N° 3478 -- ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 décembre 2001. RAPPORT D'INFORMATION DÉPOSÉ en application de l'article 145 du Règlement PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (1) sur les activités et le contrôle du Fonds monétaire international ET PRÉSENTÉ PAR M. Yves TAVERNIER, Député. -- (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page. Marchés financiers. La Commission des finances, de l'économie générale et du Plan est composée de : M. Henri Emmanuelli, président ; M. Michel Bouvard, M. Jean-Pierre Brard, M. Yves Tavernier, vice-présidents ; M. Pierre Bourguignon, M. Jean-Jacques Jégou, M. Michel Suchod, secrétaires ; M. Didier Migaud, Rapporteur Général ; M. Maurice Adevah-Poeuf, M. Philippe Auberger, M. François d'Aubert, M. Dominique Baert, M. Jean-Pierre Balligand, M. Gérard Bapt, M. François Baroin, M. Alain Barrau, M. Jacques Barrot, M. Christian Bergelin, M. Éric Besson, M. Augustin Bonrepaux, M. Jean-Michel Boucheron, Mme Nicole Bricq, M. Christian Cabal, M. Jérôme Cahuzac, M. Thierry Carcenac, M. Gilles Carrez, M. Henry Chabert, M. Jean-Pierre Chevènement, M. Didier Chouat, M. Alain Claeys, M. Charles de Courson, M. Christian Cuvilliez, M. Arthur Dehaine, M. Yves Deniaud, M. Michel Destot, M. Patrick Devedjian, M. Laurent Dominati, M. Julien Dray, M. Tony Dreyfus, M. Jean-Louis Dumont, M. Daniel Feurtet, M. Pierre Forgues, M. Dominique Frelaut, M. Gérard Fuchs, M. Gilbert Gantier, M. Jean de Gaulle, M. Hervé Gaymard, M. Jacques Guyard, M. Pierre Hériaud, M. Edmond Hervé, M. Jean-Louis Idiart, Mme Anne-Marie Idrac, M. Michel Inchauspé, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Marc Laffineur, M. Jean-Marie Le Guen, M. Maurice Ligot, M. François Loos, M. Alain Madelin, Mme Béatrice Marre, M. Pierre Méhaignerie, M. Louis Mexandeau, M. Gilbert Mitterrand, M. Jean Rigal, M. Gilles de Robien, M. Alain Rodet, M. José Rossi, M. Nicolas Sarkozy, M. Gérard Saumade, M. Philippe Séguin, M. Georges Tron, M. Jean Vila. INTRODUCTION 8 PREMIÈRE PARTIE : LA POLITIQUE FRANÇAISE DANS LES INSTITUTIONS FINANCIÈRES INTERNATIONALES 14 I.- LA FRANCE ET LE FONDS MONÉTAIRE INTERNATIONAL 14 A.- LE FONDS ET LA PRÉVENTION DES CRISES 14 1.- La promotion de la transparence, de codes et de standards 14 2.- Les activités de surveillance : l'exemple de la France 17 B.- LE FONDS ET LA RÉSOLUTION DES CRISES 19 1.- Une extension de champ critiquable 19 a) Le débat sur la conditionnalité 19 b) Une intervention de plus en plus large 20 2.- La question de l'implication du secteur privé 22 3.- Le cas argentin 24 a) Un élève modèle déclassé 24 b) Des programmes déstabilisateurs 25 c) La position de la France 27 4.- Le cas indonésien 28 5.- La crise turque 31 C.- LE FMI ET LA BONNE GOUVERNANCE 33 1.- La nécessité d'un pilotage politique 33 2.- La promotion d'une évaluation indépendante 35 II.- LA FRANCE ET LE GROUPE DE LA BANQUE MONDIALE 37 A.- DU DÉVELOPPEMENT À L'AJUSTEMENT ET À LA LUTTE CONTRE B.- UNE CRISE DE LÉGITIMITÉ ET D'EFFICACITÉ 38 1.- Des montants de crédits considérables 38 2.- Une légitimité discutée 39 3.- Une efficacité contestée 40 C.- LE SOUTIEN NUANCÉ DE LA FRANCE, AU RISQUE DE LA DISPERSION DES RESSOURCES 41 III.- LES POLITIQUES COMMUNES DE STABILISATION DU SYSTÈME FINANCIER INTERNATIONAL ET EN FAVEUR DU DÉVELOPPEMENT 43 A.- LA POLITIQUE DE STABILISATION DU SYSTÈME FINANCIER INTERNATIONAL 44 B. LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ ET LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT 46 1.- L'état d'avancement de l'initiative en faveur des pays pauvres a) Les objectifs de l'initiative 47 b) Les premiers résultats 49 c) De nombreuses incertitudes 52 2.- La fausse solution de la libéralisation commerciale 55 3.- Une meilleure insertion des institutions financières internationales dans la société internationale 56 a) Les relations avec les organisations spécialisées des Nations Unies 56 b) La nécessaire soumission au droit international 57 4.- Une pensée française du développement originale ? 58 SECONDE PARTIE : LES VOIES D'UN MEILLEUR CONTRÔLE 60 I.- L'EXTENSION INCONTRÔLÉE DU CHAMP D'ACTION DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES ET ÉCONOMIQUES INTERNATIONALES 60 II.- DES PROPOSITIONS QUI N'ONT PAS REÇU DE RÉPONSES 62 III.- LA NÉCESSITÉ D'ALLER PLUS LOIN 65 A.- LES EXEMPLES ÉTRANGERS 65 1.- Des pratiques continentales limitées 65 2.- Des modèles britannique et néo-zélandais plus développés 65 3.- L'exemple américain 69 B.- L'INSTITUTION EN FRANCE D'UN CONTRÔLE PARLEMENTAIRE PERMANENT 70 IV.- VINGT-ET-UNE PROPOSITIONS 71 A.- CIRCONSCRIRE LES MISSIONS DU FMI ET DE LA BANQUE MONDIALE 71 B.- DÉMOCRATISER LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS C.- CRÉER UNE COORDINATION EUROPÉENNE À L'ÉGARD D.- PERFECTIONNER LE PROCESSUS DE DÉTERMINATION DE LA POSITION FRANÇAISE 72 E.- RENFORCER LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE 72 EXAMEN EN COMMISSION 73 PROPOSITIONS À MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE 75 I.- LETTRE DE MISSION 77 II.- RAPPORT 79 ANNEXES 99 « Pour faire plaisir à Wall Street », telle serait l'une des motivations des institutions économiques et financières internationales. Le propos n'est pas celui d'un provocateur gauchiste. Il est tenu par un expert aux compétences reconnues, M. Joseph Stiglitz, qui fut économiste en chef de la Banque mondiale. Dans deux articles parus récemment dans la presse française (1), le dernier Prix Nobel d'économie dénonce avec vigueur la politique de l'Organisation mondiale du commerce, du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. Leur action serait caractérisée par « l'idéologie de la privatisation, de la libéralisation et de la macro-stabilisation ». Cet ancien conseiller du président Bill Clinton ajoute : « la libéralisation a été programmée par les pays occidentaux, pour les pays occidentaux ». Organisée par les pays riches, elle aurait contribué à la dégradation des économies de beaucoup de pays en voie de développement. Plus grave, elle aurait eu pour effet d'accroître la pauvreté dans le monde. Le Prix Nobel résume en une phrase les critiques fondamentales qu'il adresse à ces institutions : « le mélange des politiques de libéralisation et des politiques économiques restrictives imposées par le FMI a créé un cocktail aux effets dramatiques pour les pays en voie de développement ». Or, la mission des organismes des Nations Unies, proclamée solennellement (2) et rappelée à toutes occasions, est d'éradiquer la pauvreté. Le constat de M. Stiglitz rejoint celui du Programme des Nations Unies pour le développement : plus de la moitié de l'humanité est en situation de pauvreté, plus de 1,6 milliard d'hommes et de femmes vivent avec moins de 1 dollar par jour. Le décalage, voire la contradiction, entre les objectifs, les moyens et les résultats méritent analyse et réflexion. Le rapport du Gouvernement au Parlement sur le fonctionnement des institutions financières internationales est l'occasion d'ouvrir et d'approfondir un débat qui agite les opinions publiques dans le contexte de la mondialisation. Exigé par la loi, le premier rapport paru en 1999 était d'un contenu succinct. Celui de l'an 2000 marquait un progrès certain dans le domaine de l'information. Le rapport qui nous est soumis cette année, apparaît plus complet et plus explicite sur les positions défendues par la France. Répond-il pour autant aux interrogations politiques du Parlement sur les grands enjeux de la politique économique et financière internationale ? La réponse est pour le moins nuancée. Curieusement le rapport du Gouvernement ignore les règles élémentaires de l'exposé, enseignées de tout temps dans les universités françaises. Il ne comporte ni introduction pour définir le sujet et annoncer les développements, ni conclusion pour exprimer la synthèse des analyses et des propositions. Il se présente comme une simple juxtaposition de notes thématiques se rapportant de manière successive aux activités des deux institutions. Il apparaît davantage comme un rapport technique de la direction du Trésor du ministère des finances que comme le rapport politique du Gouvernement au Parlement. Or, la fonction du FMI et de la Banque mondiale est considérable pour la paix et la sécurité du monde. Ces institutions jouent un rôle moteur pour assurer les grands équilibres entre les Nations, _uvrer pour promouvoir la « bonne gouvernance » et favoriser le développement du Tiers-Monde. Le FMI et les banques de développement décaissent environ 47 milliards de dollars par an, alors que les fonds des Nations Unies, tous confondus, ne dépassent pas 5 milliards de dollars. Rappelons que l'Union européenne et ses États membres représentent 27 milliards de dollars d'aide extérieure. Il est utile de souligner que l'effort des États-Unis, dans les mêmes domaines, représente le quart des contributions européennes, soit 7 milliards de dollars. Or seuls les États-Unis ont un réel pouvoir d'influence - voire de veto - dans les institutions de Bretton-Woods. Soulignons, enfin, les engagements de la France. Ils sont considérables. Notre pays est le quatrième bailleur de fonds des deux institutions. En 2000, notre quote-part au Fonds monétaire atteignait 103 milliards de francs et notre part au capital de la Banque mondiale se montait à 63 milliards de francs. Notre participation aux instruments de lutte contre la pauvreté s'élevait à 28 milliards de francs et notre participation cumulée aux diverses reconstitutions de l'Association internationale de développement représentait plus de 54 milliards de francs. Les sommes ainsi engagées sont très importantes. Les enjeux du débat sont considérables dans la mesure où le FMI et la Banque mondiale sont les révélateurs et les maîtres d'ouvrage d'une vision du monde qui tente de s'imposer comme modèle universel. Le rapport du Gouvernement de juillet 2001 donne beaucoup d'éléments d'information. Il explicite, pour la première fois, les positions défendues par l'administrateur français. Il constitue, de ce point de vue, un bon outil de travail. Nous souhaitons qu'à l'avenir, il soit moins discret et moins prudent sur les questions fondamentales qui portent sur la légitimité des deux institutions, sur leurs champs de compétence, sur leur vision du monde et sur les présupposés idéologiques qui innervent leurs politiques financières, économiques et sociales. Depuis le début des années 1980, le FMI et la Banque mondiale ont construit un modèle de développement imprégné du monétarisme alors triomphant. Théorisant les expériences du Sud-Est asiatique et du Chili, ils ont préconisé l'ajustement des économies de tous les pays au marché mondial. Le développement exige que la régulation économique soit faite par les marchés et que le rôle des États soit réduit. Ils accordent la priorité aux exportations, à l'exploitation effrénée des ressources, à la libéralisation des échanges, à l'investissement international et aux privatisations. Parallèlement est mise en place une politique de réduction des systèmes publics de protection sociale et de diminution des dépenses budgétaires considérées comme improductives, en matière de santé et d'éducation notamment. Pour réduire le déficit commercial, l'ajustement préconise le développement accéléré des exportations. Il s'en est suivi une exploitation dramatique des ressources naturelles, de forts déséquilibres écologiques et une aggravation de la corruption. L'option libérale met l'accent prioritaire sur l'investissement privé. La forte baisse de l'aide publique au développement, y compris en France, est dans cette logique de « trade not aid ». Les conséquences sociales de cette politique ont été désastreuses : montée des inégalités, développement de la pauvreté et des exclusions. La corruption a pris des proportions gigantesques. L'affaiblissement des États a accru le nombre des conflits armés. La prise de conscience des limites et des échecs de cette politique a suscité une mise en cause très vive de ses objectifs et de ses moyens. Le débat a pris une tournure assez vive au sein des institutions elles-mêmes. Depuis le milieu des années 1990, avec notamment l'arrivée de M. James Wolfensohn à la tête de la Banque mondiale, les institutions financières découvrent la pauvreté et s'engagent à l'éradiquer dans les meilleurs délais. Elles font un effort considérable pour donner de leur action une image plus sociale, plus humaine. Les crises financières en Asie, en Amérique latine et centrale, en Russie ont ouvert la première crise de la mondialisation libérale. Les institutions de Bretton-Woods ont été incapables de les prévenir. Les conséquences de la dérégulation systématique ont mis en évidence la fragilité du système. Le « consensus de Washington » fondé sur la primauté des marchés financiers et l'acceptation de la direction déterminante des États-Unis est alors remis en cause dans un débat qui oppose les néo-keynésiens aux ultra-libéraux. Il porte sur la nature de la régulation et sur le rôle de l'État. Les uns, avec Milton Friedman, estiment que les institutions financières sont responsables de la crise et qu'il vaudrait mieux les supprimer en faisant confiance au seul marché pour réguler l'économie. D'autres, avec Joseph Stiglitz, insistent au contraire sur les dysfonctionnements du marché, sur le rôle de l'État, et sur les politiques sociales. Cette confrontation a alimenté les réflexions qui ont débouché sur le rapport « Meltzer », adopté en novembre 1998 par la commission de contrôle des institutions de Bretton-Woods, mise en place par le Congrès américain. Dans cette bataille idéologique dont les enjeux sont considérables, quelle est la voix de l'Europe, quelle est la voix de la France ? Le rapport du Gouvernement au Parlement est-il à la hauteur de ces enjeux ? Celui de l'an dernier faisait preuve d'une très grande déférence à l'égard des institutions. Pour l'essentiel, il se limitait à une description assez consensuelle de leur action, en évitant d'aborder les questions sensibles et en bannissant tout esprit critique. Votre Rapporteur n'avait relevé, pour sa part, aucune contradiction entre le contenu du rapport du Gouvernement et les nombreux développements qu'offrent, sur leur site Internet, les deux institutions. Or, les familles politiques françaises ont de la vie économique, des relations entre secteur public et secteur privé, du rôle de l'État, des rapports sociaux... des visions différentes, voire contradictoires. Il peut paraître étonnant que la voix de la France à Washington n'épouse pas les variations liées à la sensibilité des différents gouvernements. Si ce rapport de 2001 précise fort bien les positions défendues par notre administrateur, nous aurions aimé connaître de manière plus approfondie la position du Gouvernement français sur la crise de légitimité qui secoue les grandes institutions financières et bancaires internationales. Le débat entre « un dollar, une voix », credo des pays riches, et « un pays, une voix », complainte des pays pauvres, est esquissé. Il n'est pas traité dans toute son ampleur. Il est bien de souligner l'effort d'évaluation sur la pertinence des politiques conduites et sur l'efficacité des résultats. Il serait utile de s'interroger sur la valeur des audits réalisés par un organisme appartenant à l'institution. Ne serait-il pas plus judicieux de confier cette responsabilité à des bureaux pleinement indépendants et dont l'objectivité est reconnue de tous ? Plusieurs thèmes auraient mérité de plus amples développements. Ainsi que le notent les organisations de la société civile (3) : « L'idée que sous-tend en permanence la réflexion de la Banque est que le secteur privé est toujours préférable au secteur public, y compris pour les services de base (dont l'éducation et la santé) ». Votre Rapporteur plaide pour que la voix de la France ne se réduise pas à une approche technocratique et conformiste. Elle doit s'imprégner de notre histoire et de nos valeurs. Les principes de liberté, d'égalité et de fraternité doivent inspirer nos votes hors de nos frontières. Nous ne devons pas nous en tenir à l'apparence. Ainsi, aujourd'hui, le discours sur le développement durable rencontre un assentiment général, mais chaque institution en donne une définition différente. Comment mettre en _uvre un développement économiquement efficace, écologiquement soutenable, socialement équitable, démocratiquement fondé, géopolitiquement acceptable, culturellement diversifié ? Toutes ces pistes méritent d'être explorées. Mais il y a loin des discours à la réalité. Il est maintenant admis que la préoccupation environnementale est bien intégrée dans les cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté. Or, le FMI a imposé au Brésil, en 1998, une réduction des deux tiers de ses dépenses publiques pour la protection de l'environnement afin d'atteindre les objectifs fiscaux qui lui ont été imposés. En Russie, le FMI a exigé une réduction de 40 % des efforts financiers consentis pour la protection des zones sensibles. Au Nicaragua, la même exigence a atteint 36 % ! Sur tous ces sujets qui conditionnent la vie de la majorité des êtres humains, la France n'est pas suffisamment présente intellectuellement et politiquement. S'appuyant sur sa propre histoire économique et sociale, elle doit réaffirmer le rôle de l'État comme instrument des politiques sociales de répartition et de distribution, comme garant de l'intérêt général et comme producteur des liens sociaux. Notre expérience du service public et notre vision de la place respective des services publics et privés dans le processus de développement doivent être nos références. Il est aujourd'hui admis qu'il ne peut y avoir de développement réel que s'il est voulu, géré, coordonné par les sociétés concernées et que s'il prend en compte les réalités socio-politiques locales. L'insupportable prétention des « experts » de la Banque mondiale et du FMI à vouloir régenter les États, à dire le bien et le mal, à juger et à imposer les choix fondamentaux en lieu et place des peuples, doit être dénoncée avec force. La lutte contre la pauvreté et pour la réduction des inégalités sociales exige la mobilisation des populations concernées. Telle n'est pas l'approche des institutions internationales. Dans le rapport adopté par votre commission des Finances, en décembre 2000, votre Rapporteur écrivait : « Elles pratiquent la charité et la compassion pour autant qu'elles les aident à consolider leur vision du monde. Entre " donner du poisson " apanage de la charité et " apprendre à pêcher " pierre angulaire du développement, semble s'être glissé la pratique du " leasing de cannes à pêche, coûteuses et fragiles ", traduction du nouveau credo de la Banque mondiale et du FMI » (4). L'analyse est toujours d'actualité. Le débat et les enjeux sont éminemment politiques. La France, avec d'autres, doit affirmer avec plus de force qu'il est possible de réguler l'économie et les échanges à partir du respect des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Le Parlement doit prendre part à ce vaste chantier de réflexion, d'analyses et de propositions. Le rapport de votre commission des Finances sur le rapport du Gouvernement de l'an passé soumettait à la sagacité du ministère de l'économie et des finances vingt propositions. Elles portaient sur les missions du FMI et de la Banque mondiale, sur la démocratisation de leur fonctionnement, sur la nécessité de créer une coordination européenne et sur le perfectionnement du processus de détermination des positions françaises. Il est pour le moins regrettable qu'une seule de ces propositions ait retenu l'attention du Gouvernement. Elle suggérait que soit mis fin « au monopole du Trésor en exigeant de l'administrateur français qu'il rende des comptes non seulement au Trésor, mais également au ministère des affaires étrangères et en nommant un deuxième administrateur auprès de la Banque mondiale placé sous tutelle principale du ministère des affaires étrangères ». La proposition n'était pas apparue incongrue à votre commission des Finances dans la mesure où d'autres pays fonctionnent avec deux administrateurs relevant de deux ministères différents. Ce thème et lui seul a fait l'objet d'une lettre du ministre de l'économie et des finances justifiant le monopole se son administration (5). Le débat démocratique est une nécessité dans le cadre d'un bon fonctionnement des institutions de la République. C'est pourquoi les questions restées sans réponse sont reprises dans le présent rapport, avec l'espoir qu'elles suscitent intérêt, réflexion et... peut-être décisions. Il convient de rappeler ici que les institutions financières internationales ont largement recours aux contribuables des pays membres, soit qu'ils fournissent directement une partie des ressources, soit qu'ils garantissent le remboursement de celles qu'elles mobilisent sur les marchés financiers internationaux. C'est pourquoi le FMI, la Banque mondiale, mais aussi l'Organisation mondiale du commerce ou l'Organisation de coopération et de développement économiques, ne doivent plus être la chasse gardée d'une administration particulière. Ils sont un enjeu du débat démocratique et leur action doit être soumise au jugement et au contrôle du Parlement. Cette exigence avait fait l'objet de deux propositions dans le rapport précédent. Elles ont reçu toutes les deux une réponse favorable. Pour la première fois, l'administrateur français auprès des institutions de Bretton-Woods a été auditionné dans le cadre d'une réunion conjointe de votre commission des Finances et du Haut Conseil de la coopération internationale, le 8 novembre 2001. Enfin par lettre en date du 13 août 2001, le Président de l'Assemblée nationale a confié à votre Rapporteur la réalisation d'une étude de faisabilité sur les mesures à prendre et les moyens à mettre en _uvre pour permettre un meilleur contrôle parlementaire des institutions financières internationales. Cette étude a été remise le 27 novembre au Président Raymond Forni. Elle conclut par la nécessité que soit mise en place, dans un délai très rapide : « Une solution sui generis plus souple, consistant à créer une mission permanente d'information et de contrôle de l'Assemblée nationale, dotée de moyens administratifs et financiers propres. Elle assurerait le suivi des activités des institutions économiques et financières internationales. Elle permettrait ainsi aux députés d'être informés sur les grands débats qui agitent ces institutions. Elle apporterait sa contribution au travail de réflexion nécessaire sur leurs missions, leurs objectifs et leurs moyens. L'activité de contrôle donnerait lieu à des rapports et alimenterait les débats parlementaires. Les propositions qui seront arrêtées devront tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel du 6 juin 1990 sur les missions d'information de l'Assemblée nationale. » (6) L'ambition du présent rapport est de contribuer à approfondir le débat, au sein de la Représentation nationale, sur la nécessaire réforme des institutions économiques et financières internationales. La France et l'Europe peuvent peser davantage sur les orientations et les décisions de ces institutions. Encore faut-il qu'elles en aient la volonté. LA POLITIQUE FRANÇAISE DANS LES INSTITUTIONS FINANCIÈRES INTERNATIONALES Le rapport déposé par le Gouvernement sur le bureau du Parlement en juillet 2001 est le troisième sur cette question depuis 1998. Il constitue un bilan des activités du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale sur l'année 2000-2001, d'une part, et fait le point sur des questions d'intérêt commun entre les deux institutions, d'autre part (cette année : la lutte contre le blanchiment et la corruption et l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés - IPPTE). Contrairement aux rapports précédents, celui de 2001 expose, sur chacun des sujets traités, la position prise par la France. Votre Rapporteur s'attachera à présenter et à apprécier ces positions au sein du Fonds monétaire international, au sein du groupe de la Banque mondiale et sur les questions d'intérêt commun. I.- LA FRANCE ET LE FONDS MONÉTAIRE INTERNATIONAL Le Fonds monétaire international est l'un des points de cristallisation, aux côtés de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et de la Banque mondiale, de la remise en cause de la mondialisation. Sont contestés sa légitimité politique et son manque de transparence. Il reste cependant une pierre angulaire de la coopération économique internationale et l'instrument d'action privilégié de la communauté financière internationale en matière monétaire, économique et financière. Il apparaît donc impératif de renouveler les approches de la prévention et de la résolution des crises et d'examiner avec attention le rôle du Fonds dans la mobilisation de la communauté internationale. A.- LE FONDS ET LA PRÉVENTION DES CRISES Les efforts de ces dernières années ont avant tout été axés sur des mesures visant à discipliner les débiteurs et à mettre en place de coûteux mécanismes d'autodéfense. Les pays ont été vivement encouragés à mieux gérer les risques en adoptant de strictes normes financières, en améliorant la transparence, en appliquant des régimes de change appropriés, en se constituant d'amples réserves et en prenant des mesures pour associer les créanciers privés au règlement des crises. Si quelques-unes de ces réformes peuvent ne pas être sans intérêt, elles partent néanmoins du principe que la cause des crises tient essentiellement à des faiblesses politiques et institutionnelles dans les pays débiteurs, qui doivent donc prendre illico presto les mesures de réforme qui s'imposent. C'est oublier un peu vite le rôle joué par les institutions financières internationales, en particulier par le Fonds monétaire international, dans l'aggravation de certaines crises. 1.- LA PROMOTION DE LA TRANSPARENCE, DE CODES ET DE STANDARDS Le rôle de prévention des crises est celui qui suscite sans doute le consensus le plus large au sein de la communauté financière internationale. Il inclut une fonction de surveillance multilatérale, déclinée à trois niveaux : mondial, régional et national. Le premier type de surveillance a été marqué cette année par la remise traditionnelle, en octobre, d'un rapport sur les perspectives économiques mondiales, qui ne cessent d'être revues à la baisse par le Fonds lui-même depuis cette publication. La deuxième catégorie de surveillance a été exercée, en particulier, sur la zone euro. En effet, le domaine de compétence du Fonds porte sur les politiques monétaires et les politiques fiscales. De fait, la politique monétaire en Europe est désormais conduite par la Banque centrale européenne. Ainsi, pour exercer sa surveillance, le Fonds doit s'intéresser à la zone euro prise dans son ensemble. D'ailleurs, la Banque centrale européenne dispose d'un statut d'observateur au conseil d'administration du Fonds. La dernière catégorie de surveillance a été marquée dans plusieurs pays par des conflits, ou du moins par de fermes explications, avec les autorités nationales. Ce fut le cas pour la France (voir infra 2). Le FMI a eu des discussions plus houleuses avec l'Italie. En novembre 2001, le gouverneur de la Banque d'Italie n'a pas hésité à qualifier d'« enfantillages » les prévisions des experts du Fonds, qui avaient sévèrement révisé à la baisse les perspectives de croissance pour l'Italie. Trois conclusions ont été tirées des crises récentes. Il apparaît, tout d'abord, nécessaire de développer une identification des facteurs de risque plus en amont. Il est indispensable, par ailleurs, de renforcer l'attention portée aux systèmes financiers. Enfin, la transparence des politiques économiques doit être améliorée. En 1999, pour répondre à ces exigences, une ligne de crédit préventive (ou contingent credit line) était créée. Elle permet de fournir un soutien quasi automatique du FMI en cas de difficulté de financement née d'une défiance soudaine des marchés et non de politiques économiques inadaptées. La prévention des crises passe également par la promotion des codes et standards internationaux. Les travaux sur ces instruments ont été accélérés. En 1999, le Forum de stabilité financière a décidé de renforcer les mécanismes d'identification des vulnérabilités à l'aide de la définition de douze standards prioritaires. Le FMI a été directement mandaté pour encourager la mise en _uvre de ces douze normes. À titre d'exemple, on peut citer l'envoi à la fin du mois de novembre par le FMI d'une équipe spécialisée au Japon en vue d'étudier le système financier local dans le cadre d'un programme d'évaluation du secteur financier (financial sector assessment programme). Ce type de programme est déclenché sur une base volontaire. Il peut constituer, pour un gouvernement, un moyen pratique d'imposer des réformes à son secteur bancaire et financier. Votre Rapporteur estime que les codes et standards ne constituent pas nécessairement la panacée universelle à la prévention des crises financières. Une telle solution présenterait une vision très idéaliste du monde, qui reposerait sur la croyance selon laquelle il serait bénéfique de laisser les capitaux circuler librement dès lors que toutes les économies du monde sont construites à l'image des économies des pays membres du G 7.
Le Fonds complète son action dans ce secteur de la surveillance par le développement de programmes d'assistance technique. Au vu de ces évolutions, il est possible de conclure que les questions financières se trouvent de plus en plus au c_ur des préoccupations du Fonds. Il a ainsi étendu le champ de la conditionnalité des programmes aux questions financières. Certains n'hésitent pas à qualifier ce processus d'extension rampante (« mission creep »). Une réflexion est en cours pour redéfinir cette conditionnalité, notamment dans son volet structurel et dans la définition de critères pour sa prise en compte plus rigoureuse (et donc plus réduite) dans les programmes du Fonds. La France a soutenu un certain nombre d'actions engagées par le Fonds dans la prévention des crises : · approfondissement de la transparence des activités du Fonds : publication de nouvelles catégories de documents (programme annuel de travail du Conseil, situation trimestrielle de liquidité du Fonds, rapport trimestriel sur le financement des marchés émergents...), création d'un bureau d'évaluation indépendant (avril 2000) ; · développement de la surveillance régionale par les services du Fonds sur le modèle de ce qui se fait pour la zone euro (depuis 1999) et de ce qui est en cours de mise en _uvre pour la zone franc ; · renforcement des instruments de prévention des risques : développement des rapports sur l'observation des normes et codes promus par le fonds (diffusion des données, transparence budgétaire et des politiques monétaires et financières, régimes de faillite et droits des créanciers...), évaluation des secteurs financiers des États membres en vue de réduire la probabilité et/ou la sévérité des crises du secteur financier et la contagion entre pays, création d'un département spécialisé dans les marchés internationaux de capitaux (été 2001) ; · simplification des mécanismes de prêt (facilités) et renforcement de la surveillance des politiques économiques après l'achèvement des programmes. En revanche, la France a émis des réserves sur un certain nombre de dossiers. Elle considère ainsi que l'effort de transparence financière encadré par le respect de normes ne doit pas se limiter aux États, mais s'étendre aux institutions financières privées (hedge funds). De la même façon, elle s'interroge sur la proximité accrue du FMI avec le secteur privé, notamment au sein du nouveau département des marchés internationaux de capitaux (7), ne doit pas altérer sa capacité à formuler des propositions au bénéfice des ses membres. Elle estime, par ailleurs, que les questions de réduction de la pauvreté et de gouvernance ne doivent pas être « des priorités secondaires » de l'assistance technique fournie par le Fonds à ses membres, tandis que la lutte contre le blanchiment et la corruption (intégrité des marchés) doit faire partie des priorités les plus importantes du Fonds. Votre Rapporteur rejoint le Haut Conseil de la coopération internationale (8), lorsqu'il demande « qu'une plus grande attention devrait être portée aux moyens de lutter contre la volatilité des mouvements de capitaux. Ceci passe nécessairement par une grande prudence dans l'ouverture du compte de capital des pays en développement, en particulier en tenant compte de la solidité de leur secteur financier et de sa capacité à se réguler, mais également par des mesures plus restrictives des mouvements de capitaux courts, au moyen d'une taxation portant sur les flux financiers, de l'imposition de réserves et de règles plus contraignantes en matière de congruence monétaire, etc. » Enfin, votre Rapporteur s'interroge sur la proposition formulée par l'actuel président du Comité monétaire et financier international, M. Gordon Brown, ministre de l'économie britannique, qui souhaite placer les activités de surveillance du Fonds hors de la compétence du conseil d'administration. Il s'agirait, selon lui, d'éviter que les influences politiques - on pense bien sûr à celles exercées par les États-Unis - n'interviennent trop tôt dans la mise en _uvre de plans de sauvetage. En effet, votre Rapporteur se demande si le conseil d'administration n'est pas le seul lieu où l'influence politique s'exerce et si la composition nationale des équipes du Fonds ne tendrait pas à les rendre perméables aux intentions de l'actionnaire dominant. En outre, il revendique la nécessité de placer les institutions financières sous contrôle politique dans tous leurs secteurs d'activité. 2.- LES ACTIVITÉS DE SURVEILLANCE : L'EXEMPLE DE LA FRANCE Dans le cadre de sa mission de consultation sur le fondement de l'article IV de ses statuts, le FMI a eu l'occasion d'examiner la situation économique de la France. On peut regretter que, d'un côté, le FMI déclare suivre une déontologie stricte en matière de diffusion de l'information et s'attacher à respecter la volonté des États, et de l'autre, permette que des prévisions de croissance pour la France soient diffusées avant même que le conseil d'administration de l'organisation ne s'en soit saisi, ce qui s'est pourtant passé cette année. Par ailleurs, la prévision de 1,6 % annoncée est largement inférieure à l'ensemble des prévisions disponibles qui créditent la France de 2,1 % en 2002. Sur le fond, l'administrateur français a eu l'occasion de nuancer les conclusions rendues par les équipes du FMI. Il a tout d'abord relevé que leurs prévisions pour la France étaient trop pessimistes. Il a rappelé que, si l'économie française ne pouvait pas ne pas ressentir les évolutions internationales, elle disposait de fondamentaux solides. Il a mis en doute le jugement du Fonds selon lequel la norme pluriannuelle d'évolution des dépenses devait être plus stricte et affirmé que la priorité devait être plus au renforcement des outils permettant de s'assurer que les objectifs de maîtrise de dépenses seraient tenus, notamment dans certains secteurs tels que l'assurance maladie, qu'à la fixation d'objectifs exagérément stricts. Il a souligné, par ailleurs, la bonne tenue du marché de l'emploi, qui ne s'expliquait pas seulement par la modération salariale, comme le laissait entendre l'équipe du FMI, mais aussi par les politiques macroéconomiques et d'emploi menées depuis 1997. À cet égard, il relevait que la politique de redistribution en faveur des personnes très pauvres avait eu des effets bénéfiques et permis, grâce à la prime pour l'emploi, de réduire les trappes à inactivité. Il a fait observer que le Gouvernement avait introduit plus de flexibilité dans l'application de la réduction du temps du temps de travail, en particulier en faveur des petites et moyennes entreprises. Enfin, battant en brèche les critiques d'immobilisme formulées par le FMI, l'administrateur français a indiqué que de nombreuses réformes structurelles avaient été engagées, telles que la libéralisation des marchés du gaz et de l'électricité, la refonte du code des marchés publics, le changement des procédures budgétaires ou encore le développement d'une épargne salariale. S'agissant des retraites, il a mis en relief le fait qu'une réforme dans ce domaine exigeait du temps et de la préparation, sous peine de la condamner, faute d'adhésion de la population, adhésion qui constitue pourtant - c'est votre Rapporteur qui l'ajoute - l'une d'une pierre angulaire du discours porté par les institutions de Bretton-Woods (empowerment). B.- LE FONDS ET LA RÉSOLUTION DES CRISES Cette question est celle qui a le plus fait couler d'encre et nourri les débats les plus vifs depuis la crise mexicaine de 1994, considérée comme un tournant dans l'action du FMI. Comme le relève le Haut Conseil de la coopération internationale (9), « la façon dont plusieurs crises récentes ont été traitées par les institutions multilatérales amène à s'interroger sur la valeur de leurs préconisations. Ainsi, alors que la crise asiatique était due en grande partie aux facteurs de vulnérabilité du secteur privé, le FMI a continué de recommander et d'imposer des mesures d'ajustement macroéconomiques, notamment en ce qui concerne le resserrement des budgets des États et le relèvement des taux d'intérêt. Ces décisions ont eu des conséquences graves sur le plan social, tout particulièrement dans le cas de l'Indonésie où la pauvreté s'est sensiblement accentuée. Dans le cas de l'Argentine, la politique de change suggérée aux autorités de ce pays, qui pouvait se comprendre par l'historique d'hyper-inflation, a créé une situation intenable lorsque le dollar s'est apprécié. Si d'autres facteurs ont joué, il n'en demeure pas moins que cette politique de change a eu et a encore des conséquences graves sur la situation du pays. Enfin, il faut relever l'incohérence qu'il y a eu, dans le cas de la Corée du Sud, à mobiliser deux banques multilatérales de développement dont ce n'était pas le mandat pour boucler un sauvetage financier. En effet, ce n'est pas normalement le rôle de telles institutions financières, en principe dédiées au développement, que de participer à de telles opérations, au profit d'un pays membre de l'OCDE qui plus est. Et on ne peut manquer de s'interroger sur la pertinence du rôle qu'on a fait et qu'on voudrait faire jouer au FMI en tant que prêteur de dernier ressort. » Votre Rapporteur ne peut que rejoindre ces affirmations, constater l'extension, au-delà du raisonnable, du champ d'intervention du Fonds, émettre des doutes sur la politique menée aujourd'hui à l'égard du secteur privé et relever dans les cas argentin, indonésien et turc, les travers qui ont résulté des préconisations de l'institution. 1.- UNE EXTENSION DE CHAMP CRITIQUABLE a) Le débat sur la conditionnalité La conditionnalité est un moyen d'assurer que l'ajustement s'effectue de manière efficace et ordonnée et qu'il bénéficie donc à l'ensemble des États membres du Fonds. De nombreuses politiques régissent l'octroi de l'aide financière par le FMI à ses pays membres et leurs modalités sont définies en fonction de la nature des difficultés de balance des paiements qu'éprouve l'emprunteur. Les débats sur la conditionnalité et le rôle du FMI dans les pays les plus pauvres témoignent d'une divergence d'analyse sur le rôle du Fonds, entre soutien aux pays déjà insérés dans les marchés et soutien aux pays cherchant à s'insérer dans ces marchés. La première approche privilégie le rôle du Fonds dans les pays émergents et tend à rejeter la conditionnalité au bénéfice des mécanismes de préqualification, la deuxième préconise un FMI universel, dont les instruments permettent d'agir en toutes circonstances et pour lequel la conditionnalité associée aux programmes est un mécanisme d'incitation essentiel. Votre Rapporteur constate que la conditionnalité revient souvent à imposer aux pays bénéficiant de l'intervention du Fonds une ligne de conduite pré-établie, rarement adaptée à la réalité de leurs structures économiques et sociales, calquée sur le modèle des économies développées, qui, il faut le rappeler, ne sont parvenues à ce stade de développement qu'après des décennies, voire des siècles, d'évolution économique. C'est pourquoi il conviendrait de ne pas accumuler les critères de conditionnalité et d'y introduire plus de souplesse. b) Une intervention de plus en plus large D'un côté, le FMI, comme gestionnaire des crises financières, subit les critiques portant sur la mobilisation de ressources publiques qui permet de contourner, en pratique, la sanction soit de politiques macroéconomiques inadaptées, soit de comportements trop risqués des acteurs privés. Ce fut le cas du rapport « Meltzer ».
D'un autre côté, est remise en cause l'intervention de l'institution dans des champs éloignés de la macroéconomie, en particulier dans les domaines structurels (le fonctionnement du système bancaire par exemple) ou institutionnels (la bonne gouvernance en particulier). En effet, le FMI assure un rôle de plus en plus large. C'est d'abord le cas dans la négociation avec le pays des termes de son intervention qui serviront en pratique de cadrage macroéconomique aux interventions éventuelles d'autres secteurs. Mais c'est également le cas dans l'organisation originale de l'intervention d'autres intervenants publics (institutions financières internationales, Club de Paris, contributeurs bilatéraux). Enfin, le FMI joue un rôle non négligeable dans l'accompagnement du dialogue entre le pays et ses créanciers privés. 2.- LA QUESTION DE L'IMPLICATION DU SECTEUR PRIVÉ Ce sujet se trouve au c_ur des préoccupations de nombreux observateurs et acteurs. Ainsi, d'importants développements y sont consacrés dans les rapports remis chaque année par la commission du Trésor de la Chambre des Communes du Royaume-Uni, sensible également à la nécessité de sortir du couple infernal « privatisation des profits - socialisation des pertes ». L'enjeu est d'autant plus important que les flux de capitaux privés dans les économies émergentes ont été systématiquement supérieurs à ceux des capitaux publics dans les années 1990, contrairement à ce qui s'était passé dans les années 1980. Durant la dernière décennie, les investisseurs privés ont apporté 1.700 milliards de dollars et l'aide publique au développement 320 milliards de dollars. Mais, depuis les crises russe et asiatique, la tendance semble de nouveau s'inverser et les flux de capitaux privés se tarir sur les marchés émergents. La crise que connaît aujourd'hui l'Argentine illustre ce phénomène. Dans cette problématique, il faut concilier deux objectifs : d'un côté la volonté des investisseurs privés de maximiser la valorisation de leurs actifs et le retour sur investissement, de l'autre la nécessité, pour les pouvoirs publics, d'assurer la stabilité systémique, la sécurité globale et le respect d'objectifs sociaux. L'implication du secteur privé dans la prévention et la résolution des crises financières a depuis longtemps été souhaitée. Ainsi, à la suite de la crise mexicaine de 1994, le G 10 commanda sur cette question un rapport, qui fut rendu public en mai 1996. En 1999, ce fut au tour du G 22 de mettre en place un groupe de travail sur les crises financières internationales et le rôle du secteur privé. En septembre 1999, le directeur général du Fonds monétaire rendit public un rapport du comité intérimaire sur l'évolution et le renforcement de l'architecture financière internationale. Ce rapport fournissait trois enseignements. En premier lieu, la prévention reste la clef pour empêcher les crises financières et un effort particulier doit être réalisé en faveur de la transparence des processus de décision, de la diffusion de standards, du renforcement du système financier et d'une communication effective avec les créanciers privés. En deuxième lieu, dans certaines circonstances, il apparaît nécessaire de mettre en place des mécanismes de concertation impliquant l'engagement du secteur privé dans la résolution des crises ; c'est le thème du « partage du fardeau » (burden sharing). Enfin, d'importants progrès résulteraient de la mise en place, dans les contrats d'obligations, de clauses collectives qui, à condition que la totalité des créanciers privés soient d'accord sur le principe, permettraient à une majorité qualifiée de porteurs d'obligations d'approuver un accord contraignant sur la dette, autorisant un groupe de porteurs à négocier avec le débiteur, par exemple, sur une restructuration de cette dette, et ce au nom de l'ensemble des porteurs. Mais pour le secteur privé, il n'y a aucune raison qu'un type particulier de créances privées, par exemple les obligations, se voit accorder un traitement spécifique. Les porteurs d'obligations sont d'ailleurs, d'ores et déjà, soumis aux pertes qui résultent d'investissements à haut risque. La restructuration de dettes ne doit pas être trop facilitée sous peine de faire perdre toute confiance aux investisseurs. Les créanciers veulent pouvoir conserver leur capacité à ester en justice contre des débiteurs pris en défaut. De toute évidence, il apparaît nécessaire d'instituer une représentation collective des créanciers privés. D'une part, cela permettra qu'aucun porteur d'obligations individuel ne puisse agir sans conséquence sur l'ensemble des porteurs. D'autre part, il s'agit d'un bon moyen d'assurer la communication entre les créanciers et le débiteur. Les associations de créanciers privés, au premier rang desquels figure l'Institut de la finance internationale, ont proposé de créer un groupe consultatif réunissant les créanciers privés et les créanciers publics. L'aléa moral à l'égard du secteur privé apparaît, de fait, plus difficile à réduire que celui qui intervient pour le secteur public (en effet, recourir au Fonds implique un coût politique pour les gouvernements). Selon l'administrateur français auprès du Fonds, M. Pierre Duquesne, auditionné par votre Rapporteur, la question avance lentement. Un accord existe cependant sur le cadre d'action, ce dont témoignent les communiqués du G 7 et du Comité monétaire et financier international d'avril 2000. Ce cadre d'action porte sur la présomption d'implication du secteur privé dans tous les programmes du FMI, une évaluation à court et moyen terme des besoins de financement, un partage du « fardeau » entre différentes catégories de contributeurs et de créanciers, un suivi de la mise en _uvre effective de ces contributions, la réduction des comportements de « free rider » (un créancier préfère négocier seul avec le débiteur au détriment d'une action collective plus efficace), une politique de « prêts en arriérés » qui offrirait au FMI le moyen d'intervenir financièrement dans certaines situations malgré l'accumulation par un pays donné d'arriérés à l'égard des créanciers privés. L'opposition américaine à de telles mesures s'est progressivement assouplie. Le Comité monétaire et financier international, à l'occasion des réunions d'Ottawa en novembre 2001, a pu ainsi se déclarer en faveur de la mise en place d'une procédure de faillite pour les États en situation de difficultés de paiement. Le Royaume-Uni est allé plus loin en proposant d'aménager la ligne de crédit préventive (contingent credit line) du FMI destinée à fournir une aide aux pays bien gérés qui souhaitent se protéger de la contagion d'une crise financière. En effet, depuis trois ans qu'elle existe, cette ligne n'a pu être ouverte compte tenu du caractère strict de ses conditionnalités. Il faudrait donc, selon le Royaume-Uni, rendre cet instrument plus accessible et encourager les pays développés à demander une telle facilité afin d'enclencher le système. Dans la suite logique des réunions d'Ottawa, la directrice générale adjointe du Fonds, Mme Anne Krueger, a annoncé, le 26 novembre 2001, qu'il serait utile de permettre à l'institution, en cas de crise, d'imposer un moratoire, qui interdirait aux créanciers du secteur privé de lancer des procès aux pays endettés durant tout le temps des négociations sur la restructuration de la dette du pays concerné. Cette idée, qui était soutenue depuis des années - sans résultat - par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (10), pour devenir réalité, doit recueillir 85 % des votes au prochain conseil d'administration du Fonds monétaire international. Il apparaît clairement cependant que le Fonds ne doit pas avoir le pouvoir de vérifier la justesse et l'exactitude des demandes qui seront présentées par les créanciers, ce qui impose, sans doute, de mettre en place un mécanisme d'arbitrage international. Ce changement impliquera également que certains des États membres, dont le marché financier est particulièrement important - on pense notamment à l'Allemagne -, devront modifier leur législation afin de permettre la mise en place d'un tel mécanisme. Alors que l'Argentine semblait sortie d'affaire, faisant figure avec son voisin chilien d'élève modèle des institutions financières internationales, la crise russe de l'été 1998 et la dévaluation du real brésilien en janvier 1999 ont été les détonateurs d'une crise qui ne cesse, depuis lors, de peser sur l'économie et la société argentines. Malgré quelques réserves, la France a apporté son soutien à l'intervention du Fonds monétaire, intervention qui a, semble-t-il, accru fortement les tensions sociales, une fois encore au détriment des plus défavorisés. L'Argentine était considérée comme un élève modèle par le Fonds monétaire international. Elle a, en effet, mis en _uvre avec application et persévérance des programmes d'ajustement structurel, gouvernés par trois principes, qui font partie intégrante du « consensus de Washington » : la flexibilité, l'ouverture de l'économie et le retrait de l'État, réduit à des fonctions régaliennes strictes. Ainsi, l'Argentine a mis en place une politique monétaire stricte fondée sur la création d'une caisse d'émission (currency board) assurant la parité entre le peso et le dollar, une politique budgétaire restrictive, des politiques de libéralisation des échanges, de déréglementation généralisée et de privatisation accélérée. Les résultats immédiats de cette politique ont permis d'atteindre des taux de croissance atteignant entre 5 % et 10 % par an, tandis que l'hyperinflation était endiguée. Mais, plusieurs évolutions ont conduit le pays dans une crise profonde. La baisse du prix des matières premières, la dévaluation de la monnaie brésilienne, la hausse des taux d'intérêt, la déflation ainsi que la poursuite des mesures de stabilisation et de rigueur budgétaires, ont provoqué une dégradation marquée des conditions de vie. Le chômage a atteint 14,7 % de la population active, le sous-emploi un taux similaire, tandis que 400.000 personnes passaient, en 2000, en-dessous du seuil de pauvreté. 13,2 millions d'Argentins, sur une population de 33,6 millions d'habitants, vivent désormais en-dessous de ce seuil. En novembre 2000, après deux années de récession, une crise financière a frappé le pays. Les investissements ont chuté de 25 % et le produit intérieur brut par habitant a baissé de plus de 8 % depuis 1998. b) Des programmes déstabilisateurs Fin 1999, le FMI avait promis au nouveau gouvernement un prêt de 10 milliards de dollars pour refinancer ses dettes, à condition de mettre en _uvre un nouveau programme d'austérité. En mars 2000, un premier programme de grande ampleur était décidé. Il était marqué par une hausse des taxes et impôts, par la réduction des dépenses fédérales en faveur des provinces, par l'assouplissement de la législation sur le travail, par le démantèlement du système public de sécurité sociale et l'institution de la concurrence dans ce secteur, par la libéralisation des secteurs des télécommunications et de l'énergie et par la réduction des salaires et des pensions des fonctionnaires. Il faut noter, à titre d'exemple, que la privatisation de la sécurité sociale et la réduction des cotisations versées par les employeurs ont privé l'État de plus de 8 milliards de dollars par an (11). En novembre 2000, le Fonds monétaire a exigé davantage de rigueur budgétaire. Un deuxième plan a donc été proposé, se traduisant par le gel des dépenses pour cinq ans à tous les niveaux de gouvernement, par la dérégulation du système de santé et l'abolition pure et simple du système étatique de sécurité sociale, par une nouvelle hausse des taxes et par la réforme du système de pension. Ce nouveau plan a suscité plus d'inquiétude chez les investisseurs. En janvier 2001, une tranche de 39,7 milliards de dollars était pourtant promise sur le fondement de ce plan, somme répartie entre 13,7 milliards de dollars financés par le Fonds, 5 milliards de dollar apportés par la Banque mondiale et la Banque inter-américaine de développement, 1 milliard de dollars accordés par l'Espagne, 13 milliards de dollars fournis par des banques privées et des fonds de pensions par le biais d'engagement d'achat d'obligations, tandis que le ministère de l'économie devait dégager, pour sa part, 7 milliards de dollars par une restructuration de dette. Un nouveau plan, encore plus drastique, a été concocté au premier trimestre 2001. Il se présentait comme encore plus sévère, fixant des normes rigides de baisse des dépenses publiques, pour un montant total de près de 8 milliards de dollars sur les années 2001, 2002 et 2003. Rejeté de manière plus virulente par la population, ce plan n'a pu être mis en application, et fut remplacé par un nouveau plan, proposé par le nouveau ministre des finances, M. Domingo Cavallo, et fondé sur l'amélioration de la compétitivité de l'économie nationale. Le Parlement a interdit au nouveau ministre de procéder, de manière discrétionnaire, à des baisses de salaires, à des licenciements de fonctionnaires, à des privatisations, à des modifications du code du travail et à une dévaluation. Le projet de loi de finances pour 2002 prévoit cependant une forte baisse des dépenses sociales, le maintien de la réduction salariale des fonctionnaires et des retraités et la baisse de 900 millions de dollars des dotations aux provinces, dont plusieurs sont pourtant proches de la cessation de paiement. Le gouvernement d'une province a ainsi été contraint de fermer, par manque d'argent, pendant plusieurs jours, tout le secteur public, à l'exception des services d'urgence dans les hôpitaux. Début octobre 2001, une réduction supplémentaire de 890 millions de dollars des dépenses publiques était annoncée pour le quatrième trimestre, compte tenu des moindres rentrées fiscales de septembre. Malgré ces décisions, à la suite de l'annonce d'un plan de restructuration partielle d'une dette fédéral qui atteint au total 132 milliards de dollars - soit approximativement l'équivalent de la dette totale de l'Afrique subsaharienne -, synonyme de nouveaux sacrifices pour la population, le Fonds monétaire, encouragé par le G 7 qui s'était prononcé au sommet de Gênes, en juillet 2001, pour le sauvetage de l'économie argentine, s'est déclaré de nouveau prêt à travailler avec l'État argentin. Ce dernier offrirait comme garantie de paiement les recettes fiscales supplémentaires qui résulteraient d'une relance de la croissance. L'objectif est d'épargner 4 milliards de dollars par an en paiement d'intérêt sur une moyenne de 10 milliards arrivant à échéance, ce qui représente un cinquième du budget.
Outre une poursuite de la réduction progressive des dépenses publiques et une augmentation de la fiscalité, les pouvoirs publics prévoient par ailleurs un vaste moratoire pour refinancer les dettes prévisionnelles et fiscales des entreprises. Pour autant, le Fonds monétaire a suspendu sa décision sur d'éventuelles avances sur le programme d'aide échelonnée de 22 milliards de dollars. De fait, la notation de la dette publique du pays se dégrade régulièrement, ce qui amène petit à petit les titres argentins dans la zone des placements très spéculatifs. La banque centrale utilise sa faible marge de man_uvre pour soulager le système financier : baisse du taux minimum de réserves obligatoires, relèvement du seuil légal de détention des titres publics dans les réserves des banques, rachat de titre sur le marché monétaire pour injecter des liquidités. Le pays cherche également à trouver des fonds auprès de la Banque mondiale et de la Banque inter-américaine de développement. Les gouvernements argentins ont couru, en vain, derrière la confiance des marchés, qui se sont montrés peu reconnaissants pour les sacrifices réalisés par la population. Le cas argentin illustre le biais dommageable suivi par le Fonds monétaire international durant les dernières décennies. Poussant les pays émergents à libéraliser leur économie et à s'ouvrir aux flux de capitaux étrangers, il n'a pas pris la juste mesure du caractère intrinsèquement déstabilisant des marchés financiers, car ce sont bien les capitaux les plus volatils qui sont venus alimenter la croissance forte de ces pays. Ainsi, le « prêt-à-réformer » proposé par le Fonds en particulier et par les institutions de Bretton-Woods en général ne pouvait s'appliquer à des situations, dont le caractère nouveau leur a échappé. Le Fonds monétaire a toujours donné à l'Argentine les moyens de suivre ses recommandations. Il a continué à prêter des fonds au pays lorsque ce dernier n'en trouvait nulle part. Le gouvernement argentin a eu le malheur de privilégier les besoins de sa population. Lorsque la crise argentine aura pris fin, il sera nécessaire de faire le bilan de l'action des institutions financières internationales. De fait, la rigidité du taux de change que suppose le système de currency board, dont la mise en place et le maintien ont été défendus par le FMI, fait que tout choc externe, ne pouvant être absorbé par un ajustement de la parité entre la monnaie nationale et le dollar, se répercute, amplifié, dans l'économie. Toute appréciation du dollar se transforme, sans délai, par une hausse du taux de change effectif de la monnaie argentine et donc par une perte sèche de compétitivité. L'économie devient de plus en plus dépendante des capitaux étrangers, qui, on le sait, ne se caractérisent pas forcément par des mouvements rationnels. Aucun actionnaire n'a osé dire clairement, même pas la France, que le système du currency board s'avérait incapable d'assurer la stabilité de l'économie argentine et constituait même un carcan monétaire qui l'étouffait (12). La France a soutenu l'implication dans la résolution de la crise argentine, comme d'ailleurs dans celle de la crise turque (19 milliards de dollars). Elle a promu l'effet « catalytique » des programmes du FMI, tout en relevant la nécessité d'assurer la sanctuarisation des secteurs sociaux (dispositifs de protection sociale, dépenses de santé et d'éducation), ainsi que l'implication du secteur privé dans la gestion des crises. Ce soutien de la France s'est accompagné de quelques réserves. En effet, le maintien d'une politique budgétaire très rigoureuse en Argentine pose question, car il risque de peser sur la croissance ; il faut libérer des marges de man_uvre en faveur des dépenses sociales. La France doit, sur ces questions, faire entendre sa voix de manière plus forte. Si elle choisit de défendre un système social protecteur et une certaine idée de la redistribution et de la solidarité, elle doit le faire sur le plan international en faveur de pays, comme l'Argentine, auxquels on n'a guère laissé le choix. La crise argentine ne doit pas faire oublier la situation d'un pays voisin particulièrement important, le Brésil. Lui aussi a acquis dans les années récentes des certificats de bonne conduite du Fonds. Ainsi, en 1999, l'intervention massive des institutions de Bretton-Woods (41,5 milliards de dollars sur trois ans) permettait de sortir le pays de sa crise monétaire. Leurs recommandations avaient été suivies à la lettre. Mais il est probable que les événements récents - ralentissement de la conjoncture mondiale, crise énergétique intérieure, fragilité du gouvernement, risques permanents de dévaluation de la monnaie et de défaut de paiement en Argentine - exigent de nouveau une intervention du Fonds monétaire international en faveur de ce pays. En effet, malgré la potion administrée par ce dernier, la stabilité n'est pas revenue et le pays a perdu de sa compétitivité, comme dans le cas argentin. Un programme de 15 milliards de dollars a ainsi été signé en août 2001. La France devra être attentive à l'évolution de ce dossier et défendre avec vigueur la sanctuarisation des dépenses sociales. Deux dossiers font l'objet d'un fort scepticisme de la part de la France : d'une part, les institutions financières internationales ont manqué de fermeté dans la gestion du dossier du Pakistan, les conditionnalités ont été mal ciblées, le programme mis en place en 2000 est soumis à de très nombreuses incertitudes ; d'autre part, l'aide multilatérale à l'Indonésie, généreuse, a été mise à mal par les mauvaises dispositions des gouvernements successifs. C'est ce dernier cas qui mérite d'être considéré de plus près, le premier dossier étant particulièrement troublé par le déroulement des événements internationaux depuis le 11 septembre. Votre Rapporteur souhaite revenir sur le cas de l'Indonésie pour relever précisément les contradictions qui ont dirigé l'action du Fonds dans ce pays. Le caractère violent de la crise est apparu d'autant plus surprenant que les principales valeurs économiques de l'Indonésie semblaient, avant la crise, positives : l'épargne était élevée, les finances publiques affichaient l'équilibre et l'inflation était faible. Avant la crise, l'Indonésie, et c'est un point commun qu'elle partageait avec l'Argentine, faisait figure, aux yeux des institutions financières internationales, de bon élève : la politique monétaire était contrainte, la croissance très forte, les déficits budgétaires rarissimes, le marché financier était progressivement libéralisé. Le département du Trésor des États-Unis n'était pas sans exercer une influence sur ce mouvement, qui s'accéléra au début des années 1990. Les capitaux à court terme affluaient. La crise indonésienne, comprise dans le contexte global de la crise financière asiatique, a atteint une particulière gravité et fut marquée par un chômage massif, une déstructuration sociale avancée et l'installation d'une instabilité chronique. Le Fonds monétaire est intervenu de manière massive sur le fondement d'une politique monétaire restrictive pour enrayer l'effondrement des taux de change et en promouvant une politique budgétaire pour le moins prudente. Non seulement il n'a pas réussi à limiter la crise, mais l'aurait, selon certains observateurs, au premier rang desquels figurent MM. Joseph Stiglitz et Jeffrey Sachs, aggravée, en privilégiant la contrainte extérieure au détriment de la stabilité intérieure du pays. La Banque mondiale elle-même, par la voix de son président, M. James Wolfensohn, a pris part aux critiques adressées au Fonds. Face aux conséquences de la crise thaïlandaise sur l'économie indonésienne, le FMI conclut un accord de confirmation, le 5 novembre 1997, pour un montant important de 15 milliards de dollars sur trois ans. Parallèlement, les institutions multilatérales, en particulier la Banque mondiale et la Banque asiatique de développement, apportèrent 15 milliards de dollars et divers bailleurs bilatéraux (13) 24,7 milliards de dollars. Ces engagements financiers devaient être débloqués sous réserve de la mise en place d'un programme économique particulièrement restrictif. Ainsi, en mai 1998, les subventions sur les produits de base ont été levées. Cette suppression, destinée à rétablir l'équilibre des finances publiques et à fournir la preuve de l'engagement du pays à respecter les réformes demandées par le FMI, a cristallisé l'agitation sociale, au risque de déstabiliser l'ensemble du pays. En février 2000, le Fonds, demandant la poursuite des réformes, négocie un nouvel accord élargi de trois ans pour un montant de 5 milliards de dollars. Le Gouvernement a institué une augmentation de 30 % du prix du fioul et de 20 % de celui de l'électricité. La politique monétaire a été resserrée, de la même façon que la politique budgétaire. Par exemple, les coupes claires imposées dans les budgets de l'éducation et de la santé ont, comme dans le cas de l'Argentine, affecté durablement la capacité d'enrichissement du capital humain et coûteront des années de croissance au pays. Le Fonds a décidé, le 27 août 2001, de reprendre ses versements à l'Indonésie et a signé, à cet effet, une lettre d'intention. Les décaissements avaient été suspendus depuis le début de l'année en raison du retard pris dans les réformes. Ont été débloqués 400 millions de dollars, qui correspondent à la quatrième tranche du crédit de 5 milliards de dollars. Le Fonds est venu ainsi récompenser la nouvelle équipe gouvernementale, qui a promis d'accélérer la restructuration du système bancaire et les privatisations. L'Indonésie cherche également un nouveau rééchelonnement de sa dette publique extérieure (72 milliards de dollars) auprès du Club de Paris.
Mais la crise s'est poursuivie. Elle aura détruit un cinquième des emplois non agricoles ; 50 % de la population indonésienne vivaient à la fin de 1998 en-dessous du seuil de pauvreté (0,55 dollar par jour dans les villes, 0,4 dollar dans les campagnes). De nombreuses entreprises ont fait faillite, entraînant un chômage massif. La restructuration drastique du secteur bancaire, sans doute nécessaire à terme, a eu le même effet. Les salaires nets, la première année de la crise, ont chuté de 40 à 60 % selon la Banque mondiale. Il est probable que la nouvelle lettre d'intention signée à la fin du mois de novembre pour un total de 360 millions de dollars ne change rien. De fait, la libéralisation trop hâtive des marchés financiers et de capitaux, sans élaboration préalable d'une infrastructure institutionnelle et juridique solide qui aurait nécessité la promotion de l'État honni par les institutions de Bretton-Woods, a entraîné une crise durable. C'est bien l'analyse que fait M. Joseph Stiglitz de la crise indonésienne, en posant la question suivante : « Pourquoi y eut-il des milliards de dollars disponibles pour renflouer les banques, alors quelques millions de dollars de subvention en nourriture et carburant ne pouvaient être dégagés pour les Indonésiens les plus démunis ? » (14). M. Jeffrey Sachs considère, quant à lui, que les marchés financiers internationaux font preuve d'un degré élevé d'instabilité intrinsèque, d'où on peut conclure qu'il n'est pas bon qu'un pays politiquement et socialement fragile entretienne, avec eux, une relation trop intime, sous peine d'y perdre son âme dès le premier avis de grand vent. Par ailleurs, en intervenant massivement, le FMI a introduit un aléa moral. En effet, il a laissé croire aux investisseurs et aux spéculateurs, tant indonésiens qu'étrangers, que leurs pertes seraient limitées. Encore une fois jouaient « la privatisation des profits et la socialisation des pertes ». De plus, les problèmes auxquels s'attaque traditionnellement le Fonds, à savoir les déficits budgétaires et commerciaux, étaient absents en Indonésie. L'exemple de la gestion de cette crise a montré que, lorsque le Fonds s'engage dans un accord financier avec un État, celui-ci doit se livrer à des ajustements économiques, mais aussi politiques, particulièrement importants, à tel point que les structures sociales mêmes du pays sont affectées. Ainsi, en Indonésie, des émeutes de la faim ont éclaté, la cohésion sociale s'est effritée et la perte de croissance, ainsi qu'a pu le montrer l'économiste M. Charles Wiplosz, a rendu encore plus délicate la résolution de la crise et des problèmes structurels. Selon M. Joseph Stiglitz, « non seulement le FMI n'a pas restauré la confiance économique mais il a contribué à miner le tissu social de la région. [...] les hauts taux d'intérêt dévastent les firmes endettées, provoquant des défauts de paiement et des faillites bancaires. La réduction des dépenses publiques affaiblit l'économie » (15). A contrario, que faut-il penser du fait que la Malaisie a réussi à sortir de la crise asiatique sans l'aide des institutions financières internationales ? La crise financière que traverse la Turquie représente un des autres défis majeurs auxquels doivent faire face la communauté et les institutions financières internationales. L'économie turque connaît sa plus grave récession depuis 1945. Deux crises financières l'ont frappée en moins d'un an. La fragilité macroéconomique a non seulement freiné l'intégration économique internationale du pays, mais a également conduit à un accroissement considérable des inégalités. D'emblée, votre Rapporteur souhaite faire observer que ce pays fait figure aujourd'hui de débiteur potentiel le plus important du Fonds monétaire international. La résolution de la crise qu'il subit apparaît donc comme un enjeu primordial pour cette institution et ses membres, et ce d'autant plus que la Turquie constitue un pays-clef de l'équilibre géopolitique du Moyen-Orient. Au début de l'année 2000, un premier plan de stabilisation économique était décidé avec le soutien du Fonds monétaire international, qui accorda un premier crédit de 3,9 milliards de dollars. Ce programme, d'un classicisme irréprochable, reposait sur des schémas usuels : politique budgétaire rigoureuse, politique monétaire restrictive fondée, en partie, sur les principes du currency board sur le modèle de ce qui avait été mis en place en Argentine au début des années 1990 - avec les résultats que l'on sait -, politique de change contraignante et réformes structurelles visant notamment à privatiser les secteurs de l'énergie et des télécommunications. Des réformes importantes ont, par ailleurs, été mises en _uvre dans le secteur bancaire. Ainsi, une nouvelle autorité de régulation du secteur, particulièrement touché par la crise, a été installée en novembre 2000. Depuis 1998, le nombre de banques privées a diminué de moitié. Dix-huit banques ont fait faillite. Le nombre de banques publiques a été réduit de quatre à trois. Elles devraient être, à plus ou moins longue échéance, privatisées. Les banques étrangères commencent à acquérir des actifs bancaires turcs et font pression pour une libéralisation plus rapide. La restructuration du secteur bancaire a coûté à l'État l'équivalent de 30 % du produit national brut afin de garantir les dépôts, ce qui a justifié une partie de 14,7 milliards de prêts déjà accordés en 2001 par le Fonds et la Banque mondiale, 500 millions de dollars étaient prêtés par cette dernière pour aider les plus défavorisés. Ces mesures n'ont pas empêché la Turquie de connaître une grave crise financière depuis la fin de 2000. De plus, les événements du 11 septembre ont touché fortement l'économie turque. La situation s'est aggravée. À la mi-novembre 2001, la Turquie dévoilait un nouveau plan de réductions budgétaires douloureuses et d'augmentation de la fiscalité dans le but d'obtenir un nouvel accord avec le Fonds monétaire. Ce sera le troisième plan de sauvetage de l'économie depuis deux ans. Les mesures sont concentrées sur la suppression massive de postes de fonctionnaires chargés des services ruraux, de l'administration des autoroutes et des ouvrages hydrauliques, sur la mise à la retraite de tous les fonctionnaires qui ont atteint l'âge de la retraite et qui travaillent encore dans les entreprises publiques, sur le ralentissement de la hausse des salaires dans la fonction publique, ainsi que sur la création d'une nouvelle taxe foncière et sur l'augmentation des taxes sur la consommation d'essence. Le Premier ministre turc, M. Bulent Ecevit, l'a souligné, « nous devrons serrer les dents pour quelques mois ». Votre Rapporteur se demande si certains ne vont pas être obligés de les perdre. Une fois encore, l'objectif exprimé est bien de satisfaire les marchés financiers « une fois pour toutes » selon les termes du ministre de l'économie turc, M. Kemal Dervis. Ce plan susceptible de s'appliquer dès 2002 répond à l'intention exprimée par le Fonds de négocier de nouveaux financements destinés à combler un déficit des paiements estimé à 10 milliards de dollars pour période allant de la fin de 2001 à la fin de l'année prochaine. Si cette somme est décaissée, la Turquie aura bénéficié de la part du FMI de quatre programmes de financement. Son directeur général, M. Horst Köhler, l'a encouragée à renforcer la politique fiscale et les réformes structurelles, mais aussi à rechercher le soutien du secteur privé. Les privatisations sont fortement encouragées. Ainsi, les entreprises les plus rentables, la compagnie aérienne nationale par exemple, seront certainement cédées au secteur privé. Certains voient dans le soutien renforcé du FMI à ce pays la traduction de la volonté de certains de ses membres de favoriser un pays devenu stratégique après le 11 septembre. D'autres s'interrogent sur l'ignorance par le FMI des facteurs politiques. Ainsi, M. Thierry Coville (16), économiste au Centre d'observation économique de la chambre de commerce et d'industrie de Paris, estime que la crise turque « révèle aussi sans doute les limites d'une approche étroitement " économiste ". Que ce soit le programme de stabilisation mis en place en 2000 ou le nouveau plan de stabilisation décidé en accord avec le FMI en mars 2001, ils ne touchent que la partie immergée des problèmes en insistant sur la nécessité de mettre en place des politiques budgétaire et monétaire restrictives, de poursuivre les privatisations et de restructurer le système bancaire. Ces mesures sont évidemment nécessaires. Toutefois, comment oublier que les déséquilibres interne et externe de l'économie turque s'expliquent en partie par le poids des dépenses militaires liées notamment à la guerre contre les groupes armés kurdes. Ne faudrait-il pas prendre les mesures adéquates pour réintégrer l'économie informelle (et notamment tout le commerce informel avec les pays de l'Est) dans le système officiel ? Comment réduire les déficits publics sans considérer les problèmes d'économie politique à l'origine de ces déséquilibres ? Ainsi, la nécessité de contrôler les salaires dans le secteur public doit être examinée à la lumière des importantes tensions sociales qui agitent actuellement le pays du fait notamment de très importantes inégalités en matière de répartition des revenus. (...)Il est assez ironique que le FMI continue à travers les recettes qu'il applique d'ignorer ces facteurs qui se situent en dehors des cadres d'analyse traditionnelle alors que son action, vis-à-vis de la Turquie est loin d'être basée sur des critères purement économiques. » Elle répond aux intérêts bien compris du principal actionnaire du Fonds. L'Indonésie, en son temps, n'avait pas eu cette chance. Les États-Unis n'avaient pas permis aux Japonais de venir au secours de ce pays. L'exemple turc montre assez l'importance d'assurer un lien étroit entre les activités du Fonds monétaire international et des pratiques démocratiques. C.- LE FMI ET LA BONNE GOUVERNANCE M. Joseph Stiglitz, dernier Prix Nobel d'économie, résume parfaitement le problème : « Le FMI, que cela lui plaise ou non, est une institution publique - malgré son discours d'entreprise. Dans le monde du FMI, les pays membres sont considérés comme des actionnaires. Mais les politiques du FMI affectent des vies et des économies de manière beaucoup plus profonde que n'importe quelle entreprise. En tant qu'institution publique, il devrait suivre des principes démocratiques. » (17) 1.- LA NÉCESSITÉ D'UN PILOTAGE POLITIQUE Les exemples précis analysés par votre Rapporteur montrent au moins un fait : les institutions financières internationales ne sauraient échapper à des considérations politiques. Relancer la politique de prêts au Pakistan ou injecter des montants colossaux de financements dans l'économie turque ne répondent, en aucune façon, à des buts purement économiques, et ce malgré toutes les protestations que le directeur général du Fonds, M. Horst Köhler, pourraient émettre. Découpler économie et politique correspond à une pure fiction, qui ne sert qu'à légitimer le pouvoir exercé par quelques centaines d'« experts » financiers internationaux. C'est pourquoi votre Rapporteur n'hésite pas à renouveler, cette année encore, ses remarques sur la nécessité d'assurer un pilotage politique de ces institutions. Le Gouvernement français, dans son rapport au Parlement, estime lui aussi que le processus budgétaire du FMI mériterait d'être plus transparent ; tout comme le Royaume-Uni, la France s'est opposée à l'augmentation de 5,1 % des rémunérations proposée par la direction du Fonds (l'augmentation a cependant été fixée in fine à 4,8 %). Par ailleurs, une série de réflexions est en cours : · révision des quotes-parts (rapport « Cooper ») : la France est favorable à la simplification et à une plus grande lisibilité de la formule des quotes-parts (PIB, degré de vulnérabilité extérieure), mais souhaite que les pays en développement ne soient pas lésés ; dans l'état actuel des débats, il convient de relever que le poids économique de chaque État membre ne doit pas constituer le critère unique de définition de la quote-part, sous peine de voir le poids des États-Unis s'accroître encore plus et celui des pays en développement baisser dans une mesure non conforme à l'impératif démocratique ; · amélioration du processus du directeur général du Fonds : la France est favorable à l'ajout en amont de la procédure politique actuelle d'un examen des candidatures par un groupe consultatif composé d'experts. Votre Rapporteur relève à ce sujet qu'il est important d'assurer une coordination étroite entre le groupe de travail mis en place au Fonds monétaire et celui mis en place à la Banque mondiale, afin de préserver un équilibre. C'est d'ailleurs la position exprimée par le Comité monétaire et financier international, en septembre 2000. En outre, il apparaît primordial que les États européens parviennent à défendre une position commune sur cette question ; · réforme de la conditionnalité : la France est favorable à la rationalisation et à la simplification de la conditionnalité, mais ne souhaite pas que l'ensemble de la responsabilité du suivi des réformes structurelles échappe au FMI au profit d'autres institutions (la conditionnalité structurelle importe souvent dans le règlement des difficultés budgétaires) ; · création d'une facilité spécifiquement commerciale sur l'initiative de la France, destinée à accompagner l'ouverture des économies en développement. La France a poursuivi ses efforts pour conforter le rôle politique du Comité monétaire et financier international, instance de pilotage politique de l'institution créée récemment. Les États de l'Union européenne tendent à coordonner de plus en plus leur position au sein du conseil d'administration du Fonds. Enfin, le Gouvernement relève que la position de liquidité du Fonds est bonne. Il a connu une légère remontée sur l'année fiscale 2001 avec un taux de 168,4 % au lieu de 153 % à la fin de l'année fiscale 2000. Les engagements totaux du Fonds ont atteint 14,5 milliards de DTS (20,69 milliards d'euros) en 2001 au lieu de 23,5 milliards de dollars (33,5 milliards d'euros) en 2000, la majeure partie des financements ayant été accordés à la Turquie et à l'Argentine. L'encours total des crédits du FMI s'est inscrit en recul de 50,3 milliards de DTS (71,77 milliards d'euros) à 48,6 milliards de DTS (69,34 milliards d'euros) en 2001. Le compte des opérations de la France avec le FMI s'est soldé par des tirages en euros pour un équivalent de 4,3 milliards de francs (Mexique, Jordanie, Indonésie, Argentine, Turquie) et par des remboursements équivalents à 8,8 milliards de francs (Russie, Brésil, Gabon, Kazakhstan, Slovaquie, Cameroun, Thaïlande).
2.- LA PROMOTION D'UNE ÉVALUATION INDÉPENDANTE Dans l'institution d'une bonne gouvernance du Fonds, l'évaluation de ses programmes constitue un enjeu essentiel. C'est pourquoi votre Rapporteur estime nécessaire de suivre avec attention les premiers pas du Bureau d'évaluation indépendant (BEI ou Independant Evaluation Office), dans ses travaux, mais aussi dans son mode de fonctionnement. Suite à une étude approfondie sur l'expérience antérieure de l'évaluation au FMI, le conseil d'administration a décidé de mettre en place un tel Bureau avec des statuts prévoyant qu'il sera « indépendant de la direction du Fonds et du personnel et travaillera à distance du conseil d'administration du Fonds » (18). Les statuts ont été avalisés par le Comité monétaire et financier international lors de ses réunions de septembre 2000. Le conseil d'administration a nommé M. Montek Singh Ahluwalia directeur du BEI, qui a pris ses fonctions à la mi-juillet 2001. M. David Goldsbrough, jusqu'à présent directeur délégué de la division Hémisphère Ouest du Fonds, a été nommé directeur délégué. Cinq autres personnes ont été recrutées. Elles sont entrées en fonction à la fin du mois d'octobre. Des entretiens de recrutement de candidats externes sont menées pour les quatre postes restants à pourvoir d'ici la fin de l'année. À ce stade, la majorité du personnel du BEI est externe au Fonds. Le déroulement du programme de travail est proposé suivant un plan en deux étapes, consistant tout d'abord à recenser un large éventail de sujets potentiels et à les ramener ensuite à un programme de travail concret. Le projet sera développé en définissant des études portant sur chacune des catégories principales des activités du Fonds : la surveillance ; les plans d'aide au Fonds et les thèmes afférents ; l'assistance technique et la formation ; les procédures internes au Fonds ; la recherche. Le programme de travail sera ensuite déterminé par le choix d'études individuelles issues du projet élargi, sur la base de critères précis. Le programme ainsi défini sera soumis au conseil d'administration pour examen. Comme le programme de travail du BEI doit répondre aux besoins identifiés des dépositaires tant internes qu'externes, une large consultation est nécessaire. Des discussions informelles se sont tenues et sont en cours entre les directions générales et le personnel des divisions fonctionnelles et de zones. Des réunions ont également eu lieu entre des groupes d'universitaires, des analystes politiques et des représentants des ONG, à Boston, Washington et Londres. Des consultations, sur un large panel de représentants de pays d'Afrique, ont été organisées mi-septembre à l'occasion de la conférence de Dakar sur les documents stratégiques de réduction de la pauvreté. La possibilité d'organiser des consultations similaires en Asie et en Amérique latine est actuellement envisagée. Des rencontres ont été organisées avec des représentants de gouvernements et des groupes d'ONG lors des conférences annuelles. La décision finale portant à la fois sur le statut des études individuelles et sur les rapports finaux relèvera du seul BEI. On estime à cinq, environ, le nombre de projets qui pourraient être entrepris chaque année, dès lors que tous les moyens seront réunis, en fonction des disponibilités budgétaires pour les consultations et autres supports. La première priorité sera de déterminer cinq projets sur lesquels des études pourront être menées lors des reliquats budgétaires des années 2002 et 2003. Un programme de travail à l'essai pour les années suivantes sera également établi, mais celui-ci sera nécessairement modifié ultérieurement. Le programme de travail consistera en un mélange d'évaluations de cas de pays spécifiques et d'évaluations de questions thématiques élargies au sein des pays. Si une activité entreprise par le Fonds s'inscrit dans une initiative multilatérale élargie, il peut être nécessaire que le BEI procède à des évaluations conjointes, c'est-à-dire avec le département d'évaluation des opérations (DEO) de la Banque mondiale. Des discussions préliminaires ont eu lieu avec le DEO et un accord de principe a été donné pour la mise en _uvre de ces évaluations. Les étapes de l'élaboration du programme de travail sont les suivantes : discussion informelle avec le groupe d'évaluation, discussion à laquelle tous les directeurs généraux intéressés ont été invités à participer, en septembre ; note de synthèse, incluant la liste des thèmes proposés, disponible sur le site Internet du BEI avec possibilité de commentaires ; estimation du programme de travail pour les trois prochaines années préparée début novembre et soumise à la direction pour avis ; programme de travail finalisé transmis au comité de direction pour examen début décembre, assorti de propositions pour le budget rectifié du BEI de l'année budgétaire 2002 et de projections sur les trois prochaines années. Le rapport accompagnant le programme de travail fixerait également le cadre d'action proposé pour entreprendre des réflexions avec le personnel, la direction et les observateurs extérieurs en tenant compte des projets de consultations individuelles. II.- LA FRANCE ET LE GROUPE DE LA BANQUE MONDIALE Le groupe de la Banque mondiale (BIRD, AID, AMGI, SFI) est le principal instrument multilatéral de financement des pays en développement. Les engagements de la BIRD et de l'AID sont passés de 28 milliards de dollars en 1998 (crise asiatique et brésilienne) à 15 milliards de dollars en 2000 et à 17 milliards de dollars probablement en 2001 (crises turque et argentine). Les programmes et les priorités des aides bilatérales sont souvent définis par rapport à ses orientations. La Banque joue un rôle fondamental dans la définition des politiques sectorielles et finance chaque année 40.000 contrats. Les critiques adressées à la Banque mondiale sont nombreuses. Son adhésion aux thèses de l'économie libérale serait trop grande. Ses programmes semblent connaître une moindre efficacité. A.- DU DÉVELOPPEMENT À L'AJUSTEMENT ET À LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ Au cours des années 1950 et 1960, la Banque mondiale a surtout financé des équipements, sur le fondement de la théorie des effets en cascade (trickle-down effect). Elle a connu sa plus forte expansion, entre 1968 et 1981, sous la présidence de M. McNamara, les engagements passant de 1 à 12 milliards de dollars par an. Les années 1980 furent marquées par la crise de la dette. Alors, le développement n'était pas seulement une affaire de projets, mais également de politiques économiques et sectorielles saines. Ce fut l'âge d'or des programmes d'ajustement structurel. Parallèlement, les discours ont évolué. L'accent était mis sur le capital humain dans les années 1950 et 1970. Il sera mis sur les politiques économiques dans les années 1980. Dans les années 1990, la lutte contre la pauvreté devint le thème central des discours. Dans son rapport sur le développement de 1997, la Banque mondiale adopte un nouveau discours. Elle reconnaît l'importance de l'État, confesse la trop grande simplicité de ses raisonnements sur le rôle de l'État et admet les limites de l'assistance technique. Elle reconnaît que l'intervention des bailleurs de fonds a pu contribuer à la dégradation de la situation institutionnelle des pays, notamment en aggravant la fragmentation institutionnelle. Enfin, elle mentionne la montée de la criminalité et la corruption, thèmes politiques par excellence. Tirant les conclusions de ce nouveau discours, elle a d'abord procédé à une analyse des multiples visages et conséquences de la pauvreté ; elle s'est mise à écouter la « voix des pauvres », selon l'expression favorite de son président, M. James Wolfensohn. Cette pauvreté se manifeste de différentes manières. 2,8 milliards d'êtres humains vivent avec moins de 2 dollars par jour, et 1,2 milliard ont moins d'un dollar. L'État, en règle générale, ne parvient pas à toucher les pauvres. La pauvreté disloque les ménages. Le tissu social, seule protection des pauvres, se désagrège parallèlement. Une croissance économique de qualité reste un préalable indispensable. La simple augmentation du produit intérieur brut ne suffit pas à garantir une amélioration durable des conditions de vie pour tous. L'accès à l'éducation, la protection de l'environnement, la lutte contre la corruption et le respect des libertés publiques s'avèrent indispensables. Trois grands axes prioritaires ont été dégagés : créer des opportunités économiques pour les pauvres, donner aux pauvres le pouvoir d'influencer les décisions, rendre les pauvres moins vulnérables. Quelques expériences intéressantes ont été menées, à l'exemple de la mise en place d'un dispositif de protection sociale en Corée, au Chili ou en Namibie... Face à ce constat, la Banque tente de mettre l'accent sur les aspects qualitatifs qui devaient accompagner la croissance et s'est dotée, parallèlement, de nouveaux instruments d'intervention, comme votre Rapporteur l'a largement montré l'an dernier. Ainsi, l'accent est mis sur les réformes structurelles et actions sociales, alors que, dans les années 1980, le financement des infrastructures et des secteurs productifs dominait. Aujourd'hui, il faut reconnaître que les secteurs sociaux et les réformes structurelles représentent la plus grande part des engagements de la Banque. Des cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté ont été créés. L'élaboration des cadres de développement intégré a concerné une douzaine de pays pilotes. Leur intérêt se trouve dans une démarche participative qui, au côté des dimensions macroéconomiques, réhabilite les aspects institutionnels, physiques et humains. Il faut pourtant constater la très grande difficulté qui résulte de la volonté d'institutionnaliser les mécanismes de consultation nationale. B.- UNE CRISE DE LÉGITIMITÉ ET D'EFFICACITÉ 1.- DES MONTANTS DE CRÉDITS CONSIDÉRABLES Les montants engagés par la Banque mondiale sont considérables. Les prêts à taux de marché délivrés par la Banque internationale pour la reconstruction pour le développement cumulés aux prêts à taux préférentiels de l'Association internationale de développement ont atteint 17,3 milliards de dollars (19,88 milliards d'euros) pendant l'exercice fiscal 2001, clos au 30 juin, ce qui représente une progression de 13 % par rapport à l'exercice fiscal précédent. Les prêts en direction de l'Afrique ont augmenté de 56 % atteignant 3,4 milliards de dollars. En Asie du Sud, ils se sont accrus de 54 % à 3,2 milliards de dollars, tandis que l'Amérique latine et les Caraïbes représentent toujours les prêts les plus élevés, avec 5,3 milliards de dollars, en progression de 29 % par rapport à l'exercice 2000. L'Europe et l'Asie centrale ont reçu 2,7 milliards de dollars, en baisse de 10 %, et l'Asie de l'Est et le Pacifique, 2 milliards, en recul de 30 %. Le montant des prêts destinés à l'Afrique du Nord et au Moyen-Orient ont baissé de 45 % à 500 millions de dollars. Les opérations de l'AID ont représenté 60 % du total des engagements avec 134 projets au lieu de 91 pour la BIRD. La moitié concerne l'Afrique subsaharienne. En chiffres, la BIRD reste à la première place, avec 10,5 milliards de dollars de prêts, au lieu de 6,8 milliards de dollars pour l'AID. Le quart des aides était destiné à des projets d'éducation, de santé d'alimentation et de population, pour 4,4 milliards de dollars. Le secteur des transports a représenté 17 % du total, suivi du secteur financier (13 %) et des services publics (12 %). Les projets pour l'agriculture et l'environnement ont représenté respectivement 8 et 5 % des prêts. Les débours ont atteint 17,2 milliards de dollars, en baisse de 7 %. L'importance des fonds engagés justifie pleinement que les questions de la légitimité et de l'efficacité de l'institution soient posées. Si les discours ont changé et si les instruments ont été modifiés à la marge et dans leur présentation, la philosophie qui sous-tend l'action de la Banque reste la même. Les notions de « renforcement des capacités » (capacity building), de « bonne gouvernance » (good governance), avaient déjà été utilisées pour l'Afrique dans la décennie précédente, mais sans réel changement d'esprit. Les principes qui ont structuré le discours dans les années 1980 demeurent : analyse déterministe et culturaliste des causes et conséquences de certains comportements (cf. rapport sur le développement 1997, page 30 ou page 162) ; la société civile reste considérée comme indépendante de l'État ; l'analyse de l'inefficacité de l'État comme cause de la crise est plutôt une description qu'une explication ; principe d'apolitisme. La philosophie des politiques préconisées s'avère également inchangée. Dominent toujours les préconisations de libéralisation et de privatisation. Demeure le traitement déterministe et technique du politique. Par exemple, une fois classé dans la catégorie des « États à faible capacité », la Banque sait ce que l'État de ce pays doit faire et ne pas faire, elle fixe ses priorités et détermine ses fonctions. Pour ces raisons, les critiques visant la Banque mondiale continuent de porter d'abord sur le « consensus de Washington ». De nombreux pays rechignent à mettre en _uvre les programmes d'« ajustement structurel » synonymes de rigueur et d'austérité budgétaire. Cette expression renvoie bien à un groupe précis d'options et de décisions dans l'ensemble des champs de la politique économique, qui associe actions de court terme pour comprimer la demande interne et actions de long terme sur l'offre et les paramètres institutionnels, domaine de prédilection de la Banque. De la même façon que votre Rapporteur s'interroge sur l'« apolitisme supposé » du Fonds monétaire, il se demande sur quels critères repose l'apolitisme proclamé de la Banque mondiale. En effet, personne ne conteste l'inspiration néoclassique des fondements théoriques de l'ajustement structurel. Comment ne pas reconnaître le caractère éminemment politique du soubassement libéral orthodoxe qui postule que la recherche du fonctionnement optimal du système productif impose toujours le respect de deux principes : d'une part, sur le plan microéconomique, l'individualisme utilitariste, en vertu duquel la maximisation des intérêts personnels serait le seul moteur permanent et universel capable de créer progrès et efficacité ; d'autre part, sur le plan macroéconomique, le libéralisme concurrentiel, sur le fondement duquel la confrontation entre l'offre et la demande détermine la nature des produits (travail y compris), leurs quantités et leurs prix. Sans forcer le trait et parler de « concurrence parfaite » et d'« allocation optimale des facteurs », il est aisé de reconnaître que la recherche de « pressions concurrentielles » et de « flexibilités » fait partie intégrante des programmes de la Banque. La référence constante au marché peut également être interprétée comme une antithèse : l'ajustement structurel, c'est l'échec de l'État. Les prescripteurs de potions amères le considèrent comme trop grand, trop coûteux, peu efficace ; les distorsions de prix et d'allocation des ressources que son action impliquerait protègeraient excessivement des secteurs qui ne le mériteraient pas. Par ailleurs, sans que cela ne soit explicite, bien que très présent dans les documents de la Banque mondiale, l'État est critiqué, en particulier en Afrique, parce qu'il est assimilé à des gouvernements parasitaires, dont l'obscurantisme bureaucratique, l'arbitraire, la recherche de rente et le manque de démocratie bloquent l'expression des énergies locales. Seul le recours au marché permettrait de remédier à de telles tares (19). Voilà un raisonnement qui ne serait se tenir hors de la sphère du politique ! La logique de l'ajustement structurel, dans son objectif de recherche des conditions d'une croissance durable pour les économies africaines, mise sur la concurrence et l'initiative privée. Le marché n'est pas une mécanique abstraite, indépendante des valeurs et des pratiques d'une société. Le projet ultime d'une politique économique ne devrait pas être la compétition, mais la croissance partagée qui assure l'emploi. Sont également critiqués la lenteur, la lourdeur et le manque de flexibilité de la Banque. Les résultats de la Banque sont de moins en moins probants. Dès 1992, un groupe de travail sur la gestion du portefeuille, présidé par M. Willi Wapenhans, constatait la dégradation de la qualité du portefeuille de prêts. Les engagements annuels ont baissé de moitié. Les cadres mêmes de la Banque connaissent une certaine démoralisation, comme l'a montré leur intervention en Turquie et en Argentine. Sur les dix dernières années, la Banque a accordé une dizaine de prêts conditionnels à trente-six pays pauvres. M. William Easterly, économiste de la Banque, le reconnaît : « Depuis vingt ans, le revenu par habitant des pays moyens de ce groupe a enregistré une croissance nulle ». Si l'on se cantonne aux pays de la zone franc, trois tendances apparaissent partagées par la plupart des observateurs après plusieurs années d'ajustement structurel : une diminution réelle des déficits budgétaires ; une amélioration des soldes courants, mais cette amélioration est parfois très conjoncturelle et provient souvent d'une baisse des importations plutôt que d'une relance des exportations ; un échec patent, sous forme de stagnation ou de recul, en termes de taux de croissance (20). La Banque doit faire face à trois interrogations majeures. La crise porte sur l'aide au développement en générale, sur la légitimité de l'institution et sur son efficacité. Le personnel de la Banque reconnaît, souvent à demi-mot, les échecs du marché et la prise en compte des dimensions politiques du développement pourraient marquer un réel changement dans la culture de la Banque, ainsi que l'a souligné, lors de son audition par votre Rapporteur, M. Gilles Hervio, chef de l'unité « Coopération économique et relations avec les institutions Bretton-Woods » de la direction générale du développement de la Commission européenne. En axant toute sa stratégie sur la lutte contre la pauvreté, la Banque redonne une certaine légitimité à son action, mais en l'absence de résultats tangibles, à brève échéance, c'est à une véritable crise de crédibilité qu'elle se trouverait confrontée. Les effets des politiques sont inextricablement liés aux conséquences de l'effondrement des systèmes bancaires et des finances publiques. Le retour de la croissance, lorsqu'il a eu lieu, n'a pas nécessairement entraîné une répartition plus équitable de la richesse. Certes, l'inflation a souvent été vaincue. En résumé, pour utiliser une métaphore : l'opération réussit, mais le malade en meurt. En outre, votre Rapporteur estime dangereux la tendance de la Banque mondiale à répondre aux modes. Ainsi, dans le contexte du cadre de développement intégré (CDI) lancé par M. Wolfensohn en janvier 1999, la Banque se fonde sur une « approche holistique à long terme qui privilégie le renforcement de la participation et des partenariats visant à réduire la pauvreté ». Cette démarche a conduit l'institution à ouvrir le dialogue avec les organisations non gouvernementales, ce qui est une bonne chose, mais souvent avec elles seules, ce qui peut conduire à des problèmes de représentativité. Quel rôle est accordé, dans ce contexte, aux parlements détenteurs de la souveraineté ? L'efficacité de la Banque pèche également du côté de son budget de fonctionnement. Selon M. Devesh Kapur, économiste à l'université de Harvard, la Banque mondiale dépense autant pour la communication que pour la recherche, soit 36 millions de dollars par an. Les frais de fonctionnement s'élèveraient à 7,3 millions de dollars pour chaque milliard de dollars d'encours de prêt, le coût par opération étant de 6,5 millions de dollars. À titre de comparaison, ces montants atteignent respectivement 970.000 dollars et 600.00 dollars pour la Banque européenne d'investissement. Le personnel même de la Banque est atteint par la crise que traverse aujourd'hui la Banque mondiale. Il suffit pour en témoigner de citer une note rédigée par le département chargé du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, pourtant réputé pour être l'un des moins mécontents, note qui relève qu'il y a « un cynisme profond et grandissant et, dans une certaine mesure, un sentiment d'abandon parmi le personnel. Nous sommes de plus en plus accablés par des ordres qui manquent de cohérence, qui ne sont pas ou peu justifiés, et qui tombent en permanence. Nous sommes inquiets de la rhétorique que développe l'équipe dirigeante, pour laquelle les termes de travail d'équipe, de culture, d'éthique et de responsabilité démocratique sonnent comme des mantras, mais que nous sommes peu amenés, dans les faits, à pratiquer » (21). C.- LE SOUTIEN NUANCÉ DE LA FRANCE, AU RISQUE DE LA DISPERSION DES RESSOURCES Comme le Gouvernement le souligne dans son troisième rapport au Parlement sur le FMI et la Banque mondiale, la France a soutenu la recommandation faite par la Banque d'accroître l'ouverture des marchés des nations riches aux produits exportés par les pays en développement, dans la droite ligne de l'initiative européenne « Tout sauf les armes ». Elle a également favorisé l'implication de la Banque dans la lutte contre le sida (programme de 700 millions de dollars) et la création d'un Fonds mondial pour la santé (Abuja, avril 2001) qui sera financé à hauteur de 150 millions d'euros sur trois ans par la France. À ce propos, votre Rapporteur s'interroge sur la prééminence prise par le ministère de l'économie et des finances dans un dossier qui relève traditionnellement du ministre chargé de la coopération, cette prééminence ne s'expliquant que par l'implication des institutions financières internationales dans un tel programme. La France s'est déclarée favorable à l'accroissement de l'intervention de la Banque mondiale dans le domaine de l'environnement : développement d'un portefeuille d'activités orientées spécifiquement vers la protection de l'environnement, évaluation de l'impact environnemental de chaque projet. Elle s'est aussi montrée favorable à la mise en _uvre d'une politique en faveur des nouvelles technologies de l'information et de la communication dans les pays en développement, ainsi qu'à la mise en place d'un nouvel instrument, les « prêts programmatiques », qui permettent un abondement du budget des États pour une série de projets, en vertu du principe selon lequel « il vaut mieux réformer le secteur de l'éducation que construire une école ». Ces prêts sont destinés à mieux prendre en compte la diversité des pays à revenu intermédiaire. Votre Rapporteur s'interroge sur le soutien apporté à l'aide offerte par la Banque aux investisseurs privés (amélioration de l'environnement réglementaire, accompagnement de la création d'entreprises, renforcement des intermédiaires financiers locaux...). Si le principe n'apparaît pas devoir être contesté, votre Rapporteur se demande si ce type de soutien ne devrait pas transiter par l'État et, si avant d'aider le secteur privé, il ne conviendrait pas d'aider les pays à construire un appareil étatique structuré et efficace. Est-il raisonnable que la Banque mondiale puisse venir soutenir des projets d'initiative privée d'accès à l'eau et à l'électricité sur de petites échelles au lieu d'aider la construction de réseaux publics ? La Banque mondiale doit-elle financer les systèmes privés de santé et d'éducation ? En revanche, votre Rapporteur se félicite du rôle joué par la France dans la douzième reconstitution des ressources de l'Association internationale de développement (AID), à hauteur de 20 milliards de dollars, et l'ouverture, à cette occasion, d'une fenêtre de dons au profit des pays bénéficiant de l'initiative en faveur pays pauvres très endettés (IPPTE), qui permet un recyclage des annulations de dette en programmes de réduction de la pauvreté. On rappellera, à ce propos, que la France est actionnaire à 7,3 % de l'AID, avec 5 milliards de francs sur la période 2000-2002, et à 4,32 % de la BIRD. Votre Rapporteur ne peut que soutenir le souhait exprimé par la France de voir la priorité accordée aux secteurs sociaux encore renforcée et l'aide concentrée sur les pays les plus pauvres, notamment en Afrique. Il apparaît également nécessaire que la Banque intègre pleinement l'approche régulatrice du développement et notamment la lutte contre le blanchiment d'argent (travaux du GAFI). La part que l'Union européenne apporte dans le financement du développement doit être présentée à son juste niveau (43,4 % de l'aide publique au développement mondiale en 1999), en vue notamment de la prochaine grande réunion internationale sur le « financement du développement » (Monterey, 18-22 mars 2002). La France souhaite que le tarif des interventions de la Banque dans les pays à revenu intermédiaire soit modulé en fonction de la nature du projet. Les relations entre la Banque et les banques régionales doivent être approfondies, celles entretenues avec les Nations Unies doivent être renforcées et tout « phagocytage » des secondes par la première doit être évité. En outre, la France a estimé que l'intervention du Fonds pour l'environnement mondial (2,75 milliards de dollars sur 1999-2002) doit être accrue dans les pays les moins avancés. La Banque doit réaliser des efforts de traduction des documents dans d'autres langues que l'anglais. De plus, dans son troisième rapport au Parlement, le Gouvernement a fait un point de synthèse sur plusieurs séries de dossiers, tels que les travaux de la Commission mondiale sur les barrages, l'intervention des institutions de Bretton-Woods dans les Balkans, la filière cotonnière en Afrique francophone occidentale et centrale, le cacao en Côte-d'Ivoire, les transports aériens en Afrique ou encore le Fonds français pour l'environnement mondial.
Votre Rapporteur souligne que les efforts de la France doivent se porter sur une concentration plus forte des interventions de la Banque qui a eu tendance, ces dernières années, à rechercher une certaine hégémonie. En octobre 2000, le directeur pour l'Argentine, M. Valeriano Garcia, devant le conseil d'administration de la Banque, l'a parfaitement exprimé : « La pensée stratégique de la Banque a été obscurcie par la multiplication des initiatives prises au coup par coup... Il nous faut vraiment nous disperser un peu moins. » D'autres imputent la dispersion de la Banque à la volonté de son principal actionnaire qui, compte tenu de la réduction de son programme d'aide bilatérale, considère l'institution comme un instrument particulièrement utile pour exercer son influence dans les pays en développement. Elle constitue alors une source de financement qui doit être offerte à ses amis et refusée à ses ennemis. III.- LES POLITIQUES COMMUNES DE STABILISATION DU SYSTÈME FINANCIER INTERNATIONAL ET EN FAVEUR DU DÉVELOPPEMENT Entre la myopie des marchés mondiaux et le mythe d'un gouvernement mondial, les règles et les institutions multilatérales peuvent contribuer à réduire l'instabilité des marchés et à empêcher l'adoption de mesures incompatibles entre elles face à des chocs économiques. Diverses initiatives ont été engagées dans différentes instances dans l'espoir de trouver un système de gouvernance compatible avec des taux de change flexibles et des flux de capitaux privés de grande ampleur. Mais quelques rares succès ne peuvent occulter un bilan globalement décevant, tenant en partie au fait d'avoir toujours voulu traiter séparément les problèmes des pays développés et ceux des pays en développement dans le cadre des arrangements financiers multilatéraux. C'est pourquoi la politique de stabilisation du système financier international et la politique en faveur du développement - dont l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés constitue un élément non négligeable - doivent être menées en regard l'une de l'autre. A.- LA POLITIQUE DE STABILISATION DU SYSTÈME FINANCIER INTERNATIONAL Avec la crise financière asiatique, on a pu croire que les initiatives en faveur de la stabilité financière internationale porteraient rapidement leurs fruits. La virulence des forces économiques qui se sont déchaînées après l'effondrement du baht thaïlandais en juillet 1997 dans des pays affichant des antécédents avérés de bonne gouvernance et de discipline macroéconomique a semblé confirmer le caractère systémique et l'ampleur mondiale des crises monétaires et financières. En dépit des appels lancés à ce moment-là par certains responsables politiques dans les grands pays industrialisés quant à la nécessité de réformer le système, les initiatives se sont enlisées. Les attentats du 11 septembre constitueront peut-être dans ce domaine un nouveau signal. Le Gouvernement, dans son dernier rapport remis au Parlement, fait un bilan de la promotion de la bonne gouvernance et de l'intégrité du système monétaire et financier international. Il souligne ainsi les progrès réalisés par le Forum de stabilité financière sur la définition de normes prudentielles et ceux du Groupe d'action financière internationale (GAFI) dans la lutte contre le blanchiment et la dénonciation des territoires non coopératifs, ainsi que la nécessité, pour le FMI et la Banque mondiale, de mieux prendre en considération ces progrès. Il met en avant le développement du thème de la lutte contre la corruption dans les programmes multilatéraux, ainsi que le renforcement du contrôle de l'utilisation des ressources (cf. cas de l'Ouganda, aidé massivement par la Banque mondiale et le FMI, mais brocardé par les Nations Unies pour le pillage des ressources de la République démocratique du Congo). Par ailleurs, les équipes du Fonds ont été longtemps réticentes à s'attaquer aux problèmes de corruption et de blanchiment d'argent d'origine criminelle. Certes, le conseil d'administration avait décidé en avril 2001 de contrôler le caractère effectif des contrôles mis en place dans les pays membres pour détecter le blanchiment, mais à une condition : le blanchiment devait avoir des conséquences macroéconomiques manifestes. Le directeur du bureau européen du Fonds, M. Flemming Larsen, a pourtant admis récemment, dans un plaidoyer pro domo, qu'il « risque de devenir plus facile, avec des marchés financiers mondialisés, de blanchir des capitaux mal acquis et d'échapper à l'impôt en investissant dans un paradis fiscal. Il est aussi à craindre que la réglementation financière et les mécanismes de surveillance des places financières extraterritoriales soient insuffisants, ce qui peut menacer la stabilité du système. » (22) Le Comité du développement, commun à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international, avait déjà relevé, à l'occasion des réunions de Washington d'avril 2001, que « les ministres conviennent que le blanchiment d'argent est un problème mondial. Le Comité s'accorde généralement à voir dans les 40 recommandations du Groupe d'action financière internationale la norme de référence pour lutter contre le blanchiment, et à juger qu'il faut étudier ces recommandations qui peuvent être adaptées et prises en compte dans le cadre de l'action du FMI et de la Banque mondiale. » Mais des ministres aux équipes des institutions de Bretton-Woods, il y a un pas. Les attentats du 11 septembre ont conduit la communauté internationale à s'interroger sur l'importance de la problématique du financement du terrorisme dans le fonctionnement des marchés financiers et le contrôle des flux de capitaux. Les réunions d'Ottawa, qui se sont tenues du 16 au 18 novembre derniers, ont placé cette question dans les premiers points de leur ordre du jour. Déjà, les pressions américaines avaient incité le FMI à prendre en compte ces questions. Les suites du 11 septembre ont montré les lacunes de l'action des institutions de Bretton-Woods dans ce secteur et mis en lumière les risques de chevauchement de compétence entre les différents organismes existants. De fait, trois organismes sont susceptibles d'intervenir sur ce problème : les Nations Unies en vertu de la résolution 1373 relative à la lutte contre le terrorisme, le GAFI sur le fondement de ses statuts, et le FMI. Seul ce dernier dispose d'une véritable capacité d'action en la matière, en intégrant, par exemple, dans ses conditionnalités l'absence de financement du terrorisme. D'importantes résistances s'élèvent au sein du Fonds pour s'engager dans cette voie, considérée comme située hors de l'expertise « purement économique » de l'institution. Là encore, l'angélisme frise le cynisme. Lors des réunions d'Ottawa, les pays membres du G 20 (voir encadré ci-après) se sont engagés à collaborer avec le FMI, la Banque mondiale et le GAFI. Le Comité monétaire et financier international a décidé d'accroître la pression en demandant à ses membres de montrer des résultats concrets dans la lutte contre les réseaux de financement des terroristes, « de préférence avant le 1er février 2002 ». Chaque État devra « geler, au sein de sa juridiction, les avoirs des terroristes et de leurs complices ». Il devra publier un rapport mensuel et public sur les avoirs gelés avec les noms des terroristes. Dans cette tâche, il est demandé au FMI et à la Banque mondiale d'apporter « une aide technique ».
B. LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ ET LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT Le sommet de Gênes du groupe des huit pays les plus industrialisés de la planète a certes marqué les esprits par les événements qui ont eu lieu dans la rue. Il convient pourtant de rappeler que, pour la première fois dans une telle occasion, une délégation de chefs d'États africains a pu rencontrer les dirigeants des pays les plus industrialisés, ainsi qu'a pu le rappeler récemment M. Abdoulaye Wade, président de la République du Sénégal (23). Cette évolution marque un véritable tournant dans la politique menée par les institutions financières internationales. Pour autant, les modes d'intervention choisis sont-ils adaptés à la nécessité d'assurer un véritable développement des pays les plus pauvres ? 1.- L'ÉTAT D'AVANCEMENT DE L'INITIATIVE EN FAVEUR DES PAYS PAUVRES TRÈS ENDETTÉS a) Les objectifs de l'initiative Dans un second temps, dans son rapport de 2001 au Parlement, le Gouvernement passe en revue l'aide aux pays les plus pauvres et l'initiative sur la dette, intitulée « initiative en faveur des pays pauvres très endettés » (IPPTE). Ce plan constitue sans doute le premier effort de grande envergure lancé par la communauté internationale, en 1996, pour réduire la dette extérieure des pays les plus pauvres du monde. Il est allé au-delà des initiatives antérieures de réduction de la dette, puisqu'il inclut les dettes envers les créanciers multilatéraux comme le FMI et la Banque mondiale et inscrit l'allégement de la dette dans un cadre global de lutte contre la pauvreté. Les modifications apportées à cette initiative en 1999 ont permis de resserrer les liens entre allégement de la dette, réduction de la pauvreté et politiques sociales. L'objectif fondamental de l'initiative renforcée est de canaliser les ressources publiques libérées par l'allégement de la dette dans des programmes de réduction de la pauvreté.
Dans les programmes actuellement négociés par le FMI et la Banque mondiale avec les pays pouvant être admis à obtenir un allégement de leur dette, les dépenses de l'État au titre de services publics qui touchent directement les pauvres, tels que la prévention sanitaire et l'enseignement élémentaire, augmenteront. Fin mai 2001, des allégements de dette avaient été engagés pour 23 des 41 pays recevables. Il s'agit du Bénin, de la Bolivie, du Burkina-Faso, du Cameroun, de la Gambie, de la Guinée, de la Guinée-Bissau, du Guyana, du Honduras, de Madagascar, du Malawi, du Mali, de la Mauritanie, du Mozambique, du Nicaragua, du Niger, de l'Ouganda, du Rwanda, de Sao Tomé-et-Principe, du Sénégal, de la Tanzanie, du Tchad et de la Zambie. En novembre 2001, s'ajoutait à la liste l'Éthiopie. À ce stade, dit « point de décision », un allégement intérimaire de la dette est mis à la disposition de ces 24 pays, sous réserve qu'ils remplissent certaines conditions. Cet allégement intérimaire est fourni par le FMI et la Banque, et par d'autres créanciers à leur discrétion. Au point d'achèvement, où les pays ont pu faire état de l'application de politiques conformes à ce qui a été déterminé au point de décision, tous les créanciers fournissent le reste de l'allégement de dette convenu.
Le coût global de l'IPPTE a été évalué à 36 milliards de dollars, dont 20 milliards ont été engagés sur les 24 pays qui ont franchi le « point de décision » (sur 41 pays éligibles) (24). L'ensemble des allégements doit servir à financer des programmes de réduction de la pauvreté, dans le cadre de « documents stratégiques de réduction de la pauvreté » élaborés par les pays demandeurs et approuvés par les conseils d'administration du Fonds monétaire et de la Banque mondiale. Mais un rapport récent d'évaluation montre que sur les 25 pays pauvres très endettés étudiés, seuls 2 pays peuvent disposer d'un système de suivi et de contrôle des fonds versés satisfaisant dans un délai inférieur à un an.
La France participe à cet effort multilatéral (5,5 milliards d'euros) et a avancé sur la mise en _uvre des allégements bilatéraux de dette (4,7 milliards d'euros : annulations de créances d'aide publique au développement et annulations des créances commerciales « Club de Paris »). Elle va élaborer, pour ce faire, des « contrats de désendettement développement », qui serviront au cofinancement d'opérations mises en _uvre par d'autres bailleurs de fonds lorsque le pays concerné a une dette inférieure à 50 millions d'euros et qui seront directement mis en _uvre par l'Agence française de développement dans les autres pays. À terme, la France souhaite promouvoir le recours par la Banque mondiale à des dons, afin de maintenir la « soutenabilité » de la dette des pays qui auront été aidés dans le cadre de l'IPPTE. Le Gouvernement souligne enfin que cette politique de réduction de la pauvreté doit être l'occasion d'organiser une meilleure division du travail entre le FMI et la Banque mondiale : au premier, l'ajustement budgétaire et de la balance extérieure, les réformes structurelles dans le domaine financier, de la transparence budgétaire et de l'administration de l'impôt ; à la seconde, toutes les autres mesures de politique structurelle et sociale. L'emploi des fonds économisés à la suite de l'allégement doit être guidé par la stratégie de réduction de la pauvreté, laquelle est définie dans un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP). Le DSRP détermine les conditions de l'accès aux prêts concessionnels du FMI et de la Banque mondiale. Les pays élaborent leur stratégie en collaboration avec ces deux institutions, ainsi qu'avec la société civile et les partenaires du développement. À ce jour, cinq PPTE ont établi des DSRP définitifs. Les autres ont articulé leur stratégie dans des DSRP intérimaires. Les DSRP des 24 pays qui sont arrivés au point de décision comprennent tous des mesures destinées à développer l'accès des pauvres aux soins de santé primaires et préventifs et à l'enseignement élémentaire. Certains DSRP prévoient aussi une augmentation des dépenses affectées à l'eau et à l'assainissement (9 pays), aux routes et à leur entretien (7 pays) et au développement rural (8 pays), et certains comprennent des programmes de logement pour les défavorisés et des mesures de renforcement des filets de protection sociale. Les pays qui obtiennent un allégement de leur dette dans le cadre de l'initiative renforcée devraient voir leurs paiements de service baisser en moyenne de 1,9 point de pourcentage du PIB entre 2001 et 2003 par rapport à ce qu'ils ont payé en 1998-1999. Sur la base d'une moyenne pondérée par le PIB de chaque pays, les paiements de service diminueront de 1,6 point. Des nuances doivent être apportées. En effet, le groupe de pays ayant atteint le point de décision ne constitue en aucun cas un ensemble homogène. Ainsi, certains pays ont eu l'impression que l'initiative leur a été imposée de l'extérieur et que les choix principaux se sont faits sans discussion approfondie au sein de la société, notamment en raison de la rapidité de la mise en _uvre des DRSP. Cette situation résulte, en partie, de l'exigence exprimée par les institutions financières internationales de construire des DRSP intérimaires dans des délais relativement courts. Elle découle, pour une part, de l'impréparation de certaines sociétés face à l'organisation de discussions participatives, faute de tradition de consultation ou de structures susceptibles de donner un avis représentatif de la volonté des populations. Les pays qui avaient mis en place, depuis plusieurs années, des mécanismes de consultation des populations et qui étaient déjà entrés dans un mécanisme de définition précis des besoins en matière de réduction de la pauvreté, ont pu très logiquement participer à l'élaboration de DRSP plus satisfaisants et plus efficaces. C'est le cas de l'Ouganda, qui, de ce point de vue - et peut-être de ce seul point de vue - constitue un modèle. La question même de la participation pose problème. Certains groupes ou secteurs sociaux pourraient être sous-représentés ou pas représentés du tout. Plusieurs interrogations peuvent être soulevées à cet égard (25) : qui va garantir que les groupes opposés au gouvernement vont pouvoir exprimer leur point de vue ? Comment s'assurer que ce ne sont pas les associations ou les groupes les plus puissants économiquement qui vont se faire le mieux entendre ? Qui va recevoir des fonds pour avoir les moyens de participer ? De nombreux observateurs constatent que la participation est limitée aux élites urbaines, qui ne forment pas nécessairement le c_ur des populations les plus défavorisées. Dans ces conditions, le v_u d'être à l'écoute de la « voix des pauvres » risque de rester au stade de la pure piété. Plus difficile à accepter le fait que, dans certains pays, comme le Nicaragua ou la Tanzanie, les institutions financières ne cachaient pas leur engagement direct dans le processus d'élaboration des documents. Par cette implication directe, les pays se trouvent dépossédés de leur marge d'appréciation. Pour rependre le cas précis de la Tanzanie, ni la société civile, ni le Parlement n'ont de rôle dans l'élaboration du document stratégique, qui est le fruit des seules réflexions d'un comité composé de douze ministres et de l'administrateur de la Banque mondiale pour la Tanzanie. Des rencontres, auxquelles assistait une mission conjointe du Fonds et de la Banque, ont été organisées avec les représentants des bailleurs. Rares, en définitive, sont les États qui, comme le Vietnam, imposent leurs choix. Plus largement, comme le souligne le Haut Conseil de la coopération dans sa dernière contribution aux travaux de votre commission des Finances sur le rapport du Gouvernement au Parlement sur les activités du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, « le FMI et la Banque mondiale ont à l'égard des pays en développement, surtout les plus pauvres et les moins bien dotés en capacités institutionnelles et en expertise en général, un comportement de nature à fragiliser les tissus politiques et les processus démocratiques, ne laissant pas le temps aux consensus de se former et aux concertations de s'opérer. De plus, comme les questions sociales ne font pas partie, en principe, de leur mandat, celles-ci sont souvent maltraitées quand ce n'est pas ignorées. C'est ainsi que les politiques d'ajustement structurel, qui n'ont pas vraiment consolidé la croissance dans la plupart des pays, particulièrement les plus pauvres, ont eu des conséquences sévères pour les groupes vulnérables de la population. » Votre Rapporteur souhaite, par ailleurs, souligner les problèmes de visibilité et de lisibilité des allégements qui peuvent se poser. En effet, il se peut qu'une partie de l'allégement de la dette n'apparaisse pas immédiatement dans les budgets des pays bénéficiaires. Ainsi, un allégement de la dette envers le FMI peut ne pas apparaître initialement dans les comptes budgétaires du pays s'il échoit à la banque centrale plutôt qu'au budget. En conséquence, les pays pourraient devoir créer des comptes spéciaux à la banque centrale pour identifier l'épargne liée à l'initiative afin qu'elle puisse être transférée au budget à titre de don. De même, certaines entreprises publiques pourraient bénéficier de l'allégement de la dette sous forme d'un amortissement de leur dette garantie par l'État, mais cet amortissement n'apparaîtra pas dans le budget de l'État à moins que le montant ainsi économisé y soit transféré. Par ailleurs, il serait tentant de faire valoir que la totalité de l'aide aux PPTE devrait être concentrée sur un secteur bien défini, celui de la santé par exemple. Certains - dont M. Jeffrey Sachs, économiste et ancien directeur de l'Institut pour le développement international de l'université de Harvard et Mme Ann Pettifor, fondatrice de l'association Jubilée 2000 - recommandent à cette fin la mise sous séquestre dans un fonds spécial du service de la dette actuellement acquitté par les PPTE. Cependant, même si des améliorations des indicateurs de la santé sont l'objectif le plus important de la politique publique, il pourrait ne pas être souhaitable d'affecter à la santé la totalité des fonds libérés par l'initiative. Votre Rapporteur s'interroge, par ailleurs, sur la prédominance prise par le ministère de l'économie dans le discours français sur cette question de la santé dans les pays en développement, la direction du Trésor ne recelant sans doute pas les meilleurs spécialistes de la question. En tout état de cause, il doit être clairement établi que l'amélioration de la situation sanitaire des populations des pays en développement repose sur un nombre important de facteurs, tels que l'éducation ou l'existence d'infrastructures de transport, et non pas seulement sur la santé. Se pose également la question de la répartition des rôles entre les institutions financières internationales. Le FMI peut avoir un rôle à jouer dans les pays les plus pauvres pour promouvoir des politiques économiques accélérant la croissance. Mais l'apport d'un soutien financier à ces pays relève du mandat de la Banque mondiale et non de celui du FMI, d'où la recommandation par certains d'un transfert des compétences actuelles du FMI (facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance et implication dans l'initiative PPTE) à la Banque. D'un autre côté, la remise en cause de l'universalité du FMI, telle qu'elle a été prônée par le rapport « Meltzer » reviendrait à nier l'importance de la qualité des politiques économiques dans le processus de développement et sous-estimerait les bénéfices d'une approche coordonnée et concertée entre les deux institutions de Bretton-Woods par rapport à la concentration des interventions dans une seule institution. Il faut rappeler que la conclusion d'un programme avec le FMI est souvent une condition préalable d'intervention d'autres institutions. Si la Banque mondiale est l'institution leader sur ces questions, un dialogue étroit est nécessaire avec le FMI. Enfin, votre Rapporteur s'interroge sur la suite de l'initiative et, notamment, sur le sort qui sera réservé aux pays qui n'ont pas encore atteint le point de décision. Il s'agit évidemment des pays les plus en difficulté et leur situation s'est, de manière générale, aggravée après le 11 septembre. Cet état de fait exigera peut-être d'instiller dans le processus de l'initiative plus de flexibilité. Parmi les pays restants, deux ne souhaitent pas de remise de dette, le Ghana et le Laos ; neuf sont en état de guerre. Quant à la Côte-d'Ivoire et au Togo, les situations sont incertaines. L'initiative est rentrée, pour l'ensemble de ces raisons, dans une phase critique. Que faire, notamment, en faveur des pays très pauvres qui, à l'image du Bengladesh, n'ont pas accepté l'initiative en raison de ses critères trop rigides ? Faut-il aller au-delà de ce que prévoit l'initiative, c'est-à-dire au-delà de la remise de la moitié de la dette et aller jusqu'à 100 % comme le demande la campagne « Drop the Debt » (Laissez tomber la dette), qui a pris la succession de la campagne « Jubilée 2000 » ? Comment traiter les dettes à venir ? Sur toutes ces questions, votre Rapport est en accord avec le Haut Conseil de la coopération internationale (26) qui « estime que les modalités d'annulation de la dette des pays pauvres doivent faire l'objet d'une révision substantielle, dans le sens d'une annulation réelle de la dette qui préserve leur accès aux marchés financiers. Un tel effort incombe aux bailleurs de fonds bilatéraux, auxquels il appartient de préserver l'intégrité financière des institutions multilatérales. Il convient aussi qu'à l'avenir, les pratiques d'aide ne conduisent pas, à nouveau, à un endettement excessif, et donc que les instruments soient adaptés en conséquence : le financement des dépenses dites à caractère social, incluant non seulement la santé et l'éducation, mais aussi l'assainissement et l'adduction d'eau, doit désormais se faire par don. Il doit en aller de même pour le financement de la lutte contre le SIDA. Dans ce domaine, la France devrait faire jouer les synergies avec la Banque mondiale en l'incitant à rendre accessibles les prix des médicaments dans les pays en développement et en promouvant l'usage des médicaments génériques. Enfin, l'évaluation en continu de la mise en _uvre de l'initiative d'annulation de la dette doit s'accompagner d'un suivi non seulement de l'affectation des ressources budgétaires dégagées sur le service de la dette, mais aussi de l'évolution des indicateurs sociaux, à un niveau suffisamment fin pour permettre que cela s'effectue dans des conditions équitables sur les plans géographique et humain. Il demeure que cette initiative ne peut être considérée comme un substitut à l'aide au développement, qui nécessite d'être revalorisée. » Enfin, comme le Haut Conseil, votre Rapporteur « préconise l'établissement d'une procédure d'arbitrage en matière de traitement de la dette à l'échelle internationale pour statuer sur les réclamations relatives à des fonds n'ayant pas servi au développement ou ayant contribué à soutenir des régimes anti-démocratiques ou corrompus. Il considère que le caractère insupportable de la dette relève de la responsabilité autant des débiteurs que des créanciers. » 2.- LA FAUSSE SOLUTION DE LA LIBÉRALISATION COMMERCIALE Selon la Banque mondiale, dans son dernier rapport sur les perspectives économiques mondiales (27), l'abolition de l'ensemble des barrières commerciales, telle que prévue par le cycle qui s'est ouvert à Doha et que la Banque voudrait baptiser « cycle du développement », permettra d'accroître le revenu mondial de 2.800 milliards de dollars, dont 1.500 milliards au profit des pays en développement, et de sortir de la pauvreté 300 millions de personnes d'ici 2015. Elle ajoute que « la libéralisation doit s'accompagner (...) d'un processus de privatisation de nature à générer la concurrence, si l'on veut que les pays tirent parti de la mondialisation au lieu d'être submergés par elle ». L'exemple de la Côte-d'Ivoire, développé par le Gouvernement dans son dernier rapport au Parlement sur les institutions de Bretton-Woods, montre parfaitement quelles limites ce type de raisonnement peut avoir. M. Joseph E. Stiglitz, Prix Nobel d'économie et ancien économiste en chef de la Banque mondiale, l'a souligné récemment : « La libéralisation commerciale a contribué à une dégradation des économies de beaucoup de pays en développement car elle les a exposées à l'incertitude des marchés internationaux. Il est donc faux de dire que les PED profitent de l'intégration économique » (28). Il ajoutait : « Avant de lancer un nouveau round, il y a un besoin urgent de corriger les inégalités créées par les cycles de négociations précédents. La libéralisation commerciale, principalement le cycle de l'Uruguay, a été programmée par les pays occidentaux pour les pays occidentaux en ne tenant que très peu compte de ses effets sur les autres pays. (...) Et les régions les plus pauvres, comme l'Afrique, vont aujourd'hui plus mal à cause des effets du commerce. » De manière plus définitive, il estimait que « la façon dont (le FMI et l'OMC) cherchent à remplir leurs mandats a probablement contribué à accroître la pauvreté. Le FMI, par exemple, a poussé à la libéralisation des mouvements de capitaux en dépit du fait qu'il y a très peu de preuve que la libéralisation financière favorise la croissance économique. À l'inverse, il y a beaucoup d'exemples qui montrent que cela génère de l'instabilité économique. » « Le mélange des politiques de libéralisation et des politiques économiques restrictives imposées par ailleurs par le FMI a créé un cocktail aux effets dramatiques pour les PED. La théorie du commerce international montre que tant que les salariés les moins productifs peuvent évoluer vers des emplois plus productifs, la libéralisation crée de la richesse. Mais, dans des contextes de politiques monétaires restrictives - c'est-à-dire avec des taux d'intérêt très élevés -, il est tout simplement impossible de créer des emplois. Si bien que la plupart des PED qui vivaient dans un régime à faible productivité ont basculé dans une situation de chômage massif. Ce qui ne favorise évidemment ni la croissance ni la réduction de la pauvreté. » Une autre contradiction entre les politiques menées par les institutions financières et économiques internationales pourrait être relevée dans le domaine de la santé. D'un côté, elles s'engagent, notamment la Banque mondiale, à améliorer la santé des plus pauvres (29). De l'autre, elles ont soutenu le processus de libéralisation commerciale et le régime de propriété intellectuelle établi sous l'Uruguay Round qui ont conduit à empêcher l'accès aux médicaments dans les pays en développement. Il suffit pour s'en convaincre de rappeler la lutte de l'Afrique de Sud contre des laboratoires pharmaceutiques pour défendre le droit à la santé de sa population. De fait, la Banque mondiale a été amenée à renier ses positions au point de recommander dans son dernier rapport sur les perspectives économiques mondiales (30) de recommander un « rééquilibrage » de l'Accord sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce, pour permettre aux pays en développement, à commencer par ceux à faible revenu, d'avoir accès aux médicaments et aux produits essentiels à leur développement à des prix compétitifs. Elle précise, à ce propos, qu'en l'état actuel des choses, si les pays en développement devaient appliquer intégralement cet accord, ils devraient acquitter quelque 20 milliards de dollars de plus sous forme de paiements extérieurs liés aux technologies et supporter, en outre, la facture administrative afférente aux mesures de contrôle d'ordre intérieur. Votre Rapporteur voit dans ce revirement un pas de plus de la Banque sur le chemin de la sagesse, suivant en cela la France et l'Union européenne. Ces positions devaient être prises en compte par l'Organisation mondiale du commerce, ainsi que l'a excellemment souligné, dans son dernier rapport (31), notre collègue Béatrice Marre. C'est ce qui a été partiellement fait à Doha dans la déclaration ministérielle du 14 novembre 2001, qui relance un nouveau cycle de négociations multilatérales. Si on peut regretter que les négociations n'aient pas conduit à traiter de manière satisfaisante les questions environnementales et sociales, la déclaration ministérielle réaffirme la possibilité, pour les médicaments, de recourir à des licences obligatoires et des importations parallèles et instaure un moratoire de cinq ans sur toutes les actions juridiques menées à l'encontre des pays d'Afrique subsaharienne relatives au droit des brevets. 3.- UNE MEILLEURE INSERTION DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES INTERNATIONALES DANS LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE a) Les relations avec les organisations spécialisées des Nations Unies Les institutions de Bretton-Woods ne cessent de proclamer leur intention de se rapprocher des organisations spécialisées des Nations Unies, dont elles font d'ailleurs juridiquement partie. Ainsi, le secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, fut convié à assister aux dernières réunions du Fonds et de la Banque. La qualité des relations entre les Nations Unies et les institutions financières internationales doit être observée avec d'autant plus d'attention qu'en mars 2002 aura lieu la grande conférence des Nations Unies sur le financement de l'aide au développement. Or, force est de constater, par exemple, qu'aucune discussion n'a été entamée au sein du FMI sur la proposition faite par le ministre de l'économie britannique d'accroître de 50 milliards de dollars l'aide au développement afin d'atteindre les objectifs fixés par les Nations Unies pour 2015. La Banque mondiale a rappelé pour sa part que l'aide au développement devra doubler et atteindre plus de 100 milliards de dollars par an pour atteindre ces mêmes objectifs. Il faut espérer que le regain d'intérêt montré par certains pays à l'égard des Nations Unies et du développement après le 11 septembre conduise effectivement à mettre en place une véritable politique de coopération. b) La nécessaire soumission au droit international Comme le relève parfaitement le Haut Conseil de la coopération internationale (32), « la logique des institutions internationales est de s'en tenir à leurs mandats. Cette doctrine, fondée au plan du droit des organisations internationales, aboutit à cette situation paradoxale que les institutions financières internationales seront bientôt le dernier endroit au monde où les droits de l'homme sont ignorés, sur le plan juridique, alors que tous leurs États membres ou actionnaires ont ratifié les instruments internationaux en vigueur dans ce domaine. » Le Haut Conseil souligne, par ailleurs, que « cette situation est d'autant plus préoccupante que le Comité des droits de l'homme, qui siège à Genève dans le cadre du Haut Commissariat aux droits de l'homme, relève régulièrement, dans ses revues par pays, le non-respect de ces droits dans un certain nombre de politiques économiques conduites par leurs gouvernements. Ceci vise, d'ailleurs, plus particulièrement, les politiques d'ajustement structurel. » Votre Rapporteur rejoint tout à fait le souhait exprimé par le Haut Conseil de la coopération internationale « qu'une réflexion soit engagée sur les voies et moyens permettant d'assurer le respect des droits de l'homme dans les politiques de développement, c'est-à-dire les droits civils et politiques ainsi que les droits économiques, sociaux et culturels, tels qu'ils résultent des deux pactes de 1966 qui sont des traités internationaux liant leurs signataires. Comme première étape vers la mise en place d'instances de recours contre leurs décisions et dans la mesure où les deux institutions de Bretton-Woods estiment difficile d'intégrer officiellement les droits de l'homme dans leurs opérations, pour des raisons tenant à la fois à leurs statuts et à leurs compétences, le Haut Conseil recommande que le Haut Commissariat aux droits de l'homme ait le statut d'observateur auprès du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, par analogie au statut de l'OIT auprès de l'OMC (ainsi que l'a rappelé récemment le secrétaire d'État au commerce extérieur). » Il faut accueillir avec bienveillance la volonté de certains responsables du Fonds monétaire international de reconnaître les erreurs passées en ce domaine. Ainsi, M. Sergio Pereira Leite, sous-directeur du Bureau européen de l'institution, a fait remarquer que « le Fonds monétaire international reconnaît qu'il doit avoir conscience des contrecoups possibles des politiques qu'il préconise et qu'il faut souvent mettre en place des filets de sécurité pour atténuer les conséquences sociales les plus néfastes » (33). 4.- UNE PENSÉE FRANÇAISE DU DÉVELOPPEMENT ORIGINALE ? Un responsable de la direction du développement de la Commission européenne, auditionné par votre Rapporteur, l'a souligné à propos de l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés : « les positions actuelles sont marquées par ce que j'appellerai une approche anglo-saxonne, caritative, de la pauvreté. En parlant de pauvreté on parle avant tout des pauvres et souvent des plus pauvres et on parle peu ou pas du tout des riches, de la question d'équité. Il y a sans doute un lien entre le premier constat et le second puisque se poser la question en termes de redistribution des richesses plutôt que d'attention aux pauvres amène à des questions clairement plus politiques et sensibles. La France a dans un certain nombre de fora pris une position claire en faveur d'une approche portant sur l'équité plutôt que la pauvreté stricto sensu, mais à mon sens beaucoup trop timidement et sans que cette orientation n'ait eu encore un quelconque impact sur les politiques des institutions de Bretton-Woods. » Il relève, par ailleurs, que « la France est souvent la première à refuser de discuter et de se coordonner. Nous avons perdu tout pouvoir au niveau des concepts. La Commission européenne peut constituer un bon contre-pouvoir. Dans tous les appuis conjoints que nous menons, il n'y a aucune présence de la France. » Certes, quelques orientations portées par la France apparaissent clairement. Ce sont mutatis mutandis celles qui avaient été proposées, en 1998, par M. Dominique Strauss-Kahn, alors ministre de l'économie. Au-delà de la priorité accordée traditionnellement à l'Afrique (34), s'y sont ajoutés un engagement particulier en faveur de la lutte contre le sida, la proposition d'inclure 10 % de dons dans les prêts accordés par la Banque mondiale. Par ailleurs, la France soutient l'idée d'un conseil de sécurité économique. La pensée française en matière de développement se laisse parfois difficilement percevoir. Les centres de recherche sont disséminés. L'Institut de recherche pour le développement, l'ex-ORSTOM, fournit nombre d'études intéressantes, surtout sur l'Afrique. Certaines institutions, à travers les interventions de leurs responsables permettent également d'approcher ce que la France porte comme pensée du développement. On citera utilement M. Antoine Pouillieute, ancien directeur général de l'Agence française de développement, pour qui il ne faut pas céder « aux modes qui font de la réduction des inégalités l'alpha et l'oméga de toute action, au détriment des politiques de plus grande efficacité économique et de gestion publique plus saine » (35). Voilà qui a le mérite d'être clair et qui a constitué un des fondements du discours d'un des promoteurs du « développement à la française », bien difficile à distinguer, dans cette formulation, du « développement à la manière de Washington ». Penser que la croissance suffit à assurer le développement - et tant pis si l'écart de richesse s'accroît, puisque l'utilité maximale augmente - apparaît aussi simpliste qu'affirmer que les équilibres macroéconomiques n'ont pas d'importance. C'est pourquoi l'ancien directeur de l'Agence précise qu'il n'y a pas de croissance sans financement préalable, donc sans capacité d'endettement, que l'endettement n'est pas un appauvrissement, mais un investissement en l'avenir pourvu qu'il finance des projets utiles à la collectivité et que cette utilité se mesure par une répartition équitable des bénéfices de la croissance. Plusieurs critères doivent être pris en compte : la pauvreté monétaire ou de revenu, la pauvreté des conditions de vie (alimentation, eau potable, éducation primaire, santé de base, logement) et la pauvreté des opportunités (émancipation, capacités individuelles, capital physique, financier, humain ou social). Il faut alors à la fois combler l'absence d'infrastructures économiques sociales ou technologiques, assurer le fonctionnement des services sociaux de base, promouvoir un aménagement équilibré du territoire, équiper le pays en réseaux électrique, téléphonique et informatique. Il faut également lutter contre les grandes pandémies. Le sida et le paludisme causent 90 % des décès par maladies infectieuses. L'engagement sur ce front du ministre de l'économie s'inscrit dans cette logique. Votre Rapporteur s'interroge sur la position de la France à l'égard de plusieurs propositions, en particulier sur celle faite par M. Gordon Brown, président du Comité monétaire et financier international, de doubler l'aide directe au développement et sur celle formulée par M. Paul Martin, ministre des finances du Canada, de mettre en place un moratoire sur l'endettement des pays pauvres, deux propositions qui ont été rejetées, plus ou moins explicitement, par le secrétaire américain au Trésor, M. Paul O'Neill. La France soutient-elle la tendance actuelle qui pourrait tendre à inclure dans les conditionnalités des fonds délivrés par les institutions financières internationales l'engagement de lutter contre le financement du terrorisme ? La conférence de Monterrey sur le financement du développement, qui devrait avoir lieu en mars 2002, devra être l'occasion pour la France d'affirmer son originalité en matière de développement. En vue de préparer cette conférence et d'informer le Parlement de ses suites, votre Rapporteur propose qu'un rapport annuel soit établi par le Gouvernement à propos de l'état des créances de la France sur l'ensemble des pays pauvres. Il devra comprendre un échéancier précis, ainsi que le calendrier des remboursements effectués. LES VOIES D'UN MEILLEUR CONTRÔLE Dans son précédent rapport, votre Rapporteur avait soulevé la nécessité de renforcer le contrôle sur les activités des institutions financières internationales. Leur champ d'action s'étend sans qu'un contrôle véritable ne soit exercé sur ce processus, alors même que les décisions que ces institutions prennent ont de plus en plus d'incidence sur la vie quotidienne des populations. Les propositions que votre Rapporteur avait faites, l'an dernier, n'ont pas, à l'exception d'une seule, reçu de véritable réponse de la part du Gouvernement. C'est pourquoi, votre Rapporteur réitère ses propositions en les enrichissant. Il prend en compte, notamment, les réflexions qu'il a été mené à faire dans le cadre de la mission que lui a confié le Président de l'Assemblée nationale, M. Raymond Forni, et dont on trouvera le rapport à l'issue de cette seconde partie. I.- L'EXTENSION INCONTRÔLÉE DU CHAMP D'ACTION DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES ET ÉCONOMIQUES INTERNATIONALES Les institutions financières et économiques internationales prennent une place grandissante dans la vie des États. Cela vaut évidemment pour le Fonds monétaire international (FMI) et le groupe de la Banque mondiale, auxquels on peut rajouter la Banque des règlements internationaux (BRI) et les banques régionales de développement (Banque inter-américaine de développement, Banque asiatique de développement, Banque africaine de développement, Banque européenne pour la reconstruction et le développement). Mais, comme l'illustre le tableau ci-dessous, cela vaut également pour les organisations et instances internationales, dont la mission n'implique pas de financements de programmes ou de projets, mais qui jouent un rôle tout à fait fondamental dans la définition de normes ayant une incidence directe ou quasi directe sur la vie économique et financière des États et sur les agents économiques, et partant, sur la croissance et le mode de développement des États auxquels elles s'adressent. C'est le cas de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), du Comité de Bâle ou encore du G 7. En libéralisant ou en restreignant les échanges portant sur certains produits, elles orientent la production et la consommation d'autres pays. Et c'est sans compter l'ensemble constitué par les institutions spécialisées des Nations Unies, qui, dans le domaine du développement (PNUD, ONUDI, HCR), de l'éducation (UNESCO), du commerce (CNUCED), de la démographie (FNUAP), de l'environnement (PNUE), forment des lieux de débats importants, préparant là aussi des décisions majeures, et ce d'autant plus qu'ils sont souvent relayés par des programmes multilatéraux au poids financier non négligeable.
De fait, les institutions internationales jouent un rôle de plus en plus manifeste dans la régulation des flux économiques et dans la construction d'un cadre normatif international. Comme on l'a vu en première partie, elles gèrent des masses financières considérables. La contribution de la France y est tout à fait conséquente (36). Face à ces mouvements, et malgré des progrès récents, tels que l'obligation légale faite au Gouvernement de déposer un rapport au Parlement sur les activités de la Banque mondiale et du FMI (article 44 de la loi de finances rectificative pour 1998) ou encore l'examen annuel de ce rapport par le Haut Conseil de la coopération internationale et votre commission des Finances, tant les parlementaires que l'opinion publique ne disposent pas des moyens de s'informer. Le dialogue avec les parlements n'est pas dans la nature des institutions financières et économiques internationales. Or, le monopole des relations entre les opinions et les organisations ne doit être laissé aux seules organisations de solidarité internationales ou aux organisations non gouvernementales, qui ne peuvent revendiquer la légitimité du suffrage universel. Contrôler ces organisations permettrait d'informer les parlementaires et les opinions nationales sur ces questions qui sont mal connues, et souvent vécues de manière épidermique. Une première étape consisterait à connaître, de manière très précise, les positions et les votes exprimés par les organes de direction des institutions financières internationales. Les résumés, rendus publics, des conseils d'administration ont le mérite d'être brefs ; on souhaiterait qu'ils soient plus riches et constituent de véritables comptes-rendus. On serait tenté de reprendre les termes utilisés par Talleyrand pour expliquer à Louis XVIII l'attitude qu'il prit lors de la préparation du Congrès de Vienne : « Quelque fut le prix de la brièveté il ne la fallait point admettre aux dépens de l'exactitude ». Une pression européenne exercée conjointement par les représentants des États de l'Union pour une plus large publicité des débats du conseil d'administration permettrait, de façon utile, d'accroître la transparence des travaux du Fonds et de la Banque et de mesurer, de manière précise, l'écart qui pourrait exister entre les préconisations dispensées par les équipes du Fonds sur le terrain et les positions arrêtées par le conseil d'administration. Comme le fait observer le Haut Conseil de la coopération internationale, les institutions financières internationales « apparaissent (...), à maints égards, comme des systèmes technocratiques, face auxquels les gouvernements et même les conseils d'administration (dont certains membres se considèrent plus comme représentants de l'institution que de leurs gouvernements) sont passablement désarmés ». M. Joseph Stiglitz reconnaît lui-même que « l'ironie de la position du FMI ces huit dernières années, c'est qu'alors que l'administration Clinton faisait progresser les principes d'une troisième voie à l'intérieur des États-Unis grâce au rôle actif du gouvernement dans la promotion de la croissance, en matière internationale, le ministère des finances américain (par l'intermédiaire direct du FMI) avançait des vues qui reflétaient, avec peu de variation, le fondamentalisme du marché traditionnel et distillaient des principes économiques que l'Amérique elle-même avait rejetés. » (37) II.- DES PROPOSITIONS QUI N'ONT PAS REÇU DE RÉPONSES Pour la première fois, en 2000, votre commission des Finances a présenté un rapport d'information sur les institutions financières internationales. Elle a été amenée à présenter de nombreuses propositions. Seule l'une d'entre elles, celle qui consistait à séparer les postes d'administrateur à la Banque mondiale et d'administrateur au Fonds monétaire international en plaçant le premier sous la tutelle principale du ministère des affaires étrangères tout en laissant le deuxième sous la tutelle principale du ministère chargé des finances, a reçu une réponse directe (38). Elle a été clairement négative. Certes, comme le montre le tableau ci-après, le dernier rapport du Gouvernement au Parlement a fait quelques allusions aux problèmes évoqués par votre commission des Finances. Mais celles-ci ne sauraient constituer de véritables réponses, qui auraient permis l'ouverture d'un authentique dialogue.
III.- LA NÉCESSITÉ D'ALLER PLUS LOIN Les exemples étrangers, au premier rang desquels figure le Congrès des États-Unis, doivent nous inciter à instituer un véritable contrôle parlementaire des institutions économiques et financières internationales. Aucun Parlement n'exerce directement un contrôle sur les institutions financières et économiques internationales. Néanmoins, par le biais du contrôle de l'activité des ministères chargés de suivre ces questions et des représentants des États auprès du Fonds monétaire et de la Banque mondiale, le pouvoir législatif peut parvenir à suivre de manière précise la marche de ces organisations et exprimer un jugement sur celle-ci. Les parlements européens, tout comme le Parlement néo-zélandais, le font peu ; seul le Congrès américain examine de manière plus étroite l'action du Gouvernement dans cette matière. 1.- DES PRATIQUES CONTINENTALES LIMITÉES En Allemagne, comme en Espagne et en Italie, le contrôle des positions prises par le Gouvernement au sein des institutions financières internationales en particulier et le suivi des activités de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international est peu développé. Il passe principalement par des questions épisodiques au Gouvernement et, éventuellement, par l'audition des responsables politiques, plus rarement des responsables administratifs. En contraste avec ce qui se passe en France, il convient cependant de relever qu'une délégation parlementaire peut accompagner les ministres à l'occasion des conférences annuelles du Fonds monétaire et de la Banque mondiale, sur le modèle de ce qui existe, en France, pour l'assemblée générale des Nations Unies ou pour les réunions de l'Organisation mondiale du commerce. L'Italie se distingue par l'obligation, faite au ministère des finances, de produire, annuellement, un rapport au Parlement sur les relations du pays avec le Fonds monétaire international. 2.- DES MODÈLES BRITANNIQUE ET NÉO-ZÉLANDAIS PLUS DÉVELOPPÉS Comme en France, les crises financières de 1997 et les demandes d'augmentation des quotes-parts qui en ont résulté ont conduit la Chambre des Communes britannique à engager un travail plus poussé de contrôle, d'information et de réflexion sur le Fonds monétaire international. Parallèlement, la commission spécialisée du Développement international s'est intéressée de plus près aux activités de la Banque mondiale, même si aucun rapport n'a été publié spécifiquement sur cette question, la Commission concentrant ses travaux sur la politique européenne de développement (39). S'agissant du seul Fonds monétaire international, la commission du Trésor procède à des auditions de nombreuses personnalités, notamment des experts à l'exemple du spécialiste de ces questions au Financial Times, M. Martin Wolf, ou encore du responsable de l'Institut avancé d'économie de Genève, l'économiste M. Charles Wiplosz, ou bien encore du vice-président de la banque d'investissement HSBC, M. Robert Gray. Elle publie en annexe de son rapport les nombreuses contributions qu'elle a reçues, en particulier de la part d'organisations non gouvernementales ou d'économistes sollicités à l'occasion. Contrairement au Gouvernement français, le Gouvernement britannique s'attache à répondre, point par point, au rapport effectué par la commission du Trésor. Cette réponse est publiée par le Parlement. Ainsi, lors de la session 1999-2000, la Commission a rendu son premier rapport le 18 février 2000. La réponse du Gouvernement a été publiée le 27 juin de la même année (40), permettant ainsi de formaliser le dialogue entre la Chambre et le pouvoir exécutif. Sans qu'il soit besoin d'une disposition législative particulière, la publication annuelle d'un rapport sur les relations entre Royaume-Uni et le FMI résulte d'une réponse du Gouvernement à une simple recommandation de la commission du Trésor. À l'issue de son premier rapport, la Commission avait formulé les recommandations et propositions suivantes : « Nous accueillons avec satisfaction la publication, par le Gouvernement, d'un rapport annuel au Parlement sur les actions du Royaume-Uni au sein du FMI, conformément aux récentes recommandations de la Commission. Un tel rapport devrait être publié chaque automne, à l'issue de la réunion annuelle du Fonds. La Commission souhaite auditionner à la fois le Chancelier de l'Échiquier et l'administrateur du Royaume-Uni auprès du Fonds monétaire international dans la foulée de la remise des prochains rapports. « Nous pensons qu'il est inacceptable que le FMI continue d'exiger plus d'ouverture et de transparence aux États membres qui ont besoin de son aide sans appliquer de tels principes à son fonctionnement et à son action. Le FMI doit être plus ouvert dans ses procédures et accorder une plus grande voix aux pays en développement lorsque les questions en discussion concernent directement leur bien-être économique. « Nous souhaitons que le choix du directeur général du FMI suive une procédure plus transparente et réellement démocratique. « Nous souhaitons que le Chancelier rende public les votes du Royaume-Uni au sein du conseil d'administration du FMI. « Nous soutenons le Gouvernement dans son action en faveur d'un accroissement de la transparence des actions du FMI et de la publication des rapports sur les consultations réalisées dans le cadre de l'article IV. Nous considérons qu'il s'agit d'une étape importante, à la fois pour éviter les futures crises et pour permettre au FMI d'être entendu dans ses avis. Mais nous relevons que cette action n'aura d'effet réel que si les pays concernés ont donné leur accord à la publication desdits rapports. « Nous notons que de plus larges considérations, allant au-delà des critères classiques du FMI, ont été appliquées au programme de prêts accordés à la Russie, et nous émettons des doutes sur l'utilité d'avoir confié au FMI la charge de négocier un tel programme. D'autres voies, telles que celle du G 7, auraient sans doute été plus appropriées. Nous pensons également que les problèmes rencontrés par le programme russe a fourni un signal salutaire, révélateur de ce qui pourrait survenir si la communauté internationale continuait à utiliser le FMI pour développer des programmes dans les économies en transition qui vont bien au-delà de sa sphère normale d'intervention. « Nous accueillons avec satisfaction les nouvelles propositions faites par le Fonds sur les codes, standards et règles financières, mais nous craignons que la poursuite de leur application aux pays en développement n'empêche d'atteindre les objectifs qui ont été assignés à ces outils. Nous incitons le Chancelier à accorder plus d'importance à ce sujet et à garantir que le Forum de stabilité financière travaille de manière plus ouverte et transparente. « Nous pensons que le Chancelier a raison de soutenir l'idée selon laquelle le secteur privé doit participer de manière plus approfondie aux prêts à risque élevé. Cependant, le Royaume-Uni doit désormais prendre une position plus forte sur cette question, par exemple en réfléchissant sur des propositions tendant à créer des règles permettant au FMI de s'assurer que le secteur privé joue un rôle à part entière dans la résolution de toute crise de dette future. L'impasse actuelle place la stabilité de l'économie mondiale dans une zone à risques. « Nous accueillons avec bienveillance la priorité accordée à la réduction de la pauvreté et nous incitons le Chancelier à accorder une remise de dette unilatérale aux pays éligibles à l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés. Nous espérons fortement que toutes les étapes nécessaires soient respectées pour que ce processus de remise de dette profite au mieux au développement des pays bénéficiaires. « Nous ne sommes pas persuadés que le FMI dispose de l'expertise suffisante pour conduire des programmes majeurs de remise de dette dans les pays en développement. C'est pourquoi nous estimons qu'il est nécessaire que le FMI se retire de tels programmes et se concentrent sur son mandat originel. Cela permettra de clarifier les rôles respectifs du Fonds et de la Banque mondiale, faute de quoi la multiplication des chevauchements finira par justifier une fusion. « Nous soutenons l'idée selon laquelle la conditionnalité est un élément nécessaire de tout programme de prêt ; cependant, nous croyons que sa définition doit être accompagnée d'une transparence plus grande. « Nous reconnaissons l'importance de contrôler la capacité d'un gouvernement à mettre en _uvre un programme de réforme lorsqu'il se trouve sous programme de prêt et à mettre en place toutes les mesures nécessaires à une bonne gouvernance ; mis nous comprenons parfaitement les limites du rôle du FMI sur l'évolution de la politique intérieure des pays récipiendaires. » En Nouvelle-Zélande, la question des activités de la Banque mondiale et du FMI n'a jamais donné réellement lieu à débat. La raison en est sans doute le rôle secondaire et les faibles responsabilités de Wellington au sein des deux institutions. De même cette question ne représente-t-elle pas un enjeu quelconque de politique intérieure. Pour l'année fiscale 2000-2001, la Nouvelle-Zélande a libéré environ 330 millions de francs au profit du FMI, de la Banque mondiale et de la Banque asiatique de développement. S'agissant du FMI, la Nouvelle-Zélande est représentée chaque année au conseil des gouverneurs par le ministre des finances ou par son remplaçant, le gouverneur de la banque centrale. Au sein du conseil d'administration, elle appartient à une circonscription de quatorze pays qui comprend l'Australie, la Corée, les Philippines, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Vanuatu, la Mongolie, le Samoa, les Salomon, les Seychelles, Kiribati, la Micronésie, les Îles Marshall et Palau. C'est l'Australie qui occupe de manière permanente le siège d'administrateur pour ce groupe de pays. La Nouvelle-Zélande a occupé durant la période 1998-2000 le poste d'administrateur remplaçant et occupe actuellement celui d'assistant de l'administrateur. C'est toujours un fonctionnaire du Trésor ou de la banque centrale qui est détaché auprès du Fonds à cet effet. S'agissant de la Banque mondiale, la Nouvelle-Zélande est présente au conseil d'administration à travers le représentant élu par un groupe de douze pays qui comprend l'Australie, la Corée, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Vanuatu, le Cambodge, la Mongolie, le Samoa, les Salomon, Kiribati, la Micronésie, les Îles Marshall et Palau. Les trois plus gros contributeurs de ce groupe, la Nouvelle-Zélande, l'Australie et la Corée occupent à tour de rôle le poste d'administrateur. Deux fonctionnaires du Trésor sont détachés auprès de la Banque mondiale. Ils occupent actuellement les postes de conseiller et d'assistant de l'administrateur. Le ministère des affaires étrangères partage avec le Trésor la responsabilité du financement des activités de la Nouvelle-Zélande au sein de la Banque mondiale. Le Trésor est responsable de la question de la participation et de la quote-part néo-zélandaise tandis que les affaires étrangères, notamment la direction de la coopération et du développement intervient pour la définition des projets de l'aide officielle au développement (NZ Official Development Aid). Celle-ci s'est élevée pour l'année fiscale en cours 2000-2001 à environ 50 millions de francs, principalement via l'Association internationale de développement. Les contacts entre les deux administrations sont quasi quotidiens. Cette coordination a été renforcée grâce à la conclusion d'un arrangement (Memorandum of Understanding) définissant les attributions et responsabilités respectives des deux administrations vis-à-vis de la Banque mondiale. Un autre point qui répond directement aux préoccupations françaises mérite d'être noté : il est question qu'à l'avenir, l'un des deux fonctionnaires détachés à Washington puisse être nommé sous la tutelle du ministère des affaires étrangères. Cette évolution ne semble pas résulter d'une confrontation entre le Trésor et le ministère des affaires étrangères mais au contraire d'un mouvement librement consenti par les deux administrations pour assurer un meilleur équilibre de leur action auprès de la Banque. Les parlementaires néo-zélandais n'ont manifesté, jusqu'à présent, aucune volonté de s'impliquer davantage dans le suivi des politiques menées par le FMI et la Banque mondiale. Après la présentation du budget, la commission des Finances examine les prévisions budgétaires de chaque administration avant de les renvoyer auprès de chaque commission compétente. C'est dans ce cadre que les contributions de la Nouvelle-Zélande aux deux institutions peuvent être examinées. Un tel examen ne semble pas avoir été effectué au cours des dernières années. Par ailleurs, la commission des Finances peut enquêter a posteriori, si elle le désire, sur les contributions du gouvernement aux institutions financières. Dans ce cas, elle n'est pas soumise aux mêmes contraintes de délais que lors de l'examen des prévisions budgétaires. Si la commission en décide ainsi, elle doit alors organiser des auditions publiques et recueillir les témoignages du public, de responsables et du ministère des finances. Au-delà de ces procédures traditionnelles, il convient cependant de relever qu'un rapport annuel est publié par le Trésor sur les activités à la fois du Fonds monétaire et de la Banque mondiale, sur le modèle français. S'y ajoute un examen des activités de la Banque asiatique du développement. Les positions prises par la Nouvelle-Zélande n'y sont pas relevées avec précision. Les États-Unis sont les premiers actionnaires du Fonds monétaire international comme de la Banque mondiale. Ils ont suivi, ces dernières décennies, une politique de réduction de leur aide bilatérale. C'est donc tout naturellement qu'ils tendent à faire porter leurs efforts et à étendre leur influence au sein des organisations multilatérales et, en tout premier lieu, au sein du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. Ceci explique la grande attention qui est portée par le Congrès à la politique suivie par le Gouvernement au sein de ces institutions. À cette volonté politique, régulièrement stimulée par les demandes d'augmentation du niveau des quotes-parts au Fonds monétaire et de la participation au capital de la Banque, s'ajoutent des moyens d'intervention considérables, sans commune mesure avec ce dont peuvent disposer les Parlements des États européens. Le contrôle exercé conduit à l'audition régulière des représentants des États-Unis auprès des institutions financières internationales ; les membres de la sous-commission de la politique monétaire et du commerce internationaux ont dû insister fermement auprès du Trésor américain et menacer de ne pas voter les crédits considérés pour obtenir d'auditionner la représentante des États-Unis au conseil d'administration du Fonds monétaire. Au-delà des auditions, les membres du Congrès posent de très nombreuses questions sur l'évolution des institutions financières internationales, en particulier lorsque doit intervenir le vote de crédits. S'y ajoute la possibilité d'adopter des lois liant l'administrateur américain au FMI dans ses choix, pratique qui s'est développée dans les années 1990 (au 31 octobre 2001 : 60 lois en vigueur, dont le tiers est contraignant). L'administrateur américain auprès du Fonds monétaire, comme celui auprès de la Banque mondiale, sont nommés par le Président des États-Unis mais confirmés par le Sénat. Le Trésor produit régulièrement des rapports au Congrès, sans qu'il soit guidé cependant par une obligation formelle. Il existe, par ailleurs, un membre du Trésor américain chargé spécialement des relations avec les parlementaires. De plus, le Fonds monétaire a spécialement affecté une personne au suivi des relations avec le Congrès. Enfin, le Congrès peut recourir aux services du General Accounting Office (GAO) (41), qui peut lui-même, par le biais du Trésor américain, obtenir les documents ou les entretiens dont il a besoin pour répondre aux demandes des commissions parlementaires. L'équipe chargée des affaires et du commerce internationaux (International Affairs and Trade) compte près de 140 personnes, qui s'occupent des questions de menaces sur la sécurité nationale et internationale, des accords de commerce, des opérations de maintien de la paix, mais aussi de l'aide aux pays étrangers et, surtout, des institutions financières internationales. Leur mandat comprend, de manière explicite, un rôle de propositions en matière de transparence et de responsabilité démocratique des institutions financières internationales, mais aussi de remises de dette et d'amélioration de l'aide publique au développement. À ce jour, l'Office a réalisé une douzaine de rapports sur les institutions financières internationales. B.- L'INSTITUTION EN FRANCE D'UN CONTRÔLE PARLEMENTAIRE PERMANENT Ainsi que votre Rapporteur a eu l'occasion de l'exposer en détail dans ses propositions au Président de l'Assemblée nationale, il apparaît indispensable que soit mise en place une structure permanente de contrôle français de l'activité des organisations économiques et financières internationales. Cette structure doit être dotée de moyens propres, notamment budgétaires, internes à l'Assemblée. Elle doit inclure le ou les Rapporteurs budgétaires concernés, notamment le Rapporteur spécial, doté de pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place. Elle doit dépasser une simple composition « budgétaire » parce que son approche dépasse largement les questions budgétaires. Il doit y avoir, soit à partir du rapport du Gouvernement, soit à l'occasion des débats budgétaires (soit... les deux), un débat public organisé à l'Assemblée annuellement sur cette question. Si, sur le plan théorique, le choix de la délégation parlementaire est sans doute la meilleure formule possible, sa mise en _uvre et la lourdeur de son fonctionnement ne permettent pas de la retenir, du moins dans un premier temps. C'est pourquoi, votre Rapporteur propose que soit retenue une solution sui generis plus souple, qui ne nécessiterait pas de modification du règlement de notre Assemblée ni de disposition législative et qui consisterait à créer une mission d'information et de contrôle, dotée de moyens administratifs et financiers propres. Elle assurerait le suivi des activités des institutions économiques et financières internationales, permettrait ainsi aux députés d'être informés sur les grands débats qui agitent ces institutions et apporterait sa contribution au travail de réflexion nécessaire sur leurs missions, leurs objectifs et leurs moyens. L'activité de contrôle donnerait lieu à des rapports et alimenterait les débats parlementaires. Les propositions qui pourraient être arrêtées doivent tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel du 6 juin 1990, qui paraît interdire de créer, dans le règlement, une mission d'information permanente qui pourrait être assimilée à une commission permanente. IV.- VINGT-ET-UNE PROPOSITIONS A.- CIRCONSCRIRE LES MISSIONS DU FMI ET DE LA BANQUE MONDIALE 1. Recentrer les activités du FMI sur ses missions financières et celles de la Banque mondiale sur le soutien financier au développement. 2. Combattre l'idée de transformation de la Banque mondiale ou Banque de la Connaissance. 3. Rappeler avec vigueur de la part de la France que les politiques du Fonds monétaire et de la Banque mondiale ne constituent pas le seul modèle de développement. 4. Rompre clairement avec le consensus néo-libéral de Washington. 5. Soumettre la Banque mondiale et le FMI aux règles du droit international, notamment, en matière sociale. 6. Mettre fin à la menace de la Banque mondiale sur le système des Nations Unies et garantir une coopération équilibrée entre les institutions de Bretton-Woods. 7. Mieux articuler les interventions de la Banque mondiale et des Banques régionales. 8. Accroître les contributions volontaires aux budgets des agences spécialisées des Nations Unies et ainsi garantir qu'elles demeurent des interlocutrices privilégiées des pays pauvres. B.- DÉMOCRATISER LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS DE BRETTON-WOODS 9. Rendre public les comptes-rendus des conseils d'administration, ainsi que les votes de chaque administrateur. 10. Améliorer la représentativité des institutions financières internationales : réorganiser les circonscriptions pour former des groupes de pays plus cohérents et renforcer la place des pays en développement. 11. Transformer le Comité monétaire et financier international, composé des délégués des pays membres, en véritable gouvernement politique des institutions financières internationales. 12. Renforcer la transparence des flux financiers entre les institutions financières internationales et les pays membres et soumettre la comptabilité des premières aux standards internationaux. 13. Créer une cour des comptes et d'évaluation internationale. C.- CRÉER UNE COORDINATION EUROPÉENNE À L'ÉGARD DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES INTERNATIONALES 14. Organiser une coordination systématique de la position européenne au sein des institutions financières internationales. 15. Renforcer les liens entre les Parlements européens sur ces questions. D.- PERFECTIONNER LE PROCESSUS DE DÉTERMINATION DE LA POSITION FRANÇAISE 16. Créer une véritable concertation interministérielle en donnant une nouvelle impulsion au comité interministériel de la coopération internationale et du développement. 17. Associer à la définition de la position française des partenaires extérieurs, notamment les représentants de la société civile. E.- RENFORCER LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE 18. Améliorer la qualité du rapport annuel du Gouvernement au Parlement sur les activités des institutions financières internationales. 19. Instituer l'audition par le Parlement des administrateurs auprès du Fonds monétaire et de la Banque mondiale. 20. Exiger du Gouvernement un rapport annuel sur l'état des créances de la France à l'égard des pays pauvres (détail de l'échéancier, des remboursements effectués...). 21. Créer une mission d'information et de contrôle chargée de suivre les activités des institutions économiques et financières internationales et compétente pour suivre l'action du FMI et de la Banque mondiale, mais aussi de l'OCDE, de l'OMC, du Forum de stabilité financière et du G 7. EXAMEN EN COMMISSION Au cours de sa séance du mercredi 19 décembre 2001, la commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a procédé à l'examen du rapport d'information sur les activités et le contrôle du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. Votre Rapporteur, a tout d'abord indiqué qu'à l'occasion d'une réunion tenue ce jour, autour du Président de l'Assemblée nationale, sur le thème de la gouvernance mondiale, il avait été surpris de constater que le rapport, à venir, du Conseil d'analyse économique relatif à ce sujet comportait un seul absent : le Parlement. Le sommet de Gênes a montré que les débats sur la mondialisation, le commerce international, les institutions financières internationales se tenaient entre quelques organismes, les grands groupes et les organisations non gouvernementales. La démocratie représentative a disparu de la réflexion. De nombreux rapports parlementaires ont pourtant été rédigés sur cette question. Puis, votre Rapporteur a présenté son rapport. Après cet exposé, M. Alain Rodet a souligné qu'il était important de rappeler le rôle historique que les États-Unis ont toujours joué au sein des institutions de Bretton-Woods. Ainsi, les tentatives de réforme de ces institutions menées par de nombreux Européens, à l'exemple du Français Bernard Clapier, se sont souvent heurtées au veto américain. Il s'est interrogé sur les risques d'amalgames qui pourraient se produire entre la référence à Wall Street, retenue dans le titre du rapport et les événements du 11 septembre. Puis, il s'est demandé si, par exemple, l'entrée dans l'Organisation mondiale du commerce de la Chine, à laquelle le FMI hésitera à faire des recommandations de politiques économiques, ne constituait pas un enjeu plus fondamental que des questions relatives au seul fonctionnement du Fonds monétaire et de la Banque mondiale. Enfin, il a demandé au Rapporteur si l'expression d'« institutions financières internationales » recouvrait l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), sur l'utilité de laquelle il convient de s'interroger. M. Alain Barrau, apportant son soutien au Rapporteur, a estimé qu'il convenait de prendre la mesure de la menace que le mode actuel d'organisation du débat sur la mondialisation, parfois monopolisé par des manifestations sectorielles, fait planer sur la démocratie représentative, telle qu'incarnée par les Parlements, qui doivent devenir le lieu privilégié, mais pas exclusif, des discussions sur ce phénomène. Le rapport déposé par le Gouvernement y contribue, de la même façon qu'y contribue l'examen régulier de ce rapport par la commission des Finances. Les sommes très importantes déboursées par le contribuable français, constituent, à elles seules, une motivation suffisante pour que s'exerce sur l'activité des institutions financières internationales un contrôle démocratique, sur le plan français et sur le plan européen. Il faut déplorer que les réponses aux propositions faites l'an passé par la Commission soient si faibles et ne portent véritablement que sur une question purement institutionnelle. Quelle que soit la prochaine majorité, il est indispensable que ce travail soit poursuivi de manière déterminée. Il existe un manque dans ce domaine. Au sein de la délégation pour l'Union européenne, un important effort a été conduit sur l'Organisation mondiale du commerce, ce qui a requis une volonté politique très forte et l'accord des présidents successifs de l'Assemblée. Soit l'espace est occupé par les organisations non gouvernementales, et alors le Parlement ne pourra plus revendiquer son rôle de lieu de débat politique, soit un rapport de forces est établi non seulement avec le Gouvernement, mais également avec les administrations, et des progrès considérables seront accomplis. Pour obtenir des réponses aux propositions faites par la Commission, un titre de rapport un peu fort mérite d'être utilisé. Il faut espérer que le contrôle parlementaire sur l'ensemble du volet international de l'action publique, contrôle fondé sur la vision française de la mondialisation et sur une écoute, non exclusive, des organisations non gouvernementales, soit renforcé avant la fin de la législature. M. Jean-Jacques Jégou, Président, a souligné la complexité du sujet. Étant présent à Doha, il a relevé que la montée des ONG s'expliquait, en partie, par l'absence des Parlements. Quelle que soit la majorité à venir, le Parlement devra s'intéresser au contrôle des organisations internationales de manière plus attentive encore. En réponse aux différents intervenants, votre Rapporteur, a rappelé que ce rapport était le deuxième présenté par la Commission, réponse régulière à un rapport annuel du Gouvernement. Le rapport réserve une part importante à certaines politiques passées et met en relief le jeu joué par les États-Unis. Dans les propositions faites au Président de l'Assemblée, l'OCDE est incluse dans le champ du contrôle qu'il est nécessaire de mettre en place. Les organisations non gouvernementales sont à la mode, les Parlements semblent, en effet, avoir disparu du débat sur ces questions. L'Assemblée nationale a pourtant fait un important travail ; il faut lui donner plus de publicité. Puis, la Commission a autorisé, conformément à l'article 145 du Règlement, la publication du rapport sur l'activité et le contrôle du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. PROPOSITIONS DU RAPPORTEUR À MONSIEUR Dans le contexte de la mondialisation dominée par les grandes entreprises multinationales et les marchés financiers, de grandes associations font entendre leur voix et se font l'écho des réticences et des résistances des opinions publiques. En quelques années, de la conférence de Rio en 1992 aux grandes manifestations de Seattle et de Gênes, de nouveaux acteurs se sont imposés sur la scène internationale : les organisations non gouvernementales. La forte médiatisation dont elles bénéficient font d'elles le vecteur essentiel des préoccupations populaires. Ainsi pour reprendre la formule du Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, elles seraient « la conscience de l'humanité ». Dans le cadre de l'affaiblissement des États-nations, face aux grands groupes financiers qui dominent l'économie mondiale, les ONG offriraient le seul antidote, les seuls contre-pouvoirs démocratiques. Ce discours est à la mode : les institutions représentatives seraient incapables de répondre aux défis de la mondialisation. Au cours de l'année 2001, les plus hauts responsables des grandes institutions financières, économiques et commerciales internationales ont signé des articles dans la presse française pour dire la nécessité d'ouvrir le processus de décision « aux représentants de la société civile ». Or, dans tous les discours, dans tous les articles de presse, les représentants de la société civile ne sont plus les Parlements, expression du suffrage universel, mais les ONG, détentrices supposées d'une forme supérieure de légitimité. Nous assistons à l'émergence d'un fort courant idéologique qui met en cause les fondements de la démocratie représentative. Il préconise l'institutionnalisation d'une co-responsabilité entre les gouvernants, les institutions multilatérales et les organisations non gouvernementales, seule expression légitime de la société civile. Le débat n'est pas nouveau. Il prend aujourd'hui une tonalité et une ampleur qui méritent réflexion. La controverse n'est pas de caractère théorique ou philosophique. Les enjeux touchent au plus profond de la réalité et du fonctionnement des institutions démocratiques. Les Parlements nationaux ne doivent plus ignorer les grandes institutions économiques et financières internationales. Elles jouent un rôle moteur pour assurer les grands équilibres entre les nations, pour promouvoir la bonne gouvernance et pour favoriser le développement du tiers monde. Leurs décisions peuvent avoir une influence déterminante sur l'équilibre du monde et le renforcement de la paix. Indiquons simplement que le FMI et les banques de développement décaissent chaque année plus de 47 milliards de dollars. Précisons que l'aide extérieure de l'Union européenne et de ses États membres atteint 27 milliards de dollars par an. Rappelons enfin que la France est le quatrième bailleur de fonds des institutions de Bretton-Woods. En 2000, sa quote-part au Fonds monétaire atteignait 103 milliards de francs et sa part en capital de la Banque mondiale se montait à 63 milliards de francs. Ces institutions diffusent une vision du monde qui tente de s'imposer comme modèle universel. Depuis le début des années 1980, elles préconisent l'ajustement des économies au marché mondial et la réduction du rôle des États dans l'économie. Ce modèle, qualifié de « consensus de Washington », est aujourd'hui fortement contesté. Les crises financières en Asie, en Amérique latine et en Russie ont montré ses limites et ses échecs. Ce débat entre la Banque mondiale et M. Joseph Stiglitz, son ancien économiste principal et récent Prix Nobel d'économie, est, à cet égard, éclairant. La Banque mondiale et le FMI imputent leurs échecs aux gouvernements qui n'auraient pas libéralisé avec assez de vigueur et de conviction. M. Stiglitz insiste, au contraire, sur les dysfonctionnements du marché, sur le rôle de l'État et sur les politiques sociales. Dans cette bataille idéologique, dont les enjeux sont considérables, quelle est la voix de la France ? Elle s'exprime essentiellement par le canal de la direction du Trésor du ministère de l'économie et des finances. Il a fallu attendre une loi de finances rectificative, au cours de l'hiver 1998-1999, pour que l'Assemblée nationale demande que des comptes soient rendus sur l'argent public engagé par la France auprès des institutions financières internationales. Il a fallu attendre le 13 décembre 2000 pour que la commission des Finances rende le premier rapport parlementaire relatif aux institutions financières internationales. Le Parlement a été longtemps victime d'une limitation anachronique de son champ de compétence. Il était admis que la scène internationale était, par nature, étrangère aux détenteurs de la souveraineté nationale. Il n'était pas imaginable que de simples députés puissent avoir une quelconque compétence dans le domaine - ô combien sérieux ! - des finances publiques internationales. Parler de « diplomatie parlementaire » il y a peu provoquait au mieux un sourire poli, voire condescendant. Seuls les hauts fonctionnaires et leurs bureaux estimaient avoir la compétence et le sens de l'intérêt national pour agir au nom de la France. Il est d'ailleurs remarquable que, quelle que soit la sensibilité des gouvernements français, la voix de la France, à Washington, ait connu peu de variations ! Il est donc temps, grand temps, que l'Assemblée nationale prennent part à ce vaste chantier de réflexion, d'analyses et de propositions. Le débat est d'abord politique. Il porte sur la nécessaire réforme des institutions économiques et financières internationales. Parmi les multiples questions soulevées, retenons : - l'exigence de transparence et de contrôle de ces institutions et des gouvernements qui décident de leurs politiques ; - l'évaluation indépendante, publique et contradictoire des politiques menées et de leurs conséquences ; - la mise en cause des critères de conditionnalité imposés et leur remplacement par des négociations avec les gouvernements et les Parlements des pays concernés ; - la possibilité de recours devant une Cour d'arbitrage pour juger des violations des droits fondamentaux et des traités internationaux par les institutions financières internationales ; - l'exigence d'études d'impacts préalables permettant la mobilisation de tous les intervenants dans les pays concernés ; - la remise en cause du dogme qui fait de la libéralisation du commerce la réponse essentielle au sous-développement ; - la nécessité de constituer un véritable dialogue Nord-Sud et ne pas faire du G 7 le directoire auto-proclamé de la planète. Les relations entre pays riches et pays pauvres, la coopération internationale, la défense des pluralismes linguistiques, culturels et des modes de vie, sont devenues des enjeux de politique nationale. La solidarité internationale est l'un des thèmes qui motive la jeunesse de notre pays. L'Assemblée nationale manquerait à sa mission si elle ne plaçait pas ces questions au c_ur de son action. C'est pourquoi le FMI, la Banque mondiale, l'OMC, l'OCDE ne doivent plus être la chasse gardée d'une administration particulière. Ces institutions constituent un enjeu majeur du débat démocratique et leur action doit être soumise au jugement et au contrôle du Parlement. I.- LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE DES ACTIVITÉS DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES ET ÉCONOMIQUES NTERNATIONALES EST NÉCESSAIRE A.- CE CONTRÔLE S'INSCRIT DANS L'ÉVOLUTION RÉCENTE DES FONCTIONS DU PARLEMENT La fonction de contrôle du Parlement prend de plus en plus d'importance. Contrôler les activités des institutions financières internationales par le biais du contrôle de l'action gouvernementale, exercée dans le cadre de leur activité, s'inscrit donc dans un mouvement général. La multiplication des commissions d'enquête, des missions d'information commune, la montée en puissance de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne en témoignent, si nécessaire. Les institutions financières et économiques internationales constituent un cas particulier. Elles peuvent être réunies dans trois cercles. Le premier comprend les institutions financières internationales proprement dites, au premier rang desquelles figurent le Fonds monétaire international (FMI) et le groupe de la Banque mondiale, auxquels on peut rajouter la Banque des règlements internationaux (BRI) et les banques régionales de développement (Banque interaméricaine de développement, Banque asiatique de développement, Banque africaine de développement, Banque européenne pour la reconstruction et le développement). Un deuxième cercle inclut les organisations et instances internationales, dont la mission n'implique pas de financements de programmes ou de projets, mais qui jouent un rôle fondamental dans la définition de normes ayant une incidence directe ou quasi directe sur la vie économique et financière des États et sur les agents économiques, à l'exemple de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), du Comité de Bâle ou encore du G 7. Le troisième cercle est constitué des institutions spécialisées des Nations Unies, qui, dans le domaine du développement (PNUD, ONUDI, HCR), de l'éducation (UNESCO), du commerce (CNUCED), de la démographie (FNUAP), de l'environnement (PNUE), sont des lieux de débats importants, préparant là aussi des décisions nationales majeures, et ce d'autant plus qu'ils sont souvent relayés par des programmes multilatéraux au poids financier non négligeable. Le budget du PNUD pour l'exercice 2002-2003 atteindra, par exemple, plus de 502 millions de dollars (3,7 milliards de francs). De plus, les institutions spécialisées des Nations Unies possèdent une légitimité démocratique (principe « un État = une voix »), qui fait défaut à nombre d'instances financières et économiques internationales. Des contacts permanents avec les Parlements nationaux méritent donc d'être développés, ne serait-ce que par le biais d'échanges d'informations. B.- LES ORGANISATIONS ET INSTANCES CONSIDÉRÉES JOUENT UN RÔLE DE PLUS EN PLUS IMPORTANT Les institutions internationales prennent une place de plus en plus importante dans la régulation des flux économiques et financiers et dans la construction d'un cadre normatif international, qu'il s'agisse de l'OCDE, de l'OMC, du FMI, du groupe de la Banque mondiale ou des agences spécialisées des Nations Unies. De nombreuses manifestations ont fait rentrer cette question dans le débat public (Seattle, Washington, Prague, Porto-Alegre). Ces organisations gèrent des masses financières considérables. La France y consacre des sommes importantes. Par exemple, elle se place au quatrième rang des quotes-parts du Fonds monétaire avec 10,74 milliards de DTS (103 milliards de francs, soit 5,11 % du total), derrière les États-Unis, le Japon et l'Allemagne. Elle est au même niveau que le Royaume-Uni qui possède également 5,11 % des quotes-parts ; elle participe, par ailleurs, à hauteur de 2.577 millions de DTS (25 milliards de francs) aux nouveaux accords d'emprunt susceptibles d'être mobilisés, en cas de besoin, en complément des ressources fournies par les quotes-parts ; sa participation aux instruments de lutte contre la pauvreté s'élève à 2,9 milliards de DTS (montant plafonné de 28 milliards de francs) pour la facilité de réduction de la pauvreté et à 38,7 millions de DTS (372 millions de francs) pour le fonds fiduciaire de l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés. S'agissant de la Banque mondiale, la part de la France au capital de la BIRD atteint 4,44 % soit 8,4 milliards de dollars (63 milliards de francs) ; la participation cumulée de la France aux diverses reconstitutions de l'Association internationale de développement (AID) représente 7,3 milliards de dollars (54 milliards de francs), soit 4,22 % des ressources de l'organisation ; sa contribution à la Société financière internationale (SFI) atteint 5,8 millions de dollars (43 millions de francs) ; celle à l'Agence multilatérale de garantie des investissements (AMGI) s'élève à 92,7 millions de dollars (690 millions de francs). La contribution de la France est donc tout à fait considérable. Le montant des financements susceptibles d'être mobilisés par ces organisations l'est encore plus. La BIRD, à elle seule, a procuré 17,3 milliards de dollars (1.275 milliards de francs) de prêts en 2001. Ces volumes justifient aussi la nécessité de ne pas laisser au pouvoir exécutif le monopole du droit de regard sur l'utilisation de ces financements, qui s'avèrent aujourd'hui décisifs dans l'orientation de l'ensemble des politiques de développement. De nombreux financements bilatéraux sont débloqués sous réserve d'un accord entre le pays partenaire et les institutions financières internationales (doctrine d'Abidjan). C.- LES PARLEMENTAIRES ET L'OPINION PUBLIQUE NE DISPOSENT PAS D'UNE INFORMATION SUFFISANTE SUR LA QUESTION Les institutions financières et économiques internationales n'ont pas l'habitude de dialoguer directement avec les Parlements. La solution aux problèmes de la mondialisation ne se trouve pas dans les seules manifestations émotionnelles, qui sont pour partie le résultat d'un manque d'informations. Le dialogue entre les opinions et les organisations doit pouvoir être assuré par le biais des représentations nationales ; le monopole ne doit pas en être laissé aux organisations de solidarité internationales ou aux organisations non gouvernementales, qui ne présentent aucune garantie de représentation. Contrôler ces organisations permettrait d'informer les parlementaires et les opinions nationales sur ces questions qui sont mal connues, et souvent vécues de manière épidermique. II.- LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES ET ÉCONOMIQUES INTERNATIONALES N'EST PAS ASSURÉ AUJOURD'HUI DANS DES CONDITIONS SATISFAISANTES A.- DES PROGRÈS ONT ÉTÉ RÉALISÉS CES DERNIÈRES ANNÉES 1.- L'ARTICLE 44 DE LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 1998 Le Gouvernement français a demandé au Parlement, à l'occasion du projet de loi de finances rectificative pour 1998, d'approuver deux mesures. La première visait une augmentation de 45 % des quotes-parts, qui devait se traduire, pour la France, par un apport à l'organisme de plus de 27 milliards de francs. La seconde mesure consistait à autoriser une allocation exceptionnelle de droits de tirages spéciaux représentant environ 9 milliards de francs au profit de la France. Cette allocation, destinée à tous les membres du fonds devait bénéficier, en particulier, aux pays en développement dont les avoirs en DTS sont faibles, et aux pays de l'ex-URSS, qui n'ont pu obtenir de DTS depuis leur adhésion au FMI en 1992. L'ampleur des montants en jeu, au moment où la crédibilité des institutions de Bretton-Woods était mise à mal du fait de leur rôle dans les crises, a rendu manifeste l'insuffisance de l'information de l'Assemblée sur ces sujets. Saisir le Parlement des conséquences d'une décision d'augmentation des quotes-parts, prise par le conseil d'administration du Fonds monétaire en janvier 1998, à la fin de l'année 1998 après les débats sur la loi de finances pour 1999, en ne lui laissant qu'un bref délai de réflexion, ne pouvait pas ne pas susciter de réactions. Toutes les composantes de l'Assemblée nationale se sont rejointes sur cette nécessité d'améliorer l'information du Parlement sur les institutions de Bretton-Woods. Lors de la séance du 3 décembre 1998, le Rapporteur général, M. Didier Migaud, considérait que : « Avec l'article 18 du présent projet, le Parlement est amené à autoriser l'augmentation de la quote-part de la France au FMI. Il est souhaitable que, à cette occasion, notre capacité à évaluer la politique du FMI et l'action de la France au sein de ses instances dirigeantes soit renforcée. » Notre collègue Gilles Carrez pouvait, lors de cette même séance, souligner : « Je voudrais d'ailleurs me joindre (...) au Rapporteur général pour souligner que le Gouvernement devrait avoir plus de considération pour la représentation nationale s'agissant de certaines informations. En particulier, il n'est pas normal de découvrir avec ce collectif, sans une information synthétique préalable du Gouvernement, un certain nombre d'engagements extérieurs de la France, et pour des montants importants. » Notre collègue Christian Cuvilliez rejoignait ce souci de transparence : « Quel rôle, quelle part le Parlement peut-il espérer obtenir dans la détermination de l'utilisation des DTS et de la stratégie générale de notre pays à l'égard du FMI ? L'amendement que nous examinerons tout à l'heure, qui propose un rapport annuel sur l'utilisation des fonds, constitue un progrès. Peut-être pouvons-nous aller plus loin. » De la même façon, M. Yves Cochet relevait les éléments suivants : « Que l'augmentation traditionnelle de la quote-part de la France au FMI se trouve inscrite dans un collectif budgétaire est assez inhabituel. D'ordinaire, cette procédure fait l'objet d'un projet de loi à part entière dont le rapporteur est généralement le président de la commission des finances lui-même. (...) Le FMI mérite, à notre avis, un vrai débat de fond une fois par an sur la base d'un rapport du Parlement. Le fait qu'il ne fasse l'objet que d'un simple article dans un collectif budgétaire limite forcément le temps et l'ampleur de la discussion. Notre pays ne peut pas continuer à contribuer à hauteur de 27 milliards de francs sans que nous en débattions entre nous. » Au vu de ces préoccupations, la commission des Finances a déposé un amendement tendant à imposer au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur les activités du Fonds monétaire, demande qui a été élargie à celles de la Banque mondiale, dont l'action est indissociablement liée à celle du Fonds. Le Gouvernement, par la voix de M. Christian Sautter, ministre de l'économie, s'en remettait à la sagesse de l'Assemblée considérant que : « Il est tout à fait normal que l'Assemblée nationale souhaite être informée au plus près des activités du Fonds monétaire international, particulièrement dans un contexte de crise comme celui de l'été 1997 et encore récemment, aux mois de septembre et octobre. Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie s'est attaché à répondre à toutes les questions posées par les parlementaires, dans le cadre des questions d'actualité ou dans celui de la commission des finances. Le Gouvernement est évidemment à la disposition de la commission des Finances dans ce domaine. Le Fonds monétaire international comme la Banque mondiale publient énormément d'informations. » L'article 18 du projet de loi de « collectif », appelé à devenir l'article 44 de la loi de finances rectificative n° 98-1267 du 30 décembre 1998, fut adopté en ces termes :
2.- LES RAPPORTS DU GOUVERNEMENT Sans constituer un véritable rapport sur l'activité des institutions financières internationales, le premier rapport déposé par le Gouvernement en juillet 1999 jetait les bases d'une information des parlementaires, en décrivant, dans les grandes lignes, les missions de deux organismes nés à Bretton-Woods et esquissait quelques perspectives d'évolution. Les parties consacrées aux positions françaises en tant que telles ne représentaient que quatre pages pour le FMI et cinq pages pour la Banque sur un total de quarante-sept pages. Le rapport avançait des positions qui étaient peu critiques par rapport à celles prises par le Fonds ou la Banque. Le deuxième rapport, déposé en juillet 2000, est apparu plus satisfaisant. Il présentait de manière approfondie l'évolution des activités des deux organisations. Mais, une fois encore, la position française se distinguait mal des positions prises par les organisations elles-mêmes. De nombreuses affirmations de principe n'étaient étayées par aucun exemple ou donnée statistique. De manière tacite, les politiques mises en _uvre n'étaient aucunement remises en cause ou du moins évaluées. L'idée d'une éventuelle taxe « Tobin » sur les mouvements de capitaux à court terme était rejetée sans véritable argumentation. Aucune critique n'était apportée sur l'éventuel écart qui pourrait exister entre le nouveau discours de la Banque sur la pauvreté et la réalité des changements dans ses pratiques. La participation des milieux associatifs, et en particulier des organisations non gouvernementales, n'était évoquée qu'avec parcimonie, alors même qu'une grande partie de la nouvelle rhétorique de Bretton-Woods se développait à partir de ce point. Le troisième rapport, présenté en juillet 2001, a apporté des éléments nouveaux d'information appréciables. Ainsi, est-il plus précis sur les positions françaises sur certains dossiers particuliers. Il relève certaines appréciations portées par la France qui ont pu différer de la position finale prise par le Fonds monétaire ou la Banque mondiale. Les exemples sont plus nombreux et le lien est fait avec l'action d'autres instances internationales, tel le Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI). La question de la définition d'une politique européenne au sein des institutions financières internationales est traitée de manière plus satisfaisante. Mais, la question de la coordination avec le ministère des affaires étrangères, par exemple, n'est pas posée de manière claire (sur l'action en matière de santé dans les pays en développement par exemple). Il manque toujours des tableaux complets retraçant, par dossier, la position de la France et la position prise finalement par l'institution considérée. 3.- LES RAPPORTS D'INFORMATION DE LA COMMISSION DES FINANCES Pour la première fois, en 2000, la commission des Finances a présenté un rapport d'information sur les institutions financières internationales, à partir, notamment, du rapport du Gouvernement, d'une importante série d'auditions (en France, en Allemagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis) et des travaux réalisés par le Haut Conseil de la coopération internationale (HCCI) sur cette question. Pour la deuxième fois, en 2001, un rapporteur d'information a été nommé sur ce sujet ; il devrait présenter son rapport devant la commission des Finances, le 6 décembre prochain. B.- CEPENDANT, CES PROGRÈS NE PERMETTENT PAS D'EXERCER UN CONTRÔLE SATISFAISANT 1.- LE RAPPORT D'INFORMATION NE CONSTITUE PAS LE MOYEN DE CONTRÔLE IDOINE · Un contrôle limité au Fonds monétaire international et à la Banque mondiale Certes, plusieurs députés se sont d'ores et déjà penchés sur l'une des organisations visées au-delà des seuls FMI et Banque mondiale. Tous ont dit l'importance de placer les Parlements au c_ur du contrôle de ces institutions : Gérard Fuchs et Daniel Feurtet (42), Jean-Marie Le Guen (43), Béatrice Marre (44) ou encore Jean-Claude Lefort (45). Il reste que seuls le FMI et la Banque mondiale ont fait l'objet de rapports suivis à la fois de la part du Gouvernement et de la part de la commission des Finances. Il faut noter qu'aucun rapport sénatorial n'a été consacré à cette question de manière spécifique, à l'exception d'un seul, présenté en mars 2000 par M. Philippe Marini sur La régulation financière et monétaire internationale. Puisque les trois cercles d'organisations et instances décrits ci-dessus entretiennent des relations soutenues, voire entrent en concurrence les uns avec les autres, tout rapport d'information, par nature limité dans son objet, apparaît comme réducteur et interdit de disposer d'une vision d'ensemble du système financier et économique international. · Un contrôle nécessairement limité dans le temps Ce moyen de contrôle est d'autant plus réducteur qu'il est nécessairement limité dans le temps. Or, l'actualité qui gouverne ces organisations et instances est permanente et doit faire l'objet d'un suivi régulier, sous peine de devenir vite incompréhensible, voire obsolète. Par exemple, l'évolution des crises argentine et turque exige à la fois un suivi au jour le jour et il sera utile, après leur résolution éventuelle, d'établir un bilan susceptible d'éclairer la manière dont les institutions financières internationales devront, à l'avenir, traiter de ce type de problème. Or, un rapport d'information ne peut remplir ces deux objectifs simultanément. · La disproportion des moyens Le foisonnement des informations produites par ces organisations et instances, l'accroissement de leur champ d'intervention, les moyens croissants dont elles disposent, la complexité des mécanismes qu'elles mettent en _uvre et l'extension de leur influence rendent le système du rapport d'information annuel et les moyens qui lui sont attachés peu à même d'offrir un contrôle adéquat. En l'état actuel, la direction du Trésor exerce un quasi-monopole de l'information, et ce, même si certaines organisations s'efforcent de mettre des informations en ligne sur Internet. 2.- LA RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES COMMISSIONS PERMANENTES AU REGARD DU CARACTÈRE TRANSVERSAL DE L'ACTIVITÉ DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES ET ÉCONOMIQUES INTERNATIONALES N'EST PAS SATISFAISANTE Certes, la commission des Affaires étrangères a pu, récemment, auditionner l'administrateur de la France auprès du Fonds monétaire et de la Banque mondiale sur une question précise (les conditions d'attribution de l'aide de la Banque mondiale au projet d'oléoduc entre le Tchad et le Cameroun). Mais, tout comme le domaine couvert par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, celui des institutions financières et économiques internationales présente un caractère transversal. Ainsi, par exemple, l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés possède un volet financier important (qui relèverait de la commission des Finances), mais intègre également des éléments relatifs aux relations internationales et aux questions de développement (qui seraient du ressort de la commission des Affaires étrangères). Aujourd'hui, la position française au sein des institutions financières internationales est définie dans le dialogue qu'entretiennent la direction du Trésor et le représentant de la France auprès de ces institutions. Le ministère des affaires étrangères n'est consulté que lorsque le dossier concerne un pays en situation problématique d'un point de vue politique immédiat (pays en conflit, État en crise...). Or, les enjeux des positions définies au sein de ces instances dépassent largement les limites de ce dialogue. Le Parlement serait fondé à se doter des outils lui permettant de contrôler le Gouvernement sur la manière dont ces enjeux sont pris en compte dans une stratégie globale de politique étrangère et financière internationale. Il est important d'assurer un contrôle des institutions financières et économiques internationales, et un contrôle qui doit être permanent. Il est important de ne pas laisser le pouvoir exécutif seul, et pour le cas des institutions financières internationales la direction du Trésor seule, avoir le monopole de l'information et, de fait, de la capacité d'influence. La Banque mondiale elle-même ne cesse de proclamer la nécessité d'entretenir des relations plus suivies avec les Parlements nationaux. En outre, le Fonds monétaire vient d'affecter, en septembre, au bureau de Paris un responsable des relations avec les organisations non gouvernementales et le Parlement. III.- RARES SONT LES PARLEMENTS QUI EXERCENT UN VÉRITABLE CONTRÔLE SUR LES INSTITUTIONS FINANCIÈRES INTERNATIONALES Comme de bien entendu, aucun Parlement n'exerce directement un contrôle sur les institutions financières et économiques internationales. Néanmoins, par le biais du contrôle de l'activité des ministères chargés de suivre ces questions et des représentants des États auprès du Fonds monétaire et de la Banque mondiale, le pouvoir législatif peut parvenir à suivre de manière précise la marche de ces organisations et exprimer un jugement sur celle-ci. Les Parlements européens le font peu ; le Congrès américain examine de manière plus étroite l'action du gouvernement des États-Unis dans cette matière. A.- TOUT COMME LE PARLEMENT FRANÇAIS, LES PARLEMENTS DES PRINCIPAUX PAYS EUROPÉENS N'EXERCENT QU'UN CONTRÔLE LIMITÉ SUR L'ACTION GOUVERNEMENTALE AU SEIN DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES INTERNATIONALES 1.- EN ALLEMAGNE Les interlocuteurs rencontrés en Allemagne ont confirmé que l'action du Bundestag se limite à contrôler le Gouvernement allemand. Des délégations des commissions des Finances, des Affaires étrangères et du Développement accompagnent le ministre responsable lors des conférences annuelles du Fonds monétaire et de la Banque mondiale, sur le modèle de ce qui existe, en France, pour l'assemblée générale des Nations Unies ou pour les réunions de l'Organisation mondiale du commerce. Par ailleurs, le Bundestag, dans le cadre des auditions publiques menées par ses commissions, a pu entendre le président de la Banque mondiale et le directeur général du Fonds monétaire. Mais, il n'exerce aucune espèce de contrôle sur l'éventuelle augmentation du montant des quotes-parts de l'Allemagne. Il est intéressant de relever qu'à l'occasion des négociations bancaires de Bâle, la commission des Finances a envoyé une délégation, ce qui fut à l'origine d'une résolution du Bundestag. 2.- EN ESPAGNE Il n'existe en Espagne aucun contrôle spécifique exercé par les Cortes générales sur les dotations nationales aux différentes institutions financières internationales. Le seul contrôle qui intervient est réalisé en commission budgétaire à l'occasion de l'examen des différents postes du budget général de l'État. Ultérieurement, intervient un contrôle externe de l'exécution du budget, à la charge du Tribunal des comptes, qui remet son rapport à la commission parlementaire mixte chargée des relations avec le Tribunal des comptes, qui le transmet à l'assemblée plénière. Par ailleurs, tout parlementaire peut poser des questions écrites ou orales sur le sujet. Ainsi, en réponse a une question écrite d'un député sur les dotations de l'état au Fonds monétaire international et à la Banque mondiale, le secrétaire d'état aux relations avec les Cortes a estimé, le 27 novembre 2000, que, vraisemblablement, les mobilisations populaires contre le FMI et la Banque mondiale s'expliquaient pour partie par une méconnaissance de leurs missions et fonctionnement, et qu'il était nécessaire d'établir des règles de plus grande transparence en la matière. 3.- EN ITALIE Le contrôle parlementaire de la politique du Gouvernement au sein des organisations économiques et financières internationales apparaît également quasi inexistant. Les commissions des Finances de la Chambre des Députés ou du Sénat n'ont procédé, sur ces questions, à aucune audition du ministre de l'économie et des finances ou d'un représentant de l'Italie auprès des institutions de Bretton-Woods. En revanche, selon le mode adopté par l'Assemblée nationale française dans la loi de finances rectificative de 1998, le ministre de l'économie, depuis 1977, est tenu, dans le cadre de l'examen de l'état de prévision des dépenses de son ministère, de transmettre annuellement au Parlement un rapport sur les relations entre l'Italie et le seul Fonds monétaire international. On peut relever que, lors de la campagne législative du printemps dernier, certains partis, au premier rang desquels le Parti socialiste, ont avancé l'idée d'un meilleur contrôle parlementaire des institutions monétaires et financières internationales, soit au niveau national, soit au niveau communautaire. 4.- AU ROYAUME-UNI Depuis la crise financière de 1997, la Chambre des Communes a engagé un travail approfondi de contrôle, d'information et de réflexion sur le Fonds monétaire international. Ainsi, en janvier 1999, la commission spécialisée des Finances a publié un rapport sur la gestion de la crise asiatique par le Fonds. Il était demandé au Gouvernement de produire un rapport annuel sur l'activité de ce dernier, ce qu'il fit, une première fois, en décembre 1999, et, une deuxième fois, en janvier 2001. La Commission, pour sa part, a publié un deuxième rapport sur le FMI en février 2000 et auditionné, à deux reprises, le représentant du Royaume-Uni auprès du FMI. Un troisième rapport, rendu public en mars 2001, a mis l'accent sur la nécessité de renforcer le contrôle parlementaire dans ce domaine. La Commission a jugé nécessaire d'examiner systématiquement les rapports qui seront fournis par le Bureau d'évaluation du FMI, d'inciter le Gouvernement britannique à faire pression sur le Fonds pour autoriser ses responsables à venir s'exprimer devant les Communes, d'auditionner régulièrement l'administrateur britannique. Enfin, elle a demandé au Gouvernement de rendre publics les votes du Royaume-Uni au sein du conseil d'administration de l'institution. Le suivi des activités de la Banque mondiale est assuré par la commission spécialisée du Développement international, qui s'est contentée d'effectuer une mission à New York et Washington afin de rencontrer les représentants des institutions spécialisées des Nations Unies, de la Banque et du Fonds. Aucun rapport n'a été publié sur cette question, la Commission concentrant ses travaux sur la politique européenne de développement. B.- SEUL LE CONGRÈS AMÉRICAIN CONTRÔLE DE MANIÈRE ÉTROITE LA POLITIQUE MENÉE PAR LE GOUVERNEMENT AU SEIN DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES INTERNATIONALES Un fait marquant mérite d'être souligné en préambule : c'est sous l'impulsion du Congrès américain que les États-Unis ont réduit leur quote-part au Fonds monétaire. C'est dire combien le pouvoir législatif, s'il est doté des outils adéquats, peut réellement influencer, dans ce domaine, la politique gouvernementale. Comme la plupart des Parlements étudiés, le Congrès américain a commencé de développer son contrôle sur les activités des institutions financières internationales à l'occasion de l'augmentation du montant des quotes-parts des membres du Fonds monétaire international en 1998. Ce contrôle passe par l'audition des représentants des États-Unis auprès des institutions financières internationales ; il est à noter que les membres de la sous-commission de la politique monétaire et du commerce internationaux ont dû insister fermement auprès du Trésor américain et menacer de ne pas voter les crédits considérés pour obtenir d'auditionner la représentante des États-Unis au conseil d'administration du Fonds monétaire. Il reste que les administrateurs auprès des institutions financières internationales sont très rarement entendus par le Congrès. En revanche, le ministre du Trésor ou le directeur du Trésor le sont régulièrement. Au-delà des auditions, les membres du Congrès pose de très nombreuses questions sur l'évolution des institutions financières internationales, en particulier lorsque doit intervenir le vote de crédits. S'y ajoute la possibilité d'adopter des lois liant l'administrateur américain au FMI dans ses choix, pratique qui s'est développée dans les années 1990 (au 31 octobre 2001 : 60 lois en vigueur, dont le tiers est contraignant). L'administrateur américain auprès du Fonds monétaire, comme celui auprès de la Banque mondiale, sont nommés par le Président des États-Unis mais confirmés par le Sénat. Le Trésor produit régulièrement des rapports au Congrès, sans qu'il soit guidé cependant par une obligation formelle. Il existe, par ailleurs, un membre du Trésor américain chargé spécialement des relations avec les parlementaires. De plus, le Fonds monétaire a spécialement affecté une personne au suivi des relations avec le Congrès. Enfin, le Congrès peut recourir aux services du General Accounting Office (46), qui peut lui-même, par le biais du Trésor américain, obtenir les documents ou les entretiens dont il a besoin pour répondre aux demandes des commissions parlementaires. À ce jour, l'Office a réalisé une douzaine de rapports sur les institutions financières internationales. Compte tenu des balbutiements de contrôle mis en place dans les Parlements des principaux pays européens et au regard de l'exemple des États-Unis, l'Assemblée innoverait en instituant un mécanisme particulier de suivi des activités des grandes organisations économiques et financières internationales.
IV.- DES PROPOSITIONS INNOVANTES PEUVENT ÊTRE FAITES, DANS LE CADRE DES TEXTES ACTUELS OU EN LES AMÉNAGEANT LÉGÈREMENT A.- FAUT-IL AMÉNAGER LE RÈGLEMENT DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE ? Deux dispositions réglementaires peuvent retenir l'attention. Il s'agit, en premier lieu, de l'article 36, en second lieu, de l'article 128. - L'article 36 du Règlement fait figurer parmi les compétences de la commission des Finances : · « activités financières intérieures et extérieures », · « contrôle financier des entreprises nationales ». Au titre des « activités extérieures », la compétence de la Commission sur les organismes financiers internationaux est donc assurée. Toutefois, le contrôle desdits organismes n'apparaît pas formellement dans ce texte. Sans risque de chevauchement avec d'autres compétences, mais dans un souci de mieux affirmer la nécessité d'un suivi spécifique, il serait possible de compléter cette liste en mentionnant : « contrôle des organismes financiers internationaux ». - L'article 128, alinéa 1 du Règlement, prévoit, s'agissant des projets de loi autorisant la ratification d'un traité ou l'approbation d'un accord : « il n'est pas voté sur les articles contenus dans ces actes et il ne peut être présenté d'amendement ». Cette disposition est plus stricte que celle qui prévalait sous la IVème République où l'article 69 du Règlement de l'Assemblée nationale disposait « il ne peut être présenté d'amendements à son texte » - c'est-à-dire celui du traité. Cette même possibilité est reprise par l'article 47 du Règlement du Sénat, qui indique qu'il n'est pas voté sur les articles du traité, mais seulement sur le projet de loi. Seul le règlement actuel de l'Assemblée prohibe donc, formellement, tout amendement sur le projet de loi. Toutefois, au-delà de cette restriction apparente, on voit bien mal sur quoi le droit d'amendement pourrait s'exercer : les amendements, par définition, seraient « hors du cadre » et, de ce fait, tomberaient sous le coup de l'article 98 alinéa 5 du Règlement et sous celui de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui, de manière constante depuis 1985, prohibe totalement des dispositions sans lien avec le texte en discussion. Au demeurant, la lettre de l'article 47 du Règlement du Sénat aboutit exactement au même résultat en pratique : il exclut les amendements. Ainsi, même si l'on peut s'interroger, formellement, sur la lettre de l'article 128 du Règlement, il ne paraît pas utile de modifier ce texte pour parvenir au but souhaité. B.- FAUT-IL COMPLÉTER LE RÈGLEMENT ? L'article 57 de la loi organique du 1er août 2001 dispose que la commission des Finances « suit et contrôle l'exécution des lois de finances et procède à l'évaluation de toute question relative aux finances publiques ». Cette mission de contrôle et d'évaluation, confiée notamment aux rapporteurs spéciaux, implique un pouvoir d'investigation - sur pièces et sur place - et une éventuelle levée du secret professionnel, avec, comme limites, la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l'État. On peut, à partir de la piste ainsi ouverte, envisager plusieurs hypothèses : - le Règlement de l'Assemblée pourrait, d'une manière générale, utilement être complété pour intégrer cette disposition de la loi organique, notamment s'agissant du rôle spécifique de contrôle des rapporteurs spéciaux pour l'instant mentionné au seul article 146, premier et deuxième alinéas ; - en outre, l'article 57 de la loi organique prévoit des possibilités d'audition décidées par le Président et le Rapporteur général de la commission des Finances. Ici encore, il convient peut-être, au plan général, d'adapter le Règlement et de préciser que ces pouvoirs peuvent s'exercer à la demande des rapporteurs spéciaux, dans le cadre des missions d'information et de contrôle ; - ces pouvoirs, dont le Conseil constitutionnel a admis sans réserve, dans sa décision du 25 juillet 2001, qu'ils relèvent du champ de la loi organique, ne se substituent pas aux traditionnels pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place conférés par la loi aux rapporteurs spéciaux (article 164-IV de l'ordonnance de 1959) assorti, depuis 2000, de possibilités de sanctions par amende en cas d'entrave. Ces aménagements sont mineurs. Ils viseraient à intégrer des possibilités nouvellement ouvertes par la loi organique, qui pourraient être utilisées pour contrôler les organisations financières internationales. C.- FAUT-IL CRÉER UNE STRUCTURE PERMANENTE ? Toutefois, ces pouvoirs trouvent une double limite dans le champ de compétences des rapporteurs spéciaux et dans le principe de territorialité de la loi et de compétence du Parlement français. S'agissant du contrôle des organismes financiers internationaux, cette double limite est évidente. - d'une part, c'est Bercy qui doit être contrôlé puisque c'est bien le ministre de l'Économie et la direction du Trésor qui gèrent les fonds concernés. Or, le découpage interne des compétences des rapporteurs spéciaux rend illusoire un tel contrôle : il y a un rapporteur spécial pour les affaires étrangères, un pour la coopération, un pour les comptes spéciaux du Trésor, un pour les crédits de l'économie, des finances et de l'industrie : lequel est compétent ? Le problème pourrait être résolu par la nomination d'un rapporteur spécial chargé des relations financières internationales, mais cette compétence heurterait alors celle d'autres rapporteurs spéciaux ; - d'autre part, les pouvoirs des rapporteurs spéciaux sont territorialement limités : on voit mal ce qui obligerait des fonctionnaires étrangers à répondre à un parlementaire français sur la gestion de crédits internationaux, si ce n'est la courtoisie. Seuls donc, les crédits inscrits en loi de finances peuvent donner lieu à un contrôle strictement budgétaire. Or, l'activité internationale doit dépasser un tel cadre. Si cette limite territoriale est évidente, elle ne doit donc pas, pour autant, dissuader le Parlement d'exercer un contrôle pour l'instant largement inexistant. Celui-ci se fait par le biais d'un rapport d'information annuel, à partir du rapport déposé par le Gouvernement en application de l'article 44 de la loi de finances rectificative de 1998. Ce texte dispose que le Gouvernement doit remettre, au plus tard au 30 juin de chaque année, un rapport présentant l'activité du FMI, de la Banque mondiale, les décisions de leurs instances dirigeantes, les positions du gouvernement français en leur sein et l'ensemble des opérations financières entre la France et ces organisations. C'est à partir de ce document que, depuis deux ans, la commission des finances désigne un rapporteur d'information. Concrètement, cela aboutit à un débat, en commission, portant sur le rapport du Gouvernement. Ce contrôle a, certes, le mérite d'exister, mais il est triplement insuffisant : - d'abord il n'est pas permanent : il s'exerce dans le cadre d'une mission d'information, par nature précaire puisqu'elle s'achève avec la publication du rapport ; - ensuite le rapporteur désigné n'a pas de réels pouvoirs, sa mission individuelle relevant de l'article 145 du Règlement ; - enfin, l'exercice consistant à faire un rapport sur le rapport du Gouvernement est, fatalement, limité : il s'agit d'analyser à partir d'une source unique d'information dont le contenu dépend uniquement des rédacteurs. La diversification de cette source passe donc par la nécessité de procéder à des auditions et de rechercher l'appui d'organismes étatiques ou non (HCCI), seul moyen de valoriser ce travail. On peut donc envisager plusieurs formules possibles pour développer le contrôle : - la première consisterait à désigner chaque année un rapporteur spécial spécifiquement chargé du secteur. Elle présente l'avantage de conduire à un rapport annuel, qui se distinguerait de celui du Gouvernement et à l'intervention du rapporteur spécial avec les pouvoirs habituels de celui-ci (questionnaires, pouvoirs de contrôle, débats parlementaires...). Elle fonctionne bien s'agissant du prélèvement européen qui, cependant, donne lieu à un vote « d'autorisation » en première partie de la loi de finances de l'année. Elle présente l'inconvénient de limiter le contrôle aux seuls crédits budgétaires et, on l'a dit, d'empiéter sur les compétences d'autres rapporteurs spéciaux, voire de rapporteurs pour avis. En outre, elle implique une dilution du rapport en cause (un rapport spécial de plus...). Ce contrôle, par ailleurs, est restreint dans le cadre de l'annualité budgétaire, cadre contraignant. En outre, s'il n'y avait pas une mission ou un programme spécifique, le contrôle ne porterait que sur des crédits très épars sauf à faire voter un article d'autorisation annuelle. En tout état de cause, il convient de dépasser le simple cadre budgétaire. - la deuxième consisterait à créer une délégation permanente, qui ne serait donc plus liée à l'annualité budgétaire. La formule est éprouvée, et présente l'intérêt d'assurer un suivi permanent et collectif d'un sujet par l'Assemblée. Elle présente aussi l'intérêt de valoriser le sujet en cause. Toutefois, cette solution présente, elle aussi, des inconvénients lourds. Il faut constater que nombre de ces structures, une fois créées, n'ont qu'une existence formelle et que leur absence d'activité témoigne d'une perte d'intérêt progressive de la part des parlementaires. Comment ne pas citer, à cet égard, la délégation pour la planification, créée par l'article 2 de la loi du 29 juillet 1982, rituellement constituée au début de la législature et qui ne s'est jamais réunie à l'Assemblée ni pendant la Xeme, ni pendant la XIeme législature ? Quel intérêt ? Le caractère collectif des structures en cause, leur existence dans les deux assemblées, leur lourdeur procédurale ne sont pas non plus les plus adaptés à l'objectif recherché : celui d'un contrôle souple mais permanent et étendu. - a fortiori, ces inconvénients se retrouvent si l'on envisage un office parlementaire mixte - alors que l'office d'évaluation des politiques publiques a été supprimé par l'article 94 de la loi de finances initiale pour 2001 et que l'office d'évaluation de la législation, créé par la loi du 14 juin 1996 est au point mort. Un tel organisme implique en effet l'accord du Sénat et un fonctionnement mixte. La lourdeur de la structure qui, elle aussi, implique un dispositif législatif doit être relevée. Ces inconvénients rendent cette solution inadaptée au contrôle d'une activité internationale. - la quatrième possibilité consisterait à innover : à problème inédit, au regard du droit parlementaire, solution innovante. La loi organique ouvre, par le biais des missions de contrôle et d'évaluation, la possibilité d'assurer une structure permanente de contrôle collectif ou individuel, propre à l'Assemblée nationale. Ceci présente l'avantage de contourner les inconvénients liés à la lourdeur d'un office ou d'une délégation, la mise en place de cette structure ne dépend que de sa création par la commission des Finances. Un de ses membres devrait être doté des pouvoirs de contrôle visés à l'article 57 de la loi organique. Cette mission pourrait assurer un contrôle suivi, qui servirait de base à un débat régulier sur cette question - en commission ou à l'Assemblée. Ce caractère systématique du contrôle permettrait aussi de le rendre plus précis en mesurant l'impact des dépenses publiques, comme le prévoit d'ailleurs la loi organique du 1er août 2001. C'est la tendance développée par la MEC qui, à cet égard, est la plus concrète : à partir de propositions très ciblées, et d'un fonctionnement qui dépasse les clivages politiques traditionnels (co-présidence d'un député de la majorité et d'un de l'opposition, choix des rapporteurs, précision des thèmes retenus, audition d'acteurs administratifs plus que d'autorités politiques, assistance de la Cour des comptes...) et les séparations entre commissions (association des rapporteurs pour avis), les MEC font un travail d'expertise, de propositions et de suivi. Compte tenu des enjeux que représente le contrôle des organisations financières internationales, le contrôle en cause devrait, à l'inverse de ce qui se passe pour la MEC où l'on choisit trois à quatre thèmes par an, être institué pour la durée de la législature, et permettre d'effectuer des travaux sur un rythme plus serré que l'année. En tout cas le fonctionnement de cette structure doit être pensé de manière à ce que le contrôle ne soit pas « noyé » dans le contrôle budgétaire : il faut qu'il s'appuie sur celui-ci mais qu'il le dépasse. En toute hypothèse, on ne peut pas se contenter d'un contrôle sporadique et d'un simple rapport d'information annuel. D.- FAUT-IL ARTICULER CE CONTRÔLE AVEC UN CONTRÔLE BUDGÉTAIRE ? Même si le contrôle doit être conçu sur une base plus large, il faut cependant qu'il puisse s'articuler avec un meilleur contrôle budgétaire. Or l'éparpillement actuel des crédits et leur inscription n'ouvrent pas la possibilité d'un débat dans la loi de finances. Il paraît possible : - de grouper l'ensemble des fonds en cause, s'agissant de Bercy, dans un compte spécial unique à partir de 2005, date d'entrée en vigueur de la loi organique ; si le Gouvernement ne le fait pas, les amendements parlementaires pourront y procéder en application de l'article 47 de la loi organique du 1er août 2001, relative aux lois de finances ; - de désigner un rapporteur spécial pour ce seul compte ; - d'intégrer ce rapporteur spécial dans une mission de contrôle pluriannuelle associant ses collègues concernés et les rapporteurs pour avis ; - de doter cette structure de moyens budgétaires propres, ce qui n'est pas le cas de la MEC. Ainsi, le débat budgétaire de deuxième partie serait-il l'occasion d'un contrôle annuel, qui pourrait être englobé dans une mission de contrôle plus vaste, et les pouvoirs du rapporteur spécial concerné joueraient aussi bien s'agissant du budget que d'une manière extensive, tout au long de l'année. Si l'on retient l'idée que ce contrôle - pour son volet budgétaire - trouve sa place en deuxième partie alors que le débat sur le prélèvement au profit des communautés européennes a lieu en première partie, c'est parce que ce dernier est un prélèvement sur recettes - désormais identifié par la loi organique - ce qui n'est pas le cas de la quote-part de la France au FMI. Compte tenu des enjeux que représentent les organisations financières internationales, le contrôle en cause devrait, à l'inverse de ce qui se passe pour la MEC où l'on choisit trois à quatre thèmes par an, être institué pour la durée de la législature, et permettre d'effectuer des travaux sur un rythme plus serré que l'année. En tout cas le fonctionnement de cette structure doit être pensé de manière à ce que le contrôle ne soit pas « noyé » dans le contrôle budgétaire : il faut qu'il s'appuie sur celui-ci mais qu'il le dépasse. En toute hypothèse, on ne peut pas se contenter d'un contrôle sporadique tel qu'il est pratiqué sur d'autres sujets, comme la lutte contre le blanchiment de capitaux - qui donne lieu à une mission d'information commune, laquelle n'a pas de pouvoirs d'enquête sur pièces et sur place et s'intéresse à des pays successifs. Il ne s'agit pas seulement de publier des rapports, mais au contraire d'assurer un suivi permanent de l'ensemble des activités des organisations financières internationales. Il est indispensable que soit mise en place très rapidement une structure permanente de contrôle français de l'activité des organisations économiques et financières internationales. Au terme de notre analyse, nous retiendrons quatre idées : - cette structure doit être dotée de moyens propres, notamment budgétaires, internes à l'Assemblée ; - elle doit inclure le ou les Rapporteurs budgétaires concernés, notamment le Rapporteur spécial, doté de pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place. Elle doit dépasser une simple composition « budgétaire » parce que son approche dépasse largement les questions budgétaires ; - il doit y avoir, soit à partir du rapport du Gouvernement, soit à l'occasion des débats budgétaires (soit... les deux), un débat public organisé à l'Assemblée annuellement sur cette question ; - si, sur le plan théorique, le choix de la délégation parlementaire est sans doute la meilleure formule possible, sa mise en _uvre et la lourdeur de son fonctionnement ne permettent pas de la retenir, du moins dans un premier temps. Votre Rapporteur propose que soit retenue une solution sui generis plus souple, consistant à créer une mission permanente d'information et de contrôle de l'Assemblée nationale, dotée de moyens administratifs et financiers propres. Elle assurerait le suivi des activités des institutions économiques et financières internationales. Elle permettrait ainsi aux députés d'être informés sur les grands débats qui agitent ces institutions. Elle apporterait sa contribution au travail de réflexion nécessaire sur leurs missions, leurs objectifs et leurs moyens. L'activité de contrôle donnerait lieu à des rapports et alimenterait les débats parlementaires. Les propositions qui seront arrêtées devront tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel du 6 juin 1990 sur les missions d'information de l'Assemblée nationale. LISTE DES ANNEXES
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 1.- ORGANISATIONS INTERNATIONALES · M. Flemming LARSEN, directeur du bureau européen du Fonds monétaire international · M. Gilles HERVIO, chef de l'unité « Coopération économique et relations avec les institutions de Bretton-Woods », Commission européenne, direction générale du développement 2.- FRANCE · M. Jacques MISTRAL, conseiller spécial du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie · M. Jean-Pierre JOUYET, directeur du Trésor au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie · M. Bruno BEZARD, ancien sous-directeur à la direction du Trésor du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie · M. Pierre DUQUESNE, administrateur de la France à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international · M. Pierre JACQUET, membre du Conseil d'analyse économique, directeur adjoint de l'IFRI · M. Christian BOISSIEU, économiste · M. Carlos QUENAN, économiste à la Caisse des dépôts et consignations, professeur à l'Institut des Hautes Études de l'Amérique Latine 3.- ALLEMAGNE · M. Jörg-Otto SPILLER, membre de la commission des Finances du Bundestag · M. Norbert SCHINDLER, membre de la commission des Finances du Bundestag · M. Jean-Pierre LABOUREIX, conseiller financier à l'ambassade de France à Berlin · M. Hervé de VILLEROCHÉ, attaché financier à l'ambassade de France à Berlin 4.- ÉTATS-UNIS · M. Bernard SANDER, membre de la sous-commission en charge de la politique monétaire et du commerce internationaux de la Chambre des Représentants · M. Dan O'GRADY, collaborateur de M. Bernard SANDER · M. Randal QUARLES, Administrateur des États-Unis au Fonds monétaire international · M. Timothy KEELER, membre du Trésor américain · Mme Susan WESTIN, directrice pour les affaires et le commerce internationaux au General Accounting Office du Congrès des États-Unis · M. Thomas MELITO, adjoint de la directrice pour les affaires et le commerce internationaux au General Accounting Office du Congrès des États-Unis · M. Robert RUSSEL, responsable de la direction des relations extérieures du Fonds monétaire international · Mme Kristin ROESSER, membre de la direction des relations extérieures du Fonds monétaire international 5.- NOUVELLE-ZÉLANDE · M. Peter ADAMS, directeur du développement et de la coopération au ministère des affaires étrangères et du commerce · Mme Sarah CRAIG, collaboratrice du directeur du développement et de la coopération au ministère des affaires étrangères et du commerce · Mme Rebekah RILEY, collaboratrice du directeur du développement et de la coopération au ministère des affaires étrangères et du commerce · M. Peter MARTIN, directeur des affaires Internationales du Trésor · M. Julian KERSEY, administrateur à la commission des finances du Parlement 6.- ROYAUME-UNI · M. Michael FALLON, membre de la Commission du Trésor de la Chambre des Communes · M. Jean-Pierre LANDAU, conseiller financier à l'ambassade de France à Londres LETTRE DE M. LAURENT FABIUS, MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, (8 janvier 2001) CONTRIBUTION Le troisième rapport du Gouvernement au Parlement sur les activités du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale et les positions françaises au sein de ces institutions s'avère plus riche, plus ample et plus complet que les deux premières versions qui l'ont précédé. Sollicité par la commission des Finances de l'Assemblée nationale, le Haut Conseil de la coopération internationale a, pour la deuxième fois, collaboré avec celle-ci à une analyse de ce rapport. Il en est résulté une contribution qui comporte des recommandations et qui est accompagnée d'un document d'information. Celui-ci comprend une note de lecture du rapport du Gouvernement, les comptes rendus d'audition de plusieurs personnalités et des synthèses des travaux d'analyse conduits sur les crises survenues en Indonésie et en Argentine, ainsi que sur les cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté, auxquels le Haut Conseil a procédés dans le cadre de la préparation de la contribution. Il reprend aussi la liste des propositions faites en décembre 2000 par M. Yves Tavernier, député, vice-président de la commission des Finances et membre du HCCI, dans son rapport d'information sur le Fonds monétaire international et la Banque mondiale : le rapport du Gouvernement évoque plusieurs d'entre elles. Dans la perspective de l'amélioration du contrôle des activités des institutions de Bretton-Woods, le Haut Conseil de la coopération internationale apporte son soutien au rapport présenté par l'un de ses membres, M. Yves Tavernier, au Président de l'Assemblée nationale en vue de créer une mission permanente de l'Assemblée chargée de ce suivi. Si, d'une manière générale, depuis quelques années les institutions de Bretton-Woods ont tenté d'améliorer leur communication externe, d'expliquer leurs positions et de tenir un plus grand compte de leur environnement et des critiques qui s'y expriment, il demeure qu'elles sont confrontées à une crise de légitimité. D'abord au sens où leurs procédures internes et leurs modes de fonctionnement ne garantissent pas une prise en compte de tous les intérêts en cause, alors que, dans le même temps, leurs mandats ne cessent de s'étendre. Ensuite au sens des résultats de leurs politiques car, malgré cette extension de facto de leurs missions, la pertinence des mesures qu'elles préconisent, et que souvent elles imposent, est sujette à discussion. À ces différents titres, le Haut Conseil de la coopération internationale ne peut souscrire à l'ensemble des appréciations contenues dans le rapport du Gouvernement au Parlement sur les activités des institutions de Bretton-Woods. La légitimité du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale peut s'apprécier à trois niveaux : celui de leur action en faveur de la stabilité, celui de leur rôle dans le financement du développement, celui de leur gouvernance. I. L'action des institutions de Bretton-Woods pour promouvoir la stabilité internationale, pour importante qu'elle soit, souffre encore de graves insuffisances 1. Les efforts de prévention des crises financières restent partiels Les institutions de Bretton-Woods, particulièrement le Fonds monétaire international, jouent un rôle de définition de régulations, de mise en _uvre de normes et de consolidation des secteurs financiers de leurs pays membres dont on ne saurait nier l'intérêt. Toutefois, la manière dont ces actions de prévention sont conçues l'est à travers un biais : ce sont toujours les pays débiteurs, c'est-à-dire pauvres, en transition ou émergents, qui sont visés. Il est plus rarement question des pays développés eux-mêmes. Or, les pays développés jouent également un rôle non négligeable dans le déclenchement des crises. Le fonctionnement de leurs économies forme l'environnement économique et financier des autres pays de la planète. L'évolution des taux de croissance, des taux de change et des taux d'intérêt réels dans les pays développés ont des conséquences lourdes sur les autres. Pourtant, la stabilisation des changes entre les trois monnaies de la « triade », les pressions que les problèmes du financement des économies des pays développés sont susceptibles d'exercer sur les marchés de capitaux et les taux d'intérêt, et donc sur le service de la dette des débiteurs, l'effet d'une croissance non soutenue sur les cours des matières premières, sont des questions très peu considérées par les IFI comme facteurs structurants pour les économies des pays en développement. Toutefois, la constitution de la zone euro marque un progrès en termes de stabilité. Le Haut Conseil de la coopération internationale préconise donc un renforcement de la surveillance multilatérale des économies des pays développés et un investissement des institutions de Bretton-Woods, particulièrement le FMI, dans une réflexion sur les éléments structurants des mouvements de capitaux et de change, en vue d'identifier les recommandations à présenter à leurs actionnaires. 2. Les conséquences de la volatilité des mouvements de capitaux sont plus ou moins Au cours des années 90, en même temps que la libéralisation des mouvements internationaux de capitaux s'accentuait, leur volatilité s'est développée et avec elle la fréquence des crises. De plus, les entrées de capitaux ont pu avoir des effets pervers dans un certain nombre de pays, soit que les secteurs financiers étaient insuffisamment régulés pour que cela se fasse en toute sécurité, soit parce qu'elles créaient des « bulles » financières entraînant un accroissement de la consommation et des difficultés de balance de paiement. Le Haut Conseil de la coopération internationale est d'avis qu'une plus grande attention devrait être portée aux moyens de lutter contre la volatilité des mouvements de capitaux. Ceci passe nécessairement par une grande prudence dans l'ouverture du compte de capital des pays en développement, en particulier en tenant compte de la solidité de leur secteur financier et de sa capacité à se réguler, mais également par des mesures plus restrictives des mouvements de capitaux courts, au moyen d'une taxation portant sur les flux financiers, de l'imposition de réserves et de règles plus contraignantes en matière de congruence monétaire, etc. 3. Le traitement multilatéral de certaines crises a révélé des dysfonctionnements La façon dont plusieurs crises récentes ont été traitées par les institutions multilatérales amène à s'interroger sur la valeur de leurs préconisations. Ainsi, alors que la crise asiatique était due en grande partie aux facteurs de vulnérabilité du secteur privé, le FMI a continué de recommander et d'imposer des mesures d'ajustement macroéconomiques, notamment en ce qui concerne le resserrement des budgets des États et le relèvement des taux d'intérêt. Ces décisions ont eu des conséquences graves sur le plan social, tout particulièrement dans le cas de l'Indonésie où la pauvreté s'est sensiblement accentuée. Dans le cas de l'Argentine, la politique de change suggérée aux autorités de ce pays, qui pouvait se comprendre par l'historique d'hyper-inflation, a créé une situation intenable lorsque le dollar s'est apprécié. Si d'autres facteurs ont joué, il n'en demeure pas moins que cette politique de change a eu et a encore des conséquences graves sur la situation du pays. Enfin, il faut relever l'incohérence qu'il y a eu, dans le cas de la Corée du Sud, à mobiliser deux banques multilatérales de développement dont ce n'était pas le mandat pour boucler un sauvetage financier. En effet, ce n'est pas normalement le rôle de telles institutions financières, en principe dédiées au développement, que de participer à de telles opérations, au profit d'un pays membre de l'OCDE qui plus est. Et on ne peut manquer de s'interroger sur la pertinence du rôle qu'on a fait et qu'on voudrait faire jouer au FMI en tant que prêteur de dernier ressort. Le Haut Conseil de la coopération internationale considère que le caractère répété des crises financières internationales appelle une réflexion sur les instruments et les institutions mobilisées en pareilles circonstances. D'abord, une beaucoup plus grande attention doit être apportée aux aspects sociaux dans le traitement des crises : ils doivent être traités à parité avec les aspects économiques et financiers, dans le respect du principe de « sanctuarisation des dépenses sociales » préconisé à juste titre par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie lui-même. Ensuite, le mandat des institutions doit être respecté. Concernant le rôle du FMI comme prêteur de dernier ressort, il apparaît qu'il n'a pas les moyens de l'assumer seul. Cette fonction devrait être exercée par plusieurs instances financières en fonction de la nature des crises, comme par exemple les banques centrales, dont c'est l'une des missions, ou dans le cadre d'accords entre ces banques. Sur le traitement des crises, il conviendrait qu'une évaluation externe indépendante et scientifique soit organisée, notamment pour identifier les dysfonctionnements qui ont pu se manifester et faire des propositions. II. Le financement du développement par les institutions de Bretton-Woods doit être renforcé 1. Les modalités de traitement de la dette des pays en développement restent très Le rôle des institutions de Bretton-Woods en matière de traitement de la dette concerne essentiellement la mise en _uvre de l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés, dite initiative PPTE. Les modalités de cette initiative sont très critiquables. Les critères de soutenabilité de la dette qui ont été retenus aboutissent, d'une part, à laisser hors de son champ un certain nombre de pays pauvres, d'autre part, à considérer comme soutenables des dettes qui ne le sont pas. Par ailleurs, la rigueur du mécanisme a conduit certains États qui auraient pu en bénéficier à y renoncer. Ainsi, le Bengladesh, qui est classé parmi les pays les moins avancés mais n'a pas souhaité être retenu dans le cadre de l'initiative, affecte au paiement de sa dette extérieure autant de ressources budgétaires qu'au secteur de la santé, alors que 57 % de la population n'a pas accès à l'assainissement et qu'il compte 60 % d'illettrés. Par ailleurs, la conjoncture économique mondiale actuelle conduit à douter que les perspectives de croissance et d'exportation, qui sont à la base de l'appréciation de la soutenabilité de la dette, se vérifient. Ceci risque de se traduire par un endettement toujours sinon plus insupportable pour ces pays. Il est également à craindre que la seule affectation autorisée des moyens libérés aux secteurs de la santé et de l'éducation ne suffise pas à réduire la pauvreté. Enfin, les conditions d'éligibilité à l'initiative sont à bien des égards abusives et excessivement rigides. Le Haut Conseil de la coopération internationale estime que les modalités d'annulation de la dette des pays pauvres doivent faire l'objet d'une révision substantielle, dans le sens d'une annulation réelle de la dette qui préserve leur accès aux marchés financiers. Un tel effort incombe aux bailleurs de fonds bilatéraux, auxquels il appartient de préserver l'intégrité financière des institutions multilatérales. Il convient aussi qu'à l'avenir, les pratiques d'aide ne conduisent pas, à nouveau, à un endettement excessif, et donc que les instruments soient adaptés en conséquence : le financement des dépenses dites à caractère social, incluant non seulement la santé et l'éducation, mais aussi l'assainissement et l'adduction d'eau, doit désormais se faire par don. Il doit en aller de même pour le financement de la lutte contre le SIDA. Dans ce domaine, la France devrait faire jouer les synergies avec la Banque mondiale en l'incitant à rendre accessibles les prix des médicaments dans les pays en développement et en promouvant l'usage des médicaments génériques. Enfin, l'évaluation en continu de la mise en _uvre de l'initiative d'annulation de la dette doit s'accompagner d'un suivi non seulement de l'affectation des ressources budgétaires dégagées sur le service de la dette, mais aussi de l'évolution des indicateurs sociaux, à un niveau suffisamment fin pour permettre que cela s'effectue dans des conditions équitables sur les plans géographique et humain. Il demeure que cette initiative ne peut être considérée comme un substitut à l'aide au développement, qui nécessite d'être revalorisée. En outre, le HCCI préconise l'établissement d'une procédure d'arbitrage en matière de traitement de la dette à l'échelle internationale pour statuer sur les réclamations relatives à des fonds n'ayant pas servi au développement ou ayant contribué à soutenir des régimes anti-démocratiques ou corrompus. Il considère que le caractère insupportable de la dette relève de la responsabilité autant des débiteurs que des créanciers. 2. Les cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté sont largement perfectibles Destinés à assurer la mise en _uvre de l'initiative d'annulation de la dette, les CSLP restent marqués par plusieurs insuffisances. Sur le fond, il est difficile de considérer ces documents, définis en général pour des périodes de trois ans, comme constituant de véritables stratégies de développement. Il y aurait lieu, à cet égard, d'aider les pays à engager une véritable réflexion stratégique au niveau macroéconomique, qui aille au-delà de la seule lutte contre la pauvreté. En tout état de cause, le fait que ce soit le FMI ou la Banque qui pilote ces exercices - dans des conditions parfois assez désinvoltes, comme on l'a vu au Niger, où le plan de développement à long terme élaboré par les autorités a été considéré par le Fonds comme nul et non avenu - pose un problème. D'autant que le FMI, qui agit essentiellement par le biais du soutien à la balance des paiements, est centré sur des considérations de court-moyen terme. Sur le plan de la participation, si des efforts ont été faits pour associer les sociétés civiles, cette concertation reste encore trop rare et trop symbolique pour pouvoir être considérée comme réelle. Plus d'une fois, aussi, des gouvernements, comme celui de Tanzanie, pressés par les institutions multilatérales de produire un document, ont été conduits à négliger cet aspect du travail d'élaboration des CSLP, nuisant ainsi à l'appropriation et à la responsabilisation. Le Haut Conseil de la coopération internationale considère que l'élaboration des CSLP et des documents de stratégie de manière générale relève au premier chef des pays concernés, selon les modalités et les formes dont ils décident. Dans le cadre de la préparation de ces documents, les bailleurs de fonds, en particulier multilatéraux, doivent prendre leurs dispositions pour laisser à ces processus de réflexion et de consultation le temps de mûrir, de manière à ce que les Parlements et les sociétés civiles y soient pleinement associés et se les approprient. De leur côté, les bailleurs devraient s'assurer que les aspects sociaux, en particulier en termes d'accès aux services de base, font partie intégrante des stratégies définies. III. La gouvernance des institutions de Bretton-Woods a encore à s'améliorer dans de nombreux domaines 1. Les institutions de Bretton-Woods doivent changer leur façon d'aborder les pays Au-delà de la procédure de préparation des CSLP, le FMI et la Banque mondiale ont à l'égard des pays en développement, surtout les plus pauvres et les moins bien dotés en capacités institutionnelles et en expertise en général, un comportement de nature à fragiliser les tissus politiques et les processus démocratiques, ne laissant pas le temps aux consensus de se former et aux concertations de s'opérer. De plus, comme les questions sociales ne font pas partie, en principe, de leur mandat, celles-ci sont souvent maltraitées quand ce n'est pas ignorées. C'est ainsi que les politiques d'ajustement structurel, qui n'ont pas vraiment consolidé la croissance dans la plupart des pays, particulièrement les plus pauvres, ont eu des conséquences sévères pour les groupes vulnérables de la population. Le Haut Conseil de la coopération internationale est d'avis que les questions de développement relèvent d'une approche globale, c'est-à-dire incluant tous les aspects, y compris les aspects sociaux, les initiatives prises dans ce domaine jusqu'à présent, notamment le Cadre de développement intégré, ne s'étant pas traduites sur le terrain. Une telle approche est pourtant une condition de la bonne gouvernance, de l'efficacité de l'aide et de l'équité sur le plan social. 2. Le fonctionnement interne de ces institutions n'est pas satisfaisant D'une manière générale, bien qu'ils excipent des limitations de leurs mandats pour expliquer le non-traitement des questions sociales dans les politiques d'ajustement, le FMI et plus encore la Banque mondiale investissent des domaines toujours plus vastes au nom de l'efficacité du développement. Dans les situations de crise, la confusion entre les institutions tend à s'accroître, de même qu'avec les autres institutions financières que sont les banques régionales de développement. Cette dérive est d'autant plus préoccupante qu'en tant qu'agences de coopération inter-gouvernementales elles ne sont pas dotées de structures politiques démocratiques. La place des pays pauvres ou en développement y est très réduite. Elles apparaissent donc, à maints égards, comme des systèmes technocratiques, face auxquels les gouvernements et même les conseils d'administration (dont certains membres se considèrent plus comme représentants de l'institution que de leurs gouvernements) sont passablement désarmés. Le Haut Conseil de la coopération internationale considère qu'il doit être mis un terme à cette dérive technocratique. Il préconise que les mandats de ces institutions soient spécifiés de manière claire : la responsabilité du développement doit incomber à la Banque mondiale tandis que le FMI doit traiter essentiellement les questions relatives à l'équilibre de la balance des paiements. En termes de représentation, et tout en préservant leur intégrité financière et leur capacité d'accès aux marchés et de mobilisation des ressources, il convient de prévoir des mécanismes assurant une meilleure représentation des pays en développement dans leurs organes dirigeants. Ceci pourrait se faire en changeant la composition des deux comités qui encadrent les institutions de Bretton-Woods, le Comité monétaire et financier international et le Comité de développement, et en leur conférant un rôle véritablement d'orientation politique, sans attendre les discussions sur une modification de la composition des conseils d'administration. Par ailleurs, le FMI et la Banque mondiale devraient être dotés de mécanismes institutionnels assurant un contrôle par les Parlements nationaux et des négociations régulières avec les organisations des sociétés civiles. Ceci doit aussi s'accompagner d'une plus grande transparence et d'une publicité de toutes leurs décisions. Enfin, le HCCI estime que les efforts visant à l'expression d'une identité européenne dans ces deux institutions doivent être poursuivis et étendus. Un plus fort volontarisme politique est attendu de la part du gouvernement français en raison des résistances passives qui entravent ce processus. 3. Les activités des institutions de Bretton-Woods doivent être encadrées sur le plan La logique des institutions internationales est de s'en tenir à leurs mandats. Cette doctrine, fondée au plan du droit des organisations internationales, aboutit à cette situation paradoxale que les institutions financières internationales seront bientôt le dernier endroit au monde où les droits de l'homme sont ignorés, sur le plan juridique, alors que tous leurs États membres ou actionnaires ont ratifié les instruments internationaux en vigueur dans ce domaine. Cette situation est d'autant plus préoccupante que le Comité des droits de l'homme, qui siège à Genève dans le cadre du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, relève régulièrement, dans ses revues par pays, le non-respect de ces droits dans un certain nombre de politiques économiques conduites par leurs gouvernements. Ceci vise, d'ailleurs, plus particulièrement, les politiques d'ajustement structurel. Le Haut Conseil de la coopération internationale souhaite qu'une réflexion soit engagée sur les voies et moyens permettant d'assurer le respect des droits de l'homme dans les politiques de développement, c'est-à-dire les droits civils et politiques ainsi que les droits économiques, sociaux et culturels, tels qu'ils résultent des deux pactes de 1966 qui sont des traités internationaux liant leurs signataires. Comme première étape vers la mise en place d'instances de recours contre leurs décisions et dans la mesure où les deux institutions de Bretton-Woods estiment difficile d'intégrer officiellement les droits de l'homme dans leurs opérations, pour des raisons tenant à la fois à leurs statuts et à leurs compétences, le Haut Conseil recommande que le Haut-Commissariat aux droits de l'homme ait le statut d'observateur auprès du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, par analogie au statut de l'OIT auprès de l'OMC (ainsi que l'a rappelé récemment le secrétaire d'État au commerce extérieur). RELÈVE DE LA GARDE AU FMI Par Joseph E. STIGLITZ, Prix Nobel d'économie (Les Échos du 18 juin 2001) Le départ de Stanley Fischer du FMI marque la fin d'une époque. Tous ceux qui ont dirigé cette institution pendant les crises mondiales de 1997-1998 (le directeur général, Michel Camdessus, son directeur général adjoint, Stanley Fischer, le chef économiste, Michael Mussa ainsi que les deux hommes qui tiraient les ficelles dans les coulisses depuis le ministère des Finances américain, Robert Rubin et Larry Summers) sont partis ou sur le point de partir. Les échecs de 1997 en Indonésie, en Thaïlande et en Corée furent suivis par d'autres échecs l'année suivante, en Russie et au Brésil : dans tous ces cas, les tentatives de maintien de taux de change surévalués ont appauvri les contribuables de ces pays de quelques milliards de dollars. La préservation des taux de change a cependant offert les délais indispensables aux classes fortunées pour s'en sortir de manière plus favorable. Seule la dévaluation a rétabli la croissance dans ces pays. La crédibilité du FMI s'en est trouvée affectée. Et pourtant il s'est débattu pour trouver des solutions, avec à chaque fois de moins en moins de succès. Les crises de cette année en Turquie et en Argentine ont apporté la goutte qui a fait déborder le vase. L'Argentine, longtemps considérée comme le bon élève du FMI, était louée par exemple pour avoir fait baisser l'inflation et stabilisé ses taux de change. Dans ce brouillard de louanges, le FMI ignora le fait que le taux de croissance argentin était stagnant et qu'un taux de chômage à deux chiffres avait persisté durant cinq ans. À la suite de ces échecs, un consensus mondial a émergé sur la mauvaise gestion de la crise financière mondiale et sur la nécessité de réformer l'architecture de l'économie mondiale. Il ne reste plus maintenant qu'à trouver un consensus sur la démarche à adopter. Le FMI semble avoir appris beaucoup de ses erreurs, d'un point de vue théorique en tout cas. Il admet maintenant que la libéralisation du marché qu'il a imposée partout dans le monde est à l'origine d'instabilités importantes. Il reconnaît également qu'il a mené des politiques excessivement contradictoires en Asie de l'Est. Cependant le FMI doit encore se demander pourquoi ces erreurs se sont produites. Il doit aussi s'inspirer, dans sa pratique, de ses nouvelles théories. La prochaine équipe du FMI devra réfléchir aux questions suivantes. L'économie n'est pas une idéologie mais l'utilisation pratique de la théorie et des informations. Quels sont les faits qui, par exemple, soutenaient l'idée que la libéralisation des marchés des pays pauvres apporterait une croissance plus rapide ? Quels sont les faits qui suggéraient que des taux d'intérêt élevés, dans les économies accablées de dettes à cours terme, aideraient à la stabilisation des taux de change ? Avant d'imposer des politiques aux conséquences dévastatrices, des preuves irréfutables doivent démontrer que ces politiques seront efficaces. Il faut s'astreindre ensuite à une plus grande cohérence intellectuelle. Pourquoi clamer que l'État ne doit pas intervenir pour contrôler les marchés, en affirmant que les marchés fonctionnent bien, et pourtant intervenir sur les marchés monétaires ? Les réformes économiques seront peut-être douloureuses, mais les difficultés que les plus démunis devront supporter pourront être réduites. Pourquoi y eut-il des milliards de dollars disponibles pour renflouer les banques, alors que quelques millions de dollars de subvention en nourriture et carburant ne pouvaient être dégagés pour les Indonésiens les plus démunis ? Comment se fait-il que quelques oligarques aient pu saigner la Russie de milliards de dollars grâce à des cadeaux de l'État, sous couvert de plans de privatisation encouragés par le FMI, alors qu'il n'y avait pas assez d'argent pour payer les misérables retraites des personnes âgées ? Le FMI, que cela lui plaise ou non, est une institution publique - malgré son discours d'entreprise. Dans le monde du FMI, les pays membres sont considérés comme des actionnaires. Mais les politiques du FMI affectent des vies et des économies de manière beaucoup plus profonde que n'importe quelle autre entreprise. En tant qu'institution publique, il devrait suivre des principes démocratiques. Quand la Banque mondiale a sollicité des discussions privées avec le FMI sur les implications politiques de la crise en Asie de l'Est, elle fut en grande partie éconduite. Quand j'ai cherché à lancer un débat public - même si la crise était passée -, on s'y opposa. Même le débat sur la réforme de l'architecture de l'économie mondiale fut entravé : seuls les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales, semble-t-il, furent autorisés à s'asseoir à la table du FMI. En se comportant ainsi, le FMI se moque totalement des principes économiques et éthiques fondamentaux. Il existe toujours des compromis au sein des politiques. Il y en a qui avantagent certains groupes, d'autres présentent des risques plus importants. Les décisions visant à choisir les politiques à mettre en place sont des questions qu'il vaut mieux laisser appréhender par les processus politiques locaux, qui ne doivent pas être usurpés par la bureaucratie internationale, quelle que soit sa compétence. Parce que les économistes qui présentent faussement leurs décisions politiques comme de simples questions techniques enfreignent les préceptes éthiques et professionnels fondamentaux. L'ironie de la position du FMI ces huit dernières années, c'est qu'alors que l'administration Clinton faisait progresser les principes d'une troisième voie à l'intérieur des États-Unis grâce au rôle actif du gouvernement dans la promotion de la croissance, en matière de politique internationale, le ministère des Finances américain (par l'intermédiaire direct du FMI) avançait des vues qui reflétaient, avec peu de variation, le fondamentalisme du marché traditionnel et distillaient des principes économiques que l'Amérique elle-même avait rejetés. Aujourd'hui, la nouvelle administration Bush fait preuve d'une cohérence intellectuelle plus importante. Les Républicains ont critiqué les subventions internationales perçues comme « une aide sociale à destination des entreprises » avant d'arriver au pouvoir, et, dans le cas de la Turquie, ils se sont tenus à leurs principes, mais pas suffisamment pour empêcher le FMI d'accorder des subventions. Quant à savoir si l'administration Bush poursuivra dans ce sens quand ce seront les banques américaines et non plus allemandes qui seront en danger, cela reste à voir. L'administration Bush et la nouvelle équipe du FMI (quand elle sera en place) ont ainsi l'occasion de se démarquer des stratégies du passé. Le défi est de concevoir des politiques sur la base des sciences économiques, et non pas de l'idéologie, de manière ouverte et démocratique, en faisant particulièrement attention aux conséquences pour les plus démunis. Les développements récents en matière de politique intérieure américaine ne conduisent guère à l'optimisme. « LA LIBÉRALISATION A ÉTÉ PROGRAMMÉE PAR LES PAYS OCCIDENTAUX POUR LES PAYS OCCIDENTAUX » Entretien avec Joseph E. STIGLITZ, Prix Nobel d'économie (Le Monde de l'économie du 5 novembre 2001) « Les partisans du lancement d'un nouveau cycle de négociations à Doha avancent comme argument qu'il permettra de relancer l'économie mondiale. Qu'en pensez-vous ? « - Cet argument est erroné. Les bons leviers pour maintenir une économie forte résident dans les politiques budgétaire et monétaire. Je ne vois pas comment des négociations commerciales qui dureront cinq ou six ans peuvent avoir des effets sur une récession américaine qui durerait un ou deux ans. Ça n'a pas de sens. En réalité, la libéralisation commerciale a contribué à une dégradation des économies de beaucoup de pays en développement (PED) car elle les a exposées à l'incertitude des marchés internationaux. Il est donc faux de dire que les PED profitent de l'intégration économique. « - Ce n'est donc pas urgent de lancer un nouveau cycle de négociations à Doha ? « - Avant de lancer un nouveau round, il y a un besoin urgent de corriger les inégalités créées par les cycles de négociations précédents. La libéralisation commerciale, principalement le cycle de l'Uruguay, a été programmée par les pays occidentaux pour les pays occidentaux en ne tenant que très peu compte de ses effets sur les autres pays. Ils ont ainsi obtenu des gains disproportionnés. Et les régions les plus pauvres du monde, comme l'Afrique, vont aujourd'hui plus mal à cause des effets du commerce. Par exemple, il est de plus en plus admis que le régime de propriété intellectuelle établi sous l'Uruguay Round - l'accord Adpic (sur les aspects relatifs à la propriété intellectuelle touchant au commerce) - a été construit au profit des pays industriels. « Quand j'étais à la Maison Blanche comme conseiller économique, je me suis opposé à cet accord. Des critiques étaient aussi exprimées par le bureau des politiques scientifiques et technologiques. Je considérais qu'un tel régime de propriété intellectuelle pourrait même être défavorable à l'innovation et à la croissance économique. Nous nous inquiétions également de ce qu'une protection excessive pourrait empêcher l'accès aux médicaments dans les pays en développement. Mes craintes étaient justifiées, et l'opinion publique s'est émue de cette question, il y a un an, lorsque l'Afrique du Sud a dû se battre contre des laboratoires pharmaceutiques pour défendre le droit à la santé de sa population. « Presque tous les aspects de cet accord ont besoin d'être modifiés. « Dans le monde entier, l'inquiétude monte devant le fait que les multinationales ont, grâce à cet accord, la possibilité de breveter les médecines traditionnelles, c'est ce qu'on appelle le biopiratage. Si rien n'est fait pour arrêter cela, les pauvres devront bientôt payer des royalties aux laboratoires occidentaux pour utiliser des remèdes qui appartiennent à leurs savoirs ancestraux. « - Que faire pour corriger les déséquilibres du commerce mondial ? « - Lancer un nouveau cycle de négociations n'a de sens que si les États-Unis prennent l'engagement de baisser leurs barrières commerciales, de réduire leurs subventions agricoles, d'ouvrir leurs marchés, d'éliminer leurs cartels dans l'acier. « Ils pourraient commencer par montrer leur bonne volonté en adoptant l'initiative européenne « Tout sauf les armes » en faveur des pays les moins avancés (cet engagement des Quinze prévoit, à partir de janvier 2002, une élimination des droits de douane pour les 49 PMA sauf pour les bananes, le sucre et le riz). Et il ne faudrait certainement pas s'arrêter là et étendre cette initiative à beaucoup d'autres pays en développement. « Nous avons libéralisé les services financiers - pour faire plaisir à Wall Street -, il faudrait, pour aider les PED, ouvrir les secteurs qui utilisent une main-d'_uvre peu qualifiée, comme la construction et les services maritimes. Je peux encore citer les lois antidumping que les États-Unis et l'Europe utilisent abusivement pour se protéger et qu'il faudrait supprimer. « - Le développement et son corollaire, la lutte contre la pauvreté, font partie des objectifs affichés par l'OMC, du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale. Leurs politiques traduisent-elles cet objectif ? « - Parmi les institutions internationales, seule la Banque mondiale a pour unique mission de réduire la pauvreté. Le FMI est supposé assurer la stabilité financière mondiale. Quant à l'OMC, elle doit faciliter le commerce international. Malheureusement, la façon dont ces deux dernières institutions cherchent à remplir leurs mandats a probablement contribué à accroître la pauvreté. Le FMI, par exemple, a poussé à la libéralisation des mouvements de capitaux en dépit du fait qu'il y a très peu de preuves que la libéralisation financière favorise la croissance économique. À l'inverse, il y a beaucoup d'exemples qui montrent que cela génère de l'instabilité économique. « La libéralisation commerciale, je le répète, a été organisée pour les pays riches. Le mélange des politiques de libéralisation et des politiques économiques restrictives imposées par ailleurs par le FMI a créé un cocktail aux effets dramatiques pour les PED. La théorie du commerce international montre que tant que les salariés les moins productifs peuvent évoluer vers des emplois plus productifs, la libéralisation crée de la richesse. Mais, dans des contextes de politiques monétaires restrictives - c'est-à-dire avec des taux d'intérêt très élevés -, il est tout simplement impossible de créer des emplois. Si bien que la plupart des PED qui vivaient dans un régime à faible productivité ont basculé dans une situation de chômage massif. Ce qui ne favorise évidemment ni la croissance ni la réduction de la pauvreté. « - Est-ce que les attentats du 11 septembre aux États-Unis auront indirectement pour effets de renforcer le multilatéralisme ? « - En arrivant à la Maison Blanche, l'administration Bush s'est engagée sur la voie de l'unilatéralisme en présumant que les États-Unis pouvaient vivre et agir seuls. Cette option s'est illustrée par le refus du protocole de Kyoto pour lutter contre le réchauffement de la planète, par une absence totale de coopération dans la lutte contre les paradis fiscaux et le blanchiment de l'argent sale. Rétrospectivement, après le 11 septembre, ce choix n'est jamais apparu aussi gênant pour les États-Unis. J'espère que les Américains vont tirer les leçons de ce qui vient de se passer. Une action collective globale est nécessaire pour lutter contre le terrorisme. Elle l'est aussi dans beaucoup d'autres domaines. C'est le prix de notre interdépendance. » (Propos recueillis par Laurence Caramel et Martine Laronche) COMMUNIQUÉ DES RÉUNIONS DES MINISTRES DES FINANCES PLAN D'ACTION DU G 20 EN MATIÈRE DE LUTTE Nous, ministres des Finances et gouverneurs des banques centrales du G 20, avons tenu aujourd'hui à Ottawa, en Ontario, au Canada, notre troisième réunion dans le contexte d'un ralentissement économique mondial dont les effets ont été exacerbés par les événements tragiques du 11 septembre 2001. Les attentats barbares qui ont été perpétrés contre les États-Unis sont des attaques dirigées contre nous tous et qui ont pour objet d'ébranler la confiance économique et de menacer la sécurité économique à l'échelle mondiale. Nous veillerons à ce que ces efforts demeurent stériles. Nous nous engageons à lutter contre le terrorisme en éliminant ses sources de financement. Il ne devrait pas exister de refuge sûr pour ceux qui financent des activités terroristes. Dans cette optique, nous nous sommes entendus sur un plan d'action visant à interdire aux terroristes et à leurs complices l'accès à nos systèmes financiers. Nous invitons d'autres pays à adopter des mesures semblables. Nous sommes confiants que les attentats du 11 septembre ne nuiront pas à nos perspectives économiques. Nous avons adopté des mesures stratégiques visant à maintenir le niveau des liquidités et à stabiliser les marchés. Nous sommes prêts à prendre des mesures additionnelles s'il le faut. Ces mesures constitueront l'assise d'une reprise rapide de la croissance sans que nos perspectives économiques soient menacées. Nous nous sommes entendus pour que les mesures de sécurité accrues qui sont mises en _uvre facilitent le flux transfrontalier du commerce légitime des produits et des services. Nous réaffirmons notre engagement envers le libre échange et l'ouverture des marchés internationaux en tant que source principale de la prospérité mondiale. Dans ce contexte, nous nous réjouissons du programme de développement de Doha qui a été établi lors du lancement d'un nouveau cycle de négociations commerciales de l'Organisation mondiale du commerce à la Conférence ministérielle de l'Organisation, et nous nous engageons à collaborer à une libéralisation multilatérale du commerce qui accélérera les progrès dans la lutte contre la pauvreté et qui favorisera la croissance. Le ralentissement du flux de capitaux vers les marchés émergents fait ressortir la nécessité d'appliquer de saines politiques visant à établir et à maintenir un climat propice à l'investissement dans les pays membres. Nous demeurons engagés envers cet effort. L'adoption de pratiques exemplaires enchâssées dans des normes et des codes internationaux contribuera aussi à appuyer une croissance forte et stable et à réduire le risque de futures crises financières. Une majorité de membres du G 20 ont déjà participé volontairement à des évaluations menées aux termes du Programme d'évaluation du secteur financier dirigé par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale ou des Rapports sur l'observation de normes et de codes, ou des deux, conformément à l'engagement pris à notre réunion inaugurale tenue à Berlin en décembre 1999. Nous continuerons de promouvoir l'adoption de normes et de codes internationaux pour favoriser la transparence, l'adoption de politiques macroéconomiques, une saine réglementation du secteur financier et la saine gouvernance des entreprises, après consultation, selon les besoins, des organisations internationales pertinentes et du secteur privé, ce qui renforcera l'intégrité du système financier international. Nous poursuivrons nos travaux sur les régimes de change à adopter, sur la gestion prudente de la dette, et sur la libéralisation ordonnée de la balance des capitaux. Ces efforts réduisent le risque de crises financières. Les pays emprunteurs, les créanciers et la collectivité internationale ont un intérêt commun dans le bon fonctionnement et l'efficacité des marchés de capitaux internationaux. Nous saluerions la résolution rapide des problèmes de l'Argentine reliés à sa dette. Nous reconnaissons que les prêteurs font de plus en plus la distinction entre les différents emprunteurs internationaux, qu'ils soient privés ou publics. Une bonne communication entre les emprunteurs et leurs créanciers peut jouer un rôle important dans le maintien de l'afflux de capitaux vers les marchés émergents. En nous appuyant sur la récente table ronde du G 20 avec des représentants du secteur privé, qui visait à favoriser l'efficacité des marchés financiers internationaux, nous avons demandé à nos représentants de faire rapport à notre prochaine réunion sur les façons d'améliorer le mode de règlement des crises financières, en tenant compte des leçons tirées de l'expérience des marchés émergents. La réduction de l'instabilité et la durabilité de l'afflux de capitaux vers les marchés émergents constitue un objectif commun. Nous sommes conscients du fait que les plus pauvres et les plus vulnérables de la planète font face à d'immenses défis en plein ralentissement économique mondial, et surtout en raison de l'incertitude croissante résultant des attentats terroristes du 11 septembre. Nous attendons avec impatience l'occasion de participer de façon constructive aux réunions du Comité monétaire et financier international et du Comité du développement en vue de veiller à ce qu'un soutien international suffisant s'ajoute en complément aux saines politiques nationales requises pour favoriser la reprise économique dans les pays les plus durement touchés. En nous appuyant sur la discussion entreprise à notre plus récente réunion tenue à Montréal, nous avons passé en revue la façon dont nous avons réagi aux défis de la mondialisation. Nous nous sommes mis d'accord pour affirmer qu'une plus grande intégration économique a contribué à améliorer sensiblement le niveau de vie de la grande majorité de nos citoyens. Le G 20 et d'autres pays ayant intégré le système mondial ont accompli d'importants progrès au titre de la hausse des revenus réels et de la réduction de la pauvreté. Cependant, la mondialisation pose également un certain nombre de défis et de risques, qui exigent une plus grande collaboration à l'échelle internationale. Nous sommes conscients de la nécessité de collaborer avec les institutions financières internationales et avec l'Organisation mondiale du commerce afin de veiller à ce que les bienfaits de la mondialisation puissent profiter à tous, y compris les pays les plus pauvres. Pour que tous les bienfaits de la mondialisation puissent se concrétiser, nos gouvernements ont un rôle crucial à jouer dans la création d'institutions nationales bien conçues, de saines structures de gouvernance et de solides politiques structurelles, sociales et macroéconomiques à l'échelle nationale. Comme l'indique le Consensus de Montréal, en poursuivant ce genre de politiques, nous permettrons à nos économies de maximiser la contribution de marchés ouverts à la croissance, à l'équité et au bien-être de tous les peuples. Nous avons accepté la généreuse invitation du ministre des Finances de l'Inde, M. Sinha, à tenir notre réunion de 2002 à New Delhi. PLAN D'ACTION DU G 20 EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LE FINANCEMENT Nous, ministres des Finances et gouverneurs des banques centrales du G 20, au nom de la paix et de la sécurité à l'échelle mondiale, sommes déterminés à enrayer le financement du terrorisme. La lutte contre le financement du terrorisme est une responsabilité partagée du G 20 et de la grande collectivité mondiale. Nous avons donc adopté aujourd'hui un plan complet de coopération multilatérale visant à interdire aux terroristes et à leurs complices, l'accès ou le recours à nos systèmes financiers, et à mettre fin à l'utilisation abusive des réseaux bancaires informels. Nous allons mettre en _uvre d'une manière rapide et décisive les mesures désignées par les Nations Unies comme étant essentielles à la lutte contre le financement du terrorisme. Nous allons empêcher les terroristes d'avoir accès à notre système financier. Nous allons travailler de concert avec les institutions financières internationales, le Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI), le Forum sur la stabilité financière et d'autres organisations internationales pertinentes afin de prévenir l'utilisation abusive du système financier et d'empêcher que des menaces planent sur son intégrité, en favorisant l'adoption de normes internationales en matière de lutte contre le financement du terrorisme et contre le blanchiment de capitaux, ainsi qu'au chapitre de la réglementation et de la surveillance du système financier. Nous applaudissons aux conclusions de la récente séance plénière extraordinaire du GAFI sur la lutte contre le financement du terrorisme. Par-dessus tout, nous allons accroître notre capacité de partage des renseignements, aux échelons national et international, comme composante essentielle de la lutte contre le terrorisme. Nous invitons tous les pays à se joindre aux efforts internationaux visant à enrayer le financement du terrorisme. Conformément au présent plan d'action, nous allons fournir une aide technique aux pays qui veulent nous aider, mais dont la capacité est limitée. Pour nous acquitter de ces engagements, nous avons convenu d'adopter les mesures concrètes qui suivent : Gel des avoirs des terroristes · Chaque membre du G 20 mettra en _uvre les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations Unies, surtout la résolution 1373, pour mettre fin au financement du terrorisme. · À cette fin, chaque membre du G 20 gèlera, pour le territoire qui relève de sa compétence, les avoirs des terroristes et de leurs complices et leur interdira l'accès au système financier international. · Chaque membre du G 20 rendra public, conformément à ses lois, la liste des terroristes dont les avoirs sont gelés, et le montant des avoirs gelés, le cas échéant. Mise en _uvre de normes internationales · Chaque membre du G 20 ratifiera et mettra en _uvre dès que possible la Convention des Nations Unies pour la répression du financement du terrorisme. · Chaque membre du G 20 ratifiera la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée. · Nous allons collaborer avec le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, le GAFI, le Forum sur la stabilité financière, le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire et d'autres organisations internationales pertinentes afin de favoriser l'adoption, la mise en _uvre et l'évaluation de normes internationales de lutte contre l'utilisation abusive du système financier, y compris au titre du financement du terrorisme, de la réglementation du secteur financier et du blanchiment de capitaux. Nous nous félicitons de l'offre du GAFI à collaborer avec nous à la mise en _uvre de huit recommandations spéciales sur la lutte contre le financement du terrorisme. Collaboration internationale : échange de renseignements et sensibilisation · Nous allons collaborer davantage à l'échange de renseignements à l'échelle internationale, notamment en ce qui a trait aux mesures prises en vertu des résolutions des Nations Unies. Les pays membres du G 20 vont rapidement mettre en _uvre les mesures nécessaires pour faciliter cet échange. · Chaque membre du G 20 mettra rapidement sur pied une unité du renseignement financier, ou maintiendra une telle unité, et adoptera des mesures pour améliorer le partage des renseignements entre elles, notamment au moyen de la promotion d'une participation universelle au groupe Egmont, qui réunit ce genre d'unités. · Nous allons promouvoir la lutte contre le financement du terrorisme dans nos régions respectives, et nous demanderons à d'autres pays d'adhérer au présent plan d'action. · Les travaux d'organismes régionaux de lutte contre le blanchiment de capitaux comme le GAFI constitueront un élément important de cet effort. En conséquence, le G 20 invite ces organismes régionaux à se réunir rapidement et à élargir leur mandat de manière à inclure la lutte contre le financement du terrorisme. · Nous prenons l'engagement de fournir, dans la mesure du possible, une assistance technique aux pays qui ont besoin d'aide pour élaborer et mettre en _uvre les lois, les règlements et les politiques nécessaires pour combattre le financement du terrorisme et le blanchiment de capitaux. · Nous demandons au Fonds monétaire international, à la Banque mondiale et à d'autres organisations multilatérales et régionales de fournir une aide technique, y compris en élargissant les centres de formation et les programmes existants. · Pour favoriser la mise en _uvre et l'observation de normes internationales, et pour partager les renseignements au sujet de nos lois, règlements et pratiques exemplaires visant à remédier au financement du terrorisme, nous appuierons les activités du comité des Nations Unies contre le terrorisme. Nous allons également appuyer activement la surveillance et l'auto-évaluation par l'entremise des Institutions financières internationales, du GAFI et d'organisations internationales pertinentes. · Nous allons accepter l'invitation du GAFI, qui nous demande de participer à une auto-évaluation des huit recommandations spéciales concernant la lutte contre le financement du terrorisme. · Nous invitons le Forum sur la stabilité financière à entreprendre lors de sa prochaine réunion des travaux dans le cadre des mesures adoptées par les organismes de réglementation du secteur financier en matière de lutte contre le terrorisme. · Nous aiderons nos institutions financières et nos citoyens à se conformer aux mesures de lutte contre le financement du terrorisme, notamment en informant les institutions financières de leurs obligations et de l'évolution de la situation. · Nous invitons instamment les organismes régionaux du genre du GAFI à contribuer activement au programme mondial d'auto-évaluation du GAFI. Nous nous pencherons à notre prochaine réunion ministérielle sur les progrès réalisés par rapport au présent plan d'action. COMMUNIQUÉ 1. Conscient de la nécessité d'apporter une réponse ferme et concertée aux défis auxquels est confrontée l'économie mondiale, le Comité monétaire et financier international a tenu sa quatrième réunion à Ottawa le 17 novembre 2001, sous la présidence de M. Gordon Brown, Chancelier de l'Échiquier du Royaume-Uni. Le Comité exprime sa reconnaissance au Ministre des finances, M. Paul Martin, ainsi qu'au gouvernement canadien, pour avoir accueilli cette réunion et l'avoir remarquablement organisée. 2. Le Comité observe que les attentats terroristes du 11 septembre ont prolongé le ralentissement économique mondial. Des mesures énergiques ont d'ores et déjà été adoptées pour favoriser un redressement vigoureux dans le courant de 2002, mais l'évolution de la conjoncture reste entourée d'une grande incertitude. Il convient de rester vigilant et il est essentiel que la communauté internationale se tienne prête à agir afin de maintenir la stabilité et de dynamiser la croissance. Le Comité accueille avec satisfaction la déclaration du directeur général, en date du 5 octobre, sur la situation de l'économie mondiale et la réponse du FMI, qui trace les grandes lignes d'une stratégie concertée visant à relancer l'activité économique dans le monde. Le FMI a un rôle crucial à jouer, notamment en recentrant son action sur la surveillance, pour assurer la stabilité macroéconomique et financière internationale et veiller à ce que tous partagent les bienfaits de la mondialisation. 3. Les économies avancées ont une responsabilité majeure, qui est de favoriser une reprise rapide de la croissance mondiale. Le récent assouplissement de la politique monétaire aux États-Unis, dans la zone euro et dans les autres économies avancées est bienvenue, et les autorités se tiennent prêtes à prendre de nouvelles mesures, en cas de nécessité. S'il est vrai que la marge discrétionnaire budgétaire varie d'un pays à l'autre, les économies avancées devraient laisser jouer les stabilisateurs automatiques. Le Comité souligne que la mise en _uvre résolue de réformes structurelles visant à recueillir les gains de productivité escomptés du progrès technologique est importante pour rétablir la confiance et la croissance. Le Japon, en particulier, doit engager des réformes énergiques dans les secteurs des banques et des entreprises, et l'Europe doit donner la priorité à l'accélération de la réforme des marchés du travail et des produits. Les États-Unis sont prêts à prendre de nouvelles initiatives pour soutenir la croissance, sans compromettre la situation des finances publiques à moyen terme. 4. L'ouverture de nouveaux débouchés commerciaux jouera un rôle vital dans la reprise et le Comité se félicite vivement de l'issue de la conférence de l'Organisation mondiale du commerce à Doha, et du programme de développement qui y a été adopté. Tous les pays doivent s'opposer fermement aux pressions protectionnistes, et les économies avancées en particulier doivent améliorer l'accès à leurs marchés et réduire les subventions qui faussent les échanges commerciaux, à la fois dans l'intérêt de leurs propres citoyens et pour apporter un soutien crucial aux pays en développement. Le FMI doit renforcer la surveillance qu'il exerce dans ce domaine et encourager les efforts internationaux d'ouverture des marchés. Le Comité est vigilant quant à la stabilité du marché pétrolier à des prix raisonnables pour les consommateurs et les producteurs. 5. Les pays émergents et les pays en développement pâtissent de la contraction de la demande mondiale, de la diminution des flux de capitaux, de la plus grande aversion des marchés financiers pour le risque, de la contraction des recettes du tourisme, ainsi que de la baisse et de l'instabilité accrue des cours des produits de base. Il sera essentiel que ces pays appliquent des politiques avisées et énergiques. Le FMI est prêt à apporter une aide financière supplémentaire aux pays menant des politiques avisées, en cas de besoin. Il dispose d'un ensemble d'instruments et sa situation financière est solide. Le FMI doit être prêt à ajuster ses politiques, si nécessaire. La ligne de crédit préventive (LCP) est un moyen important pour les pays membres d'affirmer la vigueur de leur politique économique et de se prémunir contre la contagion des crises financières, et le Comité encourage les pays qui peuvent s'en prévaloir à envisager d'y faire appel. Le Comité souligne par ailleurs qu'il est primordial d'associer le secteur privé à la prévention et à la résolution des crises financières. Il recommande la mise en _uvre rapide du quatrième amendement des Statuts. 6. Le Comité est particulièrement préoccupé par les retombées du ralentissement de l'économie mondiale sur les pays à faible revenu et les pays pauvres très endettés (PPTE). Il appelle le FMI à apporter, en étroite collaboration avec la Banque mondiale, une réponse adaptée et énergique aux besoins de ces pays en leur accordant, le cas échéant, des financements concessionnels et des allégements de dette supplémentaires. Le Comité se félicite des nouvelles contributions à la facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC) et encourage des concours additionnels. Le FMI devrait intensifier, en étroite concertation avec la Banque mondiale, les efforts déployés dans le cadre du processus des documents de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP) afin d'évaluer l'impact social des réformes et leur efficacité dans la lutte contre la pauvreté. Le Comité examinera les conclusions des évaluations de la FRPC et des DSRP lors de ses réunions de printemps l'an prochain. L'initiative renforcée en faveur des PPTE prévoit la possibilité d'apporter une assistance supplémentaire au point d'achèvement si la situation économique du pays bénéficiaire a été radicalement modifiée par un choc exogène exceptionnel. Le Comité note qu'il est nécessaire de tenir compte de la détérioration des perspectives de croissance mondiale et de la dégradation des termes de l'échange lors de la mise à jour des analyses de viabilité de la dette des PPTE au point d'achèvement. Il encourage les pays pauvres très endettés à continuer de s'efforcer de remplir au plus tôt les conditions qui leur permettront de bénéficier de l'allégement de la dette et d'en tirer efficacement parti, en s'appliquant notamment à maintenir une politique économique saine. Les économies avancées doivent pour leur part être prêtes à s'acquitter de leur responsabilité spéciale en accroissant leur aide au développement et les allégements de la dette pour faire face aux difficultés accrues de la lutte contre la pauvreté et pour atteindre les Objectifs de développement du Millénaire. Le Comité réaffirme qu'il est important que l'initiative renforcée en faveur des PPTE soit intégralement financée et engage les donneurs d'aide bilatéraux à s'acquitter de cet engagement. 7. Reconnaissant qu'une collaboration étroite et un partenariat efficace entre les institutions internationales seront nécessaires pour atteindre ces objectifs, les membres du Comité attendent avec intérêt, comme leurs homologues du Comité du développement, d'avoir l'occasion d'examiner avec le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan les modalités d'une action concertée pour affronter les défis qui se profilent, notamment dans le cadre de la prochaine conférence sur le financement du développement. 8. Le Comité exprime sa grave préoccupation face à l'utilisation du système financier international pour financer des actes terroristes et blanchir le produit d'activités illicites. Il appelle tous les États membres à ratifier et à appliquer intégralement les instruments mis en place par les Nations Unies pour faire échec au terrorisme, en particulier la résolution 1373 du Conseil de sécurité, et il salue et appuie les recommandations spéciales du Groupe d'action financière (GAFI) visant à combattre le financement du terrorisme. Chaque pays doit, dans les limites de sa juridiction, geler les actifs des terroristes et de leurs associés, leur interdire l'accès au système financier international et, dans le respect de sa législation, rendre publique tous les mois la liste des terroristes frappés le cas échéant par cette mesure, en précisant le montant des actifs gelés. La lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme exige la participation active des intermédiaires financiers et du secteur public. Le Comité approuve le plan d'action du FMI visant à intensifier sa contribution à cet effort mondial, dans le cadre de son mandat et de ses compétences, en s'appliquant à : · étendre sa participation, au-delà de la lutte contre le blanchiment de capitaux, aux efforts visant à faire échec au financement du terrorisme ; · élargir son travail de lutte contre le blanchiment de capitaux, notamment dans le cadre du PESF, aux aspects juridiques et institutionnels ; · accélérer son programme d'évaluation des centres financiers offshore et entreprendre des évaluations des autres places financières dans le cadre du PESF ; · aider les pays à identifier les lacunes de leurs dispositifs de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme au moyen de questionnaires facultatifs dans le cadre des consultations de l'article IV ; · intensifier sa collaboration avec le GAFI pour l'élaboration d'une norme globale couvrant l'ensemble des recommandations du GAFI, et veiller à ce qu'elle s'applique de façon uniforme, concertée et volontaire ; · accroître son assistance technique pour permettre aux pays membres d'appliquer efficacement les normes internationales agréées. En outre, le Comité engage à poursuivre l'action internationale pour combattre le financement du terrorisme et appelle à : · créer dans tous les pays une cellule de renseignement financier chargée de recueillir et traiter les informations sur les opérations suspectes émanant de leur secteur financier et de surveiller et analyser les fonds soupçonnés de financer le terrorisme ; · prendre des dispositions pour assurer l'échange d'informations et la coopération entre les cellules nationales de renseignement financier, en s'appuyant sur les travaux du groupe Egmont ; · déployer l'assistance technique, sous forme d'appui bilatéral ou au moyen d'un fonds de fiducie international, nécessaire pour que chaque pays puisse tenir son rôle. Les pays sont instamment invités à prendre ces mesures dès que possible, et de préférence avant le 1er février 2002. Le FMI rendra compte des progrès accomplis à la réunion du printemps 2002, et soumettra au Comité un rapport complet à l'Assemblée annuelle. 9. Le Comité encourage le FMI à continuer de renforcer ses activités de surveillance et de prévention des crises, notamment par la mise en place de normes et de codes (et de l'assistance technique y afférente), et souligne que ces objectifs restent hautement prioritaires. Il invite le FMI à mettre en _uvre le cadre convenu pour associer le secteur privé à la prévention et à la résolution des crises, et à intensifier l'examen des questions en suspens. Le Comité se réjouit des progrès accomplis pour rendre la conditionnalité du FMI plus efficace en la rationalisant et en favorisant la prise en main des programmes qu'il appuie par les pays qui en bénéficient et il fera le point des progrès accomplis lors de sa prochaine réunion. Les quotes-parts doivent refléter l'évolution de l'économie internationale. Le Comité suivra avec intérêt les travaux sur ce dossier. Il attend avec intérêt que le Bureau d'évaluation indépendant achève la mise au point de son programme de travail et lui adresse un rapport sur l'avancement de ses activités à sa prochaine réunion. 10. Le Comité exprime sa profonde gratitude à Stanley Fischer et Jack Boorman pour leurs services éminents au FMI et leur dévouement à la cause de la prospérité de tous les pays membres. Ils ont contribué tous deux de façon déterminante à définir le rôle du FMI dans l'économie mondialisée et à façonner la nouvelle architecture financière internationale. 11. Le CMFI tiendra sa prochaine réunion à Washington le 21 avril 2002. COMMUNIQUÉ DU GROUPE INTERGOUVERNEMENTAL (14 novembre 2001) Les ministres du Groupe intergouvernemental des Vingt-Quatre pour les questions monétaires internationales et le développement ont tenu leur soixante-sixième réunion à Paris (France) le 14 novembre 2001, sous la présidence de M. Jubril Martins-Kuye, Ministre d'État aux Finances du Nigéria, assisté de M. Alain Bifani (Liban), Premier Vice-Président, et de Mme Sheelagh de Osuna (Trinité-et-Tobago), Second Vice-Président. La réunion des ministres a été précédée, les 13 et 14 novembre 2001, de la soixante-huitième réunion des suppléants du Groupe des Vingt-Quatre, qui était présidée par M. Ernest C. Ebi (Nigéria). I. Relever les défis de la croissance et du développement grâce à la coopération et à la solidarité internationales 1. Les Ministres condamnent les attaques terroristes du 11 septembre, et expriment leur profond regret pour la perte tragique de vies humaines innocentes. Ces terribles événements ont porté un coup sévère à l'économie mondiale, qui était déjà en perte de vitesse, et ont eu des effets particulièrement dévastateurs sur les pays en développement. Les Ministres soulignent que, dans les circonstances exceptionnelles auxquelles la communauté internationale est confrontée, il est d'autant plus nécessaire d'assurer la paix et d'intensifier la coopération et la solidarité pour surmonter les difficultés majeures qu'affrontent tous les pays. 2. Les événements récents ont fait ressortir la rapidité et l'intensité avec lesquelles des chocs négatifs affectent tous les pays, avec de profondes répercussions sur la stabilité des systèmes financier et commercial internationaux. Dans un monde de plus en plus interdépendant, il est urgent que la communauté internationale réduise l'incertitude et la volatilité, et amortisse les effets de ces chocs négatifs sur les pays affectés en les aidant à retrouver la voie de la croissance et du développement économiques. 3. Les Ministres réaffirment leur détermination à _uvrer en vue d'améliorer le sort des citoyens de tous les pays, et en particulier des plus pauvres, en menant des politiques propres à favoriser la stabilité macroéconomique et financière, à stimuler une croissance plus rapide et à faire reculer la pauvreté, tout en respectant la souveraineté des pays. À cet égard, les Ministres accueillent avec satisfaction les engagements pris par le directeur général du FMI dans sa déclaration du 5 octobre et les propos rassurants du Président de la Banque mondiale décrivant les mesures concrètes que les institutions de Bretton-Woods sont prêtes à prendre pour venir en aide aux pays en développement. II. Perspectives économiques mondiales 4. Les Ministres expriment leur profonde préoccupation face à la dégradation des perspectives économiques mondiales et au synchronisme du ralentissement constaté aux États-Unis, au Japon et en Europe. La croissance s'est nettement ralentie aux États-Unis et en Europe, tandis que le Japon est retombé dans la récession. On s'attend à une expansion des échanges commerciaux mondiaux de 1,5 % seulement en 2001, contre 12,4 % en 2000. Le rythme de croissance des exportations des pays en développement chutera, d'après les projections, de 19 % en 2000 à 3 % seulement en 2001. Les cours des produits de base ont continué de baisser, les projections faisant état d'un recul d'au moins 5 % des cours des produits non pétroliers, cependant que le prix du pétrole est aussi en chute libre. 5. Les Ministres soulignent que les pays en développement sont, à maints égards, les plus durement touchés par le grave ralentissement de l'économie mondiale. La baisse de la demande des produits qu'ils exportent, la chute des cours des produits de base, la baisse des recettes du tourisme, la restriction de leurs débouchés commerciaux, l'aversion croissante des marchés financiers pour le risque et la diminution des investissements directs étrangers vont sensiblement réduire la croissance. Pour la plupart des pays en développement, les attaques terroristes du 11 septembre ont entraîné une augmentation considérable des coûts de transaction, principalement des frais d'assurance et de transport, et les revenus du tourisme ont lourdement chuté, de même que les recettes d'exportation. Les flux nets de capitaux privés vers les marchés émergents sont en passe de devenir négatifs pour la première fois en dix ans. Le volume de financement assuré par les marchés de capitaux a considérablement diminué au premier semestre 2001 et les marges ont très sensiblement augmenté. En outre, le fait que de nombreux compartiments des marchés de capitaux vont rester fermés aux pays émergents et le ralentissement des investissements directs étrangers pourraient entraîner une contraction des dépenses d'investissement et miner la viabilité de la dette et la stabilité macroéconomique, affaiblissant encore les perspectives de croissance. 6. Les Ministres expriment leur préoccupation face à la conjonction de ces forces négatives, qui pourrait avoir de graves retombées sur le niveau de vie, la stabilité financière et le succès des efforts de réforme dans le monde en développement. Les programmes de réduction de la pauvreté vont en souffrir, le chômage pourrait augmenter et la progression du revenu par habitant stopper ou s'inverser. Par contrecoup, les dispositifs de protection sociale des pays en développement, déjà faibles, pourraient être encore plus éprouvés par le coût humain du ralentissement économique. 7. Les Ministres expriment des craintes particulières quant aux effets de ces événements sur les pays à faible revenu. Les vigoureux efforts de réformes portaient leurs fruits, particulièrement en Afrique, et les pays admissibles à l'initiative en faveur des PPTE commençaient à bénéficier d'un certain allégement de leur dette. Les récents événements pourraient toutefois enrayer ce processus. En particulier, on s'attend à ce que la progression des niveaux de vie en Afrique fasse place à une régression, de sorte qu'il sera plus difficile de contenir le coût humain déjà élevé de la pandémie du sida, face auquel un soutien spécial de la communauté internationale est indispensable. Dans ce contexte, les Ministres soulignent la nécessité de mobiliser plus de ressources - en particulier sous la forme de l'aide publique au développement, du report, au cas par cas, des intérêts sur la dette rééchelonnée sous les auspices du Club de Paris et de la concrétisation des engagements de contribution au Fonds fiduciaire PPTE - et davantage d'assistance technique pour aider les pays à relever les nouveaux défis et à poursuivre leurs efforts d'ajustement et de réforme. Il convient de prendre en considération la question de la viabilité de la dette des pays à revenu intermédiaire très endettés et des pays à faible revenu qui ne font pas partie du groupe des PPTE. 8. Dans ces circonstances, les Ministres réaffirment leur détermination à continuer de mener, dans leurs propres pays, des politiques macroéconomiques saines compatibles avec une croissance soutenue et durable. Cependant, en raison du fléchissement de la demande mondiale et de l'impossibilité d'accéder aux marchés financiers, la stratégie conventionnelle de contraction de la demande intérieure et de dépréciation de la monnaie nationale risque de ne pas aider les pays en développement à faire face aux problèmes posés par la détérioration de la conjoncture extérieure. En outre, le ralentissement de l'économie mondiale s'aggraverait sensiblement si tous les pays en développement suivaient cette stratégie. Il est essentiel à cet égard que les économies avancées prennent d'urgence de nouvelles mesures pour doper la croissance mondiale. L'assouplissement de la politique monétaire déjà décidé est le bienvenu ; il pourrait être conforté par de nouvelles initiatives dans ce sens, et des mesures de relance budgétaire bien conçues devraient intervenir rapidement. Pour raviver la confiance et améliorer les perspectives économiques mondiales, il faut une large libéralisation des échanges afin d'assurer aux produits des pays en développement un meilleur accès aux marchés. D'autres réformes structurelles - en particulier sur les marchés du travail et des produits - doivent être poursuivies avec une énergie redoublée. 9. Les Ministres soulignent qu'il est urgent d'améliorer sensiblement les débouchés commerciaux des pays en développement et leurs capacités dans les négociations commerciales en cours. Il est impératif à cet égard que les économies avancées suppriment leurs subventions, limitent strictement leurs restrictions à l'importation - des produits agricoles et textiles en particulier - et aplanissent les autres obstacles non tarifaires qui restreignent sérieusement les débouchés commerciaux des pays en développement. Une bien plus grande souplesse est nécessaire en ce qui concerne les droits de la propriété intellectuelle liés au commerce - notamment pour ce qui touche à des questions pressantes de santé publique. III. Lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme 10. Les Ministres réaffirment leur appui aux efforts déployés au plan international pour combattre le blanchiment de capitaux et le dévoiement du système financier international. Ils soulignent aussi que le rôle du FMI dans la lutte contre le blanchiment d'argent et la répression du financement du terrorisme doit être conforme à son mandat et à ses domaines de compétence essentiels. Les Ministres soulignent que le FMI n'est pas chargé de faire appliquer la loi. Le dévoiement du système financier international par l'exercice d'activités illégales ruine les chances de développement et compromet l'intégrité des secteurs financiers. Il est important dans ce contexte d'élaborer une stratégie concertée au plan international, qui doit comprendre non seulement les centres financiers offshore, mais aussi les grandes places financières des pays développés d'où proviennent ou par lesquelles transitent la plupart des flux de capitaux. Les Ministres notent avec satisfaction les résolutions récemment adoptées par les Nations Unies pour lutter contre le terrorisme et les actions actuellement menées pour renforcer les recommandations du GAFI et soulignent qu'une coopération plus étroite entre les organismes internationaux est nécessaire. Il est important qu'un plus grand nombre de pays en développement soient mieux représentés du GAFI et des autres organismes compétents. Il importe tout autant que le suivi de l'application des normes internationalement admises se fasse de façon uniforme, concertée et volontaire, et tienne compte des capacités et du stade de développement du marché financier des pays membres. Les Ministres soulignent qu'il importe de fournir aux pays en développement davantage d'assistance technique pour renforcer leurs systèmes financiers et les aider à corriger les carences des cadres de réglementation mis en place pour combattre le blanchiment d'argent et les abus financiers. IV. Financement du développement 11. Les Ministres considèrent que le processus de préparation de la Conférence internationale sur le financement du développement (CIFD) sous l'égide des Nations Unies offre une occasion unique de focaliser la volonté politique internationale afin de mobiliser des moyens substantiels et d'intensifier l'action concertée pour combattre la pauvreté, réaliser les Objectifs de développement du millénaire et faire progresser le développement de tous les pays. Ils font observer que la CIFD doit être envisagée non pas comme le lieu où entreprendre de remodeler l'architecture financière internationale, mais comme un forum où débattre et convenir de certaines questions de principe nationales, internationales et systémiques, et comme le point de départ d'une meilleure coopération internationale pour le développement associant tous les pays et toutes les institutions multilatérales dans les décennies à venir. Les Ministres soulignent que les efforts déployés par chaque pays pour créer chez lui un climat propice à l'investissement ne peuvent porter leurs fruits dans une économie mondialisée que si l'environnement international favorise et suscite des flux significatifs et stables de ressources internationales en faveur des pays en développement. Compte tenu de la situation actuelle, les Ministres appellent instamment à la conclusion rapide d'un accord sur l'augmentation de l'aide publique au développement portant celle-ci de son niveau actuel de 0,22 % du PNB à l'objectif de 0,7 % du PNB fixé par les Nations Unies. V. Propositions d'action pour le FMI et la Banque mondiale 12. Les Ministres préconisent les actions suivantes : · Le FMI doit continuer de suivre de près l'évolution de la situation économique mondiale. Le FMI et la Banque mondiale veiller à être capables à tout moment de fournir dans les meilleurs délais un financement approprié, y compris des garanties de la Banque mondiale, aux pays membres qui sont affectés par les récents chocs externes et qui se sont engagés à conduire des politiques macroéconomiques et structurelles saines. · Le FMI doit veiller à ce que les liquidités mondiales soient suffisantes et convenablement réparties, y compris en envisageant dans un avenir proche de procéder à une allocation générale de DTS. Le quatrième amendement aux statuts du FMI, relatif à l'allocation spéciale de DTS à caractère exceptionnel, doit être ratifié immédiatement par les pays qui ne l'ont pas encore fait. · Au vu des défis lancés par la mondialisation et du fait que le FMI est une institution universelle ayant la coopération pour trait distinctif, les formules de calcul des quotes-parts devraient tenir compte du poids économique relatif des pays membres, de l'éventualité qu'ils aient besoin de faire appel aux ressources du FMI, de leur vulnérabilité aux changements d'opinion des marchés, de leurs possibilités d'accès à des flux de capitaux privés et de leur capacité contributive. À cet égard, la formule de calcul utilisée pour les futures augmentations générales des quotes-parts devrait permettre d'améliorer la représentation des pays en développement, et en particulier des pays d'Afrique subsaharienne, par rapport au total des voix attribuées aussi bien que du point de vue de la structure des quotes-parts. · Il convient de négocier une augmentation générale du capital de la Banque mondiale afin que celle-ci soit mieux à même de répondre à la demande de financement attendue de la part des pays en développement. · Le FMI et la Banque mondiale doivent fournir dans de meilleurs délais un allégement de dette plus généreux au titre de l'initiative en faveur des PPTE. Les deux institutions doivent suivre en permanence les analyses de viabilité de la dette de ces pays. Elles doivent faire preuve de la plus grande souplesse dans ce cadre et la communauté internationale doit pour sa part veiller à ce que des ressources d'aide adéquates soient disponibles en complément de l'allégement de la dette. · Le financement intégral de la FRPC intérimaire doit être assuré immédiatement et il convient d'envisager de mobiliser des ressources complémentaires dans le contexte des opérations de la FRPC intérimaire pour pouvoir apporter davantage de soutien aux pays à faible revenu dans les circonstances actuelles. · La treizième reconstitution des ressources de l'AID doit être menée à bien de toute urgence et il convient de débloquer les crédits en début de période étant donné les problèmes de développement exceptionnels auxquels se heurtent les pays admissibles aux concours de l'AID. · L'aide multilatérale au développement doit être accrue et mieux coordonnée avec l'aide des donateurs bilatéraux et des autres bailleurs pour réduire les coûts de transaction et donner une plus grande cohérence aux efforts de développement. · Le FMI et la Banque mondiale doivent fournir une assistance technique supplémentaire aux pays en développement pour qu'ils renforcent leurs capacités institutionnelles. · La Banque mondiale, de même que les banques régionales de développement et les organismes bilatéraux de crédit à l'exportation, doivent étudier les moyens de faciliter le financement commercial pour les exportations des pays en développement. À cet égard, il convient de mettre rapidement en _uvre l'initiative de la Banque mondiale concernant le Groupe de travail international sur la gestion des risques liés aux produits de base dans les pays en développement, afin de pouvoir faire face aux retombées négatives de la volatilité des prix sur ces pays. VI. Date et lieu de la prochaine réunion 13. Les ministres du Groupe des Vingt-Quatre tiendront leur prochaine réunion à Washington le 20 avril 2002. DÉCLARATION DE M. LAURENT FABIUS AU COMITÉ (16 novembre 2001) Chers collègues, Nous nous retrouvons aujourd'hui à Ottawa quelques semaines après les événements tragiques du 11 septembre. Au cours des débats du G 20 et du CMFI, où nous avons mis l'accent sur les pays à revenus intermédiaires, nous avons déjà insisté sur l'urgence de mobiliser la coopération internationale. Cette réunion du Comité du développement est le temps pour examiner aussi la situation des pays les plus pauvres. C'est là en effet que les efforts les plus importants restent à accomplir pour construire un monde plus sûr et éviter que la pauvreté ne dérive vers la violence. Le choc que le monde subit appelle des réponses immédiates pour réduire la vulnérabilité des pays pauvres (1) ; au-delà, il nous faut aborder les besoins de financement du monde en développement en prévision de la réunion de Monterrey, en mars prochain, en vue de laquelle les actionnaires des institutions de Bretton-Woods doivent adresser à la communauté internationale un message fort (2). 1. Le choc actuel doit nous amener à corriger les insuffisances de notre système de régulation économique et financière Notre réponse à ce défi doit d'abord porter sur la cause de cette nouvelle instabilité majeure : l'existence dans notre économie mondialisée de circuits de financement du terrorisme, qu'il nous faut combattre (a). Nous devons aussi, évidemment, apporter aux pays les plus démunis les appuis économiques que ce contexte turbulent justifie (b), sans oublier que, parmi les plus pauvres, c'est l'Afrique qui est la plus vulnérable (c). a) Les institutions internationales doivent faire en sorte que tous les pays, y compris les plus pauvres, participent à la lutte contre le financement du terrorisme Je l'ai dit lors de la réunion du CMFI d'hier, les institutions financières internationales ont un rôle majeur à jouer, et en particulier le FMI qui doit contribuer à la lutte contre l'utilisation criminelle du système financier international car l'intégrité de ce dernier est un bien public mondial. La Banque mondiale doit aider les pays, en particulier les plus pauvres, à travailler dans ce sens. Je me félicite de la décision du directeur général du FMI d'avoir réuni un groupe de travail spécifique sur ces questions après le 11 septembre pour que le FMI intègre la lutte contre le financement du terrorisme dans ses travaux et renforce son engagement dans la lutte contre le blanchiment. Le rapport qu'il vient de remettre va clairement dans la bonne direction et témoigne d'une nouvelle dynamique et d'un engagement renforcé. J'apporte notamment mon plein soutien à l'approche plus globale qui est désormais proposée. Il faut maintenant agir vite, doter les institutions concernées (GAFI, FMI ou Banque mondiale) des moyens de mener à bien ces objectifs et leur demander de nous rendre compte régulièrement de leurs résultats concrets. Je souhaite attirer votre attention sur le rôle pratique que la Banque mondiale doit avoir dans les pays les plus pauvres dans ce domaine. Elle est en train, peu à peu, à notre demande, d'intégrer la lutte contre le blanchiment dans les standards de développement prioritaires fondant son appui aux pays où elle intervient. Elle doit, plus rapidement encore, inclure la lutte contre le financement du terrorisme comme un point clef d'orientation de ses interventions, en concertation avec le FMI et les autres intervenants : les pays pauvres ne doivent plus être la base arrière des quelques individus qui mettent en danger l'équilibre du monde. b) Le choc économique dû à ces événements touche aussi les pays les moins développés : il nous faut évaluer leurs besoins pour mieux les soutenir Avant le 11 septembre déjà, la conjoncture mondiale évoluait d'une façon moins favorable que quelques mois auparavant. Les populations des pays en développement en souffraient et j'avais insisté auprès de vous sur la nécessité de sanctuariser les dépenses sociales. Après le 11 septembre, les pays en développement sont les plus fragiles dans ces circonstances exceptionnelles. Nous devons répondre à leurs besoins en mobilisant les instruments du FMI, de la Banque mondiale, des banques régionales de développement et des autres bailleurs de fonds pour leur prêter assistance. Éradiquer la pauvreté et nous assurer que la mondialisation n'est pas un facteur d'accroissement des inégalités font partie de nos objectifs prioritaires. Ils répondent aussi à un impératif de sécurité collective car la pauvreté et l'absence d'espoir sont un terreau facile pour les extrémistes et les terroristes. Je constate que nos institutions multilatérales sont dotées des moyens qui permettent de relever les défis de court terme. Comme je l'ai dit lors du CMFI d'hier, je soutiens l'initiative du directeur général visant à étendre la facilité de financement compensatoire (FFC) pour y intégrer un volet destiné aux pays en développement importateurs de pétrole. Par ailleurs, il est plus que jamais nécessaire de s'assurer que le FMI dispose des moyens d'appuyer les politiques de réduction de la pauvreté menées dans les pays les plus pauvres, et tout particulièrement en Afrique. La mise en _uvre de l'initiative PPTE est également essentielle. Son application doit être tout à la fois rigoureuse et souple : rigoureuse pour garantir que les objectifs de réduction de la pauvreté seront atteints ; souple pour s'adapter à la situation réelle des pays et aux chocs subis actuellement par ces pays dans le contexte mondial actuel. Les institutions internationales et le Club de Paris fournissent des efforts considérables en ce sens. Il importe aussi de veiller à ce que la participation des créanciers soit générale. Pour ce qui est de la Banque mondiale, je remercie son président de sa proposition d'engager, dans cette circonstance particulière, de façon plus rapide que prévu, les fonds encore disponibles dans le cadre de l'AID-12. Je souhaite également, pour ma part, que l'AID, qui est en voie de reconstitution, mobilise de façon exceptionnelle ses ressources internes, dont je sais qu'elles sont importantes, pour apporter aux pays éligibles un soutien exceptionnel sur la période de l'AID-13. c) L'Afrique est le continent le plus fragile et le plus pauvre : elle doit être notre priorité En Afrique subsaharienne, presque la moitié de la population vit avec moins d'un euro par jour. Les perspectives économiques publiées récemment par la Banque mondiale montrent que nous devrions atteindre l'objectif global de diminuer de moitié l'extrême pauvreté à l'horizon 2015. Mais la Banque mondiale nous dit aussi que l'extrême pauvreté pourrait progresser en Afrique : c'est inadmissible et il ne tient qu'à nous, gouvernants des pays du Nord et des pays du Sud, d'inverser cette tendance : prévenir la violence, c'est d'abord vouloir réduire les inégalités et empêcher que la mondialisation ne crée des « poches de pauvreté » parce que des hommes et des femmes auraient été négligés dans notre stratégie de développement. C'est pourquoi la France continue à plaider pour que 50 % des flux d'aide concessionnelle de la Banque mondiale soient accordés au continent africain. La reconstitution en cours de l'AID-13, qui doit se conclure d'ici la fin de l'année, doit être l'occasion pour la communauté des bailleurs dans son ensemble de renouveler cet engagement et pour la Banque mondiale de définir une stratégie détaillée et efficace permettant la concrétisation de cet objectif. Nous contribuerons aussi, pour notre part, au Fonds africain de développement. 2. Il nous faut trouver les moyens de rendre ce monde plus juste et plus équitable : c'est l'enjeu de la conférence de Monterrey sur le financement du développement Populations du Sud, opinions publiques du Nord, attendent de la réunion de Monterrey qu'elle ouvre des perspectives crédibles sur le financement du développement pour demain. C'est un enjeu auquel, nous, actionnaires des institutions de Bretton-Woods, devons répondre. Tout en expliquant mieux le rôle de nos institutions pour la régulation de la mondialisation (a) il nous faut rationaliser leurs interventions (b). Il nous faut aussi maîtriser les conditions dans lesquelles les financements publics et privés parviennent aux pays en développement (c), de façon cohérente avec d'autres sources de financement sur lesquelles nous devons réfléchir (d). a) Il nous faut mieux expliquer l'action des IFIs à nos opinions publiques De Prague à Washington, chacune de nos rencontres récentes a été l'occasion de manifestations hostiles et de critiques fortes de la part de la société civile. L'action de nos institutions est souvent mal comprise. Elles sont tour à tour accusées de ne pas faire assez ou de faire trop, à travers une ingérence excessive dans les choix politiques des États. Nous devons exiger qu'elles soient exemplaires. Elles doivent en particulier éviter de s'engager dans des domaines qui sont éloignés de leurs compétences. Pourtant, nos institutions sont uniques par les moyens financiers dont elles disposent et sont des acteurs essentiels pour gouverner la mondialisation. Elles ont un rôle fondamental dans la promotion d'un monde plus sûr parce que plus solidaire. Elles sont un partenaire essentiel des pays en développement, particulièrement les plus pauvres d'entre eux. Le mandat que nous leur avons confié est clair dans notre esprit. Mais il nous faut encore organiser le dialogue. Le G 20 s'est réuni hier. Ce groupe n'est pas encore suffisamment représentatif. J'ai proposé que nous recherchions ensemble un schéma de représentation plus équilibré des différentes zones et cultures du monde. Je soutiens aussi l'idée d'un Conseil de sécurité économique. La Conférence de Monterrey sur le financement du développement sera une bonne occasion pour avancer dans ce dialogue. b) Distinguer les rôles et garantir la cohérence d'action de nos institutions Banque mondiale, banques régionales de développement, Fonds monétaire international, fonds et programmes des Nations Unies. Autant d'institutions spécialisées dont nous avons, progressivement, su préciser les champs d'intervention. La reconstruction de l'Afghanistan devra être un exemple de coopération entre les partenaires du développement. Il est clair que la priorité sera de mettre en place en Afghanistan, en associant les populations, une structure provisoire pour faire face aux besoins les plus urgents, en impliquant les Nations Unies. Dans le même temps, le FMI, la Banque mondiale et la Banque asiatique de développement devront envisager, dans le respect de leurs mandats et compétences respectifs, la reconstruction de l'économie de ce pays pour que, la liberté étant retrouvée, la vie reprenne son cours et l'espoir de chacun prenne forme. Plus généralement, la réforme des banques multilatérales de développement, que nous avons initiée l'année dernière et dont la mise en _uvre se poursuit, permettra d'avancer davantage encore dans le sens d'une meilleure définition des rôles de ces institutions et d'une meilleure cohérence de leurs interventions. Elle permettra de rendre ces institutions plus sélectives, donc plus efficaces. Le souhait de la France de créer, à l'AID et au Fonds africain de développement, une fenêtre de dons pour les projets sociaux dans les pays les plus pauvres relève de cette même logique de cohérence : nous ne pouvons d'une part annuler la dette de ces pays et d'autre part nous en tenir à des instruments d'intervention dont nous savons qu'ils conduiront à recréer un endettement, certes concessionnel, mais encore insoutenable par rapport à la nature des projets financés. Pour autant, il me semble important que cette fenêtre de dons soit limitée, par exemple de l'ordre de 10 % des interventions : le risque d'aller au-delà serait de fragiliser les institutions, dans leurs mandats et dans leurs capacités financières. Le risque serait aussi de leur ôter leur valeur ajoutée par rapport aux fonds et programmes des Nations Unies, dont le rôle économique est d'apporter des dons pour des projets microéconomiques de réduction de pauvreté. c) Moderniser l'aide publique au développement, qui est un pilier de la solidarité internationale Le Secrétaire général des Nations Unies, M. Koffi Annan, a eu l'heureuse initiative de demander à un panel d'experts, autour de M. Zedillo, de faire, pour la Conférence de Monterrey, un rapport sur les perspectives de notre aide. Notre réunion d'aujourd'hui est, pour moi, une occasion supplémentaire de dire combien ce rapport est appréciable, tant par les idées nouvelles qu'il développe que par les difficultés qu'il met en lumière sur le chemin du développement où nous sommes engagés. J'en retiens pour ma part trois messages, que je souhaite que nous portions ensemble à Monterrey : i) Le développement économique repose d'abord sur des règles claires, connues et respectées de tous La première condition pour que naisse une croissance économique durable est que chaque État souverain, au Sud comme au Nord, définisse des règles claires, justes, qui s'appliquent à tous de la même façon. C'est la voie dans laquelle s'engagent heureusement aujourd'hui tous les pays en développement, à commencer par ceux d'Afrique dans le cadre de leur initiative NEPAD. Les clefs du développement sont aussi les réponses à des questions simples que se pose chaque acteur économique : « à quoi me sert de développer mon commerce si je sais que je peux être dépouillé à tout moment ? Si mon concurrent peut corrompre les autorités qui contrôlent mon activité ? S'il peut faire travailler illégalement des enfants et détruire l'environnement naturel ? » Je crois que le cadre institutionnel et réglementaire, l'instauration de « l'État de droit », la lutte contre la corruption et la délinquance financière sont des préalables dans la vision française du développement. C'est aussi la vision de l'Europe. Pour être efficace, ce cadre institutionnel doit être mis en _uvre de façon concertée à tous les niveaux : national mais aussi international. Dans une économie mondialisée, nous avons besoin de mécanismes régulateurs mondiaux. Les bases récemment adoptées par le « programme de développement de Doha » y contribueront positivement. Plus généralement, protection de l'environnement, lutte contre les maladies infectieuses, éducation des femmes et des hommes, lutte contre la délinquance financière et contre le financement du terrorisme, promotion de la stabilité financière internationale sont autant de sujets où nous devons nous concerter et arrêter une stratégie mondiale. ii) Le financement du développement repose sur une co-responsabilité assumée L'inefficacité de l'aide nuit à l'aide. D'une part l'impact de l'aide pour les hommes et les femmes des pays bénéficiaires est trop souvent amoindri par des méthodes inappropriées. D'autre part, la justification de l'effort que consentent les populations du Nord en faveur des peuples du Sud est d'autant moins forte si des gaspillages existent. Il me paraît donc essentiel de systématiser un lien politique entre l'augmentation du niveau de l'aide, que chacun souhaite, et les progrès de la rationalité de ces dépenses. Par là, je veux vous dire, en particulier, que nos décisions ne seront considérées comme positives que si elles s'appuient sur la cohérence de l'intervention des organisations internationales, sur des objectifs de l'aide lisibles pour le citoyen et sur une véritable mesure de l'efficacité. Ce sont des objectifs que nous sommes aujourd'hui loin d'avoir atteints. iii) La solidarité Nord-Sud de demain est à construire sur la base des initiatives que nous avons décidées au cours des derniers mois en vue de former un cadre cohérent. J'en retiendrai trois principales : · l'initiative sur la dette, qui fournit, avec les cadres stratégiques de réduction de la pauvreté, un cadre unique de lutte contre la pauvreté et les inégalités, de nature à établir une coordination efficace des bailleurs de fonds, sous la responsabilité des pays bénéficiaires. C'est un travail qui commence à peine et dont nous attendons beaucoup ; · l'adaptation des contraintes commerciales sur les flux Nord-Sud. L'accord trouvé à Doha sur le prix des médicaments pour traiter le SIDA est un exemple de pragmatisme sur lequel il nous faut construire. L'initiative « Tout sauf les armes » constitue, par son caractère global, unilatéral et non limité dans le temps, une avancée majeure en faveur de l'accès des pays les moins avancés aux marchés des pays riches ; j'appelle les autres grands pays industrialisés à mettre en _uvre rapidement des initiatives similaires. De même, les récents accords de l'OCDE sur le déliement de l'aide aux PMA illustrent également l'importance de la liberté économique et commerciale dans le processus de développement. Cependant, ces efforts seront insuffisants sans un appui renforcé aux pays pauvres pour qu'ils s'intègrent mieux dans l'économie mondiale, qu'ils diversifient leurs économies et qu'ils puissent participer pleinement au dispositif multilatéral de libération des échanges. · l'harmonisation des procédures des donateurs. Le Comité d'aide au développement de l'OCDE me paraît être l'enceinte centrale pour ces débats. Chacun, donateurs bilatéraux, institutions financières et organismes des Nations Unies, doit y contribuer. Les IFIs, tout comme les institutions européennes, doivent faire évoluer leurs procédures dans le sens d'une plus grande efficacité, sans compromettre la sécurité nécessaire pour le maniement des sommes importantes que nous leur confions. d) À Monterrey, les ministres des finances et du développement devront aussi envisager de nouvelles sources de financement du développement Il nous faut d'abord vouloir améliorer nos mécanismes de solidarité. La France, qui est, depuis longtemps, au sein du G 7, le pays dont l'effort relatif est le plus important, souhaite montrer l'exemple. Nous réfléchirons dans les prochaines semaines, au sein du Gouvernement, à l'évolution des objectifs et des formes de notre aide. L'Europe est, elle aussi, un exemple pour ce qui est de la solidarité Nord-Sud : les pays de l'Union apportent près de la moitié de l'aide mondiale aux pays du Sud. Si nos autres partenaires nous rejoignaient à ce niveau, chaque année, plus de 25 milliards d'euros supplémentaires iraient aux pays du Sud. Allier ambition et idées nouvelles est d'ailleurs une qualité du rapport du panel présidé par M. Zedillo : je pense par exemple à l'idée de créer des mécanismes de taxation sur les émissions de carbone, à laquelle l'on doit réfléchir, de façon cohérente avec les mécanismes de Kyoto. Mais je crois que nous pouvons aller au-delà : je vois un intérêt fort à considérer la possibilité de créer des nouveaux mécanismes internationaux de prélèvement sur les autres abus de la mondialisation, qu'il s'agisse de la spéculation financière - que l'Europe étudie aujourd'hui - ou du commerce des armes. Il faut progresser de façon raisonnée en ce domaine. ANNEXE X ENTRE DETTE ET PILLAGE, UNE ÉCONOMIE À GENOUX Par José BEINSTEIN (Le Monde diplomatique de juillet 2001) Le 17 juin, deux Argentins ont été tués dans la province de Salta, près de la frontière bolivienne, au cours d'affrontements avec la gendarmerie, qui tentait de rouvrir le principal axe de circulation coupé par les manifestants. Ces derniers protestaient contre la situation sociale critique de cette partie déshéritée du pays. D'après le quotidien La Nación, 56 % de la population y vivent en état de pauvreté, 17 % des habitants éprouvant des difficultés à faire un repas par jour (47). Allant de pair avec le désastre économique et l'appauvrissement de larges secteurs de la population, les protestations populaires, qui se multiplient, augmentent l'isolement d'un exécutif prématurément usé. Arrivé au pouvoir le 10 décembre 1999, il y a moins de deux ans, en promettant la fin de la corruption et la réactivation de l'économie, le président Fernando de La Rua a plus que déçu. La situation ne s'est en rien améliorée, et dans de nombreux secteurs, elle s'est même détériorée. Dès les cent premiers jours de sa présence à la tête de l'État, le président s'est fait le défenseur du modèle mis en place par son prédécesseur péroniste ultralibéral, Carlos Menem, et a signé un accord avec le Fonds monétaire international (FMI). En matière de lutte contre la corruption, les promesses de M. de La Rua n'ont donné lieu qu'à une action superficielle, limitée à certains fonctionnaires de l'entourage de M. Menem. La corruption institutionnelle ne peut en effet être comprise si l'on fait abstraction de son soubassement, c'est-à-dire de l'hégémonie de groupes économiques très concentrés (en majorité étrangers). Leurs « superbénéfices » se nourrissent d'un pillage permanent, qui ne peut fonctionner qu'avec la complicité de l'État. Articulation de clans crapuleux (politiques, patronaux, judiciaires, policiers, etc.) et d'une oligarchie gouvernante cleptocrate, le « menémisme » n'était ni aussi exceptionnel ni aussi anormal que l'ont prétendu certains. Il n'était que l'adaptation péroniste du schéma économique en vigueur. L'Argentine se trouve confrontée à la rencontre explosive de la crise mondiale (aggravée par le ralentissement et la possible récession de l'économie américaine) et du naufrage généralisé de ses propres règles économiques, de ses identités politiques et culturelles, et de ses institutions. Le tout dans un contexte latino-américain également dégradé - fruit du mariage entre un capitalisme sous-développé (État minimum, démantèlement de la législation du travail et de la protection sociale) et la « démocratie » parlementaire de type occidental. « Élitisées », les sociétés ont oublié en chemin les masses croissantes de marginaux et d'indigents. La désarticulation des tissus productifs, commencée dans les années 1980 (ou même avant dans certains cas), s'est aggravée. En lien avec des intérêts financiers et mafieux globaux, les bourgeoisies locales se sont tournées, pour partie, vers les affaires parasitaires illégales ou semi-légales, depuis le narcotrafic jusqu'à la mise à sac de l'État. De 1985 à la crise financière mexicaine de la fin 1994, une très forte récession a affecté une bonne partie de la région (48) la croissance ne se maintenant avec peine que grâce à l'augmentation des dettes extérieures et des déficits fiscaux. C'est ainsi que la dette extérieure régionale passe de 450 milliards de dollars en 1991 à 750 milliards de dollars en 1999, année au cours de laquelle la variation du PIB régional par habitant est négative (- 1,6 %), avec des chutes supérieures à 6 % en Equateur et au Venezuela, et de plus de 3 % en Argentine et en Colombie. La situation a empiré en 2000, et tout indique qu'elle s'aggravera encore en 2001. La crise argentine résulte d'une longue succession d'échecs accumulés durant plus d'un siècle : épuisement du modèle agro-exportateur dans les années 1930 ; du système industrialisant sous-développé et de son expression politique populaire, le péronisme (entre 1945 et 1955) ; de tous les essais conservateurs, plus ou moins autoritaires et sanglants, ou « démocratiques » qui, depuis le coup d'État militaire de 1955, n'ont pu stabiliser la société ; de la rencontre enfin, au cours des années 1990, d'un capitalisme national déclinant et parasitaire avec le capitalisme global soumis à la spéculation financière. L'accroissement de la dette extérieure, publique et privée, constitue un facteur majeur de la dégradation de la situation. La dette publique s'est maintenue relativement stable à la fin des années 1980 et au début des années 1990, les importantes rentrées de capitaux dues aux privatisations massives d'entreprises publiques entretenant l'illusion d'une stabilisation. Mais, une fois épuisés les fonds des privatisations, la dette d'État a repris sa progression. Elle atteignait 110 milliards de dollars fin 1998. Si cette dette publique a doublé entre 1992 et 1998, la dette privée a été multipliée par 10, passant de 3,5 milliards de dollars à 35 milliards de dollars (d'après les évaluations officielles). Fin 2000, l'endettement total du pays (État, provinces, privé) atteignait plus de 200 milliards de dollars (49). Le paiement des intérêts provoquant un endettement encore plus grand car l'Argentine emprunte pour payer les intérêts de sa dette, menant le pays au krach financier. On pourrait argumenter que c'est l'absence locale de capitaux et l'abondance de fonds globaux destinés aux marchés émergents qui ont poussé gouvernants et entrepreneurs argentins à solliciter des prêts. Ce serait oublier que le ministère de l'économie estime à 120 milliards de dollars les fonds des Argentins déposés sur des comptes bancaires à l'étranger et dans des paradis fiscaux. Dans le passé, on prétendait que les tracas dirigistes de l'État, en les empêchant de travailler librement, faisaient fuir ces capitaux. Il est difficile d'imaginer une économie plus libérale que l'actuelle. Pourtant, la fuite des capitaux s'est accélérée ! Depuis le début des années 1990, la politique d'ouverture aux importations et la surévaluation de la monnaie locale (le peso argentin est à parité avec le dollar des États-Unis) ont fait exploser le déficit commercial. En avril 1991, en effet, sous le premier mandat du président Carlos Menem, M. Domingo Cavallo, « superministre » de l'économie, avait mis en place le système de convertibilité du peso en dollar (1 peso pour 1 dollar) et l'a gravé dans la Constitution. Cette parité fixe a renchéri automatiquement les produits argentins et a eu des conséquences négatives sur de nombreuses industries locales, qui peinent désormais à exporter. En même temps, cela favorisait l'achat de produits étrangers qui ont envahi le marché intérieur et concurrencé des secteurs entiers de l'économie argentine. Tout cela a augmenté le chômage, mais aussi provoqué une offre locale de biens qui a freiné l'inflation. S'ajoutant à la concentration financière, commerciale et industrielle, la nouvelle parité a favorisé un modèle fondamentalement importateur, dominé par un groupe réduit de firmes transnationales. Avec, pour résultat, là encore, une dette extérieure en augmentation, des ajustements économiques chaque fois plus douloureux, censés réduire le déficit commercial et ralentir... l'endettement. À en croire les économistes néo-libéraux, la mauvaise gestion des entreprises publiques était responsable du déficit fiscal. Las ! La privatisation des fleurons de l'État n'a pas empêché les déficits de continuer à se creuser. Et il a encore fallu emprunter. Cause importante du déficit : l'évasion fiscale des entreprises étrangères, à laquelle s'ajoutent la faible pression fiscale sur les hauts revenus ainsi que les énormes transferts de ressources publiques vers les grands groupes économiques, particulièrement les secteurs financiers. La privatisation de la Sécurité sociale et la réduction des cotisations versées par le patronat constituent un bon exemple de cette politique. Elles ont privé l'État de plus de 8 milliards de dollars par an, chiffre proche du déficit des comptes publics (50). Cet État, que la doxa néo-libérale promettait d'assainir en l'épurant de ses tares bureaucratiques, a réduit ses dimensions et son poids économique, mais est demeuré soumis aux manipulations des grands groupes financiers. De fait, les privatisations ont dessiné une nouvelle réalité économique qui pourrait être qualifiée de « coloniale » (51). La double mise à sac, externe (paiement de la dette) et « interne » (super-bénéfices des grands groupes économiques), a épuisé en quelques années une économie déjà très détériorée. Entre 1997 et juillet 2000, le taux de chômage est passé de 13,8 % à 15,4 % (52). En 2000, le nombre de pauvres à Buenos-Aires et dans les faubourgs dépassait 3,5 millions de personnes, beaucoup de Porteños - habitants de la capitale - jonglant avec deux, voire trois emplois pour survivre. En y ajoutant les provinces, surtout les plus reculées (Corrientes, Chaco, etc.) où se concentre la paupérisation, à la fin du XXème siècle le pays comptait 14 millions de pauvres, plus de 3 millions d'indigents et plus de 2 millions de chômeurs (53). Produit d'un capitalisme converti en système de pillage, la récession n'a rien d'un phénomène conjoncturel, attribuable à des causes passagères. Les illusions triomphalistes manifestées par les néo-libéraux dans les lointaines années 1990 n'ont pas résisté à la réalité des faits. Les ministres de l'économie naviguent désormais dans des eaux turbulentes, essayant désespérément de survivre, chaque fois dans le plus court terme, tandis que s'étendent les protestations populaires qui menacent de se transformer en rébellion généralisée. En décembre 2000, en virtuelle cessation de paiement, le gouvernement n'a dû son salut qu'à un sauvetage financier d'un montant total de 39,7 milliards de dollars (44,34 milliards d'euros), piloté par le Fonds monétaire international (FMI). La propagande officielle a tenté de présenter ce ballon d'oxygène comme un « blindage » qui permettrait à l'Argentine de retrouver la croissance. L'illusion n'a pas duré plus de quelques mois. Démissionnaire le 2 mars 2001, M. José Luis Machinea, ministre de l'économie, est remplacé par une équipe ultralibérale, qui tente un ajustement sauvage reposant sur des coupes brutales dans les dépenses publiques (particulièrement dans l'éducation). L'expérience ne réussit qu'à déclencher une gigantesque réponse populaire (grèves, prises de routes, occupation d'universités). Politiquement isolé et au niveau le plus bas de la popularité, le président de La Rua appelle M. Domingo Cavallo, père de la politique économique durant la plus grande partie du régime de M. Menem, au ministère de l'économie et en fait son virtuel premier ministre. Après avoir augmenté la pression fiscale (ce qui accentue la récession), celui-ci a cherché à obtenir ensuite le refinancement d'une part importante de la dette extérieure. Il l'a finalement obtenu le 4 juin, grâce à la transformation de 29,477 milliards de dollars (environ 34 milliards d'euros) de dette à court et moyen terme en dette à long terme. Toutefois, la justice enquête sur l'opération, entachée par des évidences de corruption dans le paiement de « commissions » exorbitantes aux groupes financiers impliqués dans ce « méga-échange ». Affecté par la situation préoccupante du Brésil (son principal partenaire commercial, aux prises avec une grave crise énergétique) et par l'ombre d'un refroidissement commercial, Buenos-Aires a dû se résoudre, le 15 juin, à une « dévaluation virtuelle » de sa monnaie. Après une décennie de parité fixe avec le dollar qui, en provoquant une surévaluation insoutenable du peso, a bloqué les exportations, le « peso commercial », nouvellement créé, voit sa valeur diminuer de 8 % par rapport au « peso normal » - qui s'échange toujours au taux fixe de 1 pour 1 dollar (54). Cela introduit un facteur supplémentaire d'instabilité dans une situation déjà très préoccupante. En outre, l'un des mythes du néo-libéralisme argentin des années 1990 est définitivement mis à mal : la stabilité éternelle du type de change, orgueil de l'ex-président Menem, et que M. de La Rua avait juré de maintenir, déclarant même, comme son prédécesseur, qu'il préférait dollariser complètement l'économie plutôt que de dévaluer le peso. Cette illusion monétaire a fait croire à beaucoup d'Argentins que leur argent s'était miraculeusement transformé en dollars. En revanche, nul ne les a avertis que la surévaluation du peso permettait aux entreprises étrangères de décapitaliser le pays, qui, à son tour, s'endettait chaque jour un peu plus (55). Le FMI moins que quiconque, qui a toujours cité l'Argentine comme un modèle d'orthodoxie économique. Et qui à nouveau, le 22 juin, à travers son directeur des relations extérieures Thomas Dawson, a manifesté son soutien au plan de M. Cavallo... ANNEXE XI TANGO DE CAUCHEMAR EN ARGENTINE Par Luis BILBAO (Le Monde diplomatique de juillet 2001) Enfant chéri du Fonds monétaire international, l'Argentine n'en finit pas de payer le prix d'un libéralisme économique débridé. Endettement massif, léthargie de la production industrielle, plans de sauvetage financier, envolée du chômage ont fini par déboucher sur une « dévaluation virtuelle », le 15 juin, et de très fortes tensions sociales. Dans ce contexte, aggravé par l'arrestation de l'ex-président Carlos Menem, le ministre de l'économie, M. Domingo Cavallo, lance une offensive... libérale. C'est d'un pas vacillant et avec l'allure d'une bête traquée que l'ex-président argentin Carlos Menem est sorti du bureau du juge qui, le 7 juin, venait de lui notifier sa mise en détention. On l'accuse d'être le chef présumé d'une association illicite qui, entre 1991 et 1995, durant son mandat, a vendu illégalement pour 100 millions de dollars d'armes à la Croatie et à l'Équateur. Ces opérations de contrebande eurent lieu en violation de l'embargo militaire décrété par les Nations Unies sur l'ex-Yougoslavie dans le premier cas, et du protocole de Rio, dont l'Argentine est l'un des garants, dans le cas du conflit entre le Pérou et l'Equateur. Derrière cette image d'un président mis en accusation, toute une époque de la politique argentine est ainsi mise en cause. Le pays a fêté la détention de M. Menem. Il y a même eu un moment de joie dans les rues de Buenos-Aires, depuis longtemps capitale de la tristesse et de la morosité. Les klaxons des automobilistes ont retenti et, de toutes les catégories sociales confondues, ont fusé des manifestations de soutien à la possibilité « qu'ils aillent tous en prison ». Quatre cents personnes, à peine, ont encouragé, avec une évidente absence de ferveur, M. Menem face au tribunal, contraintes à faire du tapage par une poignée d'individus ayant une fonction pour laquelle la langue argentine a trouvé un mot juste : « punteros » (56). Mais la nouvelle n'a pas ouvert la voie à l'optimisme ; elle a simplement ravivé la flamme de l'espoir, un court instant. Après cette lueur est revenue s'imposer une réalité déprimante : réapparition de groupes para-policiers, comme celui qui a récemment séquestré et torturé une des filles de Mme Hebe de Bonafini, la présidente des « mères de la place de Mai » ; attaque insolite de l'Eglise catholique, qui cherche à revenir un siècle en arrière pour instaurer à nouveau l'enseignement religieux dans les écoles ; licenciements massifs dans tous les secteurs ; baisses de salaires de ceux qui, chaque jour, dans la frayeur de perdre leur emploi, plient l'échine sous des exigences toujours plus sévères... Néanmoins, il y a quelque chose de nouveau, de bouleversant et de grave dans le fait que M. Menem, l'homme qui a pendant dix ans incarné un pouvoir inattaquable massivement soutenu par les groupes économiques locaux et étrangers les plus puissants, se soit retrouvé seul. « Semblable à un Al Capone avec l'écharpe présidentielle et le sceptre du pouvoir », a titré sans pitié ni reconnaissance le plus ancien quotidien du pays ((57). Les figures les plus éminentes du pouvoir judiciaire, présidé officiellement par M. Menem, lui ont ostensiblement tourné le dos, ainsi que les dirigeants syndicaux. Et M. Peter Romero, secrétaire d'État pour l'Amérique latine aux États-Unis, fut on ne peut plus éloquent quand, deux jours avant la notification d'emprisonnement, il déclara publiquement : « Je ne pense pas que [la détention de M. Menem] affecte la démocratie argentine » (58). De fait, il n'y eut pas le moindre signe d'instabilité, bien que les événements en cours, quel que soit leur dénouement sur le terrain judiciaire, constituent un tremblement de terre politique : sur le chemin de la prison, M. Menem a été précédé par M. Emir Yoma, son beau-frère et homme de paille, par l'ancien ministre des armées, le général Martín Balza, et par l'ancien ministre de la défense, Erman Gonzáles (qui a également occupé les portefeuilles de l'économie et de l'emploi). Deux autres ministres, celui des relations extérieures, M. Guido di Tella, et celui de la défense, M. Oscar Camilión, sont poursuivis pour les mêmes motifs. Et une longue liste de noms prestigieux attend son tour dans les dossiers du procureur général. En arrière-plan, une douzaine de suicides plus que douteux et d'accidents fatals opportuns (59). Parmi ceux-ci, la mort jamais élucidée du propre fils de l'ex-président, « Carlitos », dans un accident d'hélicoptère suspect. Un ensemble de faits qui élargissent l'arc du soupçon à d'autres sortes de délits, le trafic de drogue en premier lieu. Avec l'arrestation de M. Menem, la certitude d'impunité est ébranlée et la panique se propage : « Dans l'intimité, on avance cette audacieuse hypothèse : ce qui se produit en Argentine serait une sorte de coup d'État (...) Un coup d'État ? Oui, une sorte de mani pulite à la créole » (60). L'identification du mani pulite italien à un coup d'État, en soi révélatrice, trouve dans le cas argentin un point d'appui : ce ne sont pas les partis - encore moins la cité - qui ont mis en marche cette opération. Personne ne suppose qu'il s'agit de la seule décision du juge Jorge Urso, péroniste et nommé en son temps par M. Menem ; lui-même est soupçonné d'enrichissement illicite et d'exercice illégal de ses fonctions. M. Domingo Cavallo, un des ministres signataires des décrets d'exportations d'armes (qui se sont ensuite révélés être des faux), ne semble pas très enthousiaste à l'idée d'activer cette bombe à retardement. On imagine mal les principaux dirigeants du péronisme suspendre cette épée tranchante au-dessus de leurs propres têtes. Et ceux qui ont suivi de près la gestion du président Fernando de la Rua durant ses dix-huit mois de gouvernement doutent qu'il soit l'instigateur de ce tourbillon d'énorme puissance dévastatrice. Circonscrite au cercle de l'ex-président, l'opération pourrait effectivement bénéficier au gouvernement. Mais le risque est trop important. Quoi qu'il en soit, il est incontestable que cette opération vise à attiser et à capitaliser le rejet profond de la « société civile » envers les dirigeants politiques corrompus. Agrémenté d'au moins une bouffée d'oxygène pour l'économie, le mani pulite sous contrôle rendrait possible l'exercice du gouvernement, la maîtrise de la gravissime crise sociale et la prise de décisions sur le terrain international, surtout celle qui déterminera si le pays rompt ou non son alliance stratégique avec le Brésil et se dirige, comme le souhaitent les États-Unis, vers une intégration à la zone de libre échange des Amériques (ZLEA) (61), au détriment du Marché commun du Sud (Mercosur). Rien de cela ne sera possible tant que la force centrifuge qui disloque les partis et les équipes du gouvernement ne sera pas neutralisée. Résoudre la fracture sociale est la condition prioritaire pour empêcher que la crise ne dérive vers une implosion politique. Ce qui se passe actuellement. Sans respecter les formes, et au moment même où M. Menem était emprisonné, le président Fernando de La Rua se réunissait avec celui qui fut son principal rival péroniste lors des élections de 1999, M. Eduardo Duhalde. Il lui fit secrètement une offre que le premier dirigeant du Parti justicialiste (péroniste) accepta : former un gouvernement d'« unité nationale » pour affronter la triple menace de la dépression économique, de l'affaiblissement du gouvernement central et du risque d'implosion devant la chute certaine du parti au pouvoir lors des élections du 14 octobre prochain. L'artificier de cette man_uvre est le nouveau ministre de l'économie, M. Domingo Cavallo, le même qui, dix ans auparavant, avait donné l'illusion d'un pays stable et prospère sous la direction de M. Menem. Il est peu probable que cette opération d'« union nationale » réussisse. Mais ce qui est encore plus incertain, c'est la signification qu'elle pourrait avoir. Le pays sort d'une expérience qui a plongé les Argentins dans le pessimisme et un individualisme extrême. L'ombre de Franz Biberkopf, prototype de l'homme anéanti par la crise sociale dans l'Allemagne préfasciste du roman Berlin Alexanderplatz (62), plane dans les rues de Buenos-Aires. Nouvelle équipe, même politique La séquence et les rythmes ont été brutaux : après la dictature militaire, le peuple désavoue le péronisme qu'il avait porté au pouvoir en 1973 et place tous ses espoirs dans l'Union civique radicale (UCR). Il propulse M. Raúl Alfonsín à la présidence en 1983. Pour un printemps fugace. L'héritage est trop lourd et rend nulles les capacités du parti gouvernant. Ajoutée aux médiocres revenus des salariés et des classes moyennes, l'hyper-inflation liquéfie l'espoir du pays. Le désenchantement permet alors le triomphe d'une liste menée par M. Menem, un personnage d'opérette. Ce n'est qu'après deux autres pics d'hyper-inflation qu'apparurent le « superministre » Domingo Cavallo, sa thérapie de choc et la stabilité. Quatre ans plus tard, la récession et l'accélération de la corruption à ciel ouvert réveillèrent douloureusement le pays. Il advint alors qu'une minuscule coalition de gauche, dénommée Front du Sud et représentée par un cinéaste militant péroniste, Fernando Solanas, fut perçue comme l'« alternative » tant espérée face au bipartisme traditionnel. Le temps passa et le Front du Sud s'allia à d'autres factions péronistes, donnant naissance au Front élargi. Solanas retourna au cinéma ; M. Carlos Alvarez et Mme Graciela Fernández Meijide - mère d'un adolescent disparu sous la dictature - prirent sa place. Par la suite, le Front élargi fusionna avec une fraction du Parti justicialiste et devint le Front pays solidaire (Frepaso) qui, conduit par M. José Bordón comme candidat présidentiel, frôla la victoire électorale en 1995. Renonçant à la coalition, M. Bordón retourna au Parti justicialiste. M. Carlos Alvarez revint aux commandes et Mme Fernández Meijide devint la figure emblématique de la lutte contre la corruption. À peine deux ans plus tard, à la suite d'un revirement insolite pour ses adhérents, le Frepaso s'allia à l'UCR et participa aux élections de 1999 avec M. Fernando de La Rua, aile droite de l'UCR, et M. Carlos Alvarez, du Frepaso, comme candidats à la présidence et à la vice-présidence. Optant pour le moindre mal, une grande partie de l'électorat vota contre deux noms suffisamment connus : Duhalde et Cavallo. Entre-temps, l'Alliance avait adopté la politique économique du gouvernement qu'elle remplacerait et, en conséquence, elle l'appliqua le jour suivant sa prise de fonction : augmentation des impôts des classes moyennes, baisse des salaires, accélération de l'endettement. Bouleversement inattendu dans cette dynamique : à la mi-2000, M. Carlos Alvarez promit le retour au pouvoir de M. Cavallo et renonça à la vice-présidence, pour abandonner, quelques mois plus tard, son militantisme au Frepaso. Accusée de corruption et d'erreurs politiques, Mme Meijide s'éclipsa, renonçant au portefeuille du bien-être social. À de nouvelles mesures économiques entraînant irrémédiablement la récession s'ajouta, au cours de cette année 2001, la démission de deux ministres de l'économie à quinze jours d'intervalle, et note finale, le retour à ce poste, avec des pouvoirs très étendus, de celui qui n'avait obtenu que 10 % des suffrages aux dernières élections : M. Domingo Cavallo. Durant cette course infernale au pouvoir, le mouvement syndical s'est divisé. La Centrale générale des travailleurs (CGT) d'origine, fidèle soutien de M. Menem durant son mandat, a rejoint M. Cavallo ; une fraction, la CGT dissidente, s'associe ouvertement à l'opposition conduite par M. Duhalde et le gouverneur de la province de Buenos-Aires, M. Carlos Ruckauf. Ce dernier brandit des thèses xénophobes et propose comme panacée de « tirer une balle dans la tête » de la délinquance qui croît dans sa province. Enfin, une infime structure composée de fonctionnaires (administratifs et enseignants), la Centrale de travailleurs argentins (CTA), fait partie de l'Alliance dirigeante et organise grève sur grève contre elle, aux côtés de la CGT dissidente. À ce stade, l'annonce du dépôt de bilan, par ses propriétaires espagnols, d'une entreprise subitement érigée en symbole national, Aerolíneas Argentinas, a fait l'effet d'un catalyseur et d'un détonateur dans l'esprit collectif. Accusant la « mondialisation » et le « néo-libéralisme » de causer un désastre national, les citoyens esquissent un revirement vers des réflexes chauvins. Un bouleversement similaire à celui qui avait porté M. Menem au trône. Et qui a fait de son ancien ministre de l'économie, symbole honni du modèle des années 1990, l'ultime bouée de sauvetage à laquelle le système politique puisse s'accrocher. 3478 - Rapport d'information de M. Yves Tavernier sur les activités et le contrôle du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale (commission des finances) () « FMI : l'occasion manquée », Les Échos, 10 septembre 20001, et entretien paru dans Le Monde du 6 novembre 2001 reproduit en annexe du présent rapport. () Voir déclaration des chefs d'État et de Gouvernement, aux Nations Unies, en septembre 2000, à l'occasion du sommet du millénaire. () AGIR ICI, AITEC, CRID, Avis sur le rapport du Gouvernement au Parlement sur les activités du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, novembre 2001. () M. Yves Tavernier, Fonds monétaire international, Banque mondiale : vers une nuit du 4 août ?, Assemblée nationale, XIème législature, n° 2801, 13 décembre 2000. () Lettre de M. Laurent Fabius reproduite en annexe. () L'intégralité du rapport est publiée à la fin du présent rapport,( page 75). () La création de ce département réunissant l'ensemble des unités du Fonds travaillant sur les marchés a été annoncée, en mars 2001, par le directeur général du Fonds, M. Horst Köhler, dans la foulée de la remise du rapport confié en novembre 2000 à M. John Lipsky, économiste en chef de la banque JP Morgan Chase. () Haut Conseil de la coopération internationale, Contribution pour la commission des Finances de l'Assemblée nationale sur le troisième rapport du Gouvernement au Parlement sur les activités du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, 26 novembre 2001. () Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, Rapport sur le commerce et le développement, 2001. () M. Jorge Beinstein, « Neoliberalismo y saqueo. Hacia la liquidacion del sistema de seguridad social », Ciuadadamos, n° 2, Buenos-Aires, été 2001. () Mme Christine Rifflart, « À l'impossible, l'Argentine ne peut être tenue », Lettre de l'OFCE, n° 209, 10 octobre 2001. () États-Unis, Singapour, Australie, Japon, Chine, Malaisie. () M. Joseph Stiglitz, « Relève de la garde au FMI », Les Échos, 18 juin 2001. () Cité par Mme Amandine Giraud, La crise indonésienne et le rôle du FMI, Haut Conseil de la coopération internationale, juin 2001. () M. Thierry Coville, « Turqie : la crise annoncée », Géostratégiques, n° 5, mai 2001. () M. Joseph Stiglitz, « Relève de la garde au FMI », Les Échos, 18 juin 2001. () Voir Rendre le Bureau d'évaluation indépendant du FMI opérationnel : un article de fond, 7 août 2000 et Rapport du conseil d'administration du FMI au CMFI sur la mise en place du Bureau d'évaluation indépendant et ses statuts, 12 septembre 2000. Voir également le Statut du directeur et conditions de recrutement du directeur et des employés du Bureau d'évaluation indépendant - Rapport du groupe d'évaluation., 17 avril 2001. () M. Philip K. Quarcoo, « Structural Adjustment Programmes in Sub-Saharan Africa : Evolution of Approaches », African Development Review, volume II, n° 3, Banque africaine de développement. () M. Alain Valette, « Marché et ajustement structurel : le mariage tumultueux d'un couple célèbre », Cahiers des sciences humaines, volume n° 30 (1-2), 1994. () Note citée par M. Alan Beattie, dans le Financial Times du 30 novembre 2001. () M. Flemming Larsen, « Le FMI s'emploie à réduire les risques de crises financières », Le Monde, 25 septembre 2001. () M. Abdoulaye Wade, « L'Afrique et la globalisation », Le Monde, 14 novembre 2001. () Une partie des développements du rapport du Gouvernement est consacrée au cas ivoirien (pages 154-157). () Mme Carine Calmant, Les cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté, Haut Conseil de la coopération internationale, septembre 2001. () Haut Conseil de la coopération internationale, Contribution pour la commission des Finances de l'Assemblée nationale sur le troisième rapport du Gouvernement au Parlement sur les activités du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, 26 novembre 2001. () Banque mondiale, Global Economic Prospects and the Developing Countries 2002 : Making Trade Work for the World's Poors, octobre 2001. () Entretien paru dans Le Monde du 6 novembre 200 reproduit en annexe du présent rapport. () Banque mondiale, Health, Nutrition and Population (HNP) and the Poverty at The World Bank, A Summary of Knowledge Generation and Dissemination Activities, mars 2000. Voir également la création d'un Fonds mondial pour la santé à Abuja en avril 2001. () Banque mondiale, Global Economic Prospects and the Developing Countries 2002 : Making Trade Work for the World's Poors, octobre 2001. () Mme Béatrice Marre, La dimension parlementaire des négociations commerciales multilatérales et la préparation de la rencontre parlementaire de Doha, Assemblée nationale, XIème législature, n° 3351, 19 octobre 2001. () Haut Conseil de la coopération international, Contribution pour la commission des Finances de l'Assemblée nationale sur le troisième rapport du Gouvernement au Parlement sur les activités du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, 26 novembre 2001. () M. Sergio Pereira Leite, « Le Fonds monétaire international et les droits de l'homme », Le Monde, 4 septembre 2001. () Voir communiqué de M. Laurent Fabius au Comité du développement, 16 novembre 2001, reproduit en annexe du présent rapport. () M. Antoine Pouillieute, « Pauvreté contre croissance ? », Le Monde, 19 janvier 2001. () Voir, pour plus de détails, les propositions faites par votre Rapporteur au Président de l'Assemblée nationale et reproduites dans le présent rapport, avant les annexes. () M. Joseph Stiglitz, « Relève de la garde au FMI », Les Échos, 18 juin 2001, article reproduit intégralement en annexe. () Voir lettre de M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, reproduite en annexe. () Voir par exemple le rapport, publié le 21 janvier 1999, intitulé The Future of the EC Development Budget. () House of Commons, Treasury Committee, Fourth Special Report : the International Monetary Fund : the Government's Response to the Committee, Third Report of Session 1999-2000, 27 juin 2000. () Agence du Congrès, dont le budget est approuvé par lui (360 millions de dollars) et qui dispose d'un effectif total de 3.200 personnes (il atteignait 5.300 personnes en 1994), réparties en douze équipes de contrôle et d'évaluation. () MM. Gérard Fuchs et Daniel Feurtet, La régulation de la mondialisation financière, Assemblée nationale, XIème législature, n° 2476, 14 juin 2000. () M. Jean-Marie Le Guen, Après la crise asiatique de 1997 : la recherche d'un nouvel ordre mondial, Assemblée nationale, XIème législature, n° 2590, 21 septembre 2000. () Mme Béatrice Marre, Vers une démocratie planétaire ? Les leçons de la conférence de Seattle, Assemblée nationale, XIeme législature, n° 2477, 15 juin 2000. () M. Jean-Claude Lefort, L'OMC a-t-elle perdu le Sud ? Pour une économie internationale équitable assurant de développement des pays pauvres, XIème législature, n° 2750, 23 novembre 2000. () Agence du Congrès, dont le budget est approuvé par lui (360 millions de dollars) et qui dispose d'un effectif total de 3.200 personnes (il atteignait 5.300 personnes en 1994), réparties en douze équipes de contrôle et d'évaluation. () La Nacion, Buenos-Aires, 27 juin 2001. () Durant cette période, le PIB latino-américain a chuté de 1,5 % en moyenne - avec des situations dramatiques comme celles de l'Argentine (- 6,2 %) ou du Mexique (- 8,2 %). Cf. « Estudio Economico de América latina y el Caribe 1995-1996 », Commission économique pour l'Amérique latine et la Caraïbe, Santiago (Chili), 1997. () État : 133 milliards de dollars ; provinces : 21 milliards de dollars ; privé : 47 milliards de dollars. () M. Jorge Beinstein, « Neoliberalismo y saqueo. Hacia la liquidación del sistema de seguridad social », Ciudadanos, n° 2, Buenos-Aires, été 2001. () Si 14 % des dépôts bancaires étaient détenus par des établissements à capitaux étrangers en 1994, ce taux atteint 51 % en 2000. Les groupes étrangers ont également augmenté leur mainmise sur d'autres secteurs : en 1998, parmi les 100 premières entreprises du pays, 67 étaient d'origine étrangère, contre 36 en 1989, année de la prise de fonctions de M. Carlos Menem (Les Échos, Paris, 2 octobre 2000). () Les Échos, Paris, 14 août 2000. () El País, Madrid, 24 novembre 2000. () Cette mesure fait partie de la loi de « bi-convertibilité II » qui prévoit le double ancrage du peso au dollar et à l'euro. () Les sommes consacrées au remboursement de la dette explosent : 23 % du budget en 2001, contre 10 % en 1997. Cf. Libération, 22 juin 2001. () Salarié d'un parti pour remplir des missions de contact et de rencontre avec la population avant des élections ou d'autres exigences de l'action politique. () Bartolomé de Vedia, « El espejo Menem », La Nación, Buenos-Aires, 10 juin 2001. () La Nación, Buenos-Aires, 6 juin 2001. () Le 21 avril 1999, le juge Carlos Stornelli a lié l'explosion d'une usine militaire d'armement qui, le 3 novembre 1995, a fait 7 morts et 300 blessés dans la population riveraine à Rio Tercero (Cordoba), à la vente illégale d'armes. Il se serait agi de détruire des preuves du forfait. () Lire Dorval Brunelle, « De l'Alaska à la Terre de feu, le tout-commerce à l'_uvre », et Emir Sader, « Que les peuples se prononcent », Le Monde diplomatique, avril 2001. () Alfred Döblin, Berlin Alexanderplatz, Bruguera, Barcelone, 1982. |