DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 175

Réunion du jeudi 10 janvier 2002 à 9 heures

Présidence de M. Alain Barrau

I. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Alain Barrau, la Délégation a examiné les textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

¬ Commerce extérieur

    _ Après que le Président Alain Barrau ait rappelé le souhait exprimé par la Délégation, et repris par le Gouvernement, que les accords textiles soient examinés dans le cadre d'un paquet global et non présentés isolément, la Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire sur la proposition de décision du Conseil relative à la signature et à l'application provisoire de l'accord sur le commerce des produits textiles entre la Communauté et le Laos, qui renouvelle à l'identique l'accord conclu en 1998 (document E 1880).

    _ La Délégation a également levé la réserve d'examen parlementaire sur la proposition de décision du Conseil relative à la signature et à la conclusion au nom de la Communauté de l'accord portant mandat du Groupe d'étude international du jute (document E 1881).

    _ Puis elle a examiné une série de documents concernant les accords sur le commerce du vin et des spiritueux avec l'Afrique du Sud :

- la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2793/1999 en ce qui concerne l'ajustement du contingent tarifaire pour le vin (document E 1882) ;

- la proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la République d'Afrique du Sud relatif au commerce des vins (document E 1890) ;

- la proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et la République d'Afrique du Sud relatif au commerce des vins (document E 1891) ;

- la proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la République d'Afrique du Sud relatif au commerce des boissons spiritueuses (document E 1892) ;

- l'accord sous forme d'échange de lettres concernant l'application provisoire de certains accords entre la Communauté européenne et la République d'Afrique du Sud relatif au commerce du vin et au commerce des boissons spiritueuses (document E 1894).

Le Président Alain Barrau a indiqué que chacun des accords établit un registre bilatéral comprenant toutes les indications géographiques protégées et que les documents E 1882 et E 1890 prévoient d'augmenter le volume du contingent tarifaire de vins sud africains importés en franchise de droits de 320 000 à 420 000 hectolitres. Il a rappelé en outre que 15 millions d'euros seront affectés à la restructuration des vins et spiritueux sud-africains. Puis il a proposé de maintenir la réserve d'examen parlementaire sur des textes susceptibles d'ajouter de nouvelles difficultés à certaines régions françaises qui traversent déjà une période de restructuration difficile.

Après avoir déclaré qu'il partageait les analyses du rapporteur, M. Pierre Brana a estimé nécessaire poser plusieurs questions sur ces textes. D'abord, ayant constaté que l'accord sur le commerce des vins prévoit que l'Afrique du Sud autorisera la commercialisation sur son territoire de vins communautaires ayant fait l'objet de pratiques spécifiques, il a demandé si ces vins allaient être identifiés très précisément, les pratiques autorisées en la matière variant d'un Etat membre à l'autre, comme l'interdiction d'ajouter ou non des bouchons de liège. M. Pierre Brana s'est ensuite interrogé sur l'opportunité qu'il y a à verser une aide de 15 millions d'euros pour la restructuration de l'industrie du vin sud-africain pour compenser en quelque sorte la cessation de l'usurpation des marques Port et Sherry. L'octroi de l'aide communautaire n'est concevable qu'à la condition que soient établis et communiqués préalablement les registres listant les indications à protéger. La plus grande vigilance doit s'imposer dans ce domaine, eu égard aux efforts de classification menés en France. M. Pierre Brana a noté enfin que l'Afrique du Sud commence à devenir une grand exportateur de vins, qui risque de poser de redoutables problèmes de concurrence à l'avenir.

A l'issue de ce débat, la Délégation a maintenu la réserve d'examen parlementaire sur les documents E 1882, E 1890, E 1891, E 1892 et E 1894.

¬ Justice et Affaires intérieures

La Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire :

- sur le projet d'accord de coopération et d'échange d'informations entre Europol et la confédération suisse (document E 1899), après que M. Pierre Brana se fut préoccupé des conditions d'évolution de l'application de l'accord en fonction des modifications des compétences d'Europol dont le principe a été arrêté en décembre dernier ;

- sur le projet d'accord de coopération et d'échange d'informations entre Europol et la République tchèque (document E 1900).

¬ Questions budgétaires

Le Président Alain Barrau a présenté le projet de budget rectificatif et supplémentaire d'Europol pour 2002 (document E 1898), qui est la traduction financière du plan d'action contre le terrorisme arrêté par l'Union européenne à la suite des attentats du 11 septembre 2001.

Rappelant que ce plan d'action incluait une extension de la compétence de l'office européen de police Europol, il a énuméré les huit points de réforme arrêtés par le Conseil sur proposition de la présidence belge, parmi lesquels la constitution d'équipes communes d'enquête et la mise en place d'un contrôle parlementaire, judiciaire et administratif de l'Office. Il a ensuite indiqué que les nouvelles missions reçues par Europol nécessitaient, en principe à titre exceptionnel, des recrutements de personnels contractuels. Le montant total des dépenses d'Europol pour 2002 augmente ainsi de 3,16 millions d'euros et passe à 51,6 millions d'euros.

M. Pierre Brana s'est déclaré persuadé que l'extension probable, et souhaitable, des missions d'Europol conduirait à la pérennisation de recrutements présentés aujourd'hui comme exceptionnels.

M. Maurice Ligot s'est demandé comment pourrait s'exercer le contrôle parlementaire des activités d'Europol qui figure parmi les points de réforme en cours de préparation, dès lors que le fonctionnement de l'Office repose sur une base conventionnelle et donc intergouvernementale.

La Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire sur le document E 1898.

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M. Alain Barrau a indiqué que la Délégation allait publier, sous la forme d'un rapport d'information, un tableau comparatif faisant ressortir les modifications apportées par le traité de Nice au traité sur l'Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne.

II. Audition de M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes

Après avoir remercié le Président Alain Barrau de son invitation à venir s'exprimer devant la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne sur les décisions prises lors du Conseil européen de Laeken, M. Pierre Moscovici a en premier lieu souhaité saluer l'incontestable succès de l'ultime étape du passage à la monnaie unique, avec l'introduction des pièces et des billets, depuis le 1er janvier. Cet événement historique, pour 60 millions de Français et pour plus de 300 millions d'Européens, s'est produit, comme l'a souligné le Premier ministre, dans la tranquillité, la fierté et même avec enthousiasme.

Il est en effet possible de considérer que les éventuelles difficultés techniques qui pouvaient être craintes sont désormais derrière nous. Dès le 2 janvier, la plupart des distributeurs automatiques de billets étaient ainsi passés à l'euro. Samedi 5 janvier, 18 millions d'opérations étaient effectuées, dans notre pays, par carte bancaire et donc, naturellement, en euros. Au début de cette semaine, 60 % des transactions en espèces étaient réalisées dans la nouvelle monnaie.

M. Pierre Moscovici a souligné que ce succès n'aurait pas été possible sans la mobilisation des pouvoirs publics et de tous les professionnels concernés - et en particulier les petits commerçants, la grande distribution et le secteur bancaire, sans oublier bien sûr les fonctionnaires du ministère des finances, des différentes forces de sécurité (armée, police et gendarmerie), ainsi que les agents de la plupart des services publics -, et évidemment ceux de la Banque de France. Un travail considérable a été fourni et nous en voyons aujourd'hui l'aboutissement. M. Pierre Moscovici a néanmoins rappelé qu'il faudra naturellement continuer à faire preuve de vigilance dans l'approvisionnement, la sécurité et l'évolution des prix.

Mais plus encore que ces aspects techniques - et c'est sans doute une surprise pour ceux qui, il y a encore quelques semaines, continuaient à distiller le doute -, M. Pierre Moscovici s'est réjouit que les Français aient accueilli leur nouvelle monnaie avec un engouement - un réconfortant mélange de désir, d'aisance et de sérieux - qui traduit une conscience aiguë de l'importance pour la France et pour notre continent de cette étape de la construction européenne.

Il a estimé que la volonté des Français de réussir pleinement ce passage traduisait, à l'évidence, une demande d'Europe, qui était d'ailleurs clairement ressortie des forums régionaux sur l'avenir de l'Union européenne qu'il avait animés l'an dernier.

Pour le Gouvernement, qui a eu la responsabilité de qualifier notre pays pour l'euro, en 1998, et de préparer activement son introduction dans la vie quotidienne des Français, les conditions dans lesquelles cette nouvelle page a été ouverte sont naturellement un motif de grande satisfaction. Il n'a pas si souvent été donné à une équipe gouvernementale de pouvoir mener à son terme un projet d'une si grande ampleur que la mise en place de la monnaie européenne.

L'avènement de l'euro doit permettre à l'Europe de devenir plus forte et plus influente dans le monde. Cet objectif rejoint largement les préoccupations qui ont été au c_ur du Conseil européen de Laeken.

M. Pierre Moscovici a alors souligné à quel point le second semestre 2001 aura été particulièrement chargé pour l'Union, qui a dû à la fois faire face aux conséquences des attentats du 11 septembre et à des échéances essentielles pour la construction européenne et pour son avenir. A Laeken, le 14 et le 15 décembre, des décisions importantes ont été prises, dans ces deux domaines, grâce à la détermination de la présidence belge.

Comme prévu, le débat sur l'avenir de l'Union est désormais entré dans sa phase européenne. Les chefs d'Etat et de gouvernement ont en effet adopté une déclaration - la déclaration de Laeken -, qui organise cette nouvelle étape et qui marque certainement un moment important de l'entreprise d'unification de notre continent. La France a tout lieu d'en être satisfaite.

M. Pierre Moscovici a rappelé la forte mobilisation de la France, depuis le printemps dernier, comme aucun autre de nos partenaires, pour susciter la discussion la plus large et la plus libre possible avec l'ensemble des citoyens sur le projet européen et sur les institutions les mieux à même de le porter. Il a alors mentionné la contribution de l'Assemblée nationale à travers les initiatives de sa Délégation pour l'Union européenne et de son Président, telles que les « Mardis de l'Europe » ou les Assises de novembre dernier. Il a souhaité, en conséquence, retrouver le même niveau d'ambition et d'ouverture dans le débat qui doit maintenant s'engager à l'échelle de l'Union.

Evoquant la déclaration de Laeken, M. Pierre Moscovici a estimé qu'elle a l'immense mérite de poser les bonnes questions, sans y apporter par avance les réponses. Elle fixe bien les enjeux du débat, qui peuvent être finalement résumés de manière assez simple, selon deux axes qui lui sont particulièrement chers : comment faire en sorte que l'Union élargie devienne une Europe politique, dotée d'un véritable espace public démocratique ? Comment peut-elle aussi s'affirmer comme une Europe-puissance, capable d'organiser la mondialisation, dans le respect des valeurs de liberté et de solidarité qui sont les siennes ? Cette double perspective est bien au c_ur du texte adopté à Laeken.

Il a ensuite précité que c'est à la Convention sur l'avenir de l'Europe, que le Conseil européen a donc mis en place à Laeken, qu'il appartient désormais de réfléchir aux options qui s'offriront, le moment venu, à l'Union pour conduire une nouvelle réforme plus ambitieuse. Cette Convention, dont la séance inaugurale se tiendra le 1er mars prochain, est saisie d'un questionnement qui part des quatre thèmes identifiés à Nice, mais ne ferme aucune porte. Il sera naturellement question d'une meilleure articulation des compétences entre l'Union et ses Etats membres, de la simplification des instruments d'action de l'Union et des moyens pour parvenir à davantage de démocratie, de transparence et d'efficacité en Europe. La voie vers une Constitution pour les citoyens européens est, en outre, clairement tracée, ce qui n'allait pas de soi.

Sans revenir sur toutes les caractéristiques de cette Convention, qui sont précisées dans la déclaration de Laeken, M. Pierre Moscovici a tenu à indiquer que cette enceinte n'aura pas vocation à élaborer un texte de nouveau traité et qu'elle ne sera pas non plus une assemblée constituante : les résultats de ses travaux, d'une durée d'un an, seront transmis aux Etats membres qui devront trancher, dans le cadre d'une nouvelle Conférence intergouvernementale. Le document final pourra ainsi comprendre différentes options, en précisant le soutien qu'elles ont recueilli, ou des recommandations, pour les sujets sur lesquels la Convention aurait réussi à rassembler un consensus. La Convention sera ouverte à la participation de l'ensemble des treize pays candidats, à raison d'un représentant par Gouvernement et de deux représentants par Parlement national, tout comme pour les actuels Etats membres. Elle sera, par ailleurs, en contact permanent avec la société civile, à travers un réseau structuré d'organisations représentatives qui seront informées et pourront contribuer à la réflexion.

Enfin, le Conseil européen a décidé de confier la présidence de la Convention à Valéry Giscard d'Estaing, qui sera assisté, au sein d'un præsidium de douze membres, des anciens Premiers ministres italien et belge, Giuliano Amato et Jean-Luc Dehaene. Il a indiqué que le Président de la République et le Premier ministre, qui ont soutenu ensemble cette candidature française, se sont réjouis que la conduite de la Convention soit assurée par une personnalité aussi imminente que l'ancien Président de la République.

Pour autant, la tâche qui attend la Convention est loin d'être facile. Cet organe sera lourd à conduire, puisqu'il comptera plus d'une centaine de membres. Il faudra donc à son Président et à tous ses participants beaucoup d'énergie et de volonté pour permettre à cette enceinte de jouer pleinement son rôle de réflexion et de proposition pour l'avenir. Le Parlement français, qui désignera deux des membres de la Convention, pourra activement y contribuer.

M. Pierre Moscovici a ensuite précisé les mesures prises à Laeken pour apporter une réponse cohérente aux défis de l'après 11 septembre.

Il a tout d'abord indiqué que le Conseil européen avait récolté les premiers fruits de son plan d'action contre le terrorisme, mis au point au lendemain des attaques contre les Etats-Unis. Il s'est réjouit que la volonté politique l'ait emporté pour permettre à l'espace de liberté, de sécurité et de justice de faire des progrès sans précédent, au bénéfice des citoyens européens. M. Pierre Moscovici a mentionné l'adoption de la décision-cadre qui ouvre la voie au remplacement des longues procédures d'extradition par un mandat d'arrêt européen, qui s'appliquera à un large éventail de crimes et de délits. Toutes les difficultés ont pu être surmontées, notamment avec l'Italie, sans remise en cause de la portée de cette décision.

Les Européens se sont également mis d'accord sur une définition commune du terrorisme et sur les incriminations s'appliquant aux actes qui s'y rattachent. En outre, ont été jetées les bases de la réglementation nécessaire au gel des avoirs des entités terroristes, recensées dans une liste précise, en application de la résolution 1373 du Conseil de sécurité des Nations unies.

Mais alors que les obstacles ont pu être franchis dans la lutte contre le terrorisme, M. Pierre Moscovici a regretté que les autres volets de la coopération en matière de justice et d'affaires intérieures aient enregistré de si faibles progrès, depuis le Conseil européen de Tampere. Il s'agit donc maintenant de rattraper le temps perdu, pour favoriser l'essor d'une véritable politique commune d'asile et d'immigration, développer un contrôle efficace des frontières extérieures de l'Union, renforcer la coopération judiciaire et policière en matière pénale et harmoniser nos législations. Là encore, il a reconnu qu'il faudra beaucoup de volonté pour surmonter les réticences de certains de nos partenaires, qui étaient très perceptibles à Laeken, en dépit des déclarations publiques souvent plus allantes que les positions exprimées dans les instances décisionnelles.

Naturellement, le Conseil européen n'a pas oublié que les suites des attentats du 11 septembre se jouent aussi en Afghanistan. Alors qu'une perspective politique a été ouverte par l'accord de Bonn, l'Europe se présente aujourd'hui comme un acteur majeur du soutien que la communauté internationale est prête à apporter à l'instauration d'une paix durable et de la démocratie dans ce pays. En plus de l'aide humanitaire qu'elle apporte - et dont le volume, qui dépasse déjà 350 millions d'euros, a permis d'éviter la catastrophe qui était annoncée - l'Union est résolument engagée dans l'indispensable effort de reconstruction et dans l'accompagnement du processus politique, dont sera notamment chargé, sous l'autorité de Javier Solana, le nouveau représentant spécial européen pour l'Afghanistan, l'allemand Klaus-Peter Klaiber. Il a indiqué que les Etats membres étaient également, et de très loin, les principaux contributeurs à la force internationale de sécurité, sous commandement britannique, dont le déploiement se poursuit. Cette participation est un signal fort de la volonté de l'Europe de mieux assumer ses responsabilités en matière de règlement et de prévention des conflits.

M. Pierre Moscovici a alors estimé qu'il était désormais particulièrement important que l'Union, ainsi qu'elle en avait décidé à Nice, déclare sa nouvelle politique de sécurité et de défense opérationnelle, à Laeken. C'est ce qu'elle a fait, même s'il conviendra de veiller à combler rapidement les lacunes en matière de capacités. Les discussions devront également se poursuivre en vue de la finalisation des arrangements permanents régissant la coopération avec l'OTAN. Mais le résultat est là et en trois ans, l'Europe a réussi à se doter d'une défense commune qu'elle doit maintenant mettre à l'épreuve des faits.

Le ministre a enfin mentionné l'urgence pour l'Union, depuis le 11 septembre, d'_uvrer en faveur de la paix et du développement dans le reste du monde. C'est avec cette ambition que les principaux dossiers internationaux ont été examinés à Laeken, qu'il s'agisse de l'Afrique, des Balkans et du Proche-Orient.

Au sujet du Proche-Orient, en particulier, il a précisé que les chefs d'Etat et de gouvernement avaient réaffirmé qu'il n'y avait pas d'autre voie que l'engagement d'un processus politique pour interrompre le cycle infernal de la violence. Ils ont clairement indiqué, dans cette perspective, qu'Israël a besoin du partenaire qu'est l'Autorité palestinienne et son Président élu, Yasser Arafat, même s'il est manifeste que celui-ci doit accroître ses efforts de lutte contre le terrorisme.

Depuis décembre, grâce notamment aux mesures annoncées par le Président de l'Autorité palestinienne, la situation sur le terrain s'est nettement améliorée. Mais il a souhaité que cet apaisement, qui doit être consolidé, soit mis à profit pour enclencher, sans délai ni condition, la mise en _uvre du plan Tenet et du rapport Mitchell. C'est en faveur de cet objectif que l'Union européenne est déterminée à _uvrer, dans les prochaines semaines.

L'attention légitime portée au débat sur l'avenir de la construction européenne et aux suites des attentats du 11 septembre n'a pas empêché le Conseil européen de maintenir le cap sur des dossiers essentiels pour l'Union.

M. Pierre Moscovici a enfin souhaité mettre l'accent sur l'élargissement qui sera un dossier important de la présidence espagnole. Il a été confirmé qu'au rythme actuel, il serait possible, comme cela a été envisagé à Nice, puis à Göteborg, d'achever les négociations d'adhésion avec les pays qui seront prêts, à la fin de l'année 2002. S'il a été pris note des progrès rapides enregistrés par dix des pays candidats, le principe de la différenciation a été rappelé sans ambiguïté. Il s'agissait d'un élément important pour la France, qui s'était exprimée pour que les candidatures continuent à être jugées selon leurs mérites propres, et non pas en fonction de considérations politiques, qui auraient modifié profondément la perspective. Nos partenaires européens considèrent désormais, tout comme nous, que le « big bang » est sans doute la probabilité la plus forte, mais qu'il n'est pas un objectif en soi. Il constituera, le cas échéant, le résultat des efforts des pays candidats pour transposer et mettre en _uvre de manière effective l'acquis communautaire.

Il a ensuite indiqué que le Conseil européen avait tenu à encourager la Bulgarie et la Roumanie à persévérer dans leurs efforts et a affiché la disponibilité de l'Union à élaborer une stratégie adaptée, qui favoriserait l'ouverture, en 2002, de tous les chapitres de la négociation avec ces deux pays. Le message de la France a donc été, sur ce point, également entendu. La bonne nouvelle d'une reprise des négociations directes entre les dirigeants chypriotes grec et turc a, naturellement, aussi été saluée. Il a également été clairement pris acte des progrès de la Turquie dans la voie du respect des critères de Copenhague.

M. Pierre Moscovici a enfin souhaité faire le point sur l'état d'avancement de certains dossiers dont le traitement connaît des difficultés au niveau du Conseil des ministres.

S'agissant du brevet communautaire, aucune solution n'a été trouvée, à ce stade, sur la délicate question du régime linguistique. Il a souhaité que nos partenaires se montrent raisonnables, afin qu'une solution aussi peu coûteuse que possible et respectueuse du principe de non-discrimination entre les entreprises des différents Etats membres soit rapidement trouvée. Dans la même veine, il a souligné l'importance stratégique du projet Galileo, dont l'Union ne pourra pas se passer si elle veut s'affirmer de manière autonome sur la scène internationale, et qui devra se concrétiser au premier semestre 2002, conformément au v_u du Conseil européen.

Mais il reviendra aussi à l'Espagne de parvenir à un compromis sur le siège des futures agences communautaires sur lesquelles le Conseil européen de Laeken a préféré reporter ses décisions. En effet, certains des partenaires de la France étaient tentés de considérer, en établissant des liens entre des dossiers sans rapport les uns avec les autres, que le succès du candidat français à la présidence de la Convention était pour solde de tout compte. Or, l'intérêt général européen commande que les candidatures soient jugées, en fonction de leurs mérites respectifs et pas sur des considérations exclusivement politiques. A cet égard, il a estimé qu'il ne fait pas de doute que Lille ou Nantes sont des choix difficilement contestables pour l'accueil de l'Autorité alimentaire ou pour l'Agence pour la sécurité maritime européennes. Il n'y avait donc aucune raison de renoncer à obtenir que l'une ou l'autre de ces candidatures figures dans le paquet final. Concluant son exposé, M. Pierre Moscovici a enfin évoqué le dossier de la libéralisation des industries de réseau sur lequel il a souhaité que la présidence espagnole adopte une position respectueuse de la spécificité du service public que la France entend défendre avec fermeté.

M. François Loncle a demandé si le calendrier des élections en Europe
- notamment en France et en Allemagne - pouvait conduire à modifier les représentants des parlements nationaux au sein de la Convention. Cela ne risque-t-il pas d'affaiblir la représentation des parlements nationaux alors que celle-ci avait constitué un élément clé de la convention chargée d'élaborer la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ? Par ailleurs, la France, l'Italie et la Belgique, qui ont un représentant en la personne de MM. Giscard d'Estaing, Amato et Dehaene, comme président ou vice-président de la Convention, vont-ils, comme le propose l'Italie, demander un autre représentant de leur gouvernement pour siéger au sein de cette enceinte ?

Il s'est dit, d'autre part, inquiet au sujet de l'Italie, dont la situation politique lui paraît plus grave, pour l'Union européenne, que ne l'était celle de l'Autriche après la victoire électorale de Joerg Haider. En effet, la Ligue du Nord, qui est un parti xénophobe et séparatiste, occupe une place importante au sein du gouvernement italien, alors que Joerg Haider n'était pas entré dans le gouvernement autrichien. Cette situation est d'autant plus inquiétante après le départ du ministre des affaires étrangères italien.

Enfin, s'agissant de l'élargissement, M. François Loncle a demandé si l'on s'orientait vers une fuite en avant politique ou au contraire vers la poursuite d'un processus méthodique, reposant sur la satisfaction par les pays candidats d'un certain nombre de conditions objectives. En effet, on ne peut nier que des écarts importants subsistent entre ces pays, qui peuvent d'ailleurs varier selon les domaines.

Rappelant le souhait exprimé à Laeken par le premier ministre espagnol de considérer Herri Batasuna - la vitrine politique d'ETA, qui représente 10 % des voix au pays basque - comme une organisation terroriste, M. Pierre Brana s'est demandé si une conception aussi large du terrorisme ne comportait pas des risques, notamment vis-à-vis des mouvements d'opposition. Constatant, d'autre part, les faibles progrès enregistrés à Laeken en matière de politique d'asile et d'immigration, alors que le contexte actuel, après les événements de Sangatte, montre la nécessité d'une telle politique, il a souhaité savoir comment pourraient être harmonisées les normes applicables en la matière dans les années à venir. Enfin, quelles seront les conséquences de la crise argentine sur l'Europe, à l'heure où le premier ministre espagnol propose de renforcer la coopération de l'Union avec l'Amérique latine ?

M. Maurice Ligot a indiqué que si la Convention n'avait pas de pouvoir constituant, elle avait un rôle presque constitutionnel, puisqu'elle pouvait élaborer des propositions précises de caractère institutionnel. S'agissant des interventions européennes en Afghanistan et en Palestine, il s'est demandé s'il s'agissait d'une politique de l'Union ou des Etats membres ; il a estimé que le poids de l'Union serait renforcé si ces interventions étaient mises en _uvre sous son égide. Au sujet de la présidence espagnole, il a regretté que les problèmes agricoles n'aient pas été évoqués, en particulier la grave crise de l'élevage bovin, qui préoccupe beaucoup les agriculteurs, mais aussi les consommateurs et l'opinion publique.

Mme Béatrice Marre a demandé au ministre si, après le succès de l'euro, les discussions sur un gouvernement économique européen allaient être relancées. Comment, par ailleurs, faire en sorte qu'il devienne une monnaie internationale à part entière, notamment dans la perspective de l'élargissement ? Elle a également souhaité savoir les suites qui avaient été données aux travaux de la commission présidée par Guy Braibant qui ont été insuffisamment diffusés et leur articulation avec ceux de la Convention, en particulier s'agissant des questions touchant l'Europe des citoyens.

M. Jean-Bernard Raimond a interrogé le ministre sur l'état de la préparation de la Pologne à l'entrée dans l'Union européenne, notamment depuis le changement de Gouvernement.

Le Président Alain Barrau s'est déclaré inquiet de l'attitude du gouvernement italien. Il a estimé que ce pays fondateur de l'Union européenne, qui joue un rôle de premier plan dans les institutions européennes, pourrait être tenté de se rapprocher de l'Espagne, qui assure désormais la présidence de l'Union, pour contrebalancer l'influence du couple franco-allemand.

Il a souhaité obtenir des précisions sur l'utilisation de l'euro en dehors de la zone euro, par exemple dans les pays des Balkans, en Hongrie et en Slovénie. Il a demandé si la circulation de l'euro fiduciaire dans ces Etats était susceptible d'avoir des conséquences économiques et financières pour l'Union européenne, et si elle était l'amorce d'un processus d'adhésion à la zone euro.

S'agissant de l'élargissement, le Président Alain Barrau a rappelé les avantages d'une négociation individualisée avec les pays candidats, l'Europe ne devant pas se lier par avance en promettant à certains Etats leur intégration dès 2002, sans considération des résultats de la négociation sur l'acquis communautaire.

En réponse aux intervenants, M. Pierre Moscovici a apporté les précisions suivantes :

- aucune disposition ne détermine les conséquences d'un changement de gouvernement ou de majorité parlementaire sur la représentation des Parlements à la Convention. On peut considérer comme logique et souhaitable que les parlementaires désignés demeurent membres de la Convention pendant toute la durée de celle-ci. Il serait d'ailleurs opportun que la représentation parlementaire de chaque Etat soit pluraliste ;

- le président et les deux vice-présidents de la Convention auront une fonction propre. Ils ne doivent pas être considérés comme les représentants de leur Etat d'origine. La France aura donc à désigner un représentant, de même que l'Italie et la Belgique ;

- la situation italienne et la situation autrichienne ne sont pas de même nature. Le parti de M. Haider est composé de nostalgiques du nazisme et exerce une influence prépondérante dans la coalition gouvernementale. Le poids relatif de la formation politique présidée par M. Bossi au sein du gouvernement et du parlement italien est un peu plus limité, mais il convient, par contre, de prendre en considération le fait que l'Italie est une des principales puissances de l'Union européenne. Un éloignement de l'Italie par rapport à l'Europe serait donc très lourd de conséquences pour l'Union européenne. Paradoxalement, le gouvernement italien actuel a plus d'autorité que certains de ses prédécesseurs, mais il est également très divisé, et le président du conseil éprouve quelques difficultés à arbitrer entre les différentes sensibilités ;

- dans le cadre du processus d'élargissement, la France a obtenu au Conseil de Laeken que la logique de la négociation différenciée soit respectée. Mais il ne faut pas non plus que la France soit réticente vis-à-vis de l'entrée de certains Etats dans l'Union. Nous devons tenir compte de l'importance de la Pologne dans l'Europe de demain et des liens étroits que nous entretenons avec ce pays. Il faut donc veiller à ne pas compromettre notre image dans les pays candidats qui seront bientôt nos partenaires au sein de l'Union ;

- le Conseil européen de Laeken a opposé une fin de non-recevoir à la demande des autorités espagnoles visant à inscrire Herri Batasuna dans la liste des organisations terroristes, à la différence de certaines organisations dépendant de l'ETA ;

- en ce qui concerne la situation économique en Argentine, la Présidence espagnole est décidée à prendre des initiatives auprès du FMI, car il n'est de l'intérêt ni de l'Europe, ni de l'économie mondiale, que l'économie argentine s'effondre totalement ;

- la Convention n'a pas la nature d'une assemblée constituante. Toutefois, les options qu'elle retiendra sur tel ou tel problème seront publiées, tandis que ses recommandations adoptées par voie de consensus devraient être reprises par la CIG ;

- l'intervention militaire d'Etats membres en Afghanistan ne résulte pas d'une initiative communautaire car il n'existe pas encore d'outil approprié à cette fin. En revanche, elle constitue un progrès car elle est le fruit d'une réelle concertation entre les principaux Etats contributeurs ;

- pour ce qui est de la position de la Présidence espagnole sur les questions agricoles, il convient de saluer la prudence qu'elle entend adopter en ce domaine. Il importe en effet d'éviter d'ouvrir la boîte de Pandore des OCM ;

- si l'instauration de l'euro a été un réel succès, il importe d'aller au-delà et de continuer à réfléchir à l'instauration d'un gouvernement économique ;

- le rapport Braibant a été distribué par les autorités françaises à diverses personnalités des Etats membres et des Etats candidats et peut être consulté sur l'Internet. Bien que le groupe présidé par M. Braibant n'ait plus d'existence juridique, le débat qu'il a initié va se poursuivre ;

- le fait que l'euro soit utilisé dans certains pays extérieurs à l'Union européenne est une chose normale, l'euro y remplaçant le Deutschemark qui était jusqu'alors la monnaie de réserve ;

- s'agissant d'un remplacement éventuel de M. Ruggiero par M. Fini, il faut noter que ce dernier, malgré son passé politique, est paradoxalement apparu comme un des membres les plus europhiles du Gouvernement et le soutien le plus ferme de M. Ruggiero. Si, sur un certain nombre de dossiers, des rapprochements peuvent être constatés entre l'Espagne et l'Italie, il convient toutefois de ne pas leur accorder une portée excessive.