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LE RÔLE DES TRÈS GRANDS ÉQUIPEMENTS DANS LA RECHERCHE
PUBLIQUE OU PRIVÉE, EN FRANCE ET EN EUROPE

TROISIÈME PARTIE - LA NÉCESSITÉ D'AMÉLIORER LES DÉCISIONS SUR LES TGE ET DE PROGRAMMER À LONG TERME LE FINANCEMENT DE LA RECHERCHE 255

Introduction 255

I - Des processus de décision sur les très grands équipements à faire évoluer vers une plus grande ouverture et une plus grande responsabilisation 257
1. Les lacunes actuelles du traitement budgétaire des TGE
et de l'information du Parlement sur ce sujet 257
1.1. L'approche budgétaire des TGE 257
1.2. L'insuffisance des documents de base fournis au Parlement 258
2. Le rôle important mais périlleux de l'ancien Conseil des grands équipements 260
2.1. Historique du Conseil 261
2.2. Une mission utile mais impossible 262
2.2.1. L'intérêt de ses méthodes et de son rôle 262
2.2.2. Les limites de la structure
262
3. Le schéma de décision adopté par la direction de la recherche pour les TGE
263
3.1. Rappel : l'instruction du dossier SOLEIL et la décision sur le projet 264
3.2. Le nouveau schéma de décision tel qu'explicité par la direction de la recherche 266
4. Les interrogations sur le système de décision prévu pour les TGE 269
4.1. La recentralisation et la multiplication des instances de conseil 269
4.2. La consultation démocratique et la transparence 270
5. Les voies d'une amélioration 271
5.1. La cohérence en terme d'aménagement du territoire 271
5.1.1. Le nouvel élan des régions, tel que le projet SOLEIL l'a révélé 271
5.1.2. Les TGE, des instruments d'aménagement du territoire parmi d'autres
272
5.1.3. La coordination des efforts des régions dans les investissements de recherche
273
5.1.4. L'exhaustivité et la transparence de l'information 276
5.1.5. L'extension du rôle des régions
280
5.2. La subsidiarité comme principe d'organisation 281
5.3. Le processus d'émergence, d'instruction des projets, d'appel et de suivi 285
5.4. Les questions de financement 287
5.5. L'évaluation 287
5.6. Le choix d'une des institutions existantes pour le conseil et l'évaluation des TGE 288
5.7. La continuation du rôle du Parlement pour le recours et une supervision en fonction des besoins 290

II - Des financements à sécuriser à long terme par une programmation globale de l'effort de recherche 292
1. La nécessité d'engagements à long terme pour les TGE et pour les autres moyens matériels de la recherche 292
1.1. Le long terme, horizon de temps intrinsèque des TGE 293
1.2. Capitalisation, amortissements et fonds de réserve ? 293
2. La nécessité d'un plan à long terme pour l'emploi scientifique 295
2.1. Des départs massifs dans un contexte de désaffection pour les études scientifiques 295
2.2. Les changements nécessaires en amont 299
2.3. Les prémisses d'une nouvelle politique de l'emploi scientifique 300
3. Pour une loi de programmation de la recherche 301
3.1. Les autorisations de programme 301
3.2. Les lois de programme 303
3.3. Les lois de programmation militaire 304
3.4. Les expériences de programmation dans le domaine de la recherche 305
3.4.1. Utilité et actualité des lois de programmation non militaires 305
3.4.2. La loi d'orientation et de programmation du 15 juillet 1982 pour la recherche et le développement technologique
306
3.4.3. Le bilan de la loi d'orientation et de programmation du 15 juillet 1982
308
3.4.4. La loi du 23 décembre 1985 relative à la recherche et au développement technologique
310
3.5. Pour une loi de programmation sur les TGE 311
3.5.1. Les hypothèses macro-économiques et budgétaires 311
3.5.2. Une programmation des investissements et de l'emploi
312

III - Un nouvel élan pour la recherche du début du XXIe siècle, dans le cadre d'un grand contrat national 313
1. L'audace exemplaire de différents pays 314
2. Un grand débat national pour un grand contrat d'objectifs 319
2.1. Le Colloque national de la Recherche de 1981-1982 319
2.2. Pour des Etats généraux de la recherche du début du XXIe siècle 321
2.3. Un grand Contrat d'objectifs pour la Recherche du début du XXIe siècle 322

CONCLUSION GENERALE 325

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du rapport

Suite du rapport


 

- Troisième Partie -

La nécessité d'améliorer les décisions sur les TGE et de programmer à long terme le financement de la recherche

Introduction

Ainsi que l'ont montré les auditions et les visites réalisées par vos Rapporteurs, les TGE actuellement en service sont à l'évidence nombreux et mobilisent des ressources financières importantes.

Vos Rapporteurs ont également constaté qu'il existe un foisonnement de projets de nouveaux TGE, tels qu'ils ont pu être formulés librement par les chercheurs auditionnés.

Loin d'être inquiétant, ce foisonnement de projets, dont certains viendraient renouveler les équipements existants arrivés en fin de vie mais dont d'autres pourraient, une fois validés, s'ajouter aux installations actuelles, démontre la créativité et l'ambition des chercheurs français mais pose aussi la question des choix à effectuer et celle de leur financement à long terme.

Pour les deux dimensions du problème, à savoir la prise de décision et le financement, la classification élaborée au chapitre précédent facilite considérablement l'analyse et c'est évidemment son objet.

L'identification des finalités des TGE apporte des indications précieuses sur les circuits de décision et les procédures à suivre, ainsi que sur la logique à adopter pour les financements.

Pour autant, les besoins de financement des TGE sont loin de résumer la totalité des besoins financiers de la recherche de notre pays.

S'agissant des équipements matériels, il faut en effet prendre en compte les équipements lourds et les équipements mi-lourds des laboratoires, dont l'importance ne peut être sous-estimée, même si la mutualisation des instruments dans de grands centres à la pointe de la technologie comme les TGE est une des caractéristiques fondamentales de la science moderne.

Par ailleurs, la question des effectifs de la recherche se pose aujourd'hui avec une acuité qui ne fera qu'augmenter dans les dix prochaines années, compte tenu des pyramides des âges des organismes de recherche et de la recherche universitaire.

Une question centrale doit être posée à cet égard.

Cette accumulation de défis se produit-elle à un moment où la France serait à l'extrême limite des efforts qu'elle peut fournir et où elle devancerait les autres pays de niveau comparable dans ses efforts de recherche ?

La réponse à cette question suppose évidemment que soit pris en compte le rôle de la science dans le développement économique et plus généralement la réponse qu'elle apporte aux nombreuses questions que se pose la société.

Enfin, il convient d'examiner quels sont les moyens utilisables au plan financier et en particulier budgétaire pour engager un effort supplémentaire de plusieurs années et notamment de tirer les enseignements de précédentes expériences de programmation de la recherche.

I - Des processus de décision sur les très grands équipements à faire évoluer vers une plus grande ouverture et une plus grande responsabilisation

Lors des auditions qu'ils ont réalisées, vos Rapporteurs ont cherché à déterminer la nature du traitement budgétaire des très grands équipements.

Il a également été procédé à un historique rapide du rôle et des travaux du Conseil des très grands équipements durant sa période de fonctionnement, c'est-à-dire entre 1988 et 1996.

Il a paru par ailleurs intéressant d'examiner, à titre d'information, les processus de décision relatifs au projet SOLEIL de synchrotron de 3ème génération.

Une analyse a par ailleurs été faite des processus de décision que compte employer à l'avenir la direction de la recherche, et dont les éléments commencent à se mettre en place.

Enfin, vos Rapporteurs se sont attachés à indiquer quelles fonctionnalités doivent être remplies par tout système de décision sur les TGE ou les impliquant.

1. Les lacunes actuelles du traitement budgétaire des TGE et de l'information du Parlement sur ce sujet

L'approche budgétaire des TGE souffre de lacunes évidentes, de même d'ailleurs que l'information du Parlement sur cette importante question.

1.1. L'approche budgétaire des TGE

Vos Rapporteurs se sont interrogés sur l'approche budgétaire de la notion de très grands équipements, compte tenu de l'importance de ces outils de recherche et de leur poids souvent souligné sur le budget civil de recherche et développement.

Une audition de la Direction du Budget du ministère de l'économie, des finances, et de l'industrie a donc été organisée le 17 mai 2000 afin d'obtenir des informations sur le traitement budgétaire de cette catégorie de dépenses.

Des renseignements communiqués à vos Rapporteurs et à leur groupe de travail, il appert qu'il n'existe pas de définition budgétaire des très grands équipements et qu'il n'existe pas de traitement spécifique des très grands équipements dans le cadre de la procédure budgétaire.

Par ailleurs, il n'existe pas non plus de processus budgétaire spécifique concernant les très grands équipements.

Enfin, il n'existe pas non plus de procédure de décision interministérielle formalisée relative aux TGE.

En tout état de cause, la procédure budgétaire appliquée au Budget civil de la recherche et développement (BCRD) est globale.

La dotation de l'Etat aux différents organismes de recherche publics est globalisée. De surcroît, à la diversité des statuts juridiques de ces derniers répond une variété de canaux budgétaires.

Au reste, la Direction du budget a estimé qu'une définition des très grands équipements est nécessaire, du fait de l'importance des enjeux et parce qu'il faut un processus de décision fiable et efficace. Ce dernier devrait intégrer les différentes facettes à prendre en compte, à savoir les choix de TGE concurrents, les plans de financement et la recherche de coopérations internationales.

Un seuil financier aurait une pertinence, à condition de ne pas considérer le seul coût de l'investissement mais au contraire de faire référence au coût complet comprenant non seulement les dépenses d'investissement mais aussi les coûts de fonctionnement.

En définitive, les crédits correspondants aux TGE sont inclus dans la dotation globalisée aux organismes de recherche. Ceux-ci appliquent des processus budgétaires internes pour l'allocation aux TGE.

Ce n'est que grâce aux données collectées par la direction de la recherche du ministère de la recherche que s'effectue une consolidation extra-budgétaire et ex post relative aux TGE.

Au demeurant, selon l'appréciation de la Direction du Budget, le poids des dépenses relatives au TGE en France est cohérent avec ce qu'il est dans d'autres pays.

1.2. L'insuffisance des documents de base fournis au Parlement

L'information active sur les TGE donnée au Parlement lors de la discussion du projet de loi de finances est présenté dans le rapport sur l'état de la recherche et du développement technologique prévu par la loi n° 82-610 du 15 juillet 1982.

Une page est généralement consacrée à ce sujet (voir exemple ci-après).

Figure 1 : Fac simile de la page du " Jaune " budgétaire consacré aux TGE [rapport sur l'état de la recherche et du développement technologique annexé au projet de loi de finances pour 2001 (article 4 de la loi n° 82-610 du 15 juillet 1982)]

Au demeurant, les informations données sont plus qualitatives que quantitatives, et ne permettent pas d'avoir une idée du montant consolidé des dépenses, incluant les frais de personnel, de fonctionnement et d'investissement.

Par ailleurs, le fascicule budgétaire sur la recherche, souvent décrit comme le " Bleu " budgétaire présente les autorisations de programme des organismes de recherche. Mais l'affectation des autorisations de programme des organismes de recherche n'est pas détaillée, ce qui rend impossible le suivi d'un TGE particulier.

En conséquence, les Rapporteurs spéciaux des commissions des finances et les Rapporteurs pour avis des autres commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat, adressent des questions à la Direction du Budget parmi un nombre important d'autres sujets et reçoivent les informations demandées, qu'ils incorporent ou non à leur rapport.

Les impératifs de l'actualité budgétaire et les choix des Rapporteurs font que les TGE ne sont pas toujours analysés avec le même degré de détail, ce qui peut compliquer une démarche de suivi régulier.

Telles sont les limites de l'information donnée à la représentation nationale sur les très grands équipements.

L'insuffisance de cette information empêche bien entendu tout avis ex ante sur les choix à effectuer.

La responsabilité du Parlement n'est évidemment pas de choisir entre tel ou tel projet de TGE ou de décider d'un lancement de TGE.

Mais le fait de le consulter apporterait sans aucun doute un éclairage complémentaire intéressant.

L'insuffisance de l'information communiquée spontanément complique par ailleurs le contrôle ex post sur la pertinence des choix opérés.

Au vrai, une instance rattachée au ministère de la recherche, le Conseil des grands équipements, a, de 1988 à 1996, été chargé de conseiller le ministère chargé de la recherche, et ce faisant, contribuait à la transparence et à la connaissance des projets de TGE.

L'importance de son rôle à cet égard puis sa suppression invitent à examiner son fonctionnement.

2. Le rôle important mais périlleux de l'ancien Conseil des grands équipements

L'idée que les très grands équipements scientifiques nécessitent un suivi particulier et que les décisions les concernant nécessitent un examen particulier remonte au début des années 1980.

Un groupe présidé par Jean TEILLAC s'est réuni en 1981 et 1982, avant de se dissoudre en 1983. Néanmoins, la nécessité réapparaît rapidement d'une réflexion spécifique sur ces investissements d'une nature particulière, en raison de leur ampleur et de leur horizon de temps à plusieurs années.

En réalité, la procédure de création du Conseil des très grands équipements est lancée par le ministre délégué chargé de la recherche et de l'enseignement supérieur, M. Jacques VALADE, le 7 avril 1988.

Selon les termes de la lettre adressée par le ministre au Professeur Claude FREJACQUES, pour lui en confier la présidence et l'appeler à lui faire des propositions sur sa composition, la mission du futur " Conseil des grands équipements " est " d'examiner les projets relatifs aux grands équipements souhaités par la communauté scientifique tant en ce qui concerne leur intérêt et leur cohérence à l'égard d'autres projets nationaux ou internationaux. Il devra également confirmer les évaluations financières et déterminer le rapport coût/intérêt scientifique des différentes propositions ".

Suite au changement de majorité parlementaire, c'est M. Hubert CURIEN, ministre de la recherche et de la technologie, qui crée un " Conseil des très grands équipements ", par arrêté du 25 juin 1988.

2.1. Historique du Conseil

Le Conseil des très grands équipements, selon son arrêté de création, a pour mission de " donner un avis sur les nouveaux projets dans le domaine des très grands équipements scientifiques dont le coût et l'importance nécessitent une coordination et une programmation pluriannuelle du financement ".

Le Conseil " apprécie leur degré de maturation et leur pertinence à l'égard des autres projets développés au plan international. Il étudie les propositions de financement relatives à ces projets, en vue de leur inscription au budget des organismes de recherche ou administrations concernées, au titre du BCRD ".

En outre, " le Conseil fait toute proposition tendant à la mise en _uvre d'une planification des très grands équipements scientifiques dans le cadre de l'effort national de recherche. Il effectue régulièrement un examen de la compétitivité des équipements existants et de leur utilisation en prenant en compte l'environnement international et les perspectives de valorisation ".

Le Conseil comprend 11 membres, dont son Président, choisis pour leur compétence dans les domaines ou les disciplines dont le développement est lié à l'utilisation des TGE.

Le Conseil connaît un premier renouvellement de ses membres en 1991, puis en 1994. Le mandat des membres et du Président nommés en 1994 est prorogé jusqu'au 30 juin 1996.

Le Conseil, dont le secrétariat est assuré par la direction générale de la recherche et de la technologie, a établi un rapport annuel remis au ministre, de 1989 à 1996.

2.2. Une mission utile mais impossible

Souvent décriée, l'action du Conseil des très grands équipements appelle un examen impartial, dont il ressort qu'il a joué un rôle d'une utilité manifeste.

2.2.1. L'intérêt de ses méthodes et de son rôle

Le Conseil a, de par sa mission, efficacement éclairé les instances de décision gouvernementales sur les TGE à raison du rôle structurant de ces derniers, grâce à la mise en perspective intégrée sur le long terme de l'ensemble des TGE.

Mais le Conseil ne s'est pas contenté de ce rôle de conseil et a joué un rôle de filtre actif ou passif vis-à-vis des projets de TGE1. En tant que filtre actif, le Conseil a contribué à la révélation des besoins en rayonnement synchrotron2. En tant que filtre passif, le Conseil s'est contenté de prendre note des décisions intervenues dans le spatial, compte tenu de la structuration très en avance de ce secteur, mais a pu requérir des études complémentaires pour d'autres projets non encore arrivés à maturité.

Au demeurant, le Conseil a assumé la lourde charge de recueillir sur le long terme des données chiffrées selon des méthodes stables, en dépit de difficultés techniques considérables tenant à la variabilité des présentations budgétaires ou comptables.

2.2.2. Les limites de la structure

Les limites des résultats obtenus par le Conseil tiennent essentiellement à l'insuffisance de ses moyens, à la définition restrictive de son rôle et à la place floue qu'il a occupée dans le processus d'élaboration des décisions.

Le rapport du Conseil était adressé en direct à près de 180 grands responsables, qui eux-mêmes pouvaient le diffuser, de telle sorte que la plupart des responsables de laboratoires pouvaient en prendre connaissance.

Le rapport n'était toutefois pas imprimé à destination du public.

Le rattachement direct du Conseil au ministre de la recherche a par ailleurs représenté une limite évidente à son activité, ainsi qu'une contrainte difficile à gérer.

C'est ainsi qu'à la suite d'un désaccord du Conseil avec des membres du cabinet, le logo du secrétariat d'Etat a été retiré au document imprimé en 1996. Autre difficulté rencontrée par le Conseil, c'est de devoir aider, à différentes reprises, à la mise en _uvre de réduction de crédits de TGE, ce qui excédait largement ses attributions.

Par ailleurs, l'absence de moyens propres l'a rendu tributaire d'un ministère qui a souvent eu des difficultés à en définir le mode d'emploi.

L'étude des rapports successifs qu'il a établis montre que le Conseil des grands équipements a sans aucun doute effectué un travail utile pour instruire et programmer les projets de TGE.

Son travail a contribué à ce que la politique des TGE soit une réussite, du fait des succès scientifiques et techniques obtenus et des coopérations internationales nouées, dans le respect de contraintes budgétaires fortes.

C'est pourquoi il apparaît fondé de dire que le Conseil a sans aucun doute contribué positivement à la politique de recherche française, dans la limite du rôle qui lui a été confié et des moyens qui lui ont été données.

Malgré l'utilité de son travail, le Conseil a été mis en sommeil en 1996.

3. Le schéma de décision adopté par la direction de la recherche pour les TGE

Après cette mise en sommeil en 1996 et finalement la suppression du Conseil des grands équipements, quelle est la procédure qui a été utilisée pour les très grands équipements ?

Il est difficile d'établir sur le début de la période suivante un schéma de décision. On peut toutefois examiner le cas du projet de synchrotron SOLEIL qui traverse toute la période allant de 1989 à 2000 et qui constitue un test en vraie grandeur des anciennes procédures et des prémisses du système actuel.

Au delà de cet exemple, il convient surtout d'examiner les premiers pas et les projets des nouveaux processus de décision adoptés par la direction de la recherche.

3.1. Rappel : l'instruction du dossier SOLEIL et la décision sur le projet

Un retour sur les mécanismes administratifs et politiques relatifs aux avatars du projet SOLEIL doit être fait pour déterminer si la collectivité a bénéficié d'un processus de décision optimal.

Le calendrier des travaux scientifiques et administratifs est indiqué dans le tableau suivant.

Tableau 1 : Chronologie du projet SOLEIL - Avis et Décisions des différentes instances compétentes

1989

rapport annuel

- rapport du Conseil des grands équipements : " la communauté scientifique des utilisateurs devrait mener une réflexion approfondie sur ses besoins lorsque l'ESRF [alors en construction] fonctionnera de manière régulière et avec son niveau d'équipement définitif "

1990

rapport annuel

- rapport du Conseil des grands équipements : " le Conseil a pris bonne note qu'un Comité de prospective est en cours de constitution pour examiner la pertinence du maintien d'une source nationale de rayons X et les mesures à prendre en conséquence "

1992

rapport annuel

- rapport du Conseil des grands équipements : " l'amplification des recherches utilisant le rayonnement synchrotron [se produit] à un rythme tel qu'il faut prévoir un doublement des projets et d'utilisateurs environ tous les 5 ans alors que les possibilités expérimentales du LURE seront dépassées avant la fin du siècle et qu'une part importante de la communauté français ne sera pas servie par l'ESRF "

1993

rapport annuel

- rapport du Conseil des grands équipements : " L'intérêt pour la communauté scientifique française d'avoir accès à une machine comme SOLEIL ne semble guère faire de doute. Le problème très difficile est celui du financement. Le Conseil attend donc des organismes concernés des propositions précises explorant toutes les possibilités ".

1994

rapport annuel

- rapport annuel du Conseil des grands équipements : " Le Conseil confirme l'intérêt scientifique du projet examiné par le précédent Conseil et en conséquence recommande la création d'un comité de pilotage ".

19 octobre

- diagnostic de Pierre AIGRAIN, Président du Conseil des grands équipements, adressé en son nom propre au ministre de la recherche : " il m'apparaît que la décision de construire SOLEIL devra intervenir un jour mais que ce jour, sauf résultats défavorables de l'audit technique de l'injecteur [du Lure] se situe dans la fourchette de deux à cinq ans ".

26 octobre

- demande par le ministre de la recherche d'une étude plus poussée de la durée de vie des installations actuelles

1995

rapport annuel

- rapport du Conseil des grands équipements : " le Conseil confirme l'intérêt scientifique du projet. Le dossier technique d'avant projet sommaire apparaît suffisamment avancé aujourd'hui pour pouvoir lancer un avant projet détaillé "

1996

20 février

- demande adressée par le secrétaire d'Etat à la recherche au CEA et au CNRS de faire procéder à l'étude détaillée du projet SOLEIL

Tableau 2 : Chronologie du projet SOLEIL - Avis et Décisions des différentes instances compétentes (suite et fin)

1996

mars

- avis favorable du Conseil des très grands équipements au lancement de SOLEIL : " Le Conseil approuve sans réserve le plan présenté conjointement par le CNRS et le CEA "

2 mai

- signature par le CEA et le CNRS d'une convention de 3 ans en vue de la réalisation de l'Avant Projet Détaillé de SOLEIL

30 juin

- non-renouvellement et mise en sommeil du Conseil des grands équipements

1997

3 mars

- rapport favorable du comité stratégique formé par le Secrétaire d'Etat à la recherche pour préciser divers points relatifs au projet SOLEIL.

30 mai

- Note du Secrétaire d'Etat à la recherche au Directeur général de la recherche et de la technologie - objet : procédure de lancement du projet SOLEIL : " en avril dernier, le dossier a été transmis au Premier ministre avec avis favorable du Secrétariat d'Etat à la Recherche quant à la faisabilité du projet et ses conditions de financement. La décision prise n'a pu être rendue publique sur-le-champ, du fait de la campagne électorale qui débutait. Celle-ci s'achevant aujourd'hui, je puis vous confirmer officiellement la décision du Premier Ministre, qui vaut accord de principe pour la construction du synchrotron SOLEIL pour un coût total n'excédant pas 1,350 milliard de francs HT, avec une participation de moitié des collectivités locales. Après cette première étape, il convient désormais d'instruire le dossier de la sélection du site. "

novembre

- remise au ministre chargé de la recherche d'un dossier justifiant l'APD et en donnant les grandes lignes

1998

mars

- rapport du Conseil supérieur de la recherche et de la technologie (CIRST) : " parmi les TGE scientifiques, le projet SOLEIL doit être considéré, dans l'état actuel du dossier, comme hautement prioritaire "

1999

juin

- remise de l'avant projet détaillé de SOLEIL

- 2 août

- annonce par le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, de l'abandon du projet SOLEIL, au profit d'une participation dans le projet d'origine britannique DIAMOND

17 novembre

- saisine du Bureau de l'Assemblée nationale par le groupe communiste en vue de faire réaliser par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques une étude sur les conditions techniques d'implantation du projet SOLEIL

2000

15 mars

- rapport de MM. Christian CUVILLIEZ, Député de Seine-Maritime et de M. René TREGOUET, Sénateur du Rhône, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques indiquant que " il est indispensable de décider clairement et sans délai la construction d'un synchrotron national "

3 avril

- annonce de la réouverture du dossier SOLEIL par le ministre de la recherche

11 septembre

- décision de construction d'un synchrotron de 3ème génération en France, sur le plateau de Saclay (Essonne).

Ainsi donc, il se sera écoulé 11 ans entre la détection d'un besoin potentiel de la recherche française et la décision de construire le synchrotron de 3ème génération SOLEIL.

La période d'émergence puis de mise au point du projet SOLEIL s'étend de 1989 à mai 1997. Cette période est entrecoupée par le changement de majorité parlementaire de 1993.

Mais le projet continue sa définition et un avant-projet détaillé (APD) est mis au point3.

Le processus aboutit à une décision positive de construction le 30 mai 1997.

Suite au changement de majorité parlementaire, s'étend ensuite une période de non-décision, de juin 1997 à juillet 1999.

Le 2 août 1999, l'abandon du projet est annoncé, sur la base de rapports et d'avis non intégralement rendus publics et sans qu'un processus de réévaluation de l'APD n'ait été conduit.

Une période de lutte contre la décision ministérielle débute alors.

Les critiques de la communauté scientifique contre cette décision apparaissent suffisamment fondées au groupe communiste de l'Assemblée nationale pour qu'il saisisse le Bureau de cette Assemblée afin qu'une étude soit réalisée par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Le rapport correspondant est réalisé entre le 15 décembre 1999, date de l'adoption de l'étude de faisabilité par l'Office et le 15 mars, date de publication de l'étude qui conclut à la nécessité de construire sans délai un synchrotron national.

Nommé ministre de la recherche le 27 mars 2000, le nouveau ministre de la recherche, M. Roger-Gérard SCHWARTZENBERG annonce la réouverture du dossier synchrotron, le 5 mai suivant.

Le 11 septembre 2000, le ministre annonce la construction de SOLEIL sur le plateau de Saclay, avec une participation décisive de la région Ile-de-France et du département de l'Essonne.

3.2. Le nouveau schéma de décision tel qu'explicité par la direction de la recherche

Le Conseil des très grands équipements avait achevé son travail sur le projet SOLEIL lorsque la décision positive de le construire a été prise le 30 mai 1997.

Le changement de majorité parlementaire se produit donc alors que le projet dispose d'un dossier achevé et d'une décision positive de lancement.

L'approche de la question des TGE adoptée par le nouveau ministre chargé de la recherche est différente. Il s'agit de privilégier le soutien aux laboratoires et aux équipes de jeunes chercheurs, le financement des TGE apparaissant comme antinomique des mesures visant cet objectif.

Depuis lors, la doctrine de la direction de la recherche s'applique à intégrer les TGE aux mécanismes de décision généraux de la recherche.

Dans une communication écrite faite aux Rapporteurs le 19 juin 2000 après son audition du 17 mai 2000, le Directeur de la recherche a indiqué le schéma retenu à cette date. L'encadré suivant indique l'architecture du système.

" Une fois le sujet [...] des TGE resitué dans une véritable politique scientifique, la procédure importe. Celle que nous avons retenue part de l'expression des priorités scientifiques par le CIRST [Conseil interministériel de la recherche scientifique et technologique]. Quand un besoin de grand équipement se présente alors dans ce cadre et qu'il correspond bien aux priorités définies par le CIRST, il convient d'en estimer le coût complet et d'en envisager la réalisation avec des partenaires européens. Le concept, ravivé par le gouvernement français au moment de prendre la présidence de l'UE et par le commissaire Busquin, de la `géométrie variable' (ou `coopération renforcée') est pour cela un outil privilégié.

" Dans la mesure où il est dangereux d'isoler le problème des TGE de leur cadre scientifique, il n'y a pas lieu que la procédure qui permet de les traiter soit isolée du reste. Elle doit impliquer les organismes de recherche et leurs conseils (notamment CNRS, CEA, CNES) et les comités de coordination qui se mettent en place au ministère de la recherche depuis 1998 et pourraient être à ce titre étoffés et complétés (Sciences du Vivant, Sciences de la Planète et Environnement, Matériaux, Sciences et Technologies de l'Information et de la Communication, Sciences humaines et sociales). Responsables d'organismes concernés et chercheurs éminents nommés intuitu personae s'y retrouvent.

" Du point de vue financier, un TGE est un investissement pluriannuel, qui doit en général être réalisé par redéploiement ou dans le cadre d'une augmentation raisonnable du budget (c'est le principe d'une enveloppe globale en équilibre, où les projets en voie d'achèvement laissent la place à des projets nouveaux). Le problème se règle alors au niveau interministériel classique (ce sera le cas pour la seconde machine de rayonnement synchrotron de 3ème génération à implanter sur le territoire français). "

Pour la direction de la recherche, la question des TGE ne saurait donc être traitée indépendamment de la politique scientifique générale.

Le c_ur de la décision dans le domaine des orientations de la recherche appartient au Comité interministériel de la recherche scientifique et technologique (CIRST).

On trouvera ci-après un schéma des instances intervenant dans les décisions fondamentales de la recherche et donc en particulier sur les TGE.

Figure 2 : Organigramme simplifié des instances participant aux décisions en matière de politique de la recherche

Président de la République

Premier ministre

Comité de coordination des sciences de la planète et de l'environnement

Comité consultatif du développement technologique

Le Comité interministériel de la recherche scientifique et technologique, qui s'est réuni à deux reprises, le 15 juillet 1998 et le 1er juin 1999, pour fixer les grandes orientations de la recherche, voit ses réunions préparées par un rapport biennal de l'Académie des sciences, par le Conseil national de la science, et par le comité stratégique pour l'enseignement supérieur et la recherche.

La procédure qui permet de traiter des TGE implique les organismes de recherche et leurs conseils (notamment CNRS, CEA, CNES).

Cette procédure implique également les comités de coordination où se retrouvent responsables d'organismes concernés et chercheurs nommés intuitu personae.

Selon la direction de la recherche, le problème des TGE doit se régler au niveau interministériel classique, du point de vue financier.

Tel est le processus de décision que la direction de la recherche entend utiliser pour les très grands équipements fondamentalement intégrés à l'ensemble des décisions à prendre pour la recherche.

4. Les interrogations sur le système de décision prévu pour les TGE

L'intégration des TGE au processus de décision général de la recherche se produit à un moment où le ministère renforce ses structures afin de progresser dans sa capacité d'impulsion de la science française.

Le système décrit représente un vaste chantier qui n'a pas encore subi, à de multiples égards, l'épreuve des faits.

Différents écueils semblent à éviter.

4.1. La recentralisation et la multiplication des instances de conseil

Le renforcement des capacités d'analyse et de proposition du ministère va sans aucun doute dans le sens d'une efficacité accrue de l'action publique.

La question qui est toutefois posée est bien évidemment d'éviter qui ne se produise une " recentralisation ", c'est-à-dire la remontée au niveau du ministère de questions qui devraient être traitées directement par les organismes de recherche eux-mêmes.

Un doublonnement et une compétition inutile pourraient en effet surgir entre les directions de programme de la direction de la recherche et les directions de département du CNRS et du CEA.

Par ailleurs, on peut se demander si certaines des instances existantes n'auraient pas pu jouer les rôles de conseil, de consultation, voire de coordination confiés aux comités de coordination.

La création par voie réglementaire d'instances consultatives nouvelles est une tendance des années récentes. Le Conseil national de la science a été créé en 1998, le Conseil national pour un nouveau développement des sciences humaines et sociales en 1999.

Ces nouvelles structures sont venues s'ajouter au Conseil supérieur de la recherche et de la technologie, créé par la loi d'orientation et de programmation de la recherche et du développement technologique de la France, en date du 15 juillet 1982.

Mais la démultiplication des instances de conseil ne doit pas constituer un objectif en soi.

4.2. La consultation démocratique et la transparence

On peut se demander si la procédure prévue pour les TGE, telle qu'elle a été présentée à vos Rapporteurs, offre les garanties de consultation, de transparence et d'appel indispensables que la communauté scientifique est en droit d'attendre.

En effet, il est prévu que l'instruction d'un projet de TGE et en particulier le calcul indispensable de son coût complet ne seront réalisés que dans la mesure où " il correspond bien aux priorités définies par le CIRST ".

La notion de correspondance aux priorités nécessite à l'évidence une explicitation et la définition de critères précis, une entreprise au demeurant malaisée, du fait de la complexité des liens entre disciplines et de l'existence de technologies d'utilité transversale.

Dans ce schéma, on remarque à l'évidence l'importance critique des instances qui posent le diagnostic d'adéquation du projet aux priorités définies par le CIRST.

Au vrai, la procédure doit impliquer " les organismes de recherche et leurs conseils et les comités de coordination qui se mettent en place au ministère chargé de la recherche depuis 1998 ".

On peut s'interroger à cet égard sur ce que recouvre le terme " coordination " et quels sont les pouvoirs dévolus aux comités correspondants.

Par ailleurs, la question de la nomination des membres des comités de coordination doit être résolue dans la transparence en précisant quelle est l'instance de nomination et la procédure suivie, ainsi que les critères de représentativité utilisés.

Enfin, il convient de prévoir une instance d'appel ou une procédure de recours, voire une possibilité de deuxième présentation d'un dossier de TGE en cas d'avis négatif donné par l'assemblée visée, de manière à éviter un enlisement sans justification d'un projet intéressant.

5. Les voies d'une amélioration

5.1. La cohérence en terme d'aménagement du territoire

L'implication des régions dans le financement des investissements de recherche a connu un spectaculaire développement avec le projet de synchrotron SOLEIL. Leur intervention n'est toutefois pas nouvelle.

Il s'agit là d'une question clé pour l'avenir. Une réelle prise de conscience existe dans les populations de l'effet d'entraînement considérable exercé par les universités et les centres de recherche, et en particulier par les très grands équipements. Il est très vraisemblable que l'action offensive des régions en la matière s'accélérera dans les années à venir.

Plusieurs conditions sont à réunir pour tirer le meilleur parti possible de ces efforts accrus des régions.

La première condition a trait à la reconnaissance du rôle des investissements de recherche comme facteur décisif d'aménagement du territoire.

La deuxième condition est relative à la coordination nationale des efforts, de façon que les inégalités ne se creusent pas entre régions.

La troisième condition a trait à la transparence et au contrôle démocratique des choix effectués.

La quatrième condition a trait à l'extension du rôle des régions, de façon qu'elles puissent non seulement participer aux investissements, comme c'est le cas actuellement, mais qu'elles puissent également participer aux dépenses de fonctionnement des TGE, ce qui leur est interdit pour le moment.

5.1.1. Le nouvel élan des régions, tel que le projet SOLEIL l'a révélé

S'agissant de l'implication des régions dans les TGE, on citera deux exemples, celui du GANIL et celui de SOLEIL.

La région Basse-Normandie contribue en 2000 au budget du GANIL (Grand accélérateur national d'ions lourds) de Caen, pour un montant de 1,5 million de francs sur un budget total de fonctionnement et d'investissement de 52 millions de francs, soit une part de 2,9 %.

S'agissant du projet de synchrotron SOLEIL, onze régions ont témoigné leur intérêt pour l'implantation, certaines s'étant par la suite regroupées pour finir à 9 : Alsace, Aquitaine/Midi Pyrénées/Limousin, Basse Normandie, Champagne-Ardenne, Centre, Ile-de-France, Lorraine, Nord-Pas-de-Calais, Provence-Alpe-Côte d'Azur.

Le ministre de la recherche a indiqué avoir effectué son choix en faveur de l'Ile-de-France, sur la base des trois critères principaux non financiers que sont la qualité du site, la facilité d'accès et l'environnement scientifique.

Il faut toutefois noter que l'Ile-de-France avec le Conseil général de l'Essonne, ainsi que la région Basse-Normandie se sont engagées chacune sur une participation de 1,2 milliard de francs, tandis que l'ensemble Aquitaine-Midi-Pyrénées-Limousin envisageait de faire de même et que le Nord-Pas-de-Calais se déclarait prêt à participer au niveau souhaité par l'Etat.

Un autre élément a vraisemblablement pesé en faveur de l'Ile-de-France, c'est le ralliement à sa candidature de la région Centre et de la région Lorraine.

5.1.2. Les TGE, des instruments d'aménagement du territoire parmi d'autres

Certains observateurs ont pu souligner dans le passé l'audace de la décision d'implanter le Grand accélérateur national d'ions lourds (GANIL) à Caen, alors que la région de Basse Normandie était peu ou mal dotée en infrastructures de recherche ou d'enseignement supérieur.

Mais cet exemple montre précisément que des effets d'entraînement importants ont eu lieu sur les environs de Caen et la région Basse Normandie.

Peut-on opérer un investissement de ce type dans une zone géographique non déjà pourvue d'un tissu scientifique et industriel dense ?

Cette question mérite d'être approfondie.

Dans le tome I du présent rapport consacré aux conditions d'implantation d'un nouveau synchrotron, vos Rapporteurs avaient énoncé parmi les différents critères à utiliser pour le choix du lieu d'installation de SOLEIL, les critères suivants :

1. Des dessertes nationales et internationales de qualité

2. Une implantation au c_ur d'une zone de recherche existante ou en création

3. Un projet s'intégrant dans un plan d'ensemble pour les moyens d'analyse à la disposition de la recherche publique et privée

A cet égard on peut estimer que le choix de la région Ile-de-France pour l'implantation de SOLEIL est cohérent avec ces trois critères énoncés par vos Rapporteurs.

Pour autant, il ne faudrait pas en conclure que vos Rapporteurs se soient prononcés en faveur d'un déséquilibre croissant entre les régions déjà pourvues en moyens scientifiques et industriels et celles qui n'ont que le projet de changer leur spécialisation en faveur de productions à plus forte valeur ajoutée.

C'est pourquoi vos Rapporteurs avaient indiqué que l'implantation de SOLEIL devait se faire dans une zone de recherche existante ou en création.

En réalité, la notion essentielle semble bien être la masse critique des investissements opérés.

Au plan scientifique, l'exemple de l'EMBL et de son antenne de Grenoble montre qu'il se produit un effet de boule de neige.

D'une part, c'est précisément en raison de la présence à Grenoble de l'ILL que l'EMBL y a implanté en 1976 un laboratoire spécialisé dans la biologie structurale. C'est d'autre part en raison de la présence supplémentaire de l'ESRF, décidé en 1988 et opérationnel en 1994, et en raison de l'excellence de ce synchrotron de 3ème génération que l'antenne de Grenoble de l'EMBL a été chargée de conduire en exclusivité les actions de post-génomique de l'EMBL dans le développement d'instruments pour la cristallographie des protéines.

L'accumulation d'instruments d'analyse et l'excellence de ceux-ci se sont révélés déterminants pour Grenoble, puisque aussi bien l'antenne de l'EMBL à Hambourg se situait, elle aussi, à proximité du synchrotron Hasylab de DESY, celui-ci étant toutefois une machine de 2ème génération.

Toute la question d'aménagement du territoire se résume finalement à l'ampleur des investissements pratiqués dans un laps de temps réduit, selon un plan d'ensemble et avec une masse critique suffisante.

5.1.3. La coordination des efforts des régions dans les investissements de recherche

La loi n° 85-1376 du 23 décembre 1985 relative à la recherche et au développement technologique a prévu que " les régions sont associées à l'élaboration et à l'évaluation de la politique nationale de la recherche et de la technologie et participent à sa mise en _uvre. A cet effet, le ministre chargé de la recherche et de la technologie réunit une conférence annuelle regroupant notamment les présidents des conseils régionaux, les présidents des comités consultatifs régionaux de recherche et de développement technologique, des responsables d'organismes publics de recherche ainsi que des responsables d'entreprises publiques et privées et des représentants de la recherche universitaire. La conférence annuelle donne lieu à un débat sur les orientations de la politique nationale de recherche et sur les plans de localisation des organismes publics de recherche. Elle examine les implications au niveau régional de ces orientations et leur articulation avec les programmes d'initiative régionale ".

Peut-on pour autant poser la question de la légitimité de l'intervention de l'Etat dans le choix d'une région de consacrer des crédits à l'investissement dans la recherche ?

En tout état de cause, il appartient bien à l'Etat de veiller à l'optimisation des investissements faits sur le territoire, quelle que soit l'origine -nationale ou locale - des ressources fiscales qui en permettent le financement.

Cette optimisation porte sur la nécessité d'éviter aussi bien les doublons que les investissements ne répondant pas à une demande avérée.

C'est naturellement ce qu'a prévu la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.

Après que le 11ème Plan a été abandonné, la démarche de planification nationale a été réformée en profondeur par la loi du 4 février 1995 créant le Schéma national d'aménagement et de développement du territoire (SNDAT), dont la vocation était de donner un cadre national à l'action de l'Etat et aux Contrats de Plan, ces derniers étant le seul élément de planification restant dans notre pays.

Parmi ces contrats de plan figurent notamment les contrats de plan Etat-régions.

En tout état de cause, la loi du 25 juin 1999 comprend des dispositions permettant la mise en _uvre de la loi d'orientation de 1982.

Mais la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 a également substitué au schéma national d'aménagement et de développement du territoire, huit schémas de services collectifs, et a introduit les schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire, les nouveaux contrats de plan Etat-régions étant établis pour une période de 7 ans sur la période 2000-2006.

Parmi les huit schémas de services collectifs, figure le schéma de l'enseignement supérieur et de la recherche, dont l'article 12 de la loi définit les objectifs et les moyens. La notion de répartition équilibrée des services d'enseignement supérieur et de recherche sur le territoire national est explicitement visée.

Dans quels délais les dispositions de la nouvelle loi seront-elles opérationnelles ?

La loi dispose que le décret adoptant les premiers schémas de services collectifs devra être publié au plus tard le 31 décembre 1999.

Pour autant l'ambition de ces schémas n'est pas faible puisque, selon l'article 11 de la loi du 25 juin 1999, " les schémas de services collectifs sont élaborés par l'Etat dans une perspective de vingt ans en prenant en compte les projets d'aménagement de l'espace communautaire européen. Leur élaboration donne lieu à une concertation associant les collectivités territoriales les organismes socio-professionnels, les associations et les autres organismes [concourant à l'aménagement du territoire] ".

En outre, deux ans avant l'échéance des contrats de plan Etat-régions, c'est-à-dire avant 2004, le Gouvernement soumettra au Parlement un projet de loi relatif aux orientations stratégiques de la politique d'aménagement et de développement durable du territoire national.

Où en est la procédure complexe d'élaboration des schémas de service collectifs et en particulier de celui qui porte sur l'enseignement supérieur et la recherche  ?

Le tableau suivant indique l'état d'avancement des différentes procédures prévues par la loi.

Tableau 3 : les différentes étapes de l'élaboration des schémas de services collectifs

niveau

nature

calendrier

national

document de cadrage fixant les priorités de l'Etat

étape achevée mi 1999

régions

- identification de priorités des régions compatibles avec les priorités de l'Etat

- définition des objectifs d'amélioration des services collectifs

- étape achevée début 2000

national

- élaboration d'un document final unique composé d'une vision prospective à l'horizon 2020 et de l'ensemble des schémas collectifs

- étape achevée en juillet 2000

national

- adoption des projets de schémas de services collectifs par le Gouvernement

26 octobre 2000

régions

- consultation des régions et des conférences régionales d'aménagement et de développement du territoire (CRADT)

- novembre 2000 - printemps 2001

national

- examen du document unique complété par les avis des régions

▪ par le conseil national d'aménagement et de développement du territoire (CNADT) et

▪ par les délégations parlementaires à l'aménagement et au développement durable du territoire de l'Assemblée nationale et du Sénat

- printemps 2001

national

- rédaction finale des schémas

- juin - juillet 2001

national

- examen des schémas par le Conseil d'Etat

- juillet 2001

5.1.4. L'exhaustivité et la transparence de l'information

Deux démarches de programmation sur la recherche sont en cours, avec d'une part le plan U3M (université du 3ème millénaire) et d'autre part le schéma de services collectifs de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Le plan U3M, financé par l'Etat, les collectivités territoriales et les fonds structurels européens, représente un effort de près de 50 milliards de francs sur la période 2000-2006. Sur ce montant de 50 milliards de francs, les contrats de plan Etat-régions représentent 42 milliards de francs.

On trouvera ci-après la répartition des dépenses.

Figure 3 : Prévisions de financement du plan U3M

Contrats de plan Etat-Régions 

(CPER) :

42 mds F

(84 %)

Les orientations nationales du plan U3M en matière de recherche sont indiquées dans le tableau suivant.

Tableau 4 : les orientations nationales d'U3M pour la recherche

▪ s'appuyer sur des équipes scientifiques locales de qualité faisant l'objet d'évaluations nationales ou internationales positives
▪ s'insérer dans une carte nationale reposant sur une mise en réseau de quelques pôles : Renater III - Génopoles - Maisons des sciences de l'homme - centres nationaux d'analyse et de caractérisation des matériaux - centres multitechniques d'imagerie médicale - moyens de calcul
▪ contribuer à une rationalisation et à une mise en cohérence des équipements mi-lourds des laboratoires de recherche
▪ faire émerger des priorités régionales en créant sur un thème pluridisciplinaire donné des instituts à vocation nationale fédérant des compétences scientifiques existantes dans plusieurs établissements d'enseignement supérieur d'une région et de régions voisines.

L'importance des régions dans la mise en _uvre du plan U3M est manifeste, puisque leurs contributions, dans le cadre des contrats de plan Etat-région (CPER), atteint 23,7 milliards de francs.

Pour autant le plan U3M et le schéma de services collectifs d'enseignement supérieur et de recherche sont deux choses distinctes.

D'après les indications données au Parlement lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2001, le projet de schéma de services collectifs de l'enseignement supérieur et de la recherche, construit dans une perspective de long terme, insiste tout particulièrement sur la nécessaire mise en réseau des différents niveaux du système d'enseignement et de recherche. Il s'agit là de l'axe majeur de la stratégie retenue pour l'aménagement du territoire.

Le schéma prévoit le renforcement des centres d'excellence, avec comme objectif une meilleure répartition du potentiel de recherche publique mais le développement des seules régions à dynamique réelle.

Une prime est donc donnée aux régions ayant déjà engagé une démarche active, ce qui peut apparaître à certains observateurs comme étant en contradiction avec la responsabilité de l'Etat de mettre en _uvre une politique active de stimulation des capacités de l'ensemble des zones du territoire afin de remédier aux inégalités de développement.

Au vrai, une seule stratégie semble pouvoir limiter voire réduire les inégalités de développement entre les régions. Ce serait celle de centres d'excellence également répartis sur le territoire, spécialisés pour les régions aux ressources les plus limitées, et avec un nombre de spécialités augmentant en fonction des ressources financières.

Au demeurant, le développement de la nouvelle démarche du plan U3M et du schéma de services collectifs de l'enseignement supérieur et de la recherche, se produit dans un contexte où l'information sur le volet recherche d'U3M et du schéma de services collectifs de l'enseignement et de la recherche souffre de lacunes manifestes.

La répartition des actions d'U3M en ce qui concerne les actions prises en charge par les contrats de plan Etat-Régions (CPER) est indiquée dans le graphique suivant. On remarquera que ces statistiques portent sur 40,2 milliards de francs et non pas sur les 42 milliards de francs indiqués précédemment, la différence provenant de la non-intégration de la totalité des CPER.

Cette répartition est probablement proche du résultat final mais elle n'est qu'approchée.

Figure 4 : Répartition des actions d'U3M relevant des Contrats de Plan Etat-Régions

Selon les seules informations que vos Rapporteurs ont pu obtenir, le poids relatif des opérations concernant la recherche et la technologie dans le total des dépenses des Régions pour U3M, varie de 26,5 % pour la Corse à 57,8 % pour la Picardie. Pour 11 régions, le poids relatif des dépenses de recherche atteindrait ou dépasserait 40 %.

En réponse à une question du Parlement sur les budgets régionaux affectés à la recherche et la technologie, il a été répondu que les ministères de l'éducation nationale et de la recherche ne disposent d'aucune information permettant de connaître les dépenses des régions pour la recherche, sur des bases homogènes et comparables.

Il a même été précisé que même la part de ces budgets inscrite dans les CPER est incertaine, dans la mesure où la répartition des financements entre l'Etat et les régions n'est pas toujours ventilée a priori entre les différentes catégories d'action.

Il semble donc, dans la limite des informations communiquées à vos Rapporteurs, qu'il n'existe pas pour le moment une information centralisée et fiable permettant une discussion approfondie entre l'Etat et les régions.

La mise en place des nouvelles procédures de concertation Etat-Régions constitue à l'évidence une lourde charge pour les pouvoirs publics.

On ne peut que souhaiter qu'un système d'information statistique soit mis en place sans tarder, système indispensable pour l'information et la coordination ex ante, le suivi et le contrôle ex post.

5.1.5. L'extension du rôle des régions

En tout état de cause, la volonté des régions de s'intéresser activement aux très grands équipements, telle qu'elle s'est manifestée pour l'accueil du synchrotron SOLEIL, nécessite l'examen de deux questions essentielles qui portent l'une sur la coopération inter-régionale et l'autre sur la nécessité de repousser les limites actuelles des interventions des régions.

Les très grands équipements d'infrastructure constituent, on l'a vu, dans la deuxième partie du rapport, un élément clé pour la recherche moderne.

Les TGE d'infrastructure comprennent en effet différents types d'équipements dont certains sont en réseau et sont donc à cheval sur plusieurs régions voire même couvrent tout le territoire national.

Ces réseaux sont les réseaux de télécommunications à hauts débits, les réseaux d'observation de l'atmosphère ou de l'environnement, les réseaux de bibliothèques, etc.

L'implication d'une région en particulier dans un TGE d'infrastructure est sans doute moins aisée à obtenir que son implication dans un TGE de percée thématique souvent localisé, dans la mesure où la visibilité de son engagement est moins forte.

Par ailleurs, un projet de TGE exige toujours qu'un leader en prenne la tête. Il est donc nécessaire que les régions mettent en place des possibilités de coopération sur les TGE, en prévoyant des systèmes de responsabilité de conduite d'un projet acceptés par les participants de deuxième ligne.

Un autre aspect fondamental est celui des moyens d'intervention des régions dans le financement de la recherche.

Pour le moment, les régions ne peuvent prendre à leur charge que des dépenses d'investissement dans les TGE. Ceci génère deux difficultés.

En premier lieu, les dépenses de fonctionnement des TGE sont souvent importantes. La perspective pour les organismes de recherche de devoir les prendre totalement à leur charge peut représenter un frein important au développement de projets pourtant nécessaires au développement de la recherche.

En second lieu, les dépenses correspondant à certains TGE d'infrastructures comme les réseaux de télécommunications sont exclusivement des dépenses de fonctionnement, en particulier de locations de lignes et d'équipements à des opérateurs de télécommunications.

La participation des régions à ce type de TGE d'infrastructures est donc impossible dans l'état actuel de la législation.

Il paraît en conséquence indispensable d'apporter des modifications à cet état de chose, en vue d'autoriser, dans certaines limites, les régions à participer aux dépenses de fonctionnement des TGE, et en excluant, le cas échéant et dans un premier temps, les dépenses de personnel.

5.2. La subsidiarité comme principe d'organisation

La subsidiarité est un principe qui a été popularisé par l'Union européenne mais qui est d'une valeur générale en matière de management.

La subsidiarité consiste à ce que le " haut " ne se saisisse que de ce qui ne peut être fait par le " bas " avec l'efficacité requise.

Ce principe doit être appliqué aux procédures relatives aux TGE.

La classification des TGE en trois catégories que propose vos Rapporteurs révèle encore une fois son intérêt.

Au plan géographique et fonctionnel, on distingue quatre niveaux d'intervention : les régions, les ministères, les autres pays et l'Union européenne, les pays non européens.

Les trois catégories de TGE sont, rappelons-le, les TGE de percée thématique, les TGE d'infrastructure et les TGE de grand programme.

Quels sont les niveaux de responsabilité concernés par ces différents types de TGE ?

Les TGE de percée thématique ont comme intervenants de premier rang les organismes de recherche eux-mêmes tant en ce qui concerne la décision que les financements.

Figure 5 : Schéma de décision et de financement des TGE de percée thématique

Seuls les scientifiques sont en effet à même de déterminer si un TGE de percée thématique est indispensable pour conquérir un nouveau territoire de connaissances, et si ce type d'investissement est préférable à d'autres investissements dans des moyens expérimentaux lourds ou mi-lourds, par exemple.

Seule la communauté scientifique est à même d'apprécier les conséquences du choix d'un TGE sur l'orientation et l'organisation de la discipline.

Les organismes de recherche, en permanence en contact avec les communautés scientifiques étrangères, engagent naturellement et spontanément des coopérations avec d'autres pays, européens ou non européens pour partager leurs savoir faire et leurs coûts.

Le rôle de l'Etat est de faciliter la réalisation du TGE et de contribuer à son financement.

Le fait que l'horizon des TGE soit le long terme, représente un argument de plus pour la subsidiarité et l'attribution des responsabilités en la matière aux organismes de recherche assurés d'une continuité supérieure à celle des responsables de l'exécutif.

Par ailleurs, la région d'accueil, si toutefois il y en a une, a un rôle de financement, compte tenu des retombées scientifiques et économiques, mais seulement de second rang.

La situation est légèrement différente en ce qui concerne les TGE d'infrastructure.

Les organismes de recherche sont les intervenants de premier rang mais les régions doivent l'être également.

Figure 6 : Schéma de décision et de financement des TGE d'infrastructure

Les coopérations internationales ou européennes sont alors utiles mais facultatives.

L'Etat intervient en tant qu'incitateur, coordinateur et financeur, et prend en compte les impératifs de l'aménagement du territoire.

Deux questions sont essentielles à cet égard : c'est la coordination des grandes structures de la recherche entre elles, des régions entre elles et la coordination des instances de recherche avec les régions.

Le schéma de décision et de financement est encore différent pour les TGE de grand programme.

Les TGE de grand programme correspondant à la " commande " d'une recherche d'utilité sociale directe, les intervenants de premier rang sont l'Etat avec ses différents ministères, l'Union européenne, les pays européens impliqués dans une coopération renforcée et éventuellement d'autres pays étrangers.

Les grands organismes de recherche exécutent les commandes de ces intervenants et n'ont donc qu'une charge de financement accessoire. De même, seule la région d'accueil éventuel du TGE de grand équipement participe au financement, du fait des retombées.

Figure 7 : Schéma de décision et de financement des TGE de grand programme

Une fois déterminés les niveaux de responsabilité, il convient de déterminer les procédures, en particulier pour l'émergence des projets de TGE.

5.3. Le processus d'émergence, d'instruction des projets, d'appel et de suivi

On distingue classiquement deux processus pour l'émergence des projets de toute nature, les processus " Bottom Up " et les processus " Top Down ".

Les processus " Bottom Up " sont initiés par la base qui assure la formulation et l'instruction des projets et confie à une institution représentative la responsabilité de la décision. Les processus " Top Down " sont initiés par le sommet qui, en fonction des impératifs de la collectivité qu'il administre, décide la réalisation d'un projet et mobilise ensuite la base afin de le réaliser.

Les TGE de percée thématique et les TGE d'infrastructure doivent être des projets " Bottom Up ", résultant de l'initiative des chercheurs.

La décision de lancement appartient aux organismes de recherche, qui prennent la décision éventuelle de lancement d'un TGE sur la base d'une analyse de leurs besoins scientifiques.

Figure 8 : Processus de décision pour les TGE de percée thématique et

les TGE d'infrastructure

TGE de percée thématique, TGE d'infrastructure

Le rôle de l'Etat est de donner un avis aux organismes de recherche, de s'assurer de la qualité de la coordination des organismes entre eux et d'aider au financement le cas échéant.

La fonction de conseil, d'aide à la décision et d'évaluation doit alors être assumée par un organe indépendant dont les avis éclairent aussi bien le ministère que les organismes de recherche eux-mêmes.

Les TGE de grand programme procèdent d'une démarche " Top Down ".

La décision de lancer un TGE de grand programme émane des pouvoirs publics, pour répondre à un besoin de la société. L'Etat assure le financement et mobilise en conséquence la communauté scientifique.

L'organe indépendant de conseil et d'évaluation éclaire les pouvoirs publics sur l'opportunité de réaliser ce TGE et les organismes de recherche sur les moyens de le mettre en _uvre.

Figure 9 : Processus de décision pour les TGE de grand programme

TGE de grand programme

En tout état de cause, il paraît indispensable qu'un organe d'étude, de conseil et d'évaluation prenne en charge, dans un cadre renouvelé et surtout amélioré sur le plan institutionnel, les tâches de consolidation des besoins, de suivi dans le temps des projets et d'évaluation des TGE.

La mise en sommeil puis la suppression du Conseil des grands équipements n'a évidemment pas fait disparaître ces nécessités fonctionnelles impératives pour la recherche française.

5.4. Les questions de financement

L'application souhaitable du principe de subsidiarité pour les TGE suppose évidemment l'établissement de " règles du jeu " parfaitement claires.

Les TGE de percée thématique et les TGE d'infrastructure doivent rester du ressort des organismes de recherche, tant pour la décision que pour l'exploitation.

Il convient en conséquence que les conditions d'un financement pluriannuel régulier soient mises en place pour ces organismes.

Les contrats des tutelles, c'est-à-dire l'Etat, avec ces organismes pour une période de 4 ans, représentent une amorce de solution mais ne répondent pas à la totalité du problème, dans la mesure où la construction d'un TGE s'étale sur une période de 5 années en moyenne avec une exploitation sur une période de 15 à 20 ans.

Un dispositif complémentaire doit donc être mis en place, à savoir une loi de programmation (voir ci-après).

S'agissant des TGE de grand programme, l'impulsion venant de l'Etat, celui-ci doit s'engager à financer le TGE sur une longue période dépassant bien entendu les durées d'engagement actuellement connues.

5.5. L'évaluation

Par ailleurs, une évaluation continue doit être mise en place, pour s'assurer que l'exploitation de chacun des TGE donne satisfaction à la fois sur le plan scientifique et économique.

La question de l'évaluation de la recherche a été posée dans des termes généraux par le ministre de la recherche.

Dans sa conférence de presse du 4 mai 2000, le ministre de la recherche, M. Roger-Gérard SCHWARTZENBERG, consacrait un long développement à l'amélioration jugée nécessaire de l'évaluation. Il soulignait la nécessité de " jouer cartes sur table ", comme pour l'enseignement supérieur et indiquait que " aujourd'hui l'évaluation de la recherche présente un caractère complexe et multiforme, résultant surtout de la multiplicité des instances d'évaluation : conseils scientifiques par département, commissions scientifiques spécialisées des grands organismes de recherche (ex : Comité national de la recherche scientifique au CNRS), le Comité national d'évaluation de la recherche (CNER), créé en 1989, voire le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie (CSRT), etc. ".

Le ministre ajoutait : " il serait souhaitable de créer, surtout pour l'évaluation stratégique des établissements, une structure nouvelle qui pourrait reprendre les missions du Comité national d'évaluation des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (CNE) créé en 1985 et du CNER actuels, en les fusionnant dans un Comité national d'évaluation des établissements d'enseignement supérieur et des organismes de recherche ".

S'agissant des TGE, on peut se demander si leur technicité et la nécessité de combiner une approche scientifique et économique ne requiert pas un organisme spécialisé, constituant éventuellement une partie d'un organisme à vocation plus large.

L'évaluation des TGE doit se faire sur la base des coûts complets, mais doit aussi porter sur l'impact de l'équipement, sur la compétitivité économique et intégrer les avantages et les inconvénients d'une coopération internationale éventuelle.

Une évaluation de qualité suppose évidemment que les instruments comptables indispensables existent non seulement dans les structures en charge directe des TGE mais également dans les établissements publics de recherche. Ces éléments existent mais nécessitent sans doute d'être améliorés comme l'a noté le récent rapport de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche4.

On peut souhaiter à cet égard la mise en place d'une tarification réelle ou virtuelle des usages, de façon à mieux faire participer les entreprises et les utilisateurs étrangers au financement des installations.

5.6. Le choix d'une des institutions existantes pour le conseil et l'évaluation des TGE

Différentes institutions interviennent à l'étranger sur les TGE. Certaines d'entre elles présentent un intérêt évident, comme le Wissenschaftsrat ou le CRLC, tout en présentant des différences fondamentales.

L'Allemagne dispose du Wissenschaftsrat, Conseil scientifique de la République fédérale d'Allemagne, composé de 32 membres nommés pour 5 ans, à plein temps, par le Président de la République. Indépendance morale et financière, d'une part, et prestige, d'autre part, sont attachés à cet organisme dont les décisions sont unanimement respectées.

Parmi ses différentes compétences, le Wissenschaftsrat examine les projets d'investissement des universités, des centres de recherche et des hôpitaux et délivre un avis qui s'impose à tous.

Tout projet de TGE doit obtenir l'aval du Wissenschaftsrat avant de pouvoir progresser au sein des administrations de la recherche, qu'elles soient fédérales ou locales.

Le CRLC (Central Laboratory for Research Councils) intervient au Royaume-Uni selon un tout autre principe. Il s'agit d'un organisme à qui revient la responsabilité de construire et de gérer les TGE. Le CRLC, comme son nom l'indique, est au service des organismes de recherche, à qui il facture ses prestations. Le CRLC n'engage donc un projet que s'il correspond à une demande et est assorti des financements correspondants par les futurs utilisateurs.

Les avis sur l'efficacité de cette organisation sont partagés. Les uns reconnaissent au CRLC une contribution essentielle à une bonne gestion des TGE. Les autres observent que l'articulation entre le CRLC et les Research Councils, d'une part, et l'articulation entre les Research Councils et les organismes de recherche, d'autre part, s'effectuent très difficilement et génèrent des retards considérables, dont on trouve un exemple dans les difficultés rencontrées pour la mise au point du projet de synchrotron de 3ème génération DIAMOND.

Il reste que la France ne dispose d'aucun organisme comparable ni au Wissenschaftsrat ni au CRLC et que la multiplicité des structures existant en France dissuade d'en proposer et même d'en imaginer une seule autre.

Pour conseiller le Gouvernement sur les TGE, le choix est donc entre confier cette mission à l'une des institutions existantes ou à un regroupement de celles-ci, dans la mesure où il ne paraît pas souhaitable d'en créer une nouvelle.

Au reste, pour mettre en place un nouveau système de conseil et de suivi sur les TGE, il convient de partir des fonctionnalités à obtenir.

Parmi ces fonctionnalités, et sans que cela constitue en rien une liste exhaustive, on peut citer toutefois, d'une part la permanence pour embrasser un horizon de temps long correspondant à la durée de vie des TGE, d'autre part l'indépendance pour résister à toutes les pressions d'où qu'elles viennent, par ailleurs la technicité à la fois dans le domaine scientifique et dans le domaine financier, et enfin l'autorité pour obtenir sans difficulté les informations désirées et pouvoir auditionner tous les chercheurs et tous les responsables de la recherche quels qu'ils soient.

Il revient bien entendu aux pouvoirs publics de déterminer laquelle parmi les instances existantes est la plus à même d'évoluer pour assumer les fonctionnalités indispensables.

5.7. La continuation du rôle du Parlement pour le recours et une supervision en fonction des besoins

S'agissant du rôle de l'Office pour les TGE, vos Rapporteurs estiment que la loi n° 83-609 du 8 juillet 1983 qui l'a créé, l'a doté de moyens exactement adaptés aux besoins de la recherche française.

Le travail effectué sur les conditions d'implantation d'un nouveau synchrotron a répondu à l'impératif pour la communauté scientifique de bénéficier d'une instance d'appel après l'abandon du projet SOLEIL qu'elle estimait contraire aux intérêts de la science française.

L'Office a pleinement joué son rôle de recours. Les possibilités de saisine de l'Office par les commissions permanentes et les groupes politiques via le Bureau offrent ainsi de réelles possibilités d'appel vis-à-vis de décisions de l'exécutif.

Par ailleurs, avec le présent rapport, l'Office a offert à la communauté scientifique un forum d'expression pour quelques-unes de ses réalisations marquantes et pour ses projets, où ses représentants ont rencontré, avec une satisfaction signalée à plusieurs reprises, une grande qualité d'écoute et ont pu confier leurs idées en toute liberté, puisque le Parlement ne saurait avoir un rôle décisionnel en la matière.

Ces auditions ont démontré, une fois de plus, qu'il y a un singulier contraste entre le déficit d'image voire l'image négative de la recherche publique et l'enthousiasme communicatif de ses représentants lorsqu'ils disposent d'une écoute attentive.

Comment ne pas relever également le contraste entre l'image budgétivore, bureaucratique et improductive donnée des TGE depuis quelques années et leur réalité de grande aventure scientifique comme VIRGO ou de grande percée technologique comme SOLEIL ?

Au reste, l'attention portée à la science par le Parlement par l'entremise de son Office d'évaluation, rencontre, faut-il le souligner, à la fois le souci de nos concitoyens de voir celle-ci décryptée en termes d'enjeux quotidiens intelligibles et le souhait de la communauté scientifique d'être mieux comprise des décideurs publics et mieux associée à des décisions lourdes de conséquences pour son avenir et celui de la collectivité nationale.

Enfin, l'étude du rôle des TGE dans la recherche publique et privée, en France et en Europe, à quoi ce rapport est consacré, constitue une évaluation transversale et sur une durée d'une dizaine d'années de la politique qui a été suivie, évaluation qui pourra sans doute être reproduite si le Parlement en est saisi de nouveau, c'est-à-dire si le besoin s'en fait sentir.

A cet égard, la formule d'un binôme Député-Sénateur appartenant l'un à la majorité et l'autre à l'opposition a sans aucun doute contribué, par son impartialité et sa représentativité, à établir une relation de confiance avec les scientifiques auditionnés.

En outre, la constitution d'un groupe de travail ad hoc, étendu et non permanent, a enrichi les débats et permis de mener avec rapidité une investigation somme toute complexe de par la technicité souvent " sidérante " des sujets traités.

Vos Rapporteurs ont, en conséquence, la conviction que l'Office a trouvé d'emblée, dans le jeu institutionnel, le rôle de recours et d'évaluation de la politique des très grands investissements de recherche qui était nécessaire à la collectivité nationale, rôle qu'il convient de maintenir.

II - Des financements à sécuriser à long terme par une programmation globale de l'effort de recherche

La nécessité de perspectives financières à long terme pour les très grands équipements résulte clairement des auditions au cours desquelles vos Rapporteurs ont pu rencontrer les responsables des principales installations en service ou en projet.

C'est cette nécessaire prise en compte du long terme qui a conduit au début des années 1960 au vote d'une loi de programme consacrée aux seules autorisations de programme relative à des grands équipements.

Mais en tout état de cause, les très grands équipements ne sauraient résumer les besoins de la recherche qui exigent tout à la fois des investissements et des crédits de fonctionnement accrus et une politique à long terme traduisant une véritable volonté politique.

L'évolution de l'emploi scientifique pour la recherche française, dans le cadre des TGE mais également sur un plan général, a été soulignée par tous les interlocuteurs de vos Rapporteurs, dans la ligne du rapport de M. Jean-Yves LE DÉAUT, réalisé avec M. Pierre COHEN, de juillet 1999.

Au final, un plan d'ensemble doit être élaboré pour traiter de l'ensemble des moyens matériels et des ressources humaines de la recherche française.

En dépit de ses limites techniques et des déceptions rencontrées dans un passé récent, une loi de programmation apparaît comme un moyen privilégié pour préparer l'avenir, tout en apparaissant comme devant être complétée par une action spécifique en faveur de la recherche industrielle.

1. La nécessité d'engagements à long terme pour les TGE et pour les autres moyens matériels de la recherche

Le décalage temporel est patent entre les très grands équipements scientifiques et techniques dont le domaine est celui du long terme, et les techniques budgétaires qui ont pour horizon l'année budgétaire et fiscale.

Grâce à la gestion responsable et soucieuse des engagements à long terme conduite par les grands organismes de recherche et par le ministère chargé de la recherche, avec l'aide de l'ancien Conseil des grands équipements, aucun accident de financement ne s'est jamais produit en France pour les TGE, qui aurait pu conduire à un abandon ou un retard sensible.

L'absence d'accident de financement pourrait inciter à un certain optimisme sur les mécanismes actuels. Pour autant, la communauté scientifique est soucieuse qu'une meilleure visibilité et davantage de garanties à long terme soient tout de même apportées aux très grands équipements.

1.1. Le long terme, horizon de temps intrinsèque des TGE

La construction d'un très grand équipement peut se dérouler sur une période de 5 à 10 ans et sa durée de vie dépasser une vingtaine d'années, à l'exception des satellites.

Dans la plupart des cas, malgré le principe contraignant de l'annualité budgétaire et malgré les aléas de la croissance économique et les fluctuations des recettes budgétaires, les pouvoirs publics ont su résoudre les difficultés inévitables des financements à très long terme.

Toutefois, différents exemples récents montrent les difficultés de l'exercice. C'est notamment le cas de la flotte océanographique.

Les autorisations de programme pour le renouvellement de la flotte hauturière de l'Ifremer, de 30 millions de francs par an, ont été mises à zéro pour 1999 et 2000. Elles ont certes repris pour 2001 au niveau de 70 millions de francs et devraient se perpétuer au même niveau en 2002. Mais, en tout état de cause, le renouvellement de la flotte exige une pérennisation au même niveau de 70 millions de francs. Quant au financement du Marion Dufresne, il a été réalisé en partie par emprunt.

Les réseaux de surveillance météorologique appellent également un financement pluriannuel identifié et sécurisé.

Il en va de la rentabilisation des dépenses effectuées en vue de l'obtention de mesures qui ne sont exploitables que si elles concernent une très longue période.

Il en va également du respect par la France de ses engagements internationaux qui est d'assurer une participation pérenne à ces réseaux internationaux.

1.2. Capitalisation, amortissements et fonds de réserve ?

Une " sécurisation " des financements des très grands équipements apparaît en conséquence souhaitable à de nombreux observateurs du monde de la recherche.

Un système de " capitalisation " des autorisations de programme, c'est-à-dire de garantie de leur stabilité dès lors que la décision est prise, est recommandé par les responsables des systèmes océanographiques d'observation in situ et pour les satellites.

La constitution de fonds de réserves ou la mise en place de mécanismes d'amortissement est prônée par d'autres experts. Ces dernières solutions présenteraient en effet l'avantage de permettre aux organismes de recherche de procéder d'eux-mêmes au renouvellement des TGE arrivant en fin de service, sans pour autant devoir faire appel à un arbitrage politique.

L'opportunité d'une telle autonomie est contestée par d'autres observateurs, en ce sens qu'une décision de construction de TGE doit par essence appartenir dans tous les cas à la puissance publique, compte tenu de son impact sur le BCRD.

En l'occurrence, la distinction faite dans la deuxième partie du rapport entre les différentes catégories de TGE éclaire là encore la décision.

Les très grands équipements de percée thématique doivent exciper de décisions des communautés scientifiques et des organismes de recherche eux-mêmes, mis dans la situation de constituer des fonds de réserves leur permettant de procéder aux renouvellements ou innovations nécessaires.

En tout état de cause, une décision ministérielle ne devrait intervenir que dans la mesure où un effort supplémentaire serait nécessaire.

De même, les très grands équipements d'infrastructure ne semblent pas relever de décisions autres que celles des organismes de recherche. Il s'agit, rappelons-le, de TGE comme les sources de rayonnement synchrotron, les sources de neutrons, les réseaux ou les supercalculateurs, qui assurent un service transversal de haut niveau technologique, à un ensemble de laboratoires de plusieurs disciplines.

Il serait donc souhaitable de permettre aux organismes de recherche, par de nouveaux mécanismes de constitution de fonds de réserve, de procéder par eux-mêmes aux investissements indispensables.

S'agissant des TGE de grands programme, il est évident que la décision appartient conjointement aux ministères concernés, avec un financement réparti entre les différents budgets et non pas un financement assuré par le seul budget de la recherche.

En tout état de cause, les TGE de percée thématique et les TGE de grands programmes trouveraient avantage à ce qu'un mécanisme ad hoc permette d'asseoir les autorisations de programme renouvelables pour plusieurs années sur des décisions législatives claires.

Pour les TGE d'infrastructure, il pourrait en outre être intéressant d'étudier les conditions de mise en place d'un mécanisme permettant aux organismes de recherche de procéder à des mises en réserve et de provisionner les dépenses de remplacement, qui pourraient être abondées par le BCRD à titre d'incitation et d'accélération du processus de modernisation.

2. La nécessité d'un plan à long terme pour l'emploi scientifique

L'importance des ressources humaines pour la valorisation des très grands équipements scientifiques a été soulignée par l'ensemble des responsables de la recherche auditionnés par vos Rapporteurs.

En tout état de cause, les investissements réalisés dans les très grands équipements, dont la durée de vie dépasse le plus souvent deux décennies, posent avec acuité le problème de l'évolution de la population des chercheurs dans les années à venir.

Pour autant, la question de l'emploi scientifique ne se résume pas aux besoins des très grands équipements.

Il s'agit d'une question d'ordre général, dont l'importance stratégique justifie qu'elle soit traitée par une politique à long terme.

2.1. Des départs massifs dans un contexte de désaffection pour les études scientifiques

La pyramide des âges des chercheurs est une question centrale de la problématique de la recherche publique civile dans notre pays.

M. Jean-Yves LE DEAUT, dans son rapport au Premier ministre, de juillet 1999 intitulé " Priorité à la recherche - Quelle recherche pour demain ? " réalisé avec M. Pierre COHEN a le premier analysé en profondeur les mouvements prévisibles des effectifs des grands organismes de recherche pendant la décennie actuelle.

Près de la moitié des effectifs de la recherche ont un âge supérieur à 48 ans.

Figure 10 : Pyramide des âges des institutions de recherche (universités et établissements publics scientifiques et techniques) au 31 décembre 19965

Les pyramides des âges en 1997 des différents organismes de recherche présentent une structure très défavorable. A l'instar du CNRS (voir figure suivante), les pyramides de la plupart des organismes présentent un maximum relatif ou un plateau pour les classes d'âge de 30 à 40 ans et un maximum absolu pour les classes d'âge de 50 à 60 ans.

Figure 11 : Pyramide des âges du CNRS au 31/12/1996

La situation est particulièrement accentuée pour les chercheurs de l'enseignement supérieur, avec une division par deux des recrutements après l'effort de la fin des années 1960 et du début des années 1970 correspondant à la création de nouvelles universités.

Figure 12 : Pyramide des âges des enseignants-chercheurs au 31/12/1996

Au total, la faiblesse des recrutements opérés dans les années récentes aura pour conséquence d'entraîner une perte d'effectifs considérable dans les dix prochaines années.

Selon les évaluations faites par l'Observatoire des sciences et techniques (OST), le nombre de départs à la retraite pendant la période 2000-2005 devrait être multiplié par 2 par rapport à la période 1995-2000 et dépasser deux mille deux cents personnes par an en moyenne. Au cours de la période suivante 2005-2010, ce même nombre devrait encore croître de 22 % pour atteindre 2739 personnes en moyenne (voir figure suivante).

Figure 13 : Ordres de grandeur des flux annuels de départ à la retraite des chercheurs de la recherche publique civile6

Ce constat d'une accélération des départs à la retraite dans les prochaines années est à l'évidence commun, dans une large mesure, à l'ensemble de la fonction publique.

Il reste que le problème de la recherche a deux spécificités.

La première spécificité provient de la longueur du processus de formation des chercheurs, le plus long à vrai dire de toutes les filières de formation.

La deuxième spécificité provient des contraintes de la transmission des savoirs à l'intérieur des laboratoires. Une accumulation de savoirs et de savoir-faire qui ne sont pas toujours formalisés, se produit dans les laboratoires de recherche et ne peut se transmettre que dans un processus de compagnonnage qui requiert du temps pour s'effectuer correctement.

En conséquence, l'ampleur du problème et son étalement dans le temps imposent des processus planifiés pour le remplacement des classes d'âge concernées.

Or ce processus doit intervenir dans un contexte profondément défavorable, celui d'une désaffection non seulement pour les formations scientifiques mais également pour les métiers de la recherche.

2.2. Les changements nécessaires en amont

Avant de traiter du renouvellement des effectifs de la recherche, il convient de traiter des questions de formation et des modalités de recrutement.

La planification doit évidemment prendre en compte le processus de formation et concerner non seulement le nombre de places en DEA et en écoles doctorales mais aussi les contenus de formation en parallèle à la recherche.

Or les effectifs des premiers cycles scientifiques dans les universités ont fondu de 23 % entre 1994 et 19997. La diminution atteint 53 % pour les sciences de la matière, 32 % pour les sciences de la Terre et 19 % pour les sciences du vivant. Les effectifs ont également diminué dans les classes préparatoires scientifiques. Ni la diminution du nombre de bacheliers scientifiques ni le placement sur le marché du travail qui est excellent pour la quasi-totalité des disciplines n'expliquent ce phénomène.

De surcroît, l'enseignement supérieur ne forme pas assez d'ingénieurs pour répondre aux besoins de sciences et techniques de l'information et de la communication (STIC) et en particulier de ceux de la microélectronique du futur. Cette situation n'est pas propre à la France puisqu'on l'observe aussi aux Etats-Unis et dans d'autres pays européens.

Parmi tous les changements à opérer, le premier est essentiel et porte sur le statut de la science dans la société.

En trente ans, la science " en majesté " est devenue une science " en procès ". Pourtant les succès d'audience des émissions audiovisuelles sur la science, ainsi que le succès considérable de l'Université de Tous les Savoirs démontrent l'intérêt de fond de la société française pour la recherche scientifique. Il convient sans aucun doute de multiplier les initiatives des médias permettant une prise de parole directe des scientifiques.

Mais il s'agit également sans doute de mieux faire connaître les métiers de la recherche. Sur un plan général, un récent sondage sur les Français et la recherche scientifique donne des indications intéressantes sur l'image des métiers de la recherche8. Ces métiers sont jugés à une forte majorité, attirants pour les jeunes et valorisants socialement, et, à une courte majorité, ouverts sur le monde et correctement rémunérés.

En conséquence, quelles sont les causes de la désaffection pour les études scientifiques ?

L'Académie des sciences a attiré l'attention sur la gravité du phénomène. Son président, M. Guy OURISSON, dirige un groupe de travail chargé par le ministre de l'éducation nationale, M. Jack LANG, de dégager des pistes d'action.

Il semble en tout état de cause que la longueur des études scientifiques et la durée de formation à la recherche par le doctorat soient des handicaps, face à la demande d'autonomie formulée de plus en plus tôt par les jeunes. A cet égard, l'âge moyen d'intégration dans les organismes de recherche, soit trente ans, est certainement jugé pénalisant par les étudiants, de même que les difficultés d'intégration des post-docs ayant effectué des stages à l'étranger.

Or la présence des post docs dans les TGE est d'une importance capitale pour leur succès et leur efficacité.

A cet égard, ce sont probablement tous les mécanismes d'intégration des étudiants aux laboratoires et aux organismes de recherche qui sont à revoir.

L'augmentation du nombre de bourses de stages en fin de maîtrise et en DEA, ainsi que de doctorat, et une intégration rapide dans les organismes de recherche, selon des mécanismes simples et transparents, largement connus non seulement des étudiants mais également des lycéens, revaloriseraient sans aucun doute l'attractivité des métiers de la recherche.

2.3. Les prémisses d'une nouvelle politique de l'emploi scientifique

Le projet de loi de finances pour 2001 prévoit la création des 265 postes dans les organismes publics de recherche, dont 130 de chercheurs et 135 d'ingénieurs, techniciens et personnels administratifs.

Pour M. Roger-Gérard SCHWARTZENBERG, il s'agit là de " la première étape d'une gestion prévisionnelle et pluriannuelle de l'emploi scientifique "9. Il faut en effet " rajeunir la recherche, offrir aux jeunes docteurs davantage de débouchés et anticiper sur les départs massifs à la retraite qui interviendront dans la période 2004-2010 ".

Compte tenu de l'accélération du phénomène de départ à la retraite des chercheurs dans les prochaines années, l'effort prévu pour 2001 devra sans aucun doute être amplifié dans les années suivantes.

La gestion prévisionnelle des effectifs nécessite, elle aussi, une programmation détaillée, faisant la part des différents types de moyens dont la recherche française a un impérieux besoin dans les années à venir pour participer aux progrès de la société française.

Le ministre de la recherche a indiqué dans sa conférence de presse du 4 mai 2000 que le rajeunissement de la recherche constitue l'une des ses dix priorités, énoncée d'ailleurs en premier dans son exposé : " il y aura des départs massifs à la retraite entre 2002 et 2012, et plus particulièrement autour de 2005-2008. Nous devons anticiper ces départs pour éviter de nouveaux `coups d'accordéon', c'est-à-dire des recrutements massifs et au dernier moment, alors que des candidats très compétents auraient été écartés quelques années auparavant. Ce qui ne serait ni équitable ni efficace. "10.

Le ministre a ajouté : " une stratégie de programmation de la recherche publique doit être définie en concertation avec l'ensemble des acteurs de la recherche et mise en _uvre sur plusieurs années ".

Ce constat est partagé par vos Rapporteurs, qui estiment indispensable la préparation immédiate d'une loi de programmation de la recherche.

3. Pour une loi de programmation de la recherche

Le principe de l'annualité des dépenses budgétaires est souvent présenté comme compliquant singulièrement la préparation du long terme par la puissance publique.

Pour autant, les instruments existent, autorisations de programme, lois de programme et lois de programmation, qui donnent la possibilité à l'Etat de conduire une politique courant sur plusieurs années.

Il paraît donc indispensable, dans le cadre de la réflexion sur les très grands équipements et plus généralement sur la recherche du futur d'examiner à quelles conditions ces instruments peuvent apporter une solution à la réalisation de la politique de long terme que la recherche exige.

A cet égard, l'étude de l'expérience accumulée dans ce domaine s'impose avant d'examiner l'éventualité d'une nouvelle loi de programmation pour la recherche.

3.1. Les autorisations de programme

La notion d'autorisation de programme a été examinée à plusieurs reprises au cours des auditions.

L'opinion générale est qu'il s'agit là d'un moyen de programmation du financement des TGE qui est sujet à des aléas trop importants.

La suggestion a été faite à plusieurs reprises au cours des auditions d'une capitalisation des autorisations de programme, c'est-à-dire au cumul ne varietur dans le temps des autorisations de programme que l'on peut calculer lors de l'annonce du renouvellement d'un équipement. Une telle possibilité ne semble pas en tout état de cause correspondre aux techniques budgétaires.

Ainsi que les définit l'article 12 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, les autorisations de programme constituent " la limite supérieure des dépenses que les ministres sont autorisés à engager pour l'exécution des investissements prévus par la loi ".

Une première limite technique, importante s'agissant des très grands équipements scientifiques et technologiques, est que les investissements doivent être découpés en tranches, correspondant chacune à " une unité individualisée formant un ensemble cohérent et de nature à être mise en service sans adjonction ".

En pratique, dans la plupart des cas, il n'est pas possible de diviser l'investissement en des unités qui puissent servir isolément.

A l'inverse, le régime des autorisations de programme est d'une grande souplesse, ce qui est peut-être un avantage mais aussi un inconvénient.

Aucune limitation de durée ne conditionne la validité des autorisations de programme. Celles-ci peuvent d'ailleurs être révisées notamment afin de prendre en compte l'évolution des prix.

Mais des autorisations de programme peuvent être purement et simplement annulées. C'est notamment le cas lorsqu'un ralentissement de la croissance se produit, venant diminuer les recettes fiscales et creuser le déficit budgétaire qu'une contrainte interne ou externe forte oblige à limiter.

Au reste, si les autorisations de programme constituent une exception au principe d'annualité budgétaire, celui-ci est réintroduit par les crédits de paiement qui nécessairement correspondent à la fraction des dépenses qui doit être acquittée lors de chacune des années concernées.

Une politique peut certes se matérialiser dans des autorisations de programme mais son application effective doit se traduire année après année dans l'inscription au budget des crédits de paiement qui, seuls, ont une réalité en termes de paiement.

Un autre inconvénient du mécanisme des autorisations de programme, c'est bien évidemment le manque d'impact médiatique de la discussion du projet de loi de finances.

L'engagement politique peut être fort pour la recherche, au regard de l'inscription dans un projet de loi de finances de crédits de paiement et d'autorisations de programme pour un ou plusieurs projets de TGE.

Mais son écho sera toutefois faible dans la discussion des recettes fiscales et des dépenses des autres secteurs ministériels, sans mentionner le fait que l'initiative parlementaire a peu de possibilités en la matière.

3.2. Les lois de programme

La portée des lois de programme a été atténuée sous la Ve République par rapport à celle qu'elle était sous la IVe République. D'obligatoires, les engagements des lois de programme sont en effet devenus déclaratifs. Les lois de programme gardent toutefois une valeur d'engagement politique fort.

Sous la IVe République, les lois de programme avaient pour effet d'obliger les pouvoirs publics à inscrire dans les lois de finances correspondantes, les autorisations de programme qu'elles énonçaient. Les lois de programme réalisaient donc une planification impérative des autorisations de programmes. Mais la rigidité introduite dans les lois de finances et l'impact négatif de dépenses obligatoires sur le déficit budgétaire en cas de diminution des recettes fiscales a rapidement entraîné les gouvernements à n'inscrire dans les lois de finances que les crédits de paiement compatibles avec la situation budgétaire.

La Ve République a tiré les conséquences de cette expérience. Ainsi, l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 indique que " des lois de programme déterminent les objectifs de l'action économique et sociale de l'Etat ". Mais l'ordonnance du 2 janvier 1959 dénie aux lois de programme tout caractère obligatoire : " les lois de programme ne peuvent permettre d'engager l'Etat à l'égard de tiers que dans les limites des autorisations de programme contenues dans la loi de finances de l'année ".

Au reste, une loi de programme ne peut prévoir que le regroupement d'autorisations de programme.

Ceci veut dire qu'une loi de programme ne peut traiter les questions fondamentales des dépenses de personnel et des dépenses de fonctionnement.

Il n'en demeure pas moins que les lois de programme se révèlent contraignantes au plan politique et traduisent des engagements politiques solennels.

Une loi de programme sur la recherche a été adoptée en 1961, portant sur des montants financiers limités et ne concernant que quelques autorisations de programme relatives à de grands équipements scientifiques.

3.3. Les lois de programmation militaire

La Défense nationale est par excellence en France le domaine qui fait l'objet d'une programmation récurrente. Depuis le début de la Ve République, ce sont en effet 9 lois de programmation militaire qui ont été adoptées.

Cette programmation est indispensable en raison des délais de recherche et développement, d'industrialisation de procédés de fabrication et de construction des matériels militaires eux-mêmes.

Les lois de programmation se distinguent des lois de programme en ce qu'elles définissent des objectifs à la fois en termes d'investissement mais aussi de fonctionnement et de dépenses de personnel. Il s'agit d'engagements de nature politique mais en aucun cas d'engagements ayant une portée juridique.

De fait, peu nombreuses sont les lois de programmation militaire dont le déroulement a été conforme aux objectifs initiaux.

La loi de programmation de 1983 a subi des retards tels qu'elle a été interrompue et remplacée par une nouvelle loi en 1987.

La loi de programmation de 1987, à son tour, s'est soldée par un écart de près de 12 % entre la prévision et l'exécution.

Le projet de loi de programmation suivant, qui devait couvrir la période 1992-1994 n'a jamais été discuté.

C'est pourquoi, en 1993, un Livre blanc sur la défense a été élaboré et une loi de programmation votée en 1994 pour la période 1995-2000.

Toutefois, cette programmation a été interrompue en 1997. Une nouvelle loi a été adoptée, à savoir la loi de programmation actuellement en vigueur qui porte sur la période 1997-2002 et se traduit par une réduction massive des crédits.

Ainsi, une première façon de voir les lois de programmation militaire est de souligner les lacunes et les erreurs de programmation, qui nécessitent des réajustements fréquents en cours d'exécution.

Mais ce dispositif ne saurait être jugé seulement à raison des rectifications opérées sur leur contenu et sur les écarts toujours négatifs entre les résultats et les objectifs initiaux.

En effet, les évolutions stratégiques en cours d'exécution d'une loi de programmation, les ajustements de formats à opérer en conséquence sur les forces armées, le caractère imprévisible des ruptures technologiques dans le domaine des armements, sans parler des contraintes économiques budgétaires expliquent ces nécessaires adaptations, qui correspondent en réalité à une planification glissante, indispensable et bienvenue.

En réalité, même assorties des limites précédentes, les lois de programmation militaire jouent un rôle indispensable.

Ces lois introduisent un temps de réflexion et d'élaboration du long terme, fixent des perspectives à moyen terme pour les industries et pour les personnels et communiquent à l'effort de défense nationale une solennité et une visibilité importantes pour la Nation.

3.4. Les expériences de programmation dans le domaine de la recherche

Ainsi qu'on l'a vu, les lois de programmation représentent un moyen capital d'inscrire une politique dans la durée, à la fois pour l'investissement et le fonctionnement.

Dans le domaine de la recherche, la technique de la loi de programmation a été utilisée avec la loi d'orientation et de programmation du 15 juillet 1982 pour la recherche et le développement technologique de la France.

Cette loi a par ailleurs été complétée par la loi du 23 décembre 1985 relatives à la recherche et au développement technologique.

Ces deux lois doivent être analysées pour mieux définir les contours d'une nouvelle loi de programmation qu'il semble impératif de préparer sans attendre.

3.4.1. Utilité et actualité des lois de programmation non militaires

Les lois de programmation ont été fréquemment utilisées en dehors des questions militaires dans les premières années de la Ve République. Plus récemment, des lois de programmation pluriannuelles ont été utilisées à plusieurs reprises de 1993 à 1995.

En novembre 2000, le Premier ministre a annoncé une grande loi pénitentiaire, le déblocage d'une enveloppe de 10 milliards de francs à cet effet et la mise en place d'un établissement public pour la réalisation du programme11.

Dans ce cas précis, on doit noter qu'à l'effet déclaratif de ce qui prendra probablement la forme d'une loi de programmation, s'ajoute une disposition concrète, à savoir la création d'une structure dédiée à la réalisation des objectifs fixés, structure dont l'existence même représente une garantie supplémentaire de respect des engagements pris.

De même, sans que les modalités aient été détaillées pour le moment, un plan pluriannuel de programmation des emplois et des recrutements sur 5 ans a été annoncé par le ministre de l'éducation nationale pour renforcer l'enseignement public et pour faire face aux conséquences prévisibles des départs en retraite des personnels éducatifs.

En réalité, il se confirme dans l'actualité récente que les lois de programmation constituent le moyen d'inscrire une politique dans la durée, même si les règles des finances publiques interdisent toute programmation impérative de dépenses.

Au reste, ces engagements ont été utilisés à deux reprises au cours des années 1980, dans des conditions qu'il convient d'analyser.

3.4.2. La loi d'orientation et de programmation du 15 juillet 1982 pour la recherche et le développement technologique

La loi n° 82-610 du 15 juillet 1982 d'orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France présente plusieurs caractéristiques importantes.

Préparée par une vaste consultation nationale, eu égard à la portée jugée stratégique par le Gouvernement de la recherche scientifique et technologique, le projet de loi, après déclaration d'urgence, est discuté en première lecture au Sénat les 13 et 14 mai 1982, le texte étant rapporté par M. Jean-Marie RAUSCH12, puis à l'Assemblée nationale, les 21, 22 et 23 juin 1982, le texte étant rapporté par M. Philippe BASSINET13. Après échec de la Commission mixte paritaire14, une nouvelle lecture intervient à l'Assemblée nationale le 28 juin, puis au Sénat le 30 juin 1982, l'adoption définitive ayant lieu le même jour à l'Assemblée nationale.

Le constat de fond, fait par le ministre d'Etat, ministre de la recherche et de la technologie, M. Jean-Pierre CHEVENEMENT, est que l'effort de recherche de la France a connu une brillante période correspondant aux premières années de la Ve République. Ainsi, le ratio DIRD / PIB est passé de 1,1 % en 1959 à 2,2 % en 1968.

Mais ensuite, " le défaut de volontés gouvernementales, concrétisé par la suppression du ministère de la recherche en 1969, conduisit à une longue période de stagnation "15. Il en résulta une baisse de l'effort national de recherche à 1,8 % du PIB en 1974 et ensuite une longue stagnation jusqu'en 1980.

La baisse de l'effort national de 1969 à 1974 est due à une diminution de l'effort public que l'augmentation de l'effort des entreprises n'a pas compensé. Aucun rattrapage n'a ensuite été observé puisque le DIRD a cru sensiblement au même rythme que le PIB, le ratio DIRD / PIB restant à peu près égal à 1,8 %. Du fait d'un effort particulier réalisé en cours d'année, le chiffre atteint en 1981 a été de 1,89 %.

En tout état de cause, le projet de loi d'orientation et de programmation, repose sur l'analyse que la recherche et le développement technologique sont essentiels pour la compétitivité de l'économie française et en particulier à court terme pour sortir de la crise économique.

De fait, dans son article 1er, la loi du 15 juillet 1982 indique que " la recherche scientifique et le développement technologique sont des priorités nationales ".

L'objectif fixé par le plan intérimaire de la Nation est de porter à 2,5 % en 1985 la part du produit intérieur brut consacrée aux dépenses de recherche et de développement technologique (DNRD / PIB).

En conséquence, la loi indique dans son article 2 que les crédits inscrits au BCRD progresseront au rythme annuel de 17,8 % en volume de 1982 à 1985, les effectifs employés dans la recherche devant croître au rythme moyen annuel de 4,5 %.

Tels sont les deux seuls engagements chiffrés définis dans la loi n° 82-610 du 15 juillet 1982.

Au demeurant, au plan institutionnel, la loi crée le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie auprès du ministre chargé de la recherche et de la technologie. Elle institue également un nouveau type d'établissement public, les établissements publics à caractère scientifique et technologique, ainsi que les groupements d'intérêt public (GIP). Les GIP sont des personnes morales dotées de l'autonomie financière et sont constituées entre des établissements publics ayant une activité de recherche et de développement technologique, entre l'un ou plusieurs d'entre eux et une ou plusieurs personnes morales de droit public ou de droit privé.

3.4.3. Le bilan de la loi d'orientation et de programmation du 15 juillet 1982

Le bilan de la loi d'orientation et de programmation pour la recherche peut être fait d'une manière simplifiée par la simple consultation des chiffres a posteriori.

Mais ce bilan a surtout été fait d'une manière approfondie par M. Jacques VALADE dans un rapport d'information fait au nom de la Commission des Affaires économiques et du Plan, en préalable à l'examen du projet de loi de 1985 sur la recherche.

L'analyse approfondie faite par M. Jacques VALADE permet, au delà du constat relatif à la loi particulière de 1982, de tirer des enseignements généraux sur les lois de programmation.

*

Suite à l'adoption de la loi du 15 juillet 1982, quelle est l'évolution de l'effort de recherche de la France ?

Figure 14 : Evolution du ratio DIRD / PIB - global, entreprises (DIRDE) et administrations (DIRDA)

L'impulsion donnée en 1981 et amplifiée en 1982 est notable, puisque le ratio DIRD/PIB passe de 1,75 % en 1980 à 2,25 % en 1985.

Au demeurant, les efforts des administrations et des entreprises sont parallèles en début de période.

Le ratio DNRDA / PIB représentatif de l'effort des administrations passe en effet de 0,7 % en 1980 à 0,9 % en 1985.

Quant à l'effort des entreprises, il passe de 1,1 % en 1980 à 1,3 % en 1985. Il est évidemment difficile d'identifier les causes de l'accroissement des efforts des entreprises. La pression de la concurrence et la nécessité d'y faire face sont bien sûr des causes fondamentales. Mais la sensibilisation des entreprises à l'importance de la R&D a été notablement accrue par le processus de consultation mis en place dans tout le pays avant la discussion de la loi au Parlement.

Enfin, il convient de rappeler que l'introduction du crédit d'impôt recherche par la loi du 29 décembre 1982 a également joué un rôle très important dans la mobilisation accrue des entreprises.

*

Dans son rapport d'information sur le bilan de la loi de 1982, M. Jacques VALADE note que " l'irréalisme de ses hypothèses de base ont ôté toute crédibilité aux discours gouvernementaux ".

L'hypothèse de croissance du PIB était en effet de 3 % par an, un chiffre signalé dès 1982 comme irréaliste par le Sénat. Le rythme moyen annuel d'augmentation des crédits inscrits au BCRD devait être pour sa part de 17,8 %.

Le taux de croissance du PÏB n'a finalement été que de 1,3 % en moyenne. L'augmentation annuelle moyenne des crédits du BCRD s'est avérée être de 8,2 % par an.

La priorité à la recherche affichée par la loi n'a donc pu être totalement traduite dans les moyens mis à sa disposition.

Le ralentissement économique et la politique économique et budgétaire restrictive qui a dû être appliquée en sont la cause essentielle.

Mais il faut remarquer que, si l'objectif fixé était d'atteindre un ratio DIRD/PIB de 2,5 % en 1985, le résultat fut tout de même de 2,25 %, ce qui a dénoté une progression réelle par rapport au 1,9 % de 1980. En effet, le BCRD a été privilégié sur la période 1982-1985, alors que l'ensemble du budget civil accusait une évolution de -0,5 % en moyenne annuelle.

M. Jacques VALADE note que, malgré la priorité affichée, le BCRD a fait l'objet d'annulations de crédits, imposées au ministère et mal ressenties par le monde de la recherche. En outre, le CEA et le CNES ont dû faire appel à l'emprunt, une pratique dangereuse pour des organismes de recherche.

Un débat existe donc entre l'intérêt d'afficher des objectifs ambitieux, voire irréalistes mais somme toute contraignants et l'intérêt de faire preuve de réalisme, dans le souci de mieux planifier les évolutions et d'éviter les déceptions.

M. Jacques VALADE note également dans son rapport que l'accroissement des aides à la formation a été important mais que les objectifs relatifs à l'emploi n'ont pas été atteints.

L'analyse conduite par M. Jacques VALADE laisse entrevoir les difficultés de conduire une politique volontariste de l'emploi scientifique cherchant des effets rapides.

Des difficultés ont en effet été rencontrées sur le plan des recrutements. En effet, le taux de progression de l'emploi scientifique n'a atteint que 2,9 % par an alors que l'objectif fixé était de 4,5 % par an en moyenne.

Par ailleurs, les dépenses de main d'_uvre ont doublé entre 1981 et 1985, ce que l'augmentation des effectifs n'explique pas.

Enfin, les recrutements n'ont pas réduit le déséquilibre structurel de l'emploi scientifique, caractérisé par le vieillissement de la population des chercheurs.

M. Jacques VALADE souligne par ailleurs que la loi d'orientation et de programmation n'a pas atteint ses objectifs pour la recherche privée. La part de la recherche financée par les entreprises s'établit en effet en 1985 à 1 % du PIB, contre le 1,5 % prévu, tout en restant concentrée d'une manière excessive.

Un autre enseignement de portée générale doit être cité. Dès 1985, il est apparu que le mécanisme des Groupements d'intérêt public souffrait de lourdeurs excessives. La loi du 23 décembre 1985 n'a toutefois pas entrepris d'y remédier.

3.4.3. La loi du 23 décembre 1985 relative à la recherche et au développement technologique

Constatant à la fois le succès de la mobilisation nationale en faveur de la recherche et l'écart entre le résultat obtenu en 1985, c'est-à-dire un ratio DIRD / PIB de 2,25 % et l'objectif initial de 2,5 % en 1985, un nouveau coup d'accélérateur est donné en 1985 par l'adoption d'une nouvelle loi, la loi du 23 décembre 1985 relative à la recherche et au développement technologique.

Après déclaration d'urgence, le projet de loi est discuté en première lecture à l'Assemblée nationale les 27 et 28 juin 1985, rapporté par M. Philippe BASSINET16. Le texte est ensuite examiné en première lecture au Sénat le 22 octobre 1988, rapporté au fond par M. Jacques VALADE17. La CMP ayant échoué18, une nouvelle lecture intervient à l'Assemblée nationale le 29 novembre 198519, puis au Sénat le 13 décembre 198520, l'adoption définitive ayant lieu le 16 décembre 198521.

La loi n° 85-1376 du 23 décembre 1985 réaffirme que la recherche scientifique et le développement technologiques sont des priorités nationales. Un nouvel objectif très ambitieux est posé, à savoir que " la politique nationale se propose de porter l'ensemble des dépenses publiques et privées de recherche et de développement technologique à 3 % du PIB à la fin de la présente décennie ".

La loi comporte des dispositions relatives à l'emploi scientifique et technique ainsi qu'une programmation du BCRD et de l'emploi scientifique. Sans doute son apport le plus important est-il de fixer des objectifs détaillés pour l'évaluation de la politique de la recherche.

A la lumière de ces expériences, quels pourraient être les contours d'une nouvelle loi de programmation ?

3.5. Pour une loi de programmation sur les TGE

En tout état de cause, la recherche scientifique représente au premier chef, un défi stratégique pour la France d'aujourd'hui.

Ce défi impose qu'une loi de programmation pour les TGE soit rapidement mise en chantier.

L'expérience accumulée permet de préciser les conditions de réussite d'une telle loi.

3.5.1. Les hypothèses macro-économiques et budgétaires

Le choix des hypothèses macro-économiques revêt une importance particulière.

L'expérience plaide plutôt en faveur du réalisme qu'en faveur de l'affichage d'objectifs trop ambitieux, qui génèrent des déceptions en cas d'échec.

Une voie moyenne pourrait être l'adoption d'un taux de croissance modéré, assorti de mécanismes de réévaluation des objectifs en fonction de l'évolution constatée.

Par ailleurs, il conviendrait de déterminer des objectifs de progression des crédits de la recherche intégrant les contraintes de la programmation pluriannuelle des finances publiques requise par l'Union européenne.

Selon cette programmation pluriannuelle, les déficits publics devront être progressivement résorbés, en étant ramenés à un niveau proche de zéro en 2004. Si un ralentissement de la croissance venait à se produire, la tâche serait compliquée d'autant.

En conséquence des arbitrages devront être faits, notamment par les ministères impliqués dans les TGE de grands programmes qu'il convient de faire participer au financement de ces derniers à raison de leur utilité particulière.

Il convient donc de prévoir des mécanismes d'arbitrage pour affirmer la priorité de la recherche, même en cas de difficultés budgétaires.

3.5.2. Une programmation des investissements et de l'emploi

Si l'on veut consolider les perspectives de développement de TGE, il semble nécessaire de reprendre dans un texte législatif les perspectives des contrats de plan Etat-Régions en la matière, ainsi que les propres engagements de l'Etat.

A cet égard, la loi de programmation pourrait apparaître comme un instrument de consolidation, au niveau national, des engagements pris par l'Etat et les Régions, dans le domaine capital des TGE scientifiques.

Par ailleurs, la question de l'emploi scientifique revêt une importance cruciale pour l'avenir de la recherche française. Elle l'est en particulier pour les très grands équipements.

L'expérience des précédentes lois semble suggérer que la programmation des efforts en la matière est particulièrement difficile et qu'un soin tout particulier doit lui être apporté.

Enfin, s'agissant de la recherche privée, sa contribution croissante à l'effort national nécessite des moyens de soutien résolus mais adaptés à sa nouvelle organisation. A cet égard, le soutien à la recherche privé a été rénové depuis quelques années. Une évaluation des premiers résultats obtenus s'impose à cet égard, ainsi qu'un nouvel élan en la matière.

La loi de programmation pourrait également reprendre d'une manière solennelle des dispositions phares relatives au soutien de la recherche privée.

III - Un nouvel élan pour la recherche du début du XXIe siècle, dans le cadre d'un grand contrat national

Dans les dix dernières années, les découvertes scientifiques ont été plus nombreuses que durant toute l'histoire de l'humanité. Il n'existe aucun raison pour qu'un ralentissement se produise dans les prochaines années.

Le rôle moteur de la recherche dans la croissance et pour la compétitivité de l'économie nationale ne laissent en réalité aucune alternative à un effort massif de recherche et développement national.

Ainsi que le déclarait en mai dernier M. Roger-Gérard SCHWARTZENBERG, ministre de la recherche, " il appartient plus que jamais à la recherche de préfacer et de préparer l'avenir. Celle-ci est à la fois la matrice de la production de nouvelles connaissances, de nouveaux savoirs et le principal moteur de la compétitivité, de la croissance et de l'emploi. La recherche est devenue le premier booster de l'économie et de l'emploi. "22.

Un trait majeur de la science moderne est la réduction drastique des délais qui séparent certains travaux de recherche fondamentale de leur application dans le domaine de la recherche technologique et dans l'industrie.

S'agissant de l'industrie elle-même, la durée de l'ensemble du processus depuis l'émergence d'une idée jusqu'à la mise sur le marché tend à se réduire et en particulier le volet recherche.

Au demeurant, la mutation des économies industrialisées vers des activités à haute valeur ajoutée est un processus incontournable dont l'effet d'entraînement sur l'ensemble de l'économie est majeur et positif, à condition d'être à la fois soutenu et équilibré.

Parallèlement à la demande de l'économie et de l'industrie, s'ajoute la demande d'expertise de la société sur des questions touchant à la sûreté et à la sécurité.

Nombreuses sont les crises récentes, qu'elles soient alimentaires, énergétiques, environnementales ou climatiques, où la société s'étonne que la science ne mette pas à sa disposition des éléments de décision suffisamment fondés et où la société appelle en conséquence à une accélération de la recherche et à une interaction plus forte entre les connaissances, les problèmes de la société et les applications industrielles.

Enfin, l'accroissement des connaissances est un mouvement irrépressible de l'humanité, qui, depuis la nuit des temps, avance vers une meilleure compréhension du monde. Cette quête inlassable est bien sûr symbolisée par la demande autocentrée de la communauté scientifique de disposer de moyens toujours plus étendus pour son développement

Simultanément, le coût de la recherche augmente en raison d'un recours croissant à l'instrumentation.

La science moderne, on l'a vu, dans les première et deuxième parties du présent rapport fait un appel croissant à des très grands équipements pour effectuer des percées scientifiques dans une discipline particulière. L'ensemble des disciplines utilisent par ailleurs des très grands équipements d'infrastructure de haut niveau technologique. Enfin des très grands équipements sont également mis au point et utilisés dans le cadre de grands programmes d'utilité sociale.

L'examen détaillé de la question des très grands équipements scientifiques et technologiques fait au total apparaître des demandes d'investissement considérables dans les années à venir.

Au demeurant, les besoins en très grands équipements de la recherche ne sauraient représenter la totalité de ses besoins de financement. Les groupes de laboratoires exigent des équipements lourds et les laboratoires des équipements mi-lourds qui entraînent des dépenses d'acquisition et de fonctionnement importantes.

Enfin, l'on ne saurait minimiser les dépenses de personnel, qui, dans certains organismes, représentent une part considérable du budget annuel, souvent plus des deux tiers.

Cette croissance des besoins jointe à des questions très préoccupantes sur l'évolution prévisible des effectifs des personnels de la recherche fait clairement apparaître qu'un risque réel existe aujourd'hui de marginalisation de la science française dans de nombreuses disciplines.

Ces menaces se précisent alors que nombreux sont les pays qui donnent depuis plusieurs années une réelle priorité à la recherche.

1. L'audace exemplaire de différents pays

Les Etats-Unis ont clairement et collectivement fait le choix d'une accélération considérable de leur effort de recherche et développement.

Cet effort de recherche aura atteint, en 1998, 202 milliards de dollars alors que, la même année, l'Union européenne et le Japon réunis y consacraient 244 milliards de dollars. En 1999, le total de leurs dépenses aura atteint 247 milliards de dollars23, leur permettant d'égaler le total de leurs deux principaux concurrents.

Une telle accélération ne se produit-elle que dans un grand pays, doté d'une recherche militaire puissante, d'une recherche couvrant tous les domaines à un excellent niveau et bénéficiant d'une avance notable dans certains domaines ?

En réalité, il n'en est rien. Certains pays de l'Union européenne se singularisent en effet par des efforts considérables en faveur de la recherche.

Ainsi, la Suède se caractérisait par un ratio DIRD / PIB de 3,7 % en 1997.

La Finlande a fait le choix de reconvertir son industrie vers des productions à forte valeur ajoutée et pour atteindre cet objectif a fait passer son ratio DIRD/PIB de 1,8 en 1989 à 3,11 % en 1999.

Tableau 5 : Evolution du ratio DIRD/PIB des pays d'Europe du Nord, depuis 198924

DIRD/PIB en %

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Suède

2,94

 

2,89

 

3,27

 

3,46

 

3,7

 

 

Finlande

1,8

1,88

2,04

2,13

2,17

2,29

2,29

2,54

2,72

2,9

3,11

Danemark

1,51

1,57

1,64

1,68

1,74

 

1,84

1,85

1,94

1,92

2

Norvège

1,69

 

1,65

 

1,73

 

1,71

 

1,67

 

1,75

Mais au delà des niveaux relatifs, exprimés en pourcentage du PIB, il convient aussi d'analyser les dépenses en niveaux absolus.

Les dépenses totales de l'Allemagne en 1998 pour la R& D ont représenté 44,1 milliards d'écus, soit 56 % de plus que celles de la France qui se sont élevées à 28,3 milliards d'écus la même année.

Cet écart n'est-il pas suffisamment important pour que la France n'entreprenne pas de le combler ?

Figure 15 : DIRD de 1998 en millions d'écus dans l'Union européenne25

En tout état de cause, il semble possible par un effort déterminé de compenser une différence de poids relatif des économies nationales. Cet exemple est donné par la Suède.

Grâce à un effort considérable, la Suède atteint en effet une masse critique de dépenses de R&D qui la font talonner l'Italie et devancer l'Espagne dont les PIB sont pourtant considérablement plus élevés (voir tableau suivant).

Tableau 6 : PIB et DIRD de 1998

milliards d'écus

PIB

DIRD

Italie

1099,1

10,9

Espagne

559,4

4,7

Suède

223,9

8,0

Au demeurant, au sein de l'OCDE, on constate trois groupes de pays, qui se distinguent en fonction de leur effort de R&D : les grands pays ayant clairement opté pour un effort accru de R&D, les grands pays hésitants et les pays offensifs (voir graphiques ci-après).

Figure 16 : Evolution de l'effort de R&D des principaux pays de l'OCDE - pays principaux et pays à spécialisation offensive dans les productions à forte valeur ajoutée26

Grâce à leur effort massif de R&D, les Etats-Unis et le Japon, sont à même de développer leurs spécialisations industrielles à forte valeur ajoutée.

L'Allemagne et surtout la France, tout en faisant des efforts importants, semblent hésiter quant à elles à tourner leur économie toute entière vers les productions à forte valeur ajoutée.

La Suède, la Finlande, mais aussi la Suisse et la Corée du Sud, ont fait le choix déterminé de relever le défi de jouer un rôle mondial dans certaines activités productives à fort contenu en matière grise.

Ce choix est non pas celui de la tertiarisation de leur économie, mais celui des industries à forte valeur ajoutée du XXIe siècle, électronique, informatique, télécommunications, pharmacie, biotechnologies, sur le constat que l'industrie constitue toujours la matrice du développement.

C'est exactement le type de défi que la France doit aujourd'hui relever : s'engager avec enthousiasme et détermination vers une économie de matière grise, avec la participation de toute la population et une place pour chacun de nos concitoyens.

Au reste, cette évolution vers une place plus importante donnée à la science correspond à l'attente de la société française, comme l'indiquent de nombreux éléments, le succès de l'Université de Tous les Savoirs, les succès des Journées de la science, et le sondage réalisé à l'occasion du Colloque " Science et société ".

Parmi un ensemble de questions, ce sondage27 montre que, pour contrôler le progrès scientifique et s'assurer de son respect des questions éthiques, les personnes interrogées font confiance à 53 % aux scientifiques eux-mêmes, et à 19 % aux intellectuels et aux philosophes.

Une autre question posée à l'occasion de ce sondage montre que près des deux tiers des personnes interrogées souhaitent un renforcement de la part du budget de l'Etat consacrée à la recherche scientifique et technologique (voir figure ci-après).

Figure 17 : Les Français et la recherche scientifique28

Le moment est donc venu de changer la dimension de la recherche française.

2. Un grand débat national pour un grand contrat d'objectifs

Au final, quels que soient les moyens choisis, c'est d'un élan national dont la France a besoin pour accélérer sa conquête de la science du XXIe siècle.

La première étape à boucler, c'est de mieux faire comprendre l'impératif de la recherche scientifique et obtenir l'adhésion de nos concitoyens à cet objectif vital. L'Etat a sans doute un rôle à jouer d'impulsion et de catalyse des efforts.

Mais il faut surtout que la communauté scientifique se mobilise pour faire comprendre son travail et faire partager son enthousiasme.

Si la communauté scientifique explique l'intérêt et les limites de ses recherches, alors il ne fait aucun doute que la science aura fait un grand pas dans notre pays.

Alors il sera possible d'engager la France dans la voie d'un effort accru.

2.1. Le Colloque national de la Recherche de 1981-1982

La France a connu en 1981 et 1982, grâce au dynamisme et à l'esprit de conquête du ministre d'Etat, ministre de la recherche, M. Jean-Pierre CHEVÈNEMENT, un grand débat national sur la recherche qui a fait date et qui a joué un rôle important dans le redressement de l'effort de recherche.

Ce Colloque national de la Recherche a compris trois niveaux d'organisation :

▪ les Assises régionales

▪ les Journées sectorielles

▪ les Journées nationales

Un témoignage sur ce Colloque national a été fait le 21 juin 1982, à l'Assemblée nationale, lors de la discussion du projet de loi d'orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique, par M. Robert CHAPUIS.

Les Assises régionales de Rhône-Alpes ont permis à des centaines de chercheurs, industriels, syndicalistes concernés par le mouvement de la science ou le progrès des techniques de se sentir " responsables, non plus seulement sur la base de leur intérêt personnel mais du point de vue collectif, social, national, voire international ".

Ces Assises régionales et le Colloque national ont permis des rencontres qui apparaissaient naguère impossibles, " non seulement entre les disciplines et opinions différentes, entre des personnes différentes, chercheurs, ingénieurs, techniciens, administratifs mais aussi entre universitaires et industriels, et entre syndicats de tendances diverses ".

M. Robert CHAPUIS ajoutait que " dans chacun de ces deux colloques, j'ai rencontré des hommes et des femmes dont l'esprit était animé par l'enthousiasme, certes, mais aussi par un grand sens des réalités et de la nature des efforts actuellement nécessaires et possibles ".

En réalité, l'ensemble des intervenants lors de la discussion parlementaire se sont réjouis de la dynamique créée dans le pays par cette consultation généralisée.

C'est ce sentiment que retrace M. Jacques VALADE, dans son rapport d'information de 1985 sur le bilan de la loi du 15 juillet 1982 d'orientation et de programmation de la recherche29.

Ainsi, " des changements fondamentaux sont apparus dans le monde de la recherche à la suite du grand mouvement des Assises et du Colloque national de la Recherche de 1981 à 1982 ".

Plus important encore, le Rapporteur ajoutait : " On assiste à une démocratisation de l'idée de la nécessité de la recherche ".

On sait par ailleurs que la prise de conscience de l'importance de la recherche au cours de la consultation nationale a ensuite été relayée par la loi d'orientation et de programmation du 15 juillet 1982, qui a fixé des objectifs quantitatifs et surtout développé les moyens d'expression et de consultation de la communauté scientifique.

Ainsi, lors de l'étape ultérieure, les instances représentatives de tous les grands organismes de recherche, le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie et les régions ont pu être associés à la préparation de l'étape triennale suivante, la loi du 23 décembre 1985.

2.2. Pour des Etats généraux de la recherche du début du XXIe siècle

Parmi les effets bénéfiques de la loi de 1982, le processus de consultation nationale est sans doute reconnu comme l'un des principaux.

Vos Rapporteurs invitent le Gouvernement à prendre cette initiative dans les prochaines semaines.

A l'occasion des rencontres que vos Rapporteurs ont eues avec les chercheurs lors d'auditions que ceux-ci ont préparées avec un grand soin et conduites avec un respect extrême de la représentation nationale, la communauté scientifique française a manifesté un besoin criant d'être entendue.

En l'occurrence, les chercheurs ont montré qu'il ne pouvait suffire aujourd'hui d'organiser des discussions avec les décideurs de la science.

Il faut impérativement aux chercheurs un dialogue en premier lieu avec la Nation mais aussi avec la représentation nationale, dans l'enceinte du Parlement, où ils savent qu'aucun enjeu direct de pouvoir, d'attribution de crédits ou de jugements de carrière ne vient perturber la sincérité des échanges.

A de multiples égards, ces moments de dialogue d'une qualité rare, entre vos Rapporteurs et les chercheurs sur le sujet des très grands équipements scientifiques, ont représenté une véritable adresse à la Nation.

Refonder le rôle de la science dans la Nation est une urgence.

On constate en effet une singulière fracture entre l'image des chercheurs et celle de la recherche.

Les uns sont estimés pour leurs capacités, leur désintéressement et leur éthique.

Mais la recherche et ses institutions sont jugées avec sévérité par des pans entiers de la société, comme si les chercheurs pouvaient s'accommoder d'organisations totalement inadaptées à leurs activités et cautionner des institutions qu'ils ne pourraient estimer, ce qui est évidemment absurde.

Cette fracture d'image et la dévalorisation des institutions de recherche, faute d'information et d'insertion dans la société, doivent cesser.

La Nation et la science doivent se rencontrer pour définir en commun leur vision de la recherche du XXIe siècle et l'organisation qu'il convient de refonder dans cette perspective.

Les Etats généraux de la recherche du XXIe siècle dont l'organisation est proposée par vos Rapporteurs, auraient une triple mission  :

▪ faire connaître au plus grand nombre de nos concitoyens les défis de la science moderne et les réalités de la recherche

▪ faire émerger une vision de la science du XXIe siècle partagée par la communauté scientifique et la communauté nationale toute entière

▪ définir une organisation optimale de la recherche dans le respect de la dignité de chacun et au service de l'efficacité collective.

Cette grande consultation nationale ne serait pas réduite au monde de la recherche et de l'industrie. Elle serait conduite en présence du peuple et de leurs représentants. Elle déboucherait sur un Grand contrat national pour la recherche.

2.3. Un grand Contrat d'objectifs pour la Recherche du début du XXIe siècle

Les Etats généraux de la recherche du XXIe siècle prendraient la forme d'une vaste consultation dans tout le pays, dans les régions puis au niveau national, en prenant comme point de départ les très grands équipements de la recherche du futur.

L'organisation d'Etats généraux de la recherche du XXIe siècle pourrait prendre appui sur toutes les instances consultatives du monde de la recherche, sur les organismes de recherche, sur les régions, sur le Parlement, dans un vaste processus de coopération en réseau, où l'Etat ne jouerait qu'un rôle de coordination et s'interdirait toute intervention sur le choix des thèmes abordés.

On pourrait imaginer à cet égard une organisation coopérative tripartite réunissant l'exécutif, le Parlement et les organismes de recherche, sur la base d'une Charte de la consultation nationale définissant ses objectifs et ses principes.

Les enseignements des Journées de la Science et des journées portes ouvertes de différents laboratoires, dont ceux du CEA, sont d'une grande utilité pour concevoir et organiser une opération de plus grande ampleur, qui, compte tenu de la consultation nationale réalisée, mobiliserait encore davantage la communauté scientifique.

L'organisation des Etats généraux de la recherche du XXIe siècle bénéficierait à l'évidence des médias modernes tels que les forums Internet, les chaînes thématiques voire généralistes de radiotélévision.

Ainsi serait exaucé, pour le plus grand bien de la communauté nationale, le souhait des chercheurs d'être entendus et de participer aux processus de décision.

Cette consultation permettrait de forger une vision partagée de la recherche française pour les années à venir et de faire émerger la meilleure organisation possible de la recherche pour le début du XXIe siècle, tant sur le plan des institutions de recherche que sur celui de l'aménagement du territoire.

Le peuple français et les chercheurs ressentent le besoin de passer un contrat d'objectifs pour la Recherche du début du XXIe siècle.

Il convient à la situation présente que des Etats généraux de la Recherche entreprennent de révéler les attentes, les besoins et la vision commune de la Nation et de sa communauté scientifique pour la science du futur

et,

que le Parlement traduise solennellement dans la loi commune ce Grand contrat d'objectifs pour la Recherche du début du XXIe siècle.

CONCLUSION GENERALE

Ainsi donc, après s'être penchés sur la question du rayonnement synchrotron et avoir conclu à l'opportunité de construire en France une machine de 3ème génération pour répondre aux besoins de la communauté scientifique française, vos Rapporteurs ont, à la demande de l'Office, entrepris un voyage au pays des très grands équipements (TGE) scientifiques et techniques.

A vrai dire, ce long voyage de près d'une année a pu se faire au Palais Bourbon ou au Palais du Luxembourg grâce à l'extraordinaire souhait des scientifiques de toutes les disciplines de venir exposer, au delà de leurs besoins, la substance de leurs recherches et leur foi vibrante dans la recherche scientifique avec un enthousiasme qui s'est communiqué à tous les membres du groupe de travail.

Le plus important des nombreux enseignements tirés de ces rencontres avec plus de 200 chercheurs de toutes les disciplines, c'est cette passion pour leur métier qu'ils ont tous exprimée et c'est le niveau et la richesse remarquables de la science française qui apparaissent en filigrane des grands équipements, qu'ils soient en fonctionnement ou en projet.

La recherche est souvent décrite comme déconnectée sinon retranchée des besoins de la société et de l'économie et comme soumise à des pesanteurs bureaucratiques et à des inerties de toutes sortes. Néanmoins vos Rapporteurs ont comme premier souhait, celui de dire que l'examen concret et général d'un pan important de la recherche, celui des équipements lourds dont elle a un besoin impératif, permet de conclure sans aucune hésitation et au contraire avec fierté que les chercheurs de notre pays sont parmi les meilleurs du monde et méritent de voir leur rôle et leur place mieux reconnus dans notre pays.

La deuxième leçon de ce voyage aux pays des TGE, c'est l'extraordinaire étendue des besoins en équipements de toutes sortes que formulent les chercheurs et le foisonnement des projets qu'ils estiment nécessaires pour répondre aux défis de l'avenir. A cet égard, c'est un euphémisme de dire que les besoins d'investissement sont considérables, alors que la recherche s'accélère de toute évidence et apparaît en toute lumière comme un des moteurs du développement.

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S'agissant des très grands équipements scientifiques et techniques, leur importance a fort heureusement été détectée au début des années 1980 par les organes dirigeants de la recherche française. Le concept de TGE (très grands équipements) a été défini et une instance, le Conseil des grands équipements, a été chargée d'informer et de conseiller les ministres de la recherche sur cette question importante dans le sujet plus général des investissements nécessaires à la recherche.

Il importe de rendre hommage au travail accompli, dans une discrétion voulue mais somme toute imméritée et regrettable, par ce Conseil qui a oeuvré avec efficacité pour le décryptage des demandes, leur mise en forme et leur organisation dans le temps.

Pour l'Etat, la notion de TGE et les recommandations du Conseil ont permis une coordination des projets et une planification des investissements, grâce auxquelles la France non seulement n'a manqué pratiquement aucune grande évolution scientifique ou technologique mais au contraire a pu se retrouver aux avant-postes de nombreux secteurs, comme par exemple la physique des particules, la physique du noyau, le rayonnement synchrotron, les sources de neutrons ou bien encore le spatial.

Pour les chercheurs eux-mêmes, l'inscription " dans l'ordre des TGE " a pu assurer à la fois la visibilité d'un projet et la continuité des efforts budgétaires afférents. En voyant leur grand équipement installé dans cette liste d'élection, les chercheurs bénéficiaient peu ou prou d'une garantie de pérennité dans les efforts budgétaires, garantie indispensable pour ces outils longs à construire et d'une durée de vie de plusieurs années voire de plusieurs décennies.

Que l'aboutissement d'un projet de très grand équipement et sa prise en compte comme TGE aient représenté une consécration briguée par de nombreuses communautés scientifiques est absolument incontestable et a pu être vérifié à de nombreuses reprises par vos Rapporteurs qui ont vu, avec le plus grand plaisir, les porteurs de projets se bousculer pour être auditionnés.

Au reste, la notion de TGE et le travail du Conseil des grands équipements donnaient un objet concret à la concertation des grands organismes de recherche et participent encore à la substance de leur coopération.

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Mais rapidement, les très grands équipements ne sont plus apparus au milieu des années 1990 comme un point d'ancrage de la réflexion sur la recherche, tant les nuages se sont accumulés sur les chercheurs, nuages dont la perception a été amplifiée par un déficit d'image considérable et pourquoi ne pas le dire cruel.

Simultanément, alors que la capacité de l'Etat à impulser la science française semblait de plus en plus faible, un nouvel acteur a tenté de se frayer une place plus importante dans les processus de décision, le ministère de la recherche lui-même.

Il est juste et légitime de reconnaître aujourd'hui ce que cette démarche a de positif. En définitive, c'est bien grâce au ministère de la recherche que de nouvelles communautés scientifiques ont pu accéder à l'expression institutionnelle voire publique, comme les sciences du vivant et les sciences et technologies de l'information et de la communication. Faute de projets capitalistiques de grande envergure, ces disciplines ne pouvaient trouver dans le TGE un moyen de s'affirmer. Grâce à l'action du ministère de la recherche, elles ont pu en revanche faire reconnaître leur importance légitime, ce dont il faut se féliciter tant leur importance est grande pour l'avenir de la science et de la société.

Par ailleurs, dans une action renforcée du ministère de la recherche, on ne saurait décrier la volonté de répondre aussi aux besoins de la demande sociale.

Mais à l'inverse, on peut avoir des réticences vis-à-vis du modèle d'une direction éclairée de la recherche, pour des raisons de principe d'attachement à la démocratie dans tous les domaines mais aussi pour des raisons d'efficacité car la démocratie permet de réduire les erreurs et de gagner en efficacité. Or le modèle éclairé a des partisans dans tous les secteurs de la société, y compris dans les milieux politiques souvent effrayés par la complexité des choix, des organisations et même des mentalités.

Au demeurant, l'un des apports des trois dernières années est sans aucun doute l'émergence sinon le test de nouvelles formes d'orientation de la recherche scientifique et technologique par de nouvelles formes d'incitation directe des chercheurs et de coopération entre la recherche publique et privée.

Mais, dans tous les cas, c'est bien à la communauté scientifique elle-même qu'appartient la responsabilité de prendre en compte le long terme.

Par ailleurs un autre facteur majeur est mis en évidence par ce voyage au pays des TGE, à savoir l'explosion des besoins d'investissement pour l'avenir. Que l'instrumentation se complique toujours davantage est une évolution imparable et même implacable de la science moderne.

Le présent rapport propose de distinguer les différents types de très grands équipements selon leur fonction, sur le constat que la nomenclature actuelle fait masse d'outils qui n'ont pas les mêmes finalités ni les mêmes modes de fonctionnement.

A cet égard, il convient désormais de distinguer les TGE de percée thématique, les TGE d'infrastructure et les TGE de grand programme.

Cette nouvelle typologie démontre son utilité en permettant de distinguer quelles doivent être les sources de financement des uns ou des autres et quels doivent être les modes de décision pour leur construction et leur exploitation.

Pour autant, cette évolution vers une instrumentation plus performante et la mise en place de nouveaux mécanismes de financement et de décision n'est pas la seule à revêtir une importance critique.

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M. Jean-Yves LE DÉAUT dans son rapport de juillet 1999 " Quelle recherche pour demain ? " a, le premier, souligné avec force que la décennie 2000-2010 est décisive pour la recherche publique et que la question du renouvellement des effectifs est absolument capitale en raison du nombre considérable de départs à la retraite de chercheurs dans les années à venir.

L'Académie des sciences, à son tour, a souligné avec force que la science française entre dans une zone de tous les dangers.

A vrai dire, il faut pousser un cri d'alarme une nouvelle fois pour affirmer, encore et toujours, que, de par la structure très défavorable de sa pyramide des âges, la recherche française est menacée d'une implosion, voire d'un effondrement tel que celui dont les étoiles supernovae sont capables.

Si un couplage destructeur se faisait entre la désaffection pour les formations scientifiques, la timidité dans les recrutements, la pingrerie dans les conditions financières proposées aux jeunes scientifiques et la rigidité de la gestion des ressources humaines et des carrières, c'est bien la recherche française qui risquerait de disparaître corps et bien avant dix ans, auquel cas la question des investissements en équipements lourds ne se poserait évidemment plus.

C'est pourquoi une programmation de l'emploi scientifique appelée de ses v_ux par M. Jean-Yves LE DÉAUT revêt une importance déterminante.

A cet égard, il faut saluer les efforts qu'enregistre le budget de la recherche pour 2001 grâce à l'action efficace de M. Roger-Gérard SCHWARTZENBERG, avec la création de 265 emplois scientifiques dans les disciplines prioritaires que sont les sciences du vivant et les sciences et technologies de l'information et de la communication.

Mais il faut impérativement que ce soit là le point d'inflexion d'une courbe qui se redresse enfin et retrouve dès l'année prochaine une pente non seulement positive mais violemment croissante.

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Au demeurant, le financement des grands équipements continue de se profiler comme une obligation incontournable et urgente dans le paysage de la recherche française.

Le triptyque théorie-instrumentation-expérimentation est un paradigme fondamental de la science moderne. Il ne faut donc pas s'étonner que les besoins d'investissement soient considérables et connaissent une véritable explosion.

Bien que certains chercheurs parmi les plus éminents plaident pour une science simplifiée, le chercheur travaillant sur sa seule paillasse et le théoricien sur sa feuille blanche exploitent des masses de données accumulées à travers le temps, souvent à l'aide de très grands équipements.

En tout état de cause, la durée très longue de la conception et de la construction des très grands équipements impose qu'aucun retard ne soit pris dans quelque domaine que ce soit.

A cet égard, on est bien forcé de regretter l'engagement insuffisant de l'Union européenne dans le financement des TGE et d'en prendre note, tout en continuant de fonder les meilleurs espoirs sur la coopération bilatérale ou multilatérale.

En réalité, le rythme imprimé par les premiers de la course scientifique est de plus en plus élevé au point qu'il risque d'entraîner, comme on l'a connu dans d'autres domaines, l'asphyxie de bien des compétiteurs et leur renoncement à développer une recherche nationale.

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Enfin, ce voyage au pays des TGE aura aussi mis en évidence l'extraordinaire complexité des structures de conseil, de décision et de financement de la recherche française.

Chaque âge de la science a déposé ses propres instances, commissions, comités, instituts dans la superstructure administrative de la recherche, au point que, comble d'ironie administrative, certains chercheurs trouvent plus aisé de travailler avec la Commission européenne qu'avec les instances françaises.

Au reste, dans ce maquis administratif, l'on est obligé de se pincer pour admettre que l'on ne rêve pas quand on constate la place si réduite donnée à la prospective et la pauvreté des moyens qui lui sont consacrés.

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Le présent rapport ne saurait être une intercession en faveur de telle ou telle discipline.

Il se veut modestement mais résolument un plaidoyer pour le futur de la recherche française alors que de nombreux ferments d'avenir travaillent les organismes de recherche et que l'intérêt de nos concitoyens pour la science n'attend pour s'enflammer que la prise de parole des pédagogues inspirés et désintéressés qui existent par milliers dans les laboratoires français.

Si malgré l'accumulation de dangers et les difficultés à résoudre, vos Rapporteurs nourrissent un très grand optimisme pour l'avenir, c'est parce qu'il existe une demande considérable de dialogue et d'expression de la part de la communauté scientifique, à chaque fois qu'on veut bien l'entendre avec respect et affection.

Que des Etats généraux de la recherche du début du XXIe siècle associant pour la première fois le peuple, les chercheurs, les organismes de recherche, les régions et le Parlement, soient organisés afin d'élaborer en commun une vision de la recherche pour l'avenir et une organisation pour la mettre en ordre de bataille.

Qu'ensuite un grand Contrat d'Objectifs pour la Recherche du début du XXIe siècle soit passé par la Nation et sa communauté scientifique et soit traduit solennellement par une loi de programmation de la Recherche française du début du XXIe siècle.

1 Audition de M. Georges LAURENS, mercredi 6 décembre 2000.

2 Voir plus loin l'historique des décisions relatives au projet SOLEIL.

3 Ce document s'avérera d'une valeur pérenne encore en 2000.

4 Rapport sur les grands équipements scientifiques, Inspection générale des Finances, n° 2000-M-024-01, Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, n° 00-0034, juin 2000.

5 Jean-Yves LE DEAUT et Pierre COHEN, Priorité à la recherche - Quelle recherche pour demain ?, Rapport au Premier ministre, 22 juillet 1999.

6 Source : OST, indicateurs 1998.

7 Les Echos, 17 novembre 2000.

8 Le Monde, 30 novembre 2000.

9 Le Monde, 28 septembre 2000.

10 Conférence de presse de M. Roger-Gérard SCHWARTZENBERG, ministre de la recherche, " Une nouvelle étape pour la recherche : dix orientations prioritaires ", 4 mai 2000.

11 Le Monde, 10 novembre 2000.

12 Rapport de M. Jean-Marie RAUSCH, Sénat, n° 325 (1981-1982).

13 Rapport de M. Philippe BASSINET, Assemblée nationale, n° 953.

14 Rapport CMP n° 969 Assemblée nationale.

15 Jean-Pierre CHEVENEMENT, Discussion en séance publique du projet de loi d'orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique, n° 242 et 325 (1981-1982), séance du 13 mai 1981, JO des débats.

16 Rapport de M. Philippe BASSINET, Assemblée nationale n° 2817.

17 Rapport de M. Jacques VALADE, Sénat n° 33 (85-86). Rapport pour avis n° 37 (85-86) et n° 40 (85-86).

18 Rapport Assemblée nationale n° 3085.

19 Rapport de M. Philippe BASSINET, Assemblée nationale n° 3111.

20 Rapport de M. Jacques VALADE, Sénat n° 186 (85-86).

21 Rapport de M. Philippe BASSINET, Assemblée nationale n° 3198.

22 Le Figaro, 6 mai 2000.

23 Pierre LE HIR, Le Monde, 20 octobre 2000.

24 Source : OCDE-Dsti, novembre 2000.

25 Source : Towards a European Research Area - Science, Technology and Innovation - Key Figures 2000 - Commission européenne, DG Recherche et Eurostat.

26 Source : OCDE, MSTI, mai 2000 - interpolations OPECST

27 Jean-François AUGEREAU et Pierre LE HIR, Le Monde, 30 novembre 2000.

28 Sondage effectué par la SOFRES du 15 au 17 novembre 2000 auprès d'un échantillon national de 1000 personnes représentatif de la population âgée de 18 ans et plus.

29 Jacques VALADE, Rapport d'information sur le bilan de la loi d'orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique, Sénat, n° 23 (1985-1986)