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Document E3123
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de règlement du Conseil modifiant les règlements (CEE) ) n° 2771/75 et (CEE) n° 2777/75, en ce qui concerne l'application de mesures exceptionnelles de soutien du marché.


E3123 déposé le 10 avril 2006 distribué le 13 avril 2006 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2006) 0153 final du 29 mars 2006, transmis au Conseil de l'Union européenne le 29 mars 2006)

La Délégation est saisie d’une proposition de règlement autorisant l’adoption de mesures destinées à aider la filière avicole à faire face aux conséquences économiques de la grippe aviaire.

Présenté par la Commission le 30 mars 2006, ce texte a été déposé à l’Assemblée nationale le 10 avril et doit être adopté par le Conseil « agriculture » le 25 avril prochain.

Comme le souligne l’exposé des motifs de la proposition, la baisse de la consommation de viande de volaille provoquée par la présence, dans plusieurs Etats membres, du virus H5N1 atteint parfois plus de 50 % et engendre des stocks très importants, estimés à 300 000 tonnes aujourd’hui.

Or l’OCM « volaille » ne dispose que d’un seul outil « conjoncturel » pour gérer cette crise, les restitutions à l’exportation.

C’est pourquoi la Commission propose de modifier le règlement encadrant l’OCM, afin de permettre l’introduction de mesures autres que celles actuellement autorisées, qui répondent aux perturbations du marché dues à la perte de confiance des consommateurs.

I. Une OCM démunie

Contrairement aux « grandes » OCM, celle organisant le marché de la viande de volaille se caractérise par la faiblesse de ses instruments de régulation, dont, en outre, certains sont menacés sur le plan multilatéral.

Ainsi, les restitutions à l’exportation peuvent être utilisées pour tenter de rétablir l’équilibre sur le marché européen. En outre, leur montant peut être relevé (le 8 mars 2005, a été décidée une nouvelle hausse, de 30 à 40 euros/100kg pour les poulets entiers congelés et de 10 à 20 euros/100kg pour les découpes), mais ces subventions sont inadaptées au traitement d’une crise d’une telle ampleur. De plus, il convient de garder à l’esprit qu’à l’avenir, ces subventions disparaîtront en 2013, si le Cycle de Doha aboutit.

Par ailleurs, les droits de douane et les contingents tarifaires protègent, aux frontières, la production européenne, mais ces garants de la préférence communautaire sont, à l’heure actuelle, soumis aux pressions du Brésil en faveur de l’ouverture de notre marché.

Par ailleurs, l’analyse technique, réalisée par le ministère de l’agriculture, de l’offre agricole du 28 octobre 2005 transmise par la Commission à l’OMC, indique très clairement que le droit de douane sur certaines productions de volaille compense à quelques centimes d’euros près, seulement, l’écart constaté entre le prix européen et le prix mondial. Selon les estimations de l’industrie, cette offre met en danger 17,5 % des postes de travail dans le secteur de la volaille soit – 71 4000 emplois au niveau européen.

Enfin, l’article 14 de l’actuelle OCM permet l’adoption de mesures exceptionnelles de soutien au marché, mais uniquement en cas de restrictions à la libre circulation, résultant de mesures prises contre la propagation de maladies d’animaux. Rien n’est donc prévu pour faire face aux conséquences, sur la filière, d’une crise de confiance du consommateur.

Bref, la panoplie est déjà limitée hors situation de crise et se trouve, désormais, désarmée devant une crise économique d’une extrême gravité, qui frappe la filière depuis six mois.

En effet, depuis son déclenchement :

- selon le gouvernement, les cours de la viande de volaille ont diminué de 15 % à 20 % dans les principaux pays consommateurs de l’Union, voire de plus de 25 % pour certaines productions en label ;

- selon la Commission, la crise a entraîné une baisse de la consommation de 70 % en Grèce et de 50 % en Italie, ainsi qu’une des prix (50 % en Italie, 60 % en Belgique et 20 % en France) ;

- début mars, le ministre délégué au commerce indiquait qu’une quarantaine de pays avaient annoncé un embargo, total ou partiel, sur les exportations avicoles françaises, représentant 14 % du total de nos exportations.

Cette situation a conduit le gouvernement à réagir sur le plan national et européen.

Au plan national, 11 millions, puis 52 millions d’euros ont été mobilisés, dans le cadre d’un dispositif de soutien la filière avicole. Celui-ci s’adresse à tous les éleveurs de volaille, dont le chiffre d’affaires, dans cette production, est au moins égal à 25 % du total et prévoit, notamment, une indemnisation des pertes des éleveurs, en fonction de la baisse de production constatée en le 1er novembre 2005 et le 30 avril 2006. Des avances comprises entre 1 000 et 2 000 euros peuvent versées, sur la base d’une déclaration sur l’honneur. Le dispositif comprend également une mesure spécifique pour les éleveurs de volaille en plein air, un fonds d’allègement des charges, ainsi que des mesures pour les entreprises de la filière.

Au plan européen, la France a plaidé pour l’adoption rapide d’un texte qui prenne la pleine mesure de la crise. Force est de constater que la Commission s’est contentée d’une réponse limitée et, de ce fait, décevante.

II. Une réponse insuffisante de la Commission

La proposition soumise à l’examen de la Délégation autorise le cofinancement à hauteur de 50 %, par le budget communautaire, de mesures vétérinaires et de mesures de compensation, liées aux restrictions imposées aux mouvements de volailles.

Elle permettrait ainsi l’adoption de mesures «  exceptionnelles  » de soutien de marché, à la demande des Etats membres, tenant compte de «  graves perturbations du marché résultant directement d’une perte de confiance des consommateurs résultant de l’existence de risques pour la santé publique ou animale  »

Ce dispositif appelle les commentaires suivants :

- sa mise en œuvre sera rendue difficile par le fait qu’il suppose de démontrer l’existence d’un risque pour la santé humaine ou animale, alors que la simple croyance en un risque suffit à provoquer la chute de la consommation ;

- il répond ponctuellement et imparfaitement à la demande, adressée à la Commission par le Conseil des ministres de l’agriculture de Luxembourg ayant réformé la PAC en juin 2003, d’examiner les mesures spécifiques permettant de régler les problèmes posés par «  les crises, les risques et les désastres nationaux agricoles  ». La crise actuelle souligne la grave carence que constitue l’absence d’initiatives concernant la création d’un dispositif européen, solide et défendable à l’OMC, de gestion des crises agricoles, au moment même où les chocs sanitaires se « mondialisent » eux aussi. La solution idéale aurait été d’ailleurs d’introduire une « clause viande bovine » dans l’OCM volaille ; nous en sommes loin ;

- les mesures adoptées dans ce cadre ne devraient financées, selon la Commission, qu’à hauteur de 50 % par le budget européen, celle-ci ayant refusé, le 10 avril, d’envisager un financement entièrement communautaire ;

- enfin, la Commission est, à ce stade, hostile à toute rétroactivité du dispositif, demandée par la France et qui permettrait de couvrir les mesures nationales adoptées par les Etats membres les plus touchés par cette crise.

 Conclusion :

M. Jean-Marie Sermier, rapporteur, a présenté ce document au cours de la réunion de la Délégation du 12 avril 2006.

A l’issue de cet exposé, la Délégation a adopté les conclusions suivantes proposées par le rapporteur :

«  La Délégation,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu la proposition de règlement du Conseil modifiant les règlements (CEE) n°2771/75 et (CEE) 2777/75, en ce qui concerne l’application de mesures exceptionnelles de soutien de marché (COM (06) 0153 final / E 3123),

1. déplore que ce texte ne s’inscrive pas dans une démarche législative d’ensemble visant à instituer un cadre communautaire de gestion des crises agricoles, qui soit automatique, efficace et compatible avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce ;

2. demande que le nouveau régime ait un effet rétroactif ;

3. estime indispensable que l’Union européenne participe au financement de mesures de rétablissement de l’équilibre du marché, lesquelles doivent englober, notamment, des aides au stockage privé et à la réduction de l’offre et des dispositions permettant l’indemnisation des stocks ne pouvant plus être commercialisés et l’abattage anticipé de volailles, en cas de fermeture de marchés à l’exportation . »