DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 158

Réunion du jeudi 18 octobre 2001 à 9 heures

Présidence de M. Alain Barrau

I. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Le Président Alain Barrau a tout d'abord tenu à informer les membres de la Délégation du compromis négocié lors du Conseil « Telecom » du 15 octobre, après l'adoption par la Délégation d'une proposition de résolution sur l'ouverture à la concurrence des services postaux (document E 1520). Il a insisté sur l'utilité de cette proposition de résolution qui a contribué à la conclusion d'un accord satisfaisant pour la France, comme l'a souligné le secrétaire d'Etat à l'industrie lors des questions au gouvernement.

Sur le rapport du Président Alain Barrau, la Délégation a ensuite examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

¬ Commerce extérieur

La Délégation a examiné les textes suivants :

Le document E 1821 concernant une proposition de règlement visant à augmenter le droit de douane autonome sur l'ail, afin d'aligner ce dernier sur le droit consolidé à l'OMC. Le Conseil a en effet autorisé, le 10 mai 2001, la Commission à notifier à l'OMC une augmentation du droit consolidé sur les importations d'ail, afin de protéger les producteurs communautaires. Le droit consolidé à l'OMC est composé d'un droit ad valorem, auquel s'ajoute désormais un droit spécifique fixé à 1 200 euros par tonne. Le droit de douane autonome sur l'ail doit être modifié en conséquence. Le Président Alain Barrau a indiqué que ce texte prévoyait d'ajouter au taux ad valorem de 12 % du droit autonome, qui reste inchangé, un droit spécifique de 1 200 euros par tonne.

Prenant acte de l'accord de tous les Etats membres sur cette proposition, la Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire sur ce texte.

Le document E 1826 relatif à une proposition de règlement dont l'objet est de clarifier la rédaction de l'article 4 du règlement n°47/1999. Cette disposition concerne le régime d'importation pour certains produits textiles originaires de Taïwan, qui précise les conditions dans lesquelles la Communauté peut autoriser le transfert de quantités non utilisées d'un quota d'importations vers un autre. Il est apparu en effet que certaines disparités entre les différentes versions linguistiques du paragraphe 2 de cet article pouvaient entraîner des incertitudes quant à son interprétation.

La Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire sur ce texte.

M. Maurice Ligot est revenu sur les négociations commerciales qui sont actuellement engagées bilatéralement - en dehors du processus multilatéral de l'OMC - entre la Commission européenne et le Pakistan dans le secteur textile. En dépit des déclarations de M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, qui a récemment assuré la représentation nationale d'un contrôle rigoureux du Conseil sur le mandat donné à la Commission, M. Maurice Ligot s'est inquiété des répercussions que pourrait avoir sur l'industrie textile française un accord commercial avec le Pakistan.

Mme Nicole Ameline a estimé que des mesures exceptionnelles pouvaient être justifiées par des circonstances exceptionnelles. M. Joseph Parrenin a souligné le danger du maintien de mesures exceptionnelles, alors même que disparaissent les circonstances exceptionnelles.

¬ Environnement

La Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire sur :

le document E 1752 relatif à une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 98/70/CE sur la qualité des carburants (programme Auto-Oil I). Ce texte prévoit l'entrée en vigueur de spécifications environnementales en deux étapes, la première le 1er janvier 2000, la seconde le 1er janvier 2005. Dans le cadre du programme Auto-Oil II, la Commission a estimé qu'il convenait de compléter les spécifications prévues pour 2005 :

- en définissant les carburants (diesel et gasoil) utilisés pour les engins mobiles non routiers et les tracteurs agricoles ;

- en rendant obligatoires l'introduction de l'essence et du diesel sans soufre (teneur inférieure à 10 ppm) au plus tard le 1er janvier 2005 ;

- en obligeant les Etats à mettre en _uvre un contrôle de la qualité des carburants et à établir un système de pénalités applicables aux infractions aux dispositions de transposition.

M. François Guillaume a demandé si le réexamen prévu en 2006 de la date à laquelle le diesel devra être conforme à la valeur maximale de 10 mg/kg (10 ppm) pour la teneur en soufre ne risquait pas de différer l'échéance fixée initialement.

Le Président Alain Barrau a répondu que ce texte permettait au contraire de disposer d'une marge de man_uvre afin de pouvoir éventuellement avancer la date prévue initialement.

Le Président Alain Barrau a proposé à la Délégation de lever la réserve d'examen parlementaire sur ce texte et il a suggéré que M. François Guillaume suive plus particulièrement l'application du programme Auto-Oil. M. François Guillaume a accepté cette proposition.

Le document E 1753 concernant la conclusion du quatrième amendement au protocole de Montréal relatif aux substances qui appauvrissent la couche d'ozone. Le protocole de Montréal (adopté en 1987 et ratifié par la Communauté en 1988) a été négocié par la Commission au nom de la Communauté et adopté en décembre 1999. Il ajoute de nouvelles restrictions et renforce la réglementation des échanges commerciaux des substances qui appauvrissent la couche d'ozone : arrêt en 2004 de la production d'hydrocarbures chlorofluorés (HCFC) dans les pays développés, arrêt en 2016 de la production des HCFC dans les pays en développement, interdiction d'échanger des HCFC avec des pays non-parties au protocole, interdiction du bromochlorométhane, communication obligatoire des quantités de bromure de méthyle utilisées en cas de quarantaine et lors d'inspection avant expédition. Ces dispositions sont conformes à la politique communautaire concernant les substances qui appauvrissent la couche d'ozone.

¬ Pêche

La Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire sur le document E 1814 relatif à la conclusion du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et la République du Cap Vert concernant la pêche au large des côtes du Cap Vert pour la période du 1er juillet 2001 au 30 juin 2004. Ce protocole concerne la pêche thonière et bénéficie aux flottes de pêche espagnole, portugaise et française en échange d'une contrepartie financière de 680 000 euros par an, à laquelle s'ajoutent les droits de licence dont s'acquittent les armateurs communautaires.

Elle a également levé la réserve d'examen parlementaire sur le document E 1824 relatif à la conclusion, entre la Communauté européenne et la République de Malte, d'un accord concernant les produits de la pêche sous la forme d'un protocole additionnel à l'accord établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Malte, d'autre part. Cet accord prévoit la mise en place de concessions tarifaires progressives et réciproques.

¬ PESC et relations extérieures

La Délégation a d'abord examiné le document E 1757 relatif à l'application d'un schéma de préférences généralisées pour la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004. Ce texte prévoit de renforcer les mesures de simplification et les régimes spéciaux d'encouragement. Les pays qui feront des efforts en matière de protection des droits des travailleurs et de l'environnement pourront bénéficier de préférences additionnelles, s'ajoutant aux préférences généralisées. Il en sera de même pour ceux qui luttent contre la production et le trafic de drogue. A contrario, les violations graves et répétées des normes fondamentales du travail et les atteintes à l'environnement pourront être des motifs d'exclusion des préférences tarifaires généralisées.

M. François Guillaume s'est déclaré favorable à ce que la Délégation, au-delà de l'examen de ce texte, mène une étude sur la mise en _uvre des accords de Lomé. Il a considéré que, dans ce domaine, l'objectif devait être d'aider les pays les moins avancés (PMA) sans perturber le fonctionnement loyal du commerce international ; il a estimé que cet objectif pouvait être plus efficacement traité dans le champ limité des relations avec les pays ACP que dans le cadre d'une négociation globale. Le Président Alain Barrau a souligné que l'Union européenne restait fortement attaché à défendre, dans le cadre des négociations multilatérales, la spécificité des relations commerciales préférentielles existant avec les pays ACP ; il a considéré par ailleurs qu'il convenait de conserver une distinction claire entre les discussions menées dans le cadre général de l'OMC, les relations avec les pays ACP et les relations existantes avec les pays de la zone méditerranéenne.

La Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire sur ce texte.

Le Président Alain Barrau a ensuite informé la Délégation que, saisi en urgence par Gouvernement le 17 septembre 2001, il avait levé la réserve d'examen parlementaire sur le document E 1769 relatif à l'extension de la garantie accordée par la Communauté à la Banque européenne d'investissement aux prêts en faveur de projets réalisés dans la République fédérale de Yougoslavie.

La Délégation a également examiné le document E 1815 relatif à la conclusion de trois accords-cadre entre la Communauté européenne et, respectivement, la République de Chypre, la République de Malte et la République de Turquie. Ces accords sont relatifs à la participation des pays candidats aux programmes communautaires, dans le cadre de la stratégie de préadhésion.

M. Jean-Claude Lefort a estimé que le projet d'accord avec la Turquie constituait un cas particulier ; il a considéré qu'il ne fallait pas masquer le problème politique que pose la candidature de la Turquie à l'adhésion, notamment du point de vue de sa présence sur le sol chypriote ; il a souligné qu'il convenait de se poser la question de savoir si le projet d'accord soumis à l'examen de la Délégation permettait ou non de progresser vers une solution politique de ce problème.

Le Président Alain Barrau a rappelé que depuis le Conseil d'Helsinki de décembre 1999, la Turquie fait partie des pays candidats à l'adhésion, mais que les négociations n'ont pas débuté. Il a souligné que l'évolution de la situation intérieure de la Turquie, sur le plan économique notamment, conduira immanquablement ce pays à demander l'ouverture des négociations et qu'il faut se préparer à cette demande.

M. Maurice Ligot a estimé que la candidature de la Turquie devait être l'occasion pour l'Union européenne de réfléchir sans tarder aux limites géographiques qu'elle souhaite se donner pour elle-même.

La Délégation a ensuite levé la réserve d'examen parlementaire sur ce texte.

Elle a également levé la réserve d'examen parlementaire sur :

le document E 1822 relatif à l'aide à l'Albanie, à la Bosnie-Herzégovine, à la République fédérale de Yougoslavie et à l'ancienne République yougoslave de Macédoine. Il s'agit, par ce texte étendant le mandat de l'Agence européenne pour la reconstruction, à la mise en _uvre de l'assistance communautaire dans l'ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM), d'apporter un soutien exemplaire au processus de stabilisation politique engagé depuis la signature de l'accord de paix d'Ohrid, le 13 août 2001 ;

le document E 1825 relatif à l'attribution d'une aide macrofinancière à l'ancienne République yougoslave de Macédoine. Ce texte prévoit de prolonger au 31 décembre 2002 la date limite d'utilisation des fonds prévus par la décision du Conseil 1999/733/CE du 8 novembre 1999 accordant à l'ARYM une aide macrofinancière d'un montant de 80 millions d'euros.

¬ Questions économiques, budgétaires et fiscales

La Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire sur :

· la proposition de règlement (CE, CECA, EURATOM) du Conseil portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (document E 1591) ;

· la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les contrats de garantie financière (document E 1718) qui s'inscrit dans le plan d'action de la Commission pour les services financiers ;

· la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la surveillance complémentaire des établissements de crédit, des entreprises d'assurance et des entreprises d'investissement appartenant à un conglomérat financier (document E 1733) ;

· la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le prospectus à publier en cas d'offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l'admission de valeurs mobilières à la négociation (document E 1755) ;

· la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché qui vise à renforcer l'intégrité des marchés financiers et la coopération entre les autorités nationales compétentes (document E 1756) ;

· la proposition de décision du Conseil autorisant la France à proroger l'application d'un taux d'accises réduit sur le rhum « traditionnel » produit dans ses départements d'outre-mer (document E 1762) ;

· la proposition de décision du Conseil autorisant le Portugal à appliquer une réduction du taux d'accises, dans la région autonome de Madère, au rhum et aux liqueurs produits et consommés, ainsi que dans la région autonome des Açores, aux liqueurs et eaux-de-vie produites et consommées (document E 1795) ;

· la lettre de la Commission européenne relative à une demande de dérogation présentée par l'Irlande en application de l'article 8, paragraphe 4 de la directive 92/81/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 concernant l'harmonisation des structures des droits d'accises sur les huiles minérales (document E 1817) ;

· la lettre rectificative n °1 à l'avant-projet de budget pour 2002 (Section VIII B - Contrôleur européen de la protection des données et section III - Commission) qui vise à inscrire dans l'avant-projet de budget pour 2002 des crédits relatifs au contrôleur européen de la protection des données et au système d'information Schengen (document E 1827).

¬ Santé

La Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 93/42/CEE du Conseil, telle que modifiée par la directive 2000/70/CE, en ce qui concerne les dispositifs médicaux incorporant des dérivés stables du sang ou du plasma humains (document E 1811).

¬ Transports

La Délégation a ensuite levé la réserve d'examen parlementaire sur :

· la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 881/92 du Conseil concernant l'accès au marché des transports de marchandises par route dans la Communauté (document E 1626), le Président Alain Barrau ayant souligné l'intérêt d'instaurer une attestation uniforme d'habilitation pour les conducteurs de véhicules effectuant des transports internationaux de marchandises ;

· la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles communes dans le domaine de l'aviation et instituant une Agence européenne de la sécurité aérienne AESA (document E 1635).

¬ Divers

Enfin, la Délégation a décidé de lever la réserve d'examen parlementaire sur :

· la proposition modifiée de décision du Conseil fixant les dispositions nécessaires à la mise en _uvre du protocole, annexé au traité de Nice, relatif aux conséquences financières de l'expiration du traité CECA (document E 1732). Le Président Alain Barrau a rappelé que le traité CECA arrivait à échéance le 23 juillet 2002 et que la décision ne serait pas formellement prise par le Conseil tant que le traité de Nice ne serait pas entré en vigueur ;

· la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE, Euratom, CECA) n° 259/68 applicable aux fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes (document E 1745) ;

Le Président Alain Barrau a indiqué aux membres de la Délégation que la proposition de règlement du Conseil relatif aux mesures que la Communauté peut prendre à la suite d'un rapport adopté par l'Organe de règlement des différends de l'OMC concernant des mesures antidumping ou antisubventions (document E 1766) a fait l'objet d'une demande d'examen en urgence par lettre du ministre délégué en charge des affaires européennes en date du 18 juillet 2001, à laquelle il a répondu le même jour en levant la réserve d'examen parlementaire. Tout en estimant nécessaire l'adoption de ce texte pour permettre à la Communauté de se mettre en conformité avec les conclusions du rapport d'appel avant la date fixée, il a regretté l'accélération du calendrier qui a conduit la Commission à inscrire ce texte à l'ordre du jour du Conseil « Agriculture » du 23 juillet, ce qui n'a pas permis au Parlement français d'effectuer un examen préalable des dispositions proposées. Mme Béatrice Marre a alors fait observer que les décisions de l'Organe de règlement des différends de l'OMC étaient attendues et qu'il convenait de préparer leur exécution par la Communauté.

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M. Joseph Parrenin, soulignant la carence de l'Union européenne dans le dossier de la crise bovine, a souhaité que la Délégation puisse prendre une initiative en ce domaine.

II. Communication de Mme Béatrice Marre sur la rencontre parlementaire de Doha (Qatar)

Avant de présenter les initiatives visant à préparer la rencontre parlementaire de Doha, Mme Béatrice Marre a évoqué le contexte dans lequel elles s'inscrivaient. Elle a estimé que l'émergence d'une dimension parlementaire des négociations commerciales multilatérales répondait à une véritable nécessité politique. Ni les citoyens, ni leurs parlementaires ne se satisfont d'un Parlement dont le rôle dans ce domaine se limite à autoriser la ratification des accords commerciaux.

Mme Béatrice Marre a considéré que l'OMC souffrait d'un déficit démocratique, qui naît du sentiment que les règles de l'organisation semblent échapper à toute forme de contrôle citoyen. L'opinion se sent « piégée » par des accords formant un engagement unique et global, qui traitent d'aspects de la vie de tous les jours. L'OMC dispose en outre d'un tribunal, l'Organe de règlement des différends, qui l'apparente à un véritable ordre juridictionnel. Or celui-ci ne tient compte que des accords commerciaux et peut donc remettre en cause les choix légitimes d'une collectivité en matière de santé publique ou de sécurité alimentaire. A cet égard, les rétorsions américaines prises dans le cadre du panel de l'OMC sur le conflit du b_uf aux hormones ont marqué l'opinion publique. Pour toutes ces raisons, les citoyens estiment que les Etats ne sont pas en mesure de défendre leurs intérêts fondamentaux dans cette organisation.

Dès lors, il n'est pas étonnant que les citoyens se soient tournés vers les ONG, espérant ainsi créer une pression sur l'OMC qui l'oblige à prendre en compte leurs préoccupations. Les ONG ont occupé le devant de la contestation anti-mondialisation depuis l'échec de la Conférence de Seattle. Or celles-ci agissent dans un cadre juridique relativement flou, car il n'existe pas de statut international des ONG. Surtout, les ONG ne disposent pas de la légitimité conférée par le suffrage universel. Elles constituent l'un des éléments du débat démocratique, mais ne sont pas la démocratie. Mme Béatrice Marre a estimé que, dans ces conditions, les parlementaires avaient un grand rôle à jouer au sein du système commercial multilatéral. Elle a indiqué qu'ils apporteraient une garantie de transparence et de légitimité démocratique aux négociations commerciales par l'exercice de leurs trois missions traditionnelles : mission de médiateur entre les gouvernements qui négocient à Genève et les peuples, mission de législateur, en intervenant en amont du processus de négociation, afin d'influer sur les orientations et les directives servant à l'élaboration du droit commercial et mission de contrôle de l'exécutif.

En ce qui concerne la préparation de rencontre parlementaire qui aura lieu à l'occasion de la Conférence ministérielle de l'OMC de Doha (Qatar), Mme Béatrice Marre a rappelé qu'elle est le fruit de deux initiatives, prises par l'Union interparlementaire, d'une part, et par le Parlement européen, d'autre part. L'UIP a organisé, après une réunion préparatoire en février 2001, la première conférence parlementaire mondiale sur le commerce, les 8 et 9 juin 2001 à Genève, à laquelle ont participé 180 parlementaires. La Déclaration finale rappelle que les parlementaires ont un rôle essentiel à jouer, en tant que représentants du peuple, dans les négociations commerciales multilatérales et invite l'UIP à tenir une réunion parlementaire à Doha. De son côté, le Parlement européen a organisé, en avril 2001, un séminaire sur la transparence à l'OMC, puis une réunion préparatoire le 5 septembre 2001 à Strasbourg, au cours de laquelle un projet d'invitation à une rencontre parlementaire adressé aux parlementaires présents à Doha a été examiné. Les participants à cette réunion ont souligné la nécessité d'associer l'UIP à cette démarche, en raison du caractère universel de cette organisation et de sa volonté d'organiser une telle manifestation. Les membres du Parlement européen ont observé qu'une invitation faite au nom de l'UIP risquait de déboucher sur une rencontre à laquelle les membres du Congrès américain ne participeraient pas, en raison du peu d'intérêt manifesté par ces derniers dans les travaux de l'UIP. Mme Béatrice Marre a estimé à cette occasion que l'organisation d'une rencontre sous l'égide du Parlement européen serait politiquement malvenue, car elle s'apparenterait, pour les pays en développement, à une manifestation organisée par les parlementaires des pays riches. Elle a indiqué qu'à l'issue de ce débat la formule d'une démarche conjointe entre l'UIP et le Parlement européen a été retenue. Cette formule a été approuvée par l'UIP lors de la réunion préparatoire du 5 octobre 2001 sur la rencontre de Doha. Une lettre, co-signée par la présidente du Parlement européen, Mme Nicole Fontaine, et la Présidente du Conseil de l'UIP, Mme Najma Heptulla, sera adressée aux présidents des parlements dont les membres font partie des délégations officielles invitées à Doha pour convier les parlementaires à participer à une rencontre portant sur la place des parlements nationaux dans les négociations commerciales multilatérales et les modalités d'institution d'une dimension parlementaire à l'OMC.

Avant de conclure, Mme Béatrice Marre a souhaité évoquer les modalités d'organisation d'un suivi parlementaire des activités de l'OMC sur le plan international. Elle a indiqué que l'institution d'une Assemblée parlementaire de l'OMC, demandée par le Parlement européen, se heurtait à un obstacle politique majeur, l'opposition de pays en développement. Ces derniers ne sont pas favorables à la création d'un nouvel échelon institutionnel au sein d'une organisation dans laquelle ils se sentent déjà fortement marginalisés. D'autre part, la création d'une Assemblée parlementaire de l'OMC conduirait à multiplier les structures. Mme Béatrice Marre s'est donc prononcée en faveur de l'utilisation d'instances qui existent déjà. En outre, la formule retenue doit permettre l'expression politique des parlements nationaux. Elle a déclaré que l'UIP, organisation mondiale des parlements nationaux, pouvait remplir ce rôle, en créant en son sein un système de commissions permanentes, avec une commission chargée de suivre les activités de l'OMC. Enfin, Mme Béatrice Marre a rappelé la nécessité d'améliorer le contrôle exercé par les parlements nationaux, en évoquant les différentes solutions envisageables.

M. François Guillaume, tout en saluant les efforts de Mme Béatrice Marre pour clarifier la situation, a estimé qu'il appartenait aux parlementaires de contrôler l'action des gouvernements et aux gouvernements de consulter les représentants de la société civile. Il a craint que nos concitoyens ne comprennent plus qui négocie et qui décide, en raison de la confusion des responsabilités. Il a souhaité l'organisation d'un débat approfondi, à l'Assemblée nationale, sur tous les enjeux de la négociation.

M. Jean-Claude Lefort a rappelé que le directeur général de l'OMC avait été chargé à Seattle de mettre en place une assemblée des parlementaires des Etats membres, ce qu'il n'a pas fait, alors que, parallèlement, les ONG ont vu leur influence croître. Il a donc souhaité que les parlementaires démocratiquement élus puissent se faire entendre à Doha et ne laissent pas l'OMC en tête à tête avec les ONG.

Il a estimé que le Parlement européen ne pouvait pas prétendre assurer l'expression des parlementaires sur les enjeux de la négociation, car il n'est pas suffisamment représentatif. L'idée de confier à l'Union interparlementaire le soin de rassembler les parlementaires présents à Doha lui a semblé plus pertinente, à condition que les Etats-Unis fassent preuve de réalisme et décident d'y participer. Il s'est déclaré favorable à l'existence d'une structure spécifique à caractère permanent au sein de l'Assemblée nationale pour suivre les travaux de l'OMC.

Mme Nicole Catala a jugé la communication de Mme Béatrice Marre très utile. Elle a appuyé la proposition d'une réunion des parlementaires à Doha, à condition que ce ne soit pas la préfiguration d'un parlement mondial, et que les parlementaires ne soient pas réduits au rôle d'observateurs. Elle a souhaité que le Parlement français soit plus impliqué dans la préparation de la conférence de Doha sur tous les sujets sensibles et qu'il élabore des résolutions sur certains d'entre eux.

M. Maurice Ligot a estimé que la mission de contrôle de l'action gouvernementale dévolue à l'Assemblée nationale justifiait l'organisation d'un débat en séance publique permettant l'expression de tous les députés qui le souhaitent, à condition que ce débat ne se déroule pas à la veille des négociations. Il a craint que le Gouvernement ne cherche à fuir le débat avec les parlementaires sur ce dossier, et il a insisté sur la tenue d'un débat à l'Assemblée nationale permettant la confrontation des points de vue.

M. Jean-Claude Lefort a alors rappelé que la politique commerciale de l'Union relevait, pour l'essentiel, de décisions prises à l'unanimité des Etats membres. Il a jugé que, dans ces conditions, les parlementaires devaient contribuer à définir le mandat du Gouvernement dans la négociation, en ne laissant pas s'établir à Doha un dialogue exclusif entre l'OMC et les ONG.

Le Président Alain Barrau a souligné combien le déroulement de la conférence de Seattle avait modifié la donne en consacrant l'entrée des ONG dans un débat qui se limitait essentiellement aux gouvernements et à la Commission. La question qui se pose aujourd'hui est celle de la place et du rôle des élus, représentatifs de la population, dans cette nouvelle configuration qui ne doit pas les marginaliser.

La Délégation, pour sa part, aura à exprimer son point de vue sur la conférence de Doha, mais il serait souhaitable que les commissions permanentes compétentes traitent également de ce dossier sur lequel les membres du gouvernement sont prêts à dialoguer.

Au-delà d'un éventuel débat en séance plénière souhaité par certains ou d'une séance de questions au Gouvernement réservée à la prochaine conférence ministérielle de Doha, le Président a rappelé que le colloque sur « l'Union européenne face à la mondialisation », organisé le 31 octobre prochain, serait l'occasion pour chacun d'avoir un vrai débat politique et de faire avancer de façon transversale la réflexion des élus sur ce sujet.

Il s'est engagé à poursuivre le travail de « vigie » et de suivi de la Délégation par l'adoption d'un rapport d'information sur les résultats de la conférence de Doha, qui intégrera également le problème de la place des parlementaires dans le processus des négociations.

Se référant à la réunion du Forum social mondial de Porto Alegre, où la France était représentée au niveau ministériel, Mme Béatrice Marre a souligné la nécessité d'un débat triangulaire entre les ONG, les parlementaires et les membres de l'OMC.

Elle a proposé de présenter, après la conférence de Doha, un rapport sur le contenu de cette conférence et sur le problème du contrôle parlementaire en ce domaine.

III. Informations relatives à la Délégation

Le Président Alain Barrau a rappelé aux membres de la Délégation le programme des prochaines réunions :

- mardi 23 octobre à 18 heures : audition publique de M. Valéry Giscard d'Estaing dans le cadre des « Mardis de l'Europe » ;

- mercredi 24 octobre à 16 heures : réunion de travail avec la Commission des affaires européennes du Bundestag en vue de l'élaboration d'un texte franco-allemand sur les perspectives de 2004 ;

- jeudi 25 octobre à 9 heures : réunion de la Délégation avec la communication des transpositions des directives, et le compte-rendu de la XXVème COSAC ;

- mercredi 31 octobre matin : Débat sur « l'Union européenne face à la mondialisation », ouvert à l'ensemble des députés, au députés européens, aux représentants syndicaux et associatifs ;

- mercredi 7 et jeudi 8 novembre : Assises sur l'Europe qui constitueront la contribution de l'Assemblée nationale au débat national sur l'avenir de l'Union. Le Président Alain Barrau a rappelé que les députés de la Délégation étaient invités à prendre une part active dans le déroulement des tables rondes et de la séance solennelle de clôture qui se déroulera dans l'hémicycle, le 8 novembre au matin.