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Document E3026
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil établissant le code des douanes communautaire (Code des douanes modernisé) - Mettre en oeuvre le programme communautaire de Lisbonne.


E3026 déposé le 15 décembre 2005 distribué le 19 décembre 2005 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2005) 0608 final du 30 novembre 2005, transmis au Conseil de l'Union européenne le 2 décembre 2005)

Ce texte de 200 articles procède à une refonte complète du code des douanes communautaire (CDC) actuel et vise, dans le but d’alléger le coût du dédouanement, à simplifier la législation et les procédures douanières tant pour les opérateurs que pour l’administration.

Il doit être adopté selon la procédure de codécision, dans un délai relativement long :

- première lecture au groupe union douanière du Conseil achevée à la fin de la présidence autrichienne et position commune fin 2006 ;

- rapport du Parlement fin 2006 ;

adoption du règlement à l’automne 2007 ;

- adoption des dispositions d’application avant la fin 2008 ;

- entrée en vigueur de l’ensemble du dispositif au 1er janvier 2009.

La Présidence autrichienne a achevé la première lecture article par article du projet de code des douanes communautaires modernisé. Elle a formulé un projet révisé, qui est, depuis le 30 juin 2006, le document de discussion de la présidence finlandaise. Ce document est en cours d’examen au Groupe d’union douanière du Conseil.

En ce qui concerne le Parlement européen, la commission IMCO (marché intérieur et protection du consommateur) s’est réunie le 13 septembre 2006 pour examiner l’ensemble des textes normatifs douaniers proposés par la Commission (CDC modernisé, douane électronique, programme « Douane 2013 »). De son côté, la rapporteure, Mme Jeanny Fourtou, a repris dans son rapport plusieurs des propositions françaises concernant le CDC modernisé : suppression des mentions sur la fiscalité (article 152 notamment), limitation de la gratuité (article 32) et réserves sur les règles de comitologie. La première lecture devrait intervenir le 12 décembre 2006.

La présente note a pour ambition de présenter les principales difficultés que pose ce texte et qui ont été relevées par la direction générale des douanes et des droits indirects du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, en indiquant, pour chacune d’entre elles, les propositions de la Commission.

Au préalable, on observera que le code actuel n’a subi aucune révision générale depuis son adoption, en 1992. Il est donc nécessaire de l’adapter, afin qu’il soit en adéquation avec l’environnement électronique des douanes et du commerce. La Commission propose par ailleurs une mesure phare, qui est de permettre la collecte des droits et des taxes à l’endroit le plus approprié, celui où l’opérateur est établi : c’est ce qu’on appelle le dédouanement centralisé.

Le dédouanement centralisé

Le projet de code des douanes modernisé introduit le concept de dédouanement centralisé, qui permettra le dépôt de la déclaration en douane électronique au bureau d’importation ou d’exportation, c’est-à-dire au lieu d’établissement de l'opérateur, quel que soit l’État membre par lequel les marchandises entrent ou sortent de l'Union européenne.

Concrètement, à l’importation, un opérateur pourra présenter une déclaration au bureau d’importation dans un Etat membre A . Ce bureau acceptera la déclaration et donnera la mainlevée pour des marchandises situées physiquement dans un bureau d’entrée dans un Etat membre B . Les marchandises pourront ensuite être livrées dans l’Etat membre A ou dans un Etat membre C.

Le dédouanement centralisé permettra donc une plus grande fluidité du trafic, en limitant les contrôles physiques, réalisés en un seul lieu, normalement au bureau d’entrée. Ceci permettra de limiter le nombre de ruptures de charge, très coûteuses pour les opérateurs.

Toutefois, le dédouanement centralisé soulève les difficultés suivantes :

- Il constituera la procédure de droit commun pour tous les opérateurs. Or, cette procédure ne permettant pas d’assurer des contrôles immédiats satisfaisants, il serait souhaitable d'en limiter le bénéfice aux seuls opérateurs économiques agréés, qui ont fait l'objet d’un audit douanier et pour lesquels les contrôles immédiats peuvent être moins nombreux.

- Dans le cadre du futur système informatisé à l’importation, l’Etat de rattachement ne recevra aucune information ou déclaration, ce qui rend impossible tout contrôle fiscal ou de respect des réglementations nationales. Pour tous les opérateurs, les contrôles physiques seraient exceptionnels et seraient réalisés, sauf exception, au bureau d’entrée. Ce système ne paraît guère cohérent avec le renforcement des contrôles liés aux mesures de sécurité.

- Dans une union douanière où les taux de contrôles varient fortement d’un pays à l’autre, le dédouanement centralisé est une incitation forte à la concentration des flux physiques sur des plates formes portuaires et aéroportuaires, ainsi qu’à la concentration des formalités de dédouanement dans les pays à grande capacité logistique, à forte attractivité sociale et/ou fiscale ou considérés comme étant plus souples en matière de contrôles douaniers. Concrètement, cela signifie que les procédures de dédouanement pourraient se concentrer sur Anvers et Rotterdam. Or ce risque réel de délocalisation aura également des répercussions économiques sur « l’aval », notamment sur le choix des sociétés qui transporteront les marchandises, lesquels se porteront de plus en plus sur des opérateurs situés hors Hexagone. Cette menace supplémentaire ne peut être négligée si l’on tient compte du fait que la part du commerce international routier effectué sous pavillon français est tombée de plus de 50 % au début des années 1990 à environ 23 % aujourd’hui.

Le guichet unique

Le guichet unique s’inscrit dans le cadre du plan stratégique pluriannuel d’informatisation de la douane et devra être réalisé par les Etats membres à l’horizon 2012. Il fait l’objet d'une nouvelle disposition, insérée dans le projet de Code des douanes communautaire (CDC), à l’article 28.

Le guichet unique peut se définir comme une facilité qui permet aux opérateurs de concentrer l’ensemble des informations nécessaires, sous format standard, dans un seul point d’entrée, afin de satisfaire à l’ensemble de la réglementation, douanière, sanitaire, policière etc., relative à l’importation, l’exportation et au transit des marchandises.

Cette facilité est complétée par une approche dite «  one stop shop  » qui permet un examen physique des marchandises en un lieu unique et à un moment unique.

Il recouvre les deux aspects suivants :

- la transmission par les opérateurs des informations exigibles en une seule fois et l’échange d’informations entre les services douaniers et les autres administrations ou agences impliquées dans une opération douanière à l’intérieur d’un même Etat membre (administrations en charge de la santé humaine et animale, de la police, de la défense et de la répression des fraudes) (concept de «  single window  », alinéa 2 de l’article 28 du projet de CDC) ;

- la réalisation conjointe des contrôles par les différents services impliqués (concept de «  one stop shop  », alinéa 1 de l'article 28 du projet de CDC).

Le guichet unique suppose donc une coopération et une coordination étroite entre les administrations et les organismes gouvernementaux concernés.

Par ailleurs, sa mise en place est conditionnée par la réalisation préalable des projets informatiques suivants :

- système permettant aux opérateurs commerciaux de disposer, dans l’Etat où ils sont établis, d’un point d'accès unique pour toutes les transactions électroniques, y compris pour les transactions impliquant plusieurs administrations et/ou plusieurs Etats ;

- création d’une base de données des opérateurs ;

- mise en œuvre d'un système d’inter-opérabilité entre les systèmes nationaux, à l’exportation (AES) comme à l'importation (AIS).

Sans s’opposer au principe du guichet unique, la France tient à formuler des réserves sur cette disposition prévue à l'article 28 du projet de code modernisé.

En effet, la condition de mise en oeuvre du guichet unique est une très grande coopération entre toutes les parties concernées, autorités douanières et autres administrations. A cet égard, il semble difficile en France de pouvoir convaincre les autres ministères qu’une administration centralise toutes les transactions et qu'elle les retransmette vers les autorités compétentes en fonction des nécessités.

La comitologie

La proposition de refonte du CDC contient de réguliers renvois à la procédure de comitologie en vue de préciser les dispositions du futur règlement de base, voire de les simplifier (cf. article 35 de la proposition).

Il convient de s’interroger sur le point de savoir si les divers articles confiant à la Commission un pouvoir d’exécution du futur CDC ont un champ d’application excédant les simples «  mesures d’application nécessaires à la mise en oeuvre de la réglementation de base  », cette condition étant posée par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (arrêt Söhl & Sohlke du 11 novembre 1999) pour déléguer à la Commission une compétence d’exécution.

Il semble évident que la délégation contenue dans le futur article 35 excède le champ de la délégation permise par l’article 202 du Traité CE. En effet, la simplification des dispositions contenues dans le règlement de base ne peut être considérée comme revêtant le caractère de mesures d’application.

De manière générale, les douanes considèrent qu’il serait judicieux de s’opposer à un recours systématique à la procédure de comitologie.

Plusieurs arguments plaident en faveur de cette position :

- les dispositions qui ne sont plus reprises dans le CDC, en vue d’une adoption dans les dispositions d’application du code, ont depuis toujours été considérées comme relevant d’un règlement de base. L’argument de simplification ne saurait être retenu dans la mesure où le renvoi systématique aux dispositions d’application, s’il réduit le CDC, serait de nature à rendre plus complexe le règlement « douanier » de la Commission qui comptabilise déjà plus de 900 articles ;

- il n'est pas certain que la procédure d’adoption des dispositions d’application du code, actuellement en vigueur, soit maintenue, dans la mesure où, d’une part, la Commission propose de remplacer le comité de réglementation actuel par un comité de gestion et, d’autre part, où la décision 1999/468/CE relative à la comitologie est en cours de refonte, la Commission, selon les douanes françaises, souhaitant, sous couvert de simplification, réduire le pouvoir de contrôle des experts des Etats membres au sein des comités.

En tout état de cause, il apparaît exagéré d’accorder à la Commission, dans le cadre de la comitologie, le droit d’adopter des mesures de simplification d’un acte du Parlement européen et du Conseil. Dans ces conditions, il devrait, au moins, être proposé de supprimer l’article 35 du projet de Code qui accorde à la Commission un tel droit.

Les frais et les coûts

L’article 32 de la proposition de refonte du CDC prévoit qu’aucun frais n’est perçu par les autorités douanières pour l’accomplissement des contrôles douaniers ou tout autre acte requis par l’application de la législation douanière. Les autorités douanières peuvent, toutefois, percevoir des frais ou récupérer des coûts pour des services spécifiques rendus.

Cet article va plus loin que l’état de la jurisprudence de la Cour de justice qui autorise la perception de frais à l’accomplissement des formalités douanières uniquement s’ils correspondent à un service spécifique individualisé.

La France considère, en vertu du principe de subsidiarité, qu’il est de la compétence de chaque Etat membre de décider de la gratuité des services rendus.

En outre, la France envisage de mettre à la disposition des opérateurs un système, appelé DELTA, leur permettant de souscrire la déclaration en douane de manière totalement informatisée et totalement fiable. Accessible en continu, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, DELTA offre une communication quasi-immédiate du bon à enlever pour les marchandises non sélectionnées en vue d’un contrôle, y compris en dehors des heures d’ouverture du service des douanes. Il permet une dématérialisation totale des opérations de dédouanement et dispense l’opérateur d'un déplacement au bureau de douane.

Compte tenu de ces services, le coût de l'utilisation d'un tel instrument devrait pouvoir être mis à la charge des opérateurs.

Dans ces conditions, la possibilité prévue au 2ème alinéa du § 1er de l’article 32, permettant aux autorités douanières de percevoir des frais ou de récupérer des coûts, devrait porter sur tout acte requis pour l’application de la législation douanière.

La TVA et les accises

Le projet de code modernisé prévoit la suspension de la TVA et des droits d’accises sur les régimes douaniers suivants :

- celui de l’article 152-1-b, soit le régime du transit externe, qui permet la circulation de marchandises non communautaires d’un point du territoire douanier à l’autre ;

- celui de l’article 157-1-b, soit le régime de l’entreposage, qui permet de stocker des marchandises non communautaires dans le territoire douanier de la Communauté ;

- celui de l’article 178-1-b, soit le régime du perfectionnement actif, qui permet de faire subir une ou plusieurs opérations de perfectionnement à des marchandises non communautaires.

Le projet prévoit également l’exonération de la TVA à l’article 172-1 du futur Code encadrant le régime de l’admission temporaire, qui permet l’utilisation de marchandises non communautaires destinées à la réexportation dans le territoire douanier communautaire.

Le texte proposé méconnaît largement les dispositions fiscales qui figurent actuellement dans les directives 77/388/CEE modifiée pour la TVA et 92/12/CEE pour les droits d’accises.

En effet, les régimes douaniers communautaires, qu’ils soient économiques ou suspensifs, n’ont aucune influence au regard des droits d’accises (qui sont exigibles en sortie de régime suspensif des accises) et ils ne peuvent prétendre suspendre une TVA dont le fait générateur n’intervient, en application de l’article 10-3 de la sixième directive, qu’à la sortie du régime suspensif.

Le texte forcerait par ailleurs les Etats membres à considérer les régimes suspensifs douaniers comme obligatoirement suspensifs de la TVA et des accises.

En outre, l’obligation de constituer des garanties couvrant la TVA et les accises prévue pour le titulaire du régime de transit communautaire (article 155-2-c), pour le titulaire du régime de l’entreposage lorsque cela concerne un entrepôt douanier public (article 158-2) et pour le placement des marchandises en dépôt (article 160-3) s’inscrit à l’opposé des décisions prises par le gouvernement dans la loi de finances rectificative pour 2005 avec le décautionnement de la TVA exigible à l’importation.

 Conclusion :

Ce projet s’inscrit dans le contexte de la stratégie de Lisbonne, en faisant de la modernisation et de l’interconnexion des douanes un facteur de croissance et de compétitivité. Lorsqu’il sera pleinement opérationnel, le nouveau système douanier devrait générer des gains d’environ 2,5 milliards d’euros par an. Selon la Commission, le seuil de rentabilité devrait être franchi dès 2010.

Le futur Code s’inscrit également dans le projet de douane électronique que la Délégation a examiné le 12 avril 2006.

Au total, le texte de la Commission poursuit une grande ambition, que la France partage entièrement, mais certains aspects du projet suscitent des difficultés, tant sur le plan de la faisabilité technique ou administrative (guichet unique) que sur celui du respect de la subsidiarité (dispositions supprimant la perception de frais pour l’accomplissement des contrôles douaniers) et de la cohérence du droit communautaire (compatibilité du futur Code avec la directive TVA).

Compte tenu de ces observations, la Délégation a adopté , sur la proposition de M. François Guillaume, rapporteur, les conclusions suivantes au cours de sa réunion du 13 décembre 2006 :

« La Délégation,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil établissant le code des douanes communautaire (Code des douanes modernisé) – Mettre en œuvre la stratégie le programme communautaire de Lisbonne,

Considérant l’enjeu que représente, pour les entreprises et la renforcement de la compétitivité de l’Union européenne, l’adoption d’un Code des douanes communautaire modernisé, qui tienne compte de la mise en œuvre d’un environnement douanier informatisé,

Considérant que la proposition de règlement suscite, en l’état, des difficultés tant sur le plan de la faisabilité technique et administrative que sur celui du respect du principe de subsidiarité et de la cohérence du droit communautaire,

Demande que :

- les Etats membres veillent à ce que le dédouanement centralisé ne se traduise pas par une concentration des procédures sur les ports de Rotterdam et d’Anvers, qui bénéficient d’une forte attractivité sociale et/ou fiscale ;

- la mise en place du guichet unique permette un niveau de protection élevé de la santé et de la sécurité des consommateurs, en faisant en sorte que les normes de contrôle ne soient pas alignées sur les moins-disantes d’entre elles ;

- soient levées les incertitudes concernant, d’une part, les risques d’incompatibilité avec les directives relatives à la TVA et aux droits d’accises que pose la suspension de ces prélèvements sur certains régimes douaniers et, d’autre part, les risques d’atteinte à la subsidiarité que pose la suppression envisagée de la possibilité, pour les Etats membres, de percevoir des frais sur les actes requis pour l’application de la législation douanière ;

- soit strictement encadré le droit de la Commission de recourir, aux fins d’appliquer les dispositions du futur Code, à la procédure de comitologie, afin de s’assurer que la délégation des compétences d’exécution ne concerne, conformément à la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes, que les « mesures d’application nécessaires à la mise en œuvre de la réglementation de base ».  »