DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 139

Réunion du mercredi 7 février à 9 heures

Présidence de M. Alain Barrau

I. Communication de M. Camille Darsières sur les régions ultrapériphériques

Après avoir indiqué que l'Union européenne avait reconnu la spécificité de sept régions dites ultrapériphériques (les quatre départements français d'outre-mer, les Canaries; les Açores et Madère), le rapporteur a souligné que la problématique de ces régions dépassait le cadre de leur retard de développement économique et social et qu'elle constituait un défi politique, parce que ces régions avaient choisi de faire partie de l'Union. Il a fait observer que la reconnaissance des régions ultrapériphériques reposait sur des critères géographiques et socio-économiques défavorables, au premier rang desquels un contexte naturel marqué par l'insularité, l'éloignement du continent européen et une taille réduite des territoires ainsi que des handicaps économiques structurels, qui expliquent que leur PIB atteigne seulement 59 % du PIB moyen de l'Union européenne en 1999.

Si les relations entre la Communauté et les régions ultrapériphériques ont été à l'origine marquées par la méfiance, plusieurs phénomènes ont contribué au développement du dialogue entre les régions d'outre-mer et l'Europe ; l'arrêt Hansen de la Cour de justice des Communautés européennes du 10 octobre 1978 a rappelé que toutes les dispositions du traité s'appliquaient aux départements d'outre-mer ; de même, les lois de décentralisation ont permis à leurs exécutifs d'exposer directement à la Commission les spécificités de leurs collectivités. Enfin, la particularité institutionnelle des communautés espagnole et portugaise a conduit à introduire dans le traité des dispositions dérogatoires au titre du statut de cohésion. L'intégration des régions ultrapériphériques s'est ainsi faite de manière progressive, sur la base de l'article 227 § 2 du traité de Rome, mais la nécessité de disposer d'une base juridique propre a conduit à la déclaration n° 26 annexée au traité de Maastricht, puis à l'introduction dans le traité d'Amsterdam d'un article 299 § 2, qui reconnaît la notion d'ultrapériphérie, étend les possibilités de dérogations à l'ensemble des régions ultrapériphériques et prévoit que les décisions de dérogations seront prises par le Conseil à la majorité qualifiée après consultation du Parlement européen.

La politique de la Commission s'est développée selon deux axes, une action marquante des fonds structurels et une adaptation des politiques communautaires à travers des programmes d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité dits « POSEI » (en 1989 POSEIDOM pour les DOM en 1991 POSEICAN pour les Canaries, et POSEIMA pour les Açores et Madère).

M. Camille Darsières a souligné que les ressources attribuées aux actions structurelles avaient atteint un niveau élevé (sur dix ans près de 7,272 milliards d'euros), que l'adaptation des politiques communautaires avait concerné de manière préférentielle la politique agricole, notamment au travers des régimes spécifiques d'approvisionnement (RSA), qui ont pour but de pallier les surcoûts d'approvisionnement liés à l'éloignement, et d'aides spécifiques aux productions agricoles locales. Il a précisé que l'importance de ces deux types de mesures (respectivement 40 % et 60 %) se reflétait dans leur poids relatif dans les dépenses totales des POSEI. Rappelant que les mesures communautaires avaient également concerné le secteur de la pêche ainsi que des dérogations fiscales et douanières, il a remarqué que le bilan d'ensemble de ces mesures faisait ressortir une application sélective et incomplète, et qu'il était quelquefois difficile de déterminer la part qui revenait à l'action européenne et celle qui découlait des efforts nationaux.

Il a ensuite souligné que la mise en _uvre de l'article 299 § 2 du traité faisait l'objet, depuis dix-huit mois, d'une stratégie plus active de la Commission sous impulsion politique à la suite des Conseils de Cologne (juin 1999) et de Feira (juin 2000) ce qui avait permis à la Commission de présenter un rapport le 14 mai 2000 et un plan d'action le 29 novembre dernier afin d'améliorer les aides de l'Union aux sept régions ultrapériphériques. Le dialogue, qui s'est instauré entre Etats membres et Commission, n'a pas repris toutes les demandes formulées par les Etats dans leurs mémorandums mais a permis de proposer trois adaptations majeures concernant les plafonds établis pour la participation des fonds structurels, ceux fixés dans le soutien au développement rural pour les investissements dans les exploitations agricoles ainsi que le soutien accordé au développement des forêts, enfin certains taux d'intervention de l'instrument financier d'orientation de la pêche (IFOP).

Les adaptations envisagées nécessitant de modifier, dans une première étape, au moins neuf règlements du Conseil, le rapporteur a alors présenté le calendrier prévisionnel de la Commission et a émis des doutes pour la possibilité, pour la présidence suédoise, de clore ce dossier au sommet de Göteborg.

Au-delà de la satisfaction de voir prises en compte les recommandations des Etats membres, et plus particulièrement de la France en faveur des DOM, il a ensuite fait part de certaines de ses interrogations qui portent sur le montant des enveloppes budgétaires, sur la continuité entre les régimes et la date de mise en application des dispositifs plus avantageux, sur la modernisation des flottilles de pêche artisanales dans les DOM et sur la définition de deux notions, l'une relevant des Etats et relative aux petites exploitations agricoles, l'autre relevant de la Commission et intéressant les PME-PMI. Il a indiqué que le choix du 1er janvier 2001 pour la mise en application des nouvelles mesures pourrait constituer une solution de compromis.

Il a terminé sa présentation en exprimant une dernière préoccupation relative à la lecture de l'article 299 § 2 qui n'est pas identique pour les différents acteurs, les régions ultrapériphériques considérant que le nouveau dispositif constitue un outil d'ouverture automatique à des dérogations, alors que la Commission européenne préfère réserver son intervention sur la base de cet article lors de l'adoption de dispositions originales et fonder les mesures sur d'autres références juridiques, comme l'article 161 relatif aux fonds structurels ou l'article 37 sur les mesures agricoles. Les conséquences d'une telle divergence ne doivent pas être négligées en matière de procédure, puisque les décisions sur la base de l'article 299 § 2 se font à la majorité qualifiée après avis du Parlement européen, alors que celles relevant de l'article 161 par exemple nécessitent l'unanimité du Conseil et l'avis conforme du Parlement européen.

En conclusion, le rapporteur s'est félicité de l'existence d'une référence juridique solide pour la mise en _uvre de telles mesures et a invité la Délégation à lever la réserve parlementaire sur les premiers projets de règlements présentés compte tenu de leur intérêt (document E 1631), ce qu'elle a fait.

Le Président Alain Barrau a remercié M. Camille Darsières pour son rapport, qui traite d'un sujet trop méconnu alors qu'il concerne pourtant beaucoup de citoyens français. Il a souhaité qu'il poursuive son travail, notamment sur l'application de l'article 299 § 2. Rappelant qu'il avait proposé, dans son propre rapport sur la politique régionale européenne, un fonds spécifique substantiel en faveur des régions ultrapériphériques, il a interrogé le rapporteur sur le régime applicable aux DOCUP (documents uniques de programmation pour l'application des fonds structurels) dans les années à venir.

M. Camille Darsières a répondu qu'un financement était prévu à cet égard. Cependant les mesures nouvelles devant être adoptées d'ici la fin de la présidence suédoise et le précédent régime de DOCUP s'achevant à la fin de 1999, se pose la question de savoir si le nouveau dispositif, plus avantageux, sera applicable rétroactivement à partir du 1er janvier 2000 ou au 1er janvier 2001. Il a rappelé que ce dispositif donnait lieu à de multiples négociations, notamment avec les DOM, les Etats membres et les institutions communautaires.

M. Pierre Brana a partagé la préoccupation du rapporteur concernant l'application de l'article 299 § 2. On risque, selon lui, d'aboutir à une situation paradoxale, dans laquelle cette disposition - reposant sur un vote à la majorité qualifiée - permettrait de prendre de nombreuses mesures, mais serait peu employée, tandis que l'article 161 relatif aux fonds structurels serait plus couramment appliqué, mais conduirait probablement à des blocages en raison du vote à l'unanimité qu'il requiert.

M. Camille Darsières a estimé qu'une solution de compromis pourrait consister à se fonder sur l'article 299 § 2 jusqu'à ce que le PIB des régions concernées ait atteint 75 % du PIB moyen communautaire.

M. Pierre Brana a ensuite exprimé son étonnement de constater que l'aide communautaire par habitant ait été supérieure d'environ un tiers à la moyenne des régions classées dans l'objectif 1 et qu'elle ait dépassé la moyenne des régions bénéficiaires de 20 % pour les Canaries et les DOM, et de 100 % pour les Açores et Madère. Il s'est également déclaré surpris, eu égard aux travaux réalisés en matière d'énergie solaire, qu'une agence régionale de l'énergie ait été créée seulement en Guadeloupe, mais pas en Martinique ou à la Réunion.

M. François Guillaume a rappelé que le maintien des aides attribuées aux régions ultrapériphériques imposait un combat permanent, notamment de la France, pour convaincre la plupart des Etats européens, en particulier ceux qui ne sont pas concernés directement par les problèmes auxquels ces régions sont confrontées. En effet, certaines aides, comme l'octroi de mer, pourraient être remises en cause. Par ailleurs, plusieurs problèmes demeurent, tels que les conditions des échanges à l'intérieur des Caraïbes, notamment celles relatives à l'accès aux marchés, qui sont préjudiciables aux DOM. De même, s'agissant de la banane, les Etats-Unis cherchent-ils à élargir le contingent d'exportations de bananes produites par les Etats d'Amérique centrale et d'Amérique latine. Le protocole sucre pourrait également évoluer en faveur des Etats tiers. Il est donc souhaitable de défendre une position d'ensemble cohérente sur ces questions, en soulignant la nécessité d'aider ces régions qui sont parmi les plus pauvres d'Europe. Il convient en même temps que ces aides servent moins à compenser leurs pertes commerciales qu'à renforcer leurs structures de production et de commercialisation pour leur permettre de mieux affronter la compétition internationale.

M. Camille Darsières a, concernant l'observation de M. Pierre Brana au sujet de l'absence d'agence régionale de l'énergie à la Martinique et à la Réunion, regretté un certain manque de dynamisme des acteurs politiques et économiques de l'outre-mer dans ce domaine. S'agissant de l'octroi de mer, il a rappelé que si les régions étaient libres d'en fixer le taux, celui-ci ne pouvait, selon la réglementation communautaire, dépasser certains maxima. Il a souligné que, depuis la réforme de 1992, les communes des DOM avaient subi une diminution de leurs ressources, dont il serait souhaitable que le ministère de l'économie les aide à calculer le montant. Il a indiqué que, si certains peuvent considérer l'octroi de mer comme une mesure protectionniste, il constitue une importante ressource pour les communes, pouvant aller jusqu'à constituer 90 % de leur budget. Cet impôt, loin de nuire à l'Europe, est donc un moyen important de développement de ses régions ultrapériphériques.

Au sujet du commerce à l'intérieur des Caraïbes, le problème clé est celui de la non-réciprocité des dispositions applicables entre les DOM et les Etats tiers, ACP notamment. Ainsi les DOM doivent-ils importer sans droits de douane des marchandises de Sainte Lucie par exemple, alors qu'il n'en est pas de même en sens inverse. Il a rappelé que lorsqu'un des Etats de la zone Caraïbe ne souhaitait pas importer un produit, il avait la faculté de l'inscrire sur une « negative list » . Ainsi, la situation d'ensemble dans les Caraïbes est-elle marquée par un faible degré de coopération économique.

Enfin, la question de la banane étant au c_ur des négociations de l'OMC, il a souligné l'écart important entre les salaires et la protection sociale européens et ceux prévalant dans les Etats tiers, qui avantage considérablement ces derniers. En outre, les frais de transport des exportations de ces Etats sont moins élevés dans la mesure où ils portent sur des volumes plus importants. M. Camille Darsières s'est félicité que la France et l'Union européenne, plus généralement, n'aient cessé de soulever ce problème au sein de la communauté internationale. Cette difficulté impose, à ses yeux, de mieux lier les règles économiques et les principes de droit social au sein de l'OMC et justifie que la charte sociale européenne soit opposable aux Etats tiers.

A l'issue du débat, la Délégation a confié à M. Camille Darsières le soin de suivre l'évolution des discussions communautaires sur ce sujet et de lui en rendre compte ultérieurement.

II. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

La Délégation a examiné, sur le rapport de M. Alain Barrau, Président, plusieurs textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution.

¬ Commerce extérieur

_ Elle a d'abord examiné la proposition de décision du Conseil relative à la signature d'un accord textile entre la Communauté européenne et le Sri Lanka (document E 1634).

Le Conseil a adopté, le 9 novembre 2000, un mandat autorisant la Commission à entamer des négociations bilatérales avec certains membres de l'OMC pour la conclusion d'accords textiles.

En vertu de l'accord, le Sri Lanka doit consolider ses droits à l'importation sur les produits textiles et d'habillement à l'OMC aux taux que l'Union européenne juge appropriés pour un pays en développement. La Communauté européenne, quant à elle, doit suspendre divers quotas à l'encontre du Sri Lanka.

La suspension des quotas aura lieu après que le Sri Lanka ait notifié ses tarifs sur les exportations textiles communautaires à l'OMC. La Commission pourra rétablir par ailleurs ces quotas si le Sri Lanka n'a pas respecté ses engagements tarifaires.

La Délégation sur proposition du rapporteur, a décidé de lever la réserve d'examen parlementaire sur ce texte.

La Délégation a ensuite levé la réserve d'examen parlementaire sur :

_ la proposition de règlement adoptant des mesures autonomes et transitoires concernant l'importation de certains produits agricoles transformés originaires de Pologne (document E 1640) ;

_ la proposition de règlement portant reconduction, en 2001, des mesures prévues au règlement établissant certaines concessions sous forme de contingents tarifaires communautaires en 1999 pour certains produits agricoles transformés originaires de Norvège (document E 1644).

Cette proposition de règlement tend à reconduire pour l'année 2001 les contingents tarifaires applicables depuis 1995 aux échanges agricoles avec la Norvège.

_ Puis, la Délégation a examiné la proposition de décision relative à la signature et à l'application provisoire de l'accord sur le commerce des produits textiles entre la Communauté européenne et la Bosnie-Herzégovine (document E 1645).

L'accord paraphé le 24 novembre 2000 vise à libéraliser le commerce de produits textiles entre la Communauté européenne et la Bosnie. Il sera applicable dès le 1er mars 2001 et jusqu'au 31 décembre 2003.

Cet accord institue un système de sauvegarde au profit de la Communauté européenne, qui s'applique dès lors que l'afflux des importations de produits textiles en provenance de Bosnie non soumis à des limites quantitatives menace de déstabiliser le marché communautaire. Si les consultations préalablement ouvertes avec la Bosnie n'ont pas permis de dégager une solution satisfaisante pour les deux parties, le mécanisme de sauvegarde permet à la Communauté d'appliquer pendant un an des limites quantitatives aux importations en provenance de Bosnie.

M. Pierre Brana a espéré que la rivalité économique qui existait entre la République serbe de Bosnie et la Bosnie-Herzégovine ne se traduise pas, lors de l'application de l'accord textile, par des tensions politiques. Si des restrictions quantitatives devaient être imposées aux exportations de Bosnie, il serait souhaitable qu'elles s'appliquent aux exportations des deux entités.

La Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire sur le document E 1645.

¬ Justice et affaires intérieures

_ Elle a ensuite examiné la proposition d'extension du mandat d'Europol à la lutte contre la cybercriminalité (document E 1596). Ce texte s'inscrit dans le droit fil des conclusions du Conseil européen de Tampere. Il constitue une extension du mandat d'Europol, à l'image de ce qui a été entrepris pour le terrorisme, le trafic des êtres humains, la lutte contre le faux monnayage et la falsification des moyens de paiements. Cette extension du mandat d'Europol à la criminalité informatique doit être réalisée par une décision du Conseil prise à l'unanimité. Cependant, cet élargissement du champ des compétences d'Europol ne faisant pas l'unanimité et posant, de plus, le problème des compétences de cet organisme. La Délégation sur proposition de M. Alain Barrau a exprimé son soutien à la position des autorités françaises puis décidé de lever la réserve d'examen parlementaire sur ce texte.

_ La Délégation a examiné la proposition de directive du Conseil relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres (document E 1611).

Ce document traduit une préoccupation du Conseil européen de Tampere qui appelait de ses v_ux des normes communes pour une procédure d'asile équitable et efficace. Les normes communes proposées ont pour objet de limiter les mouvements secondaires de demandeurs d'asile résultant de disparités de procédure entre les Etats membres, en définissant à la fois des règles et des procédures communes. A cet effet, la proposition définit pour l'essentiel deux notions : celle de la demande d'asile irrecevable et celle de la demande d'asile manifestement infondée. Pour étayer ces définitions, il est prévu de s'appuyer notamment sur les critères des pays tiers sûr (demande irrecevable) et de pays d'origine sûr (demande manifestement infondée). La procédure commune définit les conditions de dépôt de la demande, les délais dans lesquels l'autorité compétente doit statuer et les recours possibles.

La discussion de cette proposition, qui ne se situe qu'au début du processus de la négociation communautaire a fait apparaître des clivages entre les délégations, qui reprochaient au dispositif son caractère trop détaillé et ceux qui revendiquaient davantage de détails. Au-delà, ses dispositions soulèvent deux difficultés : elles tendent à confondre droit d'asile et statut de réfugié, qui relèvent de deux logiques différentes, le droit d'asile se rattachant à l'admission au séjour alors que le statut de réfugié a un caractère récognitif lié aux critères de la Convention de Genève.

Le Président Alain Barrau a rappelé que cette question constituait un sujet sensible pour les pays candidats, notamment la Roumanie et la Bulgarie. Mme Nicole Feidt a évoqué, pour sa part, le problème de la Hongrie dont 300 000 ressortissants vivent à l'étranger. Le Président Alain Barrau a alors exprimé son accord avec le souhait manifesté par Mme Nicole Feidt de travailler de manière plus approfondie le thème de la politique européenne de l'asile et des réfugiés et son lien avec l'élargissement. La Délégation a en conséquence décidé, de maintenir la réserve d'examen parlementaire sur le document E 1611.

_ La Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire sur la communication de la Commission relative à la prévention de la criminalité dans l'Union européenne et sur la proposition de décision du Conseil établissant un programme d'encouragement, d'échanges, de formation et de coopération dans le domaine de la prévention de la criminalité (Hippokrates) (document E 1632).

_ La Délégation a également levé la réserve d'examen parlementaire sur l'initiative des gouvernements de la République française, du Royaume-Uni et du Royaume de Belgique visant à faire adopter par le Conseil une décision-cadre relative à l'exécution dans l'Union européenne des décisions de gel des avoirs ou des preuves (document E 1633). Cette initiative, concrétisant une des conclusions du Conseil européen de Tampere, vise notamment à empêcher la déperdition de preuves se trouvant sur le territoire d'un autre Etat membre et à permettre la confiscation ou la restitution des avoirs à la victime d'une infraction pénale.

¬ Marché intérieur

La Délégation a décidé de lever la réserve d'examen parlementaire sur quatre textes :

La proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la sécurité générale des produits (document E 1457) : le rapporteur a indiqué que l'article 16 de la directive du Conseil du 29 juin 1992 relative à la sécurité générale des produits a prévu que le Conseil statuerait sur son éventuelle adaptation dans un délai de quatre ans suivant son entrée en vigueur et sur la base d'un rapport de la Commission relatif à l'expérience acquise dans le domaine concerné. La Commission estime que, bien que l'approche générale de la directive se soit révélée appropriée et ne nécessite pas de profonde révision, ses objectifs n'ont pas tous été atteints en raison d'un manque de clarté ou de lacunes de certaines de ses dispositions. C'est pourquoi cette proposition préconise diverses modifications. Elles touchent au champ d'application de la directive, en vue d'instaurer des règles plus claires propres à garantir que des produits sûrs soient mis sur le marché. La révision se caractérise essentiellement par l'introduction d'une plus grande transparence, d'une surveillance plus active des marchés et de règles simplifiées permettant d'intervenir rapidement pour retirer les produits dangereux du marché. Elle prohibe l'exportation des produits interdits dans l'Union européenne vers les pays tiers. La directive renforce en outre le fonctionnement du système d'alerte rapide de l'Union européenne. La discussion de ce texte faisait partie des priorités de la présidence française. A ce titre, le Conseil « Marché intérieur » du 30 novembre 2000 a conclu un accord politique à l'unanimité. La présidence suédoise souhaite qu'il soit définitivement adopté au mois de juin. Le rapporteur a estimé que cette proposition contribuerait à répondre à la demande croissante de sécurité sanitaire des citoyens français et européens.

La proposition de directive sur l'intermédiation en assurance (document E 1592) qui vise à garantir que toute personne physique ou morale, qui accède à l'activité d'intermédiation en assurance ou en réassurance ou qui exerce cette activité, soit immatriculée sur la base d'exigences professionnelles minimales. Le rapporteur a rappelé que cette proposition avait été examinée par la Délégation le 11 janvier dernier, celle-ci ayant souhaité reporter sa décision sur ce texte, dans l'attente d'informations complémentaires sur son champ d'application ainsi que sur ses dispositions relatives à la capacité financière des intermédiaires d'assurance. Le champ d'application de la proposition de directive est défini à l'article 2. Les différentes catégories d'intermédiaires concernées sont les courtiers et les agents, ces derniers étant les mandataires de l'entreprise d'assurance. Les salariés des entreprises d'assurance sont en revanche exclus du champ d'application de la directive. Le Gouvernement français souhaite soumettre les démarcheurs à domicile salariés d'une entreprise d'assurance aux conditions de compétence et d'honorabilité posées par le texte de la Commission. Par ailleurs, la proposition de directive oblige les Etats membres à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les clients contre l'incapacité éventuelle de l'intermédiaire d'assurance à transférer la prime à l'entreprise d'assurance ou son incapacité à transférer le montant de l'indemnisation aux assurés. La proposition de directive fixe dans ce cadre un montant minimum pour la capacité financière que doit posséder l'intermédiaire équivalent à 15 000 euros. Le Gouvernement français considère que le montant minimum de 15 000 euros fixé est trop faible et est favorable à un montant de l'ordre de 750 000 francs, qui correspond à la capacité financière actuellement exigée pour les courtiers par le Code des assurances.

Les propositions de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l'exigence de marge de solvabilité des entreprises d'assurance-vie (documents E 1597 et E 1606) : le rapporteur a souligné que ces deux propositions de directive visaient à actualiser les exigences de marge de solvabilité pour les entreprises d'assurance, posées par des directives de 1973 et 1979. Les exigences actuelles de marge de solvabilité doivent être renforcées pour tenir compte de l'inflation des sinistres et des règlements. La Commission propose en outre de doter les autorités de surveillance de pouvoirs d'intervention précoces pour remédier à la détérioration financière des entreprises d'assurance, lorsqu'elles jugent que les droits des assurés sont menacés.

Mme Béatrice Marre s'est inquiétée des effets du relèvement des plafonds sur la concentration des entreprises dans ce secteur. Tout en adhérant à cette observation, le rapporteur a estimé que ce relèvement était dicté par un souci de protection des intérêts des assurés.

¬ PESC et relations extérieures

La Délégation a examiné la proposition de décision du Conseil relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté européenne (document E 1619) : le rapporteur a rappelé que les articles 182 et 187 du traité instituant la Communauté européenne étaient consacrés à l'association des pays et territoire d'outre-mer. Vingt pays et territoires d'Outre-mer (PTOM), liés à quatre Etats membres, le Royaume-Uni, la France, les Pays-Bas et le Danemark, sont actuellement associés à la Communauté européenne. La décision d'association en vigueur date du 25 juillet 1991. Elle comporte un volet commercial, financier et humain destiné à assurer le développement économique et social de la population des PTOM. Sa réforme est prévue par une déclaration concernant les pays et territoires d'Outre-mer annexée au traité d'Amsterdam de 1997, qui invite le Conseil à réexaminer le régime d'association d'ici à février 2000. Force est de constater, cependant, que la réforme du régime d'association n'est toujours pas à l'ordre du jour. En effet, cette réforme a été ajournée deux fois. D'abord, la Commission n'a pas été en mesure de présenter en temps voulu une proposition de décision pour remplacer la décision d'association de 1991 qui devait expirer le 28 février 2000. La décision d'association a donc été prorogée pour un an le 25 février 2000. Ensuite, si la Commission a présenté une proposition de décision d'association le 15 novembre 2000 pour la période 2001-2007, c'est un Etat membre cette fois-ci - les Pays-Bas - qui bloque le processus en opposant son veto à l'adoption du texte.

Les Pays-Bas ont rejeté le volet de la proposition de décision concernant le cumul des règles d'origine des produits des PTOM, qui visait à mettre fin à certaines pratiques des PTOM néerlandais, notamment en ce qui concerne le sucre. La proposition de décision d'association prévoyant d'interdire le cumul d'origine ACP/PTOM et CE/PTOM pour le sucre, les Pays Bas ont opposé leur veto.

Ils ont également rejeté le volet financier de la proposition de décision, qui prévoyait d'attribuer en priorité les crédits aux PTOM les plus pauvres et les plus peuplés et qui ne leur était pas favorable. La France était, quant à elle, favorable à un système d'aide fondé sur le critère du PNB par habitant. Toutefois, elle a exprimé des réserves à l'égard des règles retenues par la Commission pour calculer l'enveloppe affectée à chaque groupe de PTOM, considérant que la répartition avait due être faite en fonction de la population des territoires concernés. En raison du blocage des Pays-Bas, la présidence suédoise a annoncé qu'elle présenterait une proposition visant à proroger la décision de 1991 jusqu'au 31 décembre 2001. Déplorant cette succession de prorogations du régime d'association dont la réforme est très attendue par les PTOM, le rapporteur a estimé nécessaire de demander aux Etats membres concernés de faire preuve de l'esprit de compromis nécessaire pour adopter une nouvelle décision d'association des PTOM avant la fin de l'année 2001.

S'associant aux propos du rapporteur, Mme Béatrice Marre a fait valoir en outre que l'examen de ce dossier ne pouvait faire l'économie d'une réflexion sur les paradis fiscaux.

La Délégation a ensuite levé la réserve d'examen parlementaire sur cette proposition de décision et sur les cinq textes suivants :

Le protocole à l'accord d'association avec la Hongrie sur la conformité et l'acceptation de produits industriels (document E 1628) : le rapporteur a précisé que le protocole additionnel à l'accord européen sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels (PECA) avait pour principal objectif de faciliter les échanges, grâce à l'élimination des obstacles techniques au commerce des produits industriels des secteurs dans lesquels le pays candidat a aligné sa législation sur l'acquis communautaire. Grâce à l'alignement des réglementations et procédures hongroises relatives à la sécurité des produits sur celles de la Communauté dans les secteurs couverts par le PECA, les produits industriels pourront être exportés vers la Hongrie après certification par des organismes d'évaluation communautaires sans devoir faire l'objet de procédures d'approbation supplémentaires en Hongrie, et vice-versa. En évitant de faire certifier deux fois le même produit, le protocole permettra de réaliser des économies et de stimuler les exportations. Ce document a recueilli l'accord de l'ensemble des Etats membres en groupe d'experts et devrait faire l'objet d'une prochaine décision du Conseil.

Le protocole d'accord d'association avec la République tchèque sur la conformité et l'acceptation des produits industriels (document E 1629) : le rapporteur a indiqué que ce document était identique à celui négocié avec la Hongrie, à certaines différences près concernant notamment les secteurs couverts.

M. Pierre Brana s'est demandé pourquoi le projet pilote de l'OCDE concernant l'examen des programmes nationaux de vérification du respect des bonnes pratiques de laboratoire n'avait pas reçu d'application en République tchèque.

M. Maurice Ligot a estimé que cette différence de traitement pouvait peut-être s'expliquer par le caractère plus avancé de l'industrie tchèque par rapport à celle de la Hongrie.

Tout en déclarant partager les interrogations de M. Pierre Brana, Mme Nicole Feidt est intervenue pour souligner que l'industrie hongroise était actuellement confrontée à des difficultés liées aux conditions de fixation du prix du gaz, celle-ci étant du ressort exclusif des pouvoirs publics.

Des mesures restrictives supplémentaires à l'encontre des Taliban (documents E 1636 et E 1646) : le rapporteur a indiqué aux membres de la Délégation que le projet de position commune du Conseil contenu dans le document E 1636 concernant des mesures restrictives supplémentaires à l'encontre des Taliban avait fait l'objet d'une demande d'examen en urgence du ministre, le 18 janvier 2001, et d'une réponse de sa part. Ce texte, adopté par le Conseil le 22 janvier 2001, a pour objet d'appliquer la résolution (n° 1333) du Conseil de sécurité des Nations unies, adoptée le 19 décembre 2000, qui prévoit des mesures restrictives supplémentaires pour que les Taliban se conforment à la résolution (n° 1267) du Conseil de sécurité, adoptée le 15 octobre 1999. De son côté, la proposition de règlement du Conseil met en _uvre dans l'ordre communautaire relevant du premier pilier les sanctions décidées dans le cadre de la PESC. En dépit d'un accord général des Etats membres sur l'objectif poursuivi, la France, l'Allemagne, l'Italie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont néanmoins reproché à la Commission de tenter d'établir un régime autonome de sanctions ne se conformant pas strictement à la résolution 1333, soit en omettant des exemptions, soit en ajoutant des procédures. La Présidence lui a demandé de présenter un nouveau texte, afin de parvenir à une adoption par procédure écrite à la mi-février ou par le Conseil « Affaires générales » à la fin du mois.

· Une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux actions dans le domaine de l'aide aux populations déracinées dans les pays en développement d'Amérique latine et d'Asie (document E 1641) : le rapporteur a souligné que l'aide à ces populations concernait les personnes réfugiées, déplacées et rapatriées ainsi que les anciens combattants démobilisés et s'efforçait de créer les meilleures conditions possibles d'insertion ou de réinsertion. Le règlement du 3 mars 1997, qui a régi ces actions de 1997 à 1999 et a été prorogé d'un an, est venu à expiration le 31 décembre 2000. La proposition de règlement a pour objet de prolonger ce type d'aide au-delà de cette échéance, pour une durée indéterminée. Ce texte ne rencontre aucune opposition de principe et devrait être examiné au printemps par le Parlement européen et le Conseil.

¬ questions budgétaires

La Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire sur l'avant-projet de budget rectificatif et supplémentaire n° 1/2001 (document E 1652). Le rapporteur a présenté ce document qui a trait au financement, en 2001, des mesures de lutte contre l'épidémie d'ESB arrêtées au Conseil « Agriculture » du 4 décembre 2000. Une ouverture brute de crédits de 971 millions d'euros est prévue, se décomposant en :

- 700 millions d'euros pour le régime de destruction des bovins âgés de plus de trente mois, non testés, et destinés à l'abattage, applicable en l'état pendant le premier semestre de 2001 ;

- 33 millions d'euros au titre de l'anticipation, du 1er juillet au 1er janvier 2001, de l'entrée en vigueur de l'obligation de tester tout le bétail âgé de plus de trente mois destiné à la consommation humaine ;

- 238 millions d'euros correspondant à l'application, accrue en raison de la chute des cours de la viande bovine, des mécanismes d'intervention publique prévue par l'organisation commune de marché.

La Commission estime que la dépense réelle nette pourra en fait être réduite à 726 millions d'euros, grâce à des économies de constatation sur d'autres dépenses agricoles. La lecture de l'avant-projet de budget montre que les évaluations chiffrées sur lesquelles il repose correspondent à des hypothèses d'évolution du marché très largement invérifiables. Par ailleurs le chiffrage des économies de constatation repose en partie sur le calcul de la parité euro-dollar prévu par le nouveau règlement de discipline budgétaire, qui n'a pas encore enregistré le relatif redressement de la monnaie unique. Le rapporteur a estimé que les mesures dont le financement est demandé par l'avant-projet de budget correspondant au v_u de la France et à l'attente de l'opinion publique, il n'est pas envisageable de s'y opposer. Mais les incertitudes qui entourent les évaluations financières permettent de se faire une idée du risque de déstabilisation que la crise de la « vache folle » fait peser sur la politique agricole commune.

Mme Béatrice Marre a précisé que le financement de ce programme n'était pas encore complètement assuré et que le Conseil « Agriculture » avait été reporté, pour cette raison, au 26 février prochain. Tout en attirant l'attention de la Délégation sur les déclarations du commissaire européen à l'agriculture sur une réorientation de la politique agricole commune, elle a estimé que cette réorientation ne pourrait être décidée en tout état de cause lors de ce prochain Conseil européen. Elle a ajouté qu'il convenait toutefois d'être vigilant sur ce dossier, le ministre français de l'agriculture ayant plaidé, de son côté, pour une révision des prix des produits oléoprotéagineux au risque d'une diminution des prix des céréales. Au rapporteur, qui se demandait si cette enveloppe prévisionnelle de 971 millions d'euros ne pourrait pas être probablement dépassée, Mme Béatrice Marre a répondu qu'il était vraisemblable que ce chiffre donne lieu à dépassement. Jugeant les questions soulevées par ce document budgétaire très importantes, M. Maurice Ligot a fait valoir qu'il serait opportun d'en bien mesurer l'impact sur l'évolution de la politique agricole commune.

La Délégation a ensuite examiné l'avant-projet de budget rectificatif supplémentaire (n° 2/2001). Le rapporteur a indiqué que cet avant-projet de budget avait été élaboré sous la responsabilité du secrétariat général du Conseil. Il prévoit les moyens supplémentaires en personnel (coût 2001 : 6,8 millions d'euros) et en matériel (coût 2001 : 3 millions d'euros) nécessaires à la mise en place de la structure de gestion des aspects civils des crises en Europe, consécutive à la réunion du conseil européen de Nice. La délégation a approuvé ce document.

III. Informations relatives à la Délégation

Le Président Alain Barrau a informé la Délégation de l'audition du ministre délégué chargé des affaires européennes, M. Pierre Moscovici, sur un premier bilan de la présidence suédoise de l'Union européenne, le mercredi 28 mars après les questions au Gouvernement.