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Document E3326
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de règlement du Conseil sur la mise en oeuvre du 10e Fonds Européen de Développement.


E3326 déposé le 22 novembre 2006 distribué le 30 novembre 2006 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2006) 0650 final du 27 octobre 2006, transmis au Conseil de l'Union européenne le 27 octobre 2006)

La mise en place du 10ème FED 2008-2013, le fonds d’aide aux pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), doit se faire en plusieurs étapes.

A ce stade, le protocole financier du 10ème FED, fixant le montant de l’enveloppe financière accordée aux pays ACP pendant la durée du prochain FED, a été négocié avec les pays ACP et approuvé lors du Conseil ministériel UE/ACP de Port-Moresby (1er et 2 juin 2006).

Les Etats membres se sont également accordés sur le texte de l’accord interne du 10ème FED, qui arrête le montant de l’aide aux pays ACP, mais aussi celui de l’aide aux pays et territoires d’outre-mer associés à la Communauté européenne et les frais de gestion (22,682 milliards d’euros en tout).

Cet accord doit être ratifié par les parlements nationaux avant novembre 2007, faute de quoi les flux d’aide aux pays ACP risquent d’être suspendus.

Contrairement à ce qui s’était fait pour les FED précédents, l’accord interne du 10ème FED n’inclut ni le détail des règles de programmation ni le fonctionnement de la comitologie du prochain FED. La Commission a fait le choix de traiter ces questions dans un règlement séparé, aujourd'hui soumis à l’examen de la Délégation.

Les principales modifications apportées par rapport au 9ème FED sont les suivantes :

- la plus importante d’entre elles consiste à soumettre au comité du FED, pour avis, non plus les propositions de financement individuelles, c’est-à-dire les projets d’aide concrets, mais des programmes d’action annuels, fixant les objectifs poursuivis, les domaines d’intervention, les résultats attendus, les procédures de gestion et le montant total du financement prévu ;

- les documents de stratégie, les enveloppes allouées, les programmes indicatifs et toute modification les concernant résultant des revues périodiques ou ponctuelles resteront soumis à l’avis préalable du comité du FED ;

- les critères d’attribution de l’aide, les mesures spéciales d’un montant ne dépassant pas 10 millions d’euros et les divers rapports de suivi et d’évaluation seront présentés au comité du FED seulement pour information.

La France a indiqué qu’elle souhaite maintenir l’approbation des propositions de la Commission projet par projet au comité du FED. Sa demande est confortée par les dispositions qu’elle a fait inscrire dans l’accord interne concernant la prorogation des règles du FED en vigueur, sauf accord contraire des Etats membres à l’unanimité.

La France n’est donc pas opposée à ce que le comité FED adopte des programmes d’action annuels pour peu que ce comité reste saisi des projets individuels. Si l’Espagne soutient la France, l’Allemagne, en revanche, tout comme l’Estonie, s’est prononcée en faveur d’un alignement des règles de mise en œuvre du 10ème FED sur celles de l’instrument financier communautaire de coopération au développement.

Il est proposé à la Délégation d’approuver ce texte, tout en soutenant la position des autorités françaises.

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Cela étant, puisque par le biais de ce texte la question des pays ACP est de nouveau posée, il semble intéressant de faire un point rapide sur les évolutions des négociations des accords de partenariat (APE).

Ce sujet a déjà été débattu, en juillet dernier, à la suite de la présentation d’un rapport devant la Délégation et de l’adoption, par celle-ci, de conclusions qui ont fait l’objet d’un vote unanime.

Fin juillet dernier, peu de temps après ce débat, une déclaration conjointe ACP-UE était adoptée portant sur l’état d’avancement des négociations relatives aux APE.

Cette déclaration, basée sur l’article 37-4 de l’accord de Cotonou, rappelait que « les parties examineront régulièrement l’état d’avancement des préparatifs et des négociations et, en 2006, elles effectueront un examen formel et complet des accords prévus pour tous les pays afin de s’assurer qu’aucun délai supplémentaire n’est nécessaire pour les préparatifs ou les négociations. »

Cette déclaration doit donner lieu à un rapport qui devra être examiné au premier semestre 2007 par le Conseil des ministres ACP-UE, rapport « qui pourra comprendre des recommandations et qui ouvrira la voie à l’achèvement des négociations relatives aux APE à la fin de 2007. »

C’est l’Allemagne qui sera donc en charge de cette question. Ce pays a déjà fait savoir qu’il cherchera à convoquer le Conseil ministériel conjoint UE-ACP pour faire la revue des négociations fin mai 2007.

Par ailleurs, le 16 novembre dernier, le Commissaire européen en charge du commerce extérieur, M. Peter Mandelson, déclarait que si le délai de fin 2007 pour la fin des négociations n’était pas respecté, ce serait, une « catastrophe ». Le directeur général en charge du commerce à la Commission ajoutait qu’en cas de non respect de cette date, les membres de l’OMC seront « sans pitié ».

Plus près de nous, le 23 novembre 2006, l’Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE adoptait une résolution sur l’état des négociations APE. Cette assemblée, qui fait partie des institutions de la relation UE-ACP, a un rôle consultatif.

Dans cette déclaration, elle invite la Commission à veiller à ce que la compatibilité des relations commerciales ACP-UE avec les règles OMC « ne prenne pas le pas sur l’objectif général du développement durable » et que les APE doivent « en premier lieu contribuer au développement socioéconomique durable des pays ACP ».

L’Assemblée parlementaire paritaire formule également une série de recommandations qui recoupent celles adoptées par notre Délégation. Elle note en particulier que les négociations sur les APE dans la plupart des régions sont dans l’impasse. Elle rappelle que, commencées en même temps, les négociations APE devaient durer 3 ans de plus que les négociations engagées dans le cadre du cycle de Doha, qui devaient se terminer en 2004.

Par ailleurs, elle demande à la Commission de travailler à améliorer les règles OMC afin qu’elles servent mieux le développement. Elle souhaite aussi que la Commission ne fasse pas de pressions indues sur les pays ACP et elle l’invite à prendre les dispositions voulues en cas de non conclusion des APE fin 2007.

Encore plus près de nous, les Présidents et chefs de gouvernement des pays ACP s’inquiétaient, le 8 décembre, que la Commission n’ait pas « présenté d’alternatives aux APE actuels contrairement à l’article 34 de Cotonou ». Ils réaffirment leur ambition de faire en sorte que « le développement soit la pierre angulaire des APE ». Enfin, ils réaffirment aussi que l’ouverture des marchés doit être asymétrique et se manifestent sur d’autres problématiques elles aussi clairement pointées par notre Délégation.

Ce rappel n’est pas fait tant pour dire que la Délégation avait vu juste mais pour souligner les pressions de la Commission et sa volonté de passer en force. Cela n’est pas raisonnable pour les pays ACP ni politiquement responsable pour l’Union européenne.

En effet, au-delà de la question du contenu, le problème majeur posé aujourd’hui est la date à laquelle devraient se terminer les négociations, à savoir le 31 décembre 2007. Cette date semble totalement inatteignable.

L’OMC peut effectivement être saisie de plaintes contre la prorogation du régime commercial asymétrique dont bénéficient les pays ACP.

Mais, d’une part, le fait que l’OMC a établi un lien entre les négociations « cycle de développement » de Doha, qui n’est toujours pas terminé, et les négociations ACP-UE est à faire valoir sans complexe. On ne peut séparer les choses.

D’autre part, le fait que sur 6 régions ACP, deux d’entre elles - les Caraïbes et le Pacifique – semblent être en mesure de conclure les négociations à la date évoquée peut permettre à la Commission de faire valoir à l’OMC notre bonne volonté et gagner ainsi un délai supplémentaire de la part de pays membres de l’Organisation, tels que la Brésil ou l’Inde par exemple.

 

 

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M. Jean-Claude Lefort, rapporteur, a présenté ce texte au cours de la réunion de la Délégation du 13 décembre 2006. Son intervention a été suivie d’un débat.

Le Président Pierre Lequiller a remercié le rapporteur pour cette communication, qui constitue le prolongement de son excellent rapport d’information présenté à la Délégation au mois de juillet 2006.

M. Jean-Claude Lefort, rapporteur, a insisté sur le fait qu’il faut prendre les devants, puisque l’Allemagne fera le point sur cette question mi-2007. Seules deux régions ont achevé les négociations des APE, les quatre autres régions et en particulier toute l’Afrique est encore exclue du nouveau cadre de partenariat. L’Union européenne risque d’être attaquée à l’OMC par les autres membres de l’Organisation. Du fait du lien étroit qui existe entre les négociations de Doha et celles des APE, il faut éviter que « les foudres » de l’OMC ne s’abattent sur l’Union européenne. Il n’est pas nécessaire pour cela de fixer un délai précis, et l’on peut considérer qu’un délai d’un an est raisonnable. L’Union européenne doit adopter cette position prudente, raisonnable et positive, pour éviter d’avoir à venir se défendre devant les panels de l’Organisme de Règlement des Différends de l’OMC.

M. François Guillaume a formulé deux observations :

L’Europe a cédé devant les Etats-Unis et les pays émergents. Le résultat est que les accords de Cotonou sont nettement moins favorables aux pays ACP que ne l’étaient les accords de Lomé.

D’autre part, l’appui aux pays en voie de développement ne passe pas par l’OMC. Il faut impérativement instaurer de fortes dérogations aux règles du commerce international en faveur de ces pays, au-delà des aides traditionnelles, puisqu’ils n’arrivent pas à décoller.

M. Jean-Claude Lefort, rapporteur, a rappelé qu’il avait présenté sur ce sujet des pistes dans son rapport d’information précité. Il a ajouté qu’il s’agit également de donner un signe positif aux pays ACP. Il semble possible d’obtenir un délai supplémentaire d’un an.

La Délégation a alors adopté les conclusions suivantes :

« La Délégation,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu les conclusions adoptées par la Délégation le 5 juillet 2006 sur la négociation des accords de partenariat économique (APE) avec les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP),

Considérant les demandes réitérées des pays ACP de faire du développement la pierre angulaire des APE et le très faible état d'avancement des négociations de ces accords entre les quatre régions d'Afrique subsaharienne et la Commission européenne ;

Considérant le fait que la Commission n’a toujours pas examiné des solutions alternatives aux APE comme le prescrit l'article 37§ 6 de l'Accord de Cotonou et que l’article 37§4 du même accord prévoit l'examen, par les parties, de l'opportunité d’accorder un délai supplémentaire pour les négociations ;

1. Réitère ses conclusions adoptées le 5 juillet 2006 sur les APE, en soulignant la nécessité de conclure des accords contribuant à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement agréés par l'ONU, afin de ne pas transformer le partenariat entre l’Union européenne et les pays ACP en variable d’ajustement des règles de l’Organisation mondiale du Commerce ;

2. Juge nécessaire de demander à l’OMC la prorogation de la dérogation accordée par cette organisation le 14 novembre 2001 aux pays ACP, qui sécurise jusqu’au 31 décembre 2007 les préférences commerciales non réciproques actuellement octroyées par l’Union européenne, afin que ce délai supplémentaire permette aux quatre régions d’Afrique subsaharienne de conclure sans précipitation les négociations, en tenant pleinement compte de leurs intérêts en matière de protection de leur industrie naissante et de leur agriculture vivrière et de renforcement de leurs dépenses sociales de base . »