DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 135

Réunion du jeudi 14 décembre 2000 à 9 heures

Présidence de M. Alain Barrau

I. Rapport d'information de M. François Guillaume sur la proposition de règlement du Conseil portant organisation des marchés dans le secteur du sucre (document E 1585). Adoption d'une proposition de résolution sur ce texte

Après avoir présenté les principes de fonctionnement de l'OCM Sucre (garantie de prix à l'intérieur de quotas de production, neutralité budgétaire, accès préférentiel au marché communautaire pour les pays ACP), M. François Guillaume a estimé que cette organisation de marché avait permis un approvisionnement régulier du marché, sans coût pour le budget communautaire et à un prix acceptable pour le consommateur, tout en apportant une contribution positive au développement des pays ACP.

Abordant la proposition de règlement présentée par la Commission, il a estimé que si ce texte permet de combler un vide juridique - puisque le cadre réglementaire existant n'est applicable que jusqu'au 1er juillet 2001 - il a pour inconvénient de prolonger pour deux ans seulement le cadre réglementaire existant. Par ailleurs, au lieu de reconduire dans son intégralité un système qui a fait ses preuves et qui n'a nul besoin d'être réformé, l'organisation de marché étant compatible avec les contraintes de l'OMC, adapté à l'élargissement et assuré de son financement sur la durée des perspectives financières découlant des accords de Berlin (2000-2006), la Commission propose de lui apporter des modifications substantielles aussi inutiles que dangereuses : une réduction de 115.000 tonnes des quotas de production, qui n'est pas nécessaire puisque les Etats membres ont déjà la possibilité d'ajuster de façon souple les quotas pour respecter les contraintes de l'OMC ; la suppression du système de péréquation des frais de stockage qui aurait pour effet de déstabiliser le mécanisme d'écoulement de la production ; la suppression d'un mécanisme utile d'indexation de l'aide au raffinage. Si la Commission n'entend proposer qu'en 2003 une réforme d'ensemble de l'OCM qu'après que des études approfondies aient été réalisées, son souci semble être clairement de libéraliser le système pour diminuer les prix d'intervention et accroître les possibilités de concurrence entre opérateurs. Contestant cette approche, le rapporteur a estimé qu'une baisse des prix garantis serait coûteuse sur le plan budgétaire et d'un effet nul sur la consommation. Quant au régime des quotas, il doit être maintenu car il est une réponse à la spécificité de ce secteur qui impose des investissements importants et exige une visibilité sur la durée du cycle de production.

M. Pierre Brana a souhaité obtenir des précisions sur la part respective de la betterave et de la canne à sucre dans la production de la France, ainsi que sur le classement mondial à l'exportation des principaux concurrents de l'Europe occidentale. Soulignant que le prix du sucre des PECO demeurait inférieur à celui de l'Europe, malgré une diminution importante de l'écart, il a demandé si cette situation ne s'expliquerait pas par le soutien accordé par les pouvoirs publics dans les PECO. Enfin, il s'est enquis des raisons pour lesquelles les Etats membres étaient si divisés sur le principe de la reconduction du régime actuel.

Le rapporteur a indiqué que si le prix du sucre des PECO était inférieur à celui de l'Union européenne, comme c'est le cas des autres produits agricoles, c'était notamment en raison du coût peu élevé de la main d'_uvre des PECO.

Il a rappelé que l'OCM Sucre prévoyait, comme les autres organisations de marché, une garantie de la préférence communautaire, afin de permettre le développement de la production tout en évitant des prix à la consommation élevés. La mise en place d'un tarif extérieur commun (TEC) et le système des restitutions ont permis de favoriser l'exportation de la production communautaire sur le marché mondial. S'agissant de la PAC, ces mécanismes ont bien fonctionné jusqu'au jour où, la production étant devenue excédentaire, les restitutions ont représenté une part importante dans le budget communautaire, ce qui a incité la Commission à en demander la révision.

Le Président Alain Barrau, tout en soulignant que la création de l'OCM Sucre avait répondu à une demande très forte exprimée par de puissants acteurs du système agricole, a estimé qu'il s'agissait d'un exemple intéressant de régulation économique.

Evoquant les différents enjeux de l'OCM Sucre, il a rappelé qu'elle revêtait une importance particulière pour la production de canne à sucre des DOM. Il a évoqué les distorsions de concurrence énormes entre les DOM et les pays voisins, producteurs de canne à sucre. Il a également souligné la nécessité pour l'Union européenne de trouver des alliés, face aux Etats-Unis, dans le cadre de la future négociation de l'Organisation mondiale du commerce. Or, la difficulté pour l'Union européenne est d'éviter qu'un accord avec les PMA soit interprété comme la volonté de l'Union de les aligner sur les Etats ACP. Le Président Alain Barrau a souhaité que la proposition de résolution contienne une disposition évoquant la situation des PMA.

M. François Guillaume a apporté les précisions suivantes :

- Les principaux exportateurs de sucre sur le marché mondial sont, dans l'ordre, le Brésil, la Thaïlande, l'Union européenne et l'Australie ;

- le sucre étant un produit périssable et faiblement consommé, ce marché fragile doit être encadré. Lorsque les ajustements sont nécessaires dans le secteur agricole, ils doivent être introduits de façon souple et progressive. L'organisation commune du marché du sucre doit être préservée parce qu'elle permet un approvisionnement régulier du marché dans des conditions compatibles avec les contraintes de l'OMC : elle n'est d'ailleurs guère contestée par les Etats-Unis qui ne sont pas un concurrent de l'Union européenne pour ce produit ;

- il convient d'envisager avec prudence l'ouverture de nos marchés aux PMA. En effet, si l'Union européenne permet à ces pays d'exporter libres de droits leurs produits sur le marché européen, les pays ACP « non PMA » seraient fondés à réclamer aux Quinze l'octroi d'une aide financière se substituant au régime d'accès préférentiel dont ils bénéficient actuellement. Par ailleurs, il ne faut pas exclure des risques de détournement de trafic, certains PMA pouvant être tentés d'importer du sucre sur le marché mondial pour le revendre sur le marché communautaire à un prix plus rémunérateur.

La Délégation a examiné ensuite la proposition de résolution du rapporteur. Sur proposition du Président, elle a complété son dispositif par un dernier point relatif à la nécessité de tenir compte dans la future négociation de la situation particulière des pays ACP exportateurs et de la volonté de l'Union européenne d'ouvrir les marchés mondiaux aux PMA.

La Délégation a ensuite décidé de déposer la proposition de résolution du rapporteur, ainsi modifiée :

« La Délégation,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de règlement du Conseil portant organisation des marchés dans le secteur du sucre (COM [2000] 604 final/E 1585),

Vu l'avis du Comité économique et social du 30 novembre 2000 en faveur d'une prorogation du règlement actuel jusqu'à l'échéance de 2006,

Considérant que l'Organisation commune de marché (OCM) du sucre permet un approvisionnement régulier du marché, sans coût pour le budget communautaire et dans des conditions de compatibilité avec les règles de l'OMC ;

Considérant que les pays Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP) - ainsi que l'Inde - bénéficient d'un accès préférentiel au marché communautaire qui doit être préservé ;

Considérant qu'une prorogation pour deux années seulement de l'OCM Sucre constituerait un facteur d'incertitude pour les professionnels ;

Considérant que la suppression du système de péréquation des frais de stockage affecterait le fonctionnement de l'OCM sans permettre pour autant de réaliser les économies escomptées sur le budget communautaire ;

Considérant la nécessité de respecter l'accord intervenu lors du Conseil européen de Berlin, qui a déterminé le cadre budgétaire de la PAC jusqu'en 2006 et prévu une clause de révision à mi-parcours limitée à quelques produits seulement (blé, oléagineux, lait).

Demande au Gouvernement :

- de s'opposer à la proposition de règlement portant organisation des marchés dans le secteur du sucre, dans le texte présenté par la Commission (document E 1585) ;

- d'obtenir la reconduction pour au moins cinq ans du régime actuel d'organisation du marché du sucre, y compris le maintien du système de péréquation des frais de stockage qui constitue un moyen efficace de réguler l'écoulement de la production ;

- de tenir compte, dans la future négociation, de la situation particulière des pays ACP et de la volonté de l'Union d'ouvrir les marchés mondiaux aux produits des pays les moins avancés (PMA). »

II. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

La Délégation a tout d'abord levé la réserve d'examen parlementaire sur les propositions de décisions du Conseil relatives à la signature et à l'application de deux accords sur le commerce de produits textiles entre la Communauté européenne et la République de Croatie d'une part (document E 1605), l'Ukraine d'autre part (document E 1610), le Président Alain Barrau ayant rappelé la nécessité d'organiser un débat au Parlement sur les accords commerciaux à l'occasion de l'entrée de la Chine à l'OMC. La Délégation a pris la même position sur la proposition de règlement du Conseil établissant certaines concessions sous forme de contingents tarifaires pour certains produits agricoles transformés et prévoyant l'adaptation autonome et transitoire de certaines concessions agricoles prévues dans l'accord européen avec la République de Pologne (document E 1609), le rapporteur ayant souligné les insuffisances de fond de cet accord mais également son intérêt politique.

Après que M. François Guillaume eut regretté l'impossibilité d'obtenir des dérogations fiscales sur certains produits comme les biocarburants, la Délégation a également levé la réserve d'examen parlementaire sur la proposition de décision du Conseil relative aux taux réduits et aux exonérations de droits d'accises sur certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques (document E 1603) et ainsi que sur la lettre de la Commission européenne relative à une demande de dérogation présentée par les Pays-Bas (document E 1604).

La Délégation a pris ensuite une position identique en faveur des propositions de décisions du Conseil concernant la signature et la conclusion d'accords entre la Communauté européenne et, d'une part le Gouvernement du Canada (document E 1593), d'autre part les Etats-Unis (document E 1594), renouvelant un programme de coopération dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la formation.

La Délégation a constaté que la proposition de règlement du Conseil modifiant l'annexe II du règlement CEE n° 2377/90 du Conseil, établissant une procédure communautaire pour la fixation de limites maximales de résidus de médicaments vétérinaires dans les aliments d'origine animale (document E 1519), avait été rejetée par le Conseil "marché intérieur" du 28 septembre 2000.

Elle a examiné la proposition de règlement du Conseil sur le brevet communautaire (document E 1539). Le Président Alain Barrau a tout d'abord rappelé que les brevets étaient actuellement accordés, soit sur une base nationale, soit par l'Office européen des brevets (OEB) de Munich qui délivre des brevets européens, l'efficacité économique et juridique du brevet européen étant cependant limitée par le fait qu'une fois délivré, il était assimilé à un brevet national. Il a souligné que la nécessité d'introduire la demande de brevet dans l'une des trois langues officielles de l'OEB renchérissait le coût du brevet européen et a observé qu'en cas de litige sur la contrefaçon d'un brevet européen, seuls les tribunaux nationaux étaient compétents. Après avoir indiqué que l'objet de la proposition de règlement était d'instituer un brevet communautaire valable sur tout le territoire communautaire, il a indiqué que la délivrance du brevet communautaire par l'OEB impliquait l'adhésion de la Communauté européenne à la convention de Munich et que l'institution d'un « tribunal communautaire de propriété intellectuelle » nécessitait une révision du traité instituant la Communauté européenne.

Ayant souligné que le Conseil européen de Nice avait permis de réviser en ce sens le traité instituant la Communauté européenne; le Président Alain Barrau a rappelé que les réserves des Etats membres sur la proposition de règlement portaient essentiellement sur les aspects linguistiques et sur le mécanisme juridictionnel proposé par la Commission européenne mais qui n'a pas été retenu par les négociateurs de la CIG. Après s'être félicité de voir aboutir presque trente ans de négociations sur la notion de brevet communautaire, il a proposé à la Délégation de lever la réserve d'examen parlementaire sur le document E 1539, ce qu'elle a accepté.

Enfin, la Délégation a décidé de lever la réserve d'examen parlementaire sur la proposition de règlement du Conseil relatif à des actions d'information et de promotion en faveur des produits agricoles sur la marché intérieur (document E 1567).