RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE LÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (1)
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 1999 (n° 1078),
TOME I
PAR M. DIDIER MIGAUD
Rapporteur général,
Député
SOMMAIRE
____
DEUXIÈME PARTIE : QUELLE POLITIQUE BUDGÉTAIRE POUR LA
FRANCE AU SEIN DE LUNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE ?
CHAPITRE PREMIER : LES FINANCES PUBLIQUES FACE AU PACTE DE
STABILITÉ ET DE CROISSANCE : LE POLITIQUE A-T-IL TOUJOURS UNE MARGE DE MANOEUVRE ?
CHAPITRE II : LA COOPÉRATION ET lHARMONISATION DES
POLITIQUES BUDGÉTAIRES ET FISCALES : UNE RÉPONSE A LINTÉGRATION ÉCONOMIQUE
ET MONÉTAIRE DE LEUROPE
DEUXIÈME PARTIE
QUELLE POLITIQUE BUDGÉTAIRE POUR LA FRANCE AU SEIN DE LUNION ÉCONOMIQUE ET
MONÉTAIRE ?
LUnion économique et monétaire (UEM) est désormais sur les rails. En ce début
dautomne 1998, on ne peut cependant sempêcher de songer pour
sen féliciter au contraste évident qui sépare les acquis
daujourdhui des interrogations et inquiétudes exprimées hier.
Au printemps 1997, le gouvernement allemand tentait, sans succès dailleurs, de
provoquer une réévaluation du stock dor de la Bundesbank, semant ainsi le doute
sur sa capacité à satisfaire au critère de déficit posé par le traité de Maastricht.
En France, des perspectives budgétaires jugées difficiles provoquaient un retour
anticipé des députés devant leurs électeurs et une alternance politique porteuse
despoir dans un contexte financier assombri.
Un an après, lachèvement de la construction monétaire de lEurope et la
mise en place, à partir du 1er janvier 1999, de la monnaie unique, sont
acquis. A cet égard, la décision du Conseil européen extraordinaire de Bruxelles, le
2 mai 1998, ne relevait pas dun volontarisme politique irréaliste, mais
sappuyait sur une réalité incontestable : les efforts de redressement des
finances publiques, pour coûteux quils fussent parfois, avaient porté leurs fruits
dans la plupart des États membres. La liste des États membres admis à participer à la
troisième phase de lUEM était donc large, avec onze Etats, ainsi quil était
souhaitable pour établir les conditions du succès de leuro.
Les marchés ne sy sont dailleurs pas trompés : ils ont,
jusquici, épargné lEurope des turbulences qui perturbent sans cesse les
relations monétaires et financières internationales depuis la dévaluation du bath
thaïlandais en juillet 1997. On peut imaginer ce quil serait advenu du système
monétaire européen dans sa version actuelle si, faute dun assainissement
budgétaire suffisant, faute dune perspective crédible pour lintroduction de
leuro, les monnaies des États membres sétaient présentées en ordre
dispersé devant les spéculateurs internationaux. Heureusement, l « Euroland »
sest imposé aux esprits et aux comportements avant même de naître officiellement.
Le dossier nest pas clos pour autant : lUnion économique et
monétaire est un acquis, mais elle nest pas une fin en soi. Elle doit servir la
croissance et lemploi. On ne saurait, en effet, se satisfaire dune version
minimaliste de la construction européenne, réduite à un marché et une monnaie uniques.
Parmi les questions soulevées, celle de la redéfinition éventuelle de la politique
budgétaire a naturellement vocation à retenir lattention du Rapporteur général
de la Commission des finances. Les pays participant à lUEM devront, en effet,
appliquer le pacte de stabilité et de croissance, adopté en juin 1997 par le Conseil
européen réuni à Amsterdam, qui prolonge les dispositions similaires mises en
uvre depuis lentrée en vigueur du traité de Maastricht.
Par ailleurs, lunion monétaire pose dans des termes nouveaux la problématique
de la coopération entre les autorités économiques et financières des pays concernés.
En particulier, parce quelle touche à un domaine essentiel de la souveraineté et
à lun des fondements des États démocratiques modernes, lharmonisation des
fiscalités revêt un caractère éminemment sensible.
CHAPITRE PREMIER
LES FINANCES PUBLIQUES FACE AU PACTE DE STABILITÉ ET DE CROISSANCE : LE POLITIQUE
A-T-IL TOUJOURS UNE MARGE DE MANOEUVRE ?
Limpératif de discipline budgétaire, exigence de bon sens, est inscrit de
longue date dans les objectifs et mécanismes des politiques communautaires. Le
22 mars 1971, par exemple, une décision du Conseil instaurait la procédure des
concours financiers à moyen terme entre États membres. Cette procédure prévoyait
notamment des obligations telles que « la limitation du taux de progression des
dépenses de lÉtat, la limitation du déficit des opérations du Trésor, le retour
à léquilibre budgétaire dans les cinq ans ». Lévolution des
finances publiques en Italie ou en Grèce dans les années soixante-dix et quatre-vingt,
alors même que ces pays bénéficiaient de tels concours, traduit à lévidence
limpuissance des règles communautaires dalors à infléchir de façon
significative et durable les pratiques budgétaires de certains États membres.
Les travaux conduits en vue de préparer lunion économique et monétaire ont
donné un nouveau lustre à la notion de discipline budgétaire dans la deuxième moitié
des années quatre-vingt. En 1989, le rapport du « Comité Delors » (1) proposait ainsi de plafonner les déficits budgétaires
nationaux, soulevant une vague de critiques et amorçant un vif débat de politique
économique et institutionnelle ; il fut néanmoins adopté lors du Conseil européen
de Madrid en juin 1989. La maturation progressive de ces idées a ensuite trouvé une
consécration juridique en prenant place parmi les dispositions de
larticle 104 C du traité instituant la Communauté européenne :
« 2. La Commission [
] examine notamment si la discipline
budgétaire a été respectée », dont les termes font écho au premier
alinéa : « 1. Les États membres évitent les déficits excessifs ».
Les trois premiers textes constitutifs du pacte de stabilité et de croissance (2) précisent les dispositions de
larticle 104 C du traité. Ils forment ensemble le cadre dans lequel
évoluera la politique budgétaire des États membres participant à la monnaie unique à
partir du 1er janvier 1999.
Entre appréciation politique et jugement technique, entre théorie économique et
évaluations économétriques, le contenu et la portée de ces textes ne se laissent pas
saisir facilement. Il apparaît cependant que, même si lassainissement et la
stabilité budgétaires ont été érigés en vertus cardinales, le potentiel régulateur
des finances publiques a été préservé tout en étant fortement encadré.
A. LASSAINISSEMENT ET LA
STABILITÉ BUDGÉTAIRES ONT ÉTÉ ÉRIGÉS EN VERTUS CARDINALES
1. Lassainissement des finances
publiques devra se poursuivre
a) La réussite de lassainissement est considérée comme
le gage dun fonctionnement harmonieux de lUnion monétaire
· Les « grandes orientations de politique économique », adoptées
par le Conseil, conformément à larticle 103 du traité instituant la
Communauté européenne, présentent chaque année la vision commune des États membres
sur leur stratégie économique. Cette stratégie comporte trois grands volets : une
politique monétaire axée sur la stabilité des prix, des efforts soutenus
dassainissement des finances publiques, une évolution des salaires nominaux
compatible avec lobjectif de stabilité des prix (lévolution des salaires
réels devant, pour sa part, préserver leur pouvoir dachat, tout en accroissant la
rentabilité du capital).
Lidée sous-jacente est que « des politiques budgétaires saines
faciliteront la tâche de la politique monétaire unique, qui est de préserver la
stabilité des prix » (3). Bien
entendu, selon la pure théorie libérale de léquilibre général, tout déficit
budgétaire (voire tout accroissement de la dépense publique) serait censé perturber les
conditions de réalisation de léquilibre de marché et provoquer un ajustement par
les prix.
Au demeurant, ce nest cependant plus sur ce terrain mouvant que se situerait
largument, selon les tenants de ce libéralisme exacerbé. Il ferait plutôt appel
aux capacités danalyse prêtées aux agents économiques et reposerait sur
linteraction entre la crédibilité de la politique budgétaire et celle de la
politique monétaire. M. Jean-Claude Trichet, gouverneur de la Banque de France, a
ainsi pu écrire que « laccroissement massif du déficit dun ou de
plusieurs États de lUnion européenne susciterait par exemple un risque de
dégradation de la confiance, à même de pénaliser lensemble de la zone, via
lémergence de primes de risque sur les taux dintérêt. Le risque est alors
de « surcharger » la politique monétaire et de réduire ses marges de
manuvre, et au-delà son efficacité et sa crédibilité » (4).
Limpact du besoin de financement des administrations publiques sur
linflation ou les anticipations dinflation nest cependant pas aussi
direct que ce que la formulation rapide des « grandes orientations des politiques
économiques » pourrait laisser croire. Les conditions du financement de ce déficit
sont tout aussi importantes, sinon plus, que son montant en valeur absolue.
On rejoint alors ce que votre Rapporteur général est tenté dappeler les
« thèses catastrophistes » présentées par les apôtres de la stabilité. La
persistance du déficit amène à perdre le contrôle du niveau de la dette publique,
entraînant ainsi une charge dintérêt insupportable pour le budget des
administrations publiques. Dans ces conditions, la seule échappatoire réside dans la
monétisation de la dette, grâce à la complaisance (ou à la soumission) des autorités
monétaires envers le pouvoir politique. Linflation est au bout du chemin.
Cest pourquoi le traité de Maastricht a introduit deux dispositions visant à
éviter ces difficultés :
larticle 107 pose le principe de lindépendance de la
Banque centrale européenne, des banques centrales nationales ainsi que de leurs membres
et organes de décision, qui « ne peuvent solliciter ni accepter des instructions
des institutions ou organes communautaires, des gouvernements des États membres ou de
tout autre organisme » ;
larticle 104 interdit à la Banque centrale européenne et aux
banques centrales nationales daccorder des découverts ou tout autre type de crédit
aux États membres, ainsi que dacquérir directement auprès deux des
instruments de leur dette.
Certains auteurs estiment que ces deux dispositions conjuguées constituent des
garanties suffisantes pour la stabilité de la monnaie. Cependant, les rédacteurs du
traité ont préféré sentourer dune garantie supplémentaire en instaurant,
avec larticle 104 C, la surveillance des politiques budgétaires et la
procédure des déficits excessifs. Il est vrai que, pour ne parler que de
linterdiction posée par larticle 104, le mode de fonctionnement actuel
du marché monétaire amène les banques centrales nationales à détenir dans leurs
actifs une fraction de la dette de lÉtat, comme contrepartie des concours
quelles accordent aux établissements financiers dans le cadre du réglage de la
liquidité bancaire.
Pour autant, il serait erroné den conclure que les mécanismes pervers qui
prévalaient dans les décennies antérieures subsistent aujourdhui. Intervenant
devant les élèves de lInstitut détudes politiques de Paris, le 18 mai
dernier, M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de léconomie, des finances et de
lindustrie, pouvait ainsi affirmer : « en adoptant la monnaie unique,
nous renonçons définitivement à loption de monétiser nos erreurs, nous nous
engageons de ce fait à respecter des contraintes intertemporelles ».
· Sils ne sont plus monétisables, le déficit et la dette publique
viennent en concurrence avec le besoin de financement et la dette des acteurs privés sur
les marchés financiers. Dans cette perspective, lassainissement budgétaire devient
la condition sine qua non dune meilleure allocation des ressources et
dune diminution des taux dintérêt. Les documents émanant des services de la
Commission européenne sappuient ainsi largement sur la thèse ancienne et bien
connue des « effets déviction » provoqués par le secteur public :
éviction de linvestissement privé par le taux dintérêt ; éviction de
la demande privée par la demande publique.
Les grandes orientations des politiques économiques elles-mêmes reflètent de façon
récurrente lopinion des États membres selon laquelle « des situations
budgétaires saines permettront de maintenir les taux dintérêt à long terme à un
niveau peu élevé, ce qui exercera un effet dattraction sur linvestissement
privé. Comme, dans de pareilles circonstances, les administrations publiques
nabsorbent plus lépargne privée, mais contribuent positivement à
lépargne dans léconomie, laccroissement du taux dinvestissement
peut, toutes choses égales par ailleurs, saccomplir sans faire naître de tensions
sur la balance des paiements et sur les taux dintérêt à long terme » (5).
Il est vrai que lexamen des séries statistiques longues relatives à
lépargne brute dans les pays de la Communauté européenne montre une stabilité
assez notable du taux dépargne du secteur privé depuis le début des années
soixante. Certes, les parts respectives des ménages et des entreprises ont fluctué comme
« en miroir » par-delà la stabilité de leur tout. Par ailleurs, la
désépargne des administrations publiques depuis le milieu des années soixante-dix a
contribué négativement au niveau de lépargne brute nationale.
ÉPARGNE ET INVESTISSEMENT AU SEIN DE LÉCONOMIE EUROPÉENNE
|
1961-73 |
1974-85 |
1986-90 |
1991-96 |
1997 (b) |
1998 (b) |
1999 (b) |
Secteur privé |
21,2 |
21,1 |
20,8 |
20,9 |
19,9 |
19,8 |
19,8 |
|
10,3 |
12,5 |
10,0 |
9,1 |
8,1 |
7,9 |
7,7 |
|
10,9 |
8,6 |
10,8 |
11,8 |
11,8 |
11,9 |
12,1 |
Administrations publiques |
4,1 |
0,5 |
0,2 |
1,7 |
0,2 |
0,4 |
0,9 |
Epargne nationale |
25,3 |
21,6 |
21,0 |
19,2 |
19,8 |
20,2 |
20,7 |
FBCF (a) |
24,7 |
21,9 |
20,8 |
19,4 |
18,7 |
19,0 |
19,4 |
Balance courante |
0,4 |
0,4 |
0,1 |
0,3 |
1,3 |
1,4 |
1,4 |
(a) FBCF : formation brute de capital fixe.
(b) Prévisions économiques dautomne 1997.
Source : Économie européenne, n° 65, 1998.
Cependant, il est clair que le redémarrage de linvestissement, dans un contexte
de stabilité de lépargne privée, suppose que les administrations augmentent leur
capacité propre dépargne si la Communauté veut éviter denregistrer un
déséquilibre persistant de sa balance courante. A tort ou à raison, lappel à
lépargne étrangère ne semble pas constituer, aux yeux des autorités
communautaires, une solution souhaitable de financement de la croissance.
Il convient de remarquer que cette analyse fait justement limpasse sur le rôle
international de lEurope et de sa future monnaie unique. Dans un premier temps, il
peut paraître souhaitable, effectivement, déquilibrer la balance courante de
lUnion, afin de préserver la valeur externe de leuro et, par voie de
conséquence, de favoriser sa stabilité interne.
Laffirmation de leuro sur la scène financière internationale semble
cependant inéluctable, et acceptée comme telle par nombre danalystes et de
responsables, y compris américains. Cette affirmation annoncée passe par un
accroissement de la détention deuros par les non-résidents. Dans cette
perspective, lEurope devra fournir au reste du monde un volume suffisant
deuros pour que celui-ci acquière le statut de véritable monnaie de réserve.
Pour lheure, la stimulation de linvestissement, nécessaire pour replacer
léconomie européenne sur un sentier de croissance soutenue et durable, ne saurait
conduire à oublier la nécessité dun redressement des comptes publics.
b) Lassainissement budgétaire simpose avant tout
par ses vertus intrinsèques sur les comptes publics
· Au point le plus bas de la récession du début des années quatre-vingt, le
déficit budgétaire total des États membres de la Communauté sétait creusé
jusquau niveau, jamais enregistré jusqualors, denviron 5% du PIB. A la
fin de la décennie, le déficit budgétaire global dans la Communauté était revenu à
2,5% du PIB environ. Le début des années quatre-vingt-dix a vu une détérioration
considérable de la situation dans les États membres : en lespace de quatre
ans, le déficit sest accru de près de 4 points de PIB, pour atteindre le
niveau de 6,3% du PIB en 1993.
Indépendamment de ses effets immédiats sur léquilibre des marchés financiers,
la persistance des déficits, conjuguée au niveau positif des taux dintérêt
réels qui prévaut depuis le début des années quatre-vingt, fait peser une charge
croissante sur les budgets publics. Chacun connaît désormais lexistence dun
« effet boule de neige » de la dette, qui apparaît lorsque le taux
dintérêt moyen servi sur la dette est supérieur au taux de croissance nominale du
PIB. La part de la dette dans le PIB (le taux dendettement public) tend alors à
saccroître de façon mécanique, sauf si les administrations parviennent à
dégager un excédent primaire (6) suffisant.
La dette dans une Europe de quinze États sélevait aux alentours de 35% vers le
milieu des années soixante-dix. Elle franchit le seuil de 40% en 1980, des 50% en 1984,
des 55% en 1987. La récession de 1993 fait augmenter de 10 points en deux ans le
taux dendettement, qui sélève alors à 66% du PIB. Le point culminant est
atteint en 1996 : le taux dendettement public dans lEurope des Quinze est
égal à 73% du PIB.
Dans le même temps, les paiements effectifs dintérêts passaient au-dessus de
4% du PIB dans les années quatre-vingt, alors quils étaient restés inférieurs à
2% du PIB depuis 1960 (7). Ils ont culminé à
5,4% du PIB en 1995 et 1996, avant de décroître à 5% du PIB en 1997 (8).
En France, les informations recueillies à loccasion du débat dorientation
budgétaire du 9 juin 1998 montrent que la dette publique par actif devrait atteindre
plus de 190.000 francs en 1998, après 80.000 francs en 1988 et seulement
21.000 francs en 1978. Cet indicateur peu usuel donne une image saisissante de la
contrainte exercée par lendettement passé et présent sur les forces productives
de notre économie même si la dette publique est détenue par les agents
privés et se trouve parfois assimilée à une richesse détenue par ces agents. Le
paiement des intérêts sur la dette de lÉtat absorbait 5% des recettes fiscales en
1980 ; cette proportion sélève à près de 20% en 1998. Les paiements
effectifs dintérêts des administrations publiques représentaient 3,8% du PIB en
1997, à comparer à 2% du PIB en 1981.
De telles évolutions sont clairement insupportables à terme pour les finances
publiques. La rémunération des capitaux prêtés aux administrations publiques se fait,
dans des budgets par ailleurs contraints, au détriment de dépenses peut-être plus
profitables au bien-être national. Cette rémunération constitue dailleurs, comme
le remarquait le rapport du Gouvernement déposé en vue du débat dorientation
budgétaire, une forme de redistribution à rebours, puisque les apporteurs de capitaux ne
sont pas parmi les personnes les plus démunies de notre société
Enfin,
lendettement excessif peut provoquer la défiance des marchés et induire un niveau
trop élevé du taux dintérêt préjudiciable à linvestissement. La
réduction du taux dendettement public est une nécessité, même sil est
délicat de déterminer de façon précise un niveau optimal dendettement.
· Il faudra bien, de plus, garder quelque souplesse afin dabsorber le
« choc des retraites » qui devrait samorcer dans une dizaine ou une
quinzaine dannées. Parce quil récuse un processus qui conduirait à se
reposer sur lendettement pour financer les retraites, le Gouvernement a annoncé de
premières mesures de soutien aux régimes de retraite par répartition : le projet
de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 prévoit, en effet, la
constitution dun Fonds de réserve pour les retraites, établissement public placé
sous la tutelle du ministère de lemploi et de la solidarité. Les ressources du
fonds seraient constituées, dans un premier temps, par des excédents tirés du Fonds de
solidarité vieillesse, puis dautres recettes provenant de la réforme des caisses
dépargne ou du produit de la mise sur le marché du capital de certaines
entreprises publiques.
Aujourdhui, la plupart des pays de lOCDE affichent une démographie
favorable, où la génération du baby boom prend en charge des retraités
relativement moins nombreux. Toutefois, dici à la deuxième décennie du siècle
prochain, cette génération aura atteint lâge de la retraite, tandis que la
population active aura diminué dans de nombreux pays.
En 1990, le rapport de la population « âgée » (plus de 65 ans) à la
population active (24 à 64 ans) était de 19% en moyenne pour lensemble de la
zone OCDE ; en 2030, ce ratio de dépendance pourrait atteindre 37%. Au Japon, le
ratio, qui était lun des plus faibles de lOCDE en 1980, pourrait au contraire
atteindre lune des valeurs les plus élevées avec 44%. En Europe, la progression a
commencé depuis 1990 et devrait enregistrer un accroissement rapide après 2010. Aux
États-Unis, laugmentation du taux de dépendance ne devrait commencer
quaprès 2010.
Dans le même mouvement, le nombre de personnes âgées de plus de 80 ans
augmentera sensiblement. Or, si lévolution de la société et les progrès de la
science font que la plupart des sexagénaires et des septuagénaires ont, dans le domaine
de la santé comme dans le domaine social, de nombreuses caractéristiques communes avec
des groupes plus jeunes, actuellement, il semble que 80 ans soit la limite au-delà
de laquelle les dépenses de santé augmentent très sensiblement, atteignant près du
quadruple de la moyenne par personne.
Limpact négatif de cette dégradation du rapport démographique sur
léquilibre financier des régimes de retraites est au plan
qualitatif évident. Sa quantification repose cependant sur des scénarios et
des faisceaux dhypothèses, qui rendent les résultats numériques plus incertains.
Lintérêt des pouvoirs publics envers une évaluation plus précise du « choc
des retraites » a été ranimé, il y a une dizaine dannées, par deux études
conduites par le Fonds monétaire international en 1986 et lOCDE en 1988. Dans le
cadre du modèle retenu par lOCDE, les charges de pensions atteindraient 30% du
revenu national en 2040 en Autriche, en France, en Allemagne, en Italie et aux Pays-Bas.
Cette part serait limitée à 20% environ en Belgique, au Danemark, en Grèce, en Espagne
et en Suède. Enfin, lIrlande et le Royaume-Uni connaîtraient une évolution
privilégiée, puisque les charges de pension ny atteindraient que 10% du revenu
national.
Avec des hypothèses légèrement différentes (9)
et un champ limité à sept pays, le FMI concluait que la France, lAllemagne,
lItalie et le Japon connaîtraient une augmentation sensible de la part des charges
de pensions dans le PNB, tandis que les pays anglo-saxons (États-Unis, Royaume-Uni,
Canada) seraient relativement peu touchés.
PROJECTIONS DU FMI (1986)
(charges de pensions/PIB, en %)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Scénario de base |
Scénario pessimiste |
|
1980 |
2000 |
2010 |
2025 |
2000 |
2010 |
2025 |
Allemagne |
13,3 |
17,1 |
18,6 |
20,5 |
17,1 |
18,8 |
21,1 |
Canada |
3,5 |
3,1 |
3,1 |
4,3 |
3,4 |
3,6 |
5,3 |
États-Unis |
6,3 |
5,8 |
5,7 |
6,9 |
6,4 |
6,6 |
8,5 |
France |
10,0 |
11,0 |
11,5 |
13,0 |
11,0 |
12,6 |
16,3 |
Italie |
10,5 |
12,7 |
14,4 |
18,0 |
13,1 |
15,4 |
20,1 |
Japon |
4,2 |
9,6 |
12,9 |
13,4 |
10,5 |
14,4 |
15,5 |
Royaume-Uni |
5,8 |
6,6 |
7,2 |
8,4 |
6,8 |
7,7 |
9,3 |
Source : European Economy, Reports and studies, n°3, 1996.
Ces évaluations ont été, dans leurs grandes lignes, confirmées par une étude
comparative effectuée par les services de la Commission européenne, portant sur les
prévisions des organismes internationaux et les études diligentées par les autorités
des États membres. Les auteurs de létude notent en particulier que, depuis le
début des années quatre-vingt, plusieurs pays ont réformé leur système de retraites
afin de réduire laugmentation tendancielle future des dépenses (Autriche,
Finlande, Allemagne, Italie, France, Grèce, Portugal, Suède et Royaume-Uni). Les
résultats des projections révèlent, cependant, que la dynamique des charges de retraite
frappera non seulement les pays qui nont pas encore engagé de réformes (Belgique,
Danemark, Irlande, Luxembourg et Pays-Bas), mais aussi certains de ceux qui sy sont
employés (Finlande, France, Allemagne).
A moyen terme la maîtrise de la charge de la dette publique
comme à plus long terme le contrôle des dépenses de pension dans le respect
des objectifs sociaux essentiels des systèmes de retraite , les défis
opposés aux gestionnaires des finances publiques sont immenses. Pour les relever dans de
bonnes conditions, le pacte de stabilité et de croissance les incite à sappuyer
sur une norme budgétaire déterminée.
2. La stabilité budgétaire suppose
le respect dune norme stricte, mais ne peut sy résumer
a) Le pacte de stabilité et de croissance met en avant
la notion déquilibre du budget à moyen terme
Dans la résolution du Conseil européen relative au pacte de stabilité et de
croissance, les États membres réaffirment leur engagement à éviter les
« déficits excessifs » au sens de larticle 104 C du Traité
et « sengagent à respecter lobjectif budgétaire à moyen terme
dune position proche de léquilibre ou excédentaire, conformément à leur
programme de stabilité ou de convergence ».
Cette norme est certes frappée du sceau du bon sens. Il serait cependant illusoire
dafficher un objectif de budget équilibré, voire excédentaire, chaque année, et
nul ne saurait prétendre que cet objectif soit pertinent pour la régulation de
lactivité ou pour le soutien de la croissance. Le budget a vocation à traduire, en
recettes comme en dépenses, les fluctuations économiques et les cycles conjoncturels.
Dans ces conditions, un objectif déquilibre du budget à moyen terme peut
sentendre sur la durée moyenne dun cycle, objectif qui associe alors la
rigueur rassurante de léquilibre à la dynamique apaisante de lexcédent et
du déficit. De plus, le critère de déficit nul en moyenne période est facile à mettre
en uvre et à contrôler.
PROJECTIONS DES PROGRAMMES DE CONVERGENCE (a) (b)
|
Date de présentation |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
Belgique |
1.1997 |
2,9 |
2,3 |
1,7 |
1,4 |
|
Danemark |
6.1997 |
0,7 |
0,7 |
0,9 |
1,1 |
|
Allemagne |
1.1997 |
2,9 |
2,5 |
2,0 |
1,5 |
|
Grèce |
7.1997 |
4,2 |
2,4 |
2,1 |
|
|
Espagne |
4.1997 |
3,0 |
2,5 |
2,0 |
1,6 |
|
France |
1.1997 |
3,0 |
2,8 |
2,3 |
1,8 |
1,4 |
Irlande |
12.1997 |
0,4 |
0,3 |
0,7 |
|
|
Italie |
6.1997 |
3,0 |
2,8 |
2,4 |
1,8 |
|
Pays-Bas |
12.1996 |
2,2 |
2,25 |
|
|
|
Autriche |
10.1997 |
2,7 |
2,5 |
2,2 |
1,9 |
|
Portugal |
3.1997 |
2,9 |
2,5 |
2,0 |
1,5 |
|
Finlande |
9.1997 |
1,3 |
0,1 |
0,3 |
1,0 |
1,9 |
Suède |
9.1997 |
1,9 |
0,6 |
0,5 |
1,5 |
|
Royaume-Uni |
9.1997 |
1,6 |
0,3 |
0,1/0,4 |
0,5/1,5 |
0,9/2,4 |
(a) A la date de constitution du tableau, la décision du Conseil relative à la
liste des pays admis à participer à la troisième phase de lUEM nétait pas
encore adoptée. Les programmes sont donc de « convergence » et non de
« stabilité ».
(b) Compte tenu de la situation durablement excédentaire de ses finances publiques, le
Luxembourg na jamais présenté de programme de convergence.
Source : Rapport sur la convergence en 1998, Economie
européenne, n° 65, 1998.
Lors du débat dorientation budgétaire du 9 juin dernier, les orateurs qui
se sont succédés à la tribune de lAssemblée nationale nont dailleurs
pas mis en cause les développements correspondants contenus dans le rapport du
Gouvernement.
En dépit des avantages évidents qui découlent du choix dune norme
déquilibre budgétaire en moyenne période, on na peut-être pas pesé toutes
les conséquences qui sattachent à ce choix.
Tout dabord, léquilibre budgétaire en moyenne période conduit,
mécaniquement, à une diminution du taux dendettement. Cest justement,
dira-t-on, lun des objectifs recherchés par le pacte de stabilité. La
« soutenabilité » des finances publiques suppose une diminution du taux
dendettement public, pour les raisons qui ont été exposées ci-avant. A long
terme, léquilibre budgétaire de moyenne période conduit à lannulation du
taux dendettement.
Assurément le rythme de décroissance est modéré. Il faudrait ainsi 20 ans pour
diviser par deux le taux dendettement, avec une croissance nominale de 3,5% (par
exemple 2,5% en volume et 1% dinflation). Mais un taux dendettement nul est-il
souhaitable ? Force est de constater que, ces dernières années, on a insisté sur
le niveau maximal souhaitable du taux dendettement plus que sur un éventuel niveau
minimal. La situation des finances publiques lors les deux décennies écoulées a, bien
évidemment, orienté la réflexion des pouvoirs publics et des économistes dans cette
direction privilégiée. Mais elle gagnerait peut-être à être complétée par
létude des éventuels effets bénéfiques dun endettement public raisonnable.
Le volume de la dette publique, par exemple, facilite le fonctionnement des marchés
financiers. La liquidité de la dette permet au Trésor de se financer à moindre coût
bien que cet effet soit difficile à quantifier tandis que
lessentiel des transactions sur le marché monétaire seffectue en titres
publics, qui conjuguent volumes importants, faible risque, bonne substituabilité, bonne
négociabilité, etc. La dette publique se met, en quelque sorte, au service de la
« main invisible » chère aux économistes de loffre et aux zélateurs
du désengagement de lÉtat.
Le principal reproche que lon peut adresser à la norme déquilibre moyen
est quelle ignore la question du sous-emploi dans léconomie. Passant ainsi
sous silence la réalité la plus cruelle dans notre société, la norme déquilibre
en moyenne période repose sur le présupposé que la trajectoire moyenne du PIB dun
bout à lautre du cycle correspond à la trajectoire de plein emploi. Dans cette
optique, léquilibre du budget reste le garant de léquilibre général de
léconomie : lÉtat se fait neutre, au-delà des inévitables
fluctuations conjoncturelles. Ce schéma de pensée est cohérent avec lapproche
généralement développée au niveau communautaire depuis une quinzaine dannées
sur la place et le rôle respectifs des États et des forces de marché, supposées placer
par elles-mêmes léconomie dans un état optimal.
Or, lorsque les services de la Commission parlent de solde budgétaire
« structurel », ils assimilent trop hâtivement les notions de
« structurel » et de « tendanciel », qui recouvrent des réalités
différentes.
Il existe, en effet, théoriquement deux méthodes danalyse du solde budgétaire,
qui nont pas vocation à se recouper totalement :
une approche en termes demploi des ressources disponibles, qui permet
de distinguer le solde « structurel », correspondant au plein emploi des
ressources, du solde « conjoncturel », qui mesure limpact de la
conjoncture sur lemploi des ressources et sur les finances publiques ;
une approche en termes dévolution moyenne autour dune
tendance, qui permet de distinguer le solde budgétaire « tendanciel »,
cest-à-dire corrigé des variations cycliques, correspondant à une tendance de
moyen terme calculée sur une période suffisamment longue, du solde budgétaire
« cyclique ».
Cette seconde approche est purement statistique, alors que la première est
analytique : elle repose sur la mesure des ressources disponibles, la détermination
des ressources de plein emploi, lutilisation dune fonction de production qui
permet de calculer la production de plein emploi et la production réelle, etc...
Le caractère restrictif ou expansif de la politique budgétaire ne peut se concevoir
que par rapport au degré demploi des ressources disponibles. En ce sens, seule
lapproche en termes de solde « structurel » et de solde
« conjoncturel » est pertinente pour qualifier la politique budgétaire. Au
contraire, lapproche en termes de solde « tendanciel » et de
« solde « cyclique », qui est retenue par le pacte de stabilité et de
croissance, ne permet pas de juger de limpact de la politique budgétaire, ni de son
adéquation aux conditions économiques du moment.
Au demeurant, lOCDE a modifié en 1995 son mode de calcul des soldes dits
« structurel » et « conjoncturel ». Fondé
auparavant sur une simple évaluation de la tendance entre deux pics conjoncturels,
linstitution a opté désormais pour une estimation analytique de la production
potentielle, par le biais dune fonction de production. Cette révision débouche sur
des résultats contrastés : aux États-Unis, le solde structurel est égal au solde
tendanciel depuis la fin des années quatre-vingt ; en France, la nouvelle méthode
suggère que le solde structurel est bien plus dégradé que le solde précédemment
estimé ( 2,6% du PIB pour le premier à rapprocher de 1,6% pour le
second), ce qui devrait conduire à relativiser limportance de la conjoncture sur la
dégradation des finances publiques dans les années récentes ; pour
lAllemagne, au contraire, le solde structurel se révèle moins dégradé que le
solde antérieurement estimé ( 2,3% du PIB au lieu de
2,8%).
b) La stabilité des finances publiques passe aussi par un remodelage
de leurs structures et de leurs mécanismes
A juste titre, la Commission européenne insiste de façon répétitive sur la
nécessité de parvenir à un assainissement durable des finances publiques. Cela suppose,
dans un premier temps, que ce processus ne repose pas uniquement ou préférentiellement
sur des mesures ponctuelles, dont limpact sur la situation budgétaire nest
que temporaire. La Commission admet cependant que, « en règle générale,
linclusion de diverses mesures de ce type dans les budgets publics est une pratique
habituelle et lampleur de ces mesures demeure le plus souvent limitée » (10). En définitive, « même si les mesures
dordre ponctuel ont partiellement contribué à la réduction des déficits
observée depuis le début de la deuxième phase de lUEM [
] la part de
ces mesures dans lajustement global peut être considérée comme relativement
faible » (11).
Pour parvenir à une maîtrise réelle des finances publiques, il est désormais
nécessaire dinverser la logique dune croissance à tout va de la dépense
publique, suivie, mais avec retard, par une augmentation des prélèvements obligatoires.
La méthode la plus judicieuse consiste donc, sans aucun doute, à encadrer étroitement
la croissance des dépenses publiques.
Cela ne saurait empêcher de définir des priorités et dy affecter les moyens
nécessaires. De même, encadrer les dépenses ne signifie pas nécessairement les
réduire. Remarquons, à cet égard, que la norme inscrite dans le pacte de stabilité est
relative à léquilibre des finances publiques, et non au montant des dépenses
publiques. A lopposé, la définition dune limite de croissance des crédits
budgétaires à 1% du PIB en valeur dans le projet de loi de finances pour 1999 est, au
contraire, une première étape vers une maîtrise « normée » de la dépense.
Cest la ligne de conduite à laquelle sest attachée lactuel
Gouvernement et il convient de conforter cette approche à la fois saine, raisonnable et
volontaire.
Les arguments en faveur de la maîtrise de la dépense ne manquent pas : le niveau
des prélèvements obligatoires est déjà trop élevé, en France comme dans les pays de
la Communauté pris dans leur ensemble ; la restructuration des dépenses publiques
oblige à ouvrir le chantier de lefficience du secteur public ; la
restructuration doit amener à privilégier les dépenses les plus productives au
bénéfice de la société (lutte contre le chômage et lexclusion, amélioration de
léducation, relance de linvestissement, etc.) ; la maîtrise des
dépenses permettra daborder dans de meilleures conditions les conséquences du
vieillissement de la population.
Quelle répartition, alors, entre les contraintes quil est nécessaire
dimposer à chaque grande catégorie de dépense : investissement des
administrations publiques, transferts, consommation publique ? Quel poids idéal leur
donner, in fine, dans la masse totale de la dépense publique ?
Relevant que, dans les trente-cinq dernières années, on a assisté, au niveau
communautaire, à une augmentation rapide de la part prise par les finances publiques dans
léconomie, la Commission met laccent sur les transferts courants, dont
laccroissement sensible sexplique presque exclusivement par la politique
menée en direction des ménages. Lélargissement de la couverture des programmes,
lassouplissement des conditions dindemnisation et la valorisation du montant
des prestations ont contribué pendant deux décennies à la croissance des dépenses de
transfert. Les pressions exercées sur les budgets publics par les difficultés
conjoncturelles à partir des années quatre-vingt ont amené, dans la plupart des États
membres, les pouvoirs publics à durcir les conditions daccès au système de
transferts.
LES DÉPENSES DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES EN EUROPE (a)
|
1961 |
1970 |
1973 |
1982 |
1989 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
Transferts courants |
11,5 |
14,7 |
16,0 |
21,6 |
20,7 |
23,7 |
23,5 |
23,3 |
23,1 |
22,5 |
|
n.d. |
12,1 |
13,0 |
17,9 |
17,1 |
20,0 |
19,9 |
19,8 |
19,7 |
19,3 |
Paiements dintérêts |
3,1 |
1,8 |
1,7 |
4,1 |
4,6 |
5,4 |
5,2 |
5,4 |
5,4 |
5,0 |
Consommation publique |
13,7 |
15,4 |
16,4 |
19,6 |
18,2 |
19,6 |
19,2 |
19,0 |
18,9 |
18,7 |
Transferts nets en capital |
0,8 |
0,7 |
0,9 |
1,0 |
0,9 |
1,1 |
0,8 |
0,8 |
0,6 |
0,3 |
Formation brute de capital |
4,5 |
4,2 |
3,7 |
2,9 |
2,8 |
2,8 |
2,7 |
2,5 |
2,4 |
2,2 |
Dépenses totales |
33,6 |
36,9 |
38,7 |
49,3 |
47,2 |
52,4 |
51,3 |
51,0 |
50,4 |
48,7 |
(a) Changements de périmètre en 1961, 1970 et 1973.
Source : Économie européenne, n° 65, 1998.
Pour leur part, du début des années soixante à la fin des années soixante-dix, les
dépenses de consommation courante ont contribué pour près de six points à la
croissance des dépenses publiques. Les années quatre-vingt ont vu les paiements
dintérêt devenir une composante dynamique de ces mêmes dépenses. En revanche,
linvestissement pèse, en 1997, près de deux fois moins quen 1961. Les
changements de structure, liés à la privatisation, depuis une vingtaine dannées,
de certains services publics, ont pu jouer un rôle, ainsi que lachèvement de
grands programmes dinfrastructures. Le décrochage est cependant patent.
Pour la Commission européenne, la conduite à tenir est claire : « parmi
les mesures de rigueur budgétaire, les plus efficaces sont celles qui visent à réduire
le déficit principalement par des réductions dans les dépenses primaires courantes,
alors que les mesures comme des hausses dimpôt ou les réductions des dépenses en
capital se traduisent par des ajustements moins durables ».
Ainsi, tout en reprenant le thème classique du recul de lÉtat dans
léconomie, la Commission européenne, suivie en cela par le Conseil, adhère
implicitement aux conceptions les plus récentes relatives à la théorie de la
croissance. Les approches dites de « croissance endogène », qui mettent
laccent sur lasymétrie des informations, sur les phénomènes de rendements
croissants, ou sur la présence dexternalités, réhabilitent un usage ciblé de la
dépense publique : linvestissement public, lorsquil porte sur des biens
appropriés, est susceptible délever durablement le taux de croissance de
léconomie.
Il va de soi quune réorientation aussi radicale des politiques publiques,
fondée au premier chef sur une réduction des dépenses de transfert, doit être
considérée a priori avec beaucoup de circonspection. Elle suppose tout à la fois
une forte acceptation par le corps social et une redéfinition des modes de régulation de
la dépense et de la recette, qui nimplique pas seulement lÉtat mais
lensemble des administrations publiques. Cette dernière condition ne vaut
peut-être pas tant pour les collectivités locales qui sont relativement
enserrées dans lexigence de léquilibre simultané des sections de
fonctionnement et dinvestissement que pour les administrations de
sécurité sociale.
c) Le niveau de la dépense publique : quelques vérités à
rétablir
Daucuns ont tenté, ces dernières semaines, de raviver une polémique sur le
niveau des dépenses des administrations publiques en France, sur la foi de chiffres
assurément véridiques publiés par des organisations
internationales, mais présentés de façon « cursive », voire détournée de
leur contexte véritable.
Le mauvais procès qui est ainsi intenté au Gouvernement, à loccasion de la
présentation du projet de loi de finances pour 1999, a pris un caractère trop réducteur
et trop caricatural pour que votre Rapporteur général ne se sente pas tenu de rétablir
quelques vérités et de replacer sereinement les éléments du débat dans une
perspective moins biaisée.
Il doit être clair, tout dabord, quil nest pas question pour la
majorité qui gouverne aujourdhui la France de renier en quoi que ce soit
laugmentation au demeurant modérée des dépenses du budget
de lÉtat qui est soumise à lapprobation du Parlement dans le cadre du
présent projet de loi. Il sagit là dun choix politique pleinement assumé,
qui répond aux attentes des Français, telles quelles se sont exprimées au
printemps 1997. Ces attentes ne doivent pas être trahies.
Les statistiques publiées en juin 1998 dans la dernière parution des Perspectives
économiques de lOCDE devraient troubler les apôtres de la réduction
systématique des dépenses publiques. Aux commandes de notre pays de 1993 à 1997, ils
ont réalisé, ces années là, des performances dautant plus médiocres que leur
discours était plus radical : comme le montre le tableau ci-après, la vigoureuse
reprise de 1994 na réussi à écorner le niveau record atteint en 1993 (55% du PIB)
que de 0,6 point ; en 1996, le niveau de la dépense publique était remonté,
en proportion du PIB, quasiment au niveau de celui enregistré en 1993. La réduction
engagée en 1997 (54,1% du PIB) et poursuivie en 1998 (53,9%) et 1999 (53,4% du PIB)
devrait rassurer ces censeurs sur la capacité du Gouvernement actuel de maîtriser les
finances publiques mieux quils ne lont fait eux-mêmes.
DÉPENSES TOTALES DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES
|
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
États-Unis |
33,8 |
32,8 |
32,9 |
32,7 |
32,0 |
31,6 |
31,6 |
Japon |
33,7 |
34,4 |
35,6 |
35,9 |
35,2 |
35,6 |
35,5 |
Allemagne |
49,5 |
48,9 |
49,5 |
48,9 |
47,7 |
47,4 |
46,7 |
France |
55,0 |
54,4 |
54,3 |
54,8 |
54,1 |
53,9 |
53,4 |
Italie |
57,4 |
54,9 |
52,7 |
52,7 |
50,6 |
49,5 |
49,1 |
Royaume-Uni |
43,6 |
43,2 |
43,0 |
41,9 |
39,7 |
39,2 |
39,0 |
Total des pays ci-dessus |
40,2 |
39,5 |
39,6 |
39,3 |
38,3 |
38,0 |
37,8 |
Total OCDE |
41,3 |
40,5 |
40,4 |
40,0 |
39,1 |
38,6 |
38,3 |
Total Union européenne |
51,9 |
50,8 |
50,2 |
49,7 |
48,2 |
47,5 |
47,0 |
Source : Perspectives économiques de lOCDE,
n° 63, juin 1998.
Une appréciation raisonnée du niveau des dépenses publiques doit dailleurs
reposer sur un degré de détail plus fin, tout à la fois pour la composition des
recettes et pour celle des dépenses. Les annexes statistiques de la publication
périodique Économie européenne, éditée par la direction générale
« Affaires économiques et financières » de la Commission européenne,
constituent, à cet égard, un outil pertinent.
RECETTES ET DÉPENSES DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES
(en % du PIB nominal)
|
France |
Eur-14 (a) |
États-Unis |
Japon |
Impôts indirects |
15,6 |
14,2 |
7,0 |
8,3 |
Impôts directs |
12,6 |
13,4 |
14,9 |
9,0 |
Contribution à la sécurité sociale |
19,1 |
15,2 |
9,4 |
11,2 |
Autres recettes courantes |
3,6 |
3,2 |
5,6 |
3,9 |
Total Recettes courantes |
50,7 |
46,0 |
36,9 |
32,5 |
|
2,6 |
1,9 |
0,4 |
0,8 |
|
23,2 |
19,0 |
14,0 |
15,2 |
Sous-total Transferts (b) |
28,0 |
22,1 |
14,7 |
16,0 |
|
14,2 |
11,2 |
9,8 |
|
|
4,8 |
6,8 |
5,4 |
|
Sous-total Consommation publique |
19,1 |
18,5 |
15,5 |
9,6 |
|
3,6 |
4,7 |
4,0 |
3,6 |
Total Dépenses courantes |
50,6 |
45,3 |
34,2 |
29,2 |
Total Dépenses en capital |
3,0 |
2,2 |
2,9 |
7,0 |
TOTAL Dépenses des administrations |
53,6 |
48,0 |
36,8 |
36,1 |
(a) Eur-14 : États membres de lUnion européenne, à lexception
du Luxembourg.
(b) Les transferts aux entreprises et les transferts aux ménages ne constituent
pas lintégralité des transferts des administrations publiques. Les transferts
totaux incluent, par exemple, les transferts nets avec létranger.
Établi daprès Économie européenne, n° 65,
1998.
La structure des recettes montre, en France, une fiscalité légèrement supérieure,
mais tout à fait comparable, à la moyenne européenne. La caractéristique principale
des recettes publiques est, en fait, la part nettement prédominante des cotisations de
sécurité sociale. Elle doit être mise en parallèle avec le montant particulièrement
élevé des transferts à destination des ménages. Au demeurant, les entreprises ne sont
pas tenues à lécart du système de transferts : elles perçoivent, en
proportion du PIB, 0,7 point de plus que la moyenne européenne.
Au-delà des chiffres bruts, qui donnent une image très abstraite de ce que recouvrent
les dépenses publiques, il est nécessaire dévoquer le niveau, ou
lévolution, de certains indicateurs « physiques » qui peuvent être
rattachés à laction des administrations. Une appréciation plus concrète de la
dépense publique et de ses effets peut alors être recherchée. On peut dailleurs
observer que très souvent ceux qui prônent des réductions drastiques de la dépense
publique à Paris sont aussi ceux qui, sur le terrain, protestent contre toute diminution
des moyens de nos services publics. Là comme ailleurs, tout est question
déquilibre et de maîtrise.
Dans le domaine de la santé, la France se situe en bonne position par rapport aux
autres pays industrialisés. Lespérance de vie à la naissance est lune des
plus élevées au monde, ce qui est dû, dans le cas de la France et pour les dernières
décennies, au recul progressif des taux de mortalité aux âges élevés, qui sont
faibles par rapport aux pays comparables. De plus, laugmentation de la durée de vie
aux âges élevés est allée de pair avec une progression de lespérance de vie
sans incapacité, qui a été supérieure à celle de lespérance de vie totale, sur
la décennie 1981-1991 (12).
Il subsiste, certes, des résultats peu satisfaisants, comme une surmortalité
« prématurée » (13) chez les
hommes, traditionnelle en France, et le développement plus récent et
peut-être plus préoccupant des phénomènes de mal-être, de mal-vivre,
fortement dépendants de la dégradation de lenvironnement socio-économique, due
pour lessentiel au fléau du chômage. Cependant il sagit là de domaines où
limpact de la dépense publique de santé ne peut être que relativement indirect,
les phénomènes sociaux ou, au contraire, purement individuels, prenant ici une dimension
accrue.
En matière déducation, le pays assume un effort soutenu et croissant en faveur
du système éducatif. Depuis 1975, la croissance annuelle moyenne de la dépense
intérieure déducation (14) a été
supérieure à celle du PIB. LÉtat participe pour près des deux tiers au
financement de la dépense déducation, et les collectivités locales assurent près
dun cinquième de la dépense. Le niveau général des connaissances a
incontestablement augmenté, comme en témoignent lindicateur synthétique du niveau
des conscrits ou les résultats des enquêtes périodiques sur les connaissances à des
degrés déterminés du cursus scolaire : « les jeunes qui quittent le
système éducatif, apprentis compris, sont de plus en plus qualifiés et lon sait
que la qualification de la main duvre influe directement sur la productivité » (15).
Bien entendu, il reste toujours un nombre trop important de jeunes quittant le système
scolaire sans diplôme ni qualification. Mais il est aujourdhui reconnu que les
inégalités daccès à léducation se sont réduites au cours des dernières
années. Quil soit permis dy voir un effet positif des efforts consentis par
les pouvoirs publics en faveur dune fonction essentielle à la cohésion de la
Nation : la lutte contre lexclusion commence déjà à lécole.
Enfin, le cas du logement est typique de certaines évolutions fondamentales
enregistrées depuis le début des années quatre-vingt, parfois difficiles à
interpréter. Il semble que le taux de prise en charge par la collectivité des dépenses
de logement ait légèrement diminué depuis cette date. Dune part,
laugmentation significative des taux dintérêt jusque vers 1985 a dégradé
les conditions de financement du logement et pesé sur les dépenses des ménages.
Dautre part, le conventionnement progressif du parc HLM au cours des années
quatre-vingt a entraîné un alourdissement sensible des loyers, cependant compensé par
laugmentation des aides à la personne. Malgré cela, lextension en 1992 de
lallocation de logement sociale à de nouvelles catégories de bénéficiaires, en
particulier les étudiants, et les mesures de même inspiration qui lui ont succédé, ont
renforcé le dynamisme de la dépense totale de logement. Ainsi, limplication des
pouvoirs publics dans le financement du logement, même érodée en valeur relative, a
accompagné la croissance de la dépense correspondante, accentuant avec bonheur son
caractère de consommation « socialisée » (16),
qui garantit une plus grande équité et une meilleure justice sociale.
Ces quelques indications, qui ne sauraient épuiser le sujet, visent simplement à
rappeler que la dépense publique ne saurait être analysée uniquement en termes
« bruts », sans la rapporter au niveau et à la qualité des prestations
fournies à la Nation. La dépense publique participe du contrat qui cimente le corps
social : elle est difficilement réductible à de froids pourcentages.
Cela ne veut pas dire pour autant que toute dépense publique est bonne ou nécessaire,
ni quil faut considérer son augmentation comme une fin en soi. Lun des enjeux
des finances publiques et du contrôle parlementaire exercé sur celles-ci consistera
justement, à lavenir, à raisonner moins en termes de moyens quen termes
dobjectifs et de résultats. Le Parlement manque encore, à cet égard, des outils
et des méthodes qui lui permettraient de juger de lefficacité de la dépense
publique comme de celles de limpôt.
Linitiative, récemment annoncée, du Président de notre Assemblée,
M. Laurent Fabius, tendant à la constitution dun groupe de travail sur ce
thème devrait, à cet égard, permettre douvrir des pistes pour construire ces
méthodes et ces outils.
En tout état de cause, la refonte de la structure des dépenses publiques ne saurait
se limiter à un exercice comptable. Elle devra rester compatible avec les préférences
sociales qui seront exprimées, dans un cadre démocratique, par chacun des peuples
européens. Au demeurant, ces préférences peuvent diverger entre les États membres. Il
suffit de constater combien sont parfois éloignés lun de lautre les deux
« contrats sociaux » de part et dautre de la Manche.
Il est donc heureux que les dispositions du pacte de stabilité et de croissance
relatives aux programmes de stabilité ne donnent pouvoir au Conseil que dadresser
des recommandations en cas de dérapage sensible par rapport aux objectifs fixés dans le
programme, ou dinviter lÉtat concerné à adapter son programme si le Conseil
estime que ses objectifs et son contenu devrait être renforcés.
La prégnance communautaire, en revanche, sera beaucoup plus sensible en matière de
réponse des finances publiques aux fluctuations de la conjoncture. En effet, si le
discours officiel des instances communautaires tend à réhabiliter le rôle régulateur
des finances publiques, les règles du traité de Maastricht et du pacte de stabilité
enserrent celui-ci dans un réseau de contraintes.
B. LE POTENTIEL RÉGULATEUR DES
FINANCES PUBLIQUES A ÉTÉ PRÉSERVÉ, TOUT EN ÉTANT FORTEMENT ENCADRÉ
1. La limitation du déficit à 3%
du PIB :
entre souplesse et fermeté
Ladoption par le Conseil européen de Dublin, en décembre 1996, des principes
fondant le pacte de stabilité avait cristallisé les passions et provoqué de vifs
débats. Fallait-il accepter le système de sanctions proposé par le projet de
pacte ? Fallait-il limiter laccord des États membres aux seules
préoccupations de stabilité et déquilibre ? Sur ce dernier point, au Conseil
européen dAmsterdam, en juin 1997, laction résolue du Gouvernement français
tout juste constitué a conduit à infléchir dans un sens heureux les principes communs
destinés à guider les politiques budgétaires dans les États participant à la
troisième phase de lUEM.
Pour autant, il est permis de sinterroger sur le caractère pleinement
opératoire du dispositif de sanctions défini dans le pacte de stabilité et de
croissance.
a) La question de la crédibilité du pacte de stabilité
et de croissance nest pas close
· Il faut tout dabord constater quun assez large pouvoir
dappréciation est reconnu aux deux instances chargées de mettre en uvre la
procédure des déficits excessifs : la Commission européenne et le Conseil. Pour ce
qui concerne la Commission, chargée au premier chef de « linstruction »
du dossier :
elle doit se fonder sur des critères (dette et déficit) dont la valeur
est fixée dans le traité, mais qui ne doivent pas nécessairement être respectés stricto
sensu ; le débat bienvenu du printemps 1997 sur « lappréciation en
tendance » de ces critères est encore dans toutes les mémoires ;
lannée 1998 a validé de façon éclatante, avec la fixation de la liste des États
participant à leuro, la pertinence de cette approche, défendue par notre
assemblée et par le Gouvernement, mais parfois vilipendée une année auparavant ;
dans le même esprit, ce nest qu « en principe »
que la Commission doit considérer quun dépassement du critère de déficit
consécutif à une grave récession nest exceptionnel (17) que si le PIB réel diminue dau moins 2% ;
la valeur de 3% peut, sous conditions, être légèrement dépassée, sans
quaucune précision soit donnée dans les textes sur le degré de liberté
supplémentaire qui est ainsi accordé aux finances publiques des États concernés ;
pour élaborer son rapport, au cas où les critères sont ou risquent
dêtre dépassés (en tendance), la Commission doit tenir compte dautres
facteurs, tels que le niveau comparé du déficit et de linvestissement public, la
position économique et budgétaire à moyen terme, et « tous les autres facteurs
pertinents » ;
la procédure introduit une disjonction entre le rapport de la Commission,
élaboré en cas de dépassement constaté ou prévisible de la valeur de référence pour
le déficit, et la poursuite formelle de la procédure des déficits excessifs auprès du
Conseil par transmission dun avis et dune recommandation.
Le Conseil, pour sa part, a vu sa marge discrétionnaire légèrement érodée par
rapport à la lettre du traité. Larticle 104 C, paragraphe 11, du
traité instituant la Communauté européenne lui donnait la simple possibilité de
décider dappliquer une sanction ; larticle 6 du règlement (CE)
1467/97 relatif à la procédure concernant les déficits excessifs paraît prévoir,
quant à lui, une obligation : « lorsque les conditions régissant
lapplication de larticle 104 C, paragraphe 11 sont remplies, le
Conseil décide dimposer des sanctions ».
Par ailleurs, en vertu de larticle 11 du règlement précité, la sanction
par défaut est désormais le dépôt sans intérêt (18),
alors que larticle 104 C du traité ouvrait un choix plus large a
priori. Pareillement, si dans les deux années suivant la décision dimposer un
dépôt, le déficit excessif na pas, de lavis du Conseil, été corrigé, le
dépôt est « en principe » converti en amende.
Il demeure quun vote à la majorité qualifiée est toujours nécessaire pour
déclarer un État membre en déficit excessif, comme pour décider dappliquer ou
dintensifier des sanctions. Le Conseil reste donc maître de sa décision.
· Comment ces deux institutions sont-elles susceptibles dutiliser les
marges de liberté qui leur sont laissées par les textes ? Le mécanisme du pacte se
révélerait effectivement contraignant si les gouvernements jugeaient que la Commission
était susceptible de déclarer « excessif » tout déficit excédant
strictement la valeur de référence, ou sils en arrivaient à être persuadés que
le Conseil appliquerait des sanctions sans états dâme.
Sagissant du comportement de la Commission et du Conseil, on ne peut
sempêcher de penser que la volonté dexercer avec conscience les missions qui
leur sont imparties devra se conjuguer avec le désir non moins
honorable déviter à lUnion une crise politique. Car si,
jusquici, la mise en uvre de la procédure des déficits excessifs
navait quune portée réduite en pratique, il nen sera plus de même
après le lancement de la troisième phase de lUEM.
Lintervention de la Commission européenne se situe assez largement en amont
dune éventuelle décision de sanction. Or lobjectif prioritaire de la
Commission est de favoriser le consensus entre les États membres afin de faire progresser
le processus dintégration européenne. Cest bien la Commission,
dailleurs, qui, lors des négociations politiques autour du pacte de stabilité
proposé à lorigine, en novembre 1995, par M. Théo Waigel, ministre des
finances du gouvernement fédéral allemand, a recherché un compromis entre les thèses
françaises et les thèses allemandes. Elle pourrait, pour cette raison, hésiter à
enclencher une procédure relative à un déficit excessif ou apprécier avec souplesse
les possibilités de dépassement des critères.
Le Conseil, pour sa part, une fois saisi dune procédure de déficit excessif,
sera au cur de la contradiction essentielle entre lapplication stricte et
loyale du traité et du pacte, et le souhait de ne pas entraver, à plus long terme, le
développement du projet européen. Pour lÉtat membre concerné, deux options sont
alors envisageables : la crise ou le contournement. On pourra, bien entendu, estimer
dabord que lÉtat provoquant une crise ne respecte pas ses engagements,
ensuite quune telle crise remettrait en cause la notion même de discipline
budgétaire et enfin que le risque dune sanction sévère infligée par les marchés
financiers serait singulièrement accru. Pour improbable quelle soit,
lhypothèse de la crise ne peut pourtant être totalement écartée.
Loption du « contournement », en revanche, pourrait mieux
saccorder aux impératifs de cohésion européenne. Un observateur a pu ainsi
évoquer des stratégies de coalition ou de division que pourrait mettre en uvre un
État menacé auprès de ses homologues, afin dempêcher la réunion de la majorité
qualifiée nécessaire (19). Les thèses ainsi
développées sont peut-être excessives ; elles ne sauraient cependant, dans leur
principe, être écartées.
Cest donc à la lumière de ces ambiguïtés persistantes que lon peut
réinterpréter une disposition « clair-obscur » du pacte de stabilité et de
croissance : celui-ci a « un objectif à la fois préventif et dissuasif » (20). La dissuasion ne provient-elle pas tout autant de ce que
son détenteur saffirme prêt à employer larme suprême, que du fait
lon ne sait pas si cette arme sera effectivement employée ?
Mais si le point de non-retour nest pas atteint, point nest besoin de
menacer ladversaire de larme suprême. Quelle est donc la valeur intrinsèque
de la référence à 3% du PIB ?
b) La valeur de référence retenue pour le déficit des
administrations publiques semble avoir été calibrée au plus juste
Pour la Commission européenne, la question dun franchissement du seuil de 3%
na pratiquement plus lieu dêtre posée. Dans son Rapport économique
annuel pour 1997 (21), elle estimait encore,
de façon prudente, que lobjectif à moyen terme dun solde budgétaire proche
de léquilibre, voire excédentaire, aboutirait à « dégager une marge de
manuvre aux politiques budgétaires pour leur permettre dabsorber les
perturbations conjoncturelles, sans que le déficit dépasse 3% du PIB lors de
ralentissements conjoncturels « normaux ».
La formulation est pratiquement reprise mot pour mot dans le huitième considérant du
règlement relatif à la procédure des déficits excessifs : léquilibre
budgétaire à moyen terme « permettra de faire face aux fluctuations
conjoncturelles normales tout en maintenant le déficit public dans les limites de la
valeur de référence de 3% du produit intérieur brut ».
Une année après, dans son Rapport sur la convergence 1998, la Commission se
fait encore plus affirmative : « une situation budgétaire proche de
léquilibre ou excédentaire dans des conditions conjoncturelles normales offre une
marge suffisante pour affronter jusquaux plus graves perturbations sans
sécarter de la valeur de référence de 3% » (22). Tout au plus concède-t-elle que « dans des
circonstances exceptionnelles (prévues par le pacte de stabilité et de croissance), les
États membres seront autorisés à dépasser cette valeur » (23).
Une étude publiée par la direction générale « Affaires économiques et
financières » (DG II) de la Commission européenne (24) permet de fonder les écrits de la Commission sur des
bases factuelles solides.
A travers létude des soldes budgétaires et des réactions de politique
budgétaire, dans les quinze États membres, pendant les récessions survenues au cours de
la période 1961-1996, les services de la Commission tentent de déterminer si ces
politiques étaient appropriées, au regard (virtuel puisque rétrospectif) des exigences
du pacte de stabilité et de croissance en matière de déficit public. En dautres
termes, en ayant suivi ces politiques budgétaires dans le contexte économique
dalors, les États membres auraient-ils pu être passibles dune procédure de
« déficit excessif » si le pacte de stabilité et de croissance avait été
en vigueur à lépoque ? Quels enseignements peut-on en tirer vis-à-vis de la
vulnérabilité des finances publiques par rapport à la valeur de référence de
3% ?
· Des 45 épisodes de récession recensés (année où la croissance du PIB
en volume est négative), les auteurs commencent par extraire les 30 épisodes de
« récession sérieuse », cest-à-dire marqués par une
diminution du PIB en volume supérieure ou égale à 0,75%. Parmi celles-ci, les
récessions à caractère « exceptionnel » (diminution du PIB
supérieure à 2%) sont au nombre de 7. Afin de travailler sur un échantillon
suffisamment fourni, la matière de létude est constituée des récessions
sérieuses.
Lors de ces récessions, la plupart des États membres ont vu leur déficit
saggraver, pour une valeur pouvant atteindre 7% du PIB. Cependant, la Finlande et la
Suède, qui ont traversé de 1991 à 1993 la plus grave récession de leur histoire, ont
alors enregistré, pour leur part, des déficits publics sélevant respectivement à
14% et 17% du PIB. En moyenne, sur lensemble des États membres, les déficits
publics se sont détériorés de quelque 3,5 points de PIB lors de ces récessions.
Ces évolutions ne sont pas nécessairement le signe dun relâchement de la
politique budgétaire. Le Royaume-Uni (1980-1981) (25)
et le Portugal (1983-1984) pratiquent une politique restrictive : le solde
tendanciel (26) est amélioré de 4 points
et 6 points de PIB, respectivement. A linverse, le gouvernement suédois
(1991-1993) estime que la dégradation de la conjoncture est trop brutale et quil
dispose de suffisamment de marges de manuvre pour mettre en uvre une politique
résolument contra-cyclique : le solde tendanciel est dégradé de plus de
8 points de PIB. Il reste quen moyenne, pour lensemble des quinze États
membres et durant lensemble de la période de récession, le solde tendanciel est
resté inchangé : le déficit budgétaire est certes un instrument de politique
économique, mais il nest cependant pas exclusif.
Cependant, la diversité des réactions, considérées séparément au niveau de chaque
État membre concerné, amène les auteurs à poser deux questions nouvelles : la
réaction budgétaire des pouvoirs publics a-t-elle changé au cours du temps ? La
situation des finances publiques lors du déclenchement de la récession a-t-elle une
influence sur la réaction de politique économique ?
w Les récessions sont concentrées sur trois périodes : 1974-1975,
1980-1982 et 1991-1993. Au cours de la première période, les gouvernements ont accru
leur solde tendanciel de 0,5 point de PIB en moyenne, ce qui recouvre cependant des
situations contrastées : le Danemark, lAllemagne, le Luxembourg et
lItalie pratiquent des politiques de soutien à lactivité, tandis que le
Royaume-Uni « serre la vis budgétaire » ; la Belgique et le Portugal
sont dabord modérément contra-cycliques ensuite plus sensiblement pro-cycliques.
La deuxième période a été marquée par une politique largement partagée de
consolidation budgétaire : le solde tendanciel sest rétracté de
1,7 point de PIB en moyenne. Dans la dernière période, les États très endettés,
comme la Belgique ou lItalie, ont entrepris un resserrement budgétaire très
sensible, tandis que la plupart des autres États adoptaient des politiques relativement
accommodantes ; les pays nordiques, confrontés à une grave récession, ont un
comportement divergent : la Suède pratique une relance massive, alors que la
Finlande « laisse filer le déficit » puis revient à une politique
restrictive, ramenant ainsi à 0,2 point de PIB la dégradation de son solde
tendanciel en fin de période.
w Lanalyse de léchantillon suggère que les marges de manuvre
offertes par la situation budgétaire lannée précédant la récession ont une
influence réelle sur les choix de politique économique. Les États membres dont le
déficit et la dette sont ensemble au-dessus de leur moyenne communautaire inclinent à la
rigueur : ils tendent à augmenter leurs recettes fiscales et à réduire leur solde
tendanciel de 1,2 point de PIB en moyenne. Les Etats membres dont le déficit et la
dette sont ensemble au-dessous de leur moyenne communautaire penchent pour des politiques
assouplies pendant les récessions : le déficit tendanciel saccroît de
0,8 point de PIB.
Après avoir détaillé les composantes de lajustement budgétaire, à travers
lévolution des recettes et des dépenses des administrations, les auteurs mettent
en évidence un résultat curieux : les politiques budgétaires conduites pendant les
récessions ne semblent pas avoir contribué de façon substantielle à
laccroissement de la dette publique sur les trois décennies étudiées. Cette
affirmation paradoxale se fonde sur le fait que, en moyenne, les déficits tendanciels
primaires, cest-à-dire hors les charges dintérêt de la dette publique,
nont augmenté ni pendant ni immédiatement après les récessions. Lessentiel
des « impulsions de dette » proviendrait ainsi de la composante cyclique des
déficits et du poids de la dette déjà accumulée.
En fait, trois groupes dÉtats peuvent être distingués : ceux pour qui les
effets dune récession sur la dette sont entièrement effacés par les périodes de
croissance (27) ; ceux pour qui la dette
saccumule essentiellement pendant les périodes de récession (28) ; ceux pour qui laccumulation de dette se
produit plutôt lors des périodes de croissance (29).
· Lapplication rétrospective des dispositions du pacte de stabilité et de
croissance en cas de récession « sérieuse » vise à déterminer si, et dans
quelle mesure, les cas où il y a présomption de déficit excessif (le déficit
public est supérieur à 3%) remplissent les autres conditions permettant de déclarer que
le déficit est effectivement excessif (30).
Elle repose sur la définition de deux scénarios. Dans le premier, lévolution
budgétaire (31) de lÉtat membre est
étudiée en considérant que le déficit au moment de lentrée en récession est
nul ; dans le second, le déficit initial est pris égal à 2% du PIB. Les résultats
sont éclairants :
comme cela était prévisible, la probabilité de franchir le seuil de 3%
et de remplir les conditions dun déficit excessif est dautant plus forte que
le déficit initial est élevé ;
le risque dencourir un déficit excessif est très élevé en cas de
récession « exceptionnelle » (chute du PIB supérieure ou égale à
2%) ; dans ce cas de figure, un déficit initial de 2% donne une quasi-certitude de
connaître un déficit excessif ;
presque tous les cas où il y a présomption de déficit excessif (le
déficit étant supérieur à 3% lannée de la récession) remplissent les autres
conditions nécessaires pour placer lÉtat concerné en situation de déficit
excessif ;
un déficit initial nul suffirait à empêcher que les récessions
sérieuses limitées à un an ne donnent lieu à un déficit excessif ;
en sens inverse, un déficit initial de 2% aurait des conséquences
délicates en cas de récession sérieuse : sur la période considérée, près des
trois quarts des épisodes récessifs débouchent soit sur un déficit supérieur à 3,5%
lannée de la récession (32), soit sur un
déficit supérieur à 3% lannée qui suit la récession (33) ; or de nombreux États participant à la troisième
phase de lUEM auront, la première année, des déficits proches ou supérieurs à
2% du PIB ; ils apparaissent ainsi très vulnérables à un éventuel retournement de
conjoncture.
· Après avoir traité des récessions dites « sérieuses »,
létude se penche sur le cas des récessions légères pluriannuelles, ainsi que sur
celui des décrochages brutaux par rapport à la tendance (34).
Dans les deux cas, laccroissement des déficits est limité (0,7 point de PIB
et 0,3 point de PIB respectivement) du fait de lajustement sensible opéré par
les autorités sur le solde tendanciel ( 1,1 point de PIB et
0,9 point respectivement).
Dans les deux cas, il apparaît également que le risque est faible dencourir un
déficit excessif si le déficit initial est nul. En sens contraire, ce risque est
relativement élevé dès que le déficit initial est égal à 2%.
En définitive, lexpérience des années 1961-1996 suggère que seules des
récessions sérieuses sont à même de dégrader les finances publiques à un point tel
quun déficit excessif soit envisageable.
Sintéressant enfin à la stratégie de redressement financier après une
déclaration de déficit excessif, les auteurs montrent quun budget équilibré
avant lentrée en récession permet déviter le prononcé dune sanction
et quil ne subsiste, dans ce cas, quun minimum de situations où une politique
dajustement plus volontariste est nécessaire
et dailleurs suffisante.
Malgré les lacunes de leur travail quils reconnaissent (35), les auteurs de cette étude éclairent de façon très
concrète les difficultés et les enjeux du pacte de stabilité. Leur « projection
rétrospective » permet de mesurer le passé à laune des contraintes à
venir. Cet exercice conforte la validité dune stratégie déquilibre à moyen
terme et confirme la rigueur sous-jacente au critère de déficit.
Bornée par un fatidique « 3% du PIB », la politique budgétaire nest
pas dépourvue de possibilités, mais reste en liberté surveillée. Accroître
lefficacité de son rôle régulateur sur la conjoncture nen est que plus
indispensable.
2. Les capacités régulatrices de
la politique budgétaire
nécessitent dêtre renforcées
« Avec la dilution des effets déviction financière, les politiques
budgétaires nationales auront au sein dun ensemble monétairement et
financièrement intégré une efficacité conjoncturelle accrue ».
Sexprimant le 18 mai dernier devant les étudiants de lInstitut
détudes politiques de Paris, M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie, résumait ainsi dune phrase un
résultat fondamental du modèle de Mundell-Fleming.
Ce modèle présente une description simplifiée dune économie ouverte à un
seul bien, où les prix et les salaires sont rigides à court terme et où les mouvements
de capitaux répondent aux écarts de taux dintérêt (36). Il constitue le cadre danalyse privilégié pour
juger de lefficacité conjoncturelle des politiques économiques. Lorsque le taux de
change est fixe et, par extension, lorsque le pays est en régime dunion
monétaire avec ses partenaires limpact de la politique budgétaire sans
accompagnement monétaire (37) dépend du degré
de mobilité internationale des capitaux :
faible, il empêche tout ajustement de la quantité de monnaie créée ou
détruite du fait des échanges extérieurs ; un effet déviction financière
se manifeste alors par le biais du taux dintérêt ; ainsi, par exemple, une
politique budgétaire expansionniste se traduit par un déficit extérieur, qui engendre
une perte de monnaie donc une hausse du taux dintérêt ;
fort, il égalise à tout instant le taux dintérêt national au taux
dintérêt global prévalant dans la zone déchanges ; il ny a pas
déviction financière et la politique budgétaire peut être efficace ; cette
dernière situation est, à lévidence, celle que connaît lEurope depuis la
libéralisation financière.
Mais il y a parfois loin de la théorie à la pratique. En particulier et
malgré les différences essentielles qui séparent le SME de lUEM
lévaluation du comportement récent des stabilisateurs automatiques en France dans
le régime actuel de changes fixes suggère quils se seraient fortement émoussés
depuis le début des années quatre-vingt-dix. La question reste posée du caractère
temporaire ou permanent dune telle évolution.
a) Il nest pas certain que la récente perte
defficacité des stabilisateurs automatiques en France soit seulement temporaire
Remarquant que le creusement historique des déficits publics au début des années
quatre-vingt-dix en France sétait accompagné dun renforcement de la balance
courante et dun fort accroissement de la capacité de financement des agents privés
au cours de la période 1990-1994, la direction de la prévision a tenté danalyser
limpact des déficits publics sur la conjoncture. Le résultat, mis à la
disposition du public sous forme de document de travail en 1996 (38), vise à comprendre si ces évolutions macroéconomiques
doivent simplement être mises au débit dune récession exceptionnelle ou si la
politique budgétaire na pas eu toute lefficacité attendue en termes de
stimulation de la demande intérieure (39).
En fait, le comportement dépargne des ménages (ou le comportement de
consommation, lun étant le miroir de lautre) sest considérablement
transformé au début des années quatre-ving-dix. Alors que les analyses théoriques et
les évaluations empiriques mettent en avant deux déterminants essentiels du comportement
réel des ménages, celui-ci sest écarté notablement de ce quil était
possible de prévoir au vu des évolutions enregistrées pour ces déterminants :
le revenu disponible, auquel la consommation sajuste avec retard, a
vu la progression de son pouvoir dachat sensiblement ralentir après 1990 ;
celle-ci est revenue de 3,9% par an en 1990 à 0,3% par an en 1993 ;
la hausse des prix, qui stimule lépargne des ménages par un effet
dencaisses réelles, a elle aussi ralenti sur la période, son rythme annuel
diminuant de 3,5% à 2,3%.
Dans le même temps, le taux dépargne des ménages (40) augmentait de 11,7% à 13,8%. Tout se passe comme si les
ménages navaient pas réagi à limpulsion donnée par la politique
budgétaire et sétaient contenté dépargner le supplément de revenu
distribué par le déficit, empêchant dès lors les multiplicateurs budgétaires de
déployer leurs effets.
Expliquer linefficacité manifeste de la politique budgétaire équivaut ainsi à
expliquer lévolution paradoxale du taux dépargne des ménages.
Les auteurs commencent par écarter, comme aujourdhui nombre déconomistes,
la solution dun effet dit « néo-ricardien ». Suivant lapproche
néo-ricardienne, les agents économiques ont un horizon temporel infini et ne subissent
pas de contrainte de liquidité, arbitrant ainsi librement entre consommation et
épargne ; ils fondent leur comportement de consommation sur lappréciation
quils se font de leur revenu permanent, au-delà des fluctuations aléatoires que
peut subir leur revenu instantané. Ces agents néo-ricardiens intègrent donc dans leur
projet de consommation la contrainte budgétaire intertemporelle due à lÉtat, tant
en dépenses quen recettes. Un accroissement du déficit aujourdhui
entraînant nécessairement un accroissement des impôts demain, il ne modifie pas le
revenu permanent : le revenu distribué dans léconomie par le déficit est
alors épargné par les agents privés pour faire face aux hausses futures dimpôts.
Or les deux hypothèses fondamentales du modèle ricardien ne sont pas
satisfaites : certains agents subissent une contrainte de liquidité ; les
horizons temporels sont finis, et la plupart du temps variables selon les groupes sociaux.
Par ailleurs, les projets de consommation ou dans un vocabulaire et une
optique plus keynésienne, les propensions à consommer diffèrent également
selon les groupes sociaux. Dans ces conditions, le déficit public peut organiser une
intermédiation financière intéressante entre un groupe social prêteur (avec une faible
propension à consommer et un horizon temporel lointain) et un groupe social contraint sur
sa liquidité (ménages modestes ou en difficulté, petites et moyennes entreprises),
caractérisé par une plus forte propension à consommer et un horizon temporel plus
rapproché. Cette description répond mieux à la réalité des sociétés contemporaines
et de la société française en particulier et montre que la
politique budgétaire peut y être efficace.
Il ne semble donc pas que, de façon générale, une hausse du taux dépargne des
ménages puisse être mise en relation directe avec un accroissement du déficit.
On ne peut pourtant pas exclure, selon les auteurs de létude, que le
comportement dépargne ait été affecté dans les années récentes par une
sensibilité accrue des ménages aux risques de taxation future. Deux arguments peuvent
aller en ce sens :
le montant de la dette publique sest considérablement accru depuis
le début des années quatre-vingt, renforçant ainsi la probabilité de relèvement
rapide des impôts en cas de dérapage budgétaire ; le poids de la dette a pu
contribuer à rétrécir la contrainte budgétaire intertemporelle pesant sur les
agents ;
la proximité des échéances concernant la participation de la France à
la troisième phase de lUnion économique et monétaire, dans un contexte de
déficits supérieurs à la norme déterminée dans le traité de Maastricht, a pu
justifier la constitution dune épargne de précaution par une opinion sensibilisée
du fait de lintensité du débat public sur lunion monétaire.
Les tentatives conduites par les auteurs de létude pour corroborer
quantitativement, grâce aux ressources de léconométrie, leurs hypothèses de
comportements « non keynésiens » (41)
ne donnent pas de résultat probant, concèdent-ils. Tout au plus semblent-elles « apporter
un début de confirmation » à de telles conjectures. En revanche, la mise en
évidence des comportements « non keynésiens » apparaît très clairement
après lannée 1992.
Les auteurs envisagent ensuite la possibilité que les stabilisateurs automatiques
aient pu être contrariés par des effets déviction financière. Notons à ce
propos que leffet déviction évoqué ici na rien à voir avec
léviction financière « classique » par le taux dintérêt :
laugmentation du taux dépargne des ménages compense, en effet, la
désépargne des administrations publiques et contribue à stabiliser le taux
dintérêt auquel ségalisent loffre et la demande de monnaie. En
revanche, les taux dintérêt observés sur les marchés peuvent incorporer des
primes de risque, dont les évolutions ne préjugent pas dun déséquilibre sur le
marché de la monnaie et des titres. Ces variations de taux influent à leur tour sur la
consommation, lépargne et linvestissement.
Or, justement, les modalités dentrée dans la troisième phase de lUEM ont
incontestablement renforcé le lien existant entre la dégradation des déficits publics
et les tensions sur les taux dintérêt via les primes de risque. En cas de
dérapage par rapport au critère de déficit retenu par le traité de Maastricht, les
marchés pouvaient être tentés de croire que le pays concerné ne serait pas en mesure
de participer à lUEM, donc pourrait connaître des perturbations de son taux de
change. Comme le notent les auteurs, « lhistoire récente des pays
européens a confirmé, par ailleurs, le potentiel de tensions sur les taux que recèle la
période de transition vers lUEM ».
La diminution spectaculaire des taux dintérêt en Italie et en Espagne, sous
limpulsion favorable de la diminution des déficits publics ces toutes dernières
années, illustre a contrario leffet déviction décrit ci-avant. Plus
encore, lannonce et la mise en place dun plan de redressement des comptes
publics peuvent provoquer une diminution sensible des taux dintérêt
pour leur partie « prime de risque » avant même que
le plan nait produit ses effets.
Létude met ainsi en avant deux hypothèses susceptibles dexpliquer la
rupture du comportement dépargne des ménages, toutes deux liées au processus
transitoire que constitue la préparation de léconomie française et des finances
publiques au lancement de la troisième phase de lUEM. Même si, dans leur
conclusion, les auteurs préviennent que « il serait imprudent daller
au-delà de simples conjectures », ils estiment finalement que, « une
fois lintégration économique et monétaire réalisée, il ne serait alors pas
surprenant que la politique budgétaire retrouve une plus grande efficacité, fût-ce à
lintérieur de marges de manuvre en apparence moins larges
quaujourdhui ».
« Plus grande efficacité » par rapport à la situation actuelle ne veut
pas dire nécessairement « efficacité aussi grande » que ce que lon
connaissait auparavant. Au contraire, certains éléments incitent à penser que les
stabilisateurs budgétaires automatiques pourraient être émoussés de façon durable,
au-delà de linfluence transitoire de la qualification pour leuro. La
politique économique devrait alors se fixer comme objectif de leur redonner une nouvelle
vigueur.
b) Les performances modestes des stabilisateurs automatiques en
France doivent inciter à engager des actions structurelles
· Quelques facteurs daffaiblissement permanent peuvent être identifiés.
En premier lieu, linfluence du niveau de la dette publique a été évoquée
ci-avant. A cet égard, les perspectives dévolution du stock de dette à un horizon
de quelques années vont plutôt dans le sens dune poursuite de la réaction
« non keynésienne » des ménages même si le Gouvernement actuel
a engagé les finances publiques sur la voie dune stabilisation, puis, si possible,
dune diminution, du taux dendettement public.
En deuxième lieu, la sensibilité des ménages aux fluctuations du taux
dintérêt réel paraît avoir augmenté depuis le milieu des années quatre-vingt.
Ce phénomène va, dune part, renforcer leffet déviction financière
mentionné ci-avant, qui est de nature transitoire. Il va surtout, de façon plus durable,
déconnecter un peu plus le comportement de consommation et dépargne des ménages
des évolutions de leur revenu disponible. Très clairement, le mouvement de
déréglementation financière engagé au milieu des années quatre-vingt a provoqué une
sensibilité accrue de larbitrage consommation / épargne aux variables
financières, et tout particulièrement aux taux dintérêt réels à court terme.
Certes, leffet des taux réels est traditionnellement difficile à mettre en
évidence dans les évaluations économétriques pratiquées sur des données françaises.
Mais il est des phénomènes dont la preuve ne passe pas nécessairement par une analyse
globale menée sous un angle macro-économique.
En dernier lieu, la constitution par les ménages dune épargne de précaution
destinée à les préserver des incertitudes sur le marché du travail apparaît comme un
déterminant récent des variations de la consommation des ménages. Par delà même son
augmentation, le taux de chômage est devenu plus volatil depuis le milieu des années
quatre-vingt. Le marché du travail étant marqué par la précarité, lemploi est
devenu plus sensible aux évolutions conjoncturelles. Malgré les premiers résultats
encourageants obtenus par le Gouvernement sur le front du chômage, il est à craindre que
les motivations dune épargne de précaution ne perdurent encore plusieurs années.
· En fait, force est de constater que les performances des stabilisateurs
automatiques sont en France relativement modestes comparées à celles de certains de nos
partenaires.
Non pas que la réaction du budget à la conjoncture soit plus faible quailleurs.
Le tableau présenté ci-après montre que la sensibilité du solde budgétaire aux
évolutions du PIB est conforme en France à la moyenne européenne. En moyenne, dans
lEurope des Quinze, une diminution de 1 point du PIB conjoncturel (42) entraîne une diminution des recettes publiques à
hauteur de 0,4% du PIB et une augmentation des dépenses publiques à hauteur de 0,1% du
PIB ; le solde budgétaire se dégrade donc de 0,5% du PIB. La France ne
sécarte de ces chiffres que de façon marginale.
SENSIBILITÉ MARGINALE AU PIB DES RECETTES, DÉPENSES ET SOLDE
BUDGÉTAIRE DANS LEUROPE DES QUINZE (1995)
(en % du PIB)
|
Sensibilité des recettes
(A) |
Sensibilité des dépenses
(B) |
Sensibilité du solde budgétaire
(C) = (A) (B) |
Allemagne |
0,4 |
0,1 |
0,5 |
Autriche |
0,4 |
0,1 |
0,5 |
Belgique |
0,5 |
0,1 |
0,6 |
Danemark |
0,5 |
0,3 |
0,7 |
Espagne |
0,5 |
0,2 |
0,6 |
Finlande |
0,5 |
0,2 |
0,6 |
France |
0,5 |
0,1 |
0,5 |
Grèce |
0,3 |
0,1 |
0,4 |
Irlande |
0,4 |
0,2 |
0,5 |
Italie |
0,3 |
0,1 |
0,5 |
Luxembourg |
0,4 |
0,2 |
0,6 |
Pays-Bas |
0,5 |
0,2 |
0,8 |
Portugal |
0,4 |
0,1 |
0,5 |
Royaume-Uni |
0,5 |
0,2 |
0,6 |
Suède |
0,6 |
0,2 |
0,9 |
Europe des Quinze |
0,4 |
0,1 |
0,5 |
Source : Economic policy in EMU. Part B. Specific topics,
DG II - Affaires économiques et financières, Economic papers, n° 125,
novembre 1997.
Lévaluation du degré de stabilisation procuré par ces stabilisateurs est
délicate au plan quantitatif. On connaît, bien entendu, les principaux déterminants
qualitatifs : louverture internationale de léconomie concernée (43), la taille du secteur public (mesurée par un indicateur
représentatif des prélèvements obligatoires) (44),
et tous autres phénomènes qui accroissent les « fuites » de monnaie hors du
circuit de la production. Ainsi, les « petits » pays nordiques,
comparativement très ouverts sur lextérieur, doivent mettre en place des
stabilisateurs budgétaires importants (et endurer, par conséquent, de plus amples
fluctuations de leurs finances publiques) pour réaliser le même degré de stabilisation
que celui obtenu dans les « grands » pays européens, dont le degré
douverture est plus réduit.
Les estimations récentes de leffet stabilisant du budget pour un choc
conjoncturel donné séchelonnent entre 20% et 50% pour les États membres de la
Communauté européenne comme pour la plupart des autres pays industrialisés. Une étude
conduite par lOCDE en 1993 montre par exemple quen moyenne, les fluctuations
de la production provoquées par un choc donné sont amorties à hauteur denviron
25% par les stabilisateurs budgétaires automatiques.
Lestimation effectuée par la Commission consiste, de façon tout à fait
classique, à comparer, pour chaque pays et dans le cadre dun choc conjoncturel
donné (ici une augmentation de 1% de la consommation), la variation de la production
lorsque les stabilisateurs sont « bloqués » (45)
et la variation de la production lorsquils peuvent fonctionner librement.
DEGRÉ DE STABILISATION PROCURÉ
PAR LES STABILISATEURS BUDGÉTAIRES
|
Variation de production (stabilisateurs
bloqués)
(A) |
Variation de production (stabilisateurs
libres)
(B) |
Stabilisation absolue
(C) = (A) (B) |
Impact des stabilisateurs automatiques
(D) = (C) / (A) |
Allemagne |
1,38 |
0,96 |
0,42 |
30 |
Autriche |
0,96 |
0,71 |
0,25 |
26 |
Belgique |
1,02 |
0,76 |
0,26 |
26 |
Danemark |
1,09 |
0,75 |
0,34 |
31 |
Espagne |
0,99 |
0,81 |
0,18 |
18 |
Finlande |
1,33 |
0,79 |
0,54 |
41 |
France |
1,21 |
0,93 |
0,28 |
23 |
Grèce |
1,09 |
0,93 |
0,16 |
15 |
Irlande |
1,51 |
1,04 |
0,47 |
31 |
Italie |
1,18 |
0,87 |
0,31 |
26 |
Luxembourg |
|
|
|
|
Pays-Bas |
1,08 |
0,76 |
0,32 |
30 |
Portugal |
0,94 |
0,77 |
0,17 |
18 |
Royaume-Uni |
1,18 |
0,77 |
0,41 |
35 |
Suède |
1,39 |
0,86 |
0,53 |
38 |
Europe des Quinze |
1,21 |
0,87 |
0,34 |
28 |
Source : Economic policy in EMU. Part B. Specific topics,
DG II - Affaires économiques et financières, Economic papers, n° 125,
novembre 1997.
Le résultat le plus notable est que, de tous les « grands » pays
européens, la France est celui qui a le degré de stabilisation le plus faible, talonné
de peu par lItalie. Il est ainsi loisible de sinterroger sur
lopportunité dune action contra-cyclique délibérée, qui viendrait
compléter la stabilisation insuffisante offerte par les automatismes budgétaires.
· On ne peut cependant se contenter de ces performances modestes, même si notre
jugement ne peut sappuyer en loccurrence que sur des éléments très
partiels. Pour autant quils adhèrent à lidée que lÉtat a un rôle à
jouer dans léconomie, y compris dans la régulation des fluctuations
consubstantielles au fonctionnement des marchés, lenjeu pour les responsables
politiques consiste à donner aux stabilisateurs automatiques une efficience qui leur fait
aujourdhui défaut.
Dans le contexte contraint qui sera désormais celui de la politique budgétaire, il
convient daméliorer le rapport coût-efficacité de nos stabilisateurs
budgétaires, en agissant sur deux plans :
recalibrer le « volume » des stabilisateurs de façon à rester
en tout état de cause au-dessous de la valeur de référence posée par le traité de
Maastricht ;
améliorer leffet des stabilisateurs, sur la conjoncture, à
« volume » donné, de façon à éviter davoir recours à une politique
expansive délibérée en cas de retournement conjoncturel, qui pourrait conduire la
France sur le chemin dun déficit excessif.
Cet objectif ambitieux suppose de résoudre des difficultés techniques
importantes : notre système fiscal est-il suffisamment progressif ? Notre
système dindemnisation du chômage apporte-t-il une contribution suffisante à la
stabilisation par les dépenses (46) ? On
voit également les difficultés politiques et sociales qui sattachent à de telles
questions. Pour la seconde, par exemple, il apparaît rapidement que la réduction
progressive des « avantages » offert par le régime dassurance chômage
a considérablement réduit leffet stabilisateur du dispositif. Plus subtilement, la
diminution progressive des prestations au fur et à mesure que la durée du chômage
augmente induit un effet macroéconomique négatif, le montant des transferts à
destination des chômeurs se réduisant au fil du temps (47)
Des questions comme limpact de la précarisation du marché du travail sur les
stabilisateurs dépenses et recettes mériteraient également dêtre étudiées. Le
fait que la croissance soit aujourdhui plus riche en emplois induit, par effet de
miroir, quune récession sera plus douloureuse en termes de pertes demplois.
Il est probable que les nouvelles conditions de fonctionnement du marché du travail
limitent limportance du cycle de productivité (48).
Or, celui-ci avait une influence reconnue sur limpôt sur les sociétés. Dans ces
conditions, leffet stabilisant traditionnellement supporté par limpôt sur
les sociétés pourrait désormais être transféré vers limpôt sur le revenu,
voire disparaître en partie si les emplois concernés génèrent des revenus insuffisants
pour donner lieu au paiement dun impôt.
*
* *
Soumise aux impératifs du pacte de stabilité et de croissance et confortée
bien quencadrée dans sa légitimité de régulateur de la
conjoncture, la politique budgétaire se voit désormais assigner un horizon plus
lointain, une dimension temporelle plus évidente. Le cadre de lexercice annuel se
révèle aujourdhui trop étroit pour que la politique budgétaire puisse se
déployer pleinement. Dans ce domaine aussi, un effort de rénovation simpose aux
pouvoirs publics.
3.- La pluriannualité : de la
rénovation des conceptions budgétaires
à la refondation de laction publique
Par un heureux mouvement, le concept de pluriannualité de la politique budgétaire est
revenu récemment sur le devant de la scène, assorti de connotations plus positives
quauparavant. Il est vrai que, ces dernières années, la pluriannualité était
surtout associée aux impératifs de réduction du besoin de financement des
administrations publiques. Cependant, nen déplaise aux adeptes impénitents de
« lÉtat minimum », elle peut également être déployée dans une
conception plus « offensive » des finances publiques. La majorité actuelle de
lAssemblée nationale adhère à cette conception et reconnaît à lÉtat la
légitimité dintervenir dans le domaine économique et social, dagir en tant
que garant de lintérêt général et de mettre en uvre les grandes lignes du
contrat social qui unit les composantes de la Nation.
Or, comment lÉtat peut-il être « stratège » lorsque lui fait
défaut la définition précise dun cadre daction à moyen terme ?
Comment peut-il sélectionner et ajuster les priorités de son action, y affecter les
moyens nécessaires et juger de leur efficacité, sil ne dispose pas dun outil
lui permettant de se projeter dans lavenir et dy inscrire des perspectives
financières pertinentes ?
· La pluriannualité simpose aujourdhui, clairement, comme le cadre
privilégié des choix politiques en matière budgétaire.
Bien entendu, la dimension contraignante du contexte européen na pas disparu
avec la décision du Conseil extraordinaire de Bruxelles, le 2 mai dernier, fixant la
liste des États membres admis à participer à la troisième phase de lUnion
économique et monétaire. Au contraire, la deuxième partie du présent volume a montré
la nécessité, au regard des règles du pacte de stabilité et de croissance,
dinscrire les évolutions des finances publiques, donc du budget de lÉtat,
dans une perspective de moyen terme, avec la notion d « équilibre
financier de moyenne période » que doivent présenter et respecter les États
participants dans les programmes de stabilité quils seront tenus de soumettre à la
Commission européenne et au Conseil.
Pareillement, lampleur de certains engagements de lÉtat oblige à
raisonner au-delà de la périodisation classique de lexercice budgétaire. Les
travaux préparatoires au débat dorientation budgétaire du 9 juin 1998 ont
identifié les trois principales catégories de charges qui contraignent, à moyen et long
terme, lévolution de la dépense publique : le service de la dette de
lÉtat, les dépenses de personnel (fonction publique et assimilés), les charges de
pension. Ces catégories sont, par essence, celles où linertie lemporte sur
la souplesse et où linflexion ne se conçoit que dans la durée (49). De même, la part croissante des dépenses de
lÉtat ou de sécurité sociale destinées à financer des mécanismes légaux
fonctionnant « à guichet ouvert », notamment en matière daction
sociale, rend la dépense publique particulièrement autonome vis-à-vis des décisions
discrétionnaires des pouvoirs publics, à législation constante.
· Force est alors de constater que les outils actuels de la pluriannualité ne
répondent plus aux objectifs qui leur avaient été assignés ni aux défis auxquels sont
aujourdhui confrontées les finances publiques.
Les autorisations de programme, instruments de gestion naturels de la pluriannualité,
ont vu leur légitimité contestée. La nécessité de contenir les dépenses publiques et
la réfaction corrélative des crédits de paiement ont conduit à la constitution
dun stock dautorisations de programme inutilisées et progressivement privées
de tout lien avec un éventuel engagement de dépenses (50).
De plus, la concentration des opérations de régulation budgétaire sur les dépenses en
capital, ces dernières années, a perturbé la mise en uvre des politiques
dinvestissement, qui sont par nature pluriannuelles.
Pour leur part, les outils de programmation nont pas réussi à sintégrer
à la logique de la procédure budgétaire ni à une vision prospective densemble.
Les lois de programme ou les plans, définis à larticle premier de
lordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances, ont
été dépourvus dès lorigine de toute portée budgétaire, de même que les lois
de programmation. Il nest donc pas étonnant que les prévisions de dépenses
associées aux lois de programmation aient été si souvent démenties en
exécution : à linverse de ce que la logique aurait voulu, programmation
na pas souvent signifié sanctuarisation de la dépense.
Par ailleurs, il est patent que les tentatives de programmation ont échoué à
sinscrire dans un cadre densemble cohérent, comme le montre un certain
foisonnement des lois « dorientation », « de programme »
ou « de programmation » qui ont été adoptées depuis le début des
années quatre-vingt-dix. A cet égard, la loi dorientation quinquennale
n° 94-66 du 24 janvier 1994 relative à la maîtrise des finances publiques
apparaît plus comme un instrument daffichage que comme loutil dune
véritable rationalisation des engagements de lÉtat en cours à lépoque ou
à venir sur la période visée.
Remarquons enfin que la pratique des budgets de programme, qui était censée à
lorigine recentrer la discussion budgétaire sur les actions conduites par les
ministères et pas seulement sur les moyens mis à leur disposition, a rapidement perdu de
sa substance. Elle est désormais tombée en désuétude.
· En fait, une réintroduction réussie de la pluriannualité dans la politique
budgétaire repose plus sur un engagement politique fort que sur un encadrement juridique
étroit.
La programmation pluriannuelle des finances publiques doit viser préférentiellement
à expliciter les contraintes financières auxquelles sont soumis les budgets publics.
Elle peut ainsi acquérir tout à la fois une vertu pédagogique en favorisant
lapprofondissement du débat public et une dimension quasi normative.
Une véritable pluriannualité ne se conçoit, en effet, quen allouant les moyens
dégagés à des objectifs précisément définis : elle ne saurait dériver en un
blanc-seing accordé sans précaution aux administrations. Elle suppose un faisceau
dhypothèses économiques et sociales pertinentes à moyen terme, un programme
dactions clairement identifiées, assorties dindicateurs fiables, et un
échéancier de rendez-vous permettant dajuster ces actions en tant que de besoin.
En ce sens, la pluriannualité ne peut sabstraire des règles essentielles qui
fondent notre droit budgétaire. A linverse, elle se conjugue nécessairement avec
celles-ci. En lespèce, il ne semble pas que lon puisse valablement soutenir
lidée selon laquelle la pluriannualité priverait le Parlement de son pouvoir
souverain de consentir annuellement à limpôt et de déterminer les domaines
daction de lÉtat. Le débat parlementaire, au contraire, trouverait plus à
sépanouir dans la discussion des grandes orientations à donner aux finances
publiques, sur des programmes précis et des engagements quantifiés, par grandes
catégories de dépenses, que dans les discussions technico-politiques de relatif détail.
Ainsi, la programmation pluriannuelle des finances publiques nest pas
incompatible avec lannualité de la discussion budgétaire, moment essentiel et
fondateur de la vie démocratique.
Cette approche nouvelle ne pourra cependant réussir que si lÉtat remanie
profondément ses modes de gestion, ses modalités dintervention, ses relations
internes, vis-à-vis de ses agents, et externes, vis-à-vis des citoyens.
Lintroduction des « centres de responsabilité » en 1989, la mise en
place des « contrats de service » à partir de 1996, ont représenté des
étapes importantes dans un processus de rénovation des modes de gestion publique.
Cependant, ils ne peuvent être considérés comme un aboutissement.
Il faut donc se féliciter des orientations qui ont été définies depuis quelques
mois par le Gouvernement, tendant à introduire une dimension pluriannuelle dans la
gestion publique. La décision la plus importante, à cet égard, est la circulaire du
Premier ministre du 3 juin 1998 relative à la préparation des programmes
pluriannuels de modernisation des administrations. Dans un document unique élaboré au
niveau de chaque département ministériel, les ministres devront présenter leurs grandes
orientations stratégiques et les évolutions envisagées à moyen terme, tant pour les
services centraux ou déconcentrés que pour les établissements sous tutelle. La
circulaire indique également que la mise en uvre du programme pourra donner lieu à
une contractualisation, préparée en 1999 pour la période 2000-2002, pour ce qui
concerne les effectifs et les crédits de fonctionnement.
Transformer la gestion publique, cest aussi refonder laction publique.
Cest à cette condition que pourra être affermie la confiance des citoyens dans
leur administration et dans la légitimité de laction de lÉtat au quotidien,
que les assauts répétés des idéologies ultralibérales ont tenté débranler au
cours des dernières années.
En juin 1997, pourtant, la majorité du pays a récusé la fatalité prétendue
dun État impotent. Elle doit savoir donner à celui-ci un horizon plus vaste, plus
profond, pour concrétiser, dans la durée, le contrat de croissance, de solidarité et de
justice qui la lie au peuple français.
*
* *
Des modalités de lassainissement budgétaire à la refonte des mécanismes de
stabilisation automatique, il apparaît que les perspectives sont largement ouvertes, dans
le cadre dune pluriannualité rénovée, pour un redéploiement des objectifs
structurels de la politique budgétaire.
Cependant, il serait erroné de croire que celle-ci peut rester limitée au cadre
rassurant du champ national. Lapplication, même bien comprise, du principe de
subsidiarité ne préservera pas la politique budgétaire dune
« communautarisation » accrue. Coopération et harmonisation sont deux
nouvelles lignes directrices quil conviendra de prendre en compte dans la
définition des orientations futures de nos finances publiques.
CHAPITRE II
LA COOPÉRATION ET LHARMONISATION DES POLITIQUES BUDGÉTAIRES ET FISCALES : UNE
RÉPONSE A LINTÉGRATION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE DE LEUROPE
A.- COORDINATION DES POLITIQUES ÉCONOMIQUES
ET « FÉDÉRALISME BUDGÉTAIRE »
1.- La nécessité dune convergence des
politiques budgétaires
a) Les risques dune absence de coopération
entre les Etats participant à leuro
· Les dangers dune absence de coopération entre les Etats membres de
lUnion européenne sagissant des politiques budgétaire et économique se sont
très largement manifestés depuis 1993. LEurope a en effet enregistré des
performances qui se comparent très désavantageusement à celles des Etats-Unis. Les
quinze ont connu une croissance faible qui a conduit à un maintien du chômage à des
niveaux moyens élevés, supérieurs à 11% de la population active, alors même que la
durée du chômage ne cessait de saccroître. A linverse, quel que soit le
jugement que lon porte sur la nature des emplois créés, les Etats-Unis ont connu
une décrue massive du chômage, celui-ci passant de près de 8% en 1992 à environ 5% en
1997.
Dans le même temps, le déséquilibre des finances publiques en Europe a été très
profond, tant en raison de la faible croissance que de taux dintérêt élevés
accroissant la charge de la dette. Le rétablissement ne sest fait que
progressivement et nest pas terminé, alors que la forte croissance américaine a
permis une résorption rapide des déficits budgétaires.
Sur les origines de ces divergences profondes entre économies nord-américaines et
européennes, il existe un consensus assez large chez les économistes (51). Lécart constaté en Europe par rapport au
sentier de croissance potentielle résulterait très largement dune absence de
stratégie de coopération économique face au choc asymétrique de la réunification
allemande. Une forte différence de conjoncture sest alors manifestée entre la
plupart des Etats membres, connaissant un ralentissement de lactivité économique,
et la surchauffe allemande, combattue par une politique monétaire restrictive de la
Bundesbank. Le choix alors fait en France dun maintien des parités a conduit à une
très forte hausse des taux dintérêt et à une détérioration des finances
publiques. Ces choix de politiques nationales nont pas été concertés et il
na pas été possible dinfléchir les politiques monétaires dans un sens plus
accommodant. Les dangers dun fossé profond entre les progrès remarquables de
lintégration des économies européennes et linsuffisance des institutions
politiques au niveau communautaire ont ainsi été mis très crûment en lumière.
· Or, la réalisation de leuro nexclut pas la possibilité de
nouveaux chocs asymétriques en Europe.
Si un événement de limportance historique de la réunification allemande
nintervient que très exceptionnellement, il nen reste pas moins que le risque
de tels chocs persiste. Les conjonctures économiques de « grands » pays
étant dans lensemble proches, à lexception du Royaume-Uni, dont le cycle est
toujours décalé, mais qui ne participe pas encore à leuro, ce sont plutôt les
« petits » pays, aux économies plus spécialisées, qui sont menacés
dun décrochage éventuel (52).
Un des avantages de la politique monétaire unique est de conduire à une prise en
compte des besoins de lensemble des Etats membres via une souveraineté
partagée. Il nen reste pas moins que le système mis en place exclut par
définition tout ajustement par le taux de change pour un pays connaissant une crise
spécifique. Mais, contrairement aux Etats-Unis, lEurope ne dispose pas de
mécanismes de transferts se substituant aux variations de change pour stabiliser les
conjonctures locales. Les fonds structurels ne peuvent, loin sen faut, être
assimilés à un instrument budgétaire « fédéral » et la mobilité des
personnes reste faible, notamment en raison des barrières linguistiques. Le pacte de
stabilité ne permettant de laisser jouer les stabilisateurs automatiques que de façon
relativement limitée, la principale variable dajustement resterait le chômage. Une
poussée massive de ce dernier dans un ou des pays connaissant une récession spécifique
conduirait à des tensions politiques extrêmement vives.
b) La réalisation de lunion monétaire offre une opportunité
pour lutilisation raisonnée de loutil budgétaire
· Linstauration du pacte de stabilité et de croissance impose désormais
une limite à lutilisation des déficits publics, rendue nécessaire par le besoin
dédicter un code de bonne conduite entre partenaires dune zone monétaire
unique. Le respect des critères relatifs aux déficits publics et à la dette publique
figurant en annexe du traité instituant la Communauté européenne est indispensable pour
éviter quun ou plusieurs Etats membres ne laissent déraper leurs finances
publiques en en faisant payer le prix en termes de hausse des taux dintérêt à
leurs partenaires.
Si les règles comprises dans le pacte visent à assurer ce respect, éventuellement au
moyen de sanctions, elles ne constituent pas pour autant un carcan irréductible, comme on
la vu dans le chapitre premier ci-dessus. Une marge de manoeuvre existe bien dans le
dosage des déficits publics jusquaux fameux 3%. Tel est le sens des recommandations
de la Commission européenne et des efforts suivis par les Etats membres :
bénéficier de finances saines en période de croissance pour pouvoir aborder dans de
bonnes conditions les retournements de conjoncture, toujours possibles.
Dailleurs, le règlement concernant la surveillance et la coordination des
politiques économiques précise bien que lapplication des sanctions nest pas
automatique (53). Le dépassement du critère
de 3% du déficit public peut être considéré comme exceptionnel et temporaire sil
résulte dune circonstance inhabituelle indépendante de lEtat concerné ou
sil est consécutif à une grave récession économique (soit une baisse annuelle du
PIB en termes réels dau moins 2%). De plus, même si la baisse du PIB est
inférieure à 2%, le Conseil nest pas tenu dappliquer des sanctions sil
juge que la situation présente un caractère exceptionnel.
· Dans la mesure où ni la flexibilité du taux de change, ni la mobilité du
travail ne sont possibles ou suffisantes, cest la politique budgétaire qui est
appelée à jouer un rôle essentiel pour la stabilisation face aux chocs asymétriques.
Or, linstauration de lunion monétaire change fondamentalement les conditions
de son utilisation. Louverture des pays de la zone euro à linternational est
certes forte, mais elle résulte avant tout des échanges intracommunautaires (54). Dune certaine manière, le degré
douverture extérieure de lUnion européenne est comparable à celui des
Etats-Unis, tandis que linterdépendance des économies des Etats membres est de
plus en plus grande. Il en résulte une relative autonomie de la zone euro, qui pourrait
être mise à profit pour une utilisation efficace de loutil budgétaire.
Si les économies européennes sont presque aussi interdépendantes que celles des
Etats américains, force est de constater que les institutions capables dopérer une
régulation macro-économique à léchelle de ce grand marché intégré sont encore
embryonnaires.
2.- Quelles méthodes et quels instruments de
coordination ?
Lutilisation de loutil budgétaire apparaît souhaitable afin
délaborer un dosage de politiques économiques équilibré, ne reposant pas
uniquement sur la politique monétaire définie par la Banque centrale européenne (BCE).
Il reste dabord à déterminer quelles doivent être les méthodes de convergence
budgétaire coordination renforcée ou « fédéralisme
budgétaire » et ensuite, à renforcer les instruments institutionnels
permettant lélaboration de politiques concertées ou communes en la matière.
a) Un fédéralisme budgétaire introuvable
La relative similitude des situations européennes et américaines induirait à penser
quune orientation fédérale serait naturellement le nécessaire et inévitable
prolongement de lUEM. En effet, dans une union monétaire disposant dun budget
fédéral, en cas de choc particulier touchant lun des Etats, lensemble des
partenaires participe au rétablissement économique de celui qui connaît des
difficultés. Ainsi, lorsquun Etat américain est touché par une catastrophe
naturelle par exemple, le budget fédéral est contraint dinvestir massivement pour
la reconstruction, entraînant généralement une forte expansion bénéficiant à
lensemble des partenaires.
Malgré des similitudes en termes dimbrication des économies et de degrés
douverture extérieure, les situations de lUnion européenne et des Etats-Unis
ne sont pas identiques. Ainsi, en raison des barrières linguistiques et culturelles, la
mobilité des travailleurs est infiniment moins grande.
Surtout, il ny a aucune comparaison possible entre lampleur des capacités
dintervention du budget fédéral américain et celles du budget communautaire, ne
serait-ce que parce que ce dernier doit, en application des traités, être voté en
équilibre. Certes, le budget communautaire est avant tout un budget dintervention
et les actions structurelles constituent près de 38% des dépenses totales, jouant un
rôle certain en faveur du rééquilibrage des niveaux de développement entre les
différentes régions. Toutefois, par sa taille, le budget communautaire nest pas
actuellement en mesure dêtre un instrument réellement efficace. On rappellera à
cet égard que le plafond des ressources propres et, par voie de conséquence, des
dépenses, est fixé à 1,27% du PIB communautaire pour 1999.
Pour acquérir une « masse critique », le budget communautaire devrait donc
être sensiblement accru. Tel nest cependant pas le chemin pris récemment. En
raison des efforts considérables consentis par les Etats membres pour respecter les
critères de convergence en vue de participer à la première vague de leuro, la
tendance a été ces dernières années à une stabilisation des dépenses communautaires.
La revendication allemande dune limitation de sa contribution nette illustre par
ailleurs le contrôle étroit que les Etats membres veulent maintenir sur leur
participation financière aux actions communautaires. Laccroissement des ressources
du budget communautaire nécessiterait soit une augmentation importante de la pression
fiscale, qui nest pas à lordre du jour, soit, à prélèvements obligatoires
constants, le transfert au niveau communautaire de ressources fiscales et de missions
relevant actuellement des Etats membres. On mesure aisément quune telle piste, si
elle peut être davenir, nest guère réalisable à court et moyen terme.
Lidée dun « fédéralisme budgétaire » ne peut donc guère
constituer une solution en vue dune revalorisation de loutil budgétaire.
b) Les instruments dune coopération budgétaire renforcée
· En matière de coopération économique et budgétaire, les économistes
distinguent traditionnellement la coordination par la règle de la coordination
discrétionnaire.
La première consiste à mettre en place un ensemble dinstitutions et
délaborer de grandes règles, assorties de procédures visant à assurer le respect
de ces dernières. Dans une large mesure, la coordination par la règle a été la
principale méthode utilisée récemment pour la construction communautaire, notamment en
matière monétaire. Ainsi, la définition de critères de convergence en vue de la
réalisation de lunion économique et monétaire, linstauration dune
banque centrale indépendante et ladoption du pacte de stabilité et de croissance
participent du même esprit de coordination par la règle.
Inversement, la coordination par le biais dinterventions discrétionnaires est
demeurée limitée. Cette dernière peut être ainsi définie : « la
coordination stratégique, celle qui exploite linterdépendance, reposera plutôt
sur la capacité des gouvernements à exercer leur politique discrétionnaire de façon
conjointement organisée » (55).
Lauteur de cette définition note que cette forme de coordination est beaucoup plus
difficile à mettre en oeuvre, car elle suppose une volonté commune daboutir qui
doit être maintenue dans la durée. Elle consiste en fait à élaborer en commun un
ensemble de politiques communes fondé sur lutilisation, au besoin différenciée,
des instruments de politique économique qui restent à la disposition des Etats membres.
Le traité nignore pourtant pas cette forme de coopération. Ainsi, la définition
des grandes orientations de politiques économiques des Etats membres et de la
Communauté, prévue par larticle 103, aurait pu fournir un cadre naturel à
lélaboration de politiques communes. Force est cependant de constater que dans les
faits, ces grandes orientations sont rédigées de façon plutôt vague et imprécise et
nengagent pas véritablement les Etats membres dans leur exécution. La relative
monotonie de cette procédure a dailleurs été soulignée par certains ministres
lors du Conseil Ecofin du 5 juin dernier portant sur ces grandes orientations,
lesquelles ont été formellement adoptées lors du Conseil européen de Cardiff les 15 et
16 juin dernier.
Si une revitalisation de la procédure de larticle 103 du Traité est toujours
concevable, il nen reste pas moins que la réalisation de lUEM impose
désormais quune coordination plus développée et plus souple soit mise en oeuvre,
afin notamment de réagir à des retournements de conjoncture ou à des événements que
le simple respect des règles visant à la stabilité des prix ne permet pas de prendre en
considération.
· La réorientation de la coordination des politiques économiques et
budgétaires implique en fait que toute sa place soit véritablement donnée au politique.
Elle nécessite aussi une diversification de la coordination à des secteurs de politique
économique jusquici négligés.
A cet égard, le Conseil européen extraordinaire de Luxembourg sur lemploi de
novembre 1997 a permis danticiper, largement à linitiative de la France, sur
lentrée en vigueur du nouveau chapitre sur lemploi du traité
dAmsterdam. Ainsi, il a été décidé de mettre en oeuvre les lignes directrices
pour lemploi. Dix-neuf lignes directrices pour lemploi en 1998 ont été
définies et visent à mobiliser lensemble des politiques communautaires au service
de lemploi et à coordonner les politiques de lemploi des Etats membres, sur
la base dorientations communes. Elles sont organisées autour de quatre axes
principaux : lamélioration de la capacité dinsertion professionnelle,
le développement de lesprit dentreprise, lencouragement de la capacité
dadaptation des entreprises ainsi que des travailleurs pour permettre au marché du
travail de réagir aux mutations économiques et le renforcement des politiques
dégalité des chances. On le voit, lapproche est globale, complétant ainsi
la mise en place dun cadre macro-économique favorable à la croissance.
La mise en oeuvre de ces lignes directrices sest concrétisée avec
lélaboration, par chacun des Etats membres, de plans nationaux pour lemploi
qui feront lobjet dune évaluation à chaque réunion du Conseil européen de
décembre. Toutefois, pour 1998, les Etats membres ont été invités à soumettre au plus
tôt leur premier plan national daction pour lemploi à la Commission
européenne et au Conseil, afin que lexamen pût avoir lieu lors du Conseil
européen de Cardiff de juin dernier.
Par-delà cette nouvelle procédure, cest cependant la mise en place du Conseil
de leuro qui est porteuse des plus grandes espérances en matière de convergence
des politiques économiques.
La résolution sur la croissance et lemploi adoptée lors du Conseil européen
dAmsterdam avait notamment fixé pour objectif de développer le pilier économique
de lUnion. La France avait alors manifesté sa volonté dun renforcement
dun véritable « pôle économique » parallèlement à la mise en place
du pôle monétaire constitué par le SEBC.
Cette volonté a reçu une traduction substantielle lors du Conseil européen de
Luxembourg de décembre 1997, avec ladoption dune résolution sur la
coordination des politiques économiques au cours de la troisième phase de
lUEM (56).
Partant du constat que le renforcement de la coordination des politiques menées par
les Etats membres participant à la zone euro constitue un élément déterminant pour la
réussite de lUEM, le Conseil européen a tout dabord exprimé sa volonté de
faire des grandes orientations des politiques économiques un instrument efficace au
service dune convergence soutenue entre les Etats membres. Cette amélioration
suppose quil soit donné un caractère plus concret à ces grandes lignes, qui
devraient être davantage « axées sur des mesures destinées à améliorer le
potentiel de croissance des Etats membres, augmentant ainsi lemploi ».
Surtout, la résolution a autorisé la constitution du Conseil de leuro. Elle
dispose en effet que : « les ministres des Etats participant à la zone
« euro » peuvent se réunir entre eux de façon informelle pour discuter des
questions liées aux responsabilités spécifiques quils partagent en matière de
monnaie unique. La Commission ainsi que, le cas échéant, la Banque centrale européenne
(BCE), sont invitées à participer aux réunions. »
Cette création na pu être obtenue que grâce à une double concession. Pour
répondre à la volonté manifestée par lAllemagne de conserver tout son rôle au
Conseil Ecofin, il est réaffirmé que ce dernier est au coeur de la coordination
économique des Etats membres et quil est seul habilité à statuer dans les
domaines concernés. Par ailleurs, le Royaume-Uni, conscient de lenjeu politique que
représentera le Conseil de leuro, a obtenu quil soit mentionné que « chaque
fois que des questions dintérêt commun sont concernées, elles sont discutées par
les ministres de tous les Etats membres ».
Le Conseil de leuro, ou Euro 11, sest réuni à deux reprises jusquà
présent. Sa réunion du 6 juillet dernier a été loccasion de débats sur
lutilisation des recettes budgétaires supplémentaires. Dores et déjà,
cette instance informelle est un lieu de débat qui compte et cette tendance ne devrait
pas se démentir.
Votre Rapporteur général a toujours estimé nécessaire un rééquilibrage politique
et économique au sein de lUEM, afin que la BCE ne soit pas le seul organe
réellement décisionnel. Au-delà de la nécessité de donner une légitimité politique
à leuro, il y a là une question qui touche au bon fonctionnement même de
lUEM. La crédibilité de la politique monétaire suivie par la BCE dépendra en
effet du dialogue quelle entretiendra avec les autres institutions et de sa
capacité à mettre en uvre une politique monétaire à même de répondre aux
orientations de politique économique définies par ceux dont la légitimité procède du
suffrage universel. Rien ne serait plus périlleux, pour tout le monde, quelle soit
coupée des gouvernements et de lopinion publique.
B.- UNE NÉCESSAIRE, MAIS DIFFICILE,
HARMONISATION DES FISCALITÉS
1.- Lavènement de leuro
rend encore plus souhaitable une coordination approfondie en matière fiscale
a) Des niveaux et des structures des prélèvements obligatoires
extrêmement variés
Tant pour des raisons historiques que pour des raisons de différences de
développement économique, les niveaux et la structure des prélèvements obligatoires au
sein de la Communauté européenne sont caractérisés par une forte diversité.
Si les données pour 1997 ne sont pas encore toutes disponibles, elles nen
confirment pas moins que les écarts entre Etats sagissant du poids des
prélèvements obligatoires restent très importants, allant dun minimum de 34,5% du
PIB au Portugal à un maximum de 53,3% en Suède.
Lhétérogénéité des situations est également patente si lon prend en
compte la structure même de ces prélèvements, notamment en raison des différences
concernant les prélèvements sociaux (fiscalisation et/ou cotisations assises sur les
salaires).
La réalisation de leuro, comme en bien dautres domaines, rendra ces
différences plus immédiatement perceptibles par les acteurs économiques, quil
sagisse des entreprises ou des ménages. Leuro va donc être linstrument
dune intensification de la concurrence au sein de la Communauté et cette
concurrence portera naturellement sur le domaine fiscal.
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LES PRÉLÈVEMENTS
OBLIGATOIRES DANS LES PAYS INDUSTRIALISÉS
(en % du PIB) |
Pays |
1987 |
1988 |
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 (2) |
France |
44,5 |
43,8 |
43,7 |
43,7 |
43,9 |
43,7 |
43,9 |
44,1 |
44,5 |
45,7 |
46,1 |
Allemagne (1) |
38,0 |
37,7 |
38,2 |
36,7 |
38,2 |
39,0 |
39,0 |
39,2 |
39,2 |
38,1 |
37,5 |
Belgique |
46,6 |
45,2 |
43,6 |
44,0 |
44,1 |
44,3 |
44,9 |
46,0 |
46,0 |
46,0 |
46,5 |
Danemark |
51,5 |
51,7 |
50,7 |
48,7 |
48,8 |
49,2 |
50,4 |
51,9 |
51,4 |
52,2 |
ND |
Espagne |
32,3 |
32,5 |
34,4 |
34,2 |
34,5 |
35,6 |
34,7 |
34,7 |
34,0 |
33,7 |
35,3 |
Grèce |
37,2 |
33,8 |
33,5 |
37,1 |
37,6 |
39,0 |
39,5 |
40,2 |
40,8 |
40,6 |
ND |
Irlande |
37,4 |
38,7 |
35,2 |
34,8 |
35,2 |
35,4 |
35,4 |
36,1 |
33,8 |
33,7 |
34,8 |
Italie |
36,1 |
36,8 |
37,9 |
39,2 |
39,7 |
42,1 |
43,8 |
41,7 |
41,3 |
43,2 |
44,9 |
Luxembourg |
44,5 |
43,1 |
42,1 |
43,4 |
42,6 |
41,8 |
43,9 |
44,3 |
44,1 |
44,7 |
45,6 |
Pays-Bas |
47,5 |
47,6 |
44,9 |
44,6 |
47,2 |
46,8 |
47,5 |
44,7 |
43,8 |
43,3 |
43,4 |
Portugal |
27,5 |
29,9 |
30,6 |
30,9 |
32,2 |
34,4 |
32,4 |
33,8 |
34,9 |
34,9 |
34,5 |
Royaume-Uni |
36,6 |
36,9 |
36,3 |
36,5 |
35,6 |
35,1 |
33,5 |
34,5 |
35,6 |
36,0 |
35,3 |
Suède |
55,4 |
54,8 |
55,5 |
55,6 |
53,7 |
51,0 |
50,1 |
50,8 |
49,5 |
52,0 |
53,3 |
Moyenne UE 15 |
41,1 |
41,2 |
40,7 |
41,0 |
41,4 |
41,8 |
41,9 |
42,2 |
41,8 |
42,4 |
ND |
Etats-Unis |
27,1 |
26,9 |
27,0 |
26,7 |
26,8 |
26,7 |
27,0 |
27,5 |
27,9 |
28,5 |
ND |
Japon |
29,7 |
30,3 |
30,7 |
31,3 |
30,8 |
29,2 |
29,1 |
27,8 |
28,5 |
28,4 |
ND |
Ensemble OCDE |
35,9 |
35,9 |
35,9 |
36,1 |
36,6 |
36,9 |
37,3 |
37,5 |
37,3 |
37,7 |
ND |
(1) Allemagne unifiée à partir de 1991. |
(2) Chiffres provisoires. |
Source : Ministère de
léconomie, des finances et de lindustrie daprès les statistiques des
recettes publiques des pays membres de lOCDE 1965-1997. |
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STRUCTURE DES
PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES (1997)
(en % du PIB) |
Pays |
Impôts sur le revenu |
Impôts sur le bénéfice des
sociétés |
Sécurité sociale |
Impôts sur les salaires à la charge des
employeurs |
Impôts sur le patrimoine |
Impôts sur les biens et services |
Autres |
Total |
France |
14,8 |
4,5 |
|
41,6 |
2,3 |
5,5 |
27,2 |
4,1 |
100 |
Allemagne |
23,2 |
4,7 |
|
41,6 |
- |
2,8 |
27,7 |
- |
100 |
Belgique |
|
|
38,7 (2) |
31,8 |
- |
2,8 |
26,6 |
- |
100 |
Danemark (1) |
53,3 |
4,6 |
60,3 (2) |
3,1 |
0,4 |
3,3 |
32,7 |
0,2 |
100 |
Espagne |
22,5 |
7,5 |
|
35,1 |
- |
5,7 |
29,0 |
0,3 |
100 |
Grèce (1) |
12,3 |
6,4 |
22,4 (2) |
30,5 |
0,7 |
3,4 |
42,9 |
- |
100 |
Irlande |
31,0 |
10,1 |
|
12,8 |
1,1 |
5,4 |
39,6 |
- |
100 |
Italie |
29,8 |
6,5 |
36,3 (2) |
33,5 |
0,2 |
5,1 |
24,8 |
- |
100 |
Luxembourg |
20,7 |
19,0 |
|
25,8 |
- |
7,9 |
26,7 |
- |
100 |
Pays-Bas |
15,7 |
10,5 |
|
40,7 |
- |
4,6 |
28,0 |
0,5 |
100 |
Portugal |
17,9 |
10,9 |
|
25,9 |
- |
2,4 |
42,1 |
0,8 |
100 |
Royaume-Uni |
25,8 |
11,2 |
|
17,0 |
- |
10,8 |
35,2 |
- |
100 |
Suède |
34,1 |
6,3 |
|
29,8 |
3,2 |
3,9 |
22,5 |
0,2 |
100 |
Moyenne UE (1) |
26,8 |
7,3 |
34,7 (2) |
28,9 |
0,9 |
4,2 |
30,8 |
0,5 |
100 |
Etats-Unis (1) |
37,7 |
9,5 |
|
24,7 |
- |
11,0 |
17,2 |
- |
100 |
Japon (1) |
20,0 |
16,6 |
|
36,5 |
- |
11,3 |
15,4 |
0,2 |
100 |
Ensemble OCDE (1) |
27,5 |
8,3 |
|
25,1 |
0,8 |
5,4 |
32,5 |
1,1 |
100 |
(1) Chiffres 1996 (1997 non disponibles). |
(2) Comporte certaines rubriques non
ventilables ; les chiffres en italique donnent un ordre de grandeur. |
Source : Ministère de
léconomie, des finances et de lindustrie, daprès les statistiques des
recettes publiques des pays membres de lOCDE 1965-1997. |
b) Les risques inhérents à une concurrence fiscale non
maîtrisée
Lexistence dune monnaie unique permettant deffectuer des comparaisons
instantanées renforcera la possibilité de délocalisations dactivités pour des
raisons fiscales, même si ce dernier facteur nest pas le seul déterminant de leur
implantation. LOCDE note ainsi que les mutations de la technologie, notamment dans
linformation, les communications et les transports, ainsi que la libéralisation des
transactions commerciales et financières, ont accru la mobilité géographique des bases
dimposition (57). Ainsi, les activités
industrielles et commerciales peuvent être transférées dans des pays à fiscalité
réduite, tandis que les actifs financiers peuvent être détenus sur une place
extra-territoriale.
La concurrence nest pas en soi nuisible, même en matière fiscale. Elle peut
contribuer à faire diminuer des charges fiscales trop élevées. Certains gouvernements,
notamment celui du Royaume-Uni, ont ainsi une attitude très réservée face aux
politiques dharmonisation fiscale. Ils font valoir que le jeu du marché doit aussi
sappliquer aux facteurs fiscaux pour assurer une bonne allocation des ressources.
Pourtant, même lOCDE sest inquiétée des conséquences dune
concurrence fiscale non maîtrisée. En effet, la menace pesant sur les bases
dimposition peut se traduire par un système fiscal faussé. Toutes les bases
dimposition nont pas la même mobilité, de sorte quen cas de
concurrence fiscale, il se produit un déplacement de la charge fiscale vers les facteurs
les moins mobiles. Or, les capitaux étant très mobiles, le fardeau fiscal a tendance à
frapper davantage le facteur travail, et par voie de conséquence, à faire augmenter le
chômage. Cette situation a conduit à ladoption dun rapport du Comité fiscal
de lOCDE, visant à mettre au point des mesures pour limiter les distorsions
introduites par la compétition fiscale dommageable dans les décisions
dinvestissement et de financement (58).
Il traite des pratiques fiscales dommageables qui prennent la forme de paradis fiscaux
et de régimes fiscaux préférentiels dommageables dans les pays membres de lOCDE
et les pays non-membres, ainsi que dans leurs territoires dépendants. Il est centré sur
les activités géographiques mobiles telles que les activités financières et autres
prestations de services.
Le rapport définit en outre les facteurs à utiliser pour identifier les pratiques
fiscales dommageables et se poursuit par la formulation de dix-neuf recommandations de
large portée destinées à lutter contre de telles pratiques.
Le Comité préconise notamment :
létablissement de principes directeurs sur les régimes fiscaux
préférentiels dommageables ;
la création dun forum sur les pratiques fiscales dommageables ;
létablissement dune liste de paradis fiscaux ;
un certain nombre de recommandations daction au niveau de la
législation nationale et des conventions fiscales.
Outre le danger dune aggravation du chômage et de distorsions fiscales
contraires aussi bien à léquité quà lefficacité, la concurrence
fiscale présente le risque dun « moins disant fiscal » conduisant à
une contraction des recettes fiscales. Si tous les Etats cherchent à attirer la base
imposable et suivent des comportements non coopératifs, à la limite les taux tendent
vers zéro pour les facteurs délocalisables. Le risque est dès lors très grand
dune insuffisance de recettes pesant fortement sur le niveau des services
collectifs.
c) Lharmonisation, seule voie raisonnable
· Le rejet dune concurrence fiscale comme facteur de convergence
« par le bas » des fiscalités des différents Etats membres ne signifie
cependant pas que la voie à suivre soit une uniformisation stricte des fiscalités.
Cette perspective paraît, en tout état de cause, quelque peu irréaliste. On
remarquera en effet que rien dans les traités ne conduit à un espace fiscal européen
uniforme. Bien au contraire, un choix a été fait, consistant à préserver la plus
grande souveraineté nationale compatible avec lintégration complète des marchés.
La fiscalité répond en effet à des exigences de financement dun ensemble de
consommations collectives et de services publics qui demeure, pour lessentiel, à la
discrétion des Etats membres car étroitement dépendant de facteurs nationaux (tradition
plus ou moins interventionniste, niveau de lacquis et des exigences du corps
social). Par ailleurs, les options en matière de redistribution des revenus restent des
choix de politique nationale. Le principe de subsidiarité joue là tout son rôle et
lon voit mal dans un horizon proche comment le Parlement européen pourrait se
substituer aux parlements nationaux pour définir des choix de fiscalité - qui sont
aussi des choix de société. Le principe séculaire qui lie imposition et représentation
impose que les spécificités nationales soient respectées.
Cette considération institutionnelle et politique est dailleurs renforcée par
le fait que lacceptation dun impôt, sa légitimité démocratique, est
essentielle pour son bon recouvrement. Un transfert brusqué à léchelon
communautaire pourrait ainsi se montrer contre-productif.
· La voie de lharmonisation fiscale apparaît ainsi comme la seule solution
réaliste pour faire face à limbrication croissante des économies européennes.
Cette harmonisation peut être définie « non pas comme la détermination
dun système optimal au regard dun seul objectif bien précis, mais comme la
recherche du meilleur compromis possible entre les impératifs économiques dictés par
lintégration, dune part, et les exigences dautonomie des Etats membres
en matière de choix fiscaux, dautre part » (59).
Le but de cette harmonisation est de concilier la plus grande souveraineté des Etats
membres en matière fiscale tout en minimisant les distorsions géographiques résultant
des différences de fiscalité.
Ce principe étant posé, il est certain que limpératif dharmonisation
na pas une force identique selon les types dimposition.
De fait, lharmonisation des fiscalités a progressé très inégalement selon
quil sagisse de fiscalité directe ou indirecte. Ainsi, lharmonisation
en matière de TVA a considérablement progressé depuis ladoption de la première
directive TVA en 1967, alors quen matière dimpositions directes, les
résultats sont encore pour le moins timides.
Ainsi, aucune mesure de coordination particulière na été prise sagissant
de limpôt sur le revenu. Tout dabord, limpact des différences
dimposition nentraîne pas daccroissement sensible de la mobilité des
personnes. Ensuite, il sagit dun impôt particulièrement sensible du point de
vue politique, qui doit reposer sur une légitimité démocratique forte.
Sagissant de limpôt sur les sociétés, les divergences en matière
dimposition peuvent avoir un impact sur la localisation des investissements. Il
convient toutefois de remarquer que dautres facteurs interviennent dans ce choix de
localisation (coût et qualification de la main-doeuvre, qualité des
infrastructures...). Les effets de la concurrence fiscale sont donc relativement limités,
même si une certaine coordination paraît nécessaire pour éviter toute surenchère
ponctuelle à la baisse, lorsque limplantation dune société de grande taille
est en jeu à un moment donné et/ou dans une région donnée (60).
Lharmonisation de la fiscalité de lépargne est sans doute lune des
grandes priorités du chantier de lharmonisation fiscale. La fiscalité joue en
effet un rôle déterminant sur les structures de lépargne et sur sa localisation.
En labsence dharmonisation, lévasion et la fraude peuvent être
largement facilitées, et ce dautant plus que les contrôles sont difficiles, chaque
pays ayant des traditions assez différentes en la matière.
Si la nécessité dune harmonisation nest pas contestable, son degré
dépend assez largement de la nature des impositions concernées. Surtout, il sagit
dun processus complexe en raison des dispositions même du traité.
2.- Une relance récente du processus
dharmonisation fiscale,
dans un cadre juridique contraignant
a) Une harmonisation qui doit tenir compte de difficultés
institutionnelles
La nécessité de réorienter lharmonisation des fiscalités vers le problème de
la fiscalité directe se heurte cependant à un certain nombre de contraintes juridiques
qui rendent lexercice difficile.
La base juridique dune telle action est assez étroite puisque seul
larticle 98 du traité instituant la Communauté européenne évoque la
fiscalité directe en stipulant « quen ce qui concerne les impositions
autres que les taxes sur le chiffre daffaires, les droits daccises et les
autres impôts indirects », les Etats membres sengagent à ne pas
réintroduire des mesures protectrices par le biais dexonérations et de
remboursement à lexportation.
Nétant pas directement et particulièrement visée par un article du traité, ce
type de fiscalité relève des « dispositions législatives, réglementaires et
administratives des Etats membres qui ont une incidence directe sur létablissement
et le fonctionnement du marché intérieur », selon les termes de larticle
100 (61). Selon ce dernier, le Conseil doit
statuer à lunanimité, sur proposition de la Commission et après consultation du
Parlement européen et du Comité économique et social, pour arrêter les directives
nécessaires au rapprochement.
Lintervention communautaire est donc encadrée par détroites contraintes
juridiques.
Larticle 100 ne donne pas aux autorités communautaires une habilitation
générale pour entreprendre tout rapprochement quelle jugerait souhaitable. Il faut
au préalable apporter la démonstration que ces disparités ont « une incidence
directe » sur le fonctionnement du marché commun. Lintervention
communautaire est de surcroît particulièrement soumise au principe de subsidiarité,
puisque la compétence fiscale est conservée par les Etats membres.
Enfin, et surtout, ces mêmes Etats ont tenu à maintenir autant que possible leur
souveraineté, ce qui explique quait été maintenu le principe de
lunanimité. Toute mesure dans le domaine fiscal doit donc faire lobjet
dune étroite concertation afin de ne pas conduire à un blocage institutionnel. Ces
contraintes expliquent largement la méthode retenue par la Commission européenne pour
relancer lharmonisation fiscale.
b) La relance récente du processus dharmonisation fiscale
· Après avoir marqué une pause au début des années 1990, le processus
dharmonisation fiscale a connu une certaine relance à partir de 1996. Le
20 mars 1996, la Commission européenne a présenté un document de réflexion
intitulé « La fiscalité dans lUnion européenne », qui a reçu un
accueil favorable de la part des ministres des finances lors de la réunion informelle de
Vérone au mois davril suivant. Pour le commissaire en charge de la fiscalité,
M. Mario Monti, la nécessité dune nouvelle impulsion à la coordination en
matière fiscale doit seffectuer dans le cadre dune vision globale des
politiques fiscales des Etats membres. En effet, chaque mesure fiscale dans un domaine
spécifique entraîne des effets différents pour les Etats membres et un examen trop
fragmentaire rend plus difficile ladoption de propositions.
En raison du rôle déterminant des Etats en la matière, la Commission a souhaité les
associer très en amont à la préparation des divers textes, via un groupe de
politique fiscale composé de représentants des ministres des finances des Etats membres
et de fonctionnaires communautaires.
Suite aux travaux de ce groupe, la Commission a présenté le 13 octobre 1997 une
communication sur les mesures en vue de limiter la concurrence fiscale dommageable,
souvent qualifiée de « paquet Monti ».
· La Commission a ainsi proposé ladoption dun code de bonne
conduite dans la fiscalité des entreprises. Après un examen lors du Conseil Ecofin
de Luxembourg du 13 octobre 1997, ce code a été formellement adopté par le Conseil
Ecofin du 1er décembre suivant.
Lélaboration dun code de conduite dans le domaine de la fiscalité des
entreprises tend à prévenir les distorsions des bases dimposition dans la
Communauté. Il sagit dun instrument non contraignant juridiquement mais par
lequel les Etats membres sengagent à respecter les principes dune concurrence
loyale et à sabstenir de toute mesure fiscale dommageable. Pour jouer efficacement
son rôle dans la lutte contre la concurrence dommageable, ce code doit pouvoir
sappuyer sur un engagement politique sans faille des Etats membres.
Il prévoit des mesures dévaluation et de suivi. A cet effet, un groupe de suivi
a été mis en place le 8 mai 1998, associant des fonctionnaires nationaux et
européens. Il a pour objet de dresser un inventaire des mesures fiscales potentiellement
dommageables ainsi que détablir une évaluation de leur impact, afin de présenter
un ensemble de conclusions au Conseil Ecofin de décembre prochain.
Le code de conduite couvre, dans le domaine de la fiscalité des entreprises, les
mesures qui ont, ou pourraient avoir, une incidence sensible sur la localisation des
activités économiques au sein de la Communauté. Les activités économiques visées
comprennent toutes les activités exercées à lintérieur dun groupe de
sociétés. Le code couvre aussi les régimes fiscaux spéciaux pour salariés qui ont la
même incidence. Les mesures fiscales visées par le code incluent à la fois les
dispositions législatives et réglementaires et les pratiques administratives.
Sont reconnues comme potentiellement dommageables les mesures fiscales établissant un
niveau dimposition effective nettement inférieur au niveau général du pays
concerné, y compris une imposition zéro. De tels régimes peuvent porter sur le taux
dimposition nominal, sur la base dimposition ou sur tout autre facteur. Il
convient en outre de vérifier si :
des facilités particulières sont accordées exclusivement aux
non-résidents du pays considéré ou sappliquent exclusivement aux transactions
conclues avec des non-résidents ;
les facilités en question sont pour le reste totalement isolées de
léconomie domestique, de sorte quelles nont aucune incidence sur
lassiette fiscale nationale ;
ces facilités sont disponibles même en labsence de toute activité
économique réelle ;
les règles de détermination des bénéfices issus des activités internes
dun groupe multinational divergent des normes généralement admises sur le plan
international, notamment les règles approuvées par lOCDE ;
le dispositif fiscal manque de transparence, notamment lorsque les
facilités fiscales résultent dune application moins rigoureuse des exigences
légales par lautorité administrative, sans que cette pratique soit rendue
publique.
Par ailleurs, conformément aux principes de transparence et douverture, les
Etats membres doivent sinformer mutuellement des mesures en vigueur ou envisagées
entrant dans le champ dapplication du code. En outre, ils peuvent demander des
précisions à leurs partenaires concernant toute mesure fiscale paraissant entrer dans le
champ desdits paragraphes. Il reviendra à la Commission, à qui les Etats membres
communiqueront également ces informations, den coordonner léchange entre les
Etats membres.
Le code de bonne conduite comprend aussi lengagement des Etats membres de ne pas
adopter de nouvelle mesure ou pratique fiscale dommageable. Ils doivent réexaminer en
outre leurs dispositions existantes et pratiques en vigueur à la lumière des principes
énoncés plus haut et des conclusions de la procédure dévaluation. Ils sont
invités à modifier ces dispositions et pratiques chaque fois que cest nécessaire,
afin de supprimer toute mesure dommageable dans un délai maximal de cinq ans.
Enfin, les Etats membres sengagent à coopérer pleinement dans la lutte contre
lévasion et la fraude fiscale.
On remarquera que le champ géographique du code couvre non seulement le territoire de
la Communauté, mais aussi les territoires dépendants ou associés, qui constituent
parfois de véritables paradis fiscaux.
· Dans la droite ligne des propositions du « Paquet Monti », la
Commission a présenté le 4 mars dernier une proposition de directive relative à un
régime fiscal commun applicable aux paiements dintérêts et redevances
effectués entre des sociétés associées dEtats membres différents (62). Ce sujet avait déjà fait lobjet dune
proposition de directive en 1990, qui avait finalement été retirée en 1994,
lunanimité ne pouvant être obtenue. La nouvelle proposition vise à éliminer les
retenues à la source grevant les paiements dintérêts et de redevances entre
sociétés associées dEtats membres différents. Au titre de la directive, ces
paiements devraient toutefois être soumis à limpôt dans lEtat membre où
est située lentreprise qui en est bénéficiaire. Nouveauté par rapport à la
proposition de 1990, la directive sappliquerait aux paiements dintérêts et
de redevances effectués entre sociétés associées dEtats membres différents y
compris entre leurs établissements stables et non plus seulement, comme dans la
précédente proposition, aux paiements effectués entre sociétés mères et leurs
filiales. Les sociétés associées doivent être liées entre elles par la détention
croisée de capital dau moins 25% de ce capital.
· Enfin, la Commission européenne a présenté le 20 mai 1998 une proposition
de directive du Conseil visant à garantir un minimum dimposition effective des
revenus de lépargne sous forme dintérêts à lintérieur de la
Communauté (63). Elle a pour objectif de
freiner ainsi une concurrence fiscale de plus en plus sensible et durement ressentie par
certains Etats membres à mesure que progresse la libéralisation des mouvements de
capitaux.
Concrètement, les dispositions proposées sappliqueraient uniquement aux
intérêts versés dans chaque Etats membre à des personnes physiques qui résident dans
un autre Etat membre. Sont ainsi couverts par la proposition de directive tous les
intérêts transfrontaliers payés à des personnes physiques dans la Communauté sans
tenir compte du lieu détablissement du débiteur.
Plus difficile est la fixation dun taux minimal commun dimposition, compte
tenu de la grande diversité des niveaux dimposition. Comme lindique le
tableau suivant, ces taux vont de 50% dans certains cas en France, à 35% en Allemagne et
à 0% au Luxembourg, au Pays-Bas ou au Danemark. Un équilibre délicat doit être trouvé
entre un taux trop bas, qui pourrait être libératoire si le bénéficiaire ne déclare
pas dans son pays de résidence le revenu perçu, alors quun taux trop élevé
pourrait mettre à mal la compétitivité des places financières européennes. La
Commission a proposé de fixer à 20% le taux minimal commun dimposition. Si le
Luxembourg ne veut pas aller au-delà de 10%, la France souhaite quant à elle que ce taux
ne soit pas inférieur à 25%.
La Commission propose en tout cas aux Etats membres dopter soit pour le régime
de retenue à la source à un taux de 20%, soit pour le régime de linformation
(fourniture dinformations à tout autre Etat membre dans lequel le bénéficiaire
est résident). Il appartient aux Etats membres de choisir un seul et même régime et
dappliquer ce seul régime à tous les paiements dintérêts effectués sur
son territoire à des résidents de tout autre Etat membre. Un système de certificat
établi par ladministration fiscale du pays de résidence attestant que le
bénéficiaire a informé cette administration des montants dintérêts à recevoir
devrait moduler ce régime en faveur du bénéficiaire et lui permettre dêtre
imposé, sil le désire, exclusivement dans lEtat membre de résidence fiscale
tout comme celui qui reçoit un paiement dans un Etat ayant opté pour le régime
dinformation.
Selon la Commission, lefficacité de ce système ne peut être assurée que par
la collaboration des opérateurs de marché, dans ce cas, lagent payeur des
intérêts. Celui-ci serait le plus à même de vérifier dune manière simple et
peu coûteuse si lintérêt est versé à une personne physique et de lui demander
de fournir la preuve de sa résidence fiscale.
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LA FISCALITÉ DE
LÉPARGNE (INTÉRÊTS) DANS LES QUINZE ETATS MEMBRES |
Etats membres |
Retenue à la source pour les résidents |
Montant des intérêts non taxables |
Retenue à la source pour les
non-résidents |
Allemagne |
30% en général, 35% pour les transactions directes, 25%
pour les obligations convertibles |
3.000 écus pour les isolés, 6.000 écus pour les
couples mariés |
0% |
Autriche |
25% sur la dette contractée à partir de septembre 1992 |
0% |
0% |
Belgique |
15% |
1.220 écus (dans certaines banques dépargne) |
0% |
Danemark |
0% |
0% |
0% |
Espagne |
25% (0% sur les bons du Trésor) |
Information non disponible |
0% |
France |
Entre 15% et 50% |
1.200 écus pour certaines banques |
0% |
Finlande |
28% sur les dépôts et les obligations |
0% |
0% |
Grèce |
15% pour les dépôts bancaires et les obligations des
entreprises privées, 7,5% pour les obligations dEtat |
0% |
15% |
Irlande |
27% sur les dépôts, 15% pour les dépôts de moins de
65.000 écus, 10% sur certains investissements spéciaux |
0% |
0% sur les dépôts si le non-résident demande une exemption |
Italie |
12,5% sur la dette du secteur public et des entreprises
cotées en Italie, 27% sur les dépôts et obligations à court terme des entreprises
privées |
0% |
0% dans les cas où les résidents sont taxés à 12,5%,
12,5% à 30% dans les autres cas |
Luxembourg |
0% |
Information non disponible |
0% |
Pays-Bas |
0% |
Information non disponible |
0% |
Portugal |
20% sur les obligations et les dépôts bancaires, 15% sur
les prêts et les comptes courants |
0% |
20% |
Royaume-Uni |
20% |
13.500 écus pour certains dispositifs dépargne
dEtat |
0% sur les comptes bancaires et sociétés de crédits
hypothécaires ou 20% dans les autres cas |
Suède |
30% sur les intérêts bancaires |
0% |
0% |
Source : Commission
européenne. |
Le chantier de lharmonisation des fiscalités au sein de la Communauté a donc
été réouvert, les Etats membres prenant conscience de lacuité croissante des
problèmes posés par la concurrence fiscale dommageable. Pour autant, cette harmonisation
ne peut porter que sur des points précis qui faussent la concurrence, car elle na
pas vocation à procéder à une uniformisation totale. Le champ daction est donc à
la fois important et étroit ; important par le péril quentraînerait un
blocage des négociations ; étroit parce que les Etats membres restent vigilants sur
le maintien de leur souveraineté en matière fiscale.
CONCLUSION
« Notre pays saura-t-il retrouver les chemins dune croissance affermie
et solidaire ? ». Telle était linterrogation qui, à lautomne
dernier, concluait la première partie de mon rapport général. Indéniablement, la
réponse est aujourdhui positive et la politique budgétaire menée depuis
lété 1997 y a contribué.
Les choix de politique économique et sociale du Gouvernement ont donné à notre
économie, dès lété 1997, les moyens de développer ses potentialités et de
bénéficier pleinement de lamélioration du contexte économique.
La reprise de la consommation et de linvestissement, la hausse du pouvoir
dachat des salariés et les mesures sociales prises en faveur des plus démunis
sont, en effet, tout autant des fruits de la croissance daujourdhui que le
gage de la croissance de demain.
Compte tenu de la dégradation de lenvironnement international, installer la
croissance dans la durée, tel est maintenant lobjectif premier de ce projet de
budget, qui, à cette fin, sarticule autour de trois idées forces :
stimuler aujourdhui une croissance solidaire par une
progression maîtrisée de la dépense publique ;
préserver, à terme, la possibilité de mener une politique active de la
dépense publique en poursuivant la maîtrise des comptes publics et la réduction
des déficits ;
favoriser le dynamisme de léconomie, en amorçant la décrue des
prélèvements obligatoires et en réduisant les impôts pesant sur la croissance et
lemploi.
Ni laxiste, ni rigoriste, cette démarche équilibrée rompt avec les erreurs dun
passé récent. Elle peut permettre, dans un environnement lourd de menaces mais au sein
dune Europe qui peut desserrer létau de la spéculation, de tenir le cap du
projet collectif qui a fait renaître la confiance dans notre pays : la croissance,
lemploi, la justice sociale, la modernisation de la société, la préparation de
lavenir.
TRAVAUX DE LA COMMISSION
I.- AUDITION DE MM. DOMINIQUE
STRAUSS-KHAN, MINISTRE DE LÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE LINDUSTRIE, ET
CHRISTIAN SAUTTER, SECRÉTAIRE DÉTAT AU BUDGET
La Commission a procédé, le mercredi 9 septembre 1998, à 14 heures, à
laudition de MM. Dominique Strauss-Kahn, ministre de léconomie,
des finances et de lindustrie, et Christian Sautter, secrétaire
dÉtat au budget, sur le projet de loi de finances pour 1999.
M. Dominique Strauss-Kahn a tout dabord rappelé que, dans la
préparation du projet de loi de finances pour 1999, le Gouvernement avait cherché à
donner plus de temps à la discussion au sein du Parlement et que cette volonté
sétait manifestée, à la fois, par la présentation générale de ce projet dès
la fin du mois de juillet dernier et par une importante concertation avec la commission
des Finances, notamment par le biais des rapports publiés par Mme Nicole Bricq,
M. Edmond Hervé et votre Rapporteur général sur les questions mises à
létude par le Gouvernement, respectivement la fiscalité écologique, la fiscalité
locale et la fiscalité du patrimoine. Il a exprimé lespoir que le conseil des
ministres puisse adopter désormais le prochain projet de budget au mois de juillet, selon
un calendrier proche de la pratique de nombreux pays voisins de la France. Il a souligné
le souci particulier de transparence qui avait conduit le Gouvernement, non seulement à
rebudgétiser des dépenses qui avaient fait lobjet de débudgétisations au cours
des années récentes, mais également à inscrire en loi de finances des dotations comme
les « crédits darticles » qui ny avaient jamais figuré, ceci
pour répondre aux critiques du Conseil constitutionnel.
Abordant la question du contexte international, il a constaté que la crise en Asie, si
elle ne saggravait pas, ne trouvait pas de solution et que lémoi suscité par
la crise russe était sans doute disproportionné à ses conséquences économiques,
certes réelles, pour lEurope. Il a estimé quune analyse rigoureuse des
facteurs de crise impliquait de prendre en compte la situation spécifique de chaque pays.
Il a ajouté que les nouveaux désordres internationaux reposaient la question de la mise
en place de nouveaux instruments de régulation internationaux et justifiaient les deux
orientations prises par le Gouvernement français : le soutien de la croissance
par la demande intérieure et lengagement résolu de notre pays dans la construction
de leuro, facteur de stabilité et de protection des économies. Il a précisé que
le Gouvernement, compte tenu des incertitudes internationales, avait fondé ses
prévisions de croissance sur la même vision prudente que celle adoptée en 1998 et
évalué le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) à 2,7% pour 1999, au lieu
de 3,1% en 1998.
Le ministre a fait observer que le projet de budget était construit sur la volonté
dutiliser le plus efficacement possible les marges de la croissance qui avaient
apporté, à législation fiscale constante, 74 milliards de francs de recettes
fiscales spontanées supplémentaires. Il a indiqué que 16 milliards de francs
seraient affectés à la baisse des impôts, à hauteur de 10 milliards de francs
pour les ménages et de 8 milliards de francs pour les entreprises, compte tenu
dune augmentation du produit de limpôt de solidarité sur la fortune (ISF) de
2 milliards de francs, tandis que 21 milliards de francs seraient consacrés à
la réduction du déficit à 2,3% du PIB ; il a confirmé que léquilibre primaire
serait atteint en 1999 et que le ratio dette/PIB baisserait à partir de 2000. Il a
ensuite annoncé que les dépenses publiques seraient augmentées de 37 milliards de
francs, 21 milliards de francs correspondant à la hausse des prix et
16 milliards de francs à une croissance réelle des dépenses, affectée
principalement au financement de la réduction du temps de travail et des mesures de lutte
contre lexclusion, ainsi quau soutien de la demande intérieure. Il a fait
remarquer que les effectifs civils seraient stabilisés, mais redéployés en direction de
services publics, tels que la justice ou lenseignement supérieur. Il a enfin
déclaré que le taux des prélèvements obligatoires baisserait en 1999 de 0,2%, comme en
1998.
M. Dominique Strauss-Kahn a ensuite affirmé que les mesures fiscales du projet de
loi de finances pour 1999 constituaient la réforme la plus importante depuis le début
des années quatre-vingts, comme en témoignait le nombre darticles fiscaux,
deux fois plus élevé que de coutume, et que le Gouvernement avait dailleurs été
contraint, pour ce motif, de prévoir linsertion de certaines mesures, comme la
réforme de la taxe dhabitation, dans le collectif de fin dannée. Parmi les
réformes de structures souvent envisagées de plusieurs parts et jamais encore
réalisées, que le projet de loi prévoyait, il a cité la taxe professionnelle, la
réduction des droits de mutation immobilière, la réforme de lISF et de
lassurance-vie, la baisse de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la modification
de lavoir fiscal et la suppression de plusieurs impôts obsolètes. Il a également
évoqué les mesures à préoccupation écologique, telles que le rattrapage de la
fiscalité pesant sur le gazole. Enfin, il a mentionné particulièrement les mesures de
simplification, illustrées notamment par la suppression de lobligation de
déclaration de la TVA pour les 500.000 entreprises ayant moins de
500.000 francs de chiffre daffaires ou par celle de la déclaration de droit au
bail, et qui auraient pour effet la disparition, en 1999, de 15 millions de
formulaires.
M. Christian Sautter, secrétaire dÉtat au budget, a indiqué
que parmi les dépenses prioritaires, les crédits consacrés à lemploi et à la
justice sociale seraient augmentés de 3,9% pour le volet « emplois-jeunes,
réduction du temps de travail, allégement du coût du travail non qualifié », de
4,5% pour la santé et la solidarité, de 4% pour le logement social, de 32% pour la
ville, tandis que les crédits relatifs à la lutte contre lexclusion passeraient de
2,4 milliards de francs en 1998 à 7,7 milliards de francs en 1999.
Sagissant de léducation, le ministre a annoncé que les crédits de
lenseignement scolaire croîtraient de 4,1%, notamment pour financer
60 000 emplois-jeunes, que ceux de lenseignement supérieur augmenteraient
de 5,5%, permettant le financement de 800 emplois supplémentaires et du futur plan
social étudiant, et que ceux de la jeunesse et des sports bénéficieraient dune
hausse de 3,4%. Il a précisé que lamélioration des conditions de la vie
quotidienne des Français justifiait une augmentation des crédits de la justice de 5,6%,
ainsi que la création de 930 emplois, mais aussi un accroissement des crédits de la
sécurité publique de 3%, une augmentation des crédits de la culture permettant à
ceuxci datteindre 0,97% du PIB et un effort de près de 15% en faveur de
lenvironnement, à structure constante, donc compte non tenu du produit de la taxe
sur les activités polluantes.
Ensuite, le ministre a évoqué les efforts de redéploiements concernant
30 milliards de francs et près de 2 400 emplois, au profit principalement
du ministère de la justice et du budget de lenseignement supérieur. Il a précisé
que si la progression des dépenses de fonctionnement était limitée à 0,3%, les
dépenses déquipement augmenteraient, à nouveau, de 2,8%, après
linterruption intervenue en 1996 et 1997, tandis que les crédits consacrés à la
défense seraient accrus de 21,2%, portant de 81 à 86 milliards de francs
leffort déquipement militaire. Il a également fait remarquer que la hausse
de la charge de la dette se limiterait à 2,4 milliards de francs, grâce à la
modération des taux dintérêt et à la réduction du déficit budgétaire.
Enfin, M. Christian Sautter a fait observer que les rebudgétisations opérées
sur les recommandations réitérées du Conseil constitutionnel en 1994 et en 1997
atteindraient, pour 1999, près de 45,6 milliards de francs et affecteraient
notamment le budget des services financiers et les charges de pensions des fonctionnaires
de La Poste.
Votre Rapporteur général a exprimé sa satisfaction devant ce projet de budget
quil a jugé en parfaite continuité avec les orientations défendues par le
Gouvernement depuis quinze mois. Sinterrogeant sur leffet du contexte
macro-économique mondial sur la croissance française, il a approuvé lattitude
prudente du ministre qui le conduisait à réviser légèrement en baisse sa prévision de
croissance pour 1999. Estimant que, plus que la crise russe, la situation au Japon était
porteuse de risques, notamment par la diffusion de ses effets à travers les économies
asiatiques et latino-américaines, il a demandé au ministre sil disposait de
simulations capables dévaluer les répercussions de la crise actuelle sur les
finances publiques. Il a fait observer que le désordre de léconomie mondiale
montrait linadaptation des thèses libérales et validait la recherche,
caractéristique de la politique française, dun juste milieu dans
lencadrement de lactivité économique. Il a, dautre part, souhaité
savoir si la revalorisation du taux de croissance pour 1998 et laugmentation des
recettes fiscales qui en découlait amèneraient le Gouvernement à revoir à la baisse le
niveau de déficit public prévu pour cet exercice. Il a interrogé le ministre sur la
décomposition des 2,3% de déficit annoncés pour 1999. Il a enfin demandé des
précisions sur les possibilités de baisse ciblée du taux de TVA et sest enquis
des résultats des négociations menées avec la Commission européenne sur
lextension du taux réduit aux services à domicile.
Répondant à votre Rapporteur général, M. Dominique Strauss-Kahn a
considéré que la pérennisation de la crise en Asie constituait en soi un facteur de
ralentissement de la croissance dans le reste du monde. Il a fait observer que, si les
trois pays dans lesquels la crise était apparue à savoir, la Corée, la
Thaïlande et la Malaisie sacheminaient lentement, moyennant
dailleurs un coût social bien plus important que prévu, vers un retour à
léquilibre, le Japon ne connaissait pour le moment pas dévolution positive,
ni de sa situation macro-économique, ni dans la restructuration de son système bancaire.
Il a salué la grande détermination des dirigeants chinois à faire de leur pays un
pôle de stabilité dans la région, notamment en maintenant la parité du yuan. Il a
jugé que la crise russe, de nature essentiellement politique, aurait des effets très
limités sur la balance commerciale et que le risque de propagation résultait bien
davantage des investissements bancaires, même si les banques françaises étaient
quatre fois moins engagées dans cette région que les banques allemandes, et surtout
de la réaction globale des marchés et des épargnants. Il a conclu que lévolution
de léconomie mondiale nétait pas de nature à remettre en cause la
croissance française, davantage poussée que par le passé par la demande interne.
Sagissant de lexécution du budget 1998, le ministre a fait observer que
lamélioration de 0,1% du taux de croissance se traduisait directement par un
supplément de recettes limité à environ 1,2 milliard de francs, mais que la
contribution plus forte de la demande interne à la croissance entraînait des plus-values
de TVA dune ampleur beaucoup plus importante, et avait, par conséquent, autorisé
le Gouvernement à ramener la prévision du taux de déficit public pour 1998 de 3 à 2,9%
du PIB. Il a, par ailleurs, précisé que les 2,3% de déficit public prévus pour 1999 se
décomposaient en 2,7% de déficit pour lÉtat, 0,25% dexcédent pour les
collectivités locales et les autres organismes publics et 0,15% dexcédent pour les
organismes de sécurité sociale, le Gouvernement prévoyant un retour à
léquilibre du régime général et le maintien des excédents pour les autres
régimes.
M. Christian Sautter a rappelé que le Gouvernement avait pris en 1998
quatre mesures de réduction du taux de TVA, dun coût total de
5 milliards de francs, dune part, en étendant le taux réduit à la
réhabilitation de logements sociaux et locatifs à lachat de terrains à bâtir
pour la construction de logements sociaux et à la construction de logements-foyers et,
dautre part, en modifiant le régime de crédit dimpôt pour
lamélioration des logements. Il a, en outre, précisé que le Gouvernement avait,
dores et déjà, décidé détendre en 1999 le taux réduit aux abonnements de
gaz et délectricité, au traitement des déchets par tri sélectif, à
lappareillage des diabétiques et des handicapés et aux travaux
damélioration de lhabitat exécutés par des bailleurs privés de logements
sociaux. Il sest, dautre part, félicité que la Commission européenne
nait pas opposé une réponse négative à la requête française visant à étendre
le taux réduit aux services à domicile, en considérant quune telle extension, si
elle nétait pas conforme à la lettre du droit communautaire, répondait à son
intention dalléger la fiscalité pesant sur les secteurs de main duvre.
Après avoir fait observer que le pic de croissance de la production industrielle avait
été atteint au troisième trimestre 1997, M. Philippe Auberger a
émis des doutes sur la fiabilité des prévisions de croissance retenues par le
Gouvernement. Il a, par ailleurs, appelé le Gouvernement à davantage de prudence dans
son évaluation des conséquences de la crise russe, observant que, pour le moment, aucune
grande banque française navait publié létat de ses engagements dans ce
pays. Il a, dautre part, souligné que le taux de croissance des dépenses retenu
dans le projet de budget pour 1999 était le plus haut des trois dernières années et
que, le Gouvernement nayant annoncé aucune économie significative au sein du
régime dassurance maladie, lévolution des comptes de ce régime risquait de
compromettre les 2,3% de déficit public annoncés. Il a fait part de son scepticisme
devant lévolution des prélèvements obligatoires, rappelant quen 1997 la
part de ces prélèvements dans le PIB avait atteint 46,2% contre 46% prévus et que pour
1998 les plus-values de recettes ne permettraient pas de sen tenir au taux annoncé
de 45,9%. Il a, par ailleurs, regretté quun tiers de lavantage tiré de la
suppression de la part salariale de la taxe professionnelle soit annulé par la récente
décision daugmenter la cotisation minimale et de supprimer la réduction pour
embauche et investissement. Il a, en outre, relevé la discrétion du ministre sur la
réforme du quotient familial, dont il a jugé quelle toucherait plus de
200.000 familles ayant un enfant et gagnant 35.000 francs de salaire brut
mensuel. Il a qualifié cette mesure de véritable provocation, au regard du projet de
pacte civil de solidarité, qui, en étendant la possibilité de déclaration commune de
revenus, entraînerait un coût fiscal de plusieurs milliards de francs. Il a fait
observer que le plafonnement des avantages successoraux de lassurance vie à 30% de
lensemble de la succession aurait pour effet mécanique davantager les
ménages les plus riches. Il a, en dernier lieu, souhaité disposer, avant la distribution
du rapport de votre Rapporteur général, de la liste de lensemble des
rebudgétisations annoncées par le Gouvernement et avoir des précisions sur les
opérations de privatisation du Crédit lyonnais et, plus généralement, sur létat
du compte daffectation spéciale enregistrant les recettes des privatisations.
Se félicitant de ce que le projet de loi de finances pour 1999 ait été préparé à
la fois dans la sérénité et dans la concertation et que les travaux réalisés par
Mme Nicole Bricq, par M. Edmond Hervé et votre Rapporteur général aient
utilement contribué à ce texte, M. Jean-Louis Idiart a salué un budget qui
soutiendra une croissance forte et créatrice demplois. Remarquant que les
résultats observés cette année montraient que loptimisme du Gouvernement, ainsi
que les choix opérés par la loi de finances pour 1998, étaient pleinement justifiés,
il a relevé que la croissance serait employée, en 1999, à réduire le déficit
budgétaire, ce qui permettra datteindre léquilibre « primaire »
dès cet exercice, à renforcer de manière significative certains
secteurs - tels lenvironnement, la solidarité et la santé, la ville, le
logement, lenseignement scolaire et supérieur, la jeunesse et les sports, la
justice et la culture -, afin de répondre aux attentes de nos concitoyens en
matière de justice sociale, et, enfin, à réduire les impôts pesant sur les entreprises
et sur les ménages. Il a souhaité que les entreprises bénéficiaires de la réforme de
la taxe professionnelle soient incitées à sengager effectivement dans la création
demplois, que les allégements de TVA contenus dans le projet de loi de finances,
qui vont dans le bon sens, puissent être étendus et que soit donnée une cohérence aux
différentes réformes envisagées de la fiscalité locale, sur le fondement des travaux
de M. Edmond Hervé.
Estimant que la croissance permettait de masquer les faiblesses de notre économie, à
savoir la persistance dun taux record de prélèvements obligatoires et le poids
excessif des dépenses de fonctionnement de lÉtat, M. Pierre Méhaignerie
a annoncé que les propositions de son groupe sur ce point rejoindraient lexcellente
suggestion formulée par MM. Laurent Fabius, Jack Lang et Jacques Delors, visant à
limiter le déficit budgétaire à 1,7% du PIB en 1999. Il sest demandé pourquoi le
Gouvernement avait privilégié un allégement de la taxe professionnelle, par rapport à
la franchise de charges sociales sur les salaires proposée par M. Jacques Barrot. Il
a estimé que cette réforme de la taxe professionnelle aurait moins dincidences
positives sur lemploi que la franchise, comme le montre le rapport remis, au cours
de lété, par M. Edmond Malinvaud, quelle serait socialement injuste,
dans la mesure où elle bénéficiera beaucoup plus aux professions libérales et
entreprises de service où les salariés perçoivent des rémunérations élevées
quaux entreprises présentes dans les secteurs industriels exposés à la
concurrence internationale, où les salaires sont pourtant bien moins élevés, et
quelle aurait enfin pour effet de déresponsabiliser les collectivités locales,
dont la dépendance vis-à-vis de lÉtat sera accrue. Sur ce dernier point, il a
relevé que limportance quaura prise la DGF au terme de la réforme
justifierait son indexation sur les salaires de la fonction publique, faute de quoi les
collectivités locales seraient à nouveau obligées daugmenter la pression fiscale.
Souscrivant pleinement aux objectifs demploi et de justice sociale retenus par le
Gouvernement, M. Christian Cuvilliez a considéré que les questions posées
en juillet dernier navaient pas encore reçu de réponses complètes. Il a regretté
que la répartition des allégements fiscaux entre les entreprises et les ménages ne soit
pas proportionnelle à leffort fiscal exigé des uns et des autres. Il a plaidé, en
conséquence, pour des baisses supplémentaires de TVA, notamment pour les services de
proximité, dautant que cette taxe frappe tout particulièrement les familles
modestes, dont elle représente 13% du revenu. Il a jugé que les mesures de
simplification fiscale étaient à la fois appréciables et appréciées et sest
déclaré sensible à la progression des dépenses dans le domaine social. Faisant part de
ses interrogations sur la réforme proposée de la taxe professionnelle, il a indiqué
quil aurait préféré, à la suppression pure et simple de la part salariale de
lassiette, une intégration, dans cette assiette, des actifs financiers, qui aurait
maintenu, voire augmenté, le rendement de la taxe. Il a souhaité que la réforme
comporte des mesures daccompagnement assurant son plein effet sur lemploi et
empêchant dalimenter soit la spéculation financière, soit le seul investissement.
Il a enfin regretté que la question de la péréquation entre les taux par le biais de la
taxe professionnelle dagglomération, évoquée par le ministre de
lintérieur, nait pas encore été réglée.
Qualifiant le projet du Gouvernement de « budget des occasions manquées »,
M. Marc Laffineur a craint que lhypothèse de croissance retenue ne soit
trop optimiste, compte tenu des risques de contagion des crises asiatique et, surtout,
russe. Estimant quil nétait plus possible de considérer quun bon
budget était celui dont les dépenses progressaient, il a déploré que les dépenses ne
soient pas réduites en 1999, ce qui aurait autorisé une politique plus ambitieuse
dallégements fiscaux. Relevant que lhypothèse de 2,3% de déficits publics
par rapport au PIB se fondait sur un excédent aléatoire des comptes des organismes
sociaux, il a vivement critiqué la perte de crédibilité de lÉtat, résultant de
la remise en cause de sa parole, que constituent, selon lui, les mesures proposées en
matière dassurance vie, dautant que celles-ci auront également pour
conséquence dencourager la délocalisation des patrimoines. Convenant que la
réforme de la taxe professionnelle diminuerait la pression fiscale sur les entreprises,
il a cependant regretté que la compensation prévue pour les collectivités locales ne
soit pas totale et redouté quun « effet de ciseau » ne se produise,
sous linfluence conjointe de la faible progression de la DGF et de la hausse des
charges salariales. Abordant enfin lallégement de la TVA sur les abonnements
délectricité, il a demandé sil était exact que la Commission européenne
souhaitait son extension à la consommation.
Se félicitant de lambition du Gouvernement, quillustre lhypothèse
de croissance de 2,7% retenue pour 1999, M. Michel Suchod sest
interrogé sur lutilisation des marges offertes par la situation économique.
Rappelant que, telle quelle était proposée par le projet de loi, la réforme de la
taxe professionnelle aurait certainement été qualifiée, en dautres temps, de
« cadeau aux entreprises », il a rappelé que le rapport remis par
M. Edmond Malinvaud, ainsi que lexpérience des mesures adoptées sous le
Gouvernement de M. Édouard Balladur, montraient que leffet de ce type de
dispositif sur lemploi est très incertain. Il a en conséquence évoqué la
possibilité dun aménagement du dispositif par un transfert de la part salariale
sur la valeur ajoutée, qui permettrait de baisser la TVA ainsi que les charges sociales
et de relancer la demande interne, seule de nature à conforter la croissance. Il a
relevé que la prévision de croissance retenue par le Gouvernement traduisait une
appréciation favorable de lévolution de la crise en Russie, tout en remarquant
que, depuis laudition du ministre, le 22 juillet dernier, elle avait déjà
été révisée à la baisse et que toute diminution supplémentaire ne pourrait
dailleurs que contraindre excessivement les différents budgets.
Se demandant pourquoi laccroissement des rentrées fiscales navait pas
permis de relever les minima sociaux, M. Yves Cochet a salué les premiers pas
accomplis vers une fiscalité écologique, souhaitant toutefois que le principe
pollueur-payeur sapplique également à la consommation deau par les
agriculteurs et se demandant si la taxe générale sur les activités polluantes
servirait, le moment venu, de cadre à la future « écotaxe ». Soulignant que
les crédits déquipement militaire bénéficieraient, en 1999, dune
augmentation de 5 milliards de francs, il a estimé que labandon du Laser
Mégajoule et des générateurs de rayons X, préconisé en son temps par le Premier
ministre, serait une source appréciable déconomies. Il sest enfin prononcé
en faveur dune réforme plus audacieuse de limpôt sur le revenu, afin de
conforter son statut dimpôt universel et républicain par excellence.
M. Dominique Strauss-Kahn a ensuite répondu aux intervenants.
A propos des prévisions de croissance du Gouvernement, il a indiqué que :
il est toujours possible de contester les prévisions faites par le
Gouvernement ; cependant la relecture des propos négatifs tenus lan dernier
par des membres de lopposition, et notamment par M. Philippe Auberger, sur la
prévision de croissance avancée par le Gouvernement pour 1998, qui sera finalement
dépassée, doit inciter les auteurs de critiques à la prudence ;
aucune banque importante de quelque pays que ce soit na publié ses
engagements en Russie et leur degré de couverture ; il existe tout au plus des
statistiques globales sur lengagement des banques par région ;
la prévision de croissance présentée le 22 juillet dernier date du
mois davril ; ce nest donc pas en quarante jours, mais en quatre mois,
que le Gouvernement a été amené à réviser de 0,1% sa prévision pour 1999, la
ramenant de 2,8 à 2,7%.
Sagissant de lévolution des dépenses et de léquilibre des finances
publiques, le ministre a observé que :
les dépenses de lÉtat ont fortement augmenté en 1995 et 1996, et
ce, au demeurant, malgré des débudgétisations qui sont à lorigine de certaines
des « rebudgétisations » proposées dans le budget 1999 ;
il ne suffit pas dinvoquer, de façon générale, la nécessité de
diminuer les dépenses publiques ; il faut préciser les coupes que lon ferait,
sauf à tomber dans des propos de « café du commerce » ;
en tout état de cause, le ratio de la dépense de lÉtat sur le PIB
continuera à diminuer en 1999, ce qui nétait pas le cas en 1995 et 1996 ;
la prévision dun retour à léquilibre des régimes de
sécurité sociale en 1999 sexplique, en sus des mesures de redressement prises par
le Gouvernement, par lévolution dynamique de leurs recettes, qui est directement
liée à celle de la masse salariale et donc à la croissance ; après
laugmentation de 4% en 1998, cette masse augmentera de 4,3% en 1999 ;
pour évaluer le partage entre ménages et entreprises des baisses
dimpôt, il convient de prendre en compte les deux années 1998 et 1999 ;
compte tenu de lalourdissement de 32 milliards de francs des prélèvements sur
les entreprises opéré en 1998, lallégement de 8 milliards de francs proposé
pour 1999 et la réduction, conformément à la loi, de 4 milliards de francs de la
contribution exceptionnelle dimpôt sur les sociétés conduiront tout de même à
un alourdissement de 20 milliards de francs en deux ans, à comparer aux
10 milliards de francs dallégements décidés au profit des ménages sur ces
deux exercices ;
le surcroît de recettes fiscales constaté en 1998 grâce à la croissance
ne peut être affecté au relèvement des minima sociaux, car il existe dautres
dépenses à financer, comme le maintien à 1.600 francs de lallocation de
rentrée scolaire.
En ce qui concerne la suppression de la part salariale de lassiette de la taxe
professionnelle, il a précisé que :
la décision du Gouvernement daugmenter dautres éléments de
cette taxe, en particulier la cotisation minimale, ne peut pas être qualifiée de retour
en arrière, car le coût brut de la mesure, soit 12 milliards de francs en 1999,
avait, dès lorigine, été distingué de son coût net, soit 7,2 milliards de
francs cette même année ;
cette mesure a bien pour vocation de soutenir lemploi directement
(par lallégement du coût du travail) et indirectement (en favorisant
linvestissement), ce que devraient expliquer tous ses défenseurs, y compris ses
partisans au sein de lancienne majorité ; lopposer, en tant que
« mesure de gauche », à la baisse des charges sociales, en tant que
« mesure de droite », na pas de sens ; au contraire, le retour à
lexcédent de la sécurité sociale pourrait permettre de procéder également à
lallégement des cotisations, afin de ne pas avoir à choisir, en matière
demploi, « entre fromage et dessert » ; ce quil faut en
revanche éviter, cest de financer des baisses de charges sociales par des
prélèvements sur les ménages qui ont, à linstar de laugmentation de la TVA
décidée par le Gouvernement de M. Alain Juppé, un effet récessif et donc négatif
pour lemploi ;
un sondage effectué pour le compte du ministère après lannonce de
cette mesure, en juillet dernier, a montré que 79% de nos concitoyens considéraient
quil ne sagissait pas dun « cadeau aux entreprises », mais
dune disposition qui servirait lemploi ;
ce dispositif ne conduira pas à lasphyxie des collectivités
locales ; en effet, le Gouvernement a adopté vis-à-vis des collectivités locales
une position qui rompt avec la rigueur du « pacte de stabilité » du
Gouvernement de M. Alain Juppé. Plus précisément, la compensation de la réforme
de la taxe professionnelle se fera franc pour franc en 1999 et ensuite la dotation
versée, à ce titre, aux collectivités locales sera indexée sur lévolution de la
dotation générale de fonctionnement. Compte tenu du mode dindexation de
celleci, les communes où lemploi sera très dynamique recevront donc un peu
moins de recettes, tandis que pour celles, moins favorisées, où lemploi baisse ou
stagne, le mécanisme de compensation induira une garantie de ressources et le dispositif
aura ainsi un certain effet péréquateur ;
de façon générale, le degré dautonomie des collectivités locales
ne se mesure pas à leur pouvoir de décision en matière fiscale, mais à leur
indépendance dans la détermination des choix de dépenses, comme aux PaysBas où
les communes arrêtent librement leurs dépenses, mais ne votent aucune décision
fiscale ; la récente proposition de M. Jean-Pierre Fourcade, consistant à
affecter aux communes une partie de limpôt sur les sociétés, conduirait
dailleurs à une situation de cet ordre ;
il nétait pas possible denvisager dasseoir, même
partiellement, la taxe professionnelle, qui est un impôt local sur la valeur ajoutée,
puisquil est très difficile de déterminer celle-ci par établissement ;
la réforme de la taxe professionnelle sera coordonnée avec
linstitution de la taxe professionnelle dagglomération étudiée par
M. JeanPierre Chevènement ; plus largement, lensemble des mesures
envisagées en matière de fiscalité locale pourrait déboucher sur une réflexion
générale sur le financement des collectivités locales.
En ce qui concerne la limitation de lexonération de droits de succession
attachée à lassurance-vie, le ministre a considéré que :
cette exonération na pas été instituée afin de permettre aux plus
grosses successions déchapper à limposition, mais pour favoriser, en son
temps, le développement dun produit nouveau ; il est donc légitime de la
plafonner ;
le débat sur la rétroactivité de la loi fiscale nest pas
nouveau ; il ny a pas en lespèce de rétroactivité au sens légal du
terme, mais simplement la remise en cause dune situation considérée par certains
comme acquise.
M. Dominique Strauss-Kahn a, enfin, apporté les précisions suivantes :
la réduction du plafond de lavantage procuré par le quotient
familial est une mesure, arrêtée le 12 juin dernier, qui a été proposée par les
associations familiales, lors de la conférence sur la famille. Cette réduction sera plus
que compensée par le rétablissement des allocations familiales pour toutes les familles,
puisque celuici coûtera 4,7 milliards de francs, contre 3,9 milliards de
francs de recettes supplémentaires apportées par la mesure fiscale ;
le débat sur le pacte civil de solidarité va, enfin, fournir
loccasion, dont il se réjouit, dune véritable opposition entre la gauche et
la droite.
les modalités de la privatisation du Crédit lyonnais ne sont pas encore
fixées et la Représentation nationale en sera informée quand ce sera le cas ; en
tout état de cause, il ny aura pas dincidence sur le compte
daffectation spéciale destiné aux produits des privatisations, car le produit de
celle du Crédit lyonnais servira au désendettement de lÉtablissement public de
financement et de restructuration (EPFR) ; quant aux recettes du compte
daffectation spéciale, elles sont évaluées à 28 milliards de francs en 1998
et 17 milliards de francs en 1999 ;
il existe effectivement un débat en cours, dans les instances
communautaires, sur la conformité au droit européen dune application du taux de
TVA aux seuls abonnements à EDF-GDF ; la France estime ceci clairement conforme,
même si lon peut regretter que ce problème ait été créé par la décision de
M. Edouard Balladur de relever, en 1994, au taux normal la TVA sur les
abonnements ;
une application plus rigoureuse du principe pollueur/payeur en matière
deau na pas pu être prise en compte dès 1999, ce qui nempêcherait pas
dexaminer des propositions nouvelles, éventuellement dorigine parlementaire,
pour avancer dans le projet de budget 2000 ;
sagissant de la réforme de limpôt sur le revenu, elle peut
être, après la fiscalité locale, la fiscalité du patrimoine et la fiscalité
écologique, au programme de travail des années suivantes, si cest le souhait de la
représentation nationale.
II.- AUDITION DE M. CHRISTIAN SAUTTER,
SECRÉTAIRE DÉTAT AU BUDGET
La Commission a procédé, le mardi 15 septembre 1998, à 18 heures, à
laudition de M. Christian Sautter, secrétaire dÉtat au budget,
sur le projet de loi de finances pour 1999.
Votre Rapporteur général a tout dabord interrogé le ministre sur le
contenu du décret davance du 21 août dernier et ses incidences sur
lexécution de la loi de finances pour 1998, notamment sur les dépenses en capital
du budget de la Défense. Il sest ensuite demandé si lhypothèse dun
taux dinflation de 1,3% pour 1999 nétait pas trop pessimiste, compte tenu de
lévolution de la conjoncture et, en particulier, du ralentissement de la
croissance. Il a souhaité connaître limpact sur les recettes de TVA et sur
léquilibre budgétaire dune nouvelle diminution de la hausse des prix.
Il sest félicité du coup darrêt mis par le projet de loi de finances
pour 1999, comme par la loi de finances de 1998, à la dégradation constante du rapport
des dépenses en capital à lensemble des dépenses de lÉtat, observée de
1993 à 1997. Il a ensuite demandé, pour 1998 et 1999, le montant des recettes de
cessions des participations de lÉtat au sein du secteur public et des dotations
versées pour la recapitalisation des entreprises publiques. Rappelant que la fixation à
11.000 francs, au lieu de 16.300 francs, du plafonnement de la demi-part de
quotient familial était la traduction dune décision acceptée par la Conférence
sur la famille réunie sous la présidence du Premier ministre, le 12 juin dernier,
et quelle était la contrepartie du rétablissement des allocations familiales sans
conditions de ressources, il a souligné quelle frappait aussi certaines
catégories, comme les veuves ou les anciens combattants, qui ne relèvent pas de la
politique familiale. Aussi a-t-il demandé sur quelle argumentation le Conseil
dÉtat sétait fondé pour estimer nécessaire la fixation du plafond à un
montant uniforme, alors même quil existait déjà, pour limposition des
contribuables isolés, un plafond distinct auquel le Conseil constitutionnel navait
rien trouvé à redire.
Par ailleurs, votre Rapporteur général a souhaité que le Gouvernement communique à
la Commission des finances le résultat des simulations relatives à limpact de la
réforme de la taxe professionnelle. Il a rappelé que, lors de la précédente discussion
budgétaire, le Secrétaire dÉtat au budget sétait déclaré prêt à
débattre, lors de lexamen du projet de loi de finances pour 1999, de
léligibilité au Fonds de compensation à la taxe à la valeur ajoutée (FCTVA) de
certains travaux urgents pour la sécurité publique. Tout en saluant lintérêt
manifesté par la Commission européenne pour lapplication du taux réduit de TVA
aux services à la personne, il sest interrogé sur la portée réelle dune
mesure dont la mise en uvre requérait le consentement unanime des États membres,
alors, de plus, que les activités en cause étaient souvent le fait dassociations
déjà exonérées de TVA. Il sest enquis des perspectives de réalisation de
lidée, évoquée par le commissaire européen Mario Monti, dune réduction de
la TVA pesant sur les travaux de rénovation et de réparation de logements. Il a enfin
demandé des précisions sur linstruction, publiée ce jour même, relative au
régime fiscal des associations.
Répondant à votre Rapporteur général, M. Christian Sautter a indiqué
que le décret davance daoût dernier, de caractère essentiellement
technique, redéployait 5 milliards de francs, dont 3,8 milliards de francs au
titre des rémunérations de personnel du ministère de la Défense, 343 millions de
francs pour le ministère de lÉducation, le solde correspondant à des dépenses de
manifestations et commémorations, telles que lannée de la France au Japon, la
célébration de lan 2000 ou le 80ème anniversaire de larmistice du
11 novembre. Il a précisé que ces mesures étaient financées à hauteur de
4,357 milliards de francs par un arrêté dannulation, le solde étant
constitué par un prélèvement exceptionnel de 500 millions de francs sur
lAGEFAL et le produit, soit 179 millions de francs, de la vente du terrain
Beaujon par le ministère de lIntérieur.
Relevant que linterrogation de votre Rapporteur général sur le caractère
pessimiste dune prévision dinflation de 1,3% manifestait bien
lévolution de la conjoncture depuis quelques années, le ministre a fait valoir que
cette prévision était conforme à lappréciation portée par des organismes
internationaux, comme lOCDE ou le FMI, et quelle traduisait, en particulier,
la forte baisse, en 1998, des prix du pétrole et des matières premières, qui devraient
se stabiliser, voire même augmenter, en 1999. Il a relativisé les conséquences
budgétaires dune éventuelle surestimation de linflation, en rappelant que
certaines recettes, comme limpôt sur les sociétés ou limpôt sur le revenu,
étaient affectées de manière décalée par la hausse des prix et que dautres,
comme la TIPP, ne le sont pas du tout, par construction. Il a, en outre, rappelé
quune variation dun dixième de point entraînait une perte de recettes de TVA
denviron 600 millions de francs, à rapprocher du produit total de cette taxe,
soit 670 milliards de francs. Il a, en outre, souligné que de nombreuses dépenses
à caractère social, comme le revenu minimum dinsertion ou lallocation aux
adultes handicapés, étaient indexées sur la hausse des prix et que tout ralentissement
de linflation impliquait, dès lors, de moindres dépenses à ces titres.
Sagissant des dépenses dinvestissements, M. Christian Sautter a fait
observer quelles augmentaient de 2,8% dans le projet de loi de finances pour 1999,
soit 168 milliards de francs, alors que la croissance des dépenses de lÉtat
était en moyenne de 2,3%. Il a précisé que cette augmentation était principalement due
aux dépenses en capital du ministère de la Défense, qui passaient de 82 à
86 milliards de francs, les dépenses civiles en capital demeurant stables. Il a
ajouté que lappréciation portée sur lévolution des dépenses civiles
devait tenir compte des dotations inscrites dans les comptes spéciaux du Trésor, tels
que le Fonds daménagement pour la région Île-de-France (FARIF) ou le Fonds
dinvestissement des transports terrestres et des voies navigables (FITTVN), gérés
par le ministère de lÉquipement, du logement et des transports. Il a indiqué que
le produit total attendu des cessions dactifs du secteur public sélevait, en
1999, à 17,5 milliards de francs, se répartissant entre la privatisation du GAN
(9,5 milliards de francs, compte tenu de la nécessité de préserver les mécanismes
de garantie), des cessions de participations minoritaires (5,5 milliards de francs)
et du solde des opérations de France Télécom (2,5 milliards de francs). Il a
précisé que les ressources du compte daffectation spéciale (64 milliards de
francs pour 1998 et 1999, dont 17,5 milliards de francs au titre de 1997,
43 milliards de francs au titre de 1998 et 3,5 milliards de francs de report de
1997 sur 1998) permettraient ainsi de recapitaliser, à hauteur de 30 milliards de
francs, les entreprises publiques du secteur financier, de 23 milliards de francs les
entreprises du secteur des transports et de 5 milliards de francs les entreprises du
secteur minier. Il a rappelé que le produit de la privatisation du Crédit lyonnais
serait directement affecté au désendettement de lÉtablissement public de
financement et de réalisation (EPFR).
Convenant de limpact particulier quaurait la diminution du quotient
familial applicable à des catégories dignes dintérêt, comme les anciens
combattants ou les invalides, il a expliqué que le Conseil dÉtat avait jugé
impossible, au regard de légalité devant limpôt, de prévoir une diminution
du plafond plus importante pour une famille avec enfants que pour une personne sans
enfants et que le Gouvernement navait pas voulu courir le risque de
lannulation par le Conseil constitutionnel dune mesure dont le produit, soit
3,9 milliards de francs, était tel que lannulation de la loi de finances tout
entière, par voie de conséquence, ne pouvait être exclue. Il a ajouté que
lapplication de la réduction du plafond aux invalides et anciens combattants
toucherait de 25.000 à 30.000 ménages à partir dun revenu mensuel de
35.000 francs et que le débat budgétaire serait loccasion dun réexamen
de la question. Il a, ensuite, rappelé que les services du ministère des Finances
étaient à la disposition de la commission des Finances et quils étaient prêts,
par conséquent, à procéder aux simulations sur limpact de la réforme de la taxe
professionnelle qui leur avaient été demandées.
En ce qui concerne lévolution des critères déligibilité au Fonds de
compensation de la TVA de certains travaux sur des cours deau non domaniaux, le
ministre a exprimé son attachement au principe de la patrimonialité, qui conduit à
réserver le reversement de TVA aux propriétaires des terrains, mais a rappelé
lexistence des aides spécifiques, inscrites dans le programme décennal
dentretien des rivières, arrêté en juin 1994, renvoyant au débat parlementaire
la question déventuelles évolutions.
M. Christian Sautter a ensuite évoqué la question de la diminution du taux de
TVA pour les services rendus à domicile. Il a rappelé que le Gouvernement français
avait attiré lattention de ses partenaires européens sur ce problème, lors du
Conseil de Luxembourg sur lemploi de décembre dernier, conformément au programme
national sur lemploi, et quà la suite des démarches entreprises auprès de
lui, le Commissaire européen chargé de la fiscalité, M. Mario Monti, avait
répondu que la lettre du Traité ne permettait pas une telle mesure, mais que
lesprit des propositions de la Commission européenne était proche de la demande
française. Il a, en revanche, souligné que les travaux de réparation et
damélioration des logements couvriraient un champ plus vaste et que, si
limpact positif dune éventuelle baisse de taux sur lemploi, voire dans
la lutte contre le travail clandestin, devait être reconnu, son coût était très
important. Il a estimé que le crédit dimpôt sur le revenu, prévu dans la loi de
finances pour 1998, en faveur des propriétaires et des locataires procédant à de
grosses réparations dans leur résidence principale constituait une première réponse,
équivalant à une réduction de TVA.
Le ministre a enfin exposé le contenu de la dernière instruction relative à la
fiscalité des associations, dont il a considéré quelle apportait, après une
longue période dincertitude, une clarification, que la multiplication des
contrôles fiscaux rendait nécessaire, tout en respectant la lettre et lesprit de
la loi de 1901. Il a précisé que linstruction détaillait les critères permettant
de qualifier de commerciales les activités des associations et entraînant par là même
leur assujettissement à la TVA, à limpôt sur les sociétés et à la taxe
professionnelle : une rémunération des dirigeants excédant les trois-quarts du
SMIC ; lexistence dans le voisinage dune entreprise ayant une activité
comparable et, enfin, en cas de doute, lapplication de la règle des « quatre
P », un produit et un prix comparables, un public proche de la clientèle dune
entreprise et une publicité sapparentant aux méthodes commerciales. Il a annoncé
que le Gouvernement renonçait aux contrôles fiscaux sur 3.000 associations, dont la
bonne foi pouvait être reconnue et aux redressements auxquels ces contrôles avaient
donné lieu. Il a enfin précisé que les associations avaient jusquau 31 mars
1999 pour mettre leurs statuts en conformité avec la nouvelle instruction ministérielle
et que, dans chaque direction des services fiscaux, un fonctionnaire serait désigné
comme interlocuteur pour conseiller les associations et porter sur le caractère
commercial ou non de leurs activités un avis liant ladministration fiscale.
Après avoir fait observer que la taille remarquable du projet de loi de finances,
83 articles au total, promettait de longs débats en séance publique, M. Philippe
Auberger a émis de sérieux doutes sur les prévisions de diminution du taux des
prélèvements obligatoires en 1998 et 1999. Rappelant que laugmentation des
recettes fiscales attendue en 1999 sélevait à 75 milliards de francs, il a
estimé que la diminution du taux de prélèvement de lÉtat de 0,2 point en
1998 et 0,1 point en 1999 nétait guère crédible et jugé sujette à caution,
au vu des évolutions des années antérieures, la baisse annoncée du prélèvement des
collectivités locales.
Il sest également interrogé sur la pertinence des prévisions dévolution
du revenu disponible des ménages (+ 4% en 1998 et + 4,2% en 1999), alors que,
par exemple, la plupart des accords conclus en matière de réduction du temps de travail
prévoyait une stabilisation des revenus sur une période de trois ans. Il a fait
observer que ce probable optimisme en matière dévolution du revenu disponible
faisait douter du rétablissement des comptes de la sécurité sociale prévu par le
Gouvernement.
Après avoir donné acte des efforts de rebudgétisation effectivement consentis par le
projet de loi de finances, M. Philippe Auberger a indiqué ne pas comprendre pourquoi
les recettes provenant du Crédit lyonnais ne transitaient pas par le compte
daffectation spéciale retraçant les recettes de privatisation. De même, il a
souhaité que cet effort de clarification concerne à lavenir lensemble des
relations financières entre lÉtat et les collectivités locales, ainsi que la
contribution de la France au budget de lUnion européenne. Enfin, doutant de
lefficacité de la suppression progressive de la part salariale de lassiette
de la taxe professionnelle, il a estimé quun allégement de la taxe sur les
salaires, qui représente environ 49 milliards de francs, constituerait un stimulant
plus efficace à la création demplois.
Évoquant les récents propos tenus par le ministre des affaires étrangères sur
linsuffisance des moyens des banques centrales et des institutions financières
internationales face aux « tourbillons » incessants des masses monétaires, M. Daniel
Feurtet sest interrogé sur les moyens de remettre de lordre dans les
mouvements internationaux de capitaux.
Rappelant le rôle important joué par les collectivités locales dans la croissance et
linvestissement, il a souhaité que la part de la croissance qui leur est
redistribuée soit plus significative, afin quelles puissent continuer à participer
pleinement à la création demplois et au soutien de la croissance durable. Il
sest également déclaré préoccupé de la disparition de la dotation globale
déquipement et a demandé si le rétablissement dun concours comparable
pouvait être envisagé. Tout en reconnaissant que la disparition de lassiette
salariale pouvait être un stimulant de nature à encourager le civisme des chefs
dentreprises, il sest néanmoins interrogé sur les moyens de mesurer ses
conséquences réelles sur lemploi. Il a appelé de ses vux une réflexion
globale sur le moyen de réalimenter la taxe professionnelle et déviter quune
part croissante en soit supportée par lÉtat. Afin quelle reste un impôt
favorable à lemploi et à linvestissement, il a estimé nécessaire de
réfléchir à la détermination de nouvelles assiettes, notamment en prenant en compte
les actifs financiers. Il a insisté sur le fait que la taxe professionnelle devait rester
sous la responsabilité des collectivités locales et considéré que le rôle de
lÉtat était dassurer la péréquation.
Se déclarant préoccupé par le fait que de moins en moins de personnes payent la taxe
dhabitation, M. Daniel Feurtet a souhaité quune réflexion sengage
de manière à ce que chaque famille fut-ce modestement se sente
associée à la vie communale, dont elle attend des services collectifs. A défaut, il a
craint quune opposition grandissante entre celles qui payaient et celles qui ne
payaient pas ne fasse courir de grands risques à la solidarité communale.
M. François Loos, après avoir jugé que le projet de budget était trop
optimiste et augmentait les dépenses, alors quil conviendrait de les réduire, a
relevé une contradiction entre la taxation nouvelle du gaz de pétrole liquéfié et du
gaz naturel véhicules et la création dun amortissement exceptionnel pour les
véhicules fonctionnant en bicarburation.
A propos de la part de la croissance du PIB attribuée aux collectivités locales, il a
fait observer que la prise en compte des traitements versés aux fonctionnaires
territoriaux, qui représentent en moyenne plus de 40% des dépenses des collectivités
locales, aboutissait à réduire, de fait, le montant de lenveloppe normée
attribuée à ces collectivités, diminuant ainsi dautant leur marge de
manuvre.
Indiquant quil partageait certaines analyses de M. Daniel Feurtet, M. Pierre Méhaignerie
a estimé que, pour des salariés à ressources modestes, lincitation au retour à
lemploi nétait actuellement pas suffisante. Il a rappelé que des études
britanniques et danoises avaient conclu quil fallait une incitation dun
montant dau moins 35% supérieur au revenu de remplacement pour assurer un tel
retour et a jugé que la France était encore loin datteindre ce chiffre.
Regrettant ensuite, avec M. François Loos, que les collectivités locales
voient leur marge de manuvre, et donc leur autonomie, se réduire encore, il a
suggéré que la dotation globale de fonctionnement soit à lavenir indexée sur les
traitements de la fonction publique, dont le Gouvernement fixe lui-même la progression et
le niveau, ajoutant que lenjeu était la sauvegarde de la confiance entre les
collectivités locales et les populations.
Sans revenir sur le débat né de la réforme de lassurance vie, il a insisté
enfin sur la nécessité de réfléchir à des mécanismes favorisant la transmission des
entreprises. Jugeant que bien souvent, les chefs dentreprise avaient avantage à
vendre plutôt quà transmettre leurs biens, il a plaidé pour la mise au point
dun « pacte dentreprise », susceptible de redonner confiance aux
entrepreneurs.
Mme Nicole Bricq sest félicitée tout dabord que le projet de
budget favorise à la fois lemploi et linvestissement, accompagnant ainsi la
croissance revenue. Puis, à propos de la fiscalité écologique, elle a souhaité que le
rééquilibrage des taxes sur le gazole ne soit pas larbre qui cache la
forêt : soulignant les avancées sur la bicarburation, elle a estimé indispensables
dautres mesures incitatives, ainsi que des dispositions plus fortes en matière de
protection des sols et des paysages.
Rappelant que laugmentation de deux points du taux normal de TVA avait
représenté un prélèvement supplémentaire denviron 60 milliards de francs,
elle a jugé ensuite que les mesures prévues dans le projet de loi de finances,
représentant une diminution de 10 milliards de francs, ne devaient constituer
quun début. Consciente des contraintes européennes, elle a néanmoins souhaité
que toutes les possibilités permises par la sixième directive européenne sur la TVA
soient explorées. Évoquant la baisse de la TVA sur labonnement EDF, elle
sest prononcée en faveur de son extension aux réseaux de chaleur. Elle a estimé
également que la baisse de la TVA sur les opérations de tri sélectif ne présentait
quun intérêt limité, si elle nétait pas appliquée à lensemble des
opérations de valorisation énergétique des déchets, alors même que la loi de 1992
avait incité les collectivités locales à mener ces actions de façon conjointe. Enfin,
elle a fait observer que dautres handicaps, notamment la surdité, pourraient être
pris en compte dans le cadre de la diminution de la TVA sur certains appareillages.
M. Michel Bouvard sest demandé, au vu de la réponse du secrétaire
dÉtat au budget, comment le Gouvernement allait pouvoir aborder la question de
léligibilité au FCTVA des travaux réalisés par les collectivités locales sur
les cours deau domaniaux, classés en voies navigables non fréquentées. Il a
rappelé que le prélèvement de TVA supplémentaire de 60 milliards de francs avait
été décidé au moment où certains contestaient lapplicabilité à la France des
critères de Maastricht et a constaté que, trois ans après, seuls 10 milliards
de francs avaient été restitués. Appuyant lidée dune application du taux
réduit aux réseaux de chaleur, il sest félicité de voir le Gouvernement
reprendre une de ses propres suggestions de lan passé, en proposant que les travaux
damélioration de lhabitat réalisés avec une subvention de lAgence
nationale pour lamélioration de lhabitat (ANAH) bénéficient de ce
taux. Il sest interrogé sur la pertinence des objections faites à
lapplication dune mesure semblable à la restauration, alors que certains
États entrés après la France dans lUnion européenne avaient pu décider une
telle réduction après leur adhésion, et a estimé que cette mesure permettrait à la
fois daugmenter le nombre demplois et de lutter contre léconomie
souterraine.
Il a ensuite demandé au ministre des précisions sur le champ dapplication du
dispositif destiné à se substituer à lamortissement « Périssol » et
a suggéré son extension à limmobilier de loisir. Il sest ému des idées
récemment avancées en sa présence par le directeur général des collectivités
locales, en vue dune éventuelle péréquation de la compensation de la suppression
graduelle de la part salariale dans lassiette de la taxe professionnelle. Enfin, il
a déploré que le parallélisme entre les évolutions de la dotation de solidarité
urbaine et la dotation de solidarité rurale ne soit pas respecté, alors que, si un
village qui meurt fait moins de bruit quune banlieue qui brûle, sa disparition est
aussi dommageable.
M. Dominique Baert a questionné le ministre sur les raisons de la
disparition du fonds de soutien aux hydrocarbures et son intégration au budget général,
sur laugmentation de 600 millions de francs des recettes du Fonds
daménagement de la région Île-de-France (FARIF) prévue pour 1999 et sur les
motifs de la création du nouveau compte daffectation spéciale, intitulé Fonds
dintervention, pour les aéroports et le transport aérien.
M. Gérard Saumade a déploré quon se croie obligé de sexcuser
parce que le projet de loi de finances augmente la dépense publique, alors quon
nen a jamais eu autant besoin. Il a mis au défi les adversaires de cette dépense
dexposer clairement leurs intentions quant à la privatisation de services publics
essentiels, comme lenseignement, la santé ou la police. Il a ajouté que,
paradoxalement, le développement de la concurrence internationale obligeait tous les pays
à mener une politique publique forte et dynamique. Abordant le problème de la réforme
de la taxe professionnelle, il a constaté que le consensus sur la nécessité de changer
cet impôt imbécile, contraire à lemploi et à linvestissement, ne se
traduisait toujours pas malheureusement par une réforme denvergure. Il sest
prononcé pour la substitution à lactuelle taxe professionnelle dun impôt
sur la valeur ajoutée, collecté et ensuite réparti par lÉtat, seul gage à ses
yeux dune véritable péréquation et du respect des exigences daménagement
du territoire. Il a conclu en estimant que des modifications par trop discrètes et
partielles ne pourraient que conduire à la perpétuation des critiques.
M. Maurice Adevah-Poeuf, après avoir exprimé son soutien à
larchitecture générale du projet de loi de finances et à la logique de la
réforme appliquée à la taxe professionnelle, a estimé opportun un aménagement de ses
modalités. Il a interrogé le ministre sur sa position vis-à-vis déventuels
amendements parlementaires visant à intégrer dans la réforme proposée par le
Gouvernement une forme de dégrèvement, à masse constante, dans une perspective de
sauvegarde de lautonomie de décision des collectivités locales. Il sest
enfin interrogé sur les motifs de la disparition du fonds de soutien aux hydrocarbures.
M. Gilbert Gantier sest demandé comment la diminution à
11.000 francs de lavantage maximal procuré par lapplication du
dispositif fiscal de quotient familial pouvait être jugée compatible avec une véritable
politique familiale.
Répondant aux intervenants, M. Christian Sautter a notamment précisé
que :
le nombre important darticles fiscaux contenus cette année dans le
projet de loi de finances traduit la volonté de réforme du Gouvernement, mais ne
conduirait pas cependant à un alourdissement des textes en vigueur, puisque
60 articles du code général des impôts devraient être abrogés ;
le délai supplémentaire laissé cette année au Parlement pour examiner
le projet de loi de finances devrait permettre aux parlementaires de démontrer la
réalité des intentions du Gouvernement de diminuer le taux des prélèvements
obligatoires de 0,1 point en 1998 et 0,2 point en 1999 ;
il est peu probable que les accords dentreprises conclus dans le
cadre de la loi du 13 juin 1998 dorientation et dincitation relative à
la réduction du temps de travail aboutissent à une stabilisation, et encore moins, à
une diminution de la masse salariale versée par les entreprises ;
il ne voit pas lintérêt dinscrire les recettes de
privatisation du Crédit lyonnais dans le compte daffectation spéciale, dans
la mesure où celles-ci devraient revenir automatiquement à létablissement public
de financement et de réalisation ; cependant, la proposition de comptabiliser les
prélèvements sur recettes, tant aux collectivités locales quau budget de
lUnion européenne, au sein du budget de lÉtat, mérite réflexion ;
lexistence de la taxe sur les salaires sanalyse comme la
contrepartie dune non-imposition à la TVA ;
le Gouvernement est préoccupé par le risque dinstabilité du
système monétaire international, faute dun minimum de règles du jeu, dont la
situation actuelle, comme la rappelé le Premier ministre, souligne la nécessité.
Après la déclaration commune des ministres des Finances du G7, reprise par le Président
des États-Unis, de nouveaux progrès restent à faire ; il convient en particulier
de soutenir le FMI, qui a la capacité dintervenir pour éteindre les foyers de
crise ;
alors que le « pacte de stabilité » arrêté par le
précédent gouvernement privait les collectivités locales, par décision unilatérale,
de toute participation aux fruits de la croissance, le contrat de croissance et de
solidarité, qui lui a été substitué, présentait le mérite dassocier ces
collectivités aux progrès de la croissance et détablir ainsi une relation de
confiance avec lÉtat ;
dans le sens de la taxation des actifs financiers, un article du projet de
loi de finances prévoit une diminution de 50 à 45% de lavoir fiscal au préjudice
des entreprises, effectuant des placements complètement indépendants de leur activité
économique ;
dans le cadre de la réforme proposée de la taxe professionnelle, les
collectivités locales garderont la maîtrise des deux tiers de cette taxe. En
« sanctuarisant » la compensation de la taxe professionnelle dans la dotation
globale de fonctionnement, le Gouvernement va plutôt dans le sens dune compensation
pérenne, qui ne sera pas à la merci des circonstances, comme peuvent lêtre
certains autres mécanismes compensateurs dabattement de taxe professionnelle,
décidés en 1987 ;
il peut être préoccupant que certains ne paient aucun impôt local, alors
quils attendent légitimement des services de la collectivité locale ;
lidée de taxe dhabitation minimale, évoquée par
M. Daniel Feurtet, ouvre une piste de réflexion pour une question qui pourrait
être abordée dans le cadre de la discussion du collectif budgétaire ;
loin dalourdir limposition du GPL ou du gaz naturel, le projet
de loi de finances propose la création, dans le sens des propositions faites par
Mme Nicole Bricq dans son récent rapport dinformation, dun
amortissement exceptionnel des véhicules fonctionnant grâce à ses énergies non
polluantes. 1998 nest que lan I de la fiscalité écologique ;
lan II pourrait voir lextension du champ de la taxe générale sur les
activités polluantes, qui est presque exclusivement, pour lheure, le regroupement
de taxes existantes, de sorte quil serait possible dy introduire des mesures
punitives ou incitatives pour lévolution des sols et des paysages ;
le doublement du rythme de croissance de la dotation globale de
fonctionnement (1,4% de progression de 1997 à 1998, contre 2,8% de 1998 à 1999)
constitue un effort substantiel en direction des collectivités locales ;
le projet de réduction du taux de TVA sur les réseaux de chaleur a fait
lobjet dune démarche insistante du Gouvernement auprès du Commissaire
européen chargé de la fiscalité ; le Gouvernement nest pas hostile à une
extension de la mesure proposée pour la TVA sur le tri sélectif ;
labaissement du taux de TVA sur les appareillages de certaines
personnes handicapées répond à la demande de nombreux parlementaires ; la
possibilité détendre cette mesure à dautres types dappareillage peut
être étudiée ;
sur lapplication du taux réduit de TVA à la restauration, le
Commissaire européen à fait une réponse négative, en précisant que ce secteur ne
figurait pas parmi les activités de main-duvre auxquelles la Commission
songeait de manière privilégiée ; une insistance excessive pourrait au demeurant
avoir des effets négatifs, compte tenu de lassiette effective de la taxe ;
la hausse de deux points de TVA décidée en 1995 a provoqué, en 1996, une
baisse du revenu disponible brut des ménages et a ainsi brutalement freiné la
croissance, alimentée pour les deux tiers par la consommation des ménages ; à
linverse, les baisses du taux de TVA proposées dans le projet de loi de finances
pour 1999, estimées à 10 milliards de francs, constituent un effort
important ;
en aménageant le dispositif dit « amortissement Périssol »,
le Gouvernement sest donné pour priorité daccroître le parc de logements
sociaux privés, pour développer loffre de logements destinés à la résidence
principale de ménages modestes ou moyens ; lextension de cet amortissement à
limmobilier de loisir na pas de rapport avec cet objectif prioritaire ;
dans la mise au point du mécanisme de compensation de la taxe
professionnelle, le Gouvernement a visé la simplicité ; cest pourquoi, il
la fondé sur une photographie des bases de 1999 et des taux de 1998 de cette taxe.
La compensation aura lieu chaque année, sur une période de cinq ans, en indexant cette
référence sur la dotation globale de fonctionnement. En ce sens, comme la
déclaré, le 9 septembre dernier, M. Dominique Strauss-Kahn devant la
commission des Finances, la compensation procurerait aux communes victimes de pertes
demploi une ressource supérieure au produit de taxe professionnelle que leur aurait
assuré le droit actuellement en vigueur. Elle renforce donc la péréquation entre
collectivités riches et collectivités pauvres ;
la suppression de la part salariale dans lassiette de la taxe
professionnelle équivaut pour le secteur du bâtiment et des travaux publics à une
diminution de 48% du montant de cette taxe, dont limpact sera dautant plus
fort que ce secteur emploie trop de main-duvre ;
on ne peut parler sans contradiction de dégrèvement à masse constante.
Recourir à la technique du dégrèvement introduirait un aléa inopportun quant à
lévaluation de limpact de la mesure de taxe professionnelle et serait, de
surcroît, une source de complication inutile pour les entreprises ; pour ces
raisons, la solution du dégrèvement ne correspond pas au choix du Gouvernement ;
la suppression du fonds de soutien aux hydrocarbures et lintégration
corrélative de la taxe additionnelle à la TIPP constituent des mesures de
simplification ;
sil est vrai que lexistence dinfrastructures et de
services publics de qualité sont des facteurs attractifs pour linvestissement
étranger, il faut savoir raison garder ; laugmentation de 1% en francs
constants du budget représente dailleurs un coup de pouce non négligeable pour la
croissance ;
le produit de labaissement du plafond du quotient familial à
11.000 francs peut être évalué à 3,9 milliards de francs, alors que la
suppression de la condition de ressources représente une dépense de 4,7 milliards
de francs, ce qui correspond à un transfert de 800 millions de francs au profit des
familles ; ces mesures font partie dune politique familiale cohérente avec les
propositions issues de la conférence sur la famille de juin dernier ;
un effort substantiel a été consenti en faveur des communes
rurales ; la progression de la dotation de solidarité rurale dans le projet de loi
de finances (2,2 milliards de francs, soit une augmentation de 25% par rapport à
1998) témoigne par son ampleur de lintérêt manifesté par le Gouvernement à
légard de ces communes.
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volume 1 du rapport
() Rapport sur lUnion économique et monétaire dans
la Communauté européenne, Luxembourg, 1989.
() Règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil, du
7 juillet 1997, relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires
ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques ;
Règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil, du 7 juillet 1997, visant à accélérer
et clarifier la mise en uvre de la procédure concernant les déficits
excessifs ; Résolution du Conseil européen relative au pacte de stabilité et de
croissance.
() Recommandation de la Commission concernant les grandes
orientations des politiques économiques des États membres et de la Communauté, document
II/144/98-FR, Bruxelles, 6 mai 1998.
() J.C. Trichet, « Léquilibre du
policy-mix de lUEM : une condition essentielle de réussite pour la politique
monétaire unique », Revue déconomie financière, janvier 1998.
() Recommandation précitée.
() Le solde budgétaire primaire est le solde budgétaire
duquel est défalqué le montant des intérêts de la dette.
() Les chiffres précis donnés par les services de la
Commission pour les années soixante et soixante-dix sont difficilement comparables en
raison de modifications dans le périmètre des États retenus.
() « Croissance et emploi dans le cadre de
stabilité de lUEM. Réflexions de politique économique en vue des grandes
orientations de 1998 ». Communication de la Commission au Conseil, au Parlement
européen, au Comité économique et social et au Comité des Régions.
() Portant notamment sur le niveau et les évolutions des
taux de fertilité, de lespérance de vie, des flux migratoires, etc...
() Rapport sur létat de la convergence, 1998.
() Ibid.
() Lespérance de vie sans incapacité sest
accrue de 3 ans pour les hommes et 2,6 ans pour les femmes, alors que
lespérance de vie totale ne sest accrue « que » de 2,5 ans
pour chacun des deux sexes.
() Cest-à-dire intervenant, en lespèce,
avant 65 ans.
() La dépense intérieure déducation ne se limite
pas à la seule dépense publique : elle recouvre toutes les dépenses effectuées par
lensemble des agents économiques, administrations publiques centrales et locales,
entreprises ou ménages, pour les activités déducation en métropole :
activités denseignement scolaire et extra-scolaire, activités visant à organiser
le système éducatif (administration générale, orientation, documentation pédagogique,
recherche sur léducation), activités destinées à favoriser la fréquentation
scolaire (cantines, internats, médecine scolaire, transports) et les dépenses demandées
par les institutions (fournitures, livres, habillement). (Source : INSEE, Données
sociales 1996).
() J.C. Émin, P. Fallourd, « Létat
du système éducatif français », Données sociales 1996, INSEE, 1996.
() Le consommation socialisée peut être définie, soit
comme la consommation dun service non marchand rendu par les administrations
publiques, soit comme une consommation marchande prise en charge par la collectivité,
totalement ou partiellement, en nature ou par le biais dun transfert financier.
() Au sens que donne à ce terme larticle 104 C
du traité instituant la Communauté européenne.
() Le règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil dispose,
à cet égard, que « lorsquil décide dinfliger des sanctions à un
État membre participant [
], le Conseil exige en principe un dépôt ne portant pas
intérêt. »
() D. Stasavage, « Le pacte de stabilité de
lUEM : crédible et efficace ? », Politique étrangère,
n° 4, hiver 1997-1998.
() Résolution du Conseil relative au pacte de stabilité
et de croissance, Amsterdam, juin 1997.
() Adopté en février 1997.
() Reproduit dans Économie européenne,
n° 65, 1998, p. 188.
() Ibid.
() M. Buti, D. Franco, H. Ongena, Budgetary
policies during recessions Retrospective application of the « Stability and
growth pact » to the post-war period, Economic Papers, n° 121, mai
1997.
() Les dates entre parenthèses se rapportent à
lépisode de récession considéré.
() La détermination dun solde tendanciel vise à
dégager une tendance de moyen terme pour le solde budgétaire, au-delà des variations
dues aux fluctuations de la conjoncture. Plusieurs méthodes peuvent être employées pour
calculer un solde tendanciel. La plus répandue consiste à passer par le calcul du PIB
tendanciel, grâce au « lissage » des fluctuations courantes du PIB par une
moyenne mobile.
() Luxembourg, Royaume-Uni.
() Finlande, Irlande, Suède, étant entendu quune
partie de laccroissement de la dette publique en Suède et en Finlande serait due
aux flux nets de dettes et créances et naurait ainsi quun rapport éloigné
avec des déterminants budgétaires.
() Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Grèce, France,
Italie, Pays-Bas, Portugal.
() Condition d
« exceptionnalité » : le déficit ne peut dépasser 3% du PIB quen
cas de situation ou dévénement exceptionnel (cette condition na pas à être
prise en compte ici, lenjeu de létude étant justement dévaluer la
gravité des récessions susceptibles de conduire à des sanctions) ; condition de
« proximité » : le déficit ne peut dépasser 3% du PIB quà
condition de ne pas trop séloigner de cette valeur ( dans leur étude, les auteurs
ont choisi une marge de 0,5%) ; condition de « brièveté » : le
déficit ne peut dépasser 3% du PIB que pendant une période de temps limitée (les
auteurs ont choisi un an).
() Pour « éliminer » le fait que, aux
périodes considérées, le pacte de stabilité nexistait pas et que la norme de 3%
navait donc aucune valeur particulière, les auteurs proposent de raisonner à
partir de la différence entre le déficit constaté pendant la récession (et
lannée suivante, car lévaluation au regard du pacte de stabilité doit
porter sur deux années) et le déficit constaté lannée précédant lentrée
en récession. La grandeur considérée comme significative est donc lévolution
du solde budgétaire consécutive à la récession et non son niveau absolu.
() Violation de la condition de
« proximité ».
() Violation de la condition de
« brièveté ».
() La chute brutale de croissance ne signifie pas pour
autant que léconomie entre en récession. Les auteurs choisissent détudier
les cas où la chute de croissance atteint 2,5%.
() Les principales lacunes évoquées sont les
suivantes : dabord, par construction, létude ne peut prendre en compte
déventuelles modifications dans le comportement des autorités budgétaires
découlant de lexistence du pacte de stabilité ; ensuite, linfluence du
niveau initial réel du déficit, éliminée dans la construction des scénarios, a
peut-être une influence sur la réaction des autorités budgétaires ; ensuite,
létude devrait être prolongée sur la durée du cycle conjoncturel tout
entier ; enfin, les modalités dajustement budgétaires peuvent induire des
variantes par rapport à lanalyse actuelle, conduite uniquement en termes de solde
budgétaire.
() Bien entendu, le modèle de base a subi, au fil des
années, des transformations visant à améliorer sa capacité représentative dune
économie réelle : distinction entre biens déquipement et de consommation,
intégration des mouvements de prix, etc...
() En union monétaire, les impulsions budgétaires se
font nécessairement sans accompagnement monétaire, puisque la politique monétaire est
déterminée par une banque centrale indépendante et extra-nationale.
() Les documents de travail de la direction de la
prévision nengagent que leurs auteurs et non la direction.
() J.P. Cotis, B. Crépon, Y. LHorty,
R. Méary, Les stabilisateurs économiques automatiques sont-ils encore
efficaces ? Le cas de la France dans les années 90, Direction de la prévision,
document de travail n° 36-15, décembre 1996.
() Rapport de lépargne brute au revenu disponible
brut.
() En loccurrence, le caractère « non
keynésien » du comportement des ménages découle de laugmentation du taux
dépargne alors même que le revenu disponible varie peu.
() Le PIB conjoncturel est égal à la différence entre
le PIB réel et le PIB tendanciel ; il est négatif dans la phase descendante du
cycle, positif dans la phase ascendante.
() Un plus grand degré douverture réduit
lefficacité du multiplicateur budgétaire, les « fuites » hors du
circuit national étant plus importantes.
() Un secteur public plus important accroissant le
« fuites » par le biais de limpôt.
() Dans la simulation effectuée par les services de la
Commission, les pouvoirs publics équilibrent le budget par des augmentations
dimpôts.
() La stabilisation par les dépenses ne représente que
20% de leffet stabilisant, 80% provenant de la variation des recettes. Le
stabilisateur « dépenses » repose quasi exclusivement sur le système
dindmenisation du chômage.
() Bien entendu, cette remarque ne prend pas en compte
leffet stabilisant des prestations « maximales » servies aux nouveaux
chômeurs entrant dans le système.
() Le « cycle de productivité » résulte de
ce que les effetifs des entreprises ne sajustent que progressivement aux
fluctuations delactivité. Ainsi, en phase de reprise, la production augmente alors
que les effectifs ne suivent pas : la productivité augmente. Au sontraire, en phase
de dépression, les effectifs restent stables quelque temps avant que lentreprise ne
les adapte à ses conditions dégradées de procution : la productivité diminue.
() Même si, au demeurant, on prévoit un
« choc » sur les dépenses de pension à partir de 2005 environ.
() Rappelons que, dans son rapport sur
« lexécution budgétaire et la programmation au ministère de la
Défense », la Cour des comptes estimait à 233 milliards de francs le stock
des AP « dormantes » en 1995.
() P.-A. MUET, Déficit de croissance en Europe et
défaut de coordination : une analyse rétrospective, in Coordination
européenne des politiques économiques, rapport du Conseil danalyse économique,
p. 13 et s., 1998. Elie COHEN, intervention lors du colloque international
« lEurope après leuro : stratégies pour la croissance et
lemploi », p. 17 et s., 1997, DIAN 5/98.
() Patrick ARTUS, « Débrider la politique
budgétaire européenne », in Sociétal, février 1998.
() Règlement [CE] n° 1466/97 du Conseil.
() Voir sur ce point la première partie, pages 72 et
suivantes.
() P. Jacquet, « LUnion monétaire et la
coordination des politiques macro-économiques », rapport précité du Conseil
danalyse économique, p. 37.
() Résolution du Conseil européen (n° 98/C
35/01) du 13 décembre 1997.
() Les déterminants de la politique fiscale,
Perspectives économiques de lOCDE, juin 1998, p. 187.
() Concurrence fiscale dommageable - Un problème
mondial, Ed. de lOCDE, 1998.
() Vers une fiscalité européenne, ouvrage
collectif, p. 83, édition Economica, 1991.
() Impôts directs et politique fiscale européenne,
A. Gaudillat et E. Rimbaux, in Revue déconomie politique, mars-avril 1997.
() Guy Gest, Réforme fiscale - Les contraintes
dorigine communautaire en matière de fiscalité directe, RFFP n° 60,
novembre 1997.
() COM (1998) 67 final du 4 mars 1998/Document E 1042.
() COM (98) 295 final du 20 mai 1998/ Document E 1105.
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