Abolition de la peine de mort

Le débat de 1791 à l'Assemblée nationale constituante

Rapport sur le projet du Code pénal,

présenté à l'Assemblée nationale, au nom des comités de Constitution et de législation criminelle, par M. Le Pelletier de Saint-Fargeau

(Imprimé par ordre de l'Assemblée nationale)

ANNEXE
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
DU LUNDI 23 MAI 1791

[Biographie et mandats de Le Pelletier de Saint-Fargeau]

Messieurs, le mot de Code pénal rappelle à des législateurs un devoir pénible.

Vous allez enfin descendre dans ces sombres régions des crimes et des supplices, pour y con­templer le plus affligeant spectacle : celui de l'homme coupable et de l'homme souffrant.

C'est là que, dans le chaos informe de nos anciennes institutions, vous trouverez presque à chaque pas la morale et l'humanité outragées ; en pourra sans danger baisser un peu le plus haut degré.

Il existe deux sortes de crimes ; ceux qui sont l'effet du calcul et de la réflexion, et les crimes qui sont produits par l'impulsion subite d'une passion violente.

Une graduation exacte des peines opérera un effet moins efficace pour la répression de cette dernière sorte de crimes, parce que la passion ne voit que l'objet qui l'allume, et calcule peu les chances qu'elle court : mais cette classe est la moins nombreuse.

Pour tous les autres, la graduation des peines produit un effet certain.

Si une grande distance sépare la peine de tel crime, d'avec la peine de tel autre crime, le mé­chant qui de sang-froid médite une mauvaise action, s'arrêtera là où commence pour lui un grand danger. La loi franchit-elle tous les degrés de la peine ; le méchant franchira aussi tous les degrés du crime. Il n'a point d'intérêt à s'arrêter ; nul calcul ne le retient.

C'était une grande absurdité de nos lois de punir le voleur sur le grand chemin, le servi­teur qui dérobait quelques effets à son maître, l'homme qui, en brisant des clôtures, s'introduisait dans les maisons, de la même peine que l'assas­sin. La loi elle-même les invitait au meurtre, puisque le meurtre n'aggravait pas la punition de leur crime, et pouvait en étouffer la preuve.

A cette juste graduation qui proportionne la gravité des peines, à l'atrocité des crimes, il faut encore joindre des rapports exacts entre la nature du délit et la nature de la punition. Ainsi les douleurs physiques puniront les attentats dont la férocité a été le principe ; un travail pénible sera imposé au coupable dont le crime a trouvé sa source dans la fainéantise ; l'infamie punira les actions qui n'ont été inspirées que par une âme abjecte et dégradée.

Ajouterons-nous pour quatrième caractère l'égalité des peines ?

Ce principe est trop précieux pour n'être pas transcrit dans le code pénal, mais il existe déjà partout dans vos lois ; il existe dans la déclara­tion des droits de l'homme ; il existe dans l'égalité civile qui fait la base de votre Constitution ; il existe dans le décret spécial où vous l'avez proclamé. En le plaçant ici, nous répétons seule­ment votre volonté déjà exprimée. Mais nous ob­servons que si quelque chose peut inspirer un profond respect pour la loi, c'est de montrer les hommes, quels qu'ils soient, couverts par le crime de la même infamie. Ce sera un grand et salutaire exemple, lorsqu'on pourra voir le mi­nistre prévaricateur confondu avec la tourbe des criminels, puni plus longtemps parce que son attentat a blessé davantage la patrie, et l'un de ces inviolables d'autrefois, chargé légalement des mêmes fers dont ils opprimaient arbitrairement l'innocence.

Il est un autre caractère que vos précédents décrets rendent inséparable de toute loi pénale : c'est d'établir pour chaque délit une peine fixe et déterminée. Telle est la conséquence nécessaire de la procédure par juré. Les jurés jugent de la vérité du fait. Le tribunal applique la loi. Cette forme exclut tout arbitraire. Nos anciennes lois sont pleines de ces for­mules : tel crime sera puni suivant les circonstances, suivant l'exigence des cas ; ou tel crime ne pourra être puni de moindre peine que du bannissement, ou de plus forte peine que des galères à perpétuité. Ce protocole, il faut en convenir, était fort commode pour les faiseurs de lois d'alors. Et dans la vérité cette latitude n'était pas incompatible avec des formes criminelles qui rendaient les tribunaux juges tout à la fois, et du fait, et du droit. Ils pouvaient modifier la peine suivant la gravité du fait dont ils avaient approfondi et pesé toutes les circonstances. Aujourd'hui toute nuance du fait est étrangère au juge. Il ne connaît que le fait posé par le verdict du juré. Il faut qu'il ouvre la loi, et qu'il y trouve une peine précise applicable au fait déterminé. Son seul devoir est de prononcer cette peine. Cette forme rejette sur les législateurs la nécessité de prévoir un plus grand nombre de cas, de spécifier des nuances plus variées, de déterminer plus de faits, et toujours d'être précis dans la prononciation de la peine établie par chaque article.

Voilà, Messieurs, une des grandes difficultés de la tache que vous nous avez imposée. Nous ne nous flattons pas même d'avoir pu la surmonter totalement, car il est démontré qu'elle est insoluble. Le nombre des peines est borné, même pour le génie inventif d'un tyran. Les nuances des crimes sont aussi variées que les nuances des physionomies ; et il nous a paru que le mieux dont il fallait se contenter, c'était de saisir, dans les délits, les traits, les plus prononcés et les plus marquants, soit d'immoralité, soit de danger pour l'ordre social, sans prétendre atteindre la perfection chimérique d'un travail qui spécifiât toutes les formes sous lesquelles peuvent se manifester les effets de la méchanceté des hommes. Mais si toute peine arbitraire au gré du juge doit être bannie de notre code, nous en écarterons bien plus soigneusement encore celles qui sont susceptibles d'être modifiées après le jugement. Toute peine qui par sa nature peut être ou aggravée ou atténuée suivant la disposition de celui qui la fait subir au condamné, est essentiellement mauvaise. Il faut qu'une peine soit et demeure ce que l'équité des lois l'a faite, et non ce que la rend la sévérité ou l'indulgence de l'exécuteur d'un jugement.

Les peines pour être répressives porteront encore trois caractères importants :

Le premier, d'être durables ;

Le second, d'être publiques ;

Le troisième, d'être toujours rapprochées du lieu où le crime a éclaté.

Je dis que les peines doivent être durables, et j'entends par cette expression qu'une suite prolongée de privations pénibles, en épargnant à l'humanité l'horreur des tortures, affecte beaucoup plus le coupable, qu'un instant passager de douleur trop souvent bravé par une sorte de courage et de philosophie. Les peines de cette nature sont encore plus efficaces pour l'exemple ; car bientôt l'impression du spectacle d'un jour est effacée ; mais une punition lente et de longs travaux renouvellent sans cesse aux yeux du peuple, qui en est témoin, le souvenir de lois vengeresses, et fait revivre à tous les moments une terreur salutaire. J'ajoute que les peines doivent être publiques, c'est-à-dire que souvent, et à des temps marqués, la présence du peuple doit porter la honte sur le front du coupable, et la présence du coupable, dans l'état pénible où l'a réduit son crime, doit porter dans l'âme du peuple une instruction utile.

Eh ! combien cette honte sera-t-elle pénétrante! combien cette instruction fera-t-elle de plus profondes impressions, si c'est près du lieu où le crime a été commis, que le crime est expié !... Une peine qui n'est notifiée que par l'affiche d'un jugement, produit peu d'effet. On sait que tel coupable subit tel châtiment à l'extrémité de l'Empire, on le sait ; mais on ne le voit pas ; on ne le sent pas ; on l'a bientôt oublié parce qu'on I n'a fait que l'apprendre ; et cette répression-là, seule, est véritablement exemplaire, qui présente constamment toute la durée de la vengeance des lois, dans les mêmes lieux qui ont été remplis I de l'horreur et du scandale du crime, et où des regards toujours connus réveillent sans cesse, dans l'âme du coupable, les sensations actives de l'opprobre et de l'ignominie.

Les peines qui réuniront tous les différents caractères que j'ai développés jusqu'ici rempliront un des principaux objets de toute insti­tution pénale, celui de réprimer utilement et efficacement les crimes.

C'est à ce seul objet que les législateurs ont borné leurs vues jusqu'à présent.

Mais est-il impossible d'aller plus loin ? et ne saurait-on concevoir un système pénal qui opérât ce double effet, et de punir le coupable, et de le rendre meilleur ?

Voyons par quels caractères les peines pourraient atteindre ce but moral. Ce développement complétera la théorie des principes dont nous avons suivi la lumière.

La source la plus ordinaire des crimes, c'est le besoin, enfant de l'oisiveté. Le système des peines doit donc être assis principalement sur la base du travail : mais son but est manqué, si faisant du travail le tourment même du condamné, il augmente encore son aversion naturelle. C'est sous un autre aspect que le travail doit lui être présenté.

Il faut qu'il y soit porté par le sentiment du besoin ; il faut que le travail devienne pour lui le passage à un état moins pénible ; il faut qu'il y trouve des adoucissements précisément dans la proportion du zèle avec lequel il s'y sera livré.

En lui offrant le travail sous ces formes consolatrices, vous pourrez lui en inspirer et l'habi­tude et l'amour ; et certes, vous l'aurez rendu meilleur, si vous l'avez rendu laborieux.

Nous avons encore pensé sous le même rapport de moralité qu'il était convenable de rendre décroissante, par le temps, la rigueur des peines ; en sorte que toute leur intensité soit portée sur les premières années, et qu'un peu adoucies vers le milieu de leur durée, la dernière époque se termine par le degré le moins sévère de l'existence pénale.

Ce principe est humain ; car la première des consolations, c'est l'espérance, qui montre dans l'avenir une diminution des maux qu'on souffre. Et de plus, il nous a semblé qu'il pouvait être utile de tempérer insensiblement l'être moral du condamné, et de pénétrer son âme d'affections plus douces et plus sociales avant l'instant où la fin de sa punition va le rendre à la société et à lui-même.

Toutes ces nuances deviendraient superflues si le condamné était plongé pour jamais dans le lieu fatal d'expiation ; mais les peines peuvent être répressives et pourtant temporaires ; c'est un principe que nous vous proposerons encore de consacrer, et en conséquence d'abolir tout ce qui imprime aux peines un caractère de perpétuité, tout ce qui voue un coupable au désespoir, la plus barbare des punitions, et la seule peut être que la société n'ait pas le droit d'infliger ; tout ce qui l'enchaîne irrévocablement au crime, en lui ôtant les moyens de se livrer à une honnête industrie.

Appelons, par nos institutions, le repentir dans le coeur du coupable ; qu'il puisse revivre à la vertu, en lui laissant l'espérance de revivre à l'honneur ; qu'il puisse cesser d'être méchant par l'intérêt que vous lui offrez d'être bon : après qu'une longue partie de sa vie passée dans les peines aura acquitté le tribut qu'il doit à l'exemple, rendu à la société, qu'il puisse encore recouvrer son estime par l'épreuve d'une conduite sans reproche, et mériter un jour que la patrie elle-même efface de dessus son front, jusqu'à la tache d'un crime qu'il aura suffisamment expié.

Je résume, en peu de mots, toute cette théorie générale, et je reprends l'énumération des carac­tères que vos comités ont pensé qu'il était utile d'imprimer à vos lois pénales.

Il faut que les peines soient humaines, justement graduées, dans un rapport exact avec la nature du délit, égales cour tous les citoyens, exemptes de tout arbitraire judiciaire ; qu'elles ne puissent être dénaturées après le jugement dans le mode de leur exécution ; qu'elles soient répressives, principalement par des gênes et des privations prolongées, par leur publicité, par leur proximité du lieu où le crime a été commis ; qu'elles corrigent les affections morales du condamné, par l'habitude du travail ; quelles décroissent en approchant du terme fixé à leur durée, et enfin qu'elles soient temporaires.

Comparons ces principes aux peines actuellement usitées, et voyons quelles seront celles qui pourront survivre à cet examen.

Nous n'aborderons pas encore ici la grande question de la peine de mort, pour laquelle nous réservons dans un instant une discussion particulière.

La peine de mort emportant simple privation de la vie, peut paraître à quelques bons esprits devoir être conservée dans votre nouveau code. Mais ce que vous en bannirez sans doute, ce sont ces tortures dont la peine de mort était accompagnée d'après nos lois anciennes. Le feu, la roue, des supplices plus barbares encore, ré­servés pour les crimes de lèse-majesté ; toutes ces horreurs légales sont détestées par l'humanité et par l'opinion. L'Angleterre nous a donné l'exemple de les détruire ; il n'est pourtant aucun peuple qui ait prodigué autant que les Anglais, la peine capitale ; car presque tous les crimes la font encourir. Mais les Anglais ont éloigné de cette peine tout ce qu'elle a d'atroce. Le condamné cesse de vivre, sans qu'une longue et pénible agonie excite et provoque la farouche curiosité du peuple. Ces spectacles cruels dégradent les moeurs publiques, sont indignes d'un siècle hu­main et éclairé, la raison et la philosophie les proscrivent ; et en cédant au voeu de votre coeur qui vous presse d'en abroger l'usage, vous aurez, Messieurs, la satisfaction de réaliser un voeu public, conçu et manifesté depuis longtemps.

Après la peine de mort, les galères sont le second degré des peines actuellement citées. Les bases de cette punition sont les travaux publics, élément utile d'un bon système pénal.

Mais il existe un vice radical dans ce mode de punir les condamnés ; leurs douleurs sont absolu­ment perdues pour l'exemple. C'est dans un petit nombre de villes maritimes que les condamnés de tout l'Empire sont conduits ; il faut habiter Brest ou Toulon pour savoir quel est le sort d'un galérien ; et encore de quel spectacle sont témoins ceux qui considèrent de près cet établissement. Ils y voient des abus intolérables, des hommes frappés d'une condamnation semblable, et pour­tant tout différemment traités : les uns, excédés de coups, de travail et de rigueur ; les autres ménagés, soignés, comblés de tous les adoucis­sements que comporte leur état ; et cela, selon la faveur ou la haine, la préférence ou la prévention, l'indulgence ou la sévérité d'un gardien, d'un conducteur ou d'un commandant ; peut-être aussi un peu selon l'industrie ou l'oisiveté, la bonne ou la mauvaise conduite du forçat ; mais qui toujours n'ont pour juge que le caprice d'un seul homme.

La peine des galères est toujours accompagnée de deux autres condamnations : le fouet et la marque.

Quelques coups de verge donnés sur les épaules du condamné par l'exécuteur de la haute justice sont plutôt un simulacre de peine qu'une puni­tion véritable ; ils dégradent la main de l'homme en l'appesantissant sur son semblable ; ils ajoutent peu à l'opprobre du supplice ; ils n'ajoutent rien à l'effroi qu'il doit inspirer.

Quant à la peine de la marque, elle présente une très grande question.

On peut appuyer sur de très saines et très fortes raisons l'opinion qu'un signe sensible doit faire reconnaître l'homme que la justice a déjà puni pour un crime, afin que, s'il se rend coupable une seconde fois, sa punition soit augmentée en raison de la perversité de ses penchants.

Parmi ceux qui ont réfléchi sur cette question et qui l'ont discutée, il s'est même trouvé de bons esprits, qui ont porté ce principe jusque-là, qu'ils pensaient utile qu'une marque extérieure et apparente rendît partout reconnaissable le condamné, afin que la société pût se tenir continuellement en garde contre celui qui déjà l'avait offensée par un crime.

Les conséquences de cette opinion extrême pourraient être dangereuses, même pour le re­pos de la société. En horreur à tous les hommes, exclus de tout commerce humain, de toute profession, de toute industrie ; portant dans tous les lieux habités la honte, la défiance et l'effroi, l'être ainsi dégradé aurait fui dans les forêts pour y former une peuplade farouche, dévouée au meurtre et au brigandage.

Les lois en usage avaient évité cet inconvénient, en adoptant un parti mitoyen, qui, sans flétrir le front de l'homme par l'affreux cachet du crime, laissait pourtant sur sa personne une marque, voilée, mais ineffaçable, dont la justice pouvait au besoin retrouver l'empreinte.

Nous avons hésité quelque temps à vous pro­poser d'en abroger l'usage ; mais voici quels sont les motifs qui nous y ont déterminés.

Il nous a paru qu'une empreinte corporelle indélébile était incompatible avec le système des peines temporaires, puisqu'elle perpétue, après l'époque fixée pour le terme de la punition, une flétrissure qui n'est pas une des circonstances les moins insupportables du châtiment.

Cette empreinte, quoique non apparente, peut si souvent et si facilement se trahir, qu'elle écar­tera presque toujours le malheureux qui la porte d'un état honnête, et dès lors des moyens légi­times de subsister.

Demeurât-elle constamment invisible et inconnue, la conscience de son opprobre poursuivra partout le condamné ; dégradé et flétri à jamais dans son être physique, comment son âme pourra-t-elle soulever le poids de la honte, et dans l'espoir de mériter l'estime des hommes, contempler la récompense d'une conduite pure et sans reproche ?...

Une seconde considération nous a encore portés à abandonner ce moyen de reconnaître le cou­pable déjà condamné, s'il retombe une seconde fois entre les mains de la justice. C'est que, dans le nouvel ordre de nos institutions, il sera bien moins facile au méchant de se perdre et de se confondre dans la foule. La trace de son exis­tence ne peut guère s'effacer ; des registres exactement tenus dans chaque municipalité présente­ront le dénombrement de tous les membres qui composent la grande famille. Il faudra que chacun ait un nom, un état, des moyens de subsis­tance, ou des besoins notoires. Les vagabonds et les inconnus formaient autrefois, dans la nation, une peuplade qui ne se rendait guère visible que par les attentats. Déjà on a indiqué, et il vous sera proposé encore, Messieurs, des moyens pour fixer dans l'ordre social ces existences funestes et fugitives, et désormais l'état de vagabond et d'inconnu devenant un signal de défiance, avertira suffisamment la police et la justice de prendre des mesures répressives contre des hommes justement suspects à la société.

D'après ces réflexions, nous pensons que la peine des galères avec les accessoires qui tou­jours y sont réunis, doivent être convertis eu d'autres travaux ; que le fouet, peine illusoire, ne doit pas être conservé, et que désormais aucune marque indélébile ne doit être imprimée sur la personne du condamné.

Dans l'ordre des peines actuelles, l'hôpital ou la réclusion dans une maison de force, est pour les femmes ce que sont les galères pour les hommes.

Privation de liberté et travail, tels sont les élé­ments de cette peine : avec quelque modifica­tion elle est bonne et salutaire. La principale réforme que vous jugerez convenable d'y apporter, sera, sans doute, de ne plus confondre la prostitution avec le crime, et de séparer un éta­blissement purement correctionnel, d'avec ceux qui seront formés pour recevoir les victimes dévouées par la loi aux souffrances et à l'infamie des peines afflictives.

Je ne dirai qu'un mot sur la mutilation. Cette peine était rarement usitée ; mais les réflexions que je vous ai présentées relativement aux tor­tures, et relativement à la marque, s'appliquent aussi à ce genre de punition, et évidemment doivent le faire proscrire.

Il est une autre peine d'un usage bien plus fréquent, car elle s'applique aux délits les plus ordinaires ; je veux dire le bannissement, qui envoyait ; les condamnés d'un tel parlement dans la province voisine sous condition, et avec l'as­surance de recevoir bientôt, réciproquement, les scélérats dont cet autre parlement purgeait son ressort : échange absurde et funeste, qui déplaçait le criminel sans réprimer ni punir le crime! Toutes les opinions se réunissent depuis longtemps pour la suppression de cette peine ; dans les discussions polémiques, pas un écrivain n'a tenté delà défendre. On l'appliquait par routine, parce qu'on n'en avait pas d'autres, et si elle s'est conservée jusqu'à ce jour on ne peut l'attribuer qu'à la coupable insouciance de l'ancien gouvernement, pour tout changement, qui n'avait d'autre attrait que celui de la raison, de la morale et de l'humanité. Telles sont les peines afflictives actuellement en usage.

Quant aux peines infamantes, elles étaient fort multipliées.

La claie, le carcan, le pilori, l'amende honorable, rapportés aussi par quelques criminalistes à la classe des peints afflictives, mais qui appartiennent plus naturellement à celle des peines infamantes ; le blâme, l'amende en matière criminelle ; le plus amplement informé indéfini, l'aumône en matière civile, toutes ces prononciations emportant une infamie de fait ou de droit, imprimant à la personne du condamné un opprobre plus ou moins public, manifestaient sous diverses formes l'improbation de la loi. I Elles posaient sur ce principe vrai, qu'il faut couvrir de honte une action infâme. Nous vous proposons d'adopter le principe, mais de multiplier moins des formules qui, en la divisant l'affaiblissaient cette salutaire et terrible pensée, la société et les lois prononcent anathème contre quiconque s'est souillé par un crime. Quant aux peines pécuniaires, leur forme était vicieuse, en ce qu'elles comprenaient sous des dénominations semblables et souvent mal défi nies, telles que celles d'amende, d'aumône, de dommages et intérêts, etc., des réparations privées et des peines dues à la vengeance publique, des corrections civiles et des punitions d'attentats poursuivis criminellement ; enfin, des répressions qui laissaient intact l'honneur de ceux qui les avaient subies, et des jugements qui imprimaient aux condamnés une note d'infamie. Nous ferons en sorte de faire disparaître du nouveau code ces inconvénients de l'ancien. D'après le tableau que nous venons de vous présenter, Messieurs, de l'état actuel des peines en France, vous pouvez juger qu'il est tellement vicieux, que nous ne saurions y trouver les bases de notre travail, et que, pour présenter des vues réellement utiles, il faut créer dans sou entier, et combiner un nouveau système pénal. Vos comités vont avoir l'honneur de vous soumettre le résultat de leurs méditations sur cette importante matière.

|Mais avant tout il faut enfin aborder et résoudre cette grande question : la peine de mort formera-t-elle ou non l'un des éléments de notre législation criminelle ?

Dans la discussion de cette haute et redoutable théorie, nous ne nous arrêterons pas, Messieurs, I sur la première partie de la question, savoir, si la société peut légitimement ou non exercer ce droit. Ce n'est pas là que nous apercevons la difficulté ; le droit nous paraît incontestable ; mais la société doit-elle en faire usage ?... Voilà le point sur lequel des considérations puissantes peuvent balancer et partager les opinions. Un mot nous paraît suffire pour établir la légitimité du droit. La société, ainsi que les : individus, a la faculté d'assurer sa propre conservation par la mort de quiconque la met en péril.

Chacun peut tuer légitimement celui qui attente à sa vie.

La société a le droit de faire périr, en cas de guerre, l'ennemi du dehors qui vient l'attaquer. La force publique peut, dans les cas de sédi­tion, employer la violence des armes contre les citoyens révoltés qui troublent le repos de l'Etat. Le crime est un ennemi intérieur. Il n'existe point de société là où il n'existe aucun moyen de le réprimer. Si la peine de mort est indispensablement nécessaire pour en arrêter les progrès, la peine de mort doit être prononcée.

Mais si le fond du droit est incontestable, de sa nécessité seule dérive la légitimité de son exercice : et de même qu'un particulier n'est dans le cas de l'homicide pour légitime défense que lorsqu'il n'a que ce seul moyen de sauver sa vie, ainsi la société ne peut légitimement exercer le droit de vie et de mort, que s'il est démontré impossible d'opposer au crime une autre peine suffisante pour le réprimer.

Si nous pouvons employer des punitions non moins efficaces pour l'exemple, il faut rejeter la peine de mort : et combien nous semblera-t-il désirable d'atteindre ce but, si nous nous pénétrons de tous les inconvénients qu'il y aurait à en perpétuer l'usage !

Pour resserrer la question dans des termes plus précis, prenons pour bases des vérités généralement reconnues en ce moment.

Tout le monde est d'accord que la peine de mort, si elle est conservée, doit être réduite à la simple privation de la vie, et que l'usage des tortures doit être aboli. Un second point sur lequel toutes les opinions se réunissent également, c'est que cette peine, si elle subsiste, doit être réservée pour les crimes d'assassinat, d'em­poisonnement, d'incendie et de lèse-nation au premier chef. Ce pas est déjà fait dans l'opinion ; et votre humanité, vos lumières, le voeu public dont vous êtes les organes, ne vous permettraient pas sans doute une marche rétrograde. Voilà donc les deux propositions défendues par plusieurs bons esprits, qui par d'excellentes vues, et animés par des motifs respectables de sagesse et de raison, veulent la conservation de la peine de mort, mais ne la veulent qu'avec les restrictions que nous venons de développer.

Or évidemment la peine de mort dans cette hypothèse opère un grand mal pour les moeurs publiques, et n'a aucune efficacité pour arrêter le crime. C'est un remède violent, qui, sans guérir la maladie, altère et énerve les organes du corps politiques.

Rien de moins répressif que la peine de mort simple.

La nature, il est vrai, a mis dans le coeur de l'homme le désir de conserver son existence ; mais à côté de ce sentiment se trouve placée la certitude qu'il doit mourir un jour. La nécessité le familiarise avec cette idée ; il s'accoutume à envisager sans un grand effroi le moment où il cessera de vivre.

Les préjugés, les vices, le crime même ont souvent avec la vertu cet élément commun, le mépris de la mort.

Chaque nation, chaque caste, chaque profession, chaque individu est susceptible de ce sentiment.

Chez les Indiens, la puissance de l'opinion ; chez les musulmans, la religion ; chez les Anglais, un calcul tranquille ; chez d'autres peuples, les principes d'un faux honneur font braver une mort certaine, ou font affronter le danger d'une mort possible.

Le courage du soldat se compose des divers sentiments de la gloire, du devoir, de l'espérance du pillage, de la force de l'exemple, de la crainte de la honte. Il combat, il ne redoute pas la mort, et pourtant chaque soldat n'est pas un r héros.

Voyez finir l'habitant des campagnes ; non pas celui pour lequel la misère et le malheur rendent souhaitable l'instant où il va cesser de souf­frir, mais l'être dont l'existence a été la plus douce et la moins agitée ; celui qui a vécu dans une chaumière qui lui appartient, et qui meurt entouré de sa femme et de ses enfants, que son champ a toujours nourris : sa dernière heure approche ; il subit la commune loi, et dans son regard paisible, vous ne trouverez point l'expres­sion de l'effroi ni de l'horreur de la mort.

Les criminels ont aussi leur philosophie. Dans les chances de leur destinée, ils calculent froidement ce qu'ils appellent le mauvais quart d'heure, et plus d'une fois sur l'échafaud ce secret leur est échappé : non, disaient-ils, l'idée de la potence ne nous a jamais détournés d'un seul crime ; la roue seule étonnait notre farouche courage.

Je prévois l'objection qu'inspireront quelques-uns des exemples que je viens de citer.

Pourquoi, dira-t-on, tant de gens s'exposent-ils sans peine à la mort ? C'est que le danger n'exclut pas la possibilité et l'espoir d'y échapper. Pourquoi une mort certaine parait-elle douce et supportable ? C'est parce que l'honneur, et non l'infamie, l'accompagne.

Je réponds d'abord que pour le criminel, l'espérance d'éviter la peine est à côté du crime, de même que le soldat, qui monte à l'assaut, voit l'espérance placée au haut des tours qu'il esca­lade. Je conviens ensuite qu'on ne peut com­parer l'effroi d'une mort glorieuse à l'effroi d'une mort infâme ; mais voici l'argument que je tire de cette objection : c'est donc l'infamie et non la mort qui prête au supplice le plus d'horreur! Hé bien, réservez le coupable pour une longue infamie, au lieu de le délivrer par la mort du sentiment pénible et salutaire de l'opprobre.

Je conclus de ces réflexions, que la mort sans douleur étant affrontée ou supportée Fans effort, et par l'effet d'un sentiment assez ordinaire à l'homme, la peine de mort, simple, la seule que l'humanité vous permette de conserver, est une peine très peu efficace pour la répression des crimes.

J'ajoute que cette considération devient bien plus décisive encore, si vous remarquez quels sont les attentats que vous voulez réprimer par la crainte de cette punition.

Vous en menacez les grands crimes ; mais les grands crimes ne sont pas commis par des êtres ordinaires. L'atrocité en est le principe ; mais l'atrocité tient à la force dont elle est l'abus. Ce sont des âmes d'une trempe peu commune qui animent les grands scélérats : et si en général tout homme est aisément capable de courir le hasard d'une mort prompte et sans tourments, ou de la supporter sans désespoir, une farouche philosophie armera bien plus facilement un coeur vigoureusement féroce, endurci par un grand attentat, et qui tranquille à la vue du sang humain versé par son crime, a déjà remporté sur la nature une affreuse, mais une bien pénible victoire.

Déjà, par une longue expérience, l'inefficacité et l'inutilité de cette peine sont prouvées.

En France, plusieurs espèces de vols, notam­ment le vol domestique, étaient punies de mort, la loi s'exécutait à la rigueur, avant que le cri de la raison se soit fait entendre. Cette peine a-t-elle réprimé le crime? et quel est l'homme qui, au moins une fois dans sa vie, n'a pas été volé par un serviteur infidèle ?...

En Angleterre, la peine de mort menace presque tous les vols ; et dans nul pays, on ne vole plus habituellement qu'en Angleterre.

A Rome, jamais les crimes ne furent plus rares que lorsque la peine de mort était bannie du code des Romains libres. Jamais ils ne furent plus multipliés que lorsque la peine de mort entra dans les institutions de la République dégradée. Enfin la Toscane, le premier état moderne dont les lois humainement novatrices aient osé tenter l'essai de supprimer la peine de mort, la Toscane présente un registre bien précieux pour le philosophe sensible et le législateur éclairé ; les annales criminelles de ce peuple offrent la preuve certaine qu'il y a été commis moins de crimes pendant le cours des années qui ont suivi l'abro­gation de la peine de mort, que pendant celles qui l'ont précédée.

Daignez, Messieurs, pour appuyer ces réflexions, fixer votre attention sur un aspect bien important de la question.

Si nous étions un peuple neuf qui formât aujourd'hui le premier recueil des lois sous les­quelles il doit vivre, peut-être serait-il conve­nable de placer la privation de la vie à la tête de l'échelle des peines, et de prononcer celte privation contre quelques grands attentats.

Mais il s'en faut bien que telle soit la position où nous nous trouvons.

Nous sommes dans un pays où la peine de mort était prodigieusement multipliée, et où la peine de mort se produisait sous les formes ef­frayantes des supplices les plus longs et les plus douloureux.

Si vous conservez celte peine, mais la mort simple, et réservée pour quelques grands crimes, quel effet produirez-vous dans l'esprit du peu­ple ? Vous allez y opérer un mouvement très funeste ; vous baisserez d'une manière claire et visible l'échelle des peines ; tel crime puni de la peine de mort va s'en trouver affranchi. Tel autre crime donnait lieu à la condamnation aux plus cruels supplices, et désormais ce même attentat ne sera réprimé que par une mort prompte et sans douleur. Voila le ressort de la terreur af­faibli ; votre code pénal, si l'on peut parler ainsi, paraîtra mis au rabais. Par un calcul facile, le méchant se démontrera à lui-même cette dangereuse vérité, qu'il gagne aujourd'hui dans les chances nouvelles que lui présente l'avenir d'un crime. Et quelle efficacité pourrez-vous vous promettre de la conservation de la peine de mort pour quelques grands attentats, lorsque le peuple verra appliquer à l'empoisonneur, à l'as­sassin, le même supplice qu'il a vu subir pendant longtemps au serviteur infidèle qui avait volé 5 sous à son maître ?

Il n'est qu'un seul moyen d'adoucir la barbarie des peines, sans affaiblir le sentiment du salutaire effroi qu'elles doivent inspirer ; c'est de frapper l'esprit des hommes en renouvelant le système pénal dans sa totalité ; vous évitez par là l'évi­dence et l'inconvénient des rapprochements et des comparaisons ; vous inspirez certainement aux malfaiteurs un plus grand effroi, par l'établissement d'une peine, d'un exemple imposant, et (jusqu'alors inusité ; vous produirez l'effet tout contraire, en descendant visiblement la punition terrible d'une action atroce au degré moins rigoureux d'une peine bien connue qu'au­trefois on appliquait à de moindres crimes. Mais si la peine de mort, ainsi tempérée, perd toute l'efficacité que l'ancien code pénal trouvait dans son atrocité même, cette peine, toute insuf­fisante qu'elle soit pour l'exemple, n'en perd rien de sou immoralité ni de son influence fu­neste sur les moeurs publiques. Dans un pays libre, toutes institutions doivent porter dans le coeur du citoyen l'énergie et le mépris de la mort. Vos lois au contraire auront pour effet de lui en inspirer l'épouvante, en présentant la mort comme le plus grand des maux qu'on ait pu opposer aux plus grands des crimes.

Considérez cette foule immense que l'espoir d'une exécution appelle dans la place publique ; quel est le sentiment qui l'y conduit? Est-ce le désir de contempler la vengeance de la loi, et en voyant tomber sa victime, de se pénétrer d'une religieuse horreur pour le crime ? Le bon citoyen est-il meilleur ce jour-là en regagnant sa demeure ? L'homme pervers abjure-t-il le complot qu'il méditait ?... Non, Messieurs, ce n'est pas à un exemple, c'est à un spectacle que tout ce peuple accourt. Une curiosité cruelle l'y invite. Cette vue flatte et entretient dans son âme une disposition immorale et farouche. Souvent le même crime, pour lequel l'échafaud est dressé, trouve des imitateurs au moment où le condamné subit sa peine ; et plus d'une fois on volait dans la place publique, au milieu de la foule entassée pour voir pendre un voleur.

Malheur à la société si, dans cette multitude qui contemple avidement une exécution, il se trouve un de ces êtres disposés au crime par la perversité de ses penchants l Son instinct, semblable à celui des animaux féroces, n'attend peut-être que la vue du sang pour s'éveiller ; et déjà son âme est endurcie au meurtre à l'instant où il quitte l'enceinte trempée par le sang que le glaive des lois a versé.

Quel saint et religieux respect vous inspirerez pour la vie des hommes, lorsque la loi elle-même abdiquera le droit d'en disposer ? Tant que le fer sacré n'est pas suspendu au fond du sanctuaire, le peuple qui l'aperçoit pourra céder à l'illégitime pensée de s'en attribuer l'usage ; il offensera la loi en voulant la défendre ; il sera peut-être coupable et cruel par patriotisme et par vertu ; dans les secousses d'une révolution, dans les premiers élans de la liberté, n'avons-nous pas vu... mais détournons de funestes souvenirs, et sans déplorer des erreurs passées qui nous affligent, tarissons-en la source, en adoucissant, en tempérant, en sanctifiant les moeurs publiques par la grande et touchante leçon d'humanité que nos lois peu­vent donner aux peuples.

L'effet que produit la peine de mort est immoral sous tous ses rapports. Tantôt il alimente le sentiment de la cruauté, nous venons de déve­lopper cette vérité ; tantôt aussi par la pitié cette peine va directement contre son objet. C'est un grand malheur lorsque la vue du supplice fait céder le souvenir du crime à l'intérêt qu'inspire le condamné! Or, cet effet est toujours auprès de la peine de mort. Il ne faut que quelques circonstances extérieures, l'expression du repentir, un grand calme, un courage ferme dans les derniers instants pour que l'indignation publique se taise ; et tel sur l'échafaud a été plaint par le peu­ple, dont le peuple avant le jugement deman­dait la tête à grands cris.

Jusqu'ici nous avons raisonné en supposant la peine de mort justement prononcée. Mais un in­nocent ne succombera-t-il jamais? De trop fu­nestes exemples n'ont-ils pas réalisé cette hypothèse? Si la forme des jurés est tutélaire contre les fausses accusations, les jurés ne sont-ils pas pourtant des hommes ? Et entre tous les avantages que nous présente la suppression de la peine de mort, n'est-ce pas une pensée consolante d'imaginer qu'à chaque instant les erreurs de la justice peuvent être efficacement réparées, et que l'innocence reconnue respire encore ?

C'est beaucoup sur la grande question que nous agitons d'avoir montré les inconvénients de la peine de mort ; mais ce n'est pas tout : il faut mettre une autre peine à la place ; et l'homme sage ne saurait prendre le parti de détruire le moyen de répression usité jusqu'à pré­sent, sans s'être convaincu de l'efficacité d'une autre mesure pour défendre la société contre le crime.

Voici, Messieurs, ce que nous vous proposons de substituer à la peine capitale.

Nous pensons qu'il est convenable d'établir une maison de peine dans chaque ville ou siège un tribunal criminel, afin que l'exemple soit toujours rapproché du lieu du délit. C'est une maison par département.

Avant d'y être conduit, le condamné sera ex­posé pendant trois jours sur un é chafaud dressé dans la place publique, il y sera attaché à un poteau ; il paraîtra chargé des mêmes fers qu'il doit porter pendant la durée de sa peine. Son nom, son crime, son jugement, seront tracés sur un écriteau placé au-dessus de sa tête. Cet écriteau présentera également les détails de la punition qu'il doit subir.

Cette peine ne consiste pas en coups ni en tortures ; il sera fait, au contraire, les plus sévères défenses aux gardiens des condamnés d'exercer envers eux aucun acte de violence.

C'est dans les privations multipliées des jouissances, dont la nature a placé le désir dans le coeur de l'homme, que nous croyons convenable de chercher les moyens d'établir une peine efficace.

Un des plus ardents désirs de l'homme, c'est d'être libre : la perte de sa liberté sera le premier caractère de sa peine.

La vue du ciel et de la lumière est une de ses plus douces jouissances : le condamné sera détenu dans un cachot obscur.

La société et le commerce de ses semblables sont nécessaires à son bonheur ; le condamné sera voué à une entière solitude.

Son corps et ses membres porteront des fers. Du pain, de l'eau, de la paille, lui fourniront pour sa nourriture et pour son pénible repos l'absolu nécessaire...

Messieurs, on prétend que la peine de mort est seule capable d'effrayer le crime ; l'état que nous venons de décrire serait pire que la mort la plus cruelle, si rien n'en adoucissait la rigueur ; la pitié même dont vous êtes émus prouve que nous avons assez et trop fait pour l'exemple : nous avons donc une peine répressive.

Mais n'oublions pas que toute peine doit être humaine, et portons quelques consolations dans ce cachot de douleur.

Le premier et le principal adoucissement de cette peine, c'est de la rendre temporaire.

Le plus cruel état est supportable lorsqu'on aperçoit le terme de sa durée. Le mot à jamais est accablant ; il est inséparable du sentiment du désespoir. Nous avons pensé que, pour l'efficacité de l'exemple, la durée de cette peine devait être longue ; mais que, pour qu'elle ne fût pas barbare, il fallait qu'elle eût un terme. Nous vous proposons qu'elle ne puisse pas être moindre de douze années, ni s'étendre au delà de vingt-quatre.

Il ne suffit pas encore de faire luire de loin dans ce cachot obscur le rayon de l'espérance ; nous avons jugé qu'il était humain d'en rendre l'effet plus apparent et plus sensible par une pro­gression d'adoucissements successifs. Le nombre d'aunées fixé pour sa durée se partagera en diverses époques. Chacune apportera quelques consolations avec elle ; chacune effacera quelques-unes des rigueurs de la punition, pour conduire le condamné à la fin de sa pénible carrière par la gradation des moindres peines.

Jusqu'ici les adoucissements n'existent encore que dans l'avenir. Lorsque la peine commence, il faut songer au moment présent, et porter même sur cette première époque des tempéraments qui défendent et la raison et la santé du condamné contre la rigueur actuelle de l'état où le réduit son crime.

Vos comités ont pensé, Messieurs, que c'était une vue assez morale, d'attacher pour le con­damné, à l'idée du travail, un sentiment de consolation : ils vous proposent de fixer à deux par semaine le nombre des jours où il sera permis au condamné de travailler pendant la première époque de la durée du cachot ; et à trois jours par semaine pendant la deuxième époque.

Le travail n'aura rien de rebutant par sa nature ou par sa rigueur. Il sera au choix du condamné, si le condamné est doué de quelque talent ou de quelque industrie ; sinon, les commissaires de la maison lui en fourniront un analogue à la situation et à ses forces ; aucune violence, aucune contrainte ne l'obligeront de s'y livrer ; mais, pendant la semaine, du pain aura été sa seule nourriture ; et il lui sera permis, le jour du tra­vail, de se procurer sur son produit une subsistance plus douce et plus abondante. Ainsi, le jour du travail, il pourra être mieux nourri ; ses chaînes lui seront ôtées ; il sortira de son cachot ; il verra la lumière du jour ; il respirera l'air, sans toutefois sortir de l'enceinte de la maison ; et un exercice salutaire préviendra l'altération ou l'épuisement de ses forces.

Vos comités ont pensé que les condamnés à la peine du cachot devaient toujours travailler seuls, parce qu'ils ont attaché à la solitude absolue un des caractères les plus pénibles et les plus efficaces de cette punition.

Une seule fois par mois, les peines du con­damné ne seront pas solitaires. Les portes du cachot seront ouvertes, mais ce sera pour offrir au peuple une imposante leçon. Le peuple pourra voir le condamné chargé de fers au fond de son douloureux réduit ; et il lira tracé en gros ca­ractères, au-dessus de la porte du cachot, le nom du coupable, le crime et le jugement.

Voilà, Messieurs, quelle est la punition que nous vous proposons de substituer à la peine de mort. Veuillez ne pas perdre de vue qu'elle sera uniquement réservée pour les assassins, les in­cendiaires, les empoisonneurs, les criminels de lèse-nation au premier chef. La considération de l'atrocité de ces crimes, la crainte que beaucoup de bons esprits ont témoignée de ne pouvoir mettre, à la place de la peine de mort, une peine efficace et répressive, nous a portés à rassembler toutes les privations qui donneront à cette punition les caractères les plus effrayants. Nous, vous avons présenté le dernier degré possible de la rigueur : puisse votre humanité, d'accord avec votre sagesse, éclaircir quelques-unes des ombres qui chargent ce triste tableau ! Puissiez-vous, en épargnant au condamné quelques douleurs que vous ne jugerez pas indispensables pour l'exemple, faire mieux que nous n'avons fait, et réaliser le voeu de nos coeurs !

Maintenant, vous avez, Messieurs, à vou3 déter­miner entre l'adoption de l'une de ces deux peines, ou la peine de mort simple, ou la punition que nous vous proposons d'y substituer. Pour terminer cette discussion, nous croyons utile de rapprocher et de comparer les caractères qui les distinguent.

L'une est peu répressive sous les divers rapports de la brièveté de sa durée, de la funeste philosophie des coupables, de la trempe des âmes des criminels pour lesquels elle est réservée, de l'évidence de son infériorité aux peines actuelle­ment encourues pour les mêmes crimes ; l'autre, par des épreuves pénibles, durables, par la réunion des plus douloureuses privations, pro­longées pendant une longue partie de la vie des coupables, étonnera plus efficacement leur cons­tance ; et cette chance funeste est capable de les retenir davantage que le danger toujours incertain de rencontrer dans l'événement du crime, l'instant plus prochain du passage sans douleur de la vie à la mort.

L'une endurcit les moeurs publiques ; elle fami­liarise la multitude avec la vue du sang. L'autre inspire, par l'exemple touchant de la loi, le plus grand respect pour la vie des hommes.

L'une punit, en faisant perdre à l'Etat un de ses membres. L'autre réprime le crime également, en conservant la personne du coupable.

L'une rend irréparables les erreurs de la jus­tice. L'autre réserve à l'innocence tous ses droits dès l'instant où l'innocence est reconnue.

L'une, en ôtant la vie au criminel, éteint jusqu'à l'effet du remords. L'autre, à l'imitation de l'éternelle justice, ne désespère jamais de son repentir ; elle lui laisse le temps, la possibilité et l'intérêt de devenir meilleur.

Un grand inconvénient se présente dans le système de la conservation de la peine de mort. Vous n'avez qu'une seule peine pour une foule de délits dont aucun ne peut être puni de moin­dre peine que de la peine capitale, si elle subsiste, et qui pourtant ont des degrés d'atrocité très différents. Ainsi, le meurtrier par fureur sera puni de même que le parricide prémédité ; car tous deux méritent la peine capitale, et il n'y a point de nuances dans la peine de mort simple. Au contraire, dans le système pénal que nous vous présentons, la durée, le plus ou le moins de rigueur des privations étant susceptibles de beaucoup de graduations, l'échelle des peines s'étend, et elle se prête à marquer d'une manière moins imparfaite la différence des délits.

Enfin, daignez saisir, Messieurs, ce dernier rapprochement. La peine de mort ne présente à la multitude que le spectacle d'un moment. Celle que nous vous proposons, prolonge et perpétue une salutaire instruction : tout dissipe et dis­trait cette foule de citoyens oisifs, qu'attire à une exécution, le mouvement de la curiosité : on ne visite pas un cachot sans un pénible recueil­lement. Et si un exemple frappant peut rendre sensible cette théorie, supposons, Messieurs, qu'un ministre prévaricateur ait osé attenter à la Constitution et à la liberté ; s'il est frappé du glaive, l'effet de son supplice sera passager : que pendant 20 années, chaque mois, le peuple le voie dans les fers, il bénira la puissance protectrice des lois, et l'exemple vivra efficacement avec le coupable.

Telles sont, Messieurs, les considérations qui ont fait pencher vos comités vers le parti qu'ils vous proposent. Sans doute, le même sentiment d'humanité anime également tous nos esprits ; mais sur une question aussi délicate, les opinions peuvent aisément se partager, et c'est une grande difficile controverse qui s'élève aujourd'hui devant vous.

Au reste, Messieurs, quelque attachés que nous soyons à la pureté du principe et à l'abrogation la peine de mort, la peine de mort est une seule fois nommée dans la loi que nous présentons.

C'est à l'occasion du chef de parti déclaré rebelle par un décret du Corps législatif. Ce citoyen doit cesser de vivre, moins pour expier son crime que pour la sûreté de l'Etat. Tant qu'il vivrait, il pourrait devenir l'occasion ou le prétexte de nouveaux troubles. Rome, dans les temps où la peine de mort était réservée aux esclaves, vit précipiter du haut de la roche Tarpéienne Manlius, Manlius dont le courage la délivra du joug des Gaulois, mais dont l'ambition aspirait à la tyrannie.

La question de la conservation où de l'abroga­tion de la peine de mort nous a paru d'une si grande importance, que pour compléter toutes les vues qui pouvaient servir à sa décision, nous avons interverti l'ordre de notre travail, et nous vous avons présenté tout d'abord la punition qui dans notre plan doit remplacer la peine capitale.

Maintenant nous rentrons dans la route que nous nous étions tracée, et nous allons vous offrir en peu de mots le tableau complet du nouveau système pénal.

Il existera deux sortes de peines :

Les peines afflictives ;

Les peines infamantes.

Les peines afflictives sont le cachot, la gêne, la prison.

Les peines infamantes seront pour les hommes la dégradation civique, pour les femmes le carcan.

Les peines du cachot, de la gêne et de la prison seront aussi infamantes.

Chacune des peines afflictives sera précédée de l'exposition du condamné dans la place publique. Nous avons décrit les caractères de cette exposition, en vous parlant de la peine du cachot. Quelques circonstances varieront suivant la nature de la peine.

L'exposition aura lieu pendant trois jours, avec chaînes au milieu du corps, aux pieds et aux mains, pour les condamnés au cachot. Pendant deux jours, avec chaînes au milieu du corps pour les condamnés à la gêne. Pendant un seul jour et sans chaînes, pour les condamnés à la peine de la prison.

Dans chaque département, il sera formé un éta­blissement, dans lequel seront conduits ceux qui auront été condamnés à l'une des trois peines afflictives. Le local sera disposé de manière que les cachots, les gênes et les prisons forment trois enceintes séparées, et sans communication entre elles.

Les détails de la peine du cachot vous sont connus : nous ne les répéterons pas ici.

Voici en quoi consistera la peine de la gêne.

Le condamné sera enfermé : ainsi, privation de la liberté ; premier caractère de sa peine.

Il sera seul : ainsi, solitude habituelle, sauf les exceptions qui vont être spécifiées ; second caractère de sa punition.

Il portera une ceinture de fer autour du corps et sera attaché avec une chaîne ; mais à la différence des condamnés à la peine du cachot, il ne portera point de fers aux pieds ni aux mains.

Le lieu où il sera détenu sera éclairé ; circonstance qui distingue encore cette peine de celle du cachot.

Tous les jours il sera fourni au condamné, du travail ; cinq jours par semaine, il travaillera seul ; mais cette solitude ne devant pas être aussi absolue ni aussi rigoureuse que celle des con­damnés au cachot, deux jours par semaine il pourra se réunir avec les autres condamnés, uniquement pendant le travail et pour un travail commun.

Ces deux jours-là, pendant le travail, sa chaîne lui sera ôtée.

Aucune violence ne le contraindra d'être laborieux. Vos comités ont pensé plus efficace et plus moral de l'y porter en le faisant jouir du produit de son industrie. Une partie sera employée pour améliorer sa nourriture, toujours réduite au pain et à l'eau s'il ne gagne pas une plus douce subsistance. Une partie sera conservée pour lui être remise au moment où il recouvrera sa liberté après la peine accomplie. Un tiers seulement sera prélevé pour la masse commune de la dépense de la maison. Le fonds réservé pour l'instant de la sortie du condamné a paru à vos comités une mesure utile : ainsi le besoin et la nécessité ne le pousseront pas à un nouveau crime à l'instant même où son premier crime vient d'être expié.

Une fois chaque mois le peuple pourra entrer dans le lieu de la gêne, et les condamnés seront exposés à ses regards avec leurs chaînes. Leur nom, leur crime, leur jugement seront également inscrits au-dessus de la porte du lieu de leur détention. Cette peine sera au plus de 15 ans et au moins de 4. Elle sera toujours terminée par un an de prison, laquelle année fera partie des 15 ans de la condamnation, ou du moindre nombre d'années fixé pour sa durée.

La prison qui, dans l'ordre des peines afflictives sera la moins grave, aura pour principal caractère la privation de la liberté. Le condamné sera enfermé seul ; mais il pourra tous les jours se réunir avec les autres prisonniers pour un travail commun. S'il le préfère, et s'il a un genre particulier d'industrie, il pourra travailler seul dans sa prison. Sa nourriture sera ce que la ren­dra son travail. Le produit de ce qu'il aura gagné sera employé d'après les mêmes principes qui sont développés ci-dessus. Il lui sera fourni un lit pour se coucher.

Vos comités ont pensé, Messieurs, qu'il était préférable de placer les prisonniers dans des réduits séparés, au lieu de les entasser dans des salles communes, comme ils le sont aujourd'hui dans la plupart des maisons de force. Ce moyen plus salubre rendra aussi plus facile la police des prisons et la garde des condamnés. Il ne sera pas dispendieux d'établir par quelques cloisons ces petites cases séparées. C'est aussi dans leur prison particulière que les condamnés à cette peine seront exposés aux regards du public le jour où le peuple sera admis dans la maison, et sur leur porte sera placée l'inscription indicatrice du nom du condamné, du crime et du jugement.

La durée de cette peine ne pourra être moindre de deux années, ni s'étendre au delà de 6 ans.

Vous avez remarqué, Messieurs, que c'est tou­jours dans l'intérieur de la maison que vos comités vous proposent d'établir les travaux. Cette mesure contrarie une idée assez généralement adoptée, celle qu'on devrait employer les malfaiteurs aux travaux publics. Nous vous devons le développement des motifs qui nous ont empêchés d'adopter ce moyen.

D'abord les condamnés aux peines du cachot et de la gêne ne peuvent pas être employés à ces ouvrages extérieurs et communs, parce que la solitude fait un des caractères véritablement essentiels de leur punition.

Ce motif n'existe pas pour les condamnés à la peine de la prison, puisqu'ils peuvent se réunir pour travailler ensemble. Mais voici l'inconvé­nient que nous y avons trouvé.

Dans une maison bien exactement fermée, il est fort aisé de garder un grand nombre d'hommes, et une force publique assez modique peut y suffire. - Pour contenir au dehors des malfaiteurs occupés à des travaux publics, et les empêcher de s'échapper, il faudrait presque au­tant de gardiens que de condamnés à garder. Gela entraînerait des difficultés et des soins considérables ; et encore beaucoup de prisonniers trouveraient-ils moyen de s'évader. On ne pourrait épargner les frais de garde qu'en mul­tipliant les rigueurs personnelles, et en mettant au pied du condamné un boulet pesant, attaché à une chaîne de fer : mais ce serait aggraver la peine. Nous observons d'ailleurs que Ton ne penche vers le système des travaux publics que par l'idée que des travaux pénibles, malsains, rebutants, doivent être naturellement le partage des malfaiteurs. Mais ce système est tout à fait contraire au rapport sous lequel nous voulons offrir le travail au condamné. Vous lui en inspirez l'horreur lorsque vous le lui présentez sous ces formes hideuses. Il faudra en venir aux coups et aux violences arbitraires des gardiens et des conducteurs, pour dompter son découragement et sa paresse. Il est bien plus utile et bien plus moral de l'y pousser par son propre besoin et par l'attrait de son intérêt.

Mais, dira-t-on, quel travail vraiment utile, et pour le prisonnier et pour l'Etat, peut-on établir dans l'intérieur d'une maison, et surtout dans un cachot ou dans une prison isolée?

L'expérience d'un fait, qui subsiste depuis fort longtemps, répond à cette objection.

Dans l'une des parties de la maison de Bicêtre appelée cabanum, les prisonniers étaient enfermés chacun séparément dans de petites cases placées à différents étages au-dessus les unes des autres. Un malheureux y était conduit, et il n'avait en arrivant aucune aptitude ni industrie particulière. Au bout de huit jours, il était instruit, et il travaillait utilement. Sans autre communication que par des paniers descendus avec des cordes, le nouveau venu recevait des an­ciens une instruction, des modèles, delà matière. Après quelques essais, il parvenait à réussir, et il sortait de ses mains des travaux délicats et très bien finis. L'ouvrage achevé se descendait par la même voie. D'autres prisonniers moins resserrés le recevaient, le vendaient au public, et bientôt les paniers remontaient avec le prix de l'ouvrage et de nouveaux matériaux pour un nouveau travail : le tout avec un ordre et une fidélité bien remarquables entre de tels fabricants et de tels courtiers.

Nous ne citons cet exemple que pour prouver par l'expérience qu'il est possible d'ouvrir des sources d'industrie dans les maisons destinées à recevoir les condamnés, surtout lorsqu'une administration active sera chargée du soin de choisir, de fournir des travaux, de disposer des ateliers, et de donner à l'aptitude particulière I de chaque détenu tous les moyens possibles de développement.

Les travaux publics ne sont pas le seul système pénal indiqué par l'opinion de beaucoup de gens, que nos réflexions nous ont déterminés à ne point adopter.

Il est encore une autre peine dont l'établisse­ment est demandé par plusieurs personnes instruites, et que vous n'avez pas trouvé dans notre plan ; je veux dire la déportation. I Nous avons pensé que toute peine éloignée du lieu du délit, manquait du caractère principal d'une peine utile ; celui de rendre l'exemple pré­sent et durable.

Il nous a paru d'ailleurs que la déportation était une peine qui pourrait n'être pas efficace­ment répressive pour la classe la plus nom­breuse des malfaiteurs. Mais voici de quelle manière la déportation nous semble pouvoir être utilement pratiquée. C'est pour le cas de la récidive. Quiconque aura été repris de justice criminelle­ment, et condamné pour la seconde fois, subira la peine portée par la loi contre son délit ; mais lorsqu'il aura ainsi satisfait à l'exemple, il sera conduit au lieu fixé pour la déportation. Par là vous remplirez le double objet, et de punir la récidive, et de délivrer la société d'un malfaiteur incorrigible.

Il ne nous reste plus, Messieurs, pour com­pléter la discussion relative aux peines affecti­ves, que de comparer le rapport qu'elles ont entre elles, et les différences qui les distinguent. Le cachot, la gêne, la prison ont pour principe commun d'exclure du système pénal toute espèce de coups et de tortures qui présentent à l'esprit cette repoussante image d'un homme frappant son semblable.

Ces trois peines ont pour élément commun, de faire sortir de privations pénibles, tout l'effet de la punition.

Elles ont trois circonstances qui leur sont communes : la privation de la liberté, l'infamie, l'admission du public une fois chaque mois dans les cachots, les lieux de gène et la prison.

Enfin, dans toutes les trois, le travail est em­ployé comme moyen d'amender les dispositions morales du condamné, d'adoucir la rigueur de ses privations pendant sa peine, et de lui pré­parer une ressource pour l'époque de sa liberté. Quant aux caractères qui les distinguent les unes des autres, le premier c'est la durée.

La peine du cachot ne pourra être moindre de 12 années ; celle de la gêne, de 4 années ; celle de la prison, de 2 années.

La première ne pourra s'étendre au delà de 24 années ; la seconde, au delà de 15 ans ; la troisième, au delà de 6 ans.

Vos comités ont pensé que ces peines devaient être graduées de telle manière, que la plus longue durée de l'une excédât peu la moindre durée de celle qui lui est supérieure, afin qu'elles demeurent sans incertitude et sans équivoque dans cet ordre de gravité ; d'abord le cachot, ensuite la gêne, et enfin la prison, autrement cet inconvenable problème aurait pu se présenter à résoudre : laquelle de ces peines est la plus sévère, de la gêne pendant 24 ans, ou du cachot pendant 12 ans ; de la prison pendant 12 ans, ou de la gêne pendant 6 années.

Indépendamment de l'étendue de la durée, le cachot est distingué des 2 autres peines par ces circonstances : la privation de la lumière, les fers aux pieds et aux mains des condamnés, la solitude absolue, la consolation du travail réduite à 2 jours par semaine pendant la première époque, et à 3 pendant la deuxième. La gêne est distinguée de la prison, outre la durée, par une ceinture et une chaîne de fer que porteront les condamnés, par la solitude absolue pendant 5 jours dans la semaine, par la réunion à un travail commun 2 jours par semaine seulement.

La prison est distinguée de deux autres, sous ce rapport que les condamnés ne porteront point de fers, qu'il lui sera fourni un lit pour se coucher ; tandis qu'au cachot et à la gêne il ne sera donné aux condamnés que de la paille ; enfin que le travail commun sera permis tous les jours. A l'égard des peines infamantes, voici, Messieurs, les caractères que nous avons cru convenables de leur imprimer. Déclarer qu'untel a commis tel crime, c'est le couvrir d'infamie, de l'infamie qui sort moins encore du jugement, que de la mauvaise action. Cette déclaration doit avoir la plus grande publicité, pour que la société soit avertie de se tenir en garde contre le coupable, pour que l'exemple ait un éclat salutaire, pour que la honte du condamné soit d'autant plus pénible qu'elle est plus notoire.

Il faut que le condamné paraisse devant le peuple dans un état humiliant, c'est-à-dire qu'il faut que le peuple le voie pendant quelques heures tout chargé de l'opprobre de son crime. L'homme ainsi dégradé est indigne d'être citoyen français ; il sera déclaré déchu de tous ses droits. Cette peine appartient surtout aux pays libres, où l'honneur d'être citoyen est compté pour quelque chose. Enfin l'effet de la condamnation doit être, par une prononciation claire, et au moyen d'une formule unique, rendu sensible pour tous les esprits ; à la différence des peines infamantes actuellement usitées, qu'on avait varié et multiplié sous tant de formes, que l'honneur semblait susceptible de se diviser en fractions, et qu'un criminaliste éclairé pouvait seul distinguer si telle condamnation emportait infamie, et jusqu'à quel point elle déshonorait le condamné. Nous vous proposons en conséquence une seule peine infamante. Elle portera le nom de la dégradation civique. Voici les circonstances dont elle I sera accompagnée : le condamné sera conduit I dans la place publique. Le greffier du tribunal I criminel prononcera ces mots à haute voix : r votre pays vous a trouvé convaincu d'une action infâme. La loi et le tribunal vous dégradent de la qualité de citoyen français. Le condamné sera ensuite mis au carcan, et y restera pendant 2 heures, exposé aux regards du peuple. Son nom, son crime, son jugement seront tracés sur un écriteau placé au-dessus de sa tête.

Pour les femmes, la peine infamante sera le carcan. Elles seront également conduites dans la place publique. Le greffier prononcera ces mots à haute voix : votre pays vous a trouvée convaincue d'une action infâme. Elles seront mises ensuite au carcan pendant 2 heures, avec écriteau indicatif de leur nom, du crime et du jugement.

Jusqu'ici nous n'avons fixé vos esprits dans ce rapport, que sur de tristes objets ; le crime et les rigueurs nécessaires pour le réprimer. Mais le remords peut pénétrer dans l'âme du coupable, et il nous a semblé que c'était une conception digne de législateurs, de présenter au condamné l'espoir de renaître un jour à l'honneur par la pratique de la vertu.

Nous vous proposons de décréter qu'à une époque déterminée après l'expiration de sa peine, le condamné puisse être réhabilité par la société, et rétabli dans tous ses droits. Mais voici les conditions que nous avons jugé utile d'y ap­poser :

D'abord il faut que plusieurs années se soient écoulées depuis l'époque à laquelle il a recouvré sa liberté, afin que sa conduite soit suffisamment éprouvée.

Ensuite il est convenable que sa réintégration ne soit point un droit ouvert et certain, mais plutôt une espérance, une faculté qui lui pré­senteront des efforts à faire et un prix à obtenir.

Ce baptême civique doit être accompagné de solennités ; et nul ne pourra y être présenté que par les officiers municipaux du lieu de son domicile, c'est-à-dire par les magistrats et les organes du peuple, qui, témoins habituels de la conduite du condamné, pourront attester à la société que tel, par un long repentir, a mérité que la société lui rendît son estime.

Ainsi, après avoir satisfait à l'exemple, le condamné osera reparaître aux yeux de ses con­citoyens ; il pourra se choisir une demeure ; il y vivra sous la protection de l'espérance ; il pourra y vivre avec probité, dans la vue d'y vivre un jour avec honneur ; et la loi, politique et morale tout ensemble, aura appelé dans son âme et récompensé le remords.

Vos comités viennent de vous exposer, Mes­sieurs, sur quels principes il leur a paru con­venable de fonder les institutions destinées à la répression des délits.

Dans tout Etat, il faut, sans doute, des lois pénales ; car le crime, cette funeste maladie du corps social, nécessité trop souvent un pénible et fâcheux remède ; mais en politique ainsi qu'en physique, l'art qui prévient le mal est mille fois plus certain et plus salutaire que celui qui le guérit.

Cette éternelle vérité n'a pas échappé à votre sagesse ; et tout nous offre ou nous promet dans l'ensemble de vos lois le supplément le plus efficace du code pénal.

Vous avez organisé une police active, institue des municipalités pour maintenir l'ordre public, placé partout des juges de paix pour veiller à la sûreté particulière.

Vous avez formé une gendarmerie nationale, nombreuse, honorée, bien soldée, patriotiquement élue, fortement constituée, qui atout, en un mot, pour épouvanter le crime et rien pour alarmer la liberté.

Vous vous proposez de réprimer par des règlements sages les abus de la mendicité.

En multipliant les travaux, en employant utilement la force oisive, en nourrissant la vieillesse et l'infirmité indigente, devoir saint et sacré de la société ; en détruisant cette condition si multipliée en France de vagabonds et d'inconnus, êtres toujours cachés pour mal faire et toujours errants pour éviter le châtiment du mal qu'ils ont fait, vous aurez tari la source la plus abondante des crimes.

Voilà pour la génération présente.

Des bienfaits plus grands se préparent pour la génération future.

C'est dans l'avenir que les moeurs publiques, véritablement régénérées, atteindront la hauteur de notre nouvelle Constitution.

C'est l'avenir, qui, en effaçant peu à peu ces inégalités monstrueuses dans le partage de la richesse et de la pauvreté, étendra plus généralement et plus uniformément sur toutes les classes des citoyens le bien-être d'une aisance heureuse.

Enfin, l'avenir recueillera surtout les fruits de cette éducation nationale, qui, douant tous les enfants de la patrie de connaissances, d'arts, de métiers utiles et surtout de vertus, formera des hommes libres et bons, et arrachera au crime jusqu'à la séduction du besoin.

Ces utiles institutions peuvent bien plus que toutes les lois pénales. Avec leur secours, la rigueur des peines est moins nécessaire : une bonne police, avec de bonnes moeurs ; voilà ce qu'il faut pour un peuple libre, au lieu de supplices. Partout où règne le despotisme, on a re­marqué que les crimes se multiplient davantage. Cela doit être, parce que l'homme y est dégradé ; et l'on pourrait dire que la liberté, semblable à ces plantes fortes et vigoureuses, purifie bientôt de toute production malfaisante le sol heureux où elle a germé.

PROJET DE LA LOI DU CODE PÉNAL. PREMIÈRE PARTIE.

DES PEINES.

Titre Ier. Des peines en général.

Art. 1er. Les peines qui seront prononcées contre les accusés trouvés coupables par le juré, sont de deux sortes :

Les peines afflictives ;

Les peines infamantes.

Art. 2. Les peines afflictives sont : le cachot, la gêne, la prison, auxquelles sera toujours jointe l'exposition aux regards du peuple.

Art. 3. Les peines infamantes sont : pour les hommes, la dégradation civique ; pour les femmes, le carcan.

Art. 4. Les peines afflictives les plus graves, le cachot et la gêne, se termineront par un temps des peines moindres. Ainsi, la peine du cachot sera suivie d'un temps de gêne et d'un temps de prison. La peine de la gêne sera suivie d'un temps de prison : le tout dans les proportions qui seront fixées ci-après.

Art. 5. Toute peine afflictive sera infamante.

Titre II De la peine du cachot [1].

Art. 1er. Le condamné qui subira cette peine sera attaché dans un cachot, sans jour ni lumière, avec une chaîne et une ceinture de fer : il portera des fers aux pieds et aux mains.

Il n'aura pour nourriture que du pain et de l'eau.

Il lui sera donné de la paille pour se coucher.

Il sera toujours seul.

Il ne pourra avoir communication avec autres personnes que les geôliers et les commissaires de la maison de peine.

Art. 2. Il sera procuré du travail au condamné deux jours par semaine pendant la première moitié du temps qu'il doit passer au cachot ; trois jours par semaine durant la seconde moitié.

Les jours de travail le condamné sortira de son cachot, il travaillera dans un lieu éclairé, ses chaînes lui seront ôtées ; mais il ne pourra sortir de l'enceinte de la maison, ni même communiquer avec les autres prisonniers.

Sur le produit de son travail un tiers sera appliqué à la dépense commune de la maison.

Sur une partie des deux autres tiers, il lui sera permis de se procurer une nourriture meil­leure et plus abondante.

Le surplus sera réservé pour être remis au condamné, au moment de la sortie, après que le temps de la peine sera expiré.

Art. 3. Un jour, chaque mois, la porte du cachot sera ouverte. Le condamné sera exposé dans son cachot avec ses chaînes, aux yeux du public, en présence du geôlier ; son nom, la cause de sa condamnation et le jugement rendu contre lui seront écrits extérieurement sur la porte de son cachot.

Art. 4. Les femmes qui subiront cette peine, ne porteront point de chaînes ni de fers.

Art. 5. La peine du cachot sera terminée par une seconde époque dont la durée sera égale à la moitié de la première.

Cette seconde époque se partagera en deux parties égales.

Pendant la première, le condamné subira la peine de la gêne.

Pendant la deuxième, celle de la prison.

Ainsi, lorsque le jugement portera : condamné à la peine du cachot pour 12 ans, le condamna subira pendant 8 ans la peine qui vient d'être décrite ; il passera à la gêne les deux années sui­vantes, et enfin il subira la peine de la prison pendant les deux dernières années.

Art. 6. La durée de cette peine ne pourra être, moindre de 12 années, ni s'étendre au delà de 24, dans lesquelles seront compris le temps de gêne et celui de prison, dont le cachot doit être suivi conformément aux dispositions et aux proportions qui viennent d'être établies ci-dessus.

Titre III. De la peine de la gêne.

Art. 1er. Le coupable qui aura été condamné à cette peine, sera enfermé seul dans un lieu éclairé.

Il sera attaché avec une chaîne et une ceinture de fer, pieds et mains libres.

II lui sera fourni, pour nourriture, du pain et de l'eau aux dépens de la maison ; le surplus sur le produit de son travail. Il lui sera donné de la paille pour se coucher.

Art. 2. Tous les jours il lui sera procuré du travail.

Deux jours par semaine, les condamnés à cette peine pourront se réunir ensemble pour un travail commun, mais sans sortir de l'enceinte de la maison. Ces jours-là leurs chaînes leur seront ôtées.

Les autres jours ils travailleront seuls, chacun dans le lieu de sa détention.

Le produit de leur travail sera employé, ainsi qu'il est expliqué ci-dessus à l'article 2 du titre précédent.

Art. 3. L'un des 2 jours du travail commun, après que les condamnés seront rentrés dans le lieu de leur détention, ils pourront communi­er avec des personnes autres que les geôliers et commissaires de la maison, toutefois en présence d'un geôlier, et avec la permission d'un commis­saire. Tous les autres jours les condamnés ne seront communiquer ni ensemble, ni avec les personnes du dehors.

Art. 4. Une fois par mois le lieu de la gêne sera ouvert et le condamné sera exposé aux regards du public avec ses chaînes en présence d'un geôlier. - Son nom, la cause de sa condamnation et le jugement rendu contre lui seront écrits extérieurement au-dessus de la porte du lieu où il sera détenu.

Art. 5. Les femmes qui subiront cette peine ne porteront point de chaînes.

Art. 6. Lorsque cette peine sera prononcée seule, et ne sera pas une suite de la peine du cachot, sa durée ne pourra être moindre de 4 années, ni s'étendre au delà de 15 ans, dans le nombre desquels sera comprise une année de la peine de la gêne, qui sera toujours suivie.

Titre IV. De la peine de la prison.

Art. 1er. Le coupable qui aura été condamné à cette peine sera enfermé seul sans fers, ni liens.

Il aura un lit pour se coucher.

Il lui sera donné pour nourriture du pain et de l'eau aux dépens de la maison, le surplus sur le produit de son travail.

Art. 2. Il lui sera fourni tous les jours du tra­vail dans l'enceinte de la maison. Les condamnés à cette peine pourront se réunir ensemble pour un travail commun.

Les hommes et les femmes travailleront dans des enceintes séparées.

Le produit de leur travail sera employé comme il est expliqué ci-dessus.

Art. 3. Une fois par semaine le condamné pourra, communiquer avec des personnes autres que les geôliers et les commissaires, en présence toutefois d'un geôlier, et avec la permission d'un commissaire ; mais il ne paraîtra qu'enfermé dans la prison.

Un jour, chaque mois, la prison sera ouverte et le condamné sera exposé aux regards du public en présence d'un geôlier. Son nom, la cause de sa condamnation et le jugement rendu contre lui seront écrits extérieurement au-dessus de la porte de sa prison.

Art. 5. Lorsque cette peine sera prononcée seule, et ne sera pas une suite de la peine du cachot ou de celle de la gêne, la durée de cette peine ne pourra être moindre de 2 années, ni s'étendre au delà de 6 ans.

En conséquence, et pour l'exécution des dispositions précédentes, il sera fait choix dans chaque département, soit dans la ville où le tribunal criminel est fixé, d'une enceinte propre à réunir l'établissement des cachots, des lieux de gêne et des chambres de détention.

La municipalité de ladite ville, sous l'inspection et l'autorité du directoire du département sera chargée de pourvoir à sa sûreté, salubrité, police intérieure, régie et administration de ladite maison, à la nourriture, aux besoins des condamnés et à leur soulagement en cas de maladie ou d'infirmité ; de leur fournir un travail proportionné à leurs forces et à leur industrie ; de faire l'emploi du produit dudit travail, con­formément aux précédentes dispositions ; enfin de veiller à ce que les geôliers et gardiens remplissent leurs fonctions avec humanité et exactitude.

Expresses défenses seront faites aux gardiens des condamnés de les maltraiter et de leur porter aucun coup, sous peine de destitution.

Les condamnés seront toujours conduits pour subir leur jugement dans la maison de peine du département dans l'étendue duquel le crime aura été commis. Seront toutefois exceptés de la présente disposition les délits de lèse-nation qui au­raient été commis hors du royaume ; ceux qui auront été condamnés pour ces délits seront con­duits dans la maison de peine du département dans l'enceinte duquel siégeait le Corps législatif, lorsqu'il a déclaré qu'il y avait lieu à accusation contre les prévenus desdits crimes.

Titre V. De l'exposition des condamnés aux regards du peuple.

Art. 1er. Quiconque aura été condamné, soit à la peine du cachot, soit à la peine de la gêne, soit à celle delà prison, sera préalablement placé sur un échafaud au milieu de la place publique.

Art. 2. I1 y sera attaché à un poteau, chargé des mêmes fers qu'il doit conserver dans le cachot, si c'est à cette peine qu'il est condamné ; ou de ceux qu'il doit porter dans la gêne, ci la gêne est la peine qu'il doit subir.

Art. 3. Au-dessus de sa tête, sur un écriteau, seront inscrits en gros caractères son nom, la cause de sa condamnation et le jugement rendu contre lui.

Art. 4. Il demeurera ainsi exposé aux regards du peuple pendant 3 jours consécutifs, 6 heures par jour s'il est condamné à la peine du cachot.

Pendant 2 jours consécutifs, 4 heures par jour, s'il est condamné à la peine de la gêne.

Un seul jour et pendant 2 heures, s'il est condamné à la peine de la prison.

Art. 5. Le condamné sera exposé publiquement dans le même appareil et durant le même nombre de jours ci-dessus prescrit, tant dans la ville où le juré d'accusation a été convoqué, que dans celle où est située la maison de peine dans laquelle il doit être conduit.

Art. 6. Si la maison de peine est située dans la ville où le juré d'accusation a été convoqué, l'exposition aura lieu tant dans ladite ville que dans celle où a été convoqué le juré de jugement [2].

Titre VI. De la peine de la dégradation civique.

Art. 1er. Le coupable qui aura été condamné à cette peine sera conduit au milieu de la place publique de la ville où siège le tribunal criminel qui l'aura jugé. Le greffier du tribunal lui adres­sera ces mots, à haute voix : Votre pays vous a trouvé convaincu d'une action infâme. La loi et le tribunal vous dégradent de la qualité de citoyen français.

Le condamné sera ensuite mis au carcan au milieu de la place publique ; il y restera pendant 2 heures exposé aux regards du peuple : sur un écriteau seront gravés en gros caractères, son nom, le crime qu'il a commis, et le jugement rendu contre lui.

Art. 2. Dans les cas où la loi prononcera la peine de la dégradation civique, si c'est une femme, ou une fille qui est convaincue de s'être rendue coupable desdits crimes, le jugement portera : telle est condamnée à la peine du carcan.

Art. 3. Toute femme ou fille qui aura été condamnée à cette peine sera conduite au milieu de la place publique de la ville où siège le tribu­nal criminel qui l'aura jugée.

Elle y sera mise au carcan, et restera pendant 2 heures exposée aux regards du peuple.

Sur un écriteau seront tracés en gros caractères son nom, le crime qu'elle a commis et le jugement rendu contre elle.

Titre VII Des effets des condamnations.

Art. 1er. Quiconque aura été condamné à l'une des peines établies dans les titres précédents sera déchu de tous les droits attachés à la qualité de citoyen actif, ou rendu incapable de les acquérir.

Son témoignage et son affirmation ne seront point admis en justice.

Il ne pourra être rétabli dans ses droits que dans les délais et sous les conditions prescrites ci-après.

Art. 2. Quiconque aura été condamné aux peines du cachot, de la gêne ou de la prison, indépendamment des déchéances portées en l'ar­ticle précédent, sera inhabile, pendant la durée de sa peine, à l'exercice d'aucun droit civil.

Art. 3. En conséquence, il sera nommé par le président du tribunal criminel qui aura prononcé son jugement, un curateur pour gérer et administrer ses biens.

Art. 4. Les biens lui seront restitués à l'instant de sa sortie, et le curateur lui rendra compte de son administration et de l'emploi de ses revenus.

Art. 5. Pendant le temps de sa détention il ne pourra être remis au condamné aucune portion de ses revenus.

Art. 6. Seulement il pourra être prélevé sur ses biens les sommes nécessaires pour élever et doter ses enfants, ou pour fournir des aliments à sa femme, à ses enfants, à son père ou à sa mère, s'ils sont dans le besoin.

Art. 7. Ces sommes ne pourront être prélevées sur ses biens qu'en vertu d'un jugement rendu par le tribunal criminel, à la requête des deman­deurs, avec l'avis du curateur et sur les conclu­sions du commissaire du roi.

Art. 8. Les commissaires et gardiens de la maison de peine ne permettront pas que les condamnés reçoivent pendant la durée de leur déten­tion aucun don, argent, secours, vivres ou aumônes, attendu qu'il ne peut leur être accordé de soulagement que sur le produit de leur travail[3].

Ils seront responsables de l'exécution de l'article, sous peine de destitution.

Titre VIII. De l'influence de l'âge des condamnés sur la na­ture et la durée des peines du cachot, de la gêne et de la frison.

Art. 1er. Lorsqu'un accusé, déclaré coupable par le juré, aura commis le crime pour lequel il est poursuivi, avant l'âge de 16 ans accomplis, les jurés décideront dans les formes ordinaires de leurs délibérations la question suivante :

Le coupable a-t-il commis le crime avec ou sans discernement ?

Art. 2. Si les jurés décident que le coupable a commis le crime sans discernement, il sera acquitté du crime ; mais le tribunal criminel pourra, suivant les circonstances, ordonner que l'enfant sera rendu à ses parents ou qu'il sera conduit dans la maison de correction pour y être élevé et détenu pendant tel nombre d'années que le jugement déterminera, et qui toutefois ne pourra excéder l'époque de la majorité de l'en­fant.

Art. 3. Si les jurés décident que le coupable a commis le crime avec discernement, la peine prononcée par la loi contre ledit crime sera abré­gée d'un tiers quant à sa durée ; elle sera eu outre commuée à raison de l'âge du coupable ; savoir, la peine du cachot et de la gêne dans la peine de la prison, si le coupable était âgé de moins de 14 ans accomplis lorsqu'il a commis le crime.

Et la peine du cachot dans la peine de la gêne, si le coupable avait moins de 16 ans accomplis.

Par exemple, l'enfant de moins de 14 ans accomplis, qui, en raison de son crime, aurait encouru la peine de 18 années de cachot, subira à raison de son âge 12 ans de prison. Celui qui aurait encouru 12 ans de gêne, subira 8 ans de prison.

Quant à l'enfant de plus de 14 ans, mais de moins de 16 ans accomplis, qui aurait encouru la peine de 12 années de gêne, il subira cette peine pendant 8 ans ; et s il a encouru la peine de 18 années de cachot, il subira 12 années la peine de la gêne.

Art. 4. Nul ne pourra être condamné à la peine du cachot après l'âge de 60 ans accomplis ; mais cette peine sera commuée, pour un temps égal, dans la peine de la prison.

Les condamnés qui auraient commencé à subir leur peine lorsqu'ils seront parvenus à cet âge, en fourniront la preuve au tribunal criminel qui aura prononcé leur jugement ; et sur leur requête, le tribunal ordonnera qu'ils soient transférés à la gêne, pour achever d'y remplir le temps de leur condamnation.

Art. 5. Nul ne pourra être condamné à la peine de la gêne, après l'âge de 70 ans accomplis ; mais cette peine sera commuée pour un temps égal dans la peine de la prison.

Les condamnés qui auraient commencé à subir leur peine lorsqu'ils seront parvenus à cet âge, en fourniront la preuve au tribunal criminel qui aura prononcé leur jugement ; et sur leur requête, le tribunal ordonnera qu'ils soient transférés à la prison, pour achever d'y remplir le temps de leur condamnation.

Art. 6. Tout condamné qui aura atteint l'âge de 80 ans, quelle que soit la nature de la peine qu'il ait encourue, sera mis en li­berté par jugement du tribunal criminel, rendu sur sa requête, s'il a subi au moins 5 années de sa peine.

S'il avait subi moins de 5 ans de détention, il sera mis en liberté dans les mêmes formes aussitôt que ces 5 années seront accomplies.

Art. 7. Nul ne pourra être condamné à plus forte peine que celte de cinq ans de prison, après 80 ans accomplis. Si la peine prononcée par la loi à raison du crime commis, excède 5 ans de prison, la condamnation sera restreinte à ce terme, en considération de l'âge du coupable.

Titre IX. De la récidive.

Art. 1er. Quiconque aurait été condamné à une peine afflictive ou infamante, encore que ledit jugement ait été rendu par contumace, s'il est convaincu d'avoir depuis ce jugement commis un crime emportant peine infamante, mais non afflictive, sera, à raison de la récidive, condamné à la peine de 2 années de prison.

Art. 2. Quiconque aura été condamné à une peine afflictive ou infamante, encore que ledit jugement ait été rendu par contumace, s'il est convaincu d'avoir, depuis ce temps, commis un crime emportant peine afflictive, subira ladite peine ; et après l'expiration du temps de cette seconde condamnation, le condamné sera trans­féré pour le reste de sa vie au lieu qui sera incessamment fixé pour la déportation des malfaiteurs.

Art. 3. Nul ne pourra être déporté s'il est âgé de 66 ans accomplis.

Titre X. De l'exécution des jugements rendus contre un accusé contumace.

Art. 1er. Lorsqu'un accusé contumace aura été condamné à l'une des peines établies ci-dessus,

(1) Les comités de Constitution, de mendicité et de législation criminelle se sont concertés avec le ministre de la marine sur la nécessité de faire choix d'un lieu où les malfaiteurs et les mendiants dangereux puissent être déportés.

L'indication de l'île dont il aura été fait choix pour cet établissement, et les mesures qui y sont relatives, seront mises incessamment sous les yeux de l'Assem­blée nationale.

L'Angleterre a pratiqué avec succès ce moyen do purger la société des humeurs vicieuses dont elle peut être infectée.

Il sera dressé dans la place publique un poteau auquel on appliquera un écriteau indicatif du nom du condamné, du crime qu'il a commis et du jugement rendu contre lui.

Art. 2. Cet écriteau restera exposé aux yeux du peuple, pendant trois jours consécutifs, si la condamnation emporte la peine du cachot ;

Pendant deux jours consécutifs, si la condamnation emporte la peine de la gêne,

Pendant un jour, si la condamnation emporte la peine de la prison ;

Pendant 4 heures, si la condamnation emporte la peine de la dégradation civique ou celle du carcan.

Art. 3. Lorsque la condamnation prononcée contre un accusé contumace emportera peine afflictive, ledit écriteau sera exposé en la forme qui vient d'être prescrite, dans les villes où , d'après les dispositions du titre V ci-dessus, l'exposition du condamné aurait lieu si le condamné était présent.

Lorsque ladite condamnation emportera peine infamante mais non afflictive, ledit écriteau sera exposé seulement dans la place publique de la ville où siège le tribunal criminel qui aura pro­noncé ledit jugement[4].

Titre XI. De la réhabilitation des condamnés.

Art. 1er. Tout condamné qui aura subi sa peine pourra demander à la municipalité du lieu de son domicile une attestation à l'effet d'être réhabilité.

Savoir: les condamnés aux peines du cachot, de la gêne, de la prison, 10 ans après l'expiration de leur peine.

Les hommes condamnés à la peine de la dégra­dation civique ; les femmes condamnées à celle du carcan, après 10 ans, à compter du jour de leur jugement.

Art. 2. Huit jours au plus après la demande, le conseil général de la commune sera convoqué ; il lui en sera donné connaissance.

Art. 3. Le conseil général de la commune sera de nouveau convoqué au bout d'un mois ; pendant ce temps chacun de ses membres pourra prendre sur la conduite de l'accusé tels renseignements qu'il jugera convenables.

Art. 4. Les avis seront recueillis par la voie du scrutin, et il sera décidé, à la majorité, si l'attestation sera accordée.

Art. 5. Si la majorité est pour que l'attestation soit accordée, deux officiers municipaux, revêtus de leur écharpe, conduiront le condamné devant le tribunal criminel où le jugement de condam­nation aura été prononcé.

Ils y paraîtront avec lui dans l'auditoire en présence des juges et du public.

Après avoir fait lecture du jugement prononcé contre le condamné, ils diront à haute voix : untel a expié son crime en subissant sa peine ; maintenant sa conduite est irréprochable ; nous demandons, au nom de son pays, que la tache de son crime soit effacée.

Art. 6. Le président du tribunal, sans délibération, prononcera ces mots: Sur l'attestation et la demande de notre pays, la loi et le tribunal effacent la tache de votre crime.

Il sera dressé du tout procès-verbal, et men­tion en sera faite sur le registre du tribunal criminel, en marge du jugement de condamnation.

Art. 7. Cette réhabilitation fera cesser dans la personne du condamné tous les effets et toutes les incapacités résultant des condamnations.

Art. 8. Si la majorité des voix du corps mu­nicipal est pour refuser l'attestation, le condamné ne pourra former une nouvelle demande que 2 ans après, et ainsi de suite de 2 ans en 2 ans (1), tant que l'attestation ne lui aura pas été accordée.

L'usage des lettres de grâce, de rémission, d'abolition, de pardon, de commutation de peine est aboli.

Toutes les peines usitées autres que celles qui sont établies ci-dessus sont abrogées.

DEUXIÈME PARTIE

DES CRIMES ET DE LEUR PUNITION.

Titre Ier. Crimes et attentats contre la chose publique.

Lorsqu'un Français, chef de parti, à la tête de troupes étrangères, ou à la tête de citoyens révoltés, aura exercé des hostilités contre la France, après qu'un décret du Corps législatif l'aura déclaré ennemi public, chacun aura le droit de lui ôter la vie ; s'il est arrêté vivant, il sera condamné à être pendu.

Première section du titre Ier. Des crimes contre la sûreté extérieure de l'Etat.

Art. 1er. Toutes machinations et intelligences pratiquées avec les puissances étrangères, ou avec leurs agents, pour les engager à commettre des hostilités, ou pour leur indiquer les moyens d'entreprendre la guerre contre la France avec avantage, seront punis de la peine du cachot pendant 12 ans, dans le cas où lesdites machinations et intelligences n'auront été suivies d'aucune hostilité.

Art. 2. Si les manoeuvres mentionnées en l'article précédent sont suivies de quelques hostilités, ou si elles sont liées à une conspiration formée dans l'intérieur du royaume, elles seront punies de la peine de 24 années de cachot.

Art. 3. Toutes agressions hostiles, toutes infractions de traités, tendant à allumer la guerre entre la France et une puissance étrangère, seront punies de la peine de 20 années de cachot.

Tout agent subordonné qui aura contribué aux dites hostilités soit en exécutant, soit en faisant passer les ordres de son supérieur légitime, n'encourra pas ladite peine.

Le ministre qui en aura donné ou contresigné l'ordre ou le commandant qui sans ordre du ministre aura fait commettre lesdites hostilités ou infractions, en sera seul responsable, et subira la peine portée au présent article.

Art. 4. Tout Français qui portera les armes

(1) Au bout de 2 ans, un nouveau conseil de la commune aura été élu, en sorte que des préventions personnelles ne pourront pas opposer un obstacle permanent à la demande du condamné contre la France sera condamné à 24 années de cachot.

Art. 5. Toutes manoeuvres, toute intelligence avec les ennemis de la France, tendant soit à faciliter leur entrée dans les dépendances de l'Empire français, soit à leur livrer des villes, forteresses, ports, vaisseaux, magasins ou arsenaux appartenant à la France, soit à leur fournir des secours en soldats, argent, vivres ou munitions, soit à favoriser d'une manière quelconque le progrès de leurs armes sur le territoire français, ou contre nos forces de terre ou de mer, soit à ébranler la fidélité des officiers, soldats et des autres citoyens envers la nation française, seront punis de la peine de 24 années de cachot.

Art. 6. Les trahisons de la nature de celles mentionnées en l'article précédent, exercées en temps de guerre, envers les alliés de la France agissant contre l'ennemi commun, seront punies de là même peine.

Deuxième section du titre Ier.

Des crimes et délits contre la sûreté intérieure de l'Etat.

Art. 1er. Tout complot et attentat contre la personne du roi, ou de celui qui pendant la minorité du roi exercera les fonctions de la royauté, ou de l'héritier présomptif du trône, seront punis de la peine de 24 années de cachot.

Art. 2. Toutes conspirations et complots tendant, sous des prêtée os de religion, ou de réformation du gouvernement ou par toutes autres insinuations, à troubler l'Etat par une guerre civile, en armant les citoyens les uns contre les autres, ou contre l'exercice de l'autorité légi­time, seront punis de la peine de 20 années de cachot.

Art. 3. Tout enrôlement de soldats, levées de troupes, amas d'armes et de munitions pour exécuter les complots et machinations men­tionnés en l'article précédent ;

Toute attaque ou résistance envers la force publique agissant contre l'exécution desdits complots ;

Tout envahissement de ville, forteresse, magasin, arsenal, port ou vaisseau, seront punis de la peine de 24 années de cachot.

Les auteurs, chefs et instigateurs desdites révoltes, et tous ceux qui seront pris les armes à la main, subiront les peines portées au pré­sent article.

Art. 4. Les pratiques et intelligences avec les révoltés, de la nature de celles mentionnées en l'article 5 du titre premier, seront punies des peines portées auxdits articles.

Art. 5. Tout commandant d'armée ou corps de troupes, d'une flotte ou d'une escadre, d'une place forte ou d'un poste, qui en retiendra le commandement contre l'ordre du roi ;

Tout commandant qui retiendra son armée sous ses drapeaux lorsque le licenciement en aura été ordonné soit par le roi, soit par un décret du Corps législatif, et après que lesdits ordres ou décrets lui auront été légalement notifiés, sera coupable du crime de révolte et con­damné à la peine de 20 années de cachot.

Troisième section du titre Ier. Des crimes contre la Constitution.

Art. 1er. Tous complots ou attentats pour empêcher la réunion ou pour opérer la dissolution d'une assemblée primaire ou d'une assemblée électorale seront punis de la peine du cachot pendant 12 ans.

Art. 2. Si des troupes de ligne investissent le lieu des séances desdites assemblées, ou pénètrent dans son enceinte sans l'autorisation ou la l'acquisition desdites assemblées, le ministre ou commandant qui en aura donné ou contresigné l'ordre, les chefs ou soldats qui l'auront exécuté seront punis du cachot pendant 15 années.

Art. 3. Toutes conspirations ou attentats pour empêcher la réunion, ou pour opérer la dissolution du Corps législatif ;

Tout attentat contre la liberté individuelle d'un de ses membres sera puni de la peine de 24 années de cachot.

Tous ceux qui auront participé auxdites conspirations ou auxdits attentats, par les ordres qu'ils auront donnés ou exécutés subiront la peine portée au présent article.

Art. 4. Si des troupes de ligne approchent ou séjournent plus près de 20 000 toises de l'endroit où le Corps législatif tiendra ses séances, sans que le Corps législatif en ait autorisé ou requis l'approche ou le séjour, le ministre qui en aura donné ou contresigné Tordre, le com­mandant en chef et le commandant particulier de chaque corps desdites troupes seront punis de la peine de 12 années de gêne.

Art. 5. Quiconque aura commis l'attentat d'investir d'hommes armés le lieu des séances du Corps législatif, ou de les y introduire sans son autorisation ou sa réquisition, sera puni de la peine de 24 années de cachot.

Le ministre ou commandant qui en aura donné ou contresigné l'ordre, les chefs et soldats qui l'auront exécuté, subiront la peine por­tée au présent article.

Art. 6. Toutes conspirations ou attentats ayant pour objet d'intervertir l'ordre de la succession au trône déterminé par la Constitution seront punis de la peine de 20 années de cachot.

Art. 7. Si quelque acte était publié comme loi sans avoir été décrété par le Corps législatif, de quelque forme que ledit acte soit revêtu ;

Tout ministre qui l'aura contresigné sera puni de la peine de 20 années de cachot.

Et si ledit acte n'est pas extérieurement revêtu de la forme constitutionnelle, prescrite par le décret du 7 octobre 1789, tout fonctionnaire public, commandant et officier, qui l'auront fait exécuter ou publier, seront punis de la peine de 12 années de gêne.

Le présent article ne porte aucune atteinte au droit de faire publier des proclamations et autres actes réservés par la Constitution au pouvoir exécutif.

Art. 8. En cas de publication d'une loi falsifiée, le ministre qui l'aura contresigné, s'il est convaincu d'avoir altéré ou fait altérer le décret du Corps législatif volontairement et à dessein, sera puni de 15 années de gêne.

Art. 9. Si quelque acte portant établissement d'un impôt ou d'un emprunt était publié sans que ledit impôt ou emprunt ait été établi en vertu d'un décret du Corps législatif, sanctionné par le roi ;

1re Série. T. XXVI.

Tout ministre qui aura contresigné ledit acte ; ou donné ou contresigné des ordres pour percevoir ledit impôt, ou pour recevoir les fonds du dit emprunt, sera puni de la peine du cachot pendant 20 ans.

Tous agents quelconques du pouvoir exécutif, qui auront exécuté lesdits ordres, soit en percevant ledit impôt, soit en recevant les fonds dudit emprunt, seront punis de la peine de 12 années de gêne.

Art. 10. Si quelque acte ou ordre émané du pouvoir exécutif créait des corps, ordres politiques, ou agents pour leur conférer un pouvoir que le corps constituant a seul le droit de déléguer ; ou rétablissait des corps, ordres politiques ou agents que la Constitution aurait détruits ;

Tout ministre qui aura contresigné ledit acte ou ledit ordre sera puni de la peine de 20 an­nées de cachot.

Tous ceux qui auraient participé à ce crime soit en acceptant lesdits pouvoirs, soit en exerçant lesdites fonctions, seront punis de la peine de la gêne pendant 6 ans.

Art. 11. Si quelque acte ou ordre émané du pouvoir exécutif détruisait les corps établis par la Constitution ;

Tout ministre qui aura contresigné ledit ordre ou ledit acte sera puni de la peine de 20 années de cachot

Art. 12. Si, par quelque acte ou ordre émané du pouvoir exécutif, un fonctionnaire public quelconque était illégalement destitué, le ministre qui en aura contresigné Tordre sera puni de la gêne pendant 12 années.

Art. 13. S'il émanait du pouvoir exécutif un acte portant nomination au nom du roi, d'un emploi qui, suivant la Constitution, ne peut être conféré que par l'élection libre des citoyens, le ministre qui aura contresigné ledit acte sera puni de la gêne pendant 12 années.

Ceux qui auraient participé à ce crime en acceptant lesdits emplois ou en exerçant lesdites fonctions seront punis de la peine de 6 années de gêne.

Art. 14. Toutes machinations ou violences, ayant pour objet d'empêcher la réunion ou d'opérer la dissolution de toute assemblée de commune et municipale, de tout corps administratif ou judiciaire établis par la Constitution, seront punies de la peine de 6 années de gêne si lesdites violences sont exercées avec armes, et de 3 années de prison si elles sont exercées sans armes.

Art. 15. Tout ministre qui sera coupable de crime mentionné en l'article précédent, par les ordres qu'il aura donnés ou contresignés sera puni de la peine de 12 années de cachot.

Tous chefs, commandants et officiers qui auront contribué à exécuter lesdits ordres seront punis de la même peine.

Art. 16. Tout ministre gui, en temps de paix, aura donné ou contresigné des ordres pour lever ou entretenir un nombre de troupes de terre supérieur à celui qui aura été déterminé par les décrets du Corps législatif, ou pour augmenter le nombre proportionnel des troupes étrangères fixé par lesdits décrets sera puni de la peine de 12 ans de gêne.

Art. 17. Toute violence exercée par l'action des troupes de ligne contre les citoyens, sans réquisition légitime et hors des cas expressément prévus par la loi, sera punie de la peine de 12 années de cachot. Le ministre qui en aura donné ou contresigné Tordre, les commandants, officiers et soldats qui auront exécuté ledit ordre, ou qui, sans ordre, auront commis lesdites violences seront punis de la même peine.

Si, par l'effet de ladite violence, quelque citoyen perd la vie, la peine sera de 20 années de cachot.

Art. 18. Tout attentat contre la liberté indivi­duelle, base essentielle de la Constitution française, sera puni ainsi qu'il suit :

Tout homme, quelle que soit sa place ou son emploi, autre que ceux qui ont reçu de la loi le droit d'arrestation, qui donnera, signera, exécu­tera Tordre d'arrêter une personne vivant sous l'empire et la protection des lois françaises, ou l'arrêtera effectivement, si ce n'est pour la re­mettre sur-le-champ à la police dans les cas déterminés par la loi, sera puni de la peine de 6 années de gêne.

Art. 19. Si ce crime était commis en vertu d'un ordre émané du pouvoir exécutif, le ministre qui l'aura contresigné sera puni de la peine de 12 ans de gêne.

Art. 20. Tout geôlier et gardien de maison d'arrêts de justice, de correction, ou de prison pénale, qui recevra ou retiendra ladite personne, sinon en vertu de mandais, ordonnances, jugements, ou autre acte légal, sera puni de la peine de 6 années de gêne.

Art. 21. Quoique ladite personne ait été arrêtée en vertu d'un acte légal, si elle est détenue dans une maison autre que les lieux légalement et publiquement désignés pour recevoir ceux dont la détention est autorisée par la loi ;

Tous ceux qui auront donné l'ordre de la détenir, ou qui l'auront détenue, ou qui auront prêté leur maison pour la détenir seront punis de la peine de 10 années de gêne.

Si ce crime était commis en vertu d'un ordre émané du pouvoir exécutif, le ministre qui l'aura contresigné sera puni de la peine de 12 ans de cachot.

Art. 22. Tout fonctionnaire public qui, par un acte illégal, attentera à la propriété d'un citoyen, ou mettra obstacle au libre exercice d'aller, d'agir, de parler et d'écrire, d'imprimer et de publier ses écrits, droits assurés par la Constitution à tout individu, excepté dans les cas où un texte pré­cis de la loi limite l'exercice desdits droits, sera puni de la peine de 6 années de gêne.

Si lesdits attentats étaient commis en vertu d'un acte ou ordre émané du pouvoir exécutif, le ministre qui aura contresigné ledit ordre sera puni de 12 années de cachot.

Art. 23. Quiconque aura volontairement et sciem­ment brisé le cachet et violé le secret d'une lettre confiée à la poste sera puni de la peine de la dégradation civique.

Si le crime est commis, soit en vertu d'un ordre émané du pouvoir exécutif, soit par un agent du service des postes, le ministre qui en aura donné ou contresigné l'ordre, quiconque l'aura exé­cuté, ou l'agent du service des postes, qui sans ordre aura commis ledit crime, sera puni de la peine de 12 années de gêne.

Art. 24. S'il était émané du pouvoir exécutif quelque acte ou quelque ordre pour soustraire un de ces agents, soit à la poursuite légalement commencée de l'action en responsabilité, soit à la peine prononcée légalement en vertu de ladite responsabilité, le ministre qui aura contre­signé ledit ordre ou acte, et quiconque l'aura exé­cuté, sera puni de la peine de 12 années de cachot.

Quatrième section du titre Ier

Délits des particuliers contre le respect et l'obéis­sance dus à la loi et à l'autorité des pouvoirs constitués pour la faire exécuter.

Art. 1er. Lorsqu'un ou plusieurs agents préposés soit à l'exécution d'un décret du Corps législatif, soit à la perception d'une contribution légalement établie, soit à l'exécution d'un jugement, mandat, d'une ordonnance de justice ou de police, lorsque tout dépositaire quelconque de la force publique, agissant légalement dans l'ordre de ses fonctions, aura prononcé cette formule : obéissance à la loi,

Quiconque opposera des violences et voies de fait sera coupable du crime d'offense à la loi ; il sera puni de la peine de 2 années de prison.

Si ladite résistance est opposée avec armes, la peine sera de 4 années de prison.

Art. 2. Lorsque la résistance aux agents ou dépositaires de la force publique désignés en l'article précédent sera opposée avec attroupement, et que les officiers civils de la municipalité ou du canton auront été contraints de requérir l'action de la force publique contre lesdites personnes attroupées ; lorsqu'il leur aura été fait les sommations déterminées par les lois, si l'attroupement continue, les chefs de l'émeute et ceux qui seront arrêtés sur-le-champ les armes à la main, ou en état de résistance,seront punis de la peine de la gêne pendant 6 années.

Art. 3. Lorsque lesdites résistances et attroupements n'auront pas cédé à la force publique de la municipalité ou du canton, et que l'admi­nistration du district aura requis l'action de forces plus considérables, après qu'il aura été fait auxdites personnes attroupées les sommations déterminées par les lois, si l'attroupement con­tinue, les coupables seront constitués en sédition.

Les chefs des séditions et tous ceux qui seront arrêtés sur-le-champ les armes à la main ou en état de résistance seront punis de 12 années de gêne.

Art. 4. Lorsque lesdites résistances et attrou­pements n'auront pas cédé à la force publique requise par l'administration du district, et que l'administration du département aura été con­trainte de requérir l'action de forces plus considérables, après qu'il aura été fuit aux séditieux attroupés les sommations déterminées par les lois ; si l'attroupement continue, les coupables seront constitués en rébellion ; les chefs des rebelles et ceux qui seront arrêtés sur-le-champ les armes à la main ou en état de résistance seront punis de la peine de 12 années de cachot.

Art. 5. Les coupables des crimes d'offense à la loi, d'émeute, de sédition, de rébellion, qui au­raient commis personnellement des homicides, incendies et autres actes de violence seront punis des peines qui seront décrétées ci-après contre chacun de ces crimes, quand même ils n'auraient pas été arrêtés sur-le-champ, ni les armes à la main, ni en état de résistance.

Art. 6. Quiconque aura outragé verbalement, ou par gestes, un fonctionnaire public, au moment où il exerçait ses fonctions, sera puni de la peine de la dégradation civique.

S'il portait l'outrage jusqu'à le frapper, la peine sera de 2 années de prison.

Art. 7. Quiconque par force aura délivré ou tenté de délivrer des personnes détenues légalement ; quiconque les aura délivrées par adresse sera condamné à la peine de la prison pendant 2 années.

Art. 8. Si ladite violence est exercée avec attroupement, ou avec armes, les auteurs, instigateurs et complices dudit attroupement, ou lesdites personnes armées seront punies de 4 ans de prison.

Art. 9. Si ladite tentative est exercée avec attroupement et armes, la peine sera de 6 années de gêne.

Cinquième section du titre 1er.

Crimes des fonctionnaires publics dans l'exercice des pouvoirs qui leur sont confiés [5].

Art. 1er. Tout agent du pouvoir exécutif ou fonctionnaire public quelconque qui aura employé ou requis l'action de la force publique dont la disposition lui est confiée, pour empêcher l'exécution d'une loi ou la perception d'une contribution légitimement établie, sera puni de la peine de la gêne pendant 10 années.

Tous les agents subordonnés qui auront contribué à l'exécution desdits ordres seront punis de la peine de 6 années de prison.

Art. 2. Tout agent du pouvoir exécutif, tout fonctionnaire public quelconque, qui aura employé ou requis l'action de la force publique, dont la disposition lui est confiée, pour empêcher l'exécution d'un jugement, mandat ou ordonnance de justice, ou d'un ordre émané d'officiers municipaux de police, ou de corps administratifs, ou pour empêcher l'action d'un pouvoir légitime, sera puni de la peine de 6 années de prison.

Le supérieur légitime qui, le premier, aura donné lesdits ordres, en sera seul responsable et subira la peine portée au présent article [6].

Art 3. Si par suite, et à l'occasion de la résistance mentionnée aux deux précédents articles, il survient une émeute, sédition ou rébellion, l'agent du pouvoir exécutif, ou le fonctionnaire public désigné auxdits articles en sera responsable, ainsi que des meurtres, violences et pillages auxquels cette résistance aurait donné lieu, et il sera puni des peines prononcées contre les chefs des émeutes, séditions ou rébellions, meurtres, violences et pillages.

Art. 4. Tout dépositaire ou agent de la force publique, qui, après en avoir été requis légitimement, aura refusé de faire agir ladite force, sera puni de la peine de 3 années de prison.

Art. 5. Tout fonctionnaire public qui, sous prétexte de mandement ou de prédications, exci­terait les citoyens par des discours prononcés dans des assemblées, ou par des exhortations rendues publiques par la voie de l'impression, à désobéir aux lois et aux autorités légitimes, ou les provoquerait à des meurtres ou à des crimes, sera puni de la peine de la dégradation civique.

Si par suite et à l'occasion desdites exhorta­tions prononcées, ou imprimées, il survient quelque émeute, sédition, rébellion, meurtres, pillages ou autres crimes, le fonctionnaire public désigné au présent article en sera responsable et subira les peines portées contre chacun desdits crimes.

Art. 6. Tout fonctionnaire public révoqué ou destitué légitimement, tout fonctionnaire public électif et temporaire, après l'expiration de ses pouvoirs, qui persévérerait à exercer des fonctions, sera puni de la peine de la dégradation civique.

Si par suite, à l'occasion de sa résistance, il survient une émeute, sédition ou rébellion, il en sera responsable et puni des peines prononcées contre les auteurs et instigateurs desdits crimes.

Art. 7. Tout fonctionnaire public qui sera con­vaincu d'avoir, moyennant argent, présents ou promesses, trafiqué de son opinion ou de l'exer­cice du pouvoir qu'il tient de la loi, sera puni de la peine de la dégradation civique.

Art. 8. Tout juré après les récusations consommées, tout juge criminel, tout officier de police en matière criminelle, qui sera convaincu d'avoir, moyennant argent, présents ou promesses, trafiqué de son opinion, sera puni de la peine de 15 années de gêne.

Art. 9. Tout fonctionnaire public qui sera convaincu d'avoir détourné les deniers publics dont il était comptable, sera puni de la peine de 12 an­nées de gêne.

Art. 10. Tout fonctionnaire ou officier public qui sera convaincu d'avoir détourné ou soustrait des deniers, effets, actes, pièces ou titres dont il était dépositaire, à raison des fonctions publi­ques qu'il exerce et par l'effet d'une confiance nécessaire, sera puni de la peine de 10 années de gêne.

Art. 11. Tout geôlier ou gardien qui aura volontairement fait évader ou favorisé l'évasion de personnes légalement détenues, et dont la garde lui était confiée, sera puni de la peine de 10 années de gêne.

Art. 12. Tout fonctionnaire ou officier public, tout préposé à la perception de droit et contributions publiques, qui sera convaincu du crime de concussion, sera puni de la peine de 6 années de prison.

Art. 13. Tout fonctionnaire ou officier public qui sera convaincu de s'être rendu coupable du crime de faux dans l'exercice de ses fonctions sera puni de la peine de la gêne pendant 15 an­nées.

Sixième section du titre Ier. Crimes contre la propriété publique.

Art. 1er. Quiconque, hors des hôtels des mon­naies et ateliers où sont employés les préposés à la fabrication nationale, sera convaincu d'avoir fabriqué de la monnaie, encore que ladite mon­naie soit au même titre, poids et qualité que celle ayant cours, sera puni de 6 années de gêne.

Art. 2. Toute personne qui sera convaincue d'avoir fabriqué une monnaie inférieure en titre, poids ou qualité à la monnaie ayant cours, sera punie de la peine de 15 années de gêne.

Art. 3. Tous contrefacteurs de papiers natio­naux ayant cours de monnaie seront punis de la peine de 15 années de cachot.

Art. 4. Tous contrefacteurs du sceau de l'Etat, du timbre national, du poinçon servant à marquer l'or et l'argent, et de toutes les marques apposées au nom du gouvernement sur toute es­pèce de marchandises, seront punis delà peine de 12 années de gêne.

Art. 5. Toute personne autre que le dépositaire comptable, qui sera convaincue d'avoir dérobé d'une manière quelconque des deniers publics ou effets appartenant à l'Etat, sera punie de la peine de 10 ans de gêne.

Sans préjudice des peines plus graves portées ci-après contre les vols avec effraction ou violences, si ledit vol est commis avec lesdites circonstances.

Art. 6. Quiconque, méchamment et à dessein, aura incendié des maisons, édifices, magasins, arsenaux, vaisseaux et autres propriétés appartenant à l'Etat, sera puni de 15 années de cachot.

Art. 7. Quiconque pillera ou détruira, autrement que par le feu, les propriétés ci-dessus mentionnées, sera puni de la peine de 10 années de gêne, et si ledit crime est commis avec attroupement, de 12 années de ladite peine.

Titre II. Crimes et délits contre les particuliers.

Première section du titre II.

Crimes et attentats contre les personnes.

Art. Ier. En cas d'homicide commis involontairement, par un accident qui ne soit l'effet de la négligence ni de l'imprudence de celui qui l'a commis, il n'existe point de crime, et il n'y a lieu à admettre aucune action criminelle ni civile.

Art. 2. En cas d'homicide commis involontairement, mais par l'effet de l'imprudence ou de la négligence de celui qui l'a commis, il n'existe point de crime, et il n'y a lieu à admettre aucune action criminelle ; mais il sera statué par les juges sur les dommages et intérêts et sur les peines correctionnelles, selon les circonstances.

Art. 3. En cas d'homicide commis volontairement avec cause légitime, ou excuse péremptoire, il n'existe point de crime, et il n'y a lieu à ad­mettre aucune action criminelle ni civile.

Art. 4. L'homicide est commis avec cause légitime, lorsqu'il est autorisé par la loi, et commandé par une autorité légitime pour la défense de l'Etat ou pour le salut public.

Art. 5. L'homicide est commis avec excuse péremptoire, lorsqu'il est nécessité par la légitime défense de soi-même ou d'autrui.

Art. 6. Hors les cas déterminés par les précédents articles, tout homicide commis volontairement envers quelques personnes, avec quelques armes, instruments ou par quelques moyens que ce soit, sera puni ainsi qu'il suit, selon le caractère et les circonstances du crime.

Art. 7. L'homicide commis sans préméditation, sera puni de la peine de 12 années de cachot.

Art. 8. Lorsque quelque circonstance atténuera la gravité du crime mentionné en l'article précédent, sans toutefois que ladite circonstance rende le fait légitime ou entièrement excusable, ledit crime d'homicide non prémédité avec circonstances atténuantes sera puni de la peine de 10 années de gêne.

Art. 9. Si l'homicide non prémédité est commis dans la personne du père ou de la mère légitime ou naturelle, ou de tout autre ascendant légitime du coupable, la peine sera de 16 années de cachot, et il ne pourra y avoir lieu à atténuation.

Art. 10. Si l'homicide non prémédité est com­mis par un père ou une mère dans la personne de son fils ou de sa fille naturels ou légitimes, ou par tout ascendant dans la personne de ses descendants légitimes, ou par un mari dans la personne de sa femme, ou par une femme, dans la personne de son mari, la peine dudit crime sera de 15 années de cachot, et en cas d'homicide non prémédité avec circonstances atté­nuantes, la peine sera de 12 années de gêne.

Art. 11. L'homicide commis avec préméditation sera puni de la peine de 16 années de cachot.

Art. 12. La durée de la peine de l'homicide prémédité sera augmentée de 3 années par chacune des circonstances suivantes, qui s'y trouvera réunie.

La première, lorsque le crime aura été commis par deux ou plusieurs personnes ; La deuxième, lorsqu'il aura été commis avec armes à feu, perçantes ou tranchantes ; La troisième, lorsqu'il aura été accompagné de mutilations ou de tortures ; La quatrième, lorsqu'il aura été commis la nuit ; La cinquième, lorsqu'il aura été commis soit dans un grand chemin, rue ou place publique, soit dans l'intérieur d'une maison.

Art. 13. L'homicide commis volontairement par poison sera puni de la peine de 20 années de cachot.

Art. 14. L'homicide commis sciemment et à dessein par l'incendie de maisons habitées sera puni de la peine de 20 années de cachot.

Art. 15. La durée des peines prononcées par les 4 articles précédente sera augmentée de 4 années lorsque le coupable aura commis lesdits crimes envers les personnes mentionnées en l'article 9 ci-dessus.

Art. 16. La durée desdites peines sera augmentée de 3 années, lorsque le coupable aura commis lesdits crimes envers les personnes men­tionnées en l'article 10 ci-dessus.

Art. 17. Ne pourra, toutefois, pour aucun des crimes d'homicide mentionnés en tous les articles précédents, la durée des peines excéder 24 années, quel que soit le caractère de l'homicide, le nombre des circonstances aggravantes qui puissent s'y trouver réunies, envers quelques personnes qu'il ait été commis.

Art. 18. L'homicide quoique non consommé sera punissable dans les cas suivants :

Art. 19. L'homicide prémédité, lorsque l'attaque à dessein de tuer aura été effectuée.

Art. 20. L'homicide par l'incendie de maisons habitées, lorsque le feu aura été mis auxdites habitations.

Art. 21. L'homicide par poison, lorsque l'empoisonnement aura été effectué, ou lorsque le poison aura été présenté, ou lorsque le poison aura été mêlé avec des aliments ou breuvages spécialement destinés, soit à l'usage de la personne, contre laquelle ledit attentat aura été dirigé, soit à l'usage de toute une famille, société ou habitants d'une même maison, soit à l'usage du public.

Art. 22. Toutefois, si avant l'empoisonnement effectué, ou avant que l'empoisonnement des aliments ou des breuvages ait été découvert, l'empoisonneur arrêtait l'exécution du crime, soit en supprimant lesdits aliments ou breuvages, soit en empêchant qu'on n'en fasse usage, les peines portées contre ledit crime ne seront pas encou­rues.

Art. 23. Dans lesdits cas mentionnés aux 4 articles précédents, le crime sera punissable ; mais lorsque personne n'aura perdu la vie par l'effet desdits attentats, la durée de la peine sera abrégée de 4 années.

Art. 24. Tout homicide par un acte de violence volontaire, mais sans intention de donner la mort, sera puni de la peine de 8 années de gêne.

La durée de ladite peine sera augmentée de 4 années si le crime est commis envers les personnes mentionnées en l'article 9 ci-dessus.

De 2 années, s'il est commis envers les personnes mentionnées en l'article 10 ci-dessus.

Art. 25. Quiconque aura volontairement et à dessein, par breuvages, violences ou par tous au­tres moyens, fait périr le fruit ou procuré l'avortement d'une femme enceinte sera puni de 12 années de cachot.

Art. 26. Toutes les dispositions portées aux articles 1, 2, 3, 4 et 5 précédents, relatives à l'homicide involontaire et à l'homicide légitime ou excusable, s'appliqueront également aux bles­sures faites soit involontairement, soit avec cause légitime, ou excuse péremptoire.

Art. 27. Les blessures faites involontairement, mais qui ne porteront point les caractères qui vont être spécifiés ci-après, seront poursuivies par action civile, et pourront donner lieu à des dommages et intérêts et à des peines correctionnelles, sur lesquels il sera statué par des juges, selon la nature des violences et les circons­tances qui les auront accompagnées.

Art. 28 [7]. Les blessures faites volontairement, et qui porteront les caractères qui vont être spécifiés, seront poursuivies par action criminelle et punies des peines déterminées ci-après :

Art. 29. Lorsque, par l'effet desdites blessures, la personne maltraitée aura eu un membre cassé, la peine sera de 3 années de prison.

Art. 30. Lorsque, par l'effet desdites blessures, la personne maltraitée aura perdu l'usage absolu, soit d'un oeil, soit d'un membre, ou éprouvé la mutilation de quelque partie de la tête ou du corps, la peine sera de 4 années de gêne.

Art. 31. La peine sera de 6 années de gêne si la personne maltraitée s'est trouvée privée de l'usage absolu de la vue, par l'effet desdites vio­lences.

Art. 32. La durée des peines portées aux trois articles précédents sera augmentée de 2 années, lorsque lesdites violences auront été commises dans une rixe, et que celui qui les aura commi­ses aura été l'agresseur.

Art. 33. La durée des peines portées auxdits articles 29, 30 et 31 sera augmentée de 2 années si lesdites violences ont été commises envers les personnes mentionnées en l'article 9 ci-dessus, et d'une année si elles ont été commises envers les personnes mentionnées en l'article 10.

Art. 34. La durée des peines portées aux arti­cles précédents contre les auteurs des blessures sera augmentée de 3 années, lorsque les violences qui y sont mentionnées auront été commises de dessein prémédité.

Et dans le cas où la peine de la détention est prononcée par lesdits articles, elle sera convertie dans la peine de la prison, et sa durée sera également augmentée de 3 ans.

Art. 35. La durée des peines portées aux arti­cles précédents sera augmentée de 2 années, lorsque lesdites violences auront été commises:

Soit par deux ou par plusieurs personnes ;

Soit par une personne armée, contre une per­sonne sans armes ;

Soit par un homme âgé de plus de 18 ans accomplis et de moins de 60 ans accomplis, en­vers un enfant de moins de 14 ans accomplis, ou envers une femme, ou envers un vieillard âgé de plus de 70 ans accomplis.

Art. 36. La castration commise par violence ou envers un enfant au-dessous de 15 ans accom­plis sera punie de 12 années de gêne [8].

Art. 37. Le viol sera puni de 4 années de la peine de la gêne.

Art. 38. La peine du crime mentionné en l'article précédent sera de 8 années de la gêne, lorsqu'il aura été commis dans la personne d'une fille âgée de moins de 14 ans accomplis, ou lorsque le coupable aura été aidé dans son crime par la violence et les efforts d'un ou de plusieurs complices [9].

Art. 39. Quiconque sera convaincu d'avoir enlevé par violence ou séduction un enfant de l'un ou l'autre sexe au-dessous de 15 ans accomplis, hors de la maison des personnes sous la puissance desquelles et ledit enfant ; ou de la maison où lesdites personnes le font élever, sera puni des peines prononcées ci-dessus contre les divers attentats à la liberté individuelle.

Art. 40. Quiconque aura volontairement substitué un enfant à un autre enfant sera puni de la peine de 12 années de prison.

Art. 41. La peine dudit crime sera de 10 an­nées de gêne s'il est commis dans la personne d'une fille de 15 ans accomplis, à l'effet d'en abuser ou de la prostituer.

Art. 42. Quiconque falsifiera ou détruira la preuve de l'état d un enfant sera puni de la peine de 12 années de prison.

Art. 43. Toute personne engagée dans les liens du mariage, qui en contractera un second avant la dissolution du premier, sera punie de la peine de 8 années de prison.

Art. 44 [10]. Quiconque sera convaincu de s'être battu en combat singulier, après un cartel donné ou accepté, ou par l'effet d'une rencontre préméditée, sera puni ainsi qu'il suit, soit qu'il résulte ou non quelques blessures dudit combat :

Art. 45. Le coupable sera attaché à un poteau sur un échafaud élevé dans la place publique ; il y demeurera exposé aux regards du peuple pendant 2 heures, revêtu d'une armure complète.

Art. 46. Ladite exposition aura lieu dans les villes qui sont déterminées au titre IV des peines ; et tout le surplus des dispositions portées au même titre seront également observées.

Art. 47. Le coupable sera ensuite conduit à la maison publique où sont gardés les insensés et les furieux, la plus voisine de la ville dans laquelle aura été convoqué le juré d'accusation et il y demeurera enfermé deux années.

Art. 48. Les effets de cette peine seront les mêmes que ceux qui suivent la peine de la prison et qui sont déterminés au titre VIII des peines.

Art. 49. La réhabilitation des condamnés pourra avoir lieu dans les mêmes délais et dans les mêmes formes que pour ceux qui ont été con­damnés à la peine de la prison, suivant ce qui est prescrit au titre X des peines.

Art. 50. Si l'un des combattants perd la vie par l'effet du lit combat, le survivant subira la peine de 12 années de cachot.

Deuxième section du titre II

Crimes et délits contre les propriétés

Art. 1er. Tout vol simple, c'est-à-dire tout vol qui n'est pas accompagné de quelques-unes des circonstances qui vont être spécifiées ci-après sera poursuivi et puni par la voie de police correctionnelle.

Art. 2. Le vol caractérisé sera puni ainsi qu'il suit.

Art. 3. Tout vol commis à force ouverte et par violence envers les personnes sera puni de 10 années de prison.

La durée de la peine du crime mentionné en l'article précédent sera augmentée de deux années par chacune des circonstances suivantes qui s'y trouvera réunie :

La première, si le crime a été commis la nuit ; La deuxième, s'il a été commis par deux plusieurs personnes ;

La troisième, si le coupable ou les coupables dudit crime étaient porteurs d'armes à l'eu, ou de toute autre arme meurtrière.

Art. 4. Ne pourra toutefois la durée de la peine dudit crime excéder 15 années à raison desdites circonstances en quelque nombre qu'elles y soient réunies.

Art. 5. Si le vol à force ouverte et par violence envers les personnes est commis soit dans un grand chemin, rue ou place publique, soit dans l'intérieur d'une maison, la peine sera de 12 années de cachot.

Art. 6. La durée de la peine dudit crime mentionné en l'article précédent sera augmentée d'une année par chacune des circonstances qui s'y trouvera réunie :

La première, si le crime a été commis la nuit ; La deuxième, s'il a été commis par deux ou par plusieurs personnes ; La troisième, si le coupable ou les coupables étaient porteurs d'armes à feu, ou de toute autre arme meurtrière ; La quatrième, si le coupable s'est introduit dans l'intérieur de la maison ou du logement où il a commis le crime à l'aide d'effraction faite par lui-même ou par ses complices aux portes et clôtures soit de ladite maison, soit dudit logement, ou à l'aide de fausses clefs ou en escaladant les murailles, toits ou autres clôtures extérieures de ladite maison, ou si le coupable est habitant ou commensal de ladite maison ou reçu habituelle­ment dans ladite maison pour y faire un travail ou un service salarié.

Art. 7. Toutefois, la durée de ladite peine ne pourra excéder 15 ans, à raison desdites circon­stances, en quelque nombre qu'elles s'y trouvent réunies.

Art. 8. Tout autre vol commis sans violence envers des personnes, à l'aide d'effraction faite soit par le voleur soit par sou complice, sera puni de 8 années de gêne.

Art. 9. La durée de la peine dudit crime sera augmentée de deux ans par chacune des circonstances suivantes qui s'y trouvera réunie :

La première, si l'effraction est faite aux portes et clôtures extérieures de bâtiments, maisons ou édifices ;

La deuxième, si le crime est commis dans une maison actuellement habitée ou servant à l'habitation ;

La troisième, si le crime a été commis la nuit,

La quatrième, s'il a été commis par deux ou par plusieurs personnes ;

La cinquième, si le coupable ou les coupables étaient porteurs d'armes à feu, ou de toute autre arme meurtrière.

Art. 10. Ne pourra toutefois la durée de la peine dudit crime excéder 14 années à raison desdi­tes circonstances en quelque nombre qu'elles s'y trouvent réunies.

Art. 11. Lorsqu'un vol aura été commis avec effraction intérieure dans une maison par une personne habitante ou commensale de ladite mai­son ou reçue habituellement dans ladite maison pour y faire un service ou un travail salarié, adite effraction sera punie comme effraction extérieure, et le coupable encourra la peine por­tée aux articles précédents à raison de la circonstance de l'effraction extérieure.

Art. 12. Le vol commis à l'aide de fausses clefs sera puni de la peine de 6 années de gêne.

Art. 13. La durée de la peine mentionnée en l'article précédent sera augmentée de deux années par chacune des circonstances suivantes qui se trouvera réunie audit crime :

La première, si le crime a été commis dans une maison actuellement habitée, ou servant à l'habitation ;

La deuxième, s'il a été commis la nuit ;

La troisième, s'il a été commis par deux ou par plusieurs personnes ;

La quatrième, si le coupable ou les coupables étaient porteurs d'armes à feu ou de toute autre arme meurtrière.

Art. 14. Ne pourra, toutefois, la durée de la peine dudit crime excéder 12 années, à, raison desdites circonstances, en quelque nombre qu'el­les s'y trouvent réunies.

Art. 15. Si le vol à l'aide de fausses clefs a été commis dans l'intérieur d'une maison, par une personne habitante ou commensale de ladite mai­son, ou reçue habituellement dans ladite maison, pour y faire un service ou un travail salarié, le crime sera puni comme un vol avec effraction intérieure, et le coupable encourra la peine établie par les articles 8, 9 et 10 ci-dessus, à raison de ladite circonstance de l'effraction intérieure.

Art. 16. Toutes les peines et dispositions portées aux articles précédents contre le vol, à l'aide de fausses clefs, s'appliqueront également à tout vol commis en escaladant des toits, murailles ou toutes autres clôtures extérieures de bâtiments, maisons et édifices.

Art. 17. Lorsqu'un vol aura été commis dans l'intérieur d'une maison, par une personne habitante ou commensale de ladite maison, ou reçue habituellement dans ladite maison, pour y faire un service ou un travail salarié, ledit crime sera puni des mêmes peines prononcées par les arti­cles précédents contre ceux qui auront volé en escaladant lesdites maisons ou à l'aide de fausses clefs.

Art. 18. Toutes les dispositions portées aux articles 6, 11, 15 et 17 ci-dessus, contre les vols faits par les habitants et commensaux d'une maison, s'appliqueront également aux vols qui seront commis dans des hôtels garnis, auberges, cabarets, cafés, bains et toutes autres maisons publiques. Tout vol qui y sera commis par les maîtres desdites maisons, ou par leurs domestiques, envers ceux qu'ils y reçoivent, ou par ceux-ci envers les maîtres desdites maisons ou toute autre personne qui y est reçue, sera réputé vol commis par un commensal, et puni, selon les circonstances qui s'y trouveront réunies, des pei­nes portées aux 4 articles ci-dessus mentionnés.

Toutefois ne sont point comprises dans la pré­cédente disposition, les salles de spectacles, établissements, édifices publics, boutiques ou ateliers.

Art. 19. Lorsque 2 ou plusieurs personnes, non armées, ou une seule personne portant arme à feu ou toute autre arme meurtrière, se seront introduites sans violences personnelles, effraction, escalades, ni fausses clefs, dans l'intérieur d'une maison actuellement habitée ou servant à habitation, et y auraient commis un vol, la peine sera de 6 années de gêne.

Art. 20. Lorsque le crime aura été commis par 2 ou par plusieurs personnes, si les coupables ou l'un des coupables étaient porteurs d'armes à feu ou de toute autre arme meurtrière, la peine sera de 8 années de gêne.

Art. 21. Si le crime a été commis la nuit, la durée de chacune des peines portées aux 2 précédents articles sera augmentée de 2 années.

Art. 22. Tout vol commis dans un enclos fermé, où le coupable se sera introduit en violant la clôture, sera puni de la peine de 5 années de gêne, si l'enclos ne tient pas immédiatement à une maison actuellement habitée ou servant à habitation, et de 6 années de gêne si l'enclos tient immédiatement à ladite maison.

Art. 23. Un enclos ne sera réputé fermé que lorsqu'il sera entouré soit d'un mur, soit d'une palissade qui, dans leur moindre hauteur, porte­ront 6 pieds d'élévation, à partir du sol extérieur, soit d'un fossé ayant au moins 10 pieds d'ouverture et revêtu, dans sa profondeur, d'un ou de 2 côtés, d'un mur ou d'une palissade por­tant au moins 6 pieds de hauteur, à partir du fond dudit fossé.

L'enclos ne sera pas réputé fermé s'il y existait, au moment du vol, une brèche ou ouverture, porte non scellée ou non fermée à clef, ou enfin si, dans quelqu'une de ses parties, la clôture est au-dessous des proportions déterminées par le présent article.

Art. 24. La durée de ladite peine sera augmen­tée de 2 années par chacune des 3 circonstances suivantes qui s'y trouvera réunie :

La première, si le crime a été commis la nuit ;

La deuxième, s'il a été commis par 2 ou plu­sieurs personnes ;

La troisième, si le coupable ou les coupables étaient porteurs d'armes à feu ou de toute autre arme meurtrière.

Art. 25. Ne pourra toutefois, la durée de ladite peine, excéder 9 années, à raison desdites circonstances, en quelque nombre qu'elles y soient réunies, pour le vol dans un enclos tenant immé­diatement à une maison actuellement habitée ou servant à habitation, et de 8 années pour le vol commis dans un enclos séparé de ladite maison.

Art. 26. Tout vol de charrues, bestiaux, chevaux, poissons dans les étangs, rivières ou vi­viers, marchandises ou effets exposés soit dans la campagne, soit sur les chemins, ventes de bois, ports, foires, marchés, boutiques et autres lieux quelconques sur la voie publique, sera puni de la peine de 4 années de prison.

Art. 27. La durée de ladite peine sera augmentée à raison des 3 circonstances et dans les mêmes proportions établies par le crime précé­dent, sans toutefois que la durée de ladite peine puisse excéder 8 années, à raison desdites circonstances, en quelque nombre qu'elles s'y trou­vent réunies.

Art. 28. Quiconque volera dans la campagne la dépouille des arbres fruitiers, ou toute espèce soit de production d'un terrain en culture, soit de récolte coupée ou sur pied, ou des balivaux et arbres de futaie dans les bois et forêts, ou des plants faits de main d'homme, sera puni de la même peine prononcée contre le crime mentionné aux 2 articles précédents, et la durée de ladite peine sera augmentée à raison des mêmes circonstances et dans les mêmes proportions.

Art. 29. Quiconque se sera chargé d'un service ou d'un travail salarié, et aura volé les effets ou marchandises qui lui avaient été confiés pour ledit service ou ledit travail, sera puni de 4 an­nées de gêne.

Art. 30. La peine sera de 6 années de gêne pour le vol d'effets confiés aux coches, messageries et autres voitures publiques par terre et par eau, commis par les conducteurs desdites voitures, ou parles personnes employées dans les bureaux desdites administrations.

Art. 31. Tout vol commis dans lesdites voitures, par les personnes qui y occupent une place, sera puni de la peine de 4 années de prison.

Art. 32. Tout vol qui ne portera aucun des caractères ci-dessus spécifiés, mais qui sera commis par deux ou plusieurs personnes sans armes, ou par une seule portant arme à feu, ou toute autre arme meurtrière, sera puni de la peine de 4 années de prison.

Art. 33. Lorsque le crime aura été commis par 2 ou plusieurs personnes, et que les coupables étaient porteurs d'armes à feu ou de toute autre arme meurtrière, la peine sera de 4 années de gêne.

Art. 34. Si le crime a été commis la nuit, la durée de chacune des peines portées aux deux précédents articles sera augmentée de 2 années.

Art. 35. Quiconque sera convaincu d'avoir détourné à son profit, ou dissipé, ou méchamment et à dessein de nuire à autrui, brûlé ou détruit d'une manière quelconque des effets, marchandises, deniers, titres de propriété, écrits ou actes emportant obligation ou décharge et toute autre propriété mobilière qui lui avaient été confiés gratuitement à la charge de les vendre ou de les représenter, sera puni de la peine de la dégradation civique.

Art. 36. Toute banqueroute faite frauduleusement et à dessein de tromper les créanciers légitimes sera punie de la peine de 6 années de gêne.

Art. 37. Ceux qui auront aidé ou favorisé les­dites banqueroutes frauduleuses, soit en divertissant les effets, soit en acceptant des transports, ventes ou donations simulées, soit en souscrivant tous autres actes qu'ils savent être faits en fraude des créanciers légitimes, seront punis de la peine de la dégradation civique dans la place publique.

Art. 38. Quiconque sciemment et à dessein de nuire à autrui aura furtivement déplacé ou supprimé des bornes ou pieds cormiers contradictoirement placés ou reconnus pour établir les limites entre différents héritages sera puni de la peine de 2 années de prison.

Art. 39. Quiconque sera convaincu d'avoir volontairement, par malice, vengeance et à dessein de nuire à autrui, mis le feu à des édifices, bâtiments non habités, magasins, navires ou bateaux, forêts, bois taillis, récoltes en meule ou sur pied, ou à des matières combustibles disposées pour communiquer le feu auxdits édifices, navires, bois ou récoltes, soit que l'in­cendie ait ou non été la suite de ladite tentative, sera puni de la peine de 12 années de cachot.

Art. 40. Quiconque sera convaincu d'avoir volontairement, par malice ou vengeance, et à dessein de nuire à autrui, détruit ou renversé, par quelque moyen violent que ce soit, des bâtiments, maisons, édifices quelconques, digues et chaussées qui retiennent les eaux, sera puni de la peine de 6 années de gêne.

Art. 41. La peine du crime mentionné en l'ar­ticle précédent sera de 9 années de gêne, si lesdites violences sont exercées avec attroupement et à force ouverte.

Art. 42. Quiconque sera convaincu d'avoir volontairement, par malice ou vengeance, et à dessein de nuire à autrui, dévasté des récoltes sur pied, des plants faits de main d'homme, sera puni de la peine de 4 années de gêne.

Art. 43. La peine du crime mentionné en l'article précédent sera de 6 années de gêne, si lesdites violences ont été exercées avec attroupement et à force ouverte.

Art. 44. Quiconque sera convaincu d'avoir vo­lontairement, par malice ou vengeance, et à dessein de nuire à autrui, empoisonné des chevaux ou bêtes de somme, moutons, bestiaux, poissons conservés dans des étangs ou réservoirs, sera puni de la peine de 4 années de gêne.

Art. 45. Quiconque volontairement, par ma­lice ou par vengeance, et à dessein de nuire à autrui, aura brûlé ou détruit d'une manière quelconque des titres de propriété, billets, lettres de change, quittances, écrits ou actes opérant obligation ou décharge, sera puni de la peine de 4 années de gêne.

Art. 46. Lorsque ledit crime aura été commis avec attroupement et à force ouverte, la peine sera de 6 années de gêne.

Art. 49. La même peine sera encourue pour toute espèce de pillage et dégât de marchandises, d'effets et de propriétés mobilières commis avec attroupement et à force ouverte.

Art. 48. Quiconque sera convaincu d'avoir extorqué par force ou violence la signature d'un écrit ou acte emportant l'obligation ou décharge sera puni de la peine de 4 années de gêne.

Art. 49. La peine sera de 10 ans de gêne, lorsque le crime mentionné en l'article précé­dent aura été commis par deux ou par plusieurs personnes réunies.

Art. 50. Quiconque sera convaincu d'avoir, méchamment et à dessein de nuire à autrui, commis le crime de faux, sera puni ainsi qu'il suit :

Art. 51. Si ledit crime de faux est commis en écriture privée, la peine sera de 4 années de gêne.

Art. 52. Si ledit crime de faux est commis en lettres de change et autres effets de commerce ou de banque, la peine sera de 6 années de gêne.

Art. 53. Si ledit crime de faux est commis en écritures authentiques et publiques, la peine sera de 8 années de gêne [11].

Art. 54. Quiconque aura commis ledit crime de faux, ou aura fait usage d'une pièce qu'il savait être fausse, sera puni des peines portées ci-dessus contre chaque espèce de faux.

Art. 55. Quiconque sera convaincu d'avoir, sciemment et à dessein, vendu à faux poids ou à fausse mesure ; après avoir été précédemment puni 2 fois par voie de police, à raison d'un délit semblable, subira la peine de 4 années de gêne.

Art. 56. Quiconque sera convaincu du crime de faux témoignage en matière civile sera puni de la peine de 6 années de gêne.

Art. 57. Quiconque sera convaincu du crime de faux témoignage dans un procès criminel sera puni de la peine de 15 ans de gêne.

Titre III. Des complices des crimes.

Art. 1er. Lorsqu'un crime aura été commis, quiconque sera convaincu d'avoir par dons, promesses, ordres ou menaces, provoqué le coupable ou les coupables à les commettre ;

Ou d'avoir, sciemment et dans le dessein du crime procuré aux coupables les moyens, armes ou instruments qui ont servi à son exécution ;

Ou d'avoir, sciemment et dans le dessein du crime, aidé et assisté le coupable ou les cou­pables, soit dans les faits qui ont préparé ou facilité son exécution, soit dans l'acte même qui l'a consommé,

Sera puni de la même peine prononcée par la loi contre les auteurs dudit crime.

Art. 2. Lorsqu'un crime aura été commis, quiconque sera convaincu d'avoir provoqué directement à le commettre, soit par des discours prononcés dans des lieux publics, soit par des placards ou bulletins affichés ou répandus dans lesdits lieux, soit par des écrits rendus publics parla voie de l'impression, sera puni de la même peine prononcée par la loi contre les auteurs dudit crime.

Art. 3. Quiconque sera convaincu d'avoir reçu gratuitement, ou acheté, ou recelé tout ou partie d'effets volés, sachant que lesdits effets pro­venaient d'un vol, sera puni de la peine de 2 années de prison, si le vol a été commis avec quelques-unes des circonstances spécifiées au présent Code.

Il sera poursuivi et puni par voie de police correctionnelle, si le vol provient d'un vol simple.

Art. 4. Quiconque sera convaincu d'avoir caché et recelé le cadavre d'une personne homicidée, encore qu'il n'ait pas été complice de l'homicide, sera puni de la peine de 4 années de prison.

Pour tout fait antérieur à la publication du pré­sent Gode, si le fait est qualifié crime par les lois actuellement existantes, et qu'il ne le soit pas par le présent décret ; ou si le fait est qualifié crime par le présent Code, et qu'il ne le soit pas par les lois anciennes, l'accusé sera acquitté.

Sans toutefois rien préjuger, par le présent article, pour les faits qui seront du ressort, soit de la police municipale, soit de la police correc­tionnelle, soit de la police constitutionnelle.

Si le fait est qualifié crime par les lois anciennes et par le présent décret, l'accusé qui aura été déclaré coupable sera condamné aux peines portées par le présent Code.


[1] Cette peine est proposée pour remplacer la peine de mort, non pas dans les 115 cas contre lesquels la condamnation à mort existe dans nos anciennes lois, mais pour les crimes auxquels l'Assemblée nationale pourrait appliquer la peine de mort si elle était con­servée, tels que les attentats de lèse-nation, assassinats, poisons et incendies.

[2] Ce cas a lieu lorsque le crime a été commis dans retendue du district où siège le tribunal criminel.

D'après le décret des jurés, le juré du jugement ne peut pas être convoqué dans ce district ; mais la procédure est renvoyée à un tribunal criminel du départe­ment voisin.

[3] Cette disposition paraîtra bien nécessaire si l'on j est instruit que, sur les galères, tout forçat qui a quelque patrimoine, ou des parents aisés qui lui fournissent de l'argent, est bien traité, bien nourri, bien vêtu, et reçoit toute sorte d'égards de la part des gardiens, toujours disposés favorablement pour un pensionnaire utile.

[4] Les effets des condamnations contre un accusé contumace sont décrétés dans la loi portant établisse­ment des jurés.

[5] Il n'y a point d'articles, dans le Code pénal, contre les délits qui peuvent être commis, soit par les corps délibérants, soit par les membres qui les composent, dans l'acte même de la délibération.

Voici les principes des deux comités sur cette ques­tion vraiment difficile :

Il faut distinguer l'acte qui émane du corps délibé­rant et la délibération ou opinion individuelle des membres qui composent le corps.

Quant à l'acte émané du corps délibérant, s'il est infecté de quelque vice, la Constitution a établi un moyen de répression : l'acte sera cassé par l'autorité supérieure, et son anéantissement arrêtera les mauvais effets qu'il pouvait produire.

Si l'acte est de telle nature qu'il soit dangereux pour la chose publique de laisser subsister le corps dont il est émané, la Constitution indique encore les formes avec lesquelles le corps entier doit être cassé, et alors chacun des membres qui le composent, sans être condamné ou flétri individuellement, se trouve destitué par le fait, mais sous ce seul rapport qu'il faisait partie d'un tout politique qui a cessé d'être.

A l'égard de l'opinion individuelle des membres qui composent le corps délibérant, vos comités ont pensé qu'elle ne pouvait jamais servir de base à une action criminelle.

Quelquefois il y aurait de la difficulté à prouver quels étaient ceux qui ont assisté à la délibération et ceux qui en étaient absents.

Quels sont ceux qui ont été de l'avis qui a passé et ceux qui étaient d'un avis contraire ; car la signature des membres présents atteste seulement le voeu de la majorité, mais ne constate pas leur opinion.

Il faudrait recevoir pour dénonciateurs et pour té­moins les collègues mêmes des accusés ; et en ce cas, il y aurait de l'immoralité à les entendre s'ils parlent, et de l'impossibilité à les faire parler s'ils se taisent.

Comment constater par une procédure si les différentes nuances qui ont distingué chaque opinion ren­trent dans la liberté légitime de déclarer son avis, ou dans la licence criminelle qui caractérise le délit?

En un mot, si l'opinant a été seul de son avis, ou en minorité, aucun mal politique n'en résulte et aucun acte émané du corps ne relève le scandale de son opinion.

Si l'opinant a été en majorité et que l'acte ait été conforme à l'avis qu'il a proposé, l'acte et le corps peuvent être annulés, ainsi que nous venons de le dévelop­per, et le mal est arrêté par cette répression constitutionnelle.

Il est bien entendu que ces principes s'appliquent au seul fait de la délibération ; et tout membre d'un corps délibérant, qui intriguerait ou agirait criminellement hors la délibération, serait dans le cas d'être poursuivi et puni.

Cette question est très importante et susceptible d'un développement très étendu.

[6] Pour le délit porté en l'article lor, les agents subordonnés sont responsables, parce que des décrets, ou des contributions ordonnées par le Corps législatif, sont notoires pour tout Français.

Quant à des jugements, arrêtés et ordonnances de corps particuliers, les subordonnés ne sauraient pas juger la légalité de leurs formes ; et le supérieur seul, en ce cas, peut répondre des actes qu'il a donnés.

[7] La spécification des crimes de violence est incomplète.

Le supplément se trouvera dans le travail relatif à la police correctionnelle.

11 a été impossible de les comprendre dans le Code pénal, parce que ces délits peuvent varier dans leurs circonstances, d'une manière trop étendue pour être spécifiés avec la précision nécessaire à la loi que doi­vent appliquer les juges sur un fait déterminé par le verdict des jurés.

Les violences sont plus ou moins punissables, sui­vant que les blessures sont plus ou moins dangereuses, suivant qu'il a fallu plus ou moins de temps pour leur guérison, suivant qu'elles ont mis la vie de la personne maltraitée plus ou moins en péril, suivant qu'elles ont altéré plus ou moins sa santé et ses forces.

Il faut laisser aux juges de la latitude pour appré­cier toutes ces circonstances ; et l'on ne doit pas s'imaginer que le renvoi de ces délits à la police correction­nelle les laisse impunis.

Ils pourront être réprimés par de forts dommages et intérêts, et par de longues et pénibles détentions.

[8] 11 faut bien que les lois aient le courage de tout dire, puisque les hommes n'ont pas honte de tout faire.

Le crime mentionné en cet article n'est pas chimé­rique.

L'appât de l'intérêt le rend fréquent en Italie.

En France, les passions de la jalousie et) L'adultère, crime dont le mari seul peut intenter la poursuite, et qui est punissable surtout par des dé­chéances de conventions matrimoniales et par des dé­tentions, se retrouvera dans le travail de la police correctionnelle. de la ven­geance en ont fourni plus d'un exemple.

[9] L'adultère, crime dont le mari seul peut intenter la poursuite, et qui est punissable surtout par des déchéances de conventions matrimoniales et par des dé­tentions, se retrouvera dans le travail de la police correctionnelle. de la ven­geance en ont fourni plus d'un exemple.

[10] L'usage des duels a survécu à l'institution antique et aux vertus de la chevalerie.

Il en était l'abus, de môme que la chevalerie errante en était le ridicule.

Emprunter ce ridicule pour en faire la punition de l'abus est un moyen plus répressif que ces peines ca­pitales prononcées vainement contre ce crime par un roi tout puissant, peines atroces et inefficaces tout en­semble, qui, pas une seule fois, n'ont empêché de le commettre, et qui, si rarement, ont été appliquées con­tre ceux qui s'en étaient rendus coupables.

[11] Les peines contre les officiers publics qui se seraient rendus coupables du crime de faux dans l'exercice de leurs fonctions sont portées au litre des délits des fonctionnaires publics.

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