TOME II
SOMMAIRE DES AUDITIONS
LES TEMOIGNAGES DES EXPERTS

Les témoignages sur la notion de groupe

Messieurs Michel HEBERT, Directeur des statistiques d'entreprises à la direction générale de l'Institut National de la Statistique et des Études Économiques (INSEE) et Vincent THOLLON-POMMEROL, Chef de division de la synthèse des statistiques d'entreprises (12 janvier 1999).

Avertissement

Conformément aux alinéas 1er et 3 de l'article 142 du règlement de l'Assemblée nationale qui disposent que « les personnes entendues par une commission d'enquête sont admises à prendre connaissance du compte-rendu de leur audition », (les intéressés ayant la faculté de produire des observations par écrit), toutes les personnalités entendues ont été invitées à faire part des observations éventuelles que pouvait appeler de leur part le procès-verbal de leur audition.
Certaines n'ayant pas cru devoir donner suite à cette invitation, la Commission a été amenée à considérer que leur silence valait approbation et le procès-verbal les concernant est publié dans le texte qui leur a été soumis.
En outre, un certain nombre de personnalités ont eu l'obligeance de transmettre à la Commission divers documents, soit avant, soit à l'issue de leur audition. Le volume de ces dépôts ou de ces envois est tel qu'il a été matériellement impossible de les reproduire au sein du présent rapport qui s'en tient strictement aux procès-verbaux des auditions.
Seul le relevé des aides reçues par le groupe Moulinex, tel qu'il a été fourni par sa direction, fait exception dans la mesure où ce relevé constitue une information essentielle à la réflexion de la commission d'enquête, celle-ci regrettant que les autres groupes n'aient pu fournir les mêmes renseignements avec autant de précision.

Le témoignage de l'I.N.S.E.E. et l'approche statistique

Audition de MM. Michel HEBERT,
Directeur des statistiques d'entrepriseset

Vincent THOLLON-POMMEROL,
Chef de division de la synthèse des statistiques d'entreprises

à la Direction générale de l'Institut National de la Statistique
et des Etudes Economiques (INSEE)

(extrait du procès-verbal de la séance du mardi 12 janvier 1999)

Présidence de M. Alain FABRE-PUJOL, Président

MM. Michel Hébert et Vincent Thollon-Pommerol sont introduits.

M. le Président leur rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d'enquête leur ont été communiquées. A l'invitation du Président, MM. Michel Hébert et Vincent Thollon-Pommerol prêtent serment.

M. Michel HEBERT : Je souhaite commencer mon propos par un point de méthodologie. La difficulté lorsque l'on parle de groupes tient au fait que ce ne sont pas des personnes morales et que cette entité ne peut donc pas intervenir en justice ou être mise en défaillance. Il s'agit donc d'une structure que l'on rencontre relativement rarement en droit. La difficulté la plus importante à laquelle on se trouve ensuite confronté est liée à la diversité des contours et du périmètre de définition.

Sans être exhaustif, je peux citer trois exemples.

En droit fiscal, le fisc ne s'intéresse qu'à l'entreprise, la seule dérogation possible étant l'ajout à une entreprise mère d'une filiale détenue à plus de 95 % et installée sur le territoire national.

Le droit social, en revanche, s'intéresse aux comités de groupes et définit un périmètre que je qualifierai d'élastique : pour appartenir aux comités de groupes, il faut que les entreprises appartiennent directement à ce que l'on pourrait appeler le groupe au sens du « noyau dur » - la société mère et l'ensemble de ses filiales - mais peuvent aussi en faire partie les autres entreprises dont le groupe au sens du « noyau dur » détient au moins 10 % des actions et qui ont des liens économiques très forts (administrateurs communs, flux commerciaux permanents très substantiels). Dans le dernier cas, il appartient aux comités d'entreprise des entreprises qui n'appartiennent pas au « noyau dur » d'indiquer qu'ils souhaitent lui appartenir. L'entreprise « mère » peut ensuite accepter ou refuser, ce refus étant placé sous le contrôle du juge.

On constate donc que le périmètre du groupe ainsi défini a une certaine élasticité, puisqu'en-dehors du « noyau dur » un certain nombre d'agrégats peuvent venir se superposer sans qu'il y ait d'obligation ni de part, ni d'autre.

J'ajoute qu'il existe aussi des comités de groupes européens qui, en application d'une directive communautaire, ont la même définition que les comités de groupes français mais avec des périmètres différents.

En matière de droit comptable, enfin, la France applique la septième directive européenne sur le droit des sociétés de 1983, qui définit le périmètre du groupe en distinguant trois éléments tout-à-fait différents : d'une part la maison-mère et ses filiales détenues à 50 %, qui sont incluses dans la consolidation opérée pour la présentation des bilans ; d'autre part, les entreprises soumises à un contrôle conjoint - contrôle conjoint de deux entreprises (dans le cas d'une « joint venture »), de quelques entreprises dont le nombre dépasse rarement quatre ou encore de plusieurs entreprises qui détiennent une part notable du capital sans qu'aucune ait strictement la majorité. Dans ce dernier cas, on agrège, pour les consolidations, les entreprises qui sont détenues partiellement par le groupe au prorata de leur taux d'appartenance à l'ensemble du noyau dur . C'est ainsi que pour les joint ventures, on ajoute 50 % de la partie de l'entreprise pour faire la consolidation.

Il s'y rajoute, pour certaines variables, un ensemble de données relatives aux entreprises dont les membres du noyau dur possèdent au moins 20 %. La consolidation se fait alors sur certaines variables du bilan uniquement.

Ces exemples démontrent clairement que le droit fiscal, le droit social et le droit comptable, aboutissent à des périmètres tout-à-fait différents : français dans le premier cas, franco-européen dans le deuxième et mondial dans le troisième cas.

En matière statistique, il existe un règlement européen qui remonte au 15 mars 1993 et a défini l'ensemble des unités statistiques que l'ensemble des statisticiens de l'Union peuvent utiliser.

Huit unités ont été ainsi définies, dont le groupe au sens statistique qui se rapproche assez étroitement du groupe au sens de la comptabilité évoqué dans la septième directive. Toutefois, comme nous sommes tenus d'avoir un certain nombre d'éléments qui sont en partie au moins sommables (effectifs, valeur ajoutée etc.), nous ne retenons que le « noyau dur », (entreprise mère et filiales détenues à plus de 50 %) pour définir le contour du groupe au sens statistique.

A partir de cette définition, l'INSEE dispose d'un premier instrument qui est également le plus important : l'enquête dite « liaisons financières » (LIFI), effectuée tous les ans. Celle-ci est menée auprès des entreprises qui détiennent un certain portefeuille de titres repérés par le canal des bénéfices industriels et commerciaux qui sont transmis par la direction générale des impôts, auxquelles nous ajoutons les entreprises de plus de 500 salariés, les entreprises affichant un certain seuil de chiffre d'affaires, les entreprises têtes de groupes repérées les années antérieures. Nous interrogeons l'ensemble de ces entreprises pour savoir à la fois quelles sont les sociétés actionnaires et quelles sont leurs filiales.

L'ensemble des informations, une fois recueilli, l'INSEE peut retrouver le contour des groupes eux-mêmes. Ces contours doivent être reconstitués car très souvent la détention par l'entreprise mère d'une filiale de rang 5 ou 6 peut passer par plusieurs canaux et la détention à plus de 50 % peut être faite par la somme de détentions à 15 %, 30 %, 10 % etc.

L'enquête LIFI ne donne que ces indications de contour des groupes. Dès lors que l'INSEE souhaite obtenir une information plus complète sur les groupes, elle doit faire un rapprochement entre l'ensemble des données détenues sur les entreprises (données d'origine fiscale ou données d'origine statistique obtenues par enquête auprès des entreprises) en utilisant le numéro SIRENE, qui existe pour l'ensemble des entreprises et figure maintenant dans toutes les sources administratives et les enquêtes de l'INSEE (notamment dans l'enquête « liaisons financières »).

Cette enquête LIFI existe, depuis 1980. En 1985, elle a été dédoublée car le Gouvernement de l'époque, se rendant compte qu'il manquait d'informations sur tout le secteur public, a publié un décret en 1984 instituant le RECME - Répertoire des entreprises contrôlées majoritairement par l'État.

En fait, le RECME qui a été confié à l'INSEE, correspond à la partie relative au secteur public de l'enquête « liaisons financières » : il a exactement le même objet à cette différence notable que si l'enquête « liaisons financières » est couverte par le secret statistique défini par la loi du 7 juin 1951 qui régit l'ensemble de nos travaux, la partie RECME sur le secteur public est au contraire publique.

L'INSEE dispose par ailleurs de deux autres sources d'informations tout à fait importantes.

Le Trésor nous fournit les déclarations remplies par les entreprises étrangères qui veulent effectuer des investissements en France. Jusqu'à ces dernières années, pour pouvoir réaliser un investissement étranger en France, il fallait demander une autorisation préalable à la direction du Trésor. Cette autorisation préalable a été supprimée mais les entreprises doivent, à la place, remplir une déclaration précisant la nature de l'investissement (création ex nihilo ou prise de participations). Ces informations sont traitées de la même manière que la partie de l'enquête « liaisons financières » menée auprès des groupes privés français ou la partie du RECME auprès des entreprises du secteur public français.

La DREE - Direction des relations économiques extérieures - effectue quant à elle, une fois par an, un recensement de l'ensemble des filiales françaises à l'étranger, par le canal des postes d'expansion économique, en s'efforçant de regarder, non seulement les filiales de premier rang mais aussi les filiales de rang inférieur afin d'obtenir le maximum d'informations.

Pour en terminer avec ces réflexions de méthode, je voudrais rappeler qu'il existe d'autres formes de relations entre entreprises que les relations de type « groupes ». Je distinguerai deux autres formes d'organisation des relations qui se situent à l'opposé l'une de l'autre.

La première se rencontre notamment lorsqu'une entreprise veut se démembrer : c'est l'entreprise complexe dont Renault constitue un bon exemple. Cette entreprise, qui a gardé l'ensemble des contrats de travail de ses personnels, ne construit en effet plus de voiture depuis un an. Elle a filialisé l'ensemble de ses établissements de production, lesquels sont devenus des entreprises à part entière détenant les locaux et les machines, mais n'ayant pas de personnel. C'est ainsi que Renault compte cinq filiales « en râteau ». Il existe un autre exemple de même nature puisque Auchan est en train de se dédoubler : l'entreprise conserve le personnel mais transfère à une autre entreprise qui s'appelle Samadoc l'ensemble de ses magasins. En conséquence, Samadoc possède les murs, les mètres carrés, les rayonnages et la marchandise, sans avoir de personnel. Il est difficile de prévoir la date à laquelle l'opération qui est en train de se dérouler prendra fin ; dans le cas de Renault, elle s'est étalée sur deux ans.

A l'opposé de cette notion d'entreprise complexe, on trouve la notion de réseaux. Dans des conventions qui lient les entreprises entre elles. Il existe des réseaux de tous types. D'une part, les réseaux qu'on pourrait appeler « descendants » qui correspondent au système de la franchise. L'exemple-type est celui du système complexe des entreprises Leclerc, composé d'une petite entreprise mère et d'une grande quantité de franchisés, les relations entre celle-ci et celles-là n'étant régies que par des conventions. D'autre part, les réseaux qui sont plutôt de type « ascendant » puisqu'ils reposent sur la création par un ensemble d'entreprises d'une centrale d'achats commune.

A côté du groupe, peuvent donc se tisser d'autres formes de liaisons entre entreprises, et que peuvent se jumeler plusieurs formes. Je n'en prendrai qu'un exemple : celui de la location de voitures. En effet, si Avis est essentiellement un groupe, Europcar comprend une entreprise principale et des franchisés et Hertz est organisé selon une formule mixte qui comprend une partie groupe et une partie franchisée. Toutes les solutions sont donc possibles et peuvent coexister, ce qui complique énormément l'approche des entreprises considérées.

Le graphique ci-dessous montre que de 1980 à 1996, le nombre des groupes a véritablement explosé, puisqu'il est passé de 1 300 à environ 7 800 groupes. En fait, cette explosion est due essentiellement aux microgroupes, c'est-à-dire ceux qui comprennent moins de 500 salariés et qui se comportent donc plutôt comme des PME (les petits groupes employant quant à eux de 500 à 2 000 salariés, les groupes moyens de 2 000 salariés à 10 000 et les grands groupes étant ceux qui emploient de plus de dix mille salariés).

graphique

Source : INSEE (enquête LIFI)

08/01/1999

Le nombre des grands groupes est resté, en dépit de quelques fluctuations, très stable sur la période, oscillant entre 80 et 100.

En conséquence, lorsque l'on parle de l'évolution du nombre des groupes, il faut garder présent à l'esprit que le phénomène de croissance que l'on mesure concerne essentiellement des entreprises de taille moyenne.

Une deuxième évolution importante est celle de la place croissante des grand groupes sur le plan économique. Si on observe la période de 1990 à nos jours, on constate que la quasi-totalité des entreprises de 500 salariés et plus, les deux tiers des entreprises de 200 à 500 salariés, environ la moitié des entreprises de 100 à 200 salariés et 20 % des entreprises de 20 à 100 salariés appartiennent à des groupes, soit près de la moitié des effectifs salariés totaux en France (industrie, commerce et services). Si nous nous reportons dix ans en arrière, nous trouvons un chiffre qui était plutôt de l'ordre de 40 % avec simplement 85 % des entreprises de plus de 500 salariés, environ la moitié de celles de 200 à 500 salariés, le quart des entreprises de 100 à 200 et 10 % des entreprises de 20 à 100 salariés qui appartenaient à un groupe.

Il est donc clair que simultanément à ce phénomène d'explosion du nombre de groupes indiqués précédemment, il se produit un phénomène de concentration des entreprises au sein des groupes, de sorte que ceux-ci prennent une position de plus en plus importante dans l'économie.

Si l'on se rapporte maintenant au tableau ci-après, on voit, pour l'année 1996, que le poids des groupes est de l'ordre de 49,6 % des effectifs, 70 % de la valeur ajoutée, 84 % de l'excédent brut d'exploitation et de 73,3 % des immobilisations corporelles (c'est-à-dire les investissements de type matériel).

Poids des groupes par rapport à l'ensemble du système productif

 

1986

1987

1988 *

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Nombre de groupes

1 816

1 876

 

2 383

2 615

2 826

2 360

4 922

6 291

6 673

7 771

Effectifs

39,9

39,0

39,4

39,7

40,0

44,1

45,1

46,5

48,2

48,9

49,6

Vabef

42,8

46,2

48,4

50,4

48,6

54,0

56,6

60,7

61,4

65,5

70,0

EBE

37,8

46,9

54,2

61,6

54,0

60,9

64,7

71,8

72,7

78,7

84,0

Immo, Corporelles

53,4

60,6

61,2

61,6

63,2

70,2

69,8

70,0

72,5

72,3

73,3

Source : Insee, enquête LIFI, SUSE (champ limité aux BIC) * interpolation car données non disponibles

dont micro groupes

 

1986

1987

1988*

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Nombre de micro groupes

892

892

 

1 230

1 490

1 628

2 586

3 635

4 925

5 271

6 343

Effectifs

1,4

1,4

1,6

1,9

2,0

2,1

3,1

4,1

5,1

5,1

5,1

Valef

1,8

1,8

2,4

2,9

2,6

2,9

3,4

4,3

5,1

5,1

5,1

EBE

2,2

2,2

3,7

5,0

2,5

3,7

3,2

3,8

5,4

3,9

3,5

Immo, corporelles

1,6

1,6

1,9

2,1

2,1

2,9

3,1

4,1

6,0

6,0

7,0

Source : Insee, enquête LIFI, SUSE (champ limité aux BIC) * interpolation car données non disponibles

08/01/1999

Cela montre à la fois le poids extrêmement élevé des groupes et l'intensité capitalistique qui les caractérise puisqu'avec la moitié des effectifs, ils détiennent près des trois quarts des investissements.

Si l'on étudie maintenant le début de la période, on mesure l'ampleur de l'évolution : dix ans plus tôt, les chiffres se situaient à 40 % des effectifs et environ 60 % des investissements. Ces chiffres illustrent bien la formidable croissance des groupes.

On mesure à la lecture du tableau suivant l'importance des microgroupes, ce qui permet de relativiser le propos. Si leur poids dans l'économie n'est pas négligeable (un peu plus de 5 % des effectifs et de 7 % des investissements), il n'est tout de même pas considérable puisqu'il représente moins du tiers de l'évolution de l'ensemble des groupes sur la période.

Il faut toutefois préciser que le champ couvert par les deux tableaux précédents est limité au domaine des entreprises soumises aux bénéfices industriels et commerciaux. Les données figurant sur cette page ne sont donc pas parfaitement cohérentes avec les autres puisque les données portant sur la valeur ajoutée, l'excédent brut d'exploitation, les investissements etc, ne sont pas disponibles si l'entreprise est placée sous le régime du forfait. En conséquence, les chiffres précédents surreprésentent légèrement les groupes.

Dans le tableau ci-dessous, si l'on s'arrête à l'ensemble des secteurs marchands non agricoles, on s'aperçoit que l'ensemble des entreprises indépendantes représentent 54 % des effectifs, soit 46 % pour les groupes. Le tableau précédent faisant état de 49,6 %, ces informations mettent en lumière le phénomène de surreprésentation auquel il a été fait allusion et qui reste marginal.

Poids du contrôle des groupes dans differents secteurs d'activité
au 01/01/1995 selon les déclarations au trésor et selon l'enquête
« liaisons financières » (effectifs salariés en équivalent temps plein)

Secteur d'activité emprise des groupes au 01.01.95

Industrie

Construc-tion

Commerce

Finance

Services aux entreprises

Autres services marchands

Autres (1)

Tous secteurs marchands non agricoles

Entreprises indépendantes

1 424 700

41,0

945 400

75,1

1 845 300

67,6

181 200

25,4

1 022 800

54,8

727 700

77,9

789 300

42,5

6 936 400

54,0

Groupes étrangers

654 900

18,8

15 100

1,2

220 800

8,1

36 800

5,3

92 700

4,9

39 300

4,2

106 600

5,7

1 166 200

9,1

Groupes privés français

1 072 400

30,8

296 600

23,6

655 900

24,0

376 400

52,8

426 600

22,9

148 300

15,9

439 100

23,7

3 415 300

26,6

Groupes publics français

330 300

9,5

1 100

0,1

9 100

0,3

119 100

16,7

324 200

17,4

19 100

2,0

519 900

28,0

1 322 800

10,3

Effectif salarié total

3 482 300

100,0

1 258 200

100,0

2 731 100

100,0

713 400

100,0

1 866 300

100,0

934 300

100,0

1 855 100

100,0

12 840 700

100,0

Source : Insee - Trésor (1) dont IAA, Energie et Transports

Lecture : 1 424 700 salariés sont employés par des entreprises qui ne sont pas contrôlées par des groupes et dont l'activité principale est industrielle. Ils représentent 41,0 % des salariés de l'industrie.

Les groupes représentent donc 46 % des effectifs, 26,6 % correspondant aux groupes privés français (ligne 3), les groupes publics français représentant quant à eux un peu plus de 10 % et les groupes étrangers (c'est-à-dire ayant leur tête de groupe hors du territoire national) un peu moins de 10 % (9,1%).

Pour résumer, 55% des effectifs sont dans des entreprises indépendantes, 25 % dans des groupes français privés, 10 % dans les groupes publics français et 10 % dans des groupes étrangers.

L'étude des colonnes fait apparaître que le domaine de la finance (banques, assurances et intermédiaires financières) compte peu de personnes travaillant dans les entreprises indépendantes. La part des groupes y est tout à fait prédominante puisqu'elle atteint près de 75 %.

Pour ce qui concerne l'industrie, une très forte partie des effectifs se retrouve également là aussi dans les groupes (environ 60 % contre 40 % dans les entreprises indépendantes) ; la part des groupes étrangers étant tout à fait considérable (18,8 % des effectifs).

Il est un autre domaine très fortement concerné par les groupes, celui des services aux entreprises : 54,8 % des effectifs travaillent dans des entreprises indépendantes contre 45 % dans les groupes.

En matière de commerce, la deuxième ligne du tableau fait apparaître que les groupes étrangers occupent dans ce secteur une position extrêmement forte avec 8 % des effectifs. C'est le seul secteur, mise à part l'industrie, où l'on enregistre une telle pénétration étrangère.

La colonne « Autres » couvre le solde représenté par les autres secteurs (énergie, transports, industries agricoles et alimentaires, immobilier et autres activités). Le fait qu'il comprenne aussi bien l'énergie que les transports suffit à expliquer le poids du secteur public et les 28 % qui figurent à la quatrième ligne.

J'en arrive maintenant au troisième point de mon exposé, consacré aux implantations françaises à l'étranger, aux implantations étrangères en France et au commerce extérieur.

Les motifs d'implantation sont liés à deux raisons principales.

La raison ancienne était essentiellement d'aller s'installer dans un pays étranger pour acquérir plus facilement les matières premières qui s'y trouvaient. C'est une raison qui a encore cours actuellement pour un certain nombre de filiales françaises établies à l'étranger dans le secteur des biens intermédiaires.

La raison plus récente est de s'implanter pour conquérir un marché. Le processus est le suivant : quand on veut conquérir un marché, on fait d'abord du commerce avec l'étranger, puis on réalise une implantation commerciale soit en créant une filiale ex nihilo, soit en achetant un réseau commercial pour disposer ainsi de tout un système de distribution à l'intérieur du pays, ce qui constitue un moyen pour beaucoup mieux connaître les besoins, les goûts et les préférences des habitants dudit pays (voire des pays limitrophes). Dans une troisième étape, on créé un réseau industriel de fabrication dans le pays.

Si on regarde les implantations étrangères en France (les chiffres du tableau précédent totalisent 1 150 000 personnes en équivalent temps plein), le flux 1997 serait, d'après les informations fournies par la Banque de France, de l'ordre de 120 milliards de francs. Or, il convient de bien voir que les implantations étrangères dans l'ensemble des pays du monde sont aujourd'hui essentiellement le fait d'entreprises appartenant à un pays de l'OCDE (93 %).

La France n'échappe pas à la règle puisque, parmi les cinq premiers pays qui sont implantés en France et à eux seuls représentent 80 % des entreprises implantées et 80 % de leurs effectifs, on trouve en premier lieu (par le nombre) les Pays-Bas, suivis par le Royaume-Uni, les États-Unis , l'Allemagne et la Suisse. Du point de vue des effectifs, nous retrouvons à peu près le même ordre, à cette différence près que les États-Unis passent nettement en tête.

Au nombre des secteurs fortement pénétrés, il faut signaler d'une part dans l'industrie, au sein des biens d'équipement, l'informatique, le machinisme agricole et le matériel de travaux publics, mais aussi la chimie et la parachimie ainsi naturellement que les hydrocarbures et d'autre part le commerce.

M. le Président : Je relève l'absence des pays asiatiques dans la liste que vous venez de dresser.

M. Michel HEBERT : Le Japon est pratiquement le seul pays asiatique à avoir des implantations en France. Quand je parlais des pays de l'OCDE, je pensais à l'ensemble des pays européens ainsi qu'aux États-Unis et au Japon.

Pour le reste, c'est-à-dire les nouveaux dragons - qu'il s'agisse de la Corée, de Hongkong ou des autres - leurs implantations restent marginales.

M. Michel HEBERT : Je vous invite maintenant à nous intéresser aux entreprises françaises à l'étranger et à prendre conjointement les deux tableaux suivants en vous priant par avance de bien noter que, sur le second tableau, la dernière ligne des effectifs est calculée en milliers de personnes contrairement à toutes les autres qui le sont en pourcentage.

Implantations françaises à l'étranger

(au 1er janvier 1996)

Ensemble des pays

PAYS INDUSTRIALISES

Union européenne

Europe hors UE

Hors Europe

AUTRES PAYS

PECO + ex URSS

Afrique du nord

Afrique sub saharienne

Amérique latine

Asie en dév. rapide

Reste de l'Asie

Moyen orient

Autres pays

Filiales

Effectifs

 

Nombre

%

Milliers

%

 

15 788

9147

6 007

541

2 599

6 641

1 641

782

1 208

740

1 527

413

324

6

100,0

57,9

38,0

3,4

16,5

42,1

10,4

5,0

7,7

4,7

9,7

2,6

2,1

0,0

2 548

1 647

1 133

52

462

901

111

103

247

243

133

38

24

2

100,0

64,7

44,5

2,1

18,1

35,3

4,4

4,0

9,7

9,5

5,2

1,5

1,0

0,1

      Source : DREE - Enquête filiale 1996

08/01/1999

L'implantation des groupes français, allemands et américains en 1992

Zones géographiques et pays

Répartition des effectifs à l'étranger des groupes

 

Français

Allemands

Américains

OCDE

70,1

70,3

68,1

Union européenne (UE)

44,7

35,1

40,0

dont France

///

9,2

6,4

Royaume-Uni

10,4

6,0

13,9

Allemagne

10,1

///

8,9

Espagne

9,1

5,9

2,3

Belgique-Luxembourg

6,5

4,1

1,8

Italie

5,2

3,6

3,0

Europe hors UE

4,5

11,6

3,1

OCDE hors Europe

20,9

23,6

25,0

dont Etats-Unis

16,5

20,0

///

Canada

2,2

1,5

13,2

    Japon

0,7

1,3

6,0

Pays en développement

29,9

29,7

31,9

Maghreb

3,8

]

]

dont Maroc

2,6

]

]

Afrique hors Maghreb

9,4

] 4,2

] 1,8

dont Côte d'Ivoire

2,0

]

]

Amérique du Sud

9,2

15,2

19,4

dont Brésil

4,9

10,4

5,7

Mexique

1,0

2,6

8,4

Asie et Océanie

6,1

7,7

10,4

dont Chine, ASEAN, NPI

3,8

4,0

8,8

Europe de l'Est

1,4

2,6

0,3

Monde

2 310

2 375

6 898

Sources : Recensement des implantations françaises à l'étranger, DREE (France), Bundesbank (Allemagne) et Survey of Current Business (Etats-Unis)

08/01/1999

De l'observation de ces deux tableaux il ressort d'abord que l'ensemble des gens recensés par le DREE - les chiffres peut-être légèrement surévalués - est de l'ordre de 2,5 millions de personnes sur l'ensemble du monde, dont 900 000 se trouvent hors des pays de l'OCDE et 1,6 million dans l'ensemble des pays industrialisés (OCDE au sens de 1993). Sur ces 1,6 millions de personnes, 1,1 million se trouve dans l'Union européenne et 462 000 hors d'Europe.

On constate que cinq pays regroupent à eux seuls la moitié des effectifs des implantations françaises à l'étranger : les États-Unis , qui viennent en tête de très loin (462 000) suivis par le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Espagne et la Belgique. Il faut par ailleurs souligner l'importance des PECO (pays d'Europe centrale et orientale), qui atteignent 4,4 % du total des effectifs contre 1,4 % en 1992 (second tableau). On enregistre donc actuellement une montée très forte des implantations françaises à l'étranger en direction des PECO.

Ceci constitue un point important à noter, car les implantations d'un pays dans un autre sont des phénomènes structurels qui varient assez peu dans le temps : même si les volumes ne cessent de gonfler, les situations relatives restent, quant à elles, du même ordre.

Le second tableau fait référence aux implantations françaises, allemandes et américaines de 1992, date à laquelle une étude a été menée conjointement par la DREE en France, la Bundesbank en Allemagne et par le Département du commerce aux États-Unis . On constate que les implantations étrangères effectuées par les trois pays sont de nature très similaire. En bas du tableau, on trouve les effectifs des entreprises sous contrôle desdits pays qui correspondent bien aux tailles respectives de ces marchés (2,3 millions de personnes en France, 2,4 millions en Allemagne, 6,9 millions aux États-Unis ). A chaque fois, environ 70 % des effectifs sont situés dans les pays de l'OCDE et environ 40  % dans l'Union européenne (44,7 % pour la France, 35,1 % pour l'Allemagne et 40 % pour les États-Unis ).

Il est intéressant de souligner que l'on retrouve des chiffres très similaires concernant les trois pays, pour l'ensemble de l'OCDE ainsi que pour l'Union Européenne. Aux implantations françaises et allemandes aux États-Unis qui sont respectivement de 16,5 et 20,0 % correspondant pour les USA, 13,2 % d'implantations au Canada, et 6 % d'implantations au Japon. Ce parallélisme explique que nous ayons des implantations étrangères aux structures globalement identiques, le Canada et le Japon remplaçant pour les États-Unis ce que sont les États-Unis pour la France et l'Allemagne.

Sur la base de l'étude conjointe des tableaux ci-dessous, je vous propose d'examiner maintenant la place des groupes français, des groupes étrangers et des entreprises indépendantes dans le commerce extérieur.

Soldes commerciaux par catégories d'entreprises et zones géographiques
en 1996 (données provisoires)

(en milliards de francs courants)

Pays-Zones

Groupes français

Groupes étrangers

Entreprises indépendantes

Toutes entreprises

Europe

175,9

- 70,6

- 79,1

26,2

dont Allemagne

40,8

- 36,4

- 10,7

- 6,3

Autres pays

135,1

- 34,2

- 68,4

32,5

États-Unis

12,6

- 19,1

- 17,8

- 24,3

Asie (y c. Japon)

32,0

- 25,1

- 29,6

- 22,7

dont Japon

6,2

- 19,5

- 7,4

- 20,4

Reste du Monde

78,6

26,7

9,4

114,7

Afrique

21,4

11,3

13,7

46,4

Proche et Moyen-Orient, Turquie

22,4

9,2

4,0

35,6

Amérique latine

9,5

2,8

- 3,9

8,4

Europe de l'Est (y c. ex-URSS)

10,2

4,1

- 0,5

13,8

Autres pays

15,1

- 0,7

- 3,9

10,5

Tous pays

299,1

- 88,1

- 117,1

93,9

Champ produits des IAA et de l'industrie manufacturière, hors matériel militaire (en NAF ceci ne comprend ni les produits énergétiques, ni les produits agricoles).

Source : Douane, Insee (enquête LIFI).

08/01/1999

Poids des flux commerciaux par types d'entreprises et zones géographiques en 1996 (données provisoires)

(en %)

Pays-Zones

Groupes français

Groupes étrangers

Entreprises indépendantes

Toutes entreprises

Europe

64,9

72,4

70,2

68,8

États-Unis

7,6

8,3

6,2

7,4

Asie

9,8

10,1

10,8

10,1

Reste du Monde

17,7

9,2

12,8

13,7

Tous pays

100,0

100,0

100,0

100,0

Poids des flux en % : (Exports + Imports de la catégorie d'entreprises avec la zone)/(Exports + Imports totaux de la catégorie d'entreprises).

Champ : produits des IAA et de l'industrie manufacturière, hors matériel militaire (en NAP ceci ne comprend ni les produits énergétiques, ni les produits agricoles).

Source : Douane, Insee (enquête LIFI).

08/01/1999

Il est tout d'abord important de remarquer que les groupes français sont systématiquement bénéficiaires. Ils sont bénéficiaires sur l'Europe, sur les États-Unis et le Japon ainsi que sur le reste du monde. A contrario, si vous prenez les groupes étrangers, vous pouvez constater que sur l'ensemble des pays développés, ils sont déficitaires : point assez logique puisque cela correspond aux implantations de ces mêmes pays qui font du commerce avec nous et ont eux tout intérêt à venir produire sur le territoire national tout comme nous le faisons chez eux. Sur le reste du monde, on constate que la France sert de base de relais, puisque sa position est globalement bénéficiaire.

L'étude de la troisième colonne débouche sur des résultats moins attendus : elle fait apparaître qu'au nombre des entreprises indépendantes qui n'appartiennent pas à un groupe, on trouve des entreprises très largement déficitaires avec l'Europe, les États-Unis , et le Japon mais qui, avec le reste du monde, sont tantôt déficitaires, tantôt bénéficiaires. Cela ne signifie pas forcément que la politique des groupes amène à avoir systématiquement toutes les exportations bénéficiaires et qu'au contraire les entreprises indépendantes importent systématiquement vers la France : on peut avoir des systèmes de relais où des entreprises indépendantes importent pour le compte des groupes et revendent ensuite aux groupes. Le phénomène mériterait donc une analyse plus poussée.

Le dernier tableau reporte l'ensemble des flux par région du monde. On y voit, qu'il s'agisse de groupes français, de groupes étrangers ou d'entreprises indépendantes, que le pourcentage est à peu près le même quelle que soit la zone. Il tourne aux alentours de 65 % à 70 % des flux vers les autres pays européens, de 7,5 % vers les États-Unis , de 10 % vers l'Asie (y compris le Japon) et de plus de 10 % vers le reste du monde.

Si on examine maintenant les évolutions de 1997 par rapport à 1996, on s'aperçoit que le solde vers l'Europe continue à progresser mais qu'en revanche, le déficit du côté des États-Unis et du Japon, reste quasiment stable avec en gros ( 25 milliards de francs vers les États-Unis et 20 milliards de francs vers le Japon).

Je voudrais enfin souligner que le tiers des échanges s'effectue à l'intérieur des groupes, ce qui revient à dire qu'un tiers du commerce international de produits industrialisés se fait entre des filiales de groupes situées à l'intérieur et à l'extérieur du territoire national, ceci peut poser un problème dans la mesure où ces ventes ne se font pas forcément au prix du marché. Des lois ont bien sûr été promulguées pour essayer d'approcher au maximum le prix du marché - la première a été votée en Californie, une loi de 1996 a donné en France un pouvoir renforcé à la direction générale des impôts pour éviter que ces prix de transfert ne distordent trop les résultats des entreprises et que leurs bénéfices ne partent vers des endroits ou il ne serait pas souhaitable qu'ils aillent - mais néanmoins cet état de fait peut entraîner une zone d'incertitude.

Il me paraît important de signaler également que dans les relations intra-groupes, si les exportations proviennent essentiellement des entreprises industrielles, les importations passent, pour moitié environ, par le canal des réseaux commerciaux, l'autre moitié allant directement dans les entreprises industrielles. Il faut donc se méfier des rapprochements qui sont faits parfois de manière un peu hâtive où l'on compare les flux industriels, c'est-à-dire les exportations qui sont effectuées par les entreprises industrielles vers leurs filiales ou leur maison mère à l'étranger dans le domaine industriel et ce qui est fait dans l'autre sens. On introduit en effet un biais puisque, évidemment, la partie des réseaux commerciaux étrangers en France est tout-à-fait importante de même que la partie des systèmes commerciaux français à l'étranger dans la mesure où il s'agit d'un système miroir : si l'on regardait n'importe quel pays de l'OCDE, on observerait le même phénomène de l'autre côté.

La dernière partie de mon exposé traitera de l'implantation locale des groupes.

Une analyse globale donne une image assez confuse car on voit que les groupes sont surtout implantés sur la moitié nord de la France, au-dessus d'un axe Nantes-Grenoble, et autour des grandes agglomérations. Si l'on veut affiner l'analyse, il convient déjà d'enlever tout le système des réseaux financiers, des réseaux de transport et autres qui brouillent les perceptions puisqu'ils sont diffusés sur l'ensemble du territoire.

graphique

Si on étudie la carte ci-dessus, on trouve pour l'industrie manufacturière, le poids des groupes à l'intérieur de l'industrie. Ces derniers sont essentiellement implantés au sein de l'industrie dans la partie nord, et même nord-est, de la France avec un poids particulièrement lourd dans les régions de Haute-Normandie, de Lorraine et d'Alsace. Ce sont les secteurs des industries traditionnelles, qui ont une longue pratique de grandes entreprises et se sont progressivement transformées en groupes en conservant leur implantation d'origine, ce qui explique la disparité assez marquée nord-sud.

La deuxième carte illustre les implantations des groupes étrangers en France en matière industrielle. Il est assez curieux de constater qu'elle ne se superpose nullement avec la précédente puisqu'on remarque, excepté le poids très lourd de l'Alsace qui s'explique par la proximité avec l'Allemagne et une implantation assez forte des industriels d'outre-Rhin, une concentration d'implantations autour de l'Ile-de-France, notamment en Picardie, en Haute-Normandie et en région Centre. Une exception est assez surprenante : la Bretagne, qui bénéficie d'extrêmement peu d'implantations étrangères en matière industrielle.

graphique

La dernière carte concerne les services aux entreprises. L'étude des zones par bassins d'emplois révèle que les services aux entreprises, qui représentent l'un des secteurs les plus concernés par les groupes, sont extrêmement concentrés autour des grandes agglomérations (notamment celles de Toulouse et de Paris).

graphique

Ces cartes donnent des aperçus très différents de ceux que l'on pourrait obtenir si l'on avait une vision globale incluant tout ce qui est relatif aux systèmes de réseaux, industries et services puisque l'on voit très nettement que les implantations ne sont pas du tout situées à des endroits identiques.

Existe-t-il une correspondance entre la présence des groupes et le chômage ? Une première étude des cartes ne permet de faire ressortir aucune relation de façon évidente. On trouve, à côté de régions fortement irriguées par les groupes telles que le Nord et la Haute-Normandie qui souffrent d'un fort taux de chômage des régions avec de nombreux groupes comme l'Alsace ou l'Ile-de-France qui enregistrent un taux de chômage relativement faible par rapport aux autres ou encore des régions situées près de la façade méditerranéenne, où le chômage est très élevé et qui abritent très peu de groupes. Ce sont trois exemples qui prouvent qu'il n'existe aucune corrélation évidente.

M. le Rapporteur : L'INSEE a régulièrement produit un certain nombre de données mais d'autres organismes le font également. Ne serait-il pas possible d'envisager que toutes ces données soient croisées - vous avez évoqué précédemment des textes européens - de façon à arriver à un outil commun qui soit transversal et permette d'analyser, avec plus de clarté, les évolutions auxquelles vous faites référence ?

Ma deuxième question portera sur le fait que le troisième tableau s'arrête au premier janvier 1995, alors qu'à l'évidence, on a enregistré au cours des dernières années une accélération des différents processus. L'un des tableaux prouve de manière indéniable que ce phénomène, non seulement se poursuit mais s'amplifie. En conséquence, je vous demande s'il serait possible d'obtenir une actualisation des données concernant les années 1995, 1996, voire 1997 de manière à pouvoir travailler sur des éléments actualisés.

J'aimerais savoir si l'INSEE dispose de données financières, d'éléments sur le poids des groupes étrangers en France et des groupes français à l'étranger, sur les données financières et serait en mesure de nous dire, par exemple, quelle est la part des chiffres d'affaires réalisée par les différents groupes selon leur lieu d'implantation et si les aspects bénéficiaires que vous avez évoqués au cours de votre exposé se retrouvent également à ce niveau.

Quelles sont enfin les motivations juridiques, économiques ou fiscales qui président à la création d'une entreprise complexe ?

M. Michel HEBERT : En ce qui concerne votre question relative au croisement des données, l'enquête sur les liaisons financières n'est pas une enquête au sens classique du terme puisqu'elle permet simplement d'avoir une arborescence concernant les groupes. En conséquence, cette enquête est mise à la disposition, conformément aux règles du secret statistique, bien sûr, des services statistiques qui en ont besoin. Inversement, ces services nous fournissent des informations qui nous permettent de faire des croisements et je vous en donnerai très rapidement quelques exemples.

Je vous ai fourni des informations agrégées venant de la direction générale des impôts puisqu'il y avait des données de source fiscale. Si l'INSEE ne peut rien transmettre à la DGI, celle-ci en revanche lui fournit des informations ainsi que la direction du Trésor. Nous transmettons les résultats de notre enquête sur les liaisons financières au service statistique du ministère de l'industrie qui les exploite pour son propre compte, de même qu'au service statistique du ministère de la recherche, ce qui permet de croiser les données avec les résultats des enquêtes directes.

En matière de statistiques de commerce extérieur, le fichier INSEE est transmis au bureau statistique de la DREE et celle-ci exploite le croisement de l'enquête LIFI avec les données venant des douanes, ce qui permet d'effectuer un appariement et d'obtenir les résultats transmis.

Je préfère laisser le soin à la Banque de France de répondre aux questions relevant du domaine strictement financier.

Pour ce qui est du deuxième point qui concerne la date de disponibilité des résultats, il faut rappeler que nous sommes tributaires des entreprises puisque nous les interrogeons pour obtenir l'information. Actuellement, nous sommes en train de boucler l'enquête sur 1997 lancée au mois de juin 1998. Puisqu'il faut que les entreprises détiennent les informations, nous les avons interrogées en juin 1998 et nous devrions obtenir les informations relatives à 1997 assez prochainement. Ensuite, il nous faut procéder aux croisements entre les données que nous avons par ailleurs et celles de l'enquête LIFI. Si la transmission des données relatives à 1995-1996 ne pose donc pas de problème particulier, les chiffres pour 1997 ne devraient pas être disponibles avant la fin des travaux de la commission.

L'INSEE dispose de données sur les investissements étrangers en France, qui peuvent être affinées par rapport aux tableaux existants puisque l'INSEE peut reprendre les résultats de l'enquête LIFI relatifs aux implantations étrangères en France et les enrichir par les informations fournies par le Trésor. Il est donc possible de parvenir des exploitations tout à fait similaires, à partir des données fournies par le fisc, sous les mêmes contraintes de date que précédemment.

En ce qui concerne les investissements français à l'étranger, en revanche, l'INSEE n'intervient pas puisque c'est la DREE qui interroge les postes d'expansion économique à l'étranger.

M. Vincent THOLLON-POMMEROL : La DREE recense trois variables d'intérêt économique sur les filiales françaises à l'étranger : l'effectif salarié, le chiffre d'affaires et l'activité. Mais de son propre point de vue, seule la qualité de l'effectif salarié permet des exploitations statistiques valables. Au niveau de l'activité, la DREE se contente d'une grande division entre production, service et commerce dans ses publications, estimant que les résultats ne seront pas fiables à un niveau plus détaillé de la nomenclature et que, concernant le chiffre d'affaires, la collecte d'informations de base n'est pas susceptible de permettre des publications.

M. Michel HEBERT : Je ne détiens pas la réponse à votre quatrième question : pourquoi les entreprises comme Renault ou Auchan sont en train de se composer ? Je ne pense pas que ce soit pour des raisons d'ordre social puisqu'elles conservent tous les effectifs de l'entreprise initiale. Si ce sont des raisons d'ordre fiscal, il faudrait les demander soit aux services concernés de l'administration, soit aux entreprises elles-mêmes. Si vous le souhaitez, je pense que je pourrai vous fournir, à partir du répertoire SIRENE, les informations que nous possédons sur certaines entreprises complexes, puisque ce répertoire, contrairement à nos enquêtes statistiques, est public et que nous pouvons donc diffuser les noms des entreprises qui composent ces entreprises complexes.

M. le Rapporteur : A partir des numéros SIRENE des groupes, pouvez-vous faire tourner la centrale des bilans sur les chiffres d'affaires ?

M, Michel HEBERT : La centrale des bilans relève de la Banque de France mais l'INSEE peut effectivement, à partir de ses propres données, obtenir des résultats sur la valeur ajoutée, le chiffre d'affaires, l'excédent brut d'exploitation, les immobilisations corporelles et éventuellement incorporelles.

M. Vincent THOLLON-POMMEROL : La limite est la séparation des variables additives et non additives. La valeur ajoutée est additive, la valeur ajoutée d'un groupe étant la somme des valeurs ajoutées de ses filiales. Il en va de même pour les effectifs, et les immobilisations et les excédents bruts d'exploitation. Ce n'est pas le cas du chiffre d'affaires, dans la mesure où il peut y avoir des ventes internes aux entreprises du même groupe y compris sur le territoire national.

Nous n'avons pas de bonnes estimations du chiffre d'affaires du groupe, même sur le territoire national, et nous préférons par conséquent le délaisser au bénéfice de la valeur ajoutée. L'INSEE n'a pas non plus de bonnes estimations des prêts et emprunts, du financement global au niveau du groupe dans la mesure où les entreprises du groupe peuvent trouver à se financer auprès d'autres entreprises du même groupe. Comme cette situation serait de nature à générer dans nos statistiques des doubles comptes dont nous n'aurions pas la maîtrise, nous ne souhaitons ni fournir ni établir des données statistiques sur les financements du groupe : nous savons qu'elles ne seraient pas de bonne qualité et que nous n'aurions pas même la maîtrise du niveau d'erreur ou d'imprécision.

Nous nous en tenons donc à certaines variables mais nous pouvons étendre aux grandes variables comme la valeur ajoutée, l'excédent brut d'exploitation ou les immobilisations, les statistiques que nous pouvons produire.

M. Jean BESSON : Dans la ligne de la question du Rapporteur, je souhaite rappeler qu'il existe une vieille tradition dans certaines branches industrielles, en France et en Europe de manière plus générale, où la société propriétaire du foncier et de l'immobilier n'est pas la société qui exploite : généralement la société propriétaire, société familiale qui possède la patrimoine, a créé une société d'exploitation à laquelle elle loue et dans laquelle elle fait rentrer de l'argent frais extérieur. Ceci lui permet de ne pas hypothéquer le patrimoine lorsque des financements d'exploitation sont à trouver et donc de distinguer très nettement la préservation du patrimoine initial et les efforts d'investissement et de développement, C'est notamment le cas de plusieurs industries textiles dans le Nord.

Puisque vous avez évoqué les problèmes de corrélation, je voudrais savoir s'il en existe une entre les ratios de chômage et les catégories de groupes dans la répartition géographique. L'évolution des différentes catégories de groupes étant très diverse, il serait intéressant de voir si les microgroupes génèrent plus ou moins de chômage que les groupes de taille moyenne ou grande.

Peut-on établir une corrélation directe entre ces ratios et la nationalité des groupes ? Je peux imaginer que la nationalité des groupes que l'on trouve en Alsace ne se structure pas de la même façon que celle des groupes que l'on trouve en Normandie et il peut être intéressant de voir s'il y a là des différences.

Puisqu'il y a, sur une moyenne nationale que l'on peut évaluer aux environs de 50 % des effectifs industriels salariés, des différences notoires entre le taux de pénétration des groupes dans les différentes régions, n'y a-t-il pas aussi une corrélation entre les ratios de demandeurs d'emplois au niveau régional et ce taux de pénétration des groupes ?

Vous avez enfin évoqué la discordance, voire la contradiction, des résultats entre les groupes et les entreprises indépendantes. Au-delà de cette contradiction, il semble qu'il en existe une seconde puisqu'un tiers du commerce se fait à l'intérieur des groupes ce qui permet, sinon de dissimuler, du moins de faire apparaître les résultats positifs ailleurs, alors que ce sont précisément ces groupes qui obtiennent de bons résultats ! Comment se fait-il donc que ce sont ceux qui auraient la possibilité de dissimuler qui obtiendraient de bons résultats et ceux qui ne l'auraient pas qui enregistreraient de mauvais résultats ? S'agit-il d'un problème structurel, d'insuffisance structurelle des entreprises indépendantes à l'étranger ou y-a-t-il d'autres raisons ?

M. Vincent THOLLON-POMMEROL : Concernant votre première question, il semble possible de fournir un certain nombre d'informations ou en tout cas d'étudier vos suggestions sans garantir de résultats en la matière. Je ne pense pas qu'il y ait eu des tentatives allant dans le sens de vos suggestions. Elles méritent donc d'être prises en considération, mais nous ignorons s'il en sortira quelque chose de significatif.

M. Michel HEBERT : Si vous le souhaitez, l'INSEE peut rechercher, d'ici la fin de vos travaux, s'il trouve une corrélation entre certaines nationalités des groupes implantés que vous désigneriez et le taux de chômage.

En ce qui concerne le dernier point, il est clair que les phénomènes qui interviennent sont fortement structurels. On trouve systématiquement la même position dans l'étude des séries longues. Comme il faut bien voir que le commerce extérieur des groupes est prépondérant dans l'ensemble du commerce extérieur, le poids des PME indépendantes y est relativement faible : au nombre des entreprises indépendantes, il peut s'en trouver qui sont des entreprises d'import-export qui ont intérêt à importer en France pour revendre à des groupes.

M. Jean-Claude BEAUCHAUD : Puisque vous avez parlé du commerce intra-groupes, je souhaiterais vous demander si vous pensez qu'il y a des conséquences sur la TVA.

M. Michel HEBERT : Le fait d'avoir des prix d'ordre peut avoir des incidences sur les taux de TVA.

Les groupes peuvent profiter d'une certaine souplesse pour vendre à des prix qui ne sont pas forcément ceux du marché et qui sont d'ailleurs difficiles à interpréter. Par exemple, dans le domaine des biens d'équipement , quel est le prix d'une machine-outil qui est vendue à un exemplaire unique ? Il est probable qu'en bons gestionnaires, les responsables des entreprises doivent essayer de « tirer » un peu de manière à utiliser les systèmes fiscaux les plus intéressants possibles, que ce soit sur le régime direct ou le régime indirect.

La loi est toutefois devenue beaucoup plus stricte qu'elle ne l'était auparavant sur ce sujet. En avril 1996, en effet, est intervenue une modification du code général des impôts et l'article 57 s'est trouvé modifié de manière à donner à la DGI un pouvoir d'investigation beaucoup plus fort par rapport aux entreprises.

M. Jean BESSON : Les facturations internes sont maintenant assujetties à la TVA, ce qui n'était pas forcément pas le cas il y a encore quelques années.

M. le Président : En examinant les entreprises, on voit que cela joue essentiellement sur les prix d'ordre, ce qui fait que la maison mère commande le prix d'acquisition par la filiale d'un certain nombre de produits. Je pense que c'est à ce niveau-là que le problème se pose, dès lors que chacun est assujetti à la TVA et qu'il n'y a pas volonté délibérée d'établir de fausses déclarations.

M. le Rapporteur : Cela peut en tout cas entraîner la volonté de peser sur les coûts de fabrication à l'étranger et donc de mettre bien peu d'empressement à élever les conditions de fonctionnement d'un certain nombre d'économies dans les pays d'origine.

M. Michel HEBERT : Je pense que c'est plutôt à la DGI qu'à l'INSEE, qui ne fait que regarder des chiffres, qu'il appartiendrait de répondre à cette question.

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