nationale

 

DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 162

Réunion du mardi 30 octobre 2001 à 17h45

Présidence de M. Alain Barrau

Audition de M. Joschka Fischer, ministre allemand des affaires étrangères, dans le cadre des « Mardis de l'Europe » (audition ouverte à l'ensemble des députés et à la presse)

Le Président Alain Barrau a remercié M. Joschka Fischer, ministre allemand des affaires étrangères, d'avoir accepté l'invitation de la Délégation pour l'Union européenne pour venir exposer sa vision de l'Europe après 2004. Après avoir rappelé le principe de cette audition publique des « Mardis de l'Europe », il a donné la parole à M. Joschka Fischer.

M. Joschka Fischer a tout d'abord souligné l'intérêt de cette initiative des « Mardis de l'Europe », qui permet un dialogue utile avec différentes personnalités politiques européennes sur l'avenir de l'Union. Il s'est dit très honoré d'intervenir dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, d'autant plus que la France et l'Allemagne jouent depuis toujours un rôle déterminant dans la construction européenne. L'Histoire révèle en effet que lorsque la France et l'Allemagne sont d'accord, des progrès européens sont possibles ; à l'inverse, les désaccords entre ces deux pays sont souvent à l'origine de blocages. Cette règle s'applique notamment en ce qui concerne l'élargissement où la convergence franco-allemande est déterminante. Pour autant, l'accord n'est pas toujours facile, surtout dans le cadre d'une intégration qui progresse.

    M. Joschka Fischer a rappelé qu'à partir du 1er janvier prochain, l'euro deviendra une réalité concrète dans la vie quotidienne de millions d'européens. Cela implique une nouvelle dimension qui va renforcer, au quotidien, le sentiment d'intégration de chaque citoyen européen. Il a souligné que, dans ce contexte, le dialogue entre les parlements devait jouer un rôle prépondérant.

M. Joschka Fischer a alors déclaré que toute discussion sur l'avenir de l'Europe était désormais liée aux terribles événements du 11 septembre dernier. La perception du risque a considérablement changé dans notre vie quotidienne et les questions de sécurité sont de nouveau prioritaires, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des frontières de l'Europe. Ce qui s'est produit ces dernières semaines contraint à reconsidérer les capacités de l'Union européenne. Il a souligné que la crise mettait en lumière les déficits, mais aussi les forces de l'Union européenne, tant il existe des ressources qui permettent de garantir la sécurité intérieure et extérieure, même si celles-ci dépendent encore des différents pays et gouvernements nationaux. Face aux défis posés par le terrorisme international, il s'agit désormais de prendre des décisions courageuses sur la voie de l'avenir. La décision du Conseil européen de Tampere de créer un espace unique de liberté, de sécurité et de justice signifie qu'il faut aller plus loin en matière de sécurité extérieure et d'immigration et qu'il convient d'aborder ces sujets dans une perspective communautaire. Schengen étant désormais une réalité, c'est en effet aujourd'hui à l'Europe qu'il incombe d'assurer notre sécurité. Confrontée à une situation totalement nouvelle, l'Union doit faire ses preuves. Le plan d'action de Gand, qui se nourrit d'objectifs ambitieux en matière de blanchiment d'argent et de lutte contre le financement du terrorisme, doit être réalisé. Plus l'intégration avance - les frontières intérieures de l'Europe n'existent plus pour les citoyens européens - et plus la question des frontières extérieures de l'Union européenne va se poser.

M. Joschka Fischer a ensuite évoqué les nouveaux axes de la politique internationale qui se dessine dans le cadre de la grande coalition contre le terrorisme. Des transformations substantielles se produisent et pourraient conduire à un nouvel ordre politique mondial. S'il devait en être ainsi, chaque pays européen pris isolément sera trop petit pour défendre ses intérêts dans ce nouveau monde du 21e siècle.

Or, cette nouvelle orientation offre des chances de forger différemment la politique européenne de sécurité. M. Joschka Fischer a mentionné la région du Proche-Orient où la France et l'Allemagne, avec leurs partenaires européens, déploient constamment de nouveaux efforts pour tenter de mettre un terme à l'escalade de la violence. Il a également rappelé ce qu'il se passait il y a quelques années en Bosnie, où plus de 200 000 personnes sont mortes et où il y a eu plusieurs millions de réfugiés. Il a salué l'action européenne et fait état des élections libres du 17 novembre prochain au Kosovo et de l'amélioration de la situation en Macédoine. Pour la première fois, l'Europe semble être en mesure d'empêcher l'éclatement d'une nouvelle guerre ethnique. Pour la première fois aussi, une véritable perspective de développement pacifique vers une intégration de l'Europe semble envisageable ; tels sont les bénéfices d'une politique étrangère européenne commune dont les répercussions positives directes sur nos pays sont évidentes. Un embrasement des Balkans aurait en effet des répercussions catastrophiques pour les Etats de l'Union.

S'exprimant sur l'avenir politique d'un Afghanistan libre où il n'y aurait plus de terrorisme, M. Joschka Fischer a estimé que l'Europe devait jouer un rôle important. Les attentats du 11 septembre posent de nouveaux défis à l'Europe en matière de politique étrangère, de politique de sécurité intérieure et d'immigration. Toutes ces questions sont liées les unes aux autres et s'inscrivent pleinement dans le cadre du débat sur l'avenir de l'Union. Le 11 septembre a donc changé le cours de l'histoire ; c'est une réalité qui pose en termes nouveaux l'avenir de l'Europe.

Il a alors rappelé les propos de M. Hubert Védrine qui considère que le débat sur l'avenir de l'Union est le plus important dans l'histoire de la construction européenne. Il en va de notre avenir, de notre système social, éducatif et de l'avenir de nos économies. Il en va également du rôle de l'Europe au 21ème siècle. Réaffirmant les diversités culturelles et historiques des pays d'Europe, M. Joschka Fischer a souhaité souligner les constantes communes. Il a mentionné l'idée, partagée à droite comme à gauche, selon laquelle nous souhaitons promouvoir la liberté dans un Etat de droit et dans un Etat social, dans le cadre d'une économie durable qui permette le maintien de niveaux de vie acceptables. Il a déclaré que ce débat sur l'avenir de l'Europe devait aboutir à des résultats qui permettront à l'Europe d'avoir une capacité d'action. « Quel sera notre poids ? », « Que pourrons-nous décider ? » et « Dans quelle mesure serons-nous dépendants des décisions des autres ? » sont des questions déterminantes concernant le rôle de l'Europe au 21ème siècle. M. Joschka Fischer a alors rappelé son attachement à l'euro, non pas pour des raisons économiques et monétaires, mais parce qu'il s'est dit convaincu que l'euro est la seule alternative pour préserver notre souveraineté. La monnaie est en réalité une interface entre la politique et l'économie.

Abordant le sujet de l'élargissement de l'Europe, M. Joschka Fischer a indiqué que l'Union comptera dix nouveaux membres dans un avenir très proche. La dimension même de l'élargissement signifiera en réalité une amélioration qualitative dans l'histoire de l'Union européenne. Il s'agit de surmonter une division artificielle issue de la guerre froide, ce qui constitue un immense défi. C'est un pas nécessaire, historique, mais qui suppose le courage de prendre des décisions elles aussi historiques. Excluant toute alternative à cet élargissement, il a considéré que cela serait une erreur pour l'Union que de faire patienter trop longtemps les candidats à l'adhésion. Il faut relever le défi de l'élargissement et trouver les réponses aux questions qui vont se poser.

M. Joschka Fischer a ensuite abordé les quatre thèmes mentionnés dans la déclaration finale de Nice et qui feront l'objet d'une prochaine Conférence intergouvernementale (CIG) en 2004. Le traité signé à Nice détermine la nouvelle capacité de l'Union européenne et l'Agenda 2000 permet de jeter les bases financières pour l'élargissement de l'Union. Mais si l'Europe regroupe un jour 25 pays, des décisions radicales s'imposeront alors pour garantir la capacité d'action de cette immense union. Il faudra parvenir à davantage d'efficacité, à une Union plus transparente et plus légitime.

Il a déploré l'insuffisance de démocratie institutionnelle qui prévaut actuellement dans le fonctionnement institutionnel de l'Union. Les citoyens européens ont du mal à comprendre les compromis décidés en Conseil européen et ne les perçoivent pas toujours comme le résultat de réflexions rationnelles. Il faut donc réfléchir à une nouvelle forme de légitimité européenne afin d'éviter que se développe le sentiment d'euroscepticisme. Une Europe à 25 sera ingouvernable avec les structures actuelles et un tour de table au Conseil européen durera plusieurs heures ! Comment réunir les intérêts de 25 pays ? Des réformes institutionnelles s'imposent et la tentation de renoncer à l'élargissement serait inacceptable car elle signifierait que l'Europe renonce à sa mission historique. Les conséquences seraient catastrophiques sur l'Europe et constitueraient une trahison à l'égard des pays candidats, au regard des idées et des principes que nous défendons. Il n'existe donc pas d'alternative à l'élargissement et des réformes institutionnelles devront être entreprises.

M. Joschka Fischer a ensuite cité d'autres enjeux importants pour l'avenir de l'Union : un meilleur partage des compétences entre l'Union et les Etats membres, le statut de la Charte des droits fondamentaux, la simplification des traités et le rôle des parlements nationaux. Mais il a déclaré que le gouvernement allemand ne souhaitait pas se limiter aux quatre thèmes mentionnés dans la Déclaration de Nice et désirait aller plus loin en réfléchissant à une meilleure séparation des pouvoirs et à une extension de la majorité qualifiée au Conseil « Affaires générales ».

M. Joschka Fischer s'est demandé si, sur des questions aussi diverses que la justice, l'immigration et l'asile, il ne fallait pas envisager de créer une synergie entre les deux domaines que sont la justice et les affaires intérieures, d'une part, et la politique étrangère et de sécurité commune, d'autre part. Ne serait-ce pas la meilleure voie pour accroître la capacité d'action de l'Union à l'extérieur et pour compléter les politiques nationales en la matière ?

Pour ce qui concerne les futures institutions de l'Union, le ministre a estimé que l'évolution du processus d'intégration européenne devait conduire à l'adoption d'un traité constitutionnel européen et à la création d'une démocratie européenne. Selon lui, la prochaine étape devrait être la mise en place d'une fédération d'Etats-nations. Cela suppose de combiner l'idéal fédéral et le rôle irremplaçable des nations, ce qui n'est ni évident, ni facile. Mais c'est précisément l'apport particulier de l'Union européenne que de fédérer des points de vue différents. Il est donc nécessaire de continuer à réfléchir sur cette idée de fédération d'Etats-nations.

Les gouvernements des Etats membres se sont mis d'accord sur les caractéristiques essentielles d'une convention. Cette dernière devra proposer des solutions concrètes avant la conférence intergouvernementale de 2004, afin que celles-ci puissent être examinées par le Parlement européen et les parlements nationaux. Il reviendra au Conseil européen de Laeken de décembre prochain de définir son mandat, son calendrier de travail et sa méthode. C'est sur ce fondement que la convention devra se constituer et s'organiser. Les discussions au sein du Conseil « Affaires générales » sur cette question ont, selon lui, bien avancé et devraient déboucher sur des décisions intéressantes.

Le ministre a indiqué que l'intégration européenne ne pourrait en tous cas se faire sans une volonté commune de la France et de l'Allemagne. Il a estimé qu'à l'occasion de l'anniversaire des quarante ans du traité de l'Elysée en 2003, les relations franco-allemandes sont appelées à s'améliorer. La question est de savoir s'il faut envisager une nouvelle initiative commune. Mais le processus de négociation devra, en tous cas, être inclusif, et non exclusif. Que l'Union soit composée de vingt-cinq, vingt-sept ou trente Etats, la France et l'Allemagne constituent, en tant que principales puissances fondatrices de la Communauté et compte tenu de leur poids, le moteur de la construction européenne.

Le processus de Blaesheim a permis d'ouvrir un large débat, à la fois sur les problèmes bilatéraux et internationaux. Il serait utile que les parlements nationaux s'y associent davantage et qu'au vu des opinions et intérêts divergents, on définisse un compromis qui pourrait constituer l'étape suivante de l'Union européenne. Aussi se réjouit-il de la présente initiative de l'Assemblée nationale.

Les Etats membres sont aujourd'hui confrontés à plusieurs défis, au premier rang desquels l'élargissement. Celui-ci est à la fois inévitable et proche. Cela suppose d'adapter l'organisation et le fonctionnement de l'Union afin de lui donner une forte légitimité au regard de l'opinion publique, qu'il s'agisse de celle des actuels Etats membres ou de celle des pays candidats. Par ailleurs, l'Europe que nous choisirons pour demain devra tenir compte des enjeux de la crise internationale actuelle. Bref, il faudra déployer à la fois imagination et courage et proposer une approche aussi visionnaire que celle des pères fondateurs de l'Europe.

Le Président Alain Barrau a souhaité également que l'on réfléchisse à cette idée de fédération, notamment dans le cadre des relations franco-allemandes. Il a interrogé le ministre sur trois points : qu'attend-il de la convention, un texte unique ou plusieurs options ? Dans quelle mesure l'élargissement peut-il se faire à la fois de façon individualisée et sous la forme de ce que M. Joschka Fischer a lui-même appelé le « big bang », ou l'élargissement à dix ? Enfin, comment l'élargissement est-il compatible avec le maintien du plafond de ressources à 1,27 % du PNB ? Ce plafond n'est-il pas amené à évoluer ?

M. Joschka Fischer a répondu que, dans son esprit, la convention devait proposer plusieurs options, mais que celles-ci devraient être limitées et réalistes. Elles doivent être d'autant plus réalistes qu'elles devront ensuite être approuvées par les parlements nationaux. Ceux-ci examineront dans quelle mesure leurs intérêts ont été pris en compte et seront, au besoin, amenés à rectifier le texte. D'où la nécessité de réfléchir à la façon de bien les associer au processus de décision.

Concernant l'élargissement, il a estimé qu'il convenait de s'appuyer sur les décisions prises au Conseil européen d'Helsinki. Se poseront sans doute des difficultés propres à certains Etats, comme en matière agricole pour la France et la Pologne : il conviendra de les prendre pleinement en compte. Quant au plafond, il a donné lieu à un large débat au Bundestag. Il faudra concilier des intérêts différents, voire parfois contradictoires, comme celui de l'Espagne concernant la prolongation des fonds structurels ou de l'Allemagne, qui ne souhaite pas alourdir la charge financière. La négociation des perspectives financières à Berlin a été très difficile. Si l'on rouvre aujourd'hui ce débat, on risque de soulever de nombreux problèmes qu'on risque de ne pas pouvoir résoudre. Mieux vaudrait donc conserver ce qui a été décidé à Berlin jusqu'en 2006, même si nos marges de man_uvres financières sont réduites. Ensuite, il faudra avec beaucoup d'imagination voir ensemble comment on fera évoluer les ressources financières de l'Union, les fonds structurels ou la politique agricole commune.

M. François Loncle a souhaité que les pays candidats soient associés aux travaux de la Convention. Evoquant le défi du terrorisme, il a interrogé M. Joschka Fischer sur le moyen d'accélérer la politique étrangère et de sécurité commune.

M. Joschka Fischer a approuvé l'idée d'associer les pays candidats à la Convention, dans l'intérêt des Etats membres. Il a considéré qu'il serait absurde de les exclure. Il a proposé que les pays candidats qui auront signé leur adhésion puissent participer à la Convention comme des Etats membres à part entière et que les autres y soient associés selon des modalités à définir. Evoquant l'action positive de Javier Solana dans les Balkans et au Proche-Orient, en liaison avec les ministres des Etats membres, il a souhaité un renforcement de son rôle et une accélération de la PESC. Il a émis l'hypothèse d'une fusion des postes de Javier Solana et Christopher Patten. Il a estimé que le renforcement de l'Union européenne n'avait pas pour conséquence d'affaiblir les souverainetés nationales.

Le Président Alain Barrau a rappelé que la Délégation pour l'Union européenne avait proposé une participation des exécutifs des pays candidats et des parlements des Etats membres à la Convention.

M. Jacques Myard a contesté la notion de « nouvel ordre mondial » depuis les attentats du 11 septembre. Il a estimé que ces attentats avaient provoqué un retour aux réalités, en évoquant notamment la rupture démographique entre le Nord et le Sud et les effets de Schengen sur la libre circulation aux frontières intérieures de l'Union. Il a relativisé le rôle de M. Solana, car il ne lui appartiendra jamais de déclarer une guerre au nom de l'Europe. Il a jugé l'Europe malade, et considéré qu'elle était devant un problème quantitatif qui cache un problème qualitatif. Il a déclaré que le système européen actuel était à bout de souffle. Il a souhaité que le principe de subsidiarité soit davantage respecté, afin de réconcilier l'Europe et les citoyens.

M. Gérard Fuchs a approuvé l'ambition de M. Fischer en faveur d'une fédération d'Etats-nations, regrettant que certains Etats membres et certains pays candidats ne partagent pas cette ambition. Il a suggéré que le futur traité prévoit un noyau dur ouvert.

M. Taubmann, correspondant d'Arte à Paris, a interrogé M. Fischer sur les dossiers sur lesquels l'Union européenne pouvait rebondir à la suite des attentats du 11 septembre.

Mme Nicole Catala a souhaité connaître les réflexions de M. Fischer sur le rôle des parlements nationaux dans l'élaboration de la législation européenne de la future Union élargie. Elle l'a également interrogé sur le concept de fédération d'Etats-nations en lui demandant s'il correspondait à la création d'un Etat européen.

M. Georges Berthu, député européen, a rappelé l'attachement des citoyens aux décisions prises au niveau national et suggéré que les parlements nationaux soient pleinement impliqués dans l'instruction des propositions examinées par la Convention. Il a demandé au ministre qui aurait, à son sens, l'initiative du projet de réforme des traités examiné par la Convention ?

M. Joschka Fischer, en réponse aux différents intervenants, a d'abord souligné que la construction européenne se trouvait depuis quelques années dans un contexte, interne et externe, de fortes mutations, marqué notamment par la chute du Mur, l'élargissement, la réunification allemande, et plus récemment la mise en place de l'Euro et une crise internationale caractérisée par la montée de nouveaux totalitarismes et fanatismes. Il a jugé que l'élargissement rendait indispensable la réforme des institutions, si l'on ne voulait pas courir le risque de l'impuissance et d'éventuels reculs qui seraient fortement préjudiciables aux membres de l'Union et aux peuples européens. Il a estimé que si de telles évolutions se faisaient jour il était probable que la grande majorité des Européens réagiraient en manifestant clairement leur attachement à la construction européenne.

Abordant la notion de subsidiarité, il a estimé que celle-ci recouvrait la question du partage des compétences entre les Etats et l'Union. Il a indiqué à ce propos qu'il ne comprenait pas la position des souverainistes. Prenant l'exemple de la création de l'euro, il a d'abord rappelé l'importance que représentait le deutsche mark pour l'Allemagne et le rôle de monnaie de réserve qu'il jouait. Il a souligné que l'on se trouvait, avant la décision de la création de l'euro dans une situation de dépendance croissante vis-à-vis du dollar, qui était très négative pour les économies européennes. Il a estimé par conséquent qu'en l'espèce les vrais souverainistes étaient les partisans de l'euro, élément fortement fédéral et intégrateur. Dans cet esprit, il a jugé qu'il fallait repenser nos conceptions de la souveraineté en perspective d'un renforcement de l'influence de l'Union prise dans son ensemble.

Le ministre a estimé par ailleurs que la question d'une avant-garde européenne constituée d'un groupe de pays désirant aller plus loin dans la voie de l'intégration, se poserait concrètement lorsque certains Etats membres considéreront qu'ils sont à l'étroit dans le cadre institutionnel commun.

S'agissant de la réaction de l'Union dans le contexte international lié aux suites des attentats du 11 septembre, le ministre a rappelé qu'une position commune des Etats membres avait été prise lors du Conseil européen extraordinaire du 21 septembre et que cela n'aurait sans doute pas été possible dans le passé. Il a considéré que cette unanimité manifestait que sur le plan international le rôle de l'Union pouvait être aussi important que celui des Etats membres et que cela constituait une chance à saisir.

En ce qui concerne le rôle des parlements nationaux, il a exprimé le souhait que ceux-ci soient étroitement associés aux domaines de la compétence législative de l'Union, à la lumière des deux principes - le principe national et le principe européen - qui doivent animer la construction européenne.

Abordant la question de la nature future des institutions européennes, le ministre a souligné qu'il n'était pas partisan d'un super-Etat, et que la diversité des nations européennes, liée à leur histoire, leurs langues, leurs cultures, devait être maintenue. Il a considéré que la construction de l'Europe constituait un phénomène sui generis, quelque chose de nouveau, qui devait être basé sur la recherche de l'unité dans le maintien des diversités. Il a estimé qu'il convenait de rendre cette construction plus compréhensible du public afin de renforcer sa légitimité démocratique.

Le ministre a enfin évoqué l'organisation de la future Convention, rappelant que celle-ci serait composée de quatre catégories d'acteurs : les parlements nationaux et européen, le Conseil, les gouvernements et la Commission. Il a noté qu'il s'agissait de s'engager dans un processus de « constitutionnalité européenne » et que, dans ce cadre, chaque catégorie d'acteurs pourra faire des propositions. Il a indiqué qu'à partir des contradictions qui apparaîtront probablement et des options qui auront été proposées, le Conseil aura la responsabilité de dégager des compromis, qui seront ensuite soumis à la ratification des parlements nationaux.