DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 152

Réunion du jeudi 5 juillet 2001 à 9 heures

Présidence de M. Alain Barrau

I. Rapport d'information de M. Gérard Fuchs sur l'avant-projet de budget général des Communautés européennes pour 2002 (document E 1739) - Adoption d'une proposition de résolution présentée par le rapporteur

Le rapporteur a souligné que, compte tenu de l'arrivée très tardive des documents budgétaires élaborés par la Commission, il avait dû examiner l'avant-projet de budget général des Communautés européennes pour 2002 (APB 2002) dans des délais très brefs.

Il a rappelé que l'avant-projet n'avait pas nécessité de révision des perspectives financières et il a évoqué le nombre de créations d'emplois demandées par la Commission, soit 317 postes destinés à soutenir le processus de réforme, observant que les institutions européennes emploient, au total, moins de fonctionnaires que la ville de Paris.

M. Gérard Fuchs a regretté que, malgré la nouvelle présentation du budget par activités et l'organisation d'un débat d'orientation politique en décembre 2000, les dotations proposées pour les différentes rubriques ne permettent pas de discerner les priorités politiques de l'Union. Tant que le nouveau règlement financier n'est pas adopté, la présentation traditionnelle de l'avant-projet par rubriques des perspectives financières demeure en vigueur.

Le rapporteur a estimé que l'avant-projet ne donnait pas à l'Union une marge de man_uvre financière suffisante, en raison de la faiblesse des marges disponibles sous les plafonds et de la diminution du poids du budget communautaire par rapport au PNB de l'Union européenne. Les crédits de paiement représentent 1,06 % du PNB de l'Union en 2002 contre 1,20 % en 1996. En 2002, les crédits d'engagement s'élèveront à 100,3 milliards d'euros, en hausse de 3,5 % par rapport à 2001.

Evoquant les ressources propres, il a rappelé que, désormais, la ressource fondée sur le PNB était plus élevée que les ressources traditionnelles et la ressource TVA. Il a détaillé les contributions comparées des différents Etats membres, insistant sur l'ampleur de la correction en faveur du Royaume-Uni.

Mentionnant les propositions récentes de la présidence belge, le rapporteur a souligné l'intérêt d'une éco-taxe, ou d'un impôt européen constitué d'une partie de l'impôt sur le revenu, à prélèvement constant pour les citoyens.

Le rapporteur a évoqué la réserve d'un milliard d'euros, créée dans la rubrique « agriculture » et dont le principe est contestable, compte tenu d'un réel manque de visibilité sur l'évolution des besoins liés aux crises animales.

Il s'est étonné de l'absence de réflexions et d'analyses sur les conséquences à tirer pour la PAC, tant de la crise de l'ESB que de la fièvre aphteuse.

Au titre des politiques internes, le rapporteur a plus particulièrement évoqué l'arrivée à échéance du 5ème P.C.R.D. et le financement des partis politiques européens.

Il a fait remarquer l'importance des reports de crédits au titre des actions structurelles, en raison de la mise au point des nouveaux programmes.

Il a estimé, s'agissant des actions extérieures, que l'évolution positive de la situation politique en Serbie et le transfert de Slobodan Milosevic devant le Tribunal pénal international de la Haye, conduiraient sans doute à accroître l'aide aux Balkans. Il a également présenté les crédits destinés aux accords de pêche, à la politique méditerranéenne, et au programme Tacis, dont les réalisations lui sont apparues insuffisantes.

Evoquant les dépenses de pré-adhésion, le rapporteur a fait observer le démarrage très lent des programmes Sapard et ISPA.

Le rapporteur a jugé que l'avant-projet ne permettait pas de donner une nouvelle ambition à l'Union européenne, en prenant les exemples de la politique spatiale et de la régulation conjoncturelle. Il a tout particulièrement insisté sur l'intérêt d'un financement budgétaire conséquent du programme Galileo, qui renforcera notre indépendance à l'égard des Etats-Unis et de la Russie, et débouchera sur de nombreuses applications civiles. Il a suggéré la création d'un « Conseil spatial », chargé de définir les objectifs de la coopération européenne dans ce domaine et de programmer les dépenses communautaires correspondantes.

Enfin, le rapporteur a proposé la mise en place d'une réserve constituée de la moitié des crédits non dépensés lors d'exercices budgétaires antérieurs (11,6 milliards d'euros en 2000). Cette réserve serait affectée à la régulation macro économique et au soutien des Etats membres confrontés à une récession.

Tout en soulignant l'intérêt du rapport, M. François Guillaume a souhaité faire plusieurs remarques sur son contenu. En ce qui concerne la diminution des crédits de paiement en pourcentage du PNB entre 1996 et 2002, il a. considéré que la comparaison entre ces deux années n'était pas justifiée, la conjoncture économique étant très différente.

M. François Guillaume a ensuite estimé qu'il était prématuré de parler de la création d'un nouvel impôt européen, dans un contexte marqué par la très grande diversité des systèmes fiscaux des Etats membres, la France tendant, selon lui à se singulariser par une pression fiscale très forte et par la multiplication des prélèvements, alors que ses voisins, notamment l'Allemagne, ont entrepris de baisser leurs impôts, M. François Guillaume s'est déclaré partisan d'un nouvel impôt européen, à la condition expresse que les Etats membres procèdent préalablement à une harmonisation fiscale. Il a à cet égard déploré que l'idée d'une Constitution européenne nourrisse de beaux discours, alors même que le marché unique n'est pas encore achevé. L'harmonisation sociale est tout aussi nécessaire en raison des effets néfastes du dumping social. M. François Guillaume a indiqué que le coût salarial était de 3 francs de l'heure en Chine, 28 francs de l'heure au Portugal et 83 francs de l'heure en France, le passage aux 35 heures allant, selon lui, aggraver la situation, ce qui conduit des entreprises à quitter la France pour des pays où la main-d'_uvre est moins chère.

M. François Guillaume a ensuite demandé au rapporteur si la réserve prévue pour les variations du taux de change existait toujours et quel était son montant. Il a noté par ailleurs que l'exécution des dépenses structurelles avait pris du retard, un constat au demeurant traditionnel, qui s'explique par la complexité des procédures d'élaboration des projets.

S'agissant de la proposition du rapporteur sur un projet spatial européen, M. François Guillaume l'a jugé intéressante. Observant toutefois que les Etats européens ne manifestaient pas le même degré d'intérêt pour une telle entreprise, il s'est déclaré partisan d'une approche fondée sur la coopération entre les pays.

Il a émis des réserves sur l'accord spatial franco-russe, qui risque d'être mal apprécié par nos partenaires européens et n'est pas assorti de précautions suffisantes.

M. François Guillaume a ensuite évoqué la correction en recettes dont bénéficiait la Grande-Bretagne pour exprimer le souhait que le rapport insiste sur cette exception britannique qui doit, selon lui, disparaître à terme. Il a également remarqué que la contribution britannique aux prélèvements agricoles et aux droits de douane reflétait la spécificité du commerce extérieur du Royaume-Uni, qui reste plus faible avec l'Europe qu'avec le reste du monde.

Enfin, M. François Guillaume a estimé que la restitution du solde des exercices budgétaires aux Etats membres n'était pas critiquable, la relance de l'économie pouvant le cas échéant être favorisée par une politique de grands projets, qui, malheureusement n'a pas été retenue.

M. François Loncle a exprimé son accord avec les propos de M. François Guillaume sur la nécessité de procéder à une harmonisation fiscale avant d'instituer un impôt européen. En revanche, s'agissant de l'accord franco-russe en matière de coopération spatiale, il a déclaré ne pas partager le pessimisme de M. François Guilllaume, même si l'on peut comprendre la réaction éventuelle des partenaires de la France. Il a indiqué que lors du déplacement récent qu'il avait tout récemment effectué en Russie alors qu'il accompagnait le Président de la République, il avait pu constater le consensus parfait au sein de l'exécutif sur cet accord spatial, qu'il a juté excellent.

M. François Loncle a d'ailleurs souligné l'importance d'une alliance solide entre la France et la Russie dans le cadre de l'Europe élargie, permettant d'éviter un tête-à-tête entre l'Allemagne et la Russie.

M. Maurice Ligot a demandé comment il fallait lire les chiffres concernant les pays n'appartenant pas à la zone euro dans un budget exprimé en euros, cette remarque s'appliquant surtout à la Grande-Bretagne, les fluctuations de la Livre sterling ne pouvant manquer d'avoir une incidence sur ses engagements budgétaires.

Sur la création d'un impôt européen, M. Maurice Ligot a formulé deux réserves. La première a trait à l'opinion publique, pour laquelle la création d'un nouvel impôt, s'ajoutant aux autres, serait particulièrement malvenue. La seconde a trait à l'assiette de cet impôt, qui est difficile à définir dans un espace caractérisé par la diversité des systèmes fiscaux. Il s'est ensuite interrogé sur les modalités concrètes de financement d'un instrument de stabilisation conjoncturelle par cet impôt. Il a en revanche jugé utile de poursuivre, avec les financements nécessaires, les grands projets d'infrastructure dans les domaines routier et ferroviaire. Ces travaux sont appelés à jouer un grand rôle aussi bien pour l'Union que pour les futurs candidats, et devraient selon lui être financés par des subventions plutôt que par des prêts de la BEI.

Le Président Alain Barrau a souligné le fait que le budget s'éloigne du plafond de 1,27 % fixé par les perspectives financières, ce qui ne permettra pas de mener de nouvelles politiques communes et de refondre certaines politiques existantes. Cette situation tend par ailleurs à renforcer le camp de ceux qui s'opposent à toute augmentation du budget européen. Le Président Alain Barrau a donc qualifié cet avant-projet de budget de « malthusien », ne permettant pas d'ouvrir le débat sur des finances communautaires, pourtant indispensable pour l'avenir de la construction européenne et l'élargissement.

Il a demandé au rapporteur de faire le point sur l'exécution des dépenses relatives aux actions structurelles et de préciser les modalités de redistribution du solde budgétaire entre les Etats membres.

Le rapporteur a apporté les éléments de réponse suivants :

- il subsiste une réserve monétaire, d'un montant de 150 millions d'euros, qui a diminué depuis quelques années ;

- le budget communautaire a été négocié en écus avant de l'être en euros. L'écu étant un panier de monnaies, on a estimé que les Etats devaient assumer les risques de change entre leur propre monnaie et la monnaie européenne. Il continuera à en être ainsi pour les pays qui ne font pas partie de la zone euro ;

- le mécanisme de redistribution des crédits non dépensés fait a priori l'objet d'une négociation entre les Etats sans application d'une clé particulière ;

- il est exact qu'avec un budget communautaire en baisse, qui représente seulement 1,06 % du PNB de l'Union, on ne se dirige pas vers une Europe puissance ;

- s'agissant de la politique spatiale et du programme Galileo, l'expérience a montré que la coopération devait se faire en fonction d'autres critères que le poids respectif des Etats. Le choix est entre donner à l'Agence spatiale européenne un rôle pilote comparable à celui de la NASA et augmenter les crédits communautaires ;

- la réserve de crédits devrait être utilisée de façon contracyclique, pour financer, par exemple, de grands réseaux de communication ;

- l'aide aux Balkans représente environ 400 millions d'euros, soit 10 % des crédits de l'action extérieure de l'Union. L'année dernière, la Commission avait prévu un montant de crédits d'aide à la Serbie supérieur aux besoins effectifs de 2001. Compte tenu de l'évolution de cette région, la situation inverse se produira peut-être l'année prochaine ; il faudra alors accroître les crédits initialement prévus.

- il faudrait organiser, à côté de la conférence institutionnelle de 2004, des conférences politiques sur plusieurs thèmes de société, tels que l'espace, les nouvelles technologies, l'emploi et les politiques sociales, permettant de définir les grands choix politiques de l'Union des années à venir et de lui donner ainsi une identité bien déterminée.

La Délégation a ensuite examiné la proposition de résolution présentée par le rapporteur.

M. Maurice Ligot a proposé à la Délégation, qui l'a accepté, de modifier le dernier considérant en précisant que les choix budgétaires doivent renforcer le rôle de l'Union dans la compétition mondiale.

Au sujet du point 4, (montant excessif de la réserve pour faire face à d'éventuelles crises sanitaires), MM. François Guillaume et Maurice Ligot ont estimé qu'il n'était pas de l'intérêt de la France de contester la réserve destinée à faire face à d'éventuelles dépenses résultant des crises sanitaires. M. Gérard Fuchs a précisé que ce n'était pas l'existence de la réserve qui était discutable, mais son montant, qui s'élève à un milliard d'euros. Celui-ci pose un double problème : un problème budgétaire de bonne allocation des ressources et un problème psychologique lié à la réaction l'opinion publique. Le Président Alain Barrau a suggéré au rapporteur de proposer une rédaction nouvelle tenant compte du souci de bonne gestion des crédits communautaires.

M. François Guillaume a alors souligné que la disposition prévue, si elle était adoptée par la Délégation, aurait pour effet de limiter les marges de man_uvres du ministre français de l'Economie et des Finances lors des négociations communautaires. Une telle prise de position viendrait en effet conforter nos partenaires européens dans leur volonté de remettre en cause le montant des crédits affectés à la politique agricole commune.

M. François Loncle s'est rallié à cette position en estimant qu'il serait préférable de laisser à l'Exécutif le soin de gérer lui-même, le cas échéant, cette question du montant de la réserve communautaire.

Après les observations du rapporteur, qui a indiqué que cette question serait probablement examinés à nouveau par la Commission des Finances lorsqu'elle examinera la proposition de résolutions, la Délégation a supprimé le point 4.

Sur le point 5 (mise en réserve d'une partie de l'excédent de recettes), sur proposition de MM. François Guillaume et Maurice Ligot, la Délégation a complété le dispositif en y ajoutant le financement d'infrastructures et de grands réseaux européens.

Sur le point 6, (création éventuelle d'un impôt européen) M. François Guillaume a souhaité compléter la rédaction proposée par le rapporteur en insistant sur le fait que la création d'un impôt européen ne saurait être envisagée sans le préalable d'une harmonisation fiscale européenne.

En réponse, le rapporteur a proposé les modifications suivantes :

« Considère que la mise en _uvre souhaitable de nouvelles politiques communes doit s'accompagner d'une réflexion sur la création d'un impôt communautaire. Souligne qu'une telle création suppose une harmonisation préalable des bases retenues. Estime que la possibilité d'affecter, par exemple, une part de l'impôt sur le revenu des personnes physiques à l'Union européenne, à prélèvement constant pour les citoyens, peut être une des pistes étudiées ».

M. Maurice Ligot a réagi à cette nouvelle rédaction en demandant la suppression de la dernière phrase, au motif que ce point 6 comportait déjà deux prises de position importantes, à savoir, d'une part, la création d'un impôt communautaire et, d'autre part, la demande d'harmonisation fiscale.

M. François Guillaume s'est à son tour étonné qu'il soit fait référence au seul impôt sur le revenu des personnes physiques, alors que cet impôt n'est payé que par la moitié des Français. Il a en conséquence proposé de faire référence à l'ensemble des impôts ; à défaut, il a proposé la suppression de cette dernière phrase du point 6.

M. François Loncle a également estimé que la référence à l'impôt sur le revenu devrait être supprimée, rappelant le que la moitié de la population ne le paie pas.

En réponse, le rapporteur a indiqué qu'il souhaitait maintenir cette référence à l'impôt sur le revenu - qu'il a estimé plus juste que la TVA -, rappelant à la Délégation que la rédaction du point 6 précisait bien qu'il ne s'agissait que d'une des pistes susceptibles d'être étudiées.

MM. François Guillaume et Maurice Ligot ont alors annoncé qu'ils ne votaient pas la proposition de résolution du rapporteur, en raison du maintien de cette disposition.

M. Jean-Bernard Raimond a pour sa part indiqué qu'il voterait la résolution, en raison des modifications acceptées par le rapporteur, concernant notamment la suppression du point 4.

M. François Loncle a également voté en faveur de cette proposition de résolution, tout en assortissant son vote d'une réserve quant à la référence faite au point 6 à la possibilité d'affecter une part de l'impôt sur le revenu des personnes physiques à l'Union européenne.

La Délégation a adopté à la majorité la proposition de résolution ainsi modifiée :

« L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu l'avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2002 (n° E 1739),

Considérant que l'avant-projet de budget général des Communautés européennes pour 2002 s'inscrit dans le cadre des perspectives financières, pour la période 2000-2006 ;

Considérant que le rôle d'un budget européen est de mettre en _uvre des politiques publiques dans les domaines où l'action communautaire est plus efficace que les actions nationales isolées ;

Considérant que les choix budgétaires effectués par l'Union devraient à la fois assurer la pérennité des principales politiques communautaires, accompagner le processus d'élargissement et assurer la mise en _uvre d'actions nouvelles renforçant le poids de l'Union dans la compétition mondiale ;

1. Regrette le retard avec lequel l'avant-projet de budget, adopté par la Commission le 8 mai 2001, a été transmis à la Délégation pour l'Union européenne ;

2. Regrette que malgré la présentation du budget par activités, les dotations proposées pour les différentes rubriques ne permettent pas de discerner les priorités politiques de l'Union ;

3. Regrette la faiblesse des crédits affectés aux politiques internes et l'absence de dotation destinée au financement d'actions nouvelles, par exemple dans le domaine des satellites ;

4. Recommande la mise en réserve d'une partie de l'excédent de recettes redistribué aux Etats membres à l'issue de la clôture d'un exercice antérieur pour assurer une régulation conjoncturelle favorable à la croissance et à l'emploi, par exemple en finançant les grands réseaux ;

5. Considère que la mise en _uvre souhaitable de nouvelles politiques communes doit s'accompagner d'une réflexion sur la création d'un impôt communautaire. Souligne qu'une telle création suppose une harmonisation préalable des bases retenues. Estime que la possibilité d'affecter, par exemple, une part de l'impôt sur le revenu des personnes physiques à l'Union européenne, à prélèvement constant pour les citoyens, peut être une des pistes étudiées. »

II. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

¬ Sécurité maritime

Présentant le document E 1648 relatif à un deuxième train de mesures communautaires en matière de sécurité maritime, appelé « paquet Erika II », le Président Alain Barrau a indiqué que ce dernier complétait le dispositif - Erika I - qui a été présenté le 21 mars 2000 par la Commission, à la suite du naufrage de l'Erika. Avant d'exposer le contenu du paquet Erika II, le Président Alain Barrau a précisé que le Conseil « Transports » du 28 juin 2001 avait arrêté une position commune sur l'élimination des pétroliers à simple coque selon un calendrier analogue à celui de la législation américaine proposée par le paquet Erika I. Cette position commune transpose, en droit communautaire, l'accord intervenu, sous la pression de l'Europe, au sein de l'OMI (Organisation maritime internationale), en avril dernier, prévoyant l'élimination des navires à simple coque entre 2003 et 2021 et laissant à l'Union européenne la possibilité d'anticiper l'application de cet accord dès 2015.

Conformément au souhait exprimé par le Conseil européen de Biarritz, le paquet Erika II propose trois séries de mesures.

Au titre de l'amélioration de la sécurité maritime et de la prévention de la pollution par les navires, il est prévu notamment d'introduire des systèmes d'identification automatique connus sous le nom de transpondeurs, qui rendent possible un suivi en continu des navires dans les eaux côtières. En outre, l'obligation d'installer des boîtes noires est étendue à tous les navires de passagers ainsi qu'à d'autres catégories de navires, qu'ils effectuent ou non des voyages internationaux. Enfin, les dispositions de la directive 93/75/CEE relatives à la signalisation par les navires d'accidents ou d'incidents en mer et aux mesures d'intervention subséquentes des Etats membres seront applicables à tous les navires qu'ils transportent ou non des marchandises dangereuses ou polluantes et qu'ils fassent ou non escale dans un port de la Communauté.

En ce qui concerne l'amélioration des régimes de responsabilité et de compensation des dommages de pollution en vigueur, la Commission souhaite créer un Fonds d'indemnisation européen (fonds COPE). Il vise à assurer une indemnisation équitable pour les dommages causés par le transport d'hydrocarbures dans les eaux de l'Union européenne, en complétant à l'échelon communautaire le régime international de responsabilité et d'indemnisation existant, constitué par les conventions CLC (convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures) et FIPOL (Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures). Cette réforme est destinée à porter remède à la lenteur et à l'insuffisance de l'indemnisation accordée au titre de ces fonds, en particulier par le FIPOL, qu'illustre le cas de l'Erika, le montant estimé des dommages étant évalué à 300 millions d'euros, alors que le plafond de l'indemnisation accordée par le FIPOL est de 200 millions.

Il est également demandé aux Etats membres d'introduire des sanctions pénales dans leur législation, applicables à toute personne assurant le transport d'hydrocarbures en mer et qui s'est rendue coupable d'une négligence grave.

Enfin, la Commission propose la création d'une Agence européenne pour la sécurité maritime. Le Président Alain Barrau a rappelé que la Commission avait déjà évoqué une telle mesure dans sa communication de l'an dernier et qu'elle avait maintenu son refus d'envisager la création d'un corps de garde-côtes européen, estimant que, à la différence des Etats-Unis, l'Europe devait compter avec la diversité des traditions administratives des Etats membres.

En conclusion, le Président Alain Barrau a souligné les avancées intervenues au Conseil « Transports » du 28 juin 2001 sur : l'usage obligatoire de boîtes noires à partir de 2007, même en l'absence d'accord international au sein de l'OMI ; l'interdiction de l'appareillage des navires en cas de tempête et le principe de négociations au sein de l'OMI en vue d'obtenir la création d'un troisième fonds d'indemnisation à côté des fonds CLC et FIPOL. Il a toutefois regretté que les décisions arrêtées par le Conseil « Transports » soient timorées, soulignant, d'une part, la lenteur et les difficultés rencontrées pour établir un calendrier satisfaisant de l'élimination des navires à simple coque et, d'autre part, l'impossibilité de parvenir à une avancée en ce qui concerne la création d'un corps européen de garde-côtes. Il a estimé que, sur ce point, l'Europe aurait dû imiter l'exemple des Etats-Unis.

Après les observations de MM. Jean-Bernard Raimond, François Loncle et François Guillaume la Délégation a examiné les propositions de conclusions présentées par le Président Alain Barrau.

Au point 1, relatif à l'approbation des dispositions contenues dans les trois propositions du paquet Erika et de l'accord politique intervenu lors du Conseil « Transports » du 28 juin 2001, elle a, sur proposition du Président Alain Barrau, adopté un amendement regrettant la démarche timorée de l'Union européenne en matière de sécurité maritime, puis le point 1 ainsi modifié.

Elle a adopté le point 2 appelant à la ratification rapide par les Etats membres de la Convention internationale de 1996 sur la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses ainsi qu'à une action de l'Union en faveur de l'amélioration du régime de responsabilité et d'indemnisation applicable à ces dommages.

Au point 3, regrettant le maintien par la Commission de son refus d'envisager la création d'un corps de garde-côtes, après intervention de M. François Guillaume et du Président Alain Barrau, la Délégation a, sur proposition de M. François Guillaume, inséré les notions alternatives de système ou de corps de garde-côtes européen.

La Délégation a adopté sans modification le point 4, regrettant que la Commission n'ait pas repris certaines mesures préconisées par la résolution adoptée par l'Assemblée nationale le 2 octobre 2000.

La Délégation a adopté les propositions de conclusions ainsi modifiées et levé la réserve d'examen parlementaire sur le document E 1648.

« La Délégation pour l'Union européenne,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur un deuxième train de mesures communautaires en matière de sécurité maritime suite au naufrage du pétrolier Erika,

Vu la directive du Parlement européen et du Conseil relative à la mise en place d'un système communautaire de suivi, de contrôle et d'information sur le trafic maritime,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relative à la mise en place d'un Fonds d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures dans les eaux européennes et d'autres mesures complémentaires,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une Agence européenne pour la sécurité maritime (COM [2000] 802 final / E 1648),

Considérant que la communication et les propositions susvisées contiennent des mesures destinées à compléter celles que la Commission européenne a présentées le 21 mars 2000 au titre du « paquet Erika II »

Considérant que les propositions susvisées tendent respectivement à améliorer la sécurité maritime et la prévention de la pollution par les navires ; à améliorer les régimes de responsabilité et de compensation des dommages de pollution en vigueur ; à créer une Agence pour la sécurité maritime ;

Considérant que ces mesures contribuent à renforcer la sécurité maritime au large des côtes européennes ;

Considérant toutefois que certaines lacunes persistantes empêchent toujours l'Union européenne de créer un véritable espace maritime, qu'elle serait en mesure de protéger efficacement, conformément aux conclusions adoptées par la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne le 3 février 2000 ;

1. Tout en regrettant que la démarche de l'Union européenne en matière de sécurité maritime soit timorée, approuve le principe des dispositions contenues dans les propositions susvisées, ainsi que l'accord politique intervenu lors du Conseil des ministres des transports du 28 juin 2001 sur : la décision de l'Union européenne d'imposer dans sa législation l'usage des boîtes noires à partir de 2007, même en l'absence d'accord international au sein de l'OMI ; la mesure visant à interdire l'appareillage des navires en cas de tempête et sur le principe de négociations à entreprendre au sein de l'OMI en vue d'obtenir la création d'un troisième fonds d'indemnisation, à côté des fonds CLC et FIPOL ;

2. Estime nécessaire que les Etats membres ratifient rapidement la Convention internationale de 1996 sur la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses et que l'Union européenne propose des mesures en vue de faire progresser le régime de responsabilité et d'indemnisation applicable à ces dommages ;

3. Regrette le maintien par la Commission de son refus d'envisager la création d'un système ou d'un corps de gardes-côtes européen, qui serait, davantage que l'Agence pour la sécurité maritime instituée par la proposition de règlement susvisée, en mesure de faire respecter la législation communautaire ainsi que l'intégrité de l'espace maritime européen par les navires battant pavillon des Etats tiers ;

4. Regrette également que, à la différence de la résolution adoptée par l'Assemblée nationale le 2 octobre 2000, la Commission européenne n'ait estimé opportun de reprendre ni la proposition de règlement du Conseil sur le registre communautaire et la navigation sous pavillon communautaire, ni l'idée d'une taxe de sécurité maritime communautaire assise sur les marchandises transportées par voie maritime. »

¬ Accès au marché des services portuaires

Présentant ensuite le document E 1702 concernant l'accès au marché des services portuaires, le Président Alain Barrau a indiqué que le projet de directive faisait suite au Livre vert sur les ports et les infrastructures maritimes paru en décembre 1997. Celui-ci prévoyait, entre autres, la mise en place d'un nouveau cadre communautaire pour l'accès au marché des services portuaires.

L'objectif affiché par la Commission est de mettre fin au régime des droits exclusifs et/ou des monopoles de droit ou de fait de nature publique ou privée, dans le cadre desquels les services portuaires ont été fournis de tout temps. Cependant, la Commission cherche à concilier des exigences de sécurité maritime, de protection de l'environnement et d'obligations de service public. D'où l'affirmation de principes tels que la nécessité, pour les Etats membres, de prendre les mesures devant permettre aux fournisseurs de services portuaires d'avoir accès au marché de la fourniture des services portuaires, ou encore la possibilité pour les autorités compétentes de soumettre les prestataires à des autorisations et de limiter leur nombre.

Observant que ce texte suscitait des réactions négatives de la part des départements ministériels intéressés et des organisations socio-professionnelles, le Président Alain Barrau y a vu une illustration des errements de la Commission dénoncés par le rapport de M. Gérard Fuchs sur le service public.

Conformément à sa proposition, la Délégation a décidé de maintenir la réserve d'examen parlementaire sur le document E 1702 et a désigné M.  Daniel Paul rapporteur d'information sur ce texte.

¬ Protection des végétaux

La Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire sur la proposition de directive du Conseil portant modification de la directive n °2000/29/CE concernant les mesures de protection contre l'introduction dans la Communauté d'organismes nuisibles aux végétaux ou aux produits végétaux et contre leur propagation à l'intérieur de la Communauté (document E 1726). Le Président Alain Barrau a précisé que la proposition visait à modifier le régime phytosanitaire communautaire en établissant des procédures de dédouanement des importations en provenance de pays tiers, en favorisant la coopération et l'information entre les organismes officiels, en introduisant le principe d'une harmonisation de la redevance à percevoir en faveur des inspections phytosanitaires et en modifiant les documents phytosanitaires.

¬ Aide financière de pré-adhésion en faveur de la Turquie

Puis la Délégation a examiné la proposition de règlement du Conseil concernant l'aide financière de pré-adhésion en faveur de la Turquie (document E 1734). Après que le Président Alain Barrau eut souligné que la proposition ne visait pas à augmenter les moyens financiers mais consistait à regrouper l'aide en une seule ligne budgétaire d'un montant indicatif de 177 millions d'euros en 2002, M. François Loncle a regretté que le processus de pré-adhésion de la Turquie se poursuive de la sorte alors qu'aucun progrès n'est enregistré dans la résolution de la question chypriote. Le Président Alain Barrau a alors indiqué que la Grèce avait levé la réserve qu'elle avait maintenue à l'égard de ce texte et qui avait empêché son adoption à l'unanimité par le Conseil avant la fin de la présidence suédoise. La Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire sur ce texte.

¬ Assistance macro-financière en faveur de la République fédérale de Yougoslavie

La Délégation a ensuite examiné la proposition de décision du Conseil portant attribution d'une assistance macro-financière en faveur de la République fédérale de Yougoslavie RFY (document E 1746). Le Président Alain Barrau a rappelé que la proposition de la Commission d'aide à la RFY, d'un montant de 300 millions d'euros, comportait un don de 120 millions d'euros et un prêt d'un montant maximal de 180 millions d'euros mais que la France avait suggéré d'augmenter la part des prêts à hauteur du montant des arriérés dus par la RFY à la BEI (225 millions d'euros) et de diminuer la part des dons à 75 millions d'euros, de manière à éviter qu'un refinancement par des dons n'apparaisse comme une forme d'annulation de créances. Cette proposition française a fait l'objet d'un accord unanime des Etats membres contre l'avis de la Commission.

M. Gérard Fuchs a estimé que cette proposition était la première d'une série d'aides à la RFY depuis l'envoi de l'ancien président Milosevic devant le Tribunal pénal international et que l'idée de la France consistait à éviter des remises de dettes unilatérales. M. François Loncle s'est interrogé sur la contribution des Etats-Unis à l'aide macro-financière. Le Président Alain Barrau a regretté que la position du Conseil et son raisonnement sur les remboursements de la RFY à la BEI aboutissent à réduire le montant des dons à 75 millions d'euros. La Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire sur ce texte.

¬ Garantie à la BEI en faveur de projets dans la partie russe du bassin de la mer baltique

La Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire sur la proposition de décision du Conseil accordant une garantie de la Communauté à la Banque européenne d'investissement pour les pertes résultant d'une action spéciale de prêt pour la réalisation de projets environnementaux dans la partie russe du bassin de la mer Baltique (document E 1747). Cette proposition relève du concept de dimension septentrionale, qui a comme principal objectif de restaurer l'équilibre écologique dans les régions russes de Saint-Petersbourg et de Kaliningrad, et concerne des prêts à caractère environnemental pour lesquels des critères très stricts ont été fixés par le Conseil européen de Stockholm.

¬ Protocole à l'accord européen avec l'Estonie

La Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire sur la proposition de décision du Conseil portant échange de lettres entre la Communauté européenne et la République d'Estonie et modifiant le protocole n° 1 de l'accord européen (document E 1750).

¬ Mise en _uvre du fonds pour la réalisation d'un massif de protection à Tchernobyl

La Délégation a enfin examiné la proposition de décision du Conseil concernant une deuxième contribution de la Communauté européenne à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement en faveur du fonds pour la réalisation d'un massif de protection à Tchernobyl (document E 1754). M. François Loncle a souhaité avoir des précisions sur l'évaluation scientifique des centrales nucléaires dans les pays d'Europe centrale et orientale. Le Président Alain Barrau a indiqué qu'il convenait de distinguer les problèmes techniques indéniables de certains types de réacteurs nucléaires et les difficultés dans les négociations d'adhésion liées aux risques que de telles centrales faisaient porter sur l'environnement. M. Gérard Fuchs a rappelé qu'existaient pour tous les pays candidats à l'élargissement des programmes de contrôle et de mise aux normes communautaires des centrales nucléaires, ce qui avait déjà conduit à la fermeture de sites. Mais ces programmes ne concernent ni la Russie, ni l'Ukraine, ni la Biélorussie.

La Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire sur ce texte.