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Document E3558
(Mise à jour : 07 octobre 2010)


Livre vert sur le futur régime d'asile européen commun.


E3558 déposé le 18 juin 2007 distribué le 20 juin 2007 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2007) 0301 final du 6 juin 2007, transmis au Conseil de l'Union européenne le 7 juin 2007)

Le présent Livre vert tend à lancer une vaste réflexion sur la future architecture du régime d’asile, conformément au programme de La Haye prévoyant la création d’un régime d’asile européen commun d’ici 2010. Comme l’indique la Commission dans son introduction, « la finalité de cette démarche est donc de créer un cadre homogène au niveau européen, de mettre en place un régime garantissant aux personnes qui en ont véritablement besoin un accès à un niveau élevé de protection dans des conditions équivalentes dans tous les Etats membres ».

La Commission dresse dans son Livre vert un premier état des lieux des avancées communautaires et propose un programme ambitieux de réflexions et d’approfondissement de la politique d’asile. Le Livre vert constitue un large programme de consultation et de discussion avec l’ensemble des acteurs concernés. Les résultats de cette consultation serviront de base à la préparation d’un programme d’action au cours du premier trimestre 2008. Les réponses à la consultation devront parvenir à la Commission avant le 31 août 2007.

La France, où le nombre de demandes d’asile déposées est élevé (26.270 demandes d’asile nouvelles déposées en 2006, pour un total de 181.770 demandes déposées dans les 27 Etats membres( 1)), est particulièrement concernée par la définition d’un régime d’asile européen commun et accueille ce Livre vert très favorablement, selon les informations transmises au rapporteur.

Dès 2006, en effet, Monsieur Nicolas Sarkozy, alors ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, avait plaidé, au sein des instances européennes, pour l’élaboration d’un « Pacte européen sur l’immigration » comprenant une unification du régime européen de l’asile. Monsieur Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du co-développement, a indiqué lors du Conseil JAI du 13 juin 2007 qu’il s’agirait d’une priorité de la présidence française de l’Union européenne en 2008.

1. De Tampere à la Haye, la première phase de mise en œuvre d’un régime d’asile commun.

Depuis l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam le 1er mai 1999, le droit d’asile fait partie des compétences communautaires.

Le Conseil européen de Tampere en octobre 1999 a défini les grandes orientations devant conduire à la mise en place d’un régime d’asile européen commun, le traité d’Amsterdam n’ayant prévu que l’adoption d’ici 2004 de normes minimales. A terme, « les règles communautaires devraient déboucher sur une procédure d’asile commune et un statut uniforme, valable dans toute l’Union, pour les personnes qui se voient accorder l’asile ».

Une première phase de travaux, conduite entre 1999 et 2006, a visé une harmonisation des cadres juridiques nationaux par la création de normes minimales communes. Quatre directives ont principalement été adoptées :

- la directive 2005/85/CE du 1er décembre 2005 relative aux procédures d’asile ;

- la directive 2004/83/CE du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d'autres raisons, ont besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts ;

- la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les Etats membres ;

- la directive 2001/55/CE du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les Etats membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil.

Cependant, le processus d’harmonisation demeure inachevé car les directives laissent encore le plus souvent, s’agissant des points épineux, une grande marge de manœuvre aux Etats.

Le programme de La Haye, adopté le 5 novembre 2004, tend à approfondir le régime d’asile européen commun et vise la création effective, d’ici 2010, d’une procédure d’asile commune et l’introduction d’un statut uniforme applicable sur le territoire de l’Union européenne.

Le règlement dit de Dublin II (Règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers) modernise la convention de Dublin et lui substitue un instrument de droit communautaire. Le règlement CE 2075/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création d’un système EURODAC pour les comparaisons des empreintes digitales aux fins de l’application efficace de la convention de Dublin complète le régime de Dublin.

Les règlements Dublin II et EURODAC ont tout récemment fait l’objet d’une évaluation par la Commission européenne (rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l’évaluation du système de Dublin COM (2007) 299). Selon la Commission, bien que le régime permette de déterminer quel est l’État responsable de l’examen d’une demande d’asile dans des délais brefs, ce qui était son objectif, plusieurs questions ne sont pas réglées de manière totalement satisfaisante, telles que la réalisation effective des transferts de responsabilité entre Etats membres d’un demandeur d’asile, une fois la demande de transfert acceptée, le fait que Dublin II ne s’applique pas aux bénéficiaires de la protection subsidiaire( 2), l’application non encore uniforme des règles et critères établis par le règlement Dublin II ou encore les délais de transmission des données au système EURODAC.

2. Vers un régime d’asile européen commun à l’horizon 2010

2.1 Le traitement des demandes d’asile

La Commission souligne à juste titre dans le Livre vert que malgré l’adoption de la directive relative aux procédures d’asile en 2005, cette directive « offrant un niveau de flexibilité élevé dans bien des domaines », un nouveau rapprochement des législations est absolument nécessaire.

La Commission souhaite que soient tout particulièrement envisagées l’amélioration de l’accès effectif à la demande d’asile, une plus grande harmonisation dans des domaines tels que la qualité du processus décisionnel, l’évaluation des justificatifs fournis et les procédures de recours, l’évaluation des concepts de pays sûrs, et la mise en œuvre d’une procédure unique pour les demandes d’obtention d’une protection subsidiaire et du statut de réfugié.

S’agissant de ce dernier point, la France ayant d’ores et déjà mis en œuvre une procédure dite de guichet unique pour recueillir et instruire les demandes puis décider de l’octroi ou non de la protection, elle pourrait jouer un rôle moteur dans la mise en œuvre d’une procédure unique quelle que soit la protection internationale accordée. L’institution d’un guichet unique présente de nombreux avantages, parmi lesquels une plus grande rapidité, une meilleure qualité des décisions prises et un abaissement du coût des procédures.

Les autorités françaises sont, selon les informations transmises au rapporteur, favorables à ce que l’harmonisation dans les domaines de la qualité du processus décisionnel et de l’évaluation des justificatifs fournis soit mise en œuvre.

La France souhaite également, selon les informations recueillies par le rapporteur, que la question des délais d’instruction soit approfondie afin que les autorités responsables des Etats puissent avoir les moyens de rendre leurs décisions dans un délai de six mois. Le rapporteur souligne l’importance de la question des délais de traitement dans la génération de flux secondaires de demandeurs d’asile, ceux-ci présentant souvent préférentiellement leur demande dans un Etat en fonction du délai de traitement attendu.

En ce qui concerne le concept de pays sûr, il convient de souligner que les divergences d’appréciation des Etats membres sur les pays de provenance des demandeurs d’asile constituent la principale source de flux secondaires et incitent les demandeurs d’asile à orienter leurs démarches vers certains Etats. La création d’une liste de pays d’origine sûrs qui était prévue lors de la première phase des travaux de mise en place d’un régime d’asile européen commun n’a pour l’instant pas abouti.

2.2 L’accueil et les protections accordées

En matière d’accueil, la Commission souhaite que les critères d’éligibilité soient mieux harmonisés et que les concepts utilisés soient clarifiés afin de pallier les différences d’interprétation des dispositions actuelles de la directive relative aux conditions requises (2004/83).

Selon les autorités françaises, les conditions matérielles (forme et délais de mise en œuvre de l’aide matérielle) de l’accueil devraient effectivement être rapprochées afin d’éviter que les règles appliquées dans certains Etats apparaissent plus avantageuses et ne génèrent des flux secondaires de demandeurs se rendant d’un pays à l’autre. Deux statuts faits de droits uniformes dans l’ensemble des Etats membres devraient être mis en place pour les réfugiés, d’une part, et pour les bénéficiaires de la protection subsidiaire, d’autre part.

L’accès au marché du travail des demandeurs d’asile constitue une question fondamentale dans l’harmonisation des conditions d’accueil. Les droits actuellement reconnus par la directive relative aux conditions d’accueil ne permettent pas un rapprochement réel des législations. La Commission pose la question d’une meilleure harmonisation des règles nationales relatives à l’accès au marché du travail et demande dans le Livre vert quels aspects devraient être concernés.

Les autorités françaises souhaitent que les dispositions de la directive relative aux normes minimales d’accueil soient considérées comme suffisantes, les gouvernements devant disposer d’une marge d’interprétation large dans le domaine de l’accès au marché du travail des demandeurs d’asile. Au vu du nombre de demandeurs qui se verront refuser le statut de réfugié, cette question est sensible.

Le rapporteur souhaite également que la question des contraintes géographiques imposées aux demandeurs d’asile en matière de dépôt de la demande et de résidence soit examinée. Cet aspect constituant un élément important de l’attractivité d’un pays et pouvant poser des problèmes de traitement, il pourrait faire l’objet d’une meilleure harmonisation.

En matière d’intégration, la Commission souhaite développer la reconnaissance des qualifications des demandeurs d’asile. La validation des acquis de l’expérience applicable en France pourrait répondre à ce type de problématique, estime le rapporteur.

S’agissant des personnes les plus vulnérables, pour lesquelles la Commission souhaite définir la manière de déceler et de satisfaire les besoins spécifiques, les autorités françaises proposent qu’un échange des bonnes pratiques puisse être mis en place. Cette démarche parait en effet tout à fait opportune.

La Commission souhaite que soit étudiée l’harmonisation du statut des personnes qui, bien que ne pouvant bénéficier d’une protection internationale, sont protégées contre l’éloignement (mineurs ou personnes ayant des problèmes de santé). Selon les informations transmises au rapporteur, les autorités françaises devraient estimer qu’une telle problématique devrait être étudiée au niveau européen mais non dans le cadre de la mise en place d’un régime d’asile européen commun.

La Commission pose également la question de l’avancée vers un statut uniforme unique, quelle que soit la protection accordée (asile ou protection subsidiaire). Les droits conférés seraient identiques.

Les autorités françaises devraient prendre position contre l’adoption d’un statut uniforme pour toute protection internationale. Il convient de souligner que le statut de réfugié et la protection internationale répondent à des menaces de nature différente, les réponses à apporter étant également différentes. Ainsi, la protection subsidiaire est par nature temporaire et doit être renouvelée tous les ans.

Un mécanisme de reconnaissance mutuelle des décisions et la possibilité d’un transfert des responsabilités de protection entre les États membres devraient être discutés. A terme, la reconnaissance mutuelle devrait être appliquée en 2010.

Au-delà de la reconnaissance mutuelle des décisions, la Commission pose la question des circonstances dans lesquelles un mécanisme de traitement commun des demandes d’asile pourrait être utilisé par les États membres, le programme de la Haye ayant prévu la production d’une étude sur l’opportunité et la faisabilité d’un traitement commun des demandes d’asile. La Commission rappelle que cette question devra être soigneusement examinée « à la lumière des conclusions de l’étude ».

Les autorités françaises devraient développer une position favorable à ce que, dans le cadre de la préparation du « Pacte européen sur l’immigration », l’idée d’un transfert au niveau européen des compétences des Etats membres en matière d’asile soit envisagée. Le rapporteur se félicite de cette position dont il salue l’ambition, souligne que ce transfert aurait une portée très différente de la reconnaissance mutuelle des décisions et souhaite que, constituant un enjeu de première importance et compte tenu de ses implications notamment en matière constitutionnelle, ce débat puisse faire l’objet d’études approfondies.

2.3. La coopération pratique entre les Etats membres

La Commission insiste sur les nécessités de développer la coopération pratique entre les Etats membres. Elle propose la mise au point de lignes directrices communes concernant l’interprétation et l’application de l’acquis communautaire. L’échange des bonnes pratiques devrait être étendu à l’ensemble des acteurs concernés.

Un suivi concret doit également impérativement être mis en œuvre pour évaluer les politiques menées. La Commission annonce lancer une étude examinant l’ensemble des options envisageables, parmi lesquelles figure le bureau d’appui européen qui pourrait être chargé de coordonner toutes les coopérations pratiques existantes.

Les autorités françaises soutiennent cet objectif. Elles souhaitent la création d’un bureau d’appui européen en charge des coopérations entre Etats.

Le rapporteur se félicite, là encore, de cette position volontariste et s’y associe. Il conviendra d’évaluer les propositions concrètes qui seront formulées pour juger de l’avancée que constituerait ce bureau d’appui.

2.4. La solidarité entre les Etats membres et le partage des charges

La Commission souligne à juste titre que l’un des intérêts de la création d’un régime d’asile européen commun consisterait en la diminution des mouvements secondaires des demandeurs d’asile qui sont liés à la diversité des règles applicables. La répartition des demandes d’asile entre les Etats s’en trouverait davantage équilibrée.

Cependant, la nécessité d’attribuer clairement la responsabilité d’un demandeur à un Etat demeurerait. C’est pourquoi il est proposé, compte tenu de l’évaluation du régime de Dublin, de le renforcer et de le compléter par des mécanismes correctifs avec, par exemple, un régime de réinstallation des personnes protégées dans les Etats membres. Il convient cependant de souligner qu’un régime de réinstallation pourrait générer des contraintes trop fortes tant pour les Etats que pour les réfugiés.

Le rapporteur rappelle que le régime de Dublin donne plus souvent lieu à un transfert en France de demandeurs d’asile arrivés dans d’autres Etats membres qu’à un transfert des demandeurs d’asile de la France vers ses partenaires européens. La France est donc particulièrement intéressée à l’amélioration du régime de Dublin.

2.5. La dimension extérieure de l’asile

Le soutien aux pays tiers en développement connaissant des problèmes liés à l’asile et aux réfugiés constitue une voie d’action importante pour l’Union européenne. Deux projets pilotes de l’Union ont été récemment mis en œuvre et feront l’objet d’une évaluation (programmes de protection régionaux dans les nouveaux États indépendants occidentaux et en Tanzanie).

Par ailleurs, les questions relatives à l’asile doivent continuer à être intégrées dans les stratégies de coopération au développement. Ces actions devront être évaluées afin de sélectionner les plus efficaces.

Enfin, la gestion des flux mixtes aux frontières (composés de clandestins et de personnes devant être protégées) doit permettre de garantir un haut niveau de protection aux personnes en ayant besoin. La Commission propose d’étudier la mise en place d’équipes d’experts en matière d’asile afin d’aider les Etats à faire face à des situations d’urgence. A cet égard, le rapporteur rappelle la nécessité que la gestion des flux mixtes permette l’application d’un procédure d’asile juste.

En conclusion, le présent Livre vert dresse un panorama ambitieux des réformes à mener à bien d’ici 2010 et laisse, sur de nombreux sujets, la réflexion assez largement ouverte quant aux pistes de réflexion à privilégier.

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* *

M. Thierry Mariani, rapporteur, a présenté ce document au cours de la réunion de la Délégation du 18 juillet 2007.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. Christophe Caresche a estimé que la communication contenait beaucoup d’éléments importants et que, malgré les contraintes de temps bien compréhensibles évoquées par le rapporteur, il convenait d’y accorder une attention particulière. Dans ce domaine de l’asile, on a l’impression d’une fuite en avant au niveau européen. Or le programme de Tampere et le projet de traité constitutionnel relevaient d’une logique fédérale qui est largement remise en cause aujourd’hui. Il convient de tenir compte de cette évolution. L’évaluation par la Commission du règlement de Dublin II citée par le rapporteur semble assez négative, le régime apparaît comme une sorte d’« usine à gaz », avec des coûts élevés pour des résultats faibles. Pour la France, l’absence d’accord n’aurait, semble-t-il, pas changé grand-chose.

M. Thierry Mariani, rapporteur, s’est déclaré en désaccord avec ces propos.

M. Christophe Caresche a ensuite souligné la nécessité de distinguer les problèmes d’asile et les problèmes d’immigration. Certes, il faut éviter de se montrer excessivement naïfs, et reconnaître qu’il existe des recoupements entre ces deux types de sujets, mais le droit d’asile est un droit autonome, reconnu par les conventions internationales, qu’on ne peut traiter uniquement sous l’angle des flux migratoires.

Enfin, il est nécessaire de prendre le temps de débattre du transfert des compétences en matière d’asile à l’Union européenne, notamment afin d’en analyser les conséquences. L’asile relève en effet de la souveraineté d’un Etat. En conclusion, il faut se montrer prudent à propos d’un mécanisme qui ne fonctionne pas de façon satisfaisante et qui pourrait conduire à un transfert total des compétences en matière d’asile.

M. Jérôme Lambert a interrogé le rapporteur sur la place de la France par rapport aux autres Etats membres en termes de nombre de demandes d’asile.

M. Daniel Fasquelle a estimé qu’il convenait en effet de se montrer vigilant sur le transfert de compétences. Cependant, le fait que le droit d’asile fasse partie des compétences communautaires a été arrêté au moment de la négociation du traité d’Amsterdam. La vigilance doit porter sur les modalités du transfert, s’il devait avoir lieu.

M. Daniel Garrigue, Président, a souligné que depuis l’échec du traité constitutionnel, un nouveau président de la République a été élu et que celui-ci, ainsi que la majorité issue des élections législatives, ont manifesté la volonté de relancer la construction européenne. Il ne faut donc pas toujours se fonder sur l’échec du traité constitutionnel.

M. Christophe Caresche a répondu que le traité d’Amsterdam, le programme de Tampere et le traité constitutionnel relevaient de la même logique fédérale, qui est apparemment mal comprise par les Français. Ceci amène à s’interroger sur l’avenir de l’Europe. Le président de la République ne souhaite pas refaire ce qui a échoué. Or il semble qu’un certain nombre de personnes à la Commission et dans les institutions européennes travaillent comme si le traité constitutionnel avait été adopté.

M. Daniel Garrigue, Président, a estimé que le traité d’Amsterdam n’était pas remis en cause, et que depuis les élections présidentielles et législatives, la démarche retenue n’était plus celle du traité constitutionnel.

M. Pierre Forgues s’est prononcé pour une harmonisation en matière d’asile, à condition que celle-ci, conformément à la tradition française, ne se fasse pas a minima . Il s’agit d’un sujet complexe, « pollué » par les problèmes d’immigration. Il existe des exemples très précis dans lesquels le droit d’asile devrait être accordé mais la procédure est très longue, ce qui conduit à de véritables drames humains. Il faut réaffirmer la distinction entre le droit d’asile et les problèmes d’immigration, même si beaucoup de Français n’en sont pas convaincus. Les flux d’immigration, qui sont inéluctables, doivent être traités dans le cadre d’une coopération européenne.

M. Guy Geoffroy a proposé de remplacer, dans les conclusions, les mots « garantissant aux personnes en ayant véritablement besoin un niveau élevé de protection » par les mots « garantissant aux personnes en ayant véritablement besoin le niveau élevé de protection auquel elles ont droit », estimant que cette formulation était plus précise.

M. Michel Delebarre a demandé au rapporteur s’il avait pu avoir connaissance de l’avis des organisations qui s’occupent des demandeurs d’asile.

En réponse, le rapporteur a d’abord indiqué que la France est le deuxième pays de l’Union européenne en ce qui concerne le total de décisions, à raison de 37 715 en 2006, derrière la Suède, dont le chiffre s’établit à 40 220. En ce qui concerne les seules décisions positives, la Suède est également au premier rang avec 22 700 par an, ce qui révèle notamment ses préoccupations d’ordre démographique. Le chiffre de la France est de 2 930, ce qui situe notre pays derrière d’autres, tels que les Pays-Bas ou l’Autriche.

En réponse à des demandes de précision de MM. Pierre Forgues et Christophe Caresche, il a rappelé que le nombre total des décisions positives avait effectivement diminué ces dernières années, mais que le ratio d’acceptation était resté du même ordre, à hauteur de 10 %.

En réponse à Mme Chantal Brunel, il a ajouté que l’origine des demandes variait selon les Etats membres.

Ensuite, le rapporteur est convenu de ce que les résultats de l’actuelle harmonisation sont effectivement insuffisants, même si le constat d’ensemble est néanmoins moins mitigé que celui parfois établi. EURODAC fonctionne et permet de détecter les demandeurs qui ont sollicité le bénéfice du droit d’asile dans plusieurs Etats membres. En pratique, c’est le dispositif de renvoi dans l’Etat de la demande qui est en cause, dans la mesure où les personnes concernées se déplacent très rapidement d’un Etat à l’autre, notamment entre le nord de la France et les Etats voisins lorsqu’elles ont pour objectif d’aller au Royaume-Uni.

Par ailleurs, deux problèmes clés font obstacle à une meilleure uniformisation. D’une part, les conditions d’accès au marché du travail ne sont pas similaires, l’Allemagne notamment ne reconnaît pas un tel droit, indiquant qu’il s’agit non pas d’une compétence de l’Etat fédéral mais d’une prérogative des Länder . D’autre part, l’établissement d’une liste de pays sûrs, régulièrement annoncé, est constamment reporté.

Enfin, la différence entre l’asile et l’immigration doit être effectivement bien identifiée par la Délégation dans ses conclusions. Le « Pacte européen pour l’immigration » fait néanmoins partie des propositions qui ont été annoncées par le Président de la République dans le cadre de sa campagne électorale. Il convient d’en tenir compte.

M. Gérard Voisin a estimé que le maintien d’une référence à l’immigration dans les conclusions de la Délégation s’imposait, en raison de l’importante réflexion qu’avait menée par le passé le Président de la République, alors qu’il n’était encore que ministre de l’Intérieur, sur ce sujet, notamment sur l’exigence d’une action européenne.

Le Président Daniel Garrigue a estimé que les deux notions devaient effectivement être distinguées, et a proposé une rédaction dans ce sens.

M. Michel Delebarre a indiqué partager cette position et a insisté sur le fait que la mise en place du pacte européen sur l’immigration devrait nécessairement avancer, la situation étant devenue très difficile dans les territoires tels que Malte ou les Iles Canaries où les autorités doivent donner aux candidats à l’immigration accès aux services essentiels.

M. Jean Dionis du Séjour a demandé des éléments sur le degré d’harmonisation des procédures d’instruction des demandes d’asile. L’appréciation de la situation d’une personne dans son pays d’origine, en termes de sécurité individuelle, constitue le cœur du problème. Les critères doivent être les mêmes et interprétés de façon similaire.

M. Thierry Mariani, rapporteur, a confirmé que cette appréciation restait de la compétence des Etats et que la France pourrait proposer d’étudier l’hypothèse du transfert des compétences des Etats membres en matière d’asile au niveau européen. L’exemple de la Suède, où les préoccupations démographiques sont importantes, illustre bien l’actuelle diversité. Actuellement, l’harmonisation porte essentiellement sur les procédures d’asile, les critères que doivent remplir les demandeurs et les conditions d’accueil.

Certains domaines dont on pourrait penser qu’ils sont harmonisés, tels que les statistiques, ne le sont en fait pas. Ainsi la France ne comptabilisait-t-elle pas les mineurs accompagnants jusqu’en 2004, contrairement à d’autres Etats membres.

Sur proposition du rapporteur et compte tenu des débats, la Délégation a adopté les conclusions suivantes :

« La Délégation pour l’Union européenne,

Vu le Livre vert sur le futur régime d’asile européen commun (COM (2007) 301 final/E 3558),

1. approuve le Livre vert, tout en regrettant les délais de consultation, bien trop courts pour permettre un examen approfondi de sujets de cette importance ;

2. se félicite de l’impulsion donnée à la mise en place d’un régime d’asile européen commun tendant à créer un cadre homogène au niveau européen pour un régime garantissant aux personnes en ayant véritablement besoin le niveau élevé de protection auquel elles ont droit ;

3. souscrit à l’objectif général d’une harmonisation plus poussée,

4. souligne l’intérêt de la mise en œuvre d’une procédure unique quel que soit le type de protection accordée et d’un bureau d’appui européen,

5. formule le vœu que la présidence française de l’Union européenne, au deuxième semestre 2008, permette l’adoption, parallèlement à l’adoption d’un « Pacte européen sur l’immigration », d’un pacte comprenant des avancées significatives vers une unification des régimes d’asile. »

(1) Source : Annexe II au Livre vert sur le futur régime d’asile européen commun, page 26. En 2006, l’OFPRA a pris un total de 37.715 décisions sur les demandes d’asile, dont 2.930 décisions positives et 34.785 décisions de rejet, soit un taux de rejet de 92 % en première instance. S’y sont ajoutées 4.551 décisions positives prises par la Commission de recours des réfugiés, ce qui porte à 7.481 le nombre de décisions de reconnaissance du statut de réfugié par la France en 2006.
(2) Protection accordée aux personnes qui ne remplissent pas les conditions pour obtenir le bénéfice de la qualité de réfugié et établissent qu’elles sont exposées à l’une des menaces graves visées par la loi.