N° 2331
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N° 316
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ASSEMBLÉE NATIONALE

SÉNAT

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

 

ONZIÈME LÉGISLATURE

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

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Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale
le 2 avril 2000.

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance
du 6 avril 2000.
Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 avril 2000

 

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OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION
DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

________________________

 

RAPPORT

SUR

sur le contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires,

Première partie :
Analyse des incidents survenus a la centrale nucléaire du Blayais
lors de la tempete du 27 decembre 1999 : enseignements sur
le risque d’inondation des installations nucleaires

  par M. Claude BIRRAUX
Député  

__________________

Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale
par M. Jean-Yves LE DÉAUT,
Premier Vice-Président de l'Office

__________________

Déposé sur le Bureau du Sénat
par M. Henri REVOL,
Président de l'Office.

 

Energie-carburants

 

SOMMAIRE

SAISINE

INTRODUCTION

CHAPITRE I-LES FAITS

I La chronologie des faits

II La chronologie de L’information

A)L’information des autorités

B)La communication

1-La communication vers le public

2-La communication entre pouvoirs publics

a)Les défaillances techniques

b)Les " difficultés " de communication soulignées par le Ministre de l’environnement

CHAPITRE II-PREMIÈRE ESQUISSE D’UNE EXPLICATION

I Pourquoi l’eau a-t-elle pu atteindre la plate forme d’une centrale nucléaire ?

1) Les erreurs constatées

2) La réalisation en 1984 d’une digue n’a pas suffit

à compenser l’insuffisante hauteur de la plate-forme

3) Pourquoi EDF a-t-elle reporté la date du rehaussement de la digue demandée par la Drire de Gironde

4) Chronologie des travaux concernant les digues du Blayais

5) La question de la hauteur de la digue ne doit pas occulter les autres erreurs

de conception

II Les autres erreurs de conception

a)L’insuffisante prise en compte des éléments extérieurs

b)L’inondation a eu des conséquences qu’elle n’aurait pas dû avoir

c)Les autres dysfonctionnements relevés au Blayais

CHAPITRE III-LES REACTIONS DES RESPONSABLES

I La réaction de l’exploitant

A)Le point de vue d’EDF

B)L’analyse du Rapporteur

II La réaction de l’autorité de sûreté

A)L’attitude de la DSIN

B)L’analyse du Rapporteur

III La réaction de l’autorité préfectorale

A) La chronologie

B) Les difficultés d’intervention

IV La mise en œuvre des procédures d’urgence

a) La difficulté d’apprécier l’urgence dans un environnement en crise

b) La réglementation propre aux centrales nucléaires

1) Les trois niveaux de plan d’urgence interne

2) Faut-il revoir la notion de PUI ?

CHAPITRE IV-LES PREMIERS ENSEIGNEMENTS

I Les hommes

II La radioprotection

III Le voisinage des installations nucléaires

IV Mieux évaluer les risques liés à l’environnement

a)L’exemple d’une réflexion actualisée sur le risque d’inondation de la centrale de Fessenheim

b) Les problèmes techniques

V La communication

a)La complexité de la communication externe et la validation des communiqués par Paris

b)La communication interne

CHAPITRE V-LES RECOMMANDATIONS

Conclusion : Incident ou accident ?

Tableau synoptique

Adoption par l’Office

Annexes

 

CHAPITRE III

LES REACTIONS DES RESPONSABLES

 

 

L’élément humain est une composante déterminante de la sûreté des installations nucléaires ; un incident comme celui du Blayais permet de jauger les réactions des uns et des autres dans un contexte de crise et non d’exercice. D’où l’importance de ce chapitre qui illustre, si cela était nécessaire, que la gestion de la sûreté ne se résume pas seulement à des équations.

I-La réaction de l’exploitant

Votre Rapporteur a préféré distinguer clairement le point de vue d’EDF de sa propre analyse. Aussi le paragraphe qui suit est-il le texte communiqué par EDF, son point de vue se trouve isolé dans le deuxième paragraphe et cette présentation a été retenue pour chacun des intervenants.

 

A)Le point de vue d’EDF

Les tempêtes des 26 et 27 décembre 1999, outre les dégâts sur le réseau électrique, ont conduit à une inondation sur la centrale du Blayais d'une ampleur sans précédent sur un site nucléaire. L'incident n'a pas eu de conséquences sur l'environnement et le refroidissement des réacteurs a toujours été assuré. Toutefois, cette inondation a notamment entraîné la perte de deux systèmes de sauvegarde ce qui en fait l'un des incidents les plus sérieux en terme de conséquences potentielles de ces dernières années. Un retour d'expérience doit donc en être tiré pour l'ensemble des sites nucléaires EDF, tant dans le domaine technique et sûreté que dans celui de la gestion d'une crise.

Dans le domaine technique et sûreté, un plan d'actions a été élaboré. Il vise, d'une part, à réexaminer les principes de conception des installations existantes vis-à-vis du risque d'inondation externe, afin de renforcer leur protection et, d'autre part, à analyser le comportement des unités de production dans une situation où le réseau haute tension d'évacuation d'énergie était fortement perturbé.

Le plan d'actions comporte sept points :

Point 1

Inventaire et réexamen des hypothèses de conception, notamment les données météorologiques.

Point 2

Examen, sur chaque site, des cheminements d'eau en cas de submersion de la plate-forme sur laquelle sont implantés les bâtiments industriels.

 

 

▫ Point 3

Etablissement d'un bilan de la maintenance effectuée sur les ouvrages de génie civil en vue d'en assurer l'étanchéité.

▫Point 4

Etablissement d'un bilan des procédures en vigueur sur les sites destinées à prévenir les conséquences d'une inondation.

▫Point 5

Examen approfondi de problèmes apparus lors de l'inondation du site du BLAYAIS notamment la détection des arrivées d'eau et la gestion des défauts d'isolement électriques.

▫Point 6

Examen des résultats des études précédentes au cours d'une réunion d'experts appelée "revue de conception" afin de déterminer les axes d'amélioration des installations.

▫Point 7

Analyse du comportement des unités de production sur le plan de leur liaison avec le réseau haute tension de transport d'énergie électrique lors des tempêtes des 26 et 27 décembre 1999.

La mise en œuvre du plan d'actions s'effectuera selon les échéances suivantes :

  • Fin juin 2000

Elaboration et diffusion des conclusions de la revue relatives à la méthode de réexamen du risque d'inondation externe.

  • Octobre 2000

Diffusion du plan d'actions, élaboré à partir des conclusions de la revue, pour les sites prioritaires (environ 9 CNPE).

Par ailleurs, EDF établit un état des lieux de l'ensemble des sites vis-à-vis du risque d'inondation. La synthèse sera disponible fin avril.

Dans le domaine de la gestion de crise, une analyse complète de l'expérience acquise lors de l'incident du Blayais est en cours.

Sans attendre les résultats complets de cette analyse, nous prévoyons d'engager des actions dans les domaines suivants :

  • Amélioration de la gestion du risque d'isolement des sites. Cette action consiste à étudier les moyens permettant d'améliorer l'anticipation de l'isolement, notamment en renforçant les liens avec Météo France, et d'améliorer les parades (renforcement d'équipes).
  • Amélioration de l'organisation et de la gestion de la logistique (moyens de communication, moyens d'intervention) en situation de crise, notamment si celle-ci concerne plusieurs réacteurs.

Etude du fonctionnement des réseaux et des moyens de télécommunication dans des conditions climatiques perturbées.

B) L’analyse du Rapporteur

J’ai pu constater en me rendant dans les centrales nucléaires de Nogent et de Penly que les décisions annoncées par EDF étaient effectivement mises en œuvre. La réactivité de EDF m’est apparu bonne et je dois dire que les directions des centrales visitées m’ont fait part des premiers résultats de leurs analyses sur le risque d’inondation.

Par exemple les responsables de la centrale de Nogent-sur-Marne en analysant le risque d’inondation se sont rendus compte que le central téléphonique, qui n’est pas installé sur la plate-forme, pouvait être inondé.

EDF a jusqu’à présent privilégié la sécurité de l’îlot nucléaire, ce qui est normal, mais l’incident du Blayais a mis en évidence l’importance des installations périphériques des centrales.

L’une des premières leçons qui doit être tirée de cet incident concerne également la qualité des personnels d’EDF. En discutant sur place avec les personnels qui ont eu à gérer la centrale du Blayais, j’ai pu mesurer l’importance des entraînements sur les simulateurs et le poids de la culture de sûreté dans l’entreprise.

Sur la gestion technique de la crise, votre Rapporteur ne peut que faire des louanges au personnel de l’entreprise nationale dont il a pu mesurer depuis de longues années l’excellence. Mes critiques portent sur la gestion de la communication de crise. Le problème n’est toujours pas traité de manière satisfaisante

Votre Rapporteur défend l’idée que l’information de caractère informatif et purement descriptif doit relever de la seule responsabilité des directeurs de centre de production. D’autre part l’exigence de transparence implique que cette communication s’effectue en temps réel. Je suis conscient de l’objection qui consiste à expliquer que les communiqués seraient incompréhensibles par des non techniciens, mais rien n’interdit à EDF de répertorier tous les types d’incidents possibles pour doter les centres de production d’une collection d’éléments de pédagogie susceptibles d’être intégrés dans les communiqués rédigés à chaud.

 

II-La réaction de l’autorité de sûreté

 

  1. A)L’attitude de la DSIN

Le détail de l’intervention de la DSIN lors de la crise a été relaté lors de l’audition publique dont le compte rendu est annexé au présent rapport.

La lettre qui suit, que par souci de transparence j’ai tenu à reproduire intégralement, fait le point sur : " la prise en compte du risque d’inondation sur les centrales nucléaires en exploitation

 

B)L’analyse du Rapporteur

En ce qui concerne la gestion de la crise proprement dit, votre Rapporteur a peu de remarques à faire. L’autorité de sûreté a été prévenue en temps et heure et sa communication appelle peu de remarques si ce n’est le fait qu’à l’exception notable de France-Info, les informations de la DSIN n’ont pas été reprises, l’actualité étant consacré aux conséquences plus visibles de la tempête et de la marée noire, l’attitude des médias est d’ailleurs tout à fait logique car, à aucun moment, la sécurité de la population n’a été compromise.

En ce qui concerne les actions entreprises par la DSIN et exposées dans la lettre ci-dessus votre Rapporteur considère qu’elles doivent être complétées par une réflexion sur les voies d’accès aux centres de production. Les préfets doivent particulièrement veiller à ce que les PPI intègrent cette question du libre accès aux installations nucléaires de base.

J’ai en effet constaté que si la route d’accès à la centrale du Blayais avait pu être coupée par une inondation, un tel phénomène pouvait se produire à la centrale de Nogent et que si le risque d’inondation n’existe pas à Penly, les pluies verglaçantes pouvaient avoir un effet analogue. Or les moyens de secours qui existent sur les sites peuvent être insuffisants pour faire face à certaines situation, par exemple au Blayais, il a fallu faire appel aux moyens de pompage des pompiers. Que se passe-t-il s’y les voies d’accès ne sont pas libres ?

Des solutions empiriques peuvent probablement être trouvées en sécurisant les voies d’accès lorsque cela est possible à un coût raisonnable (par exemple à Nogent) ou par des conventions avec des administrations ou des entreprises privées (pour veiller à ce que des engins adaptés au franchissement des obstacles soient rapidement disponibles).

 

 

 

 

B)Les difficultés d’intervention

Il faut convenir que devant le cataclysme qui s’est abattu sur la Gironde, la Préfecture avait à organiser les secours dans des conditions extrêmement difficiles, il est bien sûr inutile d’épiloguer sur ce thème.

Mais, une chose est certaine : si une évacuation de la population avait été nécessaire (ce qui dans le cas précis du Blayais n’a à aucun moment été envisagé, ne fusse que comme hypothèse de travail), elle aurait été impossible la plupart des routes étant coupées.

Cet exemple justifie la distribution de pastilles d’iode aux populations voisines des installations nucléaires.

 

IV La mise en œuvre des procédures d’urgence

 

Il faut noter que la position d’EDF qui a demandé cette mise en alerte en pensant que les conditions n’étaient pas remplies (en fait elles l’étaient) résulte probablement du retour d’expérience de l’incident de Civaux survenu l’an dernier.

Il n’en demeure pas moins vrai qu’une polémique a pu naître sur le délai avec lequel a été initié les procédures d’urgence.

a)La difficulté d’apprécier l’urgence dans un environnement en crise

Il s’avère, après analyse, que les conditions de mise en œuvre du plan d’urgence interne de niveau I étaient remplies. Mais sur le moment, les responsables ont cru, sincèrement, aller au-delà des prescriptions réglementaires. Ce fait suffit à démontrer la difficulté qui existe à appliquer des procédures en l’absence d’informations fiables.

Les autorités ont été, aux yeux de votre Rapporteur, prévenues en temps et heure des difficultés de la centrale, dès lors que l’information était vérifiée. Votre Rapporteur reviendra sur ce point ultérieurement mais une des difficultés rencontrée au Blayais a été l’établissement rapide d’un diagnostic.

Sur la base d’information parcellaire, il est difficile de prendre des décisions pouvant entraîner l’évacuation de plusieurs milliers de personnes, par exemple un incendie dans une installation chimique avait entraîné à Nantes l’évacuation de 32 000 personnes.

Or, dans la région du Blayais ,sur la presqu’île d’Ambès, se trouvaient six installations classées " Seveso " qui étaient les pieds dans l’eau.

D’autre part, la centralisation d’EDF conduit à des retards, et à mes yeux l’incident du Blayais doit conduire à engager rapidement une réflexion sur l’autonomie des directeurs de centrale nucléaire qui ne peuvent pas communiquer sur les faits sans l’aval du siège. D’ou la difficulté au départ entre le CNPE et la Préfecture qui avait, il faut le reconnaître, des urgences plus graves que les incidents survenus à la centrale à régler au moment de l’incident.

 

 

 

 

2) Faut-il revoir la notion de PUI ?

Les hésitations rencontrées pour définir le moment où il faut déclencher le plan d’urgence interne doivent conduire à une réflexion sur la qualité des grilles d’analyse dont disposent les responsables, et surtout sur le caractère opérationnel de ces dernières.

Une réflexion doit probablement être conduite sur ce point.

 

 

CHAPITRE 1V

LES PREMIERS ENSEIGNEMENTS

 

 

Il est bien évidemment trop tôt pour prétendre tirer des leçons définitives des incidents du Blayais, car le retour d’expérience de cet incident n’est pas encore achevé, mais d’ores et déjà il est possible d’en dégager des enseignements.

 

I-Les hommes

Fondamentalement le gestionnaire de la crise est le site, cette réalité est incontournable et elle implique que la plus grande attention soit portée aux remarques du personnel qui s’est trouvé confronté à une crise d’une durée inhabituelle et, qui plus est, sans nouvelles de leurs proches, ce qui ne peut qu’accroître leur stress durant les phases de la crise : perte de l’alimentation, pénétration de l’eau, le pompage et la vidange des locaux.

Une remarque s’impose : la nécessité de la mise en place d’une réflexion plus élaborée lorsque l’environnement autour de la centrale est désorganisé.

A la centrale de Daya Bay en Chine - mais construite par les français -, les personnels d’astreinte en cas d’alerte sont mobilisés sur site. Peut être faudrait-il s’inspirer de ce dispositif pour éviter le stress du personnel marqué par la non-relève.

J’ai pu également vérifier la tenue exemplaire du personnel, qui a su gérer une situation dans le plus grand calme, ce qui me conduit à souligner l’énorme impact de l’entraînement et l’intérêt de la formation sur simulateurs.

Mais j’ai également été frappé par l’aptitude du personnel à interpréter et à appliquer intelligemment les consignes, alors qu’ils étaient confrontés à la superposition de plusieurs phénomènes. Ils ont su analyser en temps réel la situation et combiner avec pertinence les outils à leur disposition

 

 

II-La radioprotection

Les pompiers sont intervenus vers 3h00 du matin pour pomper 100 000 m3 d’eau. Le contrôle radiologique est toujours resté en deçà des seuils, mais, la totalité de l’eau évacuée n’a pas été mesurée.

La quantité d’eau en cause, l’exigence de rapidité et les moyens disponibles rendaient matériellement impossible une telle mesure.

 

 

 

Les mesures ont été effectuées par l’antenne régionale de l’OPRI située à Agen, qui, avec les moyens limités dont il dispose, a su réagir avec célérité : il a été procédé à des analyses toute les heures au début du pompage, car aux endroits où se trouvait l’eau la possibilité de contamination radioactive était quasi-nulle, puis toutes les demi-heures à la fin des opérations lors du pompage des puisards.

Ce point a été abondamment débattu lors de l’audition publique lorsque j’ai demandé au Président de l’OPRI quelles ont été les conséquences de cette inondation, du rejet ensuite des 100 000 m3 ? Y a-t-il danger ou pas pour la population et quel est le travail qu’a réalisé l’OPRI dans ce domaine ?

Pour le Professeur LACRONIQUE :  "…il est important de dire spontanément que je confirme ce qu’a dit Monsieur LACOSTE s’agissant des transmissions entre nous. Nous avons été avertis vers 8 h 30 le matin du 28 décembre par le communiqué de la part de l’exploitant qui avait déclenché son PUI. C’est automatique, il y a une information immédiate.

L’ingénieur d’astreinte s’est mis en rapport et a ouvert la cellule de crise immédiatement. De ce fait, l’OPRI a été irrigué par la totalité des documents décrivant les événements les uns après les autres, bien que l’OPRI n’ait à ce stade jamais eu d’implication dans la maîtrise technologique de l’incident.

En revanche, il a été nécessaire de dépêcher instantanément l’un de nos ingénieurs locaux puisque nous avons une délégation dans la région d’Aquitaine. Cet ingénieur a pris la précaution de faire des prélèvements d’eau de façon à pouvoir répondre à toute question portant sur la contamination des eaux de surface, des eaux de boisson, de la nappe phréatique, etc.

Nous avons donc été alertés pratiquement dès le démarrage. Notre cellule de crise est restée activée deux jours et elle s’est désactivée lorsque Monsieur LACOSTE lui-même a donné le signal de la fin de l’incident.

Nous avons cependant continué à faire des prélèvements d’eau chez les particuliers inquiets dans le département de la Gironde, ce que nous faisons de façon systématique. Nous devons même répondre à des injonctions de particuliers dès lors que l’inquiétude se manifeste. Nous avons tout récemment encore fait des séries de prélèvements d’eau à proximité de la centrale, notamment dans les pièces d’eau stagnante.

Aucun n’a présenté de contamination mesurable puisque tous ceux actuellement en notre possession sont en dessous de 160 becquerels/litre d’eau. Aucun élément ne nous permet de dire qu’il y a eu de rejet d’eau contaminée à la suite de ces inondations. Je peux vous rappeler au besoin ce qu’est la réglementation qui fixe l’usage de réservoir.

Peut-être peut-on dire aussi que j’ai été averti à mon domicile dans la soirée du 29 décembre, uniquement pour des raisons réglementaires. L’usage de réservoir de secours dit "S" m’a été demandé pour des raisons réglementaires. Je dois dire que ce coup de téléphone m’a plutôt rassuré qu’inquiété dans la mesure où il s’agissait de la vidange par des pompes préludant à la mise en fonctionnement d’un des réacteurs. A partir du moment où un réacteur était remis en marche, je me suis senti pleinement rassuré par la suite ultime des opérations deux jours après l’incident.

M. BIRRAUX – Pouvez-vous préciser : 150 becquerels, est-ce global ? Sur la potabilité de l’eau, quel est le nombre de becquerels admis par l’OMS ?

M. LACRONIQUE – Les limites annuelles sont fixées par un arrêté du 9 mars 1981 signé par moi-même lorsque j’étais directeur de la santé et des hôpitaux. Inutile de vous dire que je l’ai signé pour des raisons purement réglementaires puisque le directeur de la santé doit donner un avis conforme, cet arrêté ayant été préparé par le directeur du SCPRI.

Les autorisations de rejet n’ont pas bougé depuis. C’est un point à souligner. Elles permettent de rejeter 1,4 terabecquerel pour les éléments autres que le tritium, le potassium 40 et le radium, et 110 terabecquerels de tritium (les normes pour le tritium sont 100 fois plus tolérantes que pour les autres éléments).

M. BIRRAUX – Les mesures que vous avez faites étaient inférieures à 150 becquerels (tera est égal à 1012) ?

M. LACRONIQUE – La plupart de nos mesures sont même inférieures au seuil de détection. Nous pouvons descendre aux alentours du becquerel par litre quand nous faisons des mesures longues. La plupart des mesures ont été faites par notre ingénieur sur place et dans ce cas la limite est plus élevée (100 becquerels/litre de tritium étant ce que l’on considère comme étant la limite de potabilité par l’OMS).

M. LACOSTE – La radioactivité rejetée lors de l’incident par rejet dans la Gironde de l’eau qui avait inondé une partie du site est équivalente aux rejets normaux de la centrale pendant une journée.

C’est un ordre de grandeur qui majore très sûrement les choses mais nous avions décidé d’être conservatifs, nous le sommes. "

Du point de vue de la radioprotection cet incident n’a eu aucune conséquence sur la salubrité de l’environnement d’autant qu’à aucun moment l’eau n’a été au contact de matière radioactive.

Toutefois une réflexion doit être conduite aux yeux de votre Rapporteur pour examiner la possibilité de mise en place de dispositifs permettant une analyse plus rapprochée des rejets d’eau. Dans le cas d’espèce, les autorités ont pu agir comme elles l’ont fait car l’eau n’avait pas atteint des parties du bâtiment susceptibles d’être contaminées par de la radioactivité ; si tel avait été le cas il aurait été nécessaire d’étaler le pompage sur une plus longue période, ce qui n’est pas satisfaisant.

III-Le voisinage des installations nucléaires

Une remarque de bon sens s’impose, les observations de ce chapitre vont au-delà des seules centrales nucléaires et valent pour toutes les installations nucléaires de base.

Il est clair pour votre Rapporteur que dans les mois qui viennent, les études et les exercices doivent porter sur des scénari ou l’environnement des installations est désorganisé. Il est clair, par exemple que dans la nuit du 27 au 28 décembre aucune évacuation n’était possible et que la mise en œuvre de la politique de distribution de pastille d’iode démontre son utilité.

Il faut être en mesure de rompre rapidement si cela est nécessaire l’isolement d’un site quelqu’en soit la cause ( verglas, gel, inondation, neige, arbres…).

 

IV-Mieux évaluer les risques liés à l’environnement

Le plus important des enseignements de l’incident du Blayais est la nécessité de réévaluer les risques externes naturels.

Il convient en particulier de repenser la protection contre les inondations

En premier lieu en termes de protection des sites : Pour cela, il est nécessaire de ne pas se caler sur les derniers séismes connus à l’échelle historique mais considérer que la France métropolitaine n’est pas à l’abri de mouvements exceptionnels de type ouragan ou cyclone.

En clair, la crue millénaire connue ne peut plus être considérée comme le référentiel exclusif et nous savons aujourd’hui qu’il faut envisager des phénomènes climatiques dont l’histoire récente n’a pas gardé la trace.

S’agissant des centrales implantées en bord de mer ou dans les estuaires, les études sont probablement à reprendre à deux niveaux :

-Améliorer la protection externe contre les éléments (digue de type brise lame enrochée)

-Améliorer la protection interne des centrales en s’inspirant des navires et en assurant un compartimentage des parties en sous-sol ou en rez de chaussée, par la mise en place de portes capables de résister à la pression de l’eau et en augmentant substantiellement la puissance des pompes qui doivent être capables de travailler en étant immergées.

En second lieu il faut repenser la protection des locaux.

La première des protection du site tient bien sûr à la hauteur de la plate-forme et à la qualité des protection, de type digue. Mais de l’eau peut s’infiltrer, suite à d’autres phénomènes, tel que des orages.

Or, l’incident du Blayais a mis en évidence des faiblesses auxquelles il doit être remédié : Les porte coupe-feux n’avaient pas été prévues pour résister à la pression de l’eau. Il convient de les doubler d’une porte étanche. Et le produit isolant les gaines lors de la traversée des murs censé tenir avec une pression de 6 m n’a pas résisté à l’eau.

Il ne faut pas non plus oublier des installations non-nucléaires importantes tel que le standard téléphonique qui, par exemple à Nogent-sur-Marne se trouve en zone inondable.

a) L’exemple d’une réflexion actualisée sur le risque d’inondation de la centrale de Fessenheim :

Parmi les centrales susceptibles de courir un risque se trouve celle de Fessenheim, située en dessous d’un canal. L’analyse qui suit des mesures prises dans cette centrale montre la nécessité d’une vigilance accrue sur l’environnement des centrales.

A la conception, la tenue de la digue aux séismes majeurs a été démontrée.

Dans le cadre du réexamen de sûreté, le SMHV a été réévalué et un séisme proche a été pris en considération. Les études réalisées dans ce cadre ont montré que :

i les effets du séisme proche sur la digue sont moindres que ceux engendrés par le SMS (le SMS est enveloppé dans le domaine des fréquences propres de l’ouvrage).

i le SMHV réévalué ne remet pas en cause la conception initiale qui prenait pour référence le SMS.

Dans ce même cadre, il a été procédé, suite à la demande de l’AS, à la vérification de la tenue sismique de la digue du bief de Fessenheim et de la prise d’eau du site suivant les méthodes de calcul actuellement retenues pour ce type d’études.

Le bief de Fessenheim est constitué des digues entre les deux usines hydrauliques encadrant le CNPE de Fessenheim, à savoir : Ottmarsheim situé à environ 13 km en amont du site et Fessenheim situé à environ 2 km en aval.

Stabilité des ouvrages en cas de séismes majeurs

En fonctionnement normal, le risque d’une saturation en eau de la digue est écarté par la surveillance visuelle et piézométrique suffisamment fine et fréquente. Le réseau piézométrique a été doublé en 1996 (rive gauche : un puits tous les 250 m – rive droite : tous les 500 m).

En cas de détection d’infiltration, il est procédé à l’identification de l’origine de l’infiltration et ensuite à la réfection suivant des procédés traditionnels.

La vérification réalisée dans le cadre du réexamen de sûreté a permis de conclure à la stabilité de la digue du bief et de la prise d’eau en cas de SMS en prenant en considération une digue sèche (des infiltrations d’eau ne sont pas à écarter). Par ailleurs, la stabilité de la digue saturée en eau en cas de réplique a été vérifiée.

Ces conclusions qui ont été transmises à l’AS, lui ont été présentées en réunion sans donner lieu à remise en cause de sa part (aucun retour écrit à ce jour).

Infiltration d’eau après un séisme majeur

Les ouvrages sont stables en cas de séisme ; néanmoins, un léger déplacement des digues est à prendre en considération (pour la digue rive gauche du bief – côté du CNPE -, déplacement de l’ordre de 20 cm pour un ouvrage qui à la base fait 80 m).

L’étanchéité de la digue est assurée par l’existence sur le remblai côté canal, de dalles posées les unes contre les autres avec un dispositif d’étanchéité. Le déplacement de la digue après un séisme majeur est susceptible de créer des inétanchéités et donc des infiltrations d’eau dans le corps de la digue, générant ainsi des ruissellements et des suintements côté plaine à la base de la digue.

 

 

3 types de ruissellements sont à considérer :

  1. les ruissellements en aval du CNPE : pas d’effet sur le site.
  2. les ruissellements au niveau de la prise d’eau : effet direct à l’intérieur du site.
  3. Solution préventive retenue : drainage à la base de la digue vers le réseau SEO du site. Les travaux doivent commencer en avril 2000 et devraient durer plusieurs mois (objectif : réaliser ces travaux entre les VD2 des deux tranches).

  4. les ruissellements en amont du CNPE : cumul des ruissellements en amont, qui peuvent pénétrer au moins en partie sur le site.

Solution préventive retenue : sur la base d’une estimation des débits résultants (hypothèse retenue : cumul des ruissellements sur 2 km en amont), mise en place d’un avaloir à l’intérieur du site captant l’eau avant qu’elle n’atteigne les bâtiments et d’une canalisation drainant l’eau vers le côté aval du site par rapport aux bâtiments avec rejet dans le grand collecteur de rejet SEO du site.

Les travaux sont prévus au premier semestre 2001 pour une durée d’environ 6 mois.

Par ailleurs, en ce qui concerne la prise d’eau, le bouchon situé à son extrémité (fond de la prise d’eau) est constitué d’un assemblage : (en partant côté eau) de palplanche, d’un remblai, de palplanche et d’un talus incliné (côté plaine). Le déplacement de ce bouchon après un séisme pouvant être plus important du fait que le talus incliné repose sur du béton (sa stabilité étant acquise) ; ce glissement étant favorisé si saturation en eau du talus.

Il est retenu de recharger le talus (évitant son glissement) et de drainer en fonctionnement normal le remblai entre les palplanches garantissant l’assèchement du talus. Ces travaux doivent commencer en avril 2000.

Au niveau de la prise d’eau au droit des traversées des tuyauteries BONNA, les infiltrations d’eau post-séisme peuvent entraîner un risque d’érosion évolutive. Pour éviter que l’érosion ne s’amplifie, des injections de coulis de ciment perpendiculairement aux tuyauteries sont prévues à l’occasion des travaux débutant en avril 2000.

Enfin, au titre de la défense en profondeur, des parades actives sont possibles après séisme :

  • possibilité de procéder à des rechargements en pieds de la digue.
  • Possibilité d’abaisser le niveau d’eau du bief de Fessenheim par le biais des centrales hydrauliques de Ottmarsheim et de Fessenheim (limitation du débit de ruissellement).

L’ensemble de ces éléments sur les infiltrations ont fait l’objet d’un dossier transmis à l’AS au premier semestre 1998 (les dates des travaux n’ont peut-être pas été communiquées) qui n’a pas donné suite à ce jour.

 

 

 

 

 

 

Conclusion :

La stabilité des ouvrages a été démontrée en cas de SMS.

Des ruissellements sont pris en considération et des travaux sur le site sont prévus en 2000 et 2001 pour les maîtriser.

En outre, des parades actives sont possibles après séisme pour limiter les ruissellements.

 

b) Les problèmes techniques

Les dispositifs de mesure et d’alerte :

Deux problèmes ont été soulignés : le fait que les alarmes soient regroupées ne facilite pas l’analyse et la retransmission des données du marégraphe était défectueuse avant l’incident .

En outre une fois que les capteurs ont été inondés, il n’existait pas de dispositif permettant d’évaluer avec précision l’ampleur de l’inondation. Accroître l’étendue du dispositif de mesure apparaît nécessaire pour faciliter le diagnostic.

La chronologie détaillée dans le chapitre I illustre les difficultés qu’ont eu les équipes pour procéder à un diagnostic rapide et précis de la situation, il convient de se pencher sérieusement sur ce problème.

 

V-La communication

 

La communication dans l’incident du Blayais a été incontestablement déficiente. Les hommes ne sont pas en cause car tel qu’est conçu le système de communication et tel qu’il fonctionne, il était difficile de faire mieux.

Un certain nombre de dysfonctionnement sont évidents :

Le Président de la CLI a été informé par les communiqué de presse. Certes du fait de la tempête, les priorités des élus étaient ailleurs, mais il est regrettable qu’après la crise, la CLI n’ait pas été réunie rapidement.

a) La complexité de la communication externe et la validation des communiqués par Paris

La question à la base de cette problématique est de définir si en cas d’incident l’installation doit informer ou communiquer. Les deux notions ne se recoupent pas et cette question, largement débattue au cours de l’audition publique, est source de divergence entre votre Rapporteur et EDF.

Pour être transparente l’entreprise doit distinguer la communication, qui est du ressort du siège, de l’information factuelle qui devrait être de la seule responsabilité des sites.

Une des conclusions de la mission CURIEN, à laquelle a participé votre Rapporteur, était que les sites doivent communiquer sur le factuel. L’analyse du retour d’expérience de Civaux l’an dernier a convaincu votre Rapporteur de la nécessité d’affranchir les sites de ce contrôle .

La simple lecture des communiqués de presse d’EDF qui sont annexés au présent rapport montre qu’il a fallu attendre le huitième communiqué pour disposer d’une information compréhensible.

Un délai minimal de deux heures pour pouvoir communiquer est excessif en période de crise.

 

b)La communication interne

Il convient également de veiller sur l’information des personnels et EDF gagnerait à mieux associer son personnel à la communication sur les incidents qui peuvent survenir dans ses installations. Lorsque votre Rapporteur s’est rendu à la centrale du Blayais, trois semaines après l’incident, ni la CLI ni le comité d’hygiène et de sécurité ne s’étaient réunis. Retard qui constitue probablement une erreur. Une réunion plus précoce de ces instances aurait pu aider à lutter contre certaines rumeurs.

Le retard des médias à traiter d’un incident de niveau 2 pose également problème. Nous avons pu constater le 28 décembre que la saturation de l’information pouvait exister. Comment communiquer efficacement dans une telle situation ?

La réponse n’est probablement pas aisée mais la réflexion pour mieux apprécier cette situation doit être entreprise sans délais.

L’implication de l’autorité préfectorale dans la gestion de la communication aurait probablement pu être plus importante. Il est vrai que dans le cas du Blayais, la tempête a occupé l’attention des autorités mais, sur ces questions très techniques, l’information du corps préfectoral est probablement à améliorer et il serait pertinent, lorsque des centrales nucléaires relèvent de plusieurs préfectures (Nogent, Golfech..), d’attribuer un rôle pilote à l’une d’elle pour à ce niveau, avoir une unité de communication.

 

 

CHAPITRE V

LES RECOMMANDATIONS

     

1ère : Le réexamen de la situation de chaque site vis-à-vis du risque inondation demandé par la DSIN et engagé sans délais par EDF recueille l’approbation totale du rapporteur.

Les conclusions de ces analyses doivent être rendues publiques et, dans un souci de transparence, faire l’objet d’un débat devant les CLI.

 

2ème : Le concept de défense en profondeur doit être étendu en matière de lutte contre les éléments extérieurs : i voies d’accès libres

i étanchéité de la plate-forme

 

3ème : L’exploitant est invité à réexaminer les conditions de mise en œuvre du PUI, en particulier la gestion du personnel d’astreinte.

 

4ème : Les Préfets sont invités, à la lumière du retour d’expérience du Blayais, à réexaminer les conditions de mise en œuvre des PPI, en liaison avec les CLI.

 

5ème  : Le rapporteur rappelle à EDF les conclusions du rapport Curien de 1999, qui souligne fortement la nécessité de permettre aux sites d’informer sur les faits, l’échelon central communiquant sur leur analyse.

 

6ème : Le rapporteur rappelle son attachement au bon fonctionnement des CLI qui doivent jouer un rôle majeur dans l’information du public et des élus locaux, encore faut-il qu’elles soient réactives et se réunissent dès que possible après un incident.

 

 

CONCLUSION

 

 

 

Incident ou accident ?

 

 

Dans un domaine aussi sensible que celui de l’énergie nucléaire, l’emploi des mots justes est important pour éviter toute manipulation ou désinformation dans un sens ou dans l’autre.

Aussi est-il souhaitable, avant de faire le point très précisément sur les dysfonctionnements qui sont intervenus dans le fonctionnement de cette centrale durant la nuit du 27 au 28 décembre 1999, de qualifier sommairement ces événements.

Nous n’étions pas dans une situation dramatique car l’inondation du bâtiment combustible a affecté l’un des circuits de secours et non le réacteur proprement dit.

En ce sens, il est difficile de parler d’accident au sens commun du terme mais plus, d’incident sérieux : à aucun moment nous ne sommes trouvés en présence d’une défaillance du réacteur lui-même mais de systèmes de sécurité redondant. L’image la plus exacte est peut être celle de la voiture dont le freinage normal fonctionne mais non le frein à main et les airbags, elle peut continuer à rouler mais son niveau de sécurité n’est pas satisfaisant.

Aussi parler d’accident au sens de Three-Milles-Island ou de Tchernobyl est-il non seulement excessif mais intellectuellement malhonnête.

Les faits sont les suivants : les vagues provoquées par la tempête dans l’estuaire de la Gironde ont entraîné la perte d’une des deux voies du système de refroidissement par le fleuve du réacteur 1, ainsi que l’indisponibilité de deux systèmes de sauvegarde des réacteurs 1 et 2 (système d’injection d’eau de sécurité dans le réacteur (circuit RIS) et système d’aspersion du réacteur (circuit EAS)). Des équipements électriques en sous-sol ont également étés touchés.

Le système d’évacuation par le fleuve, qui permet d’évacuer la puissance résiduelle des réacteurs, est redondant. Une seule des deux voies indépendantes qui le constitue permet d’assurer cette fonction et en cas de perte totale, un refroidissement par les générateurs de vapeur est possible.

Les circuits RIS et RAS ne sont sollicités qu’en situation accidentelle et ces circuits sont également redondants

 

 

 

 

Aussi est-il exagéré de soutenir que nous avons frisé la crise grave car, pour cela, il aurait fallu deux incidents supplémentaires : même si le circuit SEC avait été perdu, il aurait été possible d’assurer le refroidissement par les générateurs de vapeur.

La simple honnêteté commande de souligner qu’à aucun moment il n’y a eu de risque d’accident majeur de type fusion du cœur et qu’aucune mesure de précaution concernant la population n’a du être envisagée.

 

Quelques questions sur l’incident de la centrale nucléaire

du Blayais du 27 décembre 1999

 

Réponse de l’institution concernée

(analysée par le Rapporteur)

Analyse du Rapporteur

Question 1 : Pourquoi l’exploitant a-t-il déclenché le plan d’urgence interne à 9 h00 le 28 décembre 1999 ?

Du fait de la perte de systèmes de sauvegarde, redondants.

Il était normal de le déclencher au regard des circonstances.

Question 2 :Pourquoi ce délai de 12 heures entre le début de l’incident et l’alerte ?

Les difficultés d’évaluation de l’ampleur de l’inondation.

Les difficultés d’évaluation ont surpris votre Rapporteur.

Question n°3 : En cas d’aggravation de la situation, s’il avait fallu prendre des mesures d’évacuation de la population, cela aurait-il été possible dans le contexte de la tempête (route coupée, absence de courants…) ?

Non.

Non, d’où l’utilité des distributions de pastille d’iode.

Question n°4 : L’organisation de crise a-t-elle envisagé la mise en place de dispositifs d’évacuation le cas échéant ?

Non, à aucun moment cela n’a été nécessaire.

Sentiment partagé, à aucun moment nous n’avons approché une situation, où une telle hypothèse méritait d’être envisagée.

Question n°5 : La route d’accès à la centrale a-t-elle été coupée ? Combien de temps ? Le dégagement permanent d’une voie d’accès ne fait–il pas partie intégrante de la sûreté de l’installation 

Oui.

Environ huit heures.

Certainement.

Le cas du Blayais est loin d’être unique. Une réflexion débouchant sur des mesures concrètes est urgente.

Question n°6 : Est-on certain que l’eau pompée de la centrale et rejetée dans la centrale a été correctement analysée, en situation d’urgence ?

 

Oui.

Oui, d’autant qu’à aucun moment l’eau n’a été au contact de matières nucléaires.

Question n°7 : Est-il exact que certains moyens de communication avec la centrale ont pu être interrompus ?

 

 

Question n°8 : Comment se fait-il que les galeries souterraines n’aient pas été conçues pour interdire le passage de l’eau ? Pourquoi les portes coupe-feu ont-elles cédé ?

Elles n’auraient pas dû permettre une diffusion aussi rapide de l’eau, certains matériaux employés n’ont pas eu la résistance attendue.

Le risque incendie a été privilégié et le risque d’inondation n’a pas été véritablement pris en compte.

Question n°9 : Plus généralement comment se fait-il qu’à trois reprises le risque d’inondation ait du être réévalué ?

Les derniers événements montrent que cette réévaluation n’étaient pas suffisante, ne faut-il pas se pencher sur les bases de calcul ?

Les bases de calcul n’étaient pas adaptées.

 

 

Cela est en cours.

On ne peut que le constater.

 

 

 

Les résultats devront être rendus publics.

Question n°10 : Pourquoi les travaux de surélévation de la digue ont-ils tardé ? Pourquoi pour des travaux de ce type attendre la révision décennale du réacteur n°1 en 2002 ?

Souci de regrouper les travaux pour éviter qu’une centrale ne soit en permanence en travaux.

Les travaux n’auraient pas suffit.

Les avoir repoussé a été une erreur, car il s’agissait d’améliorer la sécurité du site.

Question n°11 : La DSIN a subordonné le redémarrage de la centrale à des garanties suffisantes contre les inondations. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Oui, cf. lettre de la DSIN figurant au chapitre 3.

Oui.

Question n°12 : D’autres centrales sont-elles susceptibles de rencontrer ce type d’incident ?

Oui, l’IPSN a évalué ce risque.

cf. rapport annexé.

La réflexion est en cours. Il convient d’être vigilant sur la mise en œuvre des mesures proposées, les informations dégagées doivent être publiées.

Question n°13 : Pourquoi la Ministre de l’environnement s’est-elle estimée mal informée ?

Elle a été informée en temps et heure.

Difficilement compréhensible.

Question n°14 : Quelles mesures ont été prises par la DSIN pour remplir son devoir d’information ?

Ses communiqués de presse ont été régulièrement publiés, mais ils n’ont pas été repris par la presse, l’information étant saturée.

Ses communiqués de presse sont annexés au Rapport.

Question n°15 :A quelle hauteur les digues doivent-elles être surélevées pour éviter qu’un tel incident ne se reproduise ?

Deux problèmes doivent être distingués. La nécessité d’un ouvrage brise-lame pour garantir la solidité de la digue et sa hauteur ; des études sont en cours pour définir la hauteur optimale.

Il ne peut qu’être pris acte des mesures annoncées ; le Rapporteur tient à ce qu’elles soient rendues publiques.

Question n°16 : Pourquoi le combustible s’est-il trouvé au contact de l’eau ?

Cette information est fausse.

Le Rapporteur s’est rendu sur place, cette information est absolument fausse.

 

 

ADOPTION DU RAPPORT PAR L’OFFICE

 

 

L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a procédé, dans sa séance du mercredi 5 avril 2000, à l’examen des conclusions de la première partie du rapport sur le contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires : analyse des incidents survenus à la centrale nucléaire du Blayais lors de la tempête du 27 décembre 1999 : enseignements sur le risque d’inondation des installations nucléaires, de M. Claude Birraux, député.

 

M. Henri Revol, sénateur, président, s’est félicité de ce que l’organisation rapide d’auditions publiques et contradictoires par l’office, le 3 février dernier, ait abouti à délivrer à l’opinion une information objective, sereine et équilibrée sur les incidents survenus à la centrale du Blayais. Ces auditions ont contribué à dépassionner le débat, ce qui est conforme à la vocation de l’office. Il a fait part à l’office de son souhait de pouvoir rendre plus systématique ce type de réaction à des événements entrant dans ses domaines d’attribution.

M. Claude Birraux, député, rapporteur, a rappelé que, depuis le 2 mai 1990, il était en charge, par le biais d’une saisine de l’office renouvelée chaque année, d’analyser, entre autres, " la fiabilité des dispositifs prévus à l’intérieur et à l’extérieur des installations nucléaires pour les périodes de crise ".

Il a souligné qu’il existait, au-delà des incidents survenus à la centrale du Blayais, une raison forte à la publication rapide de ce rapport : des défaillances insoupçonnées, mais inquiétantes, dans la protection des installations nucléaires civiles contre le risque d’inondation ont été mises en évidence, ce qui a ébranlé quelques certitudes. L’organisation et la conception de la sûreté et de la sécurité des centrales ont été pensées dans un environnement extérieur calme et serein. Or, il est apparu que ces procédures pouvaient être inopérantes dans un environnement hostile, comme celui qui a caractérisé les grandes tempêtes du mois de décembre dernier.

Après avoir précisé la méthodologie suivie, le rapporteur a indiqué que son étude rappelait la chronologie des faits et la chronologie de la communication, avant de faire l’analyse de cet incident :

- la première question est celle de savoir pourquoi l’eau a pu atteindre la plate-forme de la centrale ? Le fait que des vagues en provenance de l’estuaire de la Gironde aient pu passer au-dessus de la protection signifie qu’une erreur a été commise dans la conception de la plate-forme. Ceci est admis sans difficulté par Électricité de France (EDF). Mais les travaux prévus en 2000 ont été repoussés en 2002 par EDF. Si les arguments techniques invoqués par EDF ont quelque pertinence, ils ne doivent, en aucun cas, servir d’alibi pour retarder des travaux de sécurité jugés nécessaires ;

- les agents EDF ont traité la crise avec une grande maîtrise. Il en est de même de la Direction de la sûreté des installations nucléaires (DSIN), de la Direction régionale de l’industrie et de l’environnement (DRIRE), de l’Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN), et de l’Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI). Sur le suivi de la crise, et en dépit des difficultés de communications, ces quatre organismes ont été réactifs en temps et en heure, performants et opérationnels tout au long de la crise ;

- enfin, le retour d’expérience a été extrêmement rapide : l’analyse de l’IPSN sur le risque d’inondation de l’ensemble des sites nucléaires a été conduite avec célérité. L’autorité de sûreté a, elle aussi, tiré rapidement les leçons de ce retour d’expérience, et a fixé des objectifs précis et des échéances à l’exploitant.

Mais, a ajouté le rapporteur, par delà le problème de la digue, évoqué dans l’analyse de l’incident, d’autres points faibles demeurent préoccupants.

Il en est ainsi du concept de défense en profondeur avec barrières successives, qui s’est révélé insuffisant -certes dans une partie où l’" électron " n’est pas en jeu-, mais l’eau n’aurait jamais dû entrer dans le bâtiment réacteur. Les dispositifs d’alerte se sont montrés sans efficacité. Dès lors, il convient d’intégrer, dans la réflexion sur le concept de sûreté, des éléments naturels extérieurs perturbateurs, ainsi que la sûreté propre à des installations non nucléaires connexes.

Par ailleurs, a poursuivi M. Claude Birraux, député, rapporteur, il convient de conduire une réflexion sur les conditions pratiques de mise en œuvre des plans d’urgence et d’intervention pour assurer, en toutes circonstances, même extrêmes, l’accès au site des équipes d’astreinte ou de secours.

De façon tout aussi préoccupante, le rapporteur a souligné les dysfonctionnements de la communication : système trop rigide et validation par l’échelon central des communiqués du site, à l’échelon de l’exploitant ; recours trop lent à la commission locale d’information.

Enfin, M. Claude Birraux, député, rapporteur, a rappelé que, dans un domaine aussi sensible que celui de l’énergie nucléaire, l’emploi des mots justes est important pour éviter toute manipulation ou désinformation dans tout sens.

Mais, a-t-il poursuivi, s’il s’agit de qualifier précisément les dysfonctionnements qui sont intervenus dans la nuit du 27 au 28 décembre 1999, au cours de laquelle l’inondation du bâtiment combustible n’a pas affecté le réacteur, on ne doit pas parler d’accident, mais plutôt d’incident sérieux.

Il est exagéré, a-t-il ajouté, de soutenir que nous avons frôlé la crise grave. Parler, à ce titre, d’accident au sens de Three Milles Island ou de Tchernobyl est, non seulement excessif, mais intellectuellement malhonnête.

La simple honnêteté, a conclu le rapporteur, commande donc de souligner qu’à aucun moment, il n’y a eu de risque d’accident majeur, type fusion du cœur, et qu’aucune mesure de précaution concernant la population n’a dû être envisagée.

Pour M. Christian Bataille, député, le rapport est exemplaire, car il a permis d’empêcher la déformation de la vérité, parfois constatée dans certains médias, et contraste avec les effets désastreux de la " mission granit ", envoyée par le Gouvernement dans certains départements. Sur ce dernier point, il a suggéré que l’office se place en situation de veille afin d’aider à la diffusion d’une information honnête et transparente.

M. Robert Galley, député, s’est félicité de ce que l’office apparaisse bien, à travers ce rapport, comme un organisme indépendant disposant d’une certaine autorité morale. Ceci illustre les vertus d’une réaction rapide, et conduit à se poser la question de la faculté pour l’office de disposer d’une possibilité d’autosaisine, lors d’incidents survenant dans des domaines qu’il aurait déjà traités.

En réponse aux intervenants, M. Claude Birraux, député, rapporteur, a indiqué qu’il partageait le sentiment de M. Christian Bataille, député, et souligné, l’exemple de l’audition organisée le 3 février dernier à l’appui, l’intérêt d’organiser un débat ouvert et contradictoire.

M. Pierre Laffitte, sénateur, s’est demandé si, dans le prolongement de cet exemple, il ne conviendrait pas de mettre au point un mécanisme permettant d’assurer un suivi des saisines, même après le rendu des rapports.

En conclusion, M. Henri Revol, sénateur, président, a noté que la chance de l’office avait été de disposer d’un parlementaire titulaire d’une saisine au moment de cet incident, ce qui n’est pas toujours le cas, mais que la réflexion devait se poursuivre sur l’organisation d’une capacité de réaction rapide de l’office à certains événements.

A l’issue de cet échange de vues, l’office a adopté à l’unanimité la première partie du rapport et les recommandations de M. Claude Birraux, député.

 

 

ANNEXES

 

 

· Compte–rendu de l’audition du jeudi 3 février 2000

· Rapport de l’IPSN

· Communiqués de presse d’EDF
· Communiqués de presse de l’autorité de sûreté
(
pour des raisons techniques, ces deux dernières annexes, qui figurent dans le document imprimé, ne sont pas disponibles en ligne)

Compte-rendu de l’audition du Jeudi 3 Février 2000

Ouverture de la séance à 10h20 sous la présidence de Monsieur REVOL

Monsieur REVOL

Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue et de vous remercier d’avoir bien voulu vous rendre à cette audition publique organisée par l’Office parlementaire.

Lorsque, dans la nuit du 27 décembre 1999, une inondation a affecté la centrale nucléaire du Blayais, quelques jours après des informations sont apparues sur les chaînes de télévision et dans la presse écrite qui pouvaient être très alarmantes pour les auditeurs ou les lecteurs et j’ai souhaité, en tant que président de l’Office parlementaire, demander à Claude BIRRAUX, qui accomplit déjà pour l’Office un certain nombre de travaux sur la sûreté nucléaire, s’il accepterait une mission d’information.

L’Office réunit des sénateurs et des députés, il a dans le passé déjà fait beaucoup de travaux sur la sûreté nucléaire en général, les déchets nucléaires. Monsieur BATAILLE a été à l’origine de travaux importants dans ce domaine et Claude BIRRAUX a lui aussi beaucoup travaillé sur ce sujet.

Je lui ai demandé, il a accepté et il a pensé qu’il était bon d’organiser, comme il le fait souvent dans le cadre des rapports qui lui sont confiés, une audition publique.

Je remercie d’avoir bien voulu accepter de venir répondre aux questions des parlementaires de l’Office :

    • Monsieur François ROUSSELY, président d’Electricité de France,
    • Monsieur Michel LIVOLANT, directeur de l’Institut de protection et de sûreté nucléaire,
    • Monsieur Jean-François LACRONIQUE, directeur de l’Office de protection contre les rayons ionisants,
    • Monsieur André-Claude LACOSTE, directeur de la Direction de la sûreté des installations nucléaires,
    • Monsieur Jacques DESCHAMPS du Comité interministériel de la sûreté nucléaire.

Je vais laisser la parole à Claude BIRRAUX afin qu’il vous indique comment nous allons organiser cette audition et comment se déroulera cette matinée.

M. BIRRAUX

Merci Monsieur le Président.

Permettez-moi également de remercier les personnalités qui ont accepté de répondre à notre invitation pour participer à cette audition ouverte à la presse et à l’ensemble des membres du Parlement sur ce que chacun appelle "l’incident du Blayais".

Les auditions ouvertes à la presse sont une tradition dans le travail de l’Office parlementaire et il a semblé au rapporteur, en accord avec ses collègues, le président de l’Office parlementaire et le premier vice-président, que c’était le moyen de réunir l’ensemble des acteurs pour faire le point avec eux de manière qu’aucune des questions posées ne reste dans l’ombre.

Je vous propose que nous nous concentrions sur cinq points.

En premier lieu, je demanderai à Monsieur STRICKER de nous rappeler brièvement la chronologie des faits pour que chacun l’ait bien en tête avant d’aborder le débat.

Le second point portera sur le rôle des différents acteurs, le fonctionnement des cellules de crise (Qui fait quoi ? A quel moment ? Quelles sont les relations et les interactions entre les différents acteurs de ces cellules de crise ?).

Le troisième point consistera à examiner la gravité réelle de la crise puisque certains n’ont pas hésité à dire que nous étions à deux heures moins le quart avant Tchernobyl. Il s’agira de voir quelle est la réalité de cette gravité de crise, parallèlement quel danger ou absence de danger pour les populations, c’est-à-dire les mesures de radioactivité dans l’environnement, la quantité, et la façon dont le contrôle a été fait pendant et depuis.

Le quatrième point abordera le retour d’expérience, c’est-à-dire les enseignements qui ont d’ores et déjà été tirés à ce stade par les différents acteurs, que ce soit l’entreprise EDF, l’autorité de sûreté, l’IPSN qui a déjà publié un rapport sur la situation d’autres centrales ou l’organisation de crise qui relève de la sécurité civile.

Le dernier point sera la gestion de la communication, la façon dont le public, les élus et les médias ont été informés et les interactions entre les différents acteurs : qui a fait quoi et de quelle manière ?

M. STRICKER (directeur de la division Production Nucléaire d’EDF)

Je vais projeter quelques images qui devraient vous permettre de visualiser assez bien ce qui s’est passé dans la nuit du 27 au 28 décembre.

Ceci va vous permettre de visualiser de manière schématique l’installation proprement dite avant la tempête avec les 4 réacteurs de l’installation en milieu de page.

En haut à droite se trouve le poste électrique d’alimentation à haute tension qui permet d’évacuer l’énergie produite par les installations. Sur la gauche, un autre poste électrique de 225 kV permet d’avoir une alimentation auxiliaire en cas de défaillance du premier.

En dessous des réacteurs, nous avons une série de moteurs diesel (2 par réacteur) en cas de panne simultanée des alimentations normales 400 000 et des alimentations auxiliaires 225 000.

En dessous sont schématisées les stations de pompage qui vont puiser l’eau dans la Gironde.

Le premier événement, le lundi soir, a été la perte du 225 000 volts ; les intempéries se sont traduites par une coupure des alimentations auxiliaires et une absence d’alimentation complémentaire de la centrale, sans aucune autre conséquence puisque le poste principal 400 000 volts continuaient à être en fonctionnement et les réacteurs en service continuaient à fonctionner (1, 2 et 4), le 3 étant en arrêt pour entretien.

Ceci s’est passé en deux temps : 18 heures pour une première ligne et 19 h 30 pour une deuxième.

En deuxième et troisième étapes, on a constaté une montée de l’eau qui est arrivée sur le site de différents endroits. Tout d’abord du marais, l’eau a contourné le site et a noyé sa route d’accès la rendant inaccessible pendant plusieurs heures. Cela nous a empêchés de faire venir des techniciens d’astreinte et notamment de faire la relève de quart prévue à 21 heures. Les digues du marais ont été insuffisamment efficaces.

L’eau est aussi venue de la Gironde par des vagues qui ont franchi la digue vers les tranches 1 et 2 et qui sont à l’origine de l’inondation des locaux.

Quatrième étape : ce que l’on appelle la perte de l’alimentation électrique. Nous avions déjà une absence d’alimentation électrique et auxiliaire sur le 225 000 volts mais les réacteurs 2 et 4, du fait des intempéries et de leurs conséquences sur le réseau, ont disjoncté.

Quand il y a des intensités dans les lignes supérieures à ce qu’il est prévu d’avoir, des protections d’alternateurs font que les disjoncteurs s’ouvrent automatiquement. C’est ce qui s’est passé à 20 h 50 sur les réacteurs 2 et 4 entraînant l’arrêt automatique des installations de production, et simultanément la mise en marche des moteurs diesel prévus à cet effet quand on n’a plus ni le 400 000 volts ni le 225 kV.

A 20 h 50, il restait sur le réseau la tranche 1, les tranches 2 et 4 venaient de s’arrêter, la tranche 3 restant à l’arrêt.

Cinquième étape : les opérations d’exploitation ont permis d’embrancher à nouveau les disjoncteurs sans avoir les inconvénients de surtensions. Ceci nous a permis de retrouver l’alimentation électrique par le réseau 400 000 volts disponible et alimenté, même s’il y avait des difficultés sur ce réseau. A 23 h 30, le 400 000 volts a été à nouveau disponible sur la tranche 4, ce qui a permis d’arrêter les moteurs diesel correspondants.

Même opération un peu plus tard sur la tranche 2 : remise sous tension de l’arrivée du 400 000 volts et arrêt des diesels de la tranche correspondante.

Nous nous sommes retrouvés à 23 h 20 dans une situation avec les tranches 2, 3 et 4 arrêtées et des alimentations électriques avec le 225 000 volts indisponible, le 400 000 volts disponible, les diesels disponibles à l’arrêt.

Un peu plus tard, à 0 h 30, le réacteur 1 a été arrêté automatiquement suite à de l’eau qui a été détectée dans les sous-sols des bâtiments auxiliaires. Dans les bâtiments qui servent à stocker le combustible, on trouve dans les sous-sols des pompes de sauvegarde qui servent en cas d’accident, ces pompes ont été noyées ; par ailleurs des pompes de la station de pompage n’ont pas été noyées à 0 h 30 mais par la suite dans le courant de la nuit.

 

M. BIRRAUX 

Etait-ce un arrêt automatique ou la conduite qui a fait descendre les barres ?

M. STRICKER

C’était un arrêt automatique également.

Avant cet arrêt automatique, le réacteur fonctionnait en réseau séparé, le réacteur de Blayais 1 alimentait seul la ville de Bordeaux pendant que la centrale de Golfech alimentait seule la ville de Toulouse. C’est un élément à connaître dans la manière dont l’exploitant a réagi.

A 1 h 20, les opérations de redémarrage sur le réacteur n°4 qui avaient été engagées dès le retour du 400 000 volts ont permis de redémarrer le réacteur n°4 et ainsi de participer à la stabilisation du réseau dans le Sud-Ouest qui en avait bien besoin.

Voilà les événements successifs.

Le lendemain matin, l’état de la centrale était le suivant : le 225 000 volts a été retrouvé, le 400 000 également, les moteurs diesel étaient à l’arrêt, 3 réacteurs étaient à l’arrêt (1, 2 et 3), le n°4 étant disponible pour redémarrer.

Un dernier mot pour montrer, d’un point de vue sûreté nucléaire, comment l’installation a été refroidie puisque, pour l’exploitant nucléaire, le point important est de refroidir en permanence le coeur du réacteur, même quand il est à l’arrêt. Pour cela, deux voies sont possibles : soit les générateurs de vapeur, soit un circuit particulier qui sert à refroidir le réacteur quand il est à l’arrêt.

Le choix de l’exploitant a consisté à refroidir le réacteur par le générateur de vapeur, tout en étant à des conditions techniques qui permettaient de basculer instantanément sur ce circuit de réfrigération complémentaire qui a toujours été disponible.

Les générateurs de vapeur eux-mêmes étaient alimentés par trois pompes : deux motopompes et une turbopompe c’est-à-dire une pompe fonctionnant avec la vapeur produite par le générateur de vapeur. Une seule de ces pompes est suffisante, les motopompes sont alimentées soit par le 400 000 volts, soit par le 225 000 volts, soit par les moteurs diesel de secours. Ces trois pompes ont toujours été en fonctionnement, alimentées soit par les moteurs diesel soit par l’alimentation 400 000 volts quand nous l’avons retrouvée. La turbopompe a fonctionné en permanence.

Nous aurions pu, s’il y avait eu trois pannes supplémentaires, basculer sur le dernier circuit pour lequel l’une des deux pompes de la station de pompage est toujours restée hors d’eau.

Voilà pour les faits.

M. BIRRAUX 

Si le 220 kV et le 400 kV étaient demeurés indisponibles, combien de temps pouvaient tenir les moteurs diesel et quelle aurait été la configuration à ce moment-là ?

M. STRICKER 

La question des moteurs diesel est une question de démarrage et de relestage. Quand vous perdez une alimentation électrique, la partie délicate de l’exploitation est que le moteur diesel ne rate pas son démarrage et que l’alimentation par le diesel des auxiliaires électriques nécessaires se fasse selon une chronologie telle que le moteur ne cale pas au moment de ce relestage.

Une fois que ces opérations sont passées, le fonctionnement sur diesel sur des temps longs ne pose pas de difficulté, des essais d’endurance sont faits régulièrement pour s’assurer que les diesels fonctionnent longtemps, nous ne sommes pas inquiets de ce côté.

Nous avions des réserves de carburant de deux natures : des réserves dites journalières qui permettent de tenir plus de 24 heures et d’autres réserves sur site qui permettent de les compléter.

M. BIRRAUX

A quel moment les services centraux ont-ils été prévenus, Monsieur le Président ROUSSELY, de ce qui se passait, et à quel moment avez-vous mis en œuvre la cellule de crise ?

M. ROUSSELY 

La chronologie que Laurent STRICKER vient de décrire a été vécue par moi-même comme il l’a rappelée, heure par heure, depuis le premier moment de la soirée du 27 jusqu’à 3 h 15, moment où nous nous sommes mis en situation de crise, et tout au long de la suite de cet incident.

Dès la soirée, heure par heure, la direction de l’entreprise et l’ensemble de ses responsables nationaux ont été tenus informés dans les conditions que Laurent STRICKER a rappelées.

C’est à partir de 3 h 00 que nous avons décidé de passer dans un système de crise avec à 3h 15 les équipes nationales de crise d’EDF qui étaient en place. A 3 h 30, nous en informions la DSIN par les services nationaux d’EDF et à 6 h 30 l’IPSN. D’ailleurs, nous avons dû nous retrouver vers 6 h 15 avec Laurent STRICKER dans la cellule de crise. Nous avons continué tout au long de cette crise parallèlement à d’autres cellules de crise que l’entreprise mettait en place pour les intempéries d’une autre nature.

M. BIRRAUX 

A quel moment avez-vous averti le préfet et la DRIRE ?

M. ROUSSELY 

22 h 40 ou 22 h 30 la DRIRE, la préfecture et la DSIN. C’était le point de départ. L’information d’origine est à 22 h 40.

 

 

M. BIRRAUX 

A ce moment, comment se mettent en relation les différents acteurs sur la cellule de crise ? Monsieur LACOSTE, vous êtes prévenu à 3 h 30, la DRIRE avait déjà peut-être installé sa cellule de veille à Bordeaux, comment cela s’est-il passé ?

M. LACOSTE 

Il faut distinguer ce qu’a été la montée en puissance progressive des différents organismes pour faire face à la situation, puis la déclaration officielle de l’état de crise avec la mise en place officielle de ce que cela entraîne.

L’autorité de sûreté est organisée en un échelon national qu’est la Direction de la sûreté des installations nucléaires et des échelons régionaux que sont les divisions des installations nucléaires dans un certain nombre de DRIRE. En l’occurrence, la DRIRE concernée était celle d’Aquitaine et le chef de la division des installations nucléaires Christophe QUINTIN.

La première alerte de l’Autorité de sûreté a été aux alentours de 22 h 40, une alerte de Christophe QUINTIN qui a jugé opportun, pour se tenir au courant de la situation, de se rendre à son bureau. Il y a passé la nuit.

Dans le courant de la nuit, j’ai été personnellement tenu au courant de la situation par une série d’appels provenant tantôt de Laurent STRICKER, tantôt de Christophe QUINTIN. J’ai donc été amené à être informé du fait qu’EDF mettait en place son système national de crise. J’ai donné mon accord au petit matin pour qu’EDF fasse appel au concours technique de l’IPSN. C’est in fine dans mon bureau, vers 8 h 30, que j’ai demandé à EDF de déclencher officiellement l’organisation nationale de crise.

Pourquoi l’ai-je fait ? Cela correspondait au fait que la situation comportait un certain nombre d’incertitudes et surtout au retour d’expérience de ce qu’un certain nombre d’acteurs avaient vécu avec l’incident de Civaux.

Sur Civaux, nous avions eu un incident de niveau 2, nous n’avions pas armé officiellement les uns et les autres nos centres de crise ; je considère que nous n’avions pas été suffisamment rigoureux dans l’ensemble de nos organisations.

Quand on arme les systèmes de crise, cela permet que les personnes soient réunies dans des endroits nommément désignés, qu’il y ait des relèves, des mains courantes, des systèmes de transmission fiables, etc.

C’est pour disposer de cette organisation que j’ai demandé à EDF, à 8 h 30, de déclencher le système d’alerte déclenchant lui-même l’organisation nationale de crise. Le système a été déclenché de façon automatique vers 9 h 00.

M. BIRRAUX 

Est-ce que tout le monde se retrouve à la cellule de crise de l’IPSN ? Qui fait les analyses ? Vous allez nous préciser pour qui vous faites les analyses et comment cela se passe pour savoir qui fait quoi au bénéfice de qui.

EDF a sa cellule de crise à Saint-Denis...

M. STRICKER 

Il y en a deux : une à Saint-Denis, une cellule à caractère technique en liaison avec la cellule technique de l’IPSN et la centrale, et un PC direction rue de Monceaux.

M. BIRRAUX 

Et pour la DSIN, Monsieur LACOSTE ?

M. LACOSTE 

Dans le domaine de l’organisation de crise en matière de sûreté nucléaire, il faut distinguer deux niveaux : le niveau des postes de commandement, de décision et d’information et le niveau de l’expertise.

4 postes de commandement s’arment en situation de crise : un à la préfecture, un sur le site nucléaire, un au quartier général de l’exploitant nucléaire, un à la DSIN rue de Grenelle. Ces postes de commandement s’appuient sur des expertises, chacun ayant son propre expert.

Il y a une équipe technique locale de crise qui est l’expert technique du site, il y a une équipe nationale technique de crise d’EDF qui est l’experte d’EDF et le centre technique de crise de l’IPSN qui est l’expert de la DSIN.

A l’évidence, les différents PC communiquent entre eux (c’est l’intérêt de cette organisation) ainsi que les différentes équipes techniques de crise de façon à affiner l’analyse. Chacune des équipes techniques rend compte au PC dont elle dépend. Pour la DSIN, l’IPSN est notre cellule de crise technique.

Cette organisation porte sur la sûreté nucléaire. Pour les questions de radioprotection, l’OPRI est également alerté et met en place sa propre organisation de crise située au Vésinet, avec laquelle nous avons des communications directes.

M. LE DEAUT 

Quand les pouvoirs publics sont avertis, qui coordonne la totalité, qui est l’opérationnel ? Est-ce que le gouvernement est averti et y a-t-il au niveau de Monsieur DESCHAMPS, du Comité interministériel de sûreté nucléaire, une coordination ? Y a-t-il une coordination OPRI et DSIN ? Est-ce que sûreté et radioprotection travaillent ensemble pendant cette période ?

M. LACOSTE 

Je réponds aux différentes questions en prenant l’exemple précis du Blayais.

C’est moi-même et mon adjoint qui avons armé le centre de crise vers 8 h 30 et nous avons suivi nos procédures qui impliquaient que nous établissions immédiatement les contacts avec les autres postes de commandement (préfecture, site, état-major d’EDF) et que nous vérifiions que le centre technique de crise de l’IPSN et celui de l’OPRI se mettaient également en place. C’est la première chose que nous avons faite.

La deuxième a été un certain nombre de contacts institutionnels de façon à prévenir l’interlocuteur institutionnel. Moi-même ou Philippe SAINT-RAYMOND avons passé des appels téléphoniques. Soit nous avons eu des correspondants, soit nous avons laissé le message au cabinet du ministre chargé de l’Industrie, au cabinet du ministre chargé de l’Environnement, au cabinet du Premier ministre, au SGCISN.

M. BIRRAUX 

Pouvez-vous préciser à quelle heure ?

M. LACOSTE 

Nous avons commencé à appeler à partir de 8 h 40 et le dernier cabinet a été joint à 9 h 30. Nous avons vérifié que l’OPRI mettait en place son centre de crise. Autrement dit, l’ensemble du circuit institutionnel a été informé soit de vive voix soit en laissant un message. Ceci a été fait dans la foulée de la vérification des premiers contacts avec les acteurs factuels du système.

Je réponds à votre question sur l’articulation avec l’OPRI. C’est quelque chose qui là aussi résulte des exercices de crise que nous avons menés ensemble. Il est convenu entre le Président LACRONIQUE et moi-même qu’en cas de crise nous faisons tout ce qui est nécessaire pour que le préfet ne reçoive qu’un avis intégré, prenant en compte les aspects sûreté nucléaire et radioprotection en même temps. Nous verrons que le côté radioprotection n’a pas été vraiment impliqué de façon majeure mais il est clair que le préfet ne reçoit qu’un seul avis qui implique concertation entre la DSIN et l’OPRI.

Ce matin-là, nous sommes convenus avec l’OPRI que c’était ainsi que nous fonctionnerions et l’OPRI a été régulièrement informé de l’ensemble des données.

M. VALADE 

Pardon de vous donner le sentiment de revenir en arrière et de traiter d’un sujet qui est peut-être mineur compte tenu de notre préoccupation générale mais dans la description de la chronologie par Monsieur STRICKER sont apparus la vague, les débordements intempestifs, etc. Je suis sénateur de la Gironde et très intéressé par les détails.

Sur l’inondation, vous nous avez expliqué les lieux et les conséquences de l’arrivée de l’eau. Comment cela s’est-il traduit concrètement au niveau des différentes unités, c’est-à-dire station de pompage et toute la chaîne qui pouvait conduire aux réacteurs ? Combien y a-t-il eu d’eau, à quelle hauteur ?

Ce sont des éléments qui ont été évoqués par la presse et qui ont contribué à l’agitation et à la mise en situation de l’inquiétude les jours suivants.

M. STRICKER 

J’ai indiqué qu’on s’était rendu compte de l’inondation de deux manières différentes, la première étant la coupure de la route d’accès à la centrale qui a généré une réaction, qui a consisté à ne pas appeler automatiquement toutes les personnes d’astreinte qui auraient été bloquées. Cela a été fait de manière volontaire.

Compte tenu des conditions difficiles de circulation, nous avons préféré faire appel non pas aux personnes d’astreinte selon un tour périodique classique mais à celles qui habitaient le plus près possible de la centrale et qui pouvaient venir physiquement.

L’information que j’ai reçue moi-même depuis Paris a été que la route d’accès était inondée, que la Gironde débordait et qu’on ne pouvait plus accéder au site.

Du point de vue de l’installation proprement dite, des alarmes arrivant dans la salle de commande ont indiqué que les puisards, c’est-à-dire là où l’eau est recueillie avec des pompes pour permettre de les évacuer normalement, atteignaient des niveaux hauts et très hauts et que les pompes ne permettaient plus d’évacuer le débit d’eau. C’est de cette manière que nous avons eu l’alerte de présence d’eau dans les sous-sols du bâtiment.

Ensuite, les exploitants se sont rendus sur place pour voir ce qu’il en était et ils ont constaté que l’eau montait de façon très importante dans le sous-sol du bâtiment et que les trémies (liaison entre des galeries souterraines qui courent et permettent de transporter des fluides) avaient été détériorées par la pression de l’eau.

En parallèle, des témoignages des gardiens de site et des personnes qui n’avaient pas réussi à quitter le site suffisamment tôt et qui y étaient restées ont indiqué en salle de commande qu’ils voyaient des vagues passer par-dessus la digue de la Gironde.

Voilà comment les choses ont été connues.

M. BIRRAUX 

Notre collègue Noël MAMERE, membre de l’Office parlementaire, absent ce matin, m’a fait passer la copie des questions qu’il a adressées au préfet de la Gironde. Il demande si le combustible a été en contact avec l’eau.

M. STRICKER 

Le bâtiment combustible a des sous-sols enterrés et la piscine dans laquelle se trouvent les éléments combustibles est au-dessus et n’a jamais été menacée de quelque manière que ce soit par l’eau de la Gironde.

M. VALADE 

A quelle hauteur l’eau est-elle arrivée dans les sous-sols ?

M. STRICKER 

Approximativement, de l’ordre de 1,50 mètre.

M. CHARRIERE (directeur de la Centrale du Blayais)

La hauteur la plus importante étant dans l’unité 2, de l’ordre de 2 mètres, alors que sur l’unité 1, on avait beaucoup moins d’eau, de l’ordre du mètre.

M. LE DEAUT 

A quelle profondeur par rapport au sol ?

M. CHARRIERE 

De l’ordre de -10,50.

M. VALADE 

Donc à 1 mètre au-dessus des 10,50 ?

M. CHARRIERE 

Les niveaux n’étaient pas homogènes partout parce qu’il y avait des phénomènes de déversement entre le fond du bâtiment et les alvéoles des pompes des circuits d’injection de secours et d’aspersion.

M. STRICKER 

Les pompes injection de sécurité et aspersion enceinte ont été noyées. Cela donne une idée de la hauteur de l’eau. Les moteurs de ces pompes ont toujours été hors d’eau. Nous avons avec cela une vision claire de la hauteur de 2 mètres d’un côté et de 1 mètre de l’autre. Ce n’est pas représentatif du volume. Le volume total d’eau qui a été pompé in fine est de 100 000 m3 et l’immense majorité de cette eau était dans les galeries souterraines.

M. VALADE 

Je voudrais souligner combien pour nous, autorités locales, c’est important. Lorsqu’on entend des questions qui correspondent à des affirmations proférées sans justification, il faut pouvoir dire clairement que l’eau est montée de 2 mètres et qu’elle a noyé les pompes sans jamais monter à 5 mètres et sans atteindre les systèmes fondamentaux.

Si j’ai insisté c’est parce que c’est un élément essentiel par rapport aux populations. L’eau n’a atteint que les pompes et n’a jamais atteint des éléments plus stratégiques que constituent les salles de combustible.

M. BATAILLE 

Quand Noël MAMERE pose la question sur le combustible, il faut une réponse sur les deux origines du combustible : celui en service dans le réacteur et le combustible usé entreposé en piscine.

Il serait utile de dire quelle est la différence entre le combustible usé entreposé dans l’eau en piscine et le combustible en service qui lui-même fonctionne à sec, de façon à y voir clair car l’opinion apprend que le combustible usé est entreposé en piscine. Ensuite, on apprend que si le combustible est noyé, ce n’est pas bon !

Ce sont les questions de bon sens que vont se poser les gens qui regardent les informations télévisées ou qui ouvrent leur quotidien habituel. Cette distinction est à faire est à répéter. Qu’est-ce qui fait qu’un combustible inondé deviendrait contaminant et qu’est-ce qui fait qu’un combustible entreposé en piscine quand il est usé est à l’abri de la contamination ?

 

M. ROUSSELY 

Je voudrais aller dans ce sens pour dire que ce sont des affaires trop sérieuses pour que nous manquions de précision les uns et les autres ou que nous en jouions.

Que nous manquions de précision dans la pédagogie que nous devons faire, je le comprends et je souhaite que l’initiative que vous avez prise et que j’apprécie beaucoup nous donne l’occasion d’être précis.

Mais on change de registre quand on en joue et qu’on dit, en essayant d’informer avant même de communiquer, que de l’eau s’est introduite dans un bâtiment combustible et que l’on en déduit que le combustible trempe dans l’eau.

Je souhaite que l’on puisse à partir de là, redonner à une activité industrielle et scientifique son sens normal sous peine de communiquer plus que d’informer.

Pour le bâtiment combustible, Monsieur STRICKER va dire exactement ce qu’il en est, comment le combustible est dans sa gaine et n’a à aucun moment été en contact avec l’eau de la Gironde, ce qui rejoindra l’une des questions qui a parfois été posée sur la nature de l’eau que nous rejetons.

M. LE DEAUT 

Il y a eu de l’eau au bas du bâtiment combustible avec un maximum de 2 mètres. Des pompes n’ont pas pu fonctionner. Dans ce cas, il existe des pompes qui fonctionnent dans l’eau, ne faut-il pas en prévoir qui fonctionnent en toutes circonstances, y compris dans des conditions extrêmes comme des inondations ?

M. STRICKER 

Les pompes dont j’ai parlé fonctionnent dans l’eau mais leur débit était insuffisant et nous avons été amenés à faire appel à des moyens complémentaires soit qui appartenaient au site et que nous utilisons quand c’est nécessaire soit qui étaient prêtés par les pompiers. Le dimensionnement des pompes est une bonne question.

Le combustible en service dans le bâtiment réacteur qui donne l’énergie est sous forme de pastilles enrobées dans des gaines métalliques assemblées dans des assemblages combustibles et enfermées dans la cuve étanche du réacteur. Le tout est dans l’enceinte de confinement qui elle-même est étanche de l’intérieur vers l’extérieur et de l’extérieur vers l’intérieur.

A aucun moment la moindre goutte d’eau de la Gironde n’a pénétré dans ces circuits.

Voilà pour le système de production d’énergie.

Par ailleurs, dans un bâtiment de stockage que l’on appelle communément le bâtiment combustible, on a d’une part du combustible usé avant évacuation qu’on laisse refroidir au sens propre du terme, de façon que l’énergie résiduelle toujours présente puisse être dégagée et que les conditions de transport soient remplies ; d’autre part, le combustible neuf avant rechargement le cas échéant.

Ce combustible est systématiquement stocké sous eau pour permettre le refroidissement. En outre, ce n’est pas de l’eau pure mais de l’eau borée, le bore ayant des propriétés neutroniques empêchant la reprise de la réaction en chaîne.

Cette piscine est elle-même dans un bâtiment combustible étanche comme le bâtiment réacteur, c’est le sous-sol de ce bâtiment qui a été inondé par l’eau de la Gironde et à aucun moment l’intérieur du bâtiment qui contient la piscine proprement dite.

M. VALADE 

Il était hors d’eau par rapport à l’inondation.

M. STRICKER 

Et de beaucoup de mètres. Nous vous donnerons la cote exacte du fonds de la piscine.

M. CHARLES 

Elle doit être de 14 mètres.

M. le PRESIDENT 

Voilà une réponse claire et qu’il était nécessaire de donner car bien des confusions dans l’esprit du public viennent de mauvaises informations.

M. BIRRAUX 

J’aimerais demander à l’IPSN quel a été son rôle dans l’animation de cellules de crise en relation avec les informations provenant de la centrale, en relation avec l’autorité de sûreté. Je crois qu’il y a eu des problèmes de transmission ou de conférence audio à 3 qui n’ont pas bien fonctionné.

M. LIVOLANT 

Monsieur LACOSTE a bien précisé le rôle de l’IPSN dans ce type de situation. Je signalerai que fonctionne également en permanence un système d’ingénieurs d’astreinte et qu’il a été prévenu vers 24 h 00 des événements. Au cours de la nuit le type d’information a changé puisqu’il s’agissait avant minuit essentiellement de problèmes électriques normaux pour lesquels il n’y avait rien de particulier à faire.

L’IPSN est intervenu à la demande d’EDF avec l’accord du directeur de la DSIN, à titre informel, pour mettre une équipe de crise en place vers 7 h 30 (l’information est arrivée vers 6 h 30). A partir de 8 h 30 a été gréé officiellement ce centre de crise ; centre de crise très équipé en matière d’informations sur l’état des différentes centrales, avec un certain nombre de spécialistes qui regardent pour le compte de la DSIN, en relation étroite avec l’équipe technique EDF, comment évolue la situation.

Le rôle principal de l’IPSN est d’apprécier les risques possibles, d’anticiper éventuellement sur les évolutions. L’EDF le fait aussi mais nous sommes l’oeil du contrôle. Cela dit, il est important d’avoir cette discussion entre techniciens car, dans ces situations qui peuvent être relativement complexes, plus on est de personnes compétentes mieux cela vaut et si nos conseils peuvent être utiles à EDF, tant mieux, mais notre rôle principal est de rapporter à la DSIN sur l’évolution de la situation et éventuellement de signaler si à notre avis il y a un risque d’évolution qui pourrait amener à des situations beaucoup plus graves.

A partir de 8 h 30, nous avons été en configuration véritablement opérationnelle et nous avons suivi toute la situation.

M. BIRRAUX 

C’est un point important de savoir que vous êtes obligés de travailler avec les données fournies par la centrale mais que cela doit conforter l’analyse de l’autorité de sûreté. On a lu quelques commentaires disant que tout le monde était dans le même "bain" et qu’on ne voyait plus qui faisait quoi.

C’est important, ne serait-ce que pour l’efficacité. L’indépendance ne doit jamais se faire au détriment de la compétence.

M. LIVOLANT 

Normalement, nous devons être en relation avec l’équipe technique de crise nationale d’EDF et l’équipe technique locale et il y a eu un problème de communication avec cette équipe locale.

M. STRICKER 

Nous fonctionnons en téléconférence à trois (l’équipe de crise IPSN à Fontenay, l’équipe de crise EDF-Paris à Saint-Denis et l’équipe de crise locale). Ce système qui passe par le réseau de France Télécom (Réséda) est tombé en panne, ce qui nous a obligés à utiliser des lignes spécialisées et à travailler en téléconférence à deux et des coups de téléphone avec le troisième.

M. QUENIART (adjoint au Directeur de l’IPSN)

La démarche générale a déjà été exposée. Le travail du centre technique de crise, c’est deux choses :

i essayer de comprendre la situation (ce n’est pas forcément simple à quelques centaines de kilomètres de distance) et les informations sont celles fournies par la centrale par différents moyens sur lesquels je reviendrai,

i une partie diagnostic pour savoir où on en est et surtout une partie pronostic qui est celle où l’on essaie de voir quelle pourrait être l’évolution de la situation, essentiellement pour connaître les délais disponibles et, le cas échéant, mettre en œuvre des mesures de protection des populations.

De quels moyens dispose-t-on pour acquérir l’information au centre de crise ?

Il y en a essentiellement trois:

i l’audioconférence entre les trois équipes techniques de crise : niveau national d’EDF, niveau local d’EDF et IPSN. Normalement, ces trois équipes sont en relation régulièrement, c’est un système qui permet d’acquérir des informations.

Dans le cas du Blayais, nous avons été en permanence en contact avec l’échelon national mais l’échelon local n’était pas sur le système d’audioconférence, c’était l’échelon national qui retransmettait les informations ou les réponses aux questions que nous posions.

i la transmission par télécopie de messages papier qui existent et sont préformatés, message initial et messages donnant des mesures de l’installation tous les quarts d’heure.

En l’occurrence, cela n’a pas énormément servi car l’évolution de la situation de la centrale était très lente et on reproduisait de quart d’heure en quart d’heure à peu près les mêmes chiffres.

i une liaison informatique entre le site et l’IPSN, par un système qui permet en cas d’incident ou d’accident de se connecter sur un site ; on a directement au centre de crise le report d’un certain nombre de mesures du calculateur de tranche et du panneau de sûreté, et ceci permet de connaître l’état de tel capteur, de comprendre la situation et d’en revenir aux actions de diagnostic et de pronostic. Ce système a normalement fonctionné.

M. LACOSTE 

J’apporterai une précision concernant l’organisation de l’Autorité de sûreté. J’ai dit que l’échelon national, celui de la DSIN, avait armé son centre de crise et que l’échelon régional, la division des installations nucléaires, s’était également gréé en situation de crise. Cela veut dire qu’il y avait en permanence quelqu’un de l’Autorité de sûreté au pôle de commandement de la préfecture et quelqu’un de l’Autorité de sûreté présent sur le site au poste de commandement du site.

A l’évidence, les informations techniques sur le site sont acquises par les moyens techniques du site mais nous avions en permanence un représentant pour vérifier que l’ensemble du système fonctionnait sans biais ni dérive.

M. LAFFITTE 

Je souhaiterais poser une question à Monsieur le Président ROUSSELY et au Directeur général LACOSTE sur les mesures que l’on pourrait être amené à prendre si l’on considère que les problèmes posés proviennent de certaines tornades qui, pour beaucoup, sont une conséquence prémonitoire de ce que l’effet de serre et le changement de climat va conduire à prévoir et intégrer, notamment dans le cadre des principes de précaution indispensables pour quelque chose d’aussi important.

Il y a dans ces conditions particulières le fait que probablement il serait nécessaire, au point de vue communication, de disposer d’un canal satellitaire ou du moins de faire en sorte que l’on ne soit pas tributaire de fréquences au sol qui peuvent disparaître. C’est un problème que j’aimerais voir étudié et auquel il soit répondu.

A cet égard, le fait qu’il serait nécessaire de revoir la protection contre la montée des eaux par suite d’inondations plus fréquentes m’inquiète, ainsi que l’effet des montées des mers qui, selon certains scénarios catastrophe, peut être important, d’où le renforcement des digues en particulier.

 

M. le PRESIDENT 

C’est une question très générale que pose notre collègue Pierre LAFFITTE. Je fais observer que l’Office parlementaire a été l’objet d’une saisine sur les conséquences des activités humaines sur l’évolution du climat ; notre collègue le Sénateur DENEUX est en train d’y travailler. Je pense que de telles réflexions pourront y prendre place.

M. ROUSSELY 

Je crains ne pas donner une réponse très précise. Vous évoquez deux questions d’ampleur différente dont l’une assez simple sur les moyens de communication et de leur sécurisation entre nos différents sites pour avoir à la fois de la sûreté et sans doute une meilleure qualité, et qui nous mettent enfin à l’abri des intempéries.

Je rappelle que nous n’avons pas eu ceux que nous avions prévus sous forme de conférence à trois mais à aucun moment nous n’avons été privés de moyens de communication les uns par rapport aux autres.

Le sujet de fond est de savoir si le thème du changement climatique va modifier les normes sur lesquelles EDF a travaillé aussi bien pour ses centrales nucléaires que pour la résistance de ses pylônes.

Comme pour toutes les centrales, nous avions travaillé sur des statistiques météo sur la très longue période, en prenant de larges marges de sécurité. Si nous devons considérer que ce qui a été exceptionnel devient la norme, il est évident que nous devrons en tirer des conséquences à la fois sur certaines de nos protections mais aussi sur certaines conceptions de nos ouvrages, notamment en termes de circulation des eaux et de risques d’inondation externes, puisque l’économie d’une centrale est faite pour résister à un certain nombre de dispositifs internes. Ce souci n’avait pas été jusqu’à présent priorisé, il était affecté d’un degré de crédibilité très faible.

Si aujourd’hui les études climatiques font que cet événement devient un événement possible, avec une probabilité d’occurrence plus grande, nous devrons en tirer des conséquences, en partie sur le problème du niveau des eaux et les observations que l’IPSN fait à l’égard de 8 de nos établissements et sur lequel un certain nombre de recherches et de travaux sont en cours pour éviter que les mêmes causes produisent les mêmes effets, indépendamment des considérations de fond sur la conception même de nos centrales.

M. LACOSTE 

Un incident comme celui du Blayais doit nous interpeller et nous perturber. J’ai l’impression que la gestion de la crise a été correcte mais il s’est quand même passé quelque chose de perturbant.

Derrière, il y a une masse de réflexions à mener.

Nous sommes encore loin d’avoir terminé l’ensemble des investigations, nous avons à faire un travail de collecte et d’analyse des données en nous appuyant en particulier sur l’IPSN mais l’un des retours d’expérience assuré est que nous devons regarder différemment un certain nombre de risques naturels, inondation et/ou vent, et/ou rupture de barrage, etc.

Je n’ai pas à prendre parti sur le point de savoir si ces risques deviennent plus fréquents ou le deviennent à cause de l’effet de serre, toujours est-il qu’il est survenu quelque chose qui a surpris l’ensemble des acteurs. Nous devons en tirer les conséquences, pas seulement sur les sites nucléaires d’EDF mais sur l’ensemble des sites nucléaires, le CEA et COGEMA.

Nous sommes en plein travail sur ce sujet, un événement est intervenu qui perturbe nos références. Par exemple, la référence en matière de sûreté pour la lutte contre l’inondation datait d’une règle de 1984. A l’évidence, nous devons la revoir.

M. BIRRAUX 

Avant d’aborder le retour d’expérience, j’aimerais demander à Monsieur le Préfet DESCHAMPS comment ses services s’insèrent dans cette gestion de crise et à quel moment lui-même serait amené à intervenir directement.

M. DESCHAMPS 

Dans l’incident du Blayais, le SGCISN n’a joué aucun rôle. J’ai été informé de l’incident par Monsieur LACOSTE dans le courant de la matinée du 28, il m’a expliqué les choses et j’ai cru comprendre qu’il s’agissait d’un incident certes désagréable et compliqué mais qu’il ne s’agissait que d’un incident.

Dans ces conditions, je n’ai pas estimé devoir assurer des informations que j’assurerais en cas d’accident, c’est-à-dire celle du président de la République et du Premier ministre. Le décret de 4 août 1974 dit que le secrétaire général du CISN doit être en mesure d’assurer l’information du président de la République et du Premier ministre. Je savais au surplus que les différentes autorités étaient informées par la DSIN.

Le CISN doit aussi, s’il estime qu’il s’agit d’un accident, proposer au Premier ministre un message pour l’information des autorités internationales.

M. LE DEAUT 

Ce que vient de nous dire Monsieur LACOSTE nous ramène, dans le domaine de la gestion par les autorités, à ce que nous avons déjà dit dans un rapport au Premier ministre sur la transparence et l’organisation de la sûreté et de la sécurité.

Cet incident a été géré en coordination, néanmoins, il montre la nécessité d’avoir une très bonne coordination entre sûreté et radioprotection, la nécessité d’avoir une autorité compétente, indépendante, et qui puisse traiter en temps réel la totalité des problèmes.

Des problèmes de dimensionnement vont se poser, il y aura un retour d’expérience mais nous sommes enlisés dans cette fameuse loi sur la transparence. J’ai fait un rapport au Premier ministre voici un an et demi, aujourd’hui nous n’avons rien vu venir, je demande donc à Monsieur le Président de faire une journée sur ce thème et qu’il puisse relancer cette loi qui est nécessaire. La communication en cas de crise est nécessaire et il est évident qu’il faut clarifier la totalité des responsabilités.

Pour nous, cela s’est plutôt bien passé, il y a eu des problèmes, nous aurons un retour d’expérience. Néanmoins, nous souhaiterions, à partir du moment où c’est un sujet que nous avons déjà abordé, pouvoir faire une journée sur ce thème et essayer de faire avancer ce texte.

M. BIRRAUX 

Nous pourrions aborder le troisième point, c’est-à-dire l’importance de cette crise et sa gravité réelle. Monsieur LACRONIQUE, du point de vue environnemental, quelles ont été les conséquences de cette inondation, du rejet ensuite des 100 000 m3 ? Y a-t-il danger ou pas pour la population et quel est le travail qu’a réalisé l’OPRI dans ce domaine ?

M. LACRONIQUE 

Dans le contexte de ce témoignage des uns et des autres, il est important de dire spontanément que je confirme ce qu’a dit Monsieur LACOSTE s’agissant des transmissions entre nous. Nous avons été avertis vers 8 h 30 le matin du 28 décembre par le communiqué de la part de l’exploitant qui avait déclenché son PUI. C’est automatique, il y a une information immédiate.

L’ingénieur d’astreinte s’est mis en rapport avec EDF/Le Blayais, puis avec la DSIN et a ouvert la cellule de crise immédiatement. De ce fait, l’OPRI a été irrigué par la totalité des documents décrivant les événements les uns après les autres, bien que l’OPRI n’ait à ce stade jamais eu d’implication dans la maîtrise technologique de l’incident.

En revanche, il a été nécessaire de dépêcher le matin même l’un de nos ingénieurs locaux puisque nous avons une délégation dans la région d’Aquitaine, cet ingénieur a pris la précaution de faire des prélèvements d’eau de façon à pouvoir répondre à toute question portant sur la contamination des eaux de surface, des eaux de boisson, de la nappe phréatique, etc.

Nous avons donc été alertés pratiquement dès le démarrage. Notre cellule de crise est restée activée deux jours et elle s’est désactivée lorsque Monsieur LACOSTE lui-même a donné le signal de la fin de l’incident.

Nous avons cependant continué à faire des prélèvements d’eau chez les particuliers inquiets dans le département de la Gironde, ce que nous faisons de façon systématique, nous devons même répondre à des injonctions de particuliers dès lors que l’inquiétude se manifeste. Nous avons tout récemment encore fait des séries de prélèvements d’eau à proximité de la centrale, notamment dans les pièces d’eau stagnante.

Aucun n’a présenté de contamination mesurable puisque tous ceux actuellement en notre possession sont en dessous de 160 becquerels/litre d’eau. Aucun élément ne nous permet de dire qu’il y a eu de rejet d’eau contaminée à la suite de ces inondations. Je peux vous rappeler au besoin ce qu’est la réglementation qui fixe l’usage de réservoirs dits " de santé ".

Peut-être peut-on dire aussi que j’ai été averti à mon domicile dans la soirée du 29 décembre, uniquement pour des raisons réglementaires. L’usage de réservoir de secours dit "S" m’a été demandé pour des raisons réglementaires. Je dois dire que ce coup de téléphone m’a plutôt rassuré qu’inquiété dans la mesure où il s’agissait de la vidange par des pompes préludant à la mise en fonctionnement d’un des réacteurs. A partir du moment où un réacteur était remis en marche, je me suis senti pleinement rassuré par la suite ultime des opérations deux jours après l’incident.

M. BIRRAUX 

Pouvez-vous préciser : 150 becquerels, est-ce global ? Sur la potabilité de l’eau, quel est le nombre de becquerels admis par l’OMS ?

M. LACRONIQUE 

Les limites annuelles sont fixées par un arrêté du 9 mars 1981 signé par moi-même lorsque j’étais directeur de la santé et des hôpitaux. Inutile de vous dire que je l’ai signé pour des raisons purement réglementaires puisque le directeur de la santé doit donner un avis conforme, cet arrêté ayant été préparé par le directeur du SCPRI.

Les autorisations de rejet n’ont pas bougé depuis. C’est un point à souligner. Elles permettent de rejeter 1,4 terabecquerel pour les éléments autres que le tritium, le potassium 40 et le radium, et 110 terabecquerels de tritium (les normes pour le tritium sont 100 fois plus tolérantes que pour les autres éléments).

M. BIRRAUX 

Les mesures que vous avez faites étaient inférieures à 150 becquerels (tera est égal à 1012).

M. LACRONIQUE 

La plupart de nos mesures sont même inférieures au seuil de détection. Nous pouvons descendre aux alentours du becquerel par litre quand nous faisons des mesures longues. La plupart des mesures ont été faites par notre ingénieur sur place et dans ce cas la limite est plus élevée (100 becquerels/litre de tritium étant ce que l’on considère comme étant la limite de potabilité par l’OMS).

M. LACOSTE 

La radioactivité rejetée lors de l’incident par rejet dans la Gironde de l’eau qui avait inondé une partie du site est équivalente aux rejets normaux de la centrale pendant une journée.

C’est un ordre de grandeur qui majore très sûrement les choses mais nous avions décidé d’être conservatifs, nous le sommes.

M. BIRRAUX 

Pour l’information de tous, il est important que vous sachiez que le rapporteur a eu accès à toutes les informations qu’il a demandées, en particulier la main courante de la DSIN, de l’IPSN et de la DRIRE à Bordeaux où sont consignés, minute par minute, les appels, les décisions, tout ce qui a pu être transmis soit vers soit de l’autorité en question.

Certains se sont fait l’écho que nous étions passés à deux heures moins le quart avant un accident de type Tchernobyl, quelle est l’analyse de l’IPSN sur cette expression ? Il a été dit que nous n’étions pas passés loin de la fusion du coeur, même un physicien élu régional l’a dit. Le très près dans l’infiniment grand ou l’infiniment petit n’est pas la même chose, pouvez-vous nous éclairer ?

M. LIVOLANT 

C’est une question dont vous comprendrez la complexité et il est toujours difficile de ramener cela à un chiffre ou de donner des chiffres concernant ce sujet. Cela dit, cela fait partie des estimations que nous faisons autant que possible au cours de ce genre d’incident. Nous avons essayé d’anticiper ce qui pourrait se passer si d’autres événements survenaient.

C’est un élément usuel de notre approche.

Je crois qu’au moment le plus délicat, il aurait fallu que deux systèmes de plus tombent en panne, et nous aurions eu encore une dizaine d’heures avant que l’événement fusion du coeur se produise.

Traduit d’une autre façon, on pouvait dire que dans les études probabilistes que nous faisons sur les centrales nucléaires, nous aboutissons à des chiffres dont on dit toujours qu’il faut les manier avec précaution, de l’ordre de 5 chances sur 100 000 par an de fusion de coeur compte tenu des différents scénarios d’accident que l’on peut utiliser. Cela indique la profondeur de la défense : nous avions perdu un facteur 10 sur cette profondeur de défense pendant la durée de l’incident.

Encore une fois, je prends un risque important en disant cela de cette façon car c’est à la limite de ce que l’on peut raisonnablement dire, mais c’est pour donner une idée. Nous étions encore à une distance importante d’un accident grave.

M. BIRRAUX 

Certains ont utilisé l’image d’une voiture qui avait perdu ses freins. Quelle image pourriez-vous utiliser ?

M. LIVOLANT 

Concernant les pompes qui interviennent en cas d’accident, il faudrait plutôt penser à l’airbag. La centrale avait perdu une forme d’airbag avec la perte de ces pompes.

M. ROUSSELY 

Je trouve ce débat important par rapport à ce que l’on dit sur le nucléaire. Les mots ont un sens, un incident n’est pas un accident et la fusion du coeur n’est pas un élément que l’on manie de façon innocente.

Laurent STRICKER suggérait, par rapport aux freins évoqués par Monsieur BIRRAUX, que nous avions perdu une cale. Dans les installations que nous exploitons, cette sécurité est fondée à la fois sur une défense en profondeur, c’est-à-dire différents éléments, sur la redondance des systèmes et la diversité des moyens.

Or, les deux éléments indispensables dans la conduite du nucléaire, c’est l’alimentation électrique et les systèmes de refroidissement. A tout moment, nous avons eu plusieurs voies d’alimentation électrique possibles et plusieurs systèmes d’alimentation en eau pour les refroidissements.

A partir de là, nous sommes dans des systèmes extrêmement probabilistes. Si toutes les alimentations électriques avaient disparu, que tous nos systèmes de pompage également, effectivement, nous aurions pu entrer dans une phase où, ne maîtrisant plus le refroidissement du réacteur, nous aurions abouti à ce qui est décrit mais à aucun moment nous n’avons été dans cette situation et l’ensemble des acteurs l’a vu, tout particulièrement Monsieur CHARRIERE qui dirige cette centrale et l’ensemble des personnels.

J’attends beaucoup de la transparence que l’Office a organisée, nous n’avons rien à cacher dans une activité industrielle et scientifique.

Nous parlerons à un moment de la communication, cela y renvoie beaucoup : comment rendre des opérations à la fois très scientifiques et très techniques transparentes et dans l’instant ? C’est difficile. C’est sans doute notre défi permanent.

Chacun doit savoir qu’à aucun moment nous n’avons été dans une situation difficile pour ces deux raisons.

M. STRICKER 

Pour aller à la fusion du coeur, il aurait fallu avoir perdu tout mode de refroidissement pendant plusieurs heures.

M. LE DEAUT 

Quelqu’un a dit qu’il aurait fallu deux facteurs aggravants supplémentaires.

M. STRICKER 

J’aurais dit trois.

Vous aviez trois pompes pour évacuer la chaleur du générateur de vapeur, l’une d’elles suffisait, il fallait une panne des deux pompes et de la turbopompe.  La panne pouvait venir alors de l’alimentation électrique, il y en avait 3, chacune ayant un diesel, il aurait fallu un 4ème facteur aggravant car nous pouvions refroidir par le circuit complémentaire de refroidissement à l’arrêt qui lui-même était refroidi par la station de pompage. Nous avions perdu l’une des deux pompes mais l’autre est toujours restée en service et nous n’en avons pas eu besoin pour l’opération en question.

Je vous passe sur ce que nous aurions fait si nous avions perdu tout cela, nous n’aurions pas été complètement démunis mais ce serait devenu sérieux.

M. LE DEAUT 

Une personne a dit que nous étions à 1 chance sur 1000 par an, comme il y a 40 centrales, avec ce calcul, on arrive à une fusion du coeur obligatoire en 30 ans. Qu’en pensez-vous ?

M. QUENIART 

La probabilité en temps normal, c’est 5/10-5 par an, il ne faut donc pas partir de 10-3 ; mais tout ceci n’a pas beaucoup de sens car la probabilité évolue en fonction du temps, moins on a de puissance et plus on est tranquille.

Quand nous sommes arrivés au centre de crise, il y avait déjà à peu près 9 heures de refroidissement, c’était plus confortable que juste au moment du déclenchement de l’installation.

M. ROUSSELY 

Je n’ai rien à ajouter sur l’aspect scientifique de l’empilement des indices probabilistes. Nous pourrions faire un colloque sur le sujet de l’addition ou de la multiplication des indicateurs de probabilité mais, encore une fois, est-ce que l’information que l’on doit est destinée à inquiéter ou informer. Celle que nous cherchons à donner est destinée à informer. Quand il y a de l’eau dans un bâtiment réacteur ou dans un bâtiment combustible, nous disons qu’il y a de l’eau à tel niveau à tel endroit. Nous ne cherchons pas à inquiéter.

Ce problème de la communication est central parce que, malgré ces difficultés, à aucun moment nous n’avons eu de problème de sûreté et l’équipe qui à conduit la coordination entre nous et le pilotage de la centrale, dans des conditions très difficile (la relève des équipes n’a pas été assurée parce que le niveau d’eau ne permettait pas à des personnes de venir de l’extérieur), s’est acquittée remarquablement d’une situation extrêmement difficile.

C’est l’élément le plus stabilisant et le plus rassurant parce que les hommes qui ont piloté cela, dans les conditions les plus difficiles, ont fait ce qu’il fallait.

Si l’on veut simplement démontrer qu’à tout moment un Boeing 747 peut tomber sur le Sénat et la salle Médicis, on peut décider de supprimer soit le Sénat soit les 747. Dans un cas comme dans l’autre, personne n’y songe.

Nous pouvons tous décrire à tout moment le fait qu’un incident nucléaire peut devenir un accident. Si nous voulons parler sérieusement de la façon dont un incident a été conduit et dont nous pouvons en tirer des enseignements positifs et complexes dans l’organisation, dans la gestion de la crise, à ce moment, regardons les choses sérieusement et n’essayons pas d’inquiéter. Le nucléaire est assez pathogène à cet égard pour que l’on cherche plutôt à informer qu’à inquiéter.

M. le PRESIDENT 

J’ai une réponse à la probabilité de destruction du Sénat, elle est nulle !

M. BATAILLE 

Je voudrais demander à Monsieur LACOSTE de nous redire ce qui justifie encore, et pour combien de temps, l’arrêt des réacteurs.

 

M. LACOSTE

La situation initiale des 4 réacteurs de Blayais était différente. L’un d’entre eux, le n°3, était à l’arrêt, en attente de redémarrage ; on avait profité d’un arrêt du réacteur pour faire une réparation sur le circuit de refroidissement à l’arrêt, ceci étant consécutif à l’incident de Civaux. Nous avons jugé que cette réparation n’avait pas été effectuée dans de bonnes conditions, et nous avons dit à EDF que le réacteur n°3 ne redémarrerait qu’après que la réparation ait été faite dans de bonnes conditions. C’est pourquoi ce réacteur était à l’arrêt, les trois autres tournaient.

Après l’incident, les réacteurs 1 et 2 avaient souffert de l’inondation, une partie de leur sous-sol avait été inondée, ils avaient perdu une partie de leurs circuits de sauvegarde. A l’évidence, plusieurs semaines sinon plusieurs mois de travaux sont nécessaires pour remettre en état les installations.

Le réacteur n°4 n’a pas été affecté par l’inondation et a continué de fonctionner et j’ai autorisé récemment le réacteur n°3 à redémarrer.

Au-delà, quelles sont les perspectives ou le retour d’expérience ? J’anticipe sur le point suivant.

J’ai écrit récemment à EDF en lui demandant de me faire des propositions sur les conditions dans lesquelles elle envisage le redémarrage des réacteurs 1 et 2.

C’est la politique constante en France : nous avons des exploitants nucléaires puissants que nous estimons responsables, nous leur posons une question et nous analysons ensuite leurs propositions : recouvrement des systèmes, surélévation de digue, vérification du fait qu’il n’y a pas acheminement possible de l’eau, système d’alerte et de veille sur les prévisions météorologiques, etc.

Tant qu’il n’y aura pas eu récupération sur les réacteurs 1 et 2 des systèmes endommagés, tant qu’il n’y aura pas eu une réponse à mes yeux satisfaisante après analyse de l’IPSN aux questions que j’ai posées, les réacteurs 1 et 2 resteront à l’arrêt.

M. BIRRAUX 

Je compléterai votre réponse par une question qui préoccupe Monsieur MAMERE. C’est en novembre dernier que la DSIN a écrit à EDF pour lui demander de rehausser la digue de 50 centimètres, les travaux avaient été repoussés à plus tard. Pourquoi plus tard ? Est-ce que 50 centimètres sont suffisants ? Faut-il reconstruire le mur de Berlin au bord de la Gironde ?

M. LACOSTE

La lettre à laquelle vous faites référence n’est pas de la DSIN proprement dite mais de la division des installations nucléaires de Bordeaux. Mais elle engage l’Autorité de sûreté. Elle doit être datée du 19 novembre, c’est une lettre qui fait suite à une inspection menée par la division des installations nucléaires de Bordeaux.

Il était prévu, depuis 1998, qu’EDF devait rehausser de 50 centimètres la digue ; au cours de la visite, EDF avait indiqué aux inspecteurs qu’elle ne prévoyait plus ces travaux en 2000 mais en 2002 et la lettre de la division des installations nucléaires posait à EDF la question des raisons du report des travaux.

J’ajouterai que ces travaux qui de toute façon n’étaient pas envisagés avant 2000 n’auraient sans doute pas à eux seuls permis d’éviter l’incident du Blayais. L’épisode n’en mérite pas moins analyse.

M. BIRRAUX 

Si 50 centimètres ne sont pas suffisants, vous allez pouvoir me répondre sur la construction du mur de "Berlin-sur-Gironde" ?

M. ROUSSELY 

Je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à cette question mais sur le premier élément, cela renvoie à une chronologie assez complexe.

Les prescriptions de sûreté ont été fixées en 1984 et, depuis, on a commencé à observer qu’un certain nombre de modifications laissaient penser que le niveau de la digue devrait à un moment ou un autre peut-être être revu.

C’est ce qui s’est traduit par des prescriptions plus récentes dans les années 1997 ou 1998 et nous nous sommes interrogés pour savoir si nous n’avions pas intérêt, comme mesure générale de sûreté, à rehausser la digue, mais sans que cette prescription reçoive une véritable priorité, tout simplement parce que, d’un avis unanime, la probabilité que ces événements arrivent était faible.

Il était prévu dans la programmation des travaux qu’on le fasse en 2000. Ensuite, on a considéré que comme souvent en matière de travaux, on pourrait le faire avec la visite décennale prévue en 2002.

Monsieur LACOSTE l’a dit avant moi, cela ne nous exonère pas de cette responsabilité, si nous avions fait ces travaux, par rapport à la nature de l’incident et aux volumes d’eau qui ont pénétré dans l’ensemble de nos installations, cela n’aurait rien changé.

Depuis, nous sommes dans les travaux pour revenir à 70 centimètres et atteindre 5,20 mètres, niveau tout à fait suffisant par rapport aux étiages normaux puisqu’avec les grandes marées des 21 et 22 janvier derniers, le niveau de la Gironde a atteint moins de 4 mètres malgré des coefficients importants.

Nous étions devant un phénomène exceptionnel dont nous n’avons pas apprécié la probabilité. Demain, de combien devra-t-on rehausser la digue ? Ce sont des travaux que nous devons mener ensemble avec des travaux de fond sur la météo et la probabilité d’occurrence, non seulement à Blayais mais dans un certain nombre de sites analogues, c’est-à-dire les 8 que désignait l’IPSN dans son rapport. Et avec un retour d’expérience immédiat et de plus long terme sur l’ensemble des circulations par lesquelles l’eau peut pénétrer dans une centrale.

Pour le moment, nous avons fait les travaux qui ont permis d’autoriser le redémarrage d’un des réacteurs, nous devons nous interroger à plus long terme sur la conception de nos ouvrages si de tels phénomènes sont susceptibles d’arriver. Comme, par définition, nous sommes tout le temps en situation d’être dans un rapport avec l’eau, nous devons y réfléchir, et c’est l’objet du retour d’expérience.

M. BIRRAUX 

Réfléchissez-vous à permettre l’accès permanent à la centrale ? Là, il n’y avait plus d’accès possible.

M. STRICKER 

Cela fait partie des études entreprises, qui touchent non seulement la digue qui est sur le front de Gironde et qui entoure la centrale mais aussi les digues qui sont en aval et qui ne permettent pas à l’inondation d’arriver par les marais.

M. LACOSTE

Un chiffre indique bien le caractère inattendu de ce qui s’est passé la nuit du 27 au 28. Nous nous sommes trouvés dans une circonstance où le niveau de l’eau maximal a été supérieur de 2 mètres à ce qui était prévu, et il faut ajouter un mètre de plus pour tenir compte des vagues.

Le schéma se présente de la façon suivante :

A droite, vous avez le site de la centrale avec comme niveau de référence du sol 4,50 mètres et la digue est à 5,20 mètres. Il a été demandé en 1998 un rehaussement de 50 centimètres conduisant la digue à 5,70 mètres. Le niveau de la marée tel qu’il était prévu dans la nuit du 27 au 28 décembre correspondait à une marée de coefficient 77, c’est-à-dire un niveau de 2,40 mètres. Le niveau d’eau mesuré le 27 décembre est de 4,50 mètres, soit 2 mètres de plus, et des vagues d’au moins 5,5 mètres ont franchi la digue.

Il s’est produit un phénomène météorologique tout à fait exceptionnel. Encore une fois, cela n’exonère personne du fait qu’on doit prévoir l’inattendu. Ceci nous conduit à penser que quand bien même la digue aurait été rehaussée de 50 centimètres, cela ne répondait pas au problème posé cette nuit-là.

M. VALADE 

Que se serait-il passé pour une marée plus importante comme celle de coefficient 105 de fin janvier et qu’on rencontrera en février et en mars ?

M.LACOSTE

C’est cette question qui nous conduit à demander à EDF, notamment pour le fonctionnement des tranches 3 et 4, un dispositif d’alerte basé sur les prévisions météorologiques qui fait que la centrale doit s’arrêter si le niveau prévu dépasse 50 km/h en vitesse moyenne. C’est ce qui montre qu’un rehaussement de la digue est indispensable.

J’ajoute que même s’il y a une digue, il faut imaginer qu’elle peut être franchie par des vagues : il doit y avoir une défense en profondeur. Le franchissement de la digue par des vagues ne doit pas entraîner des conséquences inadmissibles à l’intérieur des installations.

M. BIRRAUX 

Je voudrais revenir à l’information du public, des élus et des médias. Certes, un certain nombre de communiqués ont été diffusés, j’aimerais savoir comment les choses se sont passées sur l’information et les communiqués. La communication est-elle partie du local ? Quelle a été la part du local et de la communication nationale ? Qui a fait quoi et qui a communiqué sur quoi ?

 

M. ROUSSELY 

Le premier communiqué date du 28 décembre à 7 h 30 puisque nous nous sommes retrouvés à 6 h 00 du matin avec Laurent STRICKER, nous avons regardé le communiqué à ce moment-là.

Ce communiqué n’est pas le premier élément d’information puisque, dès 22 h 40, la veille, nous avons informé le préfet et l’ensemble des autorités qui avaient besoin de l’être, encore une fois dans une perspective différente puisque c’était simplement le défaut d’alimentation qui était en jeu.

C’est le premier communiqué. Peu d’incidents de cette nature ont donné lieu à autant de communiqués à la fois d’EDF et de la DSIN. Nous avons publié 8 communiqués à chacune des étapes, la DSIN en a publié 9 également. C’est ce premier communiqué qui a été transmis au président de la CLI et aux maires d’un certain nombre de communes qui sont également membres de la CLI.

Si on parle de communication, c’est sans doute l’élément le plus difficile à organiser et qui est peut-être celui qui devra faire l’objet du plus de retour d’expérience de notre part.

On peut penser que la communication à laquelle nous sommes tenus n’a pas produit les effets que nous pouvions en attendre. Dans cette période, l’actualité n’était pas uniquement sur le Blayais mais sur une catastrophe frappant une bonne partie du Sud-Ouest dont la Gironde, avec de nombreuses conséquences. Tous les responsables, et notamment les élus, étaient très pris par des considérations frappant chacune de leurs communes et de leurs habitants.

C’est cette communication qui est sans doute la plus problématique parce que les habitants de la zone la plus proche de la centrale peuvent avoir le sentiment rétrospectivement qu’ils n’ont pas eu autant d’information qu’ils en auraient voulu.

Ils l’ont eue à travers les membres de la CLI et l’ensemble des médias qui avaient ces communiqués. Encore une fois, il faut le regarder en pensant quel était l’état des médias et de l’attention portée à ces informations dans la journée du 28, il y avait beaucoup d’autres sujets.

Nous avons aussi communiqué au niveau national puisque ces communiqués étaient diffusés à l’ensemble des moyens d’information mais nous avons eu là une conjonction particulièrement défavorable à leur transmission parce qu’il y a rarement eu d’incidents à faire l’objet d’autant de communiqués.

M. BIRRAUX 

Je sais qu’EDF est une grande entreprise, comme la République, une et indivisible, mais quelle a été la part de communication locale ?

Certes, les membres de la CLI ont reçu les communiqués, je suppose que le préfet lui aussi a été informé, la DRIRE, mais dans l’optique des conclusions du rapport de la mission Hubert CURIEN dont j’étais membre, il avait bien été précisé que les sites devaient avoir leur propre communication, que les services centraux d’EDF devaient avoir aussi leur communication apportant des éléments plus généraux, d’analyse plus scientifique, d’autres éléments sur la prise en compte.

Avez-vous validé les communiqués ? Sont-ils passés par la moulinette des services techniques et de communication ensuite ? Qu’est-il ressorti de cette affaire ? Est-ce que chacun y a reconnu ses petits ?

M. ROUSSELY 

Comme tous les communiqués, ils partent de la centrale, ils arrivent chez Laurent STRICKER et sont en général mûrement pesés avec la DSIN puisque c’est une information que nous partageons, et ils sont transmis localement, à toute les autorités, et à tous les organes de presse.

Le plus simple est que Monsieur CHARRIERE dise ce que localement il a fait car, nationalement, nous n’avons pas fait différemment de ce que nous avons fait dans toute autre situation, nous n’avons que commenté ce communiqué.

Le mardi dont nous parlons, 3,4 millions de foyers avaient perdu l’électricité, c’est-à-dire une dizaine de millions de Français (1/6ème de la population). Je crains que notre communiqué du matin 8 heures soit passé inaperçu par rapport à beaucoup d’autres sujets.

Nous étions présents et nous avions beaucoup de disponibilité, je ne suis pas sûr que les moyens d’information ont été aussi disponibles sur cet événement qu’ils l’auraient été s’il n’y avait eu que le Blayais sans aucune autre considération d’intempéries.

M. CHARRIERE 

La diffusion des communiqués de presse répond à une liste type qui comprend toutes les autorités locales régionales, les médias locaux, l’AFP Bordeaux et un certain nombre de mairies de proximité, soit au total un peu plus d’une trentaine de destinataires.

Cette diffusion type est accompagnée par des contacts téléphoniques personnels, avec la presse locale pour un certain nombre d’entre eux, et aussi avec les élus locaux de proximité.

C’est une procédure normale mais encore plus importante dans le cas d’un incident technique sérieux. Nous l’avons appliquée, avec toutes les réserves que le président ROUSSELY a expliquées auparavant : ces contacts téléphoniques, vis-à-vis des élus locaux, ont été difficiles parce qu’ils n’étaient pas dans leur mairie, le fax ne marchait pas, le téléphone était indisponible pour une bonne partie d’entre eux. Cela explique aussi un certain nombre de difficultés, au moins sur les premières journées.

Les contacts téléphoniques avec la presse ont eu lieu avec les mêmes réserves. Ensuite, la presse lui a donné l’écho qu’elle souhaitait compte tenu des autres événements qu’il y avait à gérer, ce qui a provoqué un décalage important par rapport à ce que nous attendions et que nous avons l’habitude d’avoir comme retour de la presse sur des incidents de ce niveau qui, dans les 24 heures, amènent logiquement toute la presse locale et nationale sur le site.

 

M. BIRRAUX 

Vous avez un petit service communication au centre nucléaire du Blayais, est-ce que les communiqués qui ont été diffusés étaient ceux de votre centre local de communication ou étaient-ils soumis préalablement à l’imprimatur des services centraux de communication ?

M. CHARRIERE 

Ils étaient soumis au circuit de validation de l’entreprise. Ce n’est pas le communiqué initial du site qui est diffusé, il l’est après un circuit de validation interne à l’entreprise comme pour tous ceux que nous diffusons aujourd’hui, quel que soit le niveau de l’incident.

M. BIRRAUX 

Cela ne correspond pas aux propositions que faisaient Monsieur CURIEN, à savoir que les sites devaient eux-mêmes avoir leur propre communication, une communication factuelle, quitte à ce que la maison centrale puisse apporter d’autres éléments et d’autres compléments.

M. ROUSSELY 

Je ne peux pas vous laisser dire cela de cette façon en laissant penser que soit cela a été un motif de retard soit un motif de perturbation du contenu. Vous pouvez prendre chacun des communiqués, si vous avez en tête que la direction d’EDF exerce quelque forme de censure, c’est hors de ce qui est arrivé.

Simplement, notre souci est bien celui de la commission à laquelle vous avez participé : il faut être près des faits, c’est-à-dire informer et pas communiquer. Or, quand on est près des faits, on a un langage technique et on est incompris par les gens auxquels on s’adresse.

Etre près des faits, c’est en même temps souvent inquiéter car cela s’adresse à des techniciens et c’est produit par des hommes de la technique qui gèrent des procédures industrielles techniques. Il faut donc trouver en permanence une espèce d’équilibre entre ceux auxquels cela s’adresse ; or, cela s’adresse à des techniciens et à du grand public.

Sur cet incident, aucun des communiqués n’a subi quelque déformation, simplement le souci est de faire qu’il y ait assez de pédagogie pour que cela soit compris mais que l’on ne soit pas loin des faits. Chaque fois, cet équilibre est très complexe, on ne l’a pas résolu aujourd’hui mais ce n’est pas un problème de local par rapport au central.

J’ajoute enfin que sur ce sujet on doit être en phase avec ce que l’autorité de sûreté dit. Je ne sais pas quelle serait la situation de la communication et de la réception des messages par l’opinion publique face à un message de la sûreté décrivant l’incident différemment de celui de l’exploitant. C’est à ce titre que celui qui exerce le plus d’influence sur notre communiqué est l’autorité de sûreté tout à fait légitimement. D’ailleurs, les deux jeux des communiqués sont pleins d’intérêt rétrospectif car certains sont plus pédagogiques que d’autres.

Les communiqués de Monsieur LACOSTE sont plus pédagogiques que les nôtres mais peut-être est-ce une bonne décomposition des rôles, nous sommes l’exploitant, nous sommes près des faits et je souhaite que nous décrivions des faits mais ils ne sont lisibles dans une centrale nucléaire que par des spécialistes, et parfois on inquiète.

Souvenez-vous, on en a parlé rétrospectivement à Civaux, si l’on avait dit à Civaux qu’à telle heure le débit de fuite était de tant de m3 par minute ou seconde ou par heure, cela correspondait aux faits mais je ne suis pas sûr qu’en le donnant d’une façon brute nous en aurions eu l’effet que nous en attendions. En outre, les communiqués ne peuvent pas être faits de 4 pages d’explications scientifiques. Nous avons cet équilibre.

Je vois une autre difficulté qui est celle des moyens de joindre le local. Dans ces situations, nous sommes un peu démunis. En l’occurrence, les moyens de communication étaient en partie détruits et leurs destinataires avaient beaucoup d’autres choses à faire.

Dans la journée du 28, au niveau national, dans le premier point de presse sur les intempéries, nous avons évoqué le Blayais, cela n’a intéressé personne. Tout le monde s’intéressait au Blayais 10 jours après. Ensuite, on peut faire le procès de tous ceux qui pendant ces 10 jours ne se sont pas intéressés au Blayais. Nous, les uns et les autres, nous avons fait notre métier comme nous devions le faire à ce moment-là.

M. BIRRAUX 

Combien de temps faut-il entre le moment où un projet de communiqué part du site et le moment où il est validé par les services centraux et peut être diffusé ?

M. STRICKER 

Le premier communiqué est parti à 7 h 30, je l’avais eu à 6 h 45 ou 7 h 00. Cela a été très rapide car il y avait peu de monde dans le circuit.

Le deuxième est arrivé à Paris au centre de crise entre 10 h 00 et 11 h 00 et nous avons mis plus d’une heure et demie à le mettre en français compréhensible. Nous avons là un défaut.

L’analyse que j’en fais en tant que responsable de l’ensemble des installations (nous l’avons vu lors d’exercices à Nogent-sur-Seine), c’est que les équipes sur place en communication, aussi compétentes soient-elles, sont très largement sous-dimensionnées pour faire face à un événement de cette nature. Nous avons eu un système où le national a aidé le local à écrire un certain nombre de documents. Les documents que j’ai présentés là ont été écrits par le niveau national et validés par le site alors qu’on aurait pu imaginer le contraire.

Nous avons à réfléchir sur la manière de renforcer instantanément les équipes présentes sur place de façon à faire un peu mieux ce que vous avez décrit.

M. BIRRAUX 

Il y avait l’interférence de la tempête et des gens qui avaient perdu l’alimentation électrique, le téléphone et les routes coupées, donc une focalisation sur ces éléments. Les éléments régionaux d’EDF étaient chargés de communiquer dans la région pour essayer de faire le point, éventuellement de rassurer les gens et leur dire qu’ils allaient bientôt retrouver le courant, ce qui paraît normal. N’y a-t-il pas eu une communication des éléments régionaux disant que la centrale allait redémarrer avant la fin de l’année ?

M. STRICKER 

Sur la teneur des informations, le premier ou le deuxième communiqué était intitulé : " Arrêt momentané de la production ". En fait, dans l’esprit des rédacteurs et dans le mien, c’était effectivement un arrêt momentané. La meilleure preuve est que nous avons redémarré l’unité n°4 relativement rapidement après l’incident.

Ce n’est qu’après constat de l’ampleur de l’inondation que le terme " arrêt momentané ", vu rétrospectivement, a semblé inadapté. C’est toute la différence entre les choses que vous faites en temps réel avec les informations dont vous disposez et l’analyse a posteriori avec des informations qui n’étaient pas disponibles au moment où vous sortiez le communiqué.

Au moment où il a été écrit " arrêt momentané ", je l’ai validé parce que dans mon esprit on allait pouvoir redémarrer, je ne pensais pas que l’inondation était de cette ampleur. A l’évidence, il y a un certain nombre de matériels à remettre en état et à contrôler, ce qui prend plusieurs semaines.

M. LACOSTE 

J’aborderai d’abord la communication de l’Autorité de sûreté puis je parlerai de celle d’EDF.

Du point de vue Autorité de sûreté, je suis mécontent du résultat obtenu en termes de communication. D’un côté, nous pouvons dire que nous avons mis en œuvre tous les moyens nécessaires. Nous avons rédigé des communiqués, nous les avons diffusé aux médias en 50 exemplaires, des conférences de presse ont été tenues par le préfet de police à la préfecture, l’une d’entre elles étant consacrée spécifiquement au Blayais. Il y a eu une présentation de l’affaire du Blayais quand le ministre de l’intérieur s’est rendu à la préfecture à Bordeaux.

Nous avons mis en œuvre les moyens nécessaires, le résultat n’est pas du tout celui que nous espérions ni celui que nous devions au public.

Que s’est-il passé ? Il y a à l’évidence une explication par le fait que les canaux d’information étaient saturés par autre chose, soit le naufrage de l’Erika, soit la tempête. Il y a le fait que cela a mal démarré pour nous en termes de communication puisque les principales agences de presse n’ont pas repris nos communiqués. Nous sommes partis dans une espèce de piège dont nous n’avons pas réussi à nous sortir.

Quelques médias ont repris nos informations, en particulier des radios. Nous avons eu au téléphone quelques journalistes dont certains ont été amenés à dire qu’ils avaient envie d’écrire un article mais que leur rédaction en chef leur disait que l’essentiel était la marée noire et la tempête. Cela a donc permis un réveil médiatique très singulier quelques jours après sur le thème : " On apprend plusieurs jours après que ". Tout ceci me laisse extrêmement insatisfait.

J’ai déjà eu l’occasion de dire qu’il y avait beaucoup de retour d’expérience à faire sur cette crise du Blayais : il y a un retour d’expérience sur la communication, en particulier quand les moyens de communication sont saturés : comment attirer spécifiquement l’attention des journalistes sur le fait que nous n’avons pas à faire face à une catastrophe mais que cela mérite communication ?

Nous y réfléchissons avec un certain nombre de journalistes comme partenaires de réflexion.

Du côté EDF, je dois noter deux points. Le premier est le problème de la validation des communiqués d'EDF. La préfecture de Gironde avait d’autres chats à fouetter que le Blayais dans un premier temps mais, en temps normal, je crois que la préfecture de la Gironde aurait demandé à valider les communiqués d’EDF.

Mon sentiment est que cette validation pose un vrai problème de délai. Nous étions dans une situation anormale où, après le premier communiqué d’EDF à 7 h 30, mais antérieur à la mise en place de l’organisation de crise, le premier communiqué a été le mien.

Le deuxième problème est un problème de tonalité. J’ai été amené à dire au cours de la crise à EDF que je jugeais que certains de ses communiqués pêchaient par un excès de modération dans les termes. Un communiqué a dit que 4 réacteurs étaient en état d’arrêt sûr ; or, il paraissait difficile au moment où le communiqué a été publié de dire que c’était sûr.

C’est un retour d’expérience. J’ai déjà eu l’occasion d’en parler avec le principal responsable d’EDF. Comment faire pour éviter cette tentation de communiquer avec la volonté de ne pas alarmer ou de rassurer ? C’est un danger auquel nous pouvons tous succomber.

M. BIRRAUX 

Cela me conforte dans l’idée de la communication factuelle sans chercher à donner des explications censées rassurer mais vous n’êtes pas seuls dans ce cas, je pense à un ancien ministre qui maintenant est quelque part dans un pays où il y a beaucoup de crises, qui était venu dans le Mercantour pour venir présenter le résultat d’analyses qui avaient été faites par l’IPSN, l’OPRI et la CRII-RAD. Il était venu pour rassurer les populations. Il devait présenter d’abord les résultats puis il pouvait conclure qu’il pouvait rassurer les populations mais ce n’était pas le préambule.

Il était ministre et il connaissait le sujet.

Il y a là vraiment une réflexion à avoir sur le factuel et la conclusion du factuel est qu’à l’heure actuelle on maîtrise. Je peux témoigner, j’étais hier au Blayais, la première rencontre avant d’effectuer la visite avec Monsieur CHARRIERE et des personnels de la direction d’EDF était pour les organisations syndicales représentées au CHSCT. Elles ont fait preuve d’une maîtrise parfaite et elles m’ont dit qu’à aucun moment les personnels ne s’étaient sentis en danger, menacés ou qu’il y avait un risque exagéré, que les troupes étaient parfaitement calmes, qu’elles assumaient et qu’elles essayaient d’anticiper sur les solutions pour assurer en toutes circonstances le fonctionnement sûr de la centrale.

Dans ces conditions, il faut réfléchir à se pencher sur le factuel et ne pas commencer par communiquer avec : " Je vous rassure mais ", le " je vous rassure " ne peut venir qu’en conclusion.

Autre point sur la communication, la relation avec les élus. Monsieur CHARRIERE a dit qu’il y avait des difficultés de transmission. Malgré tout, la CLI a dû se réunir la semaine dernière pour la première fois, n’y a-t-il pas là un relais vis-à-vis de l’opinion publique locale, vis-à-vis des élus locaux ?

Je ne dis pas que ce débat que l’Office parlementaire a bien voulu organiser aujourd’hui n’aurait peut-être pas eu lieu si la commission locale avait pu avoir une information et avoir ce genre de débat sur la nature des incidents, sur la façon dont on y a fait face, sur le fait de savoir si nous sommes passés loin d’un incident ou d’un accident, sur les leçons tirées.

Si j’ai bien compris, le bureau de la CLI se réunira à nouveau dans le courant du mois de février pour préparer une réunion qui aura lieu en mars. Cela ne donne pas l’image d’un dynamisme exacerbé dans la réunion locale.

Certes, ce n’est pas EDF qui anime la CLI, il faut savoir comment la CLI s’organise mais pouvez-vous confirmer aussi, Monsieur LACOSTE, que vous avez envoyé au président de la CLI une note en date du 6 janvier et qu’apparemment, il n’y a pas très longtemps, il ne semblait pas avoir mesuré toute l’importance de la note qui faisait le point sur la chose ?

M. LACOSTE 

Je peux confirmer avoir envoyé la note en cause au président de la CLI.

M. BIRRAUX 

Vous êtes dans votre rôle, le reste concerne le président de la CLI. Nous sommes d’accord.

Est-ce que du côté d’EDF vous ne pourriez pas aussi contribuer à une réflexion sur ce que doit être le rôle de la CLI en période de crise ? Nous avions buté sur cette question avec Hubert CURIEN.

Ils sont un peu dans la position où ils attendent l’information. Soit ils reçoivent l’information et disent que c’est suffisant, soit ils sont un peu plus agressifs et vont chercher l’information. Cela se passe dans certaines CLI.

En période de crise, ne faut-il pas trouver d’autres moyens que d’envoyer les communiqués à la presse qui ont été rédigés par le local, validés après un certain temps par l’échelon national et qui redescendent ?

J’avais comme image qu’ils étaient comme le moinillon dans son nid qui attend que les parents veulent bien donner le vermisseau pour le nourrir. Les parents nourrisseurs en question, c’est quand même EDF, même si l’organisation ne dépend pas d’EDF.

M. ROUSSELY 

Je vous trouve sévère sur nos communiqués. En dehors du " sûr ", ils essaient de décrire des choses. Nous devons progresser.

A destination de qui ? Si nous avions été dans une situation normale ou de disponibilité des élus et de l’ensemble des personnels de la centrale et des collaborateurs, notamment au niveau régional, nous aurions pu avoir une action davantage en profondeur d’information. Là, on a simplement inclus le Blayais dans chacun des points, y compris les communications faites par le délégué régional au niveau régional, tous les jours, voire plusieurs fois par jour, encore une fois sans grand intérêt et sans en susciter beaucoup.

Il ne faut pas prendre cet exemple comme représentatif de notre difficulté. Elle est extrême parce qu’à la fois nos personnels et davantage les élus avaient mille autres préoccupations et l’information que nous pouvions donner n’atteignait pas sa cible. Ce faisant, quand les autres éléments de préoccupation se sont estompés, les élus sont restés avec un déficit d’information. Nous avons été dans la plus mauvaise des situations.

Golfech a eu une expérience, y compris des problèmes de communication mais, dans la situation où nous nous trouvions, il n’était pas question d’envoyer des gens de Golfech au Blayais parce que tout le monde était nécessaire à Golfech, et même chose au Blayais.

Le problème des deux côtés est de renforcer des unités autonomes de communication dans les centrales pour que d’un côté les responsabilités et de l’autre la mission d’information soient assumées dans de bonnes conditions.

Il faut sans doute réfléchir à l’information, y compris en situation de crise. Par exemple, les fax ne servent à rien car il n’y a personne pour les relever, ou les lignes téléphoniques ne fonctionnent pas. Nous avions beaucoup de mal à joindre les personnes.

Nous allons devoir en faire un retour d’information aussi calme que possible mais en tenant compte de la situation dans laquelle nous étions ce mardi 28 décembre et la semaine entière qui a été la plus lourde, surtout dans cette région.

M. LACRONIQUE 

En ne réagissant pas à l’exemple qui a été donné tout à l’heure, j’aurai tendance à ne faire que confirmer ce que vous avez dit à propos du Mercantour et de la campagne de mesure. Lorsque Monsieur KOUCHNER est venu valider cette campagne, ce n’était pas pour rassurer les trois organismes qui y participaient, dont deux sont ici représentés ; la CRII-RAD n’apporte que rarement sa caution à quelque chose qui ne serait qu’une simple campagne de propagande. La conclusion tirée par le ministre l’a été à l’issue de la présentation de résultats qui étaient contradictoires et destinés à être factuels comme il a été dit dans le reste de cette séance.

A un moment tout de même, des faits peuvent avoir une conclusion de type opératoire. Il s’agissait en l’occurrence pour le Mercantour non pas de rassurer mais de répondre à une situation paradoxale puisque des personnes refusaient de visiter des sites craignant une contamination. A un moment, le fait de dire qu’il n’y a pas de contamination dangereuse pour la santé n’est pas forcément une entorse à la vérité mais simplement une conclusion opératoire et des mesures factuelles tout à fait précises.

Je rejoins la position de ceux qui disent qu’à un moment il faut tout de même donner une conclusion, même à la présentation de mesures.

M. BIRRAUX 

Je suis d’accord, devant les caméras le ministre a commencé à dire : " Les populations peuvent être rassurées " et je trouve que ce n’est pas dans le bon ordre. Il avait sûrement raison de le dire mais cela ne pouvait venir qu’après. Je sais que pour les caméras le nombre de secondes est limité mais il manquait un préambule.

C’est la réflexion que je me suis faite, surtout qu’avant que la caméra ne s’éteigne, quelqu’un a dit dans le micro que tout becquerel était un becquerel dangereux qui ne devait pas exister.

Sur le retour d’expérience qui va être analysé pour la centrale du Blayais mais qui peut être aussi appliqué à d’autres installations dans notre pays, l’IPSN a fait une première analyse du risque hydraulique auquel sont soumises les différentes centrales dans notre pays. Monsieur le Président, comment voyez-vous d’ores et déjà l’application de ce retour d’expérience ?

Hier, j’ai pu mesurer que l’enduit qui colmate les entrées de câble, qui résiste théoriquement au feu et à un peu d’eau, ressemblait étrangement à du papier mâché après l’inondation. Avez-vous d’ores et déjà diligenté un certain nombre de mesures pour les centrales qui peuvent être soumises au risque hydraulique ?

M. ROUSSELY 

Je laisserai Laurent STRICKER répondre sur l’organisation des mesures puisque nous en avons prises d’immédiates car nous étions à trois semaines de marées de grande amplitude qui se sont déroulées dans des conditions non dommageables à l’installation ou à l’exploitation.

Un retour d’expérience au Blayais est en cours qui lui-même est inclus dans un de très grande ampleur dans l’entreprise puisqu’il s’agit du retour d’expérience intempéries qui va s’échelonner sur plusieurs mois parce qu’il intéresse non seulement l’ensemble des responsables de l’entreprise à tous niveaux mais tous les personnels qui ont vécu une expérience, pas simplement dans le nucléaire et dans le Blayais.

Il intéresse aussi l’ensemble des acteurs publics, de niveau central comme de niveau local, et l’ensemble de nos partenaires qui sont les élus locaux qui ont, sur l’ensemble des intempéries dont le Blayais est un sous-ensemble, une expérience et une vision, avec des éléments de critique ou de satisfaction.

Nous avons organisé ce travail en un retour d’expérience avec une organisation nationale et une organisation régionale. Au niveau de l’entreprise, j’ai réuni voilà maintenant plus de dix jours les 300 cadres responsables de l’entreprise pour dire ce que l’entreprise devait en attendre et ce qu’on pouvait faire au-delà pour que ce retour d’expérience soit profond et durable puisque nous avons évoqué les installations nucléaires mais nous pensons au problème des lignes électriques.

Nous avons des contraintes de temps dont je voudrais que l’on mesure bien le point d’équilibre à trouver. Si nous allons trop vite, on va dire que nous ne tirons pas toutes les conséquences. Or, derrière, il y a des politiques d’investissement nécessairement coûteuses. En revanche, si c’est trop long et que nous nous exposons à des difficultés, on va nous demander ce que nous attendions pour construire quelque chose d’efficace.

Notre idée est qu’au plus tard notre retour d’expérience doit avoir un point autour de Pâques et être terminé avant l’été. C’est un retour d’expérience d’une grande ampleur comme peu d’entreprises en organisent.

Hydro Québec qui a connu, voici deux ans, des événements climatiques qui ont ruiné une partie de ses circuits a entrepris un travail analogue.

M. STRICKER 

Nous avons commencé un retour d’expérience dans les mêmes délais. Il comporte tout ce qui touche à l’organisation de la crise et la communication, je ne vais pas y revenir. Simplement, nous allons emprunter un point aux centrales asiatiques, à savoir que lorsqu’il y aura des avis de tempête, non seulement nous mettrons la tranche en état de repli mais nous mettrons en place préventivement les équipes de plan d’urgence de façon qu’elles n’aient pas la difficulté de se rendre sur le site.

Il est un peu prématuré de tirer toutes les conclusions mais celle-ci en est une à laquelle nous sommes arrivés en discutant avec les gens du Blayais qui l’ont suggérée.

Sur le plan technique, il y a un retour d’expérience Blayais compte tenu du fait que chaque centrale a une configuration de type génie civil particulière, et un premier retour est de rehausser la digue mais c’est peut-être un peu plus compliqué, cela mérite quelques études de façon à ne pas faire quelque chose qui ne répondrait pas à la question.

A supposer qu’une vague soit passée sur le site, le fait d’avoir mis une digue tout autour fait une espèce d’effet cuvette qui pourrait faire plus de mal que de bien. C’est simplement pour vous dire que ce n’est pas forcément très simple.

En revanche, des choses ont déjà été faites sur la tranche 3 du Blayais, on a remplacé les trémies qui n’ont pas tenu par des portes étanches et séparé le rôle de porte étanche coupe-eau des portes coupe-feu. Il faut être capable de répondre aux deux et ce ne sont pas forcément les mêmes matériaux.

Autre retour d’expérience, c’est de transposer sur les autres sites, sur la base du rapport de l’IPSN, ce qu’il convient de faire.

Il y a deux étapes :

    • une étape rapide, et j’ai écrit dès le 7 janvier à tous les patrons de site nucléaire pour attirer leur attention sur le risque d’inondation, en leur demandant de s’assurer que tout ce qui devait être fait dans l’état actuel de conception était bien correctement fait,
    • et d’ici l’été, une revue détaillée de conception qui permette de prendre en compte les règles fondamentales de sûreté qui ont été édictées depuis.

Voilà les grandes lignes du retour d’expérience. J’ajoute que si les agents du site se sont correctement comportés, c’est également grâce à la qualité de leur formation. Ils étaient contents d’avoir pu être entraînés sur simulateur avant les événements qu’ils ont connus. Cela aide beaucoup. Nous renforcerons encore cet entraînement sur simulateur des différentes équipes de conduite.

M. BIRRAUX 

Merci Messieurs.

Existe-t-il à la cellule de crise d’EDF une main courante ou quelque chose de ce genre que vous pourriez me transmettre ?

 

 

M. ROUSSELY 

Oui.

M. BIRRAUX 

Le cas échéant, je demanderai aux différents ministères impliqués (Environnement et Industrie) si eux aussi tiennent une main courante, ce qui me permettra de constater à l’heure et à la minute près ce que les uns et les autres ont pu recevoir et transmettre.

Je ne tirerai pas de conclusion hâtive aujourd’hui, notre débat a été extrêmement intéressant et enrichissant parce qu’il a permis d’aborder l’essentiel des points et des interrogations que se posaient les élus, les parlementaires et, au-delà, l’ensemble de nos concitoyens sur l’analyse de la crise, sur la manière dont elle a été gérée, et sur les enseignements et les leçons qui ont d’ores et déjà été tirés et qui ne manqueront pas encore de l’être.

Le rapporteur continuera à approfondir sa réflexion en auditionnant éventuellement d’autres acteurs impliqués à différents échelons du système nucléaire français pour rendre pour le Parlement, courant mars, une copie qui fera le bilan de cet incident et des conclusions et recommandations auxquelles nous-mêmes nous pourrons arriver.

En tant que rapporteur, je voudrais vous remercier tous d’être venus participer à cette audition, particulièrement Monsieur le Président ROUSSELY puisque vous avez différé un voyage à l’étranger pour être présent devant les parlementaires.

M. le PRESIDENT 

Je voudrais vous remercier très sincèrement d’avoir bien voulu vous prêter à cet exercice sous la conduite de Claude BIRRAUX que je remercie de tout le travail qu’il a accompli dans un délai relativement court pour la préparation de cette audition.

Ce matin, l’Office parlementaire a décidé de lui demander de présenter, quand il les aura complétées par un certain nombre d’investigations et d’auditions, les conclusions relatives à cet incident dans le cadre de son rapport sous la forme d’un premier tome.

Je remercie également la presse qui a bien voulu nous faire l’honneur d’assister à cette audition publique.

Merci encore à vous Messieurs les Présidents et Directeurs et à vos collaborateurs qui avez bien voulu venir nous donner cette information qui aura été d’une grande richesse et aura permis d’éclairer beaucoup ces faits qui se sont situés dans un cadre assez extraordinaire puisque, comme le soulignait notre collègue le Sénateur LAFFITTE, il faudrait évaluer maintenant si ce type d’incident météorologique peut être attribué à l’évolution du climat.

 

C’est une préoccupation que l’Office partage mais, dans ce domaine, il est difficile pour l’instant d’avoir des conclusions. Je ne suis pas sûr qu’à l’issue du rapport que l’Office est en train de mener nous pourrons en tirer car les scientifiques les plus éminents n’ont pas encore non plus sur ce sujet des opinions bien arrêtées.

Merci à toutes et à tous.

La séance est levée à 12 h 45.

Rapport de l’I.P.S.N. sur l’inondation du site du Blayais
survenue le 27 décembre 1999

Ce rapport, ainsi que les planches l’illustrant, peut également être consulté sur le site de l’Institut de protection et de sécurité nucléaire, à l’adresse suivante :
http://www.ipsn.fr/blayais/blayais.htm

RAPPORT SUR L’INONDATION DU SITE DU BLAYAIS
SURVENUE LE 27 DECEMBRE 1999

1.INTRODUCTION

Ce rapport décrit le déroulement et les conséquences de l’inondation survenue le 27 décembre 1999 sur le site du Blayais. Il présente aussi les actions menées par l’IPSN à la suite de cette inondation ainsi que les premiers enseignements qui en résultent.

2.IMPLANTATION DU SITE DU BLAYAIS

2.1.LOCALISATION DU SITE

Le site de la centrale du Blayais qui comporte quatre tranches nucléaires à eau sous pression de 900 MWe, se trouve dans le département de la Gironde à 50 km au Nord-Ouest de Bordeaux. Les installations sont implantées en bordure de la Gironde dans une zone marécageuse. L’implantation du site de la centrale dans l’estuaire de la Gironde est précisée sur la planche 1.

2.2.HYDROLOGIE DU SITE

Les évaluations faites pour apprécier les niveaux des hautes eaux de la Gironde ont montré qu'au droit du site, les effets maritimes sont prépondérants par rapport aux effets fluviaux. La démarche retenue pour quantifier ces niveaux est donc celle adoptée pour les sites en bord de mer.
Le niveau des hautes eaux dépend des marées et des conditions topographiques et météorologiques locales. Le niveau retenu pour dimensionner la protection du site est 5,02 m NGF. Il correspond à celui atteint par la marée maximale (coefficient 120) augmenté d’une surcote destinée à tenir compte des conditions météorologiques (vents, dépressions,..) et topographiques locales ; cette surcote est évaluée par extrapolation à partir des mesures de niveau d’eau enregistrées depuis plusieurs décennies.
La station marégraphique de référence pour le site du Blayais est celle de Pauillac, située à 2,5 km en amont du site. L’implantation des marégraphes est précisée sur la planche 1.
Le site est ceinturé par une digue (planche 2). La digue est constituée par un ouvrage en terre protégé côté Gironde par un enrochement de blocs de pierre. En front de Gironde, sa hauteur est de 5,2 m NGF ; sur les côtés latéraux du site, sa hauteur est de 4,75m NGF.
Sur la planche 3, sont indiqués les niveaux de la plate-forme du site et d’implantation des réacteurs.
Des études récentes menées par Electricité de France, présentées dans l'édition 1998 du rapport de sûreté de la centrale du Blayais, ont conduit à une réévaluation du niveau d’eau à considérer pour la protection du site ; le nouveau niveau d’eau à retenir est de 5,46 m NGF. Dans ces conditions, Electricité de France avait prévu de rehausser la digue jusqu'à 5,70 m NGF ; les travaux correspondants, initialement prévus en 2000, avaient été repoussés par Electricité de France à 2002. Par lettre n° 5000/B995614 du 29 novembre 1999, la Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement Aquitaine avait demandé à Electricité de France d’apporter des explications à ce sujet.
Quelques niveaux d'eau de la Gironde peuvent être indiqués, à titre de repères :

-niveau maximum mesuré à Pauillac avant le 27/12/1999 : 4,12 m NGF, le 28 mars 1979 ;
-niveau maximum mesuré à Pauillac le 27/12/1999 : 4,46 m NGF (pour mémoire, tous les marégraphes sont ensuite devenus inopérants durant la tempête du 27 décembre 1999).

Les constats faits sur le site du Blayais après la tempête du 27/12/1999, montrent que l'eau a franchi des obstacles situés entre 5 m NGF et 5,30 m NGF.

3.DESCRIPTION DE L’INONDATION

3.1.ETAT INITIAL DES TRANCHES LE 27 DECEMBRE 1999

Avant les perturbations survenues dans la nuit du 27 décembre 1999, l’état des tranches était le suivant :

-tranches 1, 2 et 4 : en fonctionnement à 100% de leur puissance nominale,
-tranche 3 : à l’arrêt après rechargement, avec refroidissement par le circuit de refroidissement à l’arrêt.

3.2.DEROULEMENT DES EVENEMENTS

3.2.1.PERTE PARTIELLE DES ALIMENTATIONS ELECTRIQUES EXTERNES

Selon les renseignements recueillis auprès de l’exploitant, dès 19h30 le 27 décembre 1999, le site a été confronté à la perte des sources d’alimentation électrique auxiliaires en 225 kV sur les quatre tranches du site ainsi qu’à une perte du réseau électrique 400 kV sur les tranches 2 et 4. Ces défaillances ont entraîné la mise à l’arrêt automatique de ces deux tranches dont les diesels ont démarré et rempli correctement leur fonction dans l’attente du retour du réseau électrique 400kV, qui est intervenu vers 22h20. La ligne de 400 kV qui alimente les tranches 1 et 3 est quant à elle toujours restée disponible.
Un schéma de la distribution électrique du site est présenté sur la planche 4 qui mentionne également les endroits où se sont produites les défaillances de ces alimentations.

3.2.2.INONDATION DU SITE

Dans la nuit du 27 au 28 décembre 1999, des vagues remontant la Gironde, issues de la conjonction de la marée et d’un vent d’une force exceptionnelle, ont submergé en partie le site du Blayais. Selon les informations fournies par l’exploitant, l’inondation aurait débuté le 27 décembre vers 19h30, soit deux heures avant la pleine mer (marée de coefficient 77).
A 22 heures, une alarme de niveau haut de la Gironde au poste d’observation de Richard (voir planche 1) a été transmise à la tranche 4. Cette alarme conduit à l’application de la consigne de conduite I CRF. Il semble que l’information relative au niveau haut atteint dans la Gironde n’ait pas été transmise aux tranches 1, 2 et 3 comme le préconise la fiche d’alarme correspondante. De plus, la consigne I CRF du site du Blayais utilisée par les opérateurs en salle de commande, ne mentionne pas la nécessité de déclencher le plan d’urgence interne (PUI) de niveau 2 alors que le document décrivant le plan d’urgence interne fait de cette consigne une condition de déclenchement du PUI de niveau 2. Cette incohérence est en cours d’investigation.
Des paquets d’eau ont submergé la plate-forme de la centrale avec des entrées notamment sur le côté Nord-Ouest de la digue. Lors du passage des paquets d’eau, les enrochements de la digue ont été déplacés, entraînant un arasement de la digue sur sa partie donnant sur la Gironde (planche 5). La hauteur d’eau sur le site a atteint environ 30 cm dans l’angle Nord-Ouest du site (cette hauteur a été évaluée à partir des branchages bloqués sur les grilles d’accès (planche 6)).
Les tranches 1 et 2 ont été affectées de façon importante par des entrées d’eau. Par contre, les tranches 3 et 4 ont été beaucoup moins affectées.
Les entrées d’eau dans les tranches 1 et 2 sont identifiées par la présence au droit des trous d’entrée de plaques d’isolants provenant des façades du bâtiment administratif endommagées lors de la tempête (planche 9). L’eau s’est écoulée préférentiellement dans la galerie générale du site par des trous de manutention des plaques surmontant cette galerie ainsi que par les espaces libres au niveau de tôles déformées (planches 7 et 8). Cette galerie générale, située à l’extérieur des bâtiments, les encercle presque complètement (planche 10). Le débit d’eau qui a pénétré dans cette galerie sous une hauteur d’eau de 30 cm peut être estimé entre 20 000 et 40 000 m3/h. Cette valeur est corroborée par l’estimation du volume d’eau pompé dans les locaux (environ 90 000 m3 d’eau ont été rejetés entre le 27 décembre 1999 et le 1er janvier 2000) et par le fait que la présence d’eau sur le site a été constatée durant environ 2 heures.
Parmi les locaux inondés des tranches 1 et 2 (planches 10 et 11), il faut noter :

-les locaux contenant les pompes du circuit d’eau brute secouru (SEC). Le circuit SEC de chaque tranche comporte 4 pompes réparties en deux voies indépendantes (A et B), chaque pompe pouvant assurer 100% du débit nécessaire. Sur la tranche 1, les pompes SEC de la voie A ont été perdues par noyage de leurs moteurs ;
-les galeries techniques, notamment celles cheminant à proximité du bâtiment du combustible et reliant la station de pompage à la plate-forme ;
-certains locaux contenant des départs électriques. La présence d’eau dans les locaux a ainsi conduit indirectement à l’indisponibilité de certains tableaux électriques ;
-le fond du bâtiment du combustible des tranches 1 et 2 contenant les alvéoles des deux pompes d’injection de sécurité à basse pression (RISBP) et des deux pompes d’aspersion dans l’enceinte (EAS). Les pompes ont été considérées comme totalement indisponibles par l’exploitant. Les systèmes auxquels appartiennent ces pompes sont les systèmes de sauvegarde de l’installation qui permettent notamment de faire face aux brèches du circuit primaire.

La planche 12 illustre le rôle respectif des systèmes mentionnés ci-dessus. Le circuit d’eau brute secouru (SEC) intervient aussi bien lors du fonctionnement normal des tranches pour refroidir des auxiliaires du réacteur, que lors des phases d’arrêt du réacteur pour refroidir le système de refroidissement à l’arrêt et lors des situations accidentelles pour permettre l’évacuation de la puissance résiduelle par échange de la chaleur dans les échangeurs du système d’aspersion dans l’enceinte.
Le cheminement des eaux dans la tranche 1 est schématisé sur la planche 13.

4.GESTION DE LA SITUATION DANS LES CENTRES DE CRISE

4.1.GREEMENT ET FONCTIONNEMENT DES EQUIPES DE CRISE

A partir de 22h40, le 27 décembre, la DRIRE, la préfecture via la DRIRE et la DSIN ont été tenues régulièrement informées de la situation ; vers minuit, la DRIRE a informé l’ingénieur d’astreinte IPSN des problèmes d’alimentation électrique affectant la centrale du Blayais. A 3h, le 28 décembre, les équipes de crise de la centrale ont été appelées pour renforcer les équipes présentes. En parallèle, la centrale a informé les services nationaux d’Electricité de France et la DRIRE. A 3h15, les équipes nationales de crise d’Electricité de France ont été mobilisées.
A 3h30, la DSIN a été informée par les services nationaux d’Electricité de France.
A 6h30, la direction de l’IPSN a été directement informée par les services nationaux d’Electricité de France des difficultés rencontrées par la centrale du Blayais en termes d’alimentation électrique, avec demande de constitution d’une équipe technique dans son centre de crise pour dialoguer avec les équipes de crise d’Electricité de France. Une équipe de spécialistes a alors été réunie dans les locaux du centre technique de crise (CTC) de l’IPSN à Fontenay-aux-Roses dès 7h45 le 28 décembre 1999.
Compte tenu de la situation, le PUI niveau 2 a été déclenché à la demande de la DSIN à 9h, entraînant la mise en place d’une équipe de crise complète (25 personnes) au centre technique de crise.
La présence permanente d’une équipe de crise a été assurée dans ce centre du 28 décembre 1999 à 9h au 29 décembre 1999 à 21h ; une équipe de relève a assuré la permanence pendant la nuit du 28 au 29 décembre. Dans la journée du 30 décembre, une équipe " allégée " a continué à assurer une veille au centre technique de crise et ce n’est que le 30 décembre vers 18h que ce centre a été officiellement désactivé. Durant cette période, l’IPSN a envoyé une trentaine de messages à la DSIN
-dont douze le 28 décembre- pour l’informer de la situation technique et des risques en cas de défaillances supplémentaires.
Ainsi, dans la matinée du 28 décembre 1999, phase la plus critique de l’inondation, l’IPSN a évalué que la tranche 1 aurait disposé de plus de dix heures pour agir avant la fusion du cœur du réacteur en cas de défaillance du système d'alimentation en eau de secours des générateurs de vapeur (ASG) (planche 12) qui assurait l’évacuation de la puissance résiduelle liée aux décroissances radioactives. Ce système qui comporte deux motopompes et une turbopompe -une seule pompe suffisant à assurer le refroidissement du réacteur- n’a montré aucun signe de défaillance durant son fonctionnement.

4.2.GESTION DE LA SITUATION PAR LES EQUIPES DE CRISE

La gestion de la situation accidentelle pour les tranches 1 et 2 peut être divisée en quatre phases :

-mise à l’arrêt : entre le 27 décembre et le 28 décembre 1999 en fin de matinée, les tranches -arrêtées automatiquement respectivement vers 23h et 0h30- sont passées de la pleine puissance où le fluide primaire est à une pression de 155 bar et à une température de 280°C à un état d'arrêt où la pression primaire est de l'ordre de 30 bar et la température de l'ordre de 160°C ; à la fin de cette phase, la puissance résiduelle à évacuer n’est plus que de l’ordre de 15 MW ;
-identification de l'ensemble des voies d'arrivée d'eau sur le site et assèchement des locaux inondés : ces opérations se sont achevées le 29 décembre 1999 dans la soirée ;
-récupération de la voie A du système SEC de la tranche 1 : celle-ci a été engagée après l'assèchement des locaux inondés et s'est définitivement achevée après la remise en état des pompes SEC le 4 janvier 2000 (une pompe était disponible dès le 30 décembre 1999) ;
-remise en état d’une pompe d'injection de sécurité et d’une pompe d'aspersion dans l'enceinte pour chaque tranche le 4 janvier 2000 (sans requalification complète).

Pour évacuer l’eau des locaux inondés, la centrale a mis en œuvre ses moyens propres de pompage associés à ceux des pompiers de la région. Les eaux ainsi collectées ont été rejetées dans la Gironde par le circuit des égouts qui aboutit dans une fosse de plusieurs milliers de mètres cubes permettant la vérification par les laboratoires du site de leur activité volumique avant rejet. L’exploitant a fourni des valeurs de l’activité volumique des eaux rejetées dans la Gironde et l’OPRI a également procédé à des mesures. Durant cette période, les valeurs d’activité volumique due au tritium sont restées inférieures au seuil de détection (à l’exception d’une mesure -non confirmée- à 180 Bq/l) et donc inférieures à la limite applicable aux eaux d’exhaure, soit 1000 Bq/l pour le tritium.

5.ACTIONS DE L’IPSN

5.1.EVALUATION PAR L’IPSN DE LA SURETE DES TRANCHES DU SITE DU BLAYAIS APRES L’INONDATION

Les indications qui suivent résultent des échanges techniques intervenus avec Electricité de France depuis le 27 décembre 1999. En particulier, des spécialistes de l’IPSN se sont rendus sur le site les 6 et 12 janvier 2000.

5.2.1.JUSQU'A CE JOUR

5.2.1.1.Tranches 1 et 2

Le 30 décembre 1999, Electricité de France a demandé à la DSIN l’autorisation de maintenir les tranches 1 et 2 dans l’état dit " arrêt normal sur les générateurs de vapeur " (AN/GV), tant que la stabilisation du réseau national ne serait pas acquise et que l’ensemble des systèmes électriques de la centrale (sources externes, tableaux électriques) n’auraient pas été complètement retrouvés. L’IPSN a considéré que le maintien des tranches 1 et 2 dans cet état était effectivement préférable du point de vue de la sûreté à la lumière d’une comparaison du développement des séquences accidentelles plausibles dans les différents états envisageables, et la DSIN a accordé l’autorisation correspondante à Electricité de France.
Le 3 janvier 2000, Electricité de France a proposé d’effectuer une remise en état partielle d’une voie du système d’injection de sécurité à basse pression (RISBP) et d’une voie du système d’aspersion dans l’enceinte (EAS) (planche 12) de façon à leur assurer une fiabilité suffisante pour rejoindre l’état d’arrêt pour rechargement, en vue de réaliser un examen exhaustif de l’état des tranches et une remise en état complète des systèmes précités. L’IPSN a considéré raisonnable de viser à terme un état pour lequel l’ensemble des opérations nécessaires à la remise en état complète des installations affectées par l’inondation puisse être réalisé (contrôles, remise en état des structures et des équipements, essais destinés à vérifier le caractère opérationnel des équipements sollicités dans l’accomplissement des fonctions de sûreté).
Le 7 janvier 2000, sur avis favorable de l’IPSN, la DSIN a autorisé le passage des tranches 1 et 2 en arrêt pour rechargement sous réserve qu’il ne soit pas effectué durant la période des prochaines grandes marées qui débute le 21 janvier, avec un maximum atteint le 22 janvier 2000 à 6h50 (coefficient 105).

5.2.1.2.Tranches 3 et 4

La tranche 3 a été maintenue en arrêt à froid normal sur le système de refroidissement à l’arrêt (AN/RRA). Après récupération le 29 décembre 1999 de sa source auxiliaire 225 kV, la tranche 4 a été recouplée au réseau électrique le 30 décembre 1999 ; elle fonctionne depuis lors à sa puissance nominale.

5.2.2.A COURT TERME

Compte tenu de la proximité des prochaines grandes marées et des observations faites lors des visites sur site des 6 et 12 janvier 2000, l’IPSN a estimé nécessaire qu’Electricité de France définisse au plus tôt des mesures compensatoires pour l’ensemble du site (mise en place d’un système d’alerte fiable prévenant la centrale d’un risque d’inondation, remise en état de la digue, élimination des voies de cheminement de l’eau, par exemple par obturation de trémies ou par mise en place de portes résistant à la pression) et les mette en œuvre avant les prochaines grandes marées. De plus, l’IPSN a jugé nécessaire qu’Electricité de France propose un programme d’examen systématique et approfondi de l’état des installations et des systèmes des quatre tranches du site.
Il est à souligner qu’à la date du 14 janvier 2000, Electricité de France n’avait pas encore procédé à l’ensemble des contrôles permettant de garantir l’absence d’endommagement des équipements des tranches 3 et 4. De plus, compte tenu des mesures prises pour limiter les risques d’inondation des tranches 1 et 2, les tranches 3 et 4 pourraient être davantage vulnérables à une inondation et par des voies non identifiées à ce jour.
De nouveaux éléments techniques ont été transmis par Electricité de France le 17 janvier 2000 et les discussions techniques se poursuivent.

5.3.PROTECTION CONTRE LES INONDATIONS EXTERNES

5.3.1.CAS DU SITE DU BLAYAIS

Les paragraphes suivants indiquent un certain nombre de sujets qui méritent d’être réexaminés à la lumière de l’inondation du 27 décembre 1999.

5.3.1.1.Protection du site

5.3.1.1.1.Système d’alerte

Comme cela a été mentionné plus haut, une alarme de niveau haut de la Gironde a été déclenchée vers 22h le 27 décembre 1999 dans la tranche 4 du site. Cette alarme n’a pas été traitée en tant que telle, les opérateurs ayant apparemment considéré qu’elle était couverte par l’application en cours de la procédure incidentelle relative à la perte des alimentations électriques externes. De plus, cette alarme n’a pas été répercutée vers les autres tranches comme le préconise la fiche d’alarme correspondante, ce qui aurait conduit à arrêter la tranche 1 plus tôt, d’où une diminution plus précoce de la puissance résiduelle à évacuer.
Une analyse de l’efficacité du système d’alerte en cas d’inondation et de la cohérence des différents documents correspondants s’avère donc nécessaire.

5.3.1.1.2.Digue

Pour ce qui concerne la digue, Electricité de France envisage aujourd’hui trois étapes :

-remise au niveau initial avant le 21 janvier 2000 (soit 5,2 m NGF),
-mise en conformité avec l’édition 1998 du rapport de sûreté (soit 5,7 m NGF),
-réexamen du niveau à considérer pour définir la hauteur finale de la digue, en tenant compte de l’inondation du 27 décembre 1999.

Les dates des deux dernières étapes n’ont pas été précisées à ce jour par Electricité de France.
Au delà des dispositions compensatoires immédiates, il convient effectivement de tenir compte des phénomènes observés le 27 décembre 1999. Ceci conduira à préciser la hauteur et la résistance de la digue nécessaires pour prévenir toute inondation du site du Blayais, mais aussi à réexaminer les dispositions de la règle fondamentale de sûreté relative au risque d’inondation (RFS I.2.e).

5.3.1.2.Comportement du génie civil

De nombreuses voies d’arrivée d’eau ont été constatées. Les principaux éléments qui ont permis la propagation de l’inondation sont principalement la galerie générale du site, les portes, les passages de tuyauteries dans le génie civil et les trémies. Ceci conduit à s’interroger sur les points suivants :

-les voies d’inondation des locaux via la galerie générale du site ; un certain nombre de points sensibles sont d’ores et déjà en cours de traitement par Electricité de France (trémies dans les locaux des pompes de la station de pompage par exemple),
la résistance des portes, des traversées et des trémies ; compte tenu des chargements qui peuvent s’appliquer à ces équipements, des critères d’étanchéité et de résistance à la pression devront être définis en tant que de besoin ;
-les dégradations éventuelles du génie civil ; si aucun endommagement particulier associé à l’inondation n’est visible (à l’exception de la digue), des relevés topographiques sont en cours pour le confirmer ;
-la tenue des joints entre bâtiments ; à ce stade, Electricité de France indique qu’aucun endommagement de ces joints n’a été identifié mais des contrôles complémentaires sont prévus.

5.3.1.3.Impact sur les systèmes

Au-delà des demandes relatives aux tranches 3 et 4 (cf. paragraphe 5.1.2.), Electricité de France devra préciser, pour les tranches 1 et 2, l’ensemble des équipements affectés par l’inondation et mener les programmes particuliers de remise en état et de requalification nécessaires. L’impact du caractère corrosif de l’eau de la Gironde sur les matériels et notamment sur les matériels électriques ainsi que sur les enrobages des câbles assurant leur protection contre l’incendie devra être apprécié.

5.3.1.4.Impact sur la conduite

L’évaluation détaillée de la conduite adoptée pour les tranches 1 et 2 durant la nuit du 27 décembre 1999 pourrait fournir des enseignements précieux sur la gestion de la crise par les opérateurs et les équipes de crise aux niveaux local et national. Aussi, l’IPSN va procéder au dépouillement des données informatisées du système d’acquisition de données (KIT/KPS) qui permet de disposer en temps réel, au centre technique de crise de l’IPSN, d’informations concernant l’état de l’installation et des systèmes de sûreté.

5.3.2.CAS DES AUTRES SITES

Il conviendra de réexaminer, pour l’ensemble des sites du parc nucléaire français [1], les données utilisées pour le calage de leur plate-forme (ces données concernent notamment les niveaux des marées, l’influence des phénomènes naturels pris en compte et les niveaux atteints lors des crues).
Une première analyse succincte du risque d’inondation externe des sites où sont implantés des réacteurs à eau sous pression, fait ressortir les éléments présentés ci-après.
Selon la règle fondamentale de sûreté (RFS I.2. e) applicable à la protection des sites des centrales nucléaires à l’égard des risques d’inondation d’origine externe, cette protection est assurée notamment par :

-1.le calage de la plate-forme supportant les bâtiments abritant les matériels importants pour la sûreté à un niveau au moins égal au niveau des plus hautes eaux, avec une marge de sécurité (le niveau correspondant est appelé cote majorée de sécurité -CMS) ;
-2.l’obturation des voies possibles d’accès de l’eau dans les locaux abritant les matériels participant au maintien de l’installation dans un état sûr, situées au-dessous du niveau du calage de la plate-forme.

En termes de rétroactivité, pour les sites aménagés avant la mise en application de la RFS I.2.e du 12 avril 1984, celle-ci prévoit que les sites ne répondant pas au premier critère doivent en tout état de cause respecter le deuxième critère et que des dispositions complémentaires doivent être proposées pour assurer un niveau de protection équivalent à celui exigé par la RFS I.2.e. De plus, certains sites présentent des conditions spécifiques nécessitant d’examiner le risque d’inondation résultant de la proximité d’un canal dont la ligne d’eau est supérieure à la cote de la plate-forme.
Les 19 sites français peuvent être regroupés en quatre catégories d’après les critères identifiés ci-dessus :

-les critères 1 et 2 rappelés ci-dessus sont respectés avec des marges importantes pour les sites de CHOOZ, CIVAUX et CATTENOM ;
-la plate-forme de l’îlot nucléaire est calée au-dessus de la CMS mais le respect du second critère mérite des vérifications plus approfondies pour les sites de BUGEY, CRUAS, FLAMANVILLE, GOLFECH, NOGENT, PALUEL, PENLY et SAINT-ALBAN ;
la plate-forme de l’îlot nucléaire est calée au-dessous de la cote majorée de sécurité (CMS) pour les sites de BELLEVILLE, CHINON, DAMPIERRE, GRAVELINES, LE BLAYAIS et SAINT-LAURENT ; il conviendra, pour ces sites, de réexaminer l’ensemble des dispositions spécifiques mises en place ;
-les sites de FESSENHEIM et de TRICASTIN sont implantés à proximité d’un canal dont la ligne d’eau est supérieure à la cote de leur plate-forme. Pour ces sites également, il conviendra de réexaminer les dispositions particulières mises en œuvre.

5.4.AUTRES ENSEIGNEMENTS

Au-delà des questions directement relatives aux inondations d’origine externe, il conviendra de revoir les relations possibles entre ces risques d’inondation et les inondations internes.
Par extension, l’inondation du site du Blayais pourrait également conduire à s’interroger sur la pertinence des méthodes habituellement employées pour la détermination de l’intensité des agressions externes " extrêmes " (séisme, grand froid,..).

.CONCLUSION

L’inondation qui s’est produite sur le site du Blayais a mis en évidence un mode de dégradation possible du niveau de sûreté de l’ensemble des tranches d’un même site.
Aussi, l’IPSN a engagé un programme de travail à court et moyen termes destiné à tirer les enseignements de cette inondation pour l’ensemble des sites français équipés de réacteurs à eau sous pression.
Dans le même temps, une première information a été transmise aux organismes de sûreté étrangers via le système IRS (Incident Reporting System) de l’OCDE.