N° 2198

N° 238

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ASSEMBLÉE NATIONALE

SÉNAT

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

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Enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale
le 24 février 2000

Annexe au procès-verbal de la séance du 24 février 2000

     

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    OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION
    DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

    ________________________

     

    RAPPORT

    SUR

    LE CLONAGE, LA THÉRAPIE CELLULAIRE
    ET L’UTILISATION THÉRAPEUTIQUE
    DES CELLULES EMBRYONNAIRES

     

PAR M. Alain CLAEYS,

PAR M. Claude HURIET,

Député.

Sénateur.

     

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Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale
par M. Jean-Yves LE DÉAUT,
Premier
Vice-Président de l'Office

__________________

Déposé sur le Bureau du Sénat
par M. Henri REVOL,
Président de l'Office.

     

Bioéthique

     

    Table des matières

    SAISINES 7

    INTRODUCTION 9

    PREMIèRE PARTIE : ELéMENTS D’INFORMATION SUR LE CLONAGE – CLONAGE REPRODUCTIF ET CLONAGE « THéRAPEUTIQUE » 13

    I - Données générales sur le clonage reproductif : définition et techniques 13

    1. Le clonage par scission d’embryon 14

    2. Le clonage par transfert nucléaire 14

    II - L’expérimentation animale du clonage reproductif par transfert

    de noyau 15

    1. Les développements de la recherche 15

      1.1. L’application du clonage reproductif à plusieurs espèces de mammifères 15

      1.2. Le clonage à partir de cellules somatiques adultes 16

    2. L’efficacité des résultats 17

      2.1. Le rendement encore très faible de la méthode en termes de naissances 17

      2.2. Fragilité et anomalies affectant les animaux clonés à partir de cellules somatiques

      adultes 18

    III - L’intérêt du clonage animal reproductif : recherche fondamentale et applications médicales et pharmaceutiques 20

    1. Le clonage et la recherche biologique fondamentale 20

    2. Les ressources offertes par l’association transgenèse-clonage 21

      2.1. L’efficacité escomptée du couplage transgenèse-clonage 22

      2.2. Transgenèse ciblée et création de nouveaux modèles animaux 23

      2.3. La production de protéines thérapeutiques 24

      2.4. Transgenèse et xénogreffes 25

    3. Un développement industriel encore aléatoire compte tenu de la fragilité

    des résultats et des contestations touchant la propriété intellectuelle 27

    IV - Du clonage reproductif animal au clonage thérapeutique humain 28

    DEUXIèME PARTIE : THéRAPIE CELLULAIRE ET MéDECINE RéGéNéRATRICE 31

    I – Les applications déjà éprouvées de la thérapie cellulaire 32

    1. Les greffes allogéniques de cellules souches hématopoïétiques (CSH) 32

      1.1. Le prélèvement de CSH à partir du sang périphérique 32

      1.2. Le prélèvement de CSH à partir du sang placentaire 33

    2. Les greffes de peau 33

    II – Les démarches expérimentales en cours : tissus et cellules 35

    1. L’ingénierie tissulaire 35

    2. La greffe de cellules allogéniques 37

      2.1. La greffe de cellules adultes 38

      2.1.1. Les cellules du foie (hépatocytes) 38

      2.1.2. Les cellules pancréatiques (îlots de Langerhans) 40

      2.2. La greffe de cellules fœtales 43

      2.2.1. Les cellules souches hématopoïétiques (cellules de foie fœtal) 43

      2.2.2. Les neurones fœtaux 45

    III – Les perspectives ouvertes par les cellules souches 49

    1. Définition et typologie des cellules souches 49

    2. Les cellules souches pluripotentes : des perspectives prometteuses encore

    grevées de larges incertitudes 50

      2.1. Les ressources attendues des cellules souches pluripotentes 51

      2.1.1. Un intérêt immédiat pour la recherche 51

      2.1.2. Les applications thérapeutiques à plus long terme 52

      2.2. Les problèmes à résoudre 55

      2.2.1. L’obtention des cellules souches pluripotentes 55

        2.2.1.1. L’obtention à partir d’embryons in vitro et de fœtus avortés 55

        2.2.1.2. L’obtention par clonage thérapeutique : obstacles techniques,

        objections éthiques et risques médicaux 58

      2.2.2. Le contrôle de la différenciation et la prévention des risques tumorigènes 62

        2.2.2.1. Le contrôle de la différenciation des cellules 62

        2.2.2.2. La prévention des risques tumorigènes 63

    3. Les cellules souches adultes : de nouvelles perspectives pour la thérapie

    cellulaire 64

      3.1. La découverte de cellules souches neuronales 65

      3.2. La plasticité des cellules souches adultes 67

      3.3. Un intérêt thérapeutique qui justifie un élargissement du champ de la recherche

      sur les cellules souches 68

    TROISIèME PARTIE : ENJEUX éCONOMIQUES ET DéBATS JURIDICO-SCIENTIFIQUES 71

    I – La situation de la recherche dans le monde anglo-saxon 71

    1. Les stratégies commerciales anglo-américaines 71

    2. Les débats en cours sur un assouplissement de l’encadrement législatif et réglementaire 75

      2.1. Aux Etats-Unis : des fonds fédéraux peuvent-ils soutenir la recherche sur les

      cellules souches pluripotentes ? 75

      2.1.1. L’état actuel du droit 75

      2.1.2. Vers un financement public de la recherche 76

      2.2. Au Royaume-Uni : convient-il de légaliser le clonage humain à but thérapeutique ? 78

      2.2.1. Rappel du droit en vigueur 78

      2.2.2. Les recommandations des experts et le sursis à statuer du Gouvernement 79

    COMPTES RENDUS DES AUDITIONS

    Audition du 30 septembre 1999

    Professeur Pierre CESARO, chef du service de neurologie de l’Hôpital Henri-Mondor de Créteil, professeur Gilles DEFER, chef du service de neurologie du CHRU de Caen, et docteur Marc PESCHANSKI, directeur de l’Unité 421 de l’INSERM « Neuroplasticité et thérapeutique »

    Audition du 7 octobre 1999

    Professeur Jean-Pierre CAMPION, Centre hospitalier régional universitaire de Rennes

    Auditions du 21 octobre 1999

    1. Professeur François FORESTIER, chef du service de médecine et biologie fœtale à l’Institut de puériculture de Paris

    2. Professeur Jean-Louis TOURAINE, chef du service de néphrologie, Hôpital Edouard-Herriot de Lyon

    Audition du 28 octobre 1999

    Professeur Jean-Paul VERNANT, chef du service d’hématologie à la Pitié-Salpêtrière, président de la Société française de greffe de moelle

    Auditions du 10 novembre 1999

    1. Professeur Claude SUREAU, membre de l’Académie de médecine

    2. Docteur François PATTOU, Centre hospitalier régional universitaire de Lille

    Audition du 2 décembre 1999

    M. Charles THIBAULT, Professeur émérite à l’Université Paris VI- Pierre et Marie Curie

    Auditions du 9 décembre 1999

    1. Dr Philippe BRACHET, U 437 de l’INSERM (Immuno-intervention dans les allo et xénotransplantations)

    2. M. Jacques SAMARUT, directeur de recherche au CNRS, chef du groupe « Oncogenèse virale et différenciation cellulaire » à l’ENS de Lyon, et Mme Martine LOISEAU, chargée de mission éthique au département des sciences de la vie au CNRS

    Audition du 26 janvier 2000

    M. Michel FOUGEREAU, conseiller scientifique pour les sciences de la vie et de la médecine à la Direction de la Recherche, professeurs Alain FISCHER (Université Paris V) et Marc TARDIEU (Université Paris XI)

    COMPTE RENDU DES AUDITIONS PUBLIQUES DU 25 NOVEMBRE 1999

    Le rôle des autorités britanniques de régulation en matière de thérapie cellulaire et de clonage, et la ligne adoptée par les différents pays de l’Union européenne. Docteur Anne Mc LAREN, Membre de l’HFEA et du Groupe européen d’éthique des sciences et des nouvelles technologies

    Les conséquences médicales de la recherche sur les cellules souches pluripotentes. M. John GEARHART, Professeur de gynécologie et d’obstétrique à l’Université Johns Hopkins de Baltimore

    Les applications du clonage animal reproductif et les perspectives économiques escomptables dans ce domaine. M. Ian WILMUT,

    Professeur à l’Institut Roslin d’Edimbourg Les objectifs de recherche, les prévisions et la stratégie générale de la société Geron Bio-Med. M. Simon BEST, Directeur général de Geron Bio-Med

    La législation américaine et les évolutions prévisibles en matière de clonage et de recherche sur les cellules embryonnaires. Mme Lori ANDREWS, Professeur de droit à l’Université de Chicago

    Le statut de l’embryon. M. Gordon DUNSTAN, Professeur émérite de théologie morale et sociale au King’s College de Londres, Membre du Nuffield Council on Bioethics de 1991 à 1995

Saisines

    Introduction

    Le thème de ce rapport dont l’Office a été saisi conjointement par les bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat avait été proposé par le professeur Axel KAHN lors de la réunion tenue le 20 janvier 1999 avec le Conseil scientifique de l’Office.

    En nous en confiant l’élaboration, l’Office nous a permis de prolonger et d’approfondir un certain nombre de questions que nous avions évoquées succinctement dans notre précédent rapport consacré à l’application de la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal.

    Nous n’avions traité qu’incidemment du clonage, le législateur de 1994 ne l’ayant pas abordé puisque cette technique ne semblait pas, à l’époque, applicable à l’homme. Depuis la naissance, en juillet 1996, de Dolly, premier clone somatique d’un mammifère adulte, les expériences se sont multipliées : obtention en 1997 d’une brebis clonée transgénique dont le lait est susceptible de produire une protéine thérapeutique, puis de deux primates clonés à partir de cellules embryonnaires ; naissance en juillet 1998 de 22 clones de souris à partir de cellules adultes dans un laboratoire de Hawaï ; annonce, en novembre 1998 – non confirmée par une publication scientifique – de l’obtention d’un embryon par implantation d’une cellule somatique humaine dans un ovule de vache énucléé. Parallèlement, se développent des interrogations sur l’âge réel et la fragilité des animaux produits par clonage somatique.

    Nous avions déjà souligné, et nous y revenons plus en détail dans le cadre de ce nouveau rapport, les utilisations potentielles prometteuses dont le clonage animal peut être le vecteur dans le domaine de la médecine et de la recherche médicale : amélioration des connaissances génétiques et physiologiques, réalisation de modèles de maladies humaines, production à un moindre coût de protéines thérapeutiques, constitution de banques d’organes et de tissus servant à des xénogreffes.

    Plus inquiétante, en revanche, est la perspective que le perfectionnement des techniques sur le modèle animal ne conduise à l’expérimentation sur l’homme du clonage reproductif. Proclamations, résolutions et interdictions se sont multipliées ces deux dernières années à l’échelon européen comme au plan mondial pour faire barrage à une telle éventualité. La prochaine révision de la loi française conduira vraisemblablement à l’inscription d’une prohibition plus explicite dans notre droit interne.

    Cependant, le débat sur l’application à l’homme des techniques de clonage a pris une dimension nouvelle avec l’introduction d’une distinction entre le clonage reproductif – unanimement condamné – et le clonage thérapeutique dont de nombreux scientifiques soulignent aujourd’hui l’intérêt qu’il pourrait revêtir dans l’exploitation des ressources médicales offertes par les cellules souches pluripotentes.

    Récemment isolées et mises en culture par deux équipes de chercheurs américains, ces cellules ont la capacité de se différencier, sous l’influence de facteurs biologiques et chimiques, en cellules appartenant aux trois types de tissus (endoderme, ectoderme, mésoderme) et pourraient être utilisées dans le traitement des diverses maladies dues à des lésions cellulaires (Parkinson, diabète, dystrophie musculaire…).

    Pour exploiter au mieux leur potentiel thérapeutique et surmonter les problèmes de rejet immunitaire, l’une des solutions envisagées consisterait à transférer le matériel génétique des cellules du patient dans un ovocyte énucléé, à laisser l’embryon se développer jusqu’au stade du blastocyste puis à prélever dans la masse cellulaire interne et à mettre en culture les cellules pluripotentes en tous points semblables à celles de l’adulte qui leur aura donné naissance. C’est à cette technique que renvoie la notion de clonage thérapeutique, également dénommée « somatic cell nuclear transfer » (transfert du noyau de cellule somatique) par les anglo-saxons. Les champs considérables que les cellules souches embryonnaires sont susceptibles d’ouvrir à la thérapie cellulaire ne doivent pas pour autant conduire à négliger les possibilités offertes par les cellules souches fœtales et adultes qui possèdent, à des degrés moins élevés, des capacités de différenciation porteuses de nombreuses applications thérapeutiques et ne soulèvent pas les mêmes problèmes éthiques.

    Ainsi s’établit, à travers cette présentation liminaire, la complémentarité entre les trois termes du rapport qui nous a été confié. Il s’inscrit, comme le précédent, dans la perspective d’une révision de la loi de 1994 qui n’interviendra vraisemblablement pas avant le second semestre de l’an 2000. Cependant, la démarche est ici prospective et non plus évaluative, l’objectif étant d’éclairer les choix du Parlement en faisant le point sur l’état de la science sans négliger les enjeux économiques qui stimulent la recherche, notamment aux Etats-Unis. Nous avons voulu clairement distinguer ce qui est d’ores et déjà possible de ce qui sera réalisable à court et à moyen terme en faisant apparaître les diverses voies que pourrait emprunter la thérapie cellulaire.

    Sans placer au premier plan la dimension éthique du problème, il nous a paru nécessaire, comme nous avions pu le faire précédemment, de mettre en évidence la tension existant entre les principes posés en 1994 (et, notamment, le respect de la vie dès son origine) et les perspectives thérapeutiques offertes par le progrès scientifique, perspectives qui pourraient conduire à certains assouplissements du cadre législatif en vigueur.

    Enfin, le contexte européen et international devait également être pris en compte, qu’il s’agisse du problème de la brevetabilité des techniques ou de l’harmonisation des législations relatives au clonage et à l’utilisation de l’embryon à des fins de recherche.

    Le contenu de ce rapport s’appuie très largement sur les informations et réflexions que nous ont apportées les praticiens et chercheurs français. Une journée d’auditions publiques, très riche d’enseignements, a, d’autre part, permis d’entendre quelques-uns des meilleurs spécialistes de la recherche sur le clonage et les cellules souches dans les deux pays (Etats-Unis et Royaume-Uni) où elle est la plus avancée. Le compte rendu de ces diverses auditions est reproduit en annexe du rapport.

    *

    * *

    Nous tenons à exprimer notre gratitude aux experts qui, malgré des emplois du temps très chargés, ont bien voulu nous guider dans l’orientation de notre réflexion et le choix de nos auditions. Ce comité de pilotage comprenait :

        - le professeur Axel KAHN ;

        - le docteur Jacques MONTAGUT, directeur de l’IFREARES (Institut francophone de recherche et d’études appliquées à la reproduction et à la sexologie), membre du comité national d’éthique ;

        - le docteur Bernard LOTY, directeur médical de l’Etablissement français des greffes ;

        - le professeur Jean-Paul RENARD, directeur de recherche à l’INRA.

    Nos remerciements vont également au docteur Françoise TOURAINE-MOULIN et à Mme Brigitte MELIN qui nous ont apporté, à Washington et à Londres, un concours efficace pour organiser l’audition des experts américains et britanniques.

    Première partie :
    Eléments d’information sur le clonage –
    Clonage reproductif et clonage « thérapeutique »

    Précisons d’emblée que le clonage reproductif humain et les problèmes philosophiques, juridiques et médicaux que soulèverait sa mise en œuvre ne seront pas ici abordés. Sur le plan expérimental, aucun pas décisif n’a d’ailleurs été franchi même si une équipe sud-coréenne a prétendu, sans publication scientifique à l’appui, être parvenue à créer un embryon humain développé jusqu’au stade de quatre cellules selon la technique mise au point par l’Institut Roslin d’Edimbourg. Sur le terrain éthique et juridique, beaucoup a été et sera encore écrit mais il n’entre pas dans notre mission d’apporter une contribution supplémentaire à ce vaste débat dès lors que notre étude ne doit envisager le clonage que sous l’angle de ses applications thérapeutiques.

    Il nous a paru cependant nécessaire de consacrer un certain nombre de développements au clonage animal reproductif par transfert nucléaire, d’une part parce que cette même technique pourrait, avec des finalités différentes, être utilisée dans le cadre de la thérapie cellulaire, d’autre part parce que ce type de clonage offre lui aussi pour l’homme, à plus ou moins long terme, des applications thérapeutiques du plus haut intérêt.

    I - Données générales sur le clonage reproductif : définition et techniques

    On s’en tiendra ici à l’énonciation de quelques données simples destinées à faciliter la compréhension générale des problèmes soulevés par ces techniques.

    Le clonage vise à la production asexuée, à partir d’une cellule ou d’un organisme, d’entités biologiques génétiquement identiques à cette cellule ou à cet organisme. Il s’agit donc ici d’une reproduction et non d’une procréation qui « se ramène, au niveau cellulaire, à l’alliance au sein de l’élément féminin de deux moitiés aléatoires de l’ADN, chacune spécifique d’un des membres du couple » 1. Aussi la distinction couramment utilisée aujourd’hui entre clonages reproductif et non reproductif n’est-elle guère satisfaisante au plan scientifique et mieux vaudrait séparer – nous aurons l’occasion d’y revenir – le clonage reproductif d’organismes et le clonage reproductif de lignées cellulaires 2.

    Deux procédés sont utilisables pour parvenir à cette duplication génétique.

    1. Le clonage par scission d’embryon

    Ce procédé est le plus facile à mettre en œuvre et, sans doute, le plus efficace. Il consiste à déclencher artificiellement in vitro ce qui se produit à l’état naturel chez les mammifères en cas de gémellité vraie (jumeaux monozygotes). Lorsque l’embryon fécondé se divise en deux cellules, on sépare celles-ci de façon que chacune d’elles produise à son tour un embryon. La scission de l’embryon de mouton ou de vache permet des taux de gestations gémellaires élevés (plus de 60 %). « Mais l’opération ne peut être renouvelée sur les demis (ou quarts) d’embryons obtenus, car les cellules qui ont été séparées se trouvent déjà engagées dans le programme de développement. » 3

    La faisabilité de cette méthode a été récemment démontrée chez le primate 4. L’objectif était de créer une fratrie composée d’animaux parfaitement identiques pouvant servir de modèles de maladies ou de cobayes pour l’expérimentation thérapeutique.

    2. Le clonage par transfert nucléaire

    Il consiste à introduire, dans le cytoplasme d’un ovule non fécondé dont on a retiré le matériel nucléaire, le noyau d’une cellule provenant d’un embryon, d’un fœtus ou d’un organisme adulte. « On cherche à leurrer le cytoplasme de l’ovocyte qui tente alors d’organiser le nouveau noyau pour lui redonner ses caractéristiques embryonnaires. » 5

        · On peut utiliser des cellules embryonnaires à un stade où elles sont encore peu différenciées (embryon de 32 à 64 cellules). Il est alors théoriquement possible de reproduire un embryon en autant d’exemplaires qu’il compte de cellules pourvoyeuses de noyaux. Cet artifice est utilisé depuis une douzaine d’années pour produire des clones chez les principaux mammifères d’élevage, 6 à 10 % des embryons reconstitués aboutissant à une naissance. Plus récemment (1997), l’opération a été réussie avec des primates.

        · L’utilisation de cellules déjà différenciées prélevées sur un individu adulte permet de disposer d’une source illimitée de noyaux. Comme l’indique Jean-Paul RENARD, une simple biopsie de quelques millimètres carrés suffit pour fournir plusieurs milliers de cellules. Mais l’opération est alors plus aléatoire car l’activité de ces noyaux doit nécessairement être reprogrammée pour leur faire acquérir les caractéristiques de noyaux d’embryon.

        Ce clonage par transfert de noyau de cellule somatique prélevée sur un individu adulte est celui qui a abouti à la naissance, en juillet 1996, de la brebis Dolly. Depuis cette date, les expériences se sont multipliées. Quels ont été les progrès accomplis, les résultats obtenus ? Quelles interrogations subsistent sur les effets de cette méthode ? C’est ce que l’on examinera maintenant.

    II - L’expérimentation animale du clonage reproductif par transfert de noyau

    1. Les développements de la recherche

    Plusieurs étapes significatives ont été franchies au cours de ces trois dernières années dans un climat de compétition fortement exacerbé par les enjeux économiques. Aussi convient-il d’accueillir avec prudence les annonces triomphalistes des laboratoires et de ne retenir que les informations auxquelles leur publication dans des revues de haut niveau scientifique confère une incontestable crédibilité. Ces précautions prises, deux types d’avancées semblent pouvoir être mis en évidence.

      1.1. L’application du clonage reproductif à plusieurs espèces de mammifères

    Les premiers résultats avaient été obtenus sur des ovins. Au cours de l’année 1998, ont été rapportés des clonages de souris, de veaux et de chèvres à partir de cellules fœtales ou de cellules adultes. S’agissant des bovins et des caprins, animaux à forte production laitière, l’intérêt du clonage est associé, comme on le verra plus loin, à celui de la transgenèse permettant la production de protéines pharmaceutiques et médicales.

    Les recherches sur le porc et le lapin ont été jusqu’ici infructueuses. Quant aux primates, deux clones de singes rhésus produits à partir de cellules embryonnaires sont nés en mars 1997 au Centre de primatologie de Beaverton (Oregon). En revanche, si ce même centre a pu obtenir des embryons clonés à partir de cellules somatiques, aucune grossesse n’a jusqu’ici été menée à terme après transfert in utero.

      1.2. Le clonage à partir de cellules somatiques adultes

    Plus la cellule donneuse de noyau est différenciée, plus sa « reprogrammation » est difficile et plus, par voie de conséquence, les chances de succès sont aléatoires. Rappelons que 277 tentatives infructueuses de transfert ont précédé la naissance de Dolly, premier clone d’un mammifère adulte.

    Un premier progrès important a été réalisé en juillet 1998 6 par l’équipe du docteur YANAGIMACHI (Université de Hawaï) qui a produit 22 souris à partir de cellules du cumulus ovarien prélevées sur des animaux adultes. Cinquante souris supplémentaires et trois générations de « clones de clones » ont été obtenues après ce premier résultat.

    Quelques mois plus tard 7, une équipe japonaise (Université Kinki, Nakajami, Nara) créait 8 veaux à partir de cellules du tissu ovarien et de l’oviducte prélevées sur un animal adulte.

    Plus récemment encore, ont été rapportés des résultats obtenus à partir de cellules prélevées sur des animaux mâles alors qu’il n’avait été fait usage jusqu’ici que de cellules rattachées au système reproductif de la femelle (glande mammaire, tissu ovarien, oviducte). L’équipe de Hawaï a ainsi créé un clone mâle de souris 8. De son côté, une équipe américano-japonaise (Institut de Kagoshima et Université du Connecticut) a produit un veau à partir de fibroblastes provenant de l’oreille d’un taureau de 17 ans 9. Cette dernière expérience présente un intérêt supplémentaire dans la mesure où les cellules utilisées ont été maintenues en culture durant une période prolongée, allant jusqu’à trois mois. Ainsi dispose-t-on d’assez de temps pour pratiquer sur le patrimoine génétique des interventions sophistiquées et obtenir des populations de cellules purifiées porteuses de toutes les modifications souhaitées (délétions homozygotes, mutations conditionnelles, transgène, etc.).

    2. L’efficacité des résultats

      2.1. Le rendement encore très faible de la méthode en termes de naissances

    Mieux qu’un long commentaire, le tableau ci-après, établi d’après les expériences menées à l’INRA par l’unité de recherche du professeur Jean-Paul RENARD, illustre la faiblesse de ce rendement.

               

Noyaux provenant de

Nb d’œufs reconstitués

Nb de blastocystes obtenus et transférés

Nb de vaches porteuses gestantes aux jours suivants
de la gestation

Naissances

21

35

90

A.T. 1

Muscle de fœtus

658

27

9

5

4

2

2

Peau de fœtus

370

31

17

7

6

2

4

Peau d’oreille de veau

890

85

42

28

12

6

  6 2

      1 avortement tardif

      2 dont 1 mort-né, 2 morts à la naissance et 1 mort deux mois après la naissance

    (d’après Y. HEYMAN, J.P. RENARD Anim. Reprod. Sc., 1996, 42, 427-436
    et Y. HEYMAN et al., AETE, septembre 1999)

    Comme l’a indiqué le professeur Charles THIBAULT 10, le taux d’échec constaté avec des cellules provenant de tissus de fœtus âgés ou d’adultes résulte d’une mortalité embryonnaire tardive qui ne se produit jamais dans des conditions normales de procréation. Cette donnée est actuellement constante et les quelques expériences qui ont pu l’infirmer sont encore trop exceptionnelles pour être significatives.

    Globalement, souligne le professeur THIBAULT, on peut estimer que le rendement est de :

        - 7 à 10 % avec des noyaux de blastocystes

        - 2 % avec des cellules d’origine fœtale

        - = 1 % avec des cellules somatiques adultes.

    Comment expliquer cette efficacité réduite ? Citons ici Ian WILMUT, créateur de la brebis Dolly :

    « Au cours d’expériences de transfert nucléaire réalisées sur des grenouilles il y a presque 30 ans, à Cambridge, John GURDON a observé que le nombre des embryons qui survivent et qui deviennent des têtards diminue à mesure que les cellules donneuses sont prélevées à des stades de différenciation plus avancés. Nous avons obtenu les mêmes résultats avec des mammifères. D’après toutes les études de clonage décrites, une proportion notable d’embryons et de fœtus meure : un à deux pour cent seulement d’embryons franchissent le cap de la naissance. De surcroît, la mortalité postnatale est importante.

    « On ignore la cause de cette surmortalité, mais elle indique que l’on ne maîtrise pas parfaitement la reprogrammation génétique qui s’effectue avant la naissance des jeunes animaux viables. Il suffit qu’un seul gène s’exprime de façon inappropriée pour que l’embryon cesse de se développer, faute d’une protéine vitale. Or, une telle reprogrammation met probablement en jeu des milliers de gènes selon un scénario partiellement aléatoire. Diverses améliorations techniques pourraient réduire la mortalité. » 11

    Le propos très prudent du savant écossais conduit à tempérer le caractère triomphaliste de certaines annonces dont la grande presse a pu se faire l’écho. Aucun progrès décisif ne sera sans doute acquis de façon irréversible tant que subsistera l’ignorance des chercheurs sur les mécanismes par lesquels le cytoplasme d’un ovocyte peut mettre en œuvre la lecture complète et ordonnée du génome de l’œuf fécondé ou de l’œuf reconstitué.

      2.2. Fragilité et anomalies affectant les animaux clonés à partir de cellules somatiques adultes

    On ne dispose encore que d’informations limitées sur les pathologies du développement qui peuvent affecter les mammifères obtenus par clonage, les chercheurs faisant plus volontiers état de leurs succès que de leurs échecs. L’inaltérable bonne santé affichée depuis plus de trois ans par la brebis Dolly ne doit cependant pas dissimuler les problèmes susceptibles de se poser en ce domaine, au moins pour les gros animaux. C’est à une équipe française, financée sur fonds publics, que revient le mérite d’avoir fourni récemment sur ce point un certain nombre d’éclairages qui peuvent susciter quelques interrogations.

    Dans une étude publiée par le Lancet du 1er mai 1999, le laboratoire de biologie cellulaire et moléculaire, département de physiologie animale, de l’INRA a rapporté le cas d’un veau, né d’un clonage à partir d’une cellule adulte, qui, après six semaines de développement normal, a perdu ses globules rouges et ses lymphocytes et est mort au bout de dix jours d’anémie sévère. Les cellules utilisées comme sources de noyaux avaient été prélevées sur un animal lui-même issu d’un clonage embryonnaire ; le même protocole avait été utilisé pour obtenir cet animal sans que de tels problèmes apparaissent, ni d’ailleurs pour plus d’une centaine d’autres veaux obtenus dans ce laboratoire par la même technique de clonage embryonnaire. Les facteurs techniques liés à l’opération peuvent dont être écartés. En outre, l’animal donneur fait partie d’un clone de trois animaux dont la santé ne s’est pas altérée, ce qui permet de repousser l’hypothèse d’un problème lié à la constitution génétique de l'animal donneur.

    L’autopsie n’a décelé aucune anomalie circulatoire mais un déficit global du système de production des cellules sanguines et, en particulier, des lymphocytes. Le thymus, organe clef du développement immunitaire, était de taille très réduite. Des constatations similaires avaient pu être faites sur Marguerite, premier veau cloné par l’INRA à partir d’une cellule d’un fœtus de 60 jours, morte elle aussi d’une anémie sévère au bout de six semaines, en 1998.

    Diverses autres anomalies ont pu être observées chez des animaux produits à l’INRA : taille trop élevée, anomalies cardiaques et respiratoires, œdème généralisé et épanchements liquidiens dans les cavités. Les chercheurs de Jouy-en-Josas mettent en cause des facteurs inhérents au clonage somatique, tels que le prélèvement aléatoire d’un noyau donneur porteur d’une mutation, ou un défaut de régulation au cours de la reprogrammation du noyau.

    Jean-Paul RENARD souligne que la recherche des causes de ces pathologies nécessite le recueil de données épidémiologiques dont la collecte est difficile car de nombreux chercheurs travaillent pour des sociétés de biotechnologie privées qui ne commentent pas volontiers les décès de leurs clones.

    Quel est l’âge réel des animaux clonés par transfert nucléaire ? Cette interrogation est née des constatations effectuées par les chercheurs de la firme PPL Therapeutics et leurs collaborateurs du Roslin Institute et publiées dans la revue Nature du 27 mai 1999. Elles portent sur la longueur des télomères, séquences de nucléotides situées à chaque extrémité des chromosomes. On sait que chaque division cellulaire – en dehors du tissu embryonnaire où agit la télomérase – est accompagnée d’un raccourcissement des télomères qui décroissent avec l’âge, jusqu’à atteindre une taille critique au delà de laquelle surviennent des anomalies de la division. Comparés à ceux d’animaux témoins du même âge, les télomères de Dolly et de deux autres brebis clonées se sont révélés plus courts (20 % environ dans le cas de Dolly).

    L’explication la plus probable, selon les chercheurs, est que la longueur des télomères chez les animaux clonés reflète celle des noyaux transférés. En d’autres termes, le transfert du noyau d’une cellule adulte dans une cellule plus jeune ne remet pas « l’horloge biologique » des chromosomes à zéro. Pour autant, on ignore si l’âge physiologique des animaux nés par clonage est précisément reflété par la longueur de leurs télomères. Selon Axel KAHN, on ne peut affirmer que la télomérase constitue l’horloge biologique principale de la sénescence. La question mérite qu’on lui apporte une réponse précise dans l’éventuelle perspective, que l’on examinera plus loin, du recours au clonage dans le cadre de la thérapie cellulaire.

    Au vu des informations que nous venons de rapporter, le constat que l’on peut établir est très nuancé : en dépit de progrès spectaculaires, le clonage par transfert nucléaire constitue à l’heure actuelle une technique aléatoire, de faible rendement et dont les résultats sont hypothéqués par des incertitudes qu’une pratique plus prolongée permettra seule de dissiper.

    Malgré ce taux d’échec élevé et ces divers aléas, un certain nombre d’arguments militent en faveur d’une poursuite de la recherche sur les mammifères d’élevage et de laboratoire. Laissant de côté ceux qui se rattachent aux enjeux zootechniques de maîtrise de la reproduction, on évoquera ci-après l’intérêt du clonage animal reproductif pour la recherche fondamentale et les applications médicales et pharmaceutiques.

    III - L’intérêt du clonage animal reproductif : recherche fondamentale et applications médicales et pharmaceutiques

    1. Le clonage et la recherche biologique fondamentale

    Le professeur THIBAULT énonce ainsi les faits fondamentaux concernant le fonctionnement du vivant sur lesquels les recherches relatives au clonage animal reproductif pourraient apporter des lumières 12 :

        - Quels sont les facteurs qui, dans un ovocyte mûr, sont capables d’initier l’activation du génome de l’œuf en développement à partir du stade 2, 4 ou 8-16 cellules ?

        - Comment ces facteurs peuvent-ils aussi initier l’activation de la totalité du génome d’un noyau appartenant à une cellule différenciée qui n’était apparemment capable d’utiliser que des gènes codant pour des protéines spécifiques du tissu auquel il appartenait (protéines du lait pour la mamelle, kératine pour l’épiderme) ?

        - Comment, au cours de la différenciation, s’éteignent les gènes qui ne seront plus utilisés et comment, corrélativement, s’activent les gènes spécifiques ?

    De son côté, Jean-Paul RENARD souligne que l’étonnant pouvoir « reprogrammateur » que manifeste le cytoplasme de l’œuf reste aujourd’hui peu compris. « Il met en jeu des remaniements complexes de l’organisation des protéines qui organisent le noyau (la chromatine) et impose des états de conformation étroitement contrôlés à la molécule support des gènes, l’ADN. Or cette plasticité fonctionnelle du génome des cellules différenciées se manifeste aussi quand des cellules acquièrent un comportement de cellules cancéreuses. Par exemple, des cellules cancéreuses bronchiques sécrètent des hormones présentes normalement dans l’hypophyse. Le clonage est donc, pour la recherche biomédicale, une voie supplémentaire de recherche pour une meilleure compréhension des mécanismes qui conduisent au dérèglement de l’activité des gènes. Il pourrait être riche d’enseignement pour des études de base sur la différenciation et le vieillissement cellulaires. » 13

    Sur un ton plus caustique, Jacques TESTART observe quant à lui que la réussite du clonage apporte d’ores et déjà une démonstration scientifique qui « va à l’encontre de la mystification généralisée qui voudrait nous faire croire au tout-génétique : le clonage a démontré l’importance du facteur cytoplasmique pour contrôler l’expression du génome, c’est-à-dire la dépendance du génétique par rapport à des facteurs variés (épigénétiques, environnement) » 14.

    2. Les ressources offertes par l’association transgenèse-clonage

    La naissance de la brebis Polly, annoncée par le Roslin Institute au cours de l’été 1997, fit moins de bruit que celle de Dolly, quelques mois plus tôt. Il est vrai que Polly avait été clonée à partir d’un fibroblaste de fœtus, cellule moins différenciée que celle utilisée pour la création de son illustre congénère. Elle n’en constituait pas moins une nouveauté scientifique considérable puisqu’il s’agissait du premier gros mammifère cloné porteur du gène d’une protéine humaine : le facteur IX de coagulation 15. Cette application concrète du clonage aux biotechnologies animales représente pour la transgenèse une avancée notable.

    La création d’animaux transgéniques fait l’objet de recherches poussées depuis une dizaine d’années compte tenu des applications qu’elle peut offrir, d’une part pour la production de protéines thérapeutiques, d’autre part pour la transplantation chez l’homme d’organes « humanisés » susceptibles de surmonter l’obstacle immunitaire. Si les résultats sont restés jusqu’ici assez décevants, cela tient en partie à la faible efficacité des méthodes employées ; le recours au clonage par transfert nucléaire permettrait, selon les avis autorisés, d’accomplir sur ce point des progrès très sensibles.

      2.1. L’efficacité escomptée du couplage transgenèse-clonage

    La méthode de transgenèse la plus couramment appliquée jusqu’ici consiste à injecter un fragment génétique – une séquence d’ADN comportant un gène intéressant – dans un grand nombre d’ovules fécondés. Quelques chromosomes incorporent ce fragment d’ADN qui s’exprime alors dans cette cellule, dans les cellules filles, et chez l’animal après la naissance. Celui-ci transmet le fragment d’ADN à sa descendance.

    Cette technique, dite de la micro-injection, est lente, imprécise et peu rentable : 1 à 4 % des animaux nés après de telles manipulations expriment la protéine recherchée. Si, en revanche, on modifie génétiquement les cellules utilisées comme donneuses lors d’un transfert nucléaire, le risque est nul d’obtenir un animal mosaïque dont les cellules de la lignée germinale n’ont pas intégré le transgène et qui ne peut, par conséquent, transmettre le nouveau caractère à sa descendance. La transfection des cellules avant le clonage permet aussi, en théorie, de modifier un génome de façon plus importante et plus précise en utilisant des chromosomes artificiels ou en réalisant un remplacement de gène.

    D’après les chercheurs du Roslin Institute, le clonage, comparé à la micro-injection d’embryons, permet de diminuer d’un facteur 2,5 le nombre de brebis nécessaires à l’obtention d’un agneau transgénique.

    Les cellules effectivement transfectées sont porteuses, outre le gène d’intérêt, d’un gène marqueur (codant par exemple une résistance à un antibiotique) et leur sélection est infiniment plus aisée à mettre en œuvre que des tests de détection sur embryon. De plus, le sexe est prédéterminé par la cellule donneuse, ce qui présente un intérêt particulier lorsque l’animal destiné à produire dans son lait une protéine codée par le transgène doit être impérativement une femelle. En outre, des lignées de cellules donneuses adéquatement transfectées peuvent être conservées et stockées avant leur utilisation au moment opportun. On notera enfin que le recours au clonage permet, une fois l’animal transgénique créé, de le multiplier en diffusant son génotype 16. Ainsi peut-on passer du cloné transgénique au transgénique cloné.

    On signalera, pour conclure sur ce point, l’expérience de transgenèse spermatique réalisée en 1999 à Hawaï par l’équipe du docteur YANAGIMACHI 17. Utilisant la technique de l’ICSI, les chercheurs ont injecté dans des ovocytes de souris des spermatozoïdes, débarrassés de leur queue et de leur membrane protectrice et mélangés à des fragments d’ADN codant un marqueur protéique fluorescent pour vérifier l’efficacité de la transgenèse. Les embryons issus de cette fécondation in vitro ont été transférés dans des souris porteuses. Près de 20 % des souriceaux qui sont nés se sont révélés porteurs dans leur génome d’une à plus de cinquante copies du gène marqueur. Ainsi a été démontrée la capacité d’un spermatozoïde nu de capter un gène étranger et de permettre son transfert dans le génome de l’embryon.

    Selon Bernard JÉGOU, directeur à l’INSERM du groupe d’étude de la reproduction chez le mâle, « si la technique marche aussi bien sur le bétail que sur la souris, il est probable que les investissements sur le clonage d’adulte perdront une grande part de leur intensité »18

      2.2. Transgenèse ciblée et création de nouveaux modèles animaux

    Le clonage par transfert nucléaire peut être précédé d’une intégration ciblée du transgène dans la séquence d’ADN dont on souhaite modifier le fonctionnement. Ces stratégies d’intervention sur le génome sont déjà mises en œuvre chez la souris à partir de cellules souches embryonnaires qui peuvent se maintenir en culture pendant de longues périodes mais conservent leur capacité de participer ensuite au développement. Ces outils cellulaires ne sont pas encore disponibles chez des mammifères plus proches de l’homme mais plusieurs laboratoires, dont celui de l’INRA, tentent d’obtenir ce résultat à partir de cellules fœtales ou embryonnaires 19.

    La transgenèse ciblée est donc « une véritable microchirurgie génétique » 20 qui peut être utilisée pour fabriquer des modèles animaux de maladies humaines. On songe, dans un premier temps, à la mucoviscidose mais aussi, ultérieurement, au diabète, à la maladie de Parkinson et à la dystrophie musculaire pour lesquels on ne dispose pas, aujourd’hui, de traitements parfaitement efficaces.

    Le marché des modèles animaux, indique Jean-Paul RENARD, est estimé aujourd’hui à environ 1 milliard de francs par an et intéresse évidemment les grands groupes pharmaceutiques et les équipes biomédicales. Il pourrait en outre s’ouvrir à des nouvelles demandes de nature très différente, telles que la production d’un lait de vache « maternisé » ou d’une viande sans prion.

      2.3. La production de protéines thérapeutiques

    « Un animal », écrit Jean-Paul RENARD, « est un biotransformateur très efficace, capable de transformer des aliments simples, comme l’herbe, en composés complexes, comme le lait qui contient plus d’une centaine de protéines différentes. Plusieurs protéines de lait, comme les caséines ou la protéine du petit lait, ne sont produites que par les cellules de la glande mammaire car leurs gènes sont régulés par des séquences d’ADN ne fonctionnant que dans ce tissu. Si on associe ces séquences à celles de gènes codant pour une molécule d’intérêt thérapeutique […], cette molécule sera produite dans le lait […]. Disposer d’emblée, avec le clonage, de plusieurs animaux à forte production laitière comme la vache, c’est non seulement réduire le coût de production de la molécule, mais c’est aussi s’imposer rapidement sur de nouveaux marchés. » 21

    Divers grands groupes financent une importante activité de recherche dans ce domaine avec la perspective d’un marché mondial dont la fourchette d’estimation se situe entre 40 et 55 milliards de francs. On citera ci-après quelques-uns des centaines de projets actuellement à l’étude.

    Genzyme Transgenics (Framingham, Massachusetts, Etats-Unis) a rapporté récemment 22 le clonage, par transfert d’une cellule embryonnaire ayant intégré le transgène, de trois chèvres transgéniques produisant l’antithrombine III humaine, molécule présente dans le sang et dont le déficit génétique se traduit par la manifestation de thromboses veineuses postopératoires. Cette société possède ainsi des cellules embryonnaires en culture exprimant de manière constante le gène de l’antithrombine et peut reproduire, à la demande, un clonage identique. La chèvre présente le double avantage de produire plus de lait que la brebis – 300 kg de protéines purifiées sont envisageables annuellement – et d’être moins sujette que les ovins et les bovins au risque de développer une encéphalopathie spongiforme transmissible. Cette molécule pourrait être mise sur le marché dans les deux années à venir.

    Genzyme a en outre passé un contrat avec ACT (Advanced Cell Technology, Worcester, Massachusetts), société spécialisée dans la culture de fibroblastes de bovins et le transfert nucléaire, pour la création de vaches transgéniques produisant de l’albumine, utilisée notamment en cas de chocs traumatiques et pour le traitement des grands brûlés et dont les besoins mondiaux sont de l’ordre de 400 tonnes par an, le prix de revient au gramme ne devant pas excéder 25 francs.

    Un autre projet de Genzyme vise la production d’un anticorps pour traiter les rhumatismes articulaires. Un million de patients sont concernés aux Etats-Unis, chacun devant recevoir 5 grammes de substances actives par an. Cinq tonnes d’anticorps doivent donc être produites annuellement à un prix de revient inférieur à 50 francs par gramme. Jean-Paul RENARD indique qu’« en considérant une production de 1 gramme par litre de lait (après purification), 700 à 1 000 vaches (5 000 à 7 000 litres de lait par an) suffiront pour couvrir les besoins mondiaux ».

    De son côté, Geron Bio-Med (filiale écossaise de Geron associé au Roslin Institute) devrait commercialiser d’ici deux ans la production de l’alpha-1 antitrypsine, protéine du foie dont la déficience génétique est génératrice d’emphysème pulmonaire et de cirrhose hépatique. Son administration peut en outre soulager les malades atteints de mucoviscidose. Ce marché est estimé à 100 millions de dollars.

    Pharming (Leiden, Pays-Bas), qui a annoncé la naissance, en janvier 1999, de son premier veau transgénique cloné par transfert de noyau de cellules fœtales, poursuit ses recherches sur la lactoferrine – protéine fixatrice du fer qui possède de nombreuses propriétés thérapeutiques et stimule notamment le système immunitaire – et l’alphaglucocidase (ou maltose), enzyme qui hydrolyse le maltose en glucose et permet de traiter les glycogénoses. Les vaches transgéniques destinées à la production de ces protéines seraient clonées avec la collaboration d’Infigen (De Forest, Wisconsin, Etats-Unis).

    Plus futuriste est le projet de Nexia Biotechnologies (Montréal) associé à Genzyme, qui a cloné trois chèvres transgéniques dont le lait contient la protéine constitutive des fils de soie d’araignée. Ce biomatériau pourrait trouver des applications en chirurgie réparatrice mais aussi… dans l’industrie aérospatiale.

      2.4. Transgenèse et xénogreffes

    Nous avions indiqué dans notre précédent rapport que le marché des xénogreffes, destinées à pallier la pénurie de greffons d’origine humaine, est très porteur : les évaluations vont de 1,4 à 6 milliards de dollars d’ici à 2010 et la plupart des laboratoires s’appuient sur des firmes puissantes : Nextran et Alexian aux Etats-Unis ; Imutran au Royaume-Uni, racheté par Novartis, qui s’apprête à investir plus d’un milliard de dollars dans ce domaine.

    La production de porcs « humanisés » dont les organes ne seraient pas exposés, lors de la transplantation, aux habituels phénomènes de rejet immunitaire, peut se trouver facilitée par le recours à la technique du clonage. Pour la réalisation de cet objectif, Imutran a signé, en janvier 1999, un accord de recherche avec Infigen visant à la production par clonage de lignées d’animaux transgéniques.

    Alexion Pharmaceuticals (New Haven, Connecticut, Etats-Unis) a annoncé, en avril 1999, la transplantation réussie de neurones provenant d’un porc génétiquement modifié chez un modèle animal de la maladie d’Alzheimer. Elle compte passer à la clinique, s’alignant sur les xénogreffes déjà pratiquées chez l’homme par l’équipe d’Ole ISACSON, à l’Ecole médicale de Harvard et par des chercheurs de la société Dacrin (Charlestown, Massachusetts). Alexion collabore également avec Harvard pour le traitement de maladies neurodégénératives et avec l’Université Yale pour des xénogreffes destinées aux patients victimes de lésions de la moelle épinière 23.

    Il reste que la xénotransplantation soulève, comme nous l’avions indiqué dans notre premier rapport, bon nombre de questions scientifiques, juridiques, éthiques et sanitaires. L’un des aléas majeurs concerne la transmission à l’homme de zoonoses et de rétrovirus d’origine animale qui pourraient atteindre des proportions pandémiques. Sans entrer dans les détails d’un sujet qui déborde le champ de notre étude, on rappellera que la France est le seul pays européen à avoir mis en place un encadrement législatif 24 qui devra sans doute être précisé et complété à l’occasion de la révision de la loi du 29 juillet 1994. C’est l’une des recommandations contenues dans l’avis qu’a publié en juin 1999 le Comité consultatif national d’éthique. Ce document souligne par ailleurs l’intérêt de la création de porcs transgéniques tout en estimant qu’il convient de multiplier les essais expérimentaux de greffes d’organes de porcs transgéniques sur des singes qui représentent un excellent mais très coûteux modèle de xénogreffe humaine.

    Plus récemment, ont été publiés 25 les résultats d’une étude conduite par une équipe d’Imutran qui portait sur 160 patients ayant reçu des tissus d’origine porcine – peau pour des brûlures graves, îlots pancréatiques pour un diabète – ou ayant bénéficié d’une circulation extracorporelle utilisant des cellules de porc (rate, foie, reins). L’objectif était d’établir les risques de contamination par le rétrovirus endogène porcin (PERV) et d’en déterminer les conséquences. Si l’on a bien retrouvé, chez 23 patients dont certains avaient été traités huit ans auparavant, la présence, dans la circulation, de cellules de porc, aucun signe d’infection n’a été établi, même chez 36 patients qui étaient pharmacologiquement immuno-déprimés.

    Même si l’absence de tout risque sanitaire se trouvait confirmée, le problème du rejet que la transgenèse s’efforce de résoudre demeurera le principal obstacle au développement de la xénotransplantation. Selon Louis-Marie HOUDEBINE, spécialiste de la transgenèse animale à l’INRA, « il faudra peut-être supprimer ou ajouter au moins dix gènes chez les porcs pour adapter leurs organes à la greffe humaine, mais lesquels ? Si on les connaissait, la technique ne serait pas un frein » 26. Il reste que, même si les chercheurs parviennent à maîtriser le rejet suraigu et le rejet vasculaire différé, ils devront également surmonter les rejets cellulaires retardé et chronique qui font intervenir des cellules du système immunitaire comme les lymphocytes et les macrophages. C’est dire qu’il convient d’envisager avec prudence les ressources thérapeutiques offertes par les animaux transgéniques dans le domaine de la transplantation d’organes.

    3. Un développement industriel encore aléatoire compte tenu de la fragilité des résultats et des contestations touchant la propriété intellectuelle

    La propriété intellectuelle des méthodes de clonage constitue à l’évidence un atout décisif dans la compétition commerciale qui oppose, des deux côtés de l’Atlantique, les grandes sociétés de biotechnologie.

    Le Roslin Institute a déposé en 1997 deux demandes de brevets destinés à couvrir non seulement la technique qui a permis de créer le clone d’adulte et ses précurseurs mais aussi tous les dérivés de cette technique : les clones eux-mêmes, leurs descendants et leurs produits, qu’ils soient à usage agricole, pharmaceutique, chirurgical ou médical.

    Ces demandes ont été homologuées en janvier 2000 par l’Office britannique des brevets. Deux autres brevets avaient été précédemment délivrés. Le premier, attribué en juillet 1998 à la firme australienne Pro Bio America, couvre la « technique de Honolulu » mise au point sur les souris par les docteurs YANAGIMACHI et WAKAYAMA. Elle procède par micro-injection de noyau et non par fusion de cellules, méthode utilisée par le Roslin Institute. Celui-ci n’a pas contesté la réalité de cette variante. Un litige sérieux l’oppose en revanche à ACT (Advanced Cell Technology) associé à l’Université du Massachusetts. Cette société s’est vu accorder en août 1999 par l’office américain un brevet couvrant le clonage de tout mammifère non humain, à partir de toute cellule somatique, fœtale ou adulte, durant toute phase de croissance de la cellule, excepté la quiescence. C’est sur ce dernier point que porte la contestation : ACT affirme en effet avoir obtenu des veaux clonés à partir de cellules en cours de division 27 alors que Ian WILMUT considère que la quiescence des cellules donneuses conditionne la réussite du clonage et met en doute l’originalité de la méthode brevetée par la société américaine.

    Ce conflit n’est qu’un épisode parmi d’autres de la guerre commerciale que se livrent, par partenaires interposés, ces deux « major companies » américaines de la biotechnologie que sont Geron et Genzyme pour la conquête d’un marché qui pèse plusieurs centaines de millions de dollars.

    Cependant, par delà ces controverses juridico-scientifiques qui trouveront probablement leur épilogue devant les tribunaux, un autre élément hypothèque l’avenir industriel du clonage transgénique : même si les progrès rapides qui ont été enregistrés au cours de ces dernières années amènent certains commentateurs à évoquer une banalisation de la technique du clonage reproductif, ces avancées resteront sujettes à caution tant que des explications précises et d’éventuels remèdes n’auront pas été fournis sur le manque de résistance des animaux clonés.

    Ces incertitudes ne remettront sans doute pas en cause la stratégie de grands groupes industriels attirés par la perspective de bénéfices colossaux. Elles devraient au moins tempérer l’optimisme d’une opinion publique trop souvent prête à tenir pour acquises des avancées scientifiques et médicales dont la promesse est encore en germe dans les éprouvettes des chercheurs. Cette observation vaut plus encore pour le clonage « thérapeutique » dont l’utilisation ouvre des perspectives jusqu’ici insoupçonnées mais dont la faisabilité demeure, pour l’instant, hypothétique.

    IV - Du clonage reproductif animal au clonage thérapeutique humain

    Dans l’avis n° 54 du 22 avril 1997 qu’il a établi au sujet du clonage reproductif à la demande du Président de la République, le Comité consultatif national d’éthique soulignait la nécessité d’une distinction entre le clonage reproductif aboutissant à la naissance d’êtres humains et le clonage non reproductif qui recouvre lui-même deux sortes de techniques déjà usitées ou envisageables :

    « - la production et la culture de cellules d’origine embryonnaire ou adulte qui ne peuvent donner lieu par elles-mêmes à la constitution d’un embryon. Ces techniques, couramment pratiquées et très précieuses pour la recherche diagnostique et thérapeutique, posent des problèmes éthiques qui ne diffèrent pas fondamentalement de ceux qu’ont déjà conduit à traiter d’autres aspects de la recherche biomédicale […]

    « - la production d’embryons dont le développement serait arrêté à un stade plus ou moins précoce pour obtenir des cellules immuno-compatibles à des fins de thérapie cellulaire ».

    Nous aborderons plus en détail, dans la deuxième partie de ce rapport, les ressources thérapeutiques considérables attendues des cellules souches pluripotentes présentes dans l’embryon à son premier stade de développement. L’interconnexion du clonage en vue d’obtenir des cellules souches et la mise en culture de ces cellules permettraient d’obtenir pour chaque malade une collection spécifique de ses propres cellules immunitairement homogènes. Citons là encore l’avis n° 54 du CCNE :

    « La possession de cellules embryonnaires génétiquement et donc immunologiquement identiques à celles du receveur faciliterait considérablement les greffes et renforcerait très vraisemblablement leur efficacité […]. Le clonage par transfert de noyaux provenant d’un organisme adulte pourrait permettre de préparer, en quelques mois, de telles cellules en cas de besoin. Dans ce scénario, un embryon serait créé, utilisant un ovocyte receveur et le noyau d’une cellule somatique de la personne malade […]. Il s’agirait ensuite de cultiver cet embryon ex vivo puis, au bout de quelques jours, de mettre en culture des populations de cellules dont la différenciation pourrait être induite in vivo et qui pourraient ainsi être utilisées pour la greffe. »

    L’objectif est donc, dans cette hypothèse, non de parvenir au développement d’un être humain mais d’obtenir, à partir des cellules somatiques d’un patient, les cellules souches dont la différenciation contrôlée permettrait de traiter l’affection dont il est porteur sans provoquer de phénomène de rejet. La technique est bien la même dans les deux hypothèses : reproduction non sexuée d’entités génétiquement identiques. La finalité diffère : création, dans le premier cas, d’un organisme complet, dans le second, de lignées cellulaires, le passage obligé étant, en l’état actuel de la science, le développement préalable d’un embryon in vitro.

    Les insuccès fréquents rencontrés dans le clonage animal reproductif compromettent-ils les chances du clonage thérapeutique ? Jean-Paul RENARD fonde un avis contraire sur le fait que la faible efficacité du clonage résulte avant tout d’une mortalité fœtale élevée. « Pourquoi, alors, ne pas chercher à mieux tirer parti de cet embryon cloné dont les cellules peuvent apparemment s’engager normalement dans une première voie de différenciation ? Au lieu de viser l’obtention d’un développement à terme, tentons d’orienter les cellules embryonnaires, qui sont capables de multiplication active, dans une voie de différenciation donnée pour en faire des cellules nerveuses, des cellules épithéliales de peau, des précurseurs de cellules osseuses. » 28

    Cet optimisme ne fait pas l’unanimité au sein de la communauté scientifique. A titre d’exemple, le professeur EDWARDS met l’accent sur les facteurs épigénétiques incontrôlables qui risquent de compromettre la normalité des cellules obtenues par clonage somatique. Nous aurons l’occasion de revenir, dans les développements consacrés aux cellules souches pluripotentes, sur les débats que suscite, tant sous l’angle de la faisabilité technique que de l’acceptabilité éthique, une méthode dont la mise au point nécessitera encore, en tout état de cause, plusieurs années de recherche.

    Deuxième partie :
    Thérapie cellulaire et médecine régénératrice

    Depuis que la presse spécialisée s’est fait l’écho, à la fin de l’année 1998, des avancées de la recherche américaine, l’attention du public et d’une partie de la communauté scientifique s’est polarisée sur les cellules souches embryonnaires et leurs très riches potentialités thérapeutiques. Un débat, qui n’est pas encore clos, s’est ouvert aux Etats-Unis sur le financement public de ce type de recherche et l’on a assisté à la floraison de sociétés « start-up » faisant appel au capital-risque qui parient sur les substantielles retombées économiques de ce nouveau secteur des biotechnologies.

    Pour autant, un arbre qui sort à peine de terre ne doit pas cacher la forêt. Si l’un des objectifs de ce rapport est de faire le point sur les conditions et les délais dans lesquels la science pourra progresser sur ce terrain particulier, il doit aussi rendre compte d’une réalité diversifiée en dressant un tableau des différentes voies dans lesquelles s’est engagée, depuis plusieurs années, la thérapie cellulaire. Ceci permet de mettre en évidence des démarches médicales qui ne soulèvent pas, notamment au plan éthique, les mêmes problèmes que l’utilisation des cellules prélevées sur un embryon humain. Dans cette logique, nous nous proposons de distinguer, dans la deuxième partie de notre étude :

        - les applications déjà éprouvées de la thérapie cellulaire (greffes de cellules souches hématopoïétiques et de cellules de la peau) ;

        - les démarches expérimentales (ingénierie tissulaire, greffes de cellules fœtales et adultes notamment pour le traitement des maladies neurodégénératives) ;

        - les perspectives ouvertes par les cellules souches pluripotentes d’origine embryonnaire ou fœtale mais aussi par les cellules souches adultes, dites « progénitrices », dont on découvre, depuis peu, les étonnantes capacités de transdifférenciation.

    I – Les applications déjà éprouvées de la thérapie cellulaire

    1. Les greffes allogéniques de cellules souches hématopoïétiques (CSH)

    Ces greffes, qui sont destinées au traitement de maladies hématologiques, peuvent provenir de trois sources qui sont, dans l’ancienneté de leur utilisation, la moelle osseuse, le sang périphérique et le sang placentaire (ou sang de cordon). On insistera plus particulièrement sur ces deux derniers types de prélèvement dont il est fait, en raison de leurs avantages, un usage croissant.

      1.1. Le prélèvement de CSH à partir du sang périphérique

    Le recours aux CSH périphériques présente, pour le receveur, l’intérêt d’obtenir un plus grand nombre de cellules qu’avec un prélèvement de moelle. La prise de greffe et la sortie d’aplasie 29 sont, dans ce cas, plus rapides.

    La greffe nécessite l’administration préalable au donneur, sans bénéfice personnel, d’un facteur de croissance (GCSF recombinant) dont les risques théoriques sont liés à l’hyperleucocytose qu’il provoque chez le donneur et qui a conduit, dans deux cas, à des infarctus du myocarde, 48 heures après son administration. On a pu, d’autre part, relever deux cas de rupture de rate chez des donneurs sains dont l’un était âgé de 17 ans 30. Même si ces risques sont limités, ils justifieraient que le donneur bénéficie d’une information particulière qui n’est pas prescrite par les textes, la loi ignorant ce type de prélèvement (cf. sur ce point les observations développées dans notre précédent rapport, page 54).

    Le professeur VERNANT observe d’autre part que les prélèvements de CSH périphériques peuvent être opérés en situations apparentée (frère et sœur) et non apparentée. Dans cette seconde hypothèse, on se trouve dépendant d’un fichier mondial interconnecté qui regroupe environ 5 millions de donneurs. Certains pays disposent d’une législation qui permet l’administration du facteur de croissance et le prélèvement de CSH périphériques ; ils peuvent donc en fournir aux receveurs français alors que la réciproque n’est pas possible en l’état actuel de notre droit. Il y a donc là un problème de mise en concordance des différentes législations européennes.

    Ce type de prélèvement représente aujourd’hui le cinquième des greffes allogéniques de cellules souches hématopoïétiques.

      1.2. Le prélèvement de CSH à partir du sang placentaire

    L’intérêt de ce type de prélèvement est de fournir des cellules relativement immatures qui créent moins de réactions immunitaires que les CSH d’origine médullaire ou sanguine. Les greffes de CSH requièrent en effet une identité entre donneur et receveur qui soit la plus parfaite possible, l’idéal étant, dans l’ordre décroissant, le jumeau monozygote et le frère ou la sœur géno-identiques. Même dans cette seconde situation, la réaction GVH (« graft versus host ») déclenchée par le greffon survient dans 30 à 40 % des cas et est mortelle dans 10 % des cas. Le fichier mondial ne permet de satisfaire à cette exigence d’identité que dans 50 % des cas.

    L’avantage des lymphocytes « naïfs » existant dans le sang placentaire est d’être beaucoup plus tolérants à l’égard des différences d’antigènes existant entre eux et le receveur, donc de réduire considérablement le risque de GVH.

    Cependant, le sang placentaire ne peut être recueilli qu’en très faible quantité (quelques dizaines de millilitres) et ne fournit donc qu’un nombre de CSH insuffisant pour un adulte de taille et de poids normaux. L’avenir passe par la mise au point de techniques d’expansion sur lesquelles travaille actuellement une équipe bordelaise.

    L’utilisation de cette source de cellules sanguines s’est développée tardivement, malgré son intérêt, en raison de la plus grande complexité et du coût relativement important des opérations de recueil, typage et stockage par congélation 31. Les crédits aujourd’hui dégagés devraient permettre de recueillir et de congeler, dans les cinq années à venir, environ 10 000 sangs placentaires. Ainsi sera-t-il possible de traiter des catégories de population qui sont sous-représentées dans les fichiers de donneurs volontaires.

    2. Les greffes de peau

    Pratiquées aujourd’hui de façon courante, notamment pour le traitement des grands brûlés, ces greffes tirent parti des capacités de régénération dont sont dotées les cellules souches de l’épiderme. On sait qu’une assise cellulaire épidermique s’élimine toutes les 24 à 48 heures par desquamation de la couche cornée et que l’épiderme se renouvelle en totalité en quelques dizaines de jours.

    Ces greffes sont, en règle générale, autologues : on prélève par biopsie sur le patient un fragment de peau de très faible dimension que l’on met en culture afin d’en accroître la surface. Le greffon peut ensuite être placé sur la plaie sans susciter de réactions immunitaires. La société américaine Genzyme Tissue Repair a ainsi commercialisé, depuis 1987, le procédé « Epicel » qui guérit en moyenne 75 grands brûlés par an et représente plus de 30 % de ce marché, soit plus de 12 millions de dollars 32.

    Un autre procédé est développé en Europe par la société italienne Fidia Advanced Biomaterials. Les kératinocytes, cellules souches de l’épiderme du patient, sont cultivés sur une matrice de polymères biodégradables. Lorsqu’ils ont proliféré le long de la matrice à l’aide de facteurs de croissance, ils forment un tissu qui peut être placé dans le corps. Parallèlement à la vascularisation, le support biodégradable disparaît en quatre semaines et le tissu se trouve parfaitement intégré à l’épiderme au bout de deux mois.

    Lorsque les lésions chroniques, comme les ulcères aux pieds des diabétiques, sont plus profondes et atteignent le derme, les cultures de cellules servent aussi à remplacer le tissu interne. Le système « Dermagraft », fabriqué par la start-up américaine Advanced Tissue Sciences, se compose d’une matrice synthétique utilisée comme support de culture de cellules du derme. En assurant la stabilité de celui-ci, il accélère aussi le processus naturel de cicatrisation : les kératinocytes situés autour de la blessure migrent pour couvrir le derme artificiel et produisent des facteurs de croissance jusqu’à la guérison.

    Ces méthodes sont maintenant employées pour le remplacement de cartilages défectueux à partir de chondrocytes mis en culture pendant plusieurs semaines et greffés par arthroscopie. Cette technologie, mise au point par l’hôpital suédois de Gothenburg, a permis de reconstruire, depuis 1995, les genoux de plus de 2 000 patients. A l’hôpital des enfants de Boston, Joseph VACANTI a même réussi à reconstituer les cartilages thoraciques d’un patient de 12 ans victime d’une malformation héréditaire à partir de cellules mises en culture sur un support de forme adéquate 33.

    Pour traiter temporairement les situations d’urgence, on pratique des allogreffes à partir de cellules prélevées dans des banques de donneurs. Les greffes d’épiderme utilisent ainsi des kératinocytes venant de cliniques spécialisées dans les circoncisions. Chaque prépuce circoncis peut donner 200 000 carrés de peau prêts à être greffés sans phénomène de rejet. Ces cellules se multipliant facilement, il est aisé d’obtenir des tissus en grande quantité tout en testant leur innocuité.

    On rappellera enfin que la pénurie de cellules d’origine humaine conduit dans certains cas à pratiquer des xénogreffes à partir de cellules du derme porcin.

    II – Les démarches expérimentales en cours : tissus et cellules

    1. L’ingénierie tissulaire

    L’ingénierie – ou génie – tissulaire est, selon la définition qu’en donne le docteur François AUGER, directeur du laboratoire d’organogenèse expérimentale (LOEX) à l’hôpital du Saint-Sacrement (Québec), un nouveau domaine biomédical regroupant les principes de la biologie cellulaire et du génie biologique, qui permet de reconstruire des structures proches des tissus à partir de cellules vivantes pour des usages in vivo ou ex vivo. Le concept clef en est la reproduction, avec des caractéristiques simplifiées, de l’architecture tissulaire, qui conduit à une intégration immédiate et interactive de ces tissus dans le corps humain.

    Deux méthodes sont actuellement expérimentées pour la création de « néo-organes » à partir de cultures cellulaires in vitro.

    1°) La première fait appel à des biomatériaux pour la culture in vitro et l’implantation des cellules. Les cellules incorporées dans ces supports sécrètent des quantités variées de matrice extracellulaire conduisant à la reconstruction d’une structure proche du tissu d’origine mais comprenant également la trame biodégradable du biomatériau. Ces tissus offrent une bonne résistance mécanique mais la présence d’un squelette biodégradable peut être un handicap dans les organes pulsatiles, comme les vaisseaux sanguins, en raison d’une incompatibilité de compliance entre les cellules et leur matrice extracellulaire, d’une part, et la structure du biomatériau, d’autre part. De plus, le processus de biodégradation de ces matériaux s’avère plus complexe qu’il n’avait été initialement prévu.

    Cette technique a été utilisée à la Harvard Medical School de Boston par Anthony ATALA pour expérimenter sur des chiens la création d’une vessie bioartificielle. Des cellules musculaires lisses et des cellules de la paroi interne de la vessie, dites urothéliales, sont prélevées par biopsie chez l’animal receveur et mises séparément en culture pendant quatre semaines. Le tissu ainsi cultivé est ensuite fixé sur un moule de polymère biodégradable ayant la taille et la forme d’une vessie de chien. Les cellules urothéliales sont placées à l’intérieur du moule et les cellules musculaires à l’extérieur, en couches successives, après passage dans un incubateur. Au bout de six semaines, les chercheurs remplacent la vessie naturelle par ce néo-organe qui fonctionne correctement un mois plus tard. Après onze mois, la vessie retrouve 95 % de la capacité d’un organe normal.

    L’intérêt de cette expérience, par delà son aspect spectaculaire, est d’avoir réussi à reconstituer une structure fonctionnelle composée de plusieurs tissus différents. Pratiquée avec succès sur dix animaux, elle devra encore être affinée avant son expérimentation sur l’homme. Néanmoins, l’équipe d’Anthony ATALA a déjà élaboré des cultures de cellules de vessie humaine in vitro. Ce néo-organe pourrait intéresser 400 millions de personnes connaissant des problèmes de vessie qui vont de la malformation congénitale à l’infection chronique et au cancer.

    2°) La seconde méthode consiste, sans apport extérieur, à exploiter la capacité qu’ont les cellules à s’auto-assembler spontanément, à sécréter leur propre matrice extracellulaire et à en organiser l’architecture interne, lorsqu’elles sont placées dans un environnement favorable. Les tissus ainsi obtenus sont dénués de tout matériel exogène et présentent de surcroît des propriétés mécaniques remarquables.

    Ce procédé a été expérimenté par le LOEX à Québec pour la fabrication de vaisseaux sanguins à partir de cellules humaines prélevées sur un cordon ombilical. On en a extrait, pour les cultiver séparément, les trois types de cellules constitutives d’un vaisseau sanguin : des cellules endothéliales pavimenteuses qui tapissent la paroi interne du vaisseau (« intima ») ; des cellules musculaires lisses logées dans la couche médiane (« média »), qui assurent la contractilité du vaisseau ; des fibroblastes qui forment la couche externe (« adventice »). On obtient, après culture, deux feuillets cellulaires, la média et l’adventice, qu’on enroule autour d’un mandrin pour reproduire la forme tubulaire du vaisseau. Puis des cellules endothéliales sont ensemencées dans la lumière du vaisseau. Ainsi réunies, les espèces cellulaires entament un « dialogue » qui concourt, par un échange de messages chimiques (cytokines et facteurs de croissance), à structurer la matrice extracellulaire pour en faire une structure de soutien.

    Les vaisseaux sanguins ainsi reconstruits ont 3 à 5 mm de diamètre. Ils se prêteraient donc bien aux pontages coronariens et pourraient également réparer les dégâts artériels causés par l’athérosclérose. « Les vaisseaux », indique le docteur AUGER, « supportent une tension de vingt fois supérieure à celle d’une personne normotendue. En outre, ils sécrètent eux-mêmes des substances antithrombotiques qui préviennent la formation de caillots susceptibles d’obstruer le flot sanguin. Or, ces deux caractéristiques font défaut aux prothèses synthétiques qui ont servi de greffons jusqu’à présent. » 34 Obtenus à partir des propres cellules du patient, ils éviteraient les problèmes de rejet et de transmission pathogène qui sont les principaux écueils liés à la transplantation d’organes étrangers.

    D’autres recherches sur la reconstruction tissulaire tridimensionnelle sont actuellement en cours. Elles portent notamment sur la cornée. Deux chercheurs de l’Eye Institute de l’Université d’Ottawa et de la faculté de médecine de l’Université du Tennessee ont ainsi mis en culture, en couches superposées, trois types de cellules composant la cornée (épithélium antérieur qui constitue la membrane extérieure, stroma qui forme la couche intermédiaire composée de kératinocytes et endothélium antérieur, ou couche profonde de la cornée). Après deux semaines, ils ont pu disposer d’un tissu transparent ayant à peu près les mêmes propriétés que la cornée humaine. Avant d’en envisager la greffe, il conviendra d’une part de vérifier l’absence de risque cancérigène et de réactions immunitaires, d’autre part de s’assurer que ces cornées artificielles ne s’opacifient pas avec le temps. Cela étant, ce tissu artificiel présente un grand intérêt pour la recherche et « pourrait servir de modèle pour répondre à bon nombre de questions fondamentales » comme le note Terence O’BRIEN, chirurgien de la cornée au Wilmer Eye Institue (Johns Hopkins School of Medicine) 35.

    Les différentes méthodes de génie tissulaire ouvrent donc de nouvelles voies dans le domaine de la transplantation d’organes. Elles pourraient en outre apporter un concours précieux au développement de la thérapie génique en permettant l’introduction de gènes actifs dans des équivalents tissulaires in vitro et l’implantation de ceux-ci au niveau des sites anatomiques adéquats. On soulignera enfin qu’elles présentent l’avantage non négligeable de ne soulever aucun problème éthique puisqu’elles font exclusivement appel à des cellules adultes qui ne se heurtent pas, de ce point de vue, aux mêmes objections que les cellules embryonnaires.

    2. La greffe de cellules allogéniques

    Les voies thérapeutiques actuellement explorées par les chercheurs qui expérimentent ce type de greffe sur l’animal et sur l’homme visent, pour l’essentiel, deux objectifs :

        · fournir une alternative à la transplantation d’organes pour le traitement des affections hépatiques graves et du diabète. Outre le problème habituel que pose la pénurie de donneurs, les greffes de foie et de pancréas constituent des procédures chirurgicales lourdes qui exposent le patient à des suites parfois émaillées de complications et dont le taux de réussite est, de ce fait, assez faible dans les conditions actuelles. On peut redouter, d’autre part, les effets pathogènes induits par l’administration prolongée d’un traitement immunosuppresseur ;

        · soigner de façon plus efficace des affections neurodégénératives (maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson, sclérose en plaques, chorée de Huntington) qui ne font actuellement l’objet que de traitements palliatifs et dont la fréquence s’accroît avec le vieillissement de la population.

    Les cellules utilisées proviennent selon les cas de résidus opératoires, de donneurs décédés accidentellement ou de fœtus après IVG. On renverra, pour les problèmes juridiques que posent ces différents types de prélèvements, aux observations énoncées dans notre rapport sur l’application de la loi du 29 juillet 1994.

      2.1. La greffe de cellules adultes

    Les recherches en cours concernent les cellules du foie (hépatocytes) et les cellules du pancréas (îlots de Langerhans).

      2.1.1. Les cellules du foie (hépatocytes)

    Les hépatocytes sont des cellules du parenchyme hépatique à fonctions multiples (transformation, synthèse, détoxication, production de bile). La recherche sur ces cellules a pris un tournant décisif lorsqu’ont été mises au point des méthodes d’isolement et de purification par digestion enzymatique de l’organe entier par la collagénase. Après de nombreuses étapes préliminaires qui ont analysé le fonctionnement et le métabolisme de ces cellules, on a pu mettre au point des modèles de culture et de stockage.

    A l’heure actuelle, les hépatocytes sont essentiellement obtenus par le biais de déchets opératoires, à l’occasion d’interventions chirurgicales pratiquées pour le traitement de pathologies tumorales. Dans cette hypothèse, l’ablation pratiquée est assez large pour permettre de récupérer une partie du parenchyme non affectée par la tumeur et d’en extraire les cellules hépatiques. Toutefois, la proximité de ces cellules avec une tumeur les rend impropres à un usage clinique. Pour la recherche fondamentale, elles sont imparfaites puisque les patients ont souvent reçu de nombreux médicaments qui modifient l’expression des gènes régulant les fonctions hépatocytaires 36.

    Les prélèvements post-mortem constituent, en revanche, une source d’approvisionnement qualitativement satisfaisante mais se heurtent à des difficultés liées au régime de consentement établi par la loi du 29 juillet 1994 37.

    A Rennes, deux unités INSERM (U 522 « Recherches hépatologiques » et U 456 « Détoxication et réparation tissulaire ») travaillent actuellement sur les hépatocytes. Dans le cadre de la thérapie cellulaire, deux programmes de recherche pré-clinique sont en cours de réalisation.

        - Le premier concerne la mise au point d’un foie bioartificiel qui pourrait être fonctionnel et disponible à tout moment pour faire face, en urgence, à la menace vitale des insuffisances hépatiques aiguës, telles que l’hépatite fulminante. L’organe artificiel constitue ainsi une suppléance hépatique transitoire et extracorporelle. Le maintien en survie du patient laisse à son foie le délai nécessaire pour une régénération spontanée et permet de faire l’économie d’une transplantation d’organe.

        Le bon fonctionnement de ce dispositif implique que soient satisfaites plusieurs conditions : maintien de la viabilité des hépatocytes durant plusieurs heures, voire plusieurs jours ; bon fonctionnement général de ces cellules ; mise à disposition, à tout moment, du foie bioartificiel, ce qui oblige à congeler les hépatocytes du donneur.

        Le système mis au point à Rennes est fondé sur l’immobilisation d’hépatocytes (d’origine humaine ou porcine) dans des billes d’alginate 38, composé naturel extrait des algues marines. Les billes sont congelées dans de l’azote liquide et disposées, pour leur utilisation, dans un bioréacteur extracorporel couplé à un séparateur plasmatique. Les premiers résultats obtenus à partir de cellules animales sont très encourageants : l’ensemble des fonctions hépatiques analysées, notamment celles de détoxication et de synthèse protéique, sont restaurées, et la protection immunologique des hépatocytes est totale.

        - L’autre axe de recherche concerne la transplantation d’hépatocytes pour remédier aux déficits enzymatiques congénitaux d’origine hépatocytaire et traiter, en urgence, l’hépatite fulminante.

        Sur ce dernier point, on peut faire état des recherches menées par Alexandre MIGNON et plusieurs de ses collègues de l’unité INSERM U 129 (physiologie et pathologie génétiques et moléculaires) dirigée par Axel KAHN. Les expériences menées par cette équipe procèdent des constatations suivantes : lors d’une infection touchant les cellules hépatiques, les lymphocytes T affluent dans le foie et libèrent une molécule – le ligand de Fas – qui se fixe indistinctement sur tous les hépatocytes, sains ou infectés, et conduit à leur autodestruction (apoptose). Des cellules génétiquement modifiées, produisant la protéine Bcl2, qui est un bouclier contre l’apoptose, ont été greffées sur des souris chez qui l’administration d’un anticorps imitant le ligand de Fas a déclenché l’autodestruction des hépatocytes d’origine. A l’issue de l’expérience, le foie des animaux greffés contenait, dans le meilleur des cas, 16 % d’hépatocytes modifiés fonctionnels.

        La transposition de cette méthode à l’homme présuppose que soit démontrée l’innocuité à long terme des hépatocytes ainsi modifiés. Si tel était le cas, on pourrait envisager le prélèvement des cellules sur le malade lui-même et leur modification in vitro avant réimplantation afin d’éviter les risques de rejet et les traitements immunosuppresseurs.

        Si la faisabilité et la fiabilité du procédé étaient confirmées, d’autres adjonctions transgéniques pourraient être envisagées, comme l’introduction du gène codant une molécule qui découpe les ARN messagers du virus de l’hépatite C et bloque ainsi la synthèse de nouvelles particules virales. La transgenèse pourrait également être utilisée pour compenser un déficit génétique : une recherche pré-clinique est en cours sur l’animal avec le gène du facteur VIII et le gène codant les récepteurs du cholestérol, dont l’absence provoque, dans le premier cas l’hémophilie, dans le second une hypercholestérolémie.

      2.1.2. Les cellules pancréatiques (îlots de Langerhans)

    Les îlots de Langerhans sont des structures grossièrement sphériques composées d’un bon millier de cellules dont la majorité, les cellules ß, sécrètent de l’insuline. Ces cellules endocrines représentent 2 % de la masse totale du pancréas.

    Leur obtention passe par le prélèvement de l’organe sur un donneur en état de mort cérébrale. Après séparation des autres tissus constitutifs du pancréas et purification, ces cellules sont injectées, sous anesthésie locale, dans la veine porte du foie. Les îlots vont ainsi se disperser dans le flux sanguin hépatique et s’implanter dans le foie. Au terme d’un délai qui peut aller de quelques jours à quelques semaines, ils se remettent à fonctionner et sécrètent de l’insuline en fonction des taux de sucre dans le sang.

    Cette méthode présente plusieurs avantages :

        · la procédure thérapeutique elle-même est simple et peu agressive ;

        · les îlots peuvent être congelés pour être stockés ou expédiés, ce qui facilite considérablement l’organisation de la greffe ;

        · enfin, il est théoriquement envisageable de manipuler les îlots en éprouvette afin de réduire les risques de rejet.

    De telles greffes ne sont concevables pour l’instant que sur des diabétiques soumis, par ailleurs, à un traitement immunosuppresseur parce qu’ils attendent une transplantation rénale ou en ont déjà bénéficié.

    Les résultats sont encourageants : selon l’expérience allemande qui s’appuie sur la pratique la plus développée, cette thérapie cellulaire permet d’obtenir dans 20 % des cas une indépendance totale vis-à-vis de l’insuline, dans 70 % une amélioration notable se traduisant par une réduction majeure des doses, sans sevrage complet 39.

    Les perspectives qui s’ouvrent à l’heure actuelle aux chercheurs sont bien identifiées grâce, notamment, à l’Association américaine des diabétiques qui finance cette recherche à même hauteur que les NIH (National Institutes of Health), le but affiché étant de guérir le diabète dans les dix ans à venir. Les plus grands groupes de recherche américains s’intéressant à cette maladie, assurés d’un financement récurrent, se sont lancés dans une bataille qui était jusqu’ici menée par des équipes plus restreintes.

    Deux objectifs ont été définis :

        - Le premier est de parvenir à se passer de l’immunosuppression afin de pouvoir proposer cette technique à tous les diabétiques. Avec des cellules qui présentent la particularité d’être disponibles quelques jours, voire quelques semaines, avant d’être greffées – ce qui n’est pas le cas des organes – de nombreuses solutions théoriques sont possibles.

        L’une d’entre elles, envisagée de longue date, consiste à encapsuler les îlots dans un dispositif synthétique (polymère biocompatible), qu’il s’agisse de microcapsules ou de fibres creuses, arrêtant les cellules immunitaires mais laissant diffuser l’insuline et le glucose. Des résultats intéressants ont été obtenus chez le rongeur : à l’INSERM U 341 (Hôtel-Dieu de Paris), des îlots de porcs encapsulés greffés dans le péritoine de souris diabétiques ont corrigé leur glycémie pendant plusieurs semaines, sans traitement immunosuppresseur. L’expérience reste à confirmer chez le gros animal.

        - Le second objectif est de développer une source alternative de cellules insulino-sécrétrices, quasiment illimitée et éventuellement accessible à un projet industriel 40.

        La xénogreffe, solution théorique initialement avancée, a subi, pour ce qui concerne les îlots de Langerhans, un sérieux coup d’arrêt en raison de problèmes infectieux qui, dans le cas du diabète, maladie létale, revêtent une particulière gravité.

        La source principale est offerte par l’embryologie à partir de cellules souches. Des cellules souches endothéliales ont été caractérisées chez le rongeur adulte et, plus récemment, chez l’homme. On peut sous certaines conditions, pathologiques chez l’homme, expérimentales chez l’animal, réinduire leur différenciation. Des cellules souches canalaires pancréatiques peuvent ainsi conduire à la création de cellules endocrines pancréatiques. Ceci ouvre la porte sur deux voies principales :

        · la néoformation in vitro, à base de cellules souches adultes, de lignées continues qui se développent de façon illimitée et pourraient être, soit allogéniques, soit autologues. Cette solution paraît réalisable dans les dix années qui viennent ;

        · la création de lignées continues de génie génétique à partir de cellules hépatiques ou musculaires. Elle pose, sur le plan scientifique, un problème conceptuel important : s’il est tout à fait possible de faire sécréter de l’insuline par une cellule hépatique ou musculaire humaine, cette sécrétion doit être très finement régulée par le glucose, faute de quoi elle expose à un risque important d’hypoglycémie. Or, les systèmes utilisés par la cellule ß pancréatique naturelle pour réguler sa production d’insuline sont complexes et l’on ne dispose pas actuellement des outils permettant de réguler artificiellement cette sécrétion.

      2.2. La greffe de cellules fœtales

    L’utilisation de cellules fœtales à des fins thérapeutiques présente de nombreux avantages : encore peu différenciées, elles possèdent une grande capacité de multiplication et peuvent, grâce à leur immaturité, transgresser les barrières d’incompatibilité plus aisément que les cellules adultes, y compris d’une espèce à une autre. Ainsi a-t-on pu développer, à partir de souris affectées de déficits immunitaires sur lesquelles sont greffées des cellules fœtales humaines, des modèles permettant de tester des médicaments, notamment contre le SIDA 41.

    Se pose, en revanche, le problème de leur obtention en quantité suffisante, sachant que plusieurs fœtus sont, par exemple, nécessaires pour le traitement, à partir de cellules neuronales, d’un patient atteint de la maladie de Parkinson. Or, cette obtention passe nécessairement par une interruption thérapeutique ou – le plus souvent – volontaire de grossesse. Afin d’éviter tout abus visant à adapter l’offre à la demande, ces pratiques ont été encadrées par deux avis du Comité consultatif national d’éthique, en date des 22 mai 1984 et 13 décembre 1990, qui tendent notamment à garantir une stricte séparation entre la décision de recourir à une interruption de grossesse et l’acte de prélèvement d’organe ou de tissus. Le législateur pourrait être amené à s’en inspirer pour remédier au silence actuel des textes 42. Dans ce contexte à juste titre restrictif, les praticiens seront tentés de s’orienter, comme ils commencent déjà à le faire de façon expérimentale, vers des xénogreffes d’origine porcine si celles-ci confirment leur faisabilité et leur innocuité.

      2.2.1. Les cellules souches hématopoïétiques (cellules de foie fœtal)

        - Le professeur Jean-Louis TOURAINE a expérimenté à Lyon, depuis une quinzaine d’années, la greffe de cellules souches hématopoïétiques pour le traitement, chez les nourrissons et les enfants, des déficits immunitaires congénitaux, des maladies sanguines et de quelques erreurs innées du métabolisme. Les indications sont voisines de celle de la greffe de moelle osseuse mais l’avantage de cette technique est de pouvoir s’affranchir des exigences de compatibilité. Ce traitement vise notamment les « enfants bulles », privés de système immunitaire. On parle indistinctement, en l’espèce, de prélèvements embryonnaires ou fœtaux parce qu’ils sont effectués entre la huitième et la douzième semaine suivant la fécondation alors qu’on place la frontière, nécessairement floue, entre l’embryon et le fœtus à la huitième semaine de grossesse.

        Ces cellules ont fait la preuve de leur efficacité avec, cependant, un taux d’échec de 30 % qui tenait à deux causes principales :

        · la survenue d’infections avant que le traitement ne soit devenu opérant ;

        · la manifestation de phénomènes de rejet 43.

        A partir de 1988, on a donc décidé, après expérimentation animale, d’appliquer le traitement dès le stade fœtal, immédiatement après le diagnostic prénatal, pour parer à des réactions de rejet. Cette méthode a très sensiblement amélioré les résultats 44.

        - Le professeur François FORESTIER vient, de son côté, de lancer un projet de recherche très voisin qui associe l’Université Paris IX et le CHU de Lausanne, après accord du comité d’éthique de cet établissement.

        Ce projet s’appuie sur le fait qu’il existe, dans la nature, des chimérismes, c’est-à-dire des situations dans lesquelles des individus peuvent vivre en symbiose avec des cellules ne provenant pas de leur organisme. L’objectif est de traiter des maladies fœtales, notamment monogéniques, qui sont actuellement incurables et auxquelles la transplantation ne peut apporter qu’une réponse très imparfaite.

        L’expérimentation fait appel à des foies fœtaux prélevés après avortement entre 12 et 14 semaines de grossesse. L’accord de la mère, sollicité après la décision d’interruption de grossesse, est totalement indépendant de cette décision. Le don est rigoureusement anonyme et exclusif de toute rémunération comme de toute association de la donatrice aux résultats futurs de la recherche.

        L’intérêt que présentent ces cellules de foie fœtal tient au fait :

        · qu’entre 12 et 14 semaines de développement du fœtus, elles sont immunologiquement neutres et ne suscitent donc pas de phénomènes de rejet ;

        · qu’à ce stade, elles sont multipotentes et peuvent, sous l’influence de facteurs de croissance, conduire à une différenciation contrôlée en globules rouges, globules blancs, plaquettes, cellules musculaires, cellules osseuses.

        Elles ont, par ailleurs, une très grande capacité de prolifération, leur nombre s’accroissant d’un million au bout de 90 à 120 jours. Un seul foie permettrait ainsi d’offrir une transplantation de moelle osseuse à 150 receveurs 45.

        Une banque de 27 foies fœtaux congelés a pu ainsi être constituée à partir de 52 organes prélevés, cet écart s’expliquant par le délai variable et non contrôlable qui sépare l’interruption de grossesse du prélèvement.

        Deux contrôles de séroconversion sont pratiqués sur la mère, l’un le jour du prélèvement, l’autre trois mois plus tard. La phase thérapeutique entamée après ce second contrôle consistera dans l’injection de ces cellules, par voie péritonéale, à des fœtus atteints de déficits immunitaires sévères, constatés par un diagnostic prénatal effectué à 10 semaines. L’injection sera effectuée entre la douzième et la treizième semaine de grossesse. Une prise de sang fœtal permettra de contrôler l’expression du chimérisme conduisant à la création d’une molécule particulière. L’appréciation du résultat sera communiquée aux parents, à qui reviendra la décision d’une éventuelle interruption de grossesse 46.

      2.2.2. Les neurones fœtaux

    La transplantation de cellules neuronales d’origine fœtale pour le traitement de la maladie de Parkinson a été inaugurée en Suède à partir de 1989 et s’est développée ensuite aux Etats-Unis, en France et en Belgique. Elle a été pratiquée, les premiers temps, de façon unilatérale (c’est-à-dire sur un seul hémisphère cérébral), sur des patients sévèrement atteints et présentant les principales complications de la maladie (fluctuations motrices et dyskinésies).

    La première greffe française a été réalisée, en juin 1991, à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil par l’équipe du professeur Pierre CESARO. Depuis cette date, 25 interventions portant sur les deux hémisphères cérébraux ont été pratiquées sur 13 malades parkinsoniens.

    Ces essais cliniques font appel à des neurones prélevés sur des embryons 47 issus d’IVG, de 8 à 10 semaines post-gestation, et dont les cellules du système nerveux central sont en cours de différenciation. Conformément au protocole établi en 1990 par le CCNE, l’accord de la mère sur un prélèvement éventuel à des fins scientifiques ou médicales est recueilli, sous forme écrite, par les obstétriciens et non par les neurologues. Une information plus précise sur l’utilisation des prélèvements peut être fournie sur demande de la patiente mais elle n’est, dans les faits, que très rarement sollicitée.

    Selon la procédure la plus couramment utilisée, le tissu contenant environ 3 millions de neurones est implanté en trois endroits du putamen, le principal noyau cérébral affecté par la déficience en dopamine, dans chaque hémisphère cérébral. Les points d’implantation sont contrôlés par repérage radiologique. Le cerveau étant considéré comme immuno-protégé, la pratique française s’est orientée vers un traitement immunosuppresseur réduit qui n’a pas suscité de phénomènes de rejet.

    La survie et le développement des neurones dopaminergiques greffés sont évalués annuellement grâce à des techniques d’imagerie cérébrale : la tomographie par émission de positons (TEP) ou l’imagerie par résonance magnétique (IRM).

    L’évolution des patients est suivie selon un protocole international, le CAPIT (core assessment program for intracerebral transplantation).

    Selon le bilan présenté par le professeur Gilles DEFER 48, on a pu noter, après une greffe bilatérale, une amélioration qui peut être chiffrée de 30 à 40 % dans la majorité des cas et qui se traduit par une réduction des périodes de blocage, une amélioration des capacités motrices et une modification des dyskinésies. Les critiques fondées sur l’effet placebo ont été abandonnées face à l’homogénéité des résultats cliniques. D’autre part, l’autopsie de patients décédés a mis en évidence les effets positifs et persistants des greffes. « Dans tous les cas », note de son côté Philippe HANTRAYE (service hospitalier Frédéric-Joliot, Orsay), « la transplantation a permis de réduire les doses du traitement médicamenteux par la L-Dopa et d’éliminer ses effets secondaires .» 49

    La plus récente étude clinique américaine, « randomisée » avec groupe contrôle et réalisée sur fonds fédéraux par les équipes de Curt FREED (Université de Denver, Colorado) et de Stanley FAHN (Columbia-Presbyterian Medical Center, New York) a été communiquée en avril 1999 par le National Institute of Neurological Disorders and Stroke. Elle a été effectuée en double aveugle avec un groupe placebo sur un échantillon de 40 individus. Un an après, plus de la moitié des transplantés présentait une augmentation significative de la production de dopamine mais la durée et la persistance de cet effet restent à préciser. D’autre part, seules les personnes traitées de moins de 60 ans, soit 9 patients, ont connu une amélioration significative de leur état. « L’ancienneté et la sévérité de la maladie influent incontestablement sur l’efficacité du traitement. »  (Pr. DEFER)

    Plus récemment 50, une équipe britannico-suédoise a rapporté les résultats obtenus sur un des 17 patients traités, qui avait fait l’objet en 1989 d’une greffe unilatérale. L’administration de L-Dopa a pu être interrompue au bout de 32 mois et le traitement immunosuppresseur suspendu après 64 mois. Six ans plus tard, une dose réduite de L-Dopa a dû être réadministrée pour soigner les symptômes provenant de l’hémisphère cérébral non greffé. Cette expérience a permis de constater sur une période de dix ans le maintien en activité des neurones implantés et une innervation normale du striatum par ces derniers alors que cette innervation a disparu dans la partie non traitée. Ces données confirment l’intérêt de la greffe de neurones fœtaux mais ne sauraient conduire à sous-estimer la longueur du chemin que l’expérimentation clinique doit encore parcourir en ce domaine.

    Un débat existe d’ailleurs en France sur les mérites comparés de la stimulation électrique et de la transplantation cellulaire pour le traitement du Parkinson. Un programme européen du réseau NECTAR (network of european CNS transplantation and regeneration), coordonné par le professeur DEFER et le docteur LEVIVIER (hôpital Erasmus, Bruxelles), vise à mettre au point un protocole d’évaluation standardisée, destiné à tous les types de chirurgie du Parkinson (greffe neuronale, stimulation électrique et pallidectomie 51). Il doit être complété cette année par l’ouverture d’une banque de données européenne localisée à Bruxelles qui tiendra un registre des patients opérés, quel que soit le type d’intervention pratiquée.

    Pour parer à la faible disponibilité, déjà évoquée, des cellules neuronales d’origine humaine, des expériences à base de cellules animales ont été mises en œuvre. Aux Etats-Unis, la société Genzyme Tissue Repair a développé des cellules provenant de fœtus de porcs non transgéniques ; des essais cliniques de phase 1 sont en cours sur 24 sujets atteints, pour une moitié, de la maladie de Parkinson, pour l’autre, de la chorée de Huntington. Ces patients sont placés, de façon permanente, sous cyclosporine. En Europe, un réseau rassemblant la France, la Grande-Bretagne, la Suède, le Danemark et l’Allemagne se prépare à la xénogreffe dans les trois années à venir, après expérimentation sur le primate, en la soumettant à des précautions pré et postopératoires plus strictes que celles qui s’appliquent aux Etats-Unis. L’objectif est d’améliorer notamment les traitements immunosuppresseurs.

    A l’hôpital de Nantes, l’équipe de Philippe BRACHET (INSERM U 437, Immuno-intervention dans les allo et xénotransplantations) expérimente, dans des transplantations porc-rat, la modification par transgenèse des neurones greffés pour qu’ils sécrètent des cytokines anti-inflammatoires et immunosuppressives de sorte qu’ils inactivent, une fois implantés dans le cerveau, le peu de système immunitaire dont il est doté, rendant inutile l’administration de cyclosporine. Ainsi pourrait-on parvenir à terme à un porc transgénique dont les neurones survivraient chez l’homme 52.

    A partir de 1996, une étude expérimentale et clinique a été conduite à Créteil par Pierre CESARO, Jean-Paul N’GUYEN et Marc PESCHANSKI pour le traitement, par greffe de neurones fœtaux, de la chorée de Huntington. Cette maladie neurodégénérative d’origine génétique frappe des adultes jeunes ; troubles moteurs et démence précèdent une issue fatale en dix à vingt ans. Des travaux antérieurs, menés sur un modèle animal partiel de la maladie ne présentant que des troubles moteurs, par des équipes de l’INSERM associées au CNRS et au CEA, avaient montré que l’on peut obtenir une certaine correction de ces troubles par une greffe de neurones fœtaux dans la région du striatum. Une série de cinq patients a fait l’objet, après avis favorable du CCNE, d’implantations bilatérales en deux périodes (juin 1996-décembre 1997, janvier 1998-octobre 1998). L’évaluation finale est en cours.

    On signalera enfin que l’équipe du docteur Marc PESCHANSKI 53 expérimente, depuis avril 1998, une technique de thérapie génique déjà validée chez les primates : elle consiste dans l’administration d’un facteur de protection des neurones par implantation de cellules génétiquement modifiées et encapsulées dans un polymère, afin d’éviter les réactions immunitaires. Ce procédé a permis d’utiliser, dans un premier temps, des cellules de hamster. Compte tenu des restrictions qui prévalent actuellement en matière de xénogreffes, l’expérimentation se poursuit maintenant avec des fibroblastes humains (cellules du tissu conjonctif). Les résultats semblent positifs en termes de tolérance et de faisabilité. Le docteur PESCHANSKI souligne à ce propos le caractère artificiel, au regard de sa pratique scientifique, de la distinction entre thérapie cellulaire et thérapie génique puisque les cellules génétiquement modifiées pourraient être conduites à jouer simultanément un rôle de substitution et un rôle neuroprotecteur. 54

    III – Les perspectives ouvertes par les cellules souches

    Dans la réflexion très prospective qui se développe sur ce point depuis trois ans, on met généralement au premier plan les progrès thérapeutiques décisifs qui sont attendus des cellules souches embryonnaires et l’intérêt que présenterait leur obtention par clonage pour résoudre le problème de l’incompatibilité immunologique.

    Si prometteuses que soient ces perspectives, elles ne sont pas exclusives d’une recherche parallèle sur les possibilités offertes par les cellules souches adultes dont on commence à entrevoir le fort potentiel régénératif et, pour certaines d’entre elles, la très grande plasticité.

    Pour éclairer l’analyse des différentes voies qui s’ouvrent aujourd’hui aux chercheurs, il est nécessaire, au préalable, de définir les cellules souches et de présenter la classification qui peut en être faite à partir de leurs capacités respectives.

    1. Définition et typologie des cellules souches

    Reprenant ici les indications fournies par le professeur Charles THIBAULT 55, on définira les cellules souches comme des cellules indifférenciées dont les fonctions consistent, d’une part à s’autorenouveler pour maintenir un pool permanent de ce type de cellules, d’autre part à fournir, à la demande, des cellules différenciées telles que les globules rouges, les globules blancs, les hépatocytes ou les cellules musculaires. Ces dernières sont, quant à elles, fonctionnellement spécialisées, morphologiquement très typées et dotées, pour la plupart, d’une longévité limitée (24 heures pour les globules blancs, 120 jours pour les globules rouges).

    On distingue quatre catégories de cellules souches qui sont, dans l’ordre décroissant de leurs capacités :

        · Les cellules souches totipotentes : elles peuvent seules conduire au développement d’un être humain. Il s’agit de l’œuf fécondé et des cellules de l’embryon dans les quatre premiers jours de sa croissance (morula de 2 à 8 cellules). C’est donc à ce stade, comme on l’a vu précédemment, que l’on peut pratiquer le clonage reproductif par scission embryonnaire.

        · Les cellules souches pluripotentes : elles ont vocation à former tous les tissus de l’organisme mais ne peuvent à elles seules aboutir à la création d’un individu complet. Elles proviennent en effet de la masse cellulaire interne du blastocyste (au stade de 40 cellules) alors que le placenta qui nourrit l’embryon et le protège de tout rejet par le système immunitaire est produit par la couche cellulaire externe (ou trophectoderme). Selon James THOMSON, elles ne peuvent être utilisées pour le clonage reproductif, à la différence des cellules somatiques adultes 56.

        · Les cellules souches multipotentes : présentes dans l’organisme adulte, elles sont à l’origine de plusieurs types de cellules différenciées. Les plus anciennement connues sont les cellules souches hématopoïétiques présentes dans la moelle osseuse qui peuvent donner tous les types de cellules sanguines mais aussi, on l’a constaté récemment, des cellules d’un autre lignage comme la cellule ovale du foie.

        · Les cellules souches unipotentes : elles ne donnent qu’un seul type de cellules différenciées (peau, foie, muqueuse intestinale, testicule). Certains organes, tels que le cœur et le pancréas, ne renferment pas de cellules souches et n’ont donc aucune possibilité de régénération en cas de lésion.

    2. Les cellules souches pluripotentes : des perspectives prometteuses encore grevées de larges incertitudes

    On présentera ici, au préalable, une remarque d’ordre terminologique. La dénomination de cellules « pluripotentes » qui se réfère à leurs capacités de diversification paraît devoir être préférée à celle de cellules « embryonnaires » qui renvoie à leur origine. Cette seconde appellation est trop réductrice puisque la source de ces cellules peut être également germinale. Elle risque d’autre part d’induire en erreur sur leur finalité puisqu’elles ne peuvent, comme on l’a déjà indiqué, reconstituer un embryon ni, a fortiori, un individu complet.

      2.1. Les ressources attendues des cellules souches pluripotentes

    Comme l’a expliqué le professeur John GEARHART 57, ces cellules comportent trois propriétés qu’aucun autre type de cellule ne possède :

        - elles sont capables de se répliquer indéfiniment en culture tout en conservant, dans des conditions appropriées, leur caractère indifférencié et pluripotent ;

        - elles sont normales du point de vue génétique et ne présentent ni mutations, ni anomalies chromosomiques ;

        - elles peuvent, en culture de laboratoire, se différencier en plus de 200 types de tissus (cellules nerveuses, sanguines, de cartilage, etc.).

    Elles présentent un intérêt immédiat pour la recherche et offrent, à terme, des applications thérapeutiques de très grande ampleur.

      2.1.1. Un intérêt immédiat pour la recherche

    Un tel matériau constitue un sujet d’étude fondamental pour le biologiste dont l’un des objectifs est de comprendre comment une cellule peut avoir des potentialités multiples et les exprimer dans certaines conditions.

    Ces cellules permettent de reconstituer certaines étapes très précoces du développement embryonnaire que l’on connaît actuellement fort mal chez l’homme. On l’imagine par inférence de ce que l’on observe chez l’animal mais il y a vraisemblablement des différences importantes : au niveau moléculaire, notamment, aucune étude n’a pu être faite sur l’embryon humain à son tout premier stade de développement. Les extrapolations à partir du modèle animal ne sont pas toujours fiables et l’on peut rappeler à ce propos l’exemple de la thalidomide qui n’avait pas été testée sur l’espèce humaine 58.

    John GEARHART, qui a travaillé pendant 25 ans sur la pathogenèse du syndrome de Down lié à la trisomie 21, souligne de son côté l’intérêt de telles lignées cellulaires pour étudier le processus de développement biologique dès sa phase initiale et discerner ainsi jusqu’où remontent les défauts qui sont à l’origine de la trisomie 1.

    Autre point d’intérêt pour la connaissance fondamentale, ces cellules pluripotentes, par certaines de leurs caractéristiques (vitesse de division, réactions biochimiques, expressions de gènes), s’apparentent de près à des cellules précancéreuses. Elles constituent donc, par leur état instable, un modèle intéressant qui permet d’aborder une situation dans laquelle une cellule peut basculer vers l’état cancéreux. Le fait de disposer de telles cellules chez l’homme permettrait d’affiner des études aujourd’hui impossibles puisqu’on ne peut induire artificiellement des développements de cancers comme on le fait chez l’animal 59.

    Plus largement, cette voie de recherche va de pair avec la recherche génomique : des cellules souches permettront de tester l’hypothèse que tel facteur dérivé du programme « Génome humain » peut effectivement assurer l’expansion de la cellule souche, son maintien en survie et son orientation vers la différenciation dans tel ou tel lignage. La conjonction de la biologie cellulaire et de la connaissance des gènes qui contrôlent véritablement la différenciation ouvre un champ très novateur à la recherche et à la thérapeutique.

    La recherche sur les cellules souches pluripotentes humaines peut en outre induire des changements importants dans le mode de développement des médicaments et permettre de tester ceux-ci de façon saine et sûre. Ainsi, plutôt que de mesurer l’éventuelle toxicité d’une molécule pharmaceutique à partir d’un modèle animal complexe, on pourra, avec des cellules souches, réaliser cette évaluation médicamenteuse sur des variétés cellulaires beaucoup plus nombreuses. Un criblage efficace pourra donc être opéré avant de poursuivre les tests chez l’animal entier puis chez l’homme.

      2.1.2. Les applications thérapeutiques à plus long terme

    Nous avons évoqué précédemment les difficultés auxquelles se heurtent les chercheurs pour disposer, en quantité suffisante, de cellules d’origine fœtale pour développer l’expérimentation clinique. En l’état actuel de la pratique, observe John GEARHART, « le problème qui se pose à nous est que le matériel n’est pas renouvelable. Dans les essais cliniques sur les infections de la moelle épinière, on peut utiliser sept ou huit tissus embryonnaires pour une seule moelle épinière. S’il existait une source renouvelable de cellules souches que l’on pouvait appliquer aux êtres humains, il ne serait pas nécessaire de se reporter constamment aux tissus fœtaux pour ces thérapeutiques. » 60

    L’intérêt des cellules souches pluripotentes est précisément de mettre à la disposition des praticiens une source illimitée de tissus ou de cellules spécifiques et d’élargir considérablement le champ des interventions de la thérapie cellulaire : traitement des maladies d’Alzheimer et de Parkinson, des traumatismes de la moelle osseuse, des crises cardiaques ou cérébrales, des brûlures, du diabète, de l’ostéoarthrite et de l’arthrite rhumatoïde. On citera quelques-unes des expérimentations récentes à partir de modèles animaux qu’a présentées le professeur GEARHART :

        · La transplantation de cellules musculaires cardiaques saines fournit de nouvelles options thérapeutiques aux patients atteints de maladies chroniques, dont le cœur ne peut plus jouer de façon adéquate son rôle de pompe. La transplantation sur des souris de cellules musculaires cardiaques développées à partir de cellules souches pluripotentes a permis de constater que ces cellules étaient capables de coloniser avec succès le tissu cardiaque en créant une population cellulaire de novo et de travailler en collaboration avec les cellules hôtes.

        · Des essais cliniques sont actuellement menés sur les commotions cérébrales dues, pour la plupart, à l’hypoxie (diminution de la teneur du sang en oxygène). Une cellule liée de manière très étroite à la cellule souche mais dérivée d’une tumeur a été introduite et greffée sur plusieurs patients qui avaient souffert de commotions cérébrales, sur la base d’études réalisées sur l’animal. Ces études ont démontré que les cellules souches réduisent l’hypoxie et les dommages causés au cerveau.

    Les cellules souches pourraient également contribuer au développement du génie tissulaire. Elles ont prouvé leur capacité à produire les quatre types de muscles cardiaques existants et pourraient donc être implantées sur le substrat tissulaire ou sur le muscle lisse des vaisseaux sanguins du cœur.

    Plusieurs types de thérapie génique, présentés par le professeur THIBAULT, sont, par ailleurs, envisageables à partir de ces types cellulaires.

        - La première s’appliquerait à des tissus ou organes anormaux par suite de la présence d’un gène muté, chez des individus jeunes ou adultes.

        A partir de cellules pluripotentes, différenciées en culture selon le type de tissu, il est possible d’envisager une thérapie génique, visant à introduire ces cellules normales dans des organes dont les cellules expriment une mutation handicapante ou létale. Une expérience menée sur le rat vient d’être publiée. Les cellules ont été cultivées en présence de deux facteurs de croissance capables de provoquer leur différenciation en oligodendrocytes fonctionnels (cellules du système nerveux produisant de la myéline). Introduites dans la moelle épinière et le cerveau de jeunes rats présentant un défaut de myélinisation, analogue à la maladie mortelle de Pelizaeus-Merzbacher, héréditaire chez l’homme, elles se sont multipliées, ont migré à partir du site d’injection et ont assuré une myélinisation de = 50 % des axones de ces rats. Mais cette myélinisation ne s’étend qu’autour du site d’injection des cellules, ce qui complique singulièrement leur utilisation.

        Des enfants à la naissance, ou mieux, des fœtus pourraient être traités par cette technique, à condition d’être capable de différencier les cellules et de s’assurer de leur diffusion dans tout le système nerveux.

        Pour résoudre le problème de l’histocompatibilité, il faudra soit disposer d’une large palette de cellules souches pour y puiser le type histocompatible, soit, peut-être, produire des cellules histocompatibles par transgenèse.

        - La seconde consisterait dans la correction, par thérapie génique somatique, d’une anomalie génique portée par les parents et transmise à l’œuf fécondé. L’objectif serait que l’enfant ne présente pas la maladie résultant de l’anomalie génique de ses parents. Pour ce faire, il conviendrait :

        · que soient obtenues des cellules ES issues de blastocystes du couple et qui seront corrigées par transgenèse ;

        · que ces cellules soient utilisées pour une thérapie génique embryonnaire, par injection dans une morula ou un blastocyste du couple, porteur de l’anomalie.

        L’enfant ne serait guéri que si les cellules corrigées pour le gène muté étaient présentes dans les tissus défaillants. Dans la grande majorité des cas, il restera porteur de l’anomalie génique dans sa lignée germinale et sera donc susceptible de la transmettre à sa descendance.

        - La troisième vise à corriger une anomalie génique par clonage intra-couple, c’est-à-dire à obtenir une guérison définitive par la voie du clonage : clonage à partir d’ovocytes de la femme par transfert de noyaux de cellule ES, corrigés et provenant d’un blastocyste du couple.

        Cette solution est la seule qui permette d’éliminer définitivement et à coup sûr l’anomalie génique, tout en créant un œuf reconstitué à partir des génomes des deux parents. Il s’agit à la fois d’un clonage et d’une thérapie germinale, mais à l’intérieur du couple. C’est dire que l’embryon ayant servi à produire les cellules ES ne sera pas sacrifié mais aura, au contraire, ses chances de conduire à la naissance d’un enfant indemne de l’anomalie.

    Le professeur THIBAULT considère qu’utilisée selon cette finalité, la thérapie germinale ne mérite pas la proscription qui la frappe aujourd’hui : « Loin de menacer la dignité de la personne humaine, comme on l’affirme de par le monde, elle constitue la voie de recherche qu’il faut choisir pour protéger notre espèce contre la diffusion de gènes défectueux, acte particulièrement dangereux quand la procréation est en cause, compte tenu des caractéristiques déjà défavorables de la fertilité humaine (fréquence élevée de spermes anormaux, défaut d’ovulation et ovaires polykystiques, mortalité embryonnaire très élevée, période de reproduction de la femme relativement courte par rapport à la durée de la vie. » 61

    Indépendamment des problèmes éthiques et juridiques qu’elles peuvent soulever, ces différentes perspectives thérapeutiques sont assurément exaltantes pour la recherche. Encore convient-il de ne pas sous-estimer l’ampleur des problèmes à résoudre, qu’il s’agisse du mode d’obtention des cellules souches pluripotentes, du contrôle de leur différenciation ou de l’élimination des risques auxquels leur usage peut éventuellement exposer les sujets traités.

      2.2. Les problèmes à résoudre

      2.2.1. L’obtention des cellules souches pluripotentes

    Dans les expériences rapportées par les équipes américaines qui ont réussi à les isoler et à les cultiver, les deux sources utilisées sont la masse cellulaire interne d’un embryon in vitro et les cellules germinales provenant de fragments d’ovaires et de testicules de fœtus.

    Pour surmonter l’obstacle de l’immunocompatibilité, une solution est théoriquement envisageable, qui consisterait à cultiver jusqu’au stade du blastocyste un embryon créé par clonage d’une cellule somatique du receveur et à y puiser les cellules souches destinées au traitement.

        2.2.1.1. L’obtention à partir d’embryons in vitro et de fœtus avortés

    En février 1998, James THOMSON et Jeffrey JONES (Université de Madison, Wisconsin) ont observé que des cellules humaines en culture provenant de la masse cellulaire d’un blastocyste ressemblaient aux cellules qu’ils avaient précédemment obtenues à partir d’un embryon de primate. Les cellules prélevées ont été cultivées sur une couche nourricière constituée de fibroblastes embryonnaires de souris irradiées. Après deux semaines de mise en culture, les cellules obtenues peuvent être dissociées et replacées sur une nouvelle couche nourricière. La répétition de cette opération permet de conserver ces cellules couches (« embryonic stem cells » ou cellules ES) à un stade indifférencié durant plusieurs mois.

    A partir de 14 blastocystes humains, les chercheurs sont ainsi parvenus à établir 5 lignées de cellules ES.

    Dans l’article publié par Science, le 6 novembre 1998, J. THOMSON a rapporté qu’une fois transplantées sous la peau d’une souris, ces cellules avaient formé divers tissus : épithélium intestinal, cartilage, os, muscles lisses et striés, épithélium neuronal (précurseur du système nerveux), ganglion embryonnaire, épithélium stratifié. Les structures ainsi obtenues étaient issues des trois couches d’un embryon de mammifère : l’ectoderme (couche externe), le mésoderme (couche intermédiaire) et l’endoderme (couche interne).

    L’expérience rapportée le 10 novembre 1998 62 par l’équipe de John GEARHART (Université Johns Hopkins, Baltimore) faisait état d’un résultat comparable à partir de cellules germinales primitives prélevées sur un fœtus après une fausse couche et développées en cellules pluripotentes après deux semaines de culture. John GEARHART a présenté des exemples de cellules nerveuses produites en laboratoire à partir de ces cellules souches (« embryonic germ cells » ou cellules EG).

    Ces deux types de cellules sont-ils strictement équivalents et, dans l’affirmative, pourquoi ne pas utiliser uniquement les cellules isolées sur le fœtus dont l’utilisation soulève moins d’objections éthiques que celle d’un embryon initialement inscrit dans un projet procréateur ? John GEARHART estime qu’il est trop tôt pour déterminer si les cellules ES et EG sont dotées des mêmes propriétés. « En pratique, dans nos travaux de laboratoire, les cellules germinales embryonnaires sont plus difficiles à manipuler et à cultiver que les autres. Mais c’est là toute la connaissance que nous avons actuellement sur le sujet. » 63 Pour le professeur THIBAULT, les cellules EG sont encore pluripotentes quand elles migrent dans l’embryon avant de peupler les glandes génitales mais leur potentialité semble plus limitée que celle des cellules ES car leur génome n’a pas subi l’empreinte, mécanisme qui rend fonctionnel l’allèle « mâle » ou l’allèle « femelle » d’un gène. 64

    A supposer que soit établie la parfaite équivalence de ces deux types de cellules en termes d’efficacité thérapeutique, c’est donc sur des considérations d’acceptabilité éthique que pourrait se fonder la préférence accordée à l’une ou l’autre source.

    S’agissant des cellules ES, la solution qui suscite de ce point de vue les critiques les moins vives consiste à utiliser, avec l’accord exprès de leurs géniteurs, les embryons surnuméraires après abandon du projet parental pour lequel ils avaient été conçus in vitro. Il existe aujourd’hui, en Europe et aux Etats-Unis 65, des centaines de milliers d’embryons abandonnés congelés dans l’azote liquide dont le nombre excéderait largement les besoins actuels de la recherche. C’est dire qu’aucune raison pratique ne justifie, au moins à l’heure actuelle, la création d’embryons par fécondation in vitro dans un but exclusif de recherche, cette solution soulevant par ailleurs, d’un point de vue éthique, des objections majeures.

    Le prélèvement de cellules EG sur des fœtus morts pose a priori moins de problèmes à condition qu’un strict encadrement des pratiques permette d’éviter que le don des tissus fœtaux n’influe sur la décision de recourir à une interruption de grossesse. La législation fédérale américaine – applicable, il convient de le souligner, aux seules greffes de tissus fœtaux financées sur fonds publics – a édicté sur ce point des règles très proches de celles qu’a mises en place le CCNE pour pallier les lacunes de la loi de 1994. Encore faut-il noter que plusieurs Etats américains (Arizona, Indiana, Nord et Sud-Dakota, Ohio, Oklahoma) interdisent toute recherche sur le fœtus quelle que soit la cause de son décès (avortement spontané, interruption thérapeutique ou volontaire de grossesse). Dans douze autres Etats, les fœtus peuvent être utilisés à condition qu’ils ne proviennent pas d’un avortement volontaire. Cependant, des difficultés pratiques se posent pour obtenir du tissu fœtal provenant d’avortements spontanés. C’est pourquoi la recherche américaine se tourne prioritairement vers des embryons issus de fécondation in vitro 66.

    L’efficacité thérapeutique des cellules souches pluripotentes suppose par ailleurs que soit surmonté le principal problème de la transplantation : le rejet du greffon par le receveur.

    Parmi les solutions envisageables, la plus efficace, d’un point de vue théorique, consisterait à créer un embryon par fusion d’une cellule somatique prélevée sur le receveur et d’un ovule énucléé. Cultivé jusqu’au stade blastocyste, il pourrait offrir des cellules souches pluripotentes génétiquement identiques aux cellules du malade. On retrouve là le clonage thérapeutique par transfert de noyau que nous avons présenté dans la première partie du rapport 67.

    Scientifiquement séduisante, cette méthode suscite quelques interrogations sur le plan éthique et demeure encore très hypothétique eu égard aux difficultés techniques qui restent à surmonter et aux risques médicaux dont elle peut être porteuse.

        2.2.1.2. L’obtention par clonage thérapeutique : obstacles techniques, objections éthiques et risques médicaux

        ¬ Les obstacles techniques

    L’expérimentation animale démontre, on l’a vu, le caractère aléatoire et le rendement aujourd’hui très faible du clonage par transfert du noyau pour la production d’un sujet viable. Il est vrai, d’une part, que cette technique est sans doute appelée à se perfectionner, d’autre part, que dans l’hypothèse où nous nous plaçons ici, l’objectif n’est pas de mener une grossesse à terme mais de créer un embryon dont le développement serait interrompu au bout de quelques jours. Néanmoins, le nombre d’ovules nécessaires pour parvenir à ce résultat multiplié par celui des bénéficiaires potentiels de la greffe sera tel que les seuls dons consentis par des femmes soumises à stimulation ovarienne dans le cadre d’une AMP ne permettraient pas de satisfaire les besoins thérapeutiques.

    Pour pallier cette offre insuffisante, le professeur WILMUT envisage la récupération de tissus ovariens à l’occasion d’ovariectomies pratiquées pour des raisons cliniques. « Le tissu ovarien contient des centaines d’ovules à différents stades de maturation. Il y a donc un potentiel important d’ovules disponibles mais des progrès techniques sont indispensables pour y avoir accès. » 68

    Une autre méthode, sujette à multiples controverses, consisterait à recourir à une source d’origine animale pour disposer, en très grand nombre, d’ovocytes receveurs. Sans qu’aucune publication scientifique soit venue cautionner la réussite de l’expérience, la société Advanced Cell Technology (Worcester, Massachusetts) a annoncé, le 12 novembre 1998, qu’elle était parvenue à créer un embryon en fusionnant le noyau d’une cellule somatique humaine et un ovule de vache énucléé. Cet embryon aurait été détruit au bout du douzième jour. Lors de son audition devant le Sénat américain, Michael WEST, président d’ACT, a fait valoir qu’un tel procédé, si sa faisabilité était confirmée, présenterait l’avantage de fournir une source abondante d’ovocytes, « acceptables sur le plan éthique et économique » pour le clonage thérapeutique, l’objectif étant de manipuler les cellules pour permettre leur différenciation et non de développer un embryon à des fins reproductives.

    De nombreux scientifiques expriment leur scepticisme face à cette annonce spectaculaire. Pour le professeur THIBAULT, l’expérience visant à fusionner un noyau humain et un ovocyte de bovin est « hérétique du point de vue du fonctionnement cellulaire : la température de l’ovocyte bovin est de 39°5, celle de l’ovocyte humain de 37°, et tout donne à penser que cette différence perturbe les mécanismes moléculaires, biochimiques et enzymologiques » 69. John GEARHART rappelle que chez les espèces animales, les gènes situés dans le noyau et les gènes situés dans le cytoplasme ont connu une évolution qui n’est pas seulement génétique mais cytoplasmique. « On sait, grâce à des études de laboratoire, que le noyau et le cytoplasme ne peuvent pas être échangés entre espèces. Lorsqu’ils le sont, le métabolisme ne peut pas se mettre en place. Il est donc difficile de concevoir qu’une expérience consistant à implanter des noyaux humains dans des ovocytes bovins puisse aboutir. » 70

    Répondant, le 20 novembre 1998, aux préoccupations exprimées à ce sujet par le président CLINTON, le docteur Harold SHAPIRO, président de la NBAC (commission nationale consultative de bioéthique), observait que les questions éthiques posées par cette expérience ne sont pas totalement nouvelles. Les scientifiques mènent déjà de façon courante des recherches combinant du matériel biologique d’origine humaine et animale qui ont conduit à des thérapies utiles telles que le facteur coagulant pour l’hémophilie, l’insuline, l’érythropoïétine et les valves cardiaques. « Associer des cellules humaines et des ovocytes animaux pourrait aboutir un jour à la maîtrise des réactions immunitaires sans avoir à créer des embryons humains ni à soumettre des patientes à des méthodes invasives et médicalement risquées pour obtenir des ovocytes humains. » Bien que la NBAC n’ait pas réabordé la question dans l’avis qu’elle a remis en juin 1999 au président américain à propos d’un financement fédéral de la recherche sur les cellules souches, l’opinion nuancée exprimée par Harold SHAPIRO donne à penser que la recherche publique ne se verra pas nécessairement opposer un veto catégorique pour développer de nouvelles expériences dans cette direction.

        ¬ Les objections d’ordre éthique

    Même s’il ne devait pas emprunter les voies aventureuses que nous venons d’évoquer, le clonage thérapeutique prête à discussion d’un point de vue éthique. Dans le rapport explicatif accompagnant le protocole additionnel à la Convention européenne de bioéthique qui condamne le clonage reproductif humain, une distinction est établie entre « le clonage de cellules en tant que technique, l’utilisation des cellules embryonnaires dans les techniques de clonage et le clonage d’être humains au moyen, par exemple, des techniques de division embryonnaire ou de transfert de noyau ». Le clonage reproductif est seul visé par le Protocole additionnel, le clonage thérapeutique devant être examiné dans le Protocole sur la protection de l’embryon. On voit ainsi que la séparation entre clonage reproductif condamné et clonage thérapeutique autorisé mérite d’être nuancée puisque ce dernier met en cause les finalités qui peuvent être assignées à l’utilisation des embryons.

    Selon Henri ATLAN, « la cellule totipotente produite [sans fécondation] par transfert de noyau n’est donc pas un embryon du point de vue de la façon par laquelle elle a été produite, bien que, dans certaines conditions, elle puisse avoir les propriétés d’un embryon au point de donner naissance à un individu adulte. […] Il est donc parfaitement cohérent de considérer, d’une part, un individu né par clonage comme une personne à part entière et d’interdire cette pratique pour cette raison ; et d’autre part, de ne pas considérer l’instrumentalisation thérapeutique d’une cellule totipotente produite par transfert de noyau comme une instrumentalisation de l’embryon. » 71 Nous citons cette argumentation subtile, non pour la faire nôtre, mais pour illustrer la difficulté que l’on rencontre pour tracer une frontière nette entre le licite et l’illicite.

    Les progrès de la science ne conduiront-ils pas à vider ce débat de son contenu ou, tout du moins, à en atténuer la vivacité en permettant de fabriquer des cellules pluripotentes sans faire appel à un embryon ? John GEARHART et Davor SOLTER envisagent une approche consistant à reprogrammer le noyau de cellules adultes à partir du cytoplasme de cellules pluripotentes. « De tels « cybrides » pourraient être obtenus grâce à la fusion du cytoplasme de cellules ES avec le noyau de cellules somatiques. Dans une expérience déjà ancienne, une équipe a transplanté le noyau de cellules du tissu conjonctif (des fibroblastes) dans le cytoplasme de cellules cancéreuses de foie, en culture. Les cybrides produisirent un gène hépatique spécifique mais il ne fut pas possible de déterminer le degré exact de la reprogrammation nucléaire. » 72 Pour J.B. GURDON et Alan COLMAN, il serait également concevable de congeler, à la naissance, un échantillon de cellules du cordon ombilical. Ce tissu est riche en cellules souches qui, après multiplication et différenciation, pourraient être utilisées à des fins thérapeutiques tout au long de la vie du donneur-receveur 73.

    Dans un avenir encore plus lointain dessiné par Ian WILMUT, les biologistes parviendront peut-être à mettre au point des méthodes pour fabriquer des cellules souches en les « dédifférenciant » directement sans avoir à passer par une étape intermédiaire 74.

    Cependant, quelles que soient les chances d’aboutissement des perspectives plus ou moins hypothétiques que nous venons de tracer, se pose dès à présent une interrogation fondamentale sur le déséquilibre avantage-risque auquel peut exposer la création de cellules pluripotentes à partir de cellules provenant du receveur lui-même.

        ¬ Les risques médicaux

    Commentant les constatations publiées par son équipe dans le Lancet du 1er mai 1999 sur les anomalies des bovins clonés, J.P. RENARD estimait que la technique du clonage somatique pourrait être à l’origine d’ « effets pathologiques durables ».

    Ces effets décelés après la naissance des sujets clonés ne pourraient-ils pas être en germe dans l’embryon et affecter la qualité des cellules qui le composent ? Que sait-on des facteurs épigénétiques qui seraient susceptibles de compromettre leur normalité ? L’activité télomérasique d’un embryon obtenu par clonage est-elle identique à celle d’un embryon résultant d’une procréation ? En l’état actuel des connaissances, ces questions demeurent sans réponse et justifient, pour le moins, la poursuite d’une recherche approfondie sur l’animal avant toute expérimentation sur l’homme.

    Certains chercheurs, tel Jacques SAMARUT, se déclarent défavorables au clonage thérapeutique qui présente, à leur point de vue, d’énormes risques : à partir du moment où l’on prélève un noyau sur une cellule déjà engagée dans une voie de différenciation, on ne peut être certain de l’intégrité de son patrimoine génétique. On sait que dans un tissu somatique, la proportion de cellules qui renferment des anomalies génétiques est très importante. On pourra détecter un réarrangement chromosomique mais non des anomalies ponctuelles et ce risque paraît trop élevé pour une utilisation thérapeutique.

    Eu égard, par ailleurs, au fait que la création d’un embryon pour chaque patient serait une solution extrêmement onéreuse, il peut paraître à tous points de vue préférable, pour résoudre les problèmes de compatibilité, de s’orienter vers les solutions déjà employées dans la transplantation d’organes qui visent à neutraliser, temporairement ou à long terme, le système immunitaire. Peut-être sera-t-il possible de reprogrammer génétiquement, de façon très ciblée, les cellules pluripotentes en y introduisant des éléments bien identifiés qui permettraient de les rendre compatibles ou de ne pas exprimer certains déterminants conduisant à leur rejet 75.

    La mise au point de telles techniques nécessitera sans doute un certain temps. La création de cellules véritablement universelles, adaptées à tous les types de receveurs, paraît, en tout état de cause, difficile car elle supposerait l’inhibition ou la modification d’un très grand nombre de gènes pour empêcher les cellules d’exprimer à leur surface les protéines indiquant au système immunitaire qu’elles ne font pas partie du « soi ». Cette solution est donc moins « performante » mais sans doute plus respectueuse du principe de précaution que le clonage par transfert de noyau, sauf à démontrer la parfaite innocuité de ce dernier.

      2.2.2. Le contrôle de la différenciation et la prévention des risques tumorigènes

        2.2.2.1. Le contrôle de la différenciation des cellules

    Pour mesurer la longueur du chemin que la recherche doit parcourir sur ce point avant que les promesses ne deviennent réalités, citons ici les questions encore non abordées que formulent D. SOLTER et J. GEARHART dans leur article précité :

        - Peut-on contraindre des cellules souches pluripotentes à se différencier d’une manière déterminée ?

        - Peut-on amener toutes les cellules d’une culture à se développer dans cette direction ?

        - Quels sont les types cellulaires intermédiaires ?

        - Quels marqueurs et quelles méthodes peuvent être employés pour sélectionner le modèle désiré ?

    L’essentiel de ce que l’on sait aujourd’hui en ce domaine est issu d’études menées à partir de 1981 aux Etats-Unis sur des cellules souches d’embryons de souris. Gerard BAIN et David GOTTLIEB (Université de médecine de Washington) ont ainsi montré que des cellules souches de souris se différenciaient en neurones quand on les traite par de l’acide rétinoïque (un dérivé de la vitamine A). De même, au cours d’une autre expérience, des cellules souches transplantées dans le cerveau de souris adultes se sont différenciées en neurones mais on n’a pas encore vérifié si elles fonctionnent comme des neurones et l’on ignore quel est le facteur de croissance qui stimule cette différenciation chez la souris 76.

    Serge ALONSO (Institut de biologie du développement de Marseille) souligne que la différenciation chez la souris demeure encore très chaotique. « Au mieux, on obtient entre 20 et 30 % de neurones après différenciation de cellules ES et on ne parvient que difficilement à identifier les différentes sous-populations neuronales qui conduisent à des types de neurones particuliers. » 77 Les chercheurs doivent déterminer des marqueurs cellulaires différents et les combiner entre eux pour parvenir à cette identification. Dans le cerveau, ce problème atteint un niveau de complexité très élevé.

    Ajoutons, pour tempérer une fois encore les excès d’enthousiasme, que, comme l’indique John GEARHART, on ignore pour l’instant si les cellules ES humaines ont le même degré de pluripotence que celles de la souris. D’autre part, leur capacité à élaborer des organes complexes en culture reste complètement inexplorée. « Les organes résultent d’interactions entre des tissus embryonnaires provenant de deux couches distinctes : les poumons, par exemple, se forment lorsque des cellules issues du mésoderme interagissent avec des cellules de l’endoderme qui donnent le tube digestif. L’interaction stimule ces cellules endodermiques qui se ramifient en prolongements, lesquels deviendront les poumons. Pour construire des organes, on devra apprendre à commander les interactions des cellules souches pluripotentes. La difficulté est redoutable mais quelques embryologistes étudient le problème. » 78

        2.2.2.2. La prévention des risques tumorigènes

    Le potentiel oncogène des cellules souches pluripotentes est lié à cette très forte capacité de développement dans laquelle réside par ailleurs leur intérêt thérapeutique. Lorsqu’on les introduit dans les tissus d’une souris adulte, elles forment, en se multipliant, des tératomes (amas de cellules indifférenciées et différenciées en cellules musculaires, nerveuses, épidermiques) ou des tératocarcinomes (tumeurs malignes développées à partir d’un tissu épithélial).

    On ne sait rien aujourd’hui du nombre minimal de cellules nécessaires pour qu’une tumeur se forme, ni du temps nécessaire pour qu’elle se développe. Les expériences sur les souris ne fournissent pas de réponse à ces questions parce qu’elles ne représentent pas, en raison de leur vie trop brève, un modèle adéquat 79. L’utilisation chez l’homme ne pourra se faire qu’après différenciation en un type cellulaire précis. Quelle que soit la méthode employée pour séparer les cellules indifférenciées de leurs descendantes différenciées et non cancérigènes, on devra donc acquérir la certitude que cette séparation a été parfaite.

    Si un ou plusieurs gènes pouvaient être introduits pour limiter le nombre de divisions que les cellules peuvent subir avant leur différenciation finale (stade où elles ne peuvent plus se diviser), elles seraient incapables de proliférer sans contrôle. Ce mécanisme de sécurité, appelé « gène suicide », va être expérimenté sur des souris et des rats mais également sur des singes 80. Une autre solution, évoquée par J.B. GURDON et A. COLMAN, consisterait à réduire la longueur des télomères pendant la culture in vitro.

    La prévention des risques implique des tests sur les cellules mises en culture afin de vérifier qu’elles ne sont pas susceptibles de transmettre des maladies. John GEARHART reconnaît qu’il s’agit là d’un problème important et complexe. La réglementation américaine interdit toute enquête sur le donneur et on ne connaît pas toujours l’historique des patients à partir desquels les cellules sont obtenues. De son côté, le professeur ANDREWS observe qu’il n’est pas possible, aux Etats-Unis, de pratiquer un nombre illimité de tests sur chaque cellule, en raison des problèmes de financement du service de santé.

    Le panorama que nous venons de dresser comporte encore de larges zones d’ombre. Beaucoup d’incertitudes devront être levées et beaucoup de problèmes résolus avant que les virtualités thérapeutiques des cellules souches pluripotentes ne deviennent réalité. L'attitude très prudente des scientifiques que nous avons entendus contraste sensiblement avec les effets d’annonce qui font naître dans le public des espoirs prématurés. Il paraît, d’autre part, de plus en plus évident que d’autres voies s’ouvrent aujourd’hui à la recherche compte tenu des ressources offertes par les cellules souches multipotentes, présentes dans l’organisme adulte.

    3. Les cellules souches adultes : de nouvelles perspectives pour la thérapie cellulaire

    L’existence de cellules souches dans l’organisme adulte, capables de se multiplier presque indéfiniment et d’engendrer non seulement des copies conformes mais aussi différents types cellulaires, est connue de longue date. Les unes (peau, foie, intestin…) sont unipotentes et n’assurent donc le renouvellement que d’un seul type de cellules différenciées. D’autres sont multipotentes : ainsi les cellules souches de la moelle osseuse peuvent-elles former des cellules souches plus spécialisées (chondrocytes cartilagineux) et des cellules complètement différenciées (globules rouges, plaquettes et divers types de globules blancs). Nous avons précédemment décrit l’usage qui en est fait pour le traitement des maladies sanguines et des déficits immunitaires 81.

    Les avancées récentes de la recherche fondées sur l’expérimentation animale laissent entrevoir la possibilité de progrès médicaux décisifs à partir de ces cellules souches adultes. Deux types de découvertes peuvent être ici mentionnées :

        - la présence de cellules souches, jusqu’ici ignorées, dans le système nerveux central ;

        - la capacité de transdifférenciation possédée par les cellules souches neuronales, hématopoïétiques et mésenchymateuses.

      3.1. La découverte de cellules souches neuronales

    Le cerveau de l’homme adulte compense parfois certaines lésions par de nouvelles connexions entre les neurones épargnés. Toutefois, on pensait jusqu’à une date récente qu’il ne se « réparait pas » faute de cellules souches neuronales pouvant assurer la régénération.

    Les premiers doutes ont émergé en 1997 avec la constatation d’une neurogenèse chez des petits rongeurs et des primates. Mais la méthode d’observation, impliquant la destruction du cerveau des animaux étudiés, n’était évidemment pas transposable à l’homme.

    La découverte de cellules souches neuronales humaines rapportée en novembre 1998 par Fred GAGE (Institut Salk, La Jolla, Californie) et Peter ERIKSSON (Université de Göteborg, Suède) est partie de l’observation de tissus cérébraux prélevés sur des patients décédés qui avaient reçu, dans le cadre d’un traitement anticancéreux, une substance radioactive destinée à mesurer la vitesse de croissance des tumeurs. L’analyse de l’hippocampe de ces sujets (zone cérébrale essentielle pour la mémoire et pour l’apprentissage) a révélé la présence de neurones porteurs de ce marqueur, qui avaient donc été produits, vraisemblablement par prolifération et différenciation de cellules souches, après l’administration de la substance 82. Cette observation a pu être faite chez cinq personnes décédées entre 16 et 781 jours après l’injection du produit radioactif.

    Les travaux ont été repris sur les rongeurs à la suite de cette découverte. Les recherches précédentes avaient révélé que de nouveaux neurones apparaissaient tout au long de la vie des animaux dans l’hippocampe et dans les zones cérébrales du système olfactif. Des cellules souches sont également présentes dans certaines zones du cerveau telles que le septum (qui participe aux émotions et à l’apprentissage), le striatum (qui intervient dans les activités motrices de précision) et la moelle épinière. Toutefois, dans les conditions normales, seules les cellules souches de l’hippocampe et du système olfactif semblent produire de nouveaux neurones.

    Les perspectives tracées par Fred GAGE et Gerd KEMPERMANN à partir de ces premières avancées sont évidemment très prometteuses. Elles impliquent au préalable l’isolation des gènes qui participent à la production de neurones et le décodage des réactions qui aboutissent à l’augmentation ou à la diminution de cette activité génique et, par conséquent, de la neurogenèse. Les biologistes disposeront alors des informations nécessaires au déclenchement de la régénération neuronale qui pourrait être obtenue par l’action combinée de la thérapie génique et de la greffe de cellules souches.

    « Avant d’atteindre ces objectifs, des décennies d’études soutenues s’imposeront, mais l’enjeu est considérable : nous avons la perspective de réparer des aires cérébrales où l’on sait que la neurogenèse a lieu et des aires où des cellules souches existent mais ne se divisent pas. On envisage ainsi de stimuler la migration des cellules souches vers des aires inhabituelles et leur différenciation en tel ou tel type de cellules nerveuses. Les nouvelles cellules ne reconstruiront pas des zones entières du cerveau et ne restitueront pas la mémoire perdue, mais elles pourraient par exemple fabriquer de la dopamine. » 83

    Des expériences de transplantation de cellules souches neuronales pour le traitement de la maladie de Parkinson et d’autres affections neurologiques sont en cours, tant aux Etats-Unis qu’en France, sur des modèles animaux.

        - Une étude réalisée par Evan SNYDER (Children’s Hospital de Boston) et financée par le National Institute of Neurological Disorders and Stroke a montré que des cellules souches neurales implantées dans le cerveau de souris privées de leur capacité à fabriquer de la myéline (substance qui entoure et protège les nerfs), ont migré et se sont transformées en oligodendrocytes capables de synthétiser cette protéine myélinique qui restaure la gaine protectrice des axones. La capacité de ces cellules souches à pallier une carence cellulaire précise a ainsi été démontrée. Reste à vérifier cette possibilité chez l’homme et la résistance des cellules transplantées à la maladie dégénérative 84.

        - L’équipe de Jacques MALLET (CNRS, hôpital de la Pitié-Salpêtrière) a utilisé des vecteurs adénoviraux pour modifier ex vivo des cellules souches neurales provenant de cerveaux d’embryons (cette méthode pouvant être ultérieurement expérimentée sur des cellules adultes). Ces vecteurs sont porteurs du gène codant la tyrosine hydroxylase, enzyme clé de la synthèse de dopamine, et d’un système de contrôle conditionnel de l’expression de ce gène, dépendant d’un antibiotique ajouté dans l’eau fournie aux rats. Une fois greffées, ces cellules produisent de la dopamine à l’arrêt de l’administration de l’antibiotique 85.

      3.2. La plasticité des cellules souches adultes

    Ces cellules peuvent-elles se comporter comme des cellules souches d’autres tissus que celui auquel elles appartiennent ? Plusieurs découvertes récentes semblent le confirmer.

        ¬ La transdifférenciation des cellules sanguines

    Des cellules de la lignée hématopoïétique d’une souris normale, injectées à des souris présentant une anomalie du gène de la dystrophine (myopathie de Duchenne), sont capables de se comporter comme des cellules musculaires restaurant partiellement l’expression de la dystrophine dans les muscles de cette souris 2.

    D’autre part, des cellules souches hématopoïétiques injectées à des rats dont le foie a été sévèrement détruit forment des cellules souches hépatiques (cellules ovales) puis des hépatocytes et des canaux biliaires. Leur transformation en cellules souches hépatiques est réelle, les marqueurs moléculaires utilisés ne laissant subsister aucun doute. Mais la participation de ces cellules souches hématopoïétiques est très faible, de 0,10 à 0,16 % 86.

    Les cellules souches mésenchymateuses, issues également de la moelle osseuse, sont susceptibles de se différencier sous forme de cellules de cartilage, d’os, de ligament, de tendon, de muscle ou de tissus adipeux 87. Cette découverte, soutenue par la société Osiris Therapeutics (Baltimore), ouvre la voie au traitement de l’ostéoarthrite, des muscles cardiaques endommagés par une congestion pulmonaire et de la moelle détruite par un traitement anticancéreux.

        ¬ La transdifférenciation des cellules nerveuses

    Une équipe italo-canadienne dirigée par le docteur Angelo VESCOVI (Institut national neurologique de Milan) a démontré que des cellules souches nerveuses d’origine murine, normalement commises à la création des trois types cellulaires présents dans le cerveau (neurones, astrocytes, oligodendrocytes), faisaient preuve d’une étonnante plasticité puisqu’elles pouvaient se transformer in vivo en précurseurs médullaires hématopoïétiques qui donnent naissance aux différentes lignées de cellules sanguines. L’expérience avait été réalisée sur des souris préalablement irradiées pour détruire leur moelle osseuse, siège des cellules souches hématopoïétiques. Un an après la greffe initiale, les nouvelles cellules se retrouvaient dans le sang des souris receveuses, ce qui confirmait bien la colonisation de la moelle osseuse par les cellules nerveuses injectées 88.

    La transdifférenciation cellulaire franchit ici un pas supplémentaire, comme l’a souligné Axel KAHN. « Une équipe italienne a récemment démontré que des cellules souches hématopoïétiques peuvent engendrer des cellules musculaires, mais les cellules sanguines et musculaires ont une même origine mésodermique. » Les travaux du docteur VESCOVI « suggèrent que les cellules souches appartenant au feuillet embryonnaire neuroectodermique, qui engendrent normalement les cellules nerveuses, peuvent également engendrer des cellules sanguines d’origine mésodermique. Si cela se confirmait, cela signifierait que la plasticité de reprogrammation du génome est beaucoup plus importante qu’on ne le croyait jusqu’alors. » 89

      3.3. Un intérêt thérapeutique qui justifie un élargissement du champ de la recherche sur les cellules souches

    Si les propriétés des cellules souches adultes mises récemment en évidence chez l’animal et, principalement, leur pouvoir élevé de transdifférenciation, sont transposables à l’homme, on perçoit aisément les importantes ressources qu’elles peuvent offrir à la thérapie cellulaire.

    Deux avantages doivent être soulignés :

        - prélevées sur l’organisme adulte, elles ne soulèvent, au plan éthique, aucune objection dès lors que seront respectées par ailleurs les règles générales touchant le recueil du consentement et l’évaluation du bénéfice-risque ;

        - si l’on parvient à isoler les cellules d’un patient puis à conduire in vitro leur division et leur spécialisation, on pourra pratiquer des greffes autologues permettant de résoudre les problèmes d’immunocompatibilité sans passer par le clonage thérapeutique, méthode dont nous avons pu souligner le caractère coûteux, complexe et controversé.

    Pour autant, on ne doit pas sous-estimer les limites importantes auxquelles se heurte pour l’instant l’utilisation des cellules souches adultes :

        · s’il est bien établi que ces cellules peuvent se multiplier en culture en conservant leur caractère propre, leur division n’est pas infinie, contrairement à celle des cellules souches embryonnaires, de sorte que leur développement en culture tissulaire est, lui-même, nécessairement limité 90 ;

        · elles n’ont pas été isolées dans tous les tissus du corps humain : ainsi n’a-t-on pas pu localiser des cellules souches cardiaques ou pancréatiques ;

        · l’utilisation de ces cellules en greffe autologue requiert au préalable qu’elles soient isolées et mises en culture en nombre suffisant pour obtenir les quantités nécessaires au traitement. En cas de trouble aigu nécessitant une intervention rapide, le délai risque d’être trop court pour parvenir à ce résultat ;

        · d’après les études menées sur les animaux, les cellules souches dérivées du système nerveux central n’ont pas le profil génétique des cellules souches « normales » observées au cours de l’embryogenèse. John GEARHART se déclare « préoccupé » par leur évolution après la greffe, certains résultats tendant à prouver qu’elles pourraient ne pas se différencier 91 ;

        · le recours à la greffe autologue pour le traitement des maladies génétiques peut poser problème si l’anomalie affecte les cellules souches destinées à la transplantation. La question peut d’ailleurs se poser dans des termes comparables pour le clonage thérapeutique par transfert de noyau d’une cellule somatique.

    Alors que la recherche fait ses premiers pas sur ce terrain, rien ne permet d’apprécier dans quelle mesure et dans quels délais la science peut apporter des solutions aux problèmes que nous venons d’énumérer mais il serait, pour les mêmes raisons et face à tant d’inconnues, de mauvaise méthode de privilégier une direction de recherche au détriment d’une autre. Dans le rapport déjà cité qu’elle a remis l’an dernier au président CLINTON, la Commission nationale consultative de bioéthique a estimé qu’« en raison des importantes différences biologiques qui séparent les cellules souches adultes et embryonnaires, cette source de cellules souches ne devrait pas être considérée comme une alternative à la recherche sur les cellules ES et EG ». Nous ne souscrivons pas à ce point de vue et pensons que ces deux voies doivent être explorées avec la même détermination. L’un des éminents scientifiques que nous avons entendus, américain de surcroît, ne professe pas une opinion opposée : « il n’existe pas tant une compétition entre cellules qu’une compétition entre chercheurs qui utilisent différentes sources de cellules. Elle permettra de déterminer les cellules qui se prêtent le mieux aux applications cliniques. Exclure l’une ou l’autre approche ne serait pas bénéfique à long terme. » 92

    Troisième partie :
    Enjeux économiques et débats juridico-scientifiques

    Un paysage fortement contrasté se dégage d’une comparaison entre la situation du monde anglo-saxon (Etats-Unis, Grande-Bretagne) et celle des principaux pays membres de l’Union européenne.

        · D’un côté, une recherche très dynamique, stimulée par d’alléchantes perspectives commerciales, se déploie avec le soutien conjoint de capitaux privés et publics, tandis qu’une réflexion teintée de pragmatisme sur l’assouplissement d’une réglementation déjà très libérale est en passe d’aboutir.

        · De l’autre, coexistent d’Etat à Etat des législations très diverses, marquées, majoritairement, par une orientation restrictive qui limite les avancées scientifiques. Cette hétérogénéité législative rend, en outre, malaisée l’édiction de règles communes au plan européen.

    Le Parlement ne pourra pas faire abstraction de cet environnement international lorsqu’il procédera à la révision de la loi de 1994 qui fit figure en son temps de législation pionnière. C’est la raison pour laquelle il nous paraît nécessaire d’y consacrer quelques développements avant d’analyser les termes dans lesquels se pose le débat pour le législateur français.

    I – La situation de la recherche dans le monde anglo-saxon

    1. Les stratégies commerciales anglo-américaines

    Nous avons déjà évoqué les investissements considérables que consacrent diverses entreprises nord-américaines à la recherche sur le clonage et la transgenèse pour la production de protéines thérapeutiques.

    Les progrès médicaux espérés de l’utilisation des cellules souches, éventuellement associée au clonage thérapeutique, suscite dépôts de brevets et alliances stratégiques entre les sociétés start-up qui se spécialisent dans ces techniques. Il faut dire que le marché de ces nouvelles thérapies cellulaires apparaît très porteur compte tenu du nombre des bénéficiaires potentiels. Selon l’OMS, 135 millions d’adultes étaient atteints du diabète en 1995, dont 33 millions en Europe et 31 millions sur le continent américain. Cette population devrait s’élever à 300 millions en 2025, dont 80 millions dans le Sud-Est asiatique. Les chiffres sont actuellement de 20 millions pour la maladie d’Alzheimer et 4 millions pour la maladie de Parkinson qui affecte, en Europe, 1,6 % des personnes âgées de plus de 65 ans. John GEARHART évalue à 128 millions les personnes souffrant, aux Etats-Unis, de maladies chroniques aiguës (diabète, maladie de Parkinson, hémiplégie, immunodéficience, arthrite, etc.) 93.

    Quels sont les profits escomptables ? Une prévision est difficile à faire compte tenu du stade de développement encore très précoce des thérapies cellulaires. Simon BEST, directeur de Geron Bio-Med, estime que la médecine régénératrice pourrait accroître de 25 % la valeur du marché mondial pharmaceutique d’ici 25 ans. « Le marché pharmaceutique mondial représente environ 250 milliards de dollars. Ce chiffre ne fait qu’augmenter. Pour les laboratoires comme le nôtre, l’opportunité commerciale de la médecine régénératrice pourrait représenter quelque 60 milliards de dollars au cours des vingt prochaines années. » 94

    Geron Corporation (Menlo Park, Californie) est le leader de la médecine régénératrice aux Etats-Unis. Spécialisée dans la lutte contre les maladies liées au vieillissement, elle a déposé un brevet couvrant les techniques de clonage des principaux composants de la télomérase. Cette enzyme, susceptible d’« immortaliser » les cellules, peut jouer un rôle déterminant dans le développement de la thérapie cellulaire, notamment pour la greffe de cellules adultes dont la longévité pourrait être ainsi durablement prolongée.

    Geron a financé les recherches sur les cellules souches embryonnaires et germinales menées par James THOMSON et John GEARHART, ainsi que celles que développe sur le même sujet Roger PEDERSEN à l’Université de San Francisco. Elle détient deux brevets et une licence exclusive sur l’isolation et la production en culture in vitro des cellules souches pluripotentes. Avant même que ne soit confirmée la faisabilité de leur transplantation chez l’homme, Geron envisage, en liaison avec des entreprises de génomique, d’autres applications qui visent à la production de protéines thérapeutiques favorisant la régénération des tissus.

    Geron a conclu un partenariat avec le Roslin Institute, pionnier, comme on l’a vu, du clonage par transfert de noyau, en rachetant la société écossaise Roslin Bio-Med, créée en 1998 par ce même institut avec des capitaux-risques pour développer, quand elles seront disponibles, les techniques de transgenèse ciblée chez le mouton et le porc. La nouvelle société, rebaptisée Geron Bio-Med, est désormais une filiale britannique de Geron.

    Pour financer ses travaux et, notamment, la recherche sur le clonage reproductif qui a abouti à la naissance de Dolly, le Roslin Institute s’est appuyé, selon une pratique désormais courante en Grande-Bretagne, sur des organismes publics (ministère de l’Agriculture, Office de la science et de la technologie) mais aussi et surtout sur une firme privée, PPL Therapeutics, qui espérait ainsi être la première à bénéficier des avancées du clonage d’animaux transgéniques pour la production de molécules pharmaceutiques. Dans le cadre du nouveau partenariat qu’il vient d’établir, l’institut bénéficiera en outre, sur six ans, d’un soutien de 12,5 millions de livres pour mener à bien des programmes de recherche fondamentale en coopération avec Geron. Le transfert de technologie est ici à double sens :

        - D’un côté, Geron apporte à Roslin son savoir-faire dans l’utilisation de la télomérase qui permettrait d’améliorer la production par clonage d’animaux transgéniques. Comme l’explique Simon BEST, directeur de Geron Bio-Med : « nous sommes limités à un nombre de modifications relativement réduit à chaque génération en utilisant des cellules avant qu’elles ne perdent leur totipotence. Avec la télomérase, en particulier, nous espérons avoir une fenêtre plus large qui nous permettra d’effectuer davantage de modifications en un moins grand nombre de générations. » 95

        - Dans l’autre sens, la recherche doit porter sur la nature du mécanisme qui permet au transfert nucléaire de faire « régresser » une cellule différenciée vers la totipotence, l’idéal étant de parvenir à reprogrammer cette cellule adulte sans avoir à passer par la création d’un embryon.

    Selon les termes de Simon BEST, « l’association de Roslin et de Geron permet d’atteindre un niveau d’excellence dans la recherche sans que cela ne coûte rien aux contribuables »96

    Le 19 janvier 2000, deux brevets ont été délivrés par l’Office britannique au Roslin Institute et aux deux organismes gouvernementaux qui soutiennent ses travaux (ministère de l’Agriculture et Biotechnology and Biological Sciences Research Council). Ils couvrent la technique du clonage par transfert de noyau de cellules quiescentes à l’exclusion du clonage humain reproductif. Ceci inclut la méthode de production d’animaux, de lignées de cellules souches embryonnaires et d’embryons humains au stade blastocyste ainsi que les animaux, embryons et cellules créés selon cette méthode.

    L’attribution de ces brevets valorise les licences exclusives dont bénéficient PPL Therapeutics (pour la production de protéines humaines à partir du lait de ruminants et de lapins) et Geron (pour toutes les autres applications).

    Le principal concurrent de Geron est Genzyme Corporation dont la filiale Genzyme Transgenics (Framingham, Massachusetts) a réussi à produire, comme nous l’avons déjà indiqué, un anticoagulant dans le lait de chèvres transgéniques.

    Genzyme Transgenics a conclu, en 1997, un accord avec Advanced Cell Technology (Worcester, Massachusetts) pour utiliser ses techniques de clonage en échange du paiement de 10 millions de dollars sur cinq ans. ACT a réussi le clonage des premiers veaux transgéniques, George et Charlie, et travaille sur la création de vaches transgéniques pour la production d’albumine. Cette société détient une licence exclusive de l’Université du Massachusetts. Elle a obtenu le 31 août 1999 de l’office américain un brevet couvrant « le clonage de tous les mammifères non humains à partir d’une cellule somatique adulte ou fœtale, pendant toutes les phases de croissance à l’exception de la quiescence ». Le Roslin Institute conteste, on le sait, l’originalité de cette méthode 97. Rappelons, d’autre part, qu’ACT prétend, sans l’avoir scientifiquement établi, être parvenue à créer un embryon par fusion d’une cellule somatique humaine et d’un ovocyte de bovin.

    Parmi les autres sociétés engagées dans cette compétition, on citera Osiris Therapeutics (Baltimore) qui travaille depuis 1993 sur le développement de produits thérapeutiques pour la régénération de tissus musculaires endommagés et a réussi récemment à isoler et à mettre en culture des cellules souches mésenchymateuses promises, semble-t-il, à un bel avenir 98. En juin 1997, Novartis, qui s’intéresse aux recherches d’Osiris pour le traitement des os et des cartilages, lui a apporté 10 millions de dollars de fonds propres et 3 millions de dollars de fonds de recherche, avec la possibilité de financements supplémentaires en fonction des résultats. Osiris a signé, en outre, en octobre 1998, un accord de coopération avec Genetica (Cold Spring Harbor, New York), spécialisée dans le clonage rapide des gènes.

    2. Les débats en cours sur un assouplissement de l’encadrement législatif et réglementaire

      2.1. Aux Etats-Unis : des fonds fédéraux peuvent-ils soutenir la recherche sur les cellules souches pluripotentes ?

      2.1.1. L’état actuel du droit

    Les dispositions législatives et réglementaires qui encadrent, aux Etats-Unis, la recherche sur les cellules souches pluripotentes d’origine embryonnaire ou fœtale sont d’une grande diversité qui tient, d’une part à la distinction qui y est faite entre recherche publique et recherche privée, d’autre part au partage de compétences entre le législateur fédéral et les Etats fédérés.

        - Au niveau fédéral, il n’existe aucune prohibition générale et absolue. La création d’embryons pour la recherche est autorisée à condition que la valeur de la recherche projetée soit indiscutable et qu’elle ne puisse être menée à bien autrement.

        En revanche, une loi de 1994 (« Omnibus Consolidated and Emergency Supplemental Appropriations Act ») interdit l’attribution de fonds fédéraux pour :

        · la création d’embryons humains pour la recherche ;

        · la recherche conduisant à la destruction d’embryons humains ou les exposant à des risques supérieurs à ceux qui sont légalement admis pour la recherche sur les fœtus in utero.

        L’embryon est défini comme tout « organisme » obtenu par fécondation, parthénogenèse, clonage ou tout autre moyen à partir d’un ou plusieurs gamètes humains ou de cellules diploïdes humaines.

        S’agissant du clonage humain, le président CLINTON a interdit, en mars 1997, l’apport de fonds fédéraux pour des expériences de cette nature mais le Sénat a repoussé en février 1998 une proposition d’origine républicaine interdisant définitivement toute forme de clonage humain.

        - Au niveau fédéré, la recherche sur l’embryon in vitro est interdite dans neuf Etats (Floride, Louisiane, Maine, Massachusetts, Michigan, Minnesota, Nord-Dakota, Pennsylvanie, Rhode Island). Par ailleurs, six Etats (Arizona, Indiana, Nord-Dakota, Ohio, Oklahoma, Sud-Dakota) proscrivent toute recherche sur des fœtus avortés.

      2.1.2. Vers un financement public de la recherche

    Le 19 janvier 1999, le professeur Harold VARMUS, alors directeur des NIH (National Institutes of Health), rendait public l’avis qu’il avait sollicité du DHHS (Department of Health and Human Services) sur la légalité d’une attribution de fonds fédéraux à la recherche utilisant des cellules pluripotentes. La réponse positive qui lui avait été fournie se fondait sur le fait que les cellules pluripotentes n’entraient pas dans la définition de l’embryon tel que défini par la loi en vigueur dès lors qu’elles n’avaient pas la capacité de développer un être humain. Le DHHS précisait en outre que les cellules pluripotentes dérivées de fœtus avortés étaient incluses dans la définition générale des tissus fœtaux humains et se trouvaient donc soumises, pour leur utilisation, aux règles édictées à l’échelon fédéral, qui concernent essentiellement les conditions de recueil du consentement.

    S’appuyant sur cet avis, le directeur des NIH a annoncé son intention de subventionner la recherche sur les cellules ES et EG. Avant toute décision effective, il convenait de consulter la commission nationale de bioéthique (NDAC) et le Congrès. Il fallait surtout mettre au point un guide de bonnes pratiques dont le respect conditionnerait l’attribution des fonds.

    En septembre 1999, la Commission nationale consultative de bioéthique a rendu public le rapport qui lui avait été demandé à ce sujet par le président CLINTON.

    La NBAC juge éthiquement acceptable l’attribution de fonds fédéraux pour l’obtention et l’utilisation de deux catégories de cellules pluripotentes :

        - les cellules EG dérivées de tissus fœtaux. Les règles en vigueur devraient être amendées pour établir clairement que les garanties éthiques qui entourent la transplantation de tissus fœtaux s’appliqueront également à l’obtention et à l’utilisation des cellules EG à des fins de recherche ;

        - les cellules ES provenant d’embryons surnuméraires conçus dans le cadre d’un traitement contre l’infertilité. Une exception devrait donc être apportée à la règle interdisant le financement public de la recherche sur l’embryon sous réserve de dispositions réglementaires précisant les conditions dans lesquelles s’effectuera la donation.

    La NBAC n’a pas cru devoir fixer deux régimes distincts pour l’obtention et l’utilisation des cellules EG, considérant que les procédés de dérivation de cellules étaient porteurs de riches enseignements scientifiques. Dès lors, la recherche publique doit également pouvoir en bénéficier.

    Il est par ailleurs proposé d’exclure tout financement public pour la recherche sur des cellules provenant d’embryons créés spécialement à cet effet par fécondation in vitro ou par clonage.

    Les propositions de directives (« guide lines ») élaborées par les NIH ont été rendues publiques le 2 décembre 1999. Suivant en cela l’avis de la NBAC, elles indiquent que les recherches ne seront possibles que sur des cellules d’embryons congelés provenant de centres de traitement de l’infertilité et non réimplantés pour de stricts motifs médicaux. Aucune pression ou rémunération visant à favoriser le don ne sera possible. Une séparation nette devra être établie entre l’équipe responsable du traitement contre l’infertilité et celle qui recueillera le consentement conduisant au don de l’embryon. Les demandes de financement seraient examinées par un comité spécifique (Human Pluripotent Stem Cells Review Group). Les recommandations énumèrent enfin les domaines dans lesquels aucun fond ne pourrait être accordé : utilisation des cellules pour la création d’un nouvel embryon, association à un embryon animal, clonage humain, transfert d’un noyau de cellule somatique dans un ovocyte humain ou animal.

    Ces propositions sont soumises au débat public pendant 60 jours et seront à la base des directives finales qui encadreront sur le plan éthique l’examen des demandes de financement.

    Au sein de l’opinion publique américaine, un débat oppose une coalition de patients potentiels dont les traitements dépendent du succès de ces recherches (American Parkinson’s Disease Association, Juveniles Diabete’s Foundation, Christopher Reeve Paralysis Foundation) aux groupes hostiles à l’avortement qui considèrent que ces expériences sont contraires aux principes de l’expérimentation humaine.

    En février 1999, 70 membres du Congrès s’étaient publiquement déclarés hostiles à la position défendue par Harold VARMUS et avaient demandé au gouvernement fédéral d’interdire tout financement public pour ce type de recherche. Ils ont suscité la réaction de 67 prix Nobel qui, dans une lettre publiée par Science le 19 mars 1999, ont apporté leur soutien aux propositions des NIH.

    Une loi sera-t-elle nécessaire pour la mise en œuvre éventuelle de ces financements publics ? Certains juristes américains observent que les dotations budgétaires dont dispose le ministère de la Santé autoriseraient les NIH à affecter des fonds aux chercheurs 99. En tout état de cause, comme le souligne le professeur Lori ANDREWS 100, la réglementation fédérale ne visera que l’utilisation de crédits fédéraux et laissera toute latitude aux Etats pour édicter, chacun en ce qui le concerne, la législation médicale qu’il juge la plus appropriée.

      2.2. Au Royaume-Uni : convient-il de légaliser le clonage humain à but thérapeutique ?

      2.2.1. Rappel du droit en vigueur

    La législation britannique, moins restrictive que la nôtre, procède du « Human Fertilization and Embryology Act » de 1990.

    Ce texte établit une distinction essentielle entre l’embryon, jusqu’au 14ème jour qui suit la fécondation, et le fœtus, au delà de cette limite 101.

    La recherche sur l’embryon ainsi défini est admise avec les finalités suivantes :

        - faire progresser les traitements de l’infertilité ;

        - accroître les connaissances sur les causes des maladies congénitales et des fausses couches ;

        - développer des techniques plus efficaces de contraception ;

        - élaborer des méthodes de détection des anomalies génétiques ou chromosomiques des embryons avant l’implantation.

    Il est par ailleurs interdit, aux termes de la loi :

        · de conserver in vitro ou d’utiliser un embryon après l’apparition de la gouttière primitive ou au delà du 14ème jour ;

        · de transférer un embryon dans l’organisme d’un animal ;

        · de substituer au noyau d’une cellule embryonnaire un noyau provenant d’une cellule d’une personne ou d’un autre embryon ;

        · d’altérer la structure génétique d’une cellule embryonnaire.

    La fabrication de cellules souches embryonnaires pour les motifs ci-dessus énumérés est licite. La HFEA a ainsi autorisé un certain nombre de recherches sur la génération de lignées de cellules ES pour examiner les facteurs affectant le développement d’embryons conçus et développés in vitro et pour évaluer leur potentiel de développement. Aucun agrément n’a été, en revanche, délivré pour des recherches portant sur le développement de la thérapie cellulaire et tissulaire.

      2.2.2. Les recommandations des experts et le sursis à statuer du Gouvernement

    Après une consultation publique de trois mois qui avait permis de recueillir l’avis d’organismes professionnels, d’associations religieuses et laïques mais aussi de simples citoyens, la « Human Genetics Advisory Commission » et la « Human Fertilization and Embryology Authority » ont suggéré quelques modifications au droit en vigueur dans un rapport remis au Gouvernement en décembre 1998.

    Ces deux instances mettaient en évidence les bénéfices que la science et la médecine pourraient tirer des applications du clonage à visée thérapeutique. Aussi proposaient-elles d’en autoriser la pratique contrôlée et d’étendre les objectifs de la recherche sur l’embryon au traitement des maladies mitochondriales et à la thérapie cellulaire et tissulaire. Tout en admettant d’autre part que les dispositions en vigueur renforcées par la ligne de conduite adoptée par la HFEA suffisaient à interdire le clonage humain reproductif, elles suggéraient d’en inscrire dans la loi la prohibition formelle.

    Dans les réponses qu’ils ont faites le 24 juin 1999 à ces propositions, les secrétaires d’Etat à la Santé et à la Science ont confirmé le caractère non éthique du clonage humain à visée reproductive et l’interdiction absolue de sa pratique au Royaume-Uni. Ils ont d’autre part demandé un délai de réflexion supplémentaire sur l’application de la technique du clonage à la production d’embryons comme sources de tissus humains de remplacement.

    Ils reconnaissent a priori les avantages potentiels des applications du clonage thérapeutique à la culture de cellules et de tissus immunologiquement compatibles, mais ils demandent que la nécessité d’une telle recherche soit démontrée de façon plus évidente : cela implique une évaluation précise des risques et bénéfices potentiels et une analyse au regard de toutes les techniques alternatives utilisables aux mêmes fins.

    Le professeur Liam DONALDSON, responsable des Affaires médicales, a été chargé de constituer et de présider un comité consultatif indépendant d’experts de tous bords, britanniques comme étrangers. Un délai d’un an lui a été donné pour remettre un rapport au Gouvernement et à la « Human Genetics Commission » récemment constituée.

    Il n’est donc pas question, dans l’immédiat, d’assouplir la loi en vigueur, qui interdit le clonage humain sous toutes ses formes, pour autoriser la recherche à partir d’embryons clonés de quelques jours en vue d’applications potentiellement bénéfiques à la médecine.

    On notera, pour conclure sur ce point, la situation très particulière de la Grande-Bretagne au regard du Protocole additionnel à la Convention européenne de biomédecine du 12 janvier 1998 qui a interdit le clonage humain. Dès lors, en effet, que la définition de l’être humain est laissée à l’appréciation de chaque pays, le Royaume-Uni pourrait, comme le souligne Jacques TESTART, « honorer la loi commune tout en produisant des clones expérimentaux qui seraient détruits après deux semaines, terme du « pré-embryon » et préparer dans les meilleures conditions l’application médicale du clonage » 102.

1  Jacques TESTART. Des hommes probables, Seuil, 1999, page 64.

2  Henri ATLAN. Le clonage humain (ouvrage collectif), Seuil, 1999, page 18.

3  Jean-Paul RENARD. « Clonage : les bases du débat », Revue de la CFDT, novembre 1998, page 4. Il est largement fait appel ici aux informations contenues dans cet article très clair et très complet.

4  Science, 14/01/2000.

5  J.P. RENARD. Op. cit., page 5.

6  Nature, 23/07/1998.

7  Science, 11/12/1998.

8  Nature Genetics, juin 1999.

9  Proceedings of the National Academy of Sciences, 06/01/2000.

10  Audition du 02/12/1999.

11  Ian WILMUT. « Le clonage des mammifères », Pour la Science, n° 256, février 1999.

12  Audition du 02/12/1999.

13  Revue de la CFDT, Op. cit., page 8.

14  Des hommes probables, Op. cit., page 67.

15  Les premières expériences de transfert de gènes ont été réalisées en 1981 sur des souris, aux Etats-Unis.

16  « Clonage et transgenèse : une association d’avenir », Biofutur, juin 1999, page 11.

17  A. PERRY et al., Science, 284, 1180, 1999.

18  Libération, 18/05/1999.

19  Un premier pas vient d’être franchi avec le clonage de veaux à partir de cellules maintenues en culture prolongée que nous avons précédemment évoqué. Il devient donc possible de combiner clonage animal et ciblage de gène, et ce aussi bien pour inactiver un gène donné (animaux « knock-out ») que pour introduire une séquence génétique particulière.

20  J.P. RENARD, Op. cit., page 14.

21  Op. cit., page 13.

22  Nature Biotechnology, mai 1999.

23  Biofutur n° 190, juin 1999.

24  Article L 209-18.3 du Code de la santé publique issu de la loi du 1er juillet 1998.

25  Science, 20/08/1999.

26  La Recherche n° 320, mai 1999.

27  Science, mai 1998.

28  Op. cit., pages 14-15.

29  L’aplasie médullaire est la réduction, dans la moelle osseuse, de l’une ou plusieurs des trois lignées sanguines.

30  Pr. Jean-Paul VERNANT, audition du 28/10/99.

31  La première greffe a été effectuée il y a une dizaine d’années par le professeur Eliane GLUCKMAN sur un jeune patient atteint de la maladie de Fanconi (anémie, due à une aplasie médullaire congénitale, évoluant vers la leucémie aiguë).

32  L’Usine Nouvelle. Réparer l’homme – Les espoirs et les enjeux, n° hors série, juin 1999.

33  Une telle opération de reconstruction s’inscrit dans cette forme nouvelle de médecine régénératrice que l’on dénomme génie tissulaire et à laquelle nous consacrons plus loin quelques développements.

34  Science et Vie n° 973, octobre 1998.

35  Science, cité par Courrier International n° 479 du 6-12 janvier 2000.

36  Pr. J.P. CAMPION, audition du 07/10/1999.

37  Cf., sur ce point, notre précédent rapport, pages 60 et suivantes.

38  Procédé mis au point par « Bioprédic International », entreprise « start-up » dont la création a été soutenue par l’INSERM.

39  Une expérience a été tentée récemment avec succès à Strasbourg, dans le service de diabétologie du professeur PINGET (Le Figaro du 23/11/1999).

40  Dr François PATTOU, audition du 10/11/1999.

41  Pr. Jean-Louis TOURAINE, audition du 21/10/1999.

42  Cf., sur ce point, notre précédent rapport, pages 57 et 58.

43  Le professeur VERNANT estime, pour sa part, que les greffes sur le petit enfant en haplo-identique à partir de moelle des parents donnent de meilleurs résultats que le foie fœtal, à condition de retirer tous les lymphocytes T du greffon (audition du 28/10/1999).

44  Pr. J.L. TOURAINE, audition du 21/10/1999.

45  Le foie est, au stade fœtal, un organe hématopoïétique majeur dont la nature est à la fois hépatique et médullaire.

46  Pr. FORESTIER, audition du 21/10/1999.

47  Sur la qualification embryonnaire ou fœtale des cellules utilisées, on renverra aux observations présentées page 34.

48  Audition du 30/09/1999.

49  Biofutur n° 190, juin 1999.

50  Nature Neuroscience, 22/11/1999.

51  Destruction du pallidum, formation grise interne du noyau lenticulaire du cerveau. L’opération est pratiquée aux Etats-Unis mais tend à être abandonnée en Europe.

52  Dr Philippe BRACHET, audition du 09/11/1999.

53  INSERM U 421, Neuroplasticité et thérapeutique, Faculté de médecine de Créteil.

54  Audition du 30/09/1999.

55  Audition du 02/12/1999.

56  Audition devant le Sénat américain du 02/12/1998.

57  Audition du 25/11/1999.

58  Jacques SAMARUT, audition du 09/12/1999.

59  J. SAMARUT, audition du 09/12/1999.

60  Audition du 25/11/1999.

61  Audition du 02/12/1999.

62  Proceedings of the National Academy of Sciences 95, 13726-13731.

63  Audition du 25/11/1999.

64  Audition du 02/12/1999.

65  A la différence de la législation française, la réglementation fédérale américaine exclut la destruction des embryons surnuméraires en quelque circonstance que ce soit.

66  Pr. Lori ANDREWS, audition du 25/11/1999.

67  Supra, page ???.

68  Ian WILMUT, audition du 25/11/1999.

69  Audition du 02/12/1999.

70  Audition du 25/11/1999.

71  Le clonage humain, Op. cit., page 37.

72  D. SOLTER et J. GEARHART, Science, 05/03/1999.

73  Nature n° 402, 16/12/1999.

74  Pour la Science, février 1999.

75  J. SAMARUT, audition du 09/12/1999.

76  Roger PEDERSEN, Pour la Science n° 260, juin 1999.

77  Science et Vie n° 981, juin 1999.

78  R. PEDERSEN, Op. cit.

79  D. SOLTER et J. GEARHART, Op. cit.

80  Ian WILMUT, audition du 25/11/1999.

81  Cf. supra, page ???.

82  Nature Medicine, vol. 4, n° 11, novembre 1998.

83  G. KEMPERMANN - F. GAGE. « La multiplication des neurones chez l’adulte », Pour la Science n° 261, juillet 1999.

84  Proceedings of the National Academy of Sciences, 08/06/1999.

85  GUSSONI et al., Nature 401, 390-394, 1999.

86  Bryan PETERSEN et al., Science 284, 1999.

87  PITTENGER et al., Science 284, 1999.

88  Science 283, 1999.

89  Le Monde, 23/01/1999.

90  James THOMSON, audition devant le Sénat américain du 02/12/1998.

91  Audition du 25/11/1999.

92  J. GEARHART, audition du 25/11/1999.

93  Audition du 25/11/1999.

94  Audition du 25/11/1999.

95  Biofutur n° 190, juin 1999.

96  Audition du 25/11/1999.

97  Cf. supra, page ???.

98  Cf. supra, page ???.

99  Miranda BIVEN. Journal of Law, Medicine and Ethics 27, n° 1 (1999).

100  Audition du 25/11/1999.

101  Dr Mc LAREN, audition du 25/11/1999.

102  Des hommes probables, Op. cit., page 179.