DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 142

Réunion du jeudi 19 avril 2001 à 9 heures

Présidence de M. Alain Barrau

I. Rapport d'information de M. Didier Boulaud sur la proposition de règlement relative aux transports de voyageurs par chemin de fer, par route et par voie navigable (document E 1587). Adoption d'une proposition de résolution sur ce texte

Le rapporteur a déploré que, allant à l'encontre de la déclaration du Conseil européen de Nice sur les services d'intérêt général et reflétant la volonté de la Commission d'accélérer la libéralisation du secteur des transports, la proposition de règlement prévoie une dérégulation non compatible avec le principe de subsidiarité.

Rappelant les objectifs poursuivis par la Commission, il a indiqué que cette dernière avait souhaité procéder à une actualisation de la législation communautaire régissant les aides accordées dans le domaine des transports, au titre de l'article 73 du Traité. Cette législation, qui se borne à fixer le régime des obligations de service public que les Etats membres ont la faculté d'imposer aux opérateurs et à préciser l'objet des contrats de service public conclus à cette fin, est en retrait par rapport à l'ouverture à la concurrence du marché des transports intervenue au cours des dix dernières années dans onze Etats membres. Cette évolution impose, selon la Commission, l'instauration d'un cadre communautaire qui supprimerait les disparités entre les législations nationales et instituerait des mécanismes destinés à permettre l'accès équitable des opérateurs au marché et à faciliter l'exercice par ces derniers de la liberté d'établissement.

Dans ces perspectives, la proposition procède à la rénovation du régime des contrats de service public. Leur champ d'application serait étendu aux contrats qui portent attribution de droits exclusifs, ce qui, en France, viserait, par exemple, les régies. Ces contrats comporteraient une clause relative au maintien des droits sociaux du personnel en cas de changement de l'opérateur. La durée de tous les contrats de service public serait fixée uniformément à cinq ans.

En second lieu, les contrats de service public seront attribués par voie d'appel d'offres et dans le respect de procédures d'adjudications transparentes et non discriminatoires. Les autorités compétentes auront toutefois la faculté d'attribuer, sans appel d'offres, des droits exclusifs dans les domaines du chemin de fer, du métro et du métro léger (c'est-à-dire, notamment, les tramways). De surcroît, les autobus faisant partie d'un réseau intégré, tel que celui de la RATP, pourront être inclus dans le contrat de service public. Enfin, les autorités compétentes pourront également attribuer directement des droits exclusifs pour une durée limitée et pour un service limité à une ligne sur la base de la comparaison de la qualité des offres proposées par les transporteurs.

Le rapporteur a souligné que ce dispositif suscitait de vives contestations en France et à l'échelon européen - qu'il s'agisse de la Fédération européenne des travailleurs de transports ou de membres du Parlement européen - sur trois points essentiels : la non-compatibilité de la proposition de règlement avec le principe de subsidiarité ; le risque de démantèlement des réseaux ferroviaires et de métro des grandes agglomérations ; les insuffisances de la clause sociale.

Sur le premier point, le rapporteur a constaté que, malgré les dénégations de la Commission, tout le monde était convaincu que la généralisation de la procédure d'appel d'offres aurait pour effet d'imposer un cadre unique de gestion des transports publics et de retirer aux collectivités territoriales tout pouvoir de décision. Par contrecoup, la proposition porte, de façon inacceptable, atteinte au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, consacré, en ce qui concerne la France, à l'article 72 de la Constitution.

Le rapporteur a déclaré que ce principe postulait non seulement le droit pour les collectivités territoriales de gérer elles-mêmes leurs services publics, mais aussi la faculté de pouvoir modifier leur choix périodiquement - par exemple en revenant au système de la régie - à l'échéance d'un contrat ou par la mise en jeu de clauses de révision ou de résiliation.

Il a précisé que la limitation à cinq ans de la durée des contrats était également regardée comme une autre forme d'atteinte au pouvoir de décision des autorités compétentes. Ses interlocuteurs lui ont, à cet égard, rappelé que l'article 40 de la loi Sapin conférait à l'autorité organisatrice des transports le soin d'en fixer la durée, compte tenu de la nature des prestations demandées à l'opérateur et des investissements qu'il peut être amené à réaliser.

Evoquant le problème de la réciprocité, lié à la coexistence de marchés fermés
- résultant de la décision des autorités compétentes de gérer elles-mêmes leurs services publics - et de marchés ouverts, le rapporteur a indiqué que le rapporteur de la commission des transports du Parlement européen avait proposé d'interdire - à l'exemple d'une loi votée par l'Italie - l'accès aux marchés ouverts aux opérateurs bénéficiant d'un marché fermé. Il a estimé qu'il s'agissait là d'un procès d'intention instruit à l'encontre de nos entreprises publiques mais que la Grande-Bretagne, malgré son libéralisme intransigeant, n'a jamais fait à la SNCF. Il a constaté que non seulement le principe de réciprocité n'était pas reconnu par les textes communautaires, mais qu'en outre, on ajouterait un cas de discrimination à l'encontre des opérateurs historiques - inutile et dangereux - à la disposition prévue par l'article 9, paragraphe 2 du règlement, qui permettrait aux autorités compétentes de ne pas attribuer de contrat de service public à un opérateur, si cela l'amène à détenir plus du quart du marché considéré.

Puis M. Didier Boulaud a abordé le risque d'un démantèlement des réseaux ferroviaires et des réseaux de métro des grandes agglomérations. Pour ce qui est des réseaux ferroviaires, il a considéré que la Commission procédait subrepticement à la libéralisation anticipée du transport de voyageurs par chemin de fer, en l'incluant dans le champ d'application de la proposition de règlement, au mépris des décisions prises le 22 novembre 2000 par le Comité de conciliation Conseil européen-Parlement européen sur le paquet ferroviaire, reportant en 2005 l'examen du dossier de la libéralisation de ce secteur. Il a également relevé que, en ce qui concerne la SNCF, la proposition de règlement aurait pour effet de mettre en cause l'expérience de contractualisation avec les régions, alors que la loi SRU (solidarité et renouvellement urbains) du 13 décembre 2000 en a généralisé le principe à compter du 1er janvier 2002.

S'agissant des réseaux de métro des grandes agglomérations, il a estimé que les orientations préconisées par la Commission, visant au démantèlement des opérateurs intégrés, étaient contraires aux objectifs du transport public et de l'amélioration de la qualité de service de ce dernier.

Enfin, en ce qui concerne la clause sociale, le rapporteur a relevé que celle-ci faisait l'objet de deux interprétations opposées. Les uns estiment que le mécanisme proposé par l'article 9, paragraphe 3, permettrait le maintien des contrats de travail du personnel en cas de changement de l'opérateur, selon des conditions comparables au dispositif de l'article L122-12 du Code du Travail. Les autres constatent, en revanche, que l'article 9, paragraphe 3, ne s'appliquera que sous réserve d'une démarche de l'autorité compétente auprès de l'opérateur et que son application sera limitée au seul cas de l'attribution des droits exclusifs.

C'est pourquoi le rapporteur a jugé nécessaire de proposer une disposition, qui, s'inspirant de l'article L122-12 du Code du Travail, imposerait le maintien des contrats de travail au nouvel employeur, estimant qu'une telle mesure serait un pas - fût-il modeste - dans la construction de l'Europe sociale.

En conclusion, le rapporteur a invité la Délégation à soutenir la proposition de résolution qu'il a préparée, par laquelle il est demandé aux autorités françaises de s'opposer à l'adoption d'un texte dont l'objet est clairement de faire prévaloir les contraintes de la concurrence sur les exigences de service public.

M. François Guillaume a estimé qu'on ne pouvait examiner la proposition de la Commission sans tirer les leçons des récentes grèves de la SNCF. Ces grèves à répétition sont fortement préjudiciables aux usagers, ainsi qu'au fret ferroviaire. Elles résultent notamment de l'émiettement syndical, qui, selon lui, est encouragé par le Gouvernement. Cette situation et le refus d'instaurer un service minimum font que la notion de service public se dégrade aux yeux des Français. En raison de sa culture archaïque du service public, la France freine toute évolution vers une meilleure intégration des réseaux sur le plan communautaire. Par ailleurs, M. François Guillaume a observé que les utilisateurs potentiels des corridors de fret ont peur de passer par la France, en raison de la menace de grèves intempestives dans le secteur ferroviaire, alors que d'autres services publics, comme la RATP et EDF, ont su s'organiser pour éviter d'être paralysés.

M. François Guillaume a rappelé qu'à l'origine, la politique de libéralisation de la Commission se limitait au fret ferroviaire, l'objectif étant d'ouvrir à la concurrence 25 % du fret ferroviaire sur 10 ans, la dégradation du service public du transport des voyageurs ayant changé la situation, ce qui amène la Commission à chercher à profiter de cette situation catastrophique, afin de libéraliser subrepticement ce secteur.

M. François Guillaume a estimé que l'approche préconisée par la Commission dans sa proposition était globalement équilibrée. L'introduction d'une plus grande concurrence constitue une bonne nouvelle, qui doit être mise en perspective avec les difficultés des régions. Ces dernières sont en effet tenues de conclure des contrats avec la SNCF, dans le cadre de la fourniture de matériel à l'opérateur, alors que subvention versée par l'Etat aux régions ne permet pas de compenser la lourdeur des charges qui leur sont imposées. La durée du contrat de service public proposée par la Commission - 5 ans - paraît en outre suffisante pour éviter l'arrivée sur le réseau d'entreprises ayant un comportement de prédateurs. Enfin, M. François Guillaume a souligné la cohérence d'une approche qui tente de résoudre la contradiction entre le maintien de monopoles sur le territoire national et les stratégies d'expansion à l'étranger de ces mêmes monopoles, par le biais de l'ouverture à la concurrence. Il a noté toutefois que la distinction entre l'infrastructure et l'exploitation, valable pour la SNCF, ne pouvait pas s'appliquer à tous les services publics, citant l'exemple de la RATP.

M. Gérard Fuchs a déclaré ne pas partager les propos de M. François Guillaume. S'il a considéré que l'introduction d'une certaine dose de concurrence dans les services publics monopolistiques était inéluctable, il a souligné que le véritable enjeu se situait dans la définition de ce qui constitue le c_ur même de l'activité de service public.

Il a ensuite déclaré que la durée des contrats de service public devait être adaptée à la nature du service public en cause, certains investissements ne pouvant être rentabilisés que sur le long terme. Le choix du court terme entraîne automatiquement des garanties moindres pour les usagers : les exemples du chemin de fer en Grande-Bretagne et de l'électricité en Californie sont particulièrement parlants. M. Gérard Fuchs a jugé que la durée de 5 ans proposée par la Commission pour les contrats de service public était trop courte. Il s'est déclaré partisan d'une durée pouvant aller jusqu'à vingt ans.

Il a par ailleurs estimé que toutes les tentatives faites pour séparer les missions assurées par les réseaux de base de celles assurées par les opérateurs ont abouti à des résultats inacceptables, notamment en termes de sécurité. Il a ensuite observé que la fréquence des rames de métro était telle qu'il était inutile de recourir à des opérateurs autres que la RATP pour satisfaire les besoins des usagers. En ce qui concerne la subsidiarité, l'immixtion de l'Europe dans la définition du mode de gestion des services publics locaux, ne pourrait que conduire à des absurdités économiques et sociales et qu'alimenter le rejet de l'Europe par les citoyens. Se déclarant en accord avec le rapporteur sur la subsidiarité, il a estimé qu'il serait utile d'avoir un débat à ce sujet.

M. Maurice Ligot s'est interrogé sur la pertinence de la durée des contrats de service public. Elle peut paraître courte pour certains services publics, mais la majorité ne devait pas oublier qu'elle avait baissé la durée de certains contrats - notamment en matière de distribution d'eau - pour des raisons parfaitement justifiées. M. Maurice Ligot a estimé que la durée de ces contrats devait être adaptée à la nature du service public concerné. S'agissant des conditions sociales, M. Maurice Ligot a considéré que l'obligation, pour un nouvel opérateur, de respecter les conditions sociales en vigueur, alors même qu'elles pouvaient avoir acculé l'ancien opérateur à la faillite, était absurde.

Il a déclaré partager les propos de M. François Guillaume sur les effets déplorables des grèves intempestives qui paralysent la SNCF. C'est tout le service public qui pâtit de cette anarchie sociale. De plus, cette situation ne peut qu'affaiblir la position de la France, qui cherche à défendre sa vision du service public à Bruxelles. M. Maurice Ligot a observé en conclusion qu'EDF ne connaissait pas ces problèmes en raison de circonstances propres à l'entreprise.

M. François Guillaume, répondant aux propos de M. Gérard Fuchs, a jugé que la distinction entre l'exploitation et les infrastructures pouvait se faire pour le rail. L'existence du Réseau ferré de France en était la preuve. Cette autorité de régulation est habilitée à louer ses infrastructures à différents opérateurs, sans que cela remette en cause la sécurité du réseau. En effet, le RFF, grâce à l'Etat, dispose des moyens nécessaires pour assurer l'entretien du réseau.

M. Gérard Fuchs a alors rappelé qu'il ne faisait pas d'objection de principe à l'introduction d'une certaine dose de concurrence au sein des services publics. Il a insisté sur la relation existant entre la durée d'amortissement des investissements et les obligations de service public auxquelles un opérateur est tenu. Les contrats de service public doivent impérativement tenir compte de la durée de vie des investissements. Si la durée d'un contrat ne doit pas être systématiquement de 20 ans, elle doit être adaptée au mode de gestion du service public.

Evoquant les exemples du transport ferroviaire en Grande-Bretagne et de la distribution de l'électricité en Californie, le Président Alain Barrau a constaté que l'économie mixte à la française donnait globalement des résultats plus satisfaisants en matière de sécurité et de qualité du service que le libéralisme absolu en vigueur dans ces pays.

Il a observé que l'Union européenne souhaitait faciliter le développement du commerce intra-communautaire et que la France s'était engagée en faveur d'un rééquilibrage des modes de transport au profit du rail, en encourageant l'accroissement des investissements dans les domaines de la sécurité, des dessertes et de la protection de l'environnement. Il a souligné que les collectivités territoriales étaient souvent amenées à participer au financement des infrastructures, et que les usagers étaient de plus en plus exigeants sur la qualité et le confort des liaisons ferroviaires, y compris pour les petits trajets. Soulignant les risques d'un démantèlement du rôle de l'Etat au profit du seul jeu de la concurrence, il a fait remarquer que l'économie mixte permettait de répondre à ces objectifs de manière équilibrée.

Il s'est déclaré favorable à une politique européenne des transports, à condition qu'elle tienne compte de la demande de qualité et de régularité de la part des usagers. S'agissant du fret, il a jugé que le transport ferroviaire était plus économique et plus sûr, même si l'on prend en compte les risques de grève, qui ne constituent pas la seule ni peut-être même la principale explication du retard pris par le rail sur la route.

Il a approuvé les principales conclusions du rapporteur et réaffirmé que seule l'économie mixte, ciment de notre économie, permettrait de ne pas accuser de retard dans la nécessaire modernisation des services publics.

Le rapporteur a répondu à certaines interrogations relatives à la durée des contrats. Il a observé que tous les interlocuteurs rencontrés lors de la préparation de son rapport souhaitaient que les concessionnaires et les autorités organisatrices des transports puissent adopter des durées de contrat modulées selon les risques financiers encourus au cas par cas. Il a rappelé qu'en Grande-Bretagne, où le coût de la remise à niveau des infrastructures ferroviaires a été évalué à 60 milliards de livres, la nécessité d'encourager les investissements avait conduit à abandonner les contrats à 7 ans, puis à 15 ans, et à les renégocier sur la base d'une durée de 20 ans.

Il a souhaité que l'on s'en tienne à l'esprit de la loi Sapin.

Il a rappelé que la proposition de règlement portait sur le transport de voyageurs et non pas sur le transport de marchandises.

Répondant aux observations relatives à la continuité du service public, il a évoqué l'exemple de l'Espagne, où la mise en _uvre d'un service minimum a soulevé de nombreuses difficultés, mettant parfois en péril la sécurité des voyageurs.

Il a évoqué sur ce point la déclaration récente du Président de la République, qui a renvoyé aux partenaires sociaux le soin de négocier un service minimum dans les transports, comme à la RATP.

Il a enfin fait part de son désaccord avec M. Ligot sur les dispositions sociales de la proposition de règlement, souhaitant que les salariés puissent conserver les avantages acquis en cas de changement d'opérateur, afin d'éviter des conflits sociaux dans les collectivités territoriales.

La Délégation a ensuite examiné la proposition de résolution présentée par le rapporteur. Elle a approuvé l'ensemble du dispositif sous réserve de modifications formelles concernant le paragraphe 4.

M. François Guillaume a fait part de son désaccord notamment sur le point 7 de la proposition de résolution selon lequel les contrats de travail du personnel des entreprises concernées ne doivent pas être affectés par une modification de la situation juridique de l'employeur. Rejoignant la position de M. Maurice Ligot, il a souligné que les entreprises
- notamment la SNCF - qui font bénéficier leur personnel d'un statut très favorable, seront pénalisées dans un secteur ouvert à la concurrence. Il a proposé en conséquence que ce type de statut protecteur ne bénéficie pas aux nouveaux employés.

A l'issue de ce débat, la Délégation a adopté la proposition de résolution dans le texte présenté par le rapporteur.

« L'Assemblée nationale,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu le traité instituant la communauté européenne et notamment ses articles 5 et 16,

    - Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'action des Etats membres en matière d'exigences de service public et à l'attribution de contrats de service public dans le domaine des transports de voyageurs par chemin de fer, par route et par voie navigable (COM (00) 7 final du 26 juillet 2000 / E1587),

    Considérant que la proposition de règlement susvisée a pour objet de développer la « concurrence régulée » dans le domaine de la fourniture de transports publics au moyen de la conclusion de contrats de service public d'une durée de cinq ans ;

    Considérant que, à cette fin, cette même proposition prévoit d'harmoniser les principaux aspects des procédures d'adjudication existant dans les différents Etats membres, d'une part, et, d'autre part, de renforcer la sécurité juridique des opérateurs et des autorités en ce qui concerne les aides d'Etat et les droits exclusifs dans le secteur des transports ;

    Considérant que l'obligation impartie aux autorités compétentes de fournir des services de transports mérite d'être approuvée ; que, dans cette perspective, les autorités des Etats membres doivent veiller très étroitement à ce que, dans un domaine se rapportant à l'exécution de services d'intérêt général visés à l'article 16 du traité instituant la Communauté européenne et dont la déclaration du Conseil européen de Nice des 7-9 décembre 2000 a rappelé le rôle irremplaçable, l'application du principe de « concurrence régulée » contribue réellement au développement des transports publics de voyageurs, notamment en ce qui concerne la qualité de la vie des citoyens et la protection de l'environnement ;

    Considérant toutefois que l'obligation imposée aux autorités compétentes des Etats membres de soumettre les transports publics de voyageurs à la procédure de l'appel d'offres ne tient pas compte de l'existence de conceptions extrêmement variées en ce qui concerne le développement souhaitable de ce marché ; que ces autorités risquent de se voir retirer la possibilité de fixer les modalités selon lesquelles leurs transports peuvent être gérés ; que, dès lors, une telle obligation risque de porter atteinte au principe de la libre administration des collectivités territoriales des Etats membres consacré, en ce qui concerne la France, à l'article 72 de la Constitution ;

    Considérant que l'inclusion, à l'article premier du transport de voyageurs par chemin de fer dans le champ d'application de la proposition de règlement susvisée, a pour effet de l'ouvrir subrepticement à la concurrence, alors que le Conseil de l'Union européenne et le Parlement européen ont, d'un commun accord, décidé de renvoyer en 2005 l'examen du dossier de la libéralisation de ce secteur, lors de la réunion, le 22 novembre 2000, du comité de conciliation sur le paquet ferroviaire ;

    Considérant que le projet de règlement recèle le risque d'un démantèlement des réseaux intégrés de métro des grandes métropoles, lequel est contraire aux objectifs de développement du transport public et de l'amélioration de la qualité de service de ce dernier ;

    Considérant que la fixation à cinq ans de la durée des contrats de service public par l'article 6 de la proposition de règlement limite le pouvoir de décision des autorités compétentes et ne permet ni d'amortir les investissements ni de développer les réseaux ;

    Considérant que, s'il convient d'éviter que le pouvoir des autorités compétentes ne soit encadré étroitement par une liste exhaustive de critères de qualité, il est toutefois utile de compléter, de façon limitée, celle fixée à l'article 4 de la proposition de règlement ;

    Considérant que la disposition prévue à l'article 9, paragraphe 2, autorisant une autorité compétente à ne pas attribuer de contrat de service public à un opérateur si cela amène ce dernier à détenir plus du quart du marché considéré de services de transports publics de voyageurs, risque d'avoir pour effet d'exclure les opérateurs historiques sur la base de critères, au surplus, imprécis ;

    Considérant enfin que la disposition prévue à l'article 9, paragraphe 3, de la proposition de règlement n'offre pas de réelle garantie du maintien des droits sociaux des travailleurs en cas de changement de l'opérateur ;

    1. Constate que la proposition de règlement susvisée n'est pas conforme au principe de subsidiarité tel qu'il est défini à l'article 5 du traité instituant la Communauté européenne ; que, en conséquence, il importe de consacrer très clairement non seulement le droit des autorités compétentes à choisir elles-mêmes le mode d'organisation et de gestion de leurs transports publics le mieux adapté à la situation locale et le plus efficace, d'une part, et, d'autre part, celui de pouvoir modifier leurs choix à l'expiration du contrat ;

    2. Estime que l'ouverture du transport de voyageurs par chemin de fer à la concurrence, telle qu'elle résulte de l'article premier de la proposition de règlement, est contraire aux décisions du comité de conciliation du 22 novembre 2000 sur le paquet ferroviaire aux termes desquelles le Conseil de l'Union européenne et le Parlement européen ont renvoyé en 2005 l'examen de l'opportunité de la libéralisation de ce secteur ; que, dès lors, le champ d'application de la proposition de règlement doit être revu ;

    3. Estime également nécessaire de supprimer la mention des réseaux intégrés de métro à l'article 7 ;

    4. Juge nécessaire que les contrats de service public soient conclus dans l'objectif d'une qualité de service optimale, avec une tarification abordable pour tous les usagers, pour une durée qui ne soit plus fixée à cinq ans, mais par l'autorité compétente, en fonction des prestations demandées à l'opérateur ; que, lorsque les installations sont à la charge de ce dernier, il soit tenu compte de la nature et du montant de l'investissement à réaliser sans que dans ce cas, la durée puisse dépasser la durée normale d'amortissement des installations mises en _uvre ;

    5. Estime opportune la mention, dans la liste des critères de qualité prévue à l'article 4, de celui tiré du sérieux des candidats ;

    6. Juge nécessaire l'abrogation de la disposition prévue par l'article 9, paragraphe 2 ;

    7. Juge indispensable que l'article 9, paragraphe 3, soit remplacé par une disposition, aux termes de laquelle s'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel opérateur et le personnel de l'entreprise ;

    8. Demande, en conséquence, aux autorités françaises de s'opposer à l'adoption de la proposition de règlement susvisée en l'état actuel de sa rédaction. »

II. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

La Délégation a examiné, sur le rapport du Président Alain Barrau, plusieurs textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution.

¬ Agriculture

Elle a examiné le document E 1700 comprenant la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1251/199 instituant un régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables et la proposition de règlement du Conseil modifiant le document (CE) n° 1254/1999 portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine.

La Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire sur la première de ces propositions de règlement. Celle-ci ouvre, dès cette année, aux exploitations entièrement consacrées aux cultures biologiques la possibilité de cultiver, sur jachère, des légumineuses fourragères. La liste des cultures éligibles doit être fixée dans le cadre d'un règlement d'application de la Commission. Le Président Alain Barrau a souligné que cette proposition ne constituait pas une réponse adéquate à la question de l'approvisionnement en protéines de l'Union européenne et que la France avait proposé un plan plus ambitieux. M. François Guillaume a estimé qu'il fallait demander la possibilité de développer la culture des fourragères sur les grandes jachères.

Le Président Alain Barrau a souligné que la levée de la réserve d'examen parlementaire s'accompagnait d'un soutien à la position du Gouvernement français et d'une demande de développement des cultures fourragères sur les jachères.

En revanche, la Délégation a sursis à statuer sur la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1254/1999 portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine. Cette proposition vise à remédier à la situation de crise du marché de la viande bovine et contient des mesures qui suscitent la réserve de plusieurs Etats membres ; le Président Alain Barrau a indiqué que les délais d'examen prévus pour ce texte permettaient de reporter son examen.

M. François Guillaume a fait part de sa vive hostilité aux mesures préconisées et il a souligné l'incohérence des réglementations qui entendent promouvoir à la fois la spécialisation et la diversification des exploitations agricoles.

A l'occasion de l'examen de ces textes, le Président Alain Barrau a informé la Délégation qu'une audition de M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture, aurait lieu le mercredi 9 mai 2001 après les questions au Gouvernement.

¬ PESC et relations extérieures

La Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire sur deux textes : la proposition de règlement modifiant le règlement n° 1267 / 1999 établissant un instrument structurel de pré-adhésion (document E 1712) et la proposition de décision portant attribution d'une nouvelle aide financière exceptionnelle au Kosovo (document E 1714).

Concernant le document E 1712, le Président Alain Barrau a indiqué que l'instrument structurel de pré-adhésion (ISPA) a apporté aux pays candidats, en 2000, un concours communautaire s'élevant à 1,9 milliard d'euros pour quatre-vingts opérations relatives à des infrastructures de transport et à l'environnement, représentant un coût total de 2,9 milliards d'euros. Il a précisé qu'afin de faciliter l'accès des pays bénéficiaires aux ressources qui pourraient leur être apportées par les institutions financières internationales ou par le secteur privé, cette proposition visait à insérer dans le règlement ISPA des dispositions spécifiques permettant de déroger aux règles de passation des marchés publics du règlement financier, selon les modalités déjà retenues pour le règlement Phare. Elle pourrait autoriser exceptionnellement les bénéficiaires à ouvrir tout ou partie des appels d'offres à des ressortissants de pays tiers.

Il a estimé cependant souhaitable d'avoir une évaluation sur les effets de cette proposition - ainsi que sur le dispositif comparable du règlement Phare - afin de s'assurer que ces marchés ne bénéficient pas principalement à des entreprises des pays tiers.

M. Gérard Fuchs a, pour sa part, jugé opportun de préciser que ces règles assouplies ne s'appliquent qu'à la partie des fonds apportés par les organisations internationales.

Au sujet du document E 1714, le Président Alain Barrau a rappelé que la mise en place, le redémarrage et la poursuite des fonctions administratives essentielles au Kosovo dépendait largement de l'aide financière extérieure. Il a précisé que cette proposition tendait à accorder au Kosovo une nouvelle aide financière exceptionnelle sous forme de dons d'un montant pouvant atteindre 30 millions d'euros. La Commission a par ailleurs l'intention d'accorder séparément en 2001 une aide financière ciblée d'un maximum de 20 millions d'euros pour couvrir, le cas échéant, des besoins spécifiques d'importations d'électricité.

¬ Fiscalité

Le Président Alain Barrau a indiqué que la demande d'octroi d'une exonération fiscale en faveur des biocarburants (document E 1695) avait été formulée par la France à la suite de l'arrêt du Tribunal de première instance du 27 septembre 2000. Cette demande vise à placer l'ensemble des mesures d'exonération relatives aux biocarburants sous le régime de l'article 8-4 (projets industriels d'ordre général) de la directive 92/81/CEE du 19 octobre 1992, concernant l'harmonisation des structures des droits d'accises sur les huiles minérales, dont la base juridique est plus adaptée.

M. François Guillaume a précisé que l'arrêt du Tribunal de première instance a été rendu à la suite d'une plainte de British Petroleum, qui avait contesté la légalité des mesures d'exonération de droits accordées par la France en faveur de la filière de l'éthyl-tertio-butyl-éther (ETBE).

Eu égard à l'utilité de cette mesure pour la France et dès lors que, selon les informations recueillies, elle n'entraîne pas d'effet préjudiciable pour un Etat membre ou l'Union dans son ensemble, la Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire sur ce texte.