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N° 3501

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 décembre 2001.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION
ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE
 (1)

sur l'évaluation de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000
renforçant la
protection de la présomption d'innocence
et les
droits des victimes,

ET PRÉSENTÉ

PAR MME CHRISTINE LAZERGES,

Députée.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Justice

La Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : M. Bernard Roman, président ; M. Pierre Albertini, Mme Nicole Feidt, M. Gérard Gouzes, vice-présidents ; M. Richard Cazenave, M. André Gerin, M. Arnaud Montebourg, secrétaires ; M. Léon Bertrand, M. Jean-Pierre Blazy, M. Émile Blessig, M. Jean-Louis Borloo, M. Michel Bourgeois, Mme Danielle Bousquet, M. Michel Buillard, M. Dominique Bussereau, M. Christophe Caresche, M. Patrice Carvalho, Mme Nicole Catala, M. Jean-Yves Caullet, M. Olivier de Chazeaux, M. Pascal Clément, M. Jean Codognès, M. François Colcombet, M. François Cuillandre, M. Henri Cuq, M. Jacky Darne, M. Camille Darsières, M. Francis Delattre, M. Bernard Derosier, M. Franck Dhersin, M. Marc Dolez, M. Renaud Donnedieu de Vabres, M. René Dosière, M. Jean-Pierre Dufau, Mme Laurence Dumont, M. René Dutin, M. Renaud Dutreil, M. Roger Franzoni, M. Pierre Frogier, M. Claude Goasguen, M. Louis Guédon, Mme Cécile Helle, M. Philippe Houillon, M. Michel Hunault, M. Henry Jean-Baptiste, M. Jérôme Lambert, Mme Christine Lazerges, Mme Claudine Ledoux, M. Jean Antoine Leonetti, M. Bruno Le Roux, M. Jacques Limouzy, M. Noël Mamère, M. Thierry Mariani, M. Jean-Pierre Michel, M. Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, M. Robert Pandraud, M. Dominique Perben, Mme Catherine Picard, M. Henri Plagnol, M. Didier Quentin, M. Dominique Raimbourg, M. Jean-Pierre Soisson, M. Frantz Taittinger, M. Michel Tamaya, M. André Thien Ah Koon, M. Jean Tiberi, M. Alain Tourret, M. André Vallini, M. Michel Vaxès, M. Alain Vidalies, M. Jean-Luc Warsmann, M. Kofi Yamgnane.

INTRODUCTION 5

I. - LES AMÉNAGEMENTS DE L'INSTRUCTION 7

A. TÉMOIN ASSISTÉ ET MIS EN EXAMEN : DES PROCÉDURES NOUVELLES QUI SEMBLENT GÉNÉRALEMENT DONNER SATISFACTION 7

B. UN ALOURDISSEMENT DE LA CHARGE DES CABINETS D'INSTRUCTION QUI NÉCESSITE LA MISE EN PLACE DE NOUVELLES MÉTHODES DE TRAVAIL 8

II. - LES RÈGLES NOUVELLES DE LA DÉTENTION 11

A. LE JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION : DES MODALITÉS D'ORGANISATION DIFFÉRENTES POUR UN BILAN GÉNÉRALEMENT POSITIF 11

1. Les différentes modalités d'organisation du service du juge des libertés et de la détention 11

2. Un bilan généralement positif 12

B. LA BAISSE SOUHAITÉE DE LA DÉTENTION PROVISOIRE 15

III. - L'APPEL DES DÉCISIONS DE COURS D'ASSISES 17

A. UN NOMBRE D'APPELS MOINS IMPORTANT QUE PRÉVU 17

B. UN EFFORT SIGNIFICATIF EN ÉQUIPEMENT POUR ACCOMPAGNER LA RÉFORME 19

IV. - LA JURIDICTIONNALISATION DE L'APPLICATION DES PEINES 20

A. UNE RÉFORME QUI A PROFONDÉMENT MODIFIÉ LA CONCEPTION DE L'APPLICATION DES PEINES 20

B. LE RENOUVEAU DE LA LIBÉRATION CONDITIONNELLE 23

V. - LES MOYENS HUMAINS ET MATÉRIELS CONSACRÉS À L'APPLICATION DE LA LOI 24

A. DES MOYENS EN PERSONNELS IMPORTANTS 24

B. UN EFFORT QUI DOIT ÊTRE POURSUIVI SUR LES MOYENS DE FONCTIONNEMENT DES JURIDICTIONS 26

CONCLUSION 27

DISCUSSION GÉNÉRALE 29

ANNEXE 1 : Travaux préparatoires - Décrets et circulaires d'application de la loi 31

ANNEXE 2 : Liste des personnes consultées par la rapporteure 35

MESDAMES, MESSIEURS,

La commission des Lois a décidé, le 27 mars dernier, de mettre en place une mission d'information chargée d'évaluer les conditions de mise en _uvre de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

Cette mission d'évaluation, qui s'inscrit dans le cadre plus général de l'exercice par le Parlement de sa fonction de contrôle, a donc été créée bien avant les récentes polémiques sur l'application de la loi. Dès le mois de mai, la rapporteure a rencontré des magistrats, procureurs de la République, juges d'instruction ou juges des libertés et de la détention, afin de recueillir leurs observations sur les conditions d'application de la loi, souvent différentes en fonction de la taille et des spécificités de la juridiction dont ils sont issus. Elle a également entendu les différentes organisations professionnelles et syndicales représentatives et a effectué un déplacement en juridiction afin de constater sur place les difficultés rencontrées. La liste de ces auditions figure en annexe du rapport.

Il ressort de l'ensemble de ces rencontres que l'immense majorité des cent quarante-deux articles de la loi du 15 juin 2000 ne soulève aucune difficulté d'application. Qu'il s'agisse du réexamen d'une décision pénale consécutif au prononcé d'un arrêt de la cour européenne des droits de l'homme ou encore de la possibilité, au cours de l'audience de jugement, pour le ministère public et les avocats des parties de poser directement leurs questions à l'accusé et aux témoins, pour n'évoquer que ces deux mesures emblématiques, la plupart des modifications apportées par la loi à la procédure pénale française ont été d'autant mieux accueillies qu'elles étaient attendues.

Il convient, en effet, de rappeler que l'objectif principal de la loi était de moderniser le droit français afin de le mettre en conformité avec les principes garantis par la convention européenne des droits de l'homme : l'introduction du contradictoire au cours de l'enquête et de l'instruction, l'instauration d'une « durée raisonnable » pour les détentions provisoires sont autant de modifications destinées à satisfaire aux exigences de la cour de Strasbourg.

Le renforcement des droits des victimes, qui constitue l'un des apports majeurs de la loi, n'a pas soulevé, dans son principe, d'objections parmi les personnes rencontrées. Si certaines ont contesté quelques modalités d'application de ces droits, comme l'obligation d'informer les victimes de la possibilité de se constituer partie civile, personne n'a songé à remettre en cause l'existence de ces nouvelles garanties apportées aux victimes, trop longtemps écartées du procès pénal.

Il fut, à de multiples reprises, rappelé, notamment lors de la discussion du texte de la commission mixte paritaire, qu'il s'agissait d'une loi « qui dépasse évidemment les clivages politiques » (1). L'actualité récente, les prises de position fougueuses des uns et des autres, les revirements brutaux d'appréciation largement liés à la période préélectorale, rendent encore plus nécessaire une évaluation distanciée de la loi.

De nombreuses personnalités auditionnées se sont félicitées des apports positifs de la loi, qui revisite l'ensemble de la procédure pénale française, du placement en garde à vue au terme de l'exécution des peines. Le conseil national des barreaux et le barreau de Paris ont ainsi estimé qu'il s'agissait de la réforme la plus progressiste depuis 1958 et jugé qu'elle soulevait beaucoup moins de difficultés d'application que les précédentes, si l'on excepte les quelques affaires montées en épingle par la presse. La conférence des bâtonniers a considéré que cette réforme permettait de lever les zones de soupçon qui pesaient jusque-là sur l'enquête et l'instruction, à travers le renforcement des garanties accordées aux personnes placées en garde à vue et l'encadrement du recours à la détention provisoire. Cette organisation a également fait valoir que ces garanties procédurales accordées en amont du procès pénal constituaient une juste contrepartie à l'alourdissement des sanctions prononcées par les juridictions de jugement, que l'on constate depuis quelques années. L'Union syndicale des magistrats, quant à elle, a reconnu que l'instauration d'un appel des décisions de cours d'assises et la mise en place de la juridictionnalisation de l'application des peines constituaient des avancées essentielles qu'il convenait de préserver. Seule l'Association professionnelle des magistrats, dont la représentativité syndicale est très faible, a rejeté en bloc l'ensemble des dispositions de la loi.

Bien qu'il eût été également intéressant de procéder à une évaluation de l'ensemble des aménagements procéduraux apportés par la loi, votre rapporteure, afin de rendre ses conclusions plus lisibles, a choisi, outre un bref rappel des moyens humains et matériels consacrés à cette réforme, de se limiter aux quatre grands thèmes suivants : l'instruction, la détention provisoire, l'appel des décisions de cours d'assises, la juridictionnalisation de l'application des peines. L'évaluation des dispositions relatives à la garde à vue relève, quant à elle, de la mission confiée le 27 novembre dernier par le Premier ministre à notre collègue Julien Dray, concernant les conséquences de la mise en _uvre de la loi du 15 juin 2000 sur le fonctionnement des services de police et de gendarmerie dans leurs relations avec la justice en vue notamment de renforcer la lutte contre l'impunité.

*

* *

I. - LES AMÉNAGEMENTS DE L'INSTRUCTION

La loi du 15 juin 2000 a substantiellement modifié la procédure de l'instruction en renforçant les droits des parties, conformément au principe d'égalité des armes garanti par la convention européenne des droits de l'homme, et en cherchant à mieux protéger la présomption d'innocence. Elle a, ce faisant, sensiblement alourdi la charge de travail des juges d'instruction, entraînant une nécessaire remise en cause de leurs méthodes de travail.

A. TÉMOIN ASSISTÉ ET MIS EN EXAMEN : DES PROCÉDURES NOUVELLES QUI SEMBLENT GÉNÉRALEMENT DONNER SATISFACTION

Le législateur a souhaité généraliser le recours à la procédure du témoin assisté, qui peut désormais être appliquée à toute personne visée par une plainte ou mise en cause par la victime, tout en encadrant plus strictement la mise en examen. L'objectif était de permettre de différer les mises en examen en fin d'instruction, juste avant l'ordonnance de renvoi, la personne à l'encontre de laquelle il existe des indices laissant supposer qu'elle a commis l'infraction bénéficiant pendant l'instruction du statut de témoin assisté.

Cet objectif ne semble avoir été que partiellement atteint, le recours au statut de témoin assisté restant encore relativement limité. S'il est très utilisé en matière économique et financière, il ne se substitue pas à la mise en examen pour les autres infractions. Il est notamment peu utilisé pour la délinquance de voie publique. C'est essentiellement dans les cas de plaintes avec constitution de partie civile que les juges d'instruction choisissent de recourir à ce statut.

Si certains juges d'instruction ont regretté la complexité des dispositions sur le témoin assisté, justifiant ainsi le recours limité à ce statut, d'autres, en revanche, se sont félicités de ce nouveau dispositif, soulignant qu'il permettait de limiter les demandes d'actes, tout en conférant des droits à la personne mise en cause. Rappelons, en effet, que le témoin assisté, outre le droit à l'assistance d'un avocat et à la communication de son dossier, peut demander à être confronté avec les personnes qui le mettent en cause. Un magistrat a également observé que le statut de témoin assisté permettait à la personne mise en cause de mieux faire valoir son point de vue et de participer ainsi à l'instruction « à décharge ». L'ensemble des juges d'instruction rencontrés ont expliqué l'utilisation quantitativement limitée de ces dispositions par le nombre restreint de dossiers auxquels elles peuvent être appliquées.

Comme tout dispositif novateur, le statut de témoin assisté, que certains ont qualifié de révolution, a quelques difficultés à s'imposer chez certains magistrats. On peut toutefois espérer que la publicité donnée à des cas récents rappelle aux juges d'instruction l'existence de ces dispositions et les encourage à y recourir. Quoi qu'il en soit, le risque d'assimilation entre le témoin assisté et le mis en examen, évoqué par certains lors de l'adoption de ce nouveau statut, semble aujourd'hui écarté.

Les nouvelles modalités de mise en examen, qui obligent notamment le juge d'instruction à entendre les observations de la personne concernée, assistée, le cas échéant, de son avocat, avant de pouvoir procéder à la mise en examen, sont très appréciées par les avocats. Les juges d'instruction n'y semblent pas hostiles, quelques uns soulignant même l'intérêt d'un tel entretien préalable.

En revanche, plusieurs magistrats ont regretté la brièveté du délai prévu entre l'envoi de la lettre recommandée annonçant l'intention du juge d'instruction de mettre la personne en examen et la date de l'interrogatoire de première comparution, qui ne peut avoir lieu plus d'un mois après cet envoi. Ils ont notamment fait valoir qu'il était difficile de procéder à cet interrogatoire dans ce délai, la personne convoquée tardant souvent à désigner son avocat. Avant d'envisager un éventuel allongement de ce délai, il paraît préférable de réfléchir à un renforcement des moyens matériels mis à la disposition des magistrats instructeurs et à de nouvelles modalités d'organisation de leur travail.

B. UN ALOURDISSEMENT DE LA CHARGE DES CABINETS D'INSTRUCTION QUI NÉCESSITE LA MISE EN PLACE DE NOUVELLES MÉTHODES DE TRAVAIL

La loi du 15 juin 2000, en renforçant les droits des parties, a alourdi la charge de travail des juges d'instruction.

Elle a ainsi donné la possibilité aux parties de demander tous les actes « qui leur paraissent nécessaires à la manifestation de la vérité ». Le juge d'instruction peut ne pas y faire droit, mais doit alors rendre une ordonnance motivée susceptible d'appel devant le président de la chambre de l'instruction, qui décide, s'il y a lieu, de saisir la juridiction de cet appel.

Il n'existe malheureusement pas de statistiques générales permettant de mesurer l'impact de ces nouvelles dispositions sur le volume des demandes d'actes. L'inspection générale des services judiciaires, dans le cadre de la mission d'évaluation que lui avait confié la Chancellerie, n'a pas constaté d'augmentation notable de ces demandes, entre le premier trimestre 2001 et le premier trimestre 2000, dans les tribunaux qu'elle a visités. Les magistrats instructeurs rencontrés par votre rapporteure ont, eux, dénoncé la multiplication des demandes d'actes, tandis que les organisations d'avocats ont estimé qu'elles étaient restées stables.

Le conseil national des barreaux et le barreau de Paris ont, toutefois, reconnu que certains avocats attendaient la fin de l'instruction pour demander des actes, notamment pendant le délai de vingt jours qui suit l'avis de fin d'information prévu par l'article 175 du code de procédure pénale. L'Union syndicale des magistrats a critiqué ces pratiques, estimant qu'il s'agissait de man_uvres dilatoires pour faire durer la procédure. Ce syndicat a fait valoir que l'appel systématique des rejets de demandes d'actes avait pour effet de retarder la clôture de l'information. Rappelons, toutefois, que l'article 187 du code de procédure pénale, en cas d'appel d'une ordonnance autre que l'ordonnance de règlement, autorise le juge d'instruction à poursuivre son information, le cas échéant jusqu'au règlement de celle-ci, sauf décision contraire du président de la chambre de l'instruction. En tout état de cause, ces difficultés ne sont pas liées à l'application de la loi du 15 juin 2000, qui n'a fait qu'étendre un dispositif mis en place en 1993.

Par ailleurs, il faut relever, comme l'a fait la conférence des bâtonniers, que nombre de ces demandes d'actes émanent des parties civiles, et donc des victimes. Dès lors, elles ne peuvent être considérées comme dilatoires.

Les autres points critiqués par les juges d'instruction concernent également des droits que la loi du 15 juin 2000 a accordés aux victimes. Ce texte a, en effet, institué une obligation pour les magistrats instructeurs d'informer les victimes de leur droit de se constituer partie civile, du délai prévisible de la procédure et de leur droit de demander la clôture de l'information, ainsi que, tous les six mois, de l'état d'avancement du dossier.

Or, il semble que ces dispositions, notamment celles concernant l'information des victimes sur leur droit de se constituer partie civile, soulèvent des difficultés d'application lorsque les victimes sont nombreuses. L'envoi de ces avis mobilise pendant plusieurs heures les greffiers, qui ne sont donc plus, dès lors, disponibles pour les interrogatoires et les auditions des juges d'instruction, obligeant ces derniers à différer ces rendez-vous. L'USM évalue à 25 % la charge de travail supplémentaire induite par ces nouvelles dispositions pour le greffe de l'instruction. Citant l'exemple de l'amiante, l'association française des magistrats instructeurs a également souligné la difficulté qu'il y avait, dans certains cas, à identifier les victimes.

Il ne saurait, bien entendu, être question de remettre en cause ces droits nouveaux des victimes, trop longtemps oubliées par la procédure pénale française. Il n'en demeure pas moins que les formalités qu'ils impliquent pèsent lourdement sur les cabinets d'instruction, avec des conséquences dommageables sur la durée des procédures. Elles peuvent aller jusqu'à désorganiser le travail des greffes, obligeant les personnels à effectuer des heures supplémentaires qu'ils se plaignent d'avoir de la peine à récupérer.

Dès lors, la seule solution consiste à mettre en place de nouvelles méthodes de travail dans les cabinets d'instruction, tout en renforçant les moyens humains et matériels mis à leur disposition. Cette remise en cause des modes d'organisation actuels semble d'autant plus nécessaire que certaines réformes intervenues récemment, bien que totalement indépendantes de la loi du 15 juin 2000, risquent d'accentuer la charge de travail des cabinets d'instruction. Ainsi, la gratuité de la première copie des pièces pénales, mise en place par le décret du 31 juillet dernier, entraîne une augmentation sensible du travail de reprographie.

Chaque cabinet d'instruction dispose d'un greffier qui gère les dossiers du cabinet. Si cette spécialisation présente des avantages certains en terme de suivi du dossier, elle est également un frein à l'efficacité du travail des juges : lorsque son greffier est malade ou occupé à certaines formalités (avis aux victimes par exemple), le juge d'instruction ne peut plus procéder à des auditions ou des interrogatoires. Certes, la procédure des greffiers placés (2) permet, lorsque l'absence se prolonge, de suppléer celle-ci. Mais cette procédure est lourde et n'est pas du tout adaptée à un afflux ponctuel de travail.

Il serait donc souhaitable de mettre en place, au sein de chaque tribunal de grande instance, lorsque le nombre de cabinets d'instruction le justifie, un pool de greffiers polyvalents capables de traiter toutes les affaires soumises à l'instruction et qui viendraient aider ou remplacer le greffier titulaire sur certains dossiers. De manière plus générale, il semble nécessaire que les personnels des services judiciaires continuent à faire preuve d'adaptation et soient en mesure de travailler avec les juges d'instruction qui en ont besoin.

La mise en place de ce pool de greffiers doit s'accompagner d'un renforcement de l'informatisation des cabinets et de la généralisation du recours aux techniques modernes de communication, notamment pour les notifications (avis aux victimes, par exemple). La formation des magistrats à ces nouvelles techniques, actuellement très inégale, doit être améliorée, afin de permettre à ces derniers de profiter pleinement du matériel mis à leur disposition Il serait également utile d'engager une réflexion, comme le propose l'USM, sur le passage du support papier au support informatique pour la transmission des copies de dossier.

Parallèlement, il est nécessaire de mettre en place, dans tous les tribunaux où travaillent plusieurs juges d'instruction, un secrétariat commun chargé d'effectuer un certain nombre de tâches administratives et matérielles actuellement souvent dévolues aux greffiers, comme les avis aux victimes ou la photocopie de dossiers. Ces secrétariats communs, qui existent déjà dans certaines juridictions, sont actuellement en nombre insuffisant et trop peu étoffés.

L'une des explications souvent avancée pour expliquer la longueur des instructions est la difficulté pour les magistrats d'obtenir les expertises et les commissions rogatoires demandées. S'il n'est pas facile d'agir sur les expertises, qui sont souvent réalisées par des organismes privés (3), il est, en revanche, possible d'accélérer le retour des commissions rogatoires grâce à une augmentation des effectifs de la police judiciaire. Ceux-ci sont, en effet, restés globalement stables ces dernières années, l'effort du Gouvernement portant essentiellement sur la police de proximité. Un renforcement des moyens de la police judiciaire, éventuellement réalisé par redéploiements, serait de nature à influer de manière positive sur la durée des procédures.

Certains ont justifié la baisse du nombre des instructions par les nouvelles formalités imposées aux magistrats instructeurs. S'il est exact que les réquisitoires introductifs ont diminué (- 9 % pour le premier semestre 2001), cette baisse doit être relativisée, la tendance générale étant depuis plusieurs années à la diminution du nombre d'ouverture d'information par les parquets. Rappelons qu'en 1995 les instructions représentaient 8 % des affaires pénales, contre moins de 7 % aujourd'hui.

II. - LES RÈGLES NOUVELLES DE LA DÉTENTION

L'un des objectifs de la loi du 15 juin 2000 était de réduire, dans leur nombre comme dans leur durée, les détentions provisoires, contraires au principe de la présomption d'innocence. L'institution d'un juge des libertés et de la détention (JLD) et l'aménagement des conditions et des délais de la détention provisoire participent de cet objectif.

A. LE JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION : DES MODALITÉS D'ORGANISATION DIFFÉRENTES POUR UN BILAN GÉNÉRALEMENT POSITIF

1. Les différentes modalités d'organisation du service du juge des libertés et de la détention

Les modalités d'organisation du service du juge des libertés et de la détention sont largement déterminées par le nombre de présidents et de vice-présidents au sein de chaque tribunal, qui seuls peuvent exercer ces fonctions. Cependant, des tribunaux de taille comparable peuvent avoir une organisation différente, tenant à l'éventuelle spécialisation du JLD.

Au tribunal de grande instance de Lille, chaque magistrat ayant la compétence statutaire pour être juge des libertés et de la détention, soit 19 magistrats (4), remplit cette fonction à tour de rôle : chaque semaine, un juge assure la permanence du lundi 8 heures au vendredi 20 heures, un autre magistrat prenant le relais pour le week-end ; en outre, 12 greffiers tournent toutes les six semaines par équipe de deux.

Le tribunal de grande instance de Paris a choisi, au contraire, de spécialiser dans cette fonction cinq magistrats, assistés chacun d'un greffier titulaire. Les cinq agents de catégorie C affectés initialement au travail des cabinets ont été réduit à trois et regroupés dans un secrétariat commun. Les magistrats assurent les permanences par roulement, deux magistrats assurant la fin de service les lundis, mardis et mercredis et trois les jeudis et vendredis. Ils sont, comme les greffiers, d'astreinte un week-end sur cinq. Cette spécialisation a également été choisie à Meaux et à Evry, où deux vice-présidents assurent pendant la semaine les fonctions de JLD, l'ensemble des président et vice-présidents assurant, à tour de rôle, la permanence du week-end, ainsi qu'à Bobigny et Créteil, où un système similaire a été retenu avec trois magistrats.

A Toulouse, par anticipation de l'application de cette réforme, qui ne doit entrer en vigueur qu'en juin 2002, le juge des libertés et de la détention est également compétent pour statuer sur le contentieux de la rétention des étrangers, le placement en détention provisoire dans le cadre des comparutions immédiates, le contrôle des gardes à vue et l'internement des aliénés. Deux vice-présidents assurent en alternance, pendant une semaine, le service A, qui regroupe le contentieux des étrangers, les mandats de dépôt et les mandats d'arrêt, les mises en liberté urgentes, et le service B, consacré aux prolongations de détention, aux demandes de mises en liberté et aux comparutions immédiates.

La possibilité de mutualisation des fonctions du JLD pour les permanences de fin de semaine et le service allégé a, semble-t-il, été largement utilisée par les petits tribunaux, leur permettant ainsi d'éviter des problèmes d'incompatibilités lors de la présidence des audiences correctionnelles. Ainsi, les tribunaux de Castres et d'Albi ont mutualisé leur permanence de JLD le week-end, tout comme ceux de Fontainebleau et Melun. De nombreux magistrats ont estimé que cette procédure n'était efficace que si elle était mise en place entre des tribunaux de taille comparable et relativement proches géographiquement. Il semble néanmoins que certains premiers présidents de cour d'appel aient montré quelque réticence à utiliser ces nouvelles dispositions, même lorsque ces conditions étaient réunies. Or, la généralisation de cette procédure de mutualisation est souvent le seul moyen, pour les petits tribunaux, d'éviter les difficultés liées aux incompatibilités.

Quelques tribunaux ont distingué le placement en détention provisoire initial des autres demandes relatives à cette détention (prolongation, mise en liberté). Ainsi, à Aix, quatre JLD civilistes sont compétent pour le placement initial, le suivi des dossiers étant assuré par un seul magistrat. D'autres ont choisi de « rattacher » chaque JLD à un cabinet d'instruction : à Melun, trois binômes, composés d'un vice-président titulaire et d'un vice-président suppléant, ont été constitués en liaison avec les trois cabinets d'instruction, permettant ainsi aux magistrats de suivre les dossiers tout au long de la procédure.

2. Un bilan généralement positif

De nombreux magistrats ont critiqué le peu d'intérêt intellectuel de la fonction de JLD et souligné la difficulté qu'il y avait à trouver des volontaires pour la remplir. Force est de reconnaître que l'exercice à plein temps de la fonction de JLD, limitée au placement en détention provisoire, peut présenter un caractère répétitif et quelque peu fastidieux.

L'extension des compétences du JLD aux fonctions actuellement exercées par le président du tribunal en matière de libertés individuelles, prévue pour le 16 juin 2002, permettra de diversifier ses missions. Il semble, par ailleurs, préférable d'éviter l'exercice de ces fonctions à temps plein, tout en maintenant une certaine spécialisation qui permette aux magistrats d'harmoniser leur jurisprudence en matière de détention provisoire. A cet égard, l'exercice des fonctions de JLD à temps partiel, avec un suivi des dossiers tout au long de la procédure, paraît, lorsqu'elle est matériellement possible, la meilleure solution. Ce point de vue rejoint celui formulé dès le mois de juin par l'inspection générale des services judiciaires, qui estimait que le fait « de confier toutes les saisines subséquentes au magistrat qui est intervenu dans la phase initiale permet, outre de gagner un temps précieux, d'assurer une plus grande cohérence qui n'est peut être pas sans effet sur le volume des demandes de mise en liberté ».

Les contraintes horaires imposées aux JLD expliquent également largement les réticences des magistrats à exercer ces fonctions. Il est, en effet, relativement fréquent, notamment dans les grandes juridictions, que les JLD soient appelés à statuer sur une demande de placement en détention à une heure avancée de la soirée.

Ce « décalage horaire », qui soulève de nombreuses difficultés pour l'organisation des greffes, pourrait pourtant être partiellement supprimé par la mise en place de nouvelles méthodes de travail tout au long de la chaîne pénale : une garde à vue limitée au temps strictement nécessaire, un déferrement moins tardif devant le procureur de la République, une arrivée plus matinale du juge d'instruction sont autant d'éléments qui devraient permettre au JLD d'intervenir, sauf dans les cas d'urgence, à une heure plus raisonnable. Cette modification des horaires suppose un effort de la part de tous les acteurs de la chaîne pénale qu'il est évidemment difficile d'obtenir moins d'un an après l'application de la loi.

Pour faire face à ces difficultés, certains magistrats ont proposé d'instaurer un délai permettant au JLD de différer sa décision. Cette solution soulève de nombreuses difficultés, à la fois matérielles et juridiques, liées notamment à l'insuffisance dans les tribunaux de locaux adaptés à ce maintien à la rétention des personnes mises en examen et à l'absence de statut de ces personnes.

La réalisation d'au moins un exemplaire supplémentaire du dossier de procédure serait également de nature à faciliter la tâche du JLD. Ce dernier travaille, en effet, dans des conditions d'autant plus difficiles qu'il n'existe, la plupart du temps, que deux exemplaires du dossier, déjà utilisés par le parquet, le juge d'instruction et le ou les avocats. La mise à disposition d'un troisième exemplaire permettrait au JLD de disposer de plus de temps pour examiner les dossiers.

Il n'apparaît pas possible, en revanche, comme certains en ont exprimé le souhait, d'élargir les fonctions de JLD à l'ensemble des magistrats, y compris ceux du second grade. Les difficultés rencontrées en 1993 lors de la mise en place du juge délégué justifient pleinement le maintien de cette compétence à des magistrats expérimentés disposant d'une certaine autorité morale.

De nombreux magistrats ont critiqué l'obligation de réaliser une enquête sociale préalable au placement ou à la prolongation de la détention provisoire d'une personne exerçant l'autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans. Il semble en effet que cette disposition, adoptée sur tous les bancs de l'Assemblée et dont l'objectif était de permettre de disposer de mesures alternatives à l'incarcération pour les parents de jeunes enfants, soit malaisée à mettre en _uvre, en raison notamment de la difficulté qu'il y aurait à trouver des organismes capables de réaliser rapidement ces enquêtes. En outre, ainsi que l'ont indiqué les représentants du syndicat FO de la magistrature, certains mis en examen utilisent cette disposition pour retarder leur placement en détention provisoire, faisant état de leur statut de parent d'enfant de moins de dix ans au dernier moment, lors du débat contradictoire devant le JLD.

Il paraît, dès lors, nécessaire de réfléchir à un aménagement de cette obligation. L'examen de la proposition de loi sur l'autorité parentale pourrait être l'occasion de procéder à cet aménagement, une modification formelle étant, en tout état de cause, nécessaire, puisque l'article 145-5 du code de procédure pénale fait référence à la résidence habituelle de l'enfant, formule supprimée par la proposition de loi.

Les réserves évoquées ci-dessus portent principalement sur les modalités d'organisation du service du juge des libertés et de la détention, et non sur son existence même. Si certains ont proposé de remplacer le JLD par une juridiction collégiale, aucune organisation professionnelle ou syndicale, à part l'APM, n'a suggéré de revenir à la situation antérieure avec une détention provisoire décidée par le seul juge d'instruction.

Les magistrats instructeurs ont, au contraire, jugé plus « confortable » d'être dégagés du contentieux de la détention provisoire, faisant valoir qu'une telle modification facilitait la conduite des interrogatoires des personnes mises en examen.

Certains vice-présidents exerçant les fonctions de JLD ont observé que cette nouvelle procédure, en les amenant à examiner de plus près le travail de l'instruction, avaient eu pour conséquence de faciliter leurs rapports avec les magistrats instructeurs. D'autres ont souligné que l'un des effets indirects de la loi était de permettre un certain contrôle sur les cabinets d'instruction, notamment lorsque le JLD suit le dossier tout au long de la procédure.

Les magistrats se sont également félicités de l'harmonisation de la jurisprudence en matière de placement et de prolongation de la détention provisoire au sein d'un même tribunal, ainsi que de l'obligation désormais faite aux vice-présidents civilistes de s'intéresser à la procédure pénale.

Les juges des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Toulouse ont souligné l'intérêt de la publicité du débat contradictoire préalable au placement en détention provisoire. Ils ont ainsi observé que « pour les mineurs et pour les jeunes majeurs en particulier, il y a un intérêt pédagogique vis-à-vis des familles, qui ont ainsi connaissance de l'exacte réalité d'une situation dont en général ils ignorent tout, ce qui oblige le mis en examen à abandonner le discours : c'est pas ma faute... ». Les quelques difficultés matérielles rencontrées dans l'organisation de cette publicité (locaux inadaptés, manque de personnels le week-end) semblent en voie de résolution.

Enfin, la conférence des bâtonniers a fait valoir que le « double regard » du juge d'instruction et du JLD sur la détention provisoire permettait à la personne mise en examen de connaître les raisons exactes de son placement en détention, le deuxième magistrat pouvant accéder à la demande de placement en détention formulée par le premier en ne retenant que certains des motifs avancés.

B. LA BAISSE SOUHAITÉE DE LA DÉTENTION PROVISOIRE

Sur les dix premiers mois de l'année 2001, le nombre de détentions provisoires prononcées dans le cadre d'une instruction a diminué de 21 %. La forte baisse observée lors des deux premiers mois d'application de la loi (- 31 % pour l'ensemble des détentions provisoires entre janvier-février 2001 et janvier-février 2000) semble néanmoins se ralentir : entre le mois d'octobre 2001 et celui d'octobre 2000, le nombre de placement en détention provisoire dans le cadre d'une instruction n'a diminué que de 5 %. On observera, toutefois, que le mois d'octobre est un mois qui connaît traditionnellement une hausse importante des incarcérations.

Ces chiffres s'inscrivent, en tout état de cause, dans une tendance générale, observée depuis plusieurs années, à la baisse du nombre de détentions provisoires ordonnées en matière délictuelle : alors que près de 35 000 personnes étaient placées en détention provisoire dans le cadre d'une instruction pour un délit en 1984, ce chiffre n'était plus que de 21 350 en 1999. En revanche, la durée moyenne de la détention provisoire, tant en matière délictuelle que criminelle s'est allongée, passant respectivement, entre ces deux dates, de 4,1 mois à 6,2 mois et de 21,4 mois à 24,9 mois.

Il convient, en outre, de relativiser en valeur absolue cette diminution des détentions provisoires prononcées dans le cadre d'une instruction, puisque les affaires donnant lieu à ouverture d'une information, en constante diminution, représentent aujourd'hui moins de 7 % des affaires pénales.

Par ailleurs, le nombre de détentions provisoires décidées dans le cadre de la procédure de comparution immédiate est également en baisse (- 11 % sur les dix premiers mois de l'année), alors même que la loi du 15 juin 2000 a uniquement limité la durée maximale de ces détentions provisoires, sans modifier ni les conditions ni les critères de placement, contrairement, d'ailleurs, à ce que souhaitaient certains membres de l'opposition.

Il convient, à ce stade, de rappeler que la diminution du nombre des détentions provisoires a été voulue par l'ensemble des groupes politiques de l'Assemblée nationale, qui regrettaient le caractère injustifié de certaines détentions et soulignaient la nécessité de protéger la présomption d'innocence des personnes concernées, la détention provisoire ne devant pas être un substitut à la condamnation. Citons quelques propos tenus par des députés de l'opposition lors de l'examen en première lecture du projet de loi : « Il faut reconnaître que nous partageons ici la même volonté de réduire le nombre de détentions provisoires » . « Il faut donc tout mettre en _uvre pour réduire ce nombre, grâce notamment à une modification des seuils » (5). Votre rapporteure pourrait également évoquer les nombreux amendements de parlementaires, appartenant à des groupes politiques de l'opposition, qui fixaient des seuils de placement en détention ou des délais butoirs de durée de détention laxistes qui auraient pu s'avérer préjudiciables au bon déroulement des procédures (6).

L'intervention du juge des libertés et de la détention n'explique que partiellement cette diminution du nombre de placement en détention provisoire. En effet, dans neuf cas sur dix, le JLD se conforme à l'avis du juge d'instruction. Il semble toutefois, comme l'a relevé l'inspection des services judiciaires, que le taux de décisions non conformes par rapport aux demandes des juges d'instruction est plus important lors du placement en détention que lors de la prolongation de cette mesure. Ce taux est quasiment nul pour les rejets de demande de mise en liberté.

Il existe néanmoins de grandes disparités selon les tribunaux. Ainsi, à Paris, sur les cinq premiers mois de l'année, les juges des libertés et de la détention ont suivi les juges d'instruction dans 91 % des cas pour les demandes de placement en détention provisoire, dans 89 % des cas pour les prolongations de détention et dans 98 % des cas pour les rejets de demandes de mise en liberté. A Lille, le taux global de décisions conformes sur la même période est de 98,5 %, alors qu'à Evry, les juges des libertés et de la détention n'ont suivi les demandes de mandat de dépôt des juges d'instruction que dans 76,2 % des cas et celles des juges des enfants dans seulement  50 % des cas.

L'importance du taux de décision non conformes aux demandes des juges des enfants s'explique par le fait que ces magistrats ont davantage recours au JLD, qui permet l'organisation d'un débat contradictoire, éventuellement public, à des fins pédagogiques, plutôt que pour obtenir effectivement le placement du mineur en détention provisoire.

La baisse du nombre de placement en détention provisoire est due en grande partie au relèvement des seuils d'emprisonnement autorisant cette détention, fixés désormais en matière correctionnelle à trois ans et à cinq ans lorsqu'il s'agit d'une infraction contre les biens et que la personne n'a pas déjà été condamnée à une peine sans sursis supérieure à un an. Rappelons qu'avant le 1er janvier 2001, ces seuils étaient fixés à deux ans et à un an en cas de flagrance. Lors de l'examen du projet de loi en deuxième lecture, la garde des Sceaux avait estimé à près de 17 % la baisse de la détention provisoire engendrée par les nouveaux seuils. On observera toutefois qu'aucune organisation syndicale ou professionnelle rencontrée par votre rapporteure n'a formulé d'observations sur ces dispositions, ce qui laisse supposer qu'elles n'ont pas engendré de difficultés particulières.

Les membres de l'Association française des magistrats chargés de l'instruction ont été les seuls à émettre des réserves sur l'instauration de délais butoirs, fixés à deux ans au maximum en matière correctionnelle et à quatre ans en matière criminelle, regrettant que les juges d'instruction ne disposent pas de moyens, notamment en terme d'expertises, qui leur permettent de respecter sans difficultés ces délais. Le renforcement des moyens de la police judiciaire, proposé par votre rapporteure, devrait contribuer à leur faciliter la tâche.

La baisse du nombre de placements en détention provisoire s'explique enfin par « l'autocensure » des juges d'instruction, qui ne présentent pas de demandes dont ils savent, souvent grâce aux bonnes relations établies avec le JLD, qu'elles risqueraient d'être rejetées. De manière plus générale, les magistrats appliquent le nouvel article 137 du code de procédure pénale, voté à l'unanimité par les parlementaires, qui rappelle que la personne mise en examen reste libre et ne peut être placée en détention provisoire qu'à titre exceptionnel. Les quelques erreurs d'appréciation récentes de certains magistrats, qui n'ont rien à voir avec la loi du 15 juin 2000, ne doivent pas faire oublier que grâce à ces nouvelles dispositions, de nombreuses détentions injustifiées, parfois ordonnées simplement pour obtenir des aveux du mis en examen, ont pu être évitées.

III. - L'APPEL DES DÉCISIONS DE COURS D'ASSISES

Le principe d'un appel des décisions de cours d'assises a été introduit dans la loi du 15 juin 2000 par voie d'amendements parlementaires. L'application de cette réforme n'a donc pas pu être anticipée par le Gouvernement, suscitant ainsi l'inquiétude des chefs de juridiction. Dans son rapport de juin dernier, l'inspection des services judiciaires indiquait que « de l'avis unanime des chefs de cour et de tribunal de grande instance siège de cour d'assises, c'est le plein effet du recours en matière criminelle qui sera le plus déstabilisant et appelle un renforcement des effectifs de conseillers, de greffiers, de juges et de magistrats du parquet du premier degré qui assument en l'état une part significative de la charge des assises ».

Six mois après, il semble que l'appel des décisions de cours d'assises se déroule dans des conditions relativement satisfaisantes, sauf dans quelques juridictions. Cette situation résulte à la fois d'un taux d'appel plus faible que prévu et de l'effort engagé par le Gouvernement pour accompagner cette réforme.

A. UN NOMBRE D'APPELS MOINS IMPORTANT QUE PRÉVU

Lors de l'adoption des dispositions mettant en place un appel des décisions des cours d'assises, le taux d'appel probable avait été évalué à environ 30 %.

Le chiffre enregistré pour le premier semestre 2001 est sensiblement inférieur, puisqu'il est de 25 %. En effet, après un taux d'appel de 28 % pour les trois premiers mois de l'année, le deuxième trimestre 2001 enregistre une baisse significative du nombre des appels, avec un taux de 22 %. Cette baisse affecte principalement les cours d'assises ayant connu un nombre important d'appels au cours de premier trimestre, comme celles d'Aix, de Créteil, de Montpellier ou de Rouen.

Cette moyenne générale recouvre cependant de grandes disparités. Ainsi, près de la moitié des arrêts prononcées par la cour d'assises du Var ont fait l'objet d'un appel. En fait, il semble que les cours d'assises avec des taux élevés d'appel sont celles qui connaissaient avant la réforme un taux significatif de pourvois en cassation.

Bien qu'il n'existe aucune statistique disponible sur cette question, il semblerait que les cours d'assises d'appel aient tendance à maintenir la peine prononcée en première instance, voire à l'alourdir.

Le stock d'affaires non jugées augmente légèrement, s'établissant au 1er juillet 2001 à environ 1800 affaires. Dans les juridictions les plus chargées, le nombre d'affaires en stock à cette date est, pour la quasi-totalité d'entre elles, identique à celui constaté un trimestre plus tôt. Contrairement à ce que certains craignaient, il n'y donc pas eu d'engorgement, sauf peut-être dans certaines cours d'assises de la région parisienne, déjà saturées avant l'entrée en vigueur de la réforme. Il convient cependant de rester attentif à ce que les délais d'audiencement n'augmentent pas trop.

L'ensemble des personnalités rencontrées par votre rapporteure, à l'exception, toutefois, des avocats, ont critiqué l'impossibilité pour le parquet de faire appel d'une décision d'acquittement, jugée contraire au principe de l'égalité des armes garanti par la convention européenne des droits de l'homme.

Lors de l'adoption de cette réforme, les parlementaires ont en effet considéré qu'il s'agissait, avant tout, de donner une seconde chance à l'accusé, et non d'instituer un véritable appel, et ont donc volontairement exclu l'acquittement des décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours.

De récentes affaires conduisent néanmoins à s'interroger sur le bien-fondé de cette exclusion, susceptible de donner naissance à des erreurs judiciaires, notamment en présence de coaccusés. Or c'est justement la volonté d'éviter les erreurs judiciaires qui a amené le législateur à remettre en cause le principe de l'infaillibilité populaire et à instituer un recours contre les décisions de cours d'assises. Dès lors, il serait sans doute souhaitable de réfléchir à une éventuelle modification des dispositions sur la procédure criminelle, afin de permettre au parquet de faire appel des décisions d'acquittement, au moins lorsqu'il existe des coaccusés.

L'autre difficulté évoquée lors des auditions concerne l'obligation pour les victimes et leurs proches de déposer à nouveau lors du procès d'appel. Ce deuxième face à face avec l'auteur du crime et la répétition des témoignages, souvent douloureux, sont vécus par certaines parties civiles comme autant de souffrances inutiles et injustes qui retardent le travail de deuil. En outre, ce deuxième procès impose de nouveaux frais, d'autant plus importants que la juridiction d'appel est en général située loin du domicile des victimes.

Une réflexion pourrait donc être engagée afin de permettre aux victimes et à leur proches, lorsqu'ils le souhaitent, de ne pas être obligés de témoigner une nouvelle fois lors du procès en appel, grâce à l'enregistrement de leurs dépositions de première instance. Cette question soulève néanmoins un certain nombre difficultés, tenant notamment au principe de l'oralité des débats qui caractérise la procédure criminelle.

B. UN EFFORT SIGNIFICATIF EN ÉQUIPEMENT POUR ACCOMPAGNER LA RÉFORME

Outre les moyens en personnel, le Gouvernement a consacré des sommes importantes à l'aménagement des salles d'assises afin, d'une part, de tenir compte de la présence de douze jurés lors des procès d'appel, au lieu de neuf en première instance et, d'autre part, de créer de nouvelles salles pour faire face à l'augmentation du taux d'occupation des salles existantes. Au total, le coût prévisionnel de la construction et la mise aux normes des salles d'assises est évalué à près de 70 millions de francs.

A la suite de l'enquête menée auprès des juridictions au cours de l'été 2000, trois types de travaux ont été programmés : l'aménagement des salles existantes, avec l'élargissement des estrades et l'acquisition de mobiliers complémentaires pour accueillir les jurés, la transformation des salles et des locaux annexes, notamment les salles de délibérés, et la construction de salles d'assises supplémentaires.

Les petits travaux d'aménagement ont pu être réalisés rapidement grâce à la mise en place de crédits de fonctionnement. Les travaux de plus grande importance et les opérations de constructions de salles supplémentaires, financées sur les crédits d'investissement, ont dû respecter les procédures des marchés publics et ne seront donc pas terminés avant plusieurs mois.

A la fin de cette année, 33 salles d'assises supplémentaires seront opérationnelles, s'ajoutant aux 49 salles prêtes, dès le mois de décembre 2000, à accueillir les appels. Il convient néanmoins de souligner que des opérations de rénovation devront être rapidement engagées dans certaines de ces salles, situées dans des bâtiments anciens.

Parmi les 13 opérations d'aménagement de grande envergure actuellement menées, 5 seront achevées avant l'été 2002.

Enfin, 7 salles supplémentaires sont en cours de construction : une seconde salle d'assises est prévue à Saint-Omer, Bordeaux (7), Bobigny, Créteil, Evry et Versailles ; à Paris, une troisième salle d'assises est actuellement à l'étude. La fin des travaux de ces différents chantiers s'étalera entre la fin de l'année 2002 et la fin de l'année 2003. Dans l'intervalle, les cours d'assises d'appel devront fonctionner dans les locaux existants, ce qui n'est pas sans soulever de nombreuses difficultés, notamment à Paris et en région parisienne, où les cours d'assises sont déjà extrêmement chargées.

Le premier président de la cour d'appel de Paris s'est d'ailleurs inquiété du délai nécessaire pour mener à bien ces travaux, soulignant que l'absence de locaux adaptés risquait d'entraîner un allongement des délais d'audiencement des affaires et une augmentation du nombre de dossiers correctionnalisés.

Signalons, enfin, que certaines personnalités auditionnées, notamment les représentants du Syndicat de la magistrature, ont évoqué les difficultés rencontrées pour pourvoir les présidences des cours d'assises, les conseillers de cour d'appel montrant une certaine réticence à occuper ces fonctions. Cette réticence provenant sans doute, en partie tout au moins, d'une méconnaissance de la procédure pénale, il serait souhaitable qu'une place plus importante soit accordée à celle-ci lors des sessions de formation initiale et continue de l'École nationale de la magistrature.

IV. - LA JURIDICTIONNALISATION DE L'APPLICATION DES PEINES

Ce volet important de la loi du 15 juin 2000 a été introduit dans le projet initial par voie d'amendements parlementaires, sur proposition de votre rapporteure. Il ne s'agissait pas, pour autant, d'une initiative précipitée, puisque cette question, comme d'ailleurs celle de l'appel des décisions de cours d'assises, avait déjà fait l'objet de nombreuses réflexions et donné lieu à la rédaction de plusieurs rapports, dont celui de M. Daniel Farge, président du comité consultatif de la libération conditionnelle, qui a largement inspiré les parlementaires.

Un certain nombre de magistrats se sont néanmoins inquiétés, à juste titre, des modalités d'application de cette réforme, qui n'avait, par définition, pas pu être anticipée. Le report en juin 2001 de l'entrée en vigueur de certaines dispositions, l'effort financier engagé par le Gouvernement et les facultés d'adaptation de l'administration pénitentiaire et des juges de l'application des peines ont permis de faire de cette réforme à hauts risques un succès.

A. UNE RÉFORME QUI A PROFONDÉMENT MODIFIÉ LA CONCEPTION DE L'APPLICATION DES PEINES

La loi du 15 juin 2000 a fait des différentes modalités d'application des peines (8), qui n'étaient jusque-là que des mesures d'administration judiciaire non susceptibles d'appel, des véritables décisions juridictionnelles prises après un débat contradictoire, au cours duquel le détenu peut se faire assister d'un avocat, et susceptibles d'appel devant la chambre des appels correctionnels.

S'agissant plus particulièrement de la libération conditionnelle, le législateur a étendu la compétence du juge de l'application des peines (9), qui peut désormais accorder cette mesure aux personnes condamnées à dix ans d'emprisonnement ou ayant une peine restant à subir inférieure à trois ans. Les demandes des autres détenus sont, elles, examinées par une juridiction régionale de la libération conditionnelle, présidée par un président de chambre ou un conseiller de cour d'appel et composé de deux juges de l'application des peines. L'intervention du garde des Sceaux, compétent jusque là à l'égard des détenus condamnés à plus de cinq ans d'emprisonnement, est supprimée. Les décisions de la juridiction régionale sont susceptibles d'appel devant la juridiction nationale de la libération conditionnelle, composée de trois conseillers à la Cour de cassation, d'un responsable des associations nationales de réinsertion des condamnés et d'un responsable des associations nationales d'aide aux victimes. Les critères d'octroi de la libération conditionnelle ont également été élargis.

Le décret du 30 décembre 2000 relatif à l'application des peines a précisé les modalités d'application de ces dispositions, fixant notamment la tenue des débats contradictoires au sein des établissements pénitentiaires.

Cette réforme a profondément modifié la conception traditionnelle de l'application des peines. Le procès pénal ne s'arrête plus, désormais, à la décision de la juridiction de jugement, mais se poursuit tout au long de l'exécution de la condamnation.

Malgré les remises en cause qu'elle impliquait, cette réforme a été dans l'ensemble bien accueillie. L'association nationale des juges de l'application des peines s'est ainsi réjouie de ces nouvelles dispositions, soulignant qu'elles avaient permis de modifier en profondeur le rôle du juge de l'application des peines, transformé en magistrat à part entière. Les magistrats chargés de l'application des peines au tribunal de grande instance d'Evry ont également approuvé cette réforme, faisant valoir qu'elle permettait un examen contradictoire de la situation du condamné en cours d'exécution de sa peine.

Les juges de l'application des peines, tout comme les avocats, ont insisté sur la modification de leurs rapports avec les détenus, plus sereins grâce à l'existence d'une voie d'appel. La possibilité donnée aux condamnés de s'exprimer lors du débat contradictoire a été largement utilisée.

La motivation des décisions des juridictions de l'application des peines contribue également à dépassionner les rapports des condamnés avec la justice, tout en les amenant à s'impliquer davantage dans l'évolution de l'exécution de leur peine, puisqu'ils peuvent enfin s'appuyer sur des indications concrètes pour préparer leur dossier. Il semble, en particulier, que les détenus aient pris conscience de l'importance de l'indemnisation des victimes pour le succès de leurs requêtes. Cette évolution répond parfaitement aux attentes du législateur, qui a, notamment, modifié les dispositions sur la libération conditionnelle afin de faire de l'indemnisation des victimes l'un des critères d'octroi de cette mesure.

Si l'organisation des débats contradictoires au sein des établissements pénitentiaires continue de susciter quelques réticences, notamment parmi les représentants du syndicat de la magistrature, de nombreux interlocuteurs, en revanche, se sont félicités de ces dispositions qui, avec l'assistance de l'avocat lors des procédures disciplinaires, permettent de faire « entrer le droit dans les prisons ». Il convient, en tout état de cause, de rappeler qu'il aurait été matériellement impossible, en raison du nombre d'extractions que cela aurait impliqué, d'organiser ces débats au tribunal de grande instance.

Le temps moyen des audiences par dossier semble plus long que celui initialement envisagé : ainsi, à Evry, il oscille entre 40 et 50 minutes, rédaction et notification du jugement compris.

La conférence des bâtonniers et l'association nationale des juges de l'application des peines ont tenu à rendre hommage à l'administration pénitentiaire, qui s'est adaptée sans trop de difficultés à ces nouvelles procédures. Il semble, en effet, que cette administration, dont on critique souvent les rigidités, ait fourni des efforts sans précédent pour mettre en place cette réforme.

Cette appréciation globalement très positive n'a pas empêché la formulation de certaines critiques, qui, cependant, ne remettent pas en cause, loin s'en faut, le principe de la réforme.

Les juges de l'application des peines ont ainsi regretté l'application faite par certains directeurs régionaux de l'administration pénitentiaire de l'article D. 116-9 du code de procédure pénale, qui prévoit la présence, lors du débat contradictoire, d'un représentant de l'administration pénitentiaire, lequel peut, à la demande du juge, présenter oralement ses observations. Une interprétation restrictive les a, en effet, conduits à interdire la participation des conseillers d'insertion et de probation à ces débats, alors même que leur présence était souhaitée par le juge pour obtenir des informations que le représentant de l'administration pénitentiaire, qui ne connaît pas le détenu, n'était pas à même de fournir.

Cette situation est certes dommageable pour l'information du juge de l'application des peines, mais permet d'éviter aux travailleurs sociaux d'avoir à émettre un avis qui pourrait les mettre en difficulté dans leurs relations avec les détenus. Il semble, dès lors, préférable, dans un premier temps tout au moins, de maintenir les dispositions actuelles.

Des difficultés ont également été signalées dans la constitution des dossiers d'aménagement de peines, qui ne comportent souvent aucune pièce judiciaire, alors même que les articles D. 77 et D. 78 du code de procédure pénale font obligation au ministère public d'adresser à l'établissement pénitentiaire un certain nombre de pièces et d'avis.

L'association nationale des juges de l'application des peines a attiré l'attention de la rapporteure sur les incertitudes qui entourent actuellement la compétence du juge saisi d'une demande d'aménagement de peine, en cas de transfert du détenu. Ce transfert, décidé par l'administration pénitentiaire, entraîne dans certains cas un dessaisissement du juge de l'application des peines, voire l'inexécution de la décision prise faute de structures adéquates pour exécuter cette décision, notamment en cas de placements à l'extérieur ou dans un centre de semi-liberté. L'examen du projet de loi pénitentiaire, qui devrait prochainement être déposé sur le bureau du Parlement, pourrait être l'occasion de résoudre ce problème complexe en assurant une coordination entre les décisions du juge de l'application des peines et celles de l'administration pénitentiaire.

De nombreuses observations ont porté sur les difficultés matérielles rencontrées dans certains tribunaux. Les organisations représentatives des greffiers ont ainsi souligné les problèmes de transmission des dossiers des détenus des greffes des établissements pénitentiaires vers les cabinets des juges de l'application des peines. L'insuffisance des moyens des greffes a été souvent dénoncée, tout comme l'inadaptation de certains locaux utilisés pour les débats contradictoires.

Il semble, néanmoins, que cette réforme, après quelques mois d'adaptation un peu difficiles, se soit mise en place dans des conditions relativement satisfaisantes, grâce à l'engagement des deux principaux acteurs, l'administration pénitentiaire et les juges de l'application des peines. Ce succès ne doit pas, pour autant, conduire le Gouvernement à relâcher son effort, qui doit porter en priorité sur le renforcement des moyens des greffes.

B. LE RENOUVEAU DE LA LIBÉRATION CONDITIONNELLE

L'un des objectifs du législateur, en mettant en place la juridictionnalisation de l'application des peines, était d'augmenter le nombre de libérations conditionnelles accordées aux détenus. Cette mesure est, en effet, considérée comme un moyen efficace de réinsertion des condamnés et de prévention de la récidive.

Or, depuis 1993, le nombre de libérations conditionnelles accordées n'avait cessé de diminuer, passant pour celles relevant de la compétence du garde des Sceaux de 276 en 1993 à 206 en 2000, soit une baisse de près de 25 %.

La nouvelle procédure mise en place par la loi du 15 juin 2000, en étendant la compétence du juge de l'application des peines et en supprimant l'intervention du garde des Sceaux, a permis de relancer cette mesure.

4 579 libérations conditionnelles ont ainsi été accordées au cours des neuf premiers mois de l'année, contre 4 133 pendant la même période de l'année 2000, soit une augmentation de près de 11 %.

Cette augmentation concerne principalement les condamnés à des peines comprises entre cinq ans et dix ans d'emprisonnement, qui étaient jusque là largement exclus du bénéfice de cette mesure, alors même qu'ils représentent environ 20 % de la population pénale. Les condamnés à des peines supérieures à dix ans d'emprisonnement profitent également de ces nouvelles dispositions, puisque le nombre de libérations conditionnelles accordées par les juridictions régionales augmente de 35 % par rapport à celles accordées, sur la même période, par le garde des Sceaux.

Cette augmentation du nombre de libérations conditionnelles n'est pas sans présenter certains risques. Pour éviter l'émotion, tout à fait légitime, que pourrait susciter la récidive d'une personne bénéficiant d'une mesure de libération conditionnelle, il est nécessaire d'accompagner cette mesure d'un véritable suivi des services d'insertion et de probation.

Or, si la proportion des personnes bénéficiant d'une mesure de libération conditionnelle et soumises à au moins une obligation a sensiblement augmenté, passant de 81 % au cours des neuf premiers mois de l'année 2000 à 88 % pour la même période de l'année 2001, le nombre de travailleurs sociaux chargés de veiller au respect de ces obligations est, quant à lui, resté stable. Cette situation est d'autant plus préoccupante que les services d'insertion et de probation fonctionnent déjà, depuis quelques années, en sous effectifs.

Il est donc indispensable que le Gouvernement renforce rapidement les services d'insertion et de probation, notamment afin d'éviter qu'un incident médiatisé ne puisse conduire à remettre en cause une réforme dont tout le monde s'accorde à reconnaître le succès.

V. - LES MOYENS HUMAINS ET MATÉRIELS CONSACRÉS À L'APPLICATION DE LA LOI

Comprenant à l'origine une quarantaine d'articles, le projet qui a conduit à la loi du 15 juin 2000 a été constamment enrichi au cours de la navette parlementaire, pour regrouper en fin de discussion plus de cent quarante articles. L'appel des décisions de cours d'assises et la juridictionnalisation des peines ont été ainsi introduits dans le texte initial par voie d'amendements parlementaires. Il est, dès lors, normal que le Gouvernement n'ait pu anticiper l'application de ces réformes, d'autant que les délais d'entrée en vigueur ont été, dans l'ensemble, relativement courts. Rappelons, toutefois, que le Gouvernement avait accompagné le projet de loi initial d'une étude d'impact analysant de manière approfondie les besoins engendrés par l'instauration d'un juge des libertés et de la détention.

Les premiers mois d'application ont été difficiles, l'entrée en vigueur des dispositions s'effectuant pratiquement à effectifs constants, sauf pour le juge des libertés et de la détention pour lequel le Gouvernement avait prévu des créations de postes dans les lois de finances pour 1999 et 2000. La poursuite de l'effort financier dans les budgets 2001 et 2002 devrait commencer à produire ses effets dans les juridictions.

A. DES MOYENS EN PERSONNELS IMPORTANTS

La charge de travail résultant de la mise en place du juge des libertés et de la détention a été évaluée à 110 emplois temps plein de magistrats du siège. Cette évaluation a été réalisée juridiction par juridiction, en tenant compte du nombre moyen de décisions relatives à la détention, que se soit pour les placements, les mises en liberté et les prolongations de la détention, et du temps moyen de traitement des procédures.

Ces 110 emplois ont été créés par anticipation dans les lois de finances initiales pour 1999 et 2000, qui ont également prévu 108 postes de greffiers supplémentaires. Par ailleurs, la loi organique du 25 juin 2001 portant statut de la magistrature va permettre aux chefs de cour d'appel de disposer de vice-présidents placés qui pourront également traiter, compte tenu de leur grade, le nouveau contentieux de la détention.

Les besoins en magistrats résultant de l'instauration d'un appel en matière criminelle, de la juridictionnalisation de l'application des peines et des nouveaux aménagements et délais de procédure ont été évalués selon les mêmes modalités que pour la réforme des tribunaux de commerce. Pour répondre à ces besoins, la loi de finances pour 2001 a créé 237 emplois de magistrats et 135 emplois de greffiers, répartis de la manière suivante :

75 emplois de magistrats et 36 emplois de greffiers pour l'instauration d'un appel en matière criminelle ;

77 emplois de magistrats et 44 emplois de greffiers pour la juridictionnalisation de l'application des peines ;

85 emplois de magistrats et 55 emplois de greffiers pour les nouveaux aménagements et délais de procédure.

Ces créations d'emplois ont été complétées dans le projet de budget pour 2002 par 80 postes nouveaux de magistrats et 23 postes de greffiers.

Au total, sur les quatre dernières lois de finances, ce sont 427 emplois de magistrats et 266 emplois de greffiers qui auront été créés pour assurer l'application de la loi du 15 juin 2000. A titre d'exemple, le tribunal de grande instance d'Evry a pu bénéficier de quatre postes de juge des libertés et de la détention (1 en 1999, 1 en 2000 et 2 en 2001) et de deux emplois de juge de l'application des peines.

Certes, les effets de ces créations d'emploi tardent à se faire sentir dans les juridictions. Il existe, en effet, un certain décalage entre l'annonce des créations de postes et l'arrivée effective des magistrats et des greffiers dans les tribunaux, dû aux délais incompressibles d'organisation des concours et de formation (10). Un effort important a néanmoins été fait, puisque les promotions de l'Ecole nationale de la magistrature sont passées de 145 en 1997 à 280 en 2002, tandis que celles de l'Ecole nationale des greffes ont été multipliées par plus de deux en quatre ans.

Lorsque l'ensemble de ces personnels entreront effectivement en fonction, les besoins engendrés par la loi du 15 juin 2000 devraient être globalement satisfaits.

L'effort de recrutement devra néanmoins être maintenu pour les personnels des greffes, qui sont encore en sous effectifs dans les services du juge des libertés et de la détention, du juge d'instruction et du juge de l'application des peines, comme l'ont observé les représentants du syndicat Interco-justice CFDT et du syndicat CGT des chancelleries et des services judiciaires. Des créations de postes permettraient aux greffiers de récupérer les heures supplémentaires effectuées, ce qui est actuellement difficile dans un certain nombre de juridictions, tout en améliorant le fonctionnement de ces services. En outre, comme l'a souligné l'inspection des services judiciaires dans son rapport de juin 2001 sur l'application de la loi du 15 juin 2000, il serait souhaitable d'augmenter également les effectifs des magistrats du parquet, dont la charge de travail a été sensiblement augmentée par les nouvelles dispositions sur la garde à vue. Il convient, à cet égard, de se féliciter de ce que la moitié des 320 postes de magistrats créés par la loi de finances pour 2002 soit affectée au renforcement des parquets.

De manière plus générale, le plan d'action pluriannuel pour la justice annoncé par le Premier ministre au printemps dernier, qui prévoit la création nette de 1 200 emplois de magistrats sur quatre ans, devrait permettre aux juridictions de rattraper les retards accumulés ces dernières années. Ainsi, en 2005, l'effectif réel des magistrats devrait s'élever à 8 020, contre 6 846 au 1er juillet 2001. L'effort fait depuis quatre ans en créations de postes de magistrats est supérieur à l'effort cumulé pendant les quinze années précédentes.

B. UN EFFORT QUI DOIT ÊTRE POURSUIVI SUR LES MOYENS DE FONCTIONNEMENT DES JURIDICTIONS

L'application des dispositions de la loi du 15 juin 2000 a entraîné un réexamen des moyens informatiques mis à la disposition des magistrats. Dans le cadre de la déconcentration budgétaire, des crédits ont été affectés pour le financement de postes bureautiques et de licences d'application de logiciels de gestion des dossiers d'instruction. Les progiciels nationaux ont été mis à jour par la maîtrise d'_uvre du ministère de la justice et les cours d'appel ont pu, à cette occasion, formuler des demandes de postes informatiques supplémentaires. Enfin, les crédits de la mission de modernisation ont permis le financement d'équipement en matériel multimédia, notamment de postes mutualisés par juridiction, comportant un lecteur de cédérom, une carte son et un kit audio, qui permettent d'exploiter les enregistrements de garde à vue de mineurs.

En 2000, une enveloppe de 2,591 millions d'euros (17 millions de francs) a permis d'acquérir un certain nombre de matériels techniques nécessaires (fax, téléphones mobiles, photocopieurs), de renforcer les moyens informatiques relevant de la gestion déconcentrée et de procéder à quelques travaux pour accueillir les juges des libertés et de la détention et aménager les salles d'assises.

Au total, le montant des dotations affectées en 2000 à l'application de la loi s'élève à 3 millions d'euros (21 millions de francs).

Pour 2001, le montant des délégations spécifiques allouées à cette réforme est de 2,8 millions d'euros (19 millions de francs), auxquelles s'ajoutent les efforts consentis par les juridictions sur leur dotation annuelle de fonctionnement. Enfin, 580 000 € (3,8 millions de francs) ont été attribuées en juin de cette année aux cours d'appel pour leur permettre de recruter des agents non titulaires chargés d'assurer le secrétariat des juges de l'application des peines, dans l'attente de nominations de greffiers.

Cet effort financier doit être amplifié dans les prochaines années pour permettre aux juridictions de disposer de moyens matériels leur permettant de gérer sans difficultés les nouvelles modalités procédurales mises en place par le législateur. Un effort particulier devra être fait en matière informatique pour faciliter le travail des juges d'instruction et des juges de l'application des peines (ordinateurs portables, logiciel de gestion du cabinet).

*

* *

La loi du 15 juin 2000 a permis de renforcer les droits des parties, notamment ceux des victimes, tout au long de la procédure pénale, sans pour autant entraîner le « bogue judiciaire » prédit par certains. Le bilan est donc largement positif, y compris pour les dispositions relatives à la détention provisoire, puisque celles-ci se sont traduites par une baisse mesurée - et souhaitée par tous, il faut le rappeler - de ces détentions.

Il convient, à ce propos, d'indiquer, une nouvelle fois, que les quelques incidents récents évoqués par la presse, notamment l'affaire Bonnal, n'ont aucun lien avec les dispositions de la loi du 15 juin 2000, qui permettaient tout à fait le maintien ou le placement en détention provisoire des personnes concernées. Sauf à rendre obligatoire, dans certains cas, la détention provisoire, ce que même l'aile la plus sécuritaire de l'opposition ne semble pas avoir envisagé, ce type d'erreur d'appréciation est inhérente à la fonction même de magistrat, dont chaque décision constitue une prise de risque. Elle peut dès lors se reproduire, quelle que soit la législation en vigueur. Il est d'ailleurs, à cet égard, regrettable que le Président de la République se soit opposé à la réforme qui aurait permis de mieux responsabiliser les magistrats.

Un débat médiatique d'ampleur a conduit, il y a quelques semaines, ceux-là mêmes qui souhaitaient une loi plus ambitieuse à proposer son abrogation. Aujourd'hui, ceux-ci ne contestent plus ni les principes fondateurs de ce texte, ni son articulation, mais proposent simplement quelques aménagements ponctuels.

En conséquence, il serait tout à fait prématuré de procéder à des modifications législatives, même de portée limitée. De façon générale, la mise en _uvre aboutie d'une réforme nécessite la stabilité des textes. Certaines des difficultés rencontrées proviennent, en fait, davantage d'une inadaptation des moyens mis en _uvre que d'une réelle impossibilité d'appliquer les dispositions votées par le législateur. Même si quelques pistes de réflexion pouvant conduire, à terme, à des aménagements législatifs peuvent être envisagées, la priorité doit être donnée à la mise en place de nouvelles méthodes de travail, notamment au sein des cabinets des juges d'instruction et des services du juge des libertés et de la détention.

L'institution judiciaire doit, en effet, faire preuve d'une capacité d'adaptation permanente et réfléchir à l'adoption de nouvelles modalités d'organisation lui permettant de faire face au surcroît de travail engendré par la loi : l'aménagement des horaires, la mise en place de pools de greffiers polyvalents, la généralisation des secrétariats communs de l'instruction, l'utilisation des nouvelles technologies de communication, l'amélioration de la formation informatique ou la réalisation d'un troisième exemplaire du dossier de l'instruction sont autant de mesures concrètes qui faciliteraient la tâche des juges. En outre, bien que cela dépasse largement le cadre des modifications de méthodes de travail, il serait également souhaitable de relancer le processus de révision de la carte judiciaire, en commençant par les juridictions d'instruction. C'est d'ailleurs ce qu'avait souhaité le législateur en adoptant, dans le cadre de la loi du 15 juin 2000, une disposition qui supprimait la présence obligatoire d'un juge d'instruction par tribunal de grande instance.

Parallèlement à la mise en place de ces nouvelles méthodes de travail, qui nécessitent, pour certaines d'entre elles, des moyens financiers supplémentaires, le Gouvernement devra poursuivre l'effort du recrutement entrepris ces derniers mois, afin de renforcer les effectifs des greffes. Ceux-ci demeurent, en effet, insuffisants dans un certain nombre de tribunaux, notamment au sein des cabinets des juges de l'application des peines.

De manière plus générale, il paraît nécessaire de réfléchir à de nouvelles modalités de gestion des tribunaux. Le système tricéphale actuel, qui rassemble le président, le procureur et le greffier en chef, semble avoir montré ses limites. Ni les magistrats, ni les greffiers n'ont été formés pour gérer des institutions qui, certes, ont leurs spécificités, mais nécessitent, comme les autres, une véritable politique des ressources humaines. Les services administratifs régionaux, institués à partir de 1996 et placés sous l'autorité directe des chefs de cour, ont une vocation purement administrative, limitée à la gestion des parcs informatique et immobilier, aux frais de fonctionnement et de déplacement et à la gestion financière des personnels. En outre, ils ont une compétence régionale, qui dépasse le cadre des tribunaux de grande instance. Il paraît, dès lors, souhaitable, dans le cadre de la réforme de l'Etat, de mettre en place une gestion moderne et spécifique des juridictions, peut-être par appel à un corps spécialisé de fonctionnaires chargé de gérer les ressources humaines des tribunaux.

En attendant cette réforme qui, il ne faut pas se le cacher, risque d'être difficile à mettre en place, il faudrait, à tout le moins, que les chefs de juridiction et les greffiers en chef puissent bénéficier d'une formation approfondie aux techniques de management et de gestion des ressources humaines.

En raison des remises en cause qu'elle implique, la loi du 15 juin 2000 ne doit pas être considérée comme un obstacle au fonctionnement normal de la justice, mais doit être saisie comme une occasion pour le monde judiciaire de mettre fin aux rigidités actuelles et d'adapter ses méthodes de travail aux techniques du XXIe siècle. Comme l'administration pénitentiaire l'a fait pour l'application des peines, l'institution judiciaire doit reconnaître que le renforcement des droits des parties n'est pas préjudiciable à une bonne administration de la justice, ce qui suppose, il est vrai, pour certains, une quasi-révolution culturelle.

Intervenant dans la discussion générale, M. Alain Tourret a souligné, en premier lieu, l'effort tout à fait considérable accompli par les avocats, qui ont du mettre en place des permanences astreignantes, afin de pouvoir assurer la défense de leur client dès la première heure de la garde à vue. En revanche, il a émis un jugement plus nuancé sur l'alourdissement de la charge de travail des juges d'instruction, évoqué par la rapporteure : il a estimé, en effet, que, au-delà de l'alourdissement des procédures induit par la loi sur la présomption d'innocence, il fallait tenir compte d'une tendance plus ancienne à la diminution du nombre d'ouvertures d'information au profit des citations directes. Évoquant un rapport très instructif de la Cour des comptes, qui analyse, pour trois cours d'appel, la charge et le nombre d'heures de travail des magistrats, il a considéré qu'il fallait, au vu notamment de ce rapport, relativiser la question de la surcharge des cabinets d'instruction, en raisonnant en termes de temps de travail annuel.

Jugeant ensuite que les difficultés d'application de la loi du 15 juin 2000 relevaient davantage de problèmes de mise en _uvre au niveau local que de malfaçons de la loi, il a insisté sur l'avancée indiscutable que constitue la possibilité de faire appel des arrêts de cour d'assises, tout en relevant que ces appels se traduisaient très souvent, en dernier ressort, par des jugements plus sévères que ceux de première instance. S'agissant de la question très sensible des étrangers en garde à vue, il a souligné que les difficultés rencontrées pour trouver un interprète dans les délais impartis par la loi étaient évoquées de façon récurrente par les policiers dans les entretiens qu'il avait pu avoir sur cette question. Afin de résoudre cette difficulté pratique, il a plaidé, sur ce point très précis, pour un aménagement des délais prévus dans la loi.

S'il a approuvé les conclusions de la rapporteure sur la nécessité de doter les juridictions d'une gestion du personnel plus performante, il a contesté, en revanche, celles concernant la possibilité d'appel des décisions d'acquittement, en objectant que celles-ci constituaient le dernier vestige du principe de souveraineté du jury populaire. Il a rappelé, à ce sujet, les débats très animés qui avaient eu lieu au cours de la réunion de commission mixte paritaire, animés par la farouche opposition de M. Robert Badinter au principe de l'appel par le parquet.

Puis, évoquant les dispositions introduites, à son initiative, sur la détention des personnes ayant la charge d'enfants de moins de dix ans, il a rappelé qu'il entendait initialement ne viser que les mères des enfants de moins de dix ans, cette discrimination reposant à la fois sur les statistiques de la criminalité féminine, infiniment plus faibles que celles de la criminalité masculine, et sur des considérations d'ordre pratique, les mères se trouvant davantage en charge des enfants que les pères. Mais il a ajouté que, convaincu par des arguments d'ordre constitutionnel et paritaire, il avait accepté que cette mesure soit étendue aux deux parents. Tout en insistant sur l'importance de cette disposition pour la sauvegarde de la cellule familiale, il a admis qu'elle puisse à l'avenir être aménagée, du moins en matière de détention provisoire, ajoutant qu'elle conservait, en revanche, toute sa pertinence s'agissant de la libération conditionnelle.

Il a conclu son propos en soulignant le travail tout à fait remarquable accompli par les juges de l'application des peines, rappelant que cette fonction impliquait des responsabilités et une prise de risque importante. Déplorant, à cet égard, une tendance récente à multiplier, sous la pression de l'opinion publique, les enquêtes de l'inspection générale des services judiciaires chaque fois qu'une décision d'un magistrat ne répond pas aux attentes de la population, il a émis la crainte qu'une telle pratique ne se traduise, dans les faits, par une diminution du nombre de libérations conditionnelles octroyées.

En réponse, la rapporteure a indiqué que, s'agissant du droit à un interprète dans le cadre de la garde à vue, M. Julien Dray proposait la systématisation des formulaires écrits de notification des droits dans différentes langues, l'instauration d'un réseau téléphonique national centralisé d'interprètes assermentés, le maintien en garde à vue tant qu'un interprète n'a pas été trouvé et l'établissement d'une liste de langues susceptibles de faire l'objet d'une traduction. Concernant l'enquête sociale obligatoire pour les parents d'enfants de moins de dix ans, elle a suggéré que cette disposition s'applique aux parents exerçant seuls l'autorité parentale, lors du placement en détention provisoire et non plus lors du renouvellement de cette mesure.

*

* *

La Commission a alors décidé la publication, en application de l'article 145 du Règlement, du rapport de la mission d'information chargée d'évaluer les conditions de mise en _uvre de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

ANNEXE 1

LOI N° 2000-516 DU 15 JUIN 2000 RENFORÇANT
LA PROTECTION DE LA PRÉSOMPTION D'INNOCENCE
ET LES DROITS DES VICTIMES

TRAVAUX PRÉPARATOIRES

ASSEMBLÉE NATIONALE - PREMIÈRE LECTURE

Projet de loi (n° 1079).  -  Rapport de Mme Christine Lazerges, au nom de la commission des lois (n° 1468).  -  Discussion les 23, 24 et 25 mars 1999 et adoption le 30 mars 1999 (T.A. n° 275).

SÉNAT - PREMIÈRE LECTURE

Projet de loi adopté par l'Assemblée nationale (n° 291, 1998-1999).  -
Rapport de M. Charles Jolibois, au nom de la commission des lois (n° 419, 1998-1999).  -  Avis de M. Louis de Broissia, au nom de la commission des affaires culturelles (n° 412, 1998-1999).  -  Discussion les 15, 16, 17, 24 et 25 juin 1999 et adoption le 25 juin 1999 (T.A. n° 163).

ASSEMBLÉE NATIONALE - DEUXIÈME LECTURE

Projet de loi modifié par le Sénat (n° 1743).  -  Rapport de Mme Christine Lazerges, au nom de la commission des lois (n° 2136).  -  Discussion les 9 et 10 février 2000 et adoption le 10 février 2000 (T.A. n° 441).

SÉNAT - DEUXIÈME LECTURE

Projet de loi adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture (n° 222, 1999-2000).  -  Rapport de M. Charles Jolibois, au nom de la commission des lois (n° 283, 1999-2000).  -  Discussion les 29, 30 mars, 4 et 5 avril 2000 et adoption le 5 avril (T.A. n° 113).

COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Projet de loi modifié par le Sénat en deuxième lecture (n° 2324).  -
Rapport de Mme Christine Lazerges, au nom de la commission mixte paritaire (n° 2409).  -  Discussion et adoption le 24 mai 2000 (T.A. n° 515).

Rapport de M. Charles Jolibois, pour le Sénat, au nom de la commission mixte paritaire (n° 349, 1999-2000).  -  Discussion et adoption le 30 mai 2000 (T.A. n° 127).

DÉCRETS ET CIRCULAIRES D'APPLICATION DE LA LOI

-  Circulaire du 31 mai 2000 : Première présentation des dispositions de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

-  Circulaire du 16 novembre 2000 : Tableau comparatif des modifications résultant de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et des droits des victimes.

-  Circulaire du 4 décembre 2000 : Présentation des dispositions de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes concernant la garde à vue et l'enquête de police judiciaire.

-  Circulaire du 11 décembre 2000 : Présentation des dispositions de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes concernant la procédure criminelle.

-  Décret n° 2000-1204 du 12 décembre 2000 modifiant le code de procédure pénale (deuxième partie : Décrets en Conseil d'État) et relatif à l'indemnisation à raison d'une détention provisoire.

-  Décret n° 2000-1213 du 13 décembre 2000 portant modification du code de procédure pénale (troisième partie : Décrets) et relatif à l'application des peines.

-  Circulaire du 18 décembre 2000 : Présentation des dispositions de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes concernant l'application des peines et du décret du 13 décembre 2000 relatif à l'application des peines.

-  Circulaire du 20 décembre 2000 : Présentation des dispositions de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes concernant l'instruction, la détention provisoire, le juge des libertés et de la détention et le jugement correctionnel.

-  Annexe de la circulaire du 20 décembre 2000 : Formulaires de notification des droits à remettre aux personnes gardées à vue par les O.P.J.

-  Décret n° 2000-1388 du 30 décembre 2000 relatif à l'application des peines.

-  Circulaire du 14 mai 2001 présentant les dispositions de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes relative aux victimes.

-  Circulaire du 9 mai 2001 : Enregistrement audiovisuel de l'interrogatoire des mineurs en garde à vue.

-  Décret n° 2001-666 du 25 juillet 2001 relatif aux dispositions concernant l'application des peines applicables outre-mer.

-  Décret n° 2001-672 du 25 juillet 2001 modifiant le code de procédure pénale (deuxième partie : Décrets en Conseil d'État) et relatif aux listes spéciales des jurés suppléants.

-  Décret n° 2001-709 du 31 juillet 2001 relatif à la commission de suivi de la détention provisoire et modifiant le code de procédure pénale (deuxième partie : Décrets en Conseil d'État).

ANNEXE 2

LISTE DES PERSONNES CONSULTÉES
PAR LA RAPPORTEURE

Chancellerie :

- M. Denis Mondon, conseiller technique du ministère de la justice

- M. Jean-Paul Jean, mission de recherche droit et justice

Cour d'appel de Paris :

- M. Jean-Marie Coulon, premier président de la cour d'appel de Paris

- M. Jean-Louis Nadal, procureur général près la cour d'appel de Paris

- M. Dominique Charvet, président de chambre à la cour d'appel de Paris

- M. Philippe Chaillou, président de chambre à la cour d'appel de Paris

- M. Jean-Claude Magendie, président du tribunal de grande instance de Paris

- M. Jean Guigue, président du tribunal de grande instance de Bobigny

- M. Jean-Louis Gallet, président du tribunal de grande instance de Créteil

- M. Hubert Dalle, président du tribunal de grande instance d'Evry

- M. Daniel Farina, président du tribunal de grande instance de Fontainebleau

- M. Michel Gaget, président du tribunal de grande instance de Meaux

- M. Norbert Gurtner, président du tribunal de grande instance de Melun

- M. Christian Hours, président du tribunal de grande instance de Sens

- M. Jean-Jacques Baizet, président du tribunal de grande instance d'Auxerre

Présidents et vice-présidents de TGI :

- M. Luc Compain, premier vice-président du tribunal de grande instance de
Béthune

- M. Jean-François Beynel, président du tribunal de grande instance de Castres

- M. Pierre Delmas-Goyon, président du tribunal de grande instance de Montpellier

- M. Jacques Nunez, président du tribunal de grande instance de Lille

- M. Alain Billaud, président du tribunal de grande instance de Toulouse

- Mme Marie-Martine Pantz, vice-présidente du tribunal de grande instance de Toulouse

Procureurs de la République :

- M. Olivier Rothé, procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence

- M. Pascal Bouvier, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Libourne

- M. Bernard de la Gâtinais, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montpellier

Juges d'instruction :

- M. David de Pas, juge d'instruction au tribunal de grande instance de Beauvais

- Mme Françoise Neher, juge d'instruction au tribunal de grande instance de Paris

Magistrats chargés de l'application des peines :

- Mme Madeleine Mathieu, vice-président du tribunal de grande instance d'Evry, chargée de l'application des peines

Association française des magistrats chargés de l'instruction :

- M. Etienne Apaire, secrétaire général

- Mme Marie-Antoinette Ouvyet

- M. Jean-Baptiste Parlos

Association nationale des juges de l'application des peines :

- Mme Marie-Suzanne Pierrard, présidente

- M. Olivier Guichaoua

Association professionnelle des magistrats :

- M. Dominique-Henri Matagrin, président

Union syndicale des magistrats :

- M. Dominique Barella, secrétaire général adjoint

- Mme Véronique Imbert, membre du bureau

Syndicat de la magistrature :

- M. Ulrich Schalchi, secrétaire général

- M. Clément Schouler, trésorier

Syndicat FO - magistrature :

- Mme Naïma Rudloff, secrétaire générale

- M. Christian Rudloff

Interco-Justice CFDT :

- Mme Annie Desfaudais

- Mme Marie-Thérèse Druelle

- Mme Jeannie Hanot

Syndicat CGT des chancelleries et des services judiciaires :

- Mme Nathalie Malka, secrétaire générale

- Mme Danielle Roubaud, secrétaire nationale

Conférence des bâtonniers :

- M. Franck Natali, ancien bâtonnier de l'Essonne

- Mme Françoise Louis, chargée des relations avec le Parlement

Conseil national des barreaux :

- M. Jean-René Farthouat, président

- M. Rémy Douarre

- M. Jean-Paul Levy

- M. Patrick Maisonneuve

- M. Olivier Metzner

- Mme Danielle Monteaux

- Mme Frédérique Pons

{ Groupe de 27 magistrats en stage de formation continue à l'Ecole nationale de la magistrature

{ Déplacement :

- Cour d'appel de Paris

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N° 3501.- Rapport d'information de Mme Christine Lazerges, au nom de la commission des lois, sur l'évaluation de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

() JO Débats du 25 mai 2000, p. 4635.

() La décision de placer des greffiers relève des chefs de cour.

() Il a ainsi été signalé que les opérateurs de téléphonie mobile mettaient plusieurs semaines, voire plusieurs mois, pour répondre aux demandes d'expertise des juges d'instruction.

() Deux vice-présidents chargés de tribunaux d'instance de Lille et Roubaix n'ont pas souhaité être associés à ce service.

() JO Débats du 26 mars 1999, p. 2899.

() Un amendement d'un député appartenant au groupe RPR fixait les seuils de détention à trois ans d'emprisonnement en cas de flagrant délit et à cinq ans dans les autres cas, sauf récidive.

() La construction de cette salle d'assises pourrait toutefois être abandonnée, la cour d'appel remettant en cause sa nécessité.

() Décisions de placement à l'extérieur, de semi-liberté, de fractionnement et de suspension de peine et de libération conditionnelle.

() Avant le 1er janvier 2001, la compétence du juge de l'application des peines en matière de libération conditionnelle était limitée aux détenus dont la peine d'emprisonnement était inférieure ou égale à cinq ans.

() La durée de formation d'un magistrat est de trente et un mois. Celle d'un greffier est de douze mois, mais le Gouvernement envisage de la faire passer à dix-huit mois pour les greffiers de catégorie A.