L'ÉTAT ACTUEL ET LES PERSPECTIVES TECHNIQUES
DES ÉNERGIES RENOUVELABLES

Chapitre Ier, 2ème partie

CHAPITRE I : LES ÉNERGIES RENOUVELABLES : POUR QUOI, POUR QUI ET JUSQU'OÙ ? (suite)

III.- En Europe, des objectifs nationaux pour les énergies renouvelables variant selon les ressources naturelles et les réalités politiques 41

1. Les énergies renouvelables en Allemagne : la convergence de la politique et du marketing industriel au service de l'économie 41

1.1. La politique énergétique allemande orientée par la demande sociale et les marchés extérieurs 41

1.2. Le recyclage de compétences industrielles anciennes et la création de marchés comme moteurs de l'expansion industrielle 45

2. L'éolien, un atout du Danemark, complété par un joker : le gaz 51

2.1. Les énergies renouvelables ou le choix politique du Danemark 51

2.2. La population à l'origine des choix énergétiques et d'accord avec des mesures contraignantes 58

3. Le Royaume Uni pour le développement des renouvelables sous le contrôle du marché 61

3.1. Les énergies renouvelables, une piste prise au sérieux pour compenser le déclin prévisible du nucléaire et du gaz 61

3.2. A côté des subventions à la R&D pour le long terme, la prééminence des mécanismes de marché 65

4. L'Union européenne malheureusement focalisée pour le moment sur l'électricité verte 68

IV.- En France, un intérêt mineur pour la production intérieure d'électricité mais majeur pour les transports, le résidentiel-tertiaire et l'exportation 71

1. Des besoins futurs en énergie difficilement contenus par la maîtrise de l'énergie 71

1.1. Les critères des choix de la politique énergétique française 71

1.2. Les scénarios d'augmentation de la consommation d'énergie primaire 71

2. Les enseignements de l'expérience guadeloupéenne à l'usage de la métropole ou la difficulté de faire croître rapidement la part des énergies renouvelables 73

2.1. L'efficacité de l'action de l'État, en phase avec la volonté politique de la Région 73

2.2. L'apport quantitatif majeur de la biomasse et très faible du photovoltaïque 75

2.3. La difficulté d'accélérer le développement des énergies renouvelables 76

3. Une contribution probablement insuffisante de l'électricité verte 77

3.1. Une capacité de production d'électricité suffisante pour le moment en France 77

3.2. L'impossibilité probable de couvrir l'augmentation de la consommation d'électricité avec les seules énergies renouvelables 78

3.3. La contrainte de coût 80

4. Un apport potentiel majeur des énergies renouvelables à la problématique des transports et du résidentiel-tertiaire 80

4.1. Les transports, point d'application prioritaire des énergies renouvelables 81

4.2. Le résidentiel-tertiaire, un objectif capital du développement des énergies renouvelables 82

Suite du rapport : chapitre II

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III.- En Europe, des objectifs nationaux pour les énergies renouvelables variant selon les ressources naturelles et les réalités politiques

L'analyse technique des énergies renouvelables a conduit à la conclusion qu'il s'agit de solutions à profil local pour des besoins locaux.

L'analyse des politiques conduites dans trois pays qui jouent un rôle important à des titres divers dans le développement des énergies renouvelables en Europe, montre à son tour qu'il ne saurait y avoir de politique standard dans ce domaine.

En réalité, les politiques énergétiques reflètent toujours des caractéristiques nationales particulières.

Les politiques conduites dans le domaine des énergies renouvelables ne dérogent pas à cette règle, ce qui entraîne que telle politique menée dans un pays particulier ne peut pas et ne doit pas être transposée dans un autre pays.

1. Les énergies renouvelables en Allemagne : la convergence de la politique et du marketing industriel au service de l'économie

Selon l'accord du 14 juin 2000 entre le Gouvernement allemand et les producteurs d'électricité, les 19 réacteurs électronucléaires implantés outre-Rhin seront chacun fermés après 32 années de fonctionnement. Ainsi, le dernier réacteur installé en Allemagne devrait être arrêté en 2021.

Si les négociations sur ce sujet ont été longues - plus d'un an et demi - et difficiles, c'est qu'il s'agissait de trouver un compromis permettant de respecter un engagement électoral, d'éviter le versement d'indemnités à l'industrie et d'offrir le délai nécessaire pour un redéploiement énergétique d'ampleur - le nucléaire fournit le tiers de l'électricité consommée en Allemagne -.

Quoi qu'il en soit, l'horizon est aujourd'hui dégagé pour la mise en _uvre d'une politique fondée sur trois piliers, d'une part les économies d'énergie, d'autre part l'efficience énergétique et enfin les énergies renouvelables.

Au final, tout se passe comme si la contrainte politique avait été recyclée par l'économie allemande pour construire les bases d'une nouvelle industrie de l'énergie plus adaptée que dans sa version précédente, aux besoins futurs de l'économie allemande mais aussi mondiale.

1.1. La politique énergétique allemande orientée par la demande sociale et les marchés extérieurs

L'opposition au nucléaire des Verts allemands est sans aucun doute fondée sur des motifs idéologiques. Le nucléaire civil porterait la tâche originelle et ineffaçable d'être issu de l'arme atomique. L'opacité du secteur, la centralisation, la production de masse et la production de déchets de haute activité à longue durée de vie achèveraient de disqualifier l'électronucléaire.

Mais l'industrie allemande, passé le moment du choc de la victoire de la coalition SPD-Verts, a désormais intégré la conséquence de cette analyse et voit dans le refus du nucléaire une incitation à investir de nouveaux territoires technologiques et à pénétrer de nouveaux marchés d'une ampleur considérable dans le monde entier.

1.1.1. L'analyse politique du SPD sur les besoins énergétiques dans le monde

Pour M. Hermann SCHEER, Député SPD de la région de Stuttgart1, la montée des besoins énergétiques des pays en décollage industriel et même des pays en développement, ainsi que la solvabilité croissante de ces derniers, se produisent alors que de nouvelles technologies de transformation d'énergie et de production d'électricité s'approchent de la compétitivité. Ces nouvelles technologies révolutionnent les modèles énergétiques, les modes de production et de distribution. Le réalisme consiste à en tirer parti, tout en organisant, sans précipitation - compte tenu de l'inertie des systèmes énergétiques -, l'adaptation du système national.

Le modèle énergétique des pays développés serait en effet, selon M. SCHEER, en bout de course. En centralisant l'extraction de combustibles et la production d'électricité, ce système a éloigné géographiquement la production de la consommation et généré des déséquilibres facteurs d'affrontements et de guerres. Les inconvénients d'un tel système sont patents et ne peuvent être évités qu'en changeant de technologies et donc de modèle énergétique.

Pour M. Hermann SCHEER, l'avenir appartient à des modes de production de l'énergie et de l'électricité sur site, décentralisés, voire autonomes, facteurs d'économies de distribution et de fonctionnement.

Il s'agit là d'un défi qui serait hors de portée si les technologies adéquates n'existaient pas. Mais précisément, l'éolien arrive dans la zone de la compétitivité. Les techniques solaires représentent un avenir plus lointain mais non moins réel.

De même, selon M. Hermann SCHEER, la biomasse pourra apporter une contribution nette en énergie majeure, que l'on considère les filières de combustion ou les biocarburants.

1.1.2. Le nucléaire et le charbon présents encore pour des longues années

La structure de l'approvisionnement de l'Allemagne en énergie primaire est très différente de celle de la France. Si le gaz y joue un rôle plus important (21 % du total) qu'en France (13 %), c'est bien entendu la place du charbon qui y est sans commune mesure - 24 % - contre 6 % dans notre pays (voir graphique ci-après).

Tableau 35 : Approvisionnement total de l'Allemagne en énergie primaire en 1999

(source : AIE / OCDE)

graphique

Il en résulte que la place du nucléaire en Allemagne dans l'approvisionnement en énergie primaire est bien inférieure avec 13 % du total à ce qu'elle est en France (40 % du total).

Tableau 36 : Approvisionnement total de la France en énergie primaire en 1999

(source : AIE / OCDE)

graphique

Les 19 réacteurs électronucléaires en activité produisent toutefois 31 % de l'électricité allemande.

Pour certains experts allemands comme le Député Hermann SCHEER, le débat de près de deux ans sur la sortie du nucléaire était inutile. Il eut suffi d'accepter comme points d'accord avec les compagnies d'électricité l'arrêt des centrales nucléaires arrivées en fin de durée de vie autorisée et l'interdiction d'implanter tout nouveau réacteur en Allemagne. Les vraies questions sont ailleurs.

Tableau 37 : Production d'électricité en Allemagne en 1999 (551 GWh)

(source : AIE / OCDE)

graphique

Le compromis aura pris deux ans à émerger et doit être acté par une loi avant la fin 2001. On pourrait s'imaginer qu'avec une nouvelle majorité démocrate chrétienne, une décision inverse puisse être prise à l'avenir, autorisant à nouveau la construction de réacteurs nucléaires sur le sol allemand.

En réalité, la quasi-totalité des experts estiment que la population allemande a dans sa grande majorité tourné la page du nucléaire comme moyen de production d'électricité d'avenir. A moins d'une situation entièrement nouvelle, il semble exclu que la CDU-CSU prenne le risque de revenir à brève échéance au nucléaire.

Quant à l'importance du charbon pour la production d'électricité, elle est majeure puisque les centrales thermiques fonctionnant au charbon assurent 51 % de la production d'électricité. Il s'agit d'un problème régional, politique et syndical. L'extraction du charbon, subventionnée à hauteur de 6 milliards DM par an, est régulièrement diminuée. Mais il ne semble pas que la production puisse descendre au-dessous d'un certain seuil. D'autant que l'expérience déjà acquise dans les technologies du charbon propre ou à tirer de nouvelles centrales à lit fluidisé, sera très utile pour les marchés internationaux de pays tels que l'Inde ou la Chine, dont la croissance des besoins en énergie mobilisera nécessairement les ressources en charbon.

Quoi qu'il en soit, pour M. SCHEER, l'Allemagne doit tirer parti de la période qui la sépare de l'arrêt de ses centrales nucléaires pour développer des alternatives, parmi lesquelles figurent bien entendu les centrales à cycle combiné à gaz mais également les énergies renouvelables.

1.1.3. Les énergies renouvelables, une nouvelle gamme de créneaux industriels

En raison de l'importance de ses besoins énergétiques, l'Allemagne, au contraire d'un pays comme le Danemark, n'assigne pas aux énergies renouvelables l'objectif de permettre un basculement rapide de son approvisionnement en énergie.

L'objectif du Gouvernement fédéral est, de fait, de doubler dans les dix prochaines années la part des énergies renouvelables dans la production d'électricité. Autrement dit, il s'agit de faire passer la part de l'électricité renouvelable de 5 à 10 % du total en 2010. La directive européenne relative à l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables qui énonce un but de 23 % ne risque donc pas d'être satisfaite par l'Allemagne.

S'agissant de l'éolien, à l'exception de ses rivages de la Baltique et de la Mer du Nord, l'Allemagne ne dispose pas de territoires particulièrement bien ventés qui lui permettent d'espérer une production d'électricité éolienne abondante. Par ailleurs, les possibilités d'implantation d'éoliennes offshore sont limitées par de nombreuses servitudes maritimes ou écologiques.

Le solaire photovoltaïque fait, pour sa part, l'objet d'incitations importantes, au travers du programme des 100 000 toits solaires. La capacité solaire photovoltaïque installée en Allemagne est d'ores et déjà la première du monde. Mais la contribution en électricité au réseau est très limitée, sinon négligeable.

Le solaire thermique, considéré lui aussi comme un objectif important, fait l'objet d'un programme d'incitation qui repose sur des bases saines, à savoir une industrie nationale capable de fournir la demande intérieure. Enfin la biomasse pourrait apporter à l'avenir une contribution appréciable.

Mais au total, quelle que soit la filière d'énergies renouvelables considérée, la création de marchés intérieurs par le biais d'aides diverses a pour but le renforcement de l'industrie nationale au titre de bancs d'essai, d'incitation au progrès technologique et de source de volumes de production tirant les prix vers le bas.

1.2. Le recyclage de compétences industrielles anciennes et la création de marchés comme moteurs de l'expansion industrielle

L'action de l'Allemagne dans le domaine des énergies renouvelables se caractérise par une forte impulsion donnée à l'ensemble des filières en réponse à une demande de la société relayée et mise en forme par le Bundestag lui-même.

Cette impulsion bénéficie d'un socle de compétences industrielles parmi les meilleures du monde et devrait en conséquence porter ses fruits rapidement, permettant aux entreprises allemandes d'acquérir des parts significatives du marché mondial.

1.2.1. La capitalisation de savoir-faire industriels pour la mise au point de nouvelles technologies

Les entreprises allemandes maîtrisent la plupart des technologies à la base des énergies renouvelables.

La construction des éoliennes mobilise des savoir-faire traditionnels en sidérurgie, mécanique, électrotechnique, aérodynamique qui doivent certes être optimisés pour ce type d'application mais dont la maîtrise est une base utile pour un développement rapide.

C'est l'ensemble des Lander allemands qui détiennent ces compétences, y compris ceux de l'Est. On peut noter à cet égard que la nouvelle filière des éoliennes représente un vecteur de réindustrialisation d'une région de l'ex Allemagne de l'Est comme celle de Magdebourg2. L'entreprise Enercon, dont le chiffre d'affaires est d'ores et déjà supérieur à 2 milliards de DM, y a en effet racheté l'ancien combinat sidérurgique SEK et l'a reconverti dans la fabrication d'aérogénérateurs de forte puissance, permettant l'embauche de 550 ouvriers et techniciens.

Pour autant, l'industrie allemande est loin d'occuper une place prédominante sur son marché intérieur (voir graphique ci-après). Il semble toutefois que sa part de marché augmente, étant passée de 48 % en cumulé sur 1982-2000 à 53 % pour la seule année 2000.

Tableau 38 : Parts du marché allemand des éoliennes

(source : BMWi)

graphique

Mais l'Allemagne est leader mondial en termes de capacités installées à la fin 2000 (voir figure suivante).

Tableau 39 : Capacités éoliennes installées dans le monde fin 2000

(source : BMWi)

graphique

Dans le domaine du photovoltaïque, c'est la base de connaissances de Siemens dans le domaine de la microélectronique qui constitue le meilleur atout de l'entreprise Siemens & Shell Solar. Cette filiale commune à un grand groupe d'électrotechnique et à un groupe pétrolier a construit à Gelsenkirchen, près de Düsseldorf, la plus grande unité allemande de fabrication de modules photovoltaïques. Avec en toile de fond l'investissement de Royal Dutch Shell de 500 millions de dollars sur 5 ans dans le solaire photovoltaïque, se profile déjà, à côté de cette usine, la construction très attendue par la profession d'une usine de silicium.

Quant au solaire thermique, l'industrie allemande y dispose de bases sérieuses pour la fabrication de capteurs métalliques sous vide qui font l'essentiel des installations.

Ainsi, l'industrie allemande semble d'ores et déjà en ordre de bataille pour s'emparer dans les années qui viennent de positions dominantes dans différentes filières renouvelables.

1.2.2. La création de marchés par la loi

L'Allemagne a pendant longtemps concentré son soutien aux industries des énergies renouvelables par des aides à la recherche et au développement, revêtant la forme de programmes sur fonds publics confiés à des organismes de recherche ou de subventions à l'industrie.

Différentes initiatives sectorielles ont ensuite été prises pour soutenir l'adhésion des particuliers aux techniques des énergies renouvelables. C'est ainsi que le programme des 100 000 toits solaires, initié par le Député Hermann SCHEER, met en place des financements et un rachat de l'électricité produite (voir encadré ci-après).

Le programme des 100 000 toits solaires

- plan de 5 ans lancé le 1er janvier 1999

- installations de 3 kWc

- financement de l'installation à 100 % par un prêt bancaire sur 10 ans accordé en une semaine à un taux inférieur de 4,5 % au taux du marché, avec un délai de 2 ans avant le début des remboursements

- la loi EEG prévoit en outre le rachat de la production d'électricité au tarif de 0,99 DM / kWh (3,32 F / kWh), pendant 20 ans

- la demande en 2001 est de 5 MW par mois environ

La cogénération constitue un autre volet important de la politique énergétique allemande. La discussion sur un projet de loi relatif à la cogénération devrait être achevée à la fin de l'année 2001. L'objectif est d'arrêter les installations de cogénération datant d'avant 1990 et de moderniser celles construites après 1990. Le montant des financements alloués à ces opérations est de 8,7 milliards DM sur la période 2002-2010, provenant non pas du budget fédéral mais du prix de l'électricité. Un tel système a d'ailleurs été validé récemment par la Cour de justice européenne.

Autre volet important, l'amélioration du bilan énergétique des bâtiments est recherchée par une nouvelle réglementation, en discussion à la mi-2001 au Bundesrat.

Mais c'est avec la loi EEG de 1999 que la politique d'aide au développement des énergies renouvelables prend une dimension décisive. Cette loi d'initiative parlementaire n'a pas rencontré, selon certaines sources, un accord plein et entier du gouvernement fédéral.

Les dispositions de la loi EEG en application depuis le 1er avril 2000

- principes : le distributeur local est obligé de donner accès au réseau (seuls les coûts du transformateur et du câble sont à la charge de l'exploitant) ; le courant produit bénéficie d'une première priorité ; les coûts additionnels sont répartis entre tous les distributeurs au prorata de leur part de marché sur le marché de l'électricité allemand

- pour l'éolien, l'électricité produite est rachetée au prix de 0,178 DM / kWh (59,7 cF / kWh) pendant un minimum de 5 ans pour les installations on shore et de 9 ans pour les installations off shore ; au-delà de ces délais, le prix de rachat est de 0,121 DM / kWh (40,6 cF / kWh)

- les résultats de la loi sont évalués tous les deux ans

Quoi qu'il en soit, cette loi comprend l'ensemble des dispositions prévues pour le rachat au demeurant obligatoire de l'électricité produite à partir de toutes les sources renouvelables, en particulier les prix de rachat et les obligations de raccordement.

La procédure utilisée présente donc l'avantage d'avoir la lisibilité et la publicité maximales, ce qui correspond à la demande de la société allemande.

Cette méthode tranche incontestablement avec la procédure française des arrêtés tarifaires discutés dans l'ombre des cabinets ministériels et des administrations.

1.2.3. Le coût élevé du développement des énergies renouvelables en Allemagne

Le régime des vents en Allemagne n'est réellement favorable que sur les côtes de la Mer du Nord et à proximité immédiate de celle-ci. La saturation des sites les meilleurs est pratiquement atteinte, l'offshore ne présentant par ailleurs que peu de possibilités compte tenu des nombreuses contraintes environnementales et maritimes à respecter.

Pour autant, l'Allemagne possède le parc éolien le plus important du monde.

En définitive, un décalage existe en Europe entre les puissances installées et les qualités des territoires concernés en terme de régimes des vents, les meilleurs sites allemands bénéficiant au surplus de vents moins forts et plus aléatoires que nombre d'autres pays (voir graphique ci-après).

Tableau 40 : Capacités éoliennes installées et régime des vents en Europe

(source : BMWi)

graphique

La dotation relativement médiocre de l'Allemagne en sites de qualité pose inévitablement la question du coût du développement de l'énergie éolienne dans ce pays.

On trouvera au tableau suivant les différents types de coûts supportés par l'État et par les consommateurs d'électricité.

Tableau 41 : Les coûts du développement de l'éolien en Allemagne

(source : BMWi)

Type d'aide

millions DM

millions FF

I. Aides directes (1975-2000)

1. Subvention au développement des turbines et des interfaces

290

972,6

2. Aide à l'investissement privé et coût du programme « 250 MW »

290

972,6

3. Programme d'évaluation des performances du parc éolien

37

124,1

4. Subventions au programme de démonstration de 120 éoliennes dans les pays en développement

37

124,1

II. Soutien du marché (1989-2000)

1. Coût du rachat du courant éolien

4 832

16 205,8

2. Coût d'amélioration du réseau

372

1 247,6

3. Économies d'exploitation réalisées sur les centrales thermiques au charbon

-480

-1 609,8

4. Coût de l'amortissement dégressif sur 10 ans

2 371

7 952,0

5. Prise en charge partielle des subventions accordées par les Lander

360

1 207,4

6. Coût des prêts bonifiés accordés.

651

2 183,4

Le bilan de cette politique, telle que dressé par le BMWi (Ministère de l'économie) est indiqué dans le tableau suivant.

Tableau 42 : Bilan de la politique de promotion de l'éolien en Allemagne

(source : BMWi)

Critère

Valeur

Remarque

nombre d'éoliennes installées

9 369

 

capacité installée

6 095 MW

 

puissance moyenne installée

0,65 MW

 

énergie produite en 2000

9,3 TWh

2/3 dans les 5 Lander du Nord

1/3/ dans les 11 Lander du Sud

disponibilité à pleine puissance

1900 heures

soit 21,7 % de l'année

augmentation en 2000

1495

nombre d'éoliennes installées

 

1665 MW

capacité supplémentaire

 

1,1 MW

puissance moyenne

économies de CO2

7,8 millions tonnes CO2

 

La lecture de ce bilan permet de conclure que la politique conduite par l'Allemagne dans le domaine de l'éolien vise moins la production d'électricité que la constitution d'une industrie compétitive à finalité exportatrice.

1.2.4. Les réticences de l'Allemagne vis-à-vis de la directive SER et des certificats verts

L'objectif de la directive SER selon lequel l'Allemagne devrait tirer 22 % de son électricité des énergies renouvelables paraît quelque peu irréaliste à différents responsables de la politique énergétique allemande. La part des renouvelables étant actuellement de 5 % hors déchets, l'objectif d'un doublement leur paraît plus réaliste.

Par ailleurs, le système des certificats verts à l'échelle européenne ne paraît pas rencontrer l'adhésion ni du Gouvernement fédéral ni du SPD. La principale raison invoquée est que l'Allemagne doit mobiliser tous les sites, même les sites peu favorables, pour atteindre ses objectifs. Le mécanisme des certificats verts tendrait au contraire à privilégier les sites européens les mieux ventés.

En tout état de cause, le Gouvernement estime indispensable que quiconque veuille installer une éolienne puisse le faire dans la mesure où l'électricité est un bien précieux et où le seul doublement de la part des renouvelables constitue un défi très ambitieux. Une hausse conséquente du prix de l'électricité est considérée comme un moyen de financement acceptable, à condition toutefois qu'elle ne devienne pas intolérable.

En définitive, l'Allemagne pourrait être considérée, à première vue, comme donnant l'exemple d'un traitement idéologique des questions énergétiques.

L'arrêt de centrales nucléaires au bout d'une exploitation de 32 ans, alors qu'elles auraient pu fonctionner plus de 40 ans en produisant un kWh à très bas prix en raison de leur amortissement, peut sembler une aberration économique.

En réalité, travaillée par les idées écologiques depuis des décennies et faisant preuve d'une sensibilité et d'une ouverture séculaires vis-à-vis de la nature, la société allemande a décidé, en prenant toutefois des précautions sous la forme d'une transition progressive, de tourner le dos à l'électronucléaire qu'elle considère dans son ensemble comme une source d'énergie d'un intérêt transitoire, pour recourir à un cocktail énergétique diversifié comprenant un volume notable mais non décisif d'énergies renouvelables.

Compte tenu de la force de son appareil industriel et des débouchés intérieurs et extérieurs de ces nouvelles sources d'énergie, ce qui aurait pu risquer de constituer un naufrage économique, pourrait au contraire se révéler comme un virage stratégique opéré avec prescience et donc comme un pari gagnant.

2. L'éolien, un atout du Danemark, complété par un joker : le gaz

Le Danemark offre l'exemple d'une politique énergétique résolue avec trois coups de barre majeurs depuis la crise pétrolière de 1973. Après avoir choisi le développement durable en 1999, le Danemark a désormais pour objectif que les énergies renouvelables assurent le tiers de son approvisionnement en énergie en 2030. L'industrie danoise, appuyée par la recherche publique et forte de ses positions de leader mondial pour l'éolien, est en situation de répondre à cette attente.

2.1. Les énergies renouvelables ou le choix politique du Danemark

Le Danemark accorde une place fondamentale à l'objectif d'une indépendance énergétique aussi grande que possible. Depuis 1973, les pouvoirs publics ont en conséquence renforcé successivement la place du charbon, puis celle du gaz et aujourd'hui celle des énergies renouvelables. Cette nouvelle orientation repose sur un choix plus global, celui du développement durable, et sur des atouts industriels soigneusement cultivés, ce qui augure bien du succès de cette stratégie.

2.1.1. Les coups de barre successifs de la stratégie énergétique danoise

Après le choc pétrolier de 1973, le Danemark décide de réduire sa dépendance énergétique vis-à-vis du Moyen Orient en développant sa production d'électricité à partir du charbon importé d'Australie et du Canada. Alors que celle-ci était à peu près nulle à cette date, la part du charbon dans la consommation d'énergie primaire atteindra plus du tiers en 1991.

Mais en 1996, le Danemark, dans le cadre de son choix en faveur du développement durable, élabore une nouvelle planification énergétique. L'objectif est d'éliminer le charbon. Mais un fait nouveau et fondamental s'est produit. A la fin des années 1980, le Danemark s'est lancé dans la prospection pétrolière et gazière en Mer du Nord. Les recherches s'avèrent couronnées de succès. Ainsi, en 2000, le Danemark produit 17,8 millions de tonnes de pétrole. Sa production de gaz naturel a atteint 8,2 milliards de m3, la même année. Cette production non seulement suffit à ses besoins3, mais lui permet d'exporter 3,2 milliards de m3.

Le charbon continue toutefois en 1999 de jouer un rôle important dans l'approvisionnement en énergie primaire (voir graphique ci-après).

Tableau 43 : Approvisionnement du Danemark en énergies primaires en 1999

(source : AIE-OCDE)

graphique

Le rôle du charbon dans la production d'électricité est également prédominant (voir graphique ci-après).

Tableau 44 : Répartition par filières de la production d'électricité du Danemark (38,9 TWh) en 1999

(source : AIE-OCDE)

graphique

Parallèlement au développement de sa production d'hydrocarbures, le Danemark se fixe un objectif très ambitieux : développer la contribution des énergies renouvelables à hauteur de celle du gaz ou du pétrole.

Deux plans énergétiques majeurs orchestrent ces évolutions, le plan de 1990 et celui de 1996, intitulé « Énergie 21 », par référence au siècle à venir et à l'Agenda 21 de Rio.

Le Danemark démontre ainsi l'exemple du fait qu'une politique énergétique volontariste est encore possible au XXIème siècle, même dans le cadre d'une ouverture des marchés.

2.1.2. Le rôle majeur assigné aux énergies renouvelables

Selon le plan d'action « Énergie 21 », l'approvisionnement en énergie primaire du Danemark devra reposer pour un tiers sur le pétrole, un tiers pour le gaz naturel et un tiers pour les énergies renouvelables, au terme d'une évolution retracée dans le graphique ci-après.

Tableau 45 : Consommations brutes d'énergie primaire selon le plan « Énergie 21 » du Danemark, par type de source d'énergie

(source : ministère danois de l'environnement et de l'énergie)

graphique

L'objectif est en réalité double : d'une part diminuer la consommation totale d'énergie primaire de 19,8 à 16,3 Mtep, soit une diminution de 17,7 % entre 1998 et 2030, et, d'autre part, éliminer quasiment en totalité la consommation de charbon au profit des énergies renouvelables (voir tableau ci-après).

Tableau 46 : Consommation d'énergie primaire au Danemark -
résultats 1998 et objectifs 2030

(source : Ministère danois de l'environnement et de l'énergie)

 

1998

2030

 

Mtep

%

Mtep

%

charbon

4,1

20,5

0,4

2,7

pétrole

9,1

45,8

5,4

33,3

gaz naturel

4,8

24,1

4,8

29,3

énergies renouvelables

1,9

9,6

5,6

34,7

total

19,8

100,0

16,3

100,0

S'agissant de la production électrique, les énergies renouvelables fourniront 50 % de l'électricité consommée au Danemark en 20304. Le restant sera fourni par les centrales à gaz (voir figure suivante).

Tableau 47 : Évolution visée par le plan d'action « Énergie 21 » pour les sources d'énergie utilisées pour la production d'électricité et le chauffage urbain

(source : Ministère danois de l'environnement et de l'énergie)

graphique

Une spécificité du Danemark doit être soulignée à cet égard, l'importance des réseaux de chaleur.

Le gaz est en conséquence une solution performante dans le cadre de systèmes de cogénération.

Il faut noter, par ailleurs, que le Danemark utilise à plein les possibilités offertes par le grand marché de l'électricité du Nord de l'Europe. La Norvège assure de fait une fonction de stockage de l'électricité, étant donnée l'importance de son hydroélectricité5.

2.1.3. La mobilisation de l'ensemble des énergies renouvelables

L'objectif de la politique énergétique danoise est de mobiliser la panoplie complète des énergies renouvelables, à l'exception du solaire thermodynamique et du solaire photovoltaïque (voir figure ci-après).

Tableau 48 : Les objectifs de contribution de chacune des énergies renouvelables à l'approvisionnement du Danemark, selon le plan « Énergie 21 »

(source : Ministère danois de l'environnement et de l'énergie)

graphique

A l'horizon 2030, l'éolien devrait certes occuper la première place, avec 26 % du total de la contribution des renouvelables. Mais les cultures énergétiques, la paille et le bois devraient totaliser 44 % (voir tableau ci-après).

Tableau 49 : Les objectifs à 2030 d'approvisionnement en énergie

à partir des différentes sources renouvelables

objectifs 2030

TWh

%

paille

9

13,5

bois

8

11,5

cultures énergétiques

13

19,2

déchets

6

8,7

biogaz

5

8,2

pompes à chaleur

1

1,4

bioclimatique

4

5,8

géothermie

4

5,8

éolien

17

26,0

total

66

100,0

Parallèlement au redéploiement de ses sources d'énergie primaire, le Danemark entend réduire sa consommation totale d'énergie, grâce à des programmes d'économies d'énergie ambitieux, où l'architecture bioclimatique joue un rôle important.

2.1.4. La biomasse, un apport décisif à l'avenir

Les Danois sont nombreux à décrier les mécanismes de l'Union européenne, leur obscurité et leur insuffisante proximité avec les citoyens6. Dans le domaine agricole, bien que ses exploitants aient tiré de larges bénéfices de la politique agricole commune, l'insuffisante mise en valeur des ressources européennes, avec notamment la mise en jachère et les excédents de production, apparaissent comme injustifiables, compte tenu de l'apport possible des cultures industrielles à l'approvisionnement énergétique.

Le Danemark est en pointe dans le domaine des technologies de culture et d'utilisation énergétique de la biomasse. Plusieurs types de cultures figurent dans les objectifs du plan « Énergie 21 ». La paille, le bois à forte vitesse de croissance, l'herbe à éléphant ou miscanthus doivent apporter chacune une contribution significative.

Au total la biomasse devrait représenter environ 2,2 millions de tep en 2030.

2.1.5. L'éolien, l'âme et l'arme du Danemark

Le Danemark comptait 30 000 moulins à vent au XVIIIème siècle. En 2000, la capacité installée en éoliennes représente plus de 2000 MW. L'objectif est d'atteindre 4000 MW en 2030 et 5000 MW en 2050 où les éoliennes devraient fournir la moitié du courant électrique consommé.

L'importance donnée à l'éolien au Danemark est autorisée par un régime des vents extrêmement favorable sur l'ensemble de son territoire, mais en particulier sur les côtes Ouest et Nord-Ouest du Jutland. Il s'agit des emplacements les meilleurs en Europe, avec l'Écosse, les côtes de la Manche et de la Bretagne, l'Aude et la vallée du Rhône.

L'industrie danoise des éoliennes, très puissante, est la première du monde. Cette industrie s'est développée à partir des constructions mécaniques pour l'agriculture. De nombreuses exploitations agricoles se sont dotées d'éoliennes au début des années 1970. Lorsque Jerry BROWN fut élu gouverneur de Californie au début des années 1980, l'industrie danoise était la seule au monde à disposer de références permettant de répondre à l'essor des énergies renouvelables voulu par le nouveau gouverneur. Les succès remportés aux États-Unis lui ont ensuite permis d'augmenter son avance sur les autres pays.

En 2001, l'industrie danoise des éoliennes détient 50 à 60 % du marché mondial cumulé. Vestas, le leader mondial, produit la totalité des composants utilisés dans la fabrication des éoliennes. Les autres grands industriels que sont Nordex, Neg Micon, Bonus, sont des ensembliers. La stratégie de l'industrie danoise a été de capitaliser sur une technologie particulière et de progresser pas à pas dans cette technologie. Il s'agit de la technologie des aérogénérateurs à multiplicateur, différente de celle d'autres entreprises comme Enercon en Allemagne ou Jeumont Industrie en France qui ont choisi la technologie des aérogénérateurs sans multiplicateur.

Compte tenu de l'essor d'autres fabricants dans le monde, l'industrie danoise a pour principal objectif de conserver ses parts de marché.

En tout état de cause, les coûts de production affichés pour les machines les plus modernes sont étonnement bas, en particulier pour l'offshore (voir tableau ci-après).

Tableau 50 : Coût de production et marge bénéficiaire du kWh éolien au Danemark

(source : Ministère danois de l'environnement et de l'énergie)

2000

couronnes danoises

FF

coût de production du kWh éolien on shore

0,37

0,33

coût de production du kWh éolien offshore

0,33

0,29

coût de maintenance de l'éolien on shore par kWh

0,06

0,05

L'avenir de l'éolien pour les fabricants danois se présente dans deux directions : d'une part l'augmentation de puissance des machines et d'autre part l'off shore.

La course à la puissance est loin d'être terminée. En 1980, le maximum de puissance était de 26 kW, le rotor ayant un diamètre de 10,5 m. En 2001, les machines courantes ont une puissance de 1 MW, les rotors ayant un diamètre moyen de 55 mètres et un pylône de 70 à 80 mètres de hauteur7. Des recherches sont actuellement conduites pour atteindre des puissances de 8 à 12 MW, la hauteur des pylônes dépassant alors les 200 mètres.

L'éolien offshore est clairement présenté au Danemark comme plus rentable que l'éolien à terre, en raison d'une force et d'une régularité des vents très supérieures. L'off shore est la nouvelle frontière des fabricants d'éoliennes. En 2001, le Danemark possède 8 sites offshore. Dès 2002, la capacité installée au large des côtes du Jutland devrait atteindre 150 MW.

2.2. La population à l'origine des choix énergétiques et d'accord avec des mesures contraignantes

Le Danemark est fier de ses pratiques profondément démocratiques. Un consensus national sans faille existe sur sa politique énergétique. Cette dernière, très ambitieuse, est une pièce fondamentale du développement durable choisi par le pays et se traduit par des mesures volontaristes et contraignantes.

Selon le protocole de Kyoto, le Danemark doit réaliser entre 2008 et 2012 une diminution de 21 % de ses émissions de CO2, par rapport à ses niveaux de 1990. Le plan d'action « Énergie 21 » vise un objectif plus ambitieux : atteindre une réduction de 20 % dès 2005 et de 50 % en 2030.

La diminution du rôle du charbon au profit de celui du gaz aura à cet égard un impact important. Mais les énergies renouvelables y contribueront également avec un objectif de 12-14 % de l'approvisionnement en énergie primaire en 2005 et une part de 35 % en 2030.

2.2.1. L'éolien, une initiative populaire et rurale, aujourd'hui relayée par de grandes entreprises

Au Danemark, les éoliennes sont, en très grande majorité, la propriété de personnes privées, en majorité des agriculteurs, et de coopératives. En 2000, 85 % des machines appartenaient à ces derniers. Les autres 15 % appartenaient aux compagnies de production ou de distribution d'électricité.

L'énergie éolienne a, en effet, représenté à ses débuts un revenu complémentaire pour les exploitants agricoles. L'initiative locale a entraîné pendant longtemps une excellente acceptation de ces machines par la population. Il a fallu un suréquipement des côtes du Jutland pour faire apparaître les premières oppositions.

Le prix atteint par les machines modernes, environ 6,5 millions de francs par MW pour les machines de 1 à 2 MW, modifie aujourd'hui l'origine et la structure des initiatives. Aux compagnies du secteur de l'énergie, se joignent désormais des fonds de pension. Les perspectives d'avenir ne sont pourtant pas moins favorables. Il reste en effet la possibilité de remplacer les anciennes petites machines par les machines puissantes actuelles. De surcroît, l'offshore offre des perspectives immenses.

En effet, le Danemark dispose aussi de conditions particulièrement favorables pour l'éolien offshore. La presqu'île du Jutland et les îles danoises sont en effet entourées d'un plateau continental de faible profondeur, où il est possible de trouver, dans la plupart des cas, des sites à moins de 10 mètres de fond.

L'industrie danoise affirme que les problèmes de stabilité au vent et de corrosion sont maîtrisés, grâce à l'expérience accumulée pour les plates-formes pétrolières. En conséquence, des rendements plus élevés qu'à terre pourront être fournis par les éoliennes offshore en raison de meilleures conditions de vent et de l'absence de turbulences générées sur terre par les reliefs.

2.2.2. Une recherche focalisée sur la valorisation des atouts nationaux

La création au Danemark d'un ministère de plein exercice chargé de la recherche date de 1992. Afin d'utiliser au mieux les moyens nécessairement limités de ce pays de 5,3 millions d'habitants, de 43 000 km2 et dont le PNB est 9,3 fois inférieur à celui de la France, une stratégie de recherche concentrée sur quelques secteurs a été arrêtée.

La recherche doit être appliquée, de haute qualité et en phase avec les besoins de l'industrie. L'objectif est aujourd'hui de faire passer la dépense nationale de recherche et développement de 2 % du PNB, niveau actuel, à 3 % dans les dix années à venir. Les dépenses de R & D sont financées à 37 % sur fonds publics et à 63 % sur fonds privés. Les dépenses de R & D sur l'énergie ont, en 2000, représenté 0,28 % du PNB, soit le même taux qu'aux États-Unis, contre 0,48 % en France et 0,88 % au Japon

La recherche sur les technologies de l'énergie figure au premier rang des priorités retenues par le Danemark, avec les biotechnologies et les sciences et technologies de l'information et de la communication.

Les dépenses de recherche publiques et privées pour la seule énergie éolienne atteignent le total de près de 300 millions de francs en 2000, salaires inclus. Les efforts sont multiples et portent en particulier sur l'aérodynamique, l'électronique de puissance ou la sélection des sites bénéficiant des conditions de vent optimales.

2.2.3. Des aides substantielles et une fiscalité rigoureuse mais bien acceptée

La pièce maîtresse de la politique énergétique danoise est la fiscalité. Comme en France, les taxes sur l'essence représentent un montant considérable du prix de vente, plus de 80 %. Le prix de l'électricité est trois fois plus élevé qu'en France, en raison de taxes massives. Ces recettes fiscales sont utilisées pour orienter la production en fonction des objectifs stratégiques du pays dans le domaine de l'énergie.

Le soutien à l'éolien a débuté au Danemark par des subventions à l'investissement, de l'ordre de 30 %. Ce système a été interrompu en 1989, dans la mesure où il encourageait la construction de machines et non pas la production d'électricité. Aujourd'hui c'est l'obligation d'achat qui est la pièce maîtresse du développement de l'éolien (voir encadré ci-dessous).

Les mesures d'aide au développement des énergies renouvelables au Danemark8

1. Taxe sur la consommation d'électricité de 1,70 couronne / kWh

2. Subventions à l'investissement éolien jusqu'en 1989

3. Prix de rachat de l'électricité de 0,33 couronne / kWh

4. Priorité d'accès au réseau accordée aux exploitants d'éoliennes, l'extension éventuellement nécessaire du réseau étant à la charge des distributeurs d'électricité

5. Reversement partiel du produit de la taxe sur l'électricité aux exploitants d'éoliennes

6. Certificats verts et marché des certificats verts

7. Subventions à la R&D sur les énergies renouvelables depuis 1981

Ainsi, l'électricité éolienne bénéficie d'une garantie d'achat de 0,33 couronne danoise par kWh, ceci quels que soient l'origine et le volume de production. Par ailleurs, une partie des taxes sur l'électricité est reversée aux producteurs, soit 0,27 couronne danoise par kWh.

La recette unitaire pour les exploitants d'éoliennes atteint donc 53 cF / kWh, le coût de production moyen du kWh éolien au Danemark étant de 29-33 cF / kWh.

Tableau 51 : Coût de production et marge bénéficiaire du kWh éolien au Danemark

2000

couronnes danoises

FF

coût de production du kWh éolien on shore

0,37

0,33

coût de production du kWh éolien offshore

0,33

0,29

prix de vente du kWh au consommateur

1,50

1,32

prix d'achat du kWh au propriétaire d'éolienne

0,33

0,29

taxe reversée au propriétaire d'éolienne

0,27

0,24

recette par kWh du propriétaire d'éolienne

0,60

0,53

Le niveau actuel du prix de rachat garantit la rentabilité de l'exploitation pour des machines de 600 kW fonctionnant 2000 heures à pleine puissance, ce qui est le cas de la majorité des éoliennes actuellement en fonctionnement. Un système de financement préférentiel des investissements est également mis en place sur 10 ans, le remboursement s'étalant sur 8 ans, pour une durée de vie des installations de 20 ans environ.

Le Ministère de la recherche danois évalue à 5 % de la facture énergétique globale, le coût de l'ensemble des aides au développement des énergies renouvelables.

3. Le Royaume Uni pour le développement des renouvelables sous le contrôle du marché

La question des énergies renouvelables n'est pas polémique au Royaume Uni. Tant le Gouvernement que l'industrie et les particuliers envisagent le développement de celles-ci avec leur pragmatisme coutumier. Les énergies renouvelables peuvent sur le papier résoudre en partie l'équation énergétique des prochaines décennies. Il convient en conséquence de favoriser leur essor, mais ceci à moindre coût. Et au final c'est le marché qui tranchera.

3.1. Les énergies renouvelables, une piste prise au sérieux pour compenser le déclin prévisible du nucléaire et du gaz

Les questions énergétiques connaissent une nouvelle actualité au Royaume Uni, depuis la nouvelle victoire du New Labour de M. Tony BLAIR aux dernières élections législatives de 2001.

C'est en effet tout l'approvisionnement en énergie du Royaume Uni qui va devoir être remodelé dans les prochaines décennies. A ce titre mais aussi pour lutter contre le changement climatique et répondre aux objectifs européens, les énergies renouvelables sont prises au sérieux au Royaume Uni, sans excès d'enthousiasme mais avec un pragmatisme actif, sinon dynamique.

3.1.1. La modification complète à venir du paysage énergétique britannique

S'ajoutant à ses gisements de charbon produisant encore près de 20 millions de tonnes, le Royaume Uni bénéficie depuis plus de trente ans, de ressources exceptionnelles en pétrole et surtout en gaz tirées des gisements offshore de la mer du Nord (voir tableau ci-après).

Tableau 52 : Production énergétique du Royaume Uni en 1999

(source : AIE-OCDE)

1999 / Mtep

charbon

pétrole

gaz naturel

production

22,3

143,0

89,1

L'approvisionnement du Royaume Uni en énergie primaire est en conséquence diversifié, les énergies renouvelables ne représentant ensemble qu'environ 1 % (voir graphique ci-après).

Tableau 53 : Approvisionnement du Royaume Uni en énergie primaire en 1999

(source : AIE-OCDE)

graphique

Sur le plan de la production d'électricité, le Royaume Uni présente une caractéristique principale, celle de faire jouer un rôle essentiel au gaz naturel, qui est à la source de 40 % de l'électricité produite, complété par la contribution importante du charbon (29 % du total).

Tableau 54 : Répartition par filière de la production d'électricité (363,4 TWh)
du Royaume Uni en 1999

(source : AIE-OCDE)

graphique

Au total, l'indépendance énergétique du Royaume Uni est réelle, au contraire de la France ou de l'Allemagne Mais cette indépendance devrait fortement décroître dans les décennies à venir (voir tableau ci-après).

Mais à moins de pouvoir disposer de techniques encore plus efficaces de valorisation, les gisements de la mer du Nord devraient voir leur production diminuer voire cesser dans les vingt prochaines années. De nouvelles ressources ont certes été identifiées au nord-ouest de l'Écosse mais leur mise en production, toujours plus complexe à grande profondeur, ne devrait pas intervenir avant trente à cinquante années.

Tableau 55 : Évolution et prévision de l'indépendance énergétique

(source : Commission européenne)

%

1990

2000

2010 (prévisions)

Royaume Uni

96,7

120,6

99,8

France

48,1

49,9

46,8

Allemagne

52,6

39,1

36,6

Danemark

54,4

120,9

68,5

Par ailleurs, le nucléaire, qui produit près de 30 % de l'électricité britannique arrive lui aussi en phase terminale. Les réacteurs de première génération, de type MAGNOX, datent des années 1960. Les réacteurs de deuxième génération, de type AGR Advanced Gaz Cooled Reactors, ont été mis en service dans les années 1970. Il existe bien un troisième type de réacteurs, de type PWR, mais le Royaume Uni n'en compte qu'un exemplaire situé à Sizewell. En conséquence, il est prévu que la part de l'électricité nucléaire devrait diminuer pour n'atteindre que 5 % du total vers 2015.

Le rachat de Westinghouse par BNFL, entreprise publique britannique, pourrait laisser penser que les technologies nucléaires PWR les plus courantes dans le monde pourraient être relancées dans les années à venir sur le sol britannique. En réalité, l'opinion dominante au Royaume Uni est qu'avant tout projet de construction de nouveaux réacteurs, il est indispensable de régler la question des déchets. Or le Gouvernement BLAIR a ignoré cette question de 1997 à 2001. Nul ne peut prévoir comment l'opinion publique y réagira lorsqu'elle sera réellement traitée par le Gouvernement.

Dans ces conditions, le Gouvernement a lancé la préparation d'un rapport sur l'énergie au niveau le plus élevé, celui du Cabinet Office. Le comité de pilotage du ce groupe est présidé par le ministre en charge de l'énergie. Le rapport sera publié fin 2001.

En tout état de cause, les énergies renouvelables ne fournissaient en 2000 que 2,8 % de l'électricité produite au Royaume Uni.

Leur développement est considéré avec sérieux pour plusieurs raisons convergentes.

Alors que les tensions sur les prix de l'énergie sont de plus en plus fréquentes et importantes, l'énergie ne peut plus, aux yeux de l'opinion et des pouvoirs publics, être considérée comme un sujet accessoire, d'autant plus que l'indépendance énergétique britannique susceptible de décroître dans les prochaines années pourrait être maintenue par les énergies renouvelables.

Par ailleurs, ces énergies permettraient au Royaume Uni de remplir ses engagements de Kyoto et d'atteindre les objectifs de la directive européenne sur la production d'électricité renouvelable. A cet égard, les émissions britanniques de CO2 étaient, en 1996, 1,65 fois supérieures à celles de la France (voir tableau ci-après).

Tableau 56 : Émissions de CO2 par unité d'énergie produite

(source : CEA)

1996

t CO2 / tep

Royaume Uni

2,48

France

1,51

Allemagne

2,59

Danemark

3,16

En outre, le secteur des énergies renouvelables constitue un secteur de haute technologie dont les perspectives d'exportation sont brillantes.

En conséquence, les énergies renouvelables sont considérées comme potentiellement importantes pour l'avenir énergétique du pays.

3.1.2. Une contribution importante attendue de l'éolien offshore et de la biomasse pour la production d'électricité

Le Royaume Uni assigne clairement un objectif prioritaire aux énergies renouvelables, à savoir la production d'électricité.

Le solaire photovoltaïque fait l'objet d'un plan d'équipement de 7 000 toits, à comparer au plan de 100 000 toits de l'Allemagne. Certes des opérations de démonstration sont réalisées par British Airways ou British Airports, ainsi que par BP pour ses stations services au-delà de ses activités de production de modules photovoltaïques. Mais le solaire photovoltaïque n'est pas considéré comme prioritaire à court-moyen terme. Il en est de même pour le solaire thermique, bien que l'industrie britannique comprenne de nombreux fabricants de capteurs ou de chauffe-eau solaires.

La cogénération (CHP - Combined Heat & Power) est considérée comme une énergie renouvelable, pour les installations d'une puissance inférieure ou égale à 50 MW. L'objectif est d'atteindre 10 GW installés en 2010. Mais ses perspectives dans le domaine de l'habitat semblent, pour le moment, réduites au logement social.

L'énergie tirée de la combustion des déchets est également considérée comme faisant partie des énergies renouvelables.

L'hydroélectricité, importante en Écosse, est à la source de la quasi-totalité de l'électricité renouvelable aujourd'hui produite. La modernisation des installations est prévue, afin d'augmenter leur productivité.

Les énergies marémotrice ou houlomotrice sont considérées pour le long terme, des programmes de développement étant mis en chantier avant tout pour ne pas passer à côté d'éventuelles techniques d'avenir.

En réalité, pour le Gouvernement britannique, ce sont essentiellement l'éolien, principalement offshore, et la biomasse qui devraient fournir une contribution significative à l'approvisionnement en électricité au Royaume Uni. Or les objectifs fixés sont ambitieux, puisque les énergies renouvelables devraient voir leur part tripler dans les dix prochaines années (voir tableau suivant).

Tableau 57 : Les objectifs fixés aux énergies renouvelables au Royaume Uni

%

2000

2003

2010

part des énergies renouvelables dans la production électrique

2,8 %

5 %

10 %

L'éolien se voit assigner des objectifs ambitieux. L'ensemble de l'Écosse et la majorité des côtes du Pays de Galles et de l'Angleterre constituent des sites de grande qualité, avec des régimes de vents très favorables. Pour autant, le développement de l'éolien à terre semble se heurter à des obstacles non négligeables, comme les réserves des riverains, la législation rigoureuse des parcs nationaux, voire les réticences de la Royal Air Force soucieuse de l'efficacité de ses radars.

Au contraire, l'offshore bénéficie des anticipations les plus favorables. Dix huit sites répartis sur toutes les côtes ont récemment été autorisés par le « Crown Estate » propriétaire du domaine maritime qui vient au demeurant de simplifier ses procédures d'autorisation. La puissance moyenne installée sur chacun de ces sites serait de 25 MW.

La biomasse constitue la deuxième priorité du Royaume Uni. Le bilan des plantes énergétiques « energy crops » est considéré comme positif, délivrant plus d'énergie qu'il n'en est consommée pour les cultiver et les récolter, à condition de réduire à zéro l'utilisation des engrais. Le bois à croissance rapide « high rotation forestry » est également considéré comme une piste intéressante. En vérité, la biomasse constitue une piste capitale pour le Royaume Uni dans la mesure où le Gouvernement entend aider l'agriculture britannique, sinistrée par les crises de l'ESB et de la fièvre aphteuse.

Tels sont les deux axes qui semblent les plus probables pour le développement des énergies renouvelables au Royaume Uni.

Deux remarques essentielles doivent toutefois être faites.

En premier lieu, l'accent est clairement mis sur la production d'électricité. En deuxième lieu, le Gouvernement attend du marché qu'il confirme ou qu'il infirme l'intérêt des deux filières qui semblent actuellement les plus prometteuses ou qu'il en fasse émerger d'autres.

3.2. A côté des subventions à la R&D pour le long terme, la prééminence des mécanismes de marché

Le Gouvernement britannique, qui arrêtera sa stratégie énergétique détaillée avant la fin de l'année 2001, agit toutefois en faveur des énergies renouvelables depuis le début des années 1990. Divers types d'aide à la recherche sont d'ores et déjà en vigueur. Mais le trait distinctif du Royaume Uni dans le domaine des énergies renouvelables est que son action se développe dans un cadre particulier, celui de la dérégulation du marché de l'électricité, et sous le contrôle du marché.

3.2.1. Un soutien à long terme pour la recherche et les projets pilotes

Les pouvoirs publics accordent un soutien important à la R&D sur les énergies renouvelables. Ce soutien, qui est accordé par l'intermédiaire du « Research Council » relatif à l'énergie9, a atteint un niveau de 18 millions £ en 2000. La recherche est effectuée principalement par les laboratoires universitaires. Une attention particulière est donnée à la recherche sur les technologies de stockage, notamment au dispositif de stockage électrochimique développé par la société INNOGY qui peut atteindre des puissances de 10 à 15 MW.

D'autres formes de soutien sont prévues dans les trois prochaines années. Des fonds publics seront investis en capital à hauteur de 30 millions £ dans l'éolien offshore. Un autre fonds en capital de 60 millions £ permettra la participation à des projets de biomasse ou d'éolien. Par ailleurs, différentes subventions à la recherche technologique seront versées à hauteur de 100 millions £.

Au total, le financement assuré par les pouvoirs publics pour le développement des énergies renouvelables devrait atteindre 250 millions £, soit 2,75 milliards F dans les trois prochaines années.

Ces différentes actions sont, somme toute, relativement novatrices, notamment les prises de participation publiques dans des projets innovants. Mais l'originalité essentielle de la politique britannique, c'est de se placer dans le cadre d'un marché dérégulé, dont le fonctionnement doit toutefois être infléchi, ce qui oblige à mettre en place des mécanismes spécifiques.

3.2.2. L'expérience de la taxe relative au changement climatique

Dès le début des années 1990, le Royaume Uni s'est signalé par la mise en place d'une taxe relative au changement climatique et portant sur l'électricité à usage industriel.

Les distributeurs d'électricité se sont vus taxés à hauteur de 0,43 pence / kWh10 à raison de leurs ventes d'électricité produite avec des combustibles fossiles ou fissiles (nucléaire). Ainsi a été introduite une obligation de produire de l'électricité avec des combustibles non fossiles « Non Fossile Fuel Obligation (NFFO) ».

Le mécanisme est le suivant : les producteurs d'électricité renouvelable reçoivent des certificats de production qu'ils peuvent vendre aux distributeurs. Les certificats NFFO permettent aux distributeurs de se libérer partiellement de la taxe sur l'électricité vendue. Un marché de certificats NFFO s'établit ainsi. Ce marché n'est pas régulé.

L'ensemble du mécanisme des certificats NFFO et de la collecte de la taxe est placé sous la responsabilité de l'Office de régulation britannique OFGEM.

Ce mécanisme a été créé en vue de financer la recherche sur l'énergie du futur. Au départ, les fonds ont bénéficié au nucléaire mais une réorientation s'est rapidement opérée en faveur des énergies renouvelables.

Le montant total du mécanisme des certificats NFFO atteint 150 millions £ par an.

3.2.3. Le prochain lancement des certificats ROCs

Un mécanisme supplémentaire, en cours de finalisation, sera lancé dans les prochains mois. Il s'agit des « Renewable Obligation Certificates (ROCs) ».

Une obligation générale sera fixée aux distributeurs d'électricité pour l'ensemble de leurs ventes aux particuliers et aux industriels. 10 % de leurs ventes d'électricité devront provenir de sources d'énergies renouvelables. En cas de ventes insuffisantes, ils devront acquitter une taxe sur le volume manquant 11.

Lors de leurs achats d'électricité verte aux producteurs, les distributeurs se verront remettre des certificats ROCs. Ces certificats serviront aux distributeurs à justifier de leurs obligations auprès du régulateur. Leurs éventuels excédents pourront être échangés sur un nouveau marché.

Le coût de ce mécanisme est estimé à 600 millions £ par an. Son impact sur la facture d'électricité devrait s'élever à 3-4 % 12.

En tout état de cause, hormis la publication d'une liste de moyens de production d'électricité dite renouvelable, c'est au marché que reviendra la sélection des filières d'avenir. Le Gouvernement n'entend pas préjuger les orientations d'avenir. L'office de régulation, OFGEM, aura, comme pour le mécanisme NFFO, la responsabilité d'organiser le marché

Le fonctionnement du marché de l'électricité rencontrera toutefois une difficulté. Les énergies renouvelables sont par essence intermittentes, d'où la nécessité que d'autres filières compensent les aléas de production de ces dernières. Le surcoût correspondant devra donc être pris en charge. Par ailleurs, si l'éolien offshore prédomine, les réseaux électriques devront être améliorés et complétés, la liaison entre le réseau écossais et le réseau anglais devant notamment être renforcée. Certains experts doutent que le mécanisme NETA suffise à régler ces questions.

En définitive, le Royaume Uni accorde en définitive beaucoup plus qu'un intérêt poli au développement des énergies renouvelables. Le plan stratégique gouvernemental dans le domaine de l'énergie qui sera dévoilé fin 2001 consacrera sans doute le rôle important qui leur est déjà dévolu.

Il sera intéressant à cet égard de voir si l'électronucléaire en est parallèlement remis à l'ordre du jour.

D'ores et déjà, le Royaume Uni constitue un exemple particulièrement intéressant d'utilisation des mécanismes de marché et de certificats verts pour promouvoir les énergies renouvelables.

4. L'Union européenne malheureusement focalisée pour le moment sur l'électricité verte

Alors que, pendant longtemps, aucun objectif précis n'était assigné aux énergies renouvelables, la formulation d'objectifs quantitatifs est aujourd'hui une obligation dans l'Union européenne.

Le Livre blanc sur les énergies renouvelables a proposé l'obligation de faire passer la part des énergies renouvelables dans la consommation d'énergie primaire brute de l'Union européenne, qui est de 6 % actuellement à 12 % en 2010, à conventions constantes (voir tableau ci-après).

Tableau 58 : Les textes de l'Union européenne sur l'énergie

énergie

électricité et gaz

électricité renouvelable

· 1996 : Livre Blanc intitulé « Une politique énergétique pour l'Union européenne »

· Programme-cadre pluriannuel pour des actions dans le secteur de l'énergie (1998-2002) arrêté par la décision 1999/21/CE [JO L7 du 13.1.1999, p.6]

   

· 1996 : Livre Vert présenté par la Commission sur les sources d'énergie renouvelables intitulé « Énergie pour l'avenir : les sources d'énergie renouvelables » (COM/1996/0576) : débat

· Résolution du Conseil du 27 juin 1997 sur les sources d'énergie renouvelables [397Y0711(01)]

· 1997 : Livre Blanc - communication présentée par la Commission sur les « Sources d'énergie renouvelables et l'efficacité énergétique : stratégie et plan d'action » (COM(1997)0599)

· Résolution du Conseil du 8 juin 1998 sur les sources d'énergie renouvelables [398Y0624(01)]

· Communication de la Commission sur la mise en _uvre de la stratégie et du plan d'action communautaires en matière de sources d'énergie renouvelables (1998-2000) [COM(2001)69]

· Directives 96/92/CE et 98/30/CE relatives aux « règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et du gaz naturel » :

- transposition réalisée en France pour la directive électricité, par la loi n° 2000-108 de développement et de modernisation du service public de l'électricité

· Directive 2001/77/CE du 27 septembre 2001 du Parlement européen et du Conseil relative à la « promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables sur le marché intérieur de l'électricité » [COM(2000)0279)]:

- communication de la Commission 10 mai 2000

- adoption par le Conseil industrie-énergie du 5 décembre 2000

- adoption avec amendements par le PE en 1ère lecture 16 novembre 2000

- position commune du Conseil et du Parlement adoptée le 23 mars 2001

- approbation de la position commune par la Commission 30 mars 2001

- examen en 2ème lecture par le PE le 5 juillet 2001

- publication de la directive le 27 septembre 2001 sous le numéro 2001/77/CE

· novembre 2000 : Livre Vert « Vers une stratégie européenne de sécurité d'approvisionnement énergétique » (COM/2000/769)

- examiné par le Conseil énergie du 14 mai 2001

- conclusions plus complètes à adopter en décembre 2001

· Communication de la Commission sur « l'achèvement du marché intérieur de l'énergie (en 2005) et deux propositions législatives » [501PC0125(01)] :

- examen par le Conseil énergie le 14 mai 2001

- reporté à une décision du Conseil européen au printemps 2002

- procédure de co-décision (majorité qualifiée au Conseil européen)

 

Il s'agit là d'un objectif général détaillé par la suite par le projet de directive dite SER sur l'électricité produite à partir de sources d'énergies renouvelables13. Ainsi la part d'électricité dite « renouvelable » consommée dans l'Union européenne devra passer de 14 % actuellement à 22 % en 2010. S'agissant de la France, la part actuelle qui est de 15 % - grâce à l'hydroélectrique essentiellement - devra passer à 21 %.

Tableau 59 : Les objectifs de l'UE dans le domaine des énergies renouvelables

(source : DGEMP)

   

1999

2010

Part des énergies renouvelables dans la consommation d'énergie

Union européenne

6 %

12 %

Part de l'électricité « renouvelable » consommée dans la consommation totale d'électricité

Union européenne

14 %

22 %

France

15 %

21 %

Si l'élément nouveau s'agissant des énergies renouvelables est l'introduction d'objectifs quantitatifs, la question est de savoir s'ils sont indicatifs ou contraignants. Cette question n'est pas totalement tranchée.

L'accord sur l'objectif quantitatif a été difficile à obtenir au Conseil européen énergie, lors de la discussion de la directive sur l'électricité « renouvelable ». Certains pays, comme le Danemark ou l'Allemagne, souhaitaient y attacher une contrainte, d'autres pays y étaient opposés. Au final, le Conseil a estimé qu'il s'agit d'un objectif indicatif, ce qui est la solution retenue dans la directive finalement adoptée.

Au demeurant, l'objectif lui-même n'est pas exempt d'imprécision : s'agit-il de consommations finales ou de productions d'énergie primaire ? En réalité, la seule façon de procéder est de mesurer les productions injectées sur le réseau. Les autoconsommations industrielles devraient être également comptées. En revanche les négawatts14 ne seraient pas comptés.

Au reste, des effets d'affichage sont recherchés par certains pays qui ne manqueraient pas d'exciper de difficultés pratiques, comme par exemple la définition d'une hydraulicité normale, si la probabilité d'une option « objectif contraignant » s'accroissait notablement. De même, certains pays voudraient retirer du décompte de l'électricité « renouvelable » les kWh produits par incinération des ordures ménagères.

En tout état de cause, la Directive prévoit un examen en 2004 des progrès réalisés et la fixation éventuelle d'objectifs contraignants si la marche en avant n'est pas suffisante.

L'autre décision importante est l'inclusion dans le champ des énergies renouvelables de la fraction fermentescible des déchets ménagers.

En tout état de cause, la position de la France est, à juste titre (voir plus loin), de s'en tenir à un objectif indicatif, y compris après le bilan de 2004.

IV.- En France, un intérêt mineur pour la production intérieure d'électricité mais majeur pour les transports, le résidentiel-tertiaire et l'exportation

1. Des besoins futurs en énergie difficilement contenus par la maîtrise de l'énergie

1.1. Les critères des choix de la politique énergétique française

La politique énergétique française a deux constantes dans le temps, qui visent à satisfaire deux critères fondamentaux : l'indépendance énergétique et le coût de l'énergie.

Ces deux critères semblent aujourd'hui tout aussi importants que par le passé, sinon plus, compte tenu des tensions internationales que nous connaissons aujourd'hui encore et de la volatilité de plus en forte des prix des matières premières énergétiques.

Mais il faut au préalable rappeler les bases de la situation énergétique, quant aux approvisionnements. C'est une question absolument fondamentale, même s'il se rajoute aujourd'hui la contrainte supplémentaire de la lutte contre l'effet de serre.

Tableau 60 : Approvisionnement total en énergie primaire de la France

(Total Primary Energy Supply)

(Source : AIE/OCDE)

France

1960

1973

1999

Approvisionnement total en énergie primaire (millions tep)

79,5 Mtep

176,5 Mtep

255 Mtep

pétrole

 

70,3 %

34,6 %

charbon

 

16,5 %

5,9 %

gaz

 

7,7 %

13,2 %

hydroélectricité

 

2,3 %

2,4 %

nucléaire

 

2,2 %

39,5 %

autres (géothermie, solaire, éolien, renouvelables combustibles et déchets)

 

1,0 %

4,4 %

Entre 1973 et 1999, la part des combustibles fossiles dans l'approvisionnement total en énergie primaire de la France est passée de 94,7 % à 53,7 % du total, alors même que le volume total de cet approvisionnement était multiplié par 1,4.

Au regard des critères d'indépendance et de coût, et en fonction de la structure de nos approvisionnements en énergie, comment assurer l'approvisionnement de la France en énergie dans les années qui viennent ?

1.2. Les scénarios d'augmentation de la consommation d'énergie primaire

Les difficultés d'un exercice de prévision sont évidemment considérables. C'est pourquoi le Commissariat général du Plan a préféré recourir à la méthode des scénarios dans son rapport Énergie 2000-2010, scénarios qui établissent une fourchette de consommations d'énergie primaire en 2010 et 202015.

Selon les politiques poursuivies, la consommation d'énergie primaire devrait varier entre 254 et 300 Mtep en 2010 (voir tableau suivant).

Tableau 61 : L'évolution de la consommation d'énergie primaire

selon les scénarios d'évolution du Plan

(source : Énergie 2010-2020, Commissariat général du Plan)

consommation d'énergie primaire (Mtep)

1997

2010

2020

Scénario : « Société de marché » (réduction de l'implication de l'État ; impact sur l'environnement jugé peu important)

240

300

318

Scénario « État Industriel » (l'État intervient pour consolider la place des industries françaises actives dans le domaine de l'énergie)

281

302

Scénario « État protecteur de l'environnement » (interventions de l'État centrées sur la maîtrise de l'énergie

254

258

Dans cette évolution, le paramètre de l'intensité énergétique16 est évidemment capital.

L'intensité énergétique a baissé de 20 % environ entre 1973 et 1997. D'où l'importance des efforts de maîtrise de l'énergie, une politique poursuivie avec volonté par le Gouvernement et qui se traduit par une diminution de l'intensité énergétique d'environ 0,5 % par an (voir graphique suivant).

Tableau 62 : Évolution de l'intensité énergétique de l'économie française

(source : Observatoire de l'énergie, DGEMP, Secrétariat d'Etat à l'industrie)

graphique

Les principales hypothèses de cette évolution de l'intensité énergétique sont les suivantes17 :

- croissance économique : + 2,3 % par an

- croissance de la consommation d'énergie : +1,4 % par an

- croissance de la consommation d'énergie du secteur des transports : +1,9 % par an

- évolution tendancielle

- évolution selon le scénario S3 du Commissariat général du Plan, correspondant au programme national de lutte contre le changement climatique

De quel scénario élaboré en 1997-1998 la situation actuelle se rapproche-t-elle le plus ?

En 1997 la consommation d'énergie primaire était de 240 Mtep. Sa croissance a été de 1,7 % en 2000 par rapport à 1999. On se trouve en 2000 à des niveaux de 250 Mtep par an, soit une augmentation de 10 Mtep en 3 ans. Au même rythme, la consommation d'énergie primaire devrait se trouver entre 280 et 300 Mtep en 2010, soit entre le scénario « État industriel » et le scénario « Société de marché ».

Une deuxième remarque doit être faite : s'agissant de l'indépendance énergétique, il faut rappeler que la facture énergétique s'est élevée en 2000 à 155 milliards de francs contre 77 milliards en 1999.

Dans ces conditions quelles peuvent être les nouvelles offres des énergies renouvelables, en fonction du critère des apports en volume et d'un autre critère fondamental, celui du prix ?

L'exemple de la Guadeloupe est éclairant à cet égard.

2. Les enseignements de l'expérience guadeloupéenne à l'usage de la métropole ou la difficulté de faire croître rapidement la part des énergies renouvelables

En tant que région française la plus avancée pour le développement des énergies renouvelables, la Guadeloupe constitue un exemple extrêmement précieux pour juger de l'intérêt et des limites des énergies renouvelables pour l'approvisionnement en énergie d'un territoire.

A bien des égards, la Guadeloupe dispose en effet de ressources optimales : une gamme complète d'énergies renouvelables, des niveaux de ressources élevés en particulier pour la géothermie, la biomasse et l'ensoleillement, voire même pour l'hydraulique. En outre, la volonté politique et les moyens requis pour faire émerger ces énergies ne manquent pas.

Dans ces conditions particulièrement favorables quel bilan peut-on dresser du développement des énergies renouvelables en Guadeloupe ?

2.1. L'efficacité de l'action de l'État, en phase avec la volonté politique de la Région

La défiscalisation des investissements productifs dans les DOM, telle qu'introduite par la loi Pons et modifiée par la loi Paul, est sans aucun doute l'un des principaux moteurs du développement des énergies renouvelables en Guadeloupe.

Le financement des opérations relatives aux énergies renouvelables est en général quadripartite. Un constructeur ou un ensemblier apporte une partie des fonds investis, qui peut être nulle ou aller jusqu'au quart du total. Des investisseurs généralement regroupés par une société d'ingénierie financière qui prend également une participation le cas échéant, font aussi un apport, généralement plus important. Des primes sur financements publics, nationaux ou européens, assurent la compétitivité et la rentabilité économiques de l'opération. Le solde, financé par emprunt, est généralement garanti par le constructeur et remboursé par les revenus tirés de l'exploitation des installations.

A titre d'exemple, la ferme éolienne de Marie Galante située à Morne Constant a nécessité un investissement de 38 millions de francs, dont 30 % ont été pris en charge par des investisseurs privés, à 25 % par le constructeur et fournisseur du site VERGNET et à 50 % par emprunt garanti par cette dernière société.

Autre atout pour le développement des énergies renouvelables, l'action de l'État dans le domaine des énergies renouvelables est, en Guadeloupe, efficace et coordonnée. La Direction départementale de l'équipement (DDE), la Direction de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement (DRIRE), l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie (ADEME) et les autres services concernés, travaillent de concert sous l'autorité du Préfet de la Guadeloupe.

Enfin, le Programme Régional de Maîtrise de l'Énergie (PRME) assure la coordination des efforts de la Région, de l'État et d'EDF depuis 1994, dans deux directions, d'une part le développement des énergies renouvelables, et, d'autre part, la réduction des consommations d'énergie. Les vecteurs du PRME sont la promotion de l'offre de produits, l'aide à la décision, la formation, l'information et l'évaluation.

Le premier programme, qui a porté sur la période 1994-1999, a enregistré les résultats significatifs décrits plus haut. Le deuxième programme, qui porte sur la période 2000-2006, affiche l'objectif ambitieux de produire 400 GWh d'électricité à partir de sources d'énergies renouvelables.

Dans le cadre du PRME, les financements privés sont complétés par les fonds structurels européens ainsi que par les fonds nationaux, ainsi qu'indiqué sur le graphique suivant.

Tableau 63 : Répartition des financements prévus au DOCUP Guadeloupe 2000-2006
pour les énergies renouvelables

(total : 335 millions francs)

graphique

S'il existe en Guadeloupe des obstacles au développement des énergies renouvelables, ceux-ci résultent essentiellement de structures juridiques particulières, quant à la propriété foncière ou à la multiplicité des intervenants dans les montages financiers.

Mais, en définitive, la Région Guadeloupe bénéficie d'une remarquable et exemplaire conjonction des efforts de l'État, de la Région, de l'ADEME et des investisseurs privés pour développer ces nouvelles techniques.

Quelle conclusion peut-on tirer de cette conjonction remarquable d'éléments favorables ?

2.2. L'apport quantitatif majeur de la biomasse et très faible du photovoltaïque

L'analyse de la contribution en Guadeloupe des différentes filières d'énergie renouvelables conduit à des conclusions de portée, semble-t-il, générale.

Le graphique suivant indique quels ont été en 1999 les apports d'électricité des différentes filières en pourcentage du total de l'électricité verte. On trouve au premier rang la biomasse avec 52 % du total, ensuite le solaire thermique avec 15 %, puis la géothermie avec 12 %, l'hydraulique avec 11 %, l'éolien avec 7 % et enfin le solaire photovoltaïque avec 2,5 %.

Même si ces chiffres correspondent à une situation en évolution rapide, les ordres de grandeur délivrent des enseignements d'une grande portée.

Tableau 64 : Part des différentes filières dans le total de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables

(source : ADEME)

graphique

S'agissant de la biomasse, la situation de la Guadeloupe est évidemment particulière avec l'existence de forts tonnages de bagasse issue de la canne à sucre. L'importance de la contribution de la biomasse à la production d'électricité provient d'une part des tonnages en jeu (430 000 tonnes de canne broyée en 2000) et d'autre part de la mise en _uvre d'une centrale thermique de forte capacité (deux groupes de 32 MW).

Toute la question est de savoir dans quelle mesure la bagasse pourrait être remplacée en métropole par d'autres cultures énergétiques. Dans l'affirmative, il y aurait plus à attendre de la biomasse que de toute autre filière renouvelable.

Une autre remarque fondamentale doit être faite quant au rôle du solaire photovoltaïque. Malgré l'excellent ensoleillement de la Guadeloupe et malgré la défiscalisation utilisée par des sociétés d'investissement dans le domaine de l'énergie et en particulier dans le domaine du photovoltaïque, la production d'électricité par cette filière est marginale, voire négligeable, en 1999. Sans doute, la diffusion de cette technique s'est elle accélérée depuis lors.

Mais en tout état de cause, il semble bien que le photovoltaïque constitue une technique d'appoint dans les pays développés, comme le montrent également les exemples d'autres pays, comme l'Allemagne ou les États-Unis.

Dès qu'un pays dispose de moyens de production de masse d'électricité, l'apport direct en électricité du photovoltaïque devient quasiment négligeable.

Dans ces conditions, le développement d'une filière photovoltaïque répond essentiellement à des objectifs d'aide au développement ou à l'exportation.

Au contraire, l'apport du solaire thermique peut être important, d'autant que son coût est proche de la compétitivité et que les besoins en eau chaude sont croissants, non seulement en Guadeloupe mais aussi dans les pays développés.

2.3. La difficulté d'accélérer le développement des énergies renouvelables

La situation des énergies renouvelables en Guadeloupe évolue très rapidement. Mais il est possible, à partir des derniers chiffres disponibles, datant de 1999, de tirer quelques conclusions de portée générale.

En 1999, l'électricité produite à partir de sources d'énergies renouvelables a représenté 193 GWh, soit 17 % de l'électricité consommée.

Tableau 65 : Origine de l'électricité consommée en Guadeloupe en 1999

graphique

En 2000, c'est près de 20 % du total consommé qui a été fourni par ces mêmes sources.

Mais, on l'a vu, compte tenu de la croissance rapide - entre 5 et 8 % par an - de la consommation d'électricité, les énergies renouvelables ne pourront pas couvrir à elles seules l'augmentation des besoins.

On peut même se demander si l'objectif de 25 % de l'électricité verte en 2006, propre à la Guadeloupe, pourra être atteint.

En effet, les délais de lancement et de réalisation des projets semblent s'opposer à une montée rapide de la production. Dans le cas de l'éolien, il s'écoule en effet, à l'heure actuelle, de 3 à 4 ans entre le lancement d'un projet et la production du premier kWh18. Pour autant la Guadeloupe bénéficie de conditions naturelles et institutionnelles particulièrement favorables pour atteindre des objectifs ambitieux.

On peut dès lors se demander dans quelle mesure il sera possible de satisfaire, au plan national, aux objectifs de la directive SER qui assigne un objectif de 21 % d'électricité verte pour la France en 2010.

3. Une contribution probablement insuffisante de l'électricité verte

Les énergies renouvelables sont au centre de l'attention. C'est une bonne chose car elles devraient permettre de diversifier l'approvisionnement énergétique en respectant la contrainte d'indépendance énergétique.

Mais dans la pratique quel sera leur apport réel ?

3.1. Une capacité de production d'électricité suffisante pour le moment en France

La production d'électricité primaire brute, soit 488 TWh, a maintenu en 2000 sa bonne progression, avec une augmentation de 3,4% après la forte croissance de 3,9% en 1999, qui a fait suite à la baisse considérée comme exceptionnelle des années 1997 et 1998.

La production de l'année 2000 a été assurée à 85% par le nucléaire et à 15% par l'hydraulique, avec un record absolu de production nucléaire à 415 TWh.

La production hydraulique, soit 72,8 TWh, a baissé en 2000 de 6,2% par rapport au niveau très élevé de 77,5 TWh atteint en 1999.

La production thermique classique (brute), en dépit de l'abondance relative d'énergie primaire, est restée au niveau élevé de 52,2 TWh.

Avec 69,4 TWh, le solde des échanges extérieurs a achevé son rétablissement (voir graphique suivant).

Tableau 66 : Évolution du solde net des ventes d'électricité d'EDF en Europe

(source : EDF et DGEMP)

graphique

3.2. L'impossibilité probable de couvrir l'augmentation de la consommation d'électricité avec les seules énergies renouvelables

La consommation intérieure d'électricité, soit 450 TWh en 2000, devrait atteindre 550 TWh en 2010, si l'on prend comme hypothèse qu'elle devrait croître de 1 à 2 % par an sur la période.

En conséquence, sur la base de l'objectif de 21 %, l'électricité provenant de sources d'énergies renouvelables devrait atteindre environ 115 TWh.

La contribution du grand hydraulique ne devrait pas changer, compte tenu de l'impossibilité de construire de nouveaux barrages de grande ampleur.

L'objectif pour les énergies renouvelables dites « nouvelles » devrait se situer aux environs de 45 TWh en 2010.

Tableau 67 : Les objectifs de la France pour l'électricité « renouvelable »

(source : DGEMP)

 

2000

2010

Consommation intérieure d'électricité

450 TWh

550 TWh

(hypothèse : croissance de la consommation d'électricité : 1-2 % par an)

Part de l'électricité « renouvelable » (21 %)

77,4 TWh

115 TWh

dont hydraulique (grande, petite et pompage)

73,6 TWh19,20

70 TWh

dont énergies nouvelles renouvelables

3,8 TWh

[déchets urbains, déchets bois, éolien (0,1 TWh), géothermie (0,021 TWh)]

45 TWh

soit 36 TWh supplémentaires

Comment l'objectif de 45 TWh d'énergies renouvelables pourrait-il être atteint en 2010 ?

L'apport du photovoltaïque devrait continuer d'être marginal en 2010. L'éolien, même avec les hypothèses les plus ambitieuses, n'y suffira pas. L'objectif de 10 000 MW en 2010 semble irréaliste. Le chiffre de 5 000 MW en 2010 paraît plus vraisemblable dans la mesure où il suppose une progression de 500 MW par an déjà très ambitieuse, alors que la puissance éolienne installée en France au 31 décembre 2000 était de 76 MW.

Tableau 68 : Objectifs de la France en matière d'électricité « renouvelable » en 2010

(source : DGEMP)

énergies « nouvelles » renouvelables

objectif

contribution

remarque

objectif global

45 TWh

   

éolien

 

_ 20-30 TWh

[hypothèse : 10 000 MW installés]

_ 10-15 TWh

[hypothèse : 5 000 MW installés]

· puissance éolienne installée en France au 31/12/2000 : 76 MW

· objectif du rapport de M. Yves Cochet : 10 000 MW 

· durée de fonctionnement : 2000 h / an pour la plupart des installations, 3000 h / an dans certains cas peu nombreux

petite hydraulique

 

_ 5 TWh

[1000 MW installés]

· durée de fonctionnement : 5000 h /an

biomasse

 

_ 10-20 TWh

· production d'électricité avec biomasse (bois essentiellement, déchets ménagers)

Géothermie et autres

 

1 TWh

 

total

 

25-40 TWh

 

La microhydraulique pourrait fournir 5 TWh, à condition qu'une capacité supplémentaire de 1000 MW de microcentrales soit atteinte, ce qui est un objectif très ambitieux compte tenu des difficultés d'installation de ce type d'équipements.

La biomasse, soit le bois-énergie, les usines d'incinération d'ordures ménagères et le biogaz représentent potentiellement une contribution importante.

Mais l'objectif des 45 TWh, qui représente 10% de la production actuelle, risque donc d'être très difficile à atteindre.

3.3. La contrainte de coût

La facture pétrolière a doublé de 1999 à 2000, passant de 77 à 155 milliards F.

On ne peut considérer en tout état de cause le sujet du coût de l'énergie comme accessoire pour le consommateur. A cet égard le Gouvernement a été contraint de mettre en place un mécanisme d'amortissement des variations des coûts de carburants.

Or le surcoût total de mise en place des moyens de production d'électricité utilisant des sources d'énergie renouvelables pour le seul coût de rachat du kWh éolien devrait se situer, selon diverses estimations (voir le 3ème chapitre du rapport), entre 4,5 milliards et 11 milliards F.

En conséquence, le surcoût entraîné par le développement des énergies renouvelables est estimé au minimum à 2 cF / kWh voire à 4 cF / kWh pour le consommateur. Mais il faut ajouter les coûts de réseau et les coûts des moyens de production complémentaires indispensables (voir plus loin).

Quelles seront les réactions du consommateur à cette augmentation de sa facture d'électricité, alors que les besoins de transports augmentent, ainsi que ceux du résidentiel-tertiaire, à des rythmes importants, ce qui obère le budget des ménages ?

En conséquence, on peut se demander si la production d'électricité constitue bien en France le meilleur point d'application d'une politique de développement des énergies renouvelables.

On verra plus loin que des bénéfices d'une telle politique sont à attendre en terme d'emplois créés et de capacités d'exportation.

Mais, en tout état de cause, la production d'électricité est loin de représenter la seule utilisation des énergies renouvelables, bien au contraire.

4. Un apport potentiel majeur des énergies renouvelables à la problématique des transports et du résidentiel-tertiaire

Un constat fondamental doit être fait sur la structure de la consommation finale française d'énergie par secteur.

La consommation finale énergétique du résidentiel-tertiaire et des transports a représenté 71,6 % de la consommation finale énergétique totale en 2000 (voir tableau et graphique ci-après).

Il s'agit donc d'un point essentiel de la politique énergétique qui doit aussi éclairer les choix à faire en termes d'énergies renouvelables à développer en priorité.

Tableau 69 : Consommation d'énergie finale21 par secteur (corrigée du climat)

(source : DGEMP)

consommation d'énergie finale par secteur (Mtep)

1973

1980

1990

1997

1998

1999

2000

industrie

59,4

57,8

54,2

57,1

57,8

57,6

57,9

résidentiel-tertiaire

64,3

68,5

84,1

94,2

95,5

97,3

100,7

agriculture

3,2

3,4

3,4

3,5

3,5

3,4

3,4

transports

32,4

36,9

45,3

50,3

52,2

53,6

53,8

total énergétique

159.3

166,5

187

295

209

212

215,7

non énergétique

10,9

11,8

12,4

17,1

17,0

16,8

17,2

total

170,3

178,3

199,4

222,1

226,0

228,8

232,9

4.1. Les transports, point d'application prioritaire des énergies renouvelables

Le développement des transports entraîne une augmentation de la consommation en valeur absolue, puisque celle-ci était de 32,4 Mtep en 1973 et qu'elle représente 53,8 Mtep en 2000, soit une augmentation de 66 % en 27 ans. La part des transports dans la consommation d'énergie augmente également en valeur relative. Ainsi, la consommation correspondant aux transports a représenté 24,4 % du total de la consommation énergétique française en 2000, contre 20 % en 1973.

Il y a donc lieu de placer la question de la consommation d'énergie dans les transports aux premiers rangs des priorités de la politique énergétique.

Tableau 70 : Évolution de la consommation énergétique française par secteur

(source : DGEMP)

graphique

A ce titre, il peut sembler nécessaire à juste titre de revoir la politique des biocarburants, afin de limiter l'impact de l'augmentation de la consommation sur la facture énergétique.

Il y a également lieu d'encourager la mise au point et la diffusion de véhicules hybrides ou électriques utilisant des batteries ou des piles à combustible.

4.2. Le résidentiel-tertiaire, un objectif capital du développement des énergies renouvelables

Mais il faut également prendre en compte les évolutions de la consommation d'énergie dans le résidentiel-tertiaire. En effet, cette consommation représente une part prépondérante de la consommation totale. De surcroît elle est en forte augmentation (voir graphique ci-après).

La consommation d'énergie dans le résidentiel-tertiaire est passée de 64,3 Mtep en 1973 à 100,7 Mtep en 2000, soit une augmentation de 56,6 %. A cet égard, il est indéniable que la croissance de la consommation des transports a été supérieure.

Mais la part du résidentiel-tertiaire dans la consommation totale, qui était de 40 % en 1973, est désormais de 46,7 %, soit près de la moitié du total de la consommation totale énergétique.

Autre facteur aggravant, la croissance de la consommation du résidentiel-tertiaire est plus rapide que celle de tout autre secteur. De plus, la généralisation d'équipements de loisirs comme l'informatique et l'audiovisuel, ainsi que celle d'équipements de confort comme la climatisation est très probable à l'avenir, ce qui devrait pousser encore plus loin la consommation des ménages et des immeubles à usage professionnel.

Tout indique donc qu'un point d'application prioritaire des énergies renouvelables devrait être le résidentiel tertiaire. Mais l'analyse doit être poussée plus loin.

Quelles sont les causes essentielles de consommation d'énergie dans le résidentiel-tertiaire ?

La production de chaleur représente une part prédominante de la consommation d'énergie, à la fois dans le secteur résidentiel et dans le secteur tertiaire.

80 % de la consommation d'énergie dans le secteur résidentiel correspond au chauffage et à l'eau chaude sanitaire.

Tableau 71 : Part du chauffage et de l'eau chaude dans la consommation d'énergie
du secteur résidentiel

(Source : Bernard SPINNER, CRNS)

graphique

Dans le secteur tertiaire, le chauffage et l'eau chaude sanitaire représentent 60 % de la consommation d'énergie.

Tableau 72 : Part du chauffage et de l'eau chaude dans la consommation d'énergie du secteur tertiaire

(Source : Bernard SPINNER, CNRS)

graphique

Voilà pourquoi les questions liées à l'utilisation de la chaleur revêtent une importance critique dans toute politique de maîtrise de l'énergie et de promotion des énergies renouvelables.

Une question fondamentale est dès lors la suivante : quelles énergies renouvelables faut-il développer spécifiquement pour le résidentiel, le tertiaire et pour les transports ?

_______________

N° 3415.- Rapport de MM. Claude Birraux et Jean-Yves Le Déaut, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur l'état actuel et les perspectives techniques des énergies renouvelables.

1 Entrevue du 9 juillet 2001, à Bonn.

2 Visite du 10 juillet 2001.

3 A titre de comparaison, la France a importé en 2000 40,7 milliards de m3 de gaz naturel.

4 L'électricité consommée au Danemark a représenté 34,4 TWh en 1998 (source : OCDE).

5 L'hydroélectricité a représenté 39,5 % de la consommation d'énergie primaire en 1998 en Norvège (source : OCDE).

6 Par référendum, le Danemark a repoussé en septembre 2000 l'adhésion à l'euro.

7 Les 8 éoliennes implantées au large de la côte de Copenhague ont une puissance unitaire de 2 MW et un rotor de 76 m de diamètre.

8 1 couronne danoise = 0,89 FF.

9 « Engineering & Physical Science Research Council ».

10 environ 5 cF / kWh.

11 environ 35 cF / kWh.

12 Au Royaume Uni, le prix de gros de l'électricité pour l'industrie est de 2 pence / kWh. Le prix de détail pour les particuliers est de 7-9 pence / kWh.

13 Cette directive a fait l'objet d'un accord politique obtenu lors de la récente présidence française de l'Union européenne.

14 Négawatt.h : énergie dont la production est évitée.

15 Énergie 2010-2020, Les chemins d'une croissance sobre, Commissariat général du Plan, septembre 1998.

16 Intensité énergétique : rapport de la consommation d'énergie primaire corrigée du climat sur la PIB marchand en volume.

17 Énergie 2010-2020, Commissariat général du Plan.

18 La question du foncier, c'est-à-dire la location des terrains, est particulièrement difficile à résoudre en Guadeloupe, en raison du régime d'indivision de nombreuses propriétés.

19 Une distinction est faite entre la grande hydraulique et la petite hydraulique, la limite entre les deux étant de 10 MW. Toutefois, pour le moment, les statistiques de production agrègent les deux.

20 L'année 2000 a été exceptionnelle en termes d'hydraulicité.

21 Consommation finale énergétique et non énergétique = consommation totale d'énergie primaire - consommation de la branche énergie (centrales électriques, raffineries)


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