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Inauguration de la statue « Daumier créant Ratapoil »,

- par Louis Mitelberg, dit Tim -
 

23 janvier 2002
Grande Rotonde, à côté du bureau de tabac du Palais Bourbon


Copyright Assemblée nationale
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La sculpture « Daumier créant Ratapoil » a été réalisée en 2001 par TIM, sur commande de l'Association des Amis d'Honoré Daumier qui a décidé d'en faire don à l'Assemblée nationale. Elle est destinée à être installée dans la Rotonde. Temporairement, le 23 janvier, elle a été installée dans la Galerie des fêtes.

A l'occasion de l'inauguration, trois toiles de Zuka Mitelberg ont été également exposées :
« La République » - « Danton et Robespierre » - Une composition consacrée à la Révolution française

Biographie de Tim  - Biographie de Daumier

Voir aussi :

Extraits de la brochure « Daumier et Tim entrent à l'Assemblée nationale »

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L'article de l'Express

Hommage à TIM - L'Express du 10 janvier 2002 - Mort d'un clown tendre - par Yves Stavridès

Le dessinateur qui, pendant plus de trente ans, 
croqua les grands de ce monde dans les colonnes de L'Express est mort lundi dernier. 
Nous ne l'oublierons jamais

Chirac, 1971

Nixon, 1973

De Gaulle 1974

 

1974

Autoportrait 1975

1975

Boat people, 1978

Brejnev, 1979

Mitterrand, 1981

De ses jeunes années au lycée Gizycki de Varsovie, il avait préservé l'essentiel: «Je caricaturais mes profs. Je les imitais tous. Je faisais le guignol.» Ce lutin à l'œil si bleu, si clair, si doux, qui restera comme l'un des dessinateurs de presse mythiques du XXe siècle, avait gardé le cap. Dans les couloirs de L'Express, en mime d'élite, il reproduisait nos démarches, nos gestes, nos expressions. Ainsi, pendant plus de trente ans, il aura «aligné» tout ce qui bouge au journal. Mais sans jamais s'oublier: dans un tiroir de son bureau, il avait un admirable nez rouge, qu'il enfilait à l'occasion. Voilà. C'était lui, ça. C'était notre Tim à nous. A jamais, à toujours. Le lundi 7 janvier, à l'âge de 82 ans, le tendre clown - ce grand artiste - est parti avec ses crayons et ses plumes, ses calques et son nez rouge. Faut-il préciser que nous sommes quelques-uns, ici, à avoir le cœur en morceaux?

Avec Tim,
on allait toujours
à l'essentiel

Pour l'état civil, il était né Louis Mitelberg, en Pologne, le 29 janvier 1919. A 17 ans, déjà, Louis ne vivait que pour une chose: le dessin. Mais sa mère et son père, un artisan qui opérait dans la casquette, rêvaient pour leur fils d'un «vrai» métier: architecte. Le voici donc à Paris, à l'École des beaux-arts, où il étudie la noble science des volumes. A partir de là, le scénario s'emballe. Mobilisé en 1939. Prisonnier en mai 1940. Dans son stalag, en Allemagne, Louis fabrique des faux papiers pour tous les candidats à la belle. Notre lutin, lui, s'évade en mars 1941; et il fera partie des fameux « 186 » qui atteindront Londres - via les camps d'internement soviétiques - en septembre 1941, et dont le Général dira plus tard: « Vous êtes arrivés quand j'en avais besoin. » Cette épopée incroyable, héroïque, Louis la résumait en trois phrases: « J'ai pris le train - je parlais bien allemand. Je suis passé par la Lituanie, et je me suis retrouvé chez les Russes, en prison. Puis, sur un bateau anglais, j'ai débarqué à Glasgow. » Point final. Avec Louis, on allait toujours à l'essentiel.

C'est à Londres qu'a lieu sa première exposition - sur les stalags. A Londres encore qu'il signe son premier dessin politique - une colonne de prisonniers allemands dans les neiges soviétiques, avec cette légende: «Radio Berlin: les victoires russes nous laissent parfaitement froids.» A Brazzaville, enfin, il livre son premier pastel du Général. Entre-temps, Louis Mitelberg est devenu le sergent Mitelle. C'est à Alger, en 1943, qu'il va faire deux rencontres capitales. Une: dans des livres, il découvre l'œuvre de Daumier, qu'il baptisera aussitôt « Le Maître ». Et deux: dans un cercle d'amis - les « Chimpanzés » d'Alger - il se lie avec un jeune homme, de cinq ans son cadet, arrivé d'Amérique pour rallier les commandos des Forces françaises. C'est l'aspirant Philippe Grumbach, futur pionnier et directeur de la rédaction de L'Express. Très tôt, Philippe a eu un aperçu du talent de Louis: «Une jaunisse m'avait envoyé à l'hôpital Maillot. Pour me sortir de là, Louis m'a fait des faux papiers. C'était un génie. Il faisait le bleu, le blanc et le rouge à la gouache. Et la typo à la main! Pour faire ça, il faut avoir la main ferme. Il l'avait.»

Nos deux chimpanzés se retrouvent à Paris, en 1945, « alors que Louis venait juste d'apprendre que ses parents avaient brûlé vifs dans le ghetto...». Ils partageront une chambre rue d'Ulm. « Et il n'y avait qu'un lit, précise Philippe Grumbach. Nous tournions: un jour dans le lit, un jour par terre. » On aurait aimé voir ça. Ils participent ensuite à la création d'un journal, Volonté. Mais cette Volonté n'a pas tenu. Louis dessine alors pour Action, pour Ce soir, pour L'Humanité, tandis que Philippe entre à l'AFP, passe par Libération, où il fréquente Jacky Derogy, et atterrit à Paris-Presse, où il collabore avec J.-J S.-S - qu'il suivra dans la belle aventure de L'Express. Un jour de 1958, sur un trottoir, Philippe Grumbach croise son Mitelberg, qui défile encore pour l'Indochine: «Je lui ai dit: bon, tu ne crois pas qu'il serait temps de venir travailler dans un journal un peu dans le vent ? » Le 1er novembre 1958, Louis Mitelberg entre à L'Express. Il y devient Tim.

© J.-R. Roustan/L'Express

Charlot-Chaplin, Chirac en Saint Laurent, Mitterrand d'après Lautrec... Dessins ou sculptures, les grands vus par Tim avaient un trait commun: l'art.


« Un portrait n'est bon, dira-t-il, que s'il contient une pincée de caricature. Et une caricature n'est bonne que si elle contient une pincée de tendresse. » Donc, avec lui, les champions de la Ve République vont tous y passer: de Pompidou jusqu'à Mitterrand, qui lui donnera très sportivement du « Tim le Terrible ! ». C'est qu'il les aura astiqués, taquinés, roulés parfois - et même souvent - dans la farine. Mais il en est un qui restera son client devant l'Eternel: le général de Gaulle. « Sur de Gaulle et Tim, insiste son copain Philippe, il faut écarter les conneries. Tim était profondément admiratif de de Gaulle, de ses accomplissements politiques. Et profondément critique à l'égard de ses actions à la gomme. » Avec son air angélique, Louis n'aura jamais cessé de vanter les qualités professionnelles de son Général: « Il s'arrangeait toujours, au milieu d'un discours ou d'une conférence de presse, pour formuler une phrase qui nous servirait de légende. Il semblait la souligner en rouge et nous dire : « Messieurs, à vos crayons!  » Tim affichait à voix haute « une grande tendresse pour lui. A cause de l'envergure de sa vision. A cause de sa noblesse ».

A L'Express, certains veinards se sont fait mimer par le lutin une cérémonie de 1961, à l'Élysée. De Gaulle y reçoit des éléments du groupe Billotte: les fameux « 186 ». Dans un petit coin, il y a le sergent Mitelle. Les épaules des évadés forment un paravent devant notre caricaturiste: sait-on jamais. Du haut de son képi, le Général finira par le repérer. Dans un silence de qualité, il s'avance vers lui. Lui tend la main. Et lâche un magnifique: « Alors, Mitelle, on dessine ? »

Observateur politique, commentateur à sa façon, il attaquait ses journées en dévorant la presse du monde entier. Et il s'indignait. Et quand Louis s'indignait, il cognait sec. Inconditionnel d'Israël, il l'était; mais, dès qu'un relent de racisme, en France, venait pointer du doigt la communauté des travailleurs maghrébins, Louis devenait tout pâle et dégainait son crayon. Il soulignait: « J'apprécie peu la dérision dès qu'il s'agit des droits de l'homme. » En 1976, il intégrera le comité éditorial de L'Express: dans l'histoire universelle de la presse, il est le seul dessinateur à avoir connu ce destin. Raymond Aron écrira: « Disons, sous la forme la plus simple, qu'il témoigne d'une gentillesse, d'une délicatesse que l'on trouve rarement dans la redoutable gent des intellectuels.» Et encore: « Nos éditoriaux ne résistent pas à l'usure du temps. Il m'arrive d'envier mon compagnon de L'Express. Il commente l'actualité et ses œuvres restent. »

Au journal, Louis habitait à l'étage de la culture. C'était une évidence: cet homme si cultivé, qui a illustré l'œuvre de Zola, de Kafka, de Jarry, s'adossait souvent, dans ses dessins, à l'opéra, au théâtre, à la littérature, à la chanson, à la publicité. Mais, surtout, à l'art. L'ami Pierre Schneider, notre chroniqueur maison, s'arrêtait régulièrement devant son bureau. D'abord, ils s'échangeaient leurs histoires drôles - toutes plus navrantes les unes que les autres - et riaient comme deux grands crétins. Ensuite, ils dissertaient sans fin sur Vermeer, Goya, Ingres, Giacometti, Picasso... et, à l'arrivée, Louis se réappropriait leurs chefs-d'œuvre dans ses dessins. Comme le note Pierre, « c'était sa façon de ramener le chaos de l'actualité sous la protection d'un art qui vise l'harmonie. »

Tim a opéré à L'Express jusqu'à l'âge de 71 ans. Dans sa vie, il aura également dessiné pour Le Monde, L'Evénement du jeudi, Time, Newsweek, le New Yorker, le New York Times - que sais-je encore? Depuis un demi-siècle, il se livrait à un autre sport: la sculpture. Ses motifs étaient, ô combien, conformes à son âme: de la statue du capitaine Dreyfus (place Pierre-Lafue, à Paris) au Monument des survivants d'Auschwitz (cimetière du Père-Lachaise). Ces dernières années, Louis avait beaucoup investi dans son Ratapoil: un hommage selon son cœur à Daumier. Le 23 janvier, à l'hôtel de Lassay, le président de l'Assemblée nationale inaugurera le Ratapoil de Tim. Vaste sujet de méditation pour nos députés. Mais, aussi, le baroud d'un artiste qui répétait: « J'aime les hommes politiques. » Adieu, l'ami.

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Honoré Daumier

De l'influence de la caricature sur le comportement des citoyens

 

Vidéo

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