N° 2331
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N° 316
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ASSEMBLÉE NATIONALE

SÉNAT

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

 

ONZIÈME LÉGISLATURE

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

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Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale
le 2 avril 2000.

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance
du 6 avril 2000.
Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 avril 2000

 

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OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION
DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

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RAPPORT

SUR

sur le contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires,

Première partie :
Analyse des incidents survenus a la centrale nucléaire du Blayais
lors de la tempete du 27 decembre 1999 : enseignements sur
le risque d’inondation des installations nucleaires

 

par M. Claude BIRRAUX
Député

 

__________________

Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale
par M. Jean-Yves LE DÉAUT,
Premier Vice-Président de l'Office

__________________

Déposé sur le Bureau du Sénat
par M. Henri REVOL,
Président de l'Office.

 

Energie-carburants

 

SOMMAIRE

SAISINE

INTRODUCTION

CHAPITRE I-LES FAITS

I La chronologie des faits

II La chronologie de L’information

A)L’information des autorités

B)La communication

1-La communication vers le public

2-La communication entre pouvoirs publics

a)Les défaillances techniques

b)Les " difficultés " de communication soulignées par le Ministre de l’environnement

CHAPITRE II-PREMIÈRE ESQUISSE D’UNE EXPLICATION

I Pourquoi l’eau a-t-elle pu atteindre la plate forme d’une centrale nucléaire ?

1) Les erreurs constatées

2) La réalisation en 1984 d’une digue n’a pas suffit à compenser l’insuffisante hauteur de la plate-forme

3) Pourquoi EDF a-t-elle reporté la date du rehaussement de la digue demandée par la Drire de Gironde

4) Chronologie des travaux concernant les digues du Blayais

5) La question de la hauteur de la digue ne doit pas occulter les autres erreurs de conception

II Les autres erreurs de conception

a)L’insuffisante prise en compte des éléments extérieurs

b)L’inondation a eu des conséquences qu’elle n’aurait pas dû avoir

c)Les autres dysfonctionnements relevés au Blayais

CHAPITRE III-LES REACTIONS DES RESPONSABLES

I La réaction de l’exploitant

A)Le point de vue d’EDF

B)L’analyse du Rapporteur

II La réaction de l’autorité de sûreté

A)L’attitude de la DSIN

B)L’analyse du Rapporteur

III La réaction de l’autorité préfectorale

A) La chronologie

B) Les difficultés d’intervention

IV La mise en œuvre des procédures d’urgence

a) La difficulté d’apprécier l’urgence dans un environnement en crise

b) La réglementation propre aux centrales nucléaires

1) Les trois niveaux de plan d’urgence interne

2) Faut-il revoir la notion de PUI ?

CHAPITRE IV-LES PREMIERS ENSEIGNEMENTS

I Les hommes

II La radioprotection

III Le voisinage des installations nucléaires

IV Mieux évaluer les risques liés à l’environnement

a)L’exemple d’une réflexion actualisée sur le risque d’inondation de la centrale de Fessenheim

b) Les problèmes techniques

V La communication

a)La complexité de la communication externe et la validation des communiqués par Paris

b)La communication interne

CHAPITRE V-LES RECOMMANDATIONS

Conclusion : Incident ou accident ?

Tableau synoptique

Adoption par l’Office

Annexes

 

 

 

 

 

 

Introduction

 

 

Depuis le 2 mai 1990, je suis en charge par le biais d’une saisine de l’OPECST, renouvelée tous les ans, d’analyser, entre autres, " la fiabilité des dispositifs prévus à l’intérieur et à l’extérieur des installations nucléaires pour les périodes de crise.

Dans la nuit du 27 au 28 décembre 1999, des vagues, provenant de l’estuaire de la Gironde, ont franchi les digues de protection de la centrale nucléaire du Blayais pour inonder les sous-sols de deux des bâtiments combustibles de cette dernière.

Cet incident, classé au niveau 2 sur l’échelle INES, a conduit à l’arrêt de deux des quatre tranches de la centrale nucléaire du Blayais.

Au-delà des polémiques et des controverses initiées à cette occasion, il m’est apparu, en analysant cette " crise ", que les enseignements que nous pouvions en tirer sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires civiles allaient bien au-delà des problèmes rencontrés à l’occasion de la tempête. Des " défaillances " dans la protection des installations nucléaires civiles contre le risque d’inondation ont été mises en évidence. Aussi, m’est il apparu important de vous livrer rapidement une première analyse, sans attendre les conclusions définitives des experts, car un certain nombre de recommandations doivent d’ores et déjà être mises en œuvre, afin de réévaluer le risque d’inondation des centrales nucléaires.

La démarche de l’Office Parlementaire se situe dans cette perspective. Il ne s’agit pas pour votre Rapporteur de participer à une polémique mais d’essayer d’analyser sereinement cet incident, de le qualifier et d’en tirer les leçons. Toutefois, la démarche retenue par l’Office Parlementaire, dont les Président et Premier Vice-Président ont souhaité que ce rapport puisse être élaboré dans un délai rapide, est inhabituelle à plus d’un titre :

▪ Le premier est la rapidité : votre Rapporteur s’est demandé s’il devait attendre l’achèvement de l’ensemble des travaux analysant cet incident avant de vous proposer des conclusions complètes et exhaustives sur ces événements. Devant l’émotion suscitée localement et, parce qu’un certain nombre d’enseignements peuvent d’ores et déjà, être tirés, il est apparu préférable d’élaborer ce bref document dans un délai rapide, quitte à le compléter ultérieurement.

En optant pour cette attitude j’ai le sentiment d’agir en conformité avec la vocation de l’Office Parlementaire car il me semble que les pouvoirs publiques doivent tirer les leçons de la tempête du 27 décembre au Blayais.

▪ Elle s’explique, en second lieu, par le fait que cet incident a ébranlé quelque " certitudes ", l’organisation et la conception de la sécurité des centrales sont pensées dans un environnement calme et serein or, il est apparu que des procédures pouvaient être inutilisables dans un environnement contrarié.

▪ D’autre part, il est clair que l’intensité de certains risques externes a été sous-évaluée, en particulier celui des inondations, et qu’un réexamen général est nécessaire.

Le but de ce document est donc d’apporter des réponses aux questions soulevées par cet incident qui peuvent s’articuler autour des quatre points suivants :

 

I La chronologie de l’alerte

Question n°1 :

Pourquoi l’exploitant a-t-il déclenché le plan d’urgence interne à 9 h 00 le 28 décembre 1999 ?

Question n°2 :

Pourquoi ce délai de 12 heures entre le début de l’incident et l’alerte ?

 

II Le traitement de l’incident

 

ì a) Sur le terrain

Question n°3 :

En cas d’aggravation de la situation, s’il avait fallu prendre des mesures d’évacuation de la population, cela aurait-il été possible dans le contexte de la tempête (route coupée, absence de courants…) ?

Questionn°4 :

L’organisation de crise a-t-elle envisagé la mise en place de dispositifs d’évacuation le cas échéant ?

Question n°5 :

La route d’accès à la centrale a-t-elle été coupée ? Combien de temps ? Le dégagement permanent d’une voie d’accès ne fait–il pas partie intégrante de la sûreté de l’installation ?

Question n°6 :

Est-on certain que l’eau pompée lors de l’inondation et rejetée dans la Gironde a été correctement analysée, en situation d’urgence?

 

ì b) A Paris

Question n°7 :

Est-il exact que certains moyens de communication avec la centrale ont pu être interrompu ?

 

 

 

 

 

III Un défaut de conception ?

 

Question n°8 :

Comment se fait-il que les galeries souterraines n’aient pas été conçues pour interdire le passage de l’eau ? Pourquoi les portes coupe-feu ont-elles cédé ?

Question n°9 :

Plus généralement comment se fait-il qu’à trois reprises le risque d’inondation ait dû être réévalué ? Les derniers événements montrant que cette réévaluation n’étaient pas suffisante, ne faut-il pas se pencher sur les bases de calcul ?

Question n°10 :

Pourquoi les travaux de surélévation de la digue ont-ils tardé ? Pourquoi, pour des travaux de ce type, attendre la révision décennale du réacteur n°1 en 2002 ?

Question n°11 :

La DSIN a subordonné le redémarrage de la centrale à des garanties suffisantes contre les inondations. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Question n°12 :

D’autres centrales sont-elles susceptibles de rencontrer cet incident ?

 

IV La communication

 

Question n°13 :

Pourquoi le Ministre de l’environnement s’est-elle estimée mal informée ?

 

 

Le présent travail va essayer d’apporter une réponse à ces quelques questions, d’en tirer quelques enseignements pour le fonctionnement de l’ensemble du parc, tout en précisant le degré exact de gravité des incidents de la nuit du 27 au 28 décembre 1999 à la centrale nucléaire du Blayais.

 

 

CHAPITRE I

LES FAITS

 

 

Votre Rapporteur s’excuse pour le caractère très descriptif de ce chapitre mais il lui est apparu préférable de s’appuyer sur une sélection des principaux faits constatés, pour bien comprendre les problèmes posés. La description exhaustive de ces derniers se trouve dans le rapport de l’IPSN (Institut de protection et de sûreté nucléaire), qui figure à la page 105 du présent rapport. Il m’est en effet paru préférable de mettre l’accent sur les faits les plus préoccupants.

En effet, un constat s’impose : l’eau de la Gironde a pénétré sur la plate-forme d’une centrale nucléaire et cela n’aurait pas dû pouvoir se produire.

Pour la clarté du propos il m’est toutefois apparu opportun de distinguer les faits bruts de la communication car les grilles d’analyse ne sont pas les mêmes.

 

I La chronologie des faits

Le 27 décembre 1999 :

La perte de l’alimentation auxiliaire en 225 000 volts s’est produite vers 18h00, sous l’impact de la tempête (chute d’un arbre). Ce premier problème est sans conséquence sur le fonctionnement des réacteurs.

Puis vers 19h30 une première inondation est constatée : l’eau de la Gironde franchit par vagues successives la digue ouest de la centrale et se répand lentement sur le site. Parallèlement l’accès au site devient dangereux et de ce fait, les relèves sont retardées. Une femme de ménage s’est fracturée la jambe.

A partir de 19h40, les équipes sont principalement préoccupées par l’équilibre du réseau et les problèmes électriques qui en résultent.

A 20h50, les réacteurs 2 et 4 s’arrêtent automatiquement pour se protéger d’une surtension sur le réseau qu’ils alimentent. Du fait de l’indisponibilité de la ligne de 225 000 volts, les réacteurs sont alimentés à partir des générateurs diesels qui ont parfaitement fonctionné.

Mais dès ce moment des voyants lumineux indiquant des anomalies commencent à apparaître du fait de la tempête et de l’inondation de certains locaux. Les équipes de conduite identifient les appareils en défaut et les déconnectent.

Vers 22h00, de l’eau commence à parvenir au sous-sol des bâtiments combustibles des tranches 1 et 2.

Vers 23h00, le franchissement de la digue par l’eau de la Gironde est achevé.

A 23h54, appel de l’ingénieur d’astreinte IPSN par un inspecteur de la Drire Bordeaux.

Entre 00h00 et 00h30, constat de l’inondation des pompes d’injection de sécurité et d’aspersion de l’enceinte de confinement de la tranche 2 et de l’indisponibilité de certaines vannes associées.

Le 28 décembre 1999 :

00h30 : Arrêt automatique de la dernière tranche en service : les débris charriés par l’eau ont provoqué l’engorgement des pompes de réfrigération du groupe turbo-alternateur.

Les responsables présents détectent la présence d’eau sur le site et commencent à préparer la mise en place des moyens de pompage.

.

00h30 : La route d’accès au site commence à se dégager et la décision est prise de faire appel aux renforts d’astreinte par appel individuel.

01h30 : Les premiers moyens de pompage sont mis en place par des techniciens bloqués sur le site, aidés des premiers renforts.

02h00 : Constat de l’inondation des pompes d’injection de sécurité (ris) et d’aspersion de l’enceinte de confinement (EAS) de la tranche 1.

02h50 : la route d’accès est insuffisamment dégagée ; le Plan d’urgence interne (PUI) de niveau 1 (local ) est déclenché.

06h50 : Demande d’ouverture du centre technique de crise (CTC) de l’IPSN (sans déclenchement du plan d’urgence interne).

07h00 : Constat de l’inondation de deux des quatre pompes SEC de réfrigération des auxiliaires du réacteur 1.

09h00 : Déclenchement du PUI de niveau 2 ( à la demande de la Direction de la sûreté des installations nucléaires (DSIN).

09h05 : Activation du CTC.

10h15 : Problème de communication avec la centrale du Blayais : l’audio-conférence avec le site ne fonctionne pas.

10h45 : Baisse des niveaux d’eau dans les tranches 1 et 2 , activité tritium maximum 80 bq/l. L’alimentation en 225 kv est toujours hors d’usage.

 

 

 

 

12h00 : L’incident est classé au niveau 1 de l’échelle INES.

14h20 : Constat de la non diminution du niveau d’eau, interrogation sur un éventuel problème de pompage.

16h10 : Constat que la concentration de tritium est inférieure au seuil de détection.

21h15 : La tranche 1 est vidée. Mais il reste encore deux mètres d’eau dans la

tranche 2.

Le 29 décembre 1999 :

A 06h05, il y a encore 1,5 mètres d’eau dans les sous sols de la tranche 2.

07h20 : Incident classé au niveau 2 de l’échelle INES.

12h00 : Il reste encore 1.200m3 d’eau à pomper.

20h20 : Désactivation du centre de crise de la DSIN.

Le 30 décembre 1999 :

08h33 : Les galeries de la tranche 2 sont vides.

 

La chronologie exhaustive des événements se trouvant dans l’annexe 1, j’ai préféré m’en tenir aux faits les plus importants. Mais ce qui m’a le plus frappé, à ce niveau de l’analyse, c’est la difficulté rencontrée par les équipes d’EDF pour établir un diagnostic précis de la situation.

 

 

 

II La chronologie de L’information

 

A) L’information des autorités :

 

Votre Rapporteur a demandé et obtenu, sans aucune difficulté, il faut le souligner, communication des mains courantes de la direction de la sûreté des installations nucléaires, de l’IPSN et de la DRIRE.

L’analyse de ces divers documents montre que, vu de la DSIN, la chronologie des faits a été la suivante :

A 22h40, la direction de la centrale a appelé à son domicile l’inspecteur de la Direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement (DRIRE), pour lui faire part de la situation.

A 02h50 lors de la mise en place du PUI de niveau 1, la DRIRE est informée de son déclenchement ainsi que les services nationaux d’EDF.

A 03h15, les équipes nationales de crise d’EDF sont mobilisées préventivement.

Vers 05h45 l’exploitant a, au niveau central, souhaité faire appel à la cellule de crise et a demandé l’alerte nationale.

A 8h50, premier contact entre la DSIN et la centrale du Blayais (il s’agit de contacts officiels, le Directeur de la sûreté des installations nucléaires ayant reçu plusieurs coups de téléphone durant la nuit).

9h20 : Alerte BIPlus.

9h30 : .Déclaration de crise auprès du cabinet du Ministre de l’Environnement.

. Mise en place de l’organisation de crise.

10h10 : Le Cabinet du Ministre de l’Intérieur est prévenu.

11h34 : Point avec le Préfet de police et le Préfet de Région.

12h25 : L’incident est classé par la DSIN au niveau 1 de l’échelle INES.

Le 29 décembre à 09h16, le cabinet de M.Pierret demande que l’on lui fasse le point sur la situation.

La configuration de crise a durée 36 heures.

 

 

 

 

B) La communication :

 

1-La communication vers le public :

9 communiqués (annexés au présent rapport) ont été diffusés et 3 conférences de presse du Préfet délégué à la sécurité ont eu lieu. Mais les difficultés et les dégâts liés à la tempête ont saturé l’information.. L’incident n’a pas été relayé comme il aurait dû l’être par la presse qui n’en a parlé que plusieurs jours plus tard. Lors de l’audition réalisée par l’Office Parlementaire, j’ai senti les responsables français décontenancés par cette difficulté à communiquer dans une période où les difficultés extérieures font que seules quelques lignes peuvent être consacrées à un incident sérieux survenant dans une centrale.

J’ai choisi de publier, en annexe au présent rapport les communiqués d’EDF et de la DSIN.

Vers 8h00, le premier communiqué de presse est parti du site après avoir reçu l’accord du siège mais il avait été précédé d’un point presse vers 6h00. Les incidents étant survenus dans la nuit, ce délai apparaît tout à fait raisonnable mais le problème le plus fondamental tient à la dichotomie entre la communication de la DSIN soulignant l’existence d’un problème, et EDF tenant un discours optimiste.

Il est certain que les communiqués d’EDF cherchaient à rassurer et il n’est pas normal que les communiqués de la DSIN aient étés publiés avant ceux de l’exploitant.

 

Votre Rapporteur a participé à la mission conduite par M.Hubert CURIEN pour le compte d’EDF, et déjà il était apparu que l’information était trop centralisée et que les sites, afin d’éviter des retards, devraient pouvoir communiquer à leur initiative sur les faits.

J’ai interrogé sur ce point le Président d’EDF lors de l’audition publique mais il ne partage pas mon avis : "  Je n’ai rien à ajouter sur l’aspect scientifique de l’empilement des indices probabilistes. Nous pourrions faire un colloque sur le sujet de l’addition ou de la multiplication des indicateurs de probabilité mais, encore une fois, est-ce que l’information que l’on doit est destinée à inquiéter ou informer. Celle que nous cherchons à donner est destinée à informer. Quand il y a de l’eau dans un bâtiment réacteur ou dans un bâtiment combustible, nous disons qu’il y a de l’eau à tel niveau, à tel endroit. Nous ne cherchons pas à inquiéter ".

" Ce problème de la communication est central parce que, malgré ces difficultés, à aucun moment nous n’avons eu de problème de sûreté et l’équipe qui a conduit la coordination entre nous et le pilotage de la centrale, dans des conditions très difficiles (la relève des équipes n’a pas été assurée parce que le niveau d’eau ne permettait pas à des personnes de venir de l’extérieur), s’est acquittée remarquablement d’une situation extrêmement difficile ".

" C’est l’élément le plus stabilisant et le plus rassurant parce que les hommes qui ont piloté cela, dans les conditions les plus difficiles, ont fait ce qu’il fallait ".

" Si l’on veut simplement démontrer qu’à tout moment un Boeing 747 peut tomber sur le Sénat et la salle Médicis, on peut décider de supprimer soit le Sénat soit les 747. Dans un cas comme dans l’autre, personne n’y songe ".

" Nous pouvons tous décrire à tout moment le fait qu’un incident nucléaire peut devenir un accident. Si nous voulons parler sérieusement de la façon dont un incident a été conduit et dont nous pouvons en tirer des enseignements positifs et complexes dans l’organisation, dans la gestion de la crise, à ce moment, regardons les choses sérieusement et n’essayons pas d’inquiéter. Le nucléaire est assez pathogène à cet égard pour que l’on cherche plutôt à informer qu’à inquiéter ".

 

2-La communication entre pouvoirs publics :

a)Les défaillances techniques :

Le système d’audioconférence à trois n’a pas fonctionné avec le site. Cette défaillance surprenante n’a pas eu de conséquences sur la sécurité car les autres systèmes de communication ont fonctionné et que le système en cause ne concernait pas les données auxquelles les services centraux ont toujours pu accéder.

Paradoxalement le réseau " rimbo " a fonctionné et il n’y a pas eu de problème sur le réseau normal mais sur les liaisons sécurisées.

Mais un autre problème plus surprenant est survenu s’agissant des liaisons entre la centrale et son personnel : aujourd’hui beaucoup de téléphones ont besoin d’électricité pour fonctionner, ce qui fait qu’en cas de panne d’électricité des personnels d’astreinte ne peuvent pas être joints.

L’intérêt des crises est de mettre en évidence des problèmes auxquels on ne songe pas durant les exercices. Ce dernier point en est un exemple qui devrait pouvoir être réglé facilement et rapidement en s’assurant que les personnels susceptibles de devoir être joints disposent d’au moins un téléphone ne nécessitant pas une alimentation par le réseau électrique.

Le premier point est plus inquiétant. C’est pourquoi votre Rapporteur lors de l’audition ouverte à la presse a posé la question suivante: " J’aimerais demander à l’IPSN quel a été son rôle dans l’animation des cellules de crise, en relation avec les informations provenant de la centrale, en relation avec l’autorité de sûreté. Je crois qu’il y a eu des problèmes de transmission ou de conférence audio à 3 qui n’ont pas bien fonctionnés.

M.STRICKER a indiqué que : " Nous fonctionnons en téléconférence à trois (l’équipe de crise IPSN à Fontenay, l’équipe de crise EDF-Paris à Saint-Denis et l’équipe de crise locale). Ce système qui passe par le réseau de France Télécom (Réséda) est tombé en panne, ce qui nous a obligé à utiliser des lignes spécialisées et à travailler en téléconférence à deux et des coups de téléphone avec le troisième. "

M. QUENIART a précisé que : " La démarche générale a déjà été exposée, le travail du centre technique de crise, c’est deux choses : essayer de comprendre la situation (ce n’est pas forcément simple à quelques centaines de kilomètres de distance) et les informations sont celles fournies par la centrale par différents moyens sur lesquels je reviendrai,

" une partie diagnostic pour savoir où on en est et surtout une partie pronostic qui est celle où l’on essaie de voir quelle pourrait être l’évolution de la situation, essentiellement pour connaître les délais disponibles et, le cas échéant, mettre en œuvre des mesures de protection des populations.

" De quels moyens dispose-t-on pour acquérir l’information en centre de crise ?

Il y en a 3 essentiellement :

i L’audioconférence entre les trois équipes techniques de crise : niveau national d’EDF, niveau local et IPSN. Normalement, ces trois équipes sont en relation régulièrement, c’est un système qui permet d’acquérir des informations.

" Dans le cas du Blayais, nous avons été en permanence en contact avec l’échelon national mais l’échelon local n’était pas sur le système d’audioconférence, c’était l’échelon national qui retransmettait les informations ou les réponses aux questions que nous posions.

i La transmission par télécopie de messages papier qui existent et préformatés, message initial et messages donnant des mesures de l’installation tous les quarts d’heure.

" En l’occurrence, cela n’a pas énormément servi car l’évolution de la situation de la centrale était très lente et on reproduisait de quart d’heure en quart d’heure à peu près les mêmes chiffres.

i Une liaison informatique entre le site informatique et l’IPSN, système qui permet en cas d’incident ou d’accident de se connecter sur un site ; on a directement au centre de crise le report d’un certain nombre de mesures du calculateur de tranche et du panneau de sûreté, et ceci permet de connaître l’état de tel capteur, de comprendre la situation et d’en revenir aux actions de diagnostic et de pronostic. "

b)Les " difficultés " de communication soulignées par le Ministre de l’Environnement :

Le Ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement ayant déclaré sur France 3 que : " Vu le caractère sérieux de cet incident, on peut presque parler d’accident, en tous cas dans les procédures. Je n’ai pas été informée en temps et heure. Je considère comme très préoccupant le délai anormal qui s’est écoulé entre le moment où l’incident a été constaté et le moment où la cellule de crise de la DSIN a été mise en place "

Votre Rapporteur ne pouvait pas rester insensible aux critiques ministérielles et a essayé d’y voir plus clair.

Sa première surprise a été de constater que le premier des ministres informés de la situation dix minutes après le déclenchement de l’alerte nationale a été celui de l’Environnement. Mais, après le déclenchement de la crise la main courante de la DSIN ne porte pas de traces de demandes de renseignements en provenance du cabinet du Ministre de l'Environnement, à la différence de celui de l’Industrie.

 

 

Mais, au-delà de toute polémique la vraie question qui doit être posée est de savoir si l’alerte nationale a été déclenchée dans un délai raisonnable.

Il nous faut à ce niveau détailler la chronologie évoquée tout à l’heure en reprenant la description des faits donnée par M.LACOSTE lors de l’audition publique, dont la validité peut être attestée par votre Rapporteur qui, usant de ses prérogatives de contrôle sur place et sur pièces, a procédé au croisement des mains courantes des divers intervenants : 

"La première alerte de l’autorité de sûreté a été aux alentours de 22 h 40, une alerte de Christophe QUINTIN (en charge de la sûreté nucléaire à la DRIRE de Gironde) qui a jugé opportun, pour se tenir au courant de la situation, de se rendre à son bureau. Il y a passé la nuit.

" Dans le courant de la nuit, j’ai été personnellement tenu au courant de la situation par une série d’appels provenant tantôt de Laurent STRICKER, tantôt de Christophe QUINTIN. J’ai donc été amené à être informé du fait qu’EDF mettait en place son système national de crise. J’ai donné mon accord en début de matinée pour qu’EDF fasse appel au concours technique de l’IPSN. C’est in fine dans mon bureau, vers 8 h 30, que j’ai demandé à EDF de déclencher officiellement l’organisation nationale de crise.

" Pourquoi l’ai-je fait ? Cela correspondait au fait que la situation comportait un certain nombre d’incertitudes et surtout au retour d’expérience de ce qu’un certain nombre d’acteurs avaient vécu avec l’incident… "

" C’est moi-même et mon autre adjoint qui ont armé le centre de crise vers 8 h 30 et nous avons suivi nos procédures qui impliquaient que nous établissions immédiatement les contacts avec les autres postes de commandement (préfecture, site, état-major d’EDF) et que nous vérifiions que le centre technique de crise de l’IPSN se mettait également en place. C’est la première chose que nous avons faite ".

" La deuxième chose a été un certain nombre de contacts institutionnels de façon à prévenir l’interlocuteur institutionnel. Moi-même ou Philippe SAINT-REMOND ont passé des appels téléphoniques. Soit nous avons eu des correspondants, soit nous avons laissé le message au cabinet du Ministre chargé de l’Industrie, au cabinet du Ministre chargé de l’Environnement, au cabinet du Premier Ministre, au SGCISN…

" Nous avons commencé à appeler à partir de 8 h 40 et le dernier cabinet a été joint à 9 h 30. Nous avons vérifié que l’OPRI mettait en place son centre de crise. Autrement dit, l’ensemble du circuit institutionnel a été informé soit de vive voix soit en laissant un message. Ceci a été fait dans la foulée de la vérification des premiers contacts avec les acteurs factuels du système "….

" Il ressort de ces déclarations quelques faits qu’il est possible d’établir avec certitude "  :

" L’autorité de sûreté a été informée par EDF avec diligence car l’inondation des bâtiments ne s’est produite qu’aux environs de 22 heures. Mais ce constat doit être nuancé par une autre question examinée dans le chapitre suivant : à savoir, pourquoi les infiltrations d’eau n’ont pas été détectées plus tôt ?

" En ce qui concerne l’articulation avec la radioprotection, M LACOSTE a également précisé que :  " Je réponds à votre question sur l’articulation avec l’OPRI. C’est quelque chose qui là aussi résulte des exercices de crise que nous avons menés ensemble. Il est convenu entre le Président LACRONIQUE et moi-même qu’en cas de crise nous faisons tout ce qui est nécessaire pour que le préfet ne reçoive qu’un avis intégré, prenant en compte les côtés sûreté nucléaire et radioprotection en même temps. Nous verrons que le côté radioprotection n’a pas été vraiment impliqué de façon majeure mais il est clair que le préfet ne reçoit qu’un seul avis qui implique concertation entre la DSIN et l’OPRI.

" Ce matin-là, nous sommes convenus avec l’OPRI que c’était ainsi que nous fonctionnerions et l’OPRI a été régulièrement informé de l’ensemble des données. "

" … J’apporterai une précision concernant l’organisation de l’autorité de sûreté. J’ai dit que l’échelon national, celui de la DSIN, avait armé son centre de crise et que l’échelon régional, la division des installations nucléaires, s’était également gréé en situation de crise. Cela veut dire qu’il y avait en permanence quelqu’un au pôle de commande de la préfecture et quelqu’un de l’autorité de sûreté présent sur le site au poste de commandement du site.

Le Directeur de l’IPSN a également rappelé  : " que fonctionne également en permanence un système d’ingénieurs d’astreinte et qu’il a été prévenu vers 24h00 des événements. Au cours de la nuit le type d’information a changé puisqu’il s’agissait avant minuit essentiellement de problèmes électriques normaux pour lesquels il n’y avait rien de particulier à faire ".

" L’IPSN est intervenu à la demande d’EDF avec l’accord du directeur de la DSIN, à titre informel, pour mettre une équipe de crise en place vers 7h30 (l’information est arrivée vers 6h30). A partir de 8h30 a été gréé officiellement ce centre de crise ; centre de crise très équipé en matière d’informations sur l’état des différentes centrales, avec un certain nombre de spécialistes qui regardent pour le compte de la DSIN, en relation étroite avec l’équipe technique EDF, comment évolue la situation.

" Le rôle principal de l’IPSN est d’apprécier les risques possibles, d’anticiper éventuellement sur les évolutions. L’EDF le fait aussi mais nous sommes l’oeil du contrôle. Cela dit, il est important d’avoir cette discussion entre techniciens car, dans ces situations qui peuvent être relativement complexes, plus on est de personnes compétentes mieux cela vaut et si nos conseils peuvent être utiles à EDF, tant mieux, mais notre rôle principal est de rapporter à la DSIN sur l’évolution de la situation et éventuellement de signaler si à notre avis il y a un risque d’évolution qui pourrait amener à des situations beaucoup plus graves.

" A partir de 8h30, nous avons été en configuration véritablement opérationnelle et nous avons suivi toute la situation. "

Il ressort des déclarations même des principaux responsables que dés lors que la situation de crise a été constatée, l’information des autorités à été assurée sans retard. Le débat ne peut porter que sur un point : fallait-il informer les ministres au cours de la nuit , alors qu’il était difficile d’établir un diagnostic exact ?

Votre Rapporteur a tendance à penser qu’au stade de l’établissement du diagnostic l’information du Préfet, représentant de chacun des ministres était suffisante, et elle a été effectuée dès le début des problèmes.

Votre Rapporteur, en l’état de son information et après un travail fouillé d’investigation, où il n’a pas hésité à faire usage des prérogatives qu’il détient de par la loi, n’est pas en mesure de confirmer les déclarations de Mme VOYNET, à ses yeux aucune faute n’a été commise.

 

 

 

chapitre ii

premiere esquisse d’UNE EXPLICATION

 

 

 

 

L’intitulé de ce chapitre est extrêmement prudent car au moment où sont écrites ces lignes, toutes les expertises sont loin d’être achevées. Il est toutefois possible de poser des questions essentielles et de dégager quelques esquisses de solutions en étendant cette réflexion à l’ensemble du parc.

 

I Pourquoi l’eau a-t-elle pu atteindre la plate forme d’une centrale nucléaire ?

La réponse à cette question est essentielle car le risque d’inondation d’une centrale nucléaire était jusqu’à l’incident du Blayais considéré comme hautement improbable. Aussi votre Rapporteur a-t-il constaté un traumatisme certain parmi les responsables d’EDF, mais il est sain que des certitudes tombent. Cela a, dans le domaine de la sûreté, de réelles vertus pédagogiques.

 

1) Les erreurs constatées :

S’agissant d’une installation comme une centrale nucléaire, il n’existe pas de risque naturel acceptable. Ce type d’installation ne peut pas subir des aléas naturels, de nature à compromettre le fonctionnement d’un système de sécurité.

Aussi le fait que des vagues en provenance de l’estuaire de la Gironde aient pu passer au dessus des protections signifie-t-il l’existence d’une erreur dans la conception de la plate forme de la centrale, imparfaitement corrigée par l’édification d’une digue.

La prise de conscience de cette dernière n’est pas récente mais elle a tardé à être corrigée et a été mal appréciée.

L’erreur de conception  de la plate-forme :

L’erreur de " conception " de la plate-forme est évidente. Elle est d’ailleurs admise sans difficulté par EDF.

Il ne peut pas en effet y avoir de débat sur cette erreur puisque des vagues ont pu parvenir sur le site.

Par contre la notion d’erreur doit être relativisée. Certes il n’existe pas de faute évidente de calculs en 1974 mais les bases retenues étaient trop faibles et il est certain que les ingénieurs ont manqué de références sur une longue période (supérieure à un siècle), nécessaire pour bien intégrer les événements cataclysmiques.

Il convient d’ailleurs de remarquer que l’analyse des registres d’enquête d’utilité publique montre que si, sur les 23 729 observations, représentant 25 494 signatures (il est vrai que 23 373 reprenaient des tracts, 41 thèmes ont été abordés, le risque d’inondation de la plate forme n’y figure pas.

La conception de la centrale nucléaire repose sur la cote de marée maximale (coefficient de 120) augmentée d’une sur-cote destinée à tenir compte des conditions météorologiques ( vent, dépression, vagues) car l’estuaire de la Gironde s’analyse plus comme un bras de mer que comme un fleuve.

Les vagues qui sont montées à l’assaut de la digue de la centrale correspondent à un phénomène océanique de type tempête et, contrairement à ce qui a pu être dit, le coefficient de la marée et le niveau du fleuve se situaient à des seuils élevés, mais non exceptionnels. Le coefficient de la marée en particulier, était à un niveau sensiblement inférieur à celui des grandes marées d’équinoxe et la Garonne ainsi que la Dordogne n’étaient pas confrontées à une crue d’une ampleur exceptionnelle. Si la tempête du 27 décembre était survenue à l’occasion de coefficients de marée exceptionnels et de fortes crues les nivaux d’eau envahissant le site auraient été plus considérables encore .

Cette erreur de conception, la plate-forme sur laquelle a été remblayée la centrale n’a pas été érigée suffisamment haut, n’est pas propre à la centrale du Blayais. La plate-forme de l’îlot nucléaire est calée au-dessous de la cote majorée de sécurité (CMS) pour les sites de BELLEVILLE, CHINON, DAMPIERRE, GRAVELINES, LE BLAYAIS et SAINT-LAURENT ; il conviendra, pour ces sites, de réexaminer l’ensemble des dispositions spécifiques mises en place ; comme le souligne l’IPSN dans son rapport sur l’incident qui nous préoccupe.

En outre les sites de FESSENHEIM et de TRICASTIN sont implantés à proximité d’un canal dont la ligne d’eau est supérieure à la cote de leur plate-forme. Pour ces sites également, il conviendra de réexaminer les dispositions particulières mises en œuvre.

Sur le site du Blayais cette situation insatisfaisante a conduit en 1984 à la construction d’une digue car les études du LNH (laboratoire national d’hydraulique) avaient démontré que le calage de la plate forme du site à 4,5 m était insuffisante.

La digue réalisée à l’époque se situait à 5,20 m en front de Gironde et à 4,75 m par rapport aux marais

En 1997, la reprise des études, prenant en compte les observations météorologiques des années 1978-1996 avait conduit à prévoir la rehausse des deux digues de 0,50m.

Or les travaux qui devaient avoir lieu en 2000 venaient d’être reportés à la visite décennale prévue pour 2002.

 

 

 

 

2) La réalisation en 1984 d’une digue n’a pas suffit à compenser

l’insuffisante hauteur de la plate-forme :

La digue réalisée en 1984 souffre de deux vices : son insuffisante résistance aux tempêtes et sa trop faible hauteur.

La digue a plus pour fonction une protection statique d’une montée des eaux par le fleuve, mais elle n’a pas été conçue pour résister aux caprices de l’océan. Elle ne présente pas les caractéristiques de brise-lame. Force est de constater que ce risque d’inondation n’a pas fait l’objet jusqu’à présent d’une prise de consciente équivalente à celle des séismes.

Or, comme le souligne l’IPSN dans son rapport :  " Des paquets d’eau ont submergé la plate-forme de la centrale avec des entrées notamment sur le côté Nord-Ouest de la digue. Lors du passage des paquets d’eau, les enrochements de la digue ont été déplacés, entraînant un arasement de la digue sur sa partie donnant sur la Gironde. La hauteur d’eau sur le site a atteint environ 30 cm dans l’angle Nord-Ouest du site (cette hauteur a été évaluée à partir des branchages bloqués sur les grilles d’accès ). Les tranches 1 et 2 ont été affectées de façon importante par des entrées d’eau. Par contre, les tranches 3 et 4 ont été beaucoup moins affectées…

" Des études récentes menées par Electricité de France, présentées dans l'édition 1998 du rapport de sûreté de la centrale du Blayais, ont conduit à une réévaluation du niveau d’eau à considérer pour la protection du site ; le nouveau niveau d’eau à retenir est de 5,46 m NGF. Dans ces conditions, Electricité de France avait prévu de rehausser la digue jusqu'à 5,70 m NGF ; les travaux correspondants, initialement prévus en 2000, avaient été repoussés par Electricité de France à 2002. Par lettre n° 5000/B995614 du 29 novembre 1999, la Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement Aquitaine avait demandé à Electricité de France d’apporter des explications à ce sujet " Lettre à laquelle il n’avait pas été répondu à la date du 27 décembre 1999.

3) Pourquoi EDF a-t-elle reporté la date du rehaussement de la digue demandée par la Drire de Gironde ?

Cette question votre Rapporteur l’a bien sûr posé à EDF. Les réponses de l’entreprise s’articulent autour de deux thèmes :

-Proximité avec la révision décennale de 2001

-Pas de caractère d’urgence à cette rehausse

Le premier argument correspond à l’idée qu’il est préférable d’effectuer un travail par lot pour avoir un système bien ordonné et lisible.

Cet argument garde sa pertinence sous une réserve : il ne doit pas servir d’alibi pour retarder des travaux de sécurité jugés nécessaires, or EDF a commis une erreur d’appréciation en ne procédant pas à la sur-élévation de la digue qui lui était demandée par la Drire.

L’argument aux termes duquel la réalisation des travaux demandés n’aurait pas empêché l’inondation n’est pas pertinent aux yeux de votre Rapporteur.

 

 

L’audition publique apporte un éclairage intéressant à cette question. Je soulignais " une question qui préoccupe Monsieur MAMERE. C’est en novembre dernier que la DSIN a écrit à EDF pour lui demander de rehausser la digue de 50 centimètres, les travaux avaient été repoussés à plus tard. Pourquoi plus tard ? Est-ce que 50 centimètres sont suffisants ? Faut-il reconstruire le mur de Berlin au bord de la Gironde ? ".

Pour M. LACOSTE  "  La lettre à laquelle vous faites référence n’est pas de la DSIN proprement dite mais de la division des installations nucléaires de Bordeaux, elle engage l’autorité de sûreté. Elle doit être datée du 19 novembre, c’est une lettre qui fait suite à une inspection menée par la division des installations nucléaires de Bordeaux ".

" Il était prévu, depuis 1998, qu’EDF devait rehausser de 50 centimètres la digue ; au cours de la visite, EDF avait indiqué aux inspecteurs qu’ils ne prévoyaient plus ces travaux en 2000 mais en 2002 et la lettre de la division des installations nucléaires posait à EDF la question sur les raisons du report des travaux.

" J’ajouterai que ces travaux qui de toute façon n’étaient pas envisagés avant 2000 n’auraient pas à eux seuls permis d’éviter l’incident du Blayais. L’épisode n’en mérite pas moins analyse ".

M. BIRRAUX 

" Si 50 centimètres ne sont pas suffisants, vous allez pouvoir me répondre sur la construction du mur de "Berlin-sur-Gironde" ?

M. ROUSSELY 

" Je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à cette question mais sur le premier élément, cela renvoie à une chronologie assez complexe.

" Les prescriptions de sûreté ont été fixées en 1984 et, depuis, on a commencé à observer qu’un certain nombre de modifications laissaient penser que le niveau de la digue devrait à un moment ou un autre peut-être être revu.

" C’est ce qui s’est traduit par des prescriptions plus récentes dans les années 1997 ou 1998 et nous nous sommes interrogés pour savoir si nous n’avions pas intérêt, comme mesure générale de sûreté, à rehausser la digue, mais sans que cette prescription reçoive une véritable priorité, tout simplement parce que, d’un avis unanime, la probabilité que ces événements arrivent était faible.

" Il était prévu dans la programmation des travaux qu’on le fasse en 2000. Ensuite, on a considéré que comme souvent en matière de travaux, on pourrait le faire avec la visite décennale prévue en 2002.

" Monsieur LACOSTE l’a dit avant moi, cela ne nous exonère pas de cette responsabilité, si nous avions fait ces travaux, par rapport à la nature de l’incident et aux volumes d’eau qui ont pénétré dans l’ensemble de nos installations, cela n’aurait rien changé.

 

 

" Depuis, nous sommes dans les travaux pour revenir à 70 centimètres et atteindre 5,20 mètres, niveau tout à fait suffisant par rapport aux étiages normaux puisqu’avec les grandes marées des 21 et 22 janvier derniers, le niveau de la Gironde a atteint moins de 4 mètres malgré des coefficients importants.

" Nous étions devant un phénomène exceptionnel dont nous n’avons pas apprécié la probabilité. Demain, de combien devra-t-on rehausser la digue ? Ce sont des travaux que nous devons mener ensemble avec des travaux de fond sur la météo et la probabilité d’occurrence, non seulement à Blayais mais dans un certain nombre de sites analogues, c’est-à-dire les 8 que désignait l’IPSN dans son rapport. Et avec un retour d’expérience immédiat et de plus long terme sur l’ensemble des circulations par lesquelles l’eau peut pénétrer dans une centrale. … "

Votre Rapporteur vous laisse juge de la pertinence des arguments échangés. Ils ne répondent pas pourtant à toutes les observations qu’il a pu faire sur le site. Ce serait une erreur de limiter l’analyse à la seule question de la digue : elle n’est pas seule en cause et les infiltrations d’eau n’auraient pas du avoir les conséquences qu’elles ont eu.

En toute hypothèse la nécessité de construire une digue s’explique d’abord par l’insuffisance de la hauteur du remblais sur lequel a été construite la plate forme.

Il est admis, et la décision de construire la digue qui n’existait pas au départ en est la preuve, que cette centrale a été édifiée a une hauteur insuffisante car, ce type d’ouvrage doit prendre en compte les événements les plus hypothétiques.

Cette erreur est claire. La construction d’une digue n’aurait pas dû être nécessaire. Mais les travaux de remblaiements effectués pour la construction de la centrale ont été très importants ; ils ont nécessité la mobilisation de 100 000m3 de béton et de 5 millions de m3 de remblais.

Il est donc urgent de procéder aux études sur la réévaluation du risque d’inondation sur l’ensemble des installations nucléaires, mais également d’en rendre publiques les conclusions

4) Chronologie des travaux concernant les digues du Blayais :

La réponse apportée aujourd’hui par EDF est détaillée dans les paragraphes suivants.

8 La digue a été construite en 1984, après que des études du LNH aient montré que le calage de la plate-forme du site à 4,5 m était insuffisante.

Ses caractéristiques : - Hauteur en front de Gironde : 5,20 m

- Hauteur sur les marais : 4,75 m

8 En 1997, la reprise des études, prenant en compte les observations météorologiques des années 1978-1996, conduit à prévoir la rehausse des deux digues de 0,50 m.

Les travaux prévus initialement en 2000, ont été reportés en 2002, à l’occasion de la visite décennale du site.

8 L’inondation partielle du site, lors de la tempête du 27 décembre 1999, conduit, d’une part, à engager la rehausse de la digue en préalable au redémarrage des tranches 1 et 2 et, d’autre part, à augmenter la hauteur de rehausse. Nouvelles caractéristiques :

- Hauteur en front de Gironde : 6,20 m

- Hauteur sur les marais : 5,25 m

La décision d’engager ces travaux a été prise le 2 février 2000. Les travaux ont débuté début mars.

La fin des travaux de rehausse est prévue pour le début avril en ce qui concerne la digue front de Gironde et pour le 15 avril pour la digue des marais.

Toutefois, les travaux ne pourront être considérés comme complètement terminés qu’au 21 avril, lorsque les ouvrages nécessités par la mise en place d’un batardeau sur l’ouvrage de rejet dans sa traversée de la digue front de Gironde auront été achevés. EDF étudie la possibilité de réduire le délai de réalisation de ce chantier.

Les travaux entrepris ne permettent pas de mettre à l’abri le site contre des entrées d’eau dues à la houle en cas de conjonction de tempête et de marée à fort coefficient.

La digue front de Gironde devra donc être équipée d’un dispositif anti-houle dont la mise en place est prévue pour la fin de l’année 2000.

Le réexamen général du risque inondation entrepris pour l’ensemble des sites nucléaires pourra conduire, ultérieurement, à compléter le dispositif précédent.

 

 

 

 

5) La question de la hauteur de la digue ne doit pas occulter les autres erreurs de conception

Trois erreurs de conception sont venues aggraver les problèmes : le manque de hauteur de la plate forme, l’insuffisante prise en compte de la protection des terres avoisinantes et des défauts de nature techniques dans la construction de la centrale.

II Les autres erreurs de conception :

a) L’insuffisante prise en compte des éléments extérieurs

L’un des principaux problèmes mis en évidence par l’incident du 27 décembre est l’isolement de la centrale soulignée par l’impossibilité d’évacuer immédiatement un blessé. Même si la vie de la personne n’était pas en cause dans ce cas précis, il n’est pas acceptable que les secours ne puissent pas intervenir quelque soient les circonstances.

Ce problème ne se rencontre pas qu’à la centrale du Blayais mais également dans les deux autres centrales visitées par votre Rapporteur : Nogent avec les inondations et Penly avec les pluies verglaçantes.

Il est évident qu’un tour de France des installations nucléaires mettrait en évidence d’autres cas et il appartient à EDF d’y procéder rapidement sous le contrôle de la DSIN.

Pour ce qui concerne spécifiquement le problème du Blayais, le noyage de la route provient des 7 km de digue des marais inondés par l’intérieur des terres.

b)L’inondation a eu des conséquences qu’elle n’aurait pas dû avoir

Deux entrées d’eau d’ampleur différente sont intervenues et 100 000m3 ont pu pénétrer dans les sous sol du bâtiment combustible.

Deux précisions sont importantes : le bâtiment réacteur n’a pas été touché et plusieurs mètres d’eau auraient été nécessaires pour atteindre le combustible lui-même protégé dans des gaines. L’eau, à aucun moment, ne s’est trouvée au contact de matière radioactive.

La propagation de l’eau a été plus facile sur les unités 1 et 2. Des infiltrations mineures sont intervenues aux mêmes endroits sur les unités 3 et 4 mais elles ont pu être traitées par les moyens du bord alors que l’intervention des pompiers a été nécessaire pour les deux premières tranches.

Il n’est pas acceptable, même si des vagues ont pu parvenir sur la plate forme, qu’une telle quantité d’eau ait pu pénétrer dans les galeries techniques même, et il faut le souligner, si cela n’a, à aucun moment, mis en danger la sûreté des installations.

Il est clair au vu de cette expérience que l’étanchéité des galeries techniques doit être revue. Comme le souligne l’IPSN : " De nombreuses voies d’arrivée d’eau ont été constatées. Les principaux éléments qui ont permis la propagation de l’inondation sont principalement la galerie générale du site, les portes, les passages de tuyauteries dans le génie civil et les trémies. Ceci conduit à s’interroger sur les points suivants :

- les voies d’inondation des locaux via la galerie générale du site :Un certain nombre de points sensibles sont d’ores et déjà en cours de traitement par Electricité de France (trémies dans les locaux des pompes de la station de pompage par exemple), la résistance des portes, des traversées et des trémies ; compte tenu des chargements qui peuvent s’appliquer à ces équipements, des critères d’étanchéité et de résistance à la pression devront être définis en tant que de besoin.

- les dégradations éventuelles du génie civil : Si aucun endommagement particulier associé à l’inondation n’est visible (à l’exception de la digue), des relevés topographiques sont en cours pour le confirmer.

- la tenue des joints entre bâtiments : à ce stade, Electricité de France indique qu’aucun endommagement de ces joints n’a été identifié mais des contrôles complémentaires sont prévus. "

c)Les autres dysfonctionnements relevés au Blayais

L’inadaptation des locaux de crise à une situation qui dure deux jours a été soulignée par les représentants du personnel rencontrés par votre Rapporteur. Il devrait être relativement aisé de pouvoir remédier à ces problèmes très matériels de dimensionnement de cuisine et de toilettes.

La chronologie évoquée précédemment illustre les difficultés qui ont été rencontrées pour dresser en temps réels un panorama de l’ampleur de l’inondation. Votre Rapporteur a confiance dans les alertes installées pour veiller sur le réacteur nucléaire proprement dit mais, il lui semble que la " conduite " de la centrale ne disposait pas de la totalité des instruments nécessaires à l’élaboration d’un diagnostic rapide.

En particulier, aucun dispositif ne permettait d’évaluer l’ampleur de l’inondation.

Aussi, une réflexion doit-elle être conduite sur l’installation de capteurs en nombre plus important dans les centrales.