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N° 3204

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 27 juin 2001.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1)

sur la politique éducative extérieure de la France

ET PRÉSENTÉ

PAR MME ODETTE TRUPIN,

Députée

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Affaires étrangères

La Commission des affaires étrangères est composée de : M. François Loncle, président ; M. Gérard Charasse, M. Georges Hage, M. Jean-Bernard Raimond, vice-présidents ; M. Roland Blum, M. Pierre Brana, Mme Monique Collange, secrétaires ; Mme Michèle Alliot-Marie, Mme Nicole Ameline, M. René André, Mme Marie-Hélène Aubert, Mme Martine Aurillac, M. Édouard Balladur, M. Raymond Barre, M. Henri Bertholet, M. Jean-Louis Bianco, M. André Billardon, M. André Borel, M. Bernard Bosson, M. Bernard Brochand, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Hervé de Charette, M. Yves Dauge, M. Jean-Claude Decagny, M. Patrick Delnatte, M. Jean-Marie Demange, M. Xavier Deniau, M. Paul Dhaille, M. Jean-Paul Dupré, M. Charles Ehrmann, M. Jean-Michel Ferrand, M. Raymond Forni, M. Michel Fromet, M. Georges Frêche, M. Jean-Yves Gateaud, M. Jean Gaubert, M. Valéry Giscard d'Estaing, M. Jacques Godfrain, M. Pierre Goldberg, M. François Guillaume, M. Jean-Jacques Guillet, M. Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, M. Didier Julia, M. Alain Juppé, M. André Labarrère, M. Gilbert Le Bris, M. Alain Le Vern, M. Jean-Claude Lefort, M. Guy Lengagne, M. Pierre Lequiller, M. François Léotard, M. Bernard Madrelle, M. René Mangin, M. Jean-Paul Mariot, M. Gilbert Maurer, M. Jean-Claude Mignon, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, M. Étienne Pinte, M. Marc Reymann, M. François Rochebloine, M. Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, M. René Rouquet, M. Georges Sarre, M. Henri Sicre, M. Dominique Strauss-Kahn, Mme Christiane Taubira-Delannon, M. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, M. Joseph Tyrode, M. Michel Vauzelle.

SOMMAIRE

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INTRODUCTION 7

I - ÉDUCATION ET FRANCOPHONIE 11

A - LA FRANCOPHONIE : UN DÉFI D'ACTUALITÉ 11

1) Les enjeux liés à la survie de la langue française 11

2) La défense de la langue française : archaïsme ou nécessité ? 13

3) Des actions à mener à l'intérieur et à l'étranger 14

B - L'ÉDUCATION : REFLET ET VECTEUR DE L'INFLUENCE CULTURELLE 16

1) Rayonnement d'un pays et attrait de son système éducatif 16

2) Les dangers liés à une approche purement économique de l'éducation 18

3) L'éducation, vecteur d'influence 20

C - L'ÉDUCATION : UN DOMAINE DANS LEQUEL LA FRANCOPHONIE EST
      ENCORE TROP PEU PRÉSENTE
21

1) Des réalisations réelles 21

2) Une faible visibilité 23

II - LE DÉVELOPPEMENT D'UNE OFFRE PLUS ATTRACTIVE
      ET COHÉRENTE
25

A - FORCES ET FAIBLESSES DES SYSTÈMES ÉTRANGERS
     DANS LA COMPÉTITION ÉDUCATIVE INTERNATIONALE
25

1) Des stratégies diverses 25

2) Quelques exemples 25

B - VERS UNE MEILLEURE LISIBILITÉ DES EFFORTS
      FRANÇAIS POUR LA PROMOTION DE SON SYSTÈME ÉDUCATIF
30

1) Des difficultés persistantes malgré des atouts incontestables 30

2) Une politique volontariste de l'Etat 33

3) Inciter les établissements à conduire le plus vite possible
une politique audacieuse 37

4) Tirer des enseignements d'expériences concluantes 39

C -FAVORISER LE DÉVELOPPEMENT DE L'INGÉNIERIE
      PÉDAGOGIQUE FRANÇAISE
41

1) Le réseau scolaire français : un excellent outil à optimiser 41

2) Une coopération scolaire et universitaire à redéfinir 44

3) Le défi de l'enseignement à distance 46

III - LA NÉCESSAIRE OUVERTURE A L'INTERNATIONAL DU SYSTÈME
      ÉDUCATIF FRANÇAIS
51

A - RENFORCER DE FAÇON SIGNIFICATIVE L'INTERNATIONALISATION
      DU SYSTÈME ÉDUCATIF
51

1) Dans l'enseignement primaire et secondaire 51

2) Dans l'enseignement supérieur 54

B - FAVORISER LA MOBILITÉ DES ÉTUDIANTS FRANÇAIS DANS UN
      CADRE EUROPÉEN
56

1) Accroître la mobilité des étudiants français 56

2) Socrates-Erasmus et Leonardo : un succès à amplifier 57

CONCLUSION 61

EXAMEN EN COMMISSION 65

ANNEXE 1 LISTE DES PERSONNALITÉS RENCONTRÉES 68

ANNEXE 2 LES ACTEURS INSTITUTIONNELS, NATIONAUX ET
MULTILATERAUX DE LA FRANCOPHONIE
72

ANNEXE 3 L'APPRENTISSAGE ET LA PRATIQUE DES LANGUES
EN EUROPE
76

ANNEXE 4 LA DGCID 78

ANNEXE 5 LE RÉSEAU DE L'AEFE 82

ANNEXE 6 LES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS DANS LES UNIVERSITÉS
FRANCAISES
84

Principaux sigles utilisés

AEFE : Agence pour l'enseignement français à l'étranger

AIF : Agence intergouvernementale de la francophonie

AGCS : Accord général sur le commerce et les services

AUF : Agence universitaire de la francophonie

CCIP : Chambre de commerce et d'industrie de Paris

CNED : Centre national d'enseignement à distance

CNOUS : Centre national des _uvres universitaires et scolaires

DAAD : Office allemand d'échanges universitaires

DARIC : Délégation académique aux relations internationales et à la coopération

DGCID : Direction générale de la coopération internationale et du développement, Ministère des Affaires étrangères

FIPF : Fédération internationale des professeurs de français

HCF : Haut conseil de la francophonie

IEP : Institut d'études politiques

INTIF : Institut des nouvelles technologies de l'information et de la formation

IUFM : Institut universitaire de formation des maîtres

OCDE : Organisation de coopération et de développement économique

OIF : Organisation internationale de la francophonie

OMC : Organisation mondiale du commerce

RFI : Radio France International

« Si tous les États devaient parler la même langue, penser de la même manière, agir de la même façon, le risque serait grand de voir s'instaurer un système totalitaire à l'échelle internationale, tant il est vrai qu'à travers les termes employés, c'est une culture, un mode de pensée et, finalement, une vision du monde qui s'expriment. »

Boutros Boutros Ghali, Secrétaire général de l'Organisation Internationale de la Francophonie, ancien secrétaire général des Nations unies

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Lors de l'ouverture du premier sommet francophone à Versailles le 17 février 1986, François Mitterrand a déclaré : « il s'agit de rester fidèle à soi-même, et pour rester fidèle à soi-même il faut s'inventer tous les jours ». C'est l'image que j'aime avoir de la Francophonie. Elle s'est renforcée au cours des années avec l'affirmation progressive d'une conscience francophone et la mise à jour d'une réelle créativité. Croire en la validité de ce concept, ce n'est pas rejeter le reste du monde, car il n'y a pas de centre en Francophonie, mais une multipolarité, et il me plaît d'imaginer une « francosphère », qui comme un miroir rayonne et irradie. Comme le dit Charles Josselin, Ministre délégué à la coopération, la Francophonie est "l'affirmation des identités et des différences dans le respect des valeurs universelles".

Pourtant Stélio Farandgis, secrétaire général du Haut Conseil de la Francophonie (HCF), souligne que, « si nous écoutons les élites économiques et politiques françaises, une expression revient souvent : "la Francophonie est un boulet". Or nous constatons que la puissance épouse les affinités linguistiques, même anciennes ». La culture et l'économie ne sont pas opposables et aujourd'hui la Francophonie peut - et doit - constituer un relais efficace pour le rayonnement économique de la France.

Lorsque j'ai entrepris la rédaction de ce rapport, ma première préoccupation a été de rechercher comment envisager une évolution de la Francophonie et de l'espace francophone au regard des interventions réalisées dans les cadres bilatéral et multilatéral. Celles-ci sont nombreuses et de qualité mais souvent occultées par un défaut de visibilité. Elles sont pourtant des éléments clés de la promotion de la diversité culturelle.

En effet, il apparaît aujourd'hui de plus en plus nécessaire que les sociétés civiles s'orientent vers un multilinguisme. L'anglais s'est imposé partout, et l'ensemble du monde anglo-saxon donne parfois l'impression de le considérer comme une « langue de droit divin », pour reprendre l'expression du sénateur Legendre. La diversité culturelle sous-tendue par les langues est un bien précieux de l'humanité, qu'il faut préserver à tout prix. Il convient donc de se battre afin que l'anglais ne constitue pas le seul code de communication à l'échelle planétaire, « sous peine de standardisation, d'uniformisation, voire de réductionnisme de la pensée » ainsi que le rappelle M. Boutros Boutros Ghali. Et le maintien de cette diversité est indissociable de la dimension formation.

La société française est donc actuellement confrontée à un défi fondamental, qui peut être synthétisé par la formule : « quel capital humain pour quelle croissance économique ? ». Alors que le processus de mondialisation remet désormais en cause des secteurs jusqu'ici amplement publics, il faut procéder à un réajustement du rôle et des fonctions de l'Etat dans ces domaines.

L'économie mondiale s'est engagée dans une nouvelle ère dont il s'agit d'identifier le centre névralgique et de préciser les contours. C'est particulièrement urgent en ce qui concerne le facteur humain qui doit être reconsidéré sur la base des besoins des entreprises. L'un des chantiers les plus importants réside dans la mise en place d'un système de formation adapté dont il s'agira d'imaginer les modalités de mise en _uvre les plus appropriées.

L'avenir du monde appartient à la formation, à condition de donner à cette notion une dimension nouvelle en terme d'éducation du citoyen au savoir, au savoir-faire et, concept nouveau et mal défini encore, au savoir-être. L'éducation et la qualification sont devenues des éléments essentiels de l'employabilité des individus, mais aussi de la compétitivité des entreprises et des nations. Cette nécessité d'investir toujours plus dans l'éducation, aussi bien initiale que « tout au long de la vie », selon l'expression de Jacques Delors, qui lui-même se faisait l'écho d'une idée chère à Condorcet, conduit à la hausse continue des dépenses globales liées à l'éducation de la part des instances politiques publiques, mais aussi, de plus en plus fortement, des entreprises et des personnes. L'importance croissante de la formation et de l'investissement dans ce domaine se traduit au niveau mondial par une place dangereusement grandissante du secteur privé, en concurrence du service public. Le marché de l'éducation dans son ensemble est évalué aujourd'hui par l'Unesco à 2 000 milliards de dollars.

Du côté de la demande, le caractère toujours plus stratégique de l'éducation fait que les entreprises et les personnes sont prêts à payer pour « acheter » de la formation. Du côté de l'offre, le secteur privé voit s'ouvrir un marché colossal : le nombre d'étudiants est passé, de 6,5 millions en 1950 à 51 millions en 1980 et sans doute à plus de 90 millions aujourd'hui. De nombreux Etats se sont déjà largement engagés dans l'exploitation de cette demande croissante de formation. L'explosion des technologies de l'information et de la communication contribue fortement à cette évolution  des stratégies : la diffusion de « biens éducatifs » est en progression vertigineuse, et la mondialisation des marchés donne un coup de fouet à leur commercialisation.

Il est devenu essentiel à l'aube de ce XXIe siècle de s'interroger sur les voies praticables de l'accès à l'éducation pour les générations présentes et à venir. C'est une des raisons pour lesquelles, lors du sommet européen de Lisbonne des 23 et 24 mars 2000, les chefs d'Etats et de gouvernements ont émis le souhait de faire de la société du savoir et de la formation tout au long de la vie un des piliers de l'Europe de XXIe siècle.

A l'évidence, deux dangers, dont les effets se conjuguent, guettent l'espace francophone : l'extinction progressive de la langue française, comme de nombreuses autres langues, ainsi que le souligne le linguiste Claude Hagège dans son dernier ouvrage, Halte à la mort des langues, du fait de la domination incontournable de l'anglais, et la montée en puissance de la commercialisation de la formation au niveau international. Il est par conséquent indispensable d'envisager les conséquences de cette évolution, d'une part sur la liberté et l'épanouissement de l'individu par le puissant levier de l'éducation, mais aussi, et ces concepts sont liés, sur la science, l'économie et la culture. Car, comme l'affirme le Ministre de la Coopération et de la Francophonie, la culture à elle seule ne peut pas inverser les rapports de force ; pour faire face aux moyens considérables mobilisés par les autres nations, la puissance économique et scientifique est déterminante.

L'étude et la réflexion qui font l'objet de ce présent rapport tendent à envisager la place et le rôle de la France face à ce nouveau défi, notamment pour tenter d'en apprécier les enjeux pour l'espace francophone. La France doit avoir sa place dans ce marché tout en préservant son héritage humaniste et la force de son exception culturelle. Il est encore temps pour elle d'affirmer sa différence dans la politique d'échange et de partage des savoirs. C'est pourquoi, outre les observations et les remarques que m'ont inspirées lectures et auditions, j'ai tenu à formuler des propositions concrètes pour promouvoir la Francophonie à travers l'enjeu formidable que représente l'éducation en ce début de XXIème siècle.

I - ÉDUCATION ET FRANCOPHONIE

A - La Francophonie : un défi d'actualité

1) Les enjeux liés à la survie de la langue française

La Francophonie est devenue ces dernières années un thème d'actualité. Le constat est sans appel : la place de la langue française dans le monde est en recul. Les causes en sont connues, il s'agit d'abord du dernier conflit mondial et de ses conséquences, notamment la prédominance acquise par les Etats-Unis, et, donc par l'anglais, dans le domaine des sciences et surtout de la technologie. Ensuite, de l'apparition sur la scène internationale de nouvelles nations, soucieuses les unes et les autres de cultiver leur propre langue. Le cas des pays du Maghreb est typique à cet égard. Enfin, cela tient à un phénomène social, à savoir la disparition progressive des anciennes élites, attachées à un type de culture universelle dont le français était l'expression, ainsi qu'à certaines traditions d'enseignement ou de pensée qu'il véhiculait.

On comprend que les élites de ces pays s'en émeuvent, et que les milieux gouvernementaux eux-mêmes aient fini par s'en préoccuper, avec, il est vrai, un retard important. Il est le reflet de la croyance en la persistance d'une situation privilégiée du français, héritage de plusieurs siècles, et dont on a peine à imaginer la disparition. Plus encore, il reflète une méconnaissance générale des enjeux du problème linguistique.

a) un enjeu culturel

Le premier enjeu est culturel. La culture est en effet intimement liée à la langue. Cette dernière n'est pas seulement le véhicule de la pensée ; elle plonge ses racines dans l'histoire des peuples, voire dans leur inconscient. Elle exprime des traditions collectives, des modes de vie, des façons de concevoir le monde et les rapports sociaux. Elle traduit enfin, à travers le droit et les règles institutionnelles ou personnelles qui en découlent, les modalités selon lesquelles ces rapports se sont organisés dans le cadre d'une structure sociale. Certes, la culture ne se réduit pas à la langue, mais celle-ci n'en reste pas moins le fil directeur permanent, et, en quelque sorte, l'axe de référence.

b) un enjeu scientifique

Contrairement à beaucoup d'idées reçues, le maintien de la langue française constitue également un enjeu scientifique : la pensée scientifique, sous toutes ses formes, est fille de l'esprit créateur de l'homme, au même titre que la culture. Traiter de questions scientifiques dans une langue étrangère conduit dans une certaine mesure à adopter les attitudes de pensée et les démarches intellectuelles de la civilisation dont elle est l'expression. La science n'échappe pas à ce transfert d'influence qui de plus s'accompagne souvent de nos jours d'un transfert de technologie, sinon immédiat du moins indirect. On ne saurait douter, à cet égard, des bénéfices, notamment financiers, qu'ont tirés et que tirent les centres de recherche américains, et tous les organismes ou entreprises qui leurs sont liés, de l'emploi devenu prépondérant de leur langue : de nos jours, les termes scientifiques sont souvent créés en anglais. Ils désignent des éléments ou des concepts qui trouvent difficilement des traductions en français. C'est pourquoi cet enjeu est déterminant. Il l'est d'autant plus qu'il ne concerne pas seulement les « sciences de la vie et de la nature », mais aussi les sciences juridiques , économiques et politiques, sans oublier les sciences humaines, où notre pays a longtemps occupé une place éminente.

c) un enjeu économique

Le troisième enjeu concerne le rôle de la langue dans la vie économique notamment le commerce, la gestion et les professions de service.

Lorsque la préoccupation première est de produire ou de vendre, et de le faire vite, on est naturellement tenté de se contenter du mode de communication qui apparaît le plus commode, et en l'espèce, de l'anglo-américain. D'autant que ce dernier se trouve bénéficier, précisément dans ce domaine, d'une primauté, voire d'une sorte d'exclusivité d'ores et déjà acquise. L'exigence culturelle peut difficilement ici faire contrepoids, alors que le seul but est la compréhension immédiate et la réussite concrète.

Cette « complaisance » n'est cependant pas sans péril. Car s'il est vrai que le commerce dépend de bien d'autres facteurs que la langue, c'est un fait non moins évident que la marchandise suit souvent la langue. Ainsi, la domination de l'anglo-américain constitue-t-elle dans l'immédiat un atout puissant, quoique indirect, de valorisation des productions en provenance de l'hémisphère occidental, et donc un facteur non négligeable de concurrence sur le marché international, indépendamment de la qualité des produits. Ce phénomène est présent dans l'espace francophone lui-même, et c'est pour cette raison, parmi d'autres, que « les pays ayant le français en partage » tiennent à son maintien, voire à son élargissement géographique. Le déclin du français dans les pays étrangers prive les entreprises françaises, en dépit de leurs efforts et de leur compétitivité, d'un attrait et de débouchés qui leur seraient spontanément acquis. Ce handicap est encore aggravé par l'usage que les hommes d'affaires - voire les diplomates - ont tendance à faire, toujours dans un souci d'efficacité à court terme, de la langue anglaise, usage compréhensible, mais qui ne peut, à moyen terme, qu'accréditer l'image d'une supériorité technique, et jouer contre leurs propres intérêts.

d) un enjeu politique

L'enjeu politique lié au maintien de l'usage du français est capital. La langue est partie intégrante du patrimoine national d'un pays, au même titre que son territoire, ses paysages ou son histoire ; la défendre, c'est défendre l'indépendance nationale. Vérité plus éclatante encore pour la France : certaines nations se sont affirmées avant tout par la puissance des armes ; d'autres par le commerce ou l'expansion économique, d'autres encore par la religion ; mais peu de pays ont autant que la France puisé l'essentiel de leur prestige dans la vie intellectuelle.

Aujourd'hui encore, tous les observateurs s'accordent à reconnaître l'importance de l'usage du français. La francophonie dépasse de loin les frontières de l'Hexagone. Elle est présente dans de nombreux pays d'Afrique et du Maghreb - ces deux régions regroupant 46,3 % de la population francophone sont aujourd'hui l'avenir de la francophonie -, aux Antilles, à la Réunion à l'île Maurice, au Canada, aux Comores, à Haïti, dans une partie du Proche-Orient. Elle touche également les nombreuses collectivités qui gardent jalousement l'usage du français : la Wallonie, plusieurs cantons suisses, la Louisiane, le val d'Aoste et, naturellement, le Québec. Qu'attendent ces membres de la « famille francophone » ? Un enrichissement, qui n'exclut pas la culture de leur langue nationale, un accès à l'universalité, y compris sur le plan scientifique, une symbiose culturelle, sur une base de réciprocité qui témoigne du rayonnement persistant de la pensée française et la signification qu'on lui attribue sur le plan des valeurs humaines, notamment en matière de droits de l'homme. Ce sont de telles préoccupations qui ont inspiré le président Léopold Sédar Senghor lorsqu'il a proposé de constituer une communauté francophone organique, c'est-à-dire soutenue par des institutions. Malheureusement, ce grand projet tarde à se concrétiser.

2) La défense de la langue française : archaïsme ou nécessité ?

L'idée de défense de la langue française soulève nombre d'objections.

La première a trait à l'opportunité même d'un tel combat. Pour certains, elle s'inspirerait d'un nationalisme dépassé, voire d'un chauvinisme de mauvais aloi. Le goût de la facilité et une certaine résignation se conjuguent ici avec le thème de la mondialisation et de la modernité ; l'espéranto correspondait jadis à cette tentation, l'anglais a désormais pris sa place, avec la complaisance d'une partie des élites françaises.

Certes, le phénomène « national » n'est pas immuable, ni éternel. Il évolue avec le temps. Faudrait-il, cependant, le rejeter déjà de notre univers ? Comment nier qu'en dépit du nivellement provoqué par les techniques il ne cesse de resurgir, parallèlement au resserrement des dépendances, comme si les peuples, à mesure qu'ils subissent un processus d'uniformisation, n'avaient rien de plus à c_ur que de rechercher et de retrouver leurs racines ? La conscience d'un patrimoine universel n'exclut nullement celle d'un patrimoine particulier. Elle le suppose, au contraire.

L'autre objection concerne plus particulièrement le vocabulaire. La langue française, parce qu'elle est vivante, s'est progressivement enrichie au cours de son histoire de nombreux emprunts étrangers : le latin, le grec, l'allemand, l'arabe, l'espagnol, l'italien ou encore les langues régionales. Il est logique que l'anglais constitue une source d'enrichissement de la langue française. Ce dernier avait d'ailleurs largement puisé après la conquête normande dans le vocabulaire français.

L'osmose est inévitable, même bénéfique. Une langue, tout comme une pensée, une science ou une économie, ne peut subsister vraiment, et encore moins rayonner, en vase clos. Pourtant, il faut distinguer ce qui est influence, fruit d'une assimilation réalisée sur une période de temps relativement longue, et ce qui risque d'être une invasion, voire une colonisation. Assimiler tel ou tel terme étranger est, en effet, normal, voire souhaitable, mais cela n'a rien à voir avec le processus de substitution qui s'opère actuellement au profit de l'anglais, sans motif autre que le « réalisme économique », la facilité ou le snobisme publicitaire.

Il ne faudrait par ailleurs pas négliger les apports que peut susciter le rapprochement des diverses familles francophones. Il est dans le français du Québec, celui de la Wallonie, celui de divers peuples africains, de multiples vocables oubliés, ou récemment créés, qui pourraient être réintroduits avec profit.

3) Des actions à mener à l'intérieur et à l'étranger

La cause du français n'incite pas encore, malgré les aspects préoccupants de la situation présente, à des pronostics pessimistes. Il faut pourtant agir, à la fois en France et à destination de l'étranger

a) des actions intérieures

Cet aspect n'a pas vocation à être développé dans le cadre de ce rapport. Quelques pistes peuvent cependant être tracées. Il importerait notamment de sensibiliser l'opinion publique au sort de la langue française, d'améliorer les moyens de diffusion de la pensée des auteurs francophones - en particulier l'allègement des obstacles à l'édition des textes - de veiller davantage encore à l'enseignement du français à l'école primaire et au collège...

Naturellement, il serait excessif d'imputer à l'État - ou plutôt, à tous les États qu'intéresse la francophonie - l'ensemble des tâches qu'elle suppose et des besoins auxquels elle doit répondre.

Le succès de la cause du français dépend aussi :

- du militantisme des entreprises privées. Elles doivent prendre conscience qu'en servant la langue elles n'accomplissent pas seulement un devoir national mais servent aussi leur intérêt commercial ;

- de grandes institutions comme l'Alliance française et la Mission laïque qui, à l'étranger, jouent depuis longtemps déjà un rôle important dans l'enseignement de la langue et dans la promotion de la culture française ;

- enfin, et surtout peut-être, des médias (radio, télévision, presse écrite) car ils jouent auprès du public un rôle important dans la transmission de la langue et de la culture.

La responsabilité de ces différents intervenants est essentielle, notamment quant au rôle qu'ils pourraient jouer pour empêcher, à travers la dégradation du langage, celle de toute une culture, et la transformation de la France en « colonie culturelle ».

b) des actions extérieures

L'union des nations qui ont en commun l'usage total ou partiel de langue française est une priorité. Un enjeu à la fois culturel et politique s'y attache. Les avancées significatives obtenues lors des derniers sommets des chefs d'Etat et de gouvernement de la francophonie, sont à cet égard encourageantes. Un certain nombre d'actions y ont été envisagées dans des domaines aussi importants que l'informatique, la communication, la création de banques de données, les industries de la langue, la collaboration en matière de création télévisuelle, d'éducation, de formation, etc. Il faut souhaiter que cette volonté persiste et que la mise à disposition de moyens financiers suffisants permette leur concrétisation.

L'intensification des échanges économiques français avec le reste du monde, accompagnée d'une meilleure connaissance du potentiel des entreprises françaises est une condition essentielle de la sauvegarde et de la défense de la langue à l'étranger. Les remarquables progrès accomplis dans les domaines industriels de pointe, dans la qualité des exportations, constituent, d'ores et déjà, autant d'atouts pour la propagation de la langue, si les entreprises elles-mêmes acceptent de servir ce dessein.

Education et maintien de la langue française sont liés. Ils conditionnent l'avenir des générations futures. La France dispose à l'étranger de plusieurs réseaux de qualité - l'Agence pour l'Enseignement Français à l'Etranger (AEFE), les Alliances françaises, la Mission laïque notamment. Cependant, face à l'énorme développement du secteur éducatif « marchand » - le « marché de l'éducation » -, il apparaît indispensable de procéder à une évaluation de ces dispositifs. Il s'agit aussi bien des établissements français implantés à l'étranger, que de ceux qui accueillent des étudiants étrangers en France et de ceux que fréquentent les élèves français pour acquérir une formation pluri-culturelle et internationale.

Alors que de l'aveu même des dirigeants de la Francophonie institutionnelle, la pratique du français se maintient encore dans les pays d'Afrique, l'Union européenne est une zone où le français est en grave difficulté1. Elle exige un effort global, en prenant d'abord pour point d'appui les organismes communautaires C'est ainsi que dès à présent, la diversification de notre enseignement linguistique s'impose comme une priorité. Chacun sait que l'anglais tient la première place. Mais ces raisons essentiellement pratiques et utilitaires ne justifient pas un tel engouement. Il n'est pas raisonnable de négliger l'allemand, langue de notre principal partenaire commercial, ni l'espagnol, langue internationale dont l'importance est croissante, ni non plus le portugais, l'italien, et pourquoi pas aussi le russe ou l'arabe. La place du français sera d'autant mieux reconnue dans les pays voisins, voire accrue, que nous aurons donné l'exemple de notre volonté d'apprendre au moins en seconde langue et, si possible, en premier lieu, celle d'un de nos partenaires européens. La défense du français passe par le plurilinguisme, assorti naturellement de réciprocité. Il conviendrait d'intégrer cette dernière dans le dessein global de notre politique culturelle et linguistique.

B - L'éducation : reflet et vecteur de l'influence culturelle

1) Rayonnement d'un pays et attrait de son système éducatif

Les récents processus de mondialisation ont créé un environnement nouveau qui pèse particulièrement sur le secteur éducatif. On assiste depuis une vingtaine d'années à une internationalisation croissante des cursus de formation et des établissements d'enseignement. Comme le souligne M. Charles Josselin, Ministre délégué à la coopération et à la francophonie, « cette mondialisation de l'éducation s'effectue essentiellement au profit des Etats-Unis ». Non seulement leur offre éducative séduit un nombre croissant d'étudiants étrangers, mais leur modèle éducatif connaît une diffusion sans précédent : d'abord dans le monde anglo-saxon - principalement au Royaume-Uni et en Australie - puis dans les pays d'Europe et d'Asie.

De nombreux éléments, notamment chiffrés, corroborent cette analyse. Une récente étude de l'UNESCO montre que les Etats-Unis accueillent actuellement plus du tiers des 1,7 million de jeunes qui étudient hors de leur pays d'origine, soit plus de 500 000 étudiants. L'Europe est la deuxième destination de ces jeunes, encore convient-il de noter la place particulière du Royaume-Uni dans les échanges universitaires entre pays européens. Dans le cadre du programme Erasmus, les pays de l'Union européenne accueillent chacun un nombre d'étudiants très proche de celui des jeunes qu'ils envoient dans les établissements d'autres pays européens, ce qui n'est pas du tout le cas du Royaume-Uni. Il a accueilli pour l'année 1998/1999 21 271 étudiants dans ses Universités, alors que seulement 9 994 étudiants britanniques ont profité du programme Erasmus. Ce déséquilibre est significatif du choix délibéré des étudiants européens pour la découverte du système éducatif anglo-saxon. Le nombre d'étrangers poursuivant leurs études au Royaume-Uni a doublé en quelques années pour atteindre 200 000. En Australie, l'attrait pour les études supérieures anglo-saxonnes est tel que l'accueil des étudiants étrangers constitue la première source de devises du pays.

Le marché éducatif mondial a connu ces dernières années une croissance de l'ordre de 10 % par an. Il est évalué aujourd'hui par l'Unesco à 2 000 milliards de dollars, soit un vingtième du PIB planétaire. Le secteur privé n'en capterait actuellement qu'un cinquième environ. Il faut noter que les différents systèmes éducatifs ont inégalement profité de cette croissance. La France a été tenue à l'écart de ce « boom éducatif » : le nombre d'étudiants étrangers y a diminué de 10 % entre 1990 et 1997, pour atteindre un minimum de 150 0002. Manifestement, les établissements français d'enseignement supérieur sont moins attractifs que leurs équivalents anglo-saxons. Jacques Verclytte, directeur de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), ainsi que plusieurs interlocuteurs de la Direction Générale de la Coopération Internationale et du Développement, au Ministère des Affaires étrangères (DGCID), ont évoqué le cas des élèves issus du réseau des lycées français de l'AEFE : nombreux sont ceux, surtout parmi les élèves étrangers, qui préfèrent poursuivre leurs études supérieures dans des universités anglo-saxonnes, plutôt qu'en France. Un suivi du devenir des anciens élèves du réseau AEFE, permettrait d'évaluer l'ampleur de ce phénomène qui n'est pas contesté par les autorités de tutelle.

Ce lien entre l'influence d'un modèle culturel et l'attirance pour un système d'enseignement supérieur s'explique par un ensemble de facteurs.

D'abord, il semble évident que la mondialisation s'apparente à une « américanisation » : le succès du modèle américain, de son économie, de ses marques, de ses produits culturels exerce une séduction certaine pour tout ce qui provient d'outre-Atlantique. Le rêve américain est vivace : il est un moteur d'exil pour les plus pauvres, comme le montre la persistance de l'immigration clandestine. Il est également attractif pour les populations plus favorisées qui pensent pouvoir faire fortune plus rapidement dans ce nouvel eldorado - dont la « fuite des cerveaux » est une des manifestations - ou qui estiment qu`un séjour aux Etats-Unis, afin de s'imprégner des « méthodes » américaines, serait la clé de leur succès.

L'engouement pour les universités anglo-saxonnes est également dû à l'intérêt que tout étudiant accorde à la maîtrise de la langue anglaise, C'est pourquoi la mondialisation de l'éducation profite à tous les grands pays de langue anglaise : Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni, Australie et Nouvelle-Zélande. La langue anglaise est de plus en plus souvent la seule langue étrangère étudiée par les étudiants non anglophones, et les établissements d'enseignement supérieur des pays anglo-saxons sont donc les seuls dans lesquels ils peuvent poursuivre une scolarité. Même lorsqu'ils ne maîtrisent pas totalement la langue anglaise, ils font le pari qu'un séjour universitaire dans un pays anglo-saxon leur permettra d'acquérir un bon niveau dans cette langue, souvent considérée comme un passeport indispensable pour le monde du travail. C'est ainsi que face à cette hégémonie, les pays dont l'enseignement se déroule dans d'autres langues, dont le français, risquent d'être écartés du développement global du « marché de l'éducation », c'est-à-dire in fine mis en marge de la scène internationale. Il est donc vital pour l'avenir de la francophonie de prendre en compte le rôle prépondérant de l'éducation.

Le lien le plus fort entre l'attirance pour le modèle anglo-saxon et le succès de son système d'enseignement supérieur réside dans les valeurs mêmes qu'il véhicule. Les universités américaines dispensent dans la plupart des cas un enseignement fondé sur le pragmatisme et l'utilitarisme, autant de valeurs aujourd'hui privilégiées par la jeunesse et expliquant le succès des « business schools » américaines. Par ailleurs, comme l'a mis en exergue M. Raoult, président d'EduFrance, les universités anglo-saxonnes soignent particulièrement bien l'accueil des étudiants en général, ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas des université françaises. Ceux-ci disposent d'installations éducatives, sportives et de campus bien équipés. Une véritable attention individuelle est apportée à chaque étudiant par le corps professoral et l'administration. En revanche, la scolarité est généralement très onéreuse, alors qu'elle est le plus souvent quasiment gratuite en France, même pour les étudiants étrangers : la différence d'attrait des deux systèmes, en dépit de l'avantage objectif de la gratuité des droits d'inscription et de la qualité du service public d'éducation français, s'explique aussi par une supériorité manifeste des anglo-saxons dans l'art de la communication et de la publicité.

2) Les dangers liés à une approche purement économique de l'éducation

L'idée de lier la notion de compétitivité, généralement associée à des problématiques économiques, à l'activité éducative est relativement récente en France. Mais avec le phénomène de mondialisation de l'économie, on assiste à l'émergence d'un véritable « marché » international de la formation, sur lequel on observe des flux de consommateurs (les étudiants) cherchant une offre éducative susceptible de satisfaire leur demande. Ainsi, on peut poursuivre l'analogie avec les « marchés économiques » et constater qu'il existe des pays importateurs et des pays exportateurs d'étudiants. Certaines nations sont depuis déjà longtemps conscientes de l'importance économique et commerciale liée à la formation dans leurs établissements d'enseignement supérieur des étudiants étrangers. Ils profitent des besoins de formation se manifestant dans certains pays en voie de développement, pour proposer des réponses adaptées et exporter leur savoir faire éducatif.

Aujourd'hui, tous les éléments d'une analyse économique classique sont donc réunis, avec un marché, une concurrence entre acteurs et un impératif de compétitivité. Quelques chiffres permettent d'illustrer ces tendances : au niveau mondial, il y a quatre millions d'enseignants, 80 millions d'élèves, dont 1,7 million étudient hors de leur pays d'origine, 320 000 établissements scolaires, 2 000 milliards de dollars de dépenses annuelles par les acteurs publics et privés, une croissance annuelle de 11%.

Nombreux sont ceux aujourd'hui qui dénoncent les dérives inhérentes à la « marchandisation galopante » de l'éducation. Dans une récente communication, M. Ricardo Petrella, Conseiller à la Commission européenne et Professeur à l'Université catholique de Louvain, s'inquiète : « L'éducation pour la "ressource humaine" a pris le pas sur l'éducation pour et par la personne humaine ». Il estime en effet que sous l'influence des systèmes de valeurs définis et promus par les écoles de management à l'américaine, axés sur des impératifs de productivité et de performance compétitive, le travail humain a été réduit à une ressource. A partir du moment où l'éducation doit servir surtout à former des "ressources humaines" qualifiées et flexibles dont les entreprises ont besoin, la logique marchande et financière du capital privé ne peut que s'imposer dans la définition des finalités et des priorités de l'éducation. Ce phénomène touche en premier lieu les Etats-Unis : sous l'impulsion des conceptions reaganiennes et de l'explosion du secteur informatique et multimédia, l'éducation est clairement envisagée comme un marché. Ce n'est pas un hasard si depuis 1999 un « Marché mondial de l'éducation » se tient chaque année à Vancouver au Canada, pays dont le système éducatif est très influencé par celui de son voisin américain.

Il semble bien que la « marchandisation » de l'éducation soit reconnue par un nombre croissant d'acteurs : Etats, étudiants et familles, entreprises.

Les discours libéraux sur l'éducation sont de plus en plus courants, aussi bien au sein des entreprises que d'institutions telles que la Banque mondiale, l'Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE), l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et même la Commission européenne. L'OMC en particulier souhaiterait instaurer un véritable libre-échange3 dans le domaine de l'éducation4. Cette dernière figurait en effet dans la liste des services à l'ordre du jour des négociations de Seattle en décembre 1999, conformément à l'accord signé à ce sujet en décembre 1994 à Marrakech (l'AGS, Accord Général sur le Commerce et les Services). M. Thierry Simon, délégué aux relations internationales et à la coopération au Ministère de l'Education nationale analyse les conséquences fâcheuses d'une libéralisation des services éducatifs au niveau mondial. Il donne l'exemple du Massachusetts institute of technology (MIT) qui vient de mettre en ligne gratuitement tous ses cours, le diplôme pouvant ensuite être obtenu moyennant le paiement d'un droit de passage des épreuves : il est tout à fait possible qu'en vertu des règles régissant l'OMC, l'Etat français soit à terme contraint de rembourser un étudiant français qui opérerait une telle démarche. Le service public de l'éducation consisterait alors seulement à fournir à chaque citoyen un droit monétaire à une formation, proche du système des « vouchers » que les républicains américains voudraient imposer dans l'école secondaire5 et qui fait déjà l'objet de projets pilotes.

L'échec des négociations de Seattle a permis d'éviter, momentanément du moins, l'application de telles règles. Cependant, leur poursuite requiert la plus grande vigilance de la part des participants français.

Il convient cependant de se garder des simplifications hâtives en ce qui concerne la « marchandisation » de l'éducation.

Il faut d'abord remarquer que celle-ci n'est pas un phénomène entièrement nouveau : les éditeurs de manuels scolaires ou de matériel parascolaire se sont depuis longtemps positionnés sur le marché, de même que certains secteurs de la formation, notamment la formation continue, sont en grande partie assurés en collaboration avec le secteur privé. Le service public de l'Education nationale entretient avec les entreprises des relations anciennes, tant pour les coopérations de nature pédagogique que pour les besoins de la formation professionnelle6. Aujourd'hui, on assiste à des mutations pour le moins inquiétantes ayant notamment pour conséquence la mise en concurrence des établissements. Les palmarès, le discours managérial ainsi que certaines politiques d'établissement qui privilégient les actions visibles et immédiatement lisibles de l'extérieur (les effets de vitrines) se font souvent au détriment de l'égalité de l'accès à l'information et du travail pédagogique en profondeur.

D'autre part, les mutations en cours dans l'éducation nationale correspondent à l'évolution des aspirations sociales, aux changements économiques. L'école en France est fort heureusement très loin d'être envahie par les marchands. Mais il ne faut pas oublier que l'éducation constitue un marché attractif pour les entreprises investissant dans le multimédia et l'enseignement numérique. Celles-ci participent au déplacement - voire à l'effacement - de la frontière entre la sphère éducative et la sphère privée. Or, l'éducation n'est pas un produit banal qu'on vend, négocie et achète simplement sur un marché : c'est aussi un des fondements de la citoyenneté, de la vie démocratique et du lien social. Ne plus penser l'éducation qu'en terme de marché serait, comme le souligne D. Rallet pour l'Institut de Recherche de la Fédération Syndicale Unitaire (FSU), « une démission politique sans précédent ». Loin de provoquer un retrait de la puissance publique, la mondialisation de l'éducation, qui se caractérise à la fois par la « marchandisation » des services éducatifs, la mise en compétition des systèmes pédagogiques au niveau mondial et la plus grande mobilité des étudiants, suppose pourtant en France un renouvellement de l'engagement de l'Etat. C'est l'évolution choisie par la France depuis 1998. La création de l'Agence EduFrance en 1998 à l'initiative des ministres Claude Allègre et Hubert Védrine a pourtant été fortement critiquée : elle avait été en effet perçue comme une tentative de « vente » du système éducatif français. On peut néanmoins estimer qu'elle constitue une réponse mesurée et raisonnée à l'actuel défi mondial de l'éducation. Il convient de la développer en redéfinissant ses missions.

3) L'éducation, vecteur d'influence

a) l'éducation, véhicule des valeurs de la francophonie

Si la France souhaite à l'avenir éviter une possible marginalisation de l'ensemble des valeurs fondatrices de la République, elle doit relever le défi que représente la mondialisation de l'éducation. Le succès du système d'enseignement supérieur anglo-saxon ne fait en effet qu'accentuer l'influence du modèle américain, or la francophonie est porteuse de valeurs fondamentales dont l'éducation est un véhicule privilégié. C'est un atout incontestable qu'il convient d'exploiter au plus vite.

Ces valeurs peuvent être regroupées autour de deux réalités apparemment opposées mais en fait complémentaires : l'universalité et la diversité. En effet, le moteur de la francophonie est le français, langue d'une culture qui a porté les idéaux de l'universalisme. Cette culture a été au cours des siècles diffusée dans le monde entier et elle est aujourd'hui à bien des égards symbole de diversité et de pluralité. Comme l'affirme avec force Stélio Farandgis, secrétaire général du HCF, « la francophonie ne se présente nullement comme un concurrent au modèle américain ». Il considère que sa nature est différente et qu'en présence du risque d'uniformisation actuel, elle peut constituer une alternative fondée sur le « dialogue des cultures ». Ce thème a d'ailleurs été retenu pour le prochain sommet des chefs d'Etat de la francophonie à Beyrouth en octobre 2001.

La défense des valeurs de la francophonie face au « rouleau compresseur » américain est l'une des préoccupations de notre diplomatie, comme en témoignent les récents débats sur l'exception culturelle dans le cadre communautaire et lors des négociations commerciales mondiales. Il apparaît néanmoins indispensable de considérer les valeurs morales et culturelles portées par la francophonie de manière offensive et non plus défensive. La mise en valeur des outils éducatifs français doit donc constituer une priorité. Il est impérieux d'être présent sur le « marché mondial de l'éducation », même si l'on réfute a priori ce concept, dans la mesure où les valeurs francophones ne sont pas des valeurs innées, mais acquises et devant être défendues.

b) la formation : un pari sur l'avenir

Education et culture étant intimement liées, la politique éducative extérieure de la France devrait d'abord favoriser la diffusion et le soutien de sa culture et de sa langue. Mais il ne faut perdre pas de vue que l'éducation est aussi un vecteur d'influence économique et commercial : la patrie de Voltaire et Victor Hugo est aussi le quatrième exportateur mondial.

La compétitivité de l'économie française dépend aussi de la capacité d'ouverture de son système éducatif, d'enseignement supérieur notamment, mais aussi d'enseignement secondaire, technique, professionnel et à distance... Accueillir des étudiants étrangers, même non francophones c'est permettre aux futurs cadres moyens et supérieurs de connaître et d'apprécier la France, mais c'est aussi permettre aux entreprises françaises à l'étranger de trouver les personnels dont elles ont besoin. La capacité de nos établissements d'enseignement supérieur à prendre en compte la dimension internationale est une donnée fondamentale : il est indispensable de disposer de décideurs, de cadres techniques ou commerciaux... formés à la française mais aptes à comprendre la mondialisation.

C - L'éducation : un domaine dans lequel la Francophonie est encore trop peu présente

1) Des réalisations réelles

La francophonie multilatérale est partie prenante dans le secteur de l'éducation, un domaine d'intervention naturel de ses institutions. En effet, comme le rappelle Stélio Farandgis, la francophonie, fondée sur le partage d'une langue, le français, possède avant tout une forte dimension linguistique et il est clair que le développement de l'utilisation d'une langue passe d'abord par une politique ambitieuse d'apprentissage. De plus, aire de solidarité entre pays du Nord et du Sud, la francophonie multilatérale conduit de nombreuses actions de coopération et d'aide au développement, plus particulièrement dans le domaine de l'éducation où les pays du Sud ont de gros besoins.

L'opérateur principal de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), est l'Agence internationale de la francophonie (AIF)7. Celle-ci réalise de nombreuses actions dans le domaine de l'éducation. Langue, culture et éducation constituent 60 % du budget de l'agence8. Elle a ainsi mis en place des programmes en faveur du développement de l'éducation de base, en étroite collaboration avec la Conférence des ministres de l'Education des pays ayant le français en partage (Confémen), afin d'aider les Etats membres à réformer et renforcer leur système scolaire par la formation des décideurs, du personnel d'encadrement et d'enseignement ainsi que par le développement et l'aménagement des cursus (éducation de base formelle et « informelle », c'est-à-dire hors système scolaire). L'AIF cherche aussi à aider les pays membres pour la mise en _uvre de politiques de formation professionnelle. Elle a également mis en place une véritable politique du livre, la pénurie d'ouvrages, notamment scolaires, constituant une entrave au développement du secteur éducatif dans les pays du Sud.

Certaines institutions de la francophonie multilatérale sont spécialisées dans l'éducation. Cela est évidemment le cas de l'Agence universitaire de la francophonie (AUF, ancienne AUPELF-UREF) qui est un opérateur direct de la francophonie. Elle est chargée de coordonner les échanges entre ses membres, soit 391 universités, instituts et centres de recherche. Elle intervient dans le domaine de la recherche scientifique, de la formation (notamment à distance en liaison avec TV5) et de l'information. Son siège est à Montréal, elle compte 11 bureaux régionaux. Elle est actuellement dirigée par Madame Michèle Gendreau-Massaloux.

L'AUF agit concrètement par la gestion de bourses CIME (cursus intégré pour la mobilité étudiante) qui permettent à des étudiants francophones d'effectuer une partie de leur scolarité en dehors de leur pays pour une période de 4 à 10 mois et d'en obtenir la validation dans leur établissement d'origine. L'AUF a également contribué à la mise en place de filières universitaires francophones, implantées dans des Universités dont le français n'est pas la langue de travail. Treize filières de ce type ont déjà été implantées dans les pays d'Europe centrale et orientale.

Autre opérateur officiel de la francophonie, ouverte en 1990, l'université Senghor (officiellement dénommée Université internationale de langue française au service du développement africain, ou UILFDA) est un établissement privé d'enseignement supérieur qui forme des étudiants dans des disciplines utiles au développement des pays du Sud. L'université reçoit de jeunes cadres déjà diplômés afin de les préparer à l'exercice de responsabilités dans plusieurs domaines d'activités (nutrition et santé, administration et gestion, environnement, gestion du patrimoine...).

Enfin, l'INTIF (institut des nouvelles technologies de l'information et de la formation) est un opérateur de l'Agence internationale de la francophonie. Son siège est à Bordeaux. Son action s'oriente dans trois directions qui touchent directement (promotion des technologies éducatives) ou indirectement (favoriser l'accès aux infrastructures multimédia, rôle d'information et de documentation) le domaine de l'éducation.

Enfin, même s'il ne s'agit pas strictement d'institutions de la francophonies, d'autres structures à vocation francophone agissent dans le domaine de l'éducation, notamment celles dont l'objectif est l'enseignement du français, telle que l'Alliance française. Cette dernière a été créée en 1883 avec pour objectif la diffusion de la langue française dans le monde. Présente dans 138 pays, l'Alliance se présente sur le terrain sous la forme d'associations de droit local, dont le conseil d'administration est généralement composé de notables locaux francophiles. L'Etat participe au financement des Alliances pour environ 10 % de leurs frais de fonctionnement d'après Jean Harzic, ancien directeur général de l'Alliance française. Par ailleurs, plus de 300 agents sont détachés dans les agences, même si Monsieur Harzic souligne que le lien avec la France a tendance à se distendre car le nombre de professeurs détachés est en diminution constante. Il a par exemple baissé de 40 % au Brésil en huit ans.

2) Une faible visibilité

Malgré l'action concrète des institutions multilatérales de la francophonie dans le domaine de l'éducation, il apparaît difficile de distinguer un espace éducatif francophone. En effet, l'action de la francophonie institutionnelle dans ce secteur, comme dans d'autres, semble irrémédiablement limitée par le manque de moyens. Même si 60 % du budget de l'AIF est consacré aux domaines de la langue, de la culture et de l'éducation, il ne s'élève qu'à 350 millions de francs par an, et celui de l'AUF dépasse à peine les 200 millions. Par comparaison, les crédits annuels de la direction de la coopération internationale et du développement (DGCID) du ministère français des Affaires étrangères sont de l'ordre de 9 milliards de francs. Les institutions multilatérales de la francophonie sont donc dans l'incapacité de mettre en place une stratégie d'ensemble pour le développement éducatif comparable à celle des Etats ou des institutions multilatérales chargées du développement (notamment l'UNESCO). Pour obtenir néanmoins une certaine lisibilité, elles devraient à l'avenir limiter leur action à un rôle d'impulsion et de coordination. Elles pourraient ainsi apporter une véritable valeur ajoutée dans deux domaines : la promotion de l'enseignement à distance et l'harmonisation des diplômes au sein de l'espace francophone.

L'enseignement à distance par l'utilisation des nouvelles technologies est en effet un domaine où les francophones sont très en retard par rapport au monde anglo-saxon. Une action concertée s'impose. Les institutions de la francophonie devraient être en mesure de jouer ce rôle : il ne s'agit pas de mener des actions à la place des institutions dont c'est le rôle naturel, mais de coordonner celles-ci9.

L'espace francophone se définit souvent comme une aire de solidarité et d'échanges. La mobilité des étudiants et des professeurs est un moyen de concrétiser cette ambition. Or, la barrière linguistique est bien souvent, avec le problème financier, le principal obstacle à ce type d'échanges. Dans l'espace francophone, par définition, celle-ci n'existe pas, ou très peu. Il serait donc souhaitable d'agir concrètement pour le rapprochement des étudiants francophones qui ont l'avantage de parler une même langue. Il sera montré par la suite combien la mise en _uvre du programme Erasmus a été bénéfique dans l'apparition progressive d'une identité commune chez les jeunes européens. Pourtant, l'obstacle linguistique est réel entre Européens, ce qui n'a pas empêché de mener une politique ambitieuse de rapprochement et d'harmonisation. Or, comme l'a souligné Pietro Sicouro, président de l'INTIF, une telle politique n'existe pas dans l'espace francophone. Il serait souhaitable que les pays membres de l'OIF fassent de la reconnaissance et de l'harmonisation des diplômes une des priorités de leur action, ainsi que l'a recommandé l'Assemblée régionale Europe de l'Assemblée parlementaire de la francophonie réunie à Budapest en mai 2001.

Enfin, le manque de visibilité de la francophonie en matière d'éducation tient aussi à la mauvaise image donnée un temps par la principale institution francophone chargée de ce domaine, l'Agence universitaire de la francophonie, ancienne AUPELF-UREF. En effet, la gestion de celle-ci a fait l'objet de nombreuses critiques - dérapage budgétaire, centralisation excessive, champ d'intervention trop vaste -, expliquant largement le déficit d'image de l'Agence y compris parmi ses propres membres. Une structure comme l'AUF ne peut en effet réussir contre ou à la place des universités ; elle doit au contraire s'appuyer sur ces dernières. Il faut cependant noter que la réforme en cours de l'AUF, initiée par son nouveau recteur depuis septembre 1999, Michèle Gendreau-Massaloux, est exemplaire. En effet, l'AUF a été le premier opérateur de la francophonie à avoir fait l'objet d'une évaluation en profondeur, laquelle a débouché sur une réorganisation administrative et statutaire lors de l'Assemblée générale de Québec les 18 et 19 mai 2001. La francophonie a montré à cette occasion qu'elle était capable de réviser ses propres démarches.

II - LE DÉVELOPPEMENT D'UNE OFFRE PLUS ATTRACTIVE ET COHÉRENTE

A - Forces et faiblesses des systèmes étrangers dans la compétition éducative internationale

1) Des stratégies diverses

Plusieurs démarches sont conduites actuellement pour la formation d'étudiants étrangers, comme l'a exposé Guilhène Maratier-Declety, directrice des relations internationales à la Direction générale de la formation pour le réseau d'établissements de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris (CCIP).

La première d'entre elles consiste à faire financer le système de formation supérieur national par les étudiants étrangers. L'Australie a choisi cette voie. Elle s'ouvre à des étudiants venant essentiellement du Sud-est asiatique où s'exprime une forte demande d'éducation liée à des offres locales insuffisantes. L'Australie défend donc les intérêts anglo-saxons dans cette région du monde et poursuit deux objectifs : financer son système d'enseignement supérieur et former des individus qui ont de fortes probabilités d'exercer des responsabilités dans les pays de cette zone. En effet, quel meilleur promoteur pour un pays que celui ou celle qui y a effectué ses études et passé une partie de sa jeunesse ?

Une seconde stratégie vise à former les élites d'origine étrangère, comme le font les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Allemagne.

D'autres approches, comme celle de la France, sont tournées vers la pérennisation d'une tradition d'accueil. Enfin, les pays émergents cherchent essentiellement à importer un savoir-faire étranger

2) Quelques exemples

La manière dont les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'Allemagne accueillent et forment les étudiants étrangers apparaît souvent riche d'enseignements pour la France.

a) les Etats-Unis : une attractivité sans stratégie d'ensemble

Le succès des universités américaines n'est pas une légende. Par rapport à d'autres pays, les « colleges » et universités américaines ont connu un grand succès dans l'accueil des étudiants étrangers. Ceux-ci constituent de 4 % (undergraduate, études de base en quatre ans) à 11 % (graduate) des effectifs selon le type de cursus. En conséquence, les Etats-Unis sont le pays qui attire le plus d'étudiants étrangers (490 933 en 1998-99) et l'évolution est à la hausse. En cinq ans, ce nombre a augmenté de 21 %, soit 70 000 étudiants en plus. De plus, les étudiants issus des pays émergents sont les plus nombreux : 42 % des étudiants étrangers viennent d'Asie.

Pourtant, ce succès est d'abord celui des établissements et de la politique de promotion de chacun d'eux. Il n'existe en effet pas de stratégie globale d'accueil des étudiants étrangers aux Etats-Unis. Le coût des études est le même pour les étudiants américains et étrangers, certains établissements demandent même des frais d'inscription plus élevés pour les étudiants étrangers afin de compenser les frais supplémentaires qu'ils engendrent. Ainsi 80 % des étudiants étrangers aux Etats-Unis disposent de leur propre financement. Les sommes mises à dispositions par le gouvernement américain et divers acteurs non-étatiques (fondations, commissions...) pour financer des bourses destinées aux étudiants étrangers les plus brillants sont relativement faibles.

Quant à la politique d'internationalisation des établissements américains d'enseignement supérieur, celle-ci est plutôt en déclin. Pendant toute la guerre froide, le gouvernement fédéral et certaines institutions ont financièrement incité à la mise en place de filières internationales, à l'apprentissage des langues vivantes... Les crédits destinés à ces programmes ont diminué, entraînant l'inquiétude de certains spécialistes. The American council on education par exemple déplore cette tendance et met en garde contre ses possibles effets sur la compétitivité internationale des Etats-Unis dans un monde globalisé. En effet, le succès de l'enseignement supérieur américain ne relève pas d'une stratégie d'internationalisation, il est d'ailleurs largement à sens unique, les étudiants américains étudiant très peu en dehors de leur pays.

b) la Grande-Bretagne : le succès d'une politique volontariste

Traditionnellement reconnu comme l'une des forces du système d'enseignement supérieur britannique, l'accueil des étudiants étrangers au Royaume-Uni est devenu au cours des dernières années l'une des priorités affichées du gouvernement. Le plus récent développement de cette politique concertée a été l'annonce par Tessa Blackstone (Ministre chargée de l'enseignement supérieur), en janvier 2000, d'un investissement de cinq millions de livres sterling pour soutenir la mise en place d'un programme à cet effet ("Education UK"), véritable stratégie commerciale des universités britanniques à destination des étudiants étrangers.

Géré par le British Council, le nouveau programme prend pour cible prioritaire les étudiants non ressortissants de la Communauté Européenne et se donne pour objectif d'accueillir sur le sol britannique 50 000 étudiants supplémentaires d'ici 2005 par rapport aux 117 290 étudiants étrangers hors Communauté européenne et aux 101 995 étudiants de la CE.

Le British Council est l'organisme dont s'est doté le Royaume-Uni pour toutes les questions relatives à la coopération éducative et aux échanges culturels internationaux. Placée sous la tutelle du Foreign & Commonwealth Office, l'action du Council s'articule sur la démarche affichée du gouvernement visant à promouvoir l'image du Royaume-Uni à travers le monde et, partant, à faciliter la création de relations commerciales et institutionnelles avec d'autres pays. Doté par ses statuts d'une grande souplesse d'intervention (tant administrative que budgétaire), le British Council s'appuie sur une infrastructure solide autour d'un centre national implanté à Londres, d'une Agence à Manchester et d'un réseau de 243 établissements répartis sur 110 pays dans le monde.

On constate ainsi que l'action du British Council s'est infléchie au cours des dernières années, le traditionnel modèle de diffusion (linguistique et/ou culturelle) faisant place à une action plus volontariste privilégiant les modes de la promotion, de la médiation ou de la coopération. C'est peut-être dans le domaine éducatif que cette évolution est aujourd'hui la plus sensible : il s'agit moins désormais d'échanger des savoirs que de valoriser une ingénierie. L'enjeu devient en somme de promouvoir la valeur ajoutée de l'expertise britannique sur la scène internationale, ce qui se traduit notamment par la création de structures et outils ainsi que la constitution de réseaux ou de partenariats.

La redéfinition des priorités et l'importance allouée au secteur éducatif ont été l'occasion pour le Council d'une restructuration interne, en cours de réalisation à l'heure actuelle, qui vise à harmoniser au sein d'une même structure ("Education and Training services") des entités jusqu'ici dispersées (ainsi l'Agence de Manchester ou encore le Central Bureau, longtemps opérateur autonome des échanges scolaires). S'il est hasardeux d'évaluer aujourd'hui l'efficacité du nouvel organigramme, tout laisse à penser que l'effort de rationalisation entrepris ne pourra que renforcer un organisme à la compétence reconnue. Sa montée en puissance, dans le cadre d'une répartition juxtaposant des approches sectorielles, géographiques ou encore stratégiques, de services plus transversaux chargés de renforcer les liens entre le Council, ses antennes internationales et l'ensemble de leurs institutions partenaires (ministères et/ou établissements d'enseignement) est en tout cas significative.

Le premier de ces services est l'"Education Counselling Service" (ECS), qui soutient la politique extérieure du Council dans les domaines de l'éducation, de la formation, de la recherche et de la coopération scientifique et technique. Outre les implantations internationales du Council, ECS regroupe près de trois cents institutions éducatives britanniques, parmi lesquels des universités (enseignement supérieur et professionnel), des centres de recherche et des établissements privés. L'ECS aide les institutions membres dans la recherche de nouveaux marchés éducatifs ; il les assiste également dans le recrutement d'étudiants étrangers et aide ces derniers à trouver une place adéquate dans le réseau des établissements britanniques.

Afin de répondre à la demande des pays étrangers en matière d'éducation, le British Council a cherché par ailleurs à optimiser sa connaissance de l'offre britannique. Il s'appuie pour cela sur un réseau de spécialistes, les Associate Advisers. Ces experts, spécialistes d'un champ d'étude donné, sont recrutés pour trois ans (contrat renouvelable), et doivent être capables d'identifier les ressources en matière d'éducation et d'enseignement, dans leur domaine particulier, sur l'ensemble du territoire britannique (à la demande d'une institution ou d'un étudiant étranger). Les Associate Advisers peuvent recommander l'offre de l'institution dont ils sont issus, mais seulement s'ils peuvent prouver qu'elle est la mieux adaptée à la demande. Dans ce cas, ils doivent également proposer une alternative ; le British Council prend la décision finale. Lors de visites, officielles ou d'études, les Advisers émettent également des suggestions quant aux personnes à rencontrer ou aux institutions à visiter. Trois cents Advisers sont actuellement sous contrat avec le Council, les trois quarts d'entre eux proviennent de plus de 50 établissements supérieurs.

Le gouvernement britannique dépense un total de 58,2 millions de livres sterling, soit plus de 600 millions de francs, pour les différentes bourses, principalement destinées aux étudiants non ressortissants de l'Union européenne. En outre, les universités les plus riches offrent couramment des bourses d'étude ou de recherche aux étudiants étrangers afin d'attirer les plus brillants d'entre eux. Elles assurent ainsi leur rayonnement international (en particulier dans le domaine de la recherche).

L'accueil et le suivi des étudiants étrangers constituent une priorité du gouvernement britannique. Ce dernier a fait le choix d'une politique d'ouverture à valeur incitative à l'égard des étudiants étrangers, pour qui sont facilités l'obtention des visas (séjour et/ou travail), leur prolongation (il est désormais plus facile de rester sur le territoire britannique après l'obtention du diplôme et de trouver un emploi), enfin les démarches d'un éventuel conjoint dans sa recherche d'un emploi sur le territoire britannique. L'étudiant étranger étant d'abord considéré par son université d'accueil comme un « client », les établissements d'enseignement supérieur ont résolument suivi les initiatives gouvernementales et développé leur propre stratégie de communication et de marketing. Chaque université publie chaque année un livret au design attrayant qui comporte un descriptif du campus, des cursus et des programmes, ainsi qu'une section réservée aux étudiants internationaux détaillant l'offre proposée (logement, avantages, bourses éventuelles, réseau d'anciens élèves). Ce livret, et bien d'autres services, sont également accessibles sur Internet ; toutes les universités possèdent un site web très soigné qui fonctionne comme un outil de promotion accessible au public international. Il est à noter que l'offre proposée ne se limite pas au seul aspect académique, mais comporte également des services tels que le logement, la vie associative, le suivi individuel, des liens privilégiés avec l'industrie locale (par exemple sous la forme de sponsoring dans certaines universités à dominante scientifique). A ce titre chaque université abrite un International Office dont le but est de renseigner les étudiants étrangers et d'assurer leur suivi tout au long de leur séjour au sein de l'université.

c) l'Allemagne : un système efficace mais non commercial

L'Office allemand d'échanges universitaires (Deutscher Akademischer Austauschdienst, DAAD), émanation des universités et fer de lance de la politique éducative allemande à l'étranger, a lancé une véritable offensive pour prendre part au marché international de la formation, notamment dans les pays émergents. Le gouvernement fédéral a substantiellement augmenté le budget du DAAD : il s'élève actuellement à plus d'1,5 milliard de francs, ce qui lui a permis de recruter plus de quarante personnes supplémentaires pour atteindre 500 employés. Disposant de 14 représentations à l'étranger, le DAAD utilise aussi le réseau des centres culturels allemands et des Goethe Institute. Le DAAD est financé à 55 % par le Ministère des Affaires étrangères, le reste provient du Ministère de l'Éducation (23,5 %), du Ministère de la Coopération économique, des Länder, de l'Union européenne, et même de partenaires privés.

Bien que l'agence ne dédaigne pas l'utilisation de techniques qui se rapprochent de celles du marketing, l'Allemagne ne recherche pas de retombées financières à court terme de l'accueil des étudiants étrangers. Les études y sont dans la plupart des cas gratuites pour les étrangers.

Un rôle important est également joué par les fondations en Allemagne : plus de huit mille d'entre elles permettent à de nombreux étudiants et chercheurs allemands de partir à l'étranger ou à des étrangers de venir en Allemagne : les plus prestigieuses sont la fondation von Humboldt, la Friedrich Ebert, la Robert Bosch. Elles s'adressent à l'élite de la recherche. Le Wissenschaftskolleg de Berlin, construit sur le modèle de celui de Princeton, est aussi à signaler.

Depuis trois ans, les établissements d'enseignement supérieur allemands ont créé plus de 300 cursus partiellement ou totalement en anglais dans toutes les disciplines (même en germanistique !) menant à des diplômes allemands et/ou avec des appellations anglo-saxonnes « bachelor » et « master ». Il y a aujourd'hui en Allemagne 165 000 étudiants étrangers pour une population estudiantine totale de 1,8 million, contre seulement 141 000 en 1995.

Si ce pourcentage d'étudiants est comparable avec la France, l'université allemande reste en revanche très fermée au recrutement d'enseignants étrangers : alors que plus de 125 enseignants-chercheurs d'origine germanophone enseignent l'allemand en France, un seul Français enseigne le français dans une université allemande sur un poste de professeur. Quelques professeurs anglo-saxons ont été recrutés dans les sciences exactes, mais leur nombre reste très en dessous des chiffres français.

Constatant l'obstacle que constituait le préalable d'une compétence linguistique à la venue d'étrangers en Allemagne, les universités ont mis en place un dispositif original dans les 300 cursus évoqués : la première année, les cours se font en anglais avec un apprentissage intensif de l'allemand en parallèle, les années suivantes, ils ont lieu dans les deux langues et la dernière année se passe entièrement en allemand.

Un important réseau de Goethe Institute dans le monde fait la promotion de la langue allemande. Mais la dimension commerciale prime en général sur l'aspect politique : les cours sont onéreux et réservés à une élite.

L'exemple de l'Allemagne met en avant l'intérêt d'avoir une structure puissante et autonome comme le DAAD pour mener une politique qui est à la fois souhaitée par les universités et soutenue par le gouvernement, sans pour autant tomber dans le piège du « tout commercial ». L'approche allemande n'est donc pas sans similitude avec celle de la France, d'ailleurs des opérations communes DAAD-EduFrance ont été menées dans des pays tiers pour la prospection du « marché de la formation ». La France et l'Allemagne ont beaucoup d'arguments communs à opposer au monde anglo-saxon de formation. Même leurs différences sont très complémentaires. Il y aurait donc tout intérêt à renforcer la coopération entre les deux pays à ce niveau. Certaines universités allemandes et françaises se sont déjà associées pour accueillir ensemble des étudiants étrangers. Les premiers résultats montrent que ceux-ci sont particulièrement satisfaits de pouvoir découvrir à la fois les cultures française et allemande.

B - Vers une meilleure lisibilité des efforts français pour la promotion de son système éducatif

1) Des difficultés persistantes malgré des atouts incontestables

a) un constat inquétant

Comme cela a été évoqué, l'internationalisation croissante de l'ensemble des systèmes éducatifs au niveau mondial n'a pas été accompagnée en France par une augmentation du nombre d'étudiants étrangers. Leur nombre est passé d'un maximum de près de 165 000 au début des années 1990 à un minimum de 150 000 en 199810. Des mesures susceptibles d'enrayer ce phénomène ont alors été prises par les deux principaux ministères concernés, l'Education nationale et les Affaires étrangères.

Cette régression s'est déroulée dans un contexte d'augmentation du nombre d'étudiants français poursuivant des études supérieures : cela signifie que la part du nombre d'étrangers dans l'ensemble de la population étudiante a considérablement baissé : de 13,6 % en 1984, elle ne représentait plus que 8,6 % en 1998. De plus, une part importante de ces étudiants étrangers sont résidents en France, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas expatriés. D'après une étude de la revue « Migrations études » du premier trimestre 1998, citée par M. Alain Claeys dans son rapport sur l'accueil des étudiants étrangers en France11, le pourcentage des étudiants expatriés dans la population étudiante totale est passé de 11,5 % en 1984 à 6,9 % dix ans plus tard.

L'origine géographique des étudiants étrangers est significative de la faible attractivité de l'enseignement supérieur français. En effet, ceux-ci viennent encore majoritairement de pays très liés à la France pour lesquels elle reste une destination obligée. Parmi les 122 190 étudiants étrangers inscrits dans les universités françaises en 1998-1999, 34 536 sont issus d'un pays du Maghreb (soit 28%) et 24 171 d'un pays d'Afrique subsaharienne (soit près de 20%). Les étudiants asiatiques ne sont qu'environ 18 000 soit 14% du total, tandis que les 10 000 étudiants du continent américain représentent 8% du total.

La répartition de ces étudiants par discipline est également révélatrice : un nombre significatif d'entre eux (36%) étudient les lettres et les sciences humaines et sociales. Viennent ensuite, à égalité, le droit, l'économie, les sciences politiques et les formations scientifiques et d'ingénieur, puis la médecine et la pharmacie. Si l'on met à part les lettres et les sciences humaines, dans leur majorité (environ 60%), les étudiants étrangers viennent suivre en France des formations à finalité professionnelle.

Enfin, si l'on prend comme critère le cycle d'études, la répartition des étudiants est homogène entre les trois cycles, avec plus de 40 000 étudiants pour chacun d'entre eux, le 3e cycle étant particulièrement bien représenté. Les classes préparatoires n'attirent que quelques étudiants étrangers, principalement africains.

Les raisons de cette situation contrastée sont nombreuses. Certaines tiennent à la structure même de l'enseignement supérieur français. La France a fait le choix d'un enseignement supérieur démocratique, le plus ouvert possible. Or, les étudiants étrangers refusent généralement cet « enseignement de masse » : ils comparent les systèmes d'enseignement supérieur et choisissent celui qu'ils estiment le plus valorisant. Ils sont dans une logique de choix, voire de marché. Les étudiants français en revanche revendiquent l'accès pour tous à l'enseignement supérieur comme un acquis inaliénable. Du fait de la généralisation de son accès, le système d'enseignement supérieur français est beaucoup moins attractif que les systèmes des pays anglo-saxons en terme d'équipements pédagogiques et extra-pédagogiques. Le suivi pédagogique de la part des professeurs français est moindre du fait du grand nombre d'étudiants qu'il ont en charge.

Le système universitaire français, qui refuse la sélection à l'entrée, est fondé sur le principe d'égalité. Cela interdit naturellement de faire payer des droits de scolarité plus élevés aux étudiants étrangers. Cependant, comme l'ont fait remarquer plusieurs personnalités auditionnées, faute de moyens financiers, cela ne permet pas de traiter ces derniers de manière différente de leurs homologues français, c'est-à-dire de leur offrir un suivi particulier et personnalisé comparable à celui des universités anglo-saxonnes.

Un autre inconvénient du système français réside dans sa relative complexité du fait de la coexistence des Universités et des grandes écoles. Ces dernières n'ont, par définition, pas connu cette ouverture au plus grand nombre et elles peuvent offrir à des étudiants étrangers des prestations de meilleure qualité. Mais la spécificité de leur statut pose un problème au regard de la concurrence internationale. Elle interdit de faire des comparaisons pertinentes entre les grandes écoles françaises et leurs concurrents étrangers, qui sont généralement des universités.

Au-delà des difficultés liées à l'architecture générale du système français d'enseignement supérieur, ses carences dans l'accueil des étudiants étrangers s'expliquent par d'autres raisons. Ainsi, il faut noter les nombreuses plaintes concernant la faible ouverture du système français d'enseignement supérieur, notamment à l'Université où l'enseignement des langues est souvent insuffisant, et où il n'existe généralement aucun dispositif d'accueil spécifique des étudiants étrangers, sauf dans le cadre des programmes Erasmus. Il est vrai que les Universités ne sont pas incitées à s'ouvrir à l'international car elles ont en premier lieu à pallier les nombreux problèmes du quotidien. Celles-ci déjà surpeuplées considèrent souvent qu'elles n'ont rien à gagner à l'accueil de davantage d'étudiants étrangers, d'autant plus qu'il y a encore en France des réticences à l'autopromotion et à la mise en place de véritables actions de marketing.

b) les atouts du système français

Ce constat apparaît d'autant plus regrettable que la France possède tous les atouts lui permettant de redevenir une destination phare de l'accueil des étudiants étrangers et il n'est pour cela nul besoin de se convertir au modèle américain.

Tout d'abord, la France possède, d'un point de vue académique et de l'aveu même d'enseignants et chercheurs étrangers, l'un des meilleurs systèmes éducatifs au monde. Le niveau du baccalauréat par exemple est bien supérieur à celui de la High school américaine, ce qui explique que les lycées français à l'étranger comptent toujours parmi les meilleurs établissements d'enseignement scolaire dans les pays où ils sont installés. Il peut être fait le même constat dans le supérieur : du fait de la spécificité du système français des grandes écoles, les étudiants de 3ème année d'école de commerce qui partent en échange suivent les cours de 2ème année de Master of Business Administration (MBA), soit un niveau académique théorique bien supérieur. Ils y côtoient des étudiants de trois à cinq ans leurs aînés, or ils se révèlent généralement être parmi les meilleurs. D'après la plupart des personnalités interrogées, pourtant souvent fort critiques sur le système français, nos formations sont meilleures que celles des universités américaines au niveau du « college » et du « master ». Il semblerait cependant que les faiblesses soient réelles en ce qui concerne l'accueil des chercheurs préparant un doctorat ou venus en France pour un séjour post-doctoral. De nombreux efforts sont donc consentis, notamment de la part de la DGCID, par le biais d'EduFrance et grâce à l'action de la Fondation nationale Alfred Kastler (FnAK)12

L'excellente réputation des formations françaises doit être attribuée à la qualité des établissements d'enseignement dont certains ont atteint une renommée et un prestige international. La cote du « label » Sorbonne vaut largement celle d'Harvard ou d'Oxford. Il est vrai que cela tient plus à des raisons historiques qu'à des constats objectifs, mais cela constitue cependant un atout dont il faudrait profiter davantage. Quant aux formations moins connues, mais de qualité, telles celles des IUT, des efforts même modestes devraient permettre d'obtenir des résultats immédiats en terme de notoriété et donc d'attractivité.

La France est toujours une destination qui séduit et fait encore rêver. Les Universités américaines mettent en avant leurs campus et leurs installations sportives, les établissements français peuvent quant à eux tirer profit des atouts de la France, à Paris comme dans les principales villes de province. Le patrimoine historique, « l'art de vivre à la française », l'intensité de la vie culturelle sont autant d'arguments qui font de la France le premier pays touristique du monde. Ce sont de puissants facteurs d'attraction, ils doivent pouvoir jouer aussi vis-à-vis des étudiants du monde entier, et notamment ceux issus des pays anglo-saxons.

Par ailleurs, l'hégémonie américaine fait peur et a fait naître une prise de conscience et un désir de diversité culturelle dont la France - pays précurseur de « l'exception culturelle » - et l'espace francophone - promoteur du concept de diversité culturelle - peuvent bénéficier. C'est le cas notamment en Amérique latine où des élites souvent encore formées à l'européenne commencent à s'inquiéter de l'existence d'un modèle unique en terme d'éducation.

Enfin, la France peut s'enorgueillir de disposer du premier réseau de diplomatie culturelle du monde. Ces structures, auxquelles s'ajoutent de nombreux autres relais d'influence, tels les lycées français , les alliances françaises, la fédération internationale des professeurs de français (FIPF)..., constituent des relais potentiels excellents de notre système d'enseignement supérieur. Malheureusement, ce réseau est encore trop peu lisible et manque de coordination.

2) Une politique volontariste de l'Etat

a) la politique mise en place en 1998

Le constat inquiétant de la baisse de l'influence de la France dans le monde de l'enseignement supérieur a conduit le gouvernement à mettre en place une nouvelle politique. MM. Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères et Claude Allègre, alors ministre de l'Education nationale, ont mis en place à partir de 1998 un nouveau dispositif visant à faciliter l'accueil des étudiants étrangers. Il convient de noter à cet égard, et c'est suffisamment nouveau pour mériter d'être signalé, que cette démarche interministérielle s'est, de l'avis des personnalités auditionnées dans chacun des ministères, déroulée dans de bonnes conditions. Tant au ministère des Affaires étrangères qu'à l'Education nationale, il existe une réelle volonté de travailler en cohérence. Cette nouvelle politique a été conduite autour de quatre grandes orientations.

La première visait à améliorer la délivrance des visas étudiants. La loi sur les conditions d'entrée et de séjour des étudiants en France du 11 mai 1998, relative au séjour des étrangers et au droit d'asile, a simplifié les modalités de délivrance des visas aux étudiants, enseignants et chercheurs étrangers. Elle a introduit une obligation de motivation du refus de visa pour les étudiants. Cela instaure une forme de droit à étudier en France. Des partenariats ont par ailleurs été conclus entre les préfectures et les universités en vue d'accélérer le traitement des demandes de titre de séjour étudiant.

Le deuxième volet de cette nouvelle politique a visé à améliorer la promotion des études françaises qui était insuffisamment assurée par les établissements eux-mêmes. C'est dans cette perspective qu'a été créée l'agence EduFrance13 en novembre 1998. Il était en effet nécessaire de disposer d'un outil pour répondre à la concurrence souvent agressive des établissements anglo-saxons notamment. Ses missions essentielles consistent à faire connaître à travers le monde l'offre de formation des principaux établissement français d'enseignement supérieur, d'organiser la venue et le séjour individuel en France des étudiants et chercheurs et de présenter l'offre française d'ingénierie éducative. A ce titre, elle participe à environ 70 salons éducatifs par an partout dans le monde (contre seulement 1 ou 2 salons avec une présence française avant la création d'EduFrance). A l'horizon 2002, elle s'est donnée pour objectif d'accueillir 8 000 étudiants. EduFrance s'adresse plus particulièrement aux étudiants non boursiers. Aujourd'hui, la France dispose d'un outil qui lui permet d'avoir une visibilité internationale dans le monde de l'enseignement supérieur.

La réforme des programmes de bourses est également un élément important de la réforme de 1998, même s'il s'agit d'une évolution modeste. La création des bourses Eiffel, destinées aux meilleurs étudiants ne concerne que 300 personnes par an environ.

Enfin dans le cadre de la mise en place d'un espace européen de l'enseignement supérieur, des actions visent à améliorer la lisibilité internationale des formations françaises. La complexité du système français est en effet un handicap sérieux, il faut donc les harmoniser au niveau européen, et créer des équivalences entre les diplômes. L'application de ce volet de la nouvelle politique éducative extérieure a d'abord exigé une phase de réflexion, animée notamment par la Commission Attali, qui a débouché sur un rapport publié en mai 1998 : Vers un modèle européen d'enseignement supérieur. L'une des principales propositions était l'organisation des études à l'Université autour de trois cursus, en trois, cinq et huit ans. Cette phase prospective a aussi été d'origine ministérielle avec la déclaration de la Sorbonne du 25 mai 1998 prise par les ministres français, allemand, britannique et italien visant à « faire évoluer les structures de leurs systèmes d'enseignement supérieur pour faciliter la reconnaissance mutuelle des diplômes, tout en respectant les spécificités nationales ». La déclaration de la Sorbonne a été suivie par la réunion de Bologne en juin 1999 qui a réuni 25 pays européens, puis par celle de Prague en mai 2001. Concrètement, la prise en compte de la dimension européenne a conduit la France à mettre en place une licence professionnelle, à créer le « mastaire », grade qui est attribué à toutes les formations en cinq ans, sans les remplacer pour autant, et a enfin débouché sur les propositions formulées par le ministre Jack Lang sur l'enseignement supérieur le 23 avril 2001. Malgré les efforts accomplis, comme le déplorent un certain nombre de nos interlocuteurs, nombre de propositions intéressantes et ambitieuses formulées par le rapport Attali n'ont pas encore été mises en oeuvre.

b) de premiers résultats encourageants

La mise en _uvre de cette nouvelle politique a constitué une prise de conscience certaine de l'importance des enjeux qui y sont attachés. C'était un préalable indispensable à une réelle internationalisation du système français d'enseignement supérieur. Aujourd'hui, la nécessité de mener une véritable politique éducative extérieure est considérée par tous comme l'une des priorités de l'action de la France pour assurer son rayonnement dans le monde. On manque encore de recul pour évaluer ces nouvelles actions, cependant, on peut déjà dire qu'elles sont sans commune mesure avec les orientations adoptées précédemment. A titre de comparaison, le ministère des relations extérieures14 avait élaboré en 1984 un projet culturel extérieur de la France, dans lequel la dimension éducative était limitée au rôle des lycées français et à l'enseignement de la langue française. S'il apparaît aujourd'hui quelque peu prématuré de tirer un bilan de la politique mise en place à partir de 1998, de premiers enseignements peuvent toutefois être retenus.

Ainsi, l'évolution quantitative du nombre d'étudiants étrangers en France depuis 1998 est un signe positif rassurant. En effet, depuis le plancher des années 1997-98, il est de nouveau en hausse. Entre 1998-99 et 1999-2000, il a augmenté de 11 000 pour atteindre 162 000, soit un passage de 8,5 % à 9,1 % du nombre total d'étudiants. Les services de la DGCID du ministère des Affaires étrangères considèrent que l'objectif de 200 000 étudiants étrangers d'ici cinq ans est réaliste. Cette augmentation est directement liée à la récente politique volontariste, puisque dans le même temps, le nombre de visas étudiants s'est accru de 25 % et continuerait depuis à croître à un rythme de 20 % par an. Le nombre de visas attribués aux étudiants chinois, par exemple, est passé en deux ans de 1 000 à 3 000.

Pourtant, les obstacles à la pleine réalisation des objectifs de cette nouvelle politique sont nombreux. En ce qui concerne les nouvelles dispositions sur les visas, les effets positifs ne sont pas toujours bien perçus par les services des relations internationales des universités. Ces derniers continuent à se plaindre du nombre important d'obstacles administratifs qui jalonnent le parcours d'un étudiant étranger souhaitant faire des études en France, surtout s'il n'est pas boursier. Dans le cas contraire en effet, il peut bénéficier d'une aide substantielle de la part d'organismes comme Egide ou le Centre National des _uvres Universitaires et Scolaires (CNOUS). S'il est étudiant d'une grande école, cette dernière dispose dans la plupart des cas de services d'accueil beaucoup plus importants que les universités.

La mise en _uvre de cette politique ne s'est par ailleurs pas accompagnée de moyens supplémentaires suffisants. Certes, il est vain de vouloir toujours réclamer davantage de moyens et d'évaluer les résultats d'une politique à la seule aune de l'augmentation de ses dotations budgétaires. Cependant, si la place de la France dans le défi mondial de l'éducation représente une priorité politique, il devrait être possible de dégager les financements nécessaires car il s'agit d'un investissement sur l'avenir de tout premier plan. En ce qui concerne les bourses par exemple, en dépit de la création des bourses Eiffel, le nombre total de boursiers n'a cru que de 4% seulement et il reste stable depuis 1997 (de 22 000 à 23 000 boursiers environ). Or dans le même temps, le monde a changé, l'Europe centrale et orientale s'est ouverte, l'Asie a émergé, l'Amérique latine est apparue comme une zone avec laquelle il faut compter. Le seul moyen pour être présent dans ces zones stratégiques serait de procéder à des redéploiements de crédits, d'équipements et de personnels, mais ceux-ci sont difficiles à réaliser, donc nécessairement limités. Il en résulte que l'augmentation du nombre des étudiants, asiatiques notamment, est réelle mais qu'elle intervient à un rythme beaucoup trop timide par rapport à nos principaux concurrents, notamment la Grande-Bretagne et les Etats-Unis.

Quant à EduFrance, ses premières années d'existence ont été difficiles. Son action a été souvent très critiquée par ceux-là mêmes que l'Agence avait pour but de promouvoir. Certains ont estimé qu'elle a d'abord cherché à se vendre elle-même, faisant ainsi écran aux Universités qu'elle était chargée de soutenir, au lieu d'être un catalyseur. L'Agence a su réagir mais il lui faudra un certain temps pour restaurer son image. Il semble qu'un travail d'étroite collaboration entre l'Agence et les établissements d'enseignement supérieur sera indispensable.

c) la nécessité d'aller plus loin

L'architecture du système français d'appui à l'internationalisation de l'enseignement supérieur apparaît par trop complexe. Chaque mission est exercée par différents acteurs, et aucun acteur ne dispose d'une vue d'ensemble.

La promotion des études supérieures françaises est le premier objectif de l'Agence EduFrance. Mais c'est aussi une mission qu'exercent les centres culturels français, voire les alliances, les conseillers culturels parfois, les attachés de coopération universitaire. Elle devrait aussi être exercée par les lycées français auprès de leurs élèves. Cette multiplicité d'intervenants qui agissent souvent de manière indépendante et sans coordination est très regrettable : la gestion des bourses, par exemple, est partagée entre le Ministère des Affaires étrangères et les ambassades en amont, et par les opérateurs que sont Egide (étudiants des anciens pays du « champ » et des grandes écoles) et le CNOUS (étudiants en Université) en aval. Ces derniers sont chargés de la seule gestion opérationnelle des bourses. Le suivi de l'accueil des étudiants est également réparti entre différentes institutions : le CNOUS et Egide orientent les étudiants boursiers dont ils gèrent les dossiers, le CNOUS intervient aussi pour des étudiants non boursiers comme il le ferait avec n'importe quel étudiant, enfin EduFrance a aussi pour mission d'assurer de bonnes conditions d'accueil aux étudiants non boursiers qui achètent ses prestations.

Cette répartition complexe entre les divers opérateurs ne permet pas la réalisation des synergies nécessaires entre les différents aspects de l'internationalisation du système d'enseignement supérieur. Il est pourtant évident que le lien entre la délivrance des bourses et la promotion des établissements doit être pris en compte, si l'on considère qu'il existe un marché sur lequel les étudiants potentiels se comportent en consommateurs. De même, il peut être très utile que l'information sur les filières d'enseignement supérieur soit présente dans les relais naturels de la France à l'étranger. Le British Council, le réalise très facilement puisque cet organisme est à la fois chargé de promouvoir les universités britanniques à l'étranger et de diffuser la langue et la culture britanniques. Certes, EduFrance a entrepris d'implanter des « espaces  » dans les centres et instituts culturels et les alliances françaises et de mettre en place une ingénierie pédagogique, mais ses moyens, comme ses ambitions dans ce domaine, restent trop modestes face à la croissance exponentielle du « marché mondial de l'éducation ».

La séparation stricte entre la fonction d'impulsion et la gestion opérationnelle, que les Britanniques et les Allemands ont intégrée depuis longtemps, n'est pas très incitative et difficilement évaluable en France en termes de résultats. En ce qui concerne le système de bourses notamment, il est évident qu'une remise à plat serait souhaitable : on assiste actuellement à un « saupoudrage », sans stratégie globale. Il faut certes des bourses à disposition des ambassades, mais il semble également qu'une coordination soit indispensable, et le lieu « naturel » de cette coordination devrait être EduFrance. Cela constituerait un levier pour inciter les Universités à bâtir un projet international. Le rôle de la DGCID se réduirait essentiellement au pilotage de l'Agence, mais la France aurait une réelle présence sur le « marché de l'éducation » avec un opérateur unique. Cette agence pourrait dépendre conjointement des ministères des Affaires étrangères et de l'Education nationale qui l'évalueraient à partir des objectifs fixés au préalable. Pour autant, il faut éviter de mettre en place une structure trop lourde, ce qui rendrait difficile une action offensive à l'international. Bernard Raoult, président d'EduFrance, souligne ainsi que l'Allemagne réfléchit à l'opportunité de créer au sein du DAAD une structure légère de type EduFrance. Il estime ainsi qu'une structure unique de coordination serait une bonne chose, mais que cela ne signifie pas nécessairement une disparition des acteurs actuels.

En conséquence, il paraît indispensable de transformer l'essai de la réforme de 1998 en s'inspirant de structures fonctionnelles britanniques et allemandes.

3) Inciter les établissements à conduire le plus vite possible une politique audacieuse

a) un dilemme : entre démocratisation et compétitivité

Il a été montré en quoi l'objectif français de démocratisation de l'enseignement supérieur peut constituer un handicap pour l'accueil des étudiants étrangers. Lorsque ceux-ci ont le choix entre plusieurs destinations, ils ne sont pas incités à choisir la France en raison du manque de moyens des établissements français. Ce constat concerne d'ailleurs beaucoup plus les Universités que les grandes écoles, bien mieux dotées financièrement, et qui peuvent mettre en place des structures d'accueil adaptées. Comme l'ont souligné à plusieurs reprises les personnalités auditionnées, la France semble en quelque sorte victime du principe généreux et solidaire d'égal accès à l'enseignement supérieur qui est le sien : le financement de la formation est assuré par le contribuable, quelle que soit l'origine de l'étudiant. Il n'est pas réclamé de contribution aux familles des étudiants étrangers, ce qui, en l'absence de moyens supplémentaires, explique les problèmes d'environnement qu'ils rencontrent, et le sentiment d'anonymat dont il souffrent.

Améliorer l'accueil des étudiants étrangers, afin de les inciter à choisir la France, ne peut qu'avoir des incidences positives pour l'ensemble des étudiants, y compris ceux qui n'ont pas le choix de leur université. Plusieurs interlocuteurs auditionnés travaillant dans les établissements d'enseignement supérieur ont en effet souligné que l'internationalisation a le grand mérite d'ouvrir l'université vers l'extérieur et d'agir comme un véritable aiguillon utile pour l'ensemble des étudiants. L'amélioration des conditions d'accueil est profitable à tous, Français et étrangers.

b) vers une prise de conscience et un nouvel état d'esprit

Bâtir une politique internationale dans un établissement d'enseignement supérieur, surtout quand la venue d'étudiants étrangers n'est pas nécessaire d'un point de vue financier, nécessite d'abord une prise de conscience de l'importance de l'enjeu puis la volonté et l'énergie suffisante de mettre en oeuvre les nouvelles orientations. Des résultats spectaculaires peuvent être obtenus sans dépense excessive. A cet égard l'exemple de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris15 est significatif : l'internationalisation a été un choix assumé et clairement affirmé, ce qui a permis la mise en place d'une stratégie efficace car véritablement impulsée.

c) des réalisations concrètes possibles

Les établissements d'enseignement supérieur disposent de moyens financiers et humains susceptibles d'être utilisés pour mener une politique internationale. Certes, Alain Claeys montrait bien dans son rapport que les Universités ne jouent pas un rôle majeur dans la politique d'accueil des étudiants étrangers, et qu'il serait nécessaire pour y remédier de leur accorder plus d'autonomie, notamment en matière d'attribution des bourses. Mais bien que les leviers dont disposent les établissements d'enseignement supérieur soient peu nombreux, ils existent.

Il est difficile pour les universités de mener à bien une politique internationale sans un support administratif minimum. Les universités françaises manquent de cadres administratifs pour faire vivre les accords d'échange. C'est bien souvent la nécessité d'une structure de gestion des programmes européens Erasmus qui a été à l'origine de la création des services des relations internationales des universités. L'inconvénient est qu'un tel service est donc consacré en priorité à la gestion quotidienne, il reste peu de temps - et de moyens - pour élaborer une vision d'ensemble et de prospective ainsi que pour négocier des accords de partenariat avec des universités dans le monde entier. Donner aux 80 universités françaises les moyens de recruter chacune 3 à 8 personnes pour constituer de véritables équipes favorisant l'internationalisation n'aurait pas un coût budgétaire considérable mais pourrait engendrer des résultats substantiels. Pour rivaliser avec les établissements anglo-saxons, mais aussi allemands ou espagnols, la mise en place d'équipes professionnalisées est indispensable. Il ne s'agit pas simplement de réclamer toujours plus d'argent mais de mettre en adéquation les objectifs - être compétitif sur le « marché mondial » de la formation et attirer davantage d'étudiants étrangers - et les moyens.

L'organisation pédagogique des établissement supérieurs français étant généralement peu adaptée à l'accueil des étudiants étrangers, un effort d'adaptation visant à rendre leurs formations compatibles avec celles de nos principaux partenaires a été mis en place. Cette démarche a d'abord été impulsée dans le cadre du programme Socrates-Erasmus (système des crédits ECTS)16, avant de devenir un des grands axes de la politique de l'enseignement supérieur du Ministre Jack Lang (diplômes « à points », semestrialisation...). Mais la réussite de cette nouvelle architecture dépendra aussi des efforts consentis par les établissements eux-mêmes afin de rendre leurs systèmes d'inscription plus lisibles et mieux adaptés à un système concurrentiel. En effet, et c'est un problème stratégique crucial, les inscriptions à l'Université en France sont très tardives. Or il est indispensable que les admissions des étudiants étrangers puissent être confirmées longtemps à l'avance, comme c'est le cas aux Etats-Unis. Ce retard est une des raisons principales - et mal connue - expliquant la perte pour le système éducatif français des meilleurs éléments des lycées français. Les décisions d'études à l'étranger sont généralement mûries longtemps à l'avance. Or l'impossibilité d'avoir l'assurance d'une inscription suffisamment précoce conduit certains étudiants à préférer les pays dont ils ont la réponse le plus tôt, même si par la suite ils reçoivent une réponse positive de la part de l'université française de leur choix. Il s'ensuit que le nombre de désistements est important et qu'un certain nombre d'étudiants choisissent la France « par défaut », n'ayant pas été admis ailleurs. Les meilleurs en revanche, sont perdus pour l'enseignement supérieur français. Bernard Raoult, le président d'EduFrance, propose que les réponses aux candidatures d'inscription soient données avant Noël pour la rentrée de septembre suivante, l'inscription effective étant subordonnée pour les élèves des lycées français, à l'obtention du baccalauréat. Le corollaire naturel de cet effort réside dans une définition plus précoce des programmes : les inscriptions sont liées au contenu des enseignements ; or ceux-ci sont généralement connus très tard.

Enfin, pour attirer davantage d'étudiants issus des zones les plus porteuses (Asie, Amérique latine, mais aussi Etats-Unis...) il est indispensable de pouvoir accueillir des étudiants non francophones, en leur permettant de poursuivre des cursus dans d'autres langues que le français. Une défense bien comprise de la francophonie consiste en effet à favoriser les séjours dans des pays francophones des futurs décideurs, même s'ils ne sont pas issus de pays de la francophonie « officielle » ; le bain linguistique et culturel permis par un séjour en France sont les meilleurs garants de l'apprentissage de notre langue par les étudiants étrangers. Les établissements devraient donc ouvrir plus largement des cursus tout ou partie en langue étrangère - anglais, allemand et espagnol notamment - De nombreuses grandes écoles, tel l'IEP de Paris le font déjà avec succès. Ces expériences devraient être examinées avec attention par les Universités.

4) Tirer des enseignements d'expériences concluantes

L'internationalisation de l'IEP de Paris mérite un développement particulier. Même si le statut spécifique de cet établissement interdit d'en faire un modèle, l'expérience qu'il conduit est riche d'enseignements.

Si en France l'institut a toujours bénéficié d'une excellente réputation, il était jusqu'à une période récente encore peu connu à l'étranger. Conscient de cette difficulté, Richard Descoings, son directeur depuis 1996, a lancé une rénovation stratégique en passant « de l'ouverture internationale à l'intégration internationale ». Un travail spécifique en direction de l'étranger a par conséquent été mené. Actuellement, un quart des élèves sont de nationalité étrangère (soit 1 000 personnes). L'objectif pour 2003 est d'un tiers. Il faut noter que ceux-ci sont recrutés sur des critères académiques aussi exigeants que le sont les étudiants français, auxquels ils sont aujourd'hui entièrement intégrés en 2ème et 3ème cycles alors qu'ils étaient auparavant confinés dans des filières spécifiques. Ces étudiants sont pour 35 % issus de l'Union européenne (les Allemands sont les plus nombreux), 20 % des Etats-Unis (soit le premier groupe national !), 15 % d'Europe centrale et orientale. Les ressortissants d'Asie et d'Amérique latine sont en augmentation constante.

Tous les étudiants du premier cycle passent leur 3ème année à l'étranger, soit en stage professionnel, soit en accords d'échanges universitaires (Sciences Po a conclu 190 accords de partenariat dans le monde). Les étudiants en deuxième cycle ont également la possibilité de passer un semestre à l'étranger. Ces étudiants ne sont pas livrés à eux-mêmes, il leur est à tous proposé un point de chute avec un choix. Pour l'année universitaire 2000 - 2001 il y avait par exemple 120 places supplémentaires dans des échanges universitaires que le nombre d'étudiants désirant faire un séjour à l'étranger. Ces étudiants ne paient pas de droits de scolarité, et, selon leur situation personnelle, ils peuvent recevoir des bourses. L'institut a mis en place un Fonds de mobilité internationale étudiante, qui peut octroyer à un étudiant jusqu'à 45 000 FF par an.

Cette réforme prend en compte le caractère impératif des compétences plurilinguistiques : il est ainsi désormais obligatoire d'étudier deux langues étrangères pour éviter que l'anglais soit la seule langue parlée. Il est possible d'en étudier trois. L'enseignement de certaines langues considérées à tort comme rares comme l'arabe (appris par plus de 100 étudiants), le russe, le japonais ou le chinois est encouragé. De plus, près d'un tiers des enseignements est dispensé dans une langue autre que le français

Richard Descoings estime que les établissements d'enseignement supérieur ont une responsabilité particulière dans la création de liens transnationaux, notamment dans le cadre de la construction européenne. Ils ont un rôle à jouer dans la formation de générations d'européens. Il faut ainsi faire travailler mais aussi faire vivre les jeunes européens. Sciences Po a dans cette optique décidé d'ouvrir des premiers cycles bi-culturels en dehors de Paris :

- Un premier cycle a été ouvert à Nancy. Il s'agit d'un cycle franco-allemand accueillant environ chaque année 50 français et 50 germanophones, avec une troisième année qui se déroule dans l'autre pays. En 10 ans, Sciences Po aura donc formé 1000 cadres qui auront la double culture ;

- A l'automne prochain, un cycle franco-ibérique va ouvrir sur le même principe à Poitiers. ;

- Un premier cycle en direction des Pays d'Europe Centrale et Orientale en Bourgogne est actuellement en cours d'étude ;

- Enfin, un projet de cycle euro-méditerranéen est envisagé

Il semblerait possible d'adapter ces mesures rationnelles et opérationnelles non seulement à d'autres grandes écoles françaises, mais aussi, même si c'est à une échelle nécessairement moindre, aux Universités.

C -Favoriser le développement de l'ingénierie pédagogique française

La politique éducative extérieure de la France telle qu'elle est définie actuellement n'a pas pour objectif de conquérir des parts de marché. Ainsi, relever le défi mondial de l'éducation ne signifie pas pour la France accueillir le plus d'étudiants étrangers possible. Elle souhaite aussi jouer un rôle positif dans le cadre de l'ouverture des échanges éducatifs. L'accueil d'étudiants étrangers apparaît parfois indispensable aux pays ne possédant pas un système d'enseignement supérieur performant, cependant, il peut se révéler néfaste pour les pays du Sud. C'est le cas du Maroc, où le succès du réseau des lycées français se fait au détriment du système éducatif local. Il semble par conséquent nécessaire de développer un volet complémentaire de notre politique éducative extérieure : exporter notre savoir-faire éducatif dans le pays même, en collaboration avec les autorités locales.

1) Le réseau scolaire français : un excellent outil à optimiser

a) un outil unique

La France entretient le plus important réseau scolaire du monde à l'étranger, de la petite section de maternelle à la terminale. Il compte 410 établissements homologués par le ministère de l'Education nationale qui accueillent plus de 235 000 élèves dont un tiers d'élèves français.

Ces « lycées français » sont sous la responsabilité d'un établissement public, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Créée en 1990, placée sous la tutelle du ministère des Affaires étrangères, elle est aujourd'hui dirigée par Jacques Verclytte. L'AEFE apporte son soutien à ces établissements dont la réputation d'excellence n'est plus à faire (en 1999, le taux de réussite au baccalauréat dans les lycées du réseau est de 90,85 %). Les missions essentielles de l'agence sont triples : assurer le service public d'éducation en faveur des enfants de nationalité française résidant à l'étranger, participer au rayonnement de la langue et de la culture françaises par l'accueil d'élèves étrangers, contribuer au renforcement des relations de coopération entre les systèmes éducatifs français et étrangers.

En 1999, 269 écoles, collèges ou lycées étaient liés à l'AEFE, soit dans le cadre d'une gestion directe (63 établissements), soit dans le cadre d'une convention (206 établissements)17. Dans ces deux cas, l'AEFE met à leur disposition des personnels : 6 000 enseignants, 182 chefs d'établissement, des inspecteurs de l'éducation nationale, des gestionnaires... expatriés ou résidents. Elle subventionne également le fonctionnement des établissements, leurs investissements, la formation continue, le projet d'établissement, et accorde des bourses à certains enfants français. Enfin, si l'AEFE n'a pas de lien juridique avec les 141 autres établissements du réseau, dits non conventionnés, elle peut toutefois leur accorder des subventions et aider financièrement les familles.

Les professeurs du réseau sont, soit des expatriés (1 800) payés par l'agence, soit des recrutés locaux, soit des professeurs résidents - ils sont recrutés sur place mais doivent être titulaires de l'Education nationale, l'employeur est l'agence mais elle demande une participation aux établissements -. De l'avis des professeurs expatriés, résidents ou recrutés locaux, interrogés, le rayonnement de la France passe prioritairement par la culture française exprimée par ces expatriés ou résidents.

Le budget de l'AEFE s'élève à environ 2,4 milliards de francs, composé pour 83 % d'une subvention de l'Etat, et pour le restant d'une contribution des parents d'élèves à la rémunération des enseignants résidents.

b) la difficile conciliation des objectifs

Le choix qui a été fait en 1990 de ne pas retenir une double tutelle Affaires étrangères/Education nationale semble être une grave erreur compte tenu des restrictions budgétaires qu'a connues le Quai d'Orsay, alors que le budget de l'Education nationale a poursuivi sa progression. En 5 ans, le réseau a dû accueillir 8 000 élèves supplémentaires, des Français pour la plupart du fait de l'augmentation du nombre des expatriés. Il en est résulté de fâcheuses conséquences, notamment une augmentation continue des droits de scolarité, un sujet d'inquiétude important pour les parents d'élèves.

Cette situation difficile a surtout entraîné une équivoque quant aux finalités du réseau d'enseignement français. On peut en effet craindre la disparition progressive de la contribution de l'AEFE au rayonnement de la France par la scolarisation des enfants d'expatriés ou binationaux, et par celle d'encore peu d'enfants du pays ou de pays tiers, faute de moyens. Or c'est cet objectif qui justifie essentiellement la tutelle du ministère des Affaires étrangères. Du fait des conséquences budgétaires de cette tutelle, il s'estompe de plus en plus. M. Verclytte, signale par exemple qu'à Londres, la proportion d'élèves britanniques au lycée français, qui a atteint presque 40 % à une époque, est inférieure à 15 % aujourd'hui. A Tananarive, il n'y a plus d'élèves malgaches dans les écoles à gestion directe.

Ainsi, l'absence de soutien financier de la part du ministère de l'Education nationale se fait de plus en plus cruellement sentir. Ces difficultés financières conduisent l'AEFE à se concentrer de plus en plus sur la mission, première, de scolarisation des enfants français au détriment de sa mission de formation des enfants étrangers.

c) les problèmes actuels et les solutions envisageables

Le réseau de l'AEFE a dû affronter une année 2000 très difficile, marquée par de nombreux mouvements de grève, particulièrement suivis dans les établissements du Maroc. Des négociations sur l'amélioration du statut des personnels concernant le droit au supplément familial pour les résidents, la création d'une indemnité spécifique pour les résidents (pour rapprocher leur statut de celui des expatriés) ont eu lieu. Des mesures en faveur des recrutés locaux (notamment en matière de protection sociale) ont été prises. Le coût de ces mesures est estimé à 135 millions de francs par an (dont 57 pour l'indemnité spécifique et environ 40 pour le supplément familial). Il a été demandé à l'agence de financer ces mesures sur ses propres ressources c'est-à-dire en puisant sur ses fonds de réserve (mais cela ne peut se faire de façon durable), ou par la transformation des postes d'expatriés en poste de résidents.

Au total, il semble financièrement difficile de poursuivre l'entretien du réseau de l'AEFE sans une redéfinition de ses objectifs fondamentaux, tout en conservant les effectifs de professeurs expatriés et en continuant à assurer les missions de rayonnement de la présence française à l'étranger. Même si sur le long terme, le Ministère de l'Education nationale admet la nécessité d'une implication plus forte, il convient au préalable de poser la question des différentes missions et objectifs du réseau de l'AEFE, en distinguant au cas par cas chaque établissement. Ce travail a d'ailleurs été entamé par la DGCID, qui estime qu'un redéploiement du réseau serait à envisager.

Dans ce cadre, un certain nombre de questions politiques doivent être posées. Est-il très utile pour la diffusion du français et pour la francophonie de former en français et à la française quelques centaines d'élèves étrangers ? Comme le souligne Monsieur Verclytte, il s'agit en effet d'un investissement très coûteux (entre 20 et 25 000 francs par an et par élève). Celui-ci n'est rentable que dans le mesure où il permet de former de futurs relais d'influence. Or il arrive que les lycées français ne soient considérés que comme de simples établissements privés. En Espagne par exemple, les établissements français scolarisent chaque année 15 000 élèves pour un coût de 100 millions de francs par an. L'excellence du lycée français de Madrid n'a pas empêché une chute considérable de l'enseignement du français en Espagne18, qui n'a été enrayée que par la généralisation récente de l'apprentissage d'une deuxième langue vivante. On peut donc légitimement s'interroger sur la pertinence de la subvention des études d'élèves européens aux systèmes éducatifs comparables aux nôtres. D'autres solutions, moins coûteuses et souvent plus efficaces, existent pour assurer l'influence française. C'est notamment le cas du développement d'écoles et de classes bilingues en partenariat avec les Ministères de l'Education nationale locaux. De telles solutions seraient, de l'aveu de nos interlocuteurs, mieux adaptées dans des pays aux systèmes éducatifs comparables, en particulier au sein de l'Union européenne.

Très peu des élèves étrangers du réseau poursuivent leurs études supérieures dans les établissements d'enseignement supérieur français. Outre les difficultés soulignées plus haut, inhérentes aux inscriptions trop tardives dans les établissements supérieurs français, force est de constater que pour bien des parents, même dans des pays francophones et francophiles19, la formation idéale passe certes par un enseignement secondaire français, mais malheureusement par un enseignement supérieur américain. Il y a toujours eu une politique d'incitation de la part de l'AEFE pour orienter les élèves après le bac vers les établissements français d'enseignement supérieur. Cependant, il n'y a pas d'étude de suivi des anciens élèves du réseau, ni de politique promotionnelle des universités françaises auprès d'eux. L'AEFE offre chaque année 100 bourses d'excellence aux meilleurs étudiants étrangers, néanmoins, pour un coût de seulement 12 millions de francs par an, il s'agit d'un effort marginal. Ce programme MAJOR ne concerne de plus que les deux premières années universitaires. Le projet du Ministère des Affaires étrangères d'étendre ces bourses aux années suivantes semble donc primordial. D'après la DGCID, il n'entraînerait qu'un coût supplémentaire de 10 millions de francs par an.

Au total, le succès incontestable des établissements français, ne doit pas occulter les problèmes liés aux difficultés à mettre les moyens et les objectifs du réseau de l'AEFE en adéquation. D'ailleurs, ne faut-il pas tenir compte de la réflexion du ministre de l'éducation marocain qui déplore que les lycées français entrent parfois en concurrence avec les systèmes éducatifs locaux, les empêchant ainsi de se consolider ?

2) Une coopération scolaire et universitaire à redéfinir

a) une politique ancienne aux résultats limités

Entre les années 1960 et 1980, la coopération scolaire et universitaire française a été intense. Elle consistait cependant essentiellement en une forme de substitution à destination des pays du Maghreb et de l'Afrique noire. Dans le domaine universitaire, elle prenait la forme de création d'universités, dans des pays qui souvent n'en disposaient pas, et de l'envoi de coopérants afin de gérer ces établissements et d'y enseigner, le temps de la formation des universitaires de ces pays. Le corps professoral et d'encadrement français était alors omniprésent dans les universités africaines.

Si dans les années qui ont suivi la décolonisation, la coopération scolaire a été une priorité française, cette dernière a évolué à partir des années 1970 en se concentrant progressivement sur l'enseignement secondaire et supérieur. Sur les 7 900 coopérants dans ce domaine en 1979, moins de 200 travaillaient dans le primaire. La coopération française dans le primaire était alors largement consacrée à la formation des formateurs.

La situation a évolué dans les années 1990 dans une double direction : remise en cause de la coopération de substitution, et priorité redonnée à l'éducation de base. Après une longue période favorisant la formation de cadres, en particulier pour la fonction publique, l'attention s'est surtout portée sur les réformes de l'éducation primaire destinées à accroître l'offre et la qualité d'éducation et à réduire les disparités. Les efforts ont notamment porté sur la meilleure intégration de l'éducation dans son contexte local, qu'il s'agisse des contenus, des méthodes, des modes d'organisation, ou de la gestion par l'Etat et par les organisations de la société civile.

La situation des universités des pays africains anciennement colonisés, avec lesquels se faisait traditionnellement la coopération universitaire française, est actuellement dans un état préoccupant. Du fait de la faiblesse des structures administratives, les modestes ressources allouées par la France à la coopération universitaire ne sont pas totalement utilisées. De plus, les actions lancées dans les années 1970 et 1980 périclitent : les fonds documentaires sont en cours de destruction et les missions de coopération sont interrompues. Les Etats ne sont pas en mesure de venir en aide à leurs universités sur lesquelles pèse une pression démographique intense.

b) refonder la politique de coopération éducative

Les actions de coopération éducative se sont donc largement orientées vers l'éducation de base, notamment sous l'impulsion des institutions multilatérales. Si cette dernière est bien une priorité et si l'état de l'enseignement supérieur est souvent bien dégradé dans les pays du Sud, cela ne signifie pas qu'il faille renoncer à une politique de coopération éducative plus ambitieuse. Mais il est indispensable de la repenser afin d'éviter le double écueil de la substitution et du désengagement. Une étude est actuellement en cours : elle consiste à inciter des acteurs de l'action éducative - chambres de commerce, universités, mais aussi entreprises ...- à participer au lancement de filières qui seront ensuite prises en charge localement, mais qui ne pourraient pas être créées sans une aide extérieure.

A ce titre, l'exportation des filières technologiques françaises est un enjeu d'avenir fondamental. De nombreux projets voient le jour sous l'impulsion du Ministère délégué à l'enseignement professionnel : en Chine (centres sur les formations des métiers de l'automobile avec PSA, sur les métiers du tourisme, de la mode, de l'énergie, de l'eau), en Inde (environnement), ou encore au Brésil. Concrètement, cela passe par une convention signée avec un organisme local. Les professeurs et le programme pédagogique sont fournis par la France, mais les centres doivent s'autofinancer, le plateau technique étant réalisé par la participation d'entreprises.

C'est ainsi probablement de la part des acteurs de terrain eux-mêmes que l'on peut attendre l'action la plus utile et la plus pragmatique dans la mise en place de nouvelles filières dans les pays du Sud. La Chambre de commerce et d'industrie de Paris20 mène une telle politique depuis plusieurs années ; dès 1981, elle a créé une école d'ingénieurs à Singapour. Une de ses réalisations les plus intéressantes a été la mise en place du centre franco-vietnamien des affaires en 1992. Ce transfert d'ingénierie permet de former des professionnels selon les normes françaises. Ces hommes et ces femmes constitueront une main d'_uvre adaptée aux besoins des entreprises françaises. Ils devraient devenir d'importants relais du rayonnement de la langue française.

Le projet de l'Institut d'études politiques de Paris de mettre en place un cycle euro-méditerranéen est également très novateur. Accueillant des étudiants européens et du sud de la Méditerranée, il dispenserait un enseignement en trois langues (français, anglais et arabe) et serait installé à Casablanca. Les négociations avec les gouvernements français et marocains sont actuellement en bonne voie. Un problème budgétaire se pose cependant. Sciences Po souhaiterait une convention sur 3 ans reposant sur un financement de 5 à 6 millions par an pour aider au lancement du projet. Les programmes de formation permanente devraient par la suite financer la formation initiale. En ce qui concerne l'investissement de départ, un tour de table avec des entreprises privées permettrait le financement des locaux et l'immersion du cycle dans l'économie marocaine (ce qui sera utile aux étudiants pour trouver des stages). Ce projet intéresse le gouvernement marocain car il permettrait de lutter contre la « fuite des cerveaux ». Le grand avantage de ce type de projets est qu'il constitue un véritable partenariat et non une simple assistance, c'est pourquoi on peut souhaiter qu'ils reçoivent un soutien financier de la part du gouvernement français.

3) Le défi de l'enseignement à distance

a) le nouveau visage de l'enseignement à distance

Pendant très longtemps, l'enseignement à distance n'a été considéré que comme un palliatif de l'enseignement traditionnel, en classe. Il n'intervenait en effet que si la présence physique d'un élève dans une école devenait impossible pour diverses raisons : maladie, impossibilité de déplacement, éloignement du territoire national, etc. L'obligation de scolarité a donc conduit à mettre en place un dispositif national, le Centre national d'enseignement à distance (CNED), pour permettre à chacun de suivre une scolarité dans les cas considérés comme exceptionnels.

D'importants succès ont été enregistrés par le CNED, « le plus grand lycée français » depuis de nombreuses années, cependant, cette conception passive de l'enseignement à distance a été reconsidérée du fait de la diffusion massive des technologies de l'information et de la communication. Il tend aujourd'hui vers une vision nouvelle de l'enseignement moderne efficace. Ces pratiques pédagogiques nouvelles sont particulièrement bien adaptées à l'émergence de nouveaux acteurs, prestataires de services éducatifs en marge des circuits traditionnels du monde universitaire. C'est ainsi que l'on assiste à la naissance de l'université virtuelle. Aux Etats-Unis, la fièvre du « e-learning » a été largement prise en charge par des entreprises privées comme la firme Apollo Group qui a racheté l'Université de Ph_nix pour en faire la base d'un campus virtuel commercialisant leurs cours et leurs formations sur le réseau mondial. D'après une étude récente de la banque d'affaires américaine Meryll Lynch, les universités virtuelles devraient accueillir 2,2 millions d'étudiants en 2002.

Face à cette menace réelle de transfert de l'éducation à des non-professionnels, les universités américaines ont assez vite et très fortement réagi, en procédant à des alliances, parfois avec des universités britanniques, pour obtenir rapidement une taille - et donc une puissance - suffisante. On peut citer par exemple l'alliance entre Yale, Princeton, Stanford et Oxford ou entre Columbia, Chicago, Mellon, Stanford et la London School of economics (LSE). Il y a bien entendu une grande différence entre ce genre d'alliances qui visent d'abord à mettre des cours en ligne et des formations non diplômantes, et l'avènement du « tout virtuel ». Les universités anglo-saxonnes seraient prêtes à entrer de plain pied sur ce « marché » si celui-ci s'ouvre totalement à la concurrence et si les nouvelles règles de l'OMC libéralisent complètement le secteur de l'éducation.

b) la position ambiguë de la France

Les dangers d'une éducation entièrement virtuelle sont nombreux. Non seulement elle favorise la « marchandisation » de ce secteur, mais elle remet en question l'approche pédagogique classique de la transmission du savoir. C'est pourquoi les Européens, et les Français en particulier, se montrent si réticents à s'engager dans cette révolution. Il faut cependant réagir vite, en s'adaptant, certes, mais aussi en protégeant l'écrit, véhicule de la pensée passée, l'enseignement présentiel et la relation privilégiée et irremplaçable maître - élève

Malgré l'évolution des dispositifs d'enseignement à distance, il n'existe pas d'université virtuelle en France21. Le ministre Claude Allègre a tenté de mettre en place un groupement d'intérêt public rassemblant les différents acteurs intéressés (CNED, Conservatoire national des arts et métiers, Universités...), mais cette démarche novatrice n'a malheureusement pas pu aboutir. Il existe en effet dans le monde éducatif une certaine réticence - voire une méfiance - vis à vis de l'enseignement à distance. Pourtant, s'il est encore difficile aujourd'hui d'imaginer un enseignement sans présence et intervention directe élève - enseignant, la montée en puissance du « e-learning » est une réalité qu'il faut prendre en compte. Il importe de réagir rapidement afin de ne pas laisser le champ libre aux initiatives, déjà nombreuses, lancées à l'étranger. Monsieur Raoult, président de l'Agence EduFrance, estime que la France doit être présente sur ce créneau pour y développer sa spécificité éducative en proposant des services pédagogiques d'accompagnement (tutorat...), ce qui permettrait de remettre l'enseignant au c_ur du système, et non plus le marché comme c'est le cas dans les offres anglo-saxonnes d'enseignement à distance.

Actuellement, le Ministère des Affaires étrangères ne fournit pas de modèle global à propos du « e-learning ». Il sert néanmoins de relais à toutes les petites expériences en cours : celles initiées par le CNED, par l'Université d'Aix-Marseille II pour la médecine, ou encore par le Campus Thomson avec l'Asie...

c) pour une coopération francophone en matière d'enseignement à distance

Bien que le secteur nouveau du e-learning soit dominé par des acteurs dont les objectifs sont très éloignés des principes éducatifs fondamentaux de la France, il faut être présent sur ce terrain afin d'éviter l'hégémonie d'un modèle unique. L'utilisation des nouvelles technologies a pour inconvénient de marginaliser encore davantage les pays en développement, victimes d'une véritable « fracture numérique ». Il y a là, dans le cadre du développement d'un espace de solidarité francophone, une occasion très concrète de mener une action efficace et visible : la communauté de langue et de valeurs constitue un avantage indéniable pour la mise en place d'une grande université virtuelle francophone. Cela devrait constituer une priorité de l'action éducative de la francophonie. Et celle-ci ne pourra être efficace que si elle est réalisée en étroite collaboration avec les institutions de la francophonie et les Etats membres. Il faut à tout prix éviter la coexistence de petits projets concurrents. L'espace francophone semble en effet le lieu naturel de développement d'une université virtuelle qui nécessite une certaine taille critique dès son lancement.

C'est surtout dans le domaine de l'audiovisuel que les premiers progrès ont été réalisés dans l'objectif de proposer une offre de formation francophone à distance. En effet, l'outil audiovisuel a comme grand avantage par rapport aux NTIC (internet...) sa facilité d'accès, même dans les pays pauvres. Ainsi, Radio France international (RFI) a une audience estimée à 45 millions de personnes dont 25 millions en Afrique. En effet, comme le rappelle Philippe Sainteny, conseiller personnel du président de RFI, la radio est le média souple par excellence : avec seulement un petit transistor à piles il est possible de capter les ondes, pas besoin d'électricité.

Si la télévision est moins accessible, son apport pédagogique peut en revanche être important. TV5, la télévision francophone, est accessible par 600 millions de personnes dans le monde, ce qui ne signifie malheureusement pas que son audience soit de cet ordre de grandeur, mais Marie-Christine Saragosse, directrice générale de TV5, a expliqué qu'il existe en Afrique des lieux de rencontre où TV5 est diffusée pour l'ensemble de la population du village. Ainsi, les potentialités pédagogiques de la radio et de la télévision doivent être pleinement utilisées car elles permettent de toucher un large public dans le monde et de lui apporter un enseignement francophone.

RFI consacre une part importante de ses programmes à des émissions qui ont une finalité éducative. La radio internationale produit de nombreux cours de français destinés à ses auditeurs non francophones : ces cours diffusés dans de multiples langues ont pour objectif d'enseigner le français en utilisant une démarche récréative par l'utilisation de la chanson par exemple. Au delà de ces cours de français, RFI diffuse aussi des magazines éducatifs qui peuvent intéresser un public francophone sur l'actualité de la langue française.

Contrairement à RFI, radio française, TV5 a directement une vocation francophone puisqu'elle fait partie des institutions multilatérales de la francophonie. La chaîne francophone ne pouvait pas se désintéresser de l'éducation, elle a donc mis en place une cellule enseignement pour cordonner l'action éducative de TV5 et être le relais des enseignants. En effet, les programmes de TV5 ont une utilité pédagogique à plusieurs titres :

- la variété des sources des émissions et des journaux télévisés (français, africains, québécois, belges, suisses) révèlent bien la diversité et l'ouverture d'esprit de la francophonie

- la richesse thématique des programmes permet de fournir des supports pédagogiques à des publics très différents

- de nombreux programmes courts(clips, info-minute...) ont un format adapté à une exploitation en classe

- TV5 sous-titre en français certains de ses programmes et fictions

Pour créer un contact avec les nombreux professeurs, notamment de français, dans des pays non francophones, TV5 a développé un dispositif d'information et de services à leur usage, en lien avec son serveur Internet, qui permet de fournir des lettres d'informations, du matériel pédagogique, l'organisation de concours pour les élèves... D'après Mme Saragosse, plus de 24 000 enseignants sont affiliés à ce réseau.

Il faut souligner que le dynamisme de TV5 dans le domaine de la formation a su répondre à une demande sous-jacente forte, notamment de la part des professeurs de français. Il semble même que la chaîne francophone pourrait être encore davantage utilisée comme support pédagogique si elle pouvait proposer une offre plus développée. Mais, sous-titrer des programmes, acheter les droits de films francophones qui pourront intéresser les apprenants en français coûte très cher, ce qui limite malheureusement l'offre de TV5. De plus, il faut signaler une difficulté juridique particulière pour les professeurs qui utilisent en classe des programmes de TV5 enregistrés, celui des droits de reproduction des émissions utilisées ; en effet, normalement les professeurs n'ont pas le droit d'utiliser les programmes de TV5, même s'ils le font en l'occurrence de façon totalement désintéressée et pour le plus grand bénéfice de la francophonie et de la langue française. Les Etats membres de la francophonie devraient se pencher sur cette question cruciale.

Enfin, il convient de saluer le lancement du Canal Educatif Francophone (Canal EF), une expérience de coopération francophone particulièrement intéressante. M. Bernard Loing, Président de Canal EF, en a exposé la teneur :

Le Canal EF est un programme majeur de l'Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF)22 qui vise à mettre en place, sur l'espace francophone africain, un système de radio numérique à fonction éducative, diffusé par le satellite Afristar de la Société WorldSpace. Accessible au grand public, il est notamment destiné aux établissements d'enseignement et de formation à tous niveaux (écoles, collèges, lycées, universités, lieux de formation professionnelle), aux communautés rurales et urbaines, et plus généralement à toutes les personnes - notamment les jeunes - soucieuses de formation et d'enrichissement intellectuel et professionnel.

Sur toute la zone de couverture, les émissions sont captées par des récepteurs de radio numérique, notamment ceux dont l'Agence dote ses sites pilotes partenaires dans les 30 pays francophones concernés23 : écoles et universités, communautés et centres culturels, radios partenaires nationales et locales.

Destinée à la fois au grand public, aux jeunes (scolaires et étudiants) et à leurs enseignants, la programmation actuelle (6 heures par jour rediffusées 2 fois) est organisée en grandes rubriques autour de questions d'éducation et de formation, de travail et d'insertion, de droits de l'homme et de société, de culture et de loisirs. Actuellement fournis, pour l'essentiel, par les radios partenaires dont le nombre augmente régulièrement (21 contrats signés dont 18 dans les pays du Sud), les programmes devraient être complétés par des productions propres ou des co-productions au cours des années à venir. Ces programmes ne veulent pas être des leçons et n'entendent pas se substituer au professeur. Mais ils sont conçus et choisis pour pouvoir lui être utiles, ainsi qu'à toute personne qui veut se former seule, ou simplement s'instruire et se cultiver. Une attention particulière est portée à la langue française, traitée au sein du Canal à la fois comme support de formation, et comme objet de formation. Des émissions régulières sont d'ailleurs consacrées à la langue française, à son apprentissage comme à son illustration, en s'attachant à exprimer la variété francophone des voix et des textes.

A l'issue de la période expérimentale, Canal EF devrait devenir une chaîne de radio éducative et culturelle de plein exercice. M. Loing estime qu'un tel organisme, en respectant sa vocation de service public éducatif et culturel, francophone et international, pourrait trouver son autonomie « dans un système triple combinant des ressources issues de fonds publics internationaux, à majorité francophones, de fonds privés provenant de parrainage divers, et de la participation de sociétés éditrices (livres, logiciels éducatifs, formation en ligne etc.) intéressées par la dimension du programme et des publics concernés ».

En tout état de cause, une telle décision devra être précédée des études économiques, pédagogiques, et techniques indispensables, avant de pouvoir être prise par les autorités compétentes.

III - LA NÉCESSAIRE OUVERTURE A L'INTERNATIONAL DU SYSTÈME ÉDUCATIF FRANÇAIS

A - Renforcer de façon significative l'internationalisation du système éducatif

1) Dans l'enseignement primaire et secondaire

a) une dimension indispensable

Le ministre Jack Lang distingue deux enjeux principaux concernant l'ouverture internationale de l'éducation : d'une part l'exportation de notre savoir-faire et d'autre part l'internationalisation de notre société. Cela signifie que l'intégration de la France dans la mondialisation passe non seulement par la compétitivité du système éducatif français, mais aussi par sa capacité à former des citoyens ouverts sur le monde. Pour y réussir, c'est dès l'école, puis au collège et au lycée que les élèves doivent être accoutumés à vivre dans une société ouverte.

L'ouverture internationale des établissements scolaires a été confortée par la création des délégations académiques aux relations internationales et à la coopération (DARIC), qui assurent la coordination des activités de chaque académie dans ce domaine. Il s'agit d'échanges de classes, d'activités internationales dans les établissements techniques et professionnels, de perfectionnement linguistique d'enseignants, de soutien pédagogique à des établissements étrangers.

b) l'apprentissage des langues étrangères

L'apprentissage des langues étrangères à l'école est une première ouverture et la condition d'une réelle politique internationale. Ce dernier apparaît doublement nécessaire : tout d'abord, il permet d'offrir aux citoyens formés par notre système éducatif un moyen de jouer à l'avenir un rôle dans la mondialisation. Sans maîtrise d'autres langues que la langue maternelle, il est vain d'espérer avoir une place de premier plan dans la sphère économique, culturelle ou politique. Ce constat peut paraître banal, pourtant la place des langues étrangères dans l'enseignement a longtemps semblé seconde.

Aujourd'hui, comme cela a été expliqué précédemment24, il est couramment admis que l'apprentissage d'une ou de plusieurs langues étrangères est indispensable pour le développement même de la francophonie. En effet, comme le souligne Stélio Farandgis, « le français doit être la langue du plurilinguisme, la deuxième langue de référence : il serait vain d'entreprendre une bataille contre l'anglais. Si l'on veut que le français subsiste, c'est-à-dire qu'il continue à être enseigné en deuxième langue, la France doit montrer l'exemple et ne pas considérer l'anglais comme la seule langue étrangère utile ». Force est de constater que si l'enseignement du français se maintient en Allemagne et au Royaume-Uni25, celui de l'allemand s'effondre en France et l'anglais est toujours aussi mal maîtrisé par les bacheliers français.

En juin 2000, le Ministre Jack Lang a défini les nouveaux objectifs de la politique linguistique du ministère de l'Education nationale. L'introduction de façon définitive, et selon un calendrier ambitieux, de l'enseignement des langues vivantes à l'école primaire a été décidée. On peut espérer que le niveau de compétence des jeunes français en langue vivante en sera considérablement accru, surtout pour l'oral car un apprentissage au plus jeune âge permet d'ancrer la compétence linguistique plus solidement. Cela permettra l'introduction d'une seconde langue vivante dès le début du collège. Un autre objectif très important a aussi été réaffirmé : celui d'une plus grande diversification des langues apprises dès l'école primaire. Alors que 2001 est « année européenne des langues », il est nécessaire d'amplifier les efforts qui ont déjà été amorcés. Il est à cet égard nécessaire d'entreprendre une rénovation pédagogique des enseignements de langue.

Une attention toute particulière devra être apportée à l'apprentissage des langues à l'école primaire, car les enseignants, déjà pluridisciplinaires, n'ont pas nécessairement les compétences requises en la matière. Pour réaliser ces objectifs, il pourrait être davantage fait appel à des assistants étrangers, ce qui favoriserait, outre la maîtrise dialectale de la langue étrangère ainsi enseignée, la mobilité de ces jeunes professeurs de langue. Ces échanges se sont certes développés au fil des années, mais ils avaient tendance à stagner, voire à baisser (2 300 assistants en 1997). 1 000 postes ont donc été créés à la rentrée 1998, 1 000 autres à la rentrée 1999 et 1 500 en 2000, ce qui a porté à 5 800 le nombre total de postes d'assistants à la rentrée 2000. Le développement des filières universitaires spécifiques FLE (Français langue étrangère) serait à envisager, afin de répondre à la demande de professeurs de français de nos partenaires européens.

La pédagogie de l'enseignement des langues suscite de nombreux débats, et les problèmes qu'elle pose sont encore loin d'être résolus. Les expériences menées notamment par le laboratoire de l'Ecole Normale Supérieure de Fontenay - Saint-Cloud26 sont à cet égard particulièrement intéressantes. Ce dernier a mis au point un enseignement des langues étrangère destiné aux enfants du primaire et de sixième basé exclusivement sur la compréhension auditive, à l'aide de matériel sonore et vidéo : les élèves n'apprennent à lire et à écrire que lorsqu'ils comprennent et parlent la langue. Ils assimilent ainsi cette langue étrangère de la même manière que leur langue maternelle. Les effets de cette méthode sont surprenants : ceux qui ont reçu cet enseignement ont un très bon accent et font beaucoup moins d'erreurs grammaticales que leurs camarades dont l'enseignement a été plus classique. Il est intéressant de noter qu'ils font les même fautes d'orthographe et de prononciation que les petits Anglais, Allemands ou Espagnols qui apprennent à lire et à écrire. C'est également, dans l'enseignement supérieur, la méthode choisie par Institut national des langues orientales (INALCO) pour enseigner les « langues rares » aux grands débutants, en russe notamment.

c) internationaliser l'enseignement primaire et secondaire au quotidien

Pour réaliser une véritable ouverture, il est indispensable de favoriser dès le primaire les initiatives d'échanges scolaires. Des élèves sensibilisés aux langues étrangères pourront s'inscrire dans le projet international de chaque établissement. Durant l'année scolaire 2000-2001, 4 300 échanges scolaires, concernant plus de 100 000 élèves et plus de 8 000 enseignants, ont été soutenus par le Ministère de l'Education nationale. Ces partenariats traduisent un dynamisme certain - on compte 600 nouveaux accords chaque année - même si les sommes consacrées à ces échanges sont faibles (8 millions de francs en 1998).

Une meilleure ouverture sur le monde des élèves français dès l'école primaire permettrait la mise en place de sections internationales dans tous les types d'établissements et de mieux coordonner l'action des lycées internationaux avec les établissements traditionnels. La France dispose d'ores et déjà d'un système audacieux d'enseignement secondaire à vocation internationale par l'intermédiaire des lycées internationaux et des sections internationales. Ceux-ci accueillent à la fois des élèves étrangers (de 25 et 50 % des effectifs) et français qui reçoivent en plus de l'enseignement français traditionnel, un enseignement spécifique dans la langue de la section, dispensé par des enseignants étrangers, souvent mis à disposition par leur pays d'origine. Ces professeurs interviennent sur la base de programmes établis en concertation entre les autorités éducatives des deux pays concernés. De ce fait, les lycées internationaux et les sections internationales sont des lieux irremplaçables de brassage linguistique et culturel. Malheureusement, il s'agit encore d'un dispositif atypique qui ne concerne actuellement qu'environ 8 500 élèves, dont presque la moitié d'étrangers. Cependant, comme le souligne Thierry Simon, délégué aux relations internationales et à la coopération au Ministère de l'Education nationale, « ce dispositif ne doit pas uniquement être jaugé à l'aune de critères quantitatifs qui paraissent peu adaptés ». Il estime que l'accusation d'élitisme est excessive. « Si ce modèle est difficilement généralisable, il permet de former des jeunes aptes à aider les entreprises et les administrations françaises à s'implanter à l'étranger, capables de diffuser la culture, les modes de pensée et les enjeux français ». C'est une expérience intéressante, malheureusement limitée qu'il conviendrait d'étendre en collaboration avec les autres Etats membres de l'Union européenne.

C'est bien dans l'ensemble du système éducatif qu'il conviendrait de poursuivre la mise en place d'une dimension internationale qui ne doit pas être réservée à des cas limités. Il faut à ce titre souligner l'initiative du Ministre délégué à l'enseignement professionnel, Jean-Luc Mélenchon, pour donner une véritable dimension internationale aux établissements d'enseignement technique, par l'ouverture de sections européennes ou encore par l'enseignement d'une discipline technique en langue étrangère. Cette dernière mesure suppose la présence de professeurs étrangers compétents dans ces matières techniques, ce qui rend une fois de plus urgente la coopération européenne en matière d'échange d'enseignants. Plusieurs des personnalités auditionnées ont également suggéré de rendre possible un séjour dans un établissement du réseau de l'AEFE à l'étranger aux jeunes stagiaires à l'issue de l'Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM).

2) Dans l'enseignement supérieur

a) des progrès dans tous les domaines

L'internationalisation des établissements supérieurs passe d'abord par l'accueil d'étudiants étrangers27 et par la mobilité internationale de leurs propres étudiants28. Mais plus globalement, cette dimension doit être intégrée à l'ensemble des activités des universités et des grandes écoles françaises.

Ces échanges seraient favorisés par des rapprochements entre établissements étrangers, débouchant sur de véritables filières internationales sanctionnées par un diplôme ad hoc. Actuellement, les échanges étudiants s'inscrivent dans la continuité du cursus d'origine. Les diplômes communs auraient quant à eux une vocation internationale. On peut citer encore les filières internationales mises en place par l'Institut d'études politiques de Paris qui donnent aux étudiants une véritable valeur ajoutée. De même, l'école HEC a mis en place avec douze grandes écoles européennes de management un programme baptisé CEMS29 : les étudiants suivent un tronc commun, en trois langues, avec des séjours dans d'autres écoles du réseau, des cours communs entre les étudiants des différentes écoles, et l'obtention, en plus du diplôme de l'école d'origine, du diplôme de la CEMS. Ce programme spécifique ne remplace pas les accords d'échange de partenariat : c'est un choix proposé aux étudiants et dont la valeur est incontestable.

En ce qui concerne la recherche, la dimension internationale est un aspect central - voire indispensable - de son développement : la recherche est aujourd'hui l'objet d'une forte concurrence en même temps qu'un secteur privilégié de coopération et de synergie entre établissements. Face à ces enjeux, les universités françaises semblent mal armées, notamment par manque de moyens suffisants, en particulier dans le domaine des équipements en nouvelles technologies, indispensables à une recherche coopérative internationale fructueuse.

L'internationalisation doit aussi prendre en compte les étudiants qui ne feront pas de séjour à l'étranger, et ils constituent encore 90 % des effectifs. C'est pourquoi il est indispensable de rendre les enseignements plus ouverts et enrichis des méthodes pédagogiques étrangères. Pour réaliser cet objectif, il serait souhaitable que les enseignants français - quelles que soient les disciplines concernées - aient la possibilité de se rendre dans des établissements étrangers afin de se confronter à d'autres cultures universitaires. A l'inverse, il serait profitable que les établissements français puissent recevoir des enseignements dispensés par des professeurs étrangers. M. Richard Descoings, le directeur de l'IEP de Paris, attire à ce propos l'attention sur un élément souvent mal connu : il existe aujourd'hui un véritable « marché » des professeurs avec un tarif mondial élevé. Les établissements d'enseignement supérieur français ont du mal à résister à la concurrence, notamment des universités anglo-saxonnes qui disposent de moyens considérables destinés à l'accueil des fellow professors (professeurs invités), que ce soit en terme de rémunération, de logement ou d'horaires.

Les stages en pays étranger sont une alternative plus souple aux échanges universitaires. Néanmoins, trouver un stage à l'étranger n'est pas aisé et si de nombreux étudiants en grande école tentent cette expérience, c'est beaucoup moins le cas des étudiants à l'université. Les stages sont peu valorisés à l'université et les services d'aide aux étudiants beaucoup moins performants que ceux des grandes écoles.

b) une nécessaire stratégie d'ensemble

Si l'Etat français ne peut se substituer aux établissements d'enseignement supérieur en ce qui concerne la conclusion d'accords de partenariat et d'échange, il peut faire en sorte de les faciliter. En effet, la mobilité encore relativement faible des étudiants européens en général, et français en particulier, s'explique largement par un problème de compatibilité entre les différents systèmes d'enseignement supérieur, y compris au sein même de l'Union européenne. Attirer dans les meilleures conditions possibles des étudiants étrangers nécessite une certaine souplesse dans la définition des cursus, des programmes et des évaluations, afin que ces aspects, très marqués par des traditions nationales, voire propres aux établissements, ne freinent pas la mobilité étudiante.

A cet égard, les orientations définies le 23 avril 2001 par le Ministre de l'éducation nationale Jack Lang sont très prometteuses. Il a annoncé sa volonté d'adapter l'enseignement supérieur à l'ouverture internationale, confirmant ainsi les orientations prises précédemment par Claude Allègre. Jack Lang a souligné qu'il est essentiel que l'enseignement supérieur français devienne plus lisible et comparable aux autres systèmes européens pour favoriser la mobilité des étudiants et des professeurs.

Il est indispensable que la planification annuelle des cursus ne constitue pas un obstacle à l'accueil d'étudiants étrangers. A ce titre, la nouvelle architecture de l'année universitaire envisagée, fondée sur la semestrialisation, de même qu'aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, devrait permettre davantage de souplesse, notamment pour les étudiants issus de l'hémisphère sud dont l'année universitaire commence au début du deuxième semestre en France. Il devrait en effet être possible de commencer un cursus d'études au mois de janvier. Parallèlement pourraient être créées d'avantage d'universités d'été. Une très intéressante étude sur ce thème, confiée par le Ministre de l'Education nationale à Monsieur Elie Cohen, directeur de recherche au CNRS, vient d'être rendue publique.

La mobilité des étudiants passe également par l'adoption de standards communs en ce qui concerne les niveaux de formations. En effet, si les cursus ne sont pas comparables, il est vain de chercher à promouvoir les échanges d'étudiants. Le rapport commandé par le ministre Claude Allègre à M. Jacques Attali, intitulé « Pour un modèle européen d'enseignement supérieur », précise que « les niveaux pertinents de sortie seront à trois ans, avec la licence, après des études menées principalement en groupes à effectifs réduits ; à cinq ans avec une Nouvelle Maîtrise faite d'enseignement, de stages et de recherche ; et à huit ans avec le doctorat, ouvrant particulièrement la voie aux carrières de l'enseignement supérieur, de la recherche et aux grands corps de l'Etat ». Certains ont critiqué cette orientation en notant que ces différents niveaux correspondaient aux standards anglo-saxons (bachelor, master, PhD). Cependant, ces distinctions semblent pertinentes et leur généralisation doit être constatée dans la poursuite des efforts déjà entrepris avec la création de la licence professionnelle, la création du grade de « mastaire » ou encore l'allongement à cinq ans de la formation des écoles de commerce ou de l'IEP de Paris.

La prise en compte dans le cursus d'origine des connaissances acquises à l'étranger constitue un élément clé de la politique éducative extérieure de la France. Mais les cursus universitaires français sont trop souvent définis de façon rigide, ce qui constitue un frein à cette comptabilisation. Une première prise de conscience a été rendue possible par l'adoption dans le programme communautaire Socrates-Erasmus du système de crédits ECTS30. La prochaine étape vise à repenser le mode d'évaluation des formations universitaires, en généralisant les « diplôme à points ». Chaque module d'enseignement validé par l'université serait affecté d'un certain nombre de points. L'étudiant devrait avoir obtenu 60 points pour réussir l'ensemble de son année. Ce système correspond à une conception différente des études supérieures, moins axées sur des formations aux contenus figés. Il permettrait ainsi la semestrialisation, la pluridisciplinarité et la comparaison des formations entre différents pays. L'adoption de ce nouveau système par la France se développe dans un contexte européen : les ministres européens de l'enseignement supérieur réunis à Prague en mai 2001 ont décidé de mettre en _uvre concrètement les orientations définies aux conférence de la Sorbonne et de Bologne.

B - Favoriser la mobilité des étudiants français dans un cadre européen

Dans le contexte de mondialisation actuel, il est indispensable d'accroître la mobilité internationale des étudiants français. Conscients de ces enjeux et de leurs faiblesses dans ce domaine, les établissements d'enseignement supérieur tentent depuis peu d'adopter de nouvelles stratégies d'ouverture internationale. Ils entendent ainsi répondre à la demande croissante des entreprises qui recherchent des cadres ouverts sur le monde, capables de s'adapter au nouveau contexte économique et social.

1) Accroître la mobilité des étudiants français

a) des situations très diverses

D'après les chiffres de l'EAIE (european association for international education), moins de 10 % des étudiants européens effectuent un séjour à l'étranger dans le cadre de leurs études.

La France se situe dans la moyenne européenne. Il y a cependant toujours une grande différence entre les grandes écoles qui ont opté pour l'internationalisation depuis déjà plusieurs années, et les universités qui n'en sont parfois qu'à leurs premiers balbutiements dans ce domaine. Encore la situation des universités est-elle très différente selon leur localisation et les disciplines enseignées. Seuls 3 à 4 % des étudiants de deuxième cycle universitaire profitent des programmes d'échange internationaux alors que 20 % des étudiants d'HEC ou 25 % de ceux de l'école centrale de Paris font un séjour à l'étranger au cours de leur cursus.

Les raisons de ces écarts sont nombreuses : l'inégalité des moyens en est une importante. Les grandes écoles ont une expérience plus longue et l'internationalisation est entrée dans leurs habitudes. Elles valorisent ou rendent obligatoire un stage ou un séjour d'études à l'étranger tandis que les universités ont davantage tendance à considérer ces démarches comme un projet individuel de l'étudiant, en dehors de toute politique volontariste de l'établissement.

b) le financement des séjours à l'étranger

Les études à l'étranger sont onéreuses. Bien qu'il n'y ait pas de droits de scolarité à régler dans les établissements d'accueil dans le cadre des programmes d'échange, s'installer dans un pays étranger pour quelques mois est source de dépenses supplémentaires considérables en ce qui concerne les transports, le logement, et plus généralement tout ce qui touche la vie quotidienne. Ces coûts découragent souvent les familles Même si certaines aides, nationales et communautaires existent31, le financement d'un séjour à l'étranger repose largement sur l'autofinancement.

2) Socrates-Erasmus et Leonardo : un succès à amplifier

a) Erasmus : une contribution concrète au rapprochement des Européens

Le programme Erasmus, créé en 1987, permet à tout étudiant sélectionné32 de se rendre dans un établissement lié au sien par un accord bilatéral de coopération. Erasmus est aujourd'hui la plus importante des huit actions du programme général Socrates. Socrates 1 a couvert la période 1995-2000, Socrates 2 couvre les années 2001 à 2006.33

Dans le cadre du programme Socrates-Erasmus, le financement de la mobilité d'un étudiant français fonctionne de la façon suivante :

- une allocation est versée par la Commission européenne (50 euros par mois, soit 327 francs).

- des fonds en provenance du ministère de tutelle de l'établissement (en général le ministère de l'éducation nationale) sont débloqués à hauteur d'environ 200 F par mois.

- chaque Conseil régional s'engage à soutenir la mobilité étudiante en Europe en fournissant une allocation régionale très variable selon les régions : la région Rhône-Alpes donne 2 000 F par mois alors que le Limousin n'octroie qu'entre 400 et 500 F par mois.

- d'autres aides existent, émanant des établissements ; il y a par exemple une aide au départ à l'Université de Bordeaux 3 et à Sciences Po.

- les établissements d'accueil à l'étranger et les ministères étrangers (généralement les ministères des Affaires étrangères) offrent parfois un certain nombre de services (logement, voyage...) comme c'est le cas de plusieurs accords conclus par l'Université de Paris III et l'IEP de Paris avec des universités étrangères.

Il n'est cependant pas possible pour un établissement de faire bénéficier tous les étudiants du programme Erasmus. C'est pourquoi la mobilité étudiante n'est pas plus soutenue. Il est par ailleurs intéressant de noter la corrélation existant entre le niveau des bourses offertes par les conseils régionaux et le nombre d'étudiants de ces régions effectuant un séjour dans un autre pays d'Europe. Et l'on ne peut que regretter l'importance des écarts entre les régions dans un contexte de baisse du montant global des bourses offertes par la Communauté européenne.

La croissance du nombre d'étudiants bénéficiant d'un échange est cependant spectaculaire. En 1987/88, le nombre d'étudiants Erasmus était de 3 000. Il était de 97 000 en 1998/99 issus de 30 pays, les pays d'Europe centrale et orientale faisant partie du programme depuis 1998. Au total, depuis les débuts du programme, Erasmus a permis à plus de 700 000 jeunes européens de suivre des études dans un autre pays de l'Union. Son grand avantage est de participer à la construction européenne au quotidien, de tisser des liens de solidarité concrets. De même que la « méthode Jean Monnet » consistait à construire l'Europe sur des solidarités de fait, comme la mise en commun des ressources d'énergie, les échanges universitaires sont un moyen de construire très concrètement une Europe des citoyens, en favorisant les contacts entre les populations. Non seulement les étudiants y acquièrent une ouverture certaine dont ils pourront faire bénéficier leurs proches à leur retour, mais ils enrichissent par leur contact les étudiants des pays dans lesquels ils séjournent.

L'Europe des échanges universitaires est devenue l'exemple d'une construction européenne réussie, à la fois proche des citoyens et efficace dans l'apparition d'un sentiment européen. Le politologue Yves Mény34 peut ainsi écrire : « La politique peut rejoindre le symbole quand les mesures prises parlent au public : les programmes pour étudiants Erasmus et Socrates concilient de ce point de vue un impact extraordinaire sur les jeunes avec un coût très bas. C'est le bon modèle d'association de la société civile - même s'il peut être amélioré dans son fonctionnement - et les domaines où il pourrait être étendu sont innombrables. Après tout, pourquoi seuls les étudiants seraient-ils incités à cette mobilité européenne ? Dans d'autres secteurs, le symbole, l'efficacité et la politique pourraient aussi être réconciliés ».

Le programme Erasmus a bien souvent fait figure de précurseur dans le domaine des échanges universitaires. C'est grâce à la mise en place des premiers échanges dans ce cadre communautaire que grandes écoles et universités ont découvert l'intérêt et le bénéfice des séjours à l'étranger. Plus prosaïquement, comme le souligne Marixtu Skawinski, chef du service des relations internationales de l'université de Bordeaux 3, la nécessité de gérer le programme a souvent été à l'origine de la création des services de relations internationales des Universités.

b) Leonardo : une mesure d'internationalisation de l'enseignement professionnel

Etabli en 1995, le programme d'action communautaire de formation professionnelle Leonardo da Vinci est entré, au 1er janvier 2000, dans sa deuxième phase. Elle se déroulera jusqu'au 31 décembre 2006. Cinq types de mesures peuvent bénéficier d'un soutien communautaire :

- des actions favorisant la mobilité européenne en matière de formation ;

- des projets pilotes de formation transnationale des formateurs, de création de modules et d'outils pédagogiques

- le développement des compétences linguistiques

- la multiplication des réseaux de coopération transnationale ;

- la construction d'outils de référence pour élaborer des diplômes ou des parcours de formation plus performants

Leonardo permet également de soutenir des actions conjointes en relation avec d'autres programmes communautaires, plus particulièrement Socrates et Jeunesse, respectivement destinés aux élèves de l'enseignement général et aux jeunes en difficulté qui recherchent une insertion scolaire ou professionnelle. Pour la France, environ 3 800 bourses, représentant quelque 8 millions d'euros sont attribuées chaque année. Ces bourses concernent 1 500 élèves de l'enseignement professionnel ou technologique et apprentis, 1 500 étudiants et 800 demandeurs d'emplois.

Programme d'action pour la formation professionnelle, « Leonardo » favorise la mobilité des jeunes dans les pays de l'Union européenne et contribue à élargir le contenu de leurs apprentissages. Il consiste dans la plupart des cas en un stage dans une entreprise étrangère sous la direction d'un établissement professionnel étranger et parfois en collaboration avec les élèves de celui-ci. C'est ainsi que le lycée technologique du bois à Paris dans le XVe arrondissement organise chaque année pour les élèves de première un stage de trois semaines en Italie dans une région de l'industrie du bois, la Brianza, près de Milan. Précédés d'une formation de quarante heures d'italien, les stages sont conçus « en binôme avec les partenaires italiens : chaque élève effectue son stage avec un camarade italien. Il en est de même lorsque les élèves italiens viennent en France dans le cadre de ce partenariat.

c) un second souffle nécessaire

Le programme Socrates 2 est doté de 1,85 milliard d'euros, un montant annuel très comparable à la programmation Socrates 1 (le budget pour 1999 était de 213 millions d'euros) mais bien inférieur aux 2,55 milliards préconisés par le Parlement européen. Or Socrates 2 est ouvert à davantage de pays et à davantage d'actions, c'est ainsi que, si l'objectif du nouveau programme est d'amplifier la mobilité, les moyens sont constants, voire proportionnellement en diminution.

La Commission européenne a en effet choisi de favoriser le cofinancement, au détriment du financement direct. Son rôle serait alors avant tout d'impulsion. Il y a pourtant une véritable dimension européenne dans la mobilité étudiante qui légitime un effort de la Commission et il est regrettable qu'elle ne s'implique pas davantage dans le domaine de l'éducation.

La programmation budgétaire de Socrates 2 n'est pas véritablement à la hauteur des enjeux de la mobilité étudiante et de l'internationalisation de l'éducation. Il est dommage que l'action communautaire stricto sensu dans ce domaine, dont il a pourtant été montré l'aspect précurseur et particulièrement novateur en son temps, soit aujourd'hui singulièrement en retard sur l'action intergouvernementale. Le mouvement amorcé à la conférence de la Sorbonne, puis poursuivi à Bologne et enfin à Prague a pour objectif de réviser l'architecture du système d'enseignement supérieur européen pour le rendre plus adapté aux enjeux de la mobilité, ce qui lui permettrait de profiter pleinement de programmes communautaires plus ambitieux. Or, le rôle de l'Europe est de plus en plus considéré comme un simple rôle de coordination et d'impulsion.

CONCLUSION

Au terme de ce rapport, il convient de se garder de deux écueils. Le premier serait le repli sur soi, contraire aux valeurs d'universalisme et de diversité culturelle inhérents à la francophonie. Le second danger consisterait à accepter la transformation de l'éducation en un vaste marché et de ne chercher qu'à y gagner des parts. De nombreuses entreprises privées dans le monde se sont déjà positionnées sur ce créneau, en espérant sans doute que la réforme des règles de l'OMC imposera le libre-échange dans ce domaine. Il faut donc être particulièrement vigilant pour que la nécessaire ouverture de notre système éducatif ne se fasse pas au détriment des principes républicains fondamentaux : le respect du service public ou encore l'accès libre et gratuit à l'enseignement laïque obligatoire tel que Jules Ferry l'a voulu en 1882, qui sont les bases mêmes de la démocratie et de la République française.

La francophonie est bien plus qu'une simple communauté linguistique, et si la langue française reste son dénominateur commun, elle véhicule, partout dans le monde, des valeurs et un message de démocratie. "Notre langue ne se contente pas de transmettre le minimum opérationnel, elle organise une pensée" disait François Mitterrand. La francophonie a un rôle essentiel à jouer pour prévenir les risques de dérive que peut engendrer la mondialisation. Il faut éviter qu'elle ne devienne une source d'aggravation des inégalités et de négation des identités, mais qu'elle soit au contraire un facteur de développement et de dialogue des cultures. Les Etats signataires de la charte de Hanoï en 1997 estiment que les biens culturels ne sont pas réductibles à leur seule dimension économique ou marchande.

La pérennisation de ces idées rend nécessaire une action forte de la France à l'international dans le domaine de l'éducation. Dès 1998, les ministres Hubert Védrine et Claude Allègre ont mis en place une véritable politique éducative extérieure, mais elle est encore trop timide et mal connue des acteurs professionnels et de la société civile.

Tout au long du travail préparatoire à cette étude, un changement d'attitude encourageant a été perceptible : le scepticisme observé lors des premières auditions de personnalités a fait place à davantage de confiance. Sans doute la politique conjointe du Ministère des Affaires étrangères et du Ministère de l'Education nationale menée à partir de 1998 en est-elle la cause. En effet, l'évolution quantitative du nombre d'étudiants étrangers en France est un des signes positifs rassurants concernant la place de la France au sein de la compétition internationale dans ce domaine.

Certains retards ressentis comme lourds au début de l'étude ont été comblés, en particulier par l'adaptation des systèmes d'enseignement secondaire et supérieur à l'internationalisation. C'est tout le sens des mesures prises par le ministre Jack Lang pour ouvrir l'école sur l'extérieur par l'apprentissage précoce des langues étrangères, obligatoire dès la rentrée 2001 dans les classes de CM1 et des nouvelles orientations annoncées en avril 2001 visant à mieux adapter l'enseignement supérieur à l'ouverture internationale.

Ces premiers résultats, encourageants, doivent inciter à redoubler d'efforts. A ce propos, Lionel Jospin a affirmé en juillet 2001 que "la France maintiendra un niveau élevé de flux d'aide publique au développement". Il faut noter que le budget de la Direction Générale de la Coopération Internationale et du Développement (DGCID) a été en 2000 de 9,2 milliards de francs, soit plus de 40 % du budget total du ministère des Affaires étrangères.

Au-delà des acteurs institutionnels, nationaux et internationaux qui contribuent largement au rayonnement de la France et du français, il convient donc d'améliorer notre offre éducative et notre place au regard de la demande mondiale.

La direction de la Coopération culturelle et du français au Ministère des affaires étrangères estime à 130 millions les locuteurs de langue maternelle et à 80 millions les apprenants dans le monde, faisant état d'une progression régulière de l'ordre de 4 % par an des apprenants de français. Ces chiffres, en évolution constante, même s'ils recouvrent des réalités géographiques différentes peuvent être améliorés si les mesures énoncées dans ce rapport peuvent se concrétiser : les étudiants, notamment européens, éprouvent de plus en plus la nécessité de maîtriser outre l'anglais et leur langue maternelle, une troisième langue vivante. Il semblerait en effet que l'opinion publique mondiale demande davantage de respect de la diversité culturelle, sous tendue notamment par les langues. Dans ce contexte l'expression du Premier ministre Lionel Jospin considérant le français non plus comme "une langue de pouvoir mais de contre pouvoir" est plus que jamais d'actualité.

Parmi les propositions de ce rapport, un certain nombre d'axes importants devraient être l'objet d'une attention toute particulière :

¬ Tout d'abord, en réponse à l'excessive complexité du système actuel, une collaboration plus étroite des moyens, notamment budgétaires et humains, et des actions des deux ministères (Ministère des Affaires étrangères et Ministère de l'Education nationale) concernés par l'action française à l'étranger apparaît nécessaire.

¬ Répondre au défi mondial de l'éducation consiste aussi à former des futurs citoyens ouverts sur le monde, c'est pourquoi une de nos priorités devrait être l'internationalisation de notre système éducatif dès l'école primaire et tout au long du cursus scolaire et universitaire. La prise de conscience de l'importance de cet enjeu a débouché sur quelques mesures fortes, notamment à l'école qui est encore trop rarement engagée dans le programme européen Comenius. Il reste cependant beaucoup à faire, notamment dans le domaine de l'enseignement des langues, où des obstacles en terme de moyens, en particulier humains, restent à surmonter. Il conviendrait ainsi de favoriser l'échange d'assistants de langue au niveau européen. Dans l'enseignement supérieur, de nombreux établissements ont réorganisé leurs cursus afin de leur donner une dimension internationale, bien que les séjours à l'étranger se heurtent encore au problème de financement. L'amélioration de cette situation est de la responsabilité de nombreux acteurs : les établissements eux-mêmes, l'Etat qui doit repenser le financement des séjours à l'étranger, et la Communauté européenne dont les programmes (dont Socrates) ont joué un rôle majeur dans ce domaine. Ces derniers semblent cependant s'essouffler dans leur progression faute d'adéquation entre leurs objectifs et leurs moyens.

¬ L'accueil des étudiants étrangers en France doit être une priorité. Pour cela il semble aujourd'hui indispensable de créer une structure de coordination fédératrice de l'action des différents organismes (EduFrance, le CNOUS, Egide, le ministère des Affaires étrangères) pour rendre le système plus lisible et plus directement opérationnel. Des efforts devraient être entrepris par les établissements d'enseignement supérieur, notamment les universités pour rendre l'accueil des étudiants plus performant. Même si les déficits qui peuvent être constatés aujourd'hui tiennent avant tout à un manque de moyens, il est urgent de mettre en place de véritables services chargés des relations internationales et de revoir les procédures d'inscription en université.

¬ Dans cet esprit, la politique d'attribution des visas et des bourses, encore trop timide, mériterait d'être confortée. L'actuel saupoudrage des bourses n'attire guère les étudiants étrangers, par trop utilitaristes, certes, mais lucides, et qui choisissent de confier leur avenir aux pays qui leur offrent le plus d'avantages et qui leur apparaissent en adéquation avec l'évolution mondiale.

¬ La diffusion de notre système éducatif à l'étranger devrait encore pouvoir être améliorée. A cet égard, il est indispensable de conserver cet outil unique que constitue l'AEFE, dont les difficultés actuelles tiennent paradoxalement à l'excellente qualité des lycées français, qui attirent toujours plus d'élèves. Une clarification des missions de l'AEFE devrait permettre de poursuivre une politique ambitieuse dans ce domaine.

¬ Mais s'il est nécessaire de maintenir les outils existants, il est aussi indispensable d'en créer de nouveaux, mieux adaptés aux mutations du monde moderne. Ainsi, la France doit au plus vite rattraper son retard dans le secteur stratégique de l'éducation virtuelle (e-learning) en prenant garde de préserver les spécificités de notre enseignement. Pour cela, il serait nécessaire de réunir dans une structure unique les différents acteurs concernés par cette forme de transmission du savoir (CNED, Conservatoire national des arts et métiers, Universités...). Comme l'ont souligné plusieurs des personnalités auditionnées, une coopération francophone en la matière serait grandement profitable et devrait faire l'objet d'une étude approfondie.

¬ Enfin, nombre de personnalités auditionnées l'ont rappelé, ces propositions ne prendront toute leur force que si la population, trop indifférente encore à ces questions capitales pour l'avenir de notre pays, y est sensibilisée. C'est pourquoi il serait souhaitable d'envisager le lancement d'opérations destinées à informer nos concitoyens de l'importance de ces enjeux.

¬ La promotion du potentiel de formation et d'expertise scientifique de la France dans le monde doit être un objectif prioritaire. Elle est étroitement liée à l'amélioration de la lisibilité internationale des formations universitaires, mais aussi primaires, secondaires et techniques encore trop peu concernées par cette réalité. Nombre de mesures suggérées dans ce rapport devraient contribuer, par leur application, à une amélioration de la compétitivité française tout en assurant la diffusion des principes républicains et humanistes, fondamentaux et universels, qui ont assuré le prestige de la France devant l'histoire. Dans le contexte actuel de mondialisation, la « francosphère » peut occuper une place de choix en conciliant unité et diversité.

L'affirmation de M. Hubert Védrine, Ministre des Affaires étrangères, selon laquelle la réforme de nos dispositifs de coopération internationale en matière d'éducation « est une chance historique pour la diplomatie française, au moment où la globalisation et la mondialisation, marquées par une compétition intense sur tous les plans, nécessitent la définition de nouvelles régulations dans les rapports internationaux, qui prennent en compte nos approches intellectuelles et nos modes d'organisation de la société », prend ici tout son sens.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent rapport d'information au cours de sa réunion du 26 juin 2001, sur le rapport de Mme Odette Trupin

Mme Odette Trupin a d'abord expliqué qu'elle avait intitulé l'étude qu'elle avait menée « La France et le défi mondial de l'Education : quels enjeux pour la francophonie? ». La promotion de la langue française en effet ne se fera pas par protectionnisme, mais son développement doit passer par l'éducation. L'accélération du processus de globalisation est tel qu'il gagne des secteurs jusqu'ici amplement publics comme l'éducation. Dans le contexte actuel de « la marchandisation » galopante où la prise de conscience générale s'accorde à considérer l'homme comme la vraie richesse, de nombreux Etats, déjà largement engagés, rentabilisent au maximum la formation. L'explosion des technologies de la communication contribue fortement à cette évolution : la diffusion de « biens éducatifs » est en progression vertigineuse, (la mondialisation des marchés donne un coup de fouet à leur commercialisation à l'échelle planétaire).

L'importance croissante de la formation se traduit au niveau mondial par une place dangereusement grandissante du secteur privé, en concurrence avec le service public. Du côté de la demande, le caractère toujours plus stratégique de l'éducation fait que les entreprises et les personnes sont prêtes à payer pour « acheter » de la formation. Du côté de l'offre, le secteur privé voit s'ouvrir un marché colossal, quand on sait que le nombre d'étudiants est passé de 6,5 millions en 1950 à 51 millions en 1980 et sans doute à plus de 90 millions aujourd'hui.

Ainsi deux dangers dont les effets se conjuguent, guettent l'espace francophone : l'extinction sournoise de la langue française, comme de nombreuses autres langues, par la domination de l'anglais, devenu, quoi qu'il en soit, incontournable, et la montée internationale de la commercialisation de la formation.

Mme Odette Trupin a expliqué qu'il lui avait donc paru indispensable d'envisager la place et le rôle de la France dans ce nouveau défi notamment pour tenter d'apprécier les enjeux de l'espace francophone. Certes, le système éducatif s'ouvre peu à peu à l'international ; cette ouverture est cependant récente et en est encore à ses prémices ; elle constitue pourtant l'élément vital de la francophonie non tant d'un point de vue institutionnel, mais plutôt au niveau de la diffusion de la langue française et des valeurs républicaines fortes qu'elle véhicule.

A partir de 1998, les ministres Claude Allègre, Hubert Védrine et Charles Josselin ont entrepris d'enrayer le retard et les faiblesses de la France dans ce domaine en procédant à la mise en place d'une véritable politique éducative extérieure. Ce qui contribue sans doute à aggraver ces faiblesses est le rôle différencié des ministères des Affaires étrangères et de l'Education nationale. La demande générale va vers plus de coordination de ces deux instances.

Cette politique éducative extérieure repose essentiellement sur quatre piliers qui sont l'amélioration de la délivrance des visas étudiants grâce à la loi du 11 mai 1998, et parallèlement celle des conditions d'accueil des étudiants étrangers, l'amélioration de la promotion des études françaises à l'étranger par la création d'Edufrance, la réforme des programmes de bourses (bourses Eiffel) et enfin une participation plus active à la mise en place d'un espace européen de l'enseignement supérieur. Cette politique a déjà obtenu des résultats très encourageants qui incitent à redoubler d'efforts. Mais, l'architecture du système français d'appui à l'internationalisation de l'enseignement supérieur est encore beaucoup trop complexe. Chaque mission (gestion des bourses, promotion des formations, suivi de l'accueil des étudiants) est exercée par différents acteurs non coordonnés qui n'ont guère de vision d'ensemble sur les missions. Il serait donc souhaitable qu'une structure de coordination fédère l'action des différents organismes.

Il est également nécessaire de favoriser la diffusion de notre système éducatif à l'étranger. A cet effet, il conviendrait de redéfinir les mission de l'A.E.F.E. (Agence pour l'enseignement français à l'étranger) qui contribue largement au rayonnement de la France (Les établissements de l'Agence scolarisent 240 000 élèves dans 125 pays !), et d'accroître les moyens de l'Agence qui, comme l'affirme son directeur Jacques Verclytte « n'a pas les moyens de ses missions ».

L'enseignement à distance doit également constituer un élément clé de la politique extérieure de la France. Il a actuellement beaucoup de retard, notamment en matière d'offre d'enseignement en ligne et de tutorat d'accompagnement. Bien qu'elle soit de qualité, l'offre française reste quelque peu vieillie.

Une de nos priorités devrait être non seulement l'amélioration de l'internationalisation des cursus de formation, notamment professionnels, mais aussi celle de l'ensemble du dispositif depuis l'école primaire et l'ouverture de l'enseignement technique à des sections européennes. Il faudrait également développer à l'étranger des filières technologiques en Français.

La France est à l'avant-garde de la mise en place d'un espace européen de l'enseignement supérieur (Erasmus a permis notamment à 700 000 jeunes de suivre des études dans un autre pays de l'union mais les moyens du programme Socrates sont en diminution, ce qui est préoccupant).

Mme Odette Trupin a conclu en rappelant que la dimension internationale est présente dans la politique éducative française mais qu'elle est récente et qu'elle reste timide. Au-delà de la politique de l'Etat, qui peut être encore améliorée, l'ouverture du système éducatif dépend d'abord des acteurs de terrain eux-mêmes, d'une prise de conscience rapide de l'évolution fantastique mondiale à tous les niveaux des interventions et en premier lieu dans les universités.

Rappelant que le problème avait récemment à nouveau été évoqué par M. Yves Dauge lors de la présentation de son rapport d'information sur le réseau culturel français à l'étranger, le Président François Loncle a à nouveau regretté le manque de moyens financiers qui ressort des budgets présentés ces dernières années.

M. George Hage a félicité la Rapporteure pour sa manière de concevoir la défense et illustration de la langue française qui, avec la culture qu'elle charrie, demeure le support de l'identité et de la spécificité nationales. Il faut défendre avec patriotisme la langue du Siècle des Lumières qui a diffusé dans le monde des valeurs humanistes et révolutionnaires encore à exploiter. C'est pourquoi il a souhaité attirer l'attention sur le fait banal que la langue dominante tendait de plus en plus à être le fait de l'impérialisme dominant.

De plus, il a regretté que Mme Odette Trupin ait été désignée comme "Rapporteure", terminologie certes préférable à "Rapporteuse", plutôt que comme "Madame le Rapporteur", où l'utilisation du neutre met en évidence la fonction plutôt que le sexe. Qu'est-ce que le sexe a à voir là-dedans ? La compétence est asexuée !

Le Président François Loncle a souligné que ce débat avait été provisoirement clos par le Bureau de l'Assemblée nationale qui a décidé d'utiliser cette terminologie.

M. Jacques Myard a souhaité raconter une anecdote prouvant qu'il n'y a pas de langue incontournable. Il y a quelques années, lors d'une mission à Houston au Texas, qui est le fief du Président Bush, il a eu la surprise de découvrir que l'ensemble du personnel de maison employé au consulat général de France venait du Mexique et ne parlait pas un mot d'anglais mais uniquement l'espagnol, sans que cela l'empêche de "faire tourner" le consulat.

Mme Odette Trupin a répondu aux intervenants.

En ce qui concerne les moyens, il est indispensable de ne pas tomber dans l'angélisme. Certes, certaines mesures qui seraient très utiles auraient un coût budgétaire important. Mais d'ores et déjà il est possible d'agir par une meilleure organisation et par une prise de conscience de la nécessité de l'ouverture.

Sur le concept de langue dominante, l'anglais est manifestement devenue la langue véhiculaire dans de nombreux domaines, il est donc contre-productif d'espérer la combattre sur le même terrain, c'est pourquoi il est de notre intérêt de défendre le multilinguisme. En effet, toutes les richesses sous-tendues par l'existence des différentes langues sont utiles et doivent être défendues.

Mme Odette Trupin s'est déclarée à titre personnel réticente à l'égard du terme Rapporteure, préférant le neutre Rapporteur mais elle souhaite respecter la décision prise par le Bureau.

En application de l'article 145 du Règlement, la Commission a autorisé la publication du rapport d'information.

ANNEXE 1


LISTE DES PERSONNALITÉS RENCONTRÉES

Ministère des Affaires étrangères :

M. Charles Josselin, Ministre délégué à la Coopération et la Francophonie

M. Jean-Maurice Ripert, Ambassadeur de France en Grèce

M. René Forceville, Ambassadeur de France à Maurice

M. Jean-Michel Dumond, chef du service des Affaires francophones

M. Olivier Boucher, adjoint au chef de service

M. Jean-Mél Oubéchou, conseiller technique au cabinet de M. Védrine

M. Hugo Sada, conseiller technique au cabinet de M. Josselin

M. François Nicoullaud, ancien directeur général de la coopération internationale et du développement (DGCID)

M. Jean Garbe, directeur de la coopération culturelle et du français

Mme Michèle Sellier, sous-directrice du français (DGCID)

Mme Elisabeth Beton-Delègue, directrice de la coopération scientifique, universitaire et de recherche (DGCID)

M. Thierry Audric, sous-directeur de la coopération universitaire et scientifique (DGCID)

M. Sylvain Ledieu, conseiller d'ambassade, Maurice

Mme Fontaine, ancienne chef de bureau, DGCID

Ministère de l'Education nationale :

M. Jack Lang, Ministre de l'Education nationale

M. Jean-Pierre Philippe, conseiller auprès du Ministre

M. Thierry Simon, délégué aux relations internationales et à la coopération (DRIC)

M. Gilles Vial, sous-direction des relations multilatérales

M. Jean-Pierre Rioux, inspecteur général de l'Education nationale

Organismes publics :

M. Jacques Verclytte, directeur de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE)

M. Bernard Raoult, président d'EduFrance

M. Yves Péchon, directeur d'Egide

M. Philippe Sainteny, conseiller du président de Radio France international (RFI)

Etablissements d'enseignement :

M. Richard Descoings, directeur de l'institut d'études politiques de Paris

Mme Marixtu Skawinski, chef du service des relations internationales

Mme Silvia Marzagalli, chargée de mission à la mobilité internationale étudiante à l'université de Bordeaux III

Mme Guilhène Maratier-Declety, directrice des relations internationales à la Direction générale de la formation de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris

M. Jean Harzic, président de l'Alliance française

M. Roland Etienne, directeur de l'Ecole française d'Athènes

M. Pierre Berry, proviseur du lycée français de Marrakech

Institutions de la Francophonie :

M. Stélio Farandgis, secrétaire général du Haut conseil de la Francophonie (HCF)

M. Pierre Cassan, secrétaire général adjoint du HCF

Mme Josiane Gonthier, chargée de mission, HCF

Mme Monique Pontault, chargée de mission, HCF

M. Pietro Siccuro, directeur de l'Institut des nouvelles technologies de l'information et de la formation, opérateur de l'Agence internationale de la Francophonie

M. Bernard Loing, président du Canal éducatif francophone

M. Stock, président directeur général de TV5

Mme Marie-Christine Saragosse, directrice générale de TV5

M. Roger, directeur des programmes de TV5

M. Louis Mexandeau, député, président de la section française de l'Assemblée parlementaire de la francophonie

Personnalités qualifiées :

M. Guy Penne, sénateur des français de l'étranger.

M. Patrick Bloche, député de Paris

Mme Marie-José Biondini, chargé de la coordination Erasmus à l'Agence Socratès France

Mme Annie Nagim, maître de conférence à l'IUT Michel de Montaigne, titulaire de la chaire « formation de professionnels du développement durable » de l'UNESCO.

M. Yves Gisse, expert au FMI

M. Roger Tropéano, délégué national du Parti socialiste chargé de la Francophonie

M. Maurice Chabannon, président de l'Association francophone internationale des directeurs d'établissements

Mme Carton, directrice de Cités Unies

M. Roger Ferrari, chargé du secteur hors de France au SNES

M. Frédéric Rivet, professeur expatrié au collège français de Montréal

Personnalités étrangères

Dr Navim Ramgoolam, Premier ministre, Maurice

M. Rajkeswur-Purryag, Vice premier ministre, ministre des Affaires étrangères et du Commerce international, Maurice

Mme Sibaia, Secrétaire d'Etat aux droit de la Femme, Maurice

M. Petros Efthymiou, Ministre de l'Education et des Affaires religieuses, Grèce

M.Slawomir Czarlewski, Premier conseiller à l'ambassade de Pologne en France

M. Philippe Charlier, député régional, Vice-président du Parlement de la Communauté française, Belgique

Mme Rosine Viéra-Soglo, députée, Bénin

M. Eduard Klein, député, Bulgarie

M. Frédéric Ngenzebuhoro, député, Premier Vice-Président de l'Assemblée nationale du Burundi

M. Buddhi Klok, député, Cambodge

M. Nicolas Amougou Noma, Premier Vice-Président de l'Assemblée nationale du Cameroun

M. Tabi Manga, ancien directeur de l'INTIF, recteur d'académie, Yaoundé, Cameroun

M. Gabriel, directeur de la division des Affaires francophones, Ministère des Affaires étrangères, Canada

Mme Rose-Marie Losier-Cool, sénatrice, Présidente pro tempore du Sénat, Canada

M. El-Hadj Ibrahima Bah, député, Guinée

Dr Tamas Isépy, député, Hongrie

M. Robert Louvain, député, Président du Conseil Régional du Val d'Aoste, Italie

M. Jean Spautz, député, Président de la Chambre des Députés, Luxembourg

M. Moulay Abdelaziz Alaoui Hafidi, Premier Vice-président de la Chambre des représentants, Maroc

M. Harris Rambudjun, professeur à l'université de Kurepip Rejoui, Maurice

Mme Ala Mindicanu, députée, Présidente de l'Assemblée du Parlement de la République, Moldavie

M. Rainier Boisson, député du Conseil national, Monaco

Mme Céline Signori, députée, Québec

M. Clémant Duhaime, délégué général du Québec en France

Mme Mitzura Domnica Arghezi, député, Roumanie

Mme Mata Sy Diallo, Vice-Présidente de l'Assemblée nationale, Sénégal

M. Yves Gérard Rebord, Président du Grand Conseil de Valais, Suisse

ANNEXE 2

LES ACTEURS INSTITUTIONNELS, NATIONAUX ET MULTILATÉRAUX DE LA FRANCOPHONIE

I- Les acteurs institutionnels multilaréraux de la Francophonie.

Il convient de distinguer les instances et les opérateurs de la Francophonie multilatérale.

A - Les instances

- La Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage ou Sommet francophone. Réunie tous les deux ans, elle est l'instance suprême de la Francophonie multilatérale dont elle définit le programme. Le VIIIe Sommet s'est tenu à Moncton, en septembre 1999, le IXème se tiendra à Beyrouth du 26 au 28 octobre 2001.

- La Conférence ministérielle de la Francophonie (CMF). Elle rassemble, une fois par an, les ministres chargés de la Francophonie dans les pays membres de la communauté francophone. Elle préside à la préparation des sommets et veille à l'exécution des décisions qui y sont prises. Elle siège également comme conférence générale et, à ce titre, nomme l'administrateur général de 1'Agence de la Francophonie. La dernière réunion de la CMF s'est tenue à Paris les 29 et 30 novembre 1999. La session de N'Djaména (7-8 février 2001) est la XVème conférence ministélielle.

- Le Secrétariat général de la Francophonie. Il relève du Secrétaire général. Placé sous l'autorité des instances, ce dernier est le porte parole politique et le représentant officiel de la Francophonie sur la scène internationale. Le Secrétaire général est également le plus haut responsable de l'Agence de la Francophonie et préside le Conseil permanent et le Conseil de coopération.

- Le Conseil permanent de la Francophonie (CPF), il est composé des représentants personnels de tous les chefs d'Etat ou de gouvernement des pays membres. Il assure la préparation et le suivi des sommets sous l'autorité de la Conférence ministérielle. Il joue un rôle d'animateur, de coordonnateur et d'arbitre des actions menées par les opérateurs de la Francophonie. Il dispose de trois commissions : politique, économique et coopération. Depuis l'adoption de la Charte de la Francophonie à Hanoï, le CPF est présidé par le Secrétaire général de la Francophonie.

- La Conférence des ministres de l' Education ayant le français en partage (CONFEMEN) et la Conférence des ministres de la Jeunesse et des Sports des pays d'expression française (CONFEJES). Ce sont les deux conférences ministérielles permanentes de la Francophonie. D'autres réunions peuvent être à l'occasion convoquées au niveau ministériel (Justice, Economie, Culture, Condition féminine ). La CONFEMEN et la CONFEJES sont chargées de contribuer a l'élaboration des politiques éducative, d'échanges et de coopération entre les pays membres.

B - Les opérateurs de la Francophonie sont au nombre de cinq :

- L'Agence de la Francophonie, dirigée par un Administrateur général, est l'opérateur principal et la seule organisation intergouvernementale de la Francophonie. Elle est chargée, en particulier, de mettre en _uvre les programmes arrêtés par les sommets. Elle dispose de trois bureaux régionaux (Lomé, Libreville et Hanoï) et de quatre bureaux de liaison (Genève, Bruxelles, Addis Abeba et New York) qui sont placés sous l'autorité du Secrétaire général.

- L'Agence universitaire de la Francophonie (AUF) coordonne les échanges entre ses membres : plus de 400 universités, instituts et centres de recherche francophones. Elle intervient dans les domaines de la recherche, de la formation, de l'information scientifique et technique et compte onze bureaux régionaux. L'Agence universitaire a fait l'objet d'une évaluation en 1999, conformément aux dispositions arrêtées par les instances.

- TV5 est une chaîne généraliste en langue française qui émet 24 heures sur 24 et dont l'audience, par câble et satellite, est estimée à 135 millions de foyers. Elle a deux composantes : TV5 Europe et TV5 Québec-Canada. La réforme en cours devrait conduire à la mise en place d'une présidence commune et à un fonctionnement en réseaux depuis Paris.

- L'Université Senghor d'Alexandrie est un établissement privé d'enseignement de 3e cycle au service du développement africain. Elle comprend quatre départements (administration-gestion, gestion de l'environnement, nutrition-santé et gestion du patrimoine culturel) et forme une quarantaine d'auditeurs par an. Le principe général d'évaluation des opérateurs arrêté par les instances de la Francophonie s'étend cette année à cette université.

- L'AIMF (Association Internationale des Maires et Responsables des Capitales et Métropoles francophones) compte une centaine de membres qui coopèrent dans les domaines de la gestion municipale, de l'informatisation de l'état civil et du développement urbain.

C - Organe consultatif de la Francophonie multilatérale

- L'Assemblée Parlementaire de la Francophonie (APF, ex-AIPLF) est l'assemblée consultative de la Francophonie. Elle regroupe les sections francophones de 63 parlements ou assemblées du monde entier. Des liens de consultation et d'information réciproques sont établis entre l'APF et les instances de la Francophonie. Cette assemblée a notamment mis en oeuvre, en liaison avec 1'Agence de la Francophonie, le programme de soutien aux parlements des pays du Sud.

D - Les autres acteurs de la coopération multilatérale francophone

- Le Forum Francophone des Affaires (FFA). il a pour objet de développer les échanges économiques entre l'ensemble des pays francophones

- Le Comité international des Jeux de la a Francophonie (CIJF). Il est chargé par la Conférence des ministres de la Jeunesse et des Sports d'organiser les Jeux de la Francophonie.

- Le Tissu associatif. Un grand nombre d'associations oeuvrent en faveur de la Francophonie, parmi lesquelles l'Association Francophone d'Amitié et de Liaison (AFAL), qui fédère les activités de 120 associations.

II - Les acteurs institutionnels nationaux de la Francophonie.

Le ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie exerce par délégation du Ministre des Affaires étrangères et sous son autorité les attributions relatives à la Francophonie et à la politique de coopération avec les organismes internationaux à vocation francophone. En ce domaine, il propose toutes mesures, anime et oriente l'action des administrations intéressées. Il contribue à la définition des actions menées par l'Etat et par les organismes intéressés au développement de la Francophonie et de la langue française, il dispose pour remplir cette mission des services du Ministère des Affaires étrangères, parmi lesquels :

- Le Service des affaires francophones, qui relève directement du Secrétaire général du Quai d'Orssay, traite des actions conduites dans le cadre de la politique du gouvernement en matière de Francophonie. Il suit en particulier le dossier de la Francophonie multilatérale, il a, à ce titre, deux missions essentielles :

- Le suivi du fonctionnement des instances de la Francophonie : préparation et suivi des sommets, des réunions de la conférence ministérielles, des sessions du conseil permanent, participation aux commissions spécialisées. Il est chargé de la relation de la France avec ces instances ainsi qu'avec les opérateurs de la Francophonie.

- Le suivi de la réalisation des programmes de coopération. Il lui appartient de rendre compte de l'utilisation des fonds, liés et déliés, affectés par la France aux. Opérateurs de la Francophonie. Il a un rôle de coordination des administrations françaises contribuant à la Francophonie.

- La Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID), qui contribue pour une large part au financement des actions de coopération sectorielles.

- Le Haut Conseil de la Francophonie est une institution présidée par le Président de la République. Elle est composée d'une quarantaine de membres originaires de tous les continents. Le Haut Conseil de la Francophonie dispose d'un secrétariat général. Il a deux missions principales : la rédaction d'un rapport annuel sur l'état de la Francophonie dans le monde ; l'organisation de sessions de réflexion sur un thème choisi par le Président de la République en vue d'orienter la Francophonie.

- Le Conseil supérieur de la langue française est un organisme à vocation interministérielle chargé de présenter au gouvernement des propositions concernant, d'une part, l'usage, l'aménagement, la diffusion et la valorisation de la langue française (en France et hors de France) et, d'autre part, la politique à l'égard des langues étrangères et régionales.

- La Délégation générale à la langue française est chargée de coordonner et de promouvoir les actions des administrations et organismes publics et Privés concourant au bon usage et à la diffusion de la langue française. Elle est également chargée de favoriser la mise en _uvre des actions recommandées par le Conseil supérieur à la langue française.

ANNEXE 3

L'APPRENTISSAGE ET LA PRATIQUE
DES LANGUES EN EUROPE

Nombre d'élèves apprenant l'anglais, le français, l'allemand ou l'espagnol dans l'enseignement secondaire général (en milliers, année scolaire 1996/1997)

Union européenne

 

nombre d'inscrits

anglais

français

allemand

espagnol

Belgique FR

209

134

nc 

11

6

Belgique FL

262

187

250

64

1

Danemark

309

309

48

235

18

Allemagne

6 056

5 681

1 476

*

71

Grèce

682

563

430

48

nc

Espagne

2 946

2 821

665

25

*

France

4 545

4 338

*

1 198

1 547

Irlande

352

*

245

87

14

Italie

2 643

2 010

904

91

12

Luxembourg

9

7

9

9

1

Pays-Bas

699

658

81

97

 

Autriche

483

474

63

*

7

Portugal

406

306

99

4

 

Finlande

310

307

41

97

3

Suède

295

295

63

131

19

Royaume-Uni

nc

*

nc

nc

nc

Total UE

20 206

18 090

4 374

2 097

1 699

Source : Rapport au Parlement 2000, Délégation générale à la langue française

graphique

Pays en préadhésion

 

nombre d'inscrits

anglais

français

allemand

espagnol

Bulgarie

527

297

108

113

7

Rép. Tchèque

614

335

21

327

3

Estonie

96

79

2

33

0

Lettonie

208

151

3

65

3

Lituanie

327

212

22

99

0

Hongrie

900

427

37

432

3

Pologne

793

579

127

420

4

Roumanie

1 475

759

1 097

132

9

Slovénie

223

179

3

82

0

Slovaquie

417

253

20

259

2

Chypre

57

57

57

nc

nc

Source : Odette Trupin, Rapport sur l'enseignement du français dans les pays d'Europe non francophones, XIIe Assemblée Régionale Europe de l'APF, septembre 1998.

graphique
Actualisation : Rapport au Parlement 2000, Délégation générale à la langue française

ANNEXE 4

LA DGCID

REPONSE DU MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES, M. HUBERT VEDRINE, A UNE QUESTION ECRITE AU SENAT

(Journal officiel, 14 juin 2001)

La création de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) a été l'élément central de la réforme du dispositif français de coopération internationale, voulue par le gouvernement en 1998.

1. Dans cette perspective, les structures administratives, les compétences professionnelles, les moyens financiers du ministère de la Coopération et ceux de l'ex-DGRCST (direction générale des Relations culturelles, scientifiques et techniques) du ministère des Affaires étrangères ont été rassemblés dans un pôle diplomatique intégré à celui-ci, et définies en fonction des grandes missions de la coopération française, comme précisé ci-après.

La DGCID couvre un champ global à travers ses quatre directions sectorielles, qui touchent à autant de grands domaines stratégiques : la direction du développement et de la coopération technique. Ses compétences recouvrent l'aide au développement et la coopération dans leurs dimensions économique, technique et institutionnelle ; la direction de la coopération culturelle et du français. Elle est chargée d'encourager la créativité culturelle dans les pays en développement, et plus particulièrement ceux relevant de la zone de solidarité prioritaire. Elle favorise la découverte mutuelle des patrimoines culturels et des civilisations ainsi que la création artistique et culturelle contemporaine. Elle soutient la diffusion du livre et de l'écrit français et francophone et renforce la présence mondiale de la langue française. Elle veille au renforcement des réseaux culturels français et d'enseignement ; la direction de la Coopération scientifique, universitaire et de recherche. Ses grandes priorités sont le soutien aux partenariats universitaires et l'accueil des étudiants étrangers grâce à la mise en oeuvre de grands programmes et de bourses, la consolidation de la coopération française dans les filières des sciences sociales et humaines, de la technologie, de l'innovation et de l'information scientifiques, le renforcement du réseau des centres français de recherche et des missions archéologiques françaises à l'étranger, le soutien à la recherche dans les pays en développement ou en transition ; la direction de l'audiovisuel extérieur et des techniques de communication. Ses actions constituent une priorité globale de la politique française de coopération avec, notamment, le soutien aux secteurs du cinéma, du journalisme et des nouvelles technologies de l'information et de la communication.

En outre, afin de répondre à l'une des priorités majeures inscrites dans la réforme, la Mission pour la coopération non gouvernementale est chargée de la coopération avec les différents acteurs de la "société civile", parmi lesquels les organisations de solidarité internationale, les collectivités locales et les entreprises. Enfin, à l'automne 2000, pour faciliter les liens entre la direction générale et les différentes directions, ont été créés, par redéploiement, un poste de directeur général adjoint, ainsi que deux postes de chargé de mission responsable respectivement des cellules "ressources humaines" et "valorisation de l'expertise française dans les appels d'offres communautaires et multilatéraux". Ces cellules sont directement rattachées à la direction générale.

2. Avec la disparition de la répartition géographique des actions de coopération entre deux ministères, la DGCID a désormais vocation à intervenir dans l'ensemble du monde et à se doter des moyens nécessaires, dans une vision à long terme de la coopération française. Dans cette double perspective, et tirant le bilan de son fonctionnement depuis sa création, la direction transversale de la stratégie, de la programmation et de l'évaluation a été restructurée, à l'automne 2000, en deux grands services, afin de simplifier les chaînes hiérarchiques et de favoriser une meilleure répartition des compétences avec les directions sectorielles : le service de la stratégie, des moyens et de l'évaluation. Les deux sous-directions qui le composent sont chargées, d'une part, de la programmation annuelle et des fonctions financières et, d'autre part, de la coopération des réflexions sur les thématiques transversales et multilatérales, des statistiques et du suivi interministériel de la coopération internationale, de l'évaluation, et enfin de l'information, de la documentation et de la communication ; le service de la coordination géographique regroupe les départements d'Europe, d'Afrique et de l'Océan indien, d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, des Amériques et des Caraïbes, d'Asie et d'Océanie. Ce service, qui constitue l' "entrée" naturelle des ambassades de France vers la DGCID, occupe une place centrale dans la définition et lors de la préparation des programmations annuelles, ainsi que pour toutes les réflexions stratégiques concernant les pays et les zones où s'exerce la coopération française.

3. La politique de la DGCID suit les orientations du Comité interministériel pour la coopération internationale et le développement (CICID), le lien avec la "société civile" étant assuré notamment par le Haut Conseil de la coopération internationale (HCCI) dont elle reçoit les avis. La politique mise en oeuvre par la DGCID s'appuie également sur un long savoir-faire fondé sur une expertise et des moyens importants : 30 000 personnes de toutes fonctions et toutes nationalités travaillant au développement, à l'éducation et à la coopération sous toutes ses formes ; un réseau de 160 ambassades de France dotées d'un service de coopération et d'action culturelle ; 150 centres et instituts culturels ; 270 établissements de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, 27 centres de recherche, le réseau des alliances françaises et les grands opérateurs spécialisés (tels que l'AFD, le CIRAD, l'IRD, l'AFFA, EGIDE, EduFrance, le CNOUS, TV 5, RFI.).

Budget de la DGCID 2000 : exécution

 

en KF

en%

Moyens des services (titre III)

2 292 224

25

Crédits d'intervention (titre IV)

5 077 491

54

Investissements executés par l'Etat (C.P. titre V)

76 276

1

Subventions d'investissement : action extérieure

1 808 085

20

et aide au développement (C.P. titre IV)

Total

9 254 076

100

Source : Ministère des Affaires étrangères

graphique

Crédits de coopération

Répartition géographique des dépenses ordinaires

(moyens des services hors salaires, et interventions)

 

en KF

en %

Europe centrale et orientale

302 993

6

Europe de l'Ouest

622 617

13

Asie du Sud et du Sud-Est

289 414

6

Extrême-Orient et Pacifique

166 357

4

Amérique du Nord

207 878

4

Amérique centrale et du Sud

436 987

9

Proche et Moyen-Orient

316 346

7

Maghreb

636 254

13

Afrique

1 767 326

38

Total

4 746 172

100

Source : Ministère des Affaires étrangères

graphique

ANNEXE 5

LE RÉSEAU DE L'AEFE

Effectifs des élèves, 268 établissements Année scolaire 1999/2000

 

Mat.

Elé

Col.

Lycée

Divers

Total

%

Français

10 761

25 871

19 525

10 195

202

66 554

42,30

Nationaux

11 244

25 188

20 787

12 187

367

69 773

44,35

Etrangers tiers

3 650

8 378

6 058

2 910

12

21 008

13,35

Total

25 655

59 437

46 370

25 292

581

157 335

 

%

16,31

37,78

29,47

16,08

0,37

 

 

Source : AEFE

Répartition des élèves, par niveaux

graphique

Répartition sectorielle des établissements et des élèves

 

Nombre

Effectifs élèves

%

Effectifs

%

 

d'établissements

élèves français

Afrique hors champ

15

5 685

3,61

1 629

28,65

Pays du champ

60

30 712

19,52

18 104

58,95

Maghreb

35

21 339

13,56

7 584

35,54

Amérique latine

29

23 755

15,10

6 765

28,48

Amérique du Nord

17

10 203

6,48

4 013

39,33

Asie Océanie

27

8 672

5,51

6 135

70,74

Moyen Orient

21

17 596

11,18

4 368

24,82

Europe Occidentale

56

36 479

23,19

16 429

45,04

Europe centrale et orientale

8

2 894

1,84

1 527

52,76

Total

268

157 335

 

66 554

42,30 

Union européenne

50

34 180

 

15 304

44,77

Source : AEFE

Répartition sectorielle des élèves

graphique

ANNEXE 6

LES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS DANS LES UNIVERSITÉS FRANCAISES

L'évolution des étudiants étrangers à l'université de 1985 à 2000 :

 

1985/86

1990/91

1995/96

1996/97

Effectifs

131979

136015

129761

125205

Variation annuelle

-0,014

0,033

-0,035

-0,035

Proportion

13,6

11,6

8,9

8,6

d'étudiants étrangers

 

1997/98

1998/99

1999/00

2000/01

Effectifs

121624

121582

128788

140900

Variation annuelle

-0,029

0

0,059

0,095

Proportion

8,5

8,7

9,2

10

d'étudiants étrangers

Source : ministère de l'Education nationale

graphique

Répartition géographique des étudiants étrangers inscrits à l'université :

Europe

Dont Union européenne

30,3%

21,1%

Asie

13,5%

Afrique

48,6%

Amérique du Nord

2,7%

Amérique latine

4,5%

Océanie

0,1%

Source : ministère de l'Education nationale

graphique

N° 3204- Rapport d'information de Mme Trupin en application de l'article 145 du Règlement sur la politique éducative extérieure de la France (commission des affaires étrangères)

1 Voir annexe 3

2 Voir annexe 6

3 Le libre-échange repose sur les principes clés : la règle du traitement national et celle du traitement de la nation la plus favorisée. La règle du traitement national dispose que les fournisseurs de services étrangers doivent être traités de façon identique par rapport à leurs concurrents nationaux.

4 Voir WTO, Educational Services, Background Note by the Secretarial Council for Trade in Services, Genève, 1998

5 le système du « voucher » ou bon scolaire vise à attribuer des crédits directement aux parents (laissés libres de leur choix entre les différentes écoles publiques et privées), ce qui favorise la concurrence

6 D'après les lois de 1971 relatives à la formation professionnelle, chaque entreprise est tenue de consacrer un pourcentage de sa masse salariale à la formation. Les grandes entreprises françaises consacrent à la formation professionnelle une part de leurs ressources de plus en plus importante.

7 Voir annexe 2

8 Source : Ministère des Affaires étrangères.

9 Voir II C-3

10 Source : Direction Générale de la Coopération Internationale et du Développement (DGCID), Ministère des Affaires étrangères. Voir annexe 6.

11 L'accueil des étudiants étrangers en France : enjeu commercial ou priorité éducative, rapport n° 1806 de la Commission des finances de l'Assemblée nationale, 1999

12 Créée en 1993 à l'initiative des ministères de la recherche et des Affaires étrangères, suivis par la culture et la défense, puis par le CNRS et le CEA, cette fondation, dont le secrétariat est à Strasbourg, est chargée d'améliorer les conditions d'accueil des chercheurs étrangers et de maintenir un contact avec eux après leur retour. Il semble que la FnAK remplisse aujourd'hui pleinement sa mission : le guide des formalités administrative qu'elle a édité, qui est disponible sur Internet en français et en anglais est devenu un ouvrage de référence ; les préfectures ont des correspondants-chercheurs en liaison avec la FnAK, les problèmes de visas pouvant être plus facilement résolus...

13 EduFrance est un GIP (groupement d'intérêt public) créé par les ministères de l'éducation nationale et des affaires étrangères. 68 universités et 77 grandes écoles sont membres de ce GIP.

14 Dénomination du Ministère des Affaires étrangères en 1984.

15 cf II- B. 4

16 European Credit Transfer System, cf III. A-2

17 Voir annexe 5

18 D'après la Délégation générale à la langue française, seuls 22,5% des élèves de l'enseignement secondaire apprennent le français en Espagne.

19 C'est le cas du Liban, notamment

20 La formation est l'une des premières missions de la CCIP, elle gère à la fois des établissements supérieurs de gestion (HEC, ESCP-EAP...), des écoles d'ingénieurs (ESIEE...), des établissements de formation des professions intermédiaires de gestion (Negocia, Adventia...), des écoles à vocation technique (cuir, bois, cuisine...). Ces établissements regroupent 14 000 étudiants et accueillent 40 000 cadres par an en formation permanente.

21 Il faut noter cependant les efforts d'adaptation des acteurs à l'ouverture internationale croissante des systèmes éducatifs . Le CNED notamment, développe son action à l'étranger, en particulier en ce qui concerne la formation professionnelle : il a établi des partenariats avec de nombreux pays soit pour adapter le contenu de certains enseignements, soit pour former les étudiants aux nouvelles techniques de leurs métiers. Au Brésil par exemple, une convention a été signée avec l'université Candido Mendes (UCAM) et le Centro internacional de educacão a distança (CIED). Elle permet d'adapter à un public brésilien plusieurs formations du CNED, en particulier la préparation à des BTS tertiaires (tourisme, hôtellerie, force de vente), mais aussi d'élaborer des cours de droit pour des étudiants de troisième cycle

22 Il est rattaché à la Direction de l'Education et de la Formation Technique et Professionnelle de l'AIF.

23 Les 30 pays francophones situés dans l'empreinte du satellite sont : le Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, le Cameroun, le Cap Vert, la République Centrafricaine, la République du Congo, la République Démocratique du Congo, les Comores, la Côte d'Ivoire, Djibouti, l'Egypte, le Gabon, la Guinée, la Guinée Bissau, la Guinée Equatoriale, le Liban, Madagascar, le Mali, le Maroc, Maurice, la Mauritanie, le Niger, le Rwanda, Sao Tomé et Principe, le Sénégal, les Seychelles, le Tchad, le Togo, la Tunisie. Les programmes s'adressent naturellement aussi à toutes les populations des pays non francophones qui s'intéressent à la langue française et aux cultures de la francophonie.

24 Voir pp. 13-14

25 Le français est la première langue étrangère apprise par les écoliers britanniques

26 L'ENS a récemment été délocalisée à Lyon

27 Voir II- B

28 Voir III- B

29 Community of european management school

30 le système de notation par crédits « ECTS » (European Credit Transfer System) se pratique sous forme de lettre (A, B, C, D). Des conseillers ECTS visitent les établissements qui veulent adopter ce système afin de le rendre opérationnel.

31 Voir III- B, 2

32 La sélection est double - de la part de l'établissement d'origine et de celui d'accueil - et repose sur des critères académiques et sociaux.

33 Les principales autres actions de Socrates sont :

- Comenius pour l'enseignement scolaire

- Gruntvig pour l'éducation des adultes, cette action est une innovation de Socrates 2

- Lingua pour l'enseignement des langues

- Minerva pour l'enseignement à distance et les nouvelles technologies

34 Le Monde, 4 septembre 1999