les avantages attachés à l'octroi de ce statut de candidat, bien supérieurs à ceux de la stratégie précédente de rapprochement, comporteraient : la relance du dialogue politique ; l'association de la Turquie aux actions et positions communes prises au titre de la PESC ; le regroupement de toutes les aides financières dans un cadre unique ; la participation intégrale aux programmes et agences communautaires ; l'adoption d'un partenariat pour l'adhésion et le lancement d'un exercice de criblage de l'acquis communautaire ;

- l'admission de périodes de transition plus longues dans des domaines nécessitant des adaptations difficiles et des investissements lourds : les besoins en investissements structurels dans les seuls domaines de l'environnement et des transports sont évalués à 150-190 milliards d'euros, même en les bornant à une simple reprise de l'acquis communautaire ; or, une aide de préadhésion d'un montant de 7,3 milliards d'euros sera consacrée à ces deux domaines pendant la période 2000-2006. Les pays candidats se trouveraient donc confrontés à une difficulté de financement leur interdisant toute adhésion prochaine si la règle de la limitation des transitions n'était pas assouplie. La Commission propose de desserrer l'étau en distinguant les domaines liés à l'approfondissement du marché unique, où les périodes de transition devront être brèves, et les domaines de l'acquis exigeant des adaptations considérables et des dépenses importantes, où des régimes transitoires pourront être étendus sur une période déterminée, sous réserve que le rapprochement soit en cours grâce à l'exécution de programmes précis. Seraient notamment concernés l'environnement, l'énergie et les infrastructures ;

- la Commission propose par ailleurs deux mesures complémentaires relatives à la libéralisation des échanges agricoles avec les pays candidats et à l'abandon des mesures anti-dumping sur les produits industriels originaires de ce pays. Elle suggère enfin le développement de stratégies spécifiques de préadhésion en faveur de Chypre et de Malte, par l'élaboration d'un partenariat pour l'adhésion et d'un programme national pour l'adoption de l'acquis dans chacun de ces pays.

En revanche, la Commission propose d'appliquer le principe de différenciation à l'ensemble des candidats, et d'introduire ainsi une plus grande rigueur dans la conduite des négociations : au lieu d'aborder le même nombre de chapitres avec tous les pays candidats, l'Union européenne évaluera l'état de préparation de chaque pays candidat avant d'entamer les négociations sur un chapitre donné. La substitution d'une approche par pays à une approche par chapitre devrait permettre de mieux respecter le principe de différenciation posé à Luxembourg, selon lequel chacun des pays candidats doit pouvoir avancer dans les négociations en fonction de ses efforts de préparation à l'adhésion. Cette nouvelle méthode de négociation s'appliquerait à l'ensemble des pays candidats, y compris à ceux de la première vague, qui ne pourront donc plus bénéficier du caractère protecteur de la méthode antérieure. Ainsi, les chapitres provisoirement clos seront rouverts dès le début de l'an 2000.

Présentant la troisième partie de son exposé, le Rapporteur a estimé que les propositions de la Commission devraient être clarifiées sur plusieurs points.

L'ouverture des négociations lui paraît trop conditionnelle à l'égard de la Bulgarie et de la Roumanie : la Bulgarie est traitée plus sévèrement pour la fermeture des centrales nucléaires que la Lituanie, qui n'a pris aucun engagement pour la fermeture de l'unité 2 d'Ignalina, et que la Slovaquie, dont la décision de fermer deux tranches de Bohunice en 2006 et 2008 crée un retard par rapport à son engagement de 1994 de les fermer au moment de l'entrée en exploitation commerciale de la centrale de Mohovce, qui interviendra en 2000. Par ailleurs, les conditions économiques imposées à la Bulgarie et à la Roumanie paraissent superflues, dès lors que l'Union peut décider de retarder l'ouverture des chapitres appropriés si elle juge que les candidats ne sont pas prêts. De surcroît, la facilité de rattrapage, dotée de 100 millions d'écus par an en 1998 et 1999 pour les cinq candidats non appelés à l'ouverture des négociations dans l'immédiat, a disparu des propositions de la Commission.

En second lieu, il est nécessaire que l'Union européenne adopte une vision plus large embrassant toutes les implications de la reconnaissance du statut de candidat à la Turquie. Les ambiguïtés de la position turque ne pourront être levées que lorsque l'Union européenne aura elle-même levé les siennes. Les évolutions qui se sont produites récemment au sein de l'Union européenne devraient annoncer la fin des blocages financiers. Depuis Copenhague, l'Union européenne dispose d'un corps de doctrine sur l'élargissement qui lui permet de définir des conditions claires pour l'adhésion de l'ensemble des candidats, y compris la Turquie. Toutefois, la manière dont l'Union européenne envisage la candidature turque continue à susciter un malaise, parce qu'elle fait comme si cette candidature ne posait pas d'autres problèmes que pour les douze autres pays candidats et qu'elle s'est toujours refusée à aborder franchement et dans toute leur ampleur des questions telles que l'incidence de cette candidature sur la PESC, sur les institutions communautaires et sur les contours de l'Union européenne. Celle-ci ne peut éluder la question de savoir jusqu'où va l'Europe.

Les implications géopolitiques de la candidature turque sur la PESC justifient également un examen plus approfondi, s'agissant en particulier des conflits du Caucase et d'Asie centrale, ainsi que de la situation au Moyen-Orient. Le problème kurde n'est pas seulement un problème intérieur turc mais pourrait devenir une question de politique étrangère de l'Union avec une population disséminée dans cinq Etats de la région. La Turquie est militairement très impliquée dans les sanctions à l'égard de l'Irak et a noué une relation privilégiée avec Israël. Ce pays mène par ailleurs une politique nationale de contrôle du débit du Tigre et de l'Euphrate, par la construction de grands barrages, qui pourrait susciter à terme un futur conflit de l'eau avec la Syrie et l'Irak. Le Conseil européen devrait confier au Haut Représentant pour la PESC la mission de procéder à l'analyse géopolitique de la candidature de la Turquie.

Les implications institutionnelles de la candidature turque sur les mécanismes de décisions de l'Union, en particulier sur la pondération des voix du Conseil, ne devraient pas non plus être laissées de côté lors de la prochaine réforme institutionnelle. Selon les estimations, la Turquie devrait être en 2010 le pays le plus peuplé de l'Union européenne, avec une population de plus de 80 millions d'habitants, et disposerait d'un PIB ne représentant encore que la moitié de celui de la Grèce. L'Union européenne ne peut pas transiger sur les critères politiques sans menacer ses propres fondations ni créer un précédent qui ruinerait ensuite toute possibilité d'intégrer l'Europe du Sud-Est dans des conditions satisfaisantes. Si l'Union européenne envoie un signe politique majeur en sa direction, la Turquie doit également adresser à l'Union des signes positifs, notamment à l'égard de Chypre et de la Grèce, mais aussi sur les questions intérieures. Mais il demeure encore une attente, qui relève de l'entière liberté de la Turquie et dont la nature ne peut être assimilée à une condition d'adhésion. L'Europe ne s'autorise en aucune manière à donner des leçons à un grand pays à l'origine d'une haute civilisation comme la Turquie, mais elle peut espérer l'accomplissement d'un grand acte symbolique exprimant la participation de la Turquie aux valeurs communes européennes : la reconnaissance du génocide arménien.

_ L'avenir de la Conférence européenne dépend, selon certains Etats membres, de son extension à des pays susceptibles d'adhérer ultérieurement à l'Union. La France juge cette extension prématurée et souhaite que la Conférence européenne devienne le lieu de discussions informelles entre l'Union européenne et les pays candidats, y compris la Turquie, sur la réforme institutionnelle, la politique de défense européenne et tout thème d'intérêt commun. Cette instance serait le cadre approprié pour répondre à une demande des pays candidats et examiner ensemble des sujets qui ne peuvent être abordés dans les négociations d'adhésion.

_ Par ailleurs, de nombreuses incertitudes pèsent sur les conditions de concurrence et de financement de l'élargissement. La libéralisation des échanges agricoles entre l'Union européenne et les PECO, que le Conseil a autorisé la Commission à négocier dans le cadre des accords européens, permettrait de corriger quelque peu leur caractère asymétrique grâce à des ouvertures réciproques et de redonner des marges de man_uvre à l'Union européenne tant dans le cadre de l'accord de Marrakech que de l'ouverture des prochaines négociations commerciales multilatérales, et elle préparerait les deux parties à la mise en _uvre du marché unique agricole au moment de l'adhésion. Toutefois, cette négociation avec les PECO ne pourra réussir que si elle ne suit pas une approche globale et se déroule conformément au mandat défini par le Conseil : les concessions doivent être envisagées produit par produit, sur une base équilibrée et réciproque, en tenant compte du volume du commerce est/ouest, de la sensibilité particulière des produits agricoles, ainsi que des règles de la PAC et de la politique agricole des pays associés.

L'abandon des procédures anti-dumping à l'encontre des produits industriels serait prématuré, alors que certains pays candidats ont des difficultés à élaborer ou à mettre en _uvre une stratégie de reconversion de secteurs industriels anciens. On peut se demander par ailleurs si la pratique d'une entreprise de transports allemande, qui fait rouler ses 8 000 camions à travers l'Europe en les suivant par satellite et qui emploie 4 000 conducteurs bulgares, rémunérés en Bulgarie à des tarifs inférieurs de moitié aux salaires européens, restera un cas d'espèce ou préfigure la généralisation d'un modèle de concurrence déséquilibré.

Les conditions de concurrence et de financement dans les secteurs à investissements lourds soumis à d'éventuels régimes transitoires sont indéterminées et la clarification des périodes de transition proposée par la Commission risque de placer l'Union devant l'alternative suivante : soit s'exposer à de longues périodes de transition risquant de fausser la concurrence sur un marché unique élargi, soit renforcer son aide au financement des investissements lourds dans les pays candidats, avec un réexamen à terme, si nécessaire, du plafond des ressources propres, fixé à 1,27 % du PNB communautaire. Enfin, il convient de veiller à la mise en _uvre des décisions récentes sur la nécessaire réorientation du programme Phare vers la politique sociale.

_ La nouvelle dimension de sécurité et de défense de la PESC, après les décisions du Conseil européen de Cologne, appellent une clarification sur le contenu même des engagements qui seront pris par les pays candidats dans le domaine de la PESC, en particulier au regard de la défense commune de l'Union européenne, de la garantie d'assistance mutuelle de l'UEO et du développement de l'identité européenne de sécurité et de défense (IESD) au sein de l'OTAN. La question est de savoir comment le développement de la nouvelle dimension de sécurité et de défense assurera à tous ses membres, actuels et nouveaux, une même qualité de sécurité, tout en prenant en compte la diversité de leurs options.

_ Enfin, le futur ensemble de 500 millions d'habitants ne sera viable que s'il parvient à réaliser la synthèse des diversités nationales et de l'intérêt général de l'Union. L'élargissement exige que l'Union réorganise profondément son dispositif de subsidiarité et définisse ce qui doit être vraiment traité au niveau européen ; il comporte une dimension parlementaire, qui concerne aussi bien les parlements nationaux que le Parlement européen et ne devrait pas être négligée lors des prochaines réformes institutionnelles.

Le Rapporteur a donc proposé à la Délégation d'adopter des conclusions reprenant ses principales observations.

M. Gérard Fuchs, qui a salué la clarté et la densité de l'exposé du Rapporteur, a estimé que l'on devrait avoir le courage politique de dire jusqu'où l'Union européenne avait vocation à s'élargir. M. Romano Prodi a eu raison de souligner que la Russie et l'Ukraine se situaient dans un autre jeu, nécessitant la définition de relations spécifiques ; c'est la première déclaration d'un responsable politique sur ce sujet, mais elle est encore imprécise, notamment vis-à-vis d'autres Etats issus de l'Union soviétique. La Turquie appartient déjà à un certain nombre d'instances telles que l'OTAN et l'UEO, mais son adhésion à l'Union européenne aurait des conséquences lourdes sur la nature de l'Union, en constituant notamment un premier pas vers le Caucase. On ne pourra non plus rester indéfiniment dans l'ambiguïté s'agissant de l'adhésion de Chypre, pour laquelle les négociations devront aborder la difficulté principale, à savoir celle de la division de l'île.

La réforme des institutions est la clé de la construction européenne. Elle déterminera la nature que les Européens veulent lui donner : simple zone de libre échange ou, au contraire, entité politique permettant d'agir dans les domaines où les Etats pris isolément ne le peuvent plus ou agissent avec moins d'efficacité. Etre favorable à cette seconde voie implique de réformer les institutions avant l'élargissement. Parmi les points laissés en suspens à Amsterdam, l'extension du vote à la majorité qualifiée paraît plus importante que la repondération des voix. Liées à la réforme des institutions, les avancées récentes dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune devraient, par ailleurs, être prises en compte. S'agissant de l'élargissement, la nouvelle approche proposée par la Commission européenne, consistant à réunifier les deux groupes d'Etats candidats et à adopter à leur égard un traitement différencié, lui paraît constituer une méthode satisfaisante.

M. François Loncle a déclaré partager les conclusions du rapporteur, en particulier celles relatives à la réforme institutionnelle, la sécurité nucléaire, et la question agricole. La nouvelle méthode proposée par la Commission européenne permettra de mieux prendre en compte la situation de la Lituanie et de la Lettonie, qui avaient été curieusement écartées de la première vague d'élargissement, celle de la Slovaquie, mise à l'écart en raison de sa situation politique passée, et celle de la Roumanie et de la Bulgarie, qui en dépit de leurs difficultés spécifiques, ne doivent pas être placées à part.

En revanche, il a exprimé de vives réserves à l'égard des propositions de la Commission relative à la candidature de la Turquie. Comme le souligne le rapport de M. Jean-Bernard Raimond, cette candidature soulève des questions complexes et mérite un examen approfondi. Contestable d'un point de vue géographique, la candidature de la Turquie, constamment soutenue par l'Exécutif, comporte un risque de dénaturation de l'Europe, indépendamment des conditions politiques, qui sont loin d'être réunies. Quand l'Espagne, le Portugal, et la Grèce n'étaient pas encore des démocraties, ils n'avaient pas le statut de candidats à l'Union en dépit de leur nature incontestablement européenne. Il n'y a donc pas lieu, à l'égard de la Turquie, de brûler les étapes, même si l'Union européenne subit des pressions exercées en ce sens par les Etats-Unis. M. François Loncle a donc suggéré à la Délégation, qui l'a suivi, de faire apparaître dans les conclusions la distinction, au regard du processus d'élargissement, entre le statut de candidat de la Turquie et l'ouverture des négociations avec les autres pays.

M. François Guillaume s'est interrogé sur la logique des propositions de la Commission, ainsi que sur les critères qui la conduisent à proposer de donner à la Turquie le statut de candidat : pourquoi ne pas accepter la candidature du Maroc, le détroit de Gibraltar n'étant guère plus large que le Bosphore ? Il a également contesté le classement actuel dans le deuxième groupe de pays tels que la Slovaquie - aujourd'hui mieux placée que des pays du premier groupe - et la Roumanie, dont les liens culturels et politiques avec la France sont très forts et dont le régime démocratique doit être conforté. Par ailleurs, Chypre ne pourra entrer dans l'Union si l'île reste divisée.

Pour lui, les projets de l'Union européenne sont marqués par la contradiction : elle s'engage dans une réforme institutionnelle limitée, tout en voulant approfondir l'intégration dans les domaines de la politique étrangère, de la défense et de la monnaie, et en lançant un vaste processus d'élargissement ! Enfin, en matière agricole, les producteurs européens sont soumis à des exigences sanitaires et à des contraintes qui ne s'imposent pas aux importations provenant des pays candidats.

Se déclarant très attachée au maintien du plafond des ressources propres de l'Union, fixé à 1,27 % du PNB communautaire, Mme Nicole Catala a exprimé sa perplexité devant les taux de croissance que connaîtraient les pays d'Europe centrale et orientale ces prochaines années, et relevé les différences de prévisions entre les experts. La situation pourrait donc être fort différente de ce que l'on envisage, alors qu'il importe de trouver un équilibre entre l'effort que pourront fournir ces pays et l'aide que pourra leur apporter l'Union européenne. Il sera fort difficile d'éviter les distorsions de concurrence liées à l'existence de normes sociales différentes, comme l'illustre l'exemple, cité par le rapporteur, de cette société de transport allemande faisant appel à des chauffeurs bulgares. Il lui paraît enfin indispensable que l'Assemblée nationale débatte en séance publique de la réforme institutionnelle, notamment des trois points laissés en suspens par le Traité d'Amsterdam, avant que la France ne formule sa position officielle.

M. Joseph Parrenin, jugeant insuffisante l'approche géographique et comptable de l'élargissement, a insisté sur la portée des exigences sociales, environnementales et sanitaires.

Partageant les réserves exprimées à l'égard de la Turquie, M. Maurice Ligot a estimé que l'Europe, confrontée à plusieurs défis, s'engageait dans une sorte de fuite en avant, alors qu'elle devrait s'en tenir à des critères reposant sur les valeurs communes et sur des considérations géopolitiques. Cette approche fut respectée lors de l'adhésion de la Grèce, de l'Espagne et du Portugal. L'ampleur des chantiers inachevés, qu'il s'agisse de la réforme des institutions, de la mise en place de la monnaie commune, de la défense ou de la politique extérieure, devrait conduire à une clarification des intentions de l'Union européenne. La Délégation devrait affirmer son opposition à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne - même si les gouvernements français ont constamment soutenu la solution inverse - et proposer de définir avec ce pays un autre cadre de relations.

M. Daniel Paul, ayant souligné l'opposition de tous les intervenants à la position de l'Exécutif à l'égard de la Turquie, a fait siennes les analyses qu'ils ont présentées, tant sur les valeurs communes et les autres critères, que sur le rôle joué par la Turquie comme tête de pont d'une puissance ayant des intérêts opposés à ceux de l'Union européenne. Il a estimé préférable de définir une coopération plus étroite entre l'Union européenne et les pays voisins, y compris avec la Turquie, dont il faut favoriser l'évolution vers la démocratie.

En réponse aux intervenants, M. Jean-Bernard Raimond a indiqué qu'il partageait les positions des précédents orateurs à l'égard de la candidature de la Turquie. Soulever la question de la reconnaissance du génocide arménien par la Turquie permettrait d'aborder tous problèmes posés sa candidature à l'Union européenne. S'interrogeant sur les raisons pour lesquelles la Turquie refusait de reconnaître le génocide des arméniens en 1915, il a regretté que le Gouvernement n'ait pas inscrit à l'ordre du jour du Sénat la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, selon laquelle la République reconnaît ce génocide.

Abordant l'examen des conclusions du Rapporteur, la Délégation a modifié le premier paragraphe à la demande de M. François Loncle et de M. Gérard Fuchs, avant de supprimer le second considérant relatif à la Turquie et de modifier le point 3, consacré à l'attitude de l'Union européenne à l'égard de la candidature de ce pays. M. Daniel Paul, auquel s'est associé M. Jacques Myard, a estimé nécessaire d'ajouter une référence aux valeurs communes aux Etats membres de l'Union, tandis que MM. François Loncle et Maurice Ligot ont exprimé leur opposition à la mention de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, seule devant être évoquée selon eux la candidature de ce pays. M. Maurice Ligot a en outre fait état des réserves que lui inspirait la formulation employée pour les relations avec l'Ukraine. La Délégation a adopté ce point dans une rédaction modifiée tenant compte de l'ensemble de ces observations.

Au point 4, relatif à la reconnaissance du génocide arménien par la Turquie, MM. Jacques Myard et François Guillaume, tout en reconnaissant la portée qu'il revêt, ont estimé inopportun de l'évoquer dans un texte sur l'élargissement de l'Union européenne. Après que MM. François Loncle, Joseph Parrenin et Gabriel Montcharmont se furent au contraire déclarés favorables à ce paragraphe, la Délégation l'a adopté.

Au point 7, relatif aux échanges agricoles, et dans lequel la Délégation demande une approche produit par produit, la Délégation a adopté un amendement de M. François Guillaume ajoutant les exigences en matière de sécurité alimentaire. Au point 8, relatif à la nécessité de maintenir les procédures anti-dumping, compte tenu du retard pris par certains pays candidats pour reconvertir leurs anciens secteurs industriels, la Délégation a adopté un amendement de M. Daniel Paul justifiant le maintien de ces procédures par le retard pris par ces pays pour rattraper les normes sociales européennes.

La Délégation a adopté sans modification le point 9, relatif à la participation des pays candidats à la politique de sécurité et de défense, malgré l'intervention de M. Jacques Myard et de Mme Nicole Catala, qui ont souhaité restreindre la participation de ces pays à la seule politique de sécurité commune. M. François Guillaume a exprimé quant à lui sa préférence pour une défense en commun.

Elle a pris la même décision au point 10, relatif à la subsidiarité, malgré une observation de Mme Nicole Catala suggérant que l'on insiste sur la nécessité de définir et de mettre en _uvre la subsidiarité, le texte du Rapporteur proposant quant à lui de rappeler que l'élargissement imposera à l'Union européenne de réorganiser son mécanisme de subsidiarité pour éviter une centralisation excessive.

A l'issue de ce débat, la Délégation a adopté les conclusions du rapport dans le texte suivant :

« La Délégation,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu les rapports présentés par la Commission, le 13 octobre 1999, sur l'évolution d'ensemble et les progrès différenciés réalisés par chacun des pays candidats à l'Union européenne, concernant la Bulgarie, Chypre, la République tchèque, l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie et la Turquie, ainsi que ses recommandations en vue de l'examen du processus d'élargissement par le Conseil européen d'Helsinki des 10 et 11 décembre 1999,

Considérant que les recommandations de la Commission prennent en compte les évolutions intervenues depuis les décisions prises par le Conseil européen de Luxembourg et tirent les leçons de l'expérience des premières négociations, mais qu'elles nécessitent certains éclaircissements ;

1. Approuve, d'une part, le principe d'un engagement de l'Union européenne en vue d'accomplir la réforme institutionnelle nécessaire à l'élargissement et d'être ainsi prête à décider d'une première adhésion à partir de 2002, et, d'autre part, l'application du principe de différenciation à l'ensemble des pays candidats dans la conduite des négociations ;

2. Approuve l'ouverture des négociations avec les pays candidats du deuxième groupe, mais observe que les deux autres pays candidats détenteurs de centrales nucléaires non adaptables ne sont pas soumis au même degré d'exigence que la Bulgarie, que les conditions économiques imposées à la Bulgarie et à la Roumanie sont superflues dès lors que l'Union européenne pourra décider de retarder l'ouverture des chapitres à négocier en cas d'impréparation des candidats, et que leur situation justifie le maintien d'une enveloppe financière supplémentaire au titre du rattrapage ;

3. Considère que l'examen de la reconnaissance du statut de candidat à la Turquie devrait conduire le Conseil européen d'Helsinki à examiner l'incidence de cette candidature sur les futurs contours de l'Union européenne et à réaffirmer les valeurs communes qui la fondent ;

4. Déclare que la reconnaissance du génocide arménien par la Turquie constituerait un acte symbolique de la plus haute portée politique pour exprimer la participation de ce pays aux valeurs communes européennes ;

5. Estime que la Conférence européenne pourrait être le cadre de discussions informelles avec tous les pays candidats sur la réforme institutionnelle de l'Union européenne et les questions de sécurité et de défense communes, avant son ouverture à des pays susceptibles d'être candidats ultérieurement à l'Union européenne ;

6. S'interroge sur la capacité de financement des pays candidats dans des domaines à investissements lourds justifiant des périodes de transition plus longues, après l'adhésion, et sur la nécessité de renforcer l'aide de l'Union pour éviter que des régimes transitoires trop longs ne faussent la concurrence sur le marché unique élargi ;

7. Rappelle que la libéralisation des échanges agricoles avec les pays candidats doit, conformément au mandat de négociation du volet commercial des accords européens défini par le Conseil, suivre une approche produit par produit avec une liste clairement délimitée de produits identifiés par les Etats membres, pour ne pas dériver vers une approche globale totalement inacceptable, et qu'elle doit également prendre en compte les exigences de sécurité sanitaire des produits alimentaires ;

8. Estime que l'abandon des procédures anti-dumping à l'encontre des produits industriels des pays candidats serait prématuré, compte tenu du retard pris par certains d'entre eux dans l'élaboration ou la mise en _uvre de stratégies de reconversion de secteurs industriels anciens et dans le rattrapage des normes sociales européennes ;

9. Souhaite que la nouvelle dimension de sécurité et de défense de la PESC assure à tous les membres actuels et futurs de l'Union européenne une même qualité de sécurité, tout en prenant en compte la diversité de leurs options, et que, dans le cadre d'une politique de défense commune, elle offre aux pays candidats la perspective d'une participation à la gestion des crises et, dans une étape ultérieure, à la défense mutuelle collective ;

10. Souligne que l'élargissement imposera à l'Union européenne une réorganisation profonde de son mécanisme de subsidiarité, pour éviter l'évolution d'un ensemble de cinq cent millions d'habitants vers une centralisation et une uniformisation excessives, et qu'il impliquera, lors de réformes institutionnelles ultérieures, la redéfinition du rôle du Parlement européen et des parlements nationaux. »

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II. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

La Délégation a examiné, sur le rapport de M. Gérard Fuchs, des textes relatifs respectivement aux questions budgétaires et financières, à des dérogations fiscales et aux relations extérieures, pour lesquels elle a levé la réserve d'examen.

Au titre des questions budgétaires et financières, M. Gérard Fuchs a présenté l'avant-projet de budget rectificatif et supplémentaire n°5/99 (document E 1267-4), sur lequel le Président Alain Barrau avait été saisi selon la procédure d'urgence. Ce texte prévoit, outre la création de quinze emplois à l'Office européen de lutte anti-fraude (OLAF), l'ouverture de crédits supplémentaires en faveur des actions extérieures en Europe de l'Est ; il gage ces mesures par des diminutions des crédits du FEOGA-Garantie correspondant aux évaluations de consommation des dotations budgétaires faites par la Commission.

La Délégation a examiné la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive de 1991 relative à la prévention de l'utilisation du système financier pour le blanchiment des capitaux (document E 1293). Ce texte élargit le champ des infractions englobées dans la notion de blanchiment, étend le champ d'application du dispositif à certaines activités et professions non financières et tend à développer la coopération entre les autorités nationales responsables de la lutte contre le blanchiment.

La proposition de règlement du Conseil relatif à l'application du protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs (document E 1310) a fait l'objet d'un nouvel examen, conformément à la décision prise par la Délégation le 4 novembre 1999. M. Gérard Fuchs a précisé que le changement de norme comptable résultant du nouveau système européen des comptes nationaux et régionaux n'entraînerait que des variations infimes dans l'évaluation des déficits publics.

La Délégation a ensuite examiné le projet de budget d'Europol pour 2000 (document E 1319), la proposition de décision-cadre du Conseil visant à combattre la fraude et la contrefaçon des moyens de paiement autres que les espèces (document E 1320) et le projet de lettre rectificative au budget 2000 (document E 1327), qui traduit en termes budgétaires la suppression du lien organique entre le comité des régions et le comité économique et social.

M. Gérard Fuchs a décrit à la Délégation le contexte dans lequel s'inscrit la lettre rectificative n° 4 à l'avant-projet de budget communautaire pour 2000, sur lequel le Président Alain Barrau a été saisi selon la procédure d'urgence (document E 1343). Lors de la discussion en première lecture du projet de budget pour 2000, le Parlement européen a décidé, à l'initiative de sa commission des budgets, de proposer une très forte augmentation des crédits relatifs aux actions extérieures (rubrique 4 du budget). Il estimait que cette décision, qui devait entraîner une révision du plafond de la rubrique 4 inscrit dans les perspectives financières annexées à l'accord interinstitutionnel de mai 1999, était le seul moyen de faire face aux besoins - évalués à 500 millions d'euros - de l'action de l'Union européenne au Kosovo. Les contre-propositions de la Commission, rassemblées dans le projet de lettre rectificative n°4, et qui incluaient une révision limitée des perspectives financières, ont été rejetées par le Conseil Budget des 25 et 26 novembre 1999. Le montant de l'aide européenne au Kosovo, fixé à 360 millions d'euros en 2000, représente à peu près la moitié du PNB de celui-ci ; on peut douter de sa capacité à l'absorber à court terme. Dans ces conditions, la révision des perspectives financières réclamée par le Parlement européen, et qui est sans précédent, n'est pas opportune.

M. François Loncle ayant demandé comment s'opéreraient les redéploiements de crédits prévus pour le financement de l'action au Kosovo, M. Gérard Fuchs a précisé que ceux-ci résultaient de mouvements internes à la rubrique 4 et a exprimé son soutien à la position du Gouvernement, qui s'oppose à toute révision des perspectives financières.

La Délégation a ensuite donné un avis favorable à quatre textes communautaires portant dérogation au régime européen des droits d'accises au profit, respectivement, de l'Italie (documents E 1322 et E 1325), de la France (document E 1323), et de l'Allemagne (document E 1324). M. Jacques Myard s'est élevé contre cette procédure de dérogation et contre le principe d'harmonisation fiscale. Se référant à l'exemple des Etats-Unis, où des différences fiscales importantes subsistent entre les Etats fédérés, il a estimé que les Etats membres de l'Union européenne devraient rester totalement libres de fixer au niveau qui leur convient les taux de leur fiscalité indirecte. M. Gérard Fuchs a rappelé que le droit communautaire n'imposait pas une harmonisation mais aménageait une fourchette de taux, règle normale dans le cadre d'un marché unique et qui présente l'avantage d'éviter une course à la baisse de la pression fiscale.

Abordant les textes portant sur les relations extérieures et du commerce extérieur, la Délégation a successivement examiné : les documents E 1317 et E 1338 relatifs au projet d'accord de pêche avec Sao Tomé, renouvelé pour les années 1999-2002 ; le document E 1326 portant sur des accords avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie relatifs à des contingents tarifaires pour certains vins ; les documents E 1328 (accord avec le Kazakhstan sur le commerce des produits sidérurgiques) et E 1332 (mesures restrictives à l'encontre des Taleban), sur lesquels le Président de la Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire à la suite d'un examen en urgence ; les documents E 1333 (projet de règlement du Conseil modifiant les contingents tarifaires à l'importation de morues congelées) et E 1337 (suspension du tarif douanier commun pour plusieurs produits de la pêche), correspondant aux besoins des industries de la transformation ; le document E 1339 (garantie communautaire aux prêts de la Banque européenne d'investissements destinés à la reconstruction de la Turquie après le séisme d'août 1999).

La Délégation enfin a examiné la proposition de directive du Conseil relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement (document E 823), qui fixe un cadre communautaire pour l'évaluation préalable des effets environnementaux de grands projets ; et la proposition de décision du Conseil portant sur l'amendement au protocole de Montréal, qui élargit la liste des substances considérées comme appauvrissant la couche d'ozone (document E 1291).

Dans le cadre de l'examen du projet de décision du Conseil relative à la demande de la Grande-Bretagne de participer à certaines dispositions de l'acquis de Schengen (document E 1321), M. Maurice Ligot, relevant le ralliement partiel du Royaume-Uni au dispositif Schengen, s'est interrogé sur la pertinence du traitement particulier dont cet Etat continue de bénéficier. M. Gérard Fuchs a vu dans la demande britannique qui donne lieu au projet de décision une illustration de l'habituel pragmatisme du Royaume-Uni. M. François Loncle, ayant rappelé la position initiale de ce pays à l'égard du système de Schengen, s'est réjoui de l'évolution de la position anglaise, qui illustre la réussite de ce système.

La Délégation a enfin approuvé la proposition de décision du Conseil portant interdiction de la somatropine bovine (document E 1342), ainsi que la proposition de règlement du Conseil relatif aux actions d'information dans le domaine de la politique agricole commune (document E 1344), qui modifie la base juridique des actions d'information sur la PAC.

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